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Chapitre 4 Les AMDEC

4. ANALYSES DES MODES DE DÉEFAILLANCES, DE


LEURS EFFETS ET DE LEUR CRITICITÉ (AMDEC)
4.1 GÉNÉRALITÉS
L'analyse des modes de défaillance et de leurs effets (AMDE) et l'analyse des modes de
défaillance de leurs effets et de leur criticité (AMDEC) sont des méthodes d'analyse de la
fiabilité qui permettent de recenser les défaillances dont les conséquences affectent le
fonctionnement du système dans le cadre d'une application donnée.
En règle générale, toute défaillance ou tout mode de défaillante d'un composant altère le
fonctionnement du système. L’étude de fiabilité, de la sécurité et de la disponibilité d'un
système fait appel à deux types d’analyse complémentaires : l'analyse qualitative et l'analyse
quantitative. L’analyse quantitative permet de calculer ou de prévoir les indices de
performance du système pendant qu’il remplit une tâche spécifique ou lorsqu'il doit
fonctionner sur une longue période dans des conditions particulières. Les indices classiques
caractérisent la fiabilité, la sécurité, la disponibilité, les taux de défaillance, le temps moyen
jusqu’à défaillance (MTTF), etc.
L'AMDE commence au niveau – composant ou sous-ensemble – pour lequel on dispose
d'informations de base sur les défaillances (modes de défaillances premières). Partant des
caractéristiques fondamentales des défaillances des éléments et de la structure fonctionnelle
du système, l'AMDE permet de dégager la relation qui existe entre les défaillances des
éléments et les défaillances, les dysfonctionnements, les contraintes opérationnelles et la
dégradation du fonctionnement ou de l’intégrité du système. Pour pouvoir étudier les
défaillances secondaires ou d'un niveau plus élevé de système ou de sous-système, il est
parfois nécessaire d’examiner également la suite chronologique des événements.
L'AMDE au sens strict se limite à une analyse qualitative de défaillance du matériel. Elle
ne porte pas sur les erreurs humaines ni sur les erreurs de logiciel, bien qu’en fait, dans les
systèmes actuels, ces deus types d’erreurs peuvent survenir. Mais prise dans un sens plus
large, elle pourrait englober ces deux facteurs. On utilise la notion de criticité pour définir la
gravité des conséquences d’une défaillance. Il existe plusieurs catégories ou niveaux de
criticité qui sont fonction du danger et de l'incapacité plus ou moins grande du système de
fonctionner, et parfois, de la probabilité des défaillances. Il vaut mieux procéder séparément à
l'analyse de cette probabilité. L'étude de la criticité et de la probabilité des modes de
défaillance est une suite logique de l'AMDE. Celle analyse de la criticité des modes de
défaillance mis à jour est bien connue sous le nom de AMDEC.

4.2 DÉFINITION ET DIFFÉRENTES FORMES ÉVOLUTIVES


4.2.1 Définition
L’AMDEC est une méthode qualitative et inductive (qui définit une règle ou une loi à
partir de l'expérience : un raisonnement inductif visant à identifier les risques de pannes
potentielles contenues dans un avant-projet de produit ou de système, quelles que soient les
technologies, de façon à les supprimer ou à les maîtriser (norme AFNOR X 60-510 de
décembre 1986.)
4.2.2 Histoire et évolution
La FME(C)A (failure mode effect critically analysis) a été mise au point vers 1960 dans
l'industrie aéronautique américaine. Dédiée à l'origine à la mise au point des produits,
l'industrie automobile a étendu son usage à la mise au point des procédés, puis des systèmes

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de production vers 1980. Alors que sa vocation initiale était prévisionnelle, l'outil a été utilisé
de façon opérationnelle pour améliorer des systèmes existants.
Il est possible de réaliser des AMDE ou des AMDEC, l'estimation de la criticité des
modes de défaillance apparaissant utile ou non. Actuellement, les AMDE (C) sont mises en
œuvre :
- de façon réglementaire : sûreté des industries à risque (nucléaire, chimie, aérospatiale,
transports, etc.) ;
- de façon contractuelle : équipementiers de l'automobile principalement ;
- de façon volontaire : construction d'une bonne disponibilité à l'origine ou amélioration
de la disponibilité en phase d'exploitation.
Dans ce qui suit nous étudierons les analyses de type « AMDEC - moyens de production »
qui concernent de plus les techniciens de maintenance.

4.3 PRÉREQUIS À L'AMDEC - MOYEN DE PRODUCTION


4.3.1 Les analyses AMDEC se font en groupe de travail
Le principe est de constituer un groupe de travail comprenant :
- les concepteurs qui ont établi l'avant-projet de l'équipement (partie opérative et/ou partie
commande) et qui maîtrisent les modes de fonctionnement ;
- des techniciens utilisateurs ou mainteniciens chargés d'enrichir le projet, de leur
connaissance du terrain et des pathologies susceptibles de se produire.
Remarque
Quand il s'agit d'AMDEC - produit, les commerciaux chargés de vendre ce produit ont
leur place légitime dans le groupe.
L'efficacité du groupe de travail AMDEC, comme de tout groupe, dépend de l'application
plus ou moins heureuse de la dynamique des groupes et de la conduite de réunion, employant
par exemple le principe : « Liberté d'expression des participants, Egalité dans les propositions
et les décisions, Fraternité pour réussir ensemble notre projet ».
4.3.2 L'AMDEC fait suite à une analyse fonctionnelle
Le système à analyser doit être totalement défini : environnement, réglementation,
fonctions et performances minimales requises. Les deux premières colonnes d'une feuille
d'AMDEC reprennent la fin de l'analyse fonctionnelle du système à corriger : l'association des
composants d'un sous-système avec leurs fonctions requises.

4.4 MÉTHODOLOGIE DE LA RÉALISATION D'UNE AMDEC


4.4.1 Choix du sous-système à étudier et des objectifs à atteindre
II s'agit au départ de choisir et de délimiter l'étude à mener, en fonction des objectifs fixés
(atteindre une valeur de disponibilité donnée, ou seulement « déverminer » les plus gros
problèmes potentiels) et du délai accordé. Remarquons que l'AMDEC se prête à des
« zooms » successifs : de l'ensemble des fonctions d'une pelle mécanique, on peut se limiter à
l'étude des pertes de fonctions hydrauliques, puis à celle d'un sous-système donné, puis à celle
d'un simple vérin.

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4.4.2 Constitution du groupe de travail


Sa composition dépendra des expertises requises en fonction des technologies présentes. Il
faudra également définir le mode de fonctionnement du groupe, et en particulier la fréquence,
la durée des réunions et le délai.
4.4.3 Mise au point de la fiche d'analyse
Sur un tableur, il faut définir les « lignes » (les composants) et les « colonnes »
nécessaires (AMDE ou AMDEC) réparties en quatre grandes familles : analyse fonctionnelle,
analyse de défaillance potentielle, estimation de la criticité et mesures à appliquer. Prenons un
exemple standard de feuille AMDEC (tableau 1).
Tableau 4.1. Exemple de feuille AMDEC – moyen de production

Analyse Analyse de défaillance Estimation de criticité Mesures


Fonctionnelle

Composant Fonc- Mode Effet Effet Occur- Non Criticité Mesures


tion de Causes local système Gravité rence déte- (indice) envi-
Nom Rep défail- ction sagées
lance
1 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11

4.4.4 Analyse fonctionnelle


• Colonnes 1 et 2
Les colonnes 1 et 2 se déduisent de l'analyse fonctionnelle préliminaire nécessaire à la
conception du système. Elles reprennent la liste des sous-ensembles ou des composants du
système étudié, avec leurs fonctions associées.
4.4.5 Analyse des défaillances potentielles
• Colonne 3 : modes de défaillance
Elle se déduit de la colonne 2 par identification des dégradations et des pertes de fonction
envisageables. 33 modes de défaillance génériques sont proposés dans la norme AFNOR
X60-510 (voir tableau 3).
• Colonne 4 : causes de défaillance
Elle se déduit de la colonne 3 ; à un mode de défaillance peuvent être associées plusieurs
causes.
• Colonnes 5 et 6 : effets de la défaillance
Elles se déduisent de la colonne 3, les effets étant envisagés localement au niveau du sous-
système étudié (colonne 5), et globalement comme conséquences possibles sur la mission du
système et sa sécurité (colonne 6).

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4.4.6 Analyse de la criticité de chaque mode de défaillance


• Colonnes 7, 8 et 9
- G est l'indice de gravité. Il s'évalue à partir des effets (colonne 6) par une note estimée de
1 (mineur) à 5 (catastrophique). Suivant les systèmes, la gravité « relative » peut s'estimer
sur plusieurs critères : sécurité des personnes, des biens, défauts de qualité, perte de
disponibilité, pénalisation de la production, etc.
- O est l'indice d'occurrence. Il s'évalue à partir des probabilités des causes (colonne 4) par
une note estimée de 1 (improbable) à 5 (fréquent). Il est parfois possible de faire
correspondre ces indices à des valeurs chiffrées. Par exemple, estimer O en fonction du
taux de défaillance λ exprimé en panne/heure suivant le tableau 2.
- D est l'indice de non-détectabilité. Il s'évalue à partir du mode de défaillance (colonne 3)
par une note estimée allant de 1 (la dégradation « qui prévient ») à 4 (défaillance
soudaine).

Tableau 4.2. Indices d'occurrence

Valeur du taux de
défaillance λ En
λ <10-6 10-6 < λ < 10-5 10-5 < λ < 10-4 10-4 < λ < 10-3 λ > 10-3
panne/heure
Estimation de
l’indice 1 2 3 4 5
d’occurrence O
Appréciation Improbable Très rare Assez rare Peu fréquent Fréquent
qualitative

4.4.7 Hiérarchisation des problèmes


• Colonne 10 : estimation de Ic indice de criticité
Chaque mode de défaillance identifié sera caractérisé par son indice de criticité :
Ic = G x O x D
Dans notre exemple, Ic sera compris entre 1 x 1 x 1 = 1 et 5 x 5 x 4 = 100. L'indice de
criticité permet d'établir l'ordre de priorité des actions correctives à entreprendre.
Il tombe sous le sens que pour des défaillances apparaissant critiques (Ic > 75) une remise en
cause de la conception est nécessaire. A l'opposé, il est possible de négliger certaines
défaillances envisagées, mais qui ne sont ni probables ni graves (Ic < 20). Entre les deux, des
mesures correctives doivent être proposées.
4.4.8 Propositions d'améliorations
• Colonne 11 : mesures envisagées
Elle est souvent décomposée suivant les rubriques possibles :
- modifications de conception,
- moyens de détection ou consignes de surveillance ou inspections périodiques,
- dispositif de remplacement, reconfiguration, repli,
- observations, recommandations.

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Il appartient au groupe de travail de tirer le maximum de préconisations du travail long et


fastidieux, mais riche d'enseignements qu'est une AMDEC - moyens de production.

4.5 LES MODES DE DÉFAILLANCE GÉNÉRIQUES


La norme AFNOR X 60510 propose une liste de 33 modes de défaillance relatifs aux
parties « commande », indiqués dans le tableau 3.

Tableau 4.3. Modes de défaillance génériques

1 Défaillance structurelle (rupture) 19 Ne s’arrête pas

2 Blocage physique ou coincement 20 Ne démarre pas

3 Vibrations 21 Ne commute pas

4 Ne reste pas en position 22 Fonctionnement prématuré

5 Ne s’ouvre pas 23 Fonctionnement après le délai prévu


(retard)

6 Ne se ferme pas 24 Entrée erronée (augmentation)

7 Défaillance en position ouverte 25 Entrée erronée (diminution)

8 Défaillance en position fermée 26 Sortie erronée (augmentation)

9 Fuite interne 27 Sortie erronée (diminution)

10 Fuite externe 28 Perte de l’entrée

11 Dépasse la limite supérieure tolérée 29 Perte de la sortie

12 Dépasse la limite inférieure tolérée 30 Court-circuit (électrique)

13 Fonctionnement intempestif (inopportun) 31 Court-ouvert (électrique)

14 Fonctionnement intermittent (discontinu) 32 Fuite (électrique)

15 Fonctionnement irrégulier 33 Autres conditions de défaillance excep-


tionnelles suivant les caractéristiques du
16 Indication erronée système, les conditions de fonction-
nement et les contraintes opérationnelles
17 Ecoulement réduit

18 Mise en marche erronée

La figure 4.1 illustre les modes de défaillance générique les plus fréquents en analyse
prévisionnelle d'automatisme.

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Fonctionnement
prévu

Fonctionnement
constaté

Perte de la Démarrage Refus de Refus de Fonction


fonction intempestif s’arrêter démarrer dégradée

Figure 4.1. Modes de défaillance générique

4.6 AUTRES EXPLOITATIONS POSSIBLES DE L'AMDEC


4.6.1 Détecter des causes communes de défaillance
Lorsque nous voyons apparaître dans la colonne 4, face à plusieurs composants, une cause
répétitive, il est souvent astucieux de la traiter collectivement, et non ligne par ligne
(exemples fréquents : le gel, l'humidité, les vibrations). De plus, ces causes communes
peuvent rendre inefficaces les mises en redondance destinées à fiabiliser un système. Il est
donc intéressant de les identifier assez tôt pour éviter les « pseudo redondances ».
4.6.2 Traiter les effets communs par un arbre de défaillance
Lorsque nous voyons apparaître dans la colonne 6, face à plusieurs composants, un effet
répétitif, il est conseillé de construire l'arbre de défaillance relatif à cet effet. Prenons
l'exemple d'un système de levage : si les analyses du câble, du frein, de l'embrayage, de l'arbre
de poulie, etc., montrent un risque de « chute de la charge », alors il faut passer à l'arbre des
causes de cette défaillance.
4.6.3 Mettre en place de la maintenance conditionnelle
Lorsqu'un indice de criticité est de la forme Ic = G x O x D = 5 x 5 x 1, alors nous
sommes devant une défaillance grave et probable, mais détectable : autant de conditions
réunies pour la prévenir par la maintenance conditionnelle.

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