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Les femmes peinent toujours à s'imposer dans les instances de direction des grandes entreprises
françaises. Face à ce retard français, les députés ont adopté, mercredi 20 janvier, une proposition de
loi de l'UMP qui oblige à terme les grandes entreprises à un quota de 40% de femmes dans leurs
conseils d'administration d'ici 2016.
Les Françaises peinent toujours à s'imposer dans les instances de direction des grandes entreprises,
observait récemment Brigitte Grésy dans son rapport sur l'égalité professionnelle entre hommes et
femmes, remis en juillet 2009 au ministre des Relations sociales Xavier Darcos. En 2008, les femmes
ne représentaient que 7,6 % des membres des instances de décision des 300 plus grandes entreprises
françaises.
Pour y remédier, le rapport propose de s'inspirer de l'expérience de pays comme la Norvège, où la part
des femmes dans les conseils d'administration est passée de 7 % en 2003 à 40 % en 2008 grâce à un
système de quotas imposé d'abord aux entreprises publiques, ensuite aux sociétés privées cotées en
Bourse. L'idée d'un système de quotas fait ainsi son chemin, comme en témoigne le soutien accordé
récemment par Jean-François Copé, le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale.
A cette occasion, nous vous proposons un entretien avec Tita Zeïtoun, présidente de la fondation
Action de femme, et François Fatoux, délégué général de l'Observatoire sur la responsabilité
sociétale des entreprises.
Quelle est aujourd'hui la place des femmes dans les instances dirigeantes des
grandes entreprises françaises ?
Tita Zeïtoun : On ne trouve qu'un peu plus de 9 % de femmes dans les conseils
d'administration et conseils de surveillance et 7 % dans les comités de direction ou
comités exécutifs, qui sont les instances opérationnelles. C'est encore très faible !
Plus du quart des entreprises n'emploie pas de femmes au niveau des comités de
direction. Quant aux entreprises de culture « technique » EADS, la maison mère
d'Airbus, et Vallourec, le fabricant de tubes sans soudure en acier, elles ne comptent
aucune femme ni dans leur conseil d'administration, ni dans leur comité de
direction.
François Fatoux : Il y a un consensus pour dire que la place des femmes reste trop limitée. En outre,
selon une étude menée par la Richard Ivey School of Business de l'université américaine Western
Ontario, la présence d'une seule femme au conseil ne change pas grand-chose. Elle joue seulement le
rôle de la femme porte-drapeau qu'une entreprise affiche pour se donner bonne conscience. Certains
évoquent le chiffre magique de trois : à partir de ce nombre, les femmes feraient partie du groupe à
part entière. Seules six entreprises du CAC 40 comptent trois femmes ou plus dans leur conseil. Pour
ma part, je préfère parler de « masse critique » pour créer les conditions d'un changement dans les
pratiques de gouvernance.
Quels sont les postes le plus souvent occupés par les femmes ?
T. Z. : Les obstacles sont avant tout culturels. Les choses évoluent très lentement. En outre, les
dirigeants prétendent qu'ils ont du mal à trouver des femmes. Ce qui est faux, il existe un vivier de
femmes qui ont les compétences requises.
Que faudrait-il faire pour faire évoluer les choses ?
T. Z. :Pendant longtemps, j'étais réticente à l'idée d'une loi sur le sujet. Mais devant l'inertie
persistante, je suis aujourd'hui convaincue qu'il faut légiférer et imposer des quotas. Je suis favorable
à l'idée avancée par Brigitte Grésy qui propose d'imposer 40 % de femmes au sein des conseils
d'administration et de surveillance.
F. F. :Il faut des actions volontaristes de la part des pouvoirs publics et des instances patronales. Mais
il faut également faire évoluer les comportements, par exemple en promouvant la parentalité des
hommes. Un autre point concerne la gestion des « hauts potentiels », aujourd'hui focalisée sur les
cadres qui ont entre 30 et 40 ans. Ce qui pénalise les femmes, car cela correspond à l'âge où elles ont
des enfants. Il faudrait élargir la gestion des hauts potentiels et prendre également en compte des
cadres qui ont entre 40 et 50 ans.
T. Z. : Le Parlement espagnol a voté une loi sur l'égalité entre les hommes et les femmes dans les
entreprises en juin 2007. A partir de 2015, les conseils d'administration devront comprendre au moins
40 % de femmes.
Et Alternatives Economiques ?
Guillaume Duval
C'est bien de dénoncer les manquements des entreprises du CAC 40, mais où se situe Alternatives
Economiques sur le plan de la place des femmes dans ses instances de direction? Nous sommes
nettement mieux placés que toutes les entreprises du CAC 40, mais nous restons encore assez loin de
la parité. Le comité de direction d'Alternatives Economiques compte deux femmes et six hommes, et
son conseil d'administration, cinq femmes et sept hommes, soit un ratio global de 35% de femmes
dans nos instances dirigeantes.