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Le manifeste techno-politique

• On ne peut plus gouverner, ni faire de la politique, sans prendre en


compte les capacités nouvelles d’expression et de mobilisation
qu’acquièrent les citoyens à travers Internet. Sans prendre la mesure des
attentes des générations nouvelles, formées au partage du savoir.

• On ne peut plus penser l’économie sans reconnaître la place centrale


qu’a prise l’informatique dans les processus productifs. Le destin de nos
entreprises ne peut se résumer à la poursuite effrénée de l’optimisation
des coûts : leur avenir réside dans l’exploration de nouvelles formes de
coopération transversale, entre entreprises mais aussi entre producteurs
et consommateurs, pour inventer de nouveaux services et de nouvelles
activités.

• On ne pourra pas entreprendre la reconversion écologique de notre


économie sans innover et investir dans des dispositifs numériques de
mesure et de régulation. Des bâtiments intelligents à la maîtrise de la
consommation énergétique, le développement durable est, pour une large
part, affaire de surveillance et d’adaptation : capteurs, objets intelligents,
logiciels, informatique ambiante en constituent la base technologique.

• On ne peut plus agir dans le domaine du travail et de l’emploi en


ignorant que 70 % des salariés travaillent désormais au contact de
l'ordinateur, que la population active passe près de 40 % de son temps de
travail devant un écran-clavier. L’informatisation du travail,
historiquement orientée vers le « cadrage » et le contrôle des personnels,
ne peut pas se poursuivre indéfiniment au détriment des salariés, limitant
leur visibilité sur l'ensemble de l'activité, et les mettant en concurrence les
uns avec les autres. Il faudra miser sur les technologies numériques pour
développer la coopération horizontale, aider à construire et valoriser les
compétences des individus.

• On ne peut plus moderniser l’Etat sans penser sa numérisation. Sans


organiser le decloisonnement des administrations mais aussi la
polyvalence des guichets ; l’interopérabilité des systèmes d’information,
mais aussi la libération des données publiques. La réforme de l’Etat,
conduite d’en haut et à marche forcée par quelques consultants ou
inspecteurs des services centraux, devra se mettre à l'écoute des
observateurs directs des dysfonctionnements du quotidien, reconnaître
l'expertise des agents, miser sur la mutualisation des ressources et le
développement des compétences.

• On ne peut plus promouvoir la culture sans prendre en compte un


environnement numérique qui rend possible le partage des oeuvres et leur
réutilisation (remix), qui démocratise les capacités de création et de
diffusion et permet aux oeuvres d’atteindre leur public.
• On ne peut plus rénover l’école en se privant du levier des technologies
éducatives. Sans imaginer des pédagogies qui engagent l’élève dans une
relation personnelle avec la construction de son savoir. Sans repenser les
compétences : chercher et exploiter l’information nécessaire pour
résoudre un problème, apprendre en explorant des modèles et en
simulant des phénomènes.

A travers une série de controverses, DADVSI, Edvige, Hadopi, les


technologies numériques et leurs usages sont désormais entrées,
de plain pied, dans le champ politique.

Ces controverses technopolitiques rencontrent un large écho auprès du


public. Elles dessinent des lignes de partage inédites.

Nous appelons « techno-politique » cette sphère ou politique et


technologies numériques s’imbriquent et se télescopent. Cette sphère ou
les « moyens » (logiciels, outils, manières de faire, de s’organiser et de
coopérer) rétroagissent sur les « fins ».

Internet et les technologies numériques confèrent aux individus et aux


groupes de nouvelles capacités : faire entendre sa voix, échanger avec
d’autres, coopérer, innover, entreprendre. Atteindre un public ou des
marchés. Agir comme consommateur responsable et comme citoyen.
Ces « outils » ont désormais autant d'influence sur nos vies, autant
d’impact sur nos sociétés que les lois peuvent en avoir.

Comme toute grande transformation, la révolution numérique bouscule les


positions acquises. Elle apparait comme un désordre avant de montrer la
richesse de ce qu’elle produit. Son orientation devient un enjeu central
pour tous ceux qui s’intéressent au changement social et écologique.
Plus que jamais, la création, la recherche et l’innovation reposent sur le
partage des savoirs. La capacité à inventer le futur passe désormais par la
protection et l’extension des « communs » : publications scientifiques
ouvertes, libération des données publiques, extension du domaine public,
approche ouverte du droit d'auteur, logiciels libres.

Le futur n’a pas d’avocats puissants dans le présent. Il a, en revanche,


beaucoup d’ennemis, qui s'efforcent de neutraliser, coûte que coûte, son
caractère ouvert et imprévisible.

Nous prenons le parti d’un d'un internet libre, inclusif et ouvert. En France
comme dans le monde.
Il ne faut pas s’y tromper : le monde ne restera pas en place.

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