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INNOVATIONS ORGANISATIONNELLES, ENTRÉE DANS L'EMPLOI ET

CARRIÈRES SALARIALES

Marc-Arthur Diaye, Nathalie Greenan, Stéphane Robin

De Boeck Supérieur | « Reflets et perspectives de la vie économique »

2007/2 Tome XLVI | pages 89 à 101


ISSN 0034-2971
ISBN 2804155889
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-reflets-et-perspectives-de-la-vie-
economique-2007-2-page-89.htm
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Innovations organisationnelles,
entrée dans l’emploi
et carrières salariales
Marc-Arthur Diaye *, Nathalie Greenan **
et Stéphane Robin ***

Abstract – This paper examines how organisational changes and ICT adoption affect
workers’ wages and wages progression. We use the 1997 French survey on organisa-
tional change and ICT use (COI 1997), which is a matched employer/employee survey
describing both changes occurring in the life of manufacturing firms between 1994 and
1997, and labour market history of employees that are present in those firms in 1996.
We develop three indicators for this study: wages in 1996, wage differentials over the
1994-1996 period, and wage differentials related to the last change of employer. We
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then measure the impact of organisational change, ICT adoption and time of entry in
the firm on these three indicators. We observe the wages of new entrants, those that
have been hired in 1994 or 1995. They have on average a lower wage than employees
with longer tenure, higher wage growth and, because of the bad economic general sit-
uation, they have suffered wage losses while changing employer. But firm reorganisa-
tions at the moment of their entry transform this average profile and organisational
changes have effects that are opposite to ICT adoption: positive for the former, nega-
tive for the latter.

JEL Codes: J31, O33, C81.


Keywords – matched employer/employee data, wages, organisational change, adop-
tion of ICT.

* Marc-Arthur Diaye est chercheur au Centre d’Études de l’Emploi et maître de conférences à l’Uni-
versité d’Évry (laboratoire EPEE - centre d’Études des Politiques Économiques d’Évry). Courriel :
marc-arthur.diaye@cee.enpc.fr.
** Nathalie Greenan est chercheur au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), et re-
sponsable de l’unité « Travailleurs et Organisations » du Centre d’Études de l’Emploi. Courriel :
nathalie.greenan@cee.enpc.fr.
*** Stéphane Robin est maître de conférences à l’Université de Strasbourg 1 (laboratoire BETA - Bureau
d’Économie Théorique et Appliquée). Il est également membre associé externe du département
d’économie de l’Université Catholique de Louvain. Courriel : robin@cournot.u-strasbg.fr.

Reflets et Perspectives, XLVI, 2007/2-3 — 89


MARC-ARTHUR DIAYE, NATHALIE GREENAN ET STÉPHANE ROBIN

1 INTRODUCTION
Les travaux récents en économie des ressources humaines qui mobilisent des
données couplées employeurs/salariés ont fait progresser les connaissances sur
la formation des salaires et la mobilité des salariés. Les travaux d’Abowd et al.
(1999), s’appuyant sur des fichiers administratifs volumineux décrivant les transi-
tions des salariés entre entreprises ont montré que la majeure partie de la variabi-
lité des salaires était liée à des différences de caractéristiques des salariés plutôt
qu’à des différences de caractéristiques des employeurs. Ainsi les pratiques de sé-
lection de la main-d’œuvre auraient une part prépondérante dans les politiques sa-
lariales des entreprises. À partir d’un fichier apparié suédois, Lazear et Oyer (2004)
montrent que si la profession exercée par le salarié explique une très grande part
de la variabilité des salaires en niveau, la variabilité des évolutions salariales est
beaucoup plus difficile à expliquer, au-delà de l’effet de la conjoncture. Lazear et
Shaw (2006) viennent compléter ce tableau en montrant une variabilité plus grande
des évolutions salariales en France comparée aux pays scandinaves.
Dans cet article, nous nous intéressons aux carrières salariales en examinant
les conséquences des changements organisationnels et technologiques des en-
treprises. Cette question n’est pas abordée dans la littérature que nous venons
d’évoquer, faute de données décrivant la vie de l’entreprise. En revanche, elle a
été examinée par la littérature sur le biais technologique. Un des résultats les plus
discutés est celui de Krueger (1993), obtenu sur un échantillon de salariés et selon
lequel les utilisateurs d’ordinateurs bénéficieraient d’une prime salariale de 20 %.
Les travaux consécutifs ont montré que cette prime salariale diminuait substantiel-
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lement en introduisant des effets fixes et en traitant les problèmes d’endogénéité
(Chennells et Van Reenen, 2002). Les estimations sur données d’entreprise ont
débouché sur des résultats similaires : on observe une corrélation positive entre la
technologie et le niveau des salaires qui s’avère peu robuste dans la dimension
temporelle.
Nous allons revisiter ces résultats en nous appuyant sur une enquête française
couplée employeurs/salariés, l’enquête Changements Organisationnels et Infor-
matisation (COI), réalisée en 1997 et décrivant des changements sur la période
1994-1997. Grâce à cette enquête, nous sommes en mesure d’observer à la fois un
ensemble de trajectoires salariales et de décrire précisément les chocs internes
affectant la vie de la dernière entreprise sur cette trajectoire. Heckel (2006), qui a
mobilisé cet ensemble de données, a montré que la croissance des salaires des indi-
vidus continument présents n’était pas significativement différente dans les entrepri-
ses ayant adopté Internet ou changé leurs outils informatiques entre 1994 et 1997.
Par rapport à Heckel, nous allons considérer à la fois l’informatisation de l’entreprise
et les changements organisationnels et nous allons examiner plus précisément la
situation des nouveaux entrants dans l’entreprise, ceux qui ont été embauchés en
1994 et 1995, par rapport aux salariés déjà présents avant la mise en œuvre des
changements. Il est généralement admis que la mobilité interentreprises se traduit
par des gains salariaux (Sicherman et Galor, 1990), mais qu’en est-il lorsque l’entre-
prise elle-même est en train de changer de trajectoire en se réorganisant ou en
s’informatisant ?

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INNOVATIONS ORGANISATIONNELLES, ENTRÉE DANS L’EMPLOI ET CARRIÈRES SALARIALES

L’article est organisé comme suit : la section 2 présente les données appariées
employés-employeurs utilisées pour cette recherche, la section 3 expose notre mé-
thodologie empirique, et la section 4 résume nos résultats. Nous donnons nos con-
clusions dans une dernière section.

2 LES DONNÉES APPARIÉES DE L’ENQUÊTE


COI 1997

L’enquête COI 1997 a été réalisée conjointement par la DARES (Direction de l’Ani-
mation, de la Recherche et des Études Statistiques – Ministère du Travail), le SESSI
(Service des statistiques industrielles – Ministère de l’Industrie), le SCEES (Service
Central des Enquêtes et Études Statistiques – Ministère de l’Agriculture) et l’INSEE
(Institut National de la Statistique et des Études Économiques). Elle a été conçue et
coordonnée par le Centre d’études de l’emploi (pour plus d’informations sur l’en-
quête, consulter www.enquetecoi.net). Cette enquête présente la particularité de
coupler une interrogation auprès des employeurs à une interrogation auprès de
petits échantillons de salariés (deux ou trois) sélectionnés au hasard dans les en-
treprises. Cette enquête a été réalisée en France auprès d’un échantillon de 8812
salariés rattachés à 4025 entreprises au moyen d’un double échantillonnage dans
les Enquêtes annuelles d’entreprises (COI « entreprises ») et dans les Déclarations
annuelles de données sociales (COI « salariés »). Nous allons restreindre notre tra-
vail au champ des entreprises industrielles (y compris industries agro-alimentaires)
de plus de 50 salariés où l’enquête a obtenu un taux de réponse élevé aux deux ni-
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veaux de recueil de l’information : 90 % des entreprises sont répondantes, ainsi
que 77 % des salariés. L’essentiel de l’échantillon s’y trouve rassemblé : 3019 en-
treprises et 6796 salariés. Le questionnaire « entreprises » a été auto-administré,
tandis que les salariés ont été contactés par téléphone ou par visite à leur domicile.
La structure d’information dont nous disposons est résumée dans la Figure 1.
Un ensemble d’entreprises et leurs salariés ont été sélectionnés en 1996. Les en-
treprises ont été interrogées, un an plus tard, sur les changements technologiques
(informatisation) et organisationnels survenus entre 1994 et 1997. Les salariés ont
été interrogés fin 1997, s’ils n’avaient pas quitté l’entreprise COI. Par conséquent,
le champ « salariés » de l’enquête est celui des salariés stables (au moins un an d’an-
cienneté) des entreprises interrogées. On demande aux salariés de décrire leur travail
à la date de l’enquête. Enfin, le panel des DADS permet de reconstituer les trajec-
toires salariales des individus interrogés sur la période 1976-1996.
Le problème qui nous intéresse est le suivant : sachant que des changements
techniques ou organisationnels ont été observés entre 1994 et 1997, nous souhai-
tons identifier si les salariés entrés dans l’entreprise COI après 1994 sont suscepti-
bles de percevoir, en 1996, des salaires plus élevés (ou de connaître des hausses de
salaire plus importantes) que ceux entrés dans leur entreprise avant 1994. L’objectif
n’est pas ici de comparer les trajectoires de différents salariés au sein d’une même
entreprise, mais bien de mesurer un effet moyen (en termes d’évolution salariale,
principalement) d’une entrée dans l’emploi réalisée avant / après une période de
changements organisationnels.

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MARC-ARTHUR DIAYE, NATHALIE GREENAN ET STÉPHANE ROBIN

Figure 1 : Entrée des salariés dans l’emploi


et phase de changements organisationnels observés

3 MÉTHODOLOGIE
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Notre analyse empirique repose essentiellement sur 3 estimations économétri-
ques. La première porte sur le logarithme du salaire (net annualisé) de 1996. Nous
estimons le modèle linéaire suivant :
(1) ln w96 = β0 + β1.X1 + β2.X2 + β3.Te + ε

où X1 est un vecteur de variables caractérisant le salarié, X2 un vecteur de variables


propres à l’entreprise (y compris des indicateurs de changements organisationnels
et d’informatisation), et Te une variable indicatrice de la date d’entrée dans l’entre-
prise (avant 1994 / en 1994 ou après). Les termes β0 à β3 sont des paramètres (ou des
vecteurs de paramètres) à estimer, et ε un terme d’erreur aléatoire supposé suivre
une loi normale.
La deuxième estimation concerne les variations de salaire (net annualisé) sur-
venant entre 1994 et 1996, c’est-à-dire lors de la période pendant laquelle ont pu
être observés des changements organisationnels ou technologiques dans les en-
treprises interrogées. Le modèle linéaire que nous estimons peut s’écrire :
(2) ln w96 – ln w94 = ε0 + ε1.Z1 + ε2.Z2 + ε3.Te + u

où, comme précédemment, Z1 est un vecteur de variables caractérisant le salarié,


Z2 un vecteur de variables propres à l’entreprise (y compris des indicateurs de chan-
gements organisationnels et d’informatisation), et Te la variable indicatrice de l’entrée
dans l’entreprise.

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INNOVATIONS ORGANISATIONNELLES, ENTRÉE DANS L’EMPLOI ET CARRIÈRES SALARIALES

Enfin, la troisième et dernière estimation porte sur les variations de salaire sur-
venant lors d’un changement d’entreprise. Plus précisément, nous observons le
salaire net annualisé perçu par le salarié dans l’entreprise où il se trouve au
moment de l’enquête COI (« entreprise COI ») ainsi que le salaire perçu dans la
dernière entreprise où il s’est trouvé avant l’entreprise COI (« entreprise AVC »),
quelle que soit la date à laquelle cette mobilité a eu lieu. Le modèle linéaire estimé
vise à expliquer la différence entre les logarithmes de ces deux salaires :
(3) ln wCOI – ln wAVC = ξ0 + ξ1.Z1 + ξ2.Z2 + ξ3.Tc + ν.

Les vecteurs de variables explicatives Z1 et Z2 sont les mêmes que ceux uti-
lisés dans l’équation (2), alors que la variable Tc indique si le changement d’entre-
prise a eu lieu avant 1994, ou à partir de 1994.
Les variables individuelles utilisées dans l’analyse viennent de deux sources : le
volet « salariés » de l’enquête COI qui porte sur l’année 1997 et comporte quelques
questions rétrospectives et le panel DADS qui porte sur la période 1976-1996. Elles
peuvent être regroupées en trois catégories. La première rassemble des variables
sociodémographiques telles que l’âge, le genre, et la nationalité (français ou étranger)
de l’individu, ainsi que son origine sociale (mesurée par la profession de son père).
Cette catégorie inclut aussi un indicateur de la mobilité géographique antérieure,
mesurée par le nombre de changements de départements entre 1976 et 1996
(nous rappelons ici que la France métropolitaine est divisée en 22 régions adminis-
tratives, subdivisées en 95 départements). La deuxième catégorie regroupe les
variables caractérisant le parcours professionnel de l’individu : le nombre d’entre-
prises dans lesquelles il a occupé un emploi au cours de sa carrière, le nombre de
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secteurs dans lesquels il a exercé une activité, le nombre de professions qu’il a
exercées, le nombre de périodes hors-emploi qu’il a connues, ainsi que des indi-
catrices précisant s’il a connu une période multi-employeurs ou s’il a travaillé à
temps partiel. Enfin, la troisième catégorie est constituée des variables caractérisant
la dernière situation professionnelle du salarié (en 1996-1997 ou en 1994, selon la
source et le modèle considéré) : la Profession et Catégorie Socioprofessionnelle
issue des DADS (en six postes ; notons que les professions intermédiaires regrou-
pent les techniciens et les agents de maîtrise) et des indicatrices issues de COI
« salariés » précisant si le salarié a été formé pour la tâche qu’il exerce en 1997, s’il
dirige des salariés, et s’il utilise l’informatique.
Les variables d’entreprises sont la taille, le secteur d’appartenance et le dépar-
tement d’implantation du siège. De plus, nous pouvons caractériser les change-
ments technologiques et organisationnels qui ont marqué la vie de l’entreprise entre
1994 et 1997, grâce à un vaste ensemble de variables issues du volet « entreprises »
de l’enquête. Ces variables décrivent, aux deux dates 1994 et 1997, l’équipement
informatique des entreprises d’une part et leur usage de nouvelles pratiques orga-
nisationnelles d’autre part. Cette information très riche a été synthétisée au moyen
d’analyses des correspondances multiples (Greenan et Mairesse, 2006). On obtient
une variable décrivant le degré d’avancement des usages des Technologies de
l’Information et de la Communication (TIC) et une autre décrivant l’intensité d’usage
des nouvelles pratiques organisationnelles. On les dichotomise de manière à avoir
pour chacune deux modalités : élevé et faible (voir Greenan et Mairesse 2006 pour

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MARC-ARTHUR DIAYE, NATHALIE GREENAN ET STÉPHANE ROBIN

plus de détails sur la construction des variables dichotomiques). On peut les


décrire de la manière suivante:
• Une entreprise avec un usage avancé des Technologies de l’Information et de
la Communication est équipée d’un grand système ou d’un réseau de micro-
ordinateurs, elle transfère des données numérisées au moyen d’une interface
informatique en interne et vers l’extérieur (les fournisseurs, les clients, les pou-
voirs publics), elle utilise Internet et a un service informatique.
• Un usage intense de nouvelles pratiques organisationnelles associe la certifi-
cation qualité, le juste-à-temps, la maintenance productive totale, l’analyse de
la valeur, l’externalisation, l’organisation en centres de profit et la délégation de
tâches indirectes comme le contrôle de qualité ou l’amélioration de la perfor-
mance aux opérateurs.
• Pour chaque firme, ces variables sont créées en 1994 et en 1997. On peut dis-
tinguer, en combinant les dates, trois trajectoires d’entreprises : inertie à un
niveau faible (LI94_LI97, LO94_LO97), inertie à un niveau élevé (HI94_HI97,
HO94_HO97) et transition d’un niveau faible vers un niveau élevé (LI94_HI97,
LO94_HO97).

Lors de nos estimations, nous avons également tenté d’introduire des variables
mettant en interaction pratiques organisationnelles et informatisation. L’introduc-
tion de ces variables ne modifiait pas sensiblement les résultats de notre analyse,
et nous les avons donc abandonnées. Nous tenons à la disposition du lecteur des
tableaux de statistiques descriptives détaillées sur l’ensemble des variables (indivi-
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duelles et d’entreprise) finalement utilisées dans l’analyse.
Le modèle (1) inclut une série de variables indicatrices décrivant le secteur
d’activité de l’entreprise (code NAF) ainsi que sa localisation (département). Les ef-
fets fixes sont implicitement pris en compte dans les modèles (2) et (3) puisqu’ils
sont exprimés en variation. Chaque modèle est estimé trois fois : (i) une première
fois avec Te (ou Tc), mais sans les variables indicatrices de changements organisa-
tionnels et technologiques ; (ii) une deuxième fois avec Te (ou Tc) et une interaction
entre cette variable et les indicateurs de changements ; (iii) une dernière fois avec
Te (ou Tc), les indicateurs de changements, et le terme d’interaction entre Te (ou Tc)
et ces indicateurs.
Ces estimations nous donnent différentes mesures de l’effet des change-
ments organisationnels ou technologiques sur les salaires, compte tenu de la date
d’entrée du salarié dans l’entreprise. Nous observons en effet les changements
survenus entre 1994 et 1997, et nous connaissons par ailleurs la date d’entrée de
l’individu dans l’entreprise (avant ou à partir de 1994, c’est-à-dire avant ou pen-
dant la phase de changements). Nous pouvons donc estimer l’effet de la date
d’entrée dans l’emploi, l’effet des changements survenus entre 1994 et 1997,
ainsi que l’effet combiné de ces événements.
La validité de notre approche est toutefois conditionnée au fait que les change-
ments organisationnels soient exogènes à la mobilité des personnes (Meyer, 1995).
Même si ces changements peuvent être considérés comme une « politique » menée
par l’entreprise, cette politique n’est pas forcément indépendante, par exemple, du

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INNOVATIONS ORGANISATIONNELLES, ENTRÉE DANS L’EMPLOI ET CARRIÈRES SALARIALES

départ de certains salariés. Néanmoins, nous observons soit des salariés qui
demeurent dans l’entreprise pendant une phase de changements, soit des sala-
riés qui entrent dans l’entreprise pendant cette phase. Ces deux catégories sont
certes « sélectionnées » par l’entreprise, mais il est peu probable que les nouveaux
entrants aient complètement anticipé – avant leur entrée dans l’entreprise – les
changements en train de survenir. Il conviendra néanmoins d’interpréter nos résul-
tats avec prudence, dans la mesure où nous ne corrigeons pas pour ces éventuels
« biais d’endogénéité ». Notons que la question de l’endogénéité est un problème
commun à toutes les approches de type différences simples, ou même différences
en différences (Besley et Case, 2000), et reste difficile à corriger en l’absence d’ins-
truments adéquats.

4 RÉSULTATS

Les résultats de notre analyse sont présentés dans les tableaux 1 et 2. Le tableau 1
présente les coefficients estimés et les erreurs standard des trois modèles décrits
dans la section précédente ; le tableau 2 donne les statistiques d’ajustement et les
résultats des tests. Chaque modèle a été estimé trois fois, comme il a été dit dans la
section 3. Les coefficients étant robustes d’une estimation à l’autre, nous présentons
uniquement, pour chaque modèle, les résultats de l’estimation comprenant l’ensem-
ble des variables explicatives, c’est-à-dire : indicatrice de date d’entrée dans l’entre-
prise, indicateurs de changements organisationnels et d’informatisation, et termes en
interaction. De plus, dans un souci de concision, nous présentons et commentons
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les résultats des trois modèles de manière conjointe et synthétique.
Soulignons tout d’abord quelques résultats généraux pour les variables décri-
vant l’individu et sa trajectoire professionnelle : la mobilité géographique est bénéfi-
que pour la carrière salariale, les femmes tendent à avoir des perspectives d’évolution
salariale plus défavorables, et les étrangers ont en moyenne en 1996 un niveau de sa-
laire plus faible. En revanche, le fait d’avoir été formé à sa tâche principale et le fait
d’avoir une position d’encadrement formelle, conduisent à des niveaux de salaire
plus élevés. Enfin, les changements de secteur, qui peuvent traduire une reconver-
sion professionnelle et les périodes hors emploi qui révèlent des épisodes de chôma-
ge, pénalisent les salariés en termes de niveau de salaire mais ne présagent pas des
hausses consécutives.
Venons-en aux variables décrivant les changements organisationnels et tech-
nologiques de l’entreprise. Rappelons avant tout que la période sur laquelle nous
sommes à même d’observer des changements organisationnels ou de l’informati-
sation est 1994-1997.
Le premier résultat marquant de notre analyse est classique : entrer à partir de
1994 dans une entreprise interrogée dans COI 1997 a un impact négatif sur le loga-
rithme du salaire de 1996, mais un impact positif sur les variations de salaire obser-
vées entre 1994 et 1996. Ce résultat pourrait refléter le rôle de l’ancienneté dans le
mode de fixation des salaires : les nouveaux entrants ont des salaires relativement
plus faibles mais avec une espérance de gain élevé dans les années consécutives à
leur arrivée.

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Tableau 1 : Estimation des équations de salaire (1) à (3) (régressions linéaires)

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Variable (1) : ln w96 (2) : ln w96 – ln w94 (3) : ln wCOI – ln wAVC
Coeff. Erreur Std Coeff. Erreur Std Coeff. Erreur Std
Âge ≤ 35 ans -0,121 [0,012]** 0,017 [0,013] 0,100 [0,032]**
(réf. : ] 35 ; 50 ans]) > 50 ans 0,006 [0,016] -0,086 [0,021]** 0,022 [0,057]
Genre (réf. : Homme) Femme -0,179 [0,013]** -0,049 [0,013]** 0,009 [0,035]
Étranger Oui -0,084 [0,020]** -0,017 [0,022] -0,038 [0,058]
PCS du père (réf. : OQ) Inactif/chômeur -0,004 [0,027] 0,009 [0,030] 0,002 [0,075]
Agriculteur -0,010 [0,018] -0,028 [0,019] -0,132 [0,050]**
Indépendant 0,016 [0,020] -0,020 [0,022] -0,010 [0,056]
Cadre 0,017 [0,025] -0,031 [0,027] -0,018 [0,067]
MARC-ARTHUR DIAYE, NATHALIE GREENAN

Prof. Interméd. -0,002 [0,018] -0,027 [0,019] 0,089 [0,050]


ET

Employé -0,011 [0,019] -0,010 [0,021] 0,054 [0,053]


ONQ -0,006 [0,015] -0,013 [0,016] -0,014 [0,043]
Mobilité géographique 0,049 [0,006]** 0,018 [0,006]** 0,030 [0,014]*
T (indicatrice d’entrée) -0,052 [0,024]* 0,055 [0,027]* -0,249 [0,076]**
PCS Stagiaire -0,475 [0,075]** 0,259 [0,069]** -0,079 [0,188]
STÉPHANE ROBIN

(Réf. : OQ) ONQ -0,083 [0,015]** 0,021 [0,015] -0,003 [0,041]


Employés 0,050 [0,021]* 0,083 [0,023]** -0,029 [0,059]
Prof. Interméd. 0,212 [0,015]** 0,018 [0,017] -0,092 [0,044]*
Cadres 0,627 [0,021]** -0,010 [0,023] -0,110 [0,059]
Chef entreprise -0,080 [0,239] -0,109 [0,526]
Formé à la tâche exercée en 1997 0,073 [0,011]**
Dirige des salariés en 1997 0,118 [0,013]**
Dirige salariés Dès avant 1994 -0,001 [0,016] 0,066 [0,040]
(réf : non) Depuis 1994 0,018 [0,022] 0,015 [0,054]
Utilise l’informatique en 1997 0,070 [0,013]**
Utilise l’informatique Dès avant 1994 0,013 [0,015] 0,012 [0,038]

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Variable (1) : ln w96 (2) : ln w96 – ln w94 (3) : ln wCOI – ln wAVC


(réf : non) Depuis 1994 0,061 [0,017]** 0,051 [0,044]
Nb d'entreprises 0,001 [0,004] -0,001 [0,004] -0,027 [0,010]**
Nb de secteurs -0,010 [0,005]* -0,001 [0,005] -0,001 [0,012]
Nb de professions -0,002 [0,006] -0,006 [0,006] 0,023 [0,016]
Périodes hors emploi -0,002 [0,000]** 0,001 [0,000] 0,010 [0,001]**
Temps partiel -0,006 [0,001]** 0,001 [0,001]* 0,002 [0,002]
Période multiemployeurs Oui -0,005 [0,013] 0,019 [0,014] 0,188 [0,033]**
T×HI94_HI97 -0,086 [0,040]* -0,119 [0,043]** -0,053 [0,125]
INNOVATIONS

T×LI94_HI97 -0,060 [0,032] -0,113 [0,035]** -0,172 [0,101]


T×HO94_HO97 0,069 [0,040] 0,186 [0,043]** 0,112 [0,126]
T×LO94_HO97 0,074 [0,032]* 0,072 [0,035]* 0,257 [0,099]**
HO94_HO97 -0,031 [0,018] -0,017 [0,018] 0,048 [0,046]
LO94_HO97 -0,028 [0,015] -0,010 [0,015] 0,010 [0,038]
HI94_HI97 0,012 [0,019] -0,002 [0,019] 0,018 [0,047]
LI94_HI97 0,019 [0,015] 0,012 [0,015] -0,038 [0,038]
Constante 9,734 [0,034]** 0,065 [0,022]** 0,110 [0,059]
Taille de l’entreprise 50-99 salariés -0,026 [0,015]
(Réf : 100-499 salariés) 500-999 0,019 [0,014]
1000 et plus 0,062 [0,017]**
Effet fixe secteur (NAF) OUI
Effet fixe département OUI
* significatif au seuil de 5 % ; ** significatif au seuil de 1 %
• Âge = âge en 1996 dans le modèle (1), en 1994 dans les modèles (2) et (3)
• Mobilité géographique = nombre de changements de départements (géographiques) entre 1976 et 1996
• T = Te dans les modèles (1) et (2), Tc dans le modèle (3)
• PCS = PCS en 1996 dans le modèle (1), PCS en 1994 dans les modèles (2) et (3)
Sources : Enquête COI 1997, Volet « Salariés » (DARES) apparié au Volet « Entreprises » (SESSI, SCEES) et au Panel DADS (INSEE).

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ORGANISATIONNELLES, ENTRÉE DANS L’EMPLOI ET CARRIÈRES SALARIALES

Champs : Salariés stables (au moins un an d’ancienneté) des entreprises industrielles (y compris IAA), de 50 salariés et plus.

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Tableau 2 : Statistiques d’ajustement et tests

(1) : ln w96 (2) : ln w96 – ln w94 (3) : ln wCOI – ln wAVC

Nombre d’observations 3734 3734 2698


R2 0,63 0,05 0,08
2 0,62 0,04 0,07
R ajusté
Statistique de Fisher F = 42,63 F = 4,72 F = 6,22
Test H0 « β = 0 » Rejet seuil 1 % Rejet seuil 1 % Rejet seuil 1 %
Test de Chow
658,09** 39,73 49,55*
(avant / à partir de 1994)

* significatif au seuil de 5 % ; ** significatif au seuil de 1 %


Sources : Enquête COI 1997, Volet « Salariés » (DARES) apparié au Volet « Entreprises » (SESSI,
SCEES) et au Panel DADS (INSEE).
Champs : Salariés stables (au moins un an d’ancienneté) des entreprises industrielles (y compris IAA),
de 50 salariés et plus.
NB : Nous avons également estimé un modèle bivarié (seemingly-unrelated model) permettant
d’estimer simultanément les équations (2) et (3). Les résultats de ce modèle sont identiques à ceux
obtenus en estimant séparément les équations (2) et (3), et il n’y a donc pas lieu de le présenter ici.

Nous observons ensuite (modèle 3) que changer d’entreprise après 1994 a un


impact négatif sur les différentiels de salaires observés entre l’ancienne et la nouvelle
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entreprise. Empiriquement, ce résultat pourrait s’expliquer par la présence d’un
biais d’endogénéité mal corrigé, comme évoqué dans la section 3. En effet, lorsque
la variable à expliquer n’est plus la variation du salaire dans le temps, mais la varia-
tion du salaire d’une entreprise à l’autre, l’estimation devient beaucoup plus sensi-
ble à l’existence d’une corrélation entre les changements survenus dans l’entreprise
et la mobilité des salariés. Mais ce résultat peut aussi bien être lié à la situation con-
joncturelle particulière de la période d’observation, située juste après la récession de
1993. Une partie de la mobilité interentreprises observée sur cette période est invo-
lontaire, liée aux difficultés rencontrées par les employeurs. Dans ce cas, il est plus
difficile de transformer une mobilité en progression salariale.
De manière générale, les variables synthétiques décrivant des changements
organisationnels ou l’informatisation de l’entreprise n’ont pas d’effet direct sur le sa-
laire ou ses variations. Cela recoupe les résultats de la littérature sur le biais techno-
logique. En revanche, le terme d’interaction entre ces variables et la date d’entrée
dans l’entreprise (ou la date de changement d’entreprise) révèle en général un im-
pact négatif de l’informatisation sur le salaire ou ses variations, et un impact positif
du changement organisationnel. L’utilisation de variables croisant changements or-
ganisationnels et informatisation ne modifie pas fondamentalement ces résultats
(mais l’effet négatif de l’informatisation tend alors à être compensé par l’effet positif
du changement organisationnel, qui se révèle persistant et prédominant).
Ces résultats étant au cœur de notre analyse, ils méritent d’être commentés de
manière plus approfondie. Selon le modèle (1), les salariés entrant à partir de 1994

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INNOVATIONS ORGANISATIONNELLES, ENTRÉE DANS L’EMPLOI ET CARRIÈRES SALARIALES

dans une entreprise en transition organisationnelle compensent en termes de sa-


laire l’effet de leur faible ancienneté pour obtenir in fine un gain salarial de +2,2 %
(soit 7,4 % -5,2 %) tandis que les salariés entrant dans une entreprise avec un
usage avancé et stabilisé de l’informatique ont une perte de salaire de l’ordre de
13,8 % (soit un cumul de -8,6 % -5,2 %). Le terme d’interaction est encore plus
significatif lorsque l’on considère la croissance des salaires. Les salariés entrant
dans une entreprise qui aura un usage avancé de l’informatique en 1997 (suite à
une transition ou non) perdent l’espérance de gains salariaux liée à leur faible an-
cienneté et voient, en tenant compte des deux effets, leurs salaires se réduire de
l’ordre de 6 %. À l’opposé, les salariés qui entrent dans une entreprise avec un
usage intense des nouvelles pratiques organisationnelles voient leur salaire croître
d’autant plus que cet usage est stabilisé à un niveau élevé (24 % contre 12,7 %
lorsqu’il y a transition). Enfin, selon le modèle (3), les salariés qui entrent dans une
entreprise en transition organisationnelle compensent la perte de salaire liée à une
mobilité dans une situation conjoncturelle défavorable.
Si entrer dans une entreprise avec un usage avancé de l’informatique apparaît
défavorable pour les gains salariaux, on retrouve néanmoins, au niveau individuel,
une prime à l’adoption de l’ordinateur. En effet, un salarié qui utilise l’informatique
a une prime salariale de 7 % par rapport à un non-utilisateur. De même un salarié
qui a adopté l’outil informatique à partir de 1994 peut espérer une accélération de
la croissance de son salaire entre 1994 et 1996 d’environ 6 %. En d’autres termes,
l’adoption de l’informatique par les individus a un impact positif sur leurs salaires
(ou leurs gains salariaux), mais un nouvel entrant dans une entreprise avec un usa-
ge avancé de l’informatique non seulement ne bénéficie pas de ces gains mais est
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pénalisé dans sa carrière salariale.
Enfin, pour chacun des modèles (1) à (3), nous avons procédé à des tests de
Chow, afin de vérifier l’existence de différences significatives entre d’une part, les
individus entrés pendant la période 1994-1996 dans une entreprise interrogée dans
COI, et d’autre part ceux entrés antérieurement. Ces tests sont bien significatifs
pour les modèles (1) et (3), mais pas pour le modèle (2) : il est donc prudent, dans ce
dernier modèle, de ne pas se focaliser sur le seul effet de la date d’entrée, mais d’in-
terpréter cet effet conjointement avec celui des indicateurs de changements orga-
nisationnels et technologiques.

5 DISCUSSION ET CONCLUSION

Nos résultats (qui ne concernent que l’industrie) suggèrent que les changements des
entreprises sont source d’hétérogénéité dans les carrières salariales : hétérogénéité
entre entreprises en fonction de la nature des changements adoptés, et hétérogé-
néité entre salariés en fonction de leur date d’entrée dans l’entreprise. Ainsi, disposer
d’une information plus riche sur les choix managériaux et les trajectoires des entre-
prises peut permettre d’expliquer une part de la très grande variabilité des hausses
de salaires que l’on observe en France. Il conviendrait, dans une étude ultérieure,
de consolider ces résultats en tentant de corriger pour d’éventuels biais d’endogé-

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MARC-ARTHUR DIAYE, NATHALIE GREENAN ET STÉPHANE ROBIN

néité ; une telle étude pourrait être menée à l’aide de la prochaine enquête COI, qui
contiendra davantage de variables susceptibles d’être utilisées comme instruments.
La nature asymétrique de nos résultats en fonction des types de changement
appelle à un retour vers la littérature théorique. Dans la théorie économique, l’im-
pact des changements organisationnels sur les salaires ne conduit pas à des ré-
sultats tranchés, tandis que l’effet de l’informatique s’explique en général par une
causalité inverse. Cependant, il est possible de montrer, dans le cadre d’un modè-
le principal-agent, qu’un changement technologique qui conduit au passage d’une
fonction de production sous-modulaire à une fonction de production super-modu-
laire, peut générer une baisse de salaire (Che et Yoo, 2001 ; Diaye et al. 2007). Il est
possible que la mise en réseau permise par les technologies de l’information des
années 1990 ait produit ce type d’effet. Si par ailleurs, les nouvelles formes d’orga-
nisation demandent une implication plus forte des salariés, alors l’entreprise peut
être amenée à mettre en place des dispositifs incitatifs particuliers, notamment à
destination des nouveaux entrants.
Favoriser les changements organisationnels des entreprises pourrait mener,
par l’augmentation salariale qu’elles semblent permettre, et en négligeant des dif-
férences dans la pénibilité des tâches (qui demandent encore à être documentées),
à une amélioration du bien-être des offreurs et partant contribuer potentiellement
au développement de la population active. On sait par ailleurs que la diffusion des
technologies de l’information a contribué à augmenter les rythmes de travail. Si par
ailleurs, l’informatisation des entreprises s’accompagne de rémunération et de car-
rières moins favorables pour les salariés mobiles, alors, les répercussions de la dif-
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fusion des TIC sur l’offre de travail devraient être plutôt défavorables. Néanmoins,
si les années 1990 ont été marquées par la massification de l’usage d’Internet, qui a
fortement réduit les coûts de communication, les années 2000 se trouvent dans une
configuration technologique différente avec le développement d’outils favorisant l’in-
tégration de l’information. Les résultats de la réédition de l’enquête COI, conduite en
2006, devraient permettre d’aller plus loin.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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