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Université de Montréal

par

Guillaume LÉTOURNEAU

Département de philosophie

Faculté des arts et des sciences

Programme: Philosophie

Travail présenté à

Monsieur Nicolas Comtois

Dans le cadre du cours PHI-1520

Le 13 avril 2021
Avant de parler de la certitude qu’est « Je suis, j’existe » pour Descartes, je crois qu’il s’impose

d’examiner la première méditation afin de comprendre son cheminement. De façon très distincte

des autres méditations, elle décrit l’effort de Descartes dans sa remise en question des images

provenant de ses sens ainsi que des notions de bon sens. Ayant pour objectif de construire un

corps de vérité indubitable, il doit faire recours au doute comme outil pour déterminer si les

croyances qu’il porte depuis toutes ses années sont fausses.

Les premières croyances à être éliminées sont celles qui dépendent des sens. Entre autres, tout ce

qui tient de la vue et du toucher, incluant la croyance de l’existence de son propre corps.

Pourquoi ne pouvons-nous pas être certains de cette existence? Car le point peut-être soulevé que

nos rêves peuvent être suivis avec la même confiance, le menant à la conclusion qu’il est

impossible de distinguer la différence entre une fausse et une véritable perception sensorielle. Il

propose une division du terme « d’idée » :

a) L’idée provenant du mode de pensée.

b) L’idée qui existe comme représentation de la réalité.

Selon lui, même dans les rêves, il est impossible de nier la première définition qu’il fait du terme

idée. Ce qu’il tente de réfuter est en fait la vérité des idées et par le fait même, ce qu’il appelle la

« réalité objective ». En d’autres mots, est-il concevable de penser sans aucun doute qu’une idée

découlant des sens représente une réalité véritable (« réalité objective »)? Cette logique lui

permet d’avancer sa deuxième conclusion de cette première méditation en disant qu’il nous est

impossible de savoir réelle et sans équivoque l’idée reçue par le biais des sens. Il compare ces

images-sens aux idées que l’on perçoit dans les rêves ou les fantasmes, nous assurant que dans

les deux cas, il nous est possible de se tromper sur les sons et les images (ex. : illusions).
Malgré tout, il existe pour Descartes une autre catégorie d’idées qu’il considère acquises de

façon innée. Ces idées constituent pour lui le domaine des mathématiques. Deux plus deux

égalent quatre de façon constante dans la réalité ou dans les rêves. Pourquoi? Car une équation

mathématique n’a pas besoin de référent dans le monde sensible pour se faire. Nous pourrions

donc penser, selon lui, que les nombres sont réellement autre chose qu’un simple mode de

pensée et qu’ils possèdent une « réalité objective ». Néanmoins, les gens peuvent faire des

erreurs concernant les mathématiques telles qu’ils peuvent en faire concernant les sons et les

images (référence à la conclusion précédente). La confiance accordée aux mathématiques est

vraisemblablement analogue à celle accordée aux images-sens, ce qui amène Descartes à faire sa

deuxième proposition de cette première méditation. Imaginons que les mathématiques ne sont en

fait qu’une illusion imposée aux gens par l’intermédiaire d’un démon malveillant ayant accès

aux esprits de la masse. Contrairement à la supposition qu’un corps divin comme Dieu soutient

la pensée, l’hypothèse du malin génie (démon malveillant) qui fausse les croyances ordinaires est

une conclusion possible de son argumentation.

Sans avoir réellement fait de progrès concernant la connaissance véritable, Descartes termine sa

première méditation en possession d’un doute méthodique et rationnel. Il fournit une multitude

de raisons solides relatives à ses doutes au sein de chaque étape de son argumentation. Le doute

affirme selon lui qu’il nous est impossible de savoir quoi que ce soit avec certitude et prépare le

lecteur aux métaphysiques qu’il tente de construire.

Nous pouvons maintenant disséquer la deuxième méditation, informée de la méthode unique de

Descartes. Dans celle-ci, il tente de découvrir une base de certitude indubitable et que le doute ne

peut pas ébranler. Il procède en dessinant le portrait de son argumentation :


a) Les croyances des sens peuvent être fausses (illusions).

b) Les rêves sont aussi trompeurs que les sens.

c) Les idées innées comme les mathématiques peuvent être falsifiés par l’idée du malin

génie.

L’admission a) est comme il a été démontré plus haut basé sur le fait que les sens ne sont pas

dignes de confiance. L’admission b) provient de la conclusion que l’imagination ne peut pas être

évoquée non plus comme guide dans la recherche de l’essence humaine. Comme nous l’avons vu

avec l’exemple des rêves, nous pouvons tout simplement imaginer toute sorte de choses qui ne

sont pas réelles. Il nous reste donc à comprendre la dernière étape de son argumentation à la fin

de sa première méditation ainsi qu’au début de la deuxième : l’hyperbole du malin génie (démon

malveillant).

Admettons à partir d’ici que toutes nos idées sont alors des hallucinations et qu’elles sont

causées par un malin génie ou une puissance surnaturelle. Il serait facile pour une entité toute

puissante de nous faire croire que nous sommes en plein milieu d’une action quelconque, même

si ce n’est pas vraiment le cas. Si cette expérience sensorielle que l’on vit présentement est

causée par ce malin génie, nous est-il possible de dire que nous savons ce que nous faisons à

l’instant? La simple possibilité de poser l’existence d’un tel démon suffit à Descartes pour

écarter pour de bon toute connaissance. En d’autres mots, il propose que nous ne puissions pas

être certains de toute connaissance qui a la possibilité d’être fausse. Si nous admettons alors la

possibilité qu’il existe une telle puissance et que nous sommes trompés par celle-ci, alors toute

connaissance que nous avons est fausse. Tout postulat qui peut être faussé par une telle exitance

ne peut donc pas être une connaissance.


Cette dernière conclusion de son argumentation établit le critère strict d’une connaissance à

l’abri du doute. Une connaissance véritable ne peut provenir des sens (a), de l’imagination (b) et

doit être affirmée considérant l’existence d’un malin génie (c). La conclusion à laquelle il en

vient est la suivante :

« Je suis, j’existe, est nécessairement vraie, toute les fois que je la prononce, ou que je la conçois

en mon esprit » ( Descartes, René, 2011 p.73 ).

Pour la première fois, Descartes respecte les critères qu’il a mis en place. La conclusion de sa

propre existence échappe à l’existence d’un malin génie, puisque même dans une situation ou

« je » se trouve trompé, il existe une nécessité d’exister pour que « je » sois trompé. Autrement

dit, si « je » n’existe pas, comment pourrais-je être trompé? Ici, la déception elle-même n’a plus

d’importance pour lui. L’important est que pour tromper, le malin génie requiert un sujet. Ce

sujet ici étant le « je » ou dans le texte « Descartes ». La tromperie doit nécessairement s’arrêter

à la certitude de l’existence de la personne qui est trompée. « Je » est une existence qui précède

nécessairement la déception, et qui expérience les sensations et images trompeuses. Un démon

peu trompé sur l’objet de la pensée, mais, pas sur le fait que « je » pense.

Il présente un jugement qui s’autovalide. L’idée du « soi-même » est un cas unique permettant

aux gens de rencontrer leur existence pondérée dans l’idée elle-même. Mais est-ce que cette idée

possède une « réalité objective »?

Contrairement aux autres idées mentionnées plus haut, le « soi-même » s’ouvre à l’évaluation

par nul autre concept que celui du « soi », ce qui permet à l’idée et l’existence qu’elle dépeint

d’être présentes chaque fois qu’on l’intellige. Pour emprunter l’expression de Descartes, dans un
acte rudimentaire « d’inspection de l’esprit » ( Descartes, René, 2011 p.87 ), on sait qu’on existe.

L’acte de douter l’a donc amené ici à sa première certitude métaphysique : « Je pense, j’existe ».

En conclusion, j’ai tenté dans ce texte de présenter grossièrement l’argumentation de Descartes

pour en venir à sa première certitude métaphysique. Une fois le travail de fond de la méditation

première présentée, il nous a été possible de mieux comprendre ce qu’il écarte de son

raisonnement dans l’extrait de texte étudié. Pour finir, la présentation en profondeur de

l’argument du malin génie qui devient le dernier critère d’une certitude indubitable et qui le

pousse à présenter sa première conclusion que le doute ne peut pas ébranler.


Bibliographie :

Descartes, René, Méditations métaphysiques, éd. par J.-M. et M. Beyssade, Paris, Flammarion, 2011.

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