ATT Se a eae
pour Il’unité des chrétiens
CITE DU VATICAN
TATA OTE
SOMMAIRE
Relations avec les Eglises Orthodoxes
Patriarcat_ Oecuménique é é 4
Patriarcat de Moscou 8 7
Visite officielle aux Eglises de Gréce
et de Crewe. a ite Pal
Relations avec le COB.E.
Groupe Mixte de Travail . 5... no 8
Consultation sur les Conseils chrétiens . . . . 19
Nouvelles oecuméniques
Madagascar. hs o% 2a
DocuMENTATION SUPPLEMENTAIRE
Semaine de prigre pour l'unité des chrétiens 1972, 22
698.4533 (Rédaction)
1 ds Catne
BUREAUX: via dell’Erba, | - 00193 Rome (Italie). Téléphones: 698.4181 (Secrétariat)
/ABONNEMENT au ~ Serve oration”: 23 USA pour 4 mumdros, 4 paar paFendque a Scrat pouRELATIONS AVEC LES EGLISES ORTHODOXES
1, ParrrarcaT CECUMENIQUE
Lettre du Pape Paul VI au Patriarche Athénagoras I
Pendant Yaudience accordée le 8 février dernier
au Métropolite de Chaleédoine, Monseigneur Méliton,
le Saint Pere a remis & ce dernier un message
autographe pour le Patriarche Athénagoras, dont
voici le texte:
A Sa Sainteté
ATHENAGORAS 1°
Archevéque de Constantinople
et Patriarche oecuménique
‘Tres cher frére dans le Christ,
La visite que Nous fait en votre nom le métro-
polite de Chalcédoine, Monseigneur Meliton, Nous
cause une vive joie dont Nous tenons & remercier
Votre Sainteté. Cette visite Nous offre aussi Tocca
sion de lui confier un message fraternel par lequel
Nous voudrions vous redire combien Nous rendons
grice au Seigneur de ce qu'il nous a donné de réa-
liser durant. ces dernitres années pour rétablir
entre nos Eglises des liens de plus en plus étroits.
Nous remercions aussi le Seigneur d’avoir donné
& son Eglise, en la personne de Votre Sainteté, l'un
des promoteurs les plus généreux de la cause sacrée
de 'unité. Au peuple fidele assemblé dans la basili-
que Saint-Pierre durant la semaine de l'unité, Nous
rappelions qu’entre notre Eglise et les vénérables
Eglises orthodoxes existait déja une communion
presque totale, bien quelle ne soit pas encore par-
faite, résultant de notre commune participation au
mystére du Christ et de son Eglise.
L'Esprit nous a donné en ces dernitres années
de reprendre une vive conscience de ce fait et de
poser des actes qui traduisaient dans la vie de nos
Eglises et dans leurs relations les exigences de cette
communion. En méme temps [Esprit met en nos
cocurs une ferme volonté de faire tout ce qui est
possible pour hater le jour tant désiré ot, au terme
d'une concélébration, nous pourrons communier en-
semble au méme calice du Seigneur,
‘Dans cette espérance il faut que, dés maintenant,
nous nous efforcions de rétablir partout entre le
clergé et les fideles catholiques et orthodoxes une
attitude vraiment fraternelle. Que les situations héri
tées du passé et les barritres qui furent alors dres-
sées entre nous ne soient pas un obstacle retardant
ce dernier pas vers la pleine communion, Ne som-
mes-nous pas les disciples de celui qui fait conti-
nuellement toute chose nouvelle?
Dans ces sentiments et désirant une collabora:
tion toujours plus étroite pour trouver ensemble les.
voies les plus adaptées pour arriver rapidement a ce
but, Nous vous redisons, trés cher frére, Nos sen-
timents de profonde charité dans le Christ.
Du Vatican, le 8 février 1971.
PAULUS PP. VI
DeciaRATioN DU ParRIARcAT GCUMENIQUE
A la suite du message adressé par Paul VI au
patriarche cecuménique Athénagoras 1°, le 8 février
1971, le communiqué suivant a été publié par le
Bureau patriarcal, au sujet notamment de la ren-
contre souhaitée « dans le calice commun du Corps
et du Sang du Christ »:
La lettre de S. S. le Pape Paul VI de Rome
adressée au patriarche cecuménique Athénagoras, en
date du 8 février 1971, constitue indubitablement
un changement d’attitude historique et sans pré-
cedent de la part de I'Eglise catholique romaine.
Crest pourquoi elle a été saluée au Phanar et
partout comme un grand événement qui pourrait
servir de base & une évolution trés rapide des
relations et notamment a la rencontre dans le
calice commun du Corps et du Sang du Christ.
Sur ce point, opinion personnelle du patriarche
est que cest sculement dans l'histoire que la solu-
tion du probléme sera donnée, en faveur du réta-
blissement des relations entre les deux Eglises
ainées d’Occident et d’Orient.
Il ne slagit pas d'unité, puisque nous sommes
unis dans la personne historique du Christ, ni
union organique, puisque nous n’avons jamais é1é
ainsi unis, Orient et Occident ont formé dés le
début cing Bglises indépendantes, possédant une
pleine juridiction et autonomie interne; il s'agit
alors d'un retour au point de départ, avec la pri-
mauté d'honneur du Pape, comme toujours.
Jusqu’en I'an 1054, quand survint ledit schisme,
il existait de nombreuses différences entre les deux
Eglises, souvent violemment exprimées et allant
Jusqu’a la rupture des relations, comme ce fut le
cas sous le patriarche cecuménique saint Photius 1°;
néanmoins, l'unité dans les sacrements communs,
et notamment dans l'eucharistie, le calice commun,
indubitablement fut constamment préservée.Le schisme de 1054 n'est pas survenu par une
décision ’Occident et d'Orient; il n’a pas été con-
firmé non plus par des décisions de la part de
Rome et de Constantinople; il s'est imposé quand
les deux Eglises ont cessé de s'aimer.
Or voici que le schisme a été aboli et de Ia
manitre la plus grandiose et la plus étonnante,
le 7 décembre 1965, au cours des cérémonies dans
la basilque de Saint-Pierre & Rome, en présence du
délégué du patriarcat cecuménique, et dans I'Eglise
patriarcale de Saint-Georges au Phanar, en présence
du déléqué du Pape. Ainsi les choses ‘sontelles re
venues automatiquement a l'état antérieur A 1054,
Alors la question se pose: pourquoi ne revenons-
nous pas automatiquement aussi au calice commun,
étant donné que depuis 1054 aucun obstacle plus
grave ne s'est présenté, et alors que les différences
existantes diminuent constamment?
Souvent dans Ie passé des dialogues et des ren-
contres théologiques, Join d’aboutir & un résultat
positif, se sont dissous dans un climat de mécon-
lentement.
Par contre, ces derniers temps, partout on aborde
la question et on exprime le veu ardent — en
Occident, en Orient, en Afrique et en Extréme-
Orient — de revenir au calice commun, et déja
on s'y rencontre en maints lieux.
Cependant, ceci constitue la derniére étape, étape
la fois facile et difficile. Le patriarche la concoit
come facile & la suite, surtout, de la lettre précitée
de S. S. le Pape Paul VI de Rome. Mais cette
tape n'est pas une affaire personnelle — comme
Ia rencontre du Pape et du patriarche le 5 janvier
1965 a Jérusalem, — ni une affaire entre les deux
Eglises de Rome et de Constantinople, — comme lors
de la levée des anathemes, le 7 décembre 1965.
Il faut préparer le terrain des deux cotés, bien
peser les situations locales, les conséquences. éven-
‘uelles, et tout particuliérement arriver une entente
et un accord préalables entre les Eglises orthodoxes,
alors quien Occident, le Pape doit obtenir V'assen-
timent de Y’épiscopat qui entoure.
Comment et quand cela arrivera-til?
Voila 1a grande question qui, aujourd'hui plus
que jamais, se pose avec force & la suite de la
lettré précitée du Pape Paul VI.
Ce Sera quand Ie Seigneur voudra bien donner
le mot diordre et quand les responsables Vaccueil-
leront et le mettront en pratique.
Et alors, ce sera le grand jour
Lettre du Patriarche Athénagoras 1
‘au Pape Paul VI
En réponse a ta lettre du Saint-Pére du 8 fé-
vrier, Sa Sainteté le Patriarche Athénagoras de Cons-
tantinople a écrit & son tour au Pape une lettre
en grec, dont voici la traduction:
Dans une joie profonde et avec grande attention,
nous avons pris connaissance, Nous et le Saint Sy-
node, de la lettre vénérée et hautement appréciée
que Votre Sainteté, & Nous si chére et de Nous
a
tant estimée, Nous envoya, en date du 8 février
dernier par Vintermédiaire de Notre cher frére
Meliton, métropolite de Chalcédoine.
Nous rendons gloire au Verbe de Dieu, qui dis-
pose et inspire en toute sagesse et bonté la vie de
la sainte Eglise, pour cette occasion bénie de nou-
velle et fraternelle communion en Lui. Et par la
présente lettre d’amitié, Nous venons remercier
Votre Sainteté, en qui 'Eglise militante a un pré
dicateur éminent et un artisan de la paix, de l'amour,
de T'unité des chrétiens et de tout le genre humain
créé a Vimage de Dieu,
Pour en venir & Notre réponse fraternelle, Nous
Nous empressons de Vous confirmer, frére ainé,
que, selon la volonté du Seigneur, qui veut son Eglise
une visiblement aux yeux de tous afin que le monde
entier vienne a elle, Nous Nous soumettons conti-
nuellement et sans ‘reliche & Vinspiration et & la
direction de 'Esprit-Saint, dans la poursuite résolue
ct pour la conclusion de lceuvre sainte qu’avec Vous
Nous avons commencée et fait progresser, celle de
rendre visible et de manifester au monde l'Eglise
du Christ, une, sainte, catholique et apostolique.
Avec vous, Nous adressons Nos actions de graces
au Seigneur pour les grands dons quill nous a
accordés. D'une part, II nous a fait ressentir le
péché profond de Ia division, au nom de Son sang
précieux qui a uni toutes choses par son effusion
pour Ja vie et le salut du monde; d’autre part, Ila
provoqué en Orient comme en Occident un mouve-
ment de sagesse et de retour vers Vheureuse unité
premiére des Apotres et des Péres.
En réalité, bien que les Eglises d’Orient et d’Oc-
cident, pour des causes connues du Seigneur, se
soient’ séparés l'une de ‘autre, elles ne se sont pas
cependant divisées dans la substance de la commu-
nion au mystére de Jésus, Dieu fait homme, et de
son Eglise divinohumaine.
Nous nous sommes éloignés de l'amour récipro-
que et nous avons perdu le don béni de la confession
unanime de la foi du Christ. Nous avons perdu la
bénédiction de monter ensemble & T'unique autel
pour le sacrifice institué par le Seigneur peu avant
sa passion; nous avons perdu la bénédiction de la
communion parfaite et unanime au méme saint
Corps et précieux Sang eucharistiques, méme si nous
navons pas cessé de croire valides réciproquement
le sacerdoce apostolique et le sacrement de la di-
vine Eucharistie.
Mais voici que de nos jours est survenu, intense,
le grand désir des fidéles d’Orient et d’Occident
avoir unanimement en amour la communion de
la vérité de la foi et de sa confession, qui se
célebre et s’accomplit dans le méme calice sacré.
Et Ja grace a surabondé en nous. Illuminés par cette
grace, nous voyons aujourd'hui clairement que la
cause tres sainte de lunité visible de I'Eglise et en
elle de la pleine communion des fideles, n’est pas
une quvre sujette & des raisonnements et A des
désirs humains, car trop peu sires sont les concep-
tions des hommes; c'est une expérience vécue dans
la vie du Christ, qui est dans son Corps, I'Ej
Comme, au cours de l'histoire, négativement noussommes allés vers la division, ainsi par une now
velle expérience de vie, positivement nous sommes
appelés & marcher vers T'unité parfaite dans la con-
célébration et dans la communion du précicux Sang
de Jésus-Christ au méme calice sacré. Nous croyons
avec Votre Sainteté qu'il faut fortifier Ia commu-
nauté de la vie ecclésiastique ’Orient ct d’Occident,
et promouvoir dans ce but une vraie et stire fra
ternité au niveau du clergé et du peuple, entre
VEglise catholique romaine et 'Eglise orthodoxe.
Nous vous écrivons de Orient quelques jours
avant Ta passion du Seigneur. Dans le cénacle la
table est préte et NotreSeigneur désire manger la
Paque avec nous. Refuserons-nous?
Tl est vrai que persistent les obstacles constitués
par un héritage provenant de histoire ou de quel
qu'autre origine, et Vennemi du Royaume de Dieu
Jes soutient. Mais, n’avons-nous pas cru en Celui
qui a dit: ce qui est impossible & "homme est pos-
sible & Dicu, et, tout est possible A celui qui croit?
Dans la foi, dans espérance et dans la patience,
nous suivrons’ ensemble les Apétres, par qui nous
avons et la grace, et la fratemité, et la communion.
Nous avons donné cette réponse avec affection,
avec honneur et avec un_ profond esprit fraternel
Nous embrassons Votre Sainteté vénérée et aimé
De Votre Sainteté Vénérable, le frére affectionné
dans le Christ.
ATHENAGORAS DE CONSTANTINOPLE
21 mars 1971
ConsMENTAIRE DU CARDINAL WILLEBRANDS
Les contacts entre I'Eglise de Rome et les Eglises
orthodoxes se développent et vont s‘'approfondissant
de plus en plus, et le progrés de ces relations s'ex-
prime de multiples maniéres. Aujourd’hui nous avons
la joie de publier une lettre que le Patriarche ecu
ménique écrivait au Saint-Pére en date du 21 mars.
Elle contient des affirmations de grande importance
pour l'approfondissement ultérieur de la communion
entre I'Eglise catholique et les Eglises orthodoxes.
1. Le Pape, dans sa lettre du 8 février au Patriar-
che Athénagoras, écrivait: «L'Esprit met dans nos
caurs une ferme volonté de faire tout le possible
pour hater le jour tant désiré ou au terme d'une
concélébration nous pourrons communier ensemble
au_méme calice » (L’Osservatore Romano, 12 mars
1971). En méme temps le Saint-Pére exprimait le
désir d'eune collaboration de plus en plus étroite
pour trouver ensemble les voies les plus aptes pour
atteindre rapidement ce but».
Le Patriarche cccuménique, dans Ia lettre qui
vient d’étre publige, dit avec’ force & son « frere
ainé » que tel est bien son désir et que la réalisation
lui en parait trés urgente. La communion au méme
calice sera un acte qui exprimera et scellera la récon-
ciliation complete entre I'Eglise catholique et I'Eglise
orthodoxe; elle sera le signe et la réalisation de la
communion plénigre. Ce sera le grand jour. De ce
jour, le Patriarche, en des accents prophétiques sou-
ligne l'approche. Evoquant les mysttres célébrés au
cours de la Semaine sainte, période pendant laquelle
il écrit cette lettre, le vénérable vieillard affirme: « La
table est préparée dans le cénacle et Notre Seigneur
désire manger la Paque avec nous. Refuserons-
nous? ». Cette demande s‘adresse aux Eglises. Il
sfagit en effet d'un acte ecclésial et non d'un geste
ui comporterait simplement un engagement indi-
Viduel. Les Eglises peuventelles refuser de se met-
tre dans les dispositions nécessaires pour réaliser
Ja volonté du Seigneur?
La dimension ecclésiale et la nécessité d'une pré-
paration adéquate sont clairement exprimées dans
la lettre du Patriarche: « Nous croyons avec Votre
Sainteté qu'il faut renforcer la communauté de Ia
vie ecclésiastique d'Orient et d’Occident, et promou-
voir dans ce but une vraie et sire fraternité au
niveau du clergé et du peuple entre 'Eglise catholi-
que romaine et I'Eglise orthodoxe ».
Dautre part, cette dimension ecclésiale du che-
min qui méne au but poursuivi, c'esta-dire & la par-
ticipation au méme calice, avait été nettement expri-
mée dans la déclaration publige par le Patriarche
cecuménique, apres avoir recu la lettre du SaintPére,
au mois de février dernier: «C'est l'étape ultime,
Gtape facile et difficile en méme temps. Le Patriar-
che la congoit facile surtout & cause de la lettre de
Sa Sainteté Paul VI. Mais cette étape n'est pas un
fait personnel, comme la rencontre du Pape et duu
Patriarche, le 5 janvier 1964, & Jérusalem; ce n'est
pas une question entre les deux Eglises de Rome et
de Constantinople, comme ce fut pour l'abrogation
ddes excommunications, le 7 décembre 1965. 11 faut
préparer le terrain de part et d’autre, bien peser les
situations locales, les conséquences éventuelles. I
faut d'une maniere toute particuliére s'assurer d'une
entente, d'un accord préalables entre les Eglises
orthodoxes; de méme qu’en Occident le Pape devra
obtenir accord de I'Episcopat. Comment et quand
Vévénement se produira-il? C'est la grande question.
Elle se pose avec force aujourd'hui plus que jamais
aprés la lettre de Paul VI. Ce sera lorsque le Sei
gneur voudra donner le mot d’ordre’et que les res
ponsables I'accueilleront et le mettront en pratique.
Ce jour sera le grand jour» (Doc. Cath. (1971),
p. 434)
Cest a la lumitre de cette déclaration quill faut
lire et interpréter la lettre du Patriarche Athéna-
goras, si pleine d’élan eréateur et prophétique
2. La préparation de la communauté catholique
et de 1a communauté orthodoxe la participation
au «méme calice » est fondée sur les bases solides
de Ia réalité sacramentelle existant dans T'une et
Yautre Eglise. Le Patriarche précise avec une extré.
me clarté: «Nous n’avons cessé de croire valides
réciproquement le sacerdoce apostolique et le sa-
crement de Ia divine Eucharistie», La lettre du Pa-
triarche affirme donc clairement la validité des sa-
crements célébrés dans I'Eglise catholique. Bien que
cette reconnaissance entre dans la tradition des
Eglises orthodoxes, il y a eu des théologiens et des
canonistes orthodoxes, récemment méme, qui l'ont
mise en doute. En outre, il faut observer que cette
5affirmation réciproque de la validité des sacrements,
importante par elle:méme, distingue en méme temps
les rapports entre catholiques et orthodoxes. des
rapports avec les protestants,
Cette importante affirmation du Patriarche Athé-
nagoras rejoint celle du Saint-Pére dans sa lettre du
8 fébrier, d'aprés laquelle une communion presque
totale, bien quimparfaite encore, existe déja entre
VEglise catholique et les vénérables Eglises ortho-
doxes, et elle découle de notre commune participa-
tion ou mystére du Christ et de son Eglise,
Le Patriarche pense que cette situation d’« Egl
ses scours » (cf. le Bref Anno Ineunte, AAS 49, 1967,
pp. 352-354) fait que sur le chemin de la pleine coi
munion que nous voulons retrouver, Veffort doit
étre porté sur une nouvelle prise de conscience des
dons divins auxquels nous participons, vers la réali-
sation pratique, a tous les niveaux ‘de la vie de
VEglise, de cette unité encore imparfaite mais déja
si profonde.
3. C’est justement et seulement dans ce contexte
et cette atmosphére que la discussion théologique
pourra prendre toute sa dimension et donner les
fruits quion espere. Le Patriarche accentue forte-
‘ment Vimportance du dialogue de la charité. Il affr-
‘me qu’ travers une nouvelle expérience de vie nous
sommes appelés positivement & marcher vers l'unité
parfaite. Toutefois il ne faudrait pas opposer le
dialogue théologique au dialogue de la charité. On
a vu plus haut, dans la déclaration du Patriarche
eecuménique, que pour la participation au méme
calice une entente et un accord préalables sont requis
des Eglises orthodoxes entre elles, comme de I’épis-
copat catholique autour du Pape. D’ailleurs il ne
s'agit que de deux aspects d'une méme réalité. Le
dialogue de Ia charité contient en soi I'exigence de
Ta vérité.
Le Métropolite Méliton de Chaleédoine a exprimé
d'heureuse maniére l'unité de ces deux aspects d'un
méme effort, dans le discours qu'il prononca le 8
juin 1968, & Voccasion de la premitre séance de
travail de la quatriéme Conférence panorthodoxe
qu'il présidait: «Le dessein de Dieu a conduit la
charité a des réactions profondes et a des actes
ecclésiastiques porteurs d'incidences constructives
sur le plan théologique et ecclésiologique, au point
que la conception de l'unité n'est plus celle d'un
événement statique et mécanique qui se produit &
un moment donné, au terme de pourparlers entre
spécialistes. L'unité se profile devant nous comme
un état vital profond, qui se développe progressive:
ment vers son accomplissement, c’esta-dire Ia con-
fession d'une foi commune. La charité a illuminé et
mis en valeur les points communs de la foi. En nous
aimant les uns les autres nous nous sommes trouvés
serviteurs de la méme cause, celle de la vérité, de
sa découverte en commun et d'un plein accord & son.
sujet. En nous aimant réciproquement et dialoguant
dans la charité, nous faisons de la théologie, ou plu-
t6t, nous construisons théologiquement. Ce qui nous
porte & constater que, substantiellement, nous som-
mes déja entrés dans le dialogue théologique »
(Proche Orient Chrétien, 18-1968-361).
Assurément des obstacles persistent encore. Le
Patriarche les signale: ils sont la conséquence d'une
lourde hérédité historique. Mais de nombreux signes
montrent que Esprit, ayant changé d'une maniére
merveilleuse et en si peu de temps des attitudes
durcies par des sitcles d'hostilité et d’absence de
relations, portera & son terme V'ceuvre commencée.
Il Ie pourra si nous savons écouter docilement ce
qu'll dit aujourd'hui & VEglise (Apoc. 3, 29) et si
nous nous laissons guider par Lui dans la Vérité
entire (Jn 16, 13).
Cardinal W1LLEaRANps2. PATRIARCAT DE Moscou
Le Coneile local de I'Eglise orthodoxe russe
Son Eminence le Cardinal Willebrands et le Rév.
Pare Long SI ont représenté officiellement le Saint-
Sidge et ont été les hdtes du Synode local de VEglise
orthodoxe russe qui a eu liew au Monastére de
Zagorsk du 30 mai au 2 juin 1971. Le Coneile auquel
ont participé tous les évéques diocésains et une
représentation du clergé et des laics de chaque
dioctse, s'est occupé des questions concernant Ia vie
interne de I'Eglise orthodoxe russe et ses relations
avec les autres Eglises chrétiennes. Le 2 juin, le
Coneile a élu, comme successeur de feu le Patriarche
Alexis, Patriarche de Moscou et de toutes les Rus-
sies Sa Sainteté Pimen.
Pendant cette visite le Cardinal Willebrands a eu
Yoccasion de prononcer les discours suivants.
ADRESSE A LA SESSION D/OUVERTURE DU CONCILE LOCAL.
(30 mai 1971)
Eminence, membres du Concile local de l'Eglise
orthodoxe russe, mes chers fréres:
Vous étes réunis ici dans le Seigneur pour accom-
plir une tache d'une signification toute particuligre
pour la vie de I'Eglise orthodoxe russe. Il y a treize
‘mois, comme représentant de Sa Sainteté le Pape,
évéque de Rome, j’étais ici avec vous pour adresser
un dernier salut & celui qui fut votre pére et votre
pasteur durant 25 ans. Jai participé & votre douleur,
en méme temps qu’a la joie et & Vespérance venues
du Seigneur ressuscité, qui vous soutenait dans votre
deuil
Maintenant, le Seigneur qui a promis a ses
apétres quill he les laisserait pas orphelins (cf. Jn
14, 18), vous a demandé de vous réunir dans I'Esprit
Saint afin de choisir un nouveau patriarche qui
serait votre pére, votre pasteur et votre guide. C’est
un grand honneur pour moi de vous présenter les
salutations et les meilleurs veux de Sa Sainteté le
Pape Paul VI, au moment oit vous commencez vos
importantes. délibérations.
LiEglise de Rome regarde avec intérét le travail
de votre Concile. Par la grace de Dieu, les dernitres
années ont vu s‘accroitre beaucoup les_ relations
entre Eglise catholique romaine et lEglise ortho-
doxe russe. Nos deux églises, qui tirent leur ork
gine de la méme prédication ‘apostolique, qui_par-
ticipent aux mémes sacrements, qui offrent & Dieu,
le Pare de tous, le méme sacrifice du Seigneur cru:
cifié et ressuscité, ont vécu durant de longs sideles
étrangéres Tune & Yautre, alors que le soupgon, la
défiance, méme la haine, obscurcissaient cet amour
que Ie Seigneur avait indiqué comme le signe de
reconnaissance de ses vrais disciples. Mais 'amour
de Dieu est plus grand que toutes nos faiblesses.
Tl a agi en nous pour renforcer les liens deja exis-
tants entre nous et pour rétablir les liens qui
avaient été brisés. Et lentement il rend possible
Ie fait de nous rendre compte que nous sommes,
non des rivaux, mais des Eglises seeurs.
II n'est pas facile de surmonter des dificultés
qui sont nées il y a plusieurs siécles. Ces difficultés
sont enracinées en nos pensées et notre maniére de
faire. Parfois, certaines d’entre elles ont leur racine
dans notre désir sincére d’étre fidéles & nos peres
dans la foi, et & la tradition qui est venue jusqu’a
nous. Mais'en méme temps nous sommes convain-
cus que nous avons atteint une nouvelle période de
notre histoire. La fidélité & nos ancétres nous
oblige & préter notre attention et « & écouter ce que
VEsprit dit aux Bglises » (Ap 2, 7). Bt Esprit vient
en aide & notre faiblesse (cf. Rm 8, 26). TL nous
guide dans notre mouvement, avec patience et pru-
dence, mais en méme temps avec une sainte audace,
pour guérir les blessures, méme si elles sont récen-
tes, et pour accomplir ensemble la mission que notre
Dieu et sauveur Jésus Christ nous a donnée dans
ce monde, ce monde d’aujourd’hui, non celui d’hier.
St, Paull écrivait aux Romains: «la création en
attente aspire a la révélation des fils de Dieu .. toute
Ia création jusqu’a ce jour gémit en travail d’enfan-
tement » (Rm 8, 19. 22). Combien vraies sont ces pa-
roles quand on les applique & notre situation aujour-
d’hui. Dans une période pleine de changements tech-
nologiques, sociaux, politiques et culturels, le Christ
semble naitre & nouveau dans le coeur des hommes,
et se révéler 8 un monde quia un si grand besoin
de sa paix et de sa réconciliation, de son amour
divin. Nous, comme chrétiens et membres de nos
Eglises, nous sommes appelés & participer & ce grand
mouvement dans lesprit.
Cest dans ce contexte que votre Concile prend
place. Nous, dans I'Eglise catholique romaine, nous
voyons Vélection de votre nouveau patriarche, non
comme un simple acte administratif, mais comme
une nouvelle profession de foi dans le Seigneur de
YEglise et un engagement renouvelé & Ia mission
a laquelle TI nous appelle tous. La charge de patriar-
che et de pasteur supréme comporte de grandes
responsabilités, devant Dieu et devant les hommes.
Cest pour cette raison que le Saint Pére, le Pape
Paul VI, a prié souvent ces derniers mois demandant
la bénédiction de Dieu sur vous et votre Concile.
Avec gratitude pour votre invitation & étre votre
7hote en cette occasion, je vous assure que notre
délégation catholique romaine suivra vos délibé-
rations avec un amour fraternel et de ferventes
priéres & Celui qui a promis d’étre avec son Eglise
tous les jours, jusqu’a la fin des temps (Mr 28, 20),
Discours pe FéLIcrrarions
Prononcé aprés la Liturgie a la Cathédrale de
PEpiphanie @ Moscou, le 3 juin 1971.
Sainteté,
Au moment de votre intronisation comme Pa-
triarche de Moscou et de toutes les Russies, je
félicite 'Eglise orthodoxe russe d’avoir regu par la
grace de Dieu, un nouveau patriarche.
Ma présence au Concile local et & cette introni
sation, voulue par Sa Sainteté le Pape Paul VI,
manifeste bien Vintérét que prend 'Eglise catholi
que romaine aux grands événements de votre Eglise.
Nous nous unissons & vos actions de graces et
nous assurons Votre Sainteté de notre pritre afin
que le Seigneur daigne prodiguer sur vous l'abon-
dance de sa grace, que son Esprit vous illumine et
vous guide, pour le bien spirituel, temporel et éter-
nel, pour la liberté et la paix de I'Eglise et de tous
les hommes, a Ia gloire du Pere.
Nous prions tout spécialement que cette paix
s'étende aussi aux relations entre I'Eglise orthodoxe
russe et I'Eglise catholique romaine, comme entre
toutes les églises et communautés chrétiennes, afin
que soit accomplic Ia prigre supréme du Seigneur:
«Que tous soient un ».
Les relations entre 'Eglise catholique
et VEglise orthodoxe russe
INTERVIEW DU CARDINAL WILLEBRANDS
Publiée dans L’Awvenire du 4 juillet 1971
Question: Le dialogue entre U'Eglise orthodoxe
russe et 'Eglise catholique a commencé il y a moins
de dix ans avec Tenvoi, a Vimproviste — et peut-
étre imprévu, — de deux observateurs orthodoxes
du patriarcat de Moscou au Concile, Il s'est ensuite
développé par des rencontres et des réunions a
divers niveaux et en différents endroits. Pouves-
vous nous indiquer quel est actuellement état des
rapports entre les deux Eglises?
Réponse: On peut dire qu’aprés une longue pé-
riode d'ignorance réciproque, et souvent de tension
et d'aversion, un rapprochement considérable s'est
effectué depuis une dizaine d’années, précisément a
Ia suite de la présence des observateurs délégués de
YEglise orthodoxe russe au Concile. On a ainsi pu
mieux se connaitre et un nouveau climat de con
fiance s‘est créé, C'est ainsi que dans les rapports
entre les deux Eglises a pu se manifester cette com:
munion «presque compléte» qui existe entre les
catholiques et les Eglises orthodoxes, comme Va
affirmé récemment le Saint-Pére, d'abord au cours
d'une audience et ensuite dans une lettre au patriar-
che excuménique Athénagoras.
Lune des expressions extérieures de cette com-
munion est le fréquent échange de visites. On sait
que le représentant officiel de 'Eglise orthodoxe
russe pour les relations & l'extérieur, le métropolite
Nikodim de Leningrad et Novgorod, a effectué, de-
puis le I* septembre 1963, un bon nombre de visites.
& Rome. Les catholiques ont, eux aussi, effectué de
nombreuses visites, depuis celle de la délégation
officielle envoyée & Moscou pour les cinquante ans
d’épiscopat du patriarche Alexis, en juillet 1963,
jusqu’a la présence d'un délégué du Saint-Pére aux
funérailles du patriarche Alexis, en avril 1970, et au
récent Concile national de VEglise orthodoxe russe.
Ces échanges de visites naissent de Ia communion
qui existe entre les deux Eglises, bien que d'une
fagon encore imparfaite, et ils contribuent largement
& affermir cette communion,
QuestioN: Quelles sont les questions doctrinales
et pratiques pour lesquelles le dialogue est le plus
vivant?
Reronse: On sait qu’en décembre 1967, il y a
cu A Leningrad une premigre rencontre entre les
experts de 'Eglise orthodoxe russe et les experts
catholiques. Cette rencontre s'est poursuivie en
décembre dernier en Italie, & Bari (je dirai entre
parenthéses que cette ville est particuligrement chére
aux Russes, car ils ont une grande vénération pour
saint Nicolas dont les reliques sont conservées a
Bari). En 1967, on a commencé V’étude de la doctrine
sociale catholique. En décembre dernier, pour rester
proche des situations concrétes, le theme était:
«Le role du chrétien dans la société en développe-
ment ». On y a étudié plus particulitrement les sujets
suivants:
1, Liascétisme chrétien et le service de Yhuma-
nité, en se référant spécialement au réle de la vie
monastique dans Ie monde moderne;
2. La collaboration active de Yhomme a V'action
ceréatrice de Die
3. La relation entre la communauté de I'Eglise
cet la grande famille humaine;
4, Comment les chrétiens peuvent, en collaborant
ensemble, contribuer a rendre Ie monde plus humain;
5. La collaboration des chrétiens avec les non:
croyants,
Yai participé personnellement a la premiére ren-
contre tout entiére, et en partie & la seconde, et je
puis confirmer la vérité de ce qui est dit dans le
communiqué conjoint publié & la fin de la rencontre
de décembre dernier: «Les conversations se sont
déroulées dans une atmosphére cordiale et ouverte.
Bien que les rapports présentés par les catholiques
et les participants orthodoxes russes aient été pré-
parés séparément, les multiples idées communes
qu'ils ont fait apparaitre montrent combien les deux
Eglises sont proches une de Vautre dans leur atti-
tude a I'égard des enscignements chrétiens fonda-
mentaux concernant la elation de Dieu avec le
monde et le rdle que le chrétien doit jouer dans
un monde en perpétuelle mutation ». Le communi-
qué ajoute d'une facon significative: «Les conver-
sations ne se réduisaient pas & un simple échange
de grandes idées. Elles étaient imprégnées d'un esprit
de pritre commune ».Question: Quels sont les objectifs déja réalisés
grace a ce dialogue, et quels sont, a votre avis, ceux
quil sera le plus facile de réaliser a Vavenir?
Réponse: L'objectif Ie plus important qui a été
réalisé est précisément la création de ce nouveau
climat, en méme temps que les diverses manifesta-
tions qui sont I'expression de la communauté de
entre les deux Eglises, et méme de leur communion
croissante.
Il y a aussi des résultats particuliers qui sont
significatifs. Vous savez que le Concile et ensuite des
actes du Saint-Si¢ge ont reconnu la validité et la
liccité du mariage entre un catholique (quel que
soit son rite) et un orthodoxe, méme si ce mariage
a été célébré non pas devant un prétre catholique,
mais devant un prétre orthodoxe, 2 condition que
ce soit avec Vautorisation de l'évéque catholique.
Or, le Saint Synode de I'Eglise orthodoxe russe a
publié, en 1967, un décret adoptant la méme mesure
pour les mariages entre un orthodoxe et un ca
tholique.
Un acte de réciprocité semblable a eu liew pour
Vadmission & la sainte communion. Le Concile, on
Ie sait, avait décidé qu'aux orthodoxes qui le de-
mandent on peut donner — avec les modalités et les
précautions voulues, qu'il serait trop long d’expli-
quer — les sacrements de pénitence, de eucharistic
et de Fonction des malades. Le Synode patriarcal de
VEglise orthodoxe russe, de son cété, a décidé qu’a
titre de réciprocité, les’ catholiques qui sont trop
éloignés de leurs prétres peuvent étre admis & la
communion a la liturgie orthodoxe russe. De source
autorisée russe, on a pricisé que cette décision se
base sur le fait que les orthodoxes ont la méme foi
que les catholiques en matitre de sacrements, et
quills célébrent la méme eucharistie.
Question: Un moment important du dialogue
en cours a sans doute été Vinvitation adressée par
le patriarcat de Moscou a Paul VI pour quil envoie
une délégation dont les membres assisteraient en
qualité d’hotes & certaines sessions du Concile na-
tional de U'Eglise orthodoxe russe, réuni pour élire
le nouveau patriarche. Pour UEglise orthodoxe russe,
if stagissait d’un acte extrémement important. Quels
sont les aspects qui vous semblent les plus intéres-
sants, compte tenu du fait que c’était le premier
Concile national — c'estei-dire une réunion a laquelle
participaient, outre les évéques, des délégués du
clergé et du Iaicat — qui se tenait depuis 1945?
Reronse: Je crois qu'il suffit d’évoquer certaines
des principales décisions qui ont été prises. Avant
tout, Ie Concile a confirmé Je travail fait par le
défunt patriarche Alexis et son Synode pour le dé
veloppement de I'Eglise orthodoxe pendant les vingt-
cing années de son patriarcat. TI est bien certain
que nous ne pouvons pas entrer ici dans tous les
détails. Je dois cependant mentionner un point: le
Concile a pris acte de Yannulation des unions de
Brest et d’Uzhorod, aux xvr et xvtt sitcles. On
sait quien 1946 et 1949, ces deux unions ont été
unilatéralement déclarées abolies, de sorte que ces
communautés ont été placées sous Ja juridiction du
patriarcat de Moscou. Il est bien certain que nous
ne pouvons pas partager la thése selon laquelle par
Yannulation de ces actes d'union, la situation ecclé-
siale de nos fréres catholiques orientaux en Union
sovigtique a trouvé sa solution. L'eglise catholique
est certainement heureuse que ces derniéres années,
avec V'aide de Dieu, un progrés important ait été
effectué dans ses relations avec I'Eglise orthodoxe
russe. Cependant, dans ce dialogue de charité qui
est en train de se développer, nous continuons fer-
mement & étre persuadés, comme nous I'avons tou:
jours été, que des problémes aussi ardus ne peu
vent étre’ résolus unilatéralement.
Quant aux autres résultats du Concile, ila con-
firmé diverses initiatives et décisions tendant a
améliorer et coordonner les relations avec les dif-
férentes Eglises orthodoxes. Il a de plus confirmé
— et cola est particulitrement important pour
nous — la ligne aecuménique du défunt patriarche
et de l'Office qui en est chargé, sous la direction,
comme on le sait, du métropolite de Leningrad et
Novgorod, Nikodim. Le Concile a plus spécialement
confirmé le développement des relations avec I'Eglise
catholique, et il a souhaité que celles-ci soient appro-
fondics et’ développées.
Le Concile a de plus pris une initiative ressem-
blant d'une certaine manitre a abolition, effectuée
a la fin du Ile Concile du Vatican, des excommu
nications entre VEglise catholique et le patriarcat
cccuménique. II y avait, en effet, en Russie des com-
munautés dites de « viewx-croyants » qui, en 1667, &
la suite de divergences en matiére de rites et de
coutumes, avaient éé excommuniées par I'Eglise
orthodoxe russe. Le récent Concile a aboli cette ex-
communication et il a exprimé le désir d'un rap-
prochement réciproque et plus profond avec ces
communautés.
Je voudrais encore souligner un aspect parti-
culier qui m'a spécialement frappé: tous les délé
gués vivaient ensemble au monasttre de Zagorsk,
ce qui creait une atmosphere d'intimité et facilitait
énormément les échanges de vues sur de nombreuses
questions, également en dehors des sessions. Quicon-
que a fait une expérience de cette sorte au Concile
du Vatican saura apprécier les bienfaits de cette
communauté et de cette intimité. Pour les délégués
du Concile national orthodoxe russe, ces bienfaits
étaient d’autant plus appréciables que normalement
ils vivent dispersés dans les immenses territoires de
YUnion soviétique et qu'ils se trouvent done assez
isolé
QuestioN: Comment voyes-vous la situation d'une
Eglise qui vit dans un pays dont les dirigeants ont
une politique ouvertement athée?
Reponse: Je vous répondrai en me référant aux
déclarations faites par le métropolite Nikedim lors
des conversations de Bari (dont nous avons parlé
plus haut), telles qu’elles ont été rapportées dans le
communiqué final conjoint. Dans son discours d’ou-
verture, le métropolite, résumant le travail accompli
lors de la rencontre précédente, précisait ainsi la
tendance générale qui s'est manifestée dans les
9conversations: « Il existe une tendance toujours plus
grande & engager le monde dans un dialogue ouvert
a Vapport aussi bien des chrétiens que de ceux qui
ont des convictions différentes. C'est dans ce con-
texte que nous devons considérer comment le chré-
tien développe sa vie spirituelle et lutte contre le
péché, tant dans sa vie spirituelle que dans sa vie
sociale. Dans les situations concrétes, nous ne de-
vvons pas seulement combattre Ie mal; nous devons
aussi apporter une contribution positive au bien.
Cet ainsi que dans la société actuelle, en continue!
développement, un chrétien a pour tiche, par Vévan-
sélisation, de contribuer & la réconciliation des hom-
mes et a Yavénement de la paix et de la justice so-
iale dans le monde. C’est par 14 qu'il contribue &
ce processus de développement ».
Je commenterai ces paroles en disant que dans
Jes trds nombreux contacts que j'ai cus depuis
bient6t dix ans, il m’a toujours été donné de cons-
tater que la plus grande préoccupation de nos fré-
res est celle-ci: comment peuton étre un authentique
chrétien, absolument fidéle aux principes de sa foi,
et en méme temps collaborer loyalement avec les
autres qui n’ont pas une vision chrétienne du monde?
Lorsqu’on connait toute la complexité des situations
dans lesquelles vivent ces fréres, il faut dire que cela
est important.
Question: Sur la base de votre expérience et de
votre connaissance de la tradition théologique et
ascétique de Vorthodoxie, quels sont les aspects du
patrimoine de la spiritualité russe que vous croyez
étre les plus intéressants pour tes catholiques?
Réponse: Le premier, c'est Je role de la liturgie
pour maintenir et répandre la foi. En effet, pour
Timmense majorité des fidales orthodoxes russes,
la liturgie est Iécole de religion par excellence. Cest
elle qui leur communique la connaissance de la foi,
et en méme temps leur fait vivre la foi en profon-
deur. La participation & la liturgie constitue ainsi
pour les fidéles une formation permanente et pro-
fonde. Crest ce qui explique que la foi ait pu se
conserver et se répandre méme au milieu de situa-
tions tres dificiles, depuis plusieurs dizaines d’an-
Dans ce contexte, jfajouterai deux autres choses
qui sont ressenties d'une facon particuligrement vive
par les Russes orthodoxes. D’abord un sens profond
de Ja réalité vivante du Christ ressuscité, qui est
source de joie et d'espérance. Et ensuite, une foi
vivante dans 'EspritSaint, toujours & Yceuvre, d'une
fagon mystérieuse, mais réelle et efficace, dans les
individus et dans l'ensemble de I'Fglise. La vie ascé-
tique elleméme, qui dans VEglise orthodoxe russe
10
présente des aspects plutdt austtres, est elle aussi
entigrement imprégnée de cette double foi dans le
Christ ressuscité et dans V'action continuelle de
YEspritSaint. Il me semble que ces deux aspects
aient beaucoup & nous dire A nous catholiques, en
cette actuelle période de renouveau. Tis sont par-
ticuligrement importants 4 un moment oit l'on est
si vivement tenté de réduire l'Evangile & un évan-
gile purement social, en oubliant les dimensions
divines de la vie de homme.
Question: Au Concile de Zagorsk, n'y avait-il pas
aussi, @ titre d’hétes, des évéques catholiques de
TUnion soviétique? Croyez-vous que le dialogue entre
Rome et Moscou pourra étre bienfaisant également
pour les communautés catholiques de ce pays? Y
ail des possibilités de dialogue direct entre les
communautés catholiques et orthodoxes d'Union so-
vigtique?
Réponse: Oui, un évéque administrateur aposto-
Tique de Lettonie, deux évéques administrateurs apos-
toliques de Lituanie et le vicaire général de Iarchi-
diocése de Vilna, étaient présents au Concile de
Zagorsk.
Quant & vos deux autres questions, il me semble
quill soit préférable de commencer par la seconde,
celle portant sur la possibilité d'un dialogue direct
entre les communautés catholiques et orthodoxes
a’Union soviétique. Notez d’abord qu'il ya des ter-
ritoires dont la population est en grande majorité
catholique et oit les orthodoxes sont peu nombreux,
par exemple la Lituanie, et d'autres, au contraire,
lt Ia grosse majorité de la population est orthodoxe
et ott les catholiques sont peu nombreux. Par con-
séquent, il n’existe pas de larges possibilités de dia
logue et de collaboration. On peut cependant dire
que méme dans ce cas il existe en fait entre les
‘communautés de bonnes relations, qui vont méme
en s‘améliorant. Etant donné de plus que les catho-
Tiques aussi bien que les orthodoxes sont, en fin de
compte, du point de vue religieux, affrontés aux
mémes problémes, ils sont appelés & s'entendre et
& sfaider mutuellement, La réponse & votre autre
question est alors facile et évidente: les relations
directes entre catholiques et orthodoxes sur le plan
local bénéficient certainement, et Jargement, de la
bonne marche, et méme du développement croissant
des relations entre le Saint-Siége et le patriarcat
orthodoxe russe. Meilleures seront ces relations,
meilleures aussi pourront étre les relations directes
sur le plan local.
Pour conclure, je voudrais ajouter que dans nos
contacts avec I'Eglise orthodoxe russe, nous ne per-
dons jamais de we nos fréres des Eglises catholi
ques orientales.3. VISITE OFFICIELLE DU CARDINAL WILLEBRANDS
A W'EGLISE DE GRECE ET A L’EGLISE DE CRETE
Le président du Secretariat pour I'Unité, le Car-
dinal Willebrands, accompagné par le Pere Pierre
Duprey et par le Pére Eleuterio Fortino, s'est rendu
en visite officielle auprés de 'Eglise de Gréce, du
17 au 20 mai, et auprés de 'Eglise de Créte du 20
au 23 mai, Cette derniére est une Eglise semi-auto-
nome, et, tout en étant située en Gréce, se trouve
sous la juridiction du patriarche o-cumenique de
Constantinople.
Les deux visites qui se sont déroulées dans une
atmosphere de cordialité fraternelle et chrétienne,
ont été propices & une rencontre féconde et A une
franche discussion sur les rapports entre VEglise
catholique et I'Eglise orthodoxe, en vue de relations
plus serrées et de collaboration réciproque.
Visite & Athenes
Pendant ce sejour & Athenes, Ie cardinal Wille-
brands, le Pére Duprey et Ie Pére Fortin ont été
Tes hotes du Saint Synode de l’Eglise de Gréce.
Au cours de cette visite, le cardinal a pris contact
avec la hiérarchie orthodoxe et catholique, avec les
professeurs de la faculté théologique et d'autres
théologiens et enfin avec des représentants d’orga-
nisations ecclésiastiques et d'institutions religieuses.
A) Le cardinal a eu trois rencontres particulitre-
ment importantes avec les autorités orthodoxes:
1, Avec S. B. Hieronymos, archevéque d’Athénes
et de toute la Gréce.
2. Avec le Saint Synode,
3. Avec la commission synodale pour les rela-
tions avec Jes autres Eglises.
Deux heures aprés son arrivée & Athénes, Ie car-
dinal rendait visite & Yarchevéque et était recu par
Ie personnel de la Curie.
Tout de suite aprés, S. B. Hieronymos, a rendu la
visite au Cardinal Willebrands dans Vhétel ott il
logeait. Le lendemain, 18 mai, Ie cardinal a été régu
par Ie Saint Synode. Ce fut le moment plus officiel
de cette visite. C'est 1a quiont eu lieu les discours
plus importants et un échange de présents.
Liarchevéque a ainsi salué te Cardinal:
Eminence,
La présence ici parmi nous, en cet heureux
jour, de Votre Eminence honorée de Dieu, est
par elleméme un événement dont nous sommes
profondément reconnaissants et dont nous devons
rendre grices & Dieu, donateur de tout bien; car,
pour la premitre fois aprés tant de sidcles od,
dans Tamertume, nous nous étions retirés les
uns des autres, des mains se tendent sans autre
raison que de saluer et de guérir avec une fra
ternelle affection.
La présence de Votre Eminence peut aussi de-
venir un événement plus significatif encore et
entrer dans histoire de nos deux Eglises comme
un tournant décisif dans nos mutuelles relations;
car, venant apres les heureuses rencontres person-
relies des deux vénérables chefs de nos Eglises
et les événements qui les ont suivies, elle peut
grandement contribuer & imprégner les couches
inférieures de la pyramide spirituelle de I'Eglise
de cet esprit fraternel dans le Christ qui les a
inspirées ellessmémes. Chose absolument néces-
saire, car toutes les démarches qui ont jam:
été accomplies dans Vhistoire de 'Eglise reposent
sur la conscience universelle de Ia totalité (plé-
rome) de ses membres.
Comme le sait Votre Eminence, dans V'Eglise
les actes de ses chefs ne sont benis et féconds
que sils reflztent les sentiments et la foi de ce
pléréme et s'ls correspondent & celles des api
rations du peuple fidéle qui sont conformes & sa
foi. Au contraire, toute action hative des chefs
de I'Eglise qui n'est pas en accord avec le sen-
timent et la foi des fidéles ne peut qu’étre cause
de dommage et de plus. grande agitation.
I faut prendre un soin tout particulier 18 ot
aurant de longs sitcles, les fidéles de 'Eglise ont
été davantage blessés, et cela en Jeur bien Ie plus
inestimable, celui quils ont conservé jusqu’’ ce
jour: leur foi pure et sans mélange, ce bien quils,
‘ont conservé ‘méme dans ces circonstances ott,
sous prétexte de satisfaire des aspirations de ce
monde, on les invitait & renier la premiére partic
du Premier et Grand Commandement. Comme
beaucoup Vont déja fait remarquer, négliger ces
facteurs conduirait & des résultats diamétralement
copposés & celui qui est souhaité
La présence de Votre Eminence bienaimée,
venue pour avoir des contacts personnels en esprit
de charité dans le Seigneur, avec des représen-
tants de la higrarchie et de la pensée théologique
grecque ainsi qu'avec le pieux peuple orthodoxe
de Grice, donne donc la possibilité de diffuser
dans de plus larges couches de la pyramide spi:
rituelle Yceuvre qui a été commencée tout au
usommet et qui, di
inférieures.
Votre Eminence me permettra de souligner
que, surtout de notre cété, cette ceuvre est difi-
cile et demandera beaucoup de temps. Vous par-
donnerez une certaine méfiance de la part des
fideles de notre Eglise, non pas — loin de nous —
a égard des personnalités principales qui luttent
aujourd'hui pour parvenir & Tunité chrétienne,
mais bien plutot & égard des faits euxmémes,
Les fidéles de notre Eglise, pendant des siécles,
ont été accoutumés & discerner dans les actions
de votre Eglise des intentions tout autres que
fraternelles, En général, ils éprouvent encore de
la difficulté & se convaincre que les efforts fer-
vents, déployés aujourd'hui par Ie Saint Sidge,
en faveur de Tunité chrétienne sont exempts des
tendances passées.
D’oir le temps nécessaire qu'il faut laisser &
nos fideles pour que, 3 partir des faits eux-mémes,
ils réalisent que les mains aujourd'hui tendues
sont, en toute vérité, fraternelles.
Je prie Votre Eminence et cette assemblée de
me pardonner le ton de cette adresse. Il se peut
que certains dentre vous me reprochent d'expri
mer de telles pensées en un moment aussi pew
approprié que cette fraternelle rencontre, en co
licu sacré et au cours des manifestations de joie
‘occasionnées par la présence parmi nous de Votre
Eminence. Mais, si je le fais, est précisément
parce que je crois & la fois A la nécessité d'un
rapprochement entre nes deux Eglises ct A la
sincérité des intentions de leurs chefs. Je suis
sr que les impératifs de notre temps et le fer-
vent désir de notre Seigneur que « tous soient
un» ont parlé plus haut dans leurs ceeurs; je
suis sir aussi que les démarches entreprises v
sent & faire de ce désir de notre commun Sei-
gneur, dans les plus courts délais possible, une
tangible réalité.
Permettez-moi, comme président, d’exprimer
ma joie pour tout ce qu’a fait Sa Sainteté « pour
Yunion de tous». Je demande aussi & Votre
Eminence de bien vouloir accepter, avec
souhaits de bienvenue en l’Eglise de Gréce, le soin
de transmettre & Sa Sainteté, le Tres Bienheureux
Pape et Patriarche de V’Ancienne Rome, mes sa-
lutations personnelles et celles des trés Révérends
Higrarques qui m'entourent; de Vassurer aussi
que nous apprécions trés profondément tout effort
entrepris pour faire & nouveau de I'Eglise «un
seul bercail » sous la conduite du Grand Pasteur
du troupeau, notre commun Sauveur et Seigneur
Iésus-Christ et que nous ne négligerons rien de
ce quill est possible de faire pour y parvenir. En
souhaitant pour Votre Eminence ainsi que pour
Sa Sainteté, dont vous étes Ie si digne représen-
lant, longue vie et prospérité spirituelle et physi-
que, ainsi que succés dans vos travaux, nous
vous convions a unir vos prigres a celles de no-
tre Eglise en faveur de ce but sacré, et d’agréer
ces petits cadeaux en souvenir de la visite de
Votre Eminence bien aimée,
, est passée & des couches
Le Cardinal a répondu par le discours suivant:
Béatitude, Excellences,
Quelle joie remplit mon ceur d’étre aujour-
@’hui avee vous, Farchevéque d’Athénes et de toute
la Grice et avec les vénérés métropolites du saint
synode. Bien sir, le nom de la ville et le nom du
pays dont elle est la capitale évoque le souvenir
d'une culture, qui est la source de la civilisation
européenne, des sciences, des beauxarts, de tout
ce qui a été Ia base de notre éducation. Mais pour
nous, chrétiens, prétres et évéques de l'Eglise,
Athénes c'est la ville od Vapotre saint Paul a tenu
son grand discours au monde paien, dont le pré-
cis nous a été transmis par saint Luc dans les
actes des apétres, discours qui par sa nouveauté,
utilisant la sagesse profane, par ses circonstances,
étant prononcé devant V'Aéropage, par sa profon-
deur, annoncant la connaissance de Dieu et la
résurrection des morts, vaut bien une épitre.
En Votre Béatitude et dans la personne des
vénérés membres du saint-synode je rencontre et
je salue toute PEglise de Gréce, si riche en sow
venirs des apétres, de leurs disciples, des pre-
mires communautés chrétiennes.
Acceptez 'expression de ’émotion d'un évéque
venant de Rome. Combien de souvenirs des temps
apostoliques nous sont communs! Saint Paul,
ni-atil pas adressé aux Romains une de ses
grandes épitres? N-atil pas personnellement pro-
clamé le royaume de Dieu & Rome (Actes 28, 30)
‘comme il avait fait & Athénes? N’a-til pas, aprés
avoir été longtemps prisonnier & Rome, recu dans
cette ville 1a couronne du martyre?’Parmi les
disciples des apétres, Aquila et Priscilla, chez
lesquels Vapotre demeura et travailla & Corinthe,
ne venaient-ils pas de Rome? Des temps aposto-
liques est aussi Ia lettre du pape Clément, qui
commence par les paroles bien connues: Ecclesia
Dei quae Romae peregrinatur, ecclesiae Dei quae
Corinthi peregrinatur: "H beamain 705 e085
reponaion Poury tf bodnelz to 9e08 tf mapa
oian Kégrvdow.
‘Voila quelques exemples appartenant au temps
apostolique, oi nous avons en commun les apé-
tres et les prophetes, qui sont les fondations de
VEglise, dont la pierre dangle est le Christ Jésus
luiméme (cf. Ep 2, 20). Les paroles avec lesquel-
les les Eglises se saluaient avaient toujours le
méme sens, le méme contenu (je cite encore une
fois saint Clément): «A vous grace et paix de
par le Dieu tout-puissant par Jésus-Christ »: ydote
Sulv nal elphya dd maercoxpiropos Boo 81d "Inout
Xptoxe
Ces deux paroles, « grice et paix» que nous
voyons liges inséparablement dans les salutations
initiales des épitres pauliniennes, n'expriment-
elles pas toute la richesse du mystére chrétien?
La grace, cest la vie nouvelle instaurée par Jésus-
Christ, c'est le don qui contient tous les autres.
La grace, c'est en méme temps Ia faveur donnée,
Ja bienveillance et la générosité de celui qui donne
et qui, par son don, fait de celui qui resoit un