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ATT Se a eae pour Il’unité des chrétiens CITE DU VATICAN TATA OTE SOMMAIRE Relations avec les Eglises Orthodoxes Patriarcat_ Oecuménique é é 4 Patriarcat de Moscou 8 7 Visite officielle aux Eglises de Gréce et de Crewe. a ite Pal Relations avec le COB.E. Groupe Mixte de Travail . 5... no 8 Consultation sur les Conseils chrétiens . . . . 19 Nouvelles oecuméniques Madagascar. hs o% 2a DocuMENTATION SUPPLEMENTAIRE Semaine de prigre pour l'unité des chrétiens 1972, 22 698.4533 (Rédaction) 1 ds Catne BUREAUX: via dell’Erba, | - 00193 Rome (Italie). Téléphones: 698.4181 (Secrétariat) /ABONNEMENT au ~ Serve oration”: 23 USA pour 4 mumdros, 4 paar paFendque a Scrat pou RELATIONS AVEC LES EGLISES ORTHODOXES 1, ParrrarcaT CECUMENIQUE Lettre du Pape Paul VI au Patriarche Athénagoras I Pendant Yaudience accordée le 8 février dernier au Métropolite de Chaleédoine, Monseigneur Méliton, le Saint Pere a remis & ce dernier un message autographe pour le Patriarche Athénagoras, dont voici le texte: A Sa Sainteté ATHENAGORAS 1° Archevéque de Constantinople et Patriarche oecuménique ‘Tres cher frére dans le Christ, La visite que Nous fait en votre nom le métro- polite de Chalcédoine, Monseigneur Meliton, Nous cause une vive joie dont Nous tenons & remercier Votre Sainteté. Cette visite Nous offre aussi Tocca sion de lui confier un message fraternel par lequel Nous voudrions vous redire combien Nous rendons grice au Seigneur de ce qu'il nous a donné de réa- liser durant. ces dernitres années pour rétablir entre nos Eglises des liens de plus en plus étroits. Nous remercions aussi le Seigneur d’avoir donné & son Eglise, en la personne de Votre Sainteté, l'un des promoteurs les plus généreux de la cause sacrée de 'unité. Au peuple fidele assemblé dans la basili- que Saint-Pierre durant la semaine de l'unité, Nous rappelions qu’entre notre Eglise et les vénérables Eglises orthodoxes existait déja une communion presque totale, bien quelle ne soit pas encore par- faite, résultant de notre commune participation au mystére du Christ et de son Eglise. L'Esprit nous a donné en ces dernitres années de reprendre une vive conscience de ce fait et de poser des actes qui traduisaient dans la vie de nos Eglises et dans leurs relations les exigences de cette communion. En méme temps [Esprit met en nos cocurs une ferme volonté de faire tout ce qui est possible pour hater le jour tant désiré ot, au terme d'une concélébration, nous pourrons communier en- semble au méme calice du Seigneur, ‘Dans cette espérance il faut que, dés maintenant, nous nous efforcions de rétablir partout entre le clergé et les fideles catholiques et orthodoxes une attitude vraiment fraternelle. Que les situations héri tées du passé et les barritres qui furent alors dres- sées entre nous ne soient pas un obstacle retardant ce dernier pas vers la pleine communion, Ne som- mes-nous pas les disciples de celui qui fait conti- nuellement toute chose nouvelle? Dans ces sentiments et désirant une collabora: tion toujours plus étroite pour trouver ensemble les. voies les plus adaptées pour arriver rapidement a ce but, Nous vous redisons, trés cher frére, Nos sen- timents de profonde charité dans le Christ. Du Vatican, le 8 février 1971. PAULUS PP. VI DeciaRATioN DU ParRIARcAT GCUMENIQUE A la suite du message adressé par Paul VI au patriarche cecuménique Athénagoras 1°, le 8 février 1971, le communiqué suivant a été publié par le Bureau patriarcal, au sujet notamment de la ren- contre souhaitée « dans le calice commun du Corps et du Sang du Christ »: La lettre de S. S. le Pape Paul VI de Rome adressée au patriarche cecuménique Athénagoras, en date du 8 février 1971, constitue indubitablement un changement d’attitude historique et sans pré- cedent de la part de I'Eglise catholique romaine. Crest pourquoi elle a été saluée au Phanar et partout comme un grand événement qui pourrait servir de base & une évolution trés rapide des relations et notamment a la rencontre dans le calice commun du Corps et du Sang du Christ. Sur ce point, opinion personnelle du patriarche est que cest sculement dans l'histoire que la solu- tion du probléme sera donnée, en faveur du réta- blissement des relations entre les deux Eglises ainées d’Occident et d’Orient. Il ne slagit pas d'unité, puisque nous sommes unis dans la personne historique du Christ, ni union organique, puisque nous n’avons jamais é1é ainsi unis, Orient et Occident ont formé dés le début cing Bglises indépendantes, possédant une pleine juridiction et autonomie interne; il s'agit alors d'un retour au point de départ, avec la pri- mauté d'honneur du Pape, comme toujours. Jusqu’en I'an 1054, quand survint ledit schisme, il existait de nombreuses différences entre les deux Eglises, souvent violemment exprimées et allant Jusqu’a la rupture des relations, comme ce fut le cas sous le patriarche cecuménique saint Photius 1°; néanmoins, l'unité dans les sacrements communs, et notamment dans l'eucharistie, le calice commun, indubitablement fut constamment préservée. Le schisme de 1054 n'est pas survenu par une décision ’Occident et d'Orient; il n’a pas été con- firmé non plus par des décisions de la part de Rome et de Constantinople; il s'est imposé quand les deux Eglises ont cessé de s'aimer. Or voici que le schisme a été aboli et de Ia manitre la plus grandiose et la plus étonnante, le 7 décembre 1965, au cours des cérémonies dans la basilque de Saint-Pierre & Rome, en présence du délégué du patriarcat cecuménique, et dans I'Eglise patriarcale de Saint-Georges au Phanar, en présence du déléqué du Pape. Ainsi les choses ‘sontelles re venues automatiquement a l'état antérieur A 1054, Alors la question se pose: pourquoi ne revenons- nous pas automatiquement aussi au calice commun, étant donné que depuis 1054 aucun obstacle plus grave ne s'est présenté, et alors que les différences existantes diminuent constamment? Souvent dans Ie passé des dialogues et des ren- contres théologiques, Join d’aboutir & un résultat positif, se sont dissous dans un climat de mécon- lentement. Par contre, ces derniers temps, partout on aborde la question et on exprime le veu ardent — en Occident, en Orient, en Afrique et en Extréme- Orient — de revenir au calice commun, et déja on s'y rencontre en maints lieux. Cependant, ceci constitue la derniére étape, étape la fois facile et difficile. Le patriarche la concoit come facile & la suite, surtout, de la lettre précitée de S. S. le Pape Paul VI de Rome. Mais cette tape n'est pas une affaire personnelle — comme Ia rencontre du Pape et du patriarche le 5 janvier 1965 a Jérusalem, — ni une affaire entre les deux Eglises de Rome et de Constantinople, — comme lors de la levée des anathemes, le 7 décembre 1965. Il faut préparer le terrain des deux cotés, bien peser les situations locales, les conséquences. éven- ‘uelles, et tout particuliérement arriver une entente et un accord préalables entre les Eglises orthodoxes, alors quien Occident, le Pape doit obtenir V'assen- timent de Y’épiscopat qui entoure. Comment et quand cela arrivera-til? Voila 1a grande question qui, aujourd'hui plus que jamais, se pose avec force & la suite de la lettré précitée du Pape Paul VI. Ce Sera quand Ie Seigneur voudra bien donner le mot diordre et quand les responsables Vaccueil- leront et le mettront en pratique. Et alors, ce sera le grand jour Lettre du Patriarche Athénagoras 1 ‘au Pape Paul VI En réponse a ta lettre du Saint-Pére du 8 fé- vrier, Sa Sainteté le Patriarche Athénagoras de Cons- tantinople a écrit & son tour au Pape une lettre en grec, dont voici la traduction: Dans une joie profonde et avec grande attention, nous avons pris connaissance, Nous et le Saint Sy- node, de la lettre vénérée et hautement appréciée que Votre Sainteté, & Nous si chére et de Nous a tant estimée, Nous envoya, en date du 8 février dernier par Vintermédiaire de Notre cher frére Meliton, métropolite de Chalcédoine. Nous rendons gloire au Verbe de Dieu, qui dis- pose et inspire en toute sagesse et bonté la vie de la sainte Eglise, pour cette occasion bénie de nou- velle et fraternelle communion en Lui. Et par la présente lettre d’amitié, Nous venons remercier Votre Sainteté, en qui 'Eglise militante a un pré dicateur éminent et un artisan de la paix, de l'amour, de T'unité des chrétiens et de tout le genre humain créé a Vimage de Dieu, Pour en venir & Notre réponse fraternelle, Nous Nous empressons de Vous confirmer, frére ainé, que, selon la volonté du Seigneur, qui veut son Eglise une visiblement aux yeux de tous afin que le monde entier vienne a elle, Nous Nous soumettons conti- nuellement et sans ‘reliche & Vinspiration et & la direction de 'Esprit-Saint, dans la poursuite résolue ct pour la conclusion de lceuvre sainte qu’avec Vous Nous avons commencée et fait progresser, celle de rendre visible et de manifester au monde l'Eglise du Christ, une, sainte, catholique et apostolique. Avec vous, Nous adressons Nos actions de graces au Seigneur pour les grands dons quill nous a accordés. D'une part, II nous a fait ressentir le péché profond de Ia division, au nom de Son sang précieux qui a uni toutes choses par son effusion pour Ja vie et le salut du monde; d’autre part, Ila provoqué en Orient comme en Occident un mouve- ment de sagesse et de retour vers Vheureuse unité premiére des Apotres et des Péres. En réalité, bien que les Eglises d’Orient et d’Oc- cident, pour des causes connues du Seigneur, se soient’ séparés l'une de ‘autre, elles ne se sont pas cependant divisées dans la substance de la commu- nion au mystére de Jésus, Dieu fait homme, et de son Eglise divinohumaine. Nous nous sommes éloignés de l'amour récipro- que et nous avons perdu le don béni de la confession unanime de la foi du Christ. Nous avons perdu la bénédiction de monter ensemble & T'unique autel pour le sacrifice institué par le Seigneur peu avant sa passion; nous avons perdu la bénédiction de la communion parfaite et unanime au méme saint Corps et précieux Sang eucharistiques, méme si nous navons pas cessé de croire valides réciproquement le sacerdoce apostolique et le sacrement de la di- vine Eucharistie. Mais voici que de nos jours est survenu, intense, le grand désir des fidéles d’Orient et d’Occident avoir unanimement en amour la communion de la vérité de la foi et de sa confession, qui se célebre et s’accomplit dans le méme calice sacré. Et Ja grace a surabondé en nous. Illuminés par cette grace, nous voyons aujourd'hui clairement que la cause tres sainte de lunité visible de I'Eglise et en elle de la pleine communion des fideles, n’est pas une quvre sujette & des raisonnements et A des désirs humains, car trop peu sires sont les concep- tions des hommes; c'est une expérience vécue dans la vie du Christ, qui est dans son Corps, I'Ej Comme, au cours de l'histoire, négativement nous sommes allés vers la division, ainsi par une now velle expérience de vie, positivement nous sommes appelés & marcher vers T'unité parfaite dans la con- célébration et dans la communion du précicux Sang de Jésus-Christ au méme calice sacré. Nous croyons avec Votre Sainteté qu'il faut fortifier Ia commu- nauté de la vie ecclésiastique ’Orient ct d’Occident, et promouvoir dans ce but une vraie et stire fra ternité au niveau du clergé et du peuple, entre VEglise catholique romaine et 'Eglise orthodoxe. Nous vous écrivons de Orient quelques jours avant Ta passion du Seigneur. Dans le cénacle la table est préte et NotreSeigneur désire manger la Paque avec nous. Refuserons-nous? Tl est vrai que persistent les obstacles constitués par un héritage provenant de histoire ou de quel qu'autre origine, et Vennemi du Royaume de Dieu Jes soutient. Mais, n’avons-nous pas cru en Celui qui a dit: ce qui est impossible & "homme est pos- sible & Dicu, et, tout est possible A celui qui croit? Dans la foi, dans espérance et dans la patience, nous suivrons’ ensemble les Apétres, par qui nous avons et la grace, et la fratemité, et la communion. Nous avons donné cette réponse avec affection, avec honneur et avec un_ profond esprit fraternel Nous embrassons Votre Sainteté vénérée et aimé De Votre Sainteté Vénérable, le frére affectionné dans le Christ. ATHENAGORAS DE CONSTANTINOPLE 21 mars 1971 ConsMENTAIRE DU CARDINAL WILLEBRANDS Les contacts entre I'Eglise de Rome et les Eglises orthodoxes se développent et vont s‘'approfondissant de plus en plus, et le progrés de ces relations s'ex- prime de multiples maniéres. Aujourd’hui nous avons la joie de publier une lettre que le Patriarche ecu ménique écrivait au Saint-Pére en date du 21 mars. Elle contient des affirmations de grande importance pour l'approfondissement ultérieur de la communion entre I'Eglise catholique et les Eglises orthodoxes. 1. Le Pape, dans sa lettre du 8 février au Patriar- che Athénagoras, écrivait: «L'Esprit met dans nos caurs une ferme volonté de faire tout le possible pour hater le jour tant désiré ou au terme d'une concélébration nous pourrons communier ensemble au_méme calice » (L’Osservatore Romano, 12 mars 1971). En méme temps le Saint-Pére exprimait le désir d'eune collaboration de plus en plus étroite pour trouver ensemble les voies les plus aptes pour atteindre rapidement ce but». Le Patriarche cccuménique, dans Ia lettre qui vient d’étre publige, dit avec’ force & son « frere ainé » que tel est bien son désir et que la réalisation lui en parait trés urgente. La communion au méme calice sera un acte qui exprimera et scellera la récon- ciliation complete entre I'Eglise catholique et I'Eglise orthodoxe; elle sera le signe et la réalisation de la communion plénigre. Ce sera le grand jour. De ce jour, le Patriarche, en des accents prophétiques sou- ligne l'approche. Evoquant les mysttres célébrés au cours de la Semaine sainte, période pendant laquelle il écrit cette lettre, le vénérable vieillard affirme: « La table est préparée dans le cénacle et Notre Seigneur désire manger la Paque avec nous. Refuserons- nous? ». Cette demande s‘adresse aux Eglises. Il sfagit en effet d'un acte ecclésial et non d'un geste ui comporterait simplement un engagement indi- Viduel. Les Eglises peuventelles refuser de se met- tre dans les dispositions nécessaires pour réaliser Ja volonté du Seigneur? La dimension ecclésiale et la nécessité d'une pré- paration adéquate sont clairement exprimées dans la lettre du Patriarche: « Nous croyons avec Votre Sainteté qu'il faut renforcer la communauté de Ia vie ecclésiastique d'Orient et d’Occident, et promou- voir dans ce but une vraie et sire fraternité au niveau du clergé et du peuple entre 'Eglise catholi- que romaine et I'Eglise orthodoxe ». Dautre part, cette dimension ecclésiale du che- min qui méne au but poursuivi, c'esta-dire & la par- ticipation au méme calice, avait été nettement expri- mée dans la déclaration publige par le Patriarche cecuménique, apres avoir recu la lettre du SaintPére, au mois de février dernier: «C'est l'étape ultime, Gtape facile et difficile en méme temps. Le Patriar- che la congoit facile surtout & cause de la lettre de Sa Sainteté Paul VI. Mais cette étape n'est pas un fait personnel, comme la rencontre du Pape et duu Patriarche, le 5 janvier 1964, & Jérusalem; ce n'est pas une question entre les deux Eglises de Rome et de Constantinople, comme ce fut pour l'abrogation ddes excommunications, le 7 décembre 1965. 11 faut préparer le terrain de part et d’autre, bien peser les situations locales, les conséquences éventuelles. I faut d'une maniere toute particuliére s'assurer d'une entente, d'un accord préalables entre les Eglises orthodoxes; de méme qu’en Occident le Pape devra obtenir accord de I'Episcopat. Comment et quand Vévénement se produira-il? C'est la grande question. Elle se pose avec force aujourd'hui plus que jamais aprés la lettre de Paul VI. Ce sera lorsque le Sei gneur voudra donner le mot d’ordre’et que les res ponsables I'accueilleront et le mettront en pratique. Ce jour sera le grand jour» (Doc. Cath. (1971), p. 434) Cest a la lumitre de cette déclaration quill faut lire et interpréter la lettre du Patriarche Athéna- goras, si pleine d’élan eréateur et prophétique 2. La préparation de la communauté catholique et de 1a communauté orthodoxe la participation au «méme calice » est fondée sur les bases solides de Ia réalité sacramentelle existant dans T'une et Yautre Eglise. Le Patriarche précise avec une extré. me clarté: «Nous n’avons cessé de croire valides réciproquement le sacerdoce apostolique et le sa- crement de Ia divine Eucharistie», La lettre du Pa- triarche affirme donc clairement la validité des sa- crements célébrés dans I'Eglise catholique. Bien que cette reconnaissance entre dans la tradition des Eglises orthodoxes, il y a eu des théologiens et des canonistes orthodoxes, récemment méme, qui l'ont mise en doute. En outre, il faut observer que cette 5 affirmation réciproque de la validité des sacrements, importante par elle:méme, distingue en méme temps les rapports entre catholiques et orthodoxes. des rapports avec les protestants, Cette importante affirmation du Patriarche Athé- nagoras rejoint celle du Saint-Pére dans sa lettre du 8 fébrier, d'aprés laquelle une communion presque totale, bien quimparfaite encore, existe déja entre VEglise catholique et les vénérables Eglises ortho- doxes, et elle découle de notre commune participa- tion ou mystére du Christ et de son Eglise, Le Patriarche pense que cette situation d’« Egl ses scours » (cf. le Bref Anno Ineunte, AAS 49, 1967, pp. 352-354) fait que sur le chemin de la pleine coi munion que nous voulons retrouver, Veffort doit étre porté sur une nouvelle prise de conscience des dons divins auxquels nous participons, vers la réali- sation pratique, a tous les niveaux ‘de la vie de VEglise, de cette unité encore imparfaite mais déja si profonde. 3. C’est justement et seulement dans ce contexte et cette atmosphére que la discussion théologique pourra prendre toute sa dimension et donner les fruits quion espere. Le Patriarche accentue forte- ‘ment Vimportance du dialogue de la charité. Il affr- ‘me qu’ travers une nouvelle expérience de vie nous sommes appelés positivement & marcher vers l'unité parfaite. Toutefois il ne faudrait pas opposer le dialogue théologique au dialogue de la charité. On a vu plus haut, dans la déclaration du Patriarche eecuménique, que pour la participation au méme calice une entente et un accord préalables sont requis des Eglises orthodoxes entre elles, comme de I’épis- copat catholique autour du Pape. D’ailleurs il ne s'agit que de deux aspects d'une méme réalité. Le dialogue de Ia charité contient en soi I'exigence de Ta vérité. Le Métropolite Méliton de Chaleédoine a exprimé d'heureuse maniére l'unité de ces deux aspects d'un méme effort, dans le discours qu'il prononca le 8 juin 1968, & Voccasion de la premitre séance de travail de la quatriéme Conférence panorthodoxe qu'il présidait: «Le dessein de Dieu a conduit la charité a des réactions profondes et a des actes ecclésiastiques porteurs d'incidences constructives sur le plan théologique et ecclésiologique, au point que la conception de l'unité n'est plus celle d'un événement statique et mécanique qui se produit & un moment donné, au terme de pourparlers entre spécialistes. L'unité se profile devant nous comme un état vital profond, qui se développe progressive: ment vers son accomplissement, c’esta-dire Ia con- fession d'une foi commune. La charité a illuminé et mis en valeur les points communs de la foi. En nous aimant les uns les autres nous nous sommes trouvés serviteurs de la méme cause, celle de la vérité, de sa découverte en commun et d'un plein accord & son. sujet. En nous aimant réciproquement et dialoguant dans la charité, nous faisons de la théologie, ou plu- t6t, nous construisons théologiquement. Ce qui nous porte & constater que, substantiellement, nous som- mes déja entrés dans le dialogue théologique » (Proche Orient Chrétien, 18-1968-361). Assurément des obstacles persistent encore. Le Patriarche les signale: ils sont la conséquence d'une lourde hérédité historique. Mais de nombreux signes montrent que Esprit, ayant changé d'une maniére merveilleuse et en si peu de temps des attitudes durcies par des sitcles d'hostilité et d’absence de relations, portera & son terme V'ceuvre commencée. Il Ie pourra si nous savons écouter docilement ce qu'll dit aujourd'hui & VEglise (Apoc. 3, 29) et si nous nous laissons guider par Lui dans la Vérité entire (Jn 16, 13). Cardinal W1LLEaRANps 2. PATRIARCAT DE Moscou Le Coneile local de I'Eglise orthodoxe russe Son Eminence le Cardinal Willebrands et le Rév. Pare Long SI ont représenté officiellement le Saint- Sidge et ont été les hdtes du Synode local de VEglise orthodoxe russe qui a eu liew au Monastére de Zagorsk du 30 mai au 2 juin 1971. Le Coneile auquel ont participé tous les évéques diocésains et une représentation du clergé et des laics de chaque dioctse, s'est occupé des questions concernant Ia vie interne de I'Eglise orthodoxe russe et ses relations avec les autres Eglises chrétiennes. Le 2 juin, le Coneile a élu, comme successeur de feu le Patriarche Alexis, Patriarche de Moscou et de toutes les Rus- sies Sa Sainteté Pimen. Pendant cette visite le Cardinal Willebrands a eu Yoccasion de prononcer les discours suivants. ADRESSE A LA SESSION D/OUVERTURE DU CONCILE LOCAL. (30 mai 1971) Eminence, membres du Concile local de l'Eglise orthodoxe russe, mes chers fréres: Vous étes réunis ici dans le Seigneur pour accom- plir une tache d'une signification toute particuligre pour la vie de I'Eglise orthodoxe russe. Il y a treize ‘mois, comme représentant de Sa Sainteté le Pape, évéque de Rome, j’étais ici avec vous pour adresser un dernier salut & celui qui fut votre pére et votre pasteur durant 25 ans. Jai participé & votre douleur, en méme temps qu’a la joie et & Vespérance venues du Seigneur ressuscité, qui vous soutenait dans votre deuil Maintenant, le Seigneur qui a promis a ses apétres quill he les laisserait pas orphelins (cf. Jn 14, 18), vous a demandé de vous réunir dans I'Esprit Saint afin de choisir un nouveau patriarche qui serait votre pére, votre pasteur et votre guide. C’est un grand honneur pour moi de vous présenter les salutations et les meilleurs veux de Sa Sainteté le Pape Paul VI, au moment oit vous commencez vos importantes. délibérations. LiEglise de Rome regarde avec intérét le travail de votre Concile. Par la grace de Dieu, les dernitres années ont vu s‘accroitre beaucoup les_ relations entre Eglise catholique romaine et lEglise ortho- doxe russe. Nos deux églises, qui tirent leur ork gine de la méme prédication ‘apostolique, qui_par- ticipent aux mémes sacrements, qui offrent & Dieu, le Pare de tous, le méme sacrifice du Seigneur cru: cifié et ressuscité, ont vécu durant de longs sideles étrangéres Tune & Yautre, alors que le soupgon, la défiance, méme la haine, obscurcissaient cet amour que Ie Seigneur avait indiqué comme le signe de reconnaissance de ses vrais disciples. Mais 'amour de Dieu est plus grand que toutes nos faiblesses. Tl a agi en nous pour renforcer les liens deja exis- tants entre nous et pour rétablir les liens qui avaient été brisés. Et lentement il rend possible Ie fait de nous rendre compte que nous sommes, non des rivaux, mais des Eglises seeurs. II n'est pas facile de surmonter des dificultés qui sont nées il y a plusieurs siécles. Ces difficultés sont enracinées en nos pensées et notre maniére de faire. Parfois, certaines d’entre elles ont leur racine dans notre désir sincére d’étre fidéles & nos peres dans la foi, et & la tradition qui est venue jusqu’a nous. Mais'en méme temps nous sommes convain- cus que nous avons atteint une nouvelle période de notre histoire. La fidélité & nos ancétres nous oblige & préter notre attention et « & écouter ce que VEsprit dit aux Bglises » (Ap 2, 7). Bt Esprit vient en aide & notre faiblesse (cf. Rm 8, 26). TL nous guide dans notre mouvement, avec patience et pru- dence, mais en méme temps avec une sainte audace, pour guérir les blessures, méme si elles sont récen- tes, et pour accomplir ensemble la mission que notre Dieu et sauveur Jésus Christ nous a donnée dans ce monde, ce monde d’aujourd’hui, non celui d’hier. St, Paull écrivait aux Romains: «la création en attente aspire a la révélation des fils de Dieu .. toute Ia création jusqu’a ce jour gémit en travail d’enfan- tement » (Rm 8, 19. 22). Combien vraies sont ces pa- roles quand on les applique & notre situation aujour- d’hui. Dans une période pleine de changements tech- nologiques, sociaux, politiques et culturels, le Christ semble naitre & nouveau dans le coeur des hommes, et se révéler 8 un monde quia un si grand besoin de sa paix et de sa réconciliation, de son amour divin. Nous, comme chrétiens et membres de nos Eglises, nous sommes appelés & participer & ce grand mouvement dans lesprit. Cest dans ce contexte que votre Concile prend place. Nous, dans I'Eglise catholique romaine, nous voyons Vélection de votre nouveau patriarche, non comme un simple acte administratif, mais comme une nouvelle profession de foi dans le Seigneur de YEglise et un engagement renouvelé & Ia mission a laquelle TI nous appelle tous. La charge de patriar- che et de pasteur supréme comporte de grandes responsabilités, devant Dieu et devant les hommes. Cest pour cette raison que le Saint Pére, le Pape Paul VI, a prié souvent ces derniers mois demandant la bénédiction de Dieu sur vous et votre Concile. Avec gratitude pour votre invitation & étre votre 7 hote en cette occasion, je vous assure que notre délégation catholique romaine suivra vos délibé- rations avec un amour fraternel et de ferventes priéres & Celui qui a promis d’étre avec son Eglise tous les jours, jusqu’a la fin des temps (Mr 28, 20), Discours pe FéLIcrrarions Prononcé aprés la Liturgie a la Cathédrale de PEpiphanie @ Moscou, le 3 juin 1971. Sainteté, Au moment de votre intronisation comme Pa- triarche de Moscou et de toutes les Russies, je félicite 'Eglise orthodoxe russe d’avoir regu par la grace de Dieu, un nouveau patriarche. Ma présence au Concile local et & cette introni sation, voulue par Sa Sainteté le Pape Paul VI, manifeste bien Vintérét que prend 'Eglise catholi que romaine aux grands événements de votre Eglise. Nous nous unissons & vos actions de graces et nous assurons Votre Sainteté de notre pritre afin que le Seigneur daigne prodiguer sur vous l'abon- dance de sa grace, que son Esprit vous illumine et vous guide, pour le bien spirituel, temporel et éter- nel, pour la liberté et la paix de I'Eglise et de tous les hommes, a Ia gloire du Pere. Nous prions tout spécialement que cette paix s'étende aussi aux relations entre I'Eglise orthodoxe russe et I'Eglise catholique romaine, comme entre toutes les églises et communautés chrétiennes, afin que soit accomplic Ia prigre supréme du Seigneur: «Que tous soient un ». Les relations entre 'Eglise catholique et VEglise orthodoxe russe INTERVIEW DU CARDINAL WILLEBRANDS Publiée dans L’Awvenire du 4 juillet 1971 Question: Le dialogue entre U'Eglise orthodoxe russe et 'Eglise catholique a commencé il y a moins de dix ans avec Tenvoi, a Vimproviste — et peut- étre imprévu, — de deux observateurs orthodoxes du patriarcat de Moscou au Concile, Il s'est ensuite développé par des rencontres et des réunions a divers niveaux et en différents endroits. Pouves- vous nous indiquer quel est actuellement état des rapports entre les deux Eglises? Réponse: On peut dire qu’aprés une longue pé- riode d'ignorance réciproque, et souvent de tension et d'aversion, un rapprochement considérable s'est effectué depuis une dizaine d’années, précisément a Ia suite de la présence des observateurs délégués de YEglise orthodoxe russe au Concile. On a ainsi pu mieux se connaitre et un nouveau climat de con fiance s‘est créé, C'est ainsi que dans les rapports entre les deux Eglises a pu se manifester cette com: munion «presque compléte» qui existe entre les catholiques et les Eglises orthodoxes, comme Va affirmé récemment le Saint-Pére, d'abord au cours d'une audience et ensuite dans une lettre au patriar- che excuménique Athénagoras. Lune des expressions extérieures de cette com- munion est le fréquent échange de visites. On sait que le représentant officiel de 'Eglise orthodoxe russe pour les relations & l'extérieur, le métropolite Nikodim de Leningrad et Novgorod, a effectué, de- puis le I* septembre 1963, un bon nombre de visites. & Rome. Les catholiques ont, eux aussi, effectué de nombreuses visites, depuis celle de la délégation officielle envoyée & Moscou pour les cinquante ans d’épiscopat du patriarche Alexis, en juillet 1963, jusqu’a la présence d'un délégué du Saint-Pére aux funérailles du patriarche Alexis, en avril 1970, et au récent Concile national de VEglise orthodoxe russe. Ces échanges de visites naissent de Ia communion qui existe entre les deux Eglises, bien que d'une fagon encore imparfaite, et ils contribuent largement & affermir cette communion, QuestioN: Quelles sont les questions doctrinales et pratiques pour lesquelles le dialogue est le plus vivant? Reronse: On sait qu’en décembre 1967, il y a cu A Leningrad une premigre rencontre entre les experts de 'Eglise orthodoxe russe et les experts catholiques. Cette rencontre s'est poursuivie en décembre dernier en Italie, & Bari (je dirai entre parenthéses que cette ville est particuligrement chére aux Russes, car ils ont une grande vénération pour saint Nicolas dont les reliques sont conservées a Bari). En 1967, on a commencé V’étude de la doctrine sociale catholique. En décembre dernier, pour rester proche des situations concrétes, le theme était: «Le role du chrétien dans la société en développe- ment ». On y a étudié plus particulitrement les sujets suivants: 1, Liascétisme chrétien et le service de Yhuma- nité, en se référant spécialement au réle de la vie monastique dans Ie monde moderne; 2. La collaboration active de Yhomme a V'action ceréatrice de Die 3. La relation entre la communauté de I'Eglise cet la grande famille humaine; 4, Comment les chrétiens peuvent, en collaborant ensemble, contribuer a rendre Ie monde plus humain; 5. La collaboration des chrétiens avec les non: croyants, Yai participé personnellement a la premiére ren- contre tout entiére, et en partie & la seconde, et je puis confirmer la vérité de ce qui est dit dans le communiqué conjoint publié & la fin de la rencontre de décembre dernier: «Les conversations se sont déroulées dans une atmosphére cordiale et ouverte. Bien que les rapports présentés par les catholiques et les participants orthodoxes russes aient été pré- parés séparément, les multiples idées communes qu'ils ont fait apparaitre montrent combien les deux Eglises sont proches une de Vautre dans leur atti- tude a I'égard des enscignements chrétiens fonda- mentaux concernant la elation de Dieu avec le monde et le rdle que le chrétien doit jouer dans un monde en perpétuelle mutation ». Le communi- qué ajoute d'une facon significative: «Les conver- sations ne se réduisaient pas & un simple échange de grandes idées. Elles étaient imprégnées d'un esprit de pritre commune ». Question: Quels sont les objectifs déja réalisés grace a ce dialogue, et quels sont, a votre avis, ceux quil sera le plus facile de réaliser a Vavenir? Réponse: L'objectif Ie plus important qui a été réalisé est précisément la création de ce nouveau climat, en méme temps que les diverses manifesta- tions qui sont I'expression de la communauté de entre les deux Eglises, et méme de leur communion croissante. Il y a aussi des résultats particuliers qui sont significatifs. Vous savez que le Concile et ensuite des actes du Saint-Si¢ge ont reconnu la validité et la liccité du mariage entre un catholique (quel que soit son rite) et un orthodoxe, méme si ce mariage a été célébré non pas devant un prétre catholique, mais devant un prétre orthodoxe, 2 condition que ce soit avec Vautorisation de l'évéque catholique. Or, le Saint Synode de I'Eglise orthodoxe russe a publié, en 1967, un décret adoptant la méme mesure pour les mariages entre un orthodoxe et un ca tholique. Un acte de réciprocité semblable a eu liew pour Vadmission & la sainte communion. Le Concile, on Ie sait, avait décidé qu'aux orthodoxes qui le de- mandent on peut donner — avec les modalités et les précautions voulues, qu'il serait trop long d’expli- quer — les sacrements de pénitence, de eucharistic et de Fonction des malades. Le Synode patriarcal de VEglise orthodoxe russe, de son cété, a décidé qu’a titre de réciprocité, les’ catholiques qui sont trop éloignés de leurs prétres peuvent étre admis & la communion a la liturgie orthodoxe russe. De source autorisée russe, on a pricisé que cette décision se base sur le fait que les orthodoxes ont la méme foi que les catholiques en matitre de sacrements, et quills célébrent la méme eucharistie. Question: Un moment important du dialogue en cours a sans doute été Vinvitation adressée par le patriarcat de Moscou a Paul VI pour quil envoie une délégation dont les membres assisteraient en qualité d’hotes & certaines sessions du Concile na- tional de U'Eglise orthodoxe russe, réuni pour élire le nouveau patriarche. Pour UEglise orthodoxe russe, if stagissait d’un acte extrémement important. Quels sont les aspects qui vous semblent les plus intéres- sants, compte tenu du fait que c’était le premier Concile national — c'estei-dire une réunion a laquelle participaient, outre les évéques, des délégués du clergé et du Iaicat — qui se tenait depuis 1945? Reronse: Je crois qu'il suffit d’évoquer certaines des principales décisions qui ont été prises. Avant tout, Ie Concile a confirmé Je travail fait par le défunt patriarche Alexis et son Synode pour le dé veloppement de I'Eglise orthodoxe pendant les vingt- cing années de son patriarcat. TI est bien certain que nous ne pouvons pas entrer ici dans tous les détails. Je dois cependant mentionner un point: le Concile a pris acte de Yannulation des unions de Brest et d’Uzhorod, aux xvr et xvtt sitcles. On sait quien 1946 et 1949, ces deux unions ont été unilatéralement déclarées abolies, de sorte que ces communautés ont été placées sous Ja juridiction du patriarcat de Moscou. Il est bien certain que nous ne pouvons pas partager la thése selon laquelle par Yannulation de ces actes d'union, la situation ecclé- siale de nos fréres catholiques orientaux en Union sovigtique a trouvé sa solution. L'eglise catholique est certainement heureuse que ces derniéres années, avec V'aide de Dieu, un progrés important ait été effectué dans ses relations avec I'Eglise orthodoxe russe. Cependant, dans ce dialogue de charité qui est en train de se développer, nous continuons fer- mement & étre persuadés, comme nous I'avons tou: jours été, que des problémes aussi ardus ne peu vent étre’ résolus unilatéralement. Quant aux autres résultats du Concile, ila con- firmé diverses initiatives et décisions tendant a améliorer et coordonner les relations avec les dif- férentes Eglises orthodoxes. Il a de plus confirmé — et cola est particulitrement important pour nous — la ligne aecuménique du défunt patriarche et de l'Office qui en est chargé, sous la direction, comme on le sait, du métropolite de Leningrad et Novgorod, Nikodim. Le Concile a plus spécialement confirmé le développement des relations avec I'Eglise catholique, et il a souhaité que celles-ci soient appro- fondics et’ développées. Le Concile a de plus pris une initiative ressem- blant d'une certaine manitre a abolition, effectuée a la fin du Ile Concile du Vatican, des excommu nications entre VEglise catholique et le patriarcat cccuménique. II y avait, en effet, en Russie des com- munautés dites de « viewx-croyants » qui, en 1667, & la suite de divergences en matiére de rites et de coutumes, avaient éé excommuniées par I'Eglise orthodoxe russe. Le récent Concile a aboli cette ex- communication et il a exprimé le désir d'un rap- prochement réciproque et plus profond avec ces communautés. Je voudrais encore souligner un aspect parti- culier qui m'a spécialement frappé: tous les délé gués vivaient ensemble au monasttre de Zagorsk, ce qui creait une atmosphere d'intimité et facilitait énormément les échanges de vues sur de nombreuses questions, également en dehors des sessions. Quicon- que a fait une expérience de cette sorte au Concile du Vatican saura apprécier les bienfaits de cette communauté et de cette intimité. Pour les délégués du Concile national orthodoxe russe, ces bienfaits étaient d’autant plus appréciables que normalement ils vivent dispersés dans les immenses territoires de YUnion soviétique et qu'ils se trouvent done assez isolé QuestioN: Comment voyes-vous la situation d'une Eglise qui vit dans un pays dont les dirigeants ont une politique ouvertement athée? Reponse: Je vous répondrai en me référant aux déclarations faites par le métropolite Nikedim lors des conversations de Bari (dont nous avons parlé plus haut), telles qu’elles ont été rapportées dans le communiqué final conjoint. Dans son discours d’ou- verture, le métropolite, résumant le travail accompli lors de la rencontre précédente, précisait ainsi la tendance générale qui s'est manifestée dans les 9 conversations: « Il existe une tendance toujours plus grande & engager le monde dans un dialogue ouvert a Vapport aussi bien des chrétiens que de ceux qui ont des convictions différentes. C'est dans ce con- texte que nous devons considérer comment le chré- tien développe sa vie spirituelle et lutte contre le péché, tant dans sa vie spirituelle que dans sa vie sociale. Dans les situations concrétes, nous ne de- vvons pas seulement combattre Ie mal; nous devons aussi apporter une contribution positive au bien. Cet ainsi que dans la société actuelle, en continue! développement, un chrétien a pour tiche, par Vévan- sélisation, de contribuer & la réconciliation des hom- mes et a Yavénement de la paix et de la justice so- iale dans le monde. C’est par 14 qu'il contribue & ce processus de développement ». Je commenterai ces paroles en disant que dans Jes trds nombreux contacts que j'ai cus depuis bient6t dix ans, il m’a toujours été donné de cons- tater que la plus grande préoccupation de nos fré- res est celle-ci: comment peuton étre un authentique chrétien, absolument fidéle aux principes de sa foi, et en méme temps collaborer loyalement avec les autres qui n’ont pas une vision chrétienne du monde? Lorsqu’on connait toute la complexité des situations dans lesquelles vivent ces fréres, il faut dire que cela est important. Question: Sur la base de votre expérience et de votre connaissance de la tradition théologique et ascétique de Vorthodoxie, quels sont les aspects du patrimoine de la spiritualité russe que vous croyez étre les plus intéressants pour tes catholiques? Réponse: Le premier, c'est Je role de la liturgie pour maintenir et répandre la foi. En effet, pour Timmense majorité des fidales orthodoxes russes, la liturgie est Iécole de religion par excellence. Cest elle qui leur communique la connaissance de la foi, et en méme temps leur fait vivre la foi en profon- deur. La participation & la liturgie constitue ainsi pour les fidéles une formation permanente et pro- fonde. Crest ce qui explique que la foi ait pu se conserver et se répandre méme au milieu de situa- tions tres dificiles, depuis plusieurs dizaines d’an- Dans ce contexte, jfajouterai deux autres choses qui sont ressenties d'une facon particuligrement vive par les Russes orthodoxes. D’abord un sens profond de Ja réalité vivante du Christ ressuscité, qui est source de joie et d'espérance. Et ensuite, une foi vivante dans 'EspritSaint, toujours & Yceuvre, d'une fagon mystérieuse, mais réelle et efficace, dans les individus et dans l'ensemble de I'Fglise. La vie ascé- tique elleméme, qui dans VEglise orthodoxe russe 10 présente des aspects plutdt austtres, est elle aussi entigrement imprégnée de cette double foi dans le Christ ressuscité et dans V'action continuelle de YEspritSaint. Il me semble que ces deux aspects aient beaucoup & nous dire A nous catholiques, en cette actuelle période de renouveau. Tis sont par- ticuligrement importants 4 un moment oit l'on est si vivement tenté de réduire l'Evangile & un évan- gile purement social, en oubliant les dimensions divines de la vie de homme. Question: Au Concile de Zagorsk, n'y avait-il pas aussi, @ titre d’hétes, des évéques catholiques de TUnion soviétique? Croyez-vous que le dialogue entre Rome et Moscou pourra étre bienfaisant également pour les communautés catholiques de ce pays? Y ail des possibilités de dialogue direct entre les communautés catholiques et orthodoxes d'Union so- vigtique? Réponse: Oui, un évéque administrateur aposto- Tique de Lettonie, deux évéques administrateurs apos- toliques de Lituanie et le vicaire général de Iarchi- diocése de Vilna, étaient présents au Concile de Zagorsk. Quant & vos deux autres questions, il me semble quill soit préférable de commencer par la seconde, celle portant sur la possibilité d'un dialogue direct entre les communautés catholiques et orthodoxes a’Union soviétique. Notez d’abord qu'il ya des ter- ritoires dont la population est en grande majorité catholique et oit les orthodoxes sont peu nombreux, par exemple la Lituanie, et d'autres, au contraire, lt Ia grosse majorité de la population est orthodoxe et ott les catholiques sont peu nombreux. Par con- séquent, il n’existe pas de larges possibilités de dia logue et de collaboration. On peut cependant dire que méme dans ce cas il existe en fait entre les ‘communautés de bonnes relations, qui vont méme en s‘améliorant. Etant donné de plus que les catho- Tiques aussi bien que les orthodoxes sont, en fin de compte, du point de vue religieux, affrontés aux mémes problémes, ils sont appelés & s'entendre et & sfaider mutuellement, La réponse & votre autre question est alors facile et évidente: les relations directes entre catholiques et orthodoxes sur le plan local bénéficient certainement, et Jargement, de la bonne marche, et méme du développement croissant des relations entre le Saint-Siége et le patriarcat orthodoxe russe. Meilleures seront ces relations, meilleures aussi pourront étre les relations directes sur le plan local. Pour conclure, je voudrais ajouter que dans nos contacts avec I'Eglise orthodoxe russe, nous ne per- dons jamais de we nos fréres des Eglises catholi ques orientales. 3. VISITE OFFICIELLE DU CARDINAL WILLEBRANDS A W'EGLISE DE GRECE ET A L’EGLISE DE CRETE Le président du Secretariat pour I'Unité, le Car- dinal Willebrands, accompagné par le Pere Pierre Duprey et par le Pére Eleuterio Fortino, s'est rendu en visite officielle auprés de 'Eglise de Gréce, du 17 au 20 mai, et auprés de 'Eglise de Créte du 20 au 23 mai, Cette derniére est une Eglise semi-auto- nome, et, tout en étant située en Gréce, se trouve sous la juridiction du patriarche o-cumenique de Constantinople. Les deux visites qui se sont déroulées dans une atmosphere de cordialité fraternelle et chrétienne, ont été propices & une rencontre féconde et A une franche discussion sur les rapports entre VEglise catholique et I'Eglise orthodoxe, en vue de relations plus serrées et de collaboration réciproque. Visite & Athenes Pendant ce sejour & Athenes, Ie cardinal Wille- brands, le Pére Duprey et Ie Pére Fortin ont été Tes hotes du Saint Synode de l’Eglise de Gréce. Au cours de cette visite, le cardinal a pris contact avec la hiérarchie orthodoxe et catholique, avec les professeurs de la faculté théologique et d'autres théologiens et enfin avec des représentants d’orga- nisations ecclésiastiques et d'institutions religieuses. A) Le cardinal a eu trois rencontres particulitre- ment importantes avec les autorités orthodoxes: 1, Avec S. B. Hieronymos, archevéque d’Athénes et de toute la Gréce. 2. Avec le Saint Synode, 3. Avec la commission synodale pour les rela- tions avec Jes autres Eglises. Deux heures aprés son arrivée & Athénes, Ie car- dinal rendait visite & Yarchevéque et était recu par Ie personnel de la Curie. Tout de suite aprés, S. B. Hieronymos, a rendu la visite au Cardinal Willebrands dans Vhétel ott il logeait. Le lendemain, 18 mai, Ie cardinal a été régu par Ie Saint Synode. Ce fut le moment plus officiel de cette visite. C'est 1a quiont eu lieu les discours plus importants et un échange de présents. Liarchevéque a ainsi salué te Cardinal: Eminence, La présence ici parmi nous, en cet heureux jour, de Votre Eminence honorée de Dieu, est par elleméme un événement dont nous sommes profondément reconnaissants et dont nous devons rendre grices & Dieu, donateur de tout bien; car, pour la premitre fois aprés tant de sidcles od, dans Tamertume, nous nous étions retirés les uns des autres, des mains se tendent sans autre raison que de saluer et de guérir avec une fra ternelle affection. La présence de Votre Eminence peut aussi de- venir un événement plus significatif encore et entrer dans histoire de nos deux Eglises comme un tournant décisif dans nos mutuelles relations; car, venant apres les heureuses rencontres person- relies des deux vénérables chefs de nos Eglises et les événements qui les ont suivies, elle peut grandement contribuer & imprégner les couches inférieures de la pyramide spirituelle de I'Eglise de cet esprit fraternel dans le Christ qui les a inspirées ellessmémes. Chose absolument néces- saire, car toutes les démarches qui ont jam: été accomplies dans Vhistoire de 'Eglise reposent sur la conscience universelle de Ia totalité (plé- rome) de ses membres. Comme le sait Votre Eminence, dans V'Eglise les actes de ses chefs ne sont benis et féconds que sils reflztent les sentiments et la foi de ce pléréme et s'ls correspondent & celles des api rations du peuple fidéle qui sont conformes & sa foi. Au contraire, toute action hative des chefs de I'Eglise qui n'est pas en accord avec le sen- timent et la foi des fidéles ne peut qu’étre cause de dommage et de plus. grande agitation. I faut prendre un soin tout particulier 18 ot aurant de longs sitcles, les fidéles de 'Eglise ont été davantage blessés, et cela en Jeur bien Ie plus inestimable, celui quils ont conservé jusqu’’ ce jour: leur foi pure et sans mélange, ce bien quils, ‘ont conservé ‘méme dans ces circonstances ott, sous prétexte de satisfaire des aspirations de ce monde, on les invitait & renier la premiére partic du Premier et Grand Commandement. Comme beaucoup Vont déja fait remarquer, négliger ces facteurs conduirait & des résultats diamétralement copposés & celui qui est souhaité La présence de Votre Eminence bienaimée, venue pour avoir des contacts personnels en esprit de charité dans le Seigneur, avec des représen- tants de la higrarchie et de la pensée théologique grecque ainsi qu'avec le pieux peuple orthodoxe de Grice, donne donc la possibilité de diffuser dans de plus larges couches de la pyramide spi: rituelle Yceuvre qui a été commencée tout au u sommet et qui, di inférieures. Votre Eminence me permettra de souligner que, surtout de notre cété, cette ceuvre est difi- cile et demandera beaucoup de temps. Vous par- donnerez une certaine méfiance de la part des fideles de notre Eglise, non pas — loin de nous — a égard des personnalités principales qui luttent aujourd'hui pour parvenir & Tunité chrétienne, mais bien plutot & égard des faits euxmémes, Les fidéles de notre Eglise, pendant des siécles, ont été accoutumés & discerner dans les actions de votre Eglise des intentions tout autres que fraternelles, En général, ils éprouvent encore de la difficulté & se convaincre que les efforts fer- vents, déployés aujourd'hui par Ie Saint Sidge, en faveur de Tunité chrétienne sont exempts des tendances passées. D’oir le temps nécessaire qu'il faut laisser & nos fideles pour que, 3 partir des faits eux-mémes, ils réalisent que les mains aujourd'hui tendues sont, en toute vérité, fraternelles. Je prie Votre Eminence et cette assemblée de me pardonner le ton de cette adresse. Il se peut que certains dentre vous me reprochent d'expri mer de telles pensées en un moment aussi pew approprié que cette fraternelle rencontre, en co licu sacré et au cours des manifestations de joie ‘occasionnées par la présence parmi nous de Votre Eminence. Mais, si je le fais, est précisément parce que je crois & la fois A la nécessité d'un rapprochement entre nes deux Eglises ct A la sincérité des intentions de leurs chefs. Je suis sr que les impératifs de notre temps et le fer- vent désir de notre Seigneur que « tous soient un» ont parlé plus haut dans leurs ceeurs; je suis sir aussi que les démarches entreprises v sent & faire de ce désir de notre commun Sei- gneur, dans les plus courts délais possible, une tangible réalité. Permettez-moi, comme président, d’exprimer ma joie pour tout ce qu’a fait Sa Sainteté « pour Yunion de tous». Je demande aussi & Votre Eminence de bien vouloir accepter, avec souhaits de bienvenue en l’Eglise de Gréce, le soin de transmettre & Sa Sainteté, le Tres Bienheureux Pape et Patriarche de V’Ancienne Rome, mes sa- lutations personnelles et celles des trés Révérends Higrarques qui m'entourent; de Vassurer aussi que nous apprécions trés profondément tout effort entrepris pour faire & nouveau de I'Eglise «un seul bercail » sous la conduite du Grand Pasteur du troupeau, notre commun Sauveur et Seigneur Iésus-Christ et que nous ne négligerons rien de ce quill est possible de faire pour y parvenir. En souhaitant pour Votre Eminence ainsi que pour Sa Sainteté, dont vous étes Ie si digne représen- lant, longue vie et prospérité spirituelle et physi- que, ainsi que succés dans vos travaux, nous vous convions a unir vos prigres a celles de no- tre Eglise en faveur de ce but sacré, et d’agréer ces petits cadeaux en souvenir de la visite de Votre Eminence bien aimée, , est passée & des couches Le Cardinal a répondu par le discours suivant: Béatitude, Excellences, Quelle joie remplit mon ceur d’étre aujour- @’hui avee vous, Farchevéque d’Athénes et de toute la Grice et avec les vénérés métropolites du saint synode. Bien sir, le nom de la ville et le nom du pays dont elle est la capitale évoque le souvenir d'une culture, qui est la source de la civilisation européenne, des sciences, des beauxarts, de tout ce qui a été Ia base de notre éducation. Mais pour nous, chrétiens, prétres et évéques de l'Eglise, Athénes c'est la ville od Vapotre saint Paul a tenu son grand discours au monde paien, dont le pré- cis nous a été transmis par saint Luc dans les actes des apétres, discours qui par sa nouveauté, utilisant la sagesse profane, par ses circonstances, étant prononcé devant V'Aéropage, par sa profon- deur, annoncant la connaissance de Dieu et la résurrection des morts, vaut bien une épitre. En Votre Béatitude et dans la personne des vénérés membres du saint-synode je rencontre et je salue toute PEglise de Gréce, si riche en sow venirs des apétres, de leurs disciples, des pre- mires communautés chrétiennes. Acceptez 'expression de ’émotion d'un évéque venant de Rome. Combien de souvenirs des temps apostoliques nous sont communs! Saint Paul, ni-atil pas adressé aux Romains une de ses grandes épitres? N-atil pas personnellement pro- clamé le royaume de Dieu & Rome (Actes 28, 30) ‘comme il avait fait & Athénes? N’a-til pas, aprés avoir été longtemps prisonnier & Rome, recu dans cette ville 1a couronne du martyre?’Parmi les disciples des apétres, Aquila et Priscilla, chez lesquels Vapotre demeura et travailla & Corinthe, ne venaient-ils pas de Rome? Des temps aposto- liques est aussi Ia lettre du pape Clément, qui commence par les paroles bien connues: Ecclesia Dei quae Romae peregrinatur, ecclesiae Dei quae Corinthi peregrinatur: "H beamain 705 e085 reponaion Poury tf bodnelz to 9e08 tf mapa oian Kégrvdow. ‘Voila quelques exemples appartenant au temps apostolique, oi nous avons en commun les apé- tres et les prophetes, qui sont les fondations de VEglise, dont la pierre dangle est le Christ Jésus luiméme (cf. Ep 2, 20). Les paroles avec lesquel- les les Eglises se saluaient avaient toujours le méme sens, le méme contenu (je cite encore une fois saint Clément): «A vous grace et paix de par le Dieu tout-puissant par Jésus-Christ »: ydote Sulv nal elphya dd maercoxpiropos Boo 81d "Inout Xptoxe Ces deux paroles, « grice et paix» que nous voyons liges inséparablement dans les salutations initiales des épitres pauliniennes, n'expriment- elles pas toute la richesse du mystére chrétien? La grace, cest la vie nouvelle instaurée par Jésus- Christ, c'est le don qui contient tous les autres. La grace, c'est en méme temps Ia faveur donnée, Ja bienveillance et la générosité de celui qui donne et qui, par son don, fait de celui qui resoit un

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