DOSSIER DÉ V E L OP P E M E N T P E R S ON N E L

Distrait ? Comment vous

(re)concentrer

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 3
POINT DE VUE : The One Thing

D’après The One Thing: The Surprisingly Simple Truth

Behind Extraordinary Results de Gary KELLER et Jay
PAPASAN (Bard Press, avril 2013).

6
TÉMOIGNAGE : Shelton Interactive :
rester concentré dans le brouhaha

Interview de Rusty SHELTON, fondateur et CEO

de Shelton Interactive (États-Unis), octobre 2013.

8
À VOUS DE JOUER : Comment rester
concentré au quotidien ?

D’après « Train Your Brain to Focus » de Paul

HAMMERNESS et Margaret MOORE (Harvard Business

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Review, janvier 2012) et Focus: Use the power of
targeted thinking to get more done de Jurgen WOLFF
(Pearson, juillet 2010).

En bref

Définissez votre One Thing (priorité)
pour lutter contre les distractions !
Surcharge d’emails, réunions
incessantes, collaborateurs qui vous
dérangent dans l’open space… dans
un environnement de travail où les
distractions sont partout, votre capacité
à vous concentrer devient un facteur clé
d’efficacité.
Chez Shelton Interactive, réseaux
sociaux, smartphones et télévisions font
parti du job. Mais pour le CEO Rusty
Shelton, cette hyperconnectivié a un
inconvénient : un risque de distraction
permanent. Pour cette raison, son
équipe et lui ont développé toute
une batterie de tactiques pour rester
concentré.
Une fois votre One Thing identifiée,
comment cibler vos efforts ? Suivez
la règle des 80/20 pour vous focaliser
sur ce qui crée le plus de valeur ;
concentrez-vous sur vos points forts
plutôt que de chercher à combler vos
lacunes ; luttez contre la procrastination
en rendant les tâches fastidieuses plus
agréables

novembre 2013 • • No 241 • 2

DOSSIER DÉ V E L OP P E M E N T P E R S ON N E L

The
One Thing
D’apr è s The O ne T h in g : T h e S u rp ris in g ly S im ple Truth B ehind Ex traordinary R es ults de G ary K ELL ER
et Ja y PA PA S A N ( B a rd P re ss , a vril 2 0 1 3 ).

Au bureau, vous avez l’impression de vous battre en permanence contre QUELLE EST VOTRE PRIORITÉ
les distractions ? Rassurez-vous : vous n’êtes pas le seul. Des études ont (ONE THING) ?
montré qu’un employé est dérangé en moyenne toutes les trois minutes1
Selon Mark Twain, « le secret pour aller
sur son lieu de travail et qu’il passe environ un tiers de sa journée à de l’avant est de se lancer. Le secret pour
rattraper le temps perdu à cause de ces interruptions. Une leçon sur l’art se lancer est de décomposer les tâches
de la concentration s’impose. complexes en tâches simples et de com-
mencer par la première d’entre elles. »

Gary Keller a co-fondé sa première agence immobilière en 1983
dans la ville d’Austin au Texas et, en trente ans, Keller Williams
Realty est devenu le plus large réseau d’agences immobilières
d’Amérique du Nord. Selon lui, cette réussite tient à son apti-
tude à rester concentré sur ce qui compte le plus sans se laisser
distraire. Mais dans l’environnement de travail actuel (smart-
phones, accès quasi illimité à l’information, open spaces, etc.),
pas toujours facile de se concentrer sur LA bonne chose à faire.
Chaque année aux États-Unis, la distraction coûterait mille mil-
liard de dollars aux entreprises en perte de productivité. Mais
rassurez-vous, selon Gary Keller, nous pouvons tous aiguiser
notre concentration !
n Identifiez votre One Thing
Pour identifier ce qui mérite toute votre attention, Gary Keller
préconise de vous poser la question suivante : « Quel est l’ob-
jectif unique et prioritaire (One Thing) que je dois faire pour
que tout le reste devienne plus facile ? » L’auteur a commencé
à se poser cette question en 1991 alors que son entreprise
était en péril : « En moins d’une décennie, nous avions créé
une entreprise florissante puis soudainement plus rien ne fonc-
tionnait. Malgré mon engagement, j’avais le sentiment que le
monde s’écroulait. » Il comprit alors que recruter de nouveaux
talents pourrait sauver son entreprise et mit tout le reste de
côté, renonçant même à ses fonctions de CEO, pour se concen-

À RETENIR
• Quelle est votre One Thing ? La priorité sur laquelle concentrer toute votre attention et qui doit servir de boussole à l’ensemble
de vos activités.

• Deux limites à la concentration : la volonté de vouloir tout faire et tout maîtriser et l’idée selon laquelle il est facile d’alterner
entre multi- et monotasking.

• Pour gagner en concentration, bloquez quelques périodes de temps qui vous permettront de réaliser votre One Thing et refusez
d’être dérangé.

3 • • No 241 • novembre 2013

trer sur cette tâche. « Cela m’a pris trois ans pour composer
l’équipe de dirigeants idéale (14 collaborateurs clés), mais
mon acharnement a payé : l’entreprise a connu une croissance
Les auteurs
d’environ 40 % par an durant pratiquement une décennie. Et Gary KELLER est fondateur et président du
nous sommes passés du statut d’acteur régional à internatio- conseil d’administration de Keller Williams
nal. » Une aventure qui lui a fait prendre conscience que pour Realty. Il est l’auteur de The Millionaire
Real Estate Agent, The Million Real
rester performant, il était indispensable de se fixer un objectif
Estate Investor et de SHIFT: How Top Real
majeur et de l’utiliser comme boussole.
Estate Agents Tackle Tough Times. Jay
PAPASAN est quant à lui co-propriétaire
d’une agence immobilière affiliée à Keller
n Décomposez votre One Thing en plusieurs étapes
Williams Realty. Il a co-écrit la série
Que faire une fois cette One Thing définie ? Gary Keller recom-
Million Real Estate avec Gary Keller après
mande de décomposer son objectif principal en étapes allant
avoir été éditeur chez Harper Collins.
jusqu’à déterminer la première action à mener immédiatement
(voir le schéma « Fixer ses objectifs »).

n Le multitasking est l’ennemi de la concentration

CES IDÉES RECUES QUI SABOTENT
LA CONCENTRATION
Selon Gary Keller, au moins deux idées reçues empêchent les
individus de se concentrer efficacement sur leur objectif.
n Se concentrer suppose de mettre de côté certaines
tâches
Pour être performant, vous devez identifier votre priorité et lui
réserver l’attention, l’énergie et le temps qu’elle mérite. « Si
vous vous focalisez exclusivement sur une chose, vous en né-
gligerez nécessairement d’autres », affirme Gary Keller (voir
l’encadré « Deux obstacles psychologiques qui nuisent à la
concentration »). Mais attention à ne pas ignorer vos autres res-
ponsabilités. Apprenez à « compenser » : réservez la majorité
de votre temps et de votre énergie (environ quatre heures par
jour) à votre objectif principal et accordez le temps qu’il vous
reste aux autres activités. Ce concept de compensation suggère
de réaliser des ajustements permanents pour assurer l’équilibre
entre votre priorité et les tâches courantes. Gary Keller prend
l’exemple d’une ballerine : « Sur les pointes, elle semble flotter
avec grâce, mais en regardant de plus près, on voit ses pieds
osciller et réaliser une multitude d’ajustements. »
« Dans un environnement toujours plus saturé d’information, le
multitasking est de plus en plus répandu, en particulier chez
les plus jeunes », expliquent les chercheurs de l’Université de
Stanford dans leur étude « Cognitive control in media multitas-
kers » (PNAS, juillet 2009). Conséquences : « Les adeptes du
multitasking paient un lourd tribut sur le plan cognitif. Il leur
est difficile de filtrer les informations non pertinentes et d’exer-
cer leur mémoire2 ». Mais pour Gary Keller, le multitasking est
un terme inapproprié : « Il s’agit d’avantage de taskswitching
(passage d’une tâche à une autre) au cours duquel chaque
changement rallonge le temps nécessaire pour remplir une
tâche de 25 % à 100 %, selon sa complexité. « Les chercheurs
estiment qu’en moyenne 28 % d’une journée de travail est
consacré à rattraper le temps perdu à cause du taskswitching. »
Rien d’étonnant : nous entraînons notre cerveau à passer d’une
tâche à l’autre, puis lui demandons de perdre cette habitude
quand il devient nécessaire de nous concentrer. Or le cerveau
n’est pas élastique et peine à revenir à sa forme d’origine3.
COMMENT RENFORCER VOTRE CONCENTRATION
L’environnement de travail moderne est rempli de distractions
telles que les alertes emails, les flux d’actualités des

Deux freins à la concentration

1. L’inaptitude à dire non : « Si vous ne savez pas dire non, vous ne serez jamais vraiment capable de dire oui et d’accomplir
votre One Thing. » Steve Jobs résume bien cette idée : dans les deux ans qui ont suivi son retour chez Apple (1995-1997),
il a réduit la gamme de produits de la marque de 350 à 10 unités, expliquant aux employés que « la concentration ce n’est
pas savoir dire oui, mais savoir dire non ».
2. La peur du chaos : le désordre est inévitable lorsque vous vous focalisez sur une seule chose. Le monde n’arrête pas de
tourner parce que vous vous concentrez sur une tâche. Les choses continuent à s’empiler sur votre bureau sans qu’il soit
possible de presser le bouton pause. Un des plus grands ennemis de la productivité est le refus d’accepter le chaos.

novembre 2013 • • No 241 • 4

DOSSIER DÉ V E L OP P E M E N T P E R S ON N E L

réseaux sociaux, les téléphones portables allumés en per-

manence et le manque de calme des open spaces. Dans ce
Fixer ses objectifs
contexte, comment protéger votre concentration ? Quelle est LA chose que je veux accomplir
à long terme ?

n Bloquez votre temps Quelle est LA chose que je peux accomplir

au cours des cinq prochaines années ?
La plupart des individus accusent le manque temps comme
source de non performance ; pourtant, il suffit de savoir le Quelle est LA chose que je peux accomplir
prendre ! « Prenez votre agenda et bloquez tout le temps né- cette année ?
cessaire pour atteindre votre objectif principal. S’il s’agit d’un
travail régulier, bloquez une plage horaire quotidienne pour Quelle LA chose que je peux accomplir
que cela devienne une habitude. Vos autres projets devront at- ce mois-ci ?
tendre. » Concrètement, vous devez bloquer les trois « temps »
Quelle LA chose que je peux accomplir
les plus importantes pour votre productivité : votre temps de cette semaine ?
repos (« aussi important que votre temps de travail ») ; le
temps pour atteindre votre objectif principal ; le temps pour Quelle est LA chose que je peux accomplir
planifier votre agenda. Bloquer votre temps ne suffit pas, il est aujourd’hui ?
indispensable aussi de savoir gérer votre énergie. (Voir « Pré-
servez temps et énergie pour ce qui compte vraiment ! », Busi- Quelle est LA chose que je peux accomplir
maintenant ?
ness Digest no 235, avril 2013).

Aiguiser votre capacité de concentration n’est pas suffi-

n Quatre manières de préserver votre temps
« Le temps que vous bloquez peut être saboté de nombreuses
manières, explique Gary Keller. Voici quatre moyens pour lut-
ter contre les distractions et garder votre attention sur votre
objectif principal. »
1. Repliez-vous dans un bunker : « Cherchez un endroit où
l’on ne peut pas vous interrompre même si cela signifie de
quitter le bureau. »
2. Accumulez les provisions : « Ayez tout sous la main, four-
nitures, snacks, boissons et ne quittez votre bunker que pour
aller aux toilettes. »
3. Déminez le terrain : « Éteignez votre téléphone, fermez
votre boîte email et votre navigateur Internet. Votre travail le
plus important mérite 100 % de votre attention. »
4. Assurez-vous du soutien de vos troupes : « Expliquez ce que
vous faites aux personnes les plus susceptibles de vous déran-
ger, et dites quand vous serez disponibles. »
sant ; en tant que manager il est de votre responsabilité d’aider
vos équipes à faire de même. Pour Clifford Nass, professeur
à l’Université de Stanford et spécialiste du multitasking, les
managers peuvent a minima réduire les temps de distraction
de leurs collaborateurs. Notamment en leur rappelant qu’ils
n’ont pas besoin de répondre instantanément à leurs emails et
en décourageant l’usage des messageries instantanées et des
téléphones portables au bureau. Enfin, regrouper les réunions
en début ou fin de journée permet aux équipes de disposer de
larges plages de travail sans interruption. n
1. « Workplace Distractions: Here’s Why You Won’t Finish This Article »
de Rachel Emma Silverman (Wall Street Journal, décembre 2012).
2. « Are You Multitasking Your Life Away? » de Clifford Nass
(TEDxStanford, juin 2013).
3. « The Myth of Multitasking », entretien NPR avec Clifford Nass,
mai 2013.

Ne laissez pas les emails vous contrôler !

Au regard de l’impact du taskswitching sur la productivité, il est temps de reconsidérer vos méthodes de travail, en
commençant par réguler l’usage des emails au bureau. Par exemple en désactivant les alertes email et en se fixant des
plages horaires précises pendant la journée pour répondre aux messages. Et si ça ne suffit pas, pensez aux messages
automatiques. Tina Roth Eisenberg, serial entrepreneur fondatrice de Swissmiss, CreativeMornings et TeuxDeux, reçoit en
moyenne un millier d’emails par jour. Elle raconte combien l’activation d’un simple message de réponse automatique l’a aidé
à améliorer sa productivité : « L’idée de décevoir les gens, de ne pas leur répondre immédiatement, me posait un problème
de conscience et me rendait malade. Alors j’ai mis en place un répondeur automatique pour réguler les attentes de ceux qui
m’écrivent*. »
* « The Greatest Productivity Tool You Never Thought Of: Email Autoresponder » de Drake Baer (Fast Company, octobre 2013).

5 • • No 241 • novembre 2013

TÉMOIGNAGE
Shelton Interactive :
Rester concentré dans le brouhaha
In ter v i e w de R us t y S H E LT O N , fo n d a te u r e t C EO de Shelton Interactiv e (États -U nis ), octobre 2013.
Selon Rusty Shelton, CEO de l’agence de
communication Shelton Interactive, réseaux
sociaux, emails, smartphones et réunions
constituent de vrais ennemis pour la
concentration et donc la performance. Pour
lutter contre les distractions incessantes,
ses équipes et lui ont appris à adapter leurs
méthodes de travail pour se concentrer sur ce
qui compte vraiment : les clients.
« Il est aujourd’hui de plus en plus diffi-
cile de rester concentré », affirme Rusty
Shelton, fondateur et CEO de l’agence
de communication numérique Shelton
Interactive. Un problème d’autant plus
prégnant dans son entreprise où les em-
ployés sont connectés en permanence :
leur attention est à la merci de CNN
(projetée toute la journée sur des télé-
visions), des emails, de leurs téléphones
portables et des informations de leurs
clients qu’ils scrutent sur les réseaux
sociaux. En se plongeant ensemble en
2012 dans la lecture du livre de Gary
Keller The ONE Thing pour comprendre
l’importance de la concentration, Rusty
Shelton et ses collaborateurs ont adopté
BIOGRAPHIE
quelques tactiques destinées à réduire
les sources de distraction quotidiennes.
Se concentrer sur sa One Thing
Lorsque Rusty Shelton fonda Shelton
Interactive en 2010, la masse de travail
nécessaire au lancement de l’entreprise
était telle qu’il lui était très difficile de
se concentrer. « J’étais seul et je devais
tout faire moi-même : réaliser les projets
des clients, m’occuper de la comptabi-
lité et gérer les factures. À cette époque,
ma femme et moi avions deux enfants en
bas âge. J’étais débordé aussi bien dans
ma vie personnelle que professionnelle
et j’avais beaucoup de difficulté à rester
concentré. Heureusement, j’avais une vi-
novembre
Rusty SHELTON est le fondateur et CEO
de Shelton Interactive, une agence de
communication numérique qui travaille
pour des marques comme Harvard Health
Publications et Chicken Soup for the Soul et
des auteurs à succès tels que Ram Charan,
Doug Conant ou Tom Rath. Il est membre
de la National Speakers Association (NSA)
et est notamment intervenu à Harvard à
l’âge de 23 ans lors d’une conférence sur le
thème de l’évolution des RP.
sion claire de mon objectif : fournir à mes
clients le meilleur service possible et cela
m’a aidé à rester centré sur l’essentiel.
J’aurais pu dépenser beaucoup de temps
et d’énergie à rechercher des clients,
conclure des ventes et m’occuper du mar-
keting, mais j’ai choisi de canaliser toute
mon attention et mes ressources sur le ser-
vice irréprochable que je souhaitais fournir
à mes quelques clients. » Ses efforts ont
rapidement été récompensés, le bouche-
à-oreille a fonctionné et le chiffre d’affaire
ainsi que le nombre de clients sont passés
respectivement de 150 000 dollars et 10
clients fin 2010 (l’entreprise a été créée
en juillet 2010) à plus de 600 000 dollars
et plus de 50 clients un an plus tard.
2013 • • No 241 • 6
DOSSIER DÉ V E L OP P E M E N T P E R S ON N E L
Identifier ce qui aura le plus
d’impact
Le premier objectif de Rusty Shelton
(fournir à ses clients le meilleur service
possible) était devenu la mission princi-
pale de Shelton Interactive. Mais lorsque
le nombre d’employés à plein temps est
passé de 1 à 20, il a du repenser ses prio-
rités. « Début 2013, je me suis posé la
question que préconise Gary Keller dans
son livre : “Quelle est la chose unique que
je dois faire pour que tout le reste devienne
plus facile ?” La réponse est que je dois
désormais me focaliser sur le développe-
ment des talents au sein de l’entreprise ».
Comme Gary Keller le conseille, le CEO
a alors décomposé son objectif principal
(augmenter la compétence de ses colla-
borateurs clés) jusqu’à déterminer l’action
prioritaire à mener : de simples réunions
hebdomadaires. « Toutes les semaines,
je rencontre mes deux directeurs, Amber
McGinty and Shelby Sledge pour piloter le
plan stratégique et je conduis également
des réunions, destinées à l’ensemble
des collaborateurs ou uniquement à une
équipe en particulier, dédiées au dévelop-
pement de nouvelles compétences. »
Contrôlez l’environnement pour
protéger votre concentration
Rusty Shelton et ses deux responsables
du leadership ont leur propre bureau.
Trois employés travaillent de chez eux
à plein temps et les 14 collaborateurs
restants se partagent deux open spaces.
Selon le CEO, « ce type d’espace a
beaucoup d’avantage car il favorise la
collaboration, les brainstormings et gé-
nère une véritable culture de l’entraide.
Mais pour en tirer le meilleur parti, les
employés ont aussi besoin de garder un
contrôle sur leur environnement de tra-
vail, c’est pourquoi aucun d’entre eux
n’est obligé de venir au bureau. Ils sont
tous libres de travailler où et quand ils
le veulent, que ce soit de chez eux, d’un
café… ». Environ un tiers d’entre eux
mettent à profit cette flexibilité réguliè-
rement (sans compter les trois employés
qui travaillent de chez eux de manière
permanente). « Mon environnement af-
fecte fortement ma capacité de concen-
tration et je suis trop souvent dérangé au
bureau. Aussi, deux fois par semaine,
ma journée démarre dans un café. Je
7 • • No 241 • novembre
stratégie et de nombreuses politiques
FICHE ENTREPRISE communes en matière d’emails et de
SHELTON INTERACTIVE réunions sont nées de ce test. « Par
exemple, nous suivons une règle stricte
Date de création : 2010. selon laquelle tout email d’un client
Siège social : Austin, Texas. doit recevoir une réponse dans les 24
Fondateur et CEO : Rusty Shelton. heures sans exception sauf le weekend.
Domaine d’activité : Relations Mais nous communiquons aussi large-
publiques. ment sur l’importance de se réserver du
Effectifs (2013) : 20 employés. temps et je décourage les collaborateurs
Chiffre d’affaire (2012) : 889 000 à regarder leurs emails constamment »,
dollars. explique le CEO. Quant aux réunions,
l’entreprise a introduit à l’automne 2013
une nouvelle politique interne pour amé-
planifie ma semaine en déterminant ma liorer la concentration. « Nous avons pris
priorité et quand j’arrive à l’agence, je conscience que les employés étaient de
ferme la porte de mon bureau pendant plus en plus distraits pendant les réu-
quelques heures pour avoir la paix. » nions, accaparés par leurs téléphones et
ordinateurs portables. Nous avons alors
Lutter contre les deux sources interdit ces appareils à moins que leur
majeures de distractions usage ne soit directement lié au sujet
« Juste après avoir lu le livre de Gary de la réunion. Notre nouvelle approche
Keller en 2012, nous avons décrété en matière de réunions peut se résumer
que pendant un mois, les emails et les par  : concentrons-nous, finissons-en,
réunions seraient bannis de 9h à 11h puis retournons au travail. »
tous les jours afin que chacun puisse
se concentrer sur son objectif principal. « Les distractions font désormais par-
Cette stratégie s’est révélée à la fois très ti de notre job », conclut Rusty Shelton,
efficace et… impossible à tenir. Nous ne pour qui la capacité à rester concentré
pouvions pas nous permettre de fermer devient un facteur clé de succès. « L’au-
l’entreprise aux demandes des clients et todiscipline est extrêmement impor-
ignorer les affaires urgentes deux heures tante. Savoir se concentrer ou non sur
par jour. Mais cette expérience nous a ce qui a le plus d’impact est la qualité
beaucoup appris. » Beaucoup de colla- fondamentale que je recherche chez les
borateurs continuent d’appliquer cette collaborateurs que je recrute. » n
Pour rester concentré,
apprenez à dire non aux clients
Shelton Interactive filtre ses clients selon des critères d’affinités, pour évier tout
risque de dispersion. « Nous demandons à tous nos clients potentiels de remplir
un questionnaire expliquant ce que nous attendons d’eux. Nous nous sommes
aperçus qu’une question en particulier nous permettait de prévoir une coopération
fructueuse : “Êtes-vous prêts à vous amuser ?”. » Selon Rusty Shelton, choisir ses
clients lui permet d’obtenir de meilleurs résultats dans son travail. Il a également
formé ses équipes à dire non : « Lorsque nous créons des sites Internet, par
exemple, les clients nous donnent beaucoup d’idées. Vous pouvez dire oui à
toutes leurs requêtes pour leur faire plaisir à court terme, mais ils déchantent
assez vite quand ils réalisent que leurs idées sont impossibles à mettre en œuvre.
C’est pourquoi, bien que nous travaillions en proche collaboration avec nos clients
pour nous assurer qu’ils soient satisfaits, nous sommes également très clairs sur
ce qui est viable et ce qui ne l’est pas. Nous trouvons l’équilibre en combinant la
liste des désirs du client avec notre savoir-faire. »
2013
 À VOUS DE JOUER !

Vous avez identifié votre priorité (One Thing), l’avez décomposé en

tâches élémentaires et êtes conscient des risques de distractions
qui fourmillent dans votre environnement ? Il est désormais temps de
passer à l’action : suivez la règle des 80/20 pour cibler vos efforts ;
concentrez-vous sur vos points forts plutôt que de chercher à combler
vos lacunes ; luttez contre la procrastination en rendant les tâches

Istockphoto / © OJO_Images
fastidieuses plus agréables.

D’après « Train Your

Brain to Focus » de Paul

Comment rester HAMMERNESS et Margaret

MOORE (Harvard Business
Review, janvier 2012) et

concentré au quotidien ? Focus: Use the power of

targeted thinking to get
more done de Jurgen WOLFF
(Pearson, juillet 2010).

1/ DÉFINISSEZ VOS TÂCHES

PRIORITAIRES
traitez vos emails qu’en fin de journée quand tout le reste est
fait ou apprenez à déléguer les tâches qui créent le moins de
valeur ajoutée.
• Devenez inflexible et cessez toute affaire avec vos clients
La « règle des 80/20 » peut être utilisée pour vous aider à vous
les plus problématiques, ou supprimer les produits/services de
concentrer sur vos priorités.
votre gamme qui ne sont pas rentables.

Ciblez vos efforts sur ce qui en vaut

la peine
Constatation de l’économiste italien Vilfredo Pareto : dans
de nombreux pays, 80 % des revenus profitent à 20 % de la
population. Mais d’une même manière, Jurgen Wolff observe
2/ CONCENTREZ-VOUS
SUR VOS POINTS FORTS
que 80 % de votre performance est issue de seulement 20 % Nous avons tendance à nous focaliser sur nos faiblesses plutôt
de vos efforts, ou que 80 % de vos bénéfices proviennent d’à que sur nos forces. Grave erreur : développer nos forces offre
peine 20 % de vos clients. D’où l’intérêt de dédier votre temps un retour sur investissement bien supérieur au fait de vouloir
et votre énergie à ces 20 % d’activités les plus rentables. combler nos lacunes.

Éliminez les activités à faible valeur Ne cherchez pas à être moyen

ajoutée
• Identifiez vos 20 % d’activités qui produisent le plus de
valeur : prospection clients, développement de nouveaux pro-
duits/services, motivation de vos équipes… et réservez une
plage horaire quotidienne pour vous y consacrer à 100 %
• Réduisez les activités les moins rentables : par exemple, ne
dans un domaine
« Si vous êtes doué pour une activité et que vous investissez
davantage d’énergie dans ce domaine, vous allez exceller, ex-
plique Wolff. En revanche, si vous n’êtes pas particulièrement
doué pour ce que vous faites, et si vous vous efforcez de vous
améliorer, le plus probable est que, même avec un travail

novembre 2013 • • No 241 • 8

À VOUS DE JOUER !
acharné, vous serez tout au plus moyen. » Par exemple,
ne serait-il pas plus efficace de faire appel à un web desi-
gner professionnel plutôt que de passer des heures à essayer
d’apprendre ce métier ? De nombreux exemples, au niveau
individuel ou collectif, illustrent l’importance de se concentrer
sur ses points forts : Donald Trump est passé maître dans l’art
de l’autopromotion, et il focalise toute son énergie dans ce
domaine. Apple a fait le choix de privilégier le design de ses
produits et l’entreprise n’essaie donc pas de baisser les prix.
Identifiez ces moments où vous êtes le plus
efficace
Pour développer votre efficacité, identifiez les instants où vous
vous sentez surperformant pour essayez de les reproduire :
• Quand : à la fin de la journée, passez en revue les évène-
ments pendant lesquels vous vous êtes senti particulièrement
productif. Par exemple, à quelle moment êtes-vous parvenu à
vous concentrer sans être tenté de procrastiner ?
• Où : notez où les meilleures idées vous viennent à l’esprit
(sous la douche, lors d’une promenade, d’un footing, avant de
vous endormir, etc.) et assurez-vous d’avoir toujours sous la
main un bloc-notes et un stylo à ces moments-là. Vous pourriez
également consacrer plus de temps à ces activités.
• Comment : si à un moment précis vous parvenez à vous
concentrez de manière particulièrement intense, utilisez la
méthode de Pavlov et associez cet instant d’énergie positive
à un son (par exemple une chanson) ou à une odeur (par
exemple de l’huile essentielle). En reproduisant l’expérience
régulièrement, le son ou l’odeur en question vous évoquera peu
à peu cet état positif et vous aidera à revenir plus rapidement
à cet état de concentration.
3/ METTEZ UN TERME
À LA PROCRASTINATION
Si vous parvenez à rendre un travail de qualité à la toute der-
nière minute, vous n’êtes probablement pas concerné. En re-
vanche, si votre tendance à remettre au lendemain est source
de stress et vous empêche de respecter les échéances, vous
êtes victime de procrastination.
Rendez les tâches fastidieuses plus
attrayantes
La procrastination se résume souvent à choisir entre une
« mauvaise » option et une « bonne » option. Le problème
est que la mauvaise option est souvent plus attractive à court
9 • • No 241 • novembre 2013
terme (plaisir immédiat à surfer sur le web), tandis que la
bonne option n’offre des récompenses que sur le long terme et
il est difficile de les appréhender immédiatement.
• Pratiquez la visualisation pour « voir, entendre, gouter, sentir
et ressentir » la bonne option plutôt que la mauvaise. Imagi-
nez le plaisir que vous ressentirez lorsque vous aurez accompli
votre tâche. Rendez cette image aussi réelle que possible.
• Rendez la bonne option plus attrayante en la combinant avec
une activité procurant un plaisir immédiat (par exemple en
écoutant de la musique tout en triant les papiers administra-
tifs) ou en vous promettant une belle récompense lorsque la
tâche sera terminée.
Planifiez le travail qui procure le moins
de plaisir
Face à un problème complexe, la première marche est souvent
la plus difficile, mais si vous limitez votre travail dans le temps
ou que vous le divisez en tâches basiques, il sera plus facile
à réaliser.
• Limitez le temps de travail « désagréable » : prévoyez de vous
consacrer à une tâche difficile pendant au maximum 10 minutes.
Une fois lancé, il est fort probable que vous continuiez au-delà.
• Segmentez votre travail : si vous avez une tâche ingrate à
mener, comme planifier une réunion avec un collaborateur dif-
ficile, vous pouvez procéder par étapes : trouvez le numéro de
téléphone ; notez les remarques que vous avez à faire ; prépa-
rez-vous au pire scénario, etc. n
Ralentissez le rythme pour
augmenter votre efficacité
Dans un environnement hyperconnecté, il est facile de
se sentir dépassé par le rythme effréné des décisions à
prendre ou de l’information à traiter. Toutefois, malgré
l’impression de devoir aller toujours plus vite, nous
sommes plus productifs lorsque nous ralentissons le
rythme (faire une sieste, se promener en dehors du
bureau, etc.). Lorsque le cerveau est trop sollicité, il
ne parvient pas à résoudre efficacement un problème.
Les émotions positives, la sensation de bien-être et de
repos, au contraire, favorisent la concentration et la
créativité. Organisez une réunion dans un cadre inédit
et convivial, faites le choix de n’aborder que les points
positifs avec vos équipes… permet à tout le monde de
mieux se concentrer.
 Pour aller plus loin LIVRES WEB

À RELIRE DANS BUSINESS DIGEST

n FATIGUE DÉCISIONNELLE : GARDER SA LUCIDITÉ EN TOUTE CIRCONSTANCE
« La capacité à prendre des décisions n’est pas un trait de personnalité, c’est un état qui fluctue dans le temps », prévient John Tierney. Même les meilleurs
managers sont ainsi menacés par la fatigue décisionnelle... et donc les erreurs de jugement ! Comment résister ? Ne vous précipitez pas, faites confiance à votre
intuition et partagez les prises de décision. Synthèse de différentes sources appuyée des interviews de Dennis Cooper, ancien contrôleur aérien de la Federal Aviation
Administration (FAA), aujourd’hui psychologue pour la Défense Nationale canadienne, et Thierry Boiron, président des Laboratoires Boiron, octobre 2011.
Business Digest no 221, novembre 2011.

n PAUSE ! SOUFFLER POUR MIEUX DÉCIDER

Prendre son temps avant d’agir n’est pas une perte de temps. Bien au contraire, prévient Nance Guilmartin, fustigeant ces réactions non réfléchies qui engendrent
les conflits ! Retenir ses impulsions, savoir s’arrêter, même trois secondes, pour réfléchir et poser les bonnes questions est une source incontestable d’efficacité.
D’après The Power of Pause de Nance Guilmartin (Jossey-Bass, décembre 2009) et les interviews de Jeffrey Saunders, CEO de Saunders Hotel Group (Boston) et
Joyce J. Elam, directrice exécutive du College of Business Administration de la Florida International University.
Business Digest n° 208, juillet-août 2010.

FOCUS: THE HIDDEN DRIVER OF EXCELLENCE

De Daniel Goleman (Harper, septembre 2013).
Dans Focus, Daniel Goleman, psychologue, journaliste et auteur du
bestseller Emotional Intelligence, réinvente la recette de l’excellence
en y apportant un ingrédient : l’attention. En effet, dans un monde qui
fourmille de distractions, savoir rester concentré est selon lui plus vital
que jamais. À travers des recherches scientifiques et des exemples de
la vie quotidienne, l’auteur démontre que l’attention est décisive pour
atteindre des niveaux de performance élevés, tant dans le domaine
des affaires que dans ceux des arts et des sports. Par ailleurs, pour ne
pas se disperser, le leader doit savoir rester calme sous la pression, gérer les conflits… Pour cela,
Daniel Goleman propose de recourir aux « smart practices », des pratiques mentales telles que la
méditation ou l’utilisation d’émotions positives, qui permettent de stimuler l’agilité intellectuelle
et ainsi renforcer l’attention.
@ SUR LE WEB
Mihaly Csikszentmihalyi: Flow, the secret to happiness
Comment accéder au bonheur ? Pour répondre à
cette question, le psychologue hongrois Mihaly
Csikszentmihalyi s’appuie sur l’expérience de l’artiste
dont la créativité et la concentration permettent
d’éprouver un sentiment unique d’extase. Mihaly
Csikszentmihalyi caractérise cette expérience de « flux ».
À la clé : la capacité à rester concentré et engagé sur
ses objectifs.

http://www.ted.com/talks/mihaly_csikszentmihalyi_on_

@
flow.html
FOCUS: USE DIFFERENT WAYS OF SEEING THE WORLD
FOR SUCCESS AND INFLUENCE
De Heidi Grant Halvorson et E. Tory Higgins (Hudson Street Press, avril
2013)
Pourquoi ne sommes-nous pas tous motivés pour les mêmes raisons ?
Pourquoi les sujets d’attention varient-ils en fonction des individus ?
À la source de notre motivation, Heidi Grant Halvorson et E. Tory
Higgins, spécialistes en psychologie, distinguent l’envie de promotion
et le besoin de prévention. Alors que certains veulent toujours aller
de l’avant, d’autres préfèrent la stabilité et évitent de prendre des
risques de peur de tout perdre. En s’appuyant sur des exemples concrets, les auteurs illustrent
ainsi l’impact du motivational focus sur nos vies privées et professionnelles : identifier les buts
profonds de chacun (leur One Thing) serait un puissant levier de performance pour les managers.
Savoir coordonner les attentes de chacun (afin d’allier la créativité des uns et le perfectionnisme
des autres par exemple) permettrait en effet d’apprendre à engager ses troupes.

novembre 2013 • • No 241 • 10