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1. Ou l'on constate la spécificité du mot ethnie: utilise par tous mais sans aucune consistance
scientifique
2. Mensonges et fantasmes au Nord, aliénation et confusion au Sud
3. Le point de vue de Kemet
i. Ou l'on constate la spécificité du mot ethnie: utilise par tous mais sans aucune consistance
scientifique
Ethnie, une arme de destruction massive a utiliser avec moult précautions. Nous l’allons comprendre
de suite :
Ce mot largement rendu péjoratif par ceux qui en commandent l’utilisation ne recouvre pas une
réalité immuable. En fonction de la géographie et des besoins politique, voire d’hégémonie une
adaptation en est faite en dehors de toute explication probante.
Terme apparu en 1896 dans la langue française1. Il dérive de l'un des quatre termes qui, en grec
ancien, servaient à désigner les groupes humains : γένος / genos signifiant « famille, clan, tribu »,
λάος / laos signifiant « peuple assemblé, foule », δέμος / démos signifiant « peuple du lieu,
citoyens » et ἔθνος / éthnos signifiant « gens de même origine ».
Les occidentaux, les français en particulier ne parlent d’ethnies que très récemment, à une époque
ou leur volonté d’hiérarchisation des êtres humains est à son paroxysme dans le cadre de leur projet
de domination mondiale (pour comprendre comment ils se définissaient eux mêmes les travaux d’un
certain George Vacher de Lapouge, anthropologue français, sont édifiants à ce sujet…) .
En plus selon que l’on soit ethnologue, sociologue, anthropologue voire même psychologue on
aborde la problématique de façon différente. Deux dimensions encadrent cette approche:
1. La dimension dite objective a conduit surtout les anthropologues (comme Paul Mercier) et
les historiens à l'analyser en tant que groupe à travers des critères objectifs tels que la
langue, la coutume, le lien d'ascendance et de descendance.
2. Par contre, la dimension dite subjective (l'approche de Max Weber 5) résulte des analyses
surtout des sociologues, politologues et psychologues qui saisissent le concept d'ethnie sous
l'angle d'identité comme un construit social. C'est de cette approche subjective que le
concept d'ethnicité est né pour saisir les interactions qui aboutissent au sentiment
d'appartenance au sein de groupe. L’ethnicité est un phénomène instrumental dans les
luttes sociales et politiques. Cette approche subjective de l'ethnie a permis l'émergence du
concept ethnicité lequel a généré également les concepts ethnocentrisme, ethnocide,
ethnisme... L'ethnie est un concept important de l'ethnologie, mais l'approche subjective le
rend souvent imprécis et malléable à souhait.
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Par extension, nous assistons dans les pays occidentaux, à une évolution du terme pour s’appliquer
à toute culture issue de l’immigration récente. En France, on parlera alors de commerce ethnique
entendu comme une déclinaison du marketing classique, mais qui tend ici à considérer les
différentes ethnies présentes au sein d’une même population, comme une cible spécifique. Dans ce
nouvel espace, l’africain est globalisé ; on ne cherchera plus à savoir s’il parle sérère, wolof, bambara
ou ewe. (Cet extrait de http://www.afrology.com/soc/ahadji_ethnies.html conforte notre
position.)
Poirier [Lire] rapporte que le mot Ethnologie paraît en 1787, sous la plume de Chavannes dans un
livre intitulé "Essai sur l'éducation intellectuelle" avec le projet d'une science nouvelle. L'auteur y
voyait une branche de l'histoire, celle de l'étude des étapes de l'homme en marche vers la
civilisation. L'évolutionnisme n'était pas encore né mais l'idée d'une progression voire du "progrès"
était bien présente. Mais, note Poirier, "très vite, ethnologie a pris une acception raciologique ...Ce
n'est que vers le début du XXe siècle que le mot prendra sa signification actuelle" et définitive. Mais
le concept n’a plus aucune chance d’évoluer , d'ailleurs qui le souhaite?
Au Sud, l’ethnie se définie par la communauté linguistique ; au nord par l’origine géographique…
quid du Breton
1ere conséquence :
Le mal était déjà fait, et bien ancré dans les habitudes. L’ethnologie et l’ethnographie sont des études
prétendument scientifiques dont l’objet reste la population sous-civilisée des continents africain, sud-
américain et indien. Fidèles à leurs habitudes, les victimes consentantes vont briller par leur
capacité d’assimilation du projet ethnologiste.
Dans tous les cas, il est de bon ton de dire que ceux et celles qui partagent la même langue*, la
même religion, des traditions et coutumes, voire un même vécu historique et des traits physiques
identiques sont de la même ethnie. Est-ce une vérité mathématique. Non car un seul contre
exemple suffit à l’invalider et des contre exemples il y en a
· Les tutsis et hutu au Rwanda se sont tapés dessus plus que de raison et les medias
dominants ont résumé l’essentiel de leur conflit en affrontements ethniques alors qu’ils
parlent tous la même langue (le kinyarwanda), partagent le même espace géographique les
mêmes traditions, le même vécu et ne diffèrent que par les taches à accomplir dans la
société, les uns étant plutôt cultivateurs et les autres chasseurs. En kinyarwanda il n'existe
pas de terme pour désigner l'ethnie. Les cartes d'identité "ethniques", instituées par le
colonisateur belge dans les années 1930, utilisent le mot ubwoko, qui désigne en fait le clan.
Ubwoko est traduit en français sur la carte d'identité par "ethnie". Mais les clans du Rwanda
sont composés de tutsi, de hutu, et de twa certains à majorité Hutu et d'autres Tutsi.
· L’exemple des rom en Europe est encore plus intéressant. Comme le dit Marcel Courthiade
(http://www.sivola.net/download/Peuples%20sans%20territoire%20compact.pdf) les Roms
en tant qu’ensemble n’ont ni langue commune - car les nombreuses variétés de Romani ne
sont parlées que par une partie d'entre eux, ni dénomination commune - les noms de
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En fait si on comprend que le mot « ethnie » (de même que celui de « tribu ») a acquis un usage
massif en langue française depuis le XIXe siècle, au détriment d'autres termes comme « nation »
parce qu'il s’agissait de classer ces sociétés à part, en leur déniant la cohésion d'une nation alors on
aura saisi la problématique réelle liée a ce mot.
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Durant la période coloniale, il convenait ainsi de définir les sociétés amérindiennes, africaines,
océaniennes et certaines sociétés asiatiques, voire balkaniques, comme « autres » et
« différentes », en les présentant comme des sociétés situées hors de « la » civilisation, le mot
« civilisation » ne désignant que l’aire culturelle de « l’Occident chrétien »9.
Voici toute l’origine réelle de nos problèmes actuels car comme le disait l’illustre Cheik Anta Diop, …
le mal que l’occupant nous a fait n’est pas encore guérit. L’aliénation culturelle fait partie intégrante
de notre être et quand on croit s’en être débarrassé on ne l’a pas encore fait totalement… »
Celle-ci est compromise car les élites dirigeantes en Afrique, sont très majoritairement aliénées au
modèle dominant, donc à la lecture de leurs sociétés produite par un modèle exogène. Ainsi elles
reprennent les préceptes coloniaux des dominants qui finissent par structurer leur pensée*, pas
seulement sur les plans sociologiques mais aussi sur les plans religieux, pire sur celui de l’édification
du modèle d’une société à construire.
Exemple édifiant : … le terme est souvent récupéré par les principaux concernés lorsqu'ils parlent de
leur propre communauté. Le plus récent exemple est la déclaration en mars 2010 de M. Kadhafi
pour qui le Nigeria est composé de plusieurs ethnies, notamment "le peuple du Yoruba à l'est et au
sud qui réclame l'indépendance, le peuple Ibo à l'ouest et au sud" [6], ainsi que les Ijaws [Lire]. En
faisant un rapide calcul, ce genre de délire nous amènerait à construire quelques 1100 Etats
"ethniques" en Afrique, ou 2011 si nous nous basons sur les différentes langues [Lire].
C’est même logique quand on y regarde de près puisque nos états supposes être indépendants sont
majoritairement d’émanation coloniale mais on peut s’étonner que même quand les dirigeants ont
eu de réelles marges de manœuvre comme Kadhafi une lecture erronée de l’Afrique demeure ( a la
décharge de ce dernier, il a finance la recherche sur réécriture de l’histoire africaine.)
2e conséquence.
Termes longtemps malmenés, récupérés, détournés, instrumentalisés, mais toujours d’une cruelle
actualité en Afrique, l’ethnie et la tribu semblent être une des clefs de compréhension de la débâcle
politique du continent. A supposer que l'on puisse scientifiquement définir ce mot, peut on dire
qu'un Africain est tribaliste ?
L’ethnie devient un concept utilisé soit pour masquer la lutte des classes, soit pour que les élites
« coloniales » appelées dirigeants africains se dédouanent de toute responsabilité dans leur échec à
bâtir le pays.
C’est ainsi que suivant les régions, suivant un certain nombre de paramètres, les préceptes coloniaux
font plus ou moins partie intégrante de la société. Sur le plan de l’éducation, la connaissance que les
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populations ont d’elles même s’en trouve faussée et l’enseignement falsifié sur lequel repose cette
connaissance n’est jamais remise en cause.
1 exemple : a-t-on déjà vu les conclusions du colloque du Caire datant de 1974 sur le caractère noir
africain de la civilisation égypto nubienne répercutées dans les programmes scolaires ?
De surcroit cette connaissance prend naissance chez les africanistes euro centriques, qui disent en
somme une langue=une ethnie. Voire par le prisme déformant de la réalité coloniale, un dialecte=
une ethnie.
Mais il y a encore un autre problème scientifique que ces affirmations sur la base de la langue
soulèvent.
La frontière entre langue et dialecte une fois de plus n’est pas universellement admise. Pour certains
une langue est un dialecte qui a acquis un statut prestigieux, comme la langue française envisagée
comme langue standard peut être considérée comme un dialecte de la langue d'oïl qui a pris le pas
sur les autres variantes. Les variantes dialectales d’une langue sont soit considérées comme des
dialectes, soit comme des langues en fonctions de la position des acteurs qui la pratique dans
l’échiquier du pouvoir. Plus on est proche du centre de décision plus on croit revendiquer une
langue. On peut dire qu’un dialecte est une langue qui a réussit (comme on dit qu’une religion est
une secte qui a réussit).
L’ethnie française serait alors les peuples de la France actuelle, une partie de la Belgique et de la
Suisse. Je vous laisse deviner les conséquences qui pourraient en découler si cette ethnie se décidait
à exister en tant que telle. En fait ca n’arrivera pas puisque la langue française en France est le
processus d’une action coloniale. D’ailleurs certains des peuples anciennement écrasés voyant leur
destruction totale programmée par le nouveau (et dernier ?) souffle du mondialisme revendiquent
une forme d’autonomie (basques, alsaciens, bretons, etc) qui passe par la reconnaissance de leur
langue (que les dominants locaux appelleront dialectes).
http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_groupes_ethniques_d%27Afrique
Vous constaterez que les « pygmées » sont une ethnie même si aucun peuple africain ne s’est jamais
appelé pygmée lui-même. Analysez aussi la colonne « groupe ethnique ». Qu’est ce qu’un bantou et
en quoi serait il différent d’un basotho en Afrique du sud ?
([1] Cheikh Anta Diop : l’Afrique Noire pré coloniale, Présence Africaine, Paris. 1960. et édition revue
de 1987
[2] Source : http://www.senegalaisement.com/senegal/ethnies.html )
S’inspirant alors de l’exemple sénégalais, Cheikh Anta Diop montra que dans l’Afrique précoloniale
et pré traite, la société était structurée en castes avec des catégories supérieures et des catégories
inférieures. La caste supérieure regroupait le souverain et les agriculteurs. La supériorité de cette
dernière provenait sans doute de ce que l’agriculture, dans le monde négro-africain, est considérée
comme une activité ancestrale et sacrée, souvent sujette à de longues initiations. La seconde
catégorie de caste est constituée des autres professions et corps de métiers : forgerons,
cordonniers, tisserands. Cette organisation reposait essentiellement sur l’hérédité des professions et
des classes. Voire le tableau ci-dessous.
L’exemple le plus évident est celui des populations nomades comme les Peuhls du Sénégal ; ils
restent peuhls quelle que soit la région d’appartenance ou de résidence.
Ainsi trouver qu'au Cameroun il y a 250 ethnies, au Togo, 50 ethnies et que sais je revient à parler de
paires de chaussettes lorsqu'on parle de pères de famille et vice versa. En fait vous l'aurez compris,
cela n'a aucun sens.
Cet arbre généalogique fait état de la généalogie des bassa du sud Cameroun ou l'on voit que ce que
nous considérons comme entité distinctes (ethnies) ne le sont pas. J'ai lu sur facebook qu'une fille
bassa et un garçon eton ont fait connaissance par le biais d'une amie commune en vue éventuelle
de se connecter pour la vie. Ils ont arrêté à temps leur progression lorsqu'ils ont appris qu'ils étaient
cousins. Heureusement ils n'avaient pas eu le temps de se connaitre...
D'ailleurs une langue comme le Bo (localisée sur la cote) est plus proche du Bassa (localise en gros
dans la foret) que le Duala (aussi sur la cote). Un Mbochi du Congo pourrait comprendre un Duala la
1ere fois qu'il l'entend. Ce genre d'expérience peut être racontée par des millions d'Africains. Les
migrations en Afrique ont séparé des groupes (Bassa la Mpasu au Congo, Bassar au Togo, Bassa au
Cameroun même souche?) et les frontières coloniales après les avoir arrêté ont fabriqué d'autres
références. En prendre conscience c'est bien, mais le traduire politiquement est une autre affaire
surtout que nous aurons fort à faire avec les nouvelles "ethnies".
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Epilogue
Il semble que l'explosion des sociétés africaines n'a pas totalement détruit l'idée de regroupements
mais sous quelles bases? Il semble que toutes les formes de réseaux ou regroupements existant dans
le monde trouvent toujours en Afrique une oreille attentive et sont toujours intégrées dans la
quotidienneté des africains de façon plus ou moins heureuse, actuellement plutôt moins heureuse a
y voir de plus près.
Toutes sortes de fraternité en Christ, toutes sortes de variantes de la chrétienté allant des
catholiques a ceux qui Protestent, les évangélistes, adventistes, les concurrents dans le marche de
l'ouaille que sont les mormons, les témoins de Jehova, les francs-maçons, les rosicruciens etc. sans
oublier parait il les satanistes et les homosexuels, l'ethnie en vogue dans nombre de nos
républiques. Il se dit que si certains doivent montrer patte blanche pour avoir un boulot décent, avec
les dernies cites il faut arriver a reculons pour avancer...
Tous ces groupes peuvent très bien être considérés comme étant les nouvelles ethnies de l’Afrique
Noire contemporaine.
Ces nouveaux groupes partagent une même vision du monde, une même langue ou pour le moins
un code sémantique commun. Certains ont même inventé de nouvelles langues, des cultes
nouveaux, quelques fois dans un savant mélange de plusieurs rencontres. A défaut de progrès
global, on assiste à un dynamisme relatif à l’intérieur de ces nouvelles structures.
Notre avenir passe par la sortie des concepts coloniaux de nos esprits, les 2 plus redoutables étant
l'intégration dans nos esprits de la notion d'ethnie et la privatisation improductive des divinités
d'autrui. Seul l'asservissement en est le résultat.
Que les colons divisent pour mieux régner peut se comprendre, mais que des générations d'élites,
politiques, intellectuels et autres s'accrochent à ces chimères demeurent une équation à plusieurs
inconnues dont la résolution pourrait faire naitre des Nobels.
A y regarder de très près ce sont dans tous les pays au monde des oligarchies qui dirigent et qui se
rangent sous le paravent de la république pour se perpétuer et contrôler ad vitam aeternam.
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Dans nos contrées la tribu ou l'ethnie ressort chaque fois qu'il faut éviter de justifier les échecs du
système néocolonial. C'est d'autant plus mensonger que nombre d'individus "d'ethnies" différentes
se retrouvent en cachette dans les "nouvelles ethnies", sont des frères de lumière dont les chefs ne
sont pas africains, mais dont l'action maintient toujours l'obscurité en Afrique. Ce concept sert
surtout a masquer la vraie nature de la domination, donc la vraie nature de la souffrance des
peuples.
Cette contribution fait appel a nombre de références dont certaines sont inscrites ci dessous mais ce
serait une faute lourde que de ne pas citer Gustav Ahadji - - que je ne connais pas mais dont j'ai
découvert la contribution sur Afrology (http://www.afrology.com/soc/ahadji_ethnies.html). Elle
cadre entièrement avec la mienne et apporte des exemples croustillants que je me suis permis de
dupliquer. Qu'il en reçoive la reconnaissance.
Samir Amin, le développement inégal, éditions de minuit, paris, 1973. L’auteur se réfère à une
période qu’il qualifie de pré mercantiliste et qui s’étend des « origines jusqu’au 17è siècle ».
Silas BOUM
Architecte DPLG