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Addictions Pour L'introduction
Addictions Pour L'introduction
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Addictions
Addictions
L. Karilaa,∗, A. Benyaminab
a
Inserm U1000, centre d’enseignement, de recherche et de traitement des addictions,
hôpital universitaire Paul-Brousse, université Paris Sud, AP—HP, 94800 Villejuif, France
b
CESP, centre d’enseignement, de recherche et de traitement des addictions, université Paris
Sud, hôpital universitaire Paul-Brousse, AP—HP, 94800 Villejuif, France
∗ Auteur correspondant. Service de psychiatrie et d’addictologie, hôpital Paul-Brousse, AP—HP, 12, avenue Paul-Vaillant-Couturier, 94800
Villejuif, France.
Adresse e-mail : laurent.karila@aphp.fr (L. Karila).
https://doi.org/10.1016/j.rmr.2018.12.001
0761-8425/© 2018 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
234 L. Karila, A. Benyamina
KEYWORDS Summary
Addiction; Introduction. — The addictive disorder is a multifactorial pathology variable in its manifesta-
Reward system; tions, environmental, developmental, inheritable, neurobiological, and behavioral.
Vulnerability; Methods. — Synthesis of recent data from the literature.
Risk factors; Results/Discussion. — Addiction is a pathology affecting decision-making, the emotional
Substance use balance, the voluntary control of behaviour, not only in cases of psychoactive products use but
disorder; also in behavioural dependencies. The social environment, developmental stages, and genetic
Cannabis; factors are closely related to the vulnerability to addiction. In this article, after reviewing risk
Synthetic factors and neurobiology data, we will use cannabis, synthetic cannabinoids and cocaine as an
cannabinoids; example of substance use disorder.
Cocaine © 2018 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Facteurs de risque et de vulnérabilité relations sociales stables et à résoudre des problèmes inter-
personnels. À un niveau tempéramental, un niveau élevé
de recherche de sensations, de nouveautés, de réactivité
Les facteurs de risque d’installation d’une conduite addic-
émotionnelle ainsi qu’un faible évitement du danger et de
tive sont multiples. La complexité du phénomène provient
niveau de sociabilité jouent un rôle dans le risque indivi-
des interactions entre ces différents éléments.
duel d’installation d’une conduite addictive. Les troubles du
Avec l’avancée des données de la littérature médicale,
comportement précoces sont fortement liés à l’installation
psychologique, génétique, addictologique, psychiatrique,
d’une conduite addictive à des substances psychoactives
sociologique, les différents facteurs de vulnérabilité et
chez l’adolescent et l’adulte jeune [1]. Concernant les
d’installation du trouble vont au-delà de l’équation
comorbidités psychiatriques, leur association aux troubles
produit—individu—environnement proposée. Ils sont résu-
addictifs, chez les enfants et les adolescents, a fait l’objet
més sur la Fig. 1 [1].
de nombreuses études, avec des liens complexes. La surve-
Les facteurs développementaux sont au centre de cette
nue précoce de troubles psychiatriques pourrait multiplier
équation clinique. Ils correspondent au développement de
par deux le risque de développer un trouble de l’usage
l’individu, à son sexe, à sa maturité cérébrale [4]. Des tra-
de substances. Dans environ 70 % des cas, ces troubles
vaux ont montré que la maturation cérébrale s’achevait
précèdent l’apparition de la consommation excessive de
entre 20 et 25 ans, avec des variations interindividuelles [5].
substances. Il peut s’agir d’un trouble des conduites,
Les facteurs neurobiologiques entrent en jeu dans la vulné-
d’un trouble hyperactif avec déficit de l’attention, de
rabilité aux addictions avec des perturbations des systèmes
troubles de l’humeur, de troubles anxieux, de troubles de
dopaminergique, glutamatergique, opioïde, cannabinoïde,
la personnalité (antisociale, borderline. . .). Les facteurs
GABAergique, noradrénergique, sérotoninergique. Le rôle
environnementaux jouent également un rôle majeur. Le
du stress, avec des variations interindividuelles de sensibi-
stress environnemental, le produit ou le comportement
lité à celui-ci, l’absence de contrôle dans un environnement
(à l’origine de l’addiction), le fonctionnement familial, le
et l’activation de l’axe corticotrope sont des facteurs
style d’éducation parentale, les pairs, la perte des repères
augmentant la vulnérabilité à la prise de substances/à
sociaux sont des facteurs de risque majeurs [1].
la répétition de comportements. Au niveau cérébral,
l’addiction entraîne des modifications des circuits, du méta-
bolisme et des phénomènes de neuroadaptation [6]. Les
facteurs génétiques auraient une influence sur le métabo- • Les facteurs de risque et de vulnérabilité
lisme. Les interactions gènes/environnement participent de d’une conduite addictive sont multiples :
manière indissociable à l’expression de la vulnérabilité aux neurobiologiques, génétiques, traits de personnalité
addictions. Les facteurs génétiques expliquent 40 % à 60 % (ex : faible estime de soi), tempéramentaux (ex :
du problème addictologique [7]. recherche de sensations ou de nouveautés) et
Les différents traits de personnalité pouvant être des environnementaux (ex : stress environnemental,
facteurs de risque individuels d’installation d’une conduite les pairs). La survenue précoce de troubles
addictive sont la faible estime de soi, l’autodépréciation, psychiatriques pourrait multiplier par deux le
les réactions émotionnelles excessives ou non, les diffi- risque de développer un trouble de l’usage de
cultés à réagir face à certains événements, à avoir des substances.
236 L. Karila, A. Benyamina
des sujets) [17]. Les effets psychosensoriels durent entre persister 24 heures plus tard [23]. Les conséquences psycho-
3 et 6 heures, les troubles cognitifs 24 heures. Sont logiques rapportées sont la survenue d’une dépression, de
retrouvés des symptômes subjectifs d’euphorie, de rires rêves intenses ou non plaisants, d’hallucinations, d’anxiété,
continus et de bavardage, de sédation, de léthargie, d’agitation, de paranoïa et des troubles mnésiques [16].
d’intensification des expériences sensorielles ordinaires, Sur le plan somatique, ont été décrits une tachycardie pou-
de distorsion perceptive et de retrait social. Des signes vant durer de 2 à 4 heures, des convulsions, une apparence
physiques d’hyperémie conjonctivale, un appétit accru, une physique de zombie ou « zombie outbreak », une perte de
consommation alimentaire, une sécheresse de la bouche, conscience, une dépression respiratoire, des douleurs dif-
une hypertension artérielle et une tachycardie, ainsi que fuses, un syndrome coronarien aigu, une rhabdomyolyse et
des effets bronchodilatateurs aigus ont été rapportés. Le une insuffisance rénale [16]. Des cas de décès ont été attri-
rythme cardiaque augmente de 20 % à 50 % en quelques bués aux cannabinoïdes de synthèse [21,24].
minutes à un quart d’heure. Cet effet dure jusqu’à 3 heures
[18].
Les complications de l’usage chronique de cannabis tant • L’usage des cannabinoïdes de synthèse peut avoir
sur le plan somatique que psychiatrique sont nombreuses des conséquences psychologiques (dépression,
[18]. rêves intenses ou non plaisants, hallucinations,
anxiété, agitation, paranoïa, troubles mnésiques)
et somatiques (tachycardie, convulsions, apparence
• Le 9 -tétrahydrocannabinol (9 -THC), principe physique de zombie, perte de conscience, dépression
psychoactif du cannabis, interagit avec les respiratoire, douleurs diffuses, syndrome coronarien
récepteurs cannabinoïdes CB1 et CB2. Environ aigu, rhabdomyolyse, insuffisance rénale). Des cas
5 % des consommateurs de cannabis et10 % de décès ont été attribués aux cannabinoïdes de
des consommateurs réguliers ont une addiction au synthèse.
cannabis. Les sujets à risque d’addiction au cannabis
sont ceux ayant eu un âge précoce de début de
consommation, une consommation ancienne et
Trouble de l’usage de cocaïne
solitaire, une recherche d’excès, ainsi qu’une
comorbidité psychiatrique. Il n’a jamais été décrit
de décès par overdose au cannabis. Concernant la cocaïne, environ 2,4 millions des jeunes
adultes européens de 15 à 34 ans (1,9 % de cette
tranche d’âge) en ont consommé au cours des douze
derniers mois. La prévalence des consommations particu-
Trouble de l’usage des cannabinoïdes de lièrement problématiques de cocaïne en Europe est difficile
synthèse à estimer. Cependant, par extrapolation des données nord-
américaines, environ 5 % des usagers la première année
Soixante-huit cannabinoïdes ont été identifiés en Europe deviendront dépendants et 20 % à long terme [25].
jusqu’à la fin 2012 appartenant à 7 sous-familles diffé- Le début des effets, les effets ressentis de la cocaïne
rentes [19]. Les produits vendus, sous la dénomination dépendent de la voie d’administration, des individus et de
de « Spice » ou de « K2 » par exemple, ne contiennent la dose administrée [26].
ni tabac, ni cannabis. Les cannabinoïdes de synthèse ont L’intoxication aiguë à la cocaïne est à l’origine de
une action pharmacologique similaire au cannabis [20]. symptômes de type maniaque. Il s’agit d’une euphorie
Leur principal effet est fonctionnellement identique au (effet recherché par la majorité des consommateurs),
9 -tétrahydrocannabinol (9 -THC), principe psychoactif du d’une élation de l’humeur, d’un accroissement de l’énergie,
cannabis et interagit avec les récepteurs cannabinoïdes d’une sensation de bien-être, d’une excitation psychique
CB1 et CB2 [16]. Comme pour toutes les substances, il et motrice, d’une désinhibition, d’une excitation sexuelle,
existe une inter-variabilité et une intra-variabilité impor- d’une hyper vigilance, d’une diminution de l’appétit et du
tante entre les produits et les individus. La durée des effets sommeil. Une tachycardie, une augmentation de la tension
cliniques semble, comparativement au 9 -THC, être plus artérielle, une mydriase et une pâleur cutanée sont fré-
courte pour des cannabinoïdes comme le JWH-018 (1 à quemment retrouvées [26,27].
2 heures), ou plus longue pour le CP-47,497 (5 à 6 heures) Le syndrome de sevrage est l’étape suivante. Les
[21]. Dans le cadre d’une étude d’auto-expérimentation, symptômes cliniques sont l’exact opposé de ceux de la
un chercheur a fumé 0,3 grammes de « Spice Diamond » consommation aiguë de cocaïne. Il s’agit d’une tristesse de
dans une cigarette. Environ 10 minutes après inhalation, l’humeur, d’une asthénie, d’une anhédonie, d’une baisse
les effets ressentis étaient une tachycardie, une hyper- de la vigilance, d’une anergie, d’un ralentissement psy-
hémie conjonctivale, une xérostomie, une altération de chomoteur, d’une hypersomnie, d’une hyperphagie, d’une
la perception et de l’humeur, comme avec le 9 -THC bradycardie, d’une pâleur, de symptômes algiques, de
[22]. sueurs, de tremblements et d’une augmentation du cra-
Les effets psychoactifs des cannabinoïdes de synthèse ving [28]. La durée du syndrome de sevrage varie de
durent environ 6 heures voire plus et finissent par s’atténuer plusieurs jours à plusieurs semaines (dysphorie, démotiva-
progressivement même si des symptômes mineurs peuvent tion, craving). Des consommations d’alcool, de cannabis,
Données sur les addictions 239
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