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LE LANGAGE CHEZ L’ENFANT AVEC AUTISME/TSA

Introduction

L’autisme est un trouble du développement, survenant avant l’âge de 3 ans et caractérisé par
une altération des capacités de communication, une anomalie des interactions sociales et par
des comportements restreints et stéréotypés.

Les données scientifiques confirment aujourd’hui que les TSA (Troubles du Spectre
Autistique) sont des troubles envahissants et durables, affectant le développement cérébral et
se manifestant à partir de la petite enfance. Selon des études récentes, les TSA se caractérisent
par une triade de symptômes :

 les déficiences dans les interactions sociales ;

 les déficiences en matière de communication et langage ;

 les intérêts restreints et des comportements répétitifs.

Dans le cadre cet échange, il sera question uniquement des aspects pathologiques de la
production du langage. Cependant, définissons quelques concepts et rappelons les étapes de
l’acquisition du langage de manière sommaire.

1- Clarification de quelques concepts


1.1 TSA

Ce sont les troubles neurologiques qui affectent le développement des jeunes enfants. Ils
perdurent sous diverses formes toute la vie et peuvent subir des modifications significations
au cours du développement en lien avec le fonctionnement du cerveau. Ils ont un impact sur
l’ensemble des habiletés et les capacités de l’individu.

1.2 Langage 

Le langage est une fonction d’expression et de communication de la pensée par l’utilisation


des signes ayant une valeur identique pour tous les individus d’une même espèce et dans les
limites d’une aire cérébrale déterminée.

Selon Dumais (2014), le langage est défini comme un ensemble des moyens dont l'être
humain dispose pour communiquer ou s'exprimer en lui permettant en tant que faculté de
concevoir et d'acquérir des systèmes de communication élaborés appelés « langues ». Il
comporte deux facettes dont le langage réceptif (la compréhension) et le langage expressif
(production).

Dans le cadre de ce cours, il sera question du langage expressif, c’est-à-dire la production du


langage chez les TSA.

1.3 Linguistique classique 


C’est l’étude scientifique du langage et de sa structure, y compris l’étude de la grammaire, de
la syntaxe et de la phonétique.
1.4 Linguistique spécialisée :
C’est une discipline scientifique qui étudie le langage chez les personnes à besoins
spécifiques. Il s’agit des personnes ayant un déficit de la fluence langagière.

2 Acquisition du langage

2-1 Acquisition du langage chez les enfants « tout-venant », les enfants neurotypiques
L’acquisition du langage est une étape importante du développement de l’enfant qui se
déroule généralement entre un et trois ans. Elle se fait par des étapes successives.

2-1-1. Phase pré-linguistique 


Les cris de l’enfant
Les cris à la naissance d’un être humain constituent les premières productions vocales qui ne
sont que d’expressions de malaise ou de souffrance sans intention de communication. Vers le
deuxième mois, se développent des émissions sonores très variées. Vers le sixième mois,
l’entourage exerce par la langue maternelle une influence sur les productions de l’enfant et en
donne sens. Ainsi le bébé découvre et explore les sons de la langue maternelle à laquelle, il est
exposé. Il va ainsi établir un lien dans son cerveau entre ses productions et la vue de
l’entourage.
Le babillage
Entre 6 et 8 mois la production de syllabes bien articulées débute, c’est le stade du babillage
qui dépend surtout de l’anatomie et de la physiologie phonatoire.
Le premier mot
A partir de 8-10 mois, les productions de l’enfant commencent à se modifier en fonction du
langage du milieu d’appartenance. Il manifeste une intention de signification précise et
correspond véritablement à l’accès au langage.
2-1-2 phase linguistique 
Nous subdivisons cette partie en trois grandes périodes :
 La période locutoire caractérisée essentiellement par la formation des mots-phrases
(10 – 18 mois) ;
 La période élocutive où les premières phrases apparaissent, formées autour d’un mot
(18-36 mois) ;
 La période du langage constitué qui est caractérisée par l’organisation de la chaîne
parlée liée à l’acquisition des premières structures de la langue.

2.2 Spécificités de l’acquisition du langage chez l’enfant avec autisme


L’enfant atteint d’autisme présente des difficultés qui affectent ses capacités de
communication et de langage. Selon DeMartino, Romain et Rey (2020) montrent que pour
passer du babillage (vocalisations spontanées émises par les nourrissons) aux premiers mots,
il faut une continuité entre les niveaux phonologique et prosodique, prouvant ainsi que le
babillage est un entraînement articulatoire au langage. Ce qui amène à constater chez ce
dernier des différences importantes dans l’acquisition du langage.

A 19 mois, les productions de l’enfant avec autisme sont très différentes des enfants
neurotypiques du même âge. Ses compétences linguistiques s’apparentent à un jargon sans
intention de communication. Ainsi, la mère va beaucoup plus interpréter les productions de
son enfant et non les décoder, ce qui mener la conversation vers une juxtaposition de
monologues ne partageant pas un thème commun.

Durant l’écholalie, immédiate ou différée, l’enfant avec autisme va pouvoir combiner le


segmental, la prosodie et la durée.

De manière générale, chez l’enfant avec autisme, il est à relever que la prosodie (variation de
hauteur, de durée et d'intensité) permettant de véhiculer de l'information, prime sur le
segmental (segmentation d’une chaîne de caractères en mots ou éléments sémantiques) à
toutes les périodes, car dans la mesure des cas, l’enfant n’accèdera pas aux premiers mots.

En comparant ainsi ses productions, la prosodie est semblable à celle du jasis ou lallation
(émission des sons plus ou moins articulés) de l’enfant tout-venant. Ainsi, là où l’enfant à
développement typique va mettre en place et articuler progressivement les différentes
composantes du langage articulé, dont le segmental et la prosodie en s’adaptant à la situation
de communication et en s’impliquant davantage dans l’interaction, les productions de l’enfant
avec autisme par contre ne vont pas converger vers le modèle adulte, tant au niveau de la
phonologie (son de la langue) que de la prosodie. Car leurs productions vocales ne s’adaptent
pas à la situation.

Aussi au niveau phonologique, chez l’enfant avec autisme, on va constater une instabilité de
l’articulation consonne-voyelle et une tendance à la complexification plutôt qu’à la
simplification syllabique. C’est alors que la prosodie de l’enfant avec autisme est complexe,
avec davantage de contours mélodiques complexes qui ne se combinent pas à une
combinaison syllabique comme chez l’enfant typique.

Les différentes composantes du langage dont la vocalisation / verbalisation, prosodie, geste et


regard semblent poser de problème chez l’enfant avec autisme, qui serait incapable de gérer
plusieurs tâches en même temps notamment la combinaison entre le regard et le geste de
pointage.

2-2-1 La catégorisation des enfants avec autisme

Les recherches menées dans le domaine de l’acquisition du langage chez les enfants avec
autisme ont révélé trois catégories de personnes:

 Les personnes autistes non verbaux avec le plus souvent un retard mental associé qui
n’acquièrent jamais le langage ;

 Les personnes autistes verbales avec ou sans retard mental qui acquièrent
partiellement le langage avec un retard important et des méthodes spécifiques ;

 Les personnes Asperger qui acquièrent le langage avec un léger retard. Cette
acquisition différée, voir impossible du langage pose la question du pourquoi.

Le tableau ci-dessous permet de mettre en exergue le syndrome autistique dans


l’acquisition du langage.

catégorisation caractéristiques
Asperger Leger retard d’acquisition
Syndrome autistique Autistes verbaux Acquisition spécifique (gros
retard)
Autistes non verbaux Pas d’acquisition de langage
2-2-2 Les bases neurobiologiques du langage

Les rapports entre cerveau et le langage sont complexes selon le chirurgien Paul Broca et que
les lésions cérébrales provoqueraient les troubles du langage. De plus, les zones du cerveau
impliquées dans le langage sont multiples allant de l’aire de Broca à l’aire de Wernicke
consacrer dans l’hémisphère gauche et l’hémisphère droit pour la production et la
compréhension du langage.

Bases biologiques et neurologiques du langage

Le premier modèle connexionniste de l’organisation générale des fonctions langagières dans


le cerveau a été proposé par Geschwind dans les années 1970, inspiré des études lésionnelles
de Wernicke. Son hypothèse centrale est que « les troubles du langage proviennent d’une
rupture dans un réseau de modules fonctionnels connectés en série ». Selon ce modèle, chaque
module prendrait en charge une des caractéristiques du langage (perception, compréhension,
production etc.) et seraient reliés entre eux par une chaîne de connexions bien précise. Cette
chaîne de connexions ne résulte que de l’association de plusieurs neurones nécessaires au
traitement de l’information en cours. . La production du langage se fait par le traitement
sensoriel (les organes de sens captent les informations du milieu environnement et les
transmettent au niveau du cerveau qui trie et analyse ces informations grâce aux neurones
d’association, une fois l’information traitée, les neurones moteurs vont la transmettre aux
organes moteurs permettant la réponse, l’on parle du traitement moteur. La topographie du
cortex cérébral permet de mettre en évidence des différentes aires corticales impliquées dans
le langage, ainsi les travaux récents permettent de conclure que le langage n’a une position
fixe au niveau du cerveau.

Chez les personnes porteuses d’autisme, il s’agit soit des ruptures totales ou partielles des
connexions entre les hémisphères, soit les problèmes de liaison entre les stimuli, la perception
et le reste de l’activité mentale. Les publications plus récentes mettent en évidence des
altérations du fonctionnement de systèmes cérébraux impliqués dans le décodage de
l’information sensorielle, motrice et émotionnelle chez les personnes autistes. Ces
publications montrent que chez les personnes avec autisme, les détails sont vus avant le global
(l’ensemble) par opposition aux personnes neurotypiques qui perçoivent le global avant les
détails. L’identification des personnes ne se fait pas nécessairement par reconnaissance
globale du visage mais parfois par les détails.

Neurones sensitifs Cerveau neurones moteurs


 Bases génétiques du langage

La génétique contribue fortement à la pathogénie des TSA. Cependant, l’hétérogénéité


clinique de ces troubles semble refléter probablement la complexité de ce fondement
génétique mettant en jeu plusieurs gènes et interactions gènes-environnement. Dans
seulement environ 10 % des cas de TSA une cause associée peut être identifiée. Ces causes
comprennent des maladies génétiques (syndrome de l’X fragile, neurofibromatose,
sclérose tubéreuse, syndrome d’Angelman, syndrome de Cornelia de Lange, trisomie 21,
phénylcétonurie non traitée), des réarrangements chromosomiques (détectables par
caryotype) ou des événements environnementaux rares (atteinte prénatale du système
nerveux central par la rubéole ou un cytomégalovirus, exposition prénatale à l’acide
valproïque ou à la thalidomide).

L’utilisation récente de techniques d’analyse génomique performantes, bien plus


sensibles que les procédures standards, a permis l’identification de petites délétions et
duplications. Ainsi un grand nombre de régions chromosomiques (loci) spécifiques et
potentiellement importantes ont été identifiées. Ces techniques suggèrent également que,
dans de nombreux cas, des mutations génétiques nouvelles chez l’individu peuvent
représenter un facteur causal et que tous les cas d’autisme ne résultent pas nécessairement de
facteurs héréditaires. De multiples approches parallèles sont nécessaires pour améliorer
notre compréhension des facteurs génétiques sous-tendant les TSA. Il est indispensable
d’étudier non seulement d’importantes cohortes bien définies de patients mais également
des cas isolés où l’action d’un gène majeur peut être identifiée.

Des techniques de recherche sur le génome (ADN) ont pu identifier, en tant que facteurs
responsables, de petites délétions et duplications, un grand nombre de loci (régions qu’occupe
un gène sur un chromosome) candidats importants ainsi que de nouvelles mutations
génétiques.

2-2-3 Les aspects pathologiques chez les enfants avec autisme

Les enfants avec autisme présentent des particularités linguistiques spécifiques dont :

 Les troubles du traitement auditif du langage d’origine cérébrale avec des


comportements auditifs paradoxaux dont les douleurs, craintes, hypersensibilité ou
hyposensibilité à certains bruits, un défaut de réactivité à la voix et au langage adressé, un
comportement de l’enfant parfois bruyant.
 Les troubles de la compréhension verbale qui deviennent difficilement identifiée par
les proches et un trouble fréquent chez les personnes avec autisme touchant les aspects
comme la perception / identification des mots du langage : la compréhension des relations
grammaticales ; la compréhension du sens du message verbal en lien avec le contexte (sens
des mots, sous-entendus, …).
2-2-4 Tableau clinique de la production du langage

Les experts comme Filipek et al (1999), ont mis en évidence certains signes d’alerte qui
nécessiteraient des investigations immédiates.

 Le langage :
 Absence de babillage à 12 mois ;
 de pointage ou de l’utilisation de gestes à 12 mois ;
 Absence d’utilisation de mots simples à 16 mois ;
 Absence d’association de 2 mots à 24 mois ;
• et toute régression au niveau du langage ou des compétences sociales, quel que soit l’âge.
 La communication :
 Absence de réponse à son prénom;
 compréhension déficiente;
 retard ou utilisation inhabituelle du langage ;
 réactions inappropriées et utilisation déficiente de la communication non
verbale ;
 regard inadéquat ;
 manque de réactions aux indications contextuelles ; absence de désignation ou de
pointage.
Le diagnostic clinique devrait ouvrir la voie vers des interventions et des soutiens
efficaces au lieu d’être une étiquette stigmatisante, et devrait permettre l’évaluation des
compétences et besoins particuliers de chaque individu. Bien que la plupart des
programmes ayant fait leurs preuves comportent certains éléments clés, il existe une
large gamme de thérapies applicables pouvant s’avérer utiles pour des problèmes
particuliers ou pour certains individus. Ces possibilités devraient être prises en compte
lors du développement de projets de soutien personnalisés.
Conclusion 

Les personnes avec autisme ont des problèmes de traitement temporel de l’information
dynamique à cause soit des troubles du traitement auditif du langage d’origine cérébrale, soit
à cause des troubles de la compréhension verbale comme la perception / identification des
mots du langage. Toutefois, les facteurs génétiques restent une cause majeure du diagnostic de
l’autisme, mais l’interaction de nombreux autres facteurs joue aussi un rôle.

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