Vous êtes sur la page 1sur 206

Le P.

Aubry et la
réforme des études
ecclésiastiques / par
Mgr Justin Fèvre
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Fèvre, Justin (1829-1907). Le P. Aubry et la réforme des études ecclésiastiques / par Mgr Justin Fèvre. 1903.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la
BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 :
*La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source.
*La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits
élaborés ou de fourniture de service.

Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence

2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit :

*des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans
l'autorisation préalable du titulaire des droits.
*des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque
municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation.

4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur
de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays.

6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non
respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978.

7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter reutilisation@bnf.fr.


N'S'S~AM AÈ1:liAS ,fRA.NCS

'Arts, Sctfnces, Ristèii~è~,f, iloso~


'SS$! ~~M~

Aubry

~ë~

D~ES

E~tdes ecclésiastiques

PAR
Justin FÈVRE

PARIS

~~R~H~J~SAVAÈTE,' ÉDITEUR
~<)~RUP D~S'SAMK-f&MS, 76
ARTHUh SAVAËTE, &D)T~UR, ~6, RUE DES SAiNTS.PÈRES, PARiS

Nous avons entrepris la pubUcattON de plusieurs sëriM d'ouvrages d'aotua-


lité dûa à des eorivatns de grand mérite et du meilleur renom. Nous
recommandons donc instamment ces oeuvres faites pour dissiper les doutes
et les erreurs dont souffre actuellement l'opinion publique. Ces séries iront
chaque jour se complétant.

1 €eMeett<m A. Savaéte à Ofr. ?& ?" feMeetten A. Saleté a 3 fr. &<t


in-S° carré in-12
Un poète abbé (Delille) par Louis AuntAT. Origines de Notre-Dame de Lourdes
Proscription des Ordres religieux (La), (Les), par t~abbé Paulin MoNtQUET.
Protestation d'un croyant, par Mgr. Justin n Roman d'un jésuite, par BisuoNY d'Ha-
FtVBE. guerue.
Proscription des Religieuses enaei- La Dame Blanche du Val d'Halid.
gnantes, par Mgr. Justm FÈVRE. par Arthur SAVAÈTE
Abomination et désolation. lettre aux La Main noire, suite du précédent, par
évêques dé France, par Mgr. Justin FèVBE. Arthur SAVANTE.
Styles et Caractères, par Georges LE-
a" Colleetion A Savaète à t franc
GRAND..
in-8" carré et in-12 2
Grandeur et décadence dos Français,
Catholiques ou Francs maçons, par X. Gaston ROUTIER,
par
Duchesse de la Rochefoucault (La),
par Mgr. TtU.OY. Colleetion A. ffa~aete a 5 francs
Le Bienheureux pape Urbain V, par in.8o raisin
dom BERENG!EE. Julie Vén.
Billiart (La mère), par Ch,
Rimes d'un croyant (poésies), par le S -J.
CI,AIR
comte du FtŒSNEL. Chinois Pot
et chinoiseries illustré, par
Rimes d'un père (poésies), par le comte KORIGAN.
du FRESNEL. Rivales amies Arthur
(Les), roman, par
Rimes d'un soldat (poésies),, par le SAVAETE.
comte du FRESNEL. les Anciens ou l'économie
Voyage chez
3° Colleetion A. a rurale dans l'antiquité, par le chanoine
Savaète < fr. &?
in-12 et in-8" BEAURREDON.
Rôle de la Papauté dans la société.
Un missionnaire poitevin en Chine,
par le chanoine FouRNiER-
par dom CHAMARD.
Bulgarie aux Bulgares (La), par l'abbé
Primevères (poésies) par dom Fourier
Dupuy-pEYOu, illustré.
BONNARD
S° <~)!eetten A. SaMéte a ? fr, 5<t
4° Colleetion A. Savaète n francs
in-8o raisin et jésus
in 8" carré
Fleur merveilleuse de Woxindon (La
Le centenaire de Mgr. Dupanloup,
parle P. SpiL!,M.tNN.traduit de l'allemand.
par Mgr. Justin FÈYRE.
Origines et de l'éducation en
Colonel comte Villebois-Mareuil, hé- progrès
Amérique, par Charles BÀRNSAUD.
roïsme français au Transvaal, le
par Dame Blanche du Val d'Halid et la
'marquis S)Mon de Bettn-Carré.
main noire(La) itt~tré. par A. SAVANT)!.
Paris-Zota. par MERLIER.
Couronnement d'Alphonse XIII, roi
Trio (Le), juifs, protestants, et francs-
d'Espagne,illustré, par Gaston ROUTIER.
matons, par Jules ApER.
Cas de M. Henri Lasserre, Lourdes et *t° Cetteetten A. Savaète à S francs
Rome. par l'abbé Paulin MoftonsT. in-8" raisin
Catalogues Episcopaùx, réponse a t'abbé Soirées Franco-Russes 1~ Soirée.
Duchesne, par l'abbé TxouET. Mort de Louis It de 2" Soirée.
Bavière
Actes de Saint-Denis de Paris, par 3e Soirée. Boers
Mortde Rodolphe
le chanoine DAv:N. et Arthur SAVA~TR.
Afrikanders, par
Anne d'Orléans, première reine de et responsabilités de l'insur-
Origines
Sardaigne, par la comtesse de FAVE~GES. rection Vendéenne. par dom Ca~MAto.
A° Ce)!et'tt<tn A Sa~aete a 3 francs Les Représentants du peuple en mis-

m-8* et in-~ sion près les armées 1793-1797. D'après


]R dépôt de la guerre, les séances de la
Carnet d'un officier, œiitre posthume, Convention, les archives nationales, par
considérations philosophiques du com-
BoNNAL de Ganses, conservateur des 8
mandant Léon Guez, chef d'état-major archives au dépôt de la guerre, 4 vot.
du 8" corps, par dom RABORY.
Tome 1. Le Conseil exécutif et les re-
Odila (tragédie), par Arthur SAVAÈTE.
présentants 8 t~r.
Znléma. roman historique, par Arthur
Tome H. Les partis et les représen-
SAVAÈTE.
tants aux armées 8 fr.
Abomination dans le lieu saint (L'), Tome 1H. Les volontaires et les repré-
par Mgr. Justin FEVRE.
sentants aux frontières. 8 fr.
Désolation dans le sanctuaire (La), Tome IV. Les représentants et l'œuvro
par Mgr. Justin FÈvRE.
des armées 8 fr.

St-Amand (Cher).- /M/ Scientifique ~r~ BusstERE


s~ie de ducuments
F.. d-une
en couteut
/LmP. AUBRY

"ET LA RÉFORME

des études ecclésiastiques


OUVRAGES POUR LE TEMPS DE LAPERSÉCUTIO!

HM<0:t-e~MM<MKt:HMh'M~VOt.in-8.. ;fr.H))
~afi!(MM&fB~KM~~fRa<.tvoI.in-8. 2 xe
.Ls.R~aM~MH~M~fCttMKMt'~MffftKM.IVot.in-S. 2 xn
~apro~teM~Mm~MC~xM~MM. t vot.in-8. 2 ex
Z~f&t!<aKf:e~ya~eM~i:M~'oM.!vot.in-8. 2 ;;))
j!.f!D~HM~B~/tMeK~'i:KM.!VO).!n-8 2 ))<)
;DM'OtM<&!eM<MK!~S~H<7<t~'M&M<MM.IVoi.m-8 2
~'a&om!tKa<K)M~a!M:~Het<MtM<vo).!n-j2 3 o;;
I.t D~o/aftoHdans &H<;<M<!t~.
t vo). in-n 3 ;));
Z<fO:crt~<tOM~MOf~Mf~<~MKX. t vot.in-8. o y;
~i!PfO!t:t-~Mp<!0~H~!<M~MmKt~Si!M<M.!VOt.in-8. 0 75
JPA't!:<fo<:<ftHSMxae!<!Mj'<MfMM.ivoLm-8. o y;
Le Cmtemnfetie At~f DM/MMh~.i vol. in-8 2
L< Père ~Mr!~ et !e f~ofNtedes~iH~ tMHstest~tx:.t vol. in-S :1. to

~O~F~F

G~r!~ P~Mt, ef~eMr <:Mt~«Kt.


r~oKOMte~ttt'~Me
UM~O~H&MMtf<CMf !t! )tt:K<)ttMCMMttOM
~M~Ottf~M<MMH</0'~M<<Mf.

~SAl!<T-AM&<)D,.CHER.IMM!MEMEBUMtÈRE.
?3 2 Con.ECTtONARTHURSAVA.ETiB A S MANCS

Politique et Z~t~M' Arts, Sciences, Histoire, ~<7û~~


et Religion.

L~P.Aubry

r\~ REFORME
~A

DES

Etudes
ecclésiastiques

PAR

M< Justin FÈVRE

PARJS
ARTHUR SAVA&TE, ÉDITEUR
76,RUEDESSAINTS'-PËMS,76
Le "P. à A~ry t/
ET LA

RËFOM~j~~TUDES ECCLÉSIASTIQUES

(~

\~i'

PRINCIPES GÉNÉRAUX

Dieu impose, à chaque homme, l'œuvre de son salut. Cette œuvre

chaque homme doit l'accomplir, avec


grâce la
de Dieu, par son
propre concours, en un certain mélange de confiance et de crainte, et
de plus, sous le ministère des prêtres. Le salut est, pour tout homme,
la grande et unique affaire; et telles sont exactement les conditions

régulières de sa réussite.
Tout prêtre est choisi parmi les hommes et institué pour le salut
des hommes. Or, personne ne doit s'ingérer de lui-même, dans ce
grave ministère- Pour y entrer d'une façon régulière, il faut trois
choses la vocation, la formation sacerdotale, et, après une longue
préparation, la promotion au sacerdoce.
La vocation, c'est Dieu qui la donne. En nous créant, sa sagesse

assigne, à chaque homme, l'ceuvre qu'il doit accomplir, et dans


l'ensemble de ces œuvres ou plutôt à leur sommet, il a placé le sacer-
doce. En appelant un homme au sacerdoce, Dieu lui donne les

moyens de répondre à sa vocation il écarte les obstacles qui pour-


raient l'empêcher; il accorde les talents et les dispositions morales
les plus indispensables au succès il confie, à. son Eglise, le soin
de cultiver ces jeunes recrues du sanctuaire. Quand cette prépa-
ration a été conduite à son terme, l'Evêque prend l'élève de son
séminaire et,par la collation d'un sacrement, le consacre, comme
prêtre, à l'oeuvre du salut des âmes.
LEP.AUBRY
Le prêtre, pour ttâvaiH~ efficacement au salut des âmes, doit s'im*

poser rigoureusement trois obligations capitales le travail, la prière


etI'espritdemortiRcation.
Le travail sacerdotal est le premier des devoirs –Je parle du tra-
vail intellectuel. Dans sa préparation au sacerdoce, le lévite a

appris à apprendre; ilareçu, de toutes choses, des notions élémen-

taires qu'il doit, pendant toute sa vie, approfondir, dans la mesure de


ses forces. Le dogme, la morale, le droit canon, la liturgie, les
sciences annexes des sciences sacrées et même la science humaine,
dans le vaste ensemble qui la rattache à h révélation divine, tout
cela relève de sa compétence et en appelle à son bon vouloir. Tout

prêtre doit étudier toujours il doit, sans cesse et sans fin, se plonger
dans l'océan de la lumière; il doit s'en imbiber, s'en pénétrer, de

façon qu'étant, comme homme, cendre et poussière, il soit, comme


homme de Dieu, un être lumineux,un porte-lumière, un Christophore.
Par le travail, il se transfigure sans cesse, il suit la voie ascendante
des justes dans toutes ses splendeurs; il passe sa vie sur le Thabor et
n'en descend que pour opérer les merveilles de l'action divine.
Au travail, le prêtre doit unir la prière. La prière est une élévation
de t'âme; elle détache l'âme des choses créées pour l'appliquer à Dieu.
A ce titre, elle doit précéder et accompagner l'étude elle doit sur-
tout la continuer et
la compléter. Quand un prêtre a travaillé de
toutes ses forces quand il a demandé à ses' facultés tout ce qu'elles
peuvent lui offrir, il doit implorer de Dieu tout ce que Dieu peut
ajouter à sa puissance intellectuelle d'homme. Loin de la terre, pla-
nant sur les hauts sommets, il doit méditer ce qu'il a étudié,
il doit, si j'ose ainsi dire, le fondre avec la lumière divine qu'appelle
et qu'apporte la méditation pieuse. Et c'est là le second acte im-
portant pour l'étude sacerdotale.
A la prière et au travail, le prêtre doit ajouter l'esprit de mortifi-
cation. La mortification est une pensée, une résolution et une action
continue, par quoi nous éliminons de nous tout ce qui est charnel. Le
charnel, d'après saint Augustin, se doit entendre, non seulement des
entrainements de la chair, de ses emportements et de ses passions il
d~it s'entendre encore de toutesles inclinations qui amènentnotre âme
à accomplir les désirs de la chair, à s'y attempérerpour en jouir
elle-même et tâcher de trouver dans le corps les béatitudes de l'esprit.
LaTnortiSeation, pour nous délivîer de ces inclinations et deces
servitudes, doit travailler sans cesse à les éliminer et, si elle ne peut

.d~tMrë,€lle doit les assujetti)? aux volontés de l'âme. La


~;ttso):'t'6~tton,~a prière et le travail, telle est la trilogie des ver-
3

tus du sacerdoce, les trois puissances qui doivent agir dans'le grand
drame de son ministère.

Depuis dix-neuf cents ans, le sacerdoce chrétien doit répondre


ainsi aux appels de sa vocation et à ses obligations d'état. Dans

quelle mesure ri s'en est acquitté, par quelles vicissitudes, avec

quelles alternatives de succès et de revers, de reculs ou d'avance-

ments, nous n'avons pas à le dire. Nous constatons simplement


que, depuis dix-neuf siècles, le sacerdoce catholique a porté ses pas
sur tous les rivages, qu'il a fait entendre sa parole à tous les peuples;

qu'il a constitué partout des églises et des chrétientés; qu'il a créé


enfin cette admirable évolution ascendante de l'humanité, que l'his-
toire appelle la civilisation.
Dans tous les mouvements de l'humanité, la puissance qui do-
mine toutes
les puissances et règle les destinées, c'est le sacerdoce.
Le Pape, les évêques, les prêtres forment:, par leur divine hiérarchie,
un pouvoir supérieur, d'institution divine, auquel tous les pouvoirs
humains doivent leur concours. La concorde du sacerdoce et de

l'empire, le roi sur son trône et


le Pape sur son siège, voilà, dit

Bossuet, les deux têtes et les deux bras dont la pensée et les actes
suffisent à la bénédiction de toutes les générations et de toutes les
races.

Aujourd'hui, ces puissances sont partout en conflit, et les peuples

partout en souffrance. On
couper a voulu
l'ho.mme et la socteté
en deux en donner une part à l'homme séparé de Dieu et ne plus
laisser à Dieu qu'une part qu'on ne peut arracher à son empire. De
ce conflit sont nées de grandes aberrations et doivent sortir de plus

grandes catastrophes. Augures du siècle, que pensez-vous de la nuit

qui s'étend sur le monde ?


A cette question, voici une réponse.
Nous pensons, quenous, dont le
nous marasme
souffrons tous

provient de deux choses


de ce que le monde se refuse à accomplir
l'oeuvre du salut éternel; et de ce que les prêtres ne travaillent pas à
ce salut avec toute la puissance d'esprit divin que leur commande
Jésus-Christ. Ce qu'on appelle la révolution, c'est-à-dire l'anti-
thèse du christianisme, est né, primitivement, parmi nous, Fran-

çais, des aberrations du clergé et de ses négligences. Les onze pre-


miers siècles de notre histoire ne sont pas exempts de misères, mais
ils sont purs de toute hérésie. On a pu discuter, dans les écoles, des

questions libres; on a pu agiter, dans les masses,


des intérêts graves
et terriblement litigieux. Toujours la lumière de l'Evangile dominait
les disputes et les tumultes toujours cette lumière finissait par
vaincre les aberrations de l'esprit et les emportements des passions.
P~ur abréger ces préambules, nous dirons que le gallicanisme, le

jansénisme, le philosophisme, k libéralisme, le radicalisme et '"n-*


fin le socialisme ont fait sortir la France de l'ordre chrétien. Pour
notre salut présent et futur, pour rétablir l'ordre chrétien et refouler
dans l'abîme toutes les lueurs funestes où s'allument les torches de

l'anarchie, il faut que les prêtres sortis, si peu que ce soit, des voies du
Seigneur, les reprennent. La preuve qu'ils en sont sortis, c'est que la
France ieuréchappe.Douze apôtres ont converti le monde~et cent mille
prêtres laissent la France périr. C'est lefait certain, indiscutable, acca-
blant. C'est donc une question supérieure à toute autre question, c'est
donc une question de vie et de mort, de savoir comment le sacer-
doce de Jésus-Christ, réduit pour l'heure à l'impuissance, peut créer
des héros et des thaumaturges. Notre situation n'est pire quepas
celle de la France au baptême de Clovis. Depuis, les évêques ont fait
la France comme les abeilles font la ruche. Si les frelons la mettent
au pillage, c'est aux évêques à défendre cette noble création de Jé-
sus-Christ, et c'est aux prêtres, à tous les prêtres sans eveption,
qu'il appartient de lui rendre ses rayons et son miel. A quelles
fleurs doivent-ils demander le suc précieux qui doit faire des mi-
racles et soulever les montagnes ? C'est la question que nous abor-
dons dans ce travail.
Question obscure,compliquée, mais formidable et qui veut d'ur-

gence une solution.


Cette solution, nous la demandons à Jésus-
Christ: .SohtttoowMtMM difficultatum Christus, disait Tertullien. Et
s'il n'y a, sous le ciel
et sur la terre, aucun trône parmiles hommes
qui puisse procurer le salut, du moins, les prêtres, ministres de Jé-
sus-Christ, sont les agents surnaturels de son action continue au
sein des peuples chrétiens. C'est donc aux prêtres que nous adres-
sons la parole; ce sont eux que nous prions de peser, au poids du
sanctuaire, les raisons qui commandent de relever leur prestige et de
sauver notre chère et malheureuse patrie.

II

COUP D'ŒIL RÉTROSPECTIF

~t.'h~ d'âprés est un animal logique et politique.

~<t~<~nsêe'.du pMtosophe que, d~ns l'homme, la raison doit


S

prévaloir et commander; l'animal doit obéir et se plier à toutes les


exigences de la vie sociale. Malheureusement la plupart des hommes
ne comprennent pas, ce qui est pire, ne respectent
ou, pas cet ordre.
Chez eux, la chair l'emporte sur l'esprit l'homme est au rebours de
sa nature, et la société est livres au désordre.
Par suite de ce renversement des principes, beaucoup de gens ne

comprennent même pas pourquoi le désordre trouble la société.


Dans la probité de leurs sentiments, ils gémissent du mal qui les
afflige mais ils s'en étonnent et espèrent toujours que le bien finira
par triompher du mal. Quand leurs espérances sont trompées. ils
pensent que les nouveaux excès pronostiquent la fin de la tempête
et quand le vaisseau qui porte la fortune publique menace de s'en-
gouffrer dans les abîmes, ils se lamentent de plus belle et s'exclament:
Qui l'eût cru ?
A l'heure présente, il est vrai, l'ennemi ne nous a pas pris en
traître. Le discours de Romans, avec son mot d'ordre Le clérica-
lisme, voilà l'ennemi, contenait
en germe et dans ses principaux ar-
ticles, le programme des destructions prochaines. Depuis, de cette
boîte de Pandore, où il n'y avait que des maux, nous avons vu sor-
tir, avec une froide et implacable logique, les destructions annon-
cées. Dispersion, puis mise au pillage, enfin proscription des Ordres

religieux; neutralité de l'école, suppression de la liberté d'ensei-

gnement, empoisonnement des jeunes générations par les nouveaux


maîtres; laïcisation de tous les services mixtes où l'Eglise gardait sa
part d'action et d'influence empiètement de l'Etat sur l'Eglise, curés
sac au dos, évêques pris dans les nouvelles couches, séparation de

l'Eglise et de l'Etat, proclamation du schisme tels sont les princi-

paux points du programme, devenus depuis des lois, c'est-à-dire


des forces de destruction au profit de l'anarchie, du socialisme et de
la révolution.
Pour
l'aptitude à voir, les hommes se classent en trois catégories
il y a ceux qui ne voient rien, ceux qui voient les choses présentes,
ceux qui voient les choses avenir.
Ceux qui voient les effets dans les causes et l'avenir dans le pré-

sent, avaient vu d'avance toutes ces lois de destruction; ils avaient

pu les prédire à coup sûr et les voir éclater sans étonnement.


Les maux présents ne sont que les applications de faux principes,
les conséquences que tire, de ces principes, une juste logique. La
politique franc-maçonne évolue avec la rigueur de la. géométrie. De
l'idéal révolutionnaire, elle tire ses armes et marche au grand com-
bat contre l'Eglise, contre Jésus-Christ et contre Dieu. Il faut en
:d

notre' pard cela est, parc que, selon la logiqae, cela


prendre
doitêtrea.msi'ètnepasêtfeautrement.
L'étonnetaent du grand nombre provient de ce que le grand
nombre n'a, pas compris combien les doctrines fausses avaient em-

poisonné la France. Nous qui, par la connaissance de l'histoire,


avons les siècles sous les yeux, nous ne nous étonnons de rien ou
nous nous étonnons d'une seule chose, c'est que l'erreur
plutôt,
Ait mis tant de siècles pour nous réduire aux dernières 'extré-
mités.
Même dans l'Eglise, un grand nombre n'avaient vu, dans lesaber-
rations du particularisme français, quedes opinions libres, néces-
saires à leurs yeux, pour ménager l'indépendance de l'Etat et l'inté-

grité dans FËglise. Les opinions gallicanes étaient libres, sans. doute,
ence sens qu'elles n'étaient pointrépro uvées par une définition dogma-
tique et par une réprobation souveraine de l'Eglise mais, dans leur
licite provisoire, elles étaient fausses et ne pouvaient être que fu-

nestes attendu qu'elles altéraient l'ordre nécessaire des plus hautes


institutions et les premières lois de l'ordre social. Séparer l'Eglise et
l'Etat, abaisser le Pape dans l'Eglise, c'était altérer la condition di-
vine du pouvoirsouverain c'était préparff, pour l'avenir, entre lés
deux pouvoirs, des rapports plus.,dif6ciles et amener des guerres
inexpiables. En particulier, l'abaissement du Pape dans l'Eglise, c'était,

par l'éclipse du confirmateur infaillible et permanent, le Pontife


Romain, mettre l'obscurité dans toutes les sphères de l'action ecc)é-
siastique monarchie parlementaire dans la hiérarchie de l'Eglise,
rigorisme en moralepar l'apport du jansénisme arbitraire en droit
canon et éh.liturgie, par le fait del'éloignement de Rome. Dans L'Eglise,
sorte d'épiseopalisme.gernM d'hérésie éventuelle dans l'Etat.pouvoir

absolu, puis réaction contre l'absolutisme; en tout cas, productivité


du capital, avènement de la ploutocratie, les masses populaires a ia
merci de l'argent. Pour qui sait bien voir, le gallicanisme, même le
plus anodin, c'était l'emprisonnement de l'Eglise dans l'Etat; c'était
le monde, que Dieu doit gouverner par la grâce de Jésus-Christ et
par l'autorité de l'Eglise, livré à l'anarchie
des passions et à la pré-

potence du capital. Plus tard, par des enfantements réguliers ou par


des générations adultères, tout ce gâchis, terrible et menaçant, qui
crève aujourd'hui les yeux même des aveugles.
La révolution de 89 a y~ avait tout détruit sa logique, d'accord'
-avec ses,passions, avait anéanti ce qu'elle appelait l'ancien régime.
~Dieu s'ë& &tait servi pour ensevelir sous les ruines les erreurs qui en
:avaist~été'la.. cause, et le xtx°'sièck, ouvert aux inspirations de la.
7

Providence, devait écrire, dans'ses annales, les gestes de Dieu pour 1~


restauration de la France
catholique.
Ce qui caractérisera, dans l'histoire, ce siècle dix-neuvième, c'est

qu'obéissant à l'ordre de Dieu, il a su comprendre les impulsions di-


vinc)6 et tenté de remettre en vigueur les principes de la vérité révélée,
là ou l'erreur avait voulu installer ses faux principes. Les événe-
ments qui, dans ce siècle, occupent l'avant-scène de l'histoire, sont
connus même ;'des enfants; les événements qui portaient dans leurs
Bancs l'avenir, ne sont pas toujours connus même des. hommes.
Ces ignorances doivent disparaître.
L'homme qui se leva, dans les premières années du siècle, pour
réagir contre la révolution et l'écraser dans son germe gallican, fut
Lamennais. Lamennais n'avait ni la science ni les vertus nécessaires

pour la restauration de la chrétienté, mais il possédait le génie puis-


sant qui devait abattre l'ennemi et susciter d'autres hommes pour les
constructions futures. Lamennais triompha dans l'Eglise, mais tra-
hit son triomphe. Lui tombé, d'autres entrèrent dans l'arène ou-
verte et poussèrent à fond la réaction antigaHicane. En dogme, le

gallicanisme de Bossuet avait été reçu aveuglément depuis deux siè-


cles le cardinal Gousset fut l'homme, suscité de Dieu, pour abattre,
par son enseignement, ce gallicanisme et préparer sa ruine par le con-
cile du Vatican. En morale, le rigorisme de Jansénius et de Quesnel
avait retréci l'entrée du confessionnal et désolé les âmes, au point de
leur inspirer le dégoût et l'horreur du repentit; le même cardinal,
par la justification de la théologie de saint
Liguori, docteur de

l'Eglise, ouvrit les justes voies entre le rigorisme et le quiétisme. En


.droit canon, Hermes et Febronius avaient écarté les sages et mi-
séricordieuses lois de Rome, pour mettre en place les pratiques sèches
,et désastreuses de l'arbitraire épiscopal Bouix, par une série de sa-
vants traités, nous apporta de Rome la connaissance des justes lois
du Pontite romain. En liturgie, Devert, Foinard et Rondet avaient
'massacré les formules traditionnelles de la prière, les rites et les cé-
rémonies qui servaient
d'organes aux saines traditions de la foi,
dom Guéranger, par une série d'ouvrages aussi savants que pieux,
ramena la France à l'unité liturgique. En histoire ecclésiastique,
Fleury et Noël-Alexandre avaient tenté de justifier, par des prétéri~
ttons et des mensonges, les excès commis dans toutes les sphères de.
la théologie, contre la monarchie des Papes; Rohrbacher et Darras,

par deux grandes histoires, rectifièrent Fleury et Noël-Alexandre,


~pour détruire, dans les têtes ecclésiastiques, toutes les illusions à

.qui avaient favorisé les ravages de l'hétérodoxie gallicane.


§{

En même temps, comme si Dieu avait voulu prodiguer les oeu-


vres restauratrices, Montalembert, à la tribune, réagissait contre les
vieilles frénésies du parlementarisme Lacordaire, à Notre-Dame, in-
troduisait dans l'éloquence la philosophie chrétienne vivifiée par le
lyrisme; Bonnetty, dans les revues savantes, consignait toutes les re-
cherches de l'érudition sur les traditions des Gentils Louis Veuillot,
dans l' Univers, servait d'écho à toutes les paroles victorieuses et, par
ses articles
inspirés, par ses vaillances de paladin, entraînait à l'Eglise
ceux qui étaient dignes de l'entendre.
A la même époque, le cardinal Pie était un autre évêque suscité
de Dieu pour combattre le libéralisme. Les formes libérales dans la
constitution et le gouvernement de l'Etat, avaient amené les esprits
à penser que la doctrine dontles formes libérales offraient la traduction,
pouvait et devait bénéficier des avantages de l'orthodoxie. L'Eglise
devait se réconcilier avec la société moderne, et, par cette réconcilia-
tion, devait ramener les multitudes au giron de sa maternité. Le
cardinal Pie, pendant trente années d'épiscopat, combattit les for-
mules de cette nouvelle histoire et en battit les soldats. Un autre

éveque, que je me reprocherais d'oublier, Parisis, évêque de Langres,


moins fort contre le libéralisme, sut, du moins,par des controverses

politiques, réclamer le respect du droit divin de la sainte Eglise et


briser les chaînes du monopole de l'Université.
Dire comment toutes ces oeuvres, tous ces combats, tous ces
héros, après avoir procuré un réveil chrétien et une restauration catho-
lique, ont vu la Révolution, aujourd'hui victorieuse, mettre en échec
la vérité chrétienne, nous mènerait trop loin. Il suffit d" constater le
fait et d'en rechercher la raison. La raison, c'est que toutes nos œu-
vres restauratrices, depuis Lamennais, n'avaient pas, pour appui et
pour appoint, une mentalité et des principes en harmonie avec
les convictions victorieuses. On avait beaucoup bâti, mais sur le sa-
ble. Les constructions se tenaient debout, par la jointure ferme de
leurs matériaux et la cohésion de leur cime mais elles étaient ébran-
lées par la tempête, et les esprits, agités par les souffles discordants
du cyclone, ne savaient ni les raffermir, ni toujours les défendre. C'est
pourquoi il fallait que Dieu suscitât un autre ouvrier pour confirmer
les basés, inculquer les bonnes méthodes, exposer les principes supé-
rieurs des justes doctrines; il fallait un nouveau Bacon, pour dénon-
cer les idoles detribuset de cavernes; pour, avec un Novum or-
~~KM,ameher l'accroissement des sciences et couronner toutes
';tës~œ~ magna. L'homme à qui
-~ie~ â?ait:reë~ cette oeuvre de salut cette action néces-
-9- 9 :1.,M

saire au triomphe de l'Eglise, je l'ai nommé c'est le Père


prochain
Aubry.

III

VIE DE JEAN-BAPTISTE AUBRY

Jean-Baptiste Aubry naquit en t8~â à Ourscamp, doyenné de Ri-


bécourt, au diocèse de Beauvais. Les parents n'étaient pas du pays le

père, Jean-Baptiste Aubry, était de Rambervillers, dans les Vosges la


mère, Marguerite Gérard, de Metz en Lorraine. Pauvres tous les deux,
ils'avaient demandé au travail les ressources nécessaires à l'existence et
s'étaient mariés à Paris. Natures franches, loyales, généreuses, dé-
vouées, ils avaient dansle sang et dans l'âme, de quoi prévenir leurs
enfants des dons de Dieu et appeler, sur leurs têtes, sa sainte grâce.
Quatre enfants furent le fruit de cette union, dont Dieu avait formé
les liens et était toute la richesse. Aubry avait été soldat; à son congé,
il fut nommé garde des bois et envoyé successivement, d'Ourscamp,
à Orrouy, à Saint-Jean-aux-Bois, à Versailles et à Meudon. A la re-

traite, ils devaient se retirer


à Beauvais, en attendant que leur plus
jeune fils, Augustin Aubry, devenu prêtre et curé, pût les recevoir
sous son toit. Les deux autres enfants, un garçon et une fille, étaient
morts dans la fleur de la jeunesse. Quant à leur .'me, Jean-Baptiste, le
héros de ce travail, il doit nous occuper surtout dans la mesure de sa
prédestination.
Dans les hommes que Dieu suscite pour l'accomplissement de ses
desseins, le point capital, c'est de bien discerner les éléments de leur
vocation. Jean-Baptiste était un enfant vif, gai, spirituel, mais bon,

simple, affectueux, surtout d'une grande facilité d'esprit. Dès les pre-
mières années de l'école primaire, sous sa pétulance, il y avait une
disposition à la gravité cet enfant, au milieu de ses jeux, contem-
plait la nature et songeait à son avenir à neuf ans, ,il avait pensé
au sacerdoce, et, dans le sacerdoce, à une vocation d'élite, féconde
en nobles sacrifices. Les premiers éléments des connaissances hu-
maines ne furent, pour l'enfant, qu'un jeu. De bonne heure, son de-
voir fait, il pensait à lire et allait chercher des livres au presbytère. Un
beau jour, parmi ses livres, le petit servant de messe reçut, du curé
d'Orrouy, Boulanger, une grammaire latine. Vous devinez sa joie
JO

sa voie s'élargit, il va s'élancer comme un géant vers les brumes ou se-'


cachent encore les mystères de sa destinée.
En 1838, Jean-Baptiste entrait en cinquième, au petit séminaire
de Saint-Lucien. Le nouvel étudiant prit la têtede sa classe pour ne-
plus la quitter. Une supériorité incontestable, des succès croissants,
des éloges multipliés, tout le laissa simple avec ses camarades, respec-
tueux envers ses maîtres. Jamais écolier ne fut plus ardent au travail
et plus ardent au jeu avec cela, un grand zèle pour la piété. Dans
ce petit jeunehomme, sorti du village, on remarque, dès lors, un

esprit prompt à tout comprendre, à tout pénétrer, et, par sa puis-


-sance de pénétration, à se former lui-même Moc~ KOf~ M'~M~~Mef.
En 186~, Aubry entrait au grand séminaire de Beauvais il y resta
deux ans, assez Four connaître sa vocation, ne concevoir à sa vie
d'autre emploi que le sacerdoce, et ne voir dans le sacerdoce qu'une
fonction divine. A dire vrai, la méthode d'enseignement du sémi-
naire, moulée sur la tradition gallicane, ne lui plut point il n'excella

pas moins dans ses cours et fut envoyé à Rome, par Mgr Gignoux,
évoque de Beauvais, juste appréciateur de ce grand homme en fleur,

pour suivre les cours du Collège romain. Pie IX avait fondé, à Santa-
Chiara, un séminaire français, pour former des professeurs à la ma-
nière romaine, et, par eux. détruire en France le gallicanisme jusqu'à
la dernière racine. Ici, changement complet. Autant Aubry avait
peu goûté l'enseignement de Beauvais, autant il tressaillit d'allé-
gresse, en suivant les cours de Patriri, de Ballerini, de Palmieri et
de Franzelin, pendant trois années. C'est l'âge héroïque du P. Aubry.
A Rome, la vie intellectuelle des étudiants est très intense. Je ne
parle pas dés leçons que comporte le spectacle de la ville éternelle et
la présence de la Chaire Apostolique je parle de l'application à
infuser dans les âmes le sens de l'Eglise et le profond génie de son
enseignement. Aux cours de l'Université, s'ajoutent des répétitions
fréquentes,, des
argumentations quotidiennes, des exercices hebdo-
madaires, des concours et des académies. Dans. ce milieu illumina-
teur, jene dirai pas qu'Aubry subit une véritable transfiguration je
sais que, par sa puissance d'esprit, il sut l'effectuer lui-même. Le Su-
périeur du séminaire, !e P. Freyd, le comparait au colosse de
Rhodes, et le Père Freyd était bon juge. A telle enseigne que le P.
Freyd, quand
Aubry e~t conquis, c«M maxima laude, son diplôme de
.docteur, voûtait le garder un an de plus, avec la certitude d'en faire
nn~oc~~co~oMM&Beaavais en décida autrement.
Aspn~ Aubr~ et nommé professeur au
graM séminaire il devait y rester. cinq ans. Professeur d'Ecriture
II

sainte et d'histoire, il fut, en plus,


de prison aumônier
et chargé par inté-
rim de la desserte d'une paroisse. Nous ne dirons rien de ses cours, nous
les retrouverons dans ses livres. Nous nous bornons à constater que
la présence d'Aubry et de plusieures autres docteurs des écoles ro-
maines, ne produisit pas les effets bienfaisants qu'en espérait Pie IX.
Les professeurs plus âgés, formés d'après la méthode gallicane, ne
voulaient pas accepter la méthode romaine, peut-être pas même les
idées de Rome. « On ne met pas, disait Jésus- Christ, le vin nouveau
dans les vieilles outres a on ne doit pas mettre non les liqueurs
plus
romaines dans les outres et calebasses teintées de gallicanisme. C'est

risquer de crever les outres et de perdre son vin. En pareil cas, il


faudrait faire maison vide et table rase ou pouvoir sur un
s'appuyer
évoque résolu à la réforme. Rien n'est plus tl'tu que l'erreur, rien

n'estplus fécond en chicanes que l'inclination hérétique. On dirait que


l'erreur déforme les facultés de l'âme,et les rend impropres au service
de la vérité au lieu de se complaire à la pure lumière, elle aime plu-
tôt les ténèbres. S'il se mêle à ces infirmités désordonnées, quelques
susceptibilités d'amour-propre, voilà la guerre allumée. Le sémi-
naire, qui doit rester la cité de la paix et la vision de la béatitude, n'est

plus qu'une arène ouverte aux passions, et les derniers à y courir ne


sont pas les jeunes clercs
que la robe ecclésiastique n'empêche pas de

jouer de la langue, parfois des mains.

Je n'appuie pas sur ces faits, mais je constate que l'obstination

gallicane et la cécité qui en est la cause, ont mis, jusqu'à présent, à


la réforme des séminaires, un obstacle. Bien plus, ces passions ont su
s'infiltrer jusque dans le concile du Puy, où l'archevêque de Bourges,
Amable de la Tour d'Auvergne, voulait inaugurer le retour au droit
canon. Le droit canon, qui est le véhicule des pures doctrines et leur

rempart; qui infuse, aux administrations


ecclésiastiques, le vérita-
ble esprit de l'Eglise, est, pour tous les esprits rétrogrades du clergé

français, un objet d'horreur. Convenir que nous avons erré grave-

ment, que nous avons fait longtemps fausse route, c'est un aveu

trop fort pour leur modestie. Bien que les décisions d'un Concile
aient fourni la preuve de nos aberrations, ces sortes de gens, sem-
Llables aux Grecs de Constantinople, paraissent plutôt à voir
prêts
périr leur malheureuse patrie, que de faire un si soit-il,
pas, petit
dans la voie de la résipiscence.

Je ne suis pas éloigné de croireque le Pape, s'il veut sauver la France


par l'extirpation radicale du gallicanisme, incrusté dans les us et
coutumes des séminaires, doit, par une constitution solennelle
1° ordonner les deux ans de philosophie; 2° prescrire l'organisation
-12-

desséminaires telle qu'elle ressort des décrets du Concile de Trente;

3° stipuler l'obligation de suivre la méthode didactique du Collège


romain exquisser, pour chaque cours de science sacrée, un pro-

gramme sommaire d'enseignements positifs déterminer la disci-

pline intérieure des maisons de formation cléricale; 6° revendiquer

pour les élèves du séminaire français et de l'Université romaine, les

justes privilèges du doctorat. Si le Pape se borne à des voeux


pater-
nels et à des conseils d'ordre trop général, sa parole sera inutile, ses
efforts seront stériles. L'infatu ttion gallicane est telle, qu'elle croit
n'avoirrien à apprendre, même à Rome. Les diocèses
qui n'envoient
à Rome que des prêtres déjà formés, espèrent bien, en effet, que
Rome ne les changera pas; mais, par le dédain de ses enseignements,
les confirmera dans leur fanatique orgueil. Pendant que la France
meurt, les séminaires gallicans sont absolument persuadés de leur per-
fection. La France, catholique libérale doit être le flambeau de l'u-
ni vers.
Cet Aubry que nous venons de suivre dans les séminaires, comme
élève d'élite, puis comme professeur, songeait, dès ses plus jeunes
années, à se consacrer à l'apostolat des missions. Lui qui avait ap-

porté, aux études, des talents si distingués et une si vive ardeur lui

qui avait parcouru, en triomphateur, toutes les sphères de la science


sacrée; qui avait même prononcé, pour les églises de son pays, le
grand mot de réforme des séminaires et qui était homme à l'accom-

plir. tout en estimant à son prix une vocation si haute, il songeait


aux infidèles, à leur pénible formation, peut-être au martyre. Le
i~ octobre 187~, il entrait au séminaire des Missions étrangères. Le
docteur, le professeur redevient élève, pour faire sa veillée des armes.
À dater de cette époque, c'est un apôtre au Cénacle. A la différence
des Apôtres, qui ne restèrent au Cénacle que huit jours, Aubry de-
vait rester, rue du Bac, une année. Aux Missions de Paris, c'est
le même espritqu'au Séminaire français de Rome même dégagement
de tout particularisme français, même esprit de formation romaine,
avec eë surcroît d'énergie qù'in&ise l'approche du départ. Principes
solides, direction puissante, grand esprit de famille, admirable cha-
nté tout est 1&en pleine vigueur, pour donner des apôtres à l'univers.
Jean-Baptiste est dans son élément pour lui, c'est l'année douce,
.l'année de retraite etde recollection, mais pour un conquérant qui
~~l~ëëf~l~anqu~ë du monde. On devine plutôt qu'on ne dé-

M&ë~ë v~ mette pas, ici, plus qu'il


~ë~~t~ïDu~~ rU;1trire; Aubry 'est.' cettainenient~ une

~B~~E~S~s~~n'~1~ mai¡¡,tempéré par. le -boa


13

sens et une joyeuse humeur; mais par-dessus tout soucieux de

se faire, des missions, une juste idée et d'y préparer toutes ses forces.

Le colosse de Rhodes devra demain, avec ses grandes jambes. aller


au bout du monde il y songe sans cesse et, quand sonnera l'heure
du départ, il sera mûr pour le grand sacrifice.
Le 10 août, le P. Aubry recevait sa destination pour le Kouy-
Tchéou. Le Kouy est une province du Sud de la Chine; elle est à
huit cent lieues dans les terres; évangélisée depuis peu, elle a eu,

pour premier évêque, Mgr Albrand, puis, pour provicaire, le


P. Perny. Je ne dis rien des préparatifs du départ, de la cérémonie des
adieux et des déchirements l'accompagnentqui on comprend cela
avec l'esprit du coeur'. Départ de Paris à Marseille, quarante-cinq
jours de mer pour gagner Shang-Haï quatre mois pour remonter le
fleuve bleu en barque et traverser de gigantesques montagnes à dos
de mulet c'est le premier casuel de la mission. Loin de reposer le

missionnaire, le spectacle écœurant des populations chinoises, leur


culte monstrueux et absurde, leurs mœurs dissolues ethypocrites,
est bien de nature à étonner son
courage. Mais il retrouve force et
espérance la mission des Jésuites lui apparaît comme une fleur au
milieu des épines elle lui révèle que, même en Chine, il y a place

pour de belles œuvres.


Le P. Aubry fut sept ans missionnaire, d'abord sous la direction
du P. Bodinier, puis dans un district de frontière, confié à sa solli-
citude. La vie du missionnaire est un voyage continuel. D'un pays
à l'autre, il est transporté soit à dos de, mulet, soit en palanquin
mais que ce mot ne vous fasse pas soupçonner de magnificence. A
l'arrivée, le missionnaire est reçu chez un chrétien qui a de quoi lo-
ger le bon Dieu et son représentant. La principale chambre lui est
abandonnée pas de plafond, vous êtes sous un toit en paille pas de
fenêtres, on voit par la porte. Murs en tresses de bambous fendus,
des claies de parc à moutons. Le bon Dieu habite la grange, plus
commode pour servir de chapelle. Une table et le strict nécessaire en
croix, chandeliers, tabernacle voilà l'autel. Vous figurez-vous, dans
un hameau sauvage, quelques familles chrétiennes, habitant de mi-
sérables huttes et adorant dans leur indigence le Dieu de Bethléem et
du Calvaire. Pauvres gens ils sont au dépourvu de tout, surtout

Le lecteur qui voudrait connaître à fond la belle et sympathique personna-


lité du P. Aubry, devra lire sa vie, écrite par son frère
Augustin Aubry, prêtre
du diocèse de Beauvais. Cette vie, composée avec une grande sûreté d'information,
une parfaite intelligence des choses et une grande cordialité de mnémotechnie, est
un petit chef-d'œuvre.
ï4d:

(~intelligence et, pour leur ntcalquer tes vérités les plus élémentaires
de la religion, il faut une rude patience. N'importe ce n'est pas
sàns une vive émotion que vous les voyez réunis dans cette grange,
priant, dans la simplicité du cœur, un Dieu qu'on vient leur prêcher du-U
lointain Occident.'Lemissionnaire visite les familles, assiste aux prières
descbrétiens baptêmes,communionsgénéra)es, réunion,catéchisme,
bénédiction des enfants, promenade dans le bois 'voisin, dîner pré-
paré par les femmes, servi par quelque notable; enfin pour cou-
ronner la mission, distribution d'images, de médailles et de cha-
pelets.
De loin, cette série d'exercices peut paraître pittoresque; de près,
c'est la plus protbnde misère. Le missionnaire est au dépourvu de
tout il est asphyxié par la fumée, dévoré par les punaises, empuanté
par le fumier du bétail, troublé dans son recueillement par les cris de
la marmaille et les monotones répétitions du catéchiste. Souvent,
après une tongue journée de marche, où il n'a eu pour se ré-
conforter, que l'eau du torrent, il ne trouve, à l'arrivée, rien à se
mettre sous la dent. La nourriture ordinaire, c'est un riz assez dur et
mai cuit, et des citrouilles cuites
à l'eau; par-ci, par-là, un peu de
viande; et, les grands jours, un rôti de chien. Le potage à la salan-

gane est introuvable dans l'intérieur de l'empire.


Il y a, sur la Chine en général, parmi les missionnaires, deux opi-
nions l'opinion tant mieux et l'opinion tant pis. Pour les uns, la
Chine n'est qu'une superstition infâme, un immense brigandage et
une putréfaction horrible; pour les autres, c'est un pays très civilisé,
qui a su tirer de la nature ce qu'elle a de bon, asseoir la société sur la
famille, et faire reposer le gouvernement sur le respect religieux du

pouvoir. Les deux opinions peuvent se soutenir le P. Aubry tient


pour l'opinion défavorable. Toutefois, il distingue entre le païen et
le chrétien. Le chrétien a une figure plus honnête, un reflet de droi-
ture, un bon sourire de charité. Le païen, même lettré, a un air
faux et glacial, son visage est sans douceur, son regard farouche, son
sourire sec. Mais les chrétiens, relativement aux païens, ne sont
qc'uae très infime minorité c'est un verre de bon vin dans un
océan de vinaigre-
Le P. Aubry avait débuté en mission dans la préfecture de Tsen-

y-fou; il passa ensuite dans la préfecture de Hin-y-fou, à vingt

jonrsde marche. Dans le sud de cette préfecture, ses chrétiens

sou~arent persécution d~ns le nord, il faillit lui-même être assassiné


et ;ët~~ à:la. mctrt que'par tine: espèce de miracle..Çonwertir un
~tid~ en convertir cent, mille, c'est plus encore,
I!

mais convertir un peuple, un peuple vieux, usé, décrépit, quelle


entreprise formidable Le ciel bénit les efforts du missionnaire, et

si, au lieu d'être seul, il avait eu avec lui vingt-cinq prêtres, il eût

peut-être retourné les hommes de fond en comble et posé les fonde-


ments d'une société nouvelle. Le ciel ne lui réservait ni ces secours,
ni cette joie. Dans ses deux dernières
années, il dut lutter sans cesse
et sans fruit contre la barbare iniquité des mandarins lui-même,
consumé de fatigue et de privations, mourait, à trente-huit ans, d'une
fièvre putride, le i~ septembre 1882.
Cette mort précoce, loin de la famille, loin de la patrie, sans
aucune consolation religieuse, nous émeut; elle ne nous étonne

pas. C'est la loi ordinaire des missionnaires, surtout de ceux

qui, appliqués à la conversion des âmes, ajoutent, aux travaux de


l'apostolat, les travaux de l'esprit. Saint Bonaventure était mort à

cinquante-trois ans, saint à quarante-neuf


Thomas, ans; Duns
Scot, à trente-quatre ans; le P. Aubry mourut à l'âge de Pascal,
trente-huit ans. Consummatus in ~M explevit tempora multa nous
en aurons la preuve.
Les traits qui se dégagent de cette sympathique physionomie
sont dans un corps grand et fort, une douceur qui sait se tremper
d'énergie une sensibilité vive et prompte aux impressions une

intelligence droite, profondément pénétrante, susceptible d'une


merveilleuse application une volonté de fer; un caractère gai une
sincérité qui
s'aiguise volontiers en bons mots et' en expressions à

l'emporte-pièce en même temps, une charité indulgente qui sait


dorer la pilule et la convertir en miel. D'abord un de ces enfants

qu'on appelle un bon petit diable, en qui se révèle quelque chose

d'encourageant pour l'avenir; puis un écolier, pour qui le mot dif-


ficulté n'a pas de sens et qui apprend tout en se jouant; un sémina-
riste dont les succès ne souffrent ni interruption, ni éclipses en
même temps, une application, en
esprit de foi, à la solide piété
bientôt un docteur de premier ordre, un colosse intellectuel un
professeur, tout imbibé de la lumière, de l'amonr et de la puissance
de Rome, pour réagir contre les résidus obstinés de l'infatuation
gallicane à la fin, un ange du nouveau testament, pour porter la
lumière de Dieu au peuple assis dans les ombres de la mort un

martyr volontaire, mort jeune à la peine par-dessus- tout, un tra-


vaiUeur héroïque, un thaumaturge de la pensée qui, du fond de
son tombeau lointain, et soulevant la pierre du sépulcre, offre à la
postérité quinze volumes où il a consigné ses projets, ses plans, son

programme de réformateur d'école. Jean-Baptiste Aubry nous appa-


Ï6

faitcotnme le Bacon d'une renaissance catholique, le restaurateur


d'une France chrétienne, le réformateur de nos séminaires ramenés
aux grandes lignes de la tradition des siècles chrétiens.

IV

DE RÉFORME.
PROJET

Voilà, dire~-vous, de grandes affirmations. Sans doute; mais


il est facile de les justifier.
L'élève du séminaire de Beauvais, arrivant à Rome, instruit à
l'Université grégorienne, formé au séminaire français, fondé par
Pie IX, pour la rénovation de la France, fut immédiatement frappé
du contraste et se prit à réfléchir. A Beauvais, il avait été formé
selon la tradition et la méthode
gallicane à Rome, il allait être
instruit et formé selon les traditions de l'Eglise romaine, mère et
maîtresse de toutes les Eglises, surtout par les écoles. Le contraste
n'était pas seulement frappant, il était instructif, et, pour remplir les
intentions de Pie IX, il devait aboutir à la translation, de Rome en
France, de toutes les pratiques scolaires de la sainte Mère Eglise.
C'est le point de vue où il faut se placer pour bien juger les choses et
les personnes. Rester, en grognant ou en ricanant, derrière la
muraille de Chine que le gallicanisme a construite autour de laFrance
rester obstrué dans son cerveau par la galerie étanche que forme
dans toutes les têtes faibles le gallicanisme, ce n'est plus raisonner,
c'est s'ankyloser dans les étroitesses stériles du particularis:ne.
C'est le propre du sage et du savant, dit saint Thomas, de scruter
les causes les plus hautes, et d'en déduire de justes conséquences,
pour aboutir à de solides effets. je crois n'étonner personne en
disant que le
Aubry Père
était un esprit supérieur et une âme
d'une grande piété. Son évoque l'avait envoyé à Rome tout exprès
pour se conformer aux vœux du Pape et en assurer les bénéfices à
son diocèse: Mgr Gignoux était romain des pieds à la tète, et, si la
transEjrniation théotogique s'étaitjusque-là bornée à quelques
personnages d'élite, il voulait qu'en se généralisant, elle s'appliquât,
avères degr~~ a toutes les personnes et à toutes les institu-
r~S.%G'é~t~~ transformer
;ië~én~nai~, qu'it~ait~envoyé des prêtres à Rome. Le choix
–17–

dont avait été l'objet J.-B. Aubry, commandé par l'éclat de ses

succès scolaires, avait été dicté surtout par le cœur du prélat, pour ce
clerc, de ses prédilections. Aubry était à la hauteur de
objetpréféré
ces préférences il devait même les surpasser en s'élevant plus haut.
Les trois ans que passa Aubry à Rome furent trois années d'études

profondes, de réflexions et de résolutions puissantes, pour répondre


aux voeux 'patriotiques et pieux de son Sans doute, il
évêque.
fortement tout l'enseignement des maîtres sans doute
s'appropria
il s'imbiba, c'est son mot favori, de toutes les essences de la

piété romaine; mais,


poussant plus loin, il s'appliquait à concevoir,
dans son maître esprit, la pensée-mère, l'Intention supérieure des
Pontifes romains, dans la création des écoles ecclésiastiques. Dans
ce clerc de Beauvais, il y a, en gestation, un législateur des écoles.

Je ne veux pas abuser des comparaisons historiques je sais qu'elles


sont rarement applicables et ne prouvent pas toujours. Mais je salue,
dans J.-B. Aubry, le futur professeur qui, après son triennium
d'études, porteur de la bonne nouvelle, dépositaire des paroles de
délivrances, viendra, au nom de son évêque et du Souverain Pontife,
enseigner, selon les saintes règles, la grande science de l'Eglise. Ne
citons ni Boëce, ni Cassiodore ni aucun de ces grands noms des
Pères de l'Eglise, dont les siècles ont subi la bienfaisante influence;
mais, sans déroger à l'humilité nécessaire, sachons comprendre et
mesurer les grandeurs.
Nous étions dans les splendeurs du ciel, nous voici retombé sur
la terre. Nous assistions aux combats des héros de l'école romaine;
nous allons nous trouver en pleine Batrachomyomachie.
Aubry est revenu à Beauvais le jeune docteur est professeur
au séminaire de son diocèse un de ses camarades, Bocquet, est,
comme Aubry, professeur ils sont deux contre cinq ou six, je veux
dire deux romains purs, contre cinq ou six professeurs formés selon
les anciennes méthodes. Vous supposez que les anciens vont prêter
l'oreille aux nouveaux et se porter, de bon cœur, aux expérimenta-
tions romaines. C'est mal connaître le cœur humain plus mal en-
core le cœur français et sacerdotal. Les Français se considèrent vo-
lontiers comme l'élite du genre humain il n'y a qu'eux pour offrir
toutes les splendeurs de l'humaine espèce. Les prêtres français, s'ils
ont été formés dans les doctrines de Bossuet, oints des onguents
du rigorisme ou du quiétisme, et dressés d'après les manuels du
gallicanisme, savent .tout et de
tout connaissent
la quintessence.
Ce sont des gnostiques et des psychiques, des êtres supérieurs, éga-
lement infaillibles et impeccables. Que si vous frôlez ces majestés
~~{~<;

&û~M,~as~uS'e~pes<~ d'aboM a.uxdédams, puis âMxcoïëees~


€~6a aux 'aaathêmes. Mats si, poussant F~iate à son comble,

voas ppëtendeziescott'igër, les réformer, les retourner, fut-ce pour


-leur faite suMï~ae bienfaisante restauration, vous tentez Pimposs!bte
et bientôt ils vous crieront Raca.
Aubry n'était point revenu de Rome avec des dispositions har- ?

gneuses. ni
même contentieuses. Déjà même, d'un regard synthé-
tique et )Compréhensif, il s'était fait, pour le restant de ses jours, un
programme d'études de l'ordre surnaturel. De plus, par devoir d'état,
il s'était appliqué aux études d'histoire, d'archéologie sacrée et
d'Ecriture sainte. D'ailleurs, il était jeune, modeste, et plutôt enclin
à la timidité envers ses collègues, surtout envers le supérieur. Mais

par la force des choses, en enseignant selon leur foi et leur conscience,
les doctrines romaines, sans le vouloir, sans même le prévoir, Aubry
et Bocquetse trouvaient en divergence d'appréciation avec quelques
autres professeurs. Les élèves, cet âge est sans pitié ne man-

quaient pas de faire ressortir ces divergences et de mettre le feu aux


amours-propres des vieux. D'autre part, les professeurs, appelés à

juger les discours d'essai prononcés par les jeunes clercs se trou-
vaient par là même contraints réciproquement à porter un juge-
ment sur leurs doctrines respectives. Ces divergences amenèrent des

querelles dont l'es vieux


s'appliquaient à faire retomber, sur lesplus
jeunes, la disgrâce. Beauvais ne fournit pas de Boileau pour chanter
ce tome II du Lutrin; les têtes n'en prirent pas moins feu. Aubry,
au lieu de disputer, s'appliquait dès lors à écrire sur la méthode
romaine d'enseignement théologique et à tirer au clair les points
litigieux. Comme le diocèse ne tournissait pas de juge, Aubry en
tefëra, par consultations en forme, aux professeurs Palmieri, Balle-
fini et Fra.azelm; tous les trois, par des réponses séparées, confir-
mèrent l'orthodoxie d'un enseignement que les adversaires, du haut
de leur ignorance, avaient déclaré hérétique. Un peu plus tard, quand
Mgr Mermillod.évëque de Genève, depuis cardinal, vint à Beauvais,
en i$y<6, prêcher la retraite ecclésiastique, il appuya itérativement =
sur les sa)etslïtigië'!x.et abonda dans le sens d'Aubry. LeP.Ra-
tnisère. jéS9i<;ë,QaMleMM~~M~~C~M~ l'abbé PlUet et l'abbé
~atl~~n, dans ~M'. WMMa~ a~<Mt.M<s, opinèrent dans le
j~~sen~ é triomphe dasu~atarel.
j~, cite Aubry le,fond du
~ë)~Ges~~
est la des pritTcipes 3â se
i~?j~~jre,
t~~ si3~fif qû'fln s"eïr. ~ier.né 'aux
~i~
à :totïc urie ré~onse et
~S~NM~~
t9

seront capables d'expérience. Telle est la seule chose qu'on puisse


espérer, et ce n'est pas peu. M« Ce que je combats, dit-il ailleurs,
c~est l'école qui croit à une éducation sacerdotale solide, à. un cierge

puissant en foi et en œuvre, sans une théologie aussi forteque possible~


sans donner à ia théologie une place plus grande, et la première
place dans l'éducation. Cette école prétend que, dans l'état actuel
de l'Eglise en France, la théologie n'est pas un besoin.'urgent, qu'on
n'a pas le' temps d'en améliorer, d'en élargir et d'en fortifier l'ensei-

gnement, comme s'il était une chose plus pressée que de donner
l'essentiel à la formation cléricale comme si certaines situations
pouvaient excuser la négligence du premier élément de cette forma-
tion et dispenser de commencer par là H Et prenant alors le tonde

prophétique sévérité. le P. Aubry ajoutait « Je regarde cette école


comme une ~Mf~ l'hérésie /:&'n:/< » Un de ses traits caractéristi-
ques, c'est le schisme qu'elle établit entre le fait et la réalité
proposée
par l'Eglise dans sa morale, et l'idéal offert à l'homme par Dieu dans
le dogme. Cette école dédaigne les hommes à principes absolus': ils
poursuivent, dit-elle, une idée chimérique, supposent une situation
impossible aujourd'hui, raisonnent sur des éléments imaginaires.
« Les devoirs et les vérités, dit M. de Maistre, ne peuvent se trouver
en opposition réelle; il y a entre eux une subordination qui varie
avec les circonstances, sans disparaître jamais. » On me reproche
de m'en tenir aux théories, de vouloirqu'on s'en tienne toujours aux
principes, de ne pas tenir compte des exigences pratiques et variables
des temps et des lieux. On a bien reproché aux Soirées de Saint-
FA~~OM~ d'être trop métaphysiques. « Ceux qui font, à ce livre,
un tel reproche, .répondent les éditeurs, ne savent pas que c'est
dans la métaphysique qu'il faut attaquer les erreurs qui corrompent
la société. Parce que les bases de cette science sont fausses, l'erreur
s'est glissée partout, jusqu'au sein de la vérité, c'est-à-dire jusque
dans les paroles et les écrits d'un grand nombre de ses plus ardents
défenseurs, n Je me permettrai d'en dire autant pour moi-
même c'est dans les principes traditionnels faut se réfugier,
qu'il
se retrancher, se fortifier, sans démordre ne transigeons jamais
avec les soi-disant exigences de temps et de lieu elles ne son
.que spécieuses e
Avant de partir aux missions, le P. Aubry ~s'était donc tracé un
plan idéal d'études théologiques il l'avait appliqué dans ses deux
chaires de professeur il s'était trouvé, par la contradiction, mis en

'<~MF.~MB~,p.MO. J ·
zo

demeure d'en écrire, pour tout réduire à l'éclat de l'évidence. Par

lapente naturelle d'un esprit avide de la pleine lumière, il était dès


lors entrainé, par une sorte de vocation, à parcourir savamment tous
les horizonsdont il venait d'esquisserles lignes; puis, par une seconde
vocation, conséquence de la première, lui, l'apôtre qui voulait évan-
géliser l'univers, il voulait, à plus forte raison, départir la lumière,

conquise par ses efforts, à ce clergé français, dont il venait de cons-


tater l'insuffisance, même parmi les professeurs. Le P. Aubry est là
tout entier. Le voilà'qui à un district du
part en Chine pour porter,
Kouy-Tchéou, l'Evangile de Jésus-Christ; mais il emporte avec
lui ses livres et ses papiers de professeur. Désormais, il sera partagé
entre ces deux tâches l'apôtre paiera sa dette aux âmes, comme un
débiteur ~~MM~M insipientibus debitor sum; le docteur paiera sa
dette à la France, en consignant sur le papier, à chaque station du
missionnaire, le fruit de ses études pour la réforme des séminaires.
Chaque jour, pendant sept années, s'i! n'est pas en voyage, portant
avec lui son bagage littéraire, comme Bias, il sera à ce travail que
lui impose la Providence. Voyez-le, dans son réduit enfumé et
ténébreux, au milieu des bambins qui s'époumonnent pendant que
les catéchistes chantent, il écrit. Dès qu'une page est achevée, il
la serre précieusement dans sa valise et, au retour, il enferme, avec
une prudente vigilance, tous ses papiers dans une malle. A sa mort,
cette malle reviendra en F rance; elle sera, entre les mains d'un plus
jeune frère, un trésor et une mine. Les deux frères Aubry, l'un
mort, l'autre
vivant, formeront désormais une association militante.
Augustin Aubry fera valoir les papiers de J.-B. Aubry, d'abord
pour protéger sa mémoire; ensuite pour ne pas laisser périr ces pré-
cieux fragments, enfin pour entrer dans la grande mission de réfor-
mateur des écoles. Le législateur souverain donnera sa bénédiction,
les deux frères iront de vertu en vertu. Et videbitur Deus deorum in
~!OM (Ps. LXXXV).

LES TRO!S VOLUMES DE CORRESPONDANCE

Le premier ouvrage du P. Aubry, c'est sa correspondance, c'est


la b~se et te couronnement de toutes ses œuvres; c'en est même le

complément pour beaucoup de détails d'application.


–2t–

Les.relations par lettres entre les absents sont chose inhëfenteâ


l'humanité. C'est un commerce pour les intérêts et plein
nécessaire
de douceur pour les âmes. Les anciens ne paraissent pas l'avoir
compris comme nous; leurs lettres, pour autant qu'elles nous restent,
sont rares, courtes ou s'allongent °n traités savants. Chez les

modernes, plus expansifs, parce qu'ils sont chrétiens, la correspon-


dance tient une grande place; elle se modifie suivant l'esprit des
races et le caractère des Les Français, en particulier, ont le
peuples.
ils aiment trop à parler pour ne pas se plaire à
génie épistolaire
écrire. Plusieurs parmi eux ont dû, aux petits papiers, une certaine
illustration. Parmi les dames,
la marquise on cite
de Sévigné, la dame
de Maintenon, Sophie Swetchine, Eugénie de Guérin parmi les
hommes, sans sortir de notre siècle, se présentent à notre esprit les
noms de Lacordaire et de Veuillot je n'ose pas rappeler Voltaire.
Le P. Aubry, dont la correspondance estforte de trois volumes, peut
affronter ces glorieux voisinages.
Dès le petit séminaire, ce jeune homme possède les éléments de

l'esprit littéraire il est attentif, réfléchi, sensible et prompt aux

réparties. Attentif, ilvoitto't; réfléchi, il examine tout; sensible,


il en éprouve une vive impression; et sous la vivacité de l'impres-
sion, jaillit le mot vif qui l'exprime à brûle-pourpoint. La délicatesse
du cœur, la gaieté de l'esprit, le pittoresque du langage, assaisonnent
toutes ses lettres. Grâce à sa facilité pour tout voir et tout com-

prendre, les lettres lui tombent de la tête la plume les saisit au

vol; à peine s'il a eu le temps de les écrire, que les voilà parties.
Ses parents, un brave curé Boulenger,ses supérieurs, professeurs,
condisciples,amis,sont!es premières personnes qui recoiventses con-
fidences. le temps, les relations
Avec s'étendent et les correspondants
se multiplient. Le P. Aubry est toujours le même franc du collier,
l'œil et le cœur ouverts, le sourire aux lèvres et la main tendue
Ftf bonus dicendi peritus.
Rendre compte des lettres est impossible. C'est une Encyclopédie,
sur toutes sortes de choses et de quibusdam ~/K.f. La première édition,
forte de lettres,laseconde réduite ~jo ne contiennent quedes lettres
sur la mission du Kouey-Tchéou. « Nous
peinte en vif, dit y avons,
l'éditeur, une âme qui se livre dans l'épanchement d'une causerie,
avec ses élans, ses pensées, ses impressions de chaque jour mais une
âme riche entre toutes, d'une pureté parfaite, d'une ardeur incroyable,
passionnée pour l'immolation d'elle-même au salut du prochain, âme

deprêtre, ~Ma~ un cœur fort, limpide comme le diamant


et d'une tendresse débordante une intelligence, merveilleusement
–-2S'

'~Qeéë~~bïe.uvée~ux m:êtUeures sources de la doctrine sacrée, eo<is-


~~mmeatea.~ei~doï!t!es~ns6es.ibne&el'M:g~ s'mcamaient
dans un style pdmesauttier, simple, clair, alerte, ému, plein de
saveur et d'humour. Tons ces trésors, J\-B. Aubry les sacrifia au
service des âmesles plus misérables et les; plus abandonnées,
dans la
chinoise du Kouey-Tchéou. » (Avant-Propos).
pauvre province
Un peu plus loin, l'éditeur ajoute « Après la prière, sa conso-
lation était d'écrire souvent et longuement à son père et à sa mère,
à son jeune frère, élève au grand séminaire de Beauvais, au prêtre
vénérable le premier confident de sa vocation, à quelques amis
demeurés fidèles à son souvenir. Il leur racontait, dans les moindres
détails, sa vie de chaque jour, de chaque instant et ces chères lettres,
aujourd'hui mouilléss de tant de larmes, apportaient à tous la joie
~t l'édification on les reUsait comme les épîtres d'un apôtre, on les
regardait comme un trésor.
« Hélas les voilà devenues des reliques et la mort du P.Aubry
a rendu la liberté à ses correspondants, qui avaient dû promettre de
n'en jamais publier, même un fragment, pendant sa vie. En dépit
de certaines répugnances de leur cœur et après avoir hésité trois ans,
ceux-ci livrent enfin à l'impression quelques-unes des lettres écrites
parle P. Aubry, depuis son départ
de France, jusqu'à sa sainte mort.
Encore une tois, c'est la correspondance d'un apôtre, qui consacre
aux âmes les forces qu'il va puiser en Dieu par une continuelle orai-
son. Mais aux effusions de la piété la plus tendre s'y mêlent les vues

profondes du théologien, les idées les plus justes, les plus neuves,
sur les choses et sur les hommes de notre temps et de notre
pays les observations
les plus vraies et les plus piquantes sur la
Chine et les Chinois, avec les mille saillies de cette galté charmante
des âmes pures et généreuses, semblables au cri joyeux de l'oiseau
délivré des filets et qui s'envole vers le ciel. »
En recevant ces lettres imprimées, l'homme le plus capable de les's
apprécier, Mgr Lions, vicaire apostolique du Kouey-Tchéou, écri-
vait à l'éditeur « Oh t Mt/iM~MM, jubes ~«o~~ dolorem. J'ai lu
avec le plus grand intérêt, ces lettres aimables, attrayantes et non
moins instructives, qui, hélas renouvellent en moi la douleur et
l'amer regret d'avoir perdu celui que ;e regardais comme le principal
soutien futur de la mission. Réellement, quel homm~ Quelle
t)e!'tepour.Ie Kouey-Tchéou et pour mo~. Si je n'étais bien
persuadé que persoRne n'est nécessaire, je me serais plaint à
Qiiemavec amertume, et j'ai versé un ruisseau de larmes, larmes

qui, taries ~~)~H~, reparaissent toutes les fois qu'on parle de ce


–23–

cher Père, ou que son souvenir me revient.


Je le cansid~a~.
déjà comme mon successeur Enfin, Dieu, qui voit plus loin que
nous, en a décidé autrement que sa sainte volonté soit faîte! Mais

je le répète encore quelle perte »


Le cardinal Mermillod ajoute, à ce témoignage paternel, -sa haute
confirmation « L'âme du prêtre et de l'apôtre, dit-il, se révèle dans
toute son admirable simplicité, dans toute son énergie pour le salut
des infidèles, dans toute sa tendresse
pour ces païens à qui il porte
Jésus-Christ. Les labeurs, les sacrifices, les immolations perpétueUe&
de ces existences d'apôtres apparaissent dans ces pages, que l'amour
fraternel a bien fait d'arracher à l'obscurité des confidences intimes.
Les mœurs, les habitudes du Kouey-Tchéou, de cette mission la.

plus pauvre et la plus difficile de la Chine,


décrites sont
avec le talent
d'un observateur impartial; et il jaillit, du contraste des ardeurs de

l'apôtre et de la décadence morale des populations qu'il évangëlise, une

apologie irréfutable du Christianisme. Comme la lecture de ces pages


saines et fortifiantes ferait du bien aux sceptiques et aux blasés, qui
traitent avec dédain notre foi catholique et les trésors du Christia-
nisme.
« J'ai connu, au séminaire de Beauvais, ce prêtre pieux et savant,
et ce n'est pas sans émotion que j'ai retrouvé mon nom dans une
de ses lettres il en avait gardé le souvenir sur le sol inhospitalier
de la Chine. Il est mort à la fleur de l'âge, à la veille d'être appelé à~
l'épiscopat. Si la gloire du martyre lui a manqué, on peut cependant
voir sur son front quelque reflet de cette auréole, puisqu'il est mort
à la suite de mauvais traitements que lui infligeait une foule ameutée
contre son apostolat. Votre publication a tous les attraits de la foi et
des voyages lointains. C'est la vision commencée des conquêtes
de l'Eglise et la révélation d'une grande âme. Il
La troisième édition de la Correspondance du P. Aubry est, &
peu de choses près, l'édition définitive elle
compte trois volumes
et atteint près de 1800 pages. Par son étendue, c'est une encyclopé-
die par la variété des matières, c'est un livre d'un attrait inimagi-
nable. La première chose qui nous séduit, c'est l'auteur lui-même.
Les premières lettres vous découvrent les espiègleries et les ten-
dresses de l'enfance. Bientôt les fortes qualités se développent et
fleurissent magnifiquement dans cette nature généreuse et vraiment
supérieure. Une haute raison, éclairée par la foi, est seule capable de
s'élever à ces hauteurs dont le monde ne soupçonne même pas l'exis-
tence. Comme le P. Aubry se peint bien dans ces lignes saisis-
santes à la fois de dëvouerient et de simplicité. C'est bien là un
S4

~rand coeur au service d'un


grand esprit, avec une pointe d'indépen-
dance que la grâce transforme en héroïsme de charité. Tout en lui
d'ailleurs est naturel et si original, qu'on le lit toujours avec le plus
vif intérêt. En disant les m&mes choses, il ne se répète point; pas
un mot, pas une idée qui n'ait
sa portée et sa valeur. Cette belle
âme se déroule d'elle-même, et même quand elle paraît s'oublier,
elle est belle encore. Son esprit est tout à fait au-dessus du vulgaire.
Mais ce qui domine, dans ces lettres, c'est l'esprit de foi, de piété et
de gaieté. Ces lettres, disait une dame, peuvent très bien servir
pour lecture de piété; elles sont toutes belles. On aime à voir les
âmes à nu;
après Dieu, c'est ce qu'il y a de plus beau. En tenant
compte égal des sentiments et des idées, le P. Aubry était aussi
bon qu'il était vrai son âme, vue dans son unité lumineuse, ne peut

que gagner par le multiple éclat de ses rayons.


Au point de vue intellectuel, pour une âme sacerdotale, l'esprit
général, la note dominante de ces lettres, c'est une ferme attache
aux principes et le radicalisme de la doctrine. Ce n'est pas avec des
effacements, des affectations de politesse ou des ruses de diplomatie

qu'on réussit quelque chose. Puisque les ennemis de la vérité se


disent radicaux, il faut opposer radicalisme à radicalisme et se cram-

ponner à l'intransigeance. Le sens vrai des choses se tire des profon-


deurs. A l'exemple des apôtres et de leurs dignes successeurs les mis-
sionnaires, il nous faut cette plénitude d'affirmation et de dévoue-
ment qui seule donne toute sa force à la parole. Un mot caractérise
le Père Aubry c'est le missionnaire théologien.
La seconde chose qu'on demande à cette correspondance, c'est
une vue sur la Chine. A ses yeux, la Chine est un pays enveloppé
des ombres de la mort. Ce voile de mort, il le voit étendu sur cet

empire qui ose se dire céleste; il lui semble qu'il le touche de la


main. Mon Dieu que c'est triste un peuple qui n'est pas chrétien 1
Et que veulent donc faire de l'Europe ceux qui travaillent avec achar-
nement pour lui arracher sa foi ?ê
Cette soi-disant civilisation, il la juge comme beaucoup d'autres
missionnaires. « La civilisation actuelle de la Chine, dit-il, est ce

qu'elle a toujours été depuis au moins deux mille cinq cents ans; car
c'est un pays immobile dans ses usages; et puis il reste des documents
innombrables, en tous genres, pour attester que la Chine a gardé le
~ttttM~Mo. Or, sa civilisation actuelle, à peu près à tous les points de
vue, est une monstruosité, non seulement antichrétiennë, mais aK-
~tWKKM~.
«On parle en France de leursriches bibliothèques, de leurs en-
–23–

cyclopédies, de cent mille volumes. C'est vrai, mais personne ne


les lit et on a raison. Ces tomes, sans rien qui les rattache les uns
aux autres, forment qui sëst
une masse accrue successivement,
et

pourtant chacun d'eux renferme très peu de matières. C'est comme

qui dirait cent mille volumes du journal le plus soporifique et le plus


banal qu'on puisse imaginer des discours d'éloges de celui-ci, de

celui-là, de ceci, de cela; pas une notion scientifique exacte, pas


une observation morale un peu fine, pas un trait touchant; tout au

plus un proverbe ingénieux. »


Le Chinois, lui, paraît un être au-dessous de l'humanité pas d'es-
prit, pas de cœur, une langue gutturale, un être goguenard'qui ne
trouve de beau que le laid, de bon que la turpitude. Le Chinois,

lorsqu'il devient chrétien, dépouille sa dureté païenne, sa face diabo-

lique il prend la forme de la douceur chrétienne mais, pour lui en


donner le fond, il faudra du temps.
Le point qui nous intéresse davantage pour le but de ce travail,
c'est, dans un grand nombre de lettres, la grande entente des tradi-
tions chrétiennes pour l'enseignement théologique et la formation
cléricale. Le P. Aubry n'est
pas. dans le mauvais
sens du mot, un
réformateur téméraire mais c'est le balayeur résolu de toutes les
idées mortes ou empoisonnées, qui nous viennent du gallicanisme.
Depuis trois siècles, un certain particularisme avait déformé parmi
nous, le dogme, la morale, la liturgie et le droit canon. On s'était
donc éloigné graduellement de Rome
pour faire profession de pré-
jugés nationaux, et ces idées fausses avaient apporté la peste. Les
actes des Pontifes romains et les définitions des conciles ont énervé
ces semences fatales de schisme
et d'hérésie; mais, à la longue, les
idées gallicanes avaient introduit certaines habitudes, certaines pra-
tiques, et nombre d'illusions, dont la funeste influence continue à
se faire sentir. Tout le monde se dit maintenant Romain des pieds
à la tête; mais on tient mo~MM aux vieilles routines, spécialement
pour la formation sacerdotale et l'enseignement méthodique de la
théologie. Le P. Aubry s'en exprime avec une fermeté de convic-
tion et une hauteur de vue qui commandent des réflexions graves et
d'importantes résolutions.
Le côté triste de la correspondance, c'est la mort de l'auteur. A la
fin, on est ému jusqu'aux larmes. Mort à trente-huit ans; c'est, sans
doute, un bel âge pour mourir. Si le P. Aubry était devenu évêque,
s'il était parvenu à l'âge d'un vieux missionnaire, son nom eût
sonné comme celui des Gousset, des Guéranger, des Plantier, des
Pie, des Veuillot et d'autres grands esprits, qui, tous morts qu'ils
~ëat< B~QttaeM aat8ïë avec, éclat sut t~ gé&étation cacteaipotame*
Malgré sa. ~mctpïematurée, les écrits, posthumes du P. Aubry ne
re&teM. pas. )ïM'in& comme les rayons brises d'ua astre deseendu trop
tâtsaos rhoHMm. S~ coKespondmee, en particulier, est, pour
i'EgUse, une haaaeM pour les missions, une gloire et, pont tous
les lecteurs, umdottxat<Eait,u& grand enseignement, un cher sou-
'veoir.

VI

L'EXÉCUTEUR DU TESTAMENT DE L'AUTEUR

La publication de la correspondance n'était qu'un jeu, un petit ef-


fort de diligence, avec toutes les joies du cœur et de l'êsprit. Il n'y
.avait qu'à recueillir paiiemrnent les originaux, à les classer selon
l'ordre chronologique, à les présenter cordialement au public, qui
pourraits'épancher dans ces étendues, s'élever à toutes les hauteurs.
La publieatioR des œuvres posthumes était une bien autre tâche. Les

papiers du P. Aubry fournissaient ta matière de dix forts volumes


in-octavo. Ces écrits datés, les uns de Rome, les autres de Beauvais,
les derniers des missions, étaient, les uns achevés ou à peu près, les
autres en ébauche. Le frère chargé de recueillir cette succession litté-
raire et de faire valoir cet héritage, était un tout jeune curé, en pa-
roisse depuis à peine quatre ou cinq ans. C'était à lui de présenter,
au clergé français, d'abord cette étude sur la méthode d'enseigne-
ment théologique, non pas brandon de discorde, mais jugementpro-
noncé contre nos aberrations nationales. Vous devinez, sans que
~ea parle, les perplexités d'un très hmnMe curé de Dreslincourt,.
cMig~, par piété fratermelle, àt se ptéseoter au clergé français et à
M dire: «, Vous avez déserté les tradittoas de l'enseignement ec-

clésiastique, ou du moins vous avez cessé de les comprendre dans


leur integri'té traditionN'eIle' etde les appliquer avec fruit. Vous
avez abandonné, dans la constitution des séminaires, les décrets du
eon'eile de 'EreMe, pour vous assortir aux exigences du gallicanisme.
Bepûis-tîMSsiec~YCHs.r~ vous rétrécissez
test t~ voB~éneiMx v0Hs ditMauez la patrie. Vous nous

~d~~t,~a!?jaou~~
la Franèe.
~gt~~F~~d~es~~ il ressortait de
°
,.if.
2y

Pour qui sait la solidarité absolue des écoles et de la politique, i!


est clair que lesdesunées d'un peuple tiennent absolument l'état
de ses écoles et aux évolutions de leurs progrès. Jetez les yeux sur les
siècles de notre histoire
que voyez-vous? Vous voyez la
.quinze
Gaule, dès le iv° siècle, éprise de science et puisant, dans son savoir,
l'instantanéité de sa constitution. Pendant qu'elle envoie ses fils aux
écoles des monastères, des presbytères et des ëvêchés, les races se
fusionnent par les idées et l'unité s'établit. Lorsque l'école palatine
se superpose aux écoles antérieures et, par son institution progres-
sive, engendre les Universités, la nation, ferme à son centre, se di-
late à toutes ses frontières. L'état des terres et l'état des personnes
se transforment; les esclaves deviennent serfs, les serfs, hommes
libres la féodalité s'étend, les communes
s'affranchissent; la France

grandit toujours, parce que ses écoles s'accroissent et se multiplient;


et parce que, par les écoles, la scierce théologique produit les

grandes sommes du Moyen Age. L'extension continue de la science

implique l'extension continue de ]a patrie trançaise. Depuis trois


siècles, changement de front. La fondation des séminaires coïncide
avec la construction bâtarde des thèses gallicanes. Les idées se rétré-
cissent l'étroitesse des têtes amène le rétrécissement du territoire.
Le recul de la science, c'est le recul de la France. En suivant ce pa-
rallélisme, presque fatal, nous subissions, hier, un démembrement;
demain, nous pouvons perdre notre indépendance.
Ces faits d'histoire font frémir mais peu de Français y font at-
tention. Au lieu de se croire en décadence, ils se croient plutôt en
progrès et sont'fiers surtout de leur science nous pensons que nos
malheurs présents proviennent, en grande partie, des destructions
révolutionnaires. Nous ne contesterons pas que les Français, et sur-
tout le clergé, ont déployé, pour la conquête de la liberté d'ensei-
gnement, une vraie bravoure. Nous admirons avec quel zèle ils
ont su bâtir des écoles, créer désFUtiivërsités et recruter des pro-
fesseurs. C'était une idée re~e, une espér nce légitime, que nos
Universités allaient nous re e les docteurs et les paladins. La
France, restituée en pleine lamière, allait reprendre la trame in-
terrompue de ses antiques gloi s. Dans 1 ait, pourquoi des écoles
de hautes études, si elles n'avaient~asTavant tout, pour but, la cen-
tralisation de l'enseignement catholique, la réorganisation des études
à tous les degrés, la haute direction du clergé dans son ensemble,
la mainmise sur la masse de la nation, par la réforme des idées et
la restauration parfaite de la vie chrétienne ?
Nous savons, et le libéralisme, triomphant aujourd'hui dans la
-2~

pratique des choses comme dans la théorie des doctrines, suffit am-
plement à nous apprendre si la France peut se promettre ces résul-
tats heureux. Depuis 187;, les Universités catholiques ont eu le

temps d'atteindre leur idéal il leur suffisait de produire l'homogé-


néité doctrinale, d'organiser la centralisation intellectuelle, enfin
d'étendre sur toute la France un réseau dogmatique dont chaque
prêtre aurait tenu solidement, dans sa main, une maille. Une
seule institution dans la main du Pontife infaillible; cette institu-
tion se dédoublant en plusieurs écoles autant de phares portant la
vie aux intelligences, distribuant la lumière théologique, les éléments
surnaturels, l'énergie, l'unité d'action et de lutte, jusqu'aux membres
les plus éloignés des églises de France. Tel était le programme dicté
par le bon sens, tracé par Pie IX, confirmé par Léon XIII.
Malheureusement, autant d'écoles supérieures purent se fonder,
autant de méthodes différentes prévalurent, autant de têtes eurent
d'idées et de sentiments personnels. La conséquence immédiate fut
l'isolement. Chaque Université vécut chez elle, difficilement, au
jour le jour, mais se félicitant beaucoup. en attendant la mort.
L'Université de Poitiers, si admirablement organisée, si pure de
toute tache, est morte de cet isolement. Le cardinal Pie lui avait
donné l'existence; or, si grand soit-il, un évêque meurt, et son
œuvre disparaît avec lui. si elle ne se rattache à des principes et à
des institutions indépendantes des individualités. Pour d'autres
causes, d'autres Universités sont condamnées
à mourir, soit par les

principes délétères qu'elles portent dans leur sein, soit par le crime
de la Révolution qui les tuera pour les dispenser de mourir. Tant il
est vrai que, dans notre malheureux pays, « la faiblesse du bien est
plus à craindre encore que la force du,mal. »

Que cette grande œuvre dcla restauration des études et de la France

catholique par les Universités, ait manqué d'homogénéité; qu'elle


subisse, plus que jamais, les vicissitudes intellectuelles des institu-
tions humaines, et ne produise pas les résultats que l'Eglise en espé-
rait, cela ne fait doute pour personne. Dépuis la fameuse polémique
sur la composition des corps, en 1876, à l'Université d'Angers, jus-
qu'aux étranges théories professées ailleurs, pendant ces dernières
années, en matière
d'exégèse, d'apologétique, d'histoire, de tradi-
tions scolaires, même de science et de direction générale des esprits,
le ctMTtEM~MWwt~ de plusieurs grandes écoles est marqué par des
événements intellectuels, qui laissent dans l'esprit une fâcheuse im-

pression.
A l'exception des Facultés catholiques de Lille, qui, grâce à un
-'29

choix remarquable de professeurs, ont formé une organisation solide,


des traditions durables et de tous points conformes à l'esprit de
nous avons eu la douleur de voir se former, dans
l'Église,
d'autres écoles, un courant libéral, des traditions particularistes,
tout un ensemble de théories malsaines, dangereuses, qui allaient
produire leur fruit sans retard. Hëlas il en est des idées emportées
d'une école et jetées aux quatre coins de la France, comme d'une
traînée de poudre. La tendance des disciples, enclins à exagérer en-
core les doctrines du maître et devenus à leur tour éducateurs, donne,
à l'installation des idées libérales et des théories rationalistes, une
facilité
déplorable et un succès digne d'une meilleure cause.
Sans doute, les vingt-cinq premières années de nos Universités ne
sont pas sans gloire sans doute, si elles n'ont pas encore produit
ces grands théologiens, ces savants solides, ces esprits d'élite, pro-
mis à la France par leurs fondateurs elles ont formé déjà de nou-
velles générations, soufflé un esprit nouveau. Nous ne sachions point
toutefois qu'elles aient largement concouru au renouvellement des
études dans les séminaires, à la réforme dans la masse du clergé, et,
par suite, dans l'ensemble de la nation.
Il y a lieu de se demander d'ailleurs si ces générations nouvelles,
si cet esprit nouveau, sont formés sur une méthode absolument saine,
nourris d'une doctrine
rigoureusement scolastique. Problème du

plus haut intérêt, question d'une gravité exceptionnelle, puisqu'il


s'agit de la vie chrétienne et du salut de la nation. Nous laissons à
d'autres le souci d'une solution en règle; nous nous permettons
seulement d'observer que, dans la pratique des hommes et des

choses, en sens contraire des fruits que la France devait recueillir de


nos grandes écoles catholiques, les doctrines s'altèrent de plus en

plus, les hommes du principe se font tellement rares, qu'ils sem-


blent des revenants d'un autre âge, des esprits moroses, voués fatale-
ment à l'insuccès.
Nous avons rencontré, dans toutes les branches
de l'enseignement,
dans tous les champs du ministère apostolique, un très grand
nombre de disciples de nos Universités. Chez eux, invariablement,
et sauf quelques exceptions heureuses, nous avons généralement
constaté un certain pédantisme, qui pousse facilement à la morgue,
une science a trop absorbé
qui la foi, peu de sens surnaturel, une
réelle dépression sacerdotale. Notre formation ecclésiastique fran-
çaise est venue aboutir, en dernière analyse, à donner au prêtre je
ne sais quelle personnalité indéfinissable, complexe, pétrie d'idées
heurtées, d'éléments inachevés, de doctrines incomplètes, de théo-
'T
tte's~asses ou inexactes veritable.tuniqae de Nessus qui rëtfëcit
r~Me, aa lieh de l'élever à cette foi/supërieure, puissante en oeuvre,
qui s'appelle la JMMM~o~/à cette fécondité d'apostolat, à cette
exaltation du sacerdoce, si admirables dans saint Paul, dans les
grands théologiens et dans les grands missionnaires de la sainte
Eglise.
Nous voudrions donner, au tableau que nous esquissons rapide-
ment, une teinte moins sombre. Indubitablement nous serons ac-
cusé de la pousser au noir, enesprit chagrin, hanté de préoccupa-
tions personnelles. Déjà l'ceuvre du P. Aubry n'a-t-elle pas été
taxée d'exagération, d'injustice. de parti pris, de violence, d'ultra-
montanisme incorrigible. La plupart de ses adversaires ont surtout
crié à l'imprudence; ils ont cité l'exemple de l'Eglise romaine qui
n'agit qu'avec une sage lenteur; ils ont trouvé que J.-B. Aubry allait
« trop vite et surtout « trop loin ». Hélas l'erreur aussi va trop
vite et trop loin; il n'appartient pas aux défenseurs de la vérité de
se laisser distancer par les suppôts de l'Enfer. C'est ce que nous
crient, après Pie IX, après Léon XIII, depuis cinquante ans, les
hommes les plus distingués du sacerdoce et de l'enseignement ca-
tholique. On a essayé de tous les procédés pacifiques, cherché la

paix à outrance, la conciliation quand même. Et non erat ~Mc.


La prudence n'est pas cette pusillanimité doctrinale qui a nom
libéralisme; la prudence n'exclut ni l'action, ni la lutte énergique.
Les actes de Pie IX et de Léon XIII, la lutte pour la liberté d'ensei-
gnement, la campagne pour le rétablissement de la liturgie romaine,
les controverses sur !e Syllabus, les grands combats autour du Con-
cile œcuménique, l'appel pressant à une restauration des méthodes
scolastiques, à la concentration des forces catholiques, nous disent
assez haut comment l'Eglise entend et pratique la prudence.
Aujourd'hui, sur toutes les questions vitales, la lumière est faite,,
la direction tracée, la marche éclairée jusque dans ses plus petits
détails. Mais pratiquement, sous prétexte de prudence, les nombreux
tenants du gallicanisme et du libéralisme continuent à discuter les
ordres de l'Eglise, à contrecarrer les ordres
du Pape pour s'éviter
l'eflort et les sacrifices du combat, ils cherchent à plaisir l'équivoque
et les distinctions subtiles tout en acclamant les actes pontificaux,
ils se cabrent et se dérobent de plus en plus, avec une fine diploma-
tie, contre les direction~ et injonctions du Saint-Siège. Les pro-

positions sout'B&ises~ sont 'dans leurs habitudes. Le premier moteur

etje prehiier&ui~ ce monstrueux


doctrine's,
appétit de~ hônneurs què, appellerons volontiers un attentat à
31
la vie de l'Eglise. Cette
ambition, arrivée au paroxisme où nous

l'avons vue parfois monter chez certains ecclésiastiques, est un véri-


table esprit subversif de la foi, une amorce de schisme, un commen-
cement d'apostasie.
Le Aubry, du P.
sur nos écoles, a paru
jugement théologique
sévère. Cependant, répond-il, je n'ai pas écrit par boutade et me
suis bien retenu pour ne dire, de ma pensée, que ce qui me
semblait certain. Je crains que cette œuvre des Universités né soit
commencée trop laïquement. On se jette dans le faux avec un en-
thousiasme déplorable. Espérons que, plus ttrd, les Universités su-
biront une modification profonde, consistant surtout à centraliser
toutes leurs forces en une administration et une institution unique,
inspirées, plus directement et plus pratiquement, par Rome. Car, re-
marquez-le, les évêques fondateurs se proclament ultramontains;
ils crient que leur œuvre est tout imbue d'esprit romain. Je crois le
contraire, et les controverses, qui se sont déjà élevées dans ces
hautes écoles, sont la preuve éclatante d'une méfiance pratique contre
les idées romaines pratiques. Particulièrement, le factum du Dr Bour-

quard, sur la composition des corps, m'a paru horrible comme esprit
et comme pronostic. Il est la falsification d'une vérité dont Bour-

quard s'arme contre plusieurs ecclésiastiques éminents Bottalla,


Ramière, Palmieri, comme s'arme un voleur
d'un bon fusil,
contre le propriétaire même de cet instrument. Il les travestit en
des contempteurs de saint Thomas et de la scolastique, dont ils ne
se sont écartés dans des
points accidentels
que et pour qui ils ont
plus que du respect. Il exagère et rend fausse et dangereuse l'obéis-
sance qu'on doit à saint Thomas et à la scolastique, qu'il faut suivre
au fond et dans l'ensemble, mais dont on a raison de s'écarter en
quelques détails. II trahit certaines antipathies intellectuelles étroites
et périlleuses. Il accuse les Jésuites de faire une guerre sourde aux
Universités et il leur déclare la guerre. Symptôme désolant, eeuvre
hâtée, œuvre malsaine »
Cet épisode de la vie des Universités catholiques fait toucher du
doigt la tendance fâcheuse d'exagérer chez nous, et par là même de
fausser les directions de l'Eglise. Un attachement excessif, exclusif
et absolu à la scolastique, n'est-il pas lui-même antiscolastique, an-
tithéologique et anticatholique. Il n'y a que l'Eglise à laquelle on
doive s'attacher à ce point. Que, dans quelques questions spéciales
et déterminées par le progrès des sciences physiques et chimiques,

1
Correspondance inédite, t. II. Lettre du 6 mars 1878.
~~s~

tes scolàsttq~ës iMûde~ s'écartent de saint Thomas, cela n'em-

peëhe pas dejevënéter; c'est même le moyead~~ vénérer en l'ex-

pHquaat:avecin~ë!ligence.
« Ily a, dit encore Je P. Aubry, une tendacce réactionnaire et
funeste, qui, par excès, fera avorter le retour la scolastique. Excepté
l'amour de Dieu et de l'Eglise. tout autre amour peut être faussé
par excès. Saint Thomas lui-même refuserait non seulement par
esprit d'humilité, mais par justice et par esprit catholique, le rôle

que veulent lui donner nos contemporains »


Mais nous nous oublions à sortir ainsi de notre rôle de rappor-
teur. A d'autres de traiter magistralement, d'Illuminer, de résoudre
cette question capitale de l'enseignement supérieur. Pournous,
notre rôle, plus modeste, nous amène uniquement à résumer ici
les enseignements du P. Aubry, sur l'organisation extérieure et
intérieure des écoles. Il est superflu d'ajouter que nous parlons stric-
tement d'après ses ouvrages, en particulier d'après les deux éditions
de la Méthode. Les œuvres complètes du P. Aubry, en leur texte

authentiquf, justifient, par la spontanéité de leur inspiration et par


la sincérité de leur enseignement, les craintes, les anxiétés, les ap-

pels, les vœux patriotiques et pieux, du missionnaire théologien.

vn

COMMENT A ÉTÉ FAUSSÉE


LA MÉTHODE D'ENSEtGNEMENT TBËOLOGIQJJE D'ABORD
DANS L'ORGANISATION DES ÉCOLES

La méthode est le procédé pour parvenir à une connaissance. Au-


tant d'objets et de modes de connaissance, autant de méthodes. Les
méthodes, eu égard aux facultés qu'elles dirigent et aux besoins
qu'elles veulent,satisfaire, offrent toutes certaines analogies; elles
diffèrent pourtant suivant qu'elles nous initient à la connaissance
ou la pratique des sciences, des arts ou des métiers. Lorsqu'il
s'agitde science, soit pure, soit mixte, la méthode comprend deux
choses l'organisation des écoles et l'organisation des études.

Seloanbus, un vice de méthpdëiaétë la principale cause de la

''G~M~t~t~ i87&.
-u-

ruine des études théologiques en France et des malheurs de notre

patrie. Il faut nécessairement et courageusement corriger ce vice,


si l'on veut relever les études sacerdotales, les replacer dans leur
véritable voie et sauver notre pauvre pays. -Comment s'y prendre?
L'histoire va nous
{'expliquer.
La question d'enseignement en général, est le fond du travail qui.

s'opère, des idées qui se remuent, de la lutte qui s'agite en France.


Dans une société, toutes les parties se tiennent; mais le sacerdoce
est au centre et à la base c'est
lui qui forme et qui laisse déformer
c'est par lui qu'entre le b~.sn, c'est lui qui laisse entrer le mal. C'est
donc à lui qu'il faut d'abord pourvoir, si l'on veut le mettre en me-

sure, non pas de prendre sa part dans l'œuvre du salut, mais d'ac-

complir lui-même cette œuvre tout


Quand on voudra entière.

prendre le mal par sa racine, ce ne sera point par la restauration des


écoles laïques qu'il faudra commencer, mais par celle des études sa-
cerdotales. L'enseignement théologique, voilà le fond de cette ques-
tion d'enseignement général et, en définitive, de toute la question
sociale. C'est le sacerdoce qui a fait les nations chrétiennes; il les a
faites par l'enseignement; c'est lui qui doit les refaire par la doc-
trine. Le sacerdoce se forme dans les séminaires, et, dans les sémi-
naires, la substance de la formation sacerdotale, c'est l'enseignement

théologique. Voilà donc l'endroit où il faut regarder.


Le passé est l'école de l'avenir. Pour constituer solidement
des écoles cléricales, il faut s'enquérir des vieilles traditions.
Un coup d'œil jeté sur l'histoire nous apprend la constitution
traditionnelle des écoles sacerdotales. D'abord leur organisation
commence par la théologie. L'Eglise lui donne, non pas une place,
mais la première place; elle l'établit reine des sciences el'e subor-
donne à elle, base sur elle, fait pivoter autour d'elle, tout l'en-
semble des études elle fait, de l'enseignement théologique, le fon-
dement, le contrôle actif, la règle doctrinale des autres facultés. C'est
le cœur, le tabernacle des études; de là, vient l'idée première et
l'impulsion générale; de là partent la lumière et les principes mis
en œuvre dans les autres parties de l'enseignement.
La chose importante, principale, première, dans la fondation
d'une école
de prêtres, ce n'est donc pas l'installation matérielle
ce ne sont pas les bâtiments ce n'est même
spacieux; pas le choix
du personnel, encore que le talent ait un grand rôle à jouer; ce ne
sont pas surtout les beaux discours où l'on parle. du relèvement
des gloires du passé, des grands travaux d'autrefois, du couronne-
ment de l'édifice des sciences. Le principal, c'est l'esprit, c'est la
LE P. AUBRY a
~4.-

doctrine, ce sont les principes, le mécanisme Intérieur des études,


les programmes à suivre, les moyens d'assurer l'unité d'esprit et de
méthode dans l'enseignement. Le point capital, c'est que la théo-

logie soit la pierre fondamentale de l'édifice, et qu'en même temps


elle soit mise à sa place, qui est le trône. La théologie est la reine
des sciences; les autres sciences ne sont que ses suivantes, ses filles
de service ou ses demoiselles d'honneur; c'est la théologie qui règle
leur fonction, dirige leurs forces et marque leur but.
La théologie étant le sommet des sciences, !e plus haut degré de
culture intellectuelle, n'a pas, à proprement parler, d'enseignement
élémentaire. Si l'on veut entendre par enseignement élémentaire ce
qui se fait aujourd'hui dans beaucoup de séminaires de France, cet
enseignement n'est pas l'enseignement théologique, c'est un caté-
chisme plus développé, voilà tout. Par l'enseignement commun de
la théologie, il ne faut pas entendre, non plus, des cours supérieurs,
des envolées vers les hautes cimes, mais si haut que le commun des
mortels n'y puisse prétendre. La théologie des écoles doit être
élevée et pratique; elle doit former des apôtres, des pasteurs, la masse
du clergé, et non pas seulement quelques heureux privilégiés, qui
&ijnt peut-être des études transcendantes, qui deviendront d'il-
lustres docteurs, qui formeront une sorte de Sénat intellectuel, mais
dont la science n'exercera pas, sur le peuple, une influence décisive.
L'enseignement à donner en théologie doit s'adresser à tous les
prêtres, pour inspirer, à leurs œuvres, son esprit et sa direction. Le
séminaire diocésain doit donc être la faculté de théologie on dé-
pendra d'elles pour les études c'est un point essentiel de la bonne
méthode, parce qu'au séminaire, il y a toujours des auditeurs, parce
que ces auditeurs sont destinés à l'action et deviendront un jour la
partie active et influente du clergé.
Viser plus haut, ce n'est pas seulement s'exposer à se perdre dans
les nuages, c'est se désintéresser de l'action. Fortifier l'enseignement
commun, le développer, l'élever à son maximum de puissance
voilà le but. C'est en's'appliquant au solide, en soignant avant tout
les études de tous les clercs, qu'on finit par faire de grandes choses
sans les chercher.
Dans nos écoles de théologie, on ne doit pas viser plus haut que
saint Thomas,. je suppose. Or, saint Thomas, en déSnitive, n'était
.qu'uHi.pro&ssëur, sa chaire n'était pas un objet de luxe, ni son
'~E'~r~Wtë~~a~érttte~poùr'Ies~ rois de l'intelligence. Nous ne voyons
~.n~J~;q&~ ait visé & un ~nseignement;Supérieur, destiné à un

~cS~tt~]JÈ.<~is/'mêa]e;voi)''le contraire dans ce prologue


=~ î

si simple et si bref de la Somme théologique, où il a l'air de prétendre

qu'il s'adresse au commun des étudiants, et même aux commen-

çants. Or, ses élèves, dont il se faisait apparemment comprendre,


éh.ient trop nombreux pour être tous des intelligences supérieures.
La forme même et le détail de ses ouvrages mettent en relief sa

ligne de conduite. Les plus beaux sont les pijs simples, ce qui fait
leur valeur en même temps que leur solidité. Saint Thomas expli-
àseséteves, les livres
classiques d'auteurs qui ne le valaient
quait,
sa Somme est un précis, aussi condensé que possible, et sa pré-
pas
tention était d'en faire un manuel de l'enseignement, à la portée du
de la moyenne des esprits. Saint Thomas ne dédai-
grand nombre,
gnait pas même le Cowp~M/M ~o/a~s, comme qui dirait une
théologie à l'usage des gens du monde. On peut appliquer cette re-

marque à d'autres grands théologiens, par exempt: saint Bonaven-


ture, qui s'en explique, en termes curieux, dans la préface du Brevi-

loquium. En théologie, plus peut-être que partout, la simplicité est


la compagne, la condition et la marque de la grandeur.
La théologie en tête de toutes les sciences, leur fournissant des

principes, des lumières, des règles, un but, les coordonnant, les gou-
vernant par une loi de subordination; puis la théologie enseignée
d'une manière élevée et pratique, sans rester confinée aux éléments,
sans se perdre dans les nuages voilà les deux premiers points de
l'ancienne organisation des écoles. Le troisième point, c'est que les
écoles étaient reliées entre elles par une cohésion, l'une commen-

çant, l'autre couronnant l'oeuvre,


conçue dans un même plan, ra-
menée au même but, réglée dans toutes ses parties comme un
membres
grand corps dont tous les assurent l'heureux mouvement.
L'enseignement présentait une belle entente, un ensemble harmo-
nieux, un solide réseau les écoles presbytérafes, épiscopales et mo-

nastiques étaient rattachées aux Universités par une admirable


concordance. A l'intérieur, une belle hiérarchie assurait le fonction-
nement de chaque école au dehors, toutes se tenaient par une ferme
adhérence, comme les tentes d'un
camp ou les pavillons d'une ar-
mée rangée en bataille. Les hommes d'une école, professeurs ou
élèves, pouvaient se transporter dans une autre pour y enseigner, y
achever leurs études ou simplement pour y prendre part aux dis-
cussions, sans y trouver ni une organisation, ni des principes diffé-
rents, sans être gênés par la forme inconnue des méthodes ou le
fond particulier des doctrines. Les écoles florissaient sous la loi de
l'unité et si chacune présentait ses caractères distinctifs, toutes re-
connaissaient un droit commun. Le droit des évêques n'était point
lèse, l'Université n'avait pas moins, sur les autres établissements,
son contrôle, soit en nommant leurs professeurs et directeurs, soit
ett déterminant les conditions d'aptitude et d'admissibilité qu'ei'ss
exigent d'eux; soit en imposant des livres d'enseignement, des pro-

grammes, des méthodes, la division, la répartition et la durée des


cours, le détail et le mode des exercices soit en s'assurant du cours

régulier dés choses, par des examens, des disputations, des inspec-
tions. Tout se faisait sagement et selon l'ordre Omnia bonesté et se-
CM~~M O~MMM.
L'institution des séminaires, ordonnée par le Concile de Trente,
ne fut appliquée en France qu'à une époque où le gallicanisme s'in-
filtrait dans les esprits, et où le jansénisme, moins puissant, faisait
tourner nombre de têtes. Serait-il téméraire de penser que leur or-
ganisation intérieure se ressentît de l'esprit propre, sous l'influence

duquel elle a germé et pris ses principaux développements. Le galli-


canisme et le jansénisme ont gâté tant d'autres choses en elles-
mêmes excellentes; et celle-là devant être si précieuse à conquérir,

pour la détourner de son but. Le fait est que l'institution des sémi-
naires ne fut pas entendue et pratiquée en France, comme dans les

autres pays où ne prévalait pas le gallicanisme. Les séminaires, parmi


nous, s'isolèrent les uns des autres comme les diocèses, pour s'orga-
niser et se gouverner chacun à sa façon. En les examinant de près,
dans chaque diocèse particulier, vous découvrirez d'incessantes va-
riations, des changements d'idées et de pratiques, un manque de
suite dans les idées, une absence de tradition qui
s'explique par le
défaut d'unité. De là cette décadence de la théologie, ce désarroi de

l'enseignement, où l'on devait fatalement aboutir. Les Universités,


sous l'influence d'un ensemble de provinces et d'écoles, fournissant
encore une harmonie secondaire, furent à leur tour isolées des sémi-
naires et le vide se fit autour d'elles. Bientôt diminua le nombre des
élèves; l'Université fut réduite au rôle d'académie de savants, tra-
vaillant pour leur compte, sur des étude}: spéciales, plus ou moins
relevées dans leur objet académie libre, sans attache directe
avec l'Eglise, plu& corps avec le réseau des écoles
ne faisant ecclé-

siastiques, n'ayant plus d'action assurée sur l'enseignement, ni d'in-


Buence sur le ministère. Quand l'Etat met la main sur les Universi-
tés, Nies prend comme ellesjle méritaient: T~- ~s~M~ ~MM, ~r
't~~M~
dernier~t~~con~létâ~ des écoles l'unité était
,1~ mai~tgn~ des Pontifes Ro-

~~&a~g@~et~;me~ éputle ministère de


"37–

~'instruction catholique, et, spécialement pour la


théologie, le mi-
nistère de l'enseignement sacré. Cette belle hiérarchie, embrassant en
un seul ordre toutes les écoles, aboutissait à un centre commun.
'Rome avait donné la charte de fondation des Universités Rome
donnait aux chefs l'investiture à tous, la direction spirituelle et,
en cas de conflit ou de dissentiment, Rome tranchait les controverses
ou jugeait les procès. Les lumières du gouvernement,
et les
grâces
divinement conféré à la Chaire se répandaient, comme
Apostolique,
un parfum, sur toutes les écoles de la chrétienté. l'établisse-
Après
ment même des églises, peu d'institutions peuvent se à
comparer
.ces instruments de formation intellectuelle et morale, moules d'où
sortirent tous les grands hommes de l'histoire.
Ici encore, le gallicanisme fit sentir son influence néfaste. L'auto-
rité du Pape son
étant affaiblie dans exercice, chaque Evêque fut, de
fait et dans la même proportion, dans son diocèse, et le pape et la
loi sans appel c'est un fait connu, et l'on n'est plus en dé-
exposé,
nonçant une aberration si déplorable, d'être accusé de mauvais es-

prit. Le mal n'était pasquel'év&que, pasteur et


juge de la foi, eût la
haute main sur la formation de son clergé le mal était qu'il le for-
mât d'après ses idées personnelles, non d'après les principes et l'es-

prit de la sainte Eglise et ce que je dis des évêques, je le dis d'un


fondateur quelconque de séminaires, individu ou congrégation. En
dehors du lien les Evêques n'eurent plus, pour main-
hiérarchique,
tenir l'unité, que leur De là, ces principes doctri-
propre Sagesse.
,naux, ces pratiques d'ascétisme singulier qui varient souvent de dio-
cèse à diocèse. Il n'y avait plus ni ensemble, ni direction unique,
émanée de Rome, pour influer sur l'enseignement des diverses
écoles, contrôler leurs méthodes ou leurs principes.
On a dit que cette centralisation des écoles, autour du centre ro-

main, d'où partaient le mouvement et la vie, n'était pas possible,


.qu'elle était antipathique à la diversité des tempéraments, qu'elle
enchaînait les maîtres et les élèves. Cet argument,
paralysait poussé
A fond, conclurait en faveur du protestantisme et du libre examen.

Quand il s'agit du pouvoir civil, ce n'est pas seulement la centralisa-


tion de l'éducation, c'est l'éducation même qui est funeste entre ses

mains, et qu'il doit remettre tout entière à l'Eglise, parce que l'édu-
cation de l'homme, dans les sociétés chrétiennes, est la fonction
et exclusive de l'Eglise. De ce que la centralisation est funeste
propre
aux mains de l'Etat, impuissant à gouverner les âmes, il ne s'ensuit

pas qu'elle ne sera pas possible, salutaire, nécessaire même, dans


.celles de l'Eglise, surtout en matière de théologie. Etablir absolument
?-~8.

cette impossibilité de la centralisation, quand elle n'est funeste que


par suite de l'incompétence radicale du pouvoir civil, c'est déroger à
la juste notion de l'Eglise, à ses droits, à la dignité de sa situation.
Ce f'cM ''Mb centralisation qui est funeste, c'est l'ins-
en elle-même
trument politique qui s'en est emparé pour asservir les consciences.
Cette centralisation n'est pas une tendance moderne, c'est un fait

antique. Pour être une perfection et devenir un progrès, la centrali-


sation ne qu'à être mise à sa place,
demande rendue à la seule

puissance qui ait mission et grâce d'état pour l'exercer c'est l'Eglise

qui a reçu cette mission et qui possède cette grâce.


A ce prix, loin d'être un abus et un danger, la centralisation ca-

tholique des écoles est la manifestation de cette unité de l'Eglise, qui


est, dans le passe, le grand fait de l'histoire; dans le présent, la

grande force du catholicisme dans l'avenir, le gage des espérances


à préparer par des combats.
En quatre mots, prépondérance souveraine de la théologie, en-

seignement de la théologied'une manière libre et pratique, coordina-


tion des écoles ecclésiastiques, et centralisation des écoles autour de
Rome voilà l'organisation traditionnelle des établissements scolaires
de la sainte Eglise.
Ces quatre mots retentissent en France, comme le bruit de la
foudre. C'est le glas pour tout ce qui doit périr. « Je sais bien, dit
le P. Aubry (un rénovateur de la science), que tout cela est un ren-
ï~r~Me~ de l'organisation- qui existe elle n'est pas si précieuse à
conserver tout le monde
sait qu'elle est gallicane, et sa stérilité est

prouvée avec surabondance et par les principes et par l'histoire. Je


sais bien aussi que certaines familles enseignantes, très respectables à
beaucoup d'égards, mais absolument opposées <! priori à tout change-
ment venu du dehors, même dans le sens du retour à des traditions

plus autorisées et à des idées plus saines, se refuseront pour elles-


mêmes à cette réforme qu'elles prennent pour une innovation qui.
aura beau avoir le mérite de prendre sa source à Rome, si elle a le
tort de n'êtrepas prévue dans la lettre de leurr&ghment, inexorable
comme le destin. Qu'importe? On lès laissera, en dehors de ce cou-
rant vraiment catholique, s'éterniser dans leur organisation vermou-
lue qu'elles prennent pour la tradition Il a bien
fallu se pas-
antique.
ser de leur concours et même de leur
assentiment, pour quitter les.
principes gallicans on s'en passera bien encore pour quitter les mé-

thadesgallicanes, oui n'ont été &ites que pour servir de cadre à ces
~riasipes et qui n'ont pas d'autres raisons d'être. Elles finiront, du
rëjste, par venir, b~n gré mal aux méthodes romaines, quand il
–39--

ne sera de faire autrement, comme elles ont fini, dit-on,


plus possible
venir aux principes romains, non pas sans doute au
premier
par
les auteurs de ce mouvement où tout le monde avant
rang parmi
elles avait senti le doigt de Dieu, mais au moins à la remorque et en

cette et former ce vœu, ce n'est


arrière-garde. Exprimer espérance
à leur bonne volonté et à
pas leur manquer de respect, ni refuser
leur vertu méritent. »
l'hommage qu'elles
Je ne demande pas à ce radical à qui il en veut; j'ai peur qu'il ne

soufflette, en passant, de son gantelet victorieux, ces usages, aussi


immuables les pyramides, et moins respectables. Du reste, il
que
ajoute sans broncher « Ce renversement est de sa nature inoffensif,

quand il est pratiqué avec


sagesse; il n'exige ni ressources nou-

velles, ni génies extraordinaires, ni presque aucun changement sous


le rapport matériel, mais seulement un remaniement courageux et

complet du mécanisme intérieur des Etudes, et puisqu'on veut


une restauration des Etudes, il faudra bien en venir là. On a posé
des principes ils germeront quand même, et produiron.t leurs

fruits; ou bien, si on les empêche, ils disparaîtront encore; car


c'est le propre des idées catholiques de ne pouvoir à la fois vivre et
vivre stériles. Ce qu'on veut faire, en somme, c'est l'application de
l'.H<& Romaine aux Etudes sacerdotales. Vous pensez bien qu'on ne

peut pas greffer l'idée romaine sur une organisation Dans


gallicane.
la situation actuelle, un changement profond comme doit l'être la
restauration des sciences sacrées, selon la forme antique, ne se fera

pas sans une profonde modification de tout ce qu'ont fait les gallicans.
Une restauration faite sur ce plan et ainsi arrêtée ~K-e/MMM serait
et malsaine l'essai avorterait'. »
impossible
H ne faudrait pas croire, au surplus, que le contrôle universel de

l'Eglise sur l'éducation, que la centralisation des Ecoles autour de


Rome rester sans fruits. Cette centralisation ne portera
puisse
sans doute comme l'action de l'Université d'Etat, sur les in-
pas,
Smes détails de l'organisation des maisons d'études et des procédés

d'enseignement; elle n'ira pas jusqu'à régler ce qu'il est bon de laisser
au jugement des maîtres et à leur libre initiative; elle ne gênera pas
l'expansion légitime et l'originalité de bon aloi elle n'étouffera pas
le génie dans sa germination, elle ne le brisera pas dans sa fleur.
Rome a grâce, dit-on, pour éviter ce malheur; et si l'accord de la
liberté avec l'unité est un problème, ce problème est résolu dans

l'Eglise. La chaire apostolique donne des règles sages, à la fois larges et

Le P. AUBRY, Essai sur la méthode des études ecclésiastiques, t. I, p, ;I.


4P

Il y aura, dans les écoles comme dans toutes les choses ca'-
précises.
tholiqNeSi. autorité et liberté, hiérarchie rattachée à Rome, son centre-
mais échange de lumière et solidité d'expérïence; har-
nécessaife,
mon,ie dans l'action et le fonctiarmement des parties ensemble de

méthodes comme d'idées de manière qu'on puisse s'entendr" et,


a tout cela dans sa doctrine, et
parler ta même langue. Déjà l'Eglise
hors de France, dans son enseignement. Il faut bien espérer qu'elle
l'aura aussi chez nous et que nous en finirons, à bref délai, avec les.
derniers restes du particularisme.

vin

COMMENT A ÉTÉ FAUSSÉE DANS LES ETUDES

LA MÉTHODE MTÉMEDRE DE L'ENSEIGNEMENT THÈOLOGmUB

De toutes les
questions qui se posent aujourd'hui en France,.

pour la restauration des sciences sacrées, la plus importante, c'est


la méthode intérieure des études. Nous venons de dire un mot de l'or-

ganisation externe des écoles; il faut parler maintenant de la méthode

qui doit conduire le prêtre au sommet de la science.


Cette question de méthode n'est, il est vrai, qu'une question de
formes et d'exposition. Certains esprits la croient secondaire et de
« Qu'importe, disent-ils, de quelle façon la vénté-
peu d'importance
sera enseignée, pourvu qu'elle soit enseignée, et que l'enseignement
soit conforme, quant à la doctrine, aux vrais principes de l'Eglise ? »,
Grâce à Dieu, les erreurs fondamentales du gallicanisme sont vain-
cues en cas de conflit, on sait où réside le pouvoir infaillible que
tranche les dimcultés et dirime les controverses. C'est beaucoup,
mais ce n'est pas tout. La
question de méthode a été souvent b'
pierre d'achoppement des maîtres et des élèves, et, bien ou mal em-
tendue, elle a' souvent décidé du sort dela théologie. C'est le cas;

pour la France depuis trois siècles. L'expérience a montré qu'avec


les vrais principes au dêpatt, on peut s'égarer dans sa marche,
pour avoir laissé, sous le rapport de la méthode, les hommes d'en-
seigpement~ sans direction, sans unité,_ livrés à leurs idées partIcEr-
tiÈrÈs, a lëutton~ perspnne~ mot, au libre examen. Au-
'jôurd'&ui pour ramener !es écoies-
aux bons ,priticlpes' et'assurér 1ë .progr~s' de science thébbgique..
;'C'ës~u~~ âvec empire.
--41–

Cette question se décompose en deux proMèons 1° Trouver


-une méthode d'exposition et de démonstration qui nous donne,
sous une forme
adaptée à des besoins toujours nouveaux, une vérité,
est abs-
.qui ne peut jamais être nouvelle ~ns son fond, puisqu'elle
solue et immuable méthode puisée, comme ht doctrine elle-même,
aux sources de la vénérable antiquité; méthode consacrée par la pra-
tique des Pères; illustrée par les ouvrages des grands docteurs;
2° trouver une méthode qui, employée dans un livre ou trans-
aux intelligences les plus
portée dans l'enseignement oral, convienne
diverses et les plus inégales, une méthode qui, tout ensemble, soit
..tssez riche pour élever, vers les hauteurs de la pensée, les intelli-

gences les plus capables, et assez simple pour être suivie par les es-
.prits les plus médiocres une méthode qui, fidèle à tous les enseigne-
ments de la tradition, s'enrichisse de toutce qui a été pensé de so-
lide et fait de bon dans les temps modernes; une méthode qui pro-
-6te des découvertes, des progrès des derniers siècles, des malheurs
même et des erreurs, qui ne sont pas ce qu'il y a de moins instruc-
tif en histoire, mais surtout de ce beau travail de développe-
ment philosophique et dogmatique qui se poursuit, sous l'influence
-de la foi, à travers les hérésies, les controverses des écoles, les agita-
t-ions de la société et les révolutions des empires.
Les étudesecclésiastiques ne sont que l'exposition et le dévelop-

pement de la toi dans ses diverses applications. La même et immuable


foi a nourri l'intelligence de tous les temps elle doit les nourrir jus-
qu'à la fin des siècles. Simple dans sa grandeur divine, elle se ramène
aux douze articles d'un symbole que comprennent les enfants iné-

puisable dans sa simplicité, elle offre, aux plus hautes intelligences,


une matière de méditation dont ils ne dévoreront jamais la substance.
L'Eglise a donc dû posséder de tout temps une méthode d'enseigne-
ment tout ensemble élémentaire et supérieure. Et si, comme nous
l'affirmons, cette méthode existe, est-ce merveille que l'Eglise Ro-
maine, mère et maîtresse de toutes les églises, gardienne des tradi-
tions et organe de la foi, soit, au même titre, gardienne de la vraie
méthode d'enseignement ·
Pour prouver l'existence du mouvement, un philosophe mar-

chait pour prouver l'existence de la vraie méthode, il suffit de Fex-


'poser.
L'Eglise n'a pas deux méthodes, quand il s'agit d'établir, de dé-
montrer et d'imposer à tous la foi; la substance du dogme, ses auto-
rités, la méthode pour constater et prouver la vérité surnaturelle,
sont les mêmes pour tous les esprits. Mais l'enseignement théolo-
42

glque, tout distinct de ce simple enseignement des mystères, doit y

ajouter quelque chose. Dans récote, la théologie n'est pas seulement

l'exposition des ventés à croire, c'est une science dans le sens le plus

philosophique du mot. Fidèle à la maxime de saint Augustin, qui


croyait pour arriver A comprendre, elle se définissait sous la plume de
saint Anselme La foi cberchant l'intelligence, ou selon le mot reçu.
dans les écoles Discursus rationalis de fide, L'enseignement des fi-
dèles et l'enseignement des prêtres sont donc affectés de différences.

que caractérise leur rôle respectif. Tous deux ont le même objet et
sont établis sur la même base de démonstration. Mais tandis que
l'enseignement du catéchisme a simplement pour but d'exposer et

d'imposer à tous, au nom de Dieu, les vérités de foi nécessaires au


salut, l'enseignement de la théologie entre plus avant et porte sur
la profondeur des mystères. La théologie a, pour office propre, d'ap-
pliquer la raison aux vérités révélées, pour leur donner toute l'expli-
cation dont peuvent se revêtir une foi intelligente et une étude

profonde. Le théologien ne cherche pas à comprendre pour croire;


il croit pour comprendre.
Ainsi, d'un côté, la vérité de la foi pleinement appuyée sur l'auto-
rité divine du Dieu révélateur et fermement acceptée, sans préjudice
des explications que la raison pourra lui donner, mais aussi sans les
attendre pour croire et sans en faire une condition de la foi de
l'autre, la raison,
ayant fermement adhéré à la parole de Dieu loin
de s'interdire toute recherche comme une profanation, se mettant,
au contraire, à l'étude, pour comprendre et pénétrer aussi avant que

possible dans l'intérieur des mystères, mais sans espérance de percer

jamais, ici-bas, ce fond incompréhensible, domaire que Dieu s'est


réservé ou qu'il réserve à ses élus. La foi n'est pas une acceptation

aveugle et déraisonnable la science examine, mais elle n'est pas.


fondée premièrement sur le libre examen. La Révélation commande,
comme il convient à la dignité de la source d'où elle émane elle
établit son autorité en posant avant tout l'affirmation divine puis,
la possession du dogme une fois assurée par le magistère de l'Eglise,
la raison se sent placée sur un terrain solide; elle est délivrée d&
tout doute; elle n'a plus ni hésitation dans sa foi, ni crainte d'er-
reur. En possession de la foi, tranquille sur son autorité, sa valeur

intrinsèque et ses ressources, la raison se met en face des divins se-


crets, et
commence, sous l'oeil de l'Eglise, son, admirable labeur.
Mais, il faut bienle remarquer, pour cette entreprise, la raison ne se.
nlUtile point dans ses facultés et ne s'énerve point dans son essor au
eantraite, elle s'arme de toutes ses ressources, ellefait fond de toutes
–43!–

ses richesses; elle


emploie toutes ses facultés, purifiées, bénies et fé-
condées par la grâce; elle met en œuvre non seulement la mémoire,

l'intelligence et les perceptions diverses, mais l'âme, le cœur, la ten-

dresse, les facultés aimantes et mystiques, force d'intuition et de re-

cueillement, imagination même et enthousiasme, car toutes ses fa-


cultés sont des forces précieuses, faites pour se tourner vers Dieu et
ne pouvant trouver un meilleur emploi.
Loin de la gêner dans son travail d'investigation, la foi conduit
la raison, la presse, éclaire sa marche, lui découvre sans cesse des

aperçus nouveaux. La foi est un stimulant aux pieuses recherches


de l'intelligence de plus, par cela même qu'elle propose à l'intelli-

gence un objet infini de foi, mais un objet qu'il est permis de


sonder dans toutes ses profondeurs, elle l'excite, vu la tendance
native de l'esprit humain, vu sa nature curieuse et avide de con-

naissances, à creuser dans le dépôt des vérités de la foi, pour y


trouver les raisons de ses croyances. Ce travail est aussi bien con-
forme aux tendances naturelles de la raison qu'aux divines conve-
nances de la foi autant il s'accorde avec l'adhésion raisonnable

que l'autorité de la foi demande à l'intelligence, autant il est en


harmonie avec la structure de l'esprit humain et les inclinations
de nos facultés. Si faible que soit notre regard, c'est le regard d'un

esprit; notre œil a l'instinct de la lumière, dès qu'elle brille, il


s'ouvre pour l'observer sitôt qu'une doctrine lui est présentée,
quelque autorité qui la lui présente et quelque nécessaire que soit
son adhésion, le premier mouvement de notre intelligence est d'y

descendre, del'interroger, de chercher ces signes intrinsèques du


vrai qui donnent aux motifs extérieurs de crédibilité une si écla-
tante confimation et font goûter à l'âme de si douces jouissances.
C'est une loi de notre être, une loi que Dieu a faite, une loi à la-

quelle il a bien voulu se conformer, en nous demandant l'hommage


de notre foi, lorsqu'il nous appela du sein des ténèbres à l'admi-
rable lumière de la vie chrétienne.
Tout cela a été dit cent fois, mille fois par les docteurs de l'Eglise;
c'est l'évidence même. La théorie catholique des rapports harmo-
nieux de la raison et de la foi, dans l'étude dogme du
surnaturel,
est en germe dans les trésors de la révélation et de la tradition;
mais les éléments y étaient épars, enfouis et mêlés aux immenses
matériaux qu'avaient maniés les Pères dans leurs prédications et dans
les controverses. Il en arriva de ce point comme de tant d'autres,
compris implicitement dans les entrailles dudogme. Avec le temps
et le mouvement évolutif des idées, le travail et pro-*
par spontané
-44-

gressifde' la raison ~'Interrogeant en ses croyances, sous l'impulsion'


surtout des hérésies, qui ont toujours été dans l'Eglise un stimu-'
lant de profondes recherches, il se trouva mis en relief comme

un point, aujourd'hui capital, des principes catholiques. Ce sont les

scolastiques qui font tiré du sein de l'antiquité chrétienne.et formulé

théoriquement ces principes employés par les Pères, mais dispersés


dans leurs ouvrages. Ce beau concept de la théologie, les scolas-

tiques ne l'ont pas inventé ils l'ont tiré de la mine souterraine,


élaboré, édifié, mis au grand jour; mais leur théorie, qui est celle
de l'Eglise, préexistait dès le commencement. Elle est devenue
comme un traité de la méthode théologique, la règle des études sa-
crées, la base et la loi de la science, loi et règle en dehors de la-

quelle on n'étudie pas la religion sans s'écarter de sa notion juste,.


sans faiblir, s'égarer, et bientôt tomber dans l'erreur.
Depuis seize siècles, la raison évoluait sous les auspices de la foi,
<*t préparait à la théologie de nouvelles splendeurs, lorsque parut
Descartes. Luther l'avait précédé et Luther avait soumis à l'auto-
cratie de la raison les vérités révélées. Descartes, trouvant le libre-
examen en
possession, l'introduisit en philosophie par son doute
méthodique, qui est tout simplement la traduction philosophique
du protestantisme, le libre examen appliqué aux vérités naturelles,
l'émancipation de l'esprit humain privé de tout guide dans la re-
cherche de la vérité. D'autres, à la suite, introduiront bientôt en
politique la négation du droit de Dieu, de la royauté
de Jésus-
Christ, de l'union de l'Etat, de l'origine divine du pouvoir et de la
société, ils remplaceront toutes ces vérités et ces droits par le con-
trat social appliqué à l'ordre civil, politique et économique. et ce
sera-la Révolution. Grande hérésie, à laquelle aucune autre ne peut
être comparée, tant sa marche a été savante, son enseignement plein
de séduction, son extension formidable dans ses progrès. De nos
jours, elle semble achever sa course, en entassant les unes sur les.
atHres les dernières ruines de la chrétienté et en établissant der-
rière le rempart d'un ordre social antichrétien, le f~yer de son en-
seignement, le-dëpôt de ses forces, le centre des combats qu'elle doit
livrer à L'Eglise.
Or, cette logiqiue; terrible de.ladestruction, Descartes en a pris-
tous. les priNcipes. Descartes est.le Luther de la philosophie, et en
théologie, c'est Ha (îanbaldi avant !a lettre, le ravageur des domaines.
d~lascienee sacrée, sous des cauteleux et sous dfs appa-r
teaces de v~cs réserver. Il faut é~ablu- solidement cette amrma-i
<ipn..
–4~–
Le système de Descartes trois choses 1° La séparation
comprend
de la raison et de la foi 2° la raison réduite à la déduction logique;
mis au de de la raison déduc-
3° le doute méthodique point départ
tive
Avant de poser son système, Descartes, radical dans ses destruc-

tions, avait fait table rase. Le monde existe depuis six mille ans au

moins, et, six mille ans, il recherche la vérité; depuis seize


depuis
siècles, Jésus-Christ est venu au monde, et, l'assister dans la re-
pour
cherche de la vérité, il lui a donné
l'Evangile, un guide,
une lumière,

l'Eglise, un chef infaillible, le Pape. En présence de cette durée six


fois millénaire des recherches des philosophes et de la possession

historique du genre humain en présence de l'Evangile, de l'Eglise


et du Pape, Descartes se déclare sceptique il met cela de cô~é, pour
tout mire reposer sur lui-même. La bouche en coeur, il vous atteste

pieusement qu'avant lui, on n'a jamais eu ni certitude ni philoso-

phie, ni science, faute d'avoir découvert sa méthode. Descartes


couvre d'un immense mépris tout le passé et dédaigne particulière-
ment la Scolastique. Autant dire que la vérité est introuvable, car si
on l'a cherchée jusque-là inutilement, c'est se dire incapable de la
trouver. Prétention deux tois horrible, mais travers funeste, marque
du peu de valeur d'une théorie, puis porte ouverte à cette contagion
de mépris qui va soumersur la France. Toujours calme, Descartes
affiche la prétention de tonder, non pas une philosophie, mais la phi-

losophie, jusque-là inconnue aux hommes. Innovation suspecte de

charlatanisme, puis inauguration de cette manie moderne des chefs

d'école, qui, tous, veulent tout renverser, pour bâtir chacun son petit
système qu'on présente benoîtement comme la lumière des lumières,
l'autorité des autorités à elle seule, cette table rase suffit pour
juger Descartes et toute sa lignée de destructeurs révolutionnaires;
il n'est pas nécessaire d'examiner leur oeuvre; il suffit de retourner
conire eux la règle qu'ils ont taite; mais l'examen des œuvres con-
firme bien ce jugement.
Descartes brise la vieille union de la raison et de la foi, et pré-
pare ainsi la séparation de l'Eglise et de l'Etat, l'une fondée sur
l'élément rationnel, l'autre ayant en propre le surnaturel. Je n'exa-
minerai pas la question oiseuse de savoir si cette rupture est le fait
de Descartes seulement une ou le fait de ses dis-
posant hypothèse
ciples acceptant l'hypothèse comme principe. Il est incontestable que
le divorce de la science et de la foi n'a pas d'autre origine. Le nom
de Descartes est le drapeau du rationalisme et le synonyme de guerre,
non seulement contre la scolastique, mais contre La raison
l'Eglise.
~st~p~t'~[,të'~dev)ënt~étrangêr&au' Ch~o et bientôt une
~dssanGÊ afaïëepbar sadest~ or cette séparation, ne fût-elle
qu'une abstraction philosophique, serait d~Jà un système faux et
dangereux. Faux, car l'unioQ de la raison et de la foi, l'association de
leurs forces et de leurs ressources est le don de l'Evangile, une con-

quête précieuse à l'esprit


humain, la gloire de la phitosophie.
La
vérité n'a rien
à gagner à cette séparation, et si Dieu nous a donné
la foi qui éclaire tout, ce n'est pas pour que nous éclairions tout
en la répudiant. DoM~mMf, car il est funeste à l'homme de partager
son esprit et ses pensées en deux l'un voyant, l'autre ne voyant
pas la lumière divine de la foi: l'un raisonnant tout, d'après la
vérité révélée qu'il connaît, l'autre ne raisonnant rien et ne con-
naissant même pas son existence, que par sa pensée. Mais cette
séparation n'est pas et ne peut pas être une pure abstraction
d'école, c'est une réalité, une division, un schisme placé à l'origine
de nos connaissances, un antagonisme établi entre les puissances de
l'âme, une guerre psychologique qui aura son contre-coup dans
toutes les sphères de l'activité humaine. De cette séparation, il ne

faut pas un grand effort pour aboutir à la formule Le christianisme,


voilà l'ennemi 1
Je sais bien que Descartes a fait une réserve en faveur des vérités

religieuses, et qu'il défend à la raison de toucher l'arche sainte. Mais


cette exception insuffisante, qui met la foi de côté, comme chose
inutile à la raison, pouvait-elle rassurer l'Eglise ? D'abord la foi n'est

point etne peut pas être une inutilité, et pour la raison moins que pour
toute autre puissance. La foi n'est pas seulementutile, elle est néces-
saire, et la violer, c'est un crime contre Dieu et contre soi-même
c'est l'outrage la raison divine et le quasi suicide de la raison
humaine. En vain, vous m'assurez que la mise en réserve des vérités
religieuses a pour but de les faire respecter. Votre illusion ressemble à
cel!e des hommes politiques qui, bons chrétiens, en leur privé, et
libéraux dans la vie publique, croient pouvoir se couper en deux et
faire profession, de principes contradictoires, sans avoir à craindre que
l'indifférence ou l'athéisme de leur politique
puissent gêner jamais
ieurconscience personnelle. Vous me rappelez encore ces gouverne-
ments soi-disant honnêtes, mais libéraux, qui croient pouvoir conte-
nir la révolution sans tarir sa source et maintenir l'ordre en certaines
limites, malgré les assauts d'un radicalisme dont ils ne rejettent pas
,lës principes ~éyolutionnatres. La raison, dans cette hypothèse, reçoit
,~1'ordte~de rester da mais on sait com-
~iën.;peu~eH6;~tme~arde~cetlx-cOrtS)gne combien il lui est facile,
–47–

en ébranlant les vérités rationnelles, d'ébranler du htême coup les


vérités de la foi; comment elle peut atteindre même directement
certaines vérités qui appartiennent en même temps à l'ordre de rai-
son et à l'ordre
de foi, comme l'existence de Dieu et l'immortalité de
l'âme. La raison, « une fokagranchie de toutes les opinions reçues
auparavant en la créance », comme disait Descartes, c'est la raison

qui peut donner carrière à tous ses goûts extravagants, s'aventurer au


bout de tous les aléas et s<: briser sur tous les écueils. La raison si
variée, c'est aujourd'hui Descartes, demain Malebranche, puis Spi-
noza c'est Locke, Condillac, Helvétius et tout le troupeau de co-

chonsencyclopédiques, c'est Kant, Fichte, Hége), Schelling, Scho-


penhauer, Metsche, Comte, Renan, Marx, Bakounine, tout ie
ramas des nihilistes. En séparant la raison de la foi, Descartes a
réellement, comme
Luther, ouvert le puits de l'abîme.
Luther, impie placé aux antipodes de Descartes, puisqu'il obligeait
la raison à s'astreindre aux textes des divines Ecritures, Luther com-
pare la raison séparée à un paysan ivre, monté sur un âne et à une
lanterne qu'on éclaire en y mettant de la m. Le mot n'est pas
propre, mais c'est le mot propre de Luther.
Descartes ne se contente par de séparer, de la foi, la pauvre raison,
il veut encore la dépouiller et la mutiler.
Dans son système, il faut répudier toute vérité, même certaine,
découverte jusque-là; il faut rejeter tout
l'acquis de l'esprit humain
comme un préjugé ou une entrave il faut éliminer, non pas seule-
ment les faits et les vérités de la révélation, mais tous les éléments
venus du dehors, comme suspects de déranger les opérations de
l'esprit; il faut traiter comme absolument inconnu tout ce dont la
négation n'implique pas la négation de la pensée, et ne s'arrêter, dans
son travail de destruction, que devant la pensée même, comme étant
le seul fait que le doute ne peut pas toucher. De là, vous repartez,
sans autre guide que la raison individuelle ainsi dévalisée, pour
reconstruire l'édifice de vos connaissances, selon les règles de la
nécessité logique.
L'esprit ainsi dépouillé et mis nu comme ver, Descartes le
mutile. L'âme a de beaux élans, de magnifiques aspirations, dont
l'objet ne lui apparaît pas toujours clairement, mais elle trouve en
elle un procédé d'induction et de recherches ascendantes qui
l'amènent aux plus splendides conquêtes de la pensée. Le procédé
inductif est, pour l'homme, le procédé ordinaire, le plus facile
et le plus fécond, pour parvenir à la connaissance. Descartes
le rejette il rejette en même temps ces belles lumières qui
~4~-

~satliGiteHtd'eh Mct.3'y et les puissances natareties

quiveulenty tscnter. Vous ngutez-vous l'esprit humain, entouré de


ruines, n'ayant plus, à la base de l'ëdiSce, que le phénomène de sa
pensée, obligé de reconstruire, sans plan, sans indication d'aucune
sorte, sans guide que son instinct confus, l'édince démoLi de la
science ? <: Vous le figurez-vous, demande
le P. Aubry, non plus
se)dpmeBt'dépouiHé de la foi, mais .mutilé
de ces grandes forces
Le simple bon sens, qui est encore plus essentiel à la philosophie que
le raisonnement en forme ne remplace pas les moyens extérieurs
de perception, dont il naît armé l'observation morale et le senti-
ment intime l'intuition qui va souvent plus vite et plus sûrement
que tout le reste. Le voyez-vous condamné au syllogisme perpétuel
sans repos, parqué dans cette méditation aride et désespérante, qui
déduit, qui déduit toujours, qui n'admet rien. sinon ce qui sort de
la fontaine déductive, qui tire ses syllogismes l'un de l'autre, jusqu'à
extinction; enfin, entreprenant d'échelonner, comme une série de
ehiSres. 'au moyen de cette logique étroite et fragile, la filière de rai-
sonnements qui doit composer, toute sur une seule ligne, la chaîne
dessciences ? Philosophie algébrique, sans horizon, sans charmes,
sans essor, exposëe d'abord à dessécher l'esprit, en faisant de lui une
machine à calculs et en tarissant les plus nobles facultés ensuite à
faire fausse route pour peu
qu'un grain de poussière entre dans
l'engrenage de ses syllogismes et produise, dans leur fonctionnement,
cette multiplication d'erreurs, qu'une erreur de quelques centimes

produit quelquefois dans les comptes compliqués. La philosophie


doit raisonner et déduire, mais elle n'est pas une science exacte,
dans le sens restreint de ce mot, il y a chez elle autre chose qu'une
somme de vérités mathématiques en une suite de déductions en
forme* ?
Nos grands docteurs étaient sans doute des hommes de raisonne-
ment ils savaient user du syllogisme, mais sans dévaliser la raison,
sans la mutiler, saris la réduire à l'é'tat de puissance nue. Avant
tout, ils savaient user du bon sens et non pas se réduire à ces extré-
mités intirmes, où le paralogisme est un état et le sophisme un
motif présuméd'orgueil. Descartes lui-même s'est démenti ses livres
ne sont pas si argumentateurs qu'il le prétend, et il chevauche sou-
vent sur des montu!'e&qu'tl a mises à la réforme- Contradiction à

part, la seule raison déductive ne suffit pas à un si gros travail.


Après av~irfatttaMerase,~& ~n7~cs pas si facile qu'on le suppose, sans

~~Mt~~M~Mf~B~M~E~~ 1"' p 66.


49

autre de retrouver, le seul rMSûamemcnt,;


que soi-même,
guide par
toutesles vérités pour les établir, il n'est pas si facile de retrouver

son chemin, d'éviter les précipices et de marcher droit sans se

laisser prendre à aucune déduction. Et si la raison, au bout d'un

s'avisait de prétendre qu'il n'y a ni Dieu, ni âme, ni


syllogisme,
institutions, ni Eglise, comment
pourrions-nous la détromper. Du
moment qu'elle n'a de guide qu'elle-même, en cas d'erreur, je ne
vois pas moyen de la ramener à résipiscence. L'erreur, 1 esprit hu-
main étant donné seul, est fatale etla correction impossible.
Descartes prévuavait
le péril, et pour n'en pas encourir la res-
il n'admet comme disciples que les intelligences supé-
ponsabilité,
rieures, il bannit de son troupeau les gens incapable'; de « mettre
ordre en leurs pensées Cette précaution excuse d'abord l'insuffi-
sance du système, bon seulement pour les hommes d'élite, dit-on
ensuite, elle ne l'excuse d'imprudence. Les intelligences fortes
pas
sont toujours faibles par quelque endroit, et les intelligences faibles
ne renoncent pas du tout à man'er les armes des forts. Existât-il une

catégorie à part d'intelligences, capables dephilosopher, aucune

figure ne permet de les reconnaître et quand encore on pourrait


délimiter la frontière qui nous sépare du commun, il serait impos-
sible de la faire respecter. Les infirmes sont lesplus présomp-
plus
tueux les plus aveugles affichent le plus d'audace. Ah l'Eglise est

plus simple, plus sage; elle n'admet pas ces divisions de castes et
ces méthodes de privilèges à la vérité, elle n'appelle pas tout le
monde à la haute science, mais elle ne l'interdit à personne Uni-

.~<«jW secundum neensurana donationis Christi (-E~ IV, y).


Le pire, c'est que Descartes met, à la base de son système, le
doute. A son école, l'édifice de nos connaissances doit reposer sur
la raison personnelle, comme la religion, à l'école de Luther, doit

reposer sur le libre examen. L'esprit humain, cette lumière si fra-

gile et si tardive, que les enfants ne


qu'en rudiment, que possèdent
perdent beaucoup de vieillards, qui est fausse ou faible trop sou-
vent chez les adultes, ne voit briller avec éclat que par excep-
qu'on
tion, voilà ia
pierre fondamentale de l'édifice. Sur cette pierre, on

répand un acide à cette racine on attache un ver rongeur le doute.


H est difficile de multiplier davantage les causes de perdition.

Je ne demande pas à Descartes comment, ce doute posé, il peut


en sortir; je ne lui demande au lieu d'afSr'ner sa
pas comment,
pensée comme cause de tout, il ne doute pas de sa pensée, comme
-d'une vision il ne la confond
fugitive; pourquoi pas avec le rêve;
ni, par quel artifice, à supposer qu'il se convainque, il peut relier,
2P 1

avec certitude, la pensée aux réalités du monde extérieur. Je le vois


perdu dans ses pensées, assailli par les lumières qui montent de tous
les abîmes, incertain sur la voie à suivre, peu capable de s'orienter
dans le désert où il a tout détruit. « Avec la raison seule, dit saint
Thomas, un petit nombre, par beaucoup de travail et avec
grand
danger d'erreur, peuvent parvenir à la plénitude de la raison. Que
sera-ce si le Minotaure du doute s'élève de l'océan tumultueux des

pensées humaines et poursuit, à travers les flots de la pensée, la


vérité et la justice ?
Sans vous embarrasser ici dans les discussions philosophiques,
n'est-il pas vrai que le doute est une maladie mortelle, et, si elle
laisse quelque force, n'en fera-t-elle
pas une arme terrible? Dans
l'esprit humain, affaibli et troublé par la prévarication, le doute est
un poison qu'on ne verse pas impunément; une fois bu, il travaille
d'une manière latente et continue, rien ne peut l'arrêter. Intro-
duire dans l'éducation de l'homme, et à la base, ce venin corrosif;
faire boire à l'esprit humain cette liqueur empoisonnée jeter dans
le milieu inflammable de la société cette étincelle, et prétendre
qu'on évitera
l'empoisonnement et l'incendie, cela est impossible.
L'esprit humain est logique et le poison est insinuant. Le doute est
plus dangereux que la négation. Une fois admis, il s'attache à nos
facultés comme un second péché originel, il vicie leurs opérations
et pousse les âmes vers le scepticisme, que le christianisme avait tué
depuis seize siècles. Descartes l'exhume du cimetière de l'oubli et le
préconise comme le premier principe de la restauration intellectuelle.
C'est le branle-bas de la révolution.
Fénelon prétend que le doute de Descartes se retrouve dans
saint Augustin; d'autres croient l'avoir vu dans saint Anselme et plus
certainement dans saint Thomas. C'est une grande erreur. Pour éta-
blir la vérité avec clarté et certitude, les Pères ont admis quelquefois,
par hypothèse, un doute fictif; mais ils n'en faisaient ni un prin-

cipe, ni un système. D'abord, ils affirmaient hautement 1,'autorité


du Dieu révélateur ils prouvaient fortement sa certitude puis, par
manière d'argument ad hominem, ils allaient chercher l'adversaire sur
le terrain rationnel, et s'efforçaient de le vaincre par les forces de la
raison après quoi, ils rentraient
sur le terrain de la foi. Le doute,
chez eux, était un argument secondaire, non la base des travaux de
l'esprit. Depuis, les scolastiques commencent exposition, leur
par
l'objection mais personne n6 se trompe à cette forme dubitative
c'est de purefprme, le fond estafHrmatif, tanqudyn potestatem &<:&M.f.
Entre les Pères~les Scolastiques et Descartes, il y a un abîme.
Le doute de Descartes est le principe premier de !s
méthodique
science; il est une loi de la pensée; il doit donc devenir une habi-
tude d'esprit, et, par la force des choses, bientôt une passion. Le

propre de la passion est de dévorer. Une fuis lâchée, cette furie ne


s'arrêtera plus. Le doute méthodique devient le doute réel, le doute

radical, le doute violemment destructeur, et il ne faut pas être un


grand logicien pour déduire du .fMM, toutes les horreurs
Cogito, ergo
de la spéculation et de l'action.
En résumé, le système de Descartes est absurde et contre na-

ture il est et antichrétien c'est ie


antiphilosophique principe
du retour aux confusions et aux mauvaises moeurs du paganisme.
Et pourtant, le second tondateur de Saint-Sulpice, Emery, a publié
le Christianisme de Descartes; il fait, du philosophe, un des grands *s
hommes, un Père de l'Eglise. Que Descartes ait été chrétien
presque
en son privé, je le crois; qu'il ait cru l'être dans sa philosophie,
c'est mais la reli-
possible; qu'il l'ait été, non. Descartes a défendu

gion comme elle ne doit pas l'être il l'a défendue, comme on la


défend pour la trahir. Descartes ne doit pas figurer dans le cortège
des grands hommes à
qui font honneur à l'Eglise; dans son passage
travers les temps, Descartes est l'un des grands hérésiarques des

temps modernes sa définitive est entre Luther et Pascal; il


place
est le précurseur du et de la révolution.
gallicanisme
Blaise Pascal est, comme Descartes, un esprit d'une immense

portée, mais faible sur le Descartes exalte la raison, Pascal


principe.
l'anéantit. Tandis Descartes, le doute, représente
que procédant par
le travail d'émancipation rationaliste; Pascal, plus chrétien de fait,
mais plus de tendance, le travail de rétrécisse-
hérétique représente
ment, d'aveuglement et d'empoisonnement de l'étude des vérités
révélées. Lui, si bien fait pour comprendre largement et décrire

puissamment les harmonies de la raison et de la foi, il déclare que


toute la philosophie ne vaut de peine; il dit que
pas un quart d'heure

pour croire il faut s'abêtir; il enferme humain dans cette


l'esprit
maxime subversive de la foi Croire parce que c'est le plus sûr. C'est

leCfM~~KMoAfM/de saint Augustin, mais dans un sens faux


et sot, qu'on nous jette souvent à la face et qu'il autorise à nous
attribuer. Toute la philosophie consiste à fermer les
yeux et à se

précipiter, les yeux fermés, dans le gouffre. La théologie n'est plus


la foi humble; mais confiante, dans un mystère mais
inexplicable,
prouvé c'est l'ignorance érigée en c'est la foi
principe, aveugle,
rejetant toute explication et fuyant l'intelligence. L'esprit humain
est parqué dans la formule du d'en
dogme, avec défense sortir. Aù-
)=

trefois, on parlait des lumières de la foi parle des <<f-


maintenant on
M~M ~~Ot, qui couvrent une des erreurs les plus.
mots étranges,
et les plus injurieuses bien pardon
détestables Dieu. J'en demande
à ces novateurs il n'y a pas de ténèbres dans La révé-
l'Evangile.
lation elle n'a
que Dieu nous a faite n'est pas un Apocalypse:; pas-
pour but d'ajouter à notre ignorance, mais de la diminuer. Dieu ne-
nous sans doute Ciel a ses réserves; mais s'il
a pas tout révélé: le
nous humilie en des secrets, il nous console en nous révé-
gardant
lant les mystères, et le mystère lui-même est une source de lumière.
Chose curieuse 1 Les imposaient un frein à la
scolastiques qui
raison et la soumettaient à l'autorité, ont fait un grand usage de la
raison: A
partir de Descartes, soit qu'on l'exalte, soit qu'on la dé-

précie, par une alliance inexplicable entre Pascal et Descartes, on ne


lui donne plus raison; on la rend stérile, même en philosophie,
sous prétexte et que le mérite consiste
que le dogme est mystérieux
à croire sans on ne sa toi, en
comprendre; plus à éclairer
cherche
étudiant les raisons et la structure intérieure du dogme, ses harmo-
nies avec l'ordre naturel, ses rapports avec l'ordre surnaturel. Le-

théologien constate le fait de la révélation, prouve l'existence du

dogme, repousse les objections d'efFnyer la foi mais s'in-


capables
terdit toute contemplation comme avec la nature du
incompatible
mystère. Adieu, cette alliance féconde de la rai:on et de la foi,
qui
réunissait en un seul faisceau la double lumière dela sagesse divine
et de la sagesse humaine. Adieu, ce travail si si pieux,
grand, qui
appliquait toutes les facultés de l'âme à la recherche des raisons
divines du dogme. Adieu, ce don et ce besoin d'aller toujours au
fond de l'idée dogmatique, qui est le don même de l'intelligence.
cette méditation savante
Adieu, qui descendait au fond des mystères.

Adieu, ce bel épanouissement de la science débarrassée dès-


qui,
formules et des définitions, en suaves et s'ouvrait
s'épanchait prières
en fleurs Adieu, ce splendide qui, étudiant
mystiques. symbolisme
les paroles de Dieu dans la révélation, ses oeuvres dans le monde,
sa marche dans la vie des hommes, ses desseins dans l'histoire,.
voyait partout une expression des choses divines, une traduction du
plan de Dieu. Désormais, il n'y a plus ni intuition, ni contempla-
tion, ni symbolisme la théologie est un recueil de déSnitions et de
notes qu'il faut prendre telles quelles; la révélation est une formule

qui nous a été imposée sèchement, qu'il faut accepter sèchement et


SaHscômmentaHl'es. Le salut est-ce prix.
BeseartesetPàscal ont tous deux et falsifié la notion)
corrompu
de la foi Descartes par défaut, Pascal excès, non excès de-
par par
53

foi, mais par excès de défiance envers la raison, comme Descartes.


avait péché ont travaillé, sans le
par excès de confiance. Tous deux
savoir et sans le vouloir, à inaugurer cet état intellectuel dont nous

sommes les victimes. Tous deux ont préparé la déchristianisation.

par l'intelligence, et voilà de quoi nous avons à revenir. ou nous


en mourrons.
Ce qui ce c'est que le clergé
étonne, qui confond l'intelligence,
français, pendant plus de deux siècles, ait ouvert'à ces hommes les

portes de l'enseignement qu'il se soit pour ainsi dire livré pieds et

poings liés, à Descartes dont le Saint-Siège a condamné l'esprit et

les qu'il ait fait entrer ses idées et ra méthode dans le


principes;
sanctuaire des études sacerdotales, à la place des idées des saints
Pères et des grands docteurs du Moyen Age. N'était-ce pas encou-

rager l'auteur du Discours de la Méthode dans la démolition de la

philosophie chrétienne a tant vilipendée, les uns par légèreté.


qu'on
faute de la connaître, les autres, par malice, parce qu'ils compre-
naient trop bien que c'était la vraie philosophie?
Après Descartes et Pascal, il faut se prendre à Bossuet. Ce n'est

pas sans crainte; mais grand que soit un homme, s'il a


quelque
péché contre Dieu et contre son Eglise, le respect qu'on doit à son

génie n'empêche pas d'en réprouver les erreurs. Bossuet est grande
cela est hors de doute ce n'est pas seulement le premier des écri-
vains français, c'est un docteur, un évêque, un écho des prophètes,
un porteur de toutes les majestés sacerdotales. Je ne me pardonnerais
pas d'être injuste envers un tel
homme. Je un l'ai écouté comme
Père de l'Eglise je l'ai admiré comme un héros de Corneille, et, à.
l'âge où me voilà parvenu, j'ai encore à me défendre contre son
charme. Faut-il le dire ? Le Bossuet des sermons, le Bossuet de
l'Histoire des variations, le Bossuet du Discours sur l'Histoire univer-

.M/ le grand Bossuet n'est pas en cause ici. Mais ce serait manquer
à l'honneur et à la vérité; de ne
que pas contesser les torts de ce

grand homme. Le lendemain du jour où il avait reçu gratuitement


du Saint-Siège les bulles lui, le dictateur du savoir et de
d'évêque,
l'éloquence, il se fait le complaisant d'un et le se-
despote sacrilège
crétaire d'un conciliabule d'évêques courtisans. Ce n'est plus Rome
qui gouverne l'Eglise c'est Saint-Germain-eri-Laye. Louis XIV
est infaillible; Bossuet est infaillible; Innocent XI ne l'est c'est
pas
un-pauvre vieillard qui ne sait plus bien ce qu'il fait, et si on le

complimente sur ses vertus, on de ne le


regrette pouvoir compli-
menter sur ses lumières. Si un évêque faisait aujourd'hui ce qu'a
fait Bossuet, les impies eux-mêmes en seraient de stupéfac-
frappés
)4

tion. Le monde alors se leva pour la défense du Saint-Siège, et le


bon sens de Louis XIV l'emporta sur la servilité des évoques.
Bossuet, le reste de sa vie, s'occupa de justifier ce que Rome avait
condamné, de frapper ce qu'elle ne condamnait pas, de recondamner
ce qui avait été déjà condamné par le Saint-Siège, comme si son
anathème avait besoin, pour valoir, d'être confirmé par quelques
evêques des environs de Paris. Bossuet délibéra par écrit avec le roi,
pour savoir s'il ne
pas brû)er en place de Grève l'ouvrage
fallait
d'un évêque honoré de deux brefs de pape. Bossuet a préparé ces
malheurs par son silence en chaire, en face des premiers adultères de
Louis XIV, et par son enseignement au Dauphin, tout rempli de
flatteries pour le roi, tout semé d'aigreurs contre les papes. Bossuet,
jusqu'à la mort, a tenu à ses aberrations, en approuvant des doc-
trines et surtout en propageant des tendances, que va atteindre la

plus solennelle condamnation du Saint-Siège. Tout le poids à peu


près de la bulle Unigenitus porte sur Bossuet.
Ses oeuvres posthumes
alimenteront l'opposition contre l'Eglise. La Défense de la Déclara-
tion réjouira toute l'Europe de la régence. Bossuet n'a pas su com-

prendre que le droit de l'Eglise, non moins que sa grâce, a chris-


tianisé l'Europe, établi le respect de la propriété, du mariage, de la
famille et de la religion. Si nous valons quelque chose, il n'est pas
douteux que nous le devons à la correction par le pape de notre en-
fance sociale, Bossuet le contredit et relève le type augustal des
Césars.
Descartes et Pascal avaient altéré l'harmonie de la raison et de la
foi, Bossuet a rompu l'accord entre l'Etat et l'Eglise les premiers
avaient mis le désordre dans les écoles, le dernier l'a mis dans les
institutions. Pendant tout le xvm" siècle, on ne verra plus de
Bossuet que le gallicanisme, je veux dire la révolte. Les royaumes
catholiques se soulèveront les uns après les autres sous son drapeau
et le synode de Pistoie édifiera, sur ses doctrines, le premier des-
sein de la Constitution civile du clergé. Pour en découvrir tout le
~enin, il faudra voir fermer tous les temples du Dieu vivant, et ou-
vrir tous les antres de l'ordure et du crime. Plus tard, il faudra que
ta religion soit rétablie en France sur les débris des quatre articles
de 1682, pour montrer qu'ils l'avaient renversée. Mais ils renaîtront
~vecles luttes coi&tr~ elle; ils seront toujours mis en avant par la
~ûlitique malvëtlIattte~M~t~ quand on veut ou-
tragea à Berlin, à Sàint-Pétérsbôurg vu à Rio-Janeiro,
.~siL~~ë~d~~ossaB .qü'on.f l'out sur la joue

,ËgîtS$~~pp~stiet~~V~ d~ quoi aucutï catholique hon-


–55

néte ne le louer; voilà de tout bon Français doit le'


peut quoi
plaindre.
Descartes, Pascal et Bossuet, voilà trois grands hommes dont l'in-
fluence funeste a fait dévier théologique de nos
l'enseignement
écoles. Pour clore dignement cet article, il faut étudier par quelle
série de
dégradations ces hommes ont réduit la France à mourir de
faim Parvuli ~MK~a~M non erat qui frangeret eis.
Le premier point à noter, c'est que toutes ces nouvelles méthodes
sont des méthodes combat, de
des armes pour la polémique. Ce
n'est la foi qui cherche c'est la foi qui saisit le
plus l'intelligence,
bouclier et l'épée, se défendre contre l'assaut du protestan-
pour
tisme.
Le protestantisme avait nié les bases historiques du Christianisme.

-Impuissant à attaquer sur le terrain de la doctrine, il avait


l'Eglise
pouvoir la vaincre sur le terrain de l'histoire. Pour lui ré-
présumé
il fallait le suivre dans la lice choisie l'adversaire, et
pondre, par
montrer que l'Evangile ne se
justifie pas seulement par la philoso-
phie et la théologie, mais que les faits aussi lui rendent hommage.
Ce fut donc, pendant deux siècles, le principal souci des docteurs

d'approfondir la théologie
positive et de compléter, par les raisons

externes, l'étude intérieure du dogme. L'enquête historique, que


les hérétiques avaient demandée, tourna contre eux. Un précieux
élément de démonstration, réservé par la Providence pour des temps

agités, fut mis en pleine lumière. L'argument de tradition prit toute


son extension et recouvra toute sa valeur. Ce nouveau progrès ne

put s'accomplir qu'à deux conditions. En fouillant chré-


l'antiquité
tienne avec une intention malveillante, les novateurs avaient invo-

qué les faits à l'appui de leur il fallait, une sévère


conspiration par
critique, montrer que les faits n'autorisaient pas les allégations fausses
et rendaient à la vérité un décisif Ensuite les novateurs
témoignage.
s'étaient mis en grands frais de subtilités, pour entamer les argu-
ments des défenseurs de l'Eglise il fallait, pour leur répondre vic-
torieusement, limer l'expression, préciser la formule, incruster le

dogme dans un style de fer, inaccessible à l'équivoque, imperméable


à l'objection. Ce double travail reçut son couronnement dans les
admirables décrets du concile de Trente.
Le
grand tort de Descartes, de Pascal et de Bossuet n'est pas
d'avoir maintenu la théologie dans ces justes voies; mais d'avoir
abandonné la méthode contemplative de la scolastique, pour con-
finer les écoles dans les thèses de combat.
Cette confusion néfaste se traduit le mépris et
théoriquement par
~C:~

haine de 4a seolasdqae, pratiquement par l'abandon des -grands


'doEteurs, de leurs livres et de leurs méthodes. Les grands littérateurs

daxW siècle mëprisèfeNt mus les maîtres de la science théoliO-

gique. Une assembliée du temps frappe Suarez et Cornelius à Lapide


Bossuet, qui ga&te saint Augustin et saint Thotnas, censure amè-
Tement de Lugo et plusieurs scolastiques éminents avec l'école

théologique de Paris, il lui préfère Gerson, Pierre d'ADIy et Henri


de Gand et H ne trouve pas de plus grand éloge à faire de Nicolas
Cornet que de le comparer à ces trois théologiens. A l'assemblée
de 1700,l'évêque de Meaux condamne mollement le jansénisme;

pour attaquer l'infaillibilité dans les faits dogmatiques, il Justine des


auteurs blâmables en retour, sous le nom de casuistes, il condamne
Molina, Suarez, Lugo, Lessius, Cornelius à Lapide et plusieurs
autres de grand renom dans l'enseignement. On est peiné d'entendre
-ce prélat s'exprimer ainsi sur des hommes dr at le temps et l'usage
-des écoles ont prouvé la valeur. Ce mépris de la scolastique est le

signe d'une révolution intellectuelle.


La polémique admise, non
pas comme exercice ou comme devoir
d'occasion, mais comme méthode permanente, c'est une autre révo-
lution. Le théologien qui réfute, porte en lui toutes les dissipations
antérieures il peut habiter une solitude, il n'a pas l'esprit en paix;
il est obligé de descendre de la montagne de la vision pour se me-
surer dans
la plaine avec un philistin. L'erreur, pour n'être pas
écrasée par l'éclat de la vérité, la voile, la rapetisse, l'envisage par
ses petits côtés pour la combattre, le théologien est obligé de s'as-
treindre à ses petitesses et doit craindre, en les subissant comme
nécessités, de les
accepter comme habitudes. Une fois sur cette
pente, on se laisse aller aux objections, aux habitudes de chicanes
imeHeetue~s. Cette défense extérieure empêche de se nourrir pro-
ibndément de la vérité. Sans doute on ne réfute bien qu'avec
science; mais, dans ces pugilats de l'esprit, on prévaut moins faci-
lement par la doctrine élevée que par les procédés intérieurs, les
personnalités, l'iconie, le trait. Il y a H un danger certain. D'abord,
ce n'est pins la méthode propre de la rhéologie, ni le premier be-
soin de l'Eglise. L'Eglise n'est pas argumentatrice de sa nature sa
mission est étrangère à toute idée contentieuse. Son devoir est bien
de cctmbattrei'efreuf, mais en pénétrant les peuples des grâces de
l'Ewa.ngSe.'Or, la foi est une cfoyanee paf amour, et l'amour ne
<HspSte paSe pom' teSter dans son )'ôïe< le théologien doit se ptéoc-
cuper;d~abo~d de l'ouvre d~mimst&M l'édificatiùn du corps du
~t:îst, ~mmo~ et o@n se trop préoccuper des attaques
–!7–

du dehors. Ce procédé, plus conforme à la dignité de b thécl~Sr


est aussi plus propre à toucher les âmes. La théologie n'a donc rien
de mieux à faire que d'exposer la vérité catholique dans la majes~
tueuse ampleut de son unité et dans l'admirable variété de ses de-'
faits. Quant aux mille formes imaginables du faux, s'il est bon de
les démasquer, il est aussi habile de leur laisser le soin de se dé-
truire. L'enseignement classique, matière de l'éducation sacerdotale~
a donc plus à préparer le prêtre au ministère consolant de la vérité

qu'à la lutte contre l'erreur. Pour la lutte contre l'erreur, le plus.


fort, c'est encore l'homme de doctrine. A tous les points de vue
donc, le labeur premier du sacerdoce est de réserver, à la vérité, le
meilleur de son élude. à l'exclusion même de toute controverse,
dont le souci
prendra toujours de place assez
dans la vie. L'expé-
rience de nos revers devrait, au besoin, nous confirmer dans ces
convictions. La victoire qui doit triompher du monde, c'est la foi.
Au lieu de se tenir à ses principes, les modernes docteurs mul-
tiplient les systèmes pour défendre la foi. Au lieu de tenir à la pos-
session séculaire, d'arguer de son droit divin et de verser, sur
d'obscurs blasphémateurs, des torrents de lumière, ils acceptent, au.
moins par hypothèse, l'accusaticn et se réduisent au rôle d'avocats.
Leurs systèmes de défense
peuvent se ramener à quatre chefs. La
première de leur
invention, c'est de présenter la foi comme une dé-
duction de /a fOMOK et de montrer le christianisme comme un ~o~r~
naturel de la philosophie. On flatte
l'orgueil, pour obtenir la sou-
mission dans la réalité, on exalte la raison au lien de la fortifier par
la foi. Parmi les grands hommes du xvu" siècle, avec leur christia-
nisme raisonnable, il y en a peu sans reproches graves, même sous
le rapport de la science. Le faux est installé partout gallicanisme,
jansénisme, quiétisfne, rationalisme, déisme, athéisme, scepticisme,
panthéisme, paganisme. Rien d'étonnant que ce grand siècle ait en-
fanté si vite la pourriture du siècle suivant et préparé de loin les
destructions révolutionnaires la raison, engendrant la foi, n'a pro-
duit que des convictions nulles; les erreurs ruinent l'esprit tbéolo-
gique, énervent le sang qui avait couru dans les veines de la France
et formé son fier tempérament.
Le second procédé d'innovation, c'est
la pente aux concessions de-
principes. Entre la doctrine et l'objection, il n'y a pas de certitude
acquise, pas de fixité dans les esprits, mais le doute. La déduction,
par le circuit de ses raisonnements, n'est pas tellement évidente,
qu'elle.aboutisse dans tous les esprits, à des conclusions identiques.
C'est le règne des maK«~ M~. De là, anarchie des idées et dé-
0
S8

§arroi .des intelligences. Pour se faire une mine de personnage, on


vient la diminution de la vérité, par bonne grâce, dit-on. Les
concessions réciproques sont la marque du savoir-vivre et. l'écueil
de la conscience.
Le troisième procédé, c'est de plaider, pour l'Eglise, les circons-
~<Mc&fatténuantes. On rougit de son passé, on regrette son intran-

sigeance et ses salutaires rigueurs, on veut au siècle. l'accommoder


Pour emboîter le pas du progrès moderne, il faut se débarrasser des

principes de la stricte orthodoxie. De là ces abandons, ces reculs,


ces justifications par un faux supposé, qui font passer des mons-
truosités à l'état d'axiômes. Bossuet, Fénelon et tant d'autres ont
fait fléchir les vieilles maximes et l'on est venu à prendre en pitié
les siècles les plus chrétiens de l'histoire. Le système de Descartes est
la théorie qui colore, d'un faux vernis, toutes ces trahisons.
La dernière conséquence du système, c'est l'affaiblissement de l'au-
torité doctrinale de l'Eglise, notion essentielle dans l'ordre de foi.
Descartes n'admet comme certaine que sa propre pensée l'Eglise
impose une somme de vérités qui n'admettent pas de doute son
autorité forme donc obstacle. On ne la rejette pas délibérément,
mais on la laisse à l'écart. L'autorité de son enseignement est rem-
placée par une série de petits raisonnements, sans lien logique, sans
unité, sans force, parce qu'ils ne reposent pas, en dernière analyse,
sur l'autorité de l'Eglise enseignante.
La méthode scolastique écartée, la polémique admise comme règle
permanente, ces divers systèmes d'apologie inventés pour les besoins
de ta cause, on est arrivé à ce type d'étude que je dénonce comme
une cause de ruine pour l'intelligence sacerdotale et un élément de
décomposition pour notre malheureuse patrie.
On a coupe la grande doctrine de l'Eglise en sept ou huit gros
morceaux on a découpé chaque bloc en morceaux plus petits qu'on
appelle traités on a découpé encore les traités en petites proposi-
tions séparées, et prouvé chaque proposition par trois genres de
preuves: preuves d'Ecriture sainte, preuves de tradition, preuves
de raison. Chaque preuve se fait par des textes séparés, alignés
tels quels, comme arguments péremptoires, mais sans recours
aux sources, ni intelligence de ses moyens de preuves; la preuve
de raison résulte dela réponse aux objections. La théologie de-
v~Mt ainsi une science de défaits matériels; e:le ne quitte pas le
terrain aride de la déduction cartésienne et démontre par des
sitaMOBS que coordonnent des chiffres. L'enseignement théologique
Jt'a. donc plus qu'a' faire provision de textes des textes, rien que
!9

des textes, classés non pas selon l'idée qu'ils expriment réellement,
mais d'après leur provenance et, selon le témoignage qu on en veut
tirer. En tête de cette macédoine, vous mettez, même desséchée, la
formule non à comprendre, mais à prouver, et
dogmatique, pas
vous avez une thèse en règle, selon le programme. Point d'origina-
lité,point de recherches, point d'étude propre et approfondie, pas
même de pensée personnelle. Un travail de copiste et des exercices
de mémoire et c'est tout. La mémoire d'un perroquet peut faire de
vous le saint Thomas du nouveau régime.
L'abbé de Lamennais caractérise aussi cet enseignement qu'il pré-
sente comme très hostile au Saint-Siège, et cette méthode qu'il dit

source d'erreur très féconde et très dangereuse « Où prend-on, au

commencement, dit-il, les premières notions de théologie? Dans


l'Ecriture? Dans les monuments de la tradition? Nullement: en

effet, cette route, à cause de sa longueur, serais


impraticable. Un
met entre les mains des élèves des cahiers, où les ques-
professeur
tions les plus délicates, décidées hardiment suivant les opinions de

l'auteur, sont présentées de la manière la plus propre à justifier ces


mêmes opinions. Des citations abrégées, dégagées du contexte,
forment le corps des preuves, et, à leur suite, marchent en triomphe
des conclusions facilement déduites des
prémisses. Nulles vues gé-

nérales, nul enchaînement, nul ensemble rien de cequi attache


vivement l'esprit, le nourrit, l'avertit de ses forces et lui donne le
désir de les éprouver. Après un cours de cette espèce, on peut sa-
voir des thèses, mais on ne connaît qu'imparfaitement la religion.
On s'est joué sur les surfaces, au lieu de pénétrer dans les profon-
deurs du Christianisme et de creuser, si l'on peut ainsi dire, dans
ses entrailles. Qu'arrive-t-il cependant ? Que les préjugés d'un ou
de hommes, adoptés de confiance, deviennent ou
quelques plus
moins vite les préjugés d'une école, quelquefois les préjugés de toute
une Eglise. Et ce qui semblerait devoir être un remède à ce mal,
l'aggrave au contraire presque toujours car, lorsque, dans la suite,

peu satisfait de cette maigre et stérile science qui s'acquiert sur les
bancs, on commence à se livrer à des recherches plus approfondies,
on porte, dans l'étude de l'antiquité, des préjugés arrêtés d'avance,
parce que, ne se défiant pas de leur vérité, au lieu d'examiner ses

principes sur la tradition, on accommode la tradition à ces prin-


cipes. » En preuve, Lamennais eût pu citer Bossuet écorchant la
tradition pour les quatre
justifier articles il cite seulement Fleury
que ses préjugés gallicans conduisent à des réticences insidieuses, à
des altérations de textes, à toutes les fautes qu'on lui a justement
l'enseignement de Sainte ?
TSpMchées.FleutycQttfesselui-înêmequë
SuIpicÈ l'avait jeté < daas tous les préjugés contraires à l'autorité du

Sâint-SiÈge'M.
Lacordaire caractérise de même cette méthode t Depuis des
siècles que les écoles catholiques ont abandonné la Somme au
lieu de l'éclaircir et de la compléter, elles ont en vain cherché
le tronc d'un vigoureux enseignement: la théologie, méprisant
le nom de
.'xo&K~Mf, s'enorgueillissant positive, est du nom de
devenue une sorte de complexion de textes, où la tradition se trouve

pour la mémoire, mais où la liaison manque pour la pensée, car,


à tout le moins, il n'y a pas ce qui fait dans un édifice le ciment.. I
l'étendue, la
profondeurg L'histoire des dogmes et des hérésies
n'est, en effet, qu'indiquée sommairement par saint Thomas et les
Pères de l'Eglise et les textes des Ecritures sont peut-être cités d'une
manière incomplète; lAnge chez
de l'école, la foi est appelée à
illuminer la raison
et la raison à raviver la foi, avec une suite et
'un empire qui surpassent tout, et qui resteront jusqu'à la fin le
désespoir des apologistes, ainsi que la source où iront toujours
puiser les grands esprits. Telle est l'opinion de Lacordaire.
Quoi qu'il en soit de ces jugements, la nouvelle méthode étant
donnée, l'enseignement n'a plus consisté que dans des entassements
~le textes et des accumulations de dictées double travail qui tue les
jeunes clercs pour en faire des bouteilles à l'encre. La science ne
consistant plus qu'à entasser, dans des casiers symétriques, des
millions de textes, c'est à qui réussira le mieux dans cette chasse à
courre. Au lieu d'un enseignement élevé
et pratique, on ne cherche
plus qu'à soulager, par d'ingénieuses inventions, la mémoire four-
bue. La théologie se vend en tableaux synoptiques il suffit d'y
jeter un coup d'oeil. La théologie se classe dans ua répertoire, se-
lon l'ordre alphabétique, et pour eu avoir à sca gré, il suf6t de
recourir à la lettre voulue. Un vieux théologien de ce siècle avait,
pour la repasse, condensé la théologie en deux volumes, que Rome
fit jeter aufeu, et c'est bien heureux,
car autrement ils serviraient

aujourd'hui dans beaucoup de séminaires. On est allé jusqu'à appli-


quer en théologie la méthode Jacotot et à mettre les conclusions de
{aint Thomas en vers latins. 0 foi de nos pères cherchant l'intelli-

gence 0 contemplation scolastique essayant de pénétrer les pro-


fondeurs du dogme, qu'êtes-vous devenues 1 La mnémotechnie, une

'n-a~t(;'M f~HM sur l'institution des évêques, introd. p. XVII.


Gt)ff~oK<<aK~ <?&?<. Lettres à sa famille et à ses amis, p. 2;i.
6i

'boite voilà le dernier mot du système, comme il y a,


à théologie,
au Thibet, des machines à prières.
S'il fallait une semblable méthode d'enseignement, il
qualifier
faudrait la méthode de crétinisation. La thëotogie e't une
l'appeler
science elle ne veut subir ni falsification, ni avilissement.
jalouse;
Ce c'est la fatuité des absurdes, qui se
que j'admire, pédagogues
sont des inventions Avec leurs amas de textes et
permis pareilles.
d'arguments, ils déclarent la théologie sacs attrait, ni grandeur, et,
cela est vrai de leur un si superbe oracle,,ils
enseignement. Après
.disent le ministère actif, il n'est pas nécessaire d'avoir
que, pour
des prêtres théologiens, mais des prêtres vertueux que des prêtres
vertueux en sauront toujours assez pour instruire les chrétiens

.qu'un catéchisme développé vaut mieux qu'une théologie profonde;


des
que la science enfle et qu'elle ne produit que prêtres orgueilleux
et ingouvernables. Si la science enfle, ce n'est pas la science qu'on
a, c'est celle qu'on n'a pas; si la science enfle, je sais quelque chose
enfle encore davantage, c'est l'ignorance.; pour et enflure
qui
enflure, j'aime mieux celle du mérite que celle du néant. Mais la

question n'est pas là la question, c'est que le mépris de la scolas-

tique amène 1~ mépris de la théologie, son abandon total par les


laïques et sa négligence, à peu près totale aussi, par les prêtres. Un
en est peuple là en train
est un de mourir d'inanition
peuple qui
il n'y a plus, dans son sein, de nourriture pour les âmes.
En 1~9~, les têtes tombaient en 18~0, elles tournaient. A Paris,
il y eut une recrudescence de passion gallicane, sans souci de doc-
trine, mais par simple infatuation de particularisme. Pie IX, par
une initiative digne d'un grand Pape, voulut contre
réagir ces pas-
sions par les séminaires, et, pour réformer les séminaires, fonda le
Séminaire français de Rome. En même temps, il prit tous les clas-

siques du gallicanisme: Bailly, Lequeux, Bernier, Guettée, Vieuze,


Bouvier, et en fit mettre quatre ou cinq à l'jM&x, sans que rien vînt
atténuer la juste sévérité de cette condamnation. Grand émoi dans
le clan parisien, où les décrets de l'Index étaient tenus pour nuls.
Un ènfant terrible du parti va nous dire ce qu'il pensait Les doc-
trines du Manuel de droit canon (de
Lequeux), si dit-il, furent
jugées
tOM/ofm~ aux principes de la foi, qu'il fut adopté par l'enseignement
du droit canon dans un grand nombre de séminaires, dans presque
tous ceux où l'on s'occupe spécialement de cette étude. Nous pouvons
affirmer des et des canonisteb très éclairés
que théologiens qui l'ont
lu, n'y avaient rien aperçu qui pût être l'objet d'une censure. Nous
savons en particulier que le dernier archevêque de Paris faisait beau-
1 02'
'ë~

» L'ouvrage fut cependant condamné


eOtt~tne de Cet ouvrage.
le 27 septembre « Nous ferons continue l'enfa.nt
) 8~. remarquer,
terrible, que le&eSets de ce décret ne se bornent pas ici à un écri-
vain particulier. Ce n'est pas seulement l'auteur du Manuale juris
canonici quiest frappé, c'est l'enseignement d'un grand nombre de

séminaires, ce sont Les évêques dont dépendent ces établissements.


Cette circonstance ne laisse pas d'ajouter une certaine gravité à la
censure. »

Lequeux avait faitle voyage de Rome; il avait demandé à con-


naitre le passage défectueux de son livre et offert les modifications
nécessaires. On
lui répondit que son livre était un recueil d'ordon-
nances civiles et de quelques vieux canons; qu'un pareil ouvrage
était foncièrement mauvais, intolérable. L'enfant terrible ne peu
« Si cela était, conclut-il, il faudrait dire que tous nos
pas y croire.
livres d'enseignement ecclésiastique, nos théologiens et nos canonistes
ont été également frappés de censures. Car il serait facile de montrer

que l'auteur du Manuel n'a fait que soutenir et, la plupart du temps,

que proposer les opinions qui se trouvent dans tous nos livres élé-
mentaires Non, pas dans tous, mais dans tous les livres galli-
cans.
Le rationalisme cartésien et le gallicanisme sont tombés depuis
sous l'anathème; ils sont morts comme doctrines hérétiques; mais
il en reste quelque chose dans les habitudes et procédés d'enseigne-
ment. Le vieil ennemi s'est perpétué dans les préjugés qu'il a semés,
dans les méthodes dont il s'est servi pour nous faire du mal. On a
conservé la méthode et, par la méthode, quelque chose de l'esprit.
A l'insu même de ceux qui s'en inspirent, il lutte pour l'existence,

pour échapper aux idées romaines qui entrent, qui veulent trans-
former la méthode, comme tout le reste. Quant aux retardataires,
ils ont en partie les principes
reçu de Rome, mais il reste, au fond
de leur âme, je ne sais quoi de subtil, de mitoyen, mais de puissant
encore contre la vérité, une quintessence d'erreur, un fonds d'idées

plus ou moins fausses, un vieux souvenir qui se traduit par une

répugnance marquée à recevoir franchement les méthodes et l'orga-


nisation des études, comme !a législation canonique de Rome.
Quant aux livres qui ne furent pas condamnés, mais admis à
correction, voyant leur misère et leur insuffisance, les attardés vou-
tent les le~Ke dans de meilleurs principes et sur un meilleur
mais en gar,dàrt la méthode première. On a donc retapé les
plan,

~Behcoature,0~f<<OKi~K''Mt<'&'<&nndex,p.4etseq.
63

vieux manuels gallicans; on leur a donné une forme passable et


une orthodoxie suffisante pour échapper aux foudres et même pour
obtenir quelques félicitations. Mais on n'a pu enlever le fond de la

méthode il faudrait tout enlever et ce radicalisme épouvante


comme une sorte
d'apostasie. Pourquoi ressusciter ces pauvretés qui
dormaient si bien dans leur poussière ? Pouvait-on rien leur sou-
haiter de meilleur qu'un oubli éternel? On aura beau retoucher, on
n'enlèvera que la superficie, et la scohstique n'aura pas la place qui
lui convient. Les textes seront peut-être de meilleur aloi, les argu-
ments mieux choisis, mais c'est toujours la même méthode, inca-

pable de communiquer la vie. C'est de la théologie cadavérique, ce


sont des études sur des corps morts, qu'on essaie de galvaniser.
D'ailleurs, même sous le rapport des principes, il manque tou-

jours quelque chose à ces résurrections. Un vice de méthode dénonce


un vice de doctrine. Puisque la méthode scolastique n'a pu rentrer
dans les livres, elle n'a pu y ramener la salubrité de ses enseigne-
ments. Tant qu'il restera, dans les travaux du clergé, quelques ra-
cines des idées gallicanes et cartésiennes, il faut s'inquiéter, il faut
se faire maudire pour les extirper. La restauration de la méthode
traditionnelle de l'Eglise dans l'organisation et l'enseignement des
écoles voilà le point où il faut aujourd'hui porter notre courage et
nos combats. C'est mon Delenda Carihago, parce que Cartilage
sera toujours l'ennemie de Rome.

IX

LE PETIT SÉMINAIRE

Le cardinal Pallavicini, dans son Histoire du Concile de Trente,


chap. VIII, du vingt et unième livre, traduction Dirras, profère ce
mémorable jugement: « L'œuvre sans contredit la plus importante
fut l'institution des séminaires. On ne craignait pas d'avancer que,
si le Concile n'avait pas eu d'autres résultats, celui-là seul suffirait
pour dédommager amplement de tous les travaux; seul il pourrait
relever la discipline oubliée puisqu'il est constant que, dans toutes
les républiques, les citoyens ne sont que ce que l'éducation les a
faits. ? »
Le décret que Pallavicini comble d'un si explicite éloge, débute
par ces paroles également mémorables « Parce
que l'âge des ado-
}eseënts, s'il n'est formé avec droiture, est enclin à suivre las plai-
sirs du monde et qu'il ne persévérera jamais dans Indiscipline ec-
clésiastique sans le plus grand et tout à fait particulier secours de
Dieu, s'il n'est, dès ses plus tendres années, formé à la piété et à la

religion, avant que l'habitude des vices possède l'homme tout entier,
le Saint-Synode a porté ce statut Toute église cathédrale, à pro-

portion de ses revenus et de la grandeur du diocèse, doit élever,


dans un séminaire, un certain nombre de jeunes gens de la ville ou
de la province. L'évêque est tenu de les réunir en nombre suffisant,
de les entretenir, de les former à la religion et de les assouplir à la

discipline de l'Eglise. On ne les admettra qu'après l'âge de douze


ans; ils devront être nés d'un légitime mariage, savoir lire et écrire,
manifester, par leur bon naturel et leur caractère, les dispositions à
la vocation ecclésiastique. On devra préférer les enfants pauvres,
sans pourtant exclure les riches: mais ceux-ci s'entretiendront à
leurs trais. Ces jeunes gens prendront sur-le-champ l'habit et la ton-
sure cléricale ils seront instruits ssr la grammaire, le chant et le

eomput ecclésiastique ils feront des livres saints une étude spé-
ciale, apprendront avec soin les cérémonies de l'Eglise et se prépa-
reront au ministère de la confession. » La suite du décret détermine
lès revenus nécessaires à l'entretien du séminaire et indique la for-
mation d'une commission ecclésiastique pour sa régulière adminis-
tration. Plus loin il est dit que le Pontife Romain fondera à Rome un
établissement qui sera le séminaire des séminaires, le séminaire de

l'Eglise mère et maîtresse de toutes les églises, le séminaire typique


dont tous les autres doivent être l'adombration.
La première observation, qui ressort de ce décret, c'est que l'ins-
titution des séminaires a pour but le maintien de la jeunesse dans
la religion et I?s bonnes moeurs. Pour atteindre ce but, l'éducation
et l'instruction chrétiennes doivent commencer au sein de la ta-
mille, et se continuer au séminaire. Le décret dit dans quel milieu
il faut recruter les sujets, à quel âge; et par quelle formation, mo-
rale scientifique, il faut tes amener au sacerdoce. C'est l'mterpréta-
tion traditionnelle de ce dernier point
qu'entreprend le P. Aubt'y.
A la suite des,Pères. et des savants qui ont écrit surles.hautes études,
à l'instar des Rollia et des Dupanloup, à la suite des Mabillon, des
Rancé, des Audisio, avant Hogan et dans un esprit diamétrale-
ment contraire, Aobry veut donner,
te P. du conciliaire, décret

l'interprétation romaine et l'application pontificale. C'est sa ferme


résolution, so&veeu ardent que l'esprit de Rome, ou plutôt l'esprit
de Dieu passe sur le clergé de France et que nous voyions se réati-
-6~-

ser la promesse des Saintes Ecritures: Ecce nova facio omnia, terrant

novam, f<MM novum. Une telle résolution frappe mon esprit elle

touche mon cœur elle répond à mon patriotisme, à ma foi, à mes

J'estime et chrétien de me mettre aux


espérances. patriotique
écoutes de cette grande voix, de recueillir ses oracles et d'en presser,

pour notre salut, l'exacte application.


L'interprétation du décret de Trente a produit partout un petit
et un grand séminaire. Le petit séminaire est une école ecclésiastique
où l'on étudie les trois grammaires classiques; les trois langues dont
elles tracent les règles; les humanités ou les règles pour la composi-

tion en prose ou en vers les éléments des mathématiques, des


sciences naturelles et des beaux arts, enfin la philosophie. Au petit
et au grand séminaire, l'emploi du temps, le lever, le coucher, les
exercices de piété, les études, les classes, les repas, les récréations,
la discipline générale, la règle est à peu près la même et ne se dif-
férencie que par l'objet des éludes, adapté strictement au cours de

l'âge et à l'évolution régulière des études. Je n'insiste pas sur ce


côté technique de la formation de la jeunesse studieuse dans les sé-
minaires.

L'objectif du P. Aubry, c'est de tracer les règles pour l'éducation


et l'instruction du prêtre
grands dans
séminaires. les Du petit sé-
minaire, il ne s'en occupe que per transennam et par des indications
sommaires. Parce que son but est de tout soumettre à la théologie
et pour ce même motif, il ne dem'ande qu'à la théologie, à l'ensei-
gnement classique, la formation du prêtre il ne s'occupe donc pas
de l'enseignement religieux proprement dit. Non point par oubli,
mais parce que tel n'est pas son objet. On me permettra de suppléer
à ce silence.
A l'époque lointaine où je suivais les cours du
petit séminaire,
l'instruction religieuse, à proprement parler, n'existait pas. On fai-
sait à peine le catéchisme, bef.jcoup moins que dans les paroisses.
Après la première communion, le mot de conférence étant alors en
grande vogue, on faisait, chaque semaine, une conférence ou deux
pour l'enseignement de la religion. ~ous ce nom de conférence, le
directeur n'offrait que des déclamations banales, vagues, soi-disant
oratoires, que les élèves devaient attraper au vol de la plume et ré-
sumer sur leurs notes, bien ou mal prises, en rédaction. La décla-
mation du directeur nulle était
les rédactions faisaient pitié. Bien
que je ne fusse pas le dernier de la classe, je ne me rappelle pas ces
compositions, sans confusion à haute dose. Penser que dans une
maisori ecclésiastique, on laissait la jeunesse vide de toute instrùc-
LE P. AUBRY
"66'

tion. religieuse il ne faut pas s'étonner que tant d'élèves du sanc-


tuaire ment tourné casaque et soient devenus, hommes publics, les
fléaux de l'Eglise, c'est-à-dire le fouet qui châtie les prêtres d'avoir
si lamentablement négligé leur instruction morale.
Quel est Tétât actuel de l'enseignement religieux dans nos mai-
sons d'éducation? « L'instruction religieuse, dit l'.E'tMM~MMeH< chré-
tien (octobre 1886). n'a généralement pas, dans les collèges catho-

liques, la place qui lui revient et elle ne donne pas les résultats
» « L'enseignement
qu'on pourrait en espérer. religieux est à peu

près nul f, ajoute le Monde. « Dans les lycées, conclut la Revue du

M<M~'M<M~M<()uin i8;3), c'est la partie moins considérée; les


élèves, voyant le peu d'importance que le maître y attache, la né-

gligent tout à fait. Le cours de religion est comme un enseigne-


ment de bonne volonté, une chose surérogatoire et~MM/~h'M, telle-
ment que, dans
la plupart des collèges universitaires, elle n'a pas
même l'importance des leçons de gymnastique et d'équitation. Dans
les maisons ecclésiastiques elles-mêmes, sans en excepter les petits sé-
minaires, l'instruction
religieuse proprement dite n'occupe qu'une
trop faible place. On y consacre à peine une heure par semaine, et
les élèves sont assez disposés à la considérer comme une classe de.
repos, un temps de diversion à leurs études habituelles. Ils y appor-
tent peu d'attention et de goût, et les plus forts abandonnent vo-
lontiers le prix d'instruction religieuse, à peu près comme le prix
de sagesse, à ceux qui ne peuvent en avoir d'autre, »

Depuis quelques années, cette négligence a été justement com-


battue aujourd'hui l'instruction religieuse se trouve en progrès dans
la plupart des maisons d'éducation chrétienne; cependant le bon
vouloir et le zèle ne réussissent
pas toujours à triompher des obs-
tacles. s: L'enseignement secondaire de la religion est négligé, dit
un bon juge. Il ne parvient pas à dompter les oppositions que la
foi rencontre dans l'intelligence du jeune homme son indiffé-
rence peut même nuire dans ungrand nombre, à la
prospérité de
la foi, et, au lieu de la préconiser, en menacer les assises t. x
Quelles sont les causes de l'infériorité et de l'insuffisance relative
des cours de religion? D'abord l'indifférence dédaigneuse et sotte
des esprits de notre temps, pour tout ce qui se rapporte
à la reli-
gion ensuite le système de l'enseignement classique, trop souvent
ibornéaux classiques païens. N'est il pas naturel que l'ostracisme,
dant la littétatutë sacrée les élèves à une sorte

.P'~MM,'<'S~t~ttt'p.ë6.
-67-

de mésestime pour la religion ? Les élèves s'imaginent que les Pères


et les Docteurs n'ont su ni parler, ni écrire ils en viennent à croire
et le dédain Je style finit
que ces auteurs n'ont pas su penser, pour
et saint
par s'étendre aux divines doctrines. Saint Jérôme Augustin
tant
confessent avoir choppé sur cet écueil; pourquoi d'autres, qui
n'ont pas leur génie, éviteraient-ils ce danger ? N'est-il pas à crain-
dre que l'enthousiasme pour les auteurs païens provoque le dé-

goût des auteurs chrétiens ? On n'aime pas ce qu'on n'estime pas;


on prend en aversion ce qu'on a méprisé. C'est logique et voilà J

pourquoi l'esprit de l'enseignement classique paraît être une des

principales causes des préjugés de la jeunesse scolaire à l'égard de


l'instruction religieuse.
de l'esprit, les
passions naissantes, le silence des
L'orgueil pro-
la fièvre des examens, l'ambition du baccalauréat amènent
grammes,
la négligence de l'instruction religieuse. Plus les matières des pro-
grammes se multiplient, moins la question doctrinale paraît impor-
et plus approche l'heure de conquérir Je diplôme,
tante plus s'ac-
centue le discrédit du cours de religion. Les parents pensent, là-des-

sus, à peu près comme les élèves ils tiennent plus aux sciences hu-
maines qu'à l'instruction religieuse; ils font plus semblant d'y
tenir qu'ils n'y tiennent en eflet. Et les maîtres eux-mêmes ont-ils

assigné, à l'instruction religieuse, dans la distribution générale des


études, une place égale à sa haute importance ? Ont-ils, dans l'orga-
nisation particulière du
cours de religion, une méthode, des pro-
grammes, des démonstrations, un savoir, une éloquence ap-
qui
puient sur l'unique nécessaire et l'inculquent avec force ? Quelque-
fois même n'ont-ils pas, dans cet enseignement, une certaine tié-

deur, un certaine relâche qui énervent la jeunesse Il nous en


coûte de poser ces questions mais elles sont, hélas ) tristement né-
cessaires.
Disons-le hautement, si l'on veut des cours de religion vraiment

prospères et à la première place, il faut une sage organisation de M!


cours, c'est-à-dire son objet, ses divisions, ses programmes pour
l'enseignement religieux; une M'etMf à suivre pour rendre l'ensei-

gnement de la religion plus intéressant et plus utile des $~a-


lités de science, de piété et de zèle qui conviennent au prêtre
catéchiste enfin des informations bibliographiques, pour que des
manuels classiques de religion restent plus tard entre les mains des
ci-devant élèves.
Autrefois les élèves n'avaient pas de ces manuels, les maîtres eux-
mêmes étaient obligés de recourir à des auteurs du xvm" siècle, au-
leurs vieillis,usés, pea solides, sans intérêt. De nos jours, grâce au
zèle intelligent du clergé, non seulement ces manuels ne manquent

pas/mais ils abondent. Sur le catéchisme, il existe une foule de com-


mentaires, bien résumés et faciles à compléter oralement. Pour l'ins-
truction plus élevëe,je cite,en les recommandant,le Directoire de l'en-

seignement religieux, par l'abbé Dementhon,professeur très distingué


du séminaire de Meximieux le Nouveau manuel complet et pratique,
de Poey, aumônier des dominicains de Pau le Cours d'instruction

~~MM~ en quatre volumes, de l'abbé Terrasse, directeur au collège


de Saint-Dizier. Les Cauly, les Moulin, les
Sifferlin, les Gou-
raud, les Gaume sont connus de tout le monde et au-dessus de
tout éloge.
Le P. Aubry n'a qu'un chapitre sur la tenue
séminaire; du petit
dans ce chapitre, il pose en principe que le petit séminaire,en dehors
de l'enseignement religieux, a pour objet nécessaire la formation
de l'homme et du chrétien. Le décret de Trente ne s'était pas oc-
cupé du recrutement des professeurs le P. Aubry, avec raison,
met cette question en première ligne. Trop souvent dans nos dio-
cèses, les professeurs du séminaire sont recrutés
parmi des clercs qui
n'ont pas l'âge requis pour le sacerdoce ou qui hésitent encore dans
leur vocation; d'autres sont professeurs tout simplement parce qu'ils
n'ont pas de goût pour le ministère pastoral. Qu'ils aient ou n'aient
pas de talent, généralement au moins ils s'en croient, et beaucoup,
il leur manque deux choses une formation et un grade. Comme
il y a une école normale pour les instituteurs primaires, il en faudrait
une pour les professeurs de séminaires et parce que les professeurs de
l'Université sont tous gradués, licenciés, agrégés, docteurs, il parait
indispensable que les professeurs des mêmes classes dans les sémi-
naires possèdent les mêmes grades. De plus, il faut aux professeurs,
au lieu d'une filière accélérée d'avancement, la stabilité dans la
même classe. Il n'y a de vraiment bons professeurs que les vieux
professeurs. Enfin, dans la tenue
de la classe et l'enseignement, il,
ne,faut ni vulgarité, ni pêdantisme; mais toujours, avec l'indispen-
sable pureté des moeurs, la dignité des manières et l'élévation d'es-
prit. Pour posséder un réel savoir-faire et inspirer quelque enthou-
siasme ou au moins pour entraîner les élèves, il est bon de se régler
sur les modèles, spécialement sur le Ratio ~/M~'o<'«w de la Compa-
gmÊde:Jésus:c'eStundirectoireconsacré par trois cents ans d'expé-
rience et~~s~ Lès-homme$ cie qu'il a produits dépas-
,s6çt toute <:roya!)ee. detres haute importance c'est
,lë ~Fsonnël des pro&sseuEsqut assure ja' prospérité d'un collège.
-69-

H paraît indispensable qu'un séminaire reste une maison pure-


ment ecclésiastique. L'idée de transformer les séminaires en collèges
mixtes est une idée funeste. L'expulsion des congrégations ensei-

gnantes et la laïcisation peuvent y amener: ce sera tant pis pour les


petits séminaires, tant
pis également pour la société Peut-on croire
que les jeunes gens destinés au monde seront gagnés par les autres
et se tourneront insensiblement vers l'état ecclésiastique ? Non, c'est
plutôt le contraire, et, pour démoraliser un séminaire, il ne faut pas
un grand nombre d'élèves. Quelques-uns, s'ils sont distingués par
le talent, suffisent, par un contact incessant et des actions ou des
paroles de chaque jour, pour perdre une classe. Un petit séminaire

organisé de façon à dépeupler le grand séminaire c'est ce que

Bougaud appelait le grand péril de l'Eglise en France. Ce péril est

aujourd'hui à l'état flagrant.


Sur le choix des classiques, au triple point de vue de l'éducation,
de l'instruction et de la formation littéraire, il est désirable qu'on
fasse un juste mélange d'auteurs païens et d'auteurs chrétiens. Les

païens doivent être soigneusement expurgés et chrétiennement ex-

pliqués ces deux conditions sont de rigueur.


De plus, même avec
ces deux conditions, il faut, au professeur, dans son enseignement
verbal, un discernement particulier pour prémunir les élèves contre
la pe:te du naturalisme et du rationalisme, erreurs si redoutables
df nos jours.
L'étude des langues classiques ouv:c d'ailleurs à l'enseignement
de vastes horizons. La grammaire générale et la philologie expli-
quent le sens des mots et le génie des langues l'érudition a depuis
longtemps illuminé les textes, la critique s'est prononcée sur la va-
leur des ouvrages en les appréciant à tous les points de vue une
science plus haute a même fait, de l'histoire littéraire, un foyer de
connaissances. L'acquisition de ces richesses ouvre, aux professeurs,
des carrièresde travail; la dispensation de ces trésors, faite dans
une juste mesure, aux élèves, doit assurer à leur esprit une source fé-
conde de lumière et des gages multiples de solidité.
L'étude élémentaire de l'histoire sacrée et profane, ancienne et
moderne, tient heureusement, dans l'enseignement secondaire,.une
grande place. Une science de bon aloi a renouvelé et précisé, de
nos jours, k connaissance des faits et la découverte des causes des
événements. Le savoir-faire des professeurs a multiplié les cours
classiques de l'histoire universelle. Babylone, Ninive, la Perse,
l'Egypte nous révèlent, chaque jour, leurs secrets les plus intimes;
la Grèce et Rome n'ont plus de mystères à nous révéler; la for-.
–70–

mation des nationalités modernes, l'histoire de chaque nation, le

Moyen Age, l'ère moderne et l'ère contemporaine: tout cela est


clair comme le soleil et accessible aux plus modestes intelligences.
La philosophie de l'histoire, dont Bossuet avait
posé les lois géné-
rales, s'explique maintenant à merveille par un précis de l'his-
toire universelle de l'Eglise catholique. Nous savons que l'humanité
évolue sur deux bases premières la déification primitive et la béati-
fication finale qu'elle s'explique par deux grands faits la chute

originelle et la rédemption dans la plénitude des temps. Au-dessus


de toutes les nations éclatent la préparation et le développement de

l'Evangile. L'histoire, même élémentaire, est le témoin des siècles et


la maîtresse de la vie. C'est avoir profité que de savoir s'y plaire.
L'étude des arts ne
peut avoir, l'enseignement dans secondaire,
L'étude des langues
que des éléments. modernes peut y avoir plus
grande place et plus de succès. L'étude des sciences mathématiques
arithmétique, algèbre, géométrie 1 étude des sciences naturelles

géologie, botanique, physique, chimie, cosmographie, réclament


une petite place. C'est le devoir des professeurs de ra-
également
mener, à la philosophie, la science des nombres et de l'étendue; et
de ramener à la gloire de Dieu la connaissance de la
scientifique
création. Depuis l'atome jusqu'à l'astre du firmament, tout être cé-
lèbre la gloire du Créateur et quand cette gloire éclate dans les créa-

tures, nous ne saurions, comme des païens et des matérialistes,


nous borner à l'état des animaux muets, nous complaire aux jouis-
sances d'un voluptueux matérialisme Tanquam muta animalia, <?
Mf <'MYt<M/'MM<t<r.
Sur toutes ces matières d'enseignement, deux observations sonr
nécessaires il faut éviter le surmenage intellectuel et fuir les en-

gouements. En attachant, à la connaissance du latin, notre langue


mère, une importance,
particulière chaque chose doit être étudiée
avec un juste tempérament d'entrain et de calme. La des
discipline
études doit être le noviciat de la vie.
des classes faites par les avec la
Indépendamment professeurs
des élèves, il y a, pour la formation intel-
coopération permanente
lectuelle de l'homme et du chrétien, la direction des professeurs.
A proprement parler, c'est la direction qui forme l'homme et qui
l'élève à la perfection où il peut atteindre. L'éducation chrétienne
doit assurer la foi et les bonnes moeurs. Si tel est le fruit de l'éduca-

tion chrétienne, dit P. Aubry,-que


le sera-ce de celle du petit sé-
minaire, où se préparent les générations sacerdotales, espoir de
l'éducation du petit séminaire,
!~g!ispetdttntonde?Quesi qui
–71-–

est l'éducation chrétienne à sa plus haute puissance et la base de


l'édifice social, était faible sous le rapport de l'œuvre de
cependant
transformation de comment travailler à une restaura-
l'intelligence,
tion solide et complète des études ecclésiastiques ? Il ne fautpas
croire que les idées théologiques ne doivent exercer leur influence

qu'au grand séminaire, dans cette partie de l'éducation supérieure


qui constitue, à proprement parler, la préparation sacerdotale immé-
diate. L'éducation sacerdotale ne
peut être isolée, détachée de cette

préparation lointaine qu'on appelle la vie du petit séminaire les


idées théologiques doivent aussi régler, au moins dans ses grandes

lignes et dans sa direction générale, l'éducation de l'enfant qui a été


désigné, par des signes de vocation, à la sollicitude de
l'Eglise.
Si cette théorie n'entrait largement, vigoureusement, dans la pra-

tique de nos maisons d'enseignement secondaire, la restauration des


études sacrées et de la formation cléricale demeurerait incomplète.
Avant de songer au prêtre, on doit faire l'homme intellectuel, non plus
seulement l'homme naturel, comme chez les anciens et les ratio-

nalistes, mais le chrétien. Or, l'éducation de l'homme ne consiste


ni uniquement, ni même principalement, A meubler son intelli-

gence, mais à façonner son cœur, à tremper son caractère, en un


mot. à former l'homme, l'homme chrétien. Si nous voulons, dans la

préparation sacerdotale et les études sacrées, une œuvre qui ne


soit point tronquée, il nous faut reprendre le travail de plus haut.
Aussi bien, à la sortie de nos écoles secondaires, l'homme intellectuel
ne se rencontre-t-il guère plus, grâce à la légèreté inqualifiable qui
a présidé à la direction des Humanités. Phénomène plus triste en-
core, n'est-il pas trop fréquent de voir nombre de prêtres, laissés

par le grand séminaire à l'état d'enfance intellectuelle et morale, et


demeurés toute leur vie des esprits enfantins, d'initiative
incapables
originale et personnelle, d'action énergique, de résolution virile,
même d'expérience utile et, d'une influence sociale solide
partant,
et appréciable ~).

LE GRAND SÉMINAIRE

Du nous au séminaire. Le volume


petit, passons grand que lui
consacre le P. Aubry est, de beaucoup, le plus et le plus
important

~jD~s~w~M~'r~,p.6~.
73

volumineux de,la collection: c'en est le foyer, le pivot, le prin-


dpe il est fort de sept cents pages. Dans son vaste et
générateur
méthodique ensemble, il embrasse 1° le cours de philosophie;
2" des notions sur les théologies de saint Thomas et du cardinal

Franzelln 3° le cours de théologie dogmatique, avec un appendice


sur le sens théologique et le rôle de la contemplation; ~° le cours
de théologie morale 5° le cours d'Ecriture sainte et de Patrologie
6° les cours de droit canon, d'histoire ecclésiastique et de rhéto-

rique sacrée 7° des règles sur la direction intellectuelle et spiri-


tuelle des étudiants en théologie; 8" des conseils sur les études sa-
crées et la vie intérieure dans le ministère pastoral 9° la synthèse
des sciences humaines et des belles-lettres dans la théologie 10" une
conclusion sur la restauration sacerdotale et la restauration sociale

produites par la théologie.


Je plaindrais le prêtre qui n'admirerait pas un tel programme je
crois superflu de m'insurger contre ceux qui n'ont pas su le res-
pecter et comprendre l'importance théologique du P. Aubry.
Je dois toutefois rappeler que le P. Aubry, mort à 38 ans, a com-

posé la plus grande partie de ses ouvrages, sous le toit d'une mai-
son chinoise, au milieu des préoccupations, des soucis et des tu-
multes d'une mission. Une mort prématurée ne lui a pas permis de

produire des œuvres qui portent, suivant lele mot de Cicéron,


reflet d'une œuvre mûrie par les années et corrigées avec une longue

patience. Le P. Aubry écrivait bride abattue; peut-être n'avait-il

pas même le temps de se relire; il avait hâte de laisser déborder


l'abondance de ses convictions et les mille
rayons de sa lumière in-
rieure. Qu'il y ait, par-ci par-là, une pensée inachevée, qui n'a pas
reçu tous ses développements, qui prête à différentes critiques c'est
possible ces taches légères, pour le peu qu'il y en a, ne diminuent
en rien les méiites personnels de l'auteur.

Je ne me suis-pas borné à lire et à relire leP. Aubry; j'ai lu aussi


nombre'd'articles provoqués par ses ouvrages. Je mentionne ici
nommément 1° Les Annales catholiques de /'(?a~, série d'articles
sur les études ecclésiastiques de novembre 93 à février 9~ 2° La
Revue fh~ .KtMCM Mc~MMf~ttM, juin < article Leuridan La science
MfM~M&, août 93, article signé Gayraud; ~L'UM'M'r.H~M~o-
.& jCyop, article signé Mïirel 5° article de Michel Vacant dans
Re~ug une protestation d'Elie Blanc 6° Le Polybibiion
~u~ 93,~a~riçle .du canon-iste Périès 7° La Revue de Fribourg,

~'i~~i~~Sch~nz; août, du P. Ramière


l'l~ivers,.articie du P. et réponse d'un théologien 10" 2~M<e
73

«'~M~ article Gontier n° /OMfMa/ du droit c~ws~M,


article Périès; 12" Revue bibliographique belge, article favorable, non

signé; 13° l'Ami du c& quelques notes signées Perriot; des


lettres manuscrites du cardinal Bourret, des évêques Gay et Isoard,
du prélat Maurice d'Hulst, du
grand-vicaire Legué, de Chartres
du prêtre Garancher, professeur; des pères Gossin et Bocquet; de
l'abbé Roux, professeur à Arras de Jules Didiot, doyen de la Faculté
<!e Lille; de Ch. Mettrier, professeur de droit canon à Langres; du
P. Berthe, auteur de Garcia Moreno de l'abbé Chapot, aumônier
à Nice; du P. Perny, ancien missionnaire de Michaut, professeur
à Rodez; de Debreyne, professeur à Hazebrouck; de l'abbé Pillet,
professeur de droit canon à Lille; du P. Bazin, supérieur du sémi-
naire de Carthage; du P. Deschamps, jésuite; de l'abbé Moniquet,
publiciste.
Ces lettres sont, en général, approbatives et même élogieuses
quelques-unes seulement sont critiques, mais pas à fond, ni en

opposition absolue. Je m'abstiens de toute contestation.


Juxtaposer
des idées à une idée-mère, ce n'est pas la contredire, ni la réfuter,
c'est plutôt la compléter. Pour la combattre à fond et la démolir, il
faut l'accepter telle qu'elle est et en découvrir l'erreur. En présence
de dix volumes, parler d'idées
préconçues, de partis pris, d'exagé-
rations, d'impossibilités, d'utopies, c'est peut-être exprimer ses pré-

jugés ou ses répugnances, ce n'est pas raisonner. Ou le P. Aubry


est totalement dans le faux, et alors c'est un sophiste à dédaigner
ou il est dans le vrai jusqu'à la tête, et alors il faut le subir, pré-
coniser ses ~'œux de réforme et célébrer sa gloire.
Tout m'étonne, tout m'effraie dans le hardi projet de résumer les
couvres du P. Aubry. Le P. Aubry est un
d'idées, semeur
un po-
seur de problèmes, un esprit profond qui les perce de son regard et
en offre la solution sommaire. Comment déterminer ma tâche et
comment l'accomplir? °;
Pour l'accomplir avec une lucidité
parfaite, je veux d'abord ex-
plorer les alentours de mon ouvrage, en scruter les abords, en voir
les tenants et les aboutissants puis nous pénétrerons dans l'intérieur
de i'édiËce, nous en visiterons le sous-sol, le rez-de-chaussée, les
divers étages, leurs appartements et les colonnes qui les portent. De
la sorte nous aurons esquissé le programme de l'école ecclésiastique,
organe essentiel de l'Eglise enseignante et son merveilleux instru-
ment d'action.
Les écoles et les études ecclésiastiques sont aussi anciennes que
l'Eglise. Jésus-Christ avait pu ramasser sur les sables de la Palestine,
74

des pêcheurs de poissons dont sa puissance divine avait fait des pê-
cheurs d'hommes. A partir de l'ère apostolique, il fallut, par un

long travail, suppléer au miracle de la grâce; il fallut former, par


des' principes lumineux et une méthode féconde, des hommes qui
devaient recueillir la succession
des Apôtres et continuer leur œuvre.
La France, pour ne parler que d'elle, eut toujours, dans ce travail
d'enseignement, une auréole de choix. Dès le ive siècle, c'était un

proverbe en Italie que la Gaule était le pays de la lumière et de la

sagesse. Jusqu'au xn" siècle, elle restait, à l'école des Pères, studieuse
et ardente investigatrice elle synthétisa les doctrines contenues
dans leurs écrits, et Pierre Lombard, le maître des sentences, c)ot,
par son magistral ouvrage, cette série d'études patristiques, première
forme de la théologie. A partir du xn* siècle, Alexandre de Halès,
Albert-le-Grand, saint Thomas d'Aquin, saint Bonaventure, Dons
Scot, aussi grands philosophes que grands théologiens, portent au

plus haut degré le mouvement des esprits ils classent, précisent,


définissent, éclairent, par la scolastique,
l'enseignement antérieur
et y ajoutent leurs propres conceptions ce fut, jusqu'au xvn'' siècle,
la seconde forme, la forme rayonnante de la théologie, et la
deuxième période de l'histoire des écoles. Après le xvif siècle, nous
entrons, en France, dans une troisième période période d'abrévia-
tion, de rapetissement, de particularisme national et de diminution

théologique; période que nous voulons clore


aujourd'hui, i:n arra-
chant jusqu'aux dernières racines, ces aberrations, ces vices de mé-
thode, ces textes doctrinaux, cause néfaste de tous nos malheurs.
Le mal de la France est un malM~ son
péché, c'est le
péché de l'esprit, l'affolement de la raison. Ce mal a sa source dans
les vices de l'enseignement depuis trois siècles, l'enseignement n'est
plus départi, ici, dans ses vrai.. principes, là, dans sa juste mesure.
Le principe de notre relèvement est donc une restauration catho-

lique de l'enseignement; et puisque la théologie est la lumière, la


règle, la modératrice des autres sciences la restauration de rensei-
gnement doit commencer par la réforme des grands séminaires et la

sage constitution de nos universités.


Où ce mal a-t-il pris naissance ? Dans quelles formes s'est-il pro-
duit ? Par quels envahissements nous a-t-il mis à mal ? Par quelle
médication pouvons-nous radicalement le guérir ?
Nos universités sont encore au berceau nos séminaires, créés
par Ip M sont nés, en France, de ce mouvement fé-
fb~ateut'd~~ l'initiariwe ~-appartient à saint Vincent de Paul, au
~Edi~a.ljde~uÙe, au Père Eudes, Adrien Bourdoise, Ch. de Con-
–7!-
dren, Olier. S'incliner devant les mérites de ces hommes, louer les
de leurs œuvres est un devoir de justice. On
avantages respectives,
ne saurait nier
plus, non sans injustice, de ces hommes
que plusieurs
un tribut au temps et au pays qui fut
payèrent qui les vit naître
l'objet de leur dévouement. Même la France aurait continué
quand
de suivre le mouvement de réfcrme il faudrait convenir
pieuse,
encore que Saint-Sulpice, l'Oratoire et, en général, nos séminaires
à la fragilité des créations humaines. Il n'en coûte rien
participent
d'ajouter que, susceptibles de défaillances, ces institutions peuvent
puiser, dans la sagesse de leur règle et l'effort de leur vertu, parfois
dans les lumières de la science et les inspirations du le discer-
génie,
nement et la force nécessaires se corriger. Mais nous ne sau-
pour
rions taire
qu'à partir de Louis XIV et surtout après sa mort, des
idées fausses, des principes de dissolution viennent altérer le mou-

vement, tout corrompre, tout précipiter vers la décadence. L'état


de la France actuelle en fournit l'irrécusable preuve.
Luther, le premier, avait ouvert le puits de l'abîme. Après ce grand

hérésiarque, participant, peut-être sans le savoir, à son mauvais

esprit, plusieurs, réputés grands hommes, deviennent, en France, les


artisans ou les complices des disgraces de la vérité. C'est dans leurs

conceptions fausses, dans leurs théories malsaines ou aventureuses,


dans les
passions favorables à leurs idées, que commencent ces per-
turbations des esprits d'où naîtront bientôt des catastrophes.

Que fait le P. Aubry pour les conjurer?- « Je voudrais, dit le


comte de Maîstre, m'en coûtât-il grand'chose, trouver une vérité
faite pour choquer tout le genre humain je la lui dirais à brûle-

pourpoint. » Cette humeur semble e~re passée dans le


belliqueuse
sang du P. Aubry; ceux qui craignent pour leurs chausses n'ont

qu'à se mettre à l'écart s'ils se trouvent sur sa route, leur pourpoint


pourrait en pâtir. C'est un radical; mais ce mot ne nous épouvante
point, lorsqu'il est au service de nobles convictions. Après tout, on

peut bien conseiller à quelqu'un, au nom de 1~ prudence, de ne

point publier des choses désagréables mais s'il ne goûte le con-


pas
seil, s'il croit que la
justice et la force sont aussi des vertus cardi-
nales, qui peut l'obliger à dissimuler la franchise de ses idées, à en
atténuer la vigueur, à les entourer d'un nuage, qui, en les rendant
moins incisives, court risque de les rendre moins claires ? C'est à
quoi le P. Aubry ne veut pas se résoudre.
Le cours de philosophie se présente tout d'abord et le P, Aubry n'y
consacre pas moins de trois On devait
grands chapitres. s'y attendre;
il réclime hardiment un retour aussi complet que possible aux mé-
-76-

thodes scolastiques et' à leur doctrine. C'est pendant deux années que
les séminaristes doivent, à son avis, s'appliquer à l'étude de là philo-

sophie c'est d'ailleurs l'ordre exprès du pape et la pratique conforme


des écoles Romaines. L'expérience nous apprend qu'au terme de la

première année, on commence seulement à compiendre un peu la

philosophie c'est donc la seconde année seulement qu'on en acquiert


profondément, avec force; l'enseignement positif. Un enseignement

tronqué servirait donc peu aux jeunes clercs la philosophie doit, au


contraire, leur servir pendant tout le cours de leurs études théolo-

giques. En passant, l'auteur s'indigne contre la condescendance avec

laquelle, dans certains séminaires, on permet aux élèves, pendant la

première année, de préparer le baccalauréat, de réparer dés échec?


antérieurs ou de combler les lacunes qui se sont glissées dans l'en-
seignement de certaines sciences.
.Quand l'étudiant aura formé
en lui, par une étude sérieuse de la
philosophie, la rectitude des idées et du jugement, notre auteur lui
demande d'appliquer, à la théologie, la force de la raison, et de sai-
sir, en vrai scolastique, l'union
de la philosophie et de la théologie.
Le travail de deux'àns, auquel on l'aura soumis, l'aura préparé à
l'intelligence philosophique de la foi. Dès lors, il pourra entrer avec
fruit dans ce mouvement néo-scolastique, que Léon XIII n'a cessé
de développer, et qui n'est pas encore introduit assez partout dans
la pratique des sciences sacrées. En conséquence, il appliquera heu-
reusement à l'étude du dogme cette admirable méthode d'induc-
tion, si chère aux
scolastiques, dont la perte ou la négligence a
produit le dessèchement néfaste des sciences humaines.
Nous signalons
particulièrement le chapitre consacré à la <~o/c~~
de /fMM'. Malgré l'immutabilité du dogme, on ne saurait nier
que les méthodes d'exposition sont soumises à des
changements
qui constituent l'évolution dogmatique. L'enseignement de saint
Augustin diffère de l'enseignement de saint Paul; l'enseignement de
saint Thomas accuse un.nouveau progrès. Ce progrès est si décisif
que le procédé du docteur angélique, dans sa grande Somme, paraît
s'imposer aux âges suivants; les professeurs de dogme et de mo-
,rale ne sauraients'en écarter sans faire fausse route. « Que si quel-

qu'un, ose dire le P. Aubry, s'aperçoit, en appliquant la méthode

~~eïsa~hot~s~qM'iL.n'en. tit-c pas le fruit désirable et prévu,

~~S~~tijFe~e~ënSe~~ pour. assuré qu'il n'y


se ~hec tient
lut es poiu~ luï ün=, cl~voir dé consciénce:
~ë~?t~~
~u~0~~ pas cependant;
77

être il ne viendra à la pensée de personne qu'il faille s'en


exclusif;
tenir à la Somme dans la pratique des études. Une méthode dont la

clarté et la précision sont les qualités dominantes tend à opérer,


sous nos yeux, par l'application même du
procédé de saint Thomas,
un heureux progrès dans l'étude des sciences théologiques. Cette

méthode, le P. Aubry l'appelle la théologie de l'avenir; voici en


« II est
quels termes confiants il en parle certain que l'époque qui
se termine, est une époque de transition. Prépare-t-elle quelque
chose de considérable ? Existe-t-il, dans la génération actuelle, un

type qui s'élabore et qui, selon la coutume de l'Eglise romaine,


réunira, aux qualités des précédents, de nouveaux avantages qu'il
groupera sous une même idée, qui leur servira de lien ? Nous le
soutenons Et c'est il l'achèvement de ce type que se préparent les

générations sacerdotales et que concourent les grands travaux de

l'Eglise dans
les temps présents. Une transformation importante se

produit et aboutira à une méthode pins complète, plus parfaite et


non moins profonde que les anciennes. lorsqu'elle sera sortie du
chaos dans lequel ses éléments se sont élaborés jusqu'ici, au milieu
des controverses et du mélange de découvertes et d'erreurs des deux
derniers siècles. »

Après avoir salué la théologie de l'avenir, le P. Aubry poursuit


l'examen des diverses branches de
1 enseignement ecclésiastique, la

théologie morale, l'Ecriture sainte, la Patrologie, le Droit canon, l'his-


toire de l'Eglise, sacrée. Nous reviendrons sur toutes ces
l'Eloquence
sciences en rendant compte des divers ouvrages du P. Aubry; nous
avons ici peu à dire sur les considérations sujet. externes de chaque
En toutes choses,le P.Aubry poursuit les adeptes des doctrines galli-
canes il les croit nombreux encore, non pas en ce sens qu'ils en pro-
fessent les doctrines, mais qu ils en gardent l'esprit et en suivent les
tendances. « La plupart des ultramontains français, dit-il, suent et
sueront encore cinquante ans le
gallicanisme; il taudra au moins
un demi-siècle, à l'Eglise de France, pour lui faire dégorger ce vieux

salpêtre. » En particulier, ilcroitledécouvnrdansl'opiniâtretëavec


laquelle onse refuse a écrire en français des ouvrages de théologie.
Quelle autorité, émanée de Rome, pourrait-on alléguer pour donner,
à ce bizarre usage, une autorité indiscutable ? S'il est prudent de dé-

rober, aux curiosités indiscrètes, certaines questions très spéciales de


la morale et certaines discussions de la casuistique,
pourquoi refuser,
aux magnifiques thèses de la théologie dogmatique et à la plupart

des questions de la théologie morale, l'attrait que leur procurerait


sans compter les autres avantages, le droit d'être exposées dans
78

notre magnifique langue française. Le clergé perdrait-il quelque


chose à voir les sujets de ses études développés dans un langage qui
les lui ferait davantage aimer, et ne serait-il pas opportun de per-
mettre aux fidèles, que séduirait la science théotogiquë, d'en trou-
ver les principes et les développements dans des ouvrages, que les
qualités droites rendraient encore plus recommandables L'en-
têtement des théologiens, à n'employer que le vocabulaire d'une
langue morte, lui semble une de ces tendances malsaines contre
lesquelles il ne cesse de protester.
Après de consciencieux chapitres sur les diverses matières d'études,
le P. Aubry traite de la direction intellectuelle des étudiants. En
effet, il ne suffit pas que chaque cours soit confié à des maîtres com-
pétents il faut encore q ue les jeunes clercs soient entrâmes à des études
personnelles. Être auditeur n'est pas assez pour l'activité de l'esprit
et l'originalité de la personne. Dans ce but, qu'on organise, dans

chaque séminaire, des cercles d'études et des académies, où l'ému-


lation s'affirmera, où se développeront les aptitudes particulières de
chaque sujet. Qu'on exerce les étudiants par l'argumentation, sur
des thèses apprises par coeur, cet exercice ne fortifie pas beaucoup la
raison. H paraît préiérabk de mettre entre leurs mains desouvrages
qui suppléent à l'aridité des manuels et agrandissent les horizons des
cours. On peut aussi remplacer le Compendium, par des répertoires
et des cahiers d'études personnelles, où l'élève consignera le fruit
de son travail.L'important, c'est que la classe soit vivante, aclive,
laborieuse, enthousiaste même, ressemblant moins à un monologue
du professeur, qu'à un exercice des disciples. Ce qui n'est pas dési-
rable pour une classe degrammaire ou d'humanités, est très louable
dans un grand séminaire, si les maîtres savent gouverner, avec une
autorité douce et intelligente, des élèves qui doivent être des
hommes, puisqu'ils seront bientôt des prêtres.
La direction intellectuelle ne contrariera-t-elle point la direction
spirituelle? Le P. Aubry croit, au contraire, à l'influence, nécessaire
de la science sacrée, solide, profonde, sur la piété sacerdotale. C'est

peut-être qu'il se fait, de la piété sacerdotale, une idée plus juste, en


la croyant d'autre qualité que la piété des fidèles. A son avis, la
sciencesacrée ne rend point orgueilleux, parce que la folie ne peut
têsultër des efforts pour acquérir la sagesse divine. L'âme sacerdo-

~aIe:~estfpas<cQmpIexe~elIe. n'a' pas de galerie étanche le sépara-


~~S)~S)èele~tre;éol~ à

~u~true~se.
~~ë~s~s;~crées,~3~ tien, as P. Aubry, l'ali-
–79–

ment nécessaire de la pieté sacerdotale, qu'il estime indispensable,


mieux
pour le pasteur des âmes, de s'y livrer assidûment. Bien que
les études elles le mettront en garde contre les dangers di-
profanes,
vers de sa profession elles seront, dans la solitude, le soutien et
l'aliment de son apostolat. L'homme d'étude dans le pré-
apparaîtra
dicateur si modeste soit son auditoire, il ne connaîtra ni la vul-

garité, ni l'ignorance; sa parole aura toujours la dignité, la profon-

deur, l'étan, l'entraînement. Plus la vie apostolique est occupée, plus


elle doit être contenue par la vie intérieure et cette vie intérieure
ne saurait se concevoir sans la contemplation du dogme divin, sans
l'étude régulière des sciences sacrées.
Nous comprenons que ces conclusions suscitent les réclamations
des ignorants, des paresseux, des pusillanimes; mais comme le cri
des oies a sauvé une seule fois le Capitole, il faut, pour sauver
la société, d'autres forces que des clameurs impuissantes. Oui
ou non, est-il vrai
que le dépôt de la science doit se trouver sur les
lèvres du prêtre ? est-ce à lui qu'il appartient de formuler, d'après la
révélation divine, les immortels principes du droit ? Est-il vrai que,
dans une nationcatholique, l'ignorance et le demi-savoir des prêtres

puissent condamner la multitude à s'égarer dans l'errenr et dans le

doute et qu'il importe, si l'on veut que les fidèles soient instruits du

dogme et de la morale, d'avoir tout d'abord un sacerdoce studieux et


éclairé? Est-il vrai que le niveau des études dans les grands sémi-

naires, soit généralement au dessous des plus modestes prétentions


et que l'on en sorte, après
cinq années, très insuffisamment armé pour
l'étude et pour l'enseignement.
Nous ne croyons pas qu'ils soient nombreux, ni désintéressés,
ceux qui répondraient négativement à ces questions ou qui oseraient
en contester l'importance.

XI

LA THÉORIE DES SCIENCES

Jusqu'ici la pensée réformiste du P. Aubry a fait deux choses


Premièrement, elle a créé une logique expénmentate, une mé-
thode d'enseignement qu'elle oppose aux aberrations doctrinales de
Descartes, de Pascal et de Bossuet
Secondement, elle a préparé un traité du séminaire selon le décret
~~P~A:
F~
du concile de Trente et Jâ traditioti de t'EgHse romaine, traite où

l'auteur organise l'école ecclésiastique comme instrument de réforme,


par l'orientation surnaturelle des études ecclésiastiques.
Les volumes subséquents de ses oeuvres se consacrent à l'évolu-
tion régulière de ces deux créations. Notre tâche est d'en faire, par
un, bref résumé, pressentir tous les développements. Le premier
traite d'une théorie catholique des sciences. En présence de l'em-

pire de la vérité, le profond et fier esprit du docteur a voulu en pré-


voir l'étendue, en déterminer les provinces, en tracer les frontières,

esquisser l'enchaînement de toutes les parties, en découvrir l'unité.


« Dieu partout et au fond de tout, dit-il, voilà pour nous le type
de la science. Et de'est par là que les connaissances humaines se
réunissent et se soudent entre elles non seulement par ce point
de ressemblance qu'elles ont toutes ensemble, savoir que toutes
commencent à un mystère et aboutissent à un mystère; mais parce

que ce mystère, auquel toutes aboutissent, est le terrain qui leur


est commun et sur lequel elles viennent se réunir. Cet inson-
dable mystère, c'est Dieu, ce Dieu qui se cache au fond
des sciences
de chacune, ou, plutôt, qui, se tenant dans l'inaccessible de sa vie
et de sa lumière, se révèle à nous sous divers aspects. »
Aussi aans chacune des sciences, étudions-nous la part de lu-
mière participée que Dieu y dépose pour nous; mais allons-nous
donc nous buter contre le mystère ? Adorons d'abord, c'est Dieu

qui est là, au centre des sciences humaines, qui rayonnent autour
de lui comme une auréole.
Après avoir adcré le mystère, nous devons chercher à nous en
instruire et coordonner toutes nos connaissances. Le
que besoin
nous éprouvons de les synthétiser, n'est
pas une erreur. Ce qui est
une erreur et un vice, c'est I'&y~ de système qui consiste à ranger
les faits d'après les idées, trop souvent d'après des théories précon-
çues, arbitraires et imaginaires. Mais le besoin de systématiser nos
connaissances n'est pas un vice c'est l'instinct, sûr et profond
de notre âme, qui a reçu dans son origine et qui porte dans sa na-
ture ce que Bacon a si bien
appelé MMOMe)'c:Mm mentis et rerum,
cette harmonie, cet heureux accord que le Dieu des sciences a mif
entre les facultés de notre âme faite.pourles sciences et les sciences

faites pour notre âme.


Cette pratique de systématisation des sciences, la science sacrée
nelaréprouve;ppint; elle l'a consacrée, au contraire, avec éctat et
beauté, dansl'admirable sympathie dés mystères, dans leur précieux
enchalnen~ent,dà~s la belle d~ des sommes de théologie.
8i

Ensuite la doctrine sacrée a fourni, soit à chaque science, soit à ren-

semble des connaissances humaines, les principes, le plan, les règles


fondamentales de l'ordre, d'après lequel elles doivent s'organiser'
en tous leurs rapports soient manifestés et éta-
système, pour que
blis.
Ainsi la théorie des sciences a pour idéal et
conçue, catholique
pour but une vaste et admirable synthèse des sciences humaines,
terrestre et créée de la science même de Dieu.
expression
Le vulgaire lui-même, dans sa médiocrité, n'est insensible à
pas
un tel souci. La science moderne cherche à lui donner satisfaction
distribution des sciences
par deux procédés par la alphabétique
humaines dans une Encyclopédie ou des séries de dictionnaires; par
la distribution, logique ou mathématique de ces mêmes sciences dans
un tableau synoptique de nos connaissances.
Une Encyclopédie enchante par ses promesses, mais les réalise

trop peu. Le dictionnaire est une mécanique brutale, décousue,


sans ni ensemble. Au lieu de les faits, les
homogénéité grouper
doctrines, les observations en faisceau, dans un ordre logique il
les dissémine, les entrecoupe, les divise et les mêle, dans un ordre

alphabétique, étranger nécessairement à toute logique. Pour qu'un


dictionnaire apprenne seulement une science, il faut déjà la con-
naître.
On a cru donner à l'exposition des sciences une forme plus sa-
vante et imaginer des classifications où toutes les connaissances hu-
maines sont rangées dans un ordre hiérarchique, par catégories,
graduées et subdivisées, procédant du général au particulier. Les
sciences secondaires sont réunies par groupes, sous 1" irésidence
d'une science plus générale. Dans cette nomencla''T chaque
branche des connaissances humaines est représentée par un nom,

rangée à sa place respective, dans un casier, avec un numéro. Au pre-


mier cette méthode est plus conforme à 'la logique et à la
aspect,
hiérarchie des sciences. Cette méthode de groupement est
toutefois
défectueuse et incompatible avec une vue vraiment large des sciences.
Sous une apparence synthétique, on n'a jamais que des nomencla-
tures plus ou moins complètes, mais fatalement incohérentes et ar-

bitraires, des rapprochements forcés, un ordre purement mécanique


et factice.
Le P. Aubry ne donne pas de la tête. dans ces inventions.

D'après lui, deux idées, générales et fondamentales, sont seules ca-


de servir de base à une théorie synthétique et raisonnée des
pables
sciences; à établir entre elles la convergence des points de vue et
l'haffNonie de l'ensemble. Ces deux idées générales sont le point de
de toute science.
~att et la ~tt<&f!M~
La: raison naturelle étant un don de Dieu et une communication
<le' son intelligence, et la science étant une révélation que Dieu
nous a faite de lui-même et de ses œuvres par la raison, la théorie

philosophique des sciences doit partir de ce principe révélé, qui est


le point de départ et le salut de chacune des branches de nos études.
La science humaine n'est qu'un reflet communiqué de celle de

Dieu; la science que Dieu a de lui-même et de ses œuvres est le type


et idéal sur lequel doit tendre la nôtre, sans espoir de l'at-
complet
teindre pleinement, mais avec l'espérance de s'en rapprocher tou-

jours. Par conséquent, dès qu'il est constaté que Dieu nous a com-

muniqué par une voie naturelle ou surnaturelle,


quelconque,
quelque chose de ce qu'il sait, il est tout simple que sa parole soit
la règle absolue de notre science.
Comme nos connaissances doivent mourir avec nous, la science
est inutile et l'étude un temps perdu, si elle ne tend, au moins indi-
rectement, à la~t dernière et immuable que Dieu impose à toute sa

création, qui domine tout autre milieu, qui doit absorber toutes les
ressources dont le monde est rempli perfection surnaturelle du

genre humain, salut des âmes, connaissance et gloire de Dieu.


Pour construire un tableau général des sciences humaines, il faut
d'abord en avoir une théorie Cette théorie
philosophique. suppose
un principe commun, qui s'applique également à toutes les sciences
et formule le point de vue dans lequel toutes forment faisceau. En
dehors de ce point de départ et de cette fin dernière, je ne vois ni
théorie philosophique, ni synthèse possible, qui puisse servir de
base à un pareil édifice.
II faut grouper et fondre toutes les connaissances humaines, non

plus en tableaux synoptiques, mais dans un vaste et harmonieux


ensemble, ayant pour lien et pour ciment la science révélée; il faut
subordonner toutes ces sciences à la théologie, pour les surnatura-
liser, leur assurer profit et
gloire. Ce n'est pas là une 'nventi-n
c'est le besoin des intelligences dans tous les siècles. Tous les esprits
sérieux doivent unir leurs efforts, leurs lumières, pour la réalisation
de cette grande pensée.
Jusqu'à Bacon, il n'y avait point divorce entre la théologie et les
sciences. Les sciences réunies formaient un corps compact; la théo-

logie fournissait, à toutes, les principes premiers r:u moyen desquels


elles peuvent remonter vers Dieu et former une encyclopédie au-

tretnënt qu'avec l'ordre alphabétique des dictionnaires ou des ta-


-33-

bleaux synoptiques. Dès le temps de saint Grégoire le Grand,


les écoles voyaient, dans l'homme, le résumé de toute créature, et,
dans la fonction de l'homme, l'accomplissement des destinées de la.
création. Ce résumé de tous les règnes dans la seule nature de
l'homme porte en lui-même
qui une participation à la substance et
aux propriétés de chacun des règnes voilà une idée qui remplit les
Sommes du Moyen Age; elle exprime par le nom de microcosme,
donné à l'homme, le rapport entre l'homme et l'ensemble de la
création. L'homme est le roi, le centre, le nœud de tous les êtres;
il en réunit tous les éléments et dirigés vers une fin di-
supérieurs
vine. Vers cette fin, il porte avec iui toute la création, la relève et la
fait aboutir à sa personne. A son
le genre tour.
humain vient abou-
tir à son chef, Jésus-Christ, et Jésus-Christ est Dieu.
D'où il est facile de conclure que la Rédemption, en s'adressant
à l'homme, s'adresse, par lui, à toute créature que la nature, en-
traînée danssa chute, se relève par sa restauration qu'elle sera avec
lui renouvelée et ressuscitée, sous de nouveaux cieux, pour une
nouvelle terre.
Cette classification des sciences
posée, le P. Aubry les ramène
toutes à la théologie. De là, autant de chapitres sur la théologie
des sciences exactes, la théologie des sciences la
cosmographiques,
théologie des sciences naturelles. Dans ce dernier chapitre, il étudie
les rapports de la géologie avec la Bible, la zoologie et le transfor-
misme, la biologie et le principe vital, l'anthropologie et l'homme

préhistorique, la physiologie et le magnétisme. Dans la théologie


des sciences physiques et chimiques, il parle de l'unité de la matière,
des forces moléculaire; des forces vitales, pour terminer par quelques
considérations sur la médecine et la pharmacie.
Cette théorie catholique des sciences, dans les termes où la pose le
P. Aubry, nous paraît parfaitement acceptable et noblement
déduite
mais il faut bien l'entendre. Le P. Aubry n'entend pas subordonner
absolument les sciences aux saintes Ecritures il entend que, dans
l'état actuel de l'interprétation biblique et dans l'état actuel de la
s~.it'nce humaine, il doit s'étabtir une allure de conserve, une entente
fondée en des explications loyales et justes, en laissant le
toujours
protocole ouvert. Entre la parole de Dieu et ses œuvres, il ne
peut
exister aucune contradiction. Le point capital pour les accorder, c'est
de les bien comprendre. Si le progrès de nos connaissances découvre
des apparences de désaccord, il faut surseoir. Dieu a livré le monde
aux disputes après les disputes, on doit finir par trouver des éléments
de paix et des raisons d'accord dans la possession pleine de la vérité'.
8~

«Si, dit le Polybiblion (février 189;), le P. Aubry entendait seule-


ment la philosophie de ces sciences dans le sens catholique si l'in-

terprétation qu'il préconise de la Révélation dans les sciences se bor-


nait à un rôle M< à éclairer la route du savant, lorsque ses
découvertes l'amèneraient à une proposition ou théorie en oppo-
sition formelle et certaine avec quelqu'un des dogmes de foi, il n'y
aurait qu'à applaudir des deux mains. Son livre contient d'ailleurs
des vues élevées, un esprit philosophique recommandablé, toutes
les fois que l'auteur reste sur le terrain de la philosophie des sciences,
enfin une érudition scientifique remarquablement étendue. Mais
il va beaucoup plus loin en donnant, à la théologie, un rôle positif
dans les sciences, en voulant faire d'elle le fil conducteur de l'esprit
humain dans la recherche des vérités d'ordre purement naturel. Tel
n'est pas le but de la Révélation, ni de l'Ecriture sainte. Il est admis

par tous les exégètes, aujourd'h' n'y a pas d'enseignement


qu'il
,scientifique dans la Bible et que &i jamais le langage du livre sacré
n'est, en soi, contraire à la science, il est cependant conforme au

langage vulgaire et fait abstraction des théories scientifiques. »


Nous n'instituons, sur ce texte, aucune contestation. Que la
Bible, en dehors des questions de foi, n'ait qu'une valeur négative,
c'est ce qu'il faudrait d'abord prouver. Une nouvelle école d'exégèse
a voulu entrer dans cette voie non seulement, elle restreint les
lumières de la révélation, mais, par voie de conséquence, elle dimi-
nue la valeur la portée
naturelle, intellectuelle et scientifique de la
Bible. Or, nous savons comment Léon XIII a répondu à ces préten-
tions et vengé l'intégrité des livres saints. Nous avons appris, de
saint Augustin, que la Bible n'a pas pour objet de nous apprendre
comment vale ciel, mais comment nous devons y aller. Sans contes-
ter donc absolument les réserves du Polybiblion, nous croyons qu'il
y aurait lieu de mieux déterminer et d'élargir l'autorité des Ecri-
tures en matière de science.
Luther, Calvin
et, après eux parfois, no;, mystiques, n'envisagent
le monde et l'homme que dans les éléments de corruption, de disso-
lution et de ruine Pulvis M. Le docteur Maisonneuve oppose, selon
nous, justement, à cette doctrine du mépris, l'enseignement de
notre auteur. Nous ne contestons pas les effets de la chute origi-
nelle mais il fait mieux comprendre les effets de la réparation par
Jésus-Ghrist. Au bas de l'échelle des êtres, la matière inanimée,
au-dessùs,l'éehelleascendante des créatures. Le végétal plonge ses
racines dans le sol, déploie ses branches dans l'air et vit de ces deux

éléments. L'animal mange !e végétal et se l'incorpore l'homme


-85-
l'animal, se l'assimile et ï'ëfève lui. Après, l'homme
mange jusqu'à
le corps et boit le sang de Jésus-Christ pour se transfigurerez
mange
l'Homme-Dieu ici-bas et enfer dans le monde des anges. de
Du grain
sable à l'astre du firmament, du ver de terre au séraphin, il y a une

ascension continue, une admirable transformation. Quelle belle

doctrine 7~ valle lacrymaruna disposuit a~~MMMM.


A notre où tant d'hommes livrés aux recherches scien-
époque,
tifiques restent hésitants dans leur foi et où le rationalisme paraît
satisfaire tant c'est une bonne fortune de
d'intelligences distinguées,
un à tout homme de
rencontrer esprit vigoureux qui veut prouver,
bonne foi,
qu'il y a quelque chose au-dessus de la science qui fait
de toutes les sciences humaines, une et qui
magnifique synthèse;
les montre toutes comme émanées d'un principe supérieur qui les
domine et les inspire. Les sciences naturelles comme les sciences ma-
l'astronomie comme l'anthropologie, ne sont point
thématiques,
isolées ce sont les d'un même tout, rattachées les unes aux
parties
autres et, toutes ramenées à la La théologie est la reine
théologie.
des sciences les autres ne sont que ses suivantes ~MC:7/ Non pas
sufnse d'être très versé dans la science théologique, pour con-
qu'il
naître là même, comme une déduction nécessaire, toutes les
par par
particularités propres à chaque science. L'auteur n'a jamais rien
soutenu de semblable. Son but est seulement de montrer de quel
jour lumineux, la théologie éclaire toutes les sciences.
La Théorie catholique des sciences est donc d'un haut intérêt et il
nous est agréable d'en faire l'éloge. C'est sans aucune restriction que
nous en recommandons la lecture à tous ceux qui s'occupent de science
et tout particulièrement aux jeunes gens qui abordent les carrières

scientifiques. Nous les engageons vivement à lire, à étudier, à mé-


diter ce livre, et cela pour leur plus grand avantage, pour leur avan-
cement dans la science et la consolidation de leur foi. Rien de propre
omme cet ouvrage pour donner, à l'étudiant, des idées généreuses
et élevées au-dessus du terre à terre, le soutenir dans ses études

parfois bien arides. Dirigé par un tel guide, il ne s'égarera pas dans
le détail des faits mais, les reliant les uns aux autres, rapportant
chacun d'<tx à une idée maîtresse, il ne perdra pas de vue l'ensemble
et se trouvera continuellenent soutenu, à travers le dédale des sen-
tiers plus ou moins difficiles, dans lesquels ces études le forcent de
s'avancer. Cette idée maîtresse sera comme un phare lumineux qui
éclairera sa route, soutiendra ses espérances et lui montrera le port.
La r~orM catholique des sciences offre une foule d'idées hardies et

originales, des aperçus nouveaux et dignes d'un grand intérêt. Sou-


y

–~6

vent la lecture d'une seule


est capable 4e soulever,
page dans l'es-

prit du lecteur, un monde d'idées, de fournir la matière d'un livre.


L'auteur ne prend pas le temps de traiter à fond chaque question; il
ne fait qu'indiquer le sujet, laissant à d'autres le soin de développer
les idées qu'il sème d'une façon si libérale. Son but n'est pas de faire
un livre achevé, d'épuiser un sujet déterminé. Tout au contraire, il
veut provoquer des recherches et se contente de tracer le plan d'un
vaste ouvrage, d'une sorte d'encyclopédie comprenant tout l'en-
semble des sciences humaines.
En somme, il faut bien reconnaître que les sciences humaines ne
sont que les diverses branches d'une science unique, la science uni-
verselle de tout ce qui existe, science que Dieu possède dans sa pléni-
tude, incomplètement réalisable pour l'homme, mais dont il peut se

rapprocher toujours davantage.


On doit donc se faire une haute idée de la science. Toutefois,
n'exagérons rien. Il faut croire à la certitude scientifique, mais à une
certitude absolument constatée, et, une fois constatée, il n'y a pas de
conflit possible entre elle et la foi. Mais il faut bien admettre que la
science doit longtemps chercher et qu'elle peut se tromper.
Nous rions parfois des systèmes de nos devanciers peut-être que
la postérité, plus instruite, rira aussi des nôtres. Mais à chaque
époque, la science est bien fondée à obtenir l'indulgence de généra-
tions suivantes, non seulement en raison de sa bonne volonté et de
ses efforts; mais même en reconnaissance des services qu'elle rend
toujours et en considération de ce qu'il y a de vraiment utile dans ses
découvertes, de vraiment bon dans ses idées et ses conquêtes.
« Le temps moderne, dit le P. Aubry, par le beau développement
donné aux sciences, se montre évidemment appelé à achever la tex-
ture de cette couronne d'intelligence, de philosophie, de poésie,
d'art et de foi,
que les sciences viennent, en se regroupant amou-
reusement, former autour de la théologie, pour lui servir d'orne-
ment et de cortège et l'achever ? Non car ce sont de ces travaux
qui se perfectionnent toujours et ne sont jamais achevés sur la terre,
parce que leur terme est l'unité même de toute vérité dans la vision
céleste. Mais enfin notre siècle y aura un beau rôle. Ne nous plai-
gnons pas trop de notre temps. J'ai le patriotisme de mon sièeh,
comme de mon pays. u?
.i Le .docteur Matsonneuve et le professeur Kirwan ont relevé, dans
S~t ~B~t~Me~~etq~ :potnts tiennent pour errott-

/Sr!~[~Sntre~tl~it~ l.iti rëpro~lïerii admis les jours époques,


~S ~i~pï~~i~~ -d'erreur ces opi-
-87-

nions à propos de l'homme de l'habitation des astres,


préadamique,
du caractère de la mort et de diverses autres choses. Plusieurs de
ces points sont matières d'opiniors; les théories ont beaucoup varié;
celles qu'on au P. Aubry n'ont rien d'absolu, ni de déSnitif.
oppose
Survivront elles, reviendri-t-on aux anciennes en imaginera-t-on
d'autres. Tout de croire le dernier mot n'appartient pas
permet que
à la nouvelle science.
Comme conclusion, nous ne pouvons mieux taire que de répéter
les paroles du docteur au des savants catho-
Schœpmann, congrès
liques à Bruxelles: « Nous ici la science vient de
proclamons que
Dieu, du Dieu de toute lumière, et nous nous inclinons devant la

majesté dont Dieu l'a revêtue. Voici notre but clairement déHni

manifester, révéler tout ce que le Créateur a mis de beauté, de bonté,


de vérité dans ce vaste univers chercher et rechercher dans cette

création, sur a passé le terrible ouragan du péché, les ver-


laquelle
tiges épars, les rayons brisés de cette œuvre que le suprême ouvrier
avait vue devant lui souverainement bonne ne négliger dans cette
recherche aucun domaine embrasser les choses les plus éloignées et
les plus diverses fixer les lois de l'esprit et de la nature et contri-
buer ainsi à la gloire de Dieu. »

XII

LA PHILOSOPHIE

La philosophie n'est pas une science spéciale, ayant ses questions


et qui puisse êtrerangée à l'alignement avec les autres
particulières,
sciences, dans un tableau général des connaissances humaines. Les

questions qu'elle traite touchent aux premiers principes de notre


activité intellectuelle et 'morale elles fournissent les principes pre-
miers de toutes les sciences. La philosophie est surtout la science

qui nous apprend à raisonner, à penser et à exprimer logiquement


nos pensées elle nous donne, pour cela. des idées générales, des
universaux, des catégories, sous lesquels l'mt.?lligence s'habitue à

grouper les faits elle apprend à chercher, pour toute chose, son

principe, pour tout effet sa


cause, pour toute conclusion ses pré-
misses. Par conséquent, elle nous enseigne à exposer, sous une
~i;

.itoï~qï~~t;~d~tM:o~ordr~ tout eé qu'on traite, A


~Èiën.c~'rdô.&n~r~
Nôas toa~haûs !& tuf de, l'être humain. Les vantés
pfe-
mières, ces vérités qui n'ont jamais été ébranlées et qui M le seront
jamais, sont comme ces fortes assises de pierre des monuments de

l'antiquité. On a détruit ces monuments les assises sont restées.


Plusieurs fois on a rebâti sur elles une fois ou deux par siècle, les
tévolunons ont détruit ces constructions ultérieures, les assises
restent toujours et attendent, inébranlables, qu'on leur fasse porter
de nouveaux édifices.
Cicéron a un beau passage sur l'immutabilité pre-de ces vérités
mières de l'ordre intellectuel Ipsi et moral
sibi sunt ~x. Dans le
même sens, Joubert a dit « Dès qu'un raisonnement attaque l'ins-
tinct et la pratique universels, il peut être difficile à réfuter, mais, à
coup sûr, il est trompeur. »
On définit communément la philosophie la science des premiers

principes, ou la science des causes premières et des fins dernières


en général, et, en particulier, la science de Dieu, de l'homme et de
leurs rapports nécessaires, d'après les enseignements de la foi et les
lumières de la raison.
A cause de l'espèce d'innéité des premiers principes, on a pré-
tendu qu'il était inutile de les étudier et qu'avec le progrès de l'âge,
le bon sens apprendrait à tous une suffisante philosophie. Parce que
le raisonnement est naturel à l'homme, il serait inutile d'étudier la

logique comme il serait inutile d'étudier la grammaire et la mu-

sique, parce qu'il est naturel à l'homme de parler et de chanter.


C'est une grave et ridicule erreur. L'âge peut offrir aux dons naturels
une certaine
évolution mais, pour une évolution régulière et com-

plète, il faut une culture savante et éprouvée. C'est la philosophie


qui donne les premiers éléments de cette culture. S'il est vrai, selon
Renan, que son professeur de philosophie devait à la fréquentation
de Reid, une grande aversion de la métaphysique et une confiance
absolue dans son bon sens il est encore plus incontestable que
la faiblesse des études philosophiques engendre cette légèreté et cette
indécision doctrinale, cette sorte d'impartialité entre tous les sys-
tèmes, cette neutralité si funeste au progrès des sciences et à la vi-

gueur d l'intelligence.
Non seulement il, faut étudier la logique et enapprécier les règles,
il &ut encore les prat Nonpas, comme on l'a prétendu, pour
jo~gler.avëe~es motS~ avec les idées; mais.au contraire, pour couper
~~ur~~totitf's,les .jongleries de la pensée, aux langueurs de la
89

plume. « Parti.culiêrement, dit le P. Aubry, l'utilité, h raison d'être


des exercices syllogistiques et argumentatifs, n'est pas d'instruire
c'est de former l'acuité, la pointe de l'esprit de donner au jugement
cette sûreté, cette fermeté, ce discernement,
qui voit le faux d'un ar-
gument spécieux, d'une phrase bien tournée, d'un développement
habile, d'un morceau où l'erreur est cachée sous les fleurs littéraires
et les scintillements style.du
L'argumentation préservait l'esprit
contre les dangers et les écarts de cette felle ~H logis, l'imagination:
faculté si belle, mais si pleine de périls, si facilement ennemie de
la vérité, quand elle n'est pas préservée, environnée de précautions.
Le syllogisme est la gymnastique dans laquelle les plus grands et les

plus robustes esprits ont développé la force de leur génie, en le domp-


tant d'abord et en l'assujettissant, pour commencer, aux règles les
plus sévères' a-
Le coeur d'une bonne
philosophie, c'est la métaphysique. La mé-

taphysique a eu, comme la logique, des ennemis qui voulaient


l'écarter, sous prétexte qu'elle est trop spéculative et oiseuse. Une telle

prétention est une marque particulière d'inintelligence. Prétendre

que la métaphysique est une idéologie sans substance, est une insa-
nité. Comme la logique nous apprend les règles d'un raisonnement
juste, la métaphysique nous fournit le sens philosophique de tous les
termes abstraits du langage. Dans la moindre conversation, à chaque
minute, vous proférez des termes de cause et d'effets, de principes
et de conséquences, d'essence, de nature et de substance, d'accidents
et de facultés, d'unité, de vérité, de bonté, de relation et de discor-
dance ou d'harmonie. Ce sont là autant de termes
métaphysiques,
dont la métaphysique seule explique le sens. Chercher le sens de ces
mots dans un dictionnaire, c'est employer ces termes dans un jargon
qui ne dit rien à l'esprit. La métaphysique est la législation des
idées et du langage. A ce titre, la métaphysique est l'élément
et la base de tout bon travail intellectuel, dans quelque genre que
ce soit c'est
le préservatif de la pensée dans tous les ordres d'idées,
le fondement de l'édifice intellectuel dans toutes ses parties.
Ceci est vrai surtout pour les études ecclésiastiques. Le sacerdoce
ne sera, suivant un mot de Thiers, le rectificateur des idées du peuple,
que si son éducation est nourrie de métaphysique, et s'il devient
capable d'opposer un enseignement irréprochable aux mille erreurs
qui se disputent les esprits. C'est d'ailleurs l'enseignement exprès de
Rome. Il faut que la philosophie prépare fortement le prêtre aux

Les grands Séminaires, p. 97.


~9~–

à la sage direction de la société. Si


~th~[o~ques et, pateltes,
tombe dans l'incertitude, le discor;, l'ar-
~p~I~Ophie~
i~r~fe,-<lMs les concepts. De là, tendance aux néologismes et aux

;jda6trlnës particûlaristes, infatuation des idées modernes et mépris


de la scolastique. C'est la confusion de Babel dans les écoles, puis
dans la vie publique.
On a reproché aux grands métaphysiciens du Moyen Age d'avoir

institué, sur des points secondaires, sur des questions en apparence

inutiles, de longues disputes, des travaux considéractes, de vrais


combats. Ce reproche est immérité. Ces points secondaires ou ina-

percevables aux myopes, forment les parties intérieures, les fonde-


ments cachés de l'édifice intellectuel. On ne les discute plus aujour-
d'hui, ces questions, parce qu'on les a vidées autrefois. Nos maîtres
ont fixé la doctrine sur ce point contesté; ils ont
bâti, dans ce sol
mouvant et marécageux de l'intelligence, un pilotis sur lequel nous

pouvons construire nos édifices, solides parle pied. Les universaux,


les catégories de Porphyre, le Péri-Hermenias, sont des positions ac-

quises elles ont été vigoureusement défendues, parce que, si on les


avait abandonnées, c'était céder la place à l'athéisme, au pan-
théisme, au matérialisme, au scepticisme, à tous ces monstres

que nos ancêtres, plus forts que nous, ont pu étrangler. En cédant,
on eût permis à l'âne de Buridan de déposer son crottin à cet endroit,
et même à la vipère hérétique d'y cacher son nid. Tels, dans une ba-
taille, des régiments se disputent une ferme abandonnée, une haie,
un groupe d'arbres, un tertre pourquoi ? parce que l'abandon de ce
tertre, c'est la bataille gagnée ou perdue. Et si, de nos jours, vous

voyez les fureurs de la tempête se déchaîner contre ces vieilles bases


du monde philosophique, c'est que les palefreniers de Buridan ont

compris qu'il fallait les défoncer, pour qu'il ne reste plus rien de
solide à la défense.
Cette métaphysique, si injustement calomniée, si misérablement
abandonnée, c'est la base de la pensée humaine, la pierre angulaire
de la société. Cette philosophie, justement appelée fondamentale, a

cinq causes une cause matérielle, c'est son objet une cause for-
melle, c'est le point de vue où elle se place pour
l'examiner
une cause exemplaire, c'est l'idéal qu'elle doit atteindre; une cause
instrumentale, c'est l'harmonie de la raison et de-la foi nécessaire
a la réalisation de cet exemplaire typique enfin une cause finale,
~~c'es~son~but.
L~a!étaphysi<;ue,pout donner a l'esprit humain un point d'appui
i~brmiable, pose, c6 principe premier qu'il y a quelque
9i

chose que ce quelque chose a une cause et qu'il peut produire-dës


effets; ne peut pas, en même temps, être et ne pas être, être têt
qu'il
ou autrement une
que son existence suppose essence, une nature-;
et une substance que l'essence est accompagnée d'accidents, ta na-
ture de facultés, la substance d'un lien infrangible que tout être,

par la qu'il est, est un, vrai, beau et bon qu'il a des relations qui
doivent le résoudre en harmonie.

Quand la métaphysique a posé ces bases, la philosophie générale


étudie l'homme, Dieu et leurs rapports. La psychologie, la théo-

dicée, l'esthétique, la morale, le droit sont les fragments essentiels


de cette philosophie. Le
P. Aubry ne se propose point d'écrire, de
cette philosophie, un manuel classique, comme Balmès en Espagne,

Janet en France, Tongiorgi, Liberatore, Prisco, Signoriello, Cor-


noldi et te plus grand de tous, San Severino, en Italie. Dans les
trois chapitres des Gya~aj Séminaires et dans son volume de A~M~

philosophiques, le P. Aubry offre un directoire à l'élève et au maître


il pose le principe de toutes les études et signale, avec une grande
énergie, les écueils.
De nos jours, on a fait, de l'Histoire de la philosophie, un grand cas.
Sans parler du grand ouvrage de Brucker, Gerbet, Conti, Laforêt,
Bourgeat, Tenneman, Cousin ont appelé, sur cette histoire, l'atten-
tion et !es sympathies de leur siècle. Le P. Aubry croit certainement

sage qu'un professeur, enseignant une partie quelconque de la phi-

losophie, l'appuie et l'éclaire par l'exposé des erreurs où est tombée,


sur ce point, la raison, séparée de la toi. Mais il n'entend point,
comme on l'a dit avec emphase, que l'histoire de la philosophie
c'est la lumière des lumières, l'autorité des autorités. L'histoire de la

philosophie prouve combien l'esprit de l'homme, réfractaire à la

foi, est aveugle et exposé à l'erreur, même sur le terrain de la raison

pure. Non pas que la foi soit nécessaire pour instruire l'homme
sur chaque point de la philosophie mais elle est indispensable pour
l'éclairer sur l'ensemble. L'histoire de la philosophie n'est
séparée
autre chose que l'histoire des systèmes, des erreurs, des contradic-
tions qui s'anathématisent et se détruisent réciproquement. L'his-
toire de la sagesse humaine, c'est l'histoire de la folie de tous les

peuples, l'histoire de leurs illusions, de leurs rêves, de leurs en-


thousiasmes et de leurs extravagances. Bon livre pour apprendre que
l'esprit humain, si grand, si élevé, une fois livré à lui-même, n'offre
plus, s'il répudie la foi, que les entêtements de la révolte et la perte
de la vérité. Luther, qui avait pourtant pleine confiance dans la
force-de la raison, la compare à un paysan ivre, monté sur un âne
vous le soutenez avec des (fourches quand vous te relevez d'un côté,
il tombe de l'autre. Mais l'ivrogne n'en tistpas moins convaincu de
son infaillibilité et de l'impeceabilité de son âne.
Par un attentat
qui ressemble assez à la construction de la
Tour de Babel, les rationalistes ont conçu l'hypothèse d'un état
des sciences si avancé, que l'homme aurait conquis, par son intelli-
gence, tout ce qui est à connaître. Salomon, dans l'Ecclésiastique, dit
dans quelles limites Dieu a enfermé la science humaine et quels ob-
jets elle peut étudier avec succès. Nous ne connaissons pas ces limites
nous ne savons ni jusqu'où l'homme ira, ni jusqu'où il peut aller
dans la connaissance des choses, réalités physiques, phénomènes aux-

quels elles sont soumises. lois qui leur imposent un terme. Mais
nous savons que l'homme ne saura jamais que peu de chose, et
ignorera toujours plus qu'il ne saura. Cette condition est même sa-
lutaire pour nous elle diminue notre responsabilité dans le crime,
elle nous oblige à l'humilité qui n'est pas seulement la première
vertu surnaturelle, mais la première condition naturelle à laquelle

l'esprit doit se soumettre pour ne pas tomber dans l'extravagance.


C'est un des grands côtés des grandes lois de l'épreuve.
Nous savons d'ailleurs que l'homme est déchu, que sa raison a
été victime de cette
déchéance, qu'elle n'est pas seulement limitée,
mais, de plus, débilitée, affaiblie dans toutes ses opérations. Nous sa-
vons que la foi est nécessaire pour relever la raison par la grâce et
illuminer ses ténèbres. Mais les rationalistes, ces Titans de la révolte

antiphilosophique, ils répudient la force de la grâce et les lumières


de la foi. Quand ils se sont couverts les yeux d'un voile opaque, ils
prétendent que leur faible regard peut pénétrer tous les mystères. Si
vous prêtez l'oreille à leurs discours, ils vous crient que l'intelli-
gence humaine est assez vaste
pour contenir, assez forte pour con-
quérir la connaissance complète du monde matériel ils se vantent
de pénétrer jusqu'à ses derniers et ses plus délicats éléments ils
entendent saisir les forces des atômes, les phénomènes qui s'opèrent
en vertu de ces forces, leur situation respective, leur mouvement à
chaque instant de la durée ils promettent d'exprimer toutes ces
connaissances dans des équations différentielles, de les réunir dans
une formule universelle, pouvoir prédire tous les événements
jusqu'à
futurs, à un point quelconque de la durée. A moins toutefois que
des causes libres et des forces vitales n'amènent des dé-
l'expansion
viations dans le fonctionnement normal et spontané des lois de la
nature..
Or, de l'aveu même de ces ambitieux savants, notrecannaissance
–93–

de la nature est renfermée entre deux limites d'un cote, i'imposs'b'-


lité de concevoir l'essence de la force et de la matière de l'autre,
les intellectuels à l'aide de
l'impossibilité d'expliquer phénomènes
leurs conditions matérielles. Cet aveu est bon à retenir. Mais cette

double nous la rattachons à des causes d'ordre ab-


impossibilité,
solu les conditions matérielles de la pensée, ne sont que des cotMK-
tions et des conditions actuelles;
par conséquent, il ne suffit pas de
les connaître pour avoir le secret
de la production de la pensée il
f~ut connaître l'agent de la pensée. Cet agent est une âme dont ni la

substance, ni les opérations ne tomberont jamais sous l'analyse

scientifique.
En chassant de laphilosophie ce honteux~matérialisme, nous

dressons, avec ses ruines, un piédestal à la raison. La raison a certai-


nement un domaine de vérités ouvert à ses efforts elle est certai-
nement capable de construire une philosophie. Il y a des vérités
qu'elle est apte à connaître en entier par elle-même il y en a qu'elle
connaît en partie la foi lui fait connaître le reste. II serait intéres-
sant pour elle de pouvoir parcourir en entier son domaine, d'en

marquer exactement les frontières, de dire les vérités qu'elle peut


atteindre et jusqu'à quel point elle peut connaître celles où elle a
besoin de la foi. Or, elle ne le
peut pas. Les limites de ce domaine
sont incertaines il nous faut la foi pour guide, afin que la raison

n'outrepasse pas ses limites, et que, dans ses limites mêmes, elle ne
fasse pas, à chaque instant, fausse route.
On peut dire ici de la foi par rapport à la raison, ce que nous di-
sons de la grâce au libre arbitre. La grâce est nécessaire
par rapport
pour éviter tous les péchés en général la foi est nécessaire pour
éclairer l'esprit humain sur tout l'ensemble des vérités de la philoso-

phie.
Séparer la philosophie de la révélation et la raison de la foi, d'un

côté de l'autre, isoler la théologie de tout travail philosophique,


l'empêcher d'emprunter les spéculations rationnelles, pour appron-
fondir le saint objet desesétudes c'est la théorie de l'isolement, du

séparatisme. Cette théorie, appliquée à ces deux sciences-mères, en

s'appliquant à toutes les sciences divines et humaines, a détruit l'en-

cyclopédie des sciences, construite aux Moyen Age. La conséquence


actuelle de cette ruine, c'est le renversement de la civilisation.

L'expérience des siècles, l'observation attentive de la raison hu-


maine, si vous les séparez de la foi, c'est qu'il faut désespérer de fa
philosophie. Les Gentils dans l'antiquité n'ont pas pu y atteindre les
modernes, malgré la révélation divine, n'ont pas su s'y tenir. Eh
quû~ ~D~ëa ne nous ë~t-il donné la raison que pour )a désespérer
et si elle est insufBsaUte du affaiblie, n'a-t-H pas voulu la relever ?
Sans contredit il y une philosophie chrétienne et il ne faut dé-

sespérer que de celle qui ne l'est pas. Au lieu du désespoir de la phi-


losophie, nous avons, nous autres, suivant le grand mot de Boèce,
la consolation de la philosophie. Ce mot résume le sentiment de la
raison, televée par le Christianisme, depuis que les Pères lui ont
appris à se servir d'elle-même et ds la foi, pour reprendre, à cette
double lumière, l'oeuvre abandonnée par la sagesse antique et trahie

par les prétendus des temps modernes.


cages
S'il faut croireque les grandes vérités de Dieu, de la création, de
l'âme immortelle, de la loi morale, de la vie future, sont des vérités
de raison, il est certain que la philosophie rationnelle réussit peu à
les découvrir, à les expliquer, à les affirmer et à les défendre. Otez le

rempart de la foi catholique et aussitôt les voleurs, les malfaiteurs


intellectuels, comme dit Guizot, viennent piller ces richesses et dissi-

per ce trésor. Bientôt, il n'en restera plus rien.


C'est pourquoi l'Eglise, dans ses conciles, et les Papes du haut de
leur siège ne se bornent pas à définir les dogmes et à les défendre ils
définissent encore les droits respectifs de la raison et de la foi et ils

frappent d'anathèmes ces philosophes, plus déraisonnables qu'impies,


qui défoncent le sol de la raison, pour empêcher l'édifice de la foi de
tenir debout.
C'est sur ces données
que le P. Aubry, sans prétendre composer
un cours de philosophie, en pose les jalons ou plutôt bàtit des pyra-
mides. Dès le début, il avait dit son mot sur la philosophie antique,
signalé sa faiblesse et montré sa répugnance pour le Christianisme.
Maintenant, il cherche, dans la métaphysique chrétienne, les élé-
ments de l'unité intellectuelle il parle de l'immortalité de l'âme, de

l'intelligence, de la volonté et du rapport des idées avec l'expression


il appuie, en théodicée, sur les preuves de l'existence de Dieu et
s'élève contre la doctrine de l'abstention, inventée par le positivisme
il s'élève encore une fois contre le doute méthodique de Descartes,

préconise l'induction et se prononce, de plus en plus, pour le retour


à la scolastique. « Ce qu'il y a, dit-il, p. 361 des Mélanges, de plus
exact dans les idées, de plus précis dans les mots, de plus profond
dans les aperçus, de plus irréprochable dans les théories, c'est donc
encore l'ancienne philosophie, et c'est là qu'il faut en revenir, pour
former des hommes, jusqu'à ce qu'il se lèvp un grand siècle et de

grands hommes qui fassent mieux, si c'est possible et on ne peut

iliex que ce soit possible.


9S

Et par un qui n'est


trait qu'à lui, cet homme qu'on accuse de dé-
truire toujours, sans rebâtir jamais, veut que sa philosophie tourne
à l'éducation intellectuelle de la jeunesse et fasse, de ses disciples, des

champions de la vérité. Mais, en homme pratique, il ne veut pas


que les jeunes gens s'appliquent, avant leur formation intellectuelle,
à l'acquisition de la science. Volontiers, il proposerait l'étude dans
l'ordre dispersé il ne veut pas qu'on.soit auteur trop tôt. D'abord il
faut parcourir, dans son étendue, le monde de la pensée et le monde
des réalités il faut amasser, amasser beaucoup. Ces éléments que
vous aurez réunis, au prix d'un long travail, vous les trouverez épars
au premier instant mais ils fermentent comme d'eux-mêmes et,
la philosophie naturelle de l'esprit leur servant d'intermédiaire, de

véhicule, ils chercheront et trouveront d'eux-mêmes leur place et


courront s'y ranger dans leur ordre. Ce moment estprécieux c'est,
dans la vie, l'heure inoubliable où l'esprit, s'élevant au-dessus de la
terre, contemple la vérité avec uns sorte d'intuition et, instantané-
ment, fait jaillir un volume des longs efforts de son esprit.
Tous les esprits élevés et puissants ont connu cette crise et

éprouvé cette force d'irradiation. Mais il faut


la préparer avec un soin

religieux. Le P. Aubry exige, dans ces études, la pureté du cœur


il montre les avantages de l'étude des langues il veut que les études

philosophiques soient contrôlées par l'expérience de la vie il recom-


mande fortement qu'on se préoccupe du style et du mérite littéraire
et termine par ces conseils
« Soyez curieux de tout il y a partout à moissonner du bon et
surtout à découvrir le Verbe. Voyez tout, écoutez tout et n'écrivez,
ne copiez, n'aimez modérément. Ecrivez un
que peu pour vous seul,
en recueillant tout ce qui vous arrive du dedans et du dehors.
L'un des grands buts, si ce n'est le principal du cours de philoso-

phie, c'est de former, dans les jeunes gens, la rectitude de la pensée,


la logique et l'exactitude rigoureuse du langage et de l'esprit.
L'érudition n'est rien. Le but ce sont les principes, la méthode, la
formation de »
l'esprit.
Si ces conseils se lisaient dans les écrits du comte de Maistre,
personne n'en éprouverait la moindre surprise et tout le monde
crierait Bravo 1
xni

LA THÉOLOGIE BOGMATIQ.UE ET LA RELIGION

L'école ecclésiastique, c'est l'Eglise enseignante. Dans son ensei-

gnement, cette école a toujours eu le même objet, la même méthode,


le même but que l'Eglise. Or, l'Eglise, dans son enseignement;
s'adresse à deux classes d'auditeurs aux néophytes, elle offre l'en-
seignement du catéchisme aux clercs, elle donne une nourriture

plus substantielle, l'exposition savante de la théologie. La théologie


et le catéchisme visent également à initier l'auditeur à la connais-
sance de Dieu et
de Jésus-Christ ils doivent le préparer à la vie

éternelle, en lui inculquant la pure doctrine. Les degrés de l'ensei-

gnement sont divers, mais de même nature; ils ne diffèrent que du


plus au moins, et même dans le degré inférieur, ils doivent élever
l'homme très haut. Le plus humble chrétien est l'enfant de Dieu et
doit se nourrir de sa divine lumière.
Le chrétien,
puisqu'il connaît Dieu et Jésus-Christ et vit du Saint-

Esprit, porte déjà, dans son âme, la vérité infinie, le ciel adorable,
ce que saint Paul appelle le Verbe abrégé, cette vie divine en partici-
pation, que l'Esprit de Dieu sème dans l'Eglise, comme un germe
d'éternité. Le vrai chrétien, qui possède la foi et la grâce, porte
au fond de lui-même l'exercice et l'harmonie de toute la religion,

appliquée à son il porte,


âme; sous forme d'intuition, inconsciente

peut-être, mais réelle, une théologie infuse, fidèle, exacte, gravée


dans son âme par la bouche du Saint-Esprit. Tout comme nous sen-
tons, dans la vigueur de nos membres et le sentiment de notre force,
l'harmonie, le jeu régulier, la puissance de nos organes, sans con-
naître d'ailleurs ni anatomie, ni physiologie.
Le théologien doit atteindre à des hauteurs plus sublimes encore;
il doit s'élever au-dessus de la connaissance initiale, de l'objet élé-
mentaire, des raisons premières de la foi. Dieu ne tolère pas seule-
ment, il veut que la science théologique considère, d'un regard
profond, mais respectueux, les mystères de la religion révélée.
Comme la force de la raison ne suffit pas pour explorer cette région
des dogmes, Dieu tient en réserve,,pour le théologien, des lumières
surnaturelles, des assistances d'une céleste efficacité. La raison chré-
–.97–

tienne, en ce cas, n'est seulement armée de ses facultés essen-


pas
des ,dons
tielles, par la foi
agrandies elle reçoit encore, de Dieu,

d'intelligence, de science et de sagesse. Le baptême et la coanmia-

tion du chrétien, en l'incorporant à Jésus-Christ, lui ont fait sentit,


et goûter les choses de Dieu. Le caractère sacré .de
comprendre
l'ordre sacerdotal sanctifie la raison du la transforme et con-
prêtre,
sacre toutes ses facultés à l'étude des divins mystères. Débarrassé, par
sa vocation virginale, des goûts, des préoccupations et des aspirations

terrestres, le prêtre possède en lui, par la pureté du coeur, une

énergie de lumière qui sympathise naturellement avec les


pensées
divines. Les
grâces que départ Dieu lui
cesse, sans le stimulent et

l'illuminent, en temps opportun, comme des éclairs intérieurs.


Dans son ministère les mystères dont il est le ,dispensa-
quotidien,
teur, les .bénédictions dont il est le canal, les opérations divines dont
il est l'agent, assurent, à son âme, une connaissance pL s profonde
de l'ordre surnaturel et l'expérience plus sensible des oses'de Dieu.
Ainsi enrichi parla nature et par la grâce, l'oeil humblement mais
fermement dirigé vers les hauteurs de la contemplation, le théolo-

gien ne se contente pas d'écouter la foi il entend scruter les mys-


tères et en découvrir les harmonies. C'est un scrutateur de la

majesté divine, qui ne se fera point écraser sous le poids de la

gloire.
Les doctrines de la révélation, complètes dès le commencement,

suivent, dans le cours des siècles, une évolution dogmatique; cette


évolution consiste en deux choses une expression de plus en plus
de la vérité une démonstration par des arguments de plus
explicite
en plus décisifs. Dans ce mouvement, dans cette
exposition scienti-

fique de la vérité révélée, on distingue cinq phases 1° L'ere aposto-


qui va, de la prédication du Christ, au con-
liqueou de fondation,
cile de Nicée en ~2~ 2° l'époque des saints Pères ou d'exposition, de-
le concile de Nicée jusqu'à saint Grégoire le Grand en
/puis 590;
3° l'époque de transformation sociale pendant le Moyen Age; de saint

Grégoire à saint Anselme, en z).° l'époque scolastique,


109~ subdivi-
sée en trois pèriodes de formation, de haut progrès et de décadence,

depuis saint Anselme jusqu'à la fin du xv" siècle; 5°' l'époque, de la


grande épreuve, où l'on distingue deux périodes, la période des épreu-
ves partielles depuis la naissance du protestantisme jusqu'à la révo-

lution la période de l'épreuve universelle, depuis que le protestan-


tisme est arrivé à son terme dans le svBibole destructeur du radica-
lisme antichrétien.9~
De ces cinq époques, trois
s~~nt'attirëNMMtre attention h
LE P. AUBRY S t 4

f'

x~im~~
98

période apostolique, la période d'exposition et la période *de construc-


tion. Trois hommes personnifient souverainement la doctrine catho-

lique à ces tro's phases de l'histoire et forment Une trinité scienti-

fique de lumière chrétienne; saint Paul, l'apôtre inspiré; saint Au-


gustin, le théologien illuminé; saint Thomas, le docteur consommé.
Le premier pose les vastes assises de l'édifice des sciences
sacrées le
second fait monter vers le ciel cette admirable construction; le troi-
sième en pose le couronnement, en,trace les avenues, en construit
les dépendances.
Depuis saint Thomas, le monde a marché; il a subi surtout de
terribles ébranlements et d'épouvantables catastrophes. En quoi
consiste l'enseignement dogmatique, pour le mettre en pleine lu-
mière et conjurer les malheurs ?
a.Le vrai programme de toute étude théologique, dit le père

Aubry, à notre avis, c'est de prendre chez les scolastiques l'idée-


mère, le concept principal, les grandes lignes. Pierre Lombard,
Alexandre de Halez, saint Thomas d'Aquin ont porté l'esprit ma-

thématique dans la théologie, sachant s'allier avec le charme, l'élé-


vation, la profondeur des spéculations métaphysiques les plus belles;
ils ont tracé, d'une main ferme, le cadre, non pas étroit, mais im-
mense, où doit se déployer, dans la plénitude de sa force, le génie
de la science sacrée, unie aux sciences humaines et doublant leur
force. A nous, modernes, de remplir ce cadre, avec notre esprit pra-
tique et nos découvertes incessantes; à nous de fondre ensemble la

théologie contemplative et la théologie positive, ces deux éléments


admirables qui sont comme les deux ailes du dogme. C'est là un
labeur qui répond aux associations et aux besoins de l'intelligence
moderne; et si notre
voix avait quelque portée, nous ferions appel
au courage, à la sainte ardeur des nouvelles générations sacerdotales
nous leur crierions qu'il s'ouvre, à leur ambition, une vaste carrière
à parcourir, d'admirables conquêtes à réaliser »
Parmi les théologiens modernes, le P. Aubry conseille, de pré-
férence et parallèlement à saint Thomas, en première ligne, le-car-
dinal Franzelin. Ce n'est
pas que cet auteur soit le seul bon mais il
est un de ceux qui ont le mieux rendu la transformation nécessaire
de la théologie, cette fusion des deux méthodes, celle du P. Thomas,
qui est la méthode contemplative, celle de Bellarmin, Petau, Suarez,
qui est la méthode positive. La théologie de Franzelin réunit et fond
admirablement ces deux méthodes en une seule, et c'est pourquoi

'~MGMH~!&mttM<f<p.t!t.
99

nous la regardons, non pas comme le type, mais comme un essai


fécond et un heureux de la méthode transformée.
spécimen
A l'école de saint Thomas et de Franzelin, le premier usage que
fera toujours de sa raison le jeune théologien, sera de reconnaître le
fait de l'enseignement divin de se soumettre à cette autorité
puis
divine, en interrogeant et en s'appuyant, pour comprendre
l'Egli~,
ses enseignements, sur les textes des Ecritures et les témoignages des
Pères. L'acceptation de l'autorité de Dieu, règle absolue du vrai, et
de l'autorité de l'Eglise, organe infaillible de Dieu, n'enchaîne point
sa liberté. Sur cet acte de nécessaire soumission, il se délivre, au

contraire, des ténèbres du doute et de la tyrannie de l'erreur, maux


inévitables pour la raison abandonnée à elle-même. D'autre part, il
n'oublie point que Dieu est le Dieu infini, comme un
toujours
océan sans fond et sans rivage; lui, êtr~ limité et infirme, il ne sau-
rait pénétrer toutes les profondeurs, ni embrasser toutes les étendues.
Le théologien est un il accroît encore ses ressources
esprit puissant;
par l'intelligence de sa modestie.
Le champ d'exploration, qui lui reste, n'en est pas moins immen-
sément vaste. « Ce qu'il a devant lui, dit encore le P. Aubry, ce ne
sont pas des horizons à perte de vue, c'est l'infini, et il a le temps
d'avancer sans trouver de bornent
limites, ses conquêtes.
qui
D'ailleurs, il n'y a point de limite il y a des précipices et des
écueils à éviter, car il est possible et il est facile sous le gouvernement
de l'Eglise, de les éviter mais, il n'y a point de limites infranchis-
sables à rencontrer. Plus il creuse, plus il voit qu'il reste l'infini et

qu'il est toujours de creuser et d'avancer. La sagesse infinie


possible
n'est pas cachée tout entiire et surtout n'est pas inaccessible, et
ce sanctuaire même du
mystère, où elle a déposé ses secrets éter-

nels, n'estplus pour lui sans voix; et il lui est permis d'écouter, au

dehors, avec un saint respect, les échos divins qui en sortent et que

Lacordaire, avec autant de poésie que de sens théologique, appelait


le son du divin. En l'écoutant, il sent bien est sur le chemin de
qu'il
la science éternelle
et qu'il ne rencontrera point de barrière. Escorté

par la foi, guidé par l'autorité de l'Eglise qui le préservera toujours,


il ne craint donc pas de se mettre en marche vers ce point de l'hori-
zon. L'œil fixé là, comme celui de l'aigle, toujours il s'avance et tou-

jours le chemin s'étend; toujours il médite et sa méditation sera


sans fin car elle a pour objet Dieu lui-même et elle doit se pro-
longer dans l'éternité, en subissant seulement à la mort une trans-
formation que saint Paul appelle la délivrance des enfants de Dieu et
la liberté de la gloire. Les avenues de la science céleste ne cessent de
~3~
-s'e~

~~rgM~an~'lïiiet'de.dé~ son~ âme ravie, des hofizoas

,ntë~illëM"'q:u'il ne saut-ait
mesurer, ~ais dont il devine ria6aie
protba~eur. Humble et puissant, il ose, par la contemplation de son

regard humain, S'élever jusqu'à la contemplation de la pensée di-


viaey jusqu'au sein de l'infini, et dédire les opéra.tions intimes de
Dieu et ses décret$ éternels. Or, il finit par y saisir et y dessiner des
traits splendides, quoique incomplets, de la vie intime de Dieu et.
de ses plans sur le monde, de belles échappées lumineuses de cette

philosophie éterneDe de dogme, qui est la sagesse même du Verbe,


la science même de Dieu contemplant son essence et ses œuvres
Voilà le travail du théologien il réunit, sans les confondre, dans
une glorieuse collaboration, l'autorité divine et la recherche ration-
nelle. C'est comme l'union
hypostatique de la pensée divine et de la

pensée humaine, l'intelligence incréée fournissant la substance infinie


sur laquelle l'intelligence créée travaille en creusant toujours, pans

l'épuiser jamais, le filon éternel. Cet emploi élevé de l'élément pri-


maire et cette vue pénétrante de l'élément divin, sont regardés
comme les deux ailes de la théologie. De leur concours harmonieux
résulte la vraie science de la foi. Et cette science, après les seize pre-
miers siècles
de l'Eglise, se trouva menée si loin, si achevée par le
travail, si Illuminée par la contemplation,qu'elle contenait implicite-
ment le germe de tous les développements possibles de la théologie,
et, par conséquent, les principes certains de toutes les sciences, la
force initiale les branches de la théologie.
de toutes
Or, ce travail séculaire, toujours progressif, vraiment prodigieux
de la théotogie
dogmatique, a été mal soutenu, déprimé, mutile,
depuis trois siècles. Depuis trois siècles, la théologie est, parmi nous,
en France, comme une science faite, mais finie, j'allais dire morte,
matière à études sans vitalité,
outillage nécessaire à la science ec-
clésiastique, sans grande influence sur la personne des prêtres, sans
aucune influence sur lasociété. C'est même, dans certaine école,une
maxime reçue qns le prêtre est isolé du monde et doit se désinté-
resser des doctrines régulatrices de l'ordre social. Et cette école, soi-
disaM pieuse, a si bien ïéussia &ire vivre, dans les têtes françaises, ce
ptéjugé iunëste, que sesennemis reprochent au prêtre, comme des
emptëtetnents pcohibés,commedes attentats, presque comme des
crimes, tous les actes religieux par lesquels un prêtre, enfant de

.Ftaace,essaiedetEavatHerau~âlMdesapatrte.
Be~ églises et dans ta société frança.tse, une défaillance

~~t~& eccl~siasüques, p, 8~.


101

potable, une
espèce d'énervement, un temps d'épreuves. H n'y a.
pas de révolution possible dans l'Eglise, lorsqu'il s'agit de la subs"
tance de la foi, c'est l'évidence même. Une révolution imppssib.te
dans l'Eglise catholique est possible dan~ une province de l'Eglise.
Dans une église
particulière, la foi peut diminuer, la méthode se ré-
trécir, tomber
les études en faillite et la vérité en banqueroute. Ce
fut, en France, la témérité et l'étroitesse propres de certains philo-
sophes et théologiens; ils firent dévier l'enseignement théologique
de sa voie normale et avorter le mouvement progressif d'accroisse-
ment qui se poursuivait depuis des siècles. Ces hommes firent,
parmi nous, une révolution locale et cette révolution ne fut pas
un progrès.
Nous ne voulons soulever aucune
polémique. Les inconvénients
des controverses sont connus; les luttes de la pensée rappellent les
combats des anges, qui amenèrent la première séparation elles
troublent l'esprit et altèrent la pureté du regard elles prennent trop
volontiers les choses par les petits côtés en empêchant de les juger
dans leur
ensemble elles produisent plutôt des obstinations que des
redressements. Nous ne saurions cependant taire l'insuffisance de la.
formation sacerdotale dans un trop grand nombre de séminaires
i° Parce que l'enseignement dogmatique n'y a pas l'ampleur et la
hauteur voulues; il se consume dans de petits travaux et ne fait pas
des âmes apostoliques 2° parce que la ferveur de la piété n'est pas
fondée solidement par la connaissance des principes et la méditation
des dogmes; 3° parce que la pratique du ministère, aux
enseignée
jeunes ptêtres pour régler leur action dans le monde, est trop re&"
treinte et nullement en rapport avec les nécessités de circonstance.
Nous croyons oSrir, à ces maux, un remède efficace 1° En de-
mandant que les grands séminaires deviennent tous des Facultés de
théologie et que les recrues du sanctuaire soient astreintes aux
grades de bachelier et de licencié, au moins; 2° en revendiquant,
pour la piété sacerdotale, le retour aux pures traditions de la mysti-
cité chrétienne 3° en proposant que chaque prêtre soitinitié, non
seulement aux pratiques pieuses d'une vie solitaire, mais à la mis-
sion active et hardie du sacerdoce dans un monde, racheté par la
croix,sans doute, mais qui retourne aux abominations du nihilisme.
La grande charte du sacerdoce, c'est l'Euntes ~oc~ omnes La
première parole de Jésus-Christ au prêtre c'est de marcher la se-
conde, d'enseigner la troisième de s'adresser aux nations. Nous ne
faisons que répéter cette consigne. Pour la remplir, il faut la
pour-
voir, plus amplement, d'amour et de lumière.
.102––

~J~ ? Joseph de ~tStrë~ rendu le Pape à la France Jean Baptiste Au-


br~ veutlui rendre le prêtre apostolique des anciens âges; le thauma-

tNrge anonyme qui à fait la France, sous l'antorité desévêques.


Le prêtre est un autre Jésus-Christ. Jésus-Christ a donné au
monde l'évangile et
rEglise. L'Evangile c'est le code intellectuel,
moral, domestique, civil et politique de l'humanité; l'Eglise, c'estla
société chargée de départir la religion à l'humanité
et, par sa hiéraj'-
chiesacrée, de distribuer la plénitude des grâces de la Rédemption.
Pour que le prêtre donne au monde la religion et représente digne-
ment l'Eglise, il a besoin d'en avoir la connaissance exacte et la pro-
fonde vertu. Le P. Aubry, dans ses Grands Séminaires, a six chapitres
sur le côté
didactique des traités
de la religion et de l'Eglise et dans
son volume intitulé Le Christianisme, la foi et les missions catholiques,
il consacre quatre cent trente pages à l'étude positive de la religion.
Dans ses observations didactiques, le P. Aubry insiste sur le recours
aux sources de la théoiogie.
doctrinales « Ce traité est tellement né-
cessaire, dit Mgr Capri, que si on ne pouvait m avoir un professeur
spécial, ni ajouter une année au cours ordinaire des études, nous
n'hésiterions pas à demander ou de supprimer une des chaires auxi-
liaires du cours de théologie, ou de
prendre, peur cette étude, la
première des années que l'on consacre à l'étude des sciences ecclé-
siastiques. » Et voici la raison qu'en donne l'éminent écrivain
« L'enseignement des séminaires a un double but d'abord de don-
ner aux élevés une somme suffisante des notions élémentaires, né-
cessaires au ministère sacerdotal; puis de leur taire exercer leurs fa-
cultés intellectuelles, pour en développer l'étendue, là perspicacité
et la force, afin que non seulement ils apprennent ce qui leur est
enseigné, mais que surtout ils apprennent le grand art J'a~M~n*.
Ainsi, en sortant du séminaire. ils auront acquis une somme plus ou
moins grande de science, mais encore ils posséderont les règles, les
principes premiers d: leurs développements ultérieurs, surtout cette
intelligence théologique, cecte&<:u)té de discernement dont ils tire-
ront de si grands avantages; pour avancer dans la théologie et pour
se faire au sage maniement des questions »
DanssesaotesetdanssonlivresurleChristianisme, le P. Aubry
~expt)se!uite~dë' la religion d'Adam à Jésus-Christ; il raconte

~t~is~en~ dans le monde il dit sa nature,


?1 ~Sse~ l'inJporl~cë~K de son dogme, les études et
~ë;E~.M~t~~dott& bienfaits qui s'en suivent; et appuie
~X~&S~

üDaervattans sur l~s étûdes dès s~trünüires .FMKfe, 'p. M.


~S~S~s~
io3

particulièrement sur la foi, sur son rôle dans le christianisme, sa


tenue au regard de l'hérésie, des sciences, du libre examen rationa-

liste il termine en parlantde la conquête du monde par l'apostolat,


depuis la Pentecôte jusqu'à nos jours.
Sur la suite de la religion, il revendique avec force son caractère

surnaturel, certain et souverain. Que spéculativement on distingue


une religion naturelle, c'est possible; mais, en fait, par sa notion
même et par son établissement, la religion, c'est le surnaturel appli-
qué par Dieu au monde, pour ramener le monde à Dieu. A la révé-
lation pn'm<<!M succéda la révélation mo~~M~, puis la révélation M-

tholique c'est toujours Dieu multipliant sa grâce pour maintenir le


monde sous son empire.
Cette action divine, sensible et constante sous les patriarches, de-
vient plus manifeste dans la vocation d'Abraham et la mission de sa
race elle éclate tout à fait par l'avènement du Fils de Dieu dans la
chair. La promesse du Rédempteur amène le rôle figuratif dès le

temps des patriarches; elle éclate en tout dans la Synagogue


Omnia in figura elle n'a plus, dans les traditions des Gentils,

que de pâles rayons, mais elle éclate dans la succession des empires.
La réprobation des Juifs amène la vocation des Gentils. Le chris-
tianisme conquiert le monde, d'abord par le sang, puis par ses doc-
trines et par ses vertus. La civilisation en sort. Le christianisme, sans
doute, n'a pour but que le salut éternel mais pour y conduire, il
doit s'appliquer pleinement à tout individu, et pour sauver l'individu,
le faire vivre dans une famille et dans une société chrétienne. Or,
par la vertu même de cette
application au salut des personnes, le
christianisme a exercé une influence profonde sur le droit et sur les
coutumes des nations. A l'esclavage, il a substitué le servage, puis
amené l'homme à la liberté dans des communes affranchies. De nos
jours, il pousse
l'application de l'Evangile à l'ordre politique, ci-
vil et économique des nations chrétiennes. Dans l'avenir, qui nous
dit que le Christianisme ne fera pas triompher la fraternité parmi
les nations ? et que tous nos rêves absurdes, par l'insuffisance mani-
feste des moyens d'exécution, ne seront pas, un jour, un fait accompli

par l'Eglise ?
J~ii-e l'attention sur la thèse,
en apparence paradoxale, de la lé-
gitimité de la méthode par laquelle l'Eglise nous conduit à la vérité
religieuse en exigeant la foi, avant même que nous soyons assurés

par nous-même que cet enseignement est vrai. Ecouter Dieu; c'est
l'ordre divin; vouloir arriver à la lumière par contention; c'est une
et prendre des échasses pour monter au ciel, c'es~: pure dfolie. °
erreur,
''I~lesi-eNxqûe'eeta, l'étude, la eontemphtiottdecevolame
s~rHeïEM~aaismc, peuvent en faire comprendre la hMteùrigt-

jaalM,~selidM~<!g<Banqae, la richesse doctrinale. A lui seul,


ce livre vaut mieux que les quatre ou cinq cents ouvrages entassés
dans les 2B in-quarto des D~MMM!M<MtM ~M~H~M~ de Migne, ou-
tout est esprit
vrages morts, épuises, qui ne disent rien à l'âme. Ici,
et vie SR~ttî M~M, pour me servir d'un mot du P. Aubry.

XIV

LA THÉOLOGIE DOGMATIQUE ET L'ÉGLISE

La religion est le fruit d'une révélation divine; l'Eglise est une


institution de Dieu. La religion affirme les lois de la pensée, des
tnœurs et des institutions; l'Eglise en effectue le gouverne-
ment.
C'est Dieu qui a fondé l'Eglise et qui l'a fondée société vivante et
surnaturelle sur les relations des personnes divines. Jésus-Christ, en
la chargeant d'accomplir son oeuvre après lui, ne s'est pas absenté-
d'elle; il est avec elle à toujours il y est par une présence spéciale
et substantielle, ayant quelques rapports avec celle qu'il a au ciel par
sa nature et par sa vie divine. a Ainsi, dit le P. Aubry, voilà, au
centre du corps de l'Eglise, l'être même de
Jésus-Christ qui s'ins-
talle et qui fait aboutir à lui tous les canaux, toutes les artères par
où la vie doit se répandre dans ce grand corps. Et H il vit, il agit,
il préside aux ioNctioas vitales de la hiérarchie entière. Le voilà
saafce de la vie surnaturelle qu'il fait aspirer par les artères, qu'il
répand dans les membres non séparés du coeur, et qui change en
lui tous ses membtes et qui fait du grand corps de l'Eglise le corps.
mêfNedeJésus-Cbrist'.)) n

L'EglisÈ ëstlë cotps mystique de Jé~Us-Christ, et c'est parce que


JéSu~ChttSt !&e meurt plus, que ce corps mystique passe intact à tra-
vers toutes les épreuves, sans subir les atteintes de la mort. Ainsi, cetf&
vie:intéfi~d~l'EgKse.'qM est Jésus-Christ, explique tout le mi-
.tae~ de ta ~rp~aM et de l'invuMra~ de l'Eglise. Or, Jésus-
'(SMst ha~t~ l'J~glxse>~Wn seulément-d'une présence morale, par s~.
J'm~ mais' d''amept!ésëmce qu'brn peat

~i~~i!
ï~

au sens philosophique du mot. Comme Verbe iUo-~


appeler physique,
minateur, il habite l'intelligence des pasteurs enseignants; comme'
Verbe incarnée il est aussi présent que possible dans l'Eucharistie;
comme auteur de la grâce, qui est un écoulement de luit il habite le
.cœur des justes, où il s'incarne et grandit tous les jours. C'est de ces
Mois demeures qu'il gouverne l'Eglise.
L'idée de l'Eglise, comme l'incarnation continuée, comme corps
mystique de Jésus-Christ, nous représente ce qu'est l'Eglise dans
son essence, ce qu'elle est par rapport aux âmes qu'elle sanctifie, par
rapport au surnaturel dont elle est pleine pour le verser dans les
âmes, par rapport à Jésus-Christ dont elle confectionne le corps par
une action surnaturelle. Jésus-Christ se forme donc continuellement
dans l'humanité; l'humanité devient Jésus-Christ de plus en plus,
le Verbe s'incarne continuellement dans le monde, d'une incarna-
tion aussi littéralement réelle et exacte qu'est vraie et exacte notre

participation à la nature divine et notre qualité d'enfants de


Dieu.
Une école
considérable, renouvelée du gallicanisme, travaille, de-

puis 3o ans, à nous confectionner, en France, une religion nouvelle,


plus humaine, mieux appropriée, prétend-elle, aux besoins de notre
démocratie moderne: un christianisme tout formaliste, une Eglisetrop
extériorisée. S il n'y prend garde et ne réagit vigoureusement
contre une tendance due à une déplorable interprétation du Concor-
dat, le clergé de France se laissera bientôt envahir par cette pléthore
de bureaucratie et de fonctionnarisme, une des plaies de notre pays,
où l'on pratique à outrance la centralisation.
C'est surtout pour combattre ce concept faux et rationaliste, que
le P. Aubry nous donne, sur l'Eglise, un ouvrage plein de substance
et de lumière, un véritable traité. o: On ne voit trop dans l'Eglise,
dit-il, que l'administration humaine; on a fini par rationaliser ce
qu'il y a au monde de
plus surnaturel, et ce que Dieu a fait pom
nous de plus divin, la notion de l'Eglise. A force de n'y voir qu'une
administration, on l'a réduite, dans l'esprit'des prêtres et dans les
études sacrées qui les forment, à n~être plus qu'une chosehumaine, à
laquelle on accorde encore une institution divine, mais non une es*
sence divine (p. Si). »
Et nous reconnaissons, ici encore, une des causes qui ont le plas.
contribué au développement de cette plaie du 7<t&MMe, dont L'esp~
s'infiltre jusque dans le sanctuaire, faussant les nMiorts< altérant,
foi, semant la division, paralysant l'action. a Quand 'e&o$ Ësez
'?05 modernes traités & r.ë~K., dit le P. Aubfy,, vous n'y tfOtt'M~
~~S?~<p!<

?~~g.-

pitts, pour ainsi dire, qu'une sorte de règlement adminiStmUfetd'é-


na~ératioh de grades, avec preuves d'authenticité, comme en pos-
sèdent dans leurs archives les sociétés humaines. On a desséché
l'idée de l'Eglise, dans laquelle on ne voit plus l'incarnation con-
tinuee, selon la théorie de saint Paul et de saint Augustin. J'ai même
entendu un professeur de théologie traiter cette idée de panthéisme
mystique, et il n'était pas seul. e
Ces réflexions nous remettent en mémoire et nous expliquent la
parole étonnante d'un prêtre administrateur d'un vaste diocèse
« Une administration n'a pas de cœur Nous cherchons vainement,
dans oette parole de l'Evangile, la bonté du maître, et
dure, l'esprit
pourtant, nous ne pouvons nous défendre de croire que c'est pour
les âmes, surtout pour lésâmes des prêtres, que travaille, que souf-
fre et combat l'Egiise, pour ces âmes que Dieu a tait dans le monde
tant de choses, que Notre-Seigneur enfin e:t venu et a organisé son
œuvre. « Quel odieux système, dit le P. Aubry, de montrer dans
l'Eglise une machine morte et insensible, mue
par une force étran-
gère, destinée à produire la grâce dans les âmes sans la tirer de ses
propres veines, au lieu d'y voir une personne vivante et féconde~ un
être actif, vivant, intelligent, aimant, surnaturel, continuation de
l'incarnation de Jésus-Christ. »

LaKo<MM~M~K~H~e~Me posée (ch. !), le théologien n'en a


que plus de force pour établir l'<M<&)n'foM'MMM /M~ coMM~
société enseignante (ch. n), autorité qui est la base non seulement de
l'enseignement religieux, mais de tout
enseignement; car, depuis
l'avènement de l'Evangite, FEgtise doit être m<M'fXK' de ~<'M~
ch. nt); et le grand terrain de la lutte, en France, c'est celui de
l'enseignement. Tant que l'Eglise de France n'aura pas reconquis ses
droits sur ce point capital, elle demeurera en échec, et les efforts de
répiscppat et du clergé sur les autres points seront nécessairement
¡,
paralysés.
'L'Eglise, comme société enseignante, possède des garanties, des
notes. LeP. Aubry éclaire ces notes d'une vive lumière. Ici, comme
dans tousses écrits, nous retrouvons cette précision doctrinale, cette

originalitë d'Exposition, cette élévation de vues et cette clarté d'ex-

pësttion qui ~rm~ du. P. Aubry. Chacune de


~~p~ toute pleine de cette substance théolo-

~iiq$ë~ame,.j~~a~nd~–MtM fK~'M–dont toute


-,vide '¡'
~é~.tt~
ehaGi~~ des suivent, le
P.-Aubry
Sa~ souxde et l'infaidliGili~é de ya..Km~ de son
'H/ l'abjel ~e
!07

~o~'(ch. !v), la force de son unite, les preuves de sa~nM~et~

son apostolicité (ch. v); le jy;oJ~M~etles enseignements ~~<OKM~


des catacombes et ici, le P. Aubry a une note émue et des
pages tou-
chantes de piété filiale: on sent toute l'ardeur de sa tendresse et de
son dévouement pour cette Eglise romaine qu'il a longuement étu-
diée sur place et à laquelle il a donné sa vie (ch. vt).
Il insiste particulièrement le rôle et l'importance
sur de la Tradition
dans l'Eglise. L'étude et le sens de la tradition sont en voie de s'effacer
de trop d'âmes sacerdotales modernes, faire place aux méthodes
pour
et aux idées rationalistes. Il le sent profondément (ch. vn). L'esprit
des Pères s'en va de plus en plus; la lecture de leurs écrits n'est pas
seulement abandonnée, elle est devenue un objet de mépris non

~ot&~M~or~ modo. On reproche à saint Augustin ses antithèses,


ses tournures barbares; saint Bernard n'est plus assez serré en doc-

trine saint Bonaventure devient *rop spéculatif, saint Thomas trop


concis et trop philosophique. Et l'on se cantonne dans les modernes,
souvent fort pauvres de doctrine, dangereux par leurs idées risquées;
n'étudiant d'ailleurs des principes théologiques que le moins pos-
sible, se jetant de préférence dans les questions nouvelles et dange-
reuses, faisant du libéralisme, du démocratisme, de la question sociale
à propos de tout et sans idée bien arrêtée.
Dans un autre ordre d'idées, il faut lire ce que le P. Aubry écrit
sur la législation sacrée, sur la nécessité pour l'Eglise de France d'un re-

~OHr~ro~M~ au droit canonique (ch. vm). « Nous sommes, dit-il,


dans une situation anticanonique. Le droit canonique ne souffre pas,
il est mort si on l'enseigne encore, c'est au même titre que l'archéo-

logie. Il existe d'ailleurs nombre d'esprits qui se disent très ultramon-

tains, et
qui rient beaucoup, on leur soutient qu'une des
quand
causes des souffrances de l'Eglise de France, c'est l'abandon des lois
de l'Eglise, et qu'un des remèdes ies plus efficaces, c'est leur rétablis-
sement. La situation canonique actuelle, en France, c'est le galli-
canisme ~a~Me, c'est-à-dire le maintien, dans l'ordre pratique, de
la situation qu'a produite le gallicanisme doctrinal, et qui est sa réa-
lisation dans la vie et le fonctionnement des institutions ecclésias-
» (p.
tiques. 177).
Nous récoltons d'ailleurs aujourd'hui l'un des fruits les plus amers
du gallicanisme pratique la division, le morcellement, l'émiette-
ment des catholiques et du
clergé, division qu'aucun effort n'ar-
'rête, qu'aucune objurgation ne saurait conjurer, parce que c'est dans
les idées d'abord que règnent les malentendus, les incompatibilités,
la division, en un mot le désordre.
i&B

Au< ~ësi@s'nM~i'nës, ? P. Aubry consacfë quatre chapiNës t~

ASrquabMs, mMtraaf). a propos dH ~&Me qS'il étudia à fend


(~. tX, x, xt), comment, pat une providence de Meu, A t'a.

~~iM~&~ l'erreur, répand admirablement le dévelôpps*-


mentdbctrinâi dé la vërité catholique; comment aussi le galltea'-
nisme, le libéralisme/et toutes les erreufs contemporaines, tte sûM

~a& ~p~~î&~ ~&~ moins incomplet (ch. x!).


AbotdMt en6R les rapport! des deux pouvoirs, le P. Aubry expa~,
~66 une grande netteté, les principes immuables qui régissent ces
rapports, et les abus énormes dont se rendent coupables les gouver-
nements modernes. L'attitude du ~ottMtf ecclésiastique, en face dû
f;baosdes opinions politiques; la ~«~ /N~J~~ clergé
M~tM~ actuelle (ch. xfH, Xtv); le remède fondamental qu'il faa't
appliquer aux maux présents, le véritable Ka~ question ~on'a~,
et la seule solution possible de cette question (ch. xvi, xvn)
Tels sont, indiqués seulement, les points les plus importante sur
Msqaiels insiste vigoureusement le savant écrivain.
& C'est l'Eglise, et à elle seule, dit-il, qu'il faut demander la
Vfàie politique chrétienne, et la vraie solution de la question sô-

eMe, parce qu'elle seule a mission de former les individus et, par
eux, les nations. Le travail de restauration sociale de la France
sei-â !ong et dnHeifë; d'autant plus difficile et plus Jong, que la
PraSGë va plus leiù dans le mal. Je le sais, quelques esprits pensent
que, daUs certaines conditions, la France se ëonvettirait vite. Nsn,
il y faudra, de toute fa~on, bien du temps. La conversion d'un

peuple ne se &it pas ainsi d'enthousiasme; et pour ceux qui ont


su qaeNe tertibte aSàire c'est que d'amener ou dé ramener à Ja &i,
)@ ne dis pas un ecëut corrompe, te qui est déjà dimeile, raa!S, ce
qui l'ést bien pl<ts, âne inteHigenëê égarée par le péché de l'esptit,
H e~t facile d'apprécier l'immense besogne de la conversion d'un

peN~le;
'( Pour guëttf, i! à bien des coadH~ns Voici h plus impôt-
~Më et la pta~ dtfMie l'tMMHsttCM et tel est le bttt
de <6ette restAurâtio~ de l'edueat~n ~u'.en tente et où tout le monde
sent bien que gît le salut. Mais le seul .moyen de remplir cette esn-

~!on, c''ës~~ iW~ de Ï~ <M~M ? ~~t-


~é~ ~t~m@a~ ~n a.wa beaa genMt,
.j~t~e~
~t~~S~ z
piMS~aSe~~WtEl'~ourq~ei
~~j'~e~j~~ 'ua.ehê 4'orgu~,
$S~g~~ èst ~~ci~.à gaëriK

~N~
10~

parce que sa nature même est de repousser le remède. !I 'ne peot


se gaérir par attaque de front, mais seulement en sous-eeavre, par
des moyens lents et qui prennent le mal d'en bas.
« Quand on aura, dans tout le clergé, des ouvriers actifs, consa-
crant toutes leurs énergies, tout leur temps, à travailler partout
chez les humbles, chez les petits, à infiltrer dans les âmes des idées
chrétiennes, alors on verra; mais encore faudra-t-il du temps. 11 y a
deux sortes
de moyens possibles de conversion pour un peuple la
foudre et la brise, la théologie, c'est la brise. Dieu ne convertit ja-
mais les peuples par la foudre, mais par un apostolat lent et de dé-
tail (p. ~t6).
C'est
la sagesse même que ces observations si lumineuses et si
profondes en leur grande simplicité. Puissent-elles pénétrer dans le
coeur et l'esprit de ceux qui ont mission de les répandre Ce-serait
la garantie d'une rénovation dont on chercherait vainement ailleurs
les éléments indispensables.
Que le mot de -réforme
n'alarme personne. Le mot de réforme,

pour le clergé, est analogue au mot de conversion pour le chrétien.


Le chrétien, même le plus parfait, a toujours besoin de conversion

pour s'élever, par l'effort de la vertu, à une perfection supérieure;


le clergé, même le moins vicieux, a toujours besoin de réforme,
pour que la poussière du siècle son esprit un nuage,
ne jette pas sur
ne trouble pas l'orientation de ses facultés, et ne frappe pas son cœar
d'inertie. Nous ne sommes certes pas le dernier clergé du monde;
mais nous avons hérité, par notre faute, d'erreurs, de préjuges,
d'illusions, qui ont gravement compromis la fortune de nos églises.
Sous de périr,
peine il faut nous relever, non par une influence
étrangère et sous le coup de la persécution, mais par la claire vue
de nos maux et par la généreuse résolution de les éliminer.
Je ne rougis pas de l'Evangile; c'est la vertu de Dieu et la force
de son Eglise. Nous n'en avons pas épuisé la grâce, et, sans hési-
tation ni crainte, je prononce fout haut le mot de réforme. Quand
je pense à toutes les utopies, à tous les crimes, à toutes lesa~berra-
tions qui se sont couverts de ce prétexte et dont cette prétention a
été l'origine, ce seul mot m'effraie; mais j'aurai le couragede le
prononcer, puisque je le pense et je mettrai mes soins à le justifier.
Je ne crains pas, au surplus, qu'on m'accuse d'innover, de poser en
réformateur. Ce que je veux, c'est le retour aux traditions aécùtaires
de la. théotogie, c'est l'acceptation de leurs enseignements et Fassa-
rance de leurs bienfaits. Mes premiers principes, ce sont tes ~vîeox
axiomes de la science sacrée Depositum MM<o<K,&M&MM~n~M~îN-.
no

N-M~f. M~MMOM~
~;i~O~<Ot~~ïM~OWMM
.y~ c'est que
tij8~e, c'ést que nous
nous périssons
pér1SSo11spOuravo¡r
pour avoir
r~~tndf, ârddsiüzŸa
ra-d~lueù ~,rB..Ma
est. ~Ma,tliè-,e,
orgueilleusement et sottement innové c'est que nous ne pouvons
nous sauver sans teyenir aux vieilles traditions scolaire~ de la France,
à ces traditions de haute et pieuse science, ébranlées, défigurées,
trahies en France, par le protestantisme, le jansénisme, le gallica-
nisme d'abord puis, de nos jours, par les écoles libérale et rationa-
liste mais conservées par l'Eglise romaine et contre lesquelles il

n'y a pas possibilité de prescription.


En prononçant le mot de réforme, ce qui nous rassure, c'est que
nous demandons qu'on prenne à Rome, non pas seulement l'idéal
de l'organisation des écoles théologiques, mais cette organisation
même, telle qu'elle a été ordonnée par le Concile de Trente, créée

par les Papes, réalisée avec le concours des Ordres religieux. Notre
grande consolation, notre ferme espérance, c'est que nous défendons
les principes de l'enseignement de l'Eglise romaine; notre pru-
dence, c'est de protester qne nous ne voulons une restauration des
institutions antiques que dans les conditions et les limites où doit la
vouloir le Vicaire de Jésus-Christ.
Depuis un siècle, c'est le grand souci des Pontifes romains de
relever la France. Pie VII voulut y travailler tantôt par l'acte héroï-

quement sauveur du Concordat, trop tôt suivi d'une désorganisation


audacieuse par les Articles organiques; tantôt par un retour prudent
aux ordonnances du passé, consignées dans les règles du droit ca-
non. Grégoire XVI appuya encore sur le retour au droit canonique
il'en chargea expressément les Bénédictins de Solesmes et inaugura
le retour à l'unité, liturgique. Pie IX, fidèle au souvenir de ses pré-
décesseurs, agrandissant le cercle de leurs initiatives, ordonna la

reprise des conciles provinciaux, le rétablissement immédiat de


l'unité liturgique et voulut, en plus, la création du séminaire
par
français à Rome, amener ~MM primum la rénovation radicale de
nos grands séminaires. C'était la pensée, c'était le vœu du grand
Pontife, que les évêques français envoyassent tous des clercs à Romè,

pour les initier aux traditions des séminaires pontificaux, leur en

inculquer l'enseignement typique et par eux réformer, sur ce mo-


dèle, les grands séminaires de France. M y a de cela cinquante ans
et nous ne voyons effets de la résolution
pas encordes pontificale.
Nous croyons plutôt que, ça et là, on paraît vouloir, en sourdine, la
combattre. Nous devenons Grecs en Occident, et la Fiance a des

pieds d'argile.
En France, il a actuellement, je ne dis pas seulement en pré-
~s
`
sence, mais en opposition, deux types de sëmtnai!'ës~:le~pe;~N~ti~Ng
et te type gallican. L'un offre ce que nous demandons, i'Mtre~ le"te-~
pousse, parce qu'il se croit parfait. Qui sera vainqueur ?KevieS-
drons-nous enfin à la grande théologie, ou resterons-nous dans l'or-
nière du petit enseignement. Voilà la question.
Déjà on est romain en France, en partie par l'esprit et complète-
ment par le cœur. On veut aller à Rome pour apprendre à aimer

l'Eglise encore plus, et, aux pieds du Pape, c'est à qui proclamera
avec plus de force que nous avons enterré définitivement le cadavre
du gallicanisme. Il n'est pas rare cependant de rencontrer des

prêtres, des prélats, des


personnages, même du
éminents et amis
Saint-Siège, qui ne connaissent même pas l'enseignement romain des
sciences sacrées, ou, s'ils essaient de le pratiquer, qui déclarent qu'il
n'a rien à leur apprendre. Si vous dites que le gallicanisme vaincu
est le gallicanisme dogmatique, mais qu'il y a un autre gallicanisme
qui se porte fort bien, qui est plus têtu que jamais, le gallicanisme
soi-disant pratique, le gallicanisme libéral, le gallicanisme concilia-
teur, le gallicanisme anticanonique, ami de la petite science, confit
en petites dévotions et sans puissance aucune pour rien restaurer;
on vous regarde avec de grands yeux, et on vous demande où vous
avez l'esprit.
Nous croyons superflu de protester de nos sentiments. Nous ne
voulons ni récriminer, ni user de représailles. Nous n'avons en
vue que le relèvement du clergé par la haute science, le salut de
la France et l'honneur de l'Eglise par la rénovation théologique du
clergé. Proposer à un homme, à un pêtSinnel, à une institution,
de se corriger et de se grandir, n'a jamais passé pour une insulte.
Les faibles esprits qui voudraient nous imputer ce tort, ne nous
troublent pas et ne sauraient nous arrêter. La postérité, à supposer
qu'elle s'occupe de cette initiative, si elle lui refuse son estime, elle
ne lui refusera certainement pas son respect. Nous ne lui deman-
dons pas son indulgence.

XV

CHOIX DE MÉDITATIONS SACERDOTALES

Le lecteur va peut-être éprouver quelque surprise. Après quatre


volumes consacrés à la méthode d'enseignement dans les séminaires
i" 't3V'x i,
~"yç

~~A~~S~ÿ^i~~i~h

~tt~i'Ë&S~ t g
aa& ~~)6es.~Ea da P- Aub~y met sous nos yeux un choix de médi-
tiXMM~ sacerdcitâlest un directoire spirituel et des opuscules de.piété.
~ouStattendiez des volumes sur la théologie morale, le droit canon,
la liturgie, l'Ecriture, les Pères; le P. Aubry vous appelle à la mé- ]
ditation. Cet appel est la marque caractéristique de sa réarme, la
conviction, sinon le gage, de ses succès.
Ce qui perd l'enseignement sacerdotal et le sacerdoce lui-même,
c'est le défaut de piété. La piété, utile à tout, est la .flamme qui doit
faire, de tout prêtre, un thaumaturge. Dans la limite où la piété

manq.ue, le prêtre diminue; et si, loin de prendre flamme à ce foyer,


il ne sent même pas sa nécessité urgente, il peut avoir, d'un prêtre,
l'apparence et l'habit, il n'en a pas le fond. Ce n'est que le masque
du sacerdoce de Jésus-Christ, un héros d'impuissance.
Pour parer à un si grand mal, le P. Aubry offre au prêtre, en
direction spirituelle, l'oeuvre de la grâce de Dieu, la piété, la vie
intérieure du ministère sacerdotal, le renoncement, l'humilité, la

pureté, le zèle, le culte du Sacré-Coeur et la pensée de la vie éter-


nelle. Dans ses méditations, il fait servir le cours de l'année litur-
gique, les dimanches et les fêtes, à la confirmation du vrai prêtre.
Dans ses opuscules de piété, il traite de la vocation virginale, de la
vocation sacerdotale et de la vocation apostolique. La. multitude
-des sujets et la dispersion des idées ne permettent même pas l'ombre
d'un compte-rendu. La seule chose utile, pratique et importante,
est de dégager l'idée-mère de ces méditations.
Nous la trouvons dans la méditation sur la manière de sanctifier
l'étude. « Nous n'aurons riencompris à la science sacrée et, j'ose
le dire, à la méditation sacerdotale, dit le P. Aubry, tant que nous
n'aurons pas compris que ces vérités sont les trésors, la nourriture et
la substance de la vie intérieure. C'est Jésus-Christ que nous cher-
chons et que nous contemplons science de Jésus-Christ, contem-
plation de Dieu, voisinage du Verbe et de sa pensée qui éclate, qui
resplendit partout, présence réelle de Jésus-Christ dans nos livres.
Rencontre continuelle de Jésus-Christ, lumière, de Jésus Christ voie,
vérité et vie. Il faut
identifier l'acquisition de la doctrine avec le
développement de la piété. Ce ne sont pas deux choses séparées,
mais, une même et identique chose; et nous n'aurons compris ni
l'une ni l'autre, ne w
tant que nous les forcerons pas à se rejoindre
en nous et à s'identifier la doctrine, pour nourrir, éclairer et
agrandir Impiété la. piété pour attendrir et vivifier la science. La
dOctrmeest!a~'t~~7'M~M, si elle est bonne, elle produira,
1~

nécessairement, essentiellement la~/J~e~ qui est commandée


par l'autre. Mais nous devons d'abord viser la première, c'est h
science des saints. Nous entendons dire parfois que les saim's ont
nMt appris pat la prière l'étude. Il faut s'entendre c'est.
que par
~ue, pour eux, à force d'être éclairée par les vues de la foi, M<~
~M<< une ~n' »
L'étude doit être une
prière, l'homme qui étudie est en présence
de Dieu dans l'Univers en présence de Dieu dans toutes les
sciences; en présence de Jésus-Christ dans la Bible et dans l'Eucha-
ristie sa vie d'étude est une adoration perpétuelle. Par l'adoration,
elle l'éclaire plus des lumières de la doctrine; par
parfaitement
l'adoration elle l'embrase plus profondément des feux du saint
amour par l'amour et la lumière, elle fait éclater sa force en miracle
de toute-puissance. Le prêtre est fort dans la mesure de ses adora-
tions il est faible dans la mesure de leur défaut. C'est le mystère
à contempler.

Chaque département des puissances de l'être humain appelle, de


la part de Dieu, pour le couronner dans l'ordre naturel et lui assurer
valeur dans l'ordre surnaturel, un secours céleste, approprié à ses

opérations. Dieu y a pourvu, pour l'intelligence, par des grâces


<i't'HM<n~K'K, pour la volonté, par des grâces d'inspiration. Sans
doute, ces grâces viennent directement de Dieu mais encore
devons-nous y aider et existe-t-il des moyens établis pour former
l'âme dans cet ordre de puissance. La théologie est un de ces
moyens. Non seulement elle donne la science positive des diverses
portions de la théologie, une somme de notions indispensables au
ministère sacerdotal mais elle développe la puissance de com-
préhension et d'assimilation des facultés intellectuelles elle ouvre
l'âme aux grâces d'illustration et d'inspiration.
f « La théologie, dit Lacordaire, ouvre cette vue pénétrante de
l'élément divin, ce regard ferme représenté par l'aigle de saint Jean,
ce trait de l'ceil. difficile à définir, mais que l'on reconnaît si bien,
lorsqu'après avoir médité soi-même sur un dogme, on interroge
un esprit qui a été plus loin que soi dans l'abîme ou qui a mieux
écouté le son de l'infini. Il en est d'un grand théologien comme
d'un grand artiste l'un et l'autre
ce que l'œil vulgaire voient
ne
voit pas; ils entendent ce que l'oreille de la foule ne soupçonne pas
et quand, avec les faibles organes dont l'homme dispose, ils vien-
nent à rendre un reflet ou un écho de ce qu'ils ont vu ou. entendu,
le pâtre même s'éveille et se croit du génie. Cette puissance de dé-
couverte dans l'infini étonnera ceux qui savent que l'incompreh'ea-
11~

siMe n'est autre chose qu'une lumière sans boî'ne, qui fait qu'au
jour même où nous verrons Dieu face à face, nous ne le compren-
drons pas encore, ceux-là se persuaderont aisément que plus
l'horizon est imniense, plus la vivacité du regard a de quoi s'exercer.
Et la théologie a ce rare avantage, que les affirmations divines qui
lui ouvrent l'infini de part en part, lui sont une boussole en même
temps qu'un océan. La parole de Dieu forme dans l'infini des

lignes saisissables
qui encadrent la pensée sans larestreindre, et
fuient devant elle en l'emportant. Jamais l'homme, arrêté dans
les liens et les ténèbres du fini, n'aura l'idée de la félicité du théolo-
gien, nageant dans l'espace sans bornes de la vérité, et trouvant,
dans la cause même qui le contient, l'infini qui le ravit. Cette union,
au même endroit, de la sécurité la plus parfaite avec le vol le plus
hardi, cause à l'âme une aise indicible, qui fait mépriser tout le
reste à qui l'a une fois sentie 1. a
Les maitres de la doctrine ne doivent pas l'oublier
l'important
pour eux, c'est de former l'intelligence théologique, ce jugement néces-
saire au maniement des questions, cette force de raison par laquelle,
dit CIcéron, vous connaissez les causes et les résultats. La vraie
méthode pour inculquer les principes et développer le sens théolo-
gique, c'est l'art ou plutôt le don de saisir, selon l'expression de
« ce point indivisible
Pascal, qui est le véritable lieu de voir les
tableaux. »
La révélation n'est point une certaine somme de vérités distinctes,
bonne à démontrer comme des théorèmes de géométrie. La théo-
logie n'est pas une science factice, un simple recueil de formules et
de solutions. C'est une science de principes elle doit imbiber
l'esprit, pénétrer l'âme, donner la vie. Pour
procurer ce résultat,
son étude doit former en nous ce sens qui juge avec discrétion,
varie l'application suivant la diversité des cas, offre une solution à
tous les problèmes où ces principes sont impliqués sous n'importe
quelle forme. Le Verbe, pour s'unir à nous, s'incarne. La théologie,
c'est le Verbe et la sagesse qui s'imprime dans l'âme, par le travail
profond de l'éducation cléricale, n'est pas une sagesse humaine,
mais la sagesse divine qui s'incarne en nous, pour nous pénétrer,
nous réformer, nous élever. Ce ne sont pas seulement des lois exté-
rieures que donne cette sagesse divine; c'est une essence, un
esprit, un sens surnaturel, pour sentir, respirer et vivre.
Être théologien, ce n'est pas posséder toute la théologie, c'est

LACORDAIRE AMaM~~Kr /e r~HMMMM~ R~f! FnMfMft, ch. tv.


–Uj!

avoir l'instinct de la vérité


On alors par
théologique. procède
on sent,
intuition, plus que par recherche et par preuve; on devine,
même on ne peut t Il y a des vérités, disait
quand pas prouver,
»
J. de Maistre, qu'on ne comprend qu'avec l'esprit du cœur.
Le sens dogmatique est un don à solliciter de Dieu. Le théolo-

gien, armé de ce sens intérieur, la méditation du surna-


acquis par
turel, l'étude de la foi et la connaissance des voies de Dieu, arrive
d'instinct au vrai, ie perçoit une sorte de parenté intellectuelle,
par
avant-goût précieux des visions célestes.
Comme l'instinct est plus sûr la raison, aussi le sens théo-
que
logique va plus droit au vrai
raisonnement. le
C'est une se-
que
conde vue, supérieure aux petits humains et terrestres.
jugements
Cette méthode intuitive offrir des dangers mais elle est né-
peut
cessaire et trouve son lest, son contrepoids dans l'autorité de l'Eglise.
Ce sens théologique de saisir, par une sorte d'intuition'
permet
surnaturelle, le grand côté de dogme et le lien par lequel
chaque
il'se rattache au corps de la révélation. A la base de chaque vérité,
vous voyez si bien le grand d'où elle sort,
principe qu'à chaque
pas, vous vous sentez en tête du Christianisme. Ce n'est pas une
illusion la qualité des vérités de la foi, vues dans leurs
propre
profondeurs, est que chacune d'elles embrasse toutes les autres. La foi
est la formule de la pensée divine c'est Dieu même, Dieu qui n'aa

point de parties dans son essence.


Lisez les productions d'un vraiment doué du sens
théologien,
théologique vous sentirez immédiatement dans son travail quel-
que chose de supérieur à l'intelligence humaine, comme une descente
de l'Esprit d'en haut. En toutes choses, ce théologien trouve Dieu,
non de cette manière consiste à le voir dans
vulgaire, qui l'énigme
des créatures ou dans le gouvernement de la Providence; mais de
cette manièreprofonde qui saisit le rapport intime de chaque idée
et de chaque chose, avec la philosophie divine.
Actuellement, nous osons l'affirmer très haut, la formation du sens

théologique est un des besoins les plus pressants, une de ces ga-
ranties les plus solides du bien que le prêtre doit faire dans la
société. C'est à la perte de cette se rattache la
intelligence que
plaie envahissante du laïcisme, la mésestime de la hiérarchie, les

organisations laïques parfois antipathiques au clergé. Tout devait


venir de l'Eglise maintenant on veut s'en passer.
A ce point de vue, éclaire toat l'ensemble de la
chaque dogme
théologie, forme cette lumière totale, cet océan de lumière pu le

regard humain trouve toujours de nouveaux mondes, sans ren-


-tt6

cMtœtpmaîs de rivage. Cette synthèse était iesystëme de l'unité,


de cette aaité umverseHe qui verra dans l'âoîe l'a sève commune
des vécitës. Qui ne comprend pas cela, n'est pas théologien.
Si le sens théologique est la pierre de touche du théologien s'il

forme, avec la synthèse, le fruit le plus précieux des études dogma-


tiques, il se rattache étroitement à la recherche de l'intelligence de
là M et à la contemplation des dogmes. On sait maintenant en

quoi consistent ces deux opérations qui n'en sont qu'une. Parcourez
l'immense trésor ds la tradition catholique depuis les écrits des
Pères, jusqu'aux meilleures expositions de notre temps, vous aurez
une idée de cette intelligence de la foi, de ce christianisme intérieur,
de cette tendance à pénétrer le fond et la moelle des choses à croire.
Ce besoin est de tous
les temps, il est plus vif en notre siècle.
De nos jours, on veut sonder, voir plus avant l'enseignement ca-

téchétique et mathématique des dogmes ne suffit plus; on demande


une exposition philosophique des vérités révélées on veut atteindre
ce que le Christianisme a de profond, l'économie de sa doctrine,
l'harmonie de ses mystères, sa corrélation avec la raison humaine.
Les prêtres et les fidèles ne peuvent atteindre ce sommet que par
la révélation et telle est la raison d'être des méditations du
P. Aubry.
« Quel s'écrie le P. Aubry,
malheur, que tant d'esprits, d'ailleurs
excellents, très bien disposés, aptes à se laisser ravir par la contem-
plation des horizons théologiques, soient condamnés à ne jamais
connaitre les magnificences que la lumière théologique nous révèle!
Mais pour être capable, non pas de les embrasser dans leur pléni-
tude, mais seulement de commencer à les pressentir un peu et sim-
plement & désirer de les voir, il faut au moins deux ans d'études.
spéciales, persistantes, profondes; et encore, contre une seule mé-
'thode capable d'emporter le coeur d'assaut, et de faire entrer HH-
telligence dans le ravissement théologtque, il est une foule de me-
î&odes mauvaises qui Hë peuvent que produire le dégo&t, iermer
peur toajoars PisteSigeTtee et le vrai sens des études théologiques,
Tendre siMtf ïs trayaîHe plus long et le plus consciencieux en un
mot,il&utetFeim(S* y,

Q~d~g~nMMs!e~teimp~ et 'terre..à.terre ne sait pluscon-


'B~pter.~t~ëHera~M des esprits, cem'estqne trop vrai; mis.
il y'a ë~ote~ et ta coc-
eonnaisseni pratiqnem:
~t~a: ï'bëtnnte.~ë doctrine, ~t 'né'cessat-

~<&
ïiy

fement l'homme de
dogmatique, le coatearplateuf.
l'intelligence
Nous ne voyons pas pourquoi, quand il s'agit du Christianisme, qm
touche à tout ce qui aime ou non, les facultés aimantes ne seraieitt

pas en jeu. Nous ne connaissons rien de lumineux, oMmne Fintelli-

gence du théologien nourri de foi et d'études, de piété et de médi-


tation. Tout principe, tout
fait, toute observation qui tombe sous
son rayon visuel, prend de suite sa place vraie dans le monument de
sa science. Au bout de quelques années, le prêtre arrive a cet heu-
reux état d'esprit, où il n'y a plus d'objections ni de tentations
contre la foi, où toutes les harmonies du dogme apparaissent dans les
objets de la foi et dans leur relation avec les choses terrestres. C'est
alors vraiment qu'il sort, du prêtre, une vertu divine, une vertu qui
a promesse et mission d'arrêter ce qui va vers la ruine et de sauver
tout ce qui périt. Instaurare OMMM in Christo, sive ~f in terris, sive

~M~ in MM!f, a dit saint Paul.

XVI

LA TRADITION

La recherche du sens théologique, l'intelligence de la foi, le pro-


cédé de
contemplation sont inséparables du commerce avec les
Pères de l'Eglise et de la fréquentation des docteurs. Aussi ne pou-
vons-nous passer sous silence la Patrologie, les conciles, les textes

liturgiques, tous les instruments de la tradition et leur rôle dans la


formation du
prêtre.
Le P. Aubry a. là-dessus, deux questions la priorité de la tra-
dition sur l'Ecriture et l'autorité dogmatique ou l'efficacité morale
de la tradition.
La tradition a, sur l'Ecriture, quatre priorités distinctes priorité
de nécessité, priorité de temps, priorité de dignité en raison de
l'objet, priorité de l'ordre logique par rapport 'à la connaissance
humaine.
La révélation, transmise par tradition, peut exister toute seule et
ne suppose pas l'existence d'une révélation écrite. De fait, la tradi-
tion a existé seule avant l'Ecriture, et, même après rEcritm'e, bien
des vérités, qui ne sont pas écrites, sont contenues dans la tradition.

L'obligation d'obéir la foi, à une vérité dogmatique ou à un en.


semble de vérités, ne demande pas, comme condition ptemiêfe,
1~

la consignation de cet objet de foi dans un livre inspiré. La nécessité


de cette condition n'est ni dans la nature des choses, ni dans l'ordre
habituellement suivi
par la Providence.
Dans la nature des choses, l'hypothèse ou l'écriture et les livres
n'existeraient pas, n'est point absurde; ta puissance de Dieu, dans ses
rapports avec l'homme, n'est pas limitée et peut choisir tel moyen
qu'elle veut pour correspondre avec lui et lui intimer ses obligations.
Ce qui est essentiel, c'est qu'il y ait un moyen, pour l'homme, de
connaître, de conserver pour lui-même, de propager parmi ses
semblables, le dépôt sacré.
Dans l'ordre de la Providence, il y eut des temps où il n'y avait
pas d'Ecriture et où cependant la révélation était obligatoire. Même

quand l'Ecriture fut commencée, il y avait bien des vérités dogma-

tiques, révélées, non écrites, qu'on était obligé de croire. Et même

depuis que l'Ecriture est achevée, il y a bien des vérités qu'on


croit, sans juger nécessaire de les trouver dans l'Ecriture, qu'elles y
soient ou non.
L'Ecriture ne peut pas exister seule et suppose nécessairement
l'existence d'une révélation non écrite et transmise
par tradition.
L'Ecriture suppose une série de faits dont la connaissance ne peut
nous venir
que par une autre voie elle suppose au moins le fait de
son origine, que nous ne pouvons nous passer de connaître avant
de l'admettre. L'Ecriture suppose le fait de sa conservation parfaite,
sans laquelle nous pouvons la rejeter. L'Ecriture suppose les faits
qui prouvent son autorité. Tout cela ne peut nous être connu que
par une autre voie autrement il y aurait pétition de principe dans
le raisonnement qui motiverait notre adhésion.
Quand même elle contiendrait la parole révélée de Dieu en son
entier, l'Ecriture sainte est un instrument passif, comparativement à
la tradition orale et à l'enseignement de l'Eglise, instrument toujours
actif de la foi. L'Ecriture
exige donc nécessairement une autorité dis-
tincte d'elle et qui lui serve i" de gardienne pour la conserver et
la transmettre; 2° d'interprète pour en expliquer le sens aux igno-
rants 3° de défense contre les attaques et les falsifications. L'Ecri-
ture elle-même affirme l'existence de
l'autorité, active et perma-
manente, chargée de la garde infaillible et de l'interprétation lé-
gitime de la révélation; et puisqu'elle proclame son insuffisance,
elle n'est donepas, intégralement, la règle de foi.

La révelattpn a été reçue, conservée et transmise par une simple


tra,dHton, af~t d'être consignée dans l'Ecriture. M. de Maistre
.contre qNe, dans constitution, la loi écrite ne fait quefdr-
U9

mulér une loi orale existante;


déjà que toute la raison d'écrire est
la controverse qui a surgi; et qu'ainsi l'Ecriture marque un état
moins parfait. La société religieuse n'a pas échappé à cette loi.
D'Adam à Moïse, l'Ecriture manque absolument. De Moïse à Jésus-
Christ, une Ecriture existe, mais évidemment incomplète, ne dis-

pensant pas les fidèles de suivre le magistère établi. Pendant la


première période du Christianisme, la révélation
chrétienne, même
lorsqu'elle est complète i" Ne se fait pas immédiatement sous forme
d'Ecriture; 2° mais se transmet au moins quelques années par tra-
dition. Pendant l'ère apostolique, l'Ecriture, bien qu'achevée, n'est
pas encore en état de servir a tous de règle; car les divers livres qui
la composent restent quelque temps dispersés, inconnus collective-
ment de la plupart de ceux qui avaient déjà reçu toute la révéla-
tion.
L'Ecriture n'a été, que plus tard, ajoutée à la tradition, comme un
de ses instruments et non substituée à elle comme règle unique ou

principale de la toi. L'histoire ne fait mention de ce bouleversement


qu'au xvie siècle. C'est trop tard. Depuis longtemps, la volonté de
Dieu a donné sa constitution définitive à l'Eglise et au Christia-
nisme.

Quelque complète qu'on suppose la doctrine consignée dans l'Ecri-


ture, l'objet de la révélation s'étend plus loin encore, puisqu'il con-
tient aussi la doctrine relative à l'Ecriture, laquelle ne peut être
transmise que par la tradition. La Tradition moins nous doit au
transmettre ces deux vérités: que l'Ecriture est la parole de Dieu ré-
vélée et qu'elle est une règle de foi. La tradition doit nous informer
de la doctrine relative à l'Ecriture et de la doctrine contenue
dans l'Ecriture.
En dehors de cette double nécessité, l'objet de la foi n'est pas tout
entier contenu dans la Bible. Il existe des traditions révélées non
contenues dans la Bible par exemple, la valeur du baptême con-
féré par les hérétiques et les infidèles, l'efficacité du baptême pour
les enfants, la substitution du dimanche au sabbat, l'abrogation des
observances légales, la licéité du serment en certains cas, etc.
La plupart des dogmes révélés, s'ils sont dans l'Ecriture, n'y sont
par clairs et ne s'y peuvent montrer que par déductions logiques,
qui n'impliquent pas obligation de toi.
Quand les hérétiques nous ont quittés, c'était pour admettre des
croyances ou contraires ou étrangères à la foi chrétienne s'ils avouent
qu'elles ne sont pas dans les Ecritures, ils sont battus; s'ils le nient,
ils ont à prouver leur négation.
-aia-
''r~i~`-·-

I~.CBa~Mss~~e.d&EEcïkate et. de sa vateue eamme règle de foi


ne pÈutèM&Ee être apportée par l'autorité
que dogtaattiq,ue de h tra-
dition.. C'est par lt ttaditian. seule, et non par l'Ecriture, que nous
cannaissoas. ta. valeur dogmatique de;l'Eeriture. Quand même il nous
serait possible des coBquenr, pat nous-même. ladoctrine exacte sur les

moyens q,aenQasaxQB&de.coastatetl'I]Mpirationde~EcntUte ce n'est.


pas d& eetts.maN.ièEe qa~ jjesas'-Chri&t veHtque non& ptacédions Jésus*
Christ a! voulu qtie 1'Eet~me ne tut règle de 631 qu'entre les mdns
de l'Egtjse; et apportée, par elle. En dehors de l'EgUse, l'Ecriture
perd toute sa vaLeurtBe fait'plus toit n'~ plus force de loi. Je ne
CtQKatspasà.rEcnture.di.tsaintAugustiBL, si l'Autonte de l'Eglise
ne m'obligea.n d'y croire.
Pour que la Bible ait, à nos yeux, une valeur dogmatique, il faut
que nous soyons assurés 1° de la divinité du livre considéré comme
u& exempliUM authentique;, 2" de l'autheaticué de l'exemplaire sur
lequel neus tatsatmons.. Or, s'assateï de l'aNthenticité d'un livre
est impossible à !a plupart de ceux pour qui il doit être une règle de
foi;, 2" s'assumer dé sa divinité est impossible à tous, en dehors d'une
&utonté distincte du livre même. Donc il nous faut un témoignage
~m puisse être le fondement de notre foi et transmis par tradition,
par conséquent divin,
La doctrine coateaue dans l'Ecriture doit être formellement reçue
de nous,. comme la doctrine de l'Egtise, apportée par la tradition gar-
dienne de la foi,et de ses monuments écrits. En effet, ce n'est pas nous
qui nous faisons une religion, ni qui sosmtes L'EgUse, mais c'est la
parole de Dieu adressée à nous médiatement, par l'entremise d&
l'Eglise, qui nous transmet tout ce qui vient de Dieu. La plus élé-
mentaire prudence veut que la doctrine des Ecritures nous soit pré-
seMée par t'E~Hss~ a.8n: q.H.'eHe as soit pasexposée à nos erreurs et à
oas mauvaises ietterptétatioas.
L'hottune de tautes les mcohérences, Dupanloup, a proclamé
q~eïEgtisBtMpose s~un livre c'est une erreur. La. priorité delà
ttaditKMt er t'9NMEH&d& t'Eg~ise s~tea~ pat base,. &ettB:enem fon-
damentale du prMesta.MistBe.
Ce &itcpast~t ep p~a< posê~ nous compreasa~ l'urgeate né-
ces~ d&n~~ des Eéx~s. FEgUsa. laisse; w Dieu

au temps, disait Joubert, le soimd.*M'gesdte5 les seiëNseshamaines~


parce qu'eHes ont

\.IeM~B~u~s~ nous. trans-


t~a~t~iMM-1~ r'aadqutté' et ss
croient d'autant p~ sû,ïes de. la 'vérité,, qa'eHessSBBt plus, près des
Ï2t

de la révélation. Ces sciences progressent en s'appuyant sur


origines
leur point de départ; en proclamant, sur cette base'solide, l'immu-
tabilité essentielle de la révélation et l'impossibilité d'en acquérir une

possession fondamentale plus complète que celle dont elle jouissait


dès le principe.
Le propre de la science sacrée est donc de se retremper toujours à
ses sources primitives, à un dogme immuable, à une révélation divine,
son esprit,
régie par la tradition. L'enseignement primitif, ses règles
fondamentales, on les trouve dans cette nuée des témoins de la foi,

qui se présentent dans toutes les contrées du monde et à toutes les

époques. C'est un des plus grands spectacles que puisse contempler


le théologien. Ces témoins ne remontent pas seulement jusqu'à
Jésus-Christ; ils remontent jusqu'à Moïse, jusqu'à Adam, et par

l'Evangile de Jean et son Apocalypse, ils nous initient aux combats


des Anges, aux opérations intimes de Dieu. Quelle vue grandiose
de l'histoire
Ce qui fait le prix des ouvrages des premiers Pères, c'est leur voi-

sinage des sources premières de la révélation, leur rapprochement


de Celui qui fut la vérité, la voie et la vie. En théologie, les plus
anciens sont les plus beaux. Vous deve.? croire qu'ils ont été com-

posés pour la nourriture et la consolation des intelligences, dans tous


les âges. Dans leur commerce, on s'ëiève au-dessus des passions on

puise le recueillement, l'impartialité on acquiert surtout la droiture

d'esprit et la parfaite connaissance de la religion. L'étudiant forme


son jugement, son intelligence, en se trempant aux sources de l'anti-

quité. S'il se trouve, chez les Pères, quelques détails moins sûrs, ils
sont corrigés par d'autres Pères. Saint Augustin a tracé les lois de
cette discipline. Pour les principes, pour l'esprit, !es Pères sont nos
maîtres toute étude doit s'appuyer sur leurs études, sous peine de
courirles plus grands dangers.
« Hélas, s'écrie le P. Aubry, la méthode
française a des goûts

trop modernes; elle semble avoir peur ou


dédain de l'antiquité;
tout au moins elle ne peut plus attendre, impatiente qu'elle est de
mettre les esprits en face des théories nouvelles. Cette impatience
est un des plus funestes travers de notre éducation théologique,
certainement une des causes les plus puissantes du débordement
des idées fausses, c'est qu'on n'étudie que les choses présentes. Les
grands horizons se ferment de plus en plus aux regards on sait de la

religion, la lettre, le strict nécessaire. La vraie science-de ia ~brest


encore appréciée de quelques âmes d'élite, mais ne semble pas suf-
fisamment vulgarisée. Aussi le Christianisme n'est-il plus admiré,.
–!S2–

même de ceux qui le pratiquent, heureux quand ils n'en rougissent


pM' »
Un autre avantage des études
patrologiques, c'est la précieuse
confirmation donnée à notre foi, par cette vérification de ses titres
anciens. Quoique les scolastiques aient emprunté aux Pères leurs

pensées, leurs expressions,


pour les présenter dans un meilleur ordre,
les écrits des Pères n'ont pas perdu leur utilité. Il y a en eux une
bénédiction. Le théologien éprouve une délectation particulière à

savourer, chez tes Pères, la pensée divine dans son expression ori-

ginelle. Plus on remonte vers l'antiquité, plus cette impression est


vive et douce; quoique ses écrits soient peu nombreux et très laco-

niques, en se rapprochant du foyer, cn sent la lumière substantielle


où la vie a trouvé sa source. Les Pèi2s apostoliques ont plus con-
fessé la foi par leur mort que par leurs écrits. Mais, si peu qu'ils aient
écrit, leurs méditations, leurs pensées, leurs sentiments expriment
avec force, abondance de doctrine et plénitude de vie.
Or, se livrer à l'étude des Pères, ce n'est pas tirer de leurs écrits,
des phrases détachées, des citations postiches. Un tel travail n'est

pas l'étude des Pères, c'est une mutilation dans laquelle l'argument
perd de sa torce, parce qu'il est incomplet incompris, et souvent
voire incompréhensible. Il faut pratiquer les Pères, non pas dans des
traductions qui les trahissent, mais dans leurs propres écrits. C'est le
seul moyen d'en avoir le sens propre et d'en découvrir la portée.
Cette étude porte d'ailleurs en elle-même, un peu comme l'Ecriture,
une vertu mystérieuse, une vertu que ne suppléera jamais l'étude
d'un moderne, même le plus complet, même celui qui a reproduit
les pensées et l'esprit des Pères, mêmeBossuet.
Une réaction s'impose il faut revenir aux ouvrages des Pères et
des scolastiques, et par les scolastiques rentrer dans la parfaite in-
telligence des Pères. C'est dans L'antiquité chrétienne que nous pui-
serons les idées les plus pures, les plus puissantes, puisque ce sont

toujours les idées de l'Eglise. Nous vêtirons~ sans doute, la doctrine


des Pères des formes souples des littératures modernes nous y
ajouterons les développements et les confirmations de l'histoire. Par
là, nous unissons la foi de l'antiquité à l'intelligence des temps pos-
térieurs la doctrine catholique paraîtra substantiellemert iden-
tique à elle-même, dans tous les temps et chez tous les peuples.
De tout temps on a compris que, pour l'étude fructueuse des
Pères, il faut une préparation. Nous ne parlons pas du T&MOMfMï

'JL<tffaM~~M<!trM,p.!4t.
–123–

Patrum et du Ma~ des sentences qui paraissent plutôt en dispenser


mais de ces nombreux auteurs nous offrent les renseignements
qui
nécessaires à l'étude de la Je cite en courant saint Jé-
Patrologie.
rôme, Gennade, Bellarmin, Philippe Labbe, Mabillon, Dupin et
dom Ceillier; de nos Morère, Gorini, Alzog,
jours, Charpentier,
Moehler,Bardenhewer,Schmidt. Ces auteurs suivent la même procé-
dure ils donnent la vie d'un auteur, le catalogue de ses écrits, la
nomenclature des éditions, quelques analyses et observations cri-

tiques. Cette manière nous insuffisante; à l'ordre biogra-


paraîtrait
phique, nous préférons l'ordre doctrinal. C'est, pour nous, une oc-
casion de citer, avec honneur, la Patrologie, publiée dans notre Se-
maine du clergé, par l'abbé Piot, curé doyen de Juzennecourt. Cette

Patrologie étudie les Pères en les classant selon l'ordre des parties de
la science sacrée où ils ont brillé L'apologétique~
particulièrement.
l'Ecriture sainte, la Dogmatique, la morale, la. science canonique et

liturgique, la symbolique, la philosophie, la controverse, l'histoire,


l'éloquence sacrée offrent autant de chapitres distincts et dans

chaque chapitre, vous voyez se développer l'enseignement connexe


des Pères depuis saint Justin saint Bernard. De la sorte,
jusqu'à
chaque chapitre de la Patrologie s'adapte à une fraction de la science
sacrée, l'explique et l'illustre par l'irradiation concordante de l'en-

seignement traditionnel.
Mais il est bien entendu loin
d'éloigner de l'étude des Pères
que
ou d'en dispenser, cette doit y amener avec plus de
préparation
fruit. Il est superflu de citer les deux Patrologies de Migne, c'est
l'aliment des forts, la source où vont boire les héros. Pour les es-

prits de moins forte complexion, Hurter a donné, comme contre-

fort, à sa théologie, une petite bibliothèque des Pères de l'Eglise,

publiée à Inspruck en deux séries la première a volumes la se-


conde se continue. La seule ici nécessaire, c'est
remarque, que Hur-
ter publie les Pères, non selon l'ordre historique de Migne, mais se-
lon l'ordre des traités de théologie. A l'exemple de Théo-
didactique
phile Piot, Hurter offre un travail et donne les textes
d'appropriation
avec quelques notes au bas des pages.
Lisez ces écrits des Pères, méditez ces pages si sobres, si riches en
aperçus, si débordantes d'une sève vigoureuse. Sous un petit volume,
ces pages recèlent des trésors de doctrine, à se dilater sous le feu
prêts
de vos regards. Vous y trouverez des trésors d'idées surnaturelles, un
parfum de vie chrétienne et mystique. Nulle ailleurs, dans au-
part
cun ordre de travaux, il n'est de trouver de précision
possible plus
de sûreté de vues, de rectitude de jugement. Cette maîtresse
qualité
.ï?4..

se révèle à chaque page elle en est le ca~ete~e; eHedonne à la pea'


see un .rell.ef de ~MU&te, un ,cachet d'exactitude en quelque sorte

~géom.étdque. Et.cependant cette prédsbn, loin de nuire au chaïnaCj


s'allie .très bten avec lui camme sc~n élément la pensée de ta con'-

tem.plation se repose avec bonheur sur cette terre ferme de la foi,


où elle plonge le regard, sans crainte de s'égarer dans les horizons.
Encore une fois, ce sont ces ouvrages qui ont enfanté la méthode

catholique, dans tout ce qui n'est pas sorti tout constitué, de la ré-
vélation. Vous y retrouvez, à chaque pas, quelques-unes de ces

~grandes maximes devenues des lois de la science théologique. La


tradition les a transmises aux âges suivants, comme des formules

adéquates de la foi. De la méthode traditionnelle, elles sont passées


dans l'enseignement et y resteront désormais comme des formules
nécessaires de certaines vérités, qu'il n'est pas permis d'exprimer
autrement.
Que le maître de la théologie dogmatique mette donc ses élevés à
l'école des docteurs et que tout prêtre,au sortirdu séminaire, puise,
dans les Pères, le renouveau quotidien de la vitalité surnaturelle,
gage assuré de toutes les bénédictions divines sur le ministère
pastoral.

XVII

ÉCRITURE SAINTE

L'étude de l'Ecriture sainte est, pour le prêtre, un travail de toute


la vie et comme une anticipation du ciel. Au séminaire, pour l'ini-
tiation du jeune prêtre, il faut donner, avec le goût des études

bibliques, la méthode qu'il convient d'y employer et ce fond de


connaissance qu'il devra exploiter jusqu'au dernier soupir. Pour
atteindre ce but, il ne s'agit rsi d'analyses littéraires, ni de recher-
ches géographiques, ni d'archéologie, de linguistique ou d'érudition,
il s'agit de pénétrer le sens naturel de l'Ecriture sainte; de dé-
cauvrir, sous l'ëcorce de la lettre, cette moelle du dogme, cette
riche substance
que-Dieu a entassée là pour notre nourriture il
s'agit de eher<!aer ce qui prête a la contemplation, ce qui donne

:accêsauprssdu ~e~beetdans ce mônde-céleste nous ouvre la


j'mMt~N!ti.
'~ette < ~.e programme' oe to'ut professeur d'Ecri-
–12j!

ture sainte, dit le P. doit être celui de


Aubry, rigoureusement
saint Thomas, la recherche du sens dogmatique et pas autre chose e.

C'est aussi la de Léon XIII. Nous allons voir comment le


pensée
tome VI des œuvres du réformateur des études ecclésiastiques,

remplit ce programme.
D'abord il faut constater la nécessité d'une réforme. La science
des Ecritures, cette science si nécessaire et si élevée, réclame des

redressements et des accroissements. L'exégèse littérale n'a-t-elle pas


été trop négligée dans notre Sans doute, on a beaucoup écrit,
pays.
soit sur l'Ecriture en soit sur tel livre de la Bible, soit sur
général,
la vie de Notre-Seigneur; même, on a vu les collections de com-
mentaires se multiplier, si bien les lecteurs trouvent abondam-
que
ment à choisir suivant leurs
goûts, leurs loisirs et leur bourse. Mais
dans ces productions, ce qui est pure compilation, tra-
séparez,
duction, imitation d'Allemagne ou d'Angleterre, philologie, lin-

guistique, archéologie, recherches et alentours de la question,


combien restera-t-il à revendiquer comme la conquête des auteurs
nouveaux et le bien propre de la science exégétique ?
En constatant cette situation inférieure, nous ne parlons que de
l'étude des textes sacrés en eMX-M~M et dans leur substance. Certaines

parties, surtout celles qui confinent à l'apologétique, sont entière-


ment florissantes et les services rendus à la religion par nos apo-
logistes sont incontestables.

Malgré tout, la faiblesse des études exégétiques persiste elle est

due, pour une bonne part, aux préoccupations exagérées de la polé-

mique, et à la prédominance excessive de la controverse. Celle-ci


demande aujourd'hui, avec des lectures infinies, tant de recherches
dans les vastes domaines
de l'archéologie, de l'histoire et des sciences,

que les savants catholiques ne trouvent plus le temps, semble-t-il,


d'étudier pour elle-même la parole révélée, ni d'exploiter à fond
ses richesses intimes. Nous ne pouvons que gémir de cet exclusi-
visme dont nous constatons tous les jours le peu de fruits, soit pour
la formation et la vie surnaturelle du clergé, soit même pour la dé-
fense de la foi catholique.
La science des Livres saints, en s'absorbant
presque toute dans
des études qui ne forment que les préliminaires et comme les

parties extérieures de l'exégèse, se condamne à demeurer incomplète,


sèche et stérile. a Dans mon cours d'Ecriture sainte, nous écri-
vait à ce sujet un directeur de grand séminaire, j'ai fini par rompre,
d'instinct et de dégoût, avec la méthode commune qui consiste,
non à exposer, à contempler, non à illuminer les saintes Lettres,
!26

mais à réfuter les rationalistes allemands ou français, à détruire les

objections des incrédules, sans approfondir le texte des Livres


saints. Je me suis enfin persuadé qu'il valait mieux entrer dans le
sanctuaire même, pour y adorer la Divinité que de rester au dehors,
sous prétexte de défense et d'apologie. Plus tard, enchanté de ma
méthode contemplative et directement expositive, je me suis mis
à prêcher mes amis, dans le même sens et contre notre procédé
français vraiment stérile et rebutant. »
Cette méthode presque exclusive de recherche et d'érudition, si
fort à la mode
aujourd'hui dans l'étude de l'Ecriture, a obscurci les
clartés qui devraient jaillir de la parole divine méditée et appro-
fondie par l'homme sacerdotal cette méthode procède du cerveau
bien plus que du cœur et de l'âme surnaturalisée elle prépare non

pas la bouche d'or de l'apôtre, mais le froid déclamateur de la parole


sainte elle a d'ailleurs engendré cette facilité caractéristique avec

laquelle des opinions, conciliables à grand'peine avec le respect du


texte inspiré et de la tradition, peuvent aujourd'hui se reproduire
et recruter des adhérents elle explique cette indulgence étonnante
avec laquelle des jugements personnels fort dangereux sont enre-
gistrés dans quelques-uns de nos manuels les plus répandus elle
autorise la liberté dont usent et abusent certains écrivains, contre
toute tradition et toute loi positive d'interprétation, pour traduire,
en langue vulgaire et sous une /brme~/M attrayante, le texte sacré lui-
même.
Jamais moins que de nos jours on n'a exploité les trésors dogma-

tiques et moraux de l'Ecriture au profit des fidèles qui attendent le


pain de la parole de Dieu, un pain abondant et substantiel, cibum
~nM<a~, et pourtant, jamais plus que de nos jours, on n'a eu
faim et soif de goûter la saveur des paroles divines, de jeter au fond
de ces divins textes ce regard intérieur que donne l'étude de la théo-
logie. Ils contiennent une si brillante lumière, ces textes admi-
rables ils l'offrent si généreusement à notre intelligence, pour la
féconder
Avant tout, il s'agit donc, dans l'étude de l'Ecriture sainte, non
pas d'analyses littéraires, non
pas d'archéologie, de linguistique ou
d'érudition, non pas de sens accommodatice ou d'Ingéniosités; pas
même d'abord d'un travail extérieur de critique, de dissertation ou de
réponse aux objections des rationalistes modernes il s'agit de pé-
nétrer le sens naturel de l'Ecriture, de découvrir, sous l'écorce de
la lettre, cette moelle du dogme, cette riche substance que Dieu a
entassée là en conserves pour notre nourriture il. s'agit de chercher
–127–

ce qui prête à la contemplation, ce qui nous donne accès auprès du


Verbe et dans ce monde céleste que nous ouvre si bien la méditation
conversatio nostra in M~'y Le théologien, en ce genre d'étude,
ne doit rien passer il ne doit négliger aucune parcelle d" don
céleste, du festin spirituel, comme s'exprime saint Bonaventure; car
Omnis scriptura divinitus inspirata.
Partant de cette nécessité de donner aux étudiants et aux prêtres
un cours très nourri de doctrine, très élevé en matière surnaturelle,
le P. Aubry nous le type du genre
offre aujourd'hui d'études exégé-
tiques qui conviennent au clergé. La clarté, la sobriété, la doctrine,
telles sont les trois notes caractéristiques de l'ouvrage important que
son éditeur propose à nos méditations théologiques.
Il établit d'abord les notions générales de cette étude, insistant
surtout sur le rôle et la priorité de la tradition sur l'Ecriture, rôle
et priorité que beaucoup d'esprits modernes, même ecclésiastiques,
tendent à atténuer singulièrement, sinon à détruire complètement,
pour leur substituer
à la légère ce .n~h'w'.nM, dangereux en exé-

gèse comme en théologie, comme en religion, qui est l'un des


périls les plus subtils des théories libérales, renouvelées par l'école
du P. Hecker, et qui vient en droite ligne du protestantisme. Aussi,
et dans le même ordre d'idées, que M. l'abbé Mai-
est-ce avec raison
gnen, dans son livre remarquable, ne craint pas d'affirmer que ce
subjectivisme est « un des plus grands dangers qui menacent
l'Eglise; car, ajoute-t-il, le jeune clergé en est atteint et, malheu-
reusement, l'enseignement de certains grands séminaires de France
n'est pas fait, loin de là, pour prémunir la génération sacerdotale
qui s'élève contre la contagion d'un venin si pernicieux ». (Le
P. Pecker est-il un saint ? p. 2~2.)
Le P. Aubry est, avant tout, l'homme de la tradition catholique,
soit qu'il étudie l'enseignement général de l'Ecriture, soit qu'il
s'arrête aux détails historiques qui l'éclairent et l'expliquent. Il ne
restreint pas, il ne localise pas l'inspiration des Livres saints,
comme certaine école théologique moderne très à la mode il
affirme, au contraire, que nos Livres saints portent la révélation
et le surnaturel dans la plénitude de leurs
pages il prouve que le
rationalisme, faisant sentir son
influence malsaine jusque dans
l'étude de l'Ecriture sainte, a pris à cœur et est venu à bout,,
jusqu'à un certain point, de restreindre le domaine de la Bible et de
diminuer sa valeur, « d'après cette méthode, dit-il, que nos Livres
saints n'auraient aucune compétence scientifique, que la chronologie,
les sciences naturelles, etc., n'auraient rien de commun avec les
~§'

Tecïts MbËqaes; enun mot, et, comme s~xprimaMun jOurmal-


heutettseaïent nn professeur de grand sémmdre < qn'il ne Miait
s'occuper en fdtde science, ni de la Bible, ni de la théologie Mr~
Me).
Voilà bien encore une de ces idées fausses dont on n'est pas 'assez
revenu en France, et qui se rattache àla ~cM~MottcM des ~c<eMM.
Que cette idée ait envahi des intelligences laïques, on le déplore
comme un signe du temps; mais qu'elle soit familière, qu'elle
s'élève à la dignité d'un enseignement officiel, dans une école sacer-
dotale, on en demeure confondu car c'est proprement ici la racine
du mal que l'on déplore dans les intelligences laïques..
D'après un tel système, ne sera-t-il pas permis de conclure que la
vie humaine peut être considérée en dehors de tout ordre surnatu-
rel, que toute science, prise en dehors du point de vue surnaturel,

peut être une science complète. Comme si la science révélée n'avait


pas à s'occuper des choses naturelles comme si un livre qui a pour
mission d'instruire l'homme sur ses origines, sa fin surnaturelle et
les moyens d'y arriver, ne pouvait avoir aussi pour mission de tou-
cher aux choses surnaturelles, au moins en
proportion de leur rap-

port avec les choses naturelles, pour indiquer ce rapport et montrer


à. l'homme l'usage qu'il doit faire de ces choses et l'enseignement

qu'il peut en tirer.


Et le P. Aubry, dans le Commentaire .H~ Gfn~, qu'il développe
avec une science sûre d'elle-même, prouve que le récit de la Bible
est encore ce qu'il y a de plus précis et. de plus clair sur la création
des mondes, sur l'organisation de la matière, et sur une foule de

problèmes agités par les modernes.


ce qui forme le point
Mais capital de cette ~)-emt<!)'e partie de la

GeK&e, c'est l'émde capitale sur le péché origine'l et sur la vocation de


f~Mms à l'état surnaturel. Nous avons ici toute la doctrine avec une
clarté, une ptéeision, une sobriété que l'on chercherait vainement
dans un trop grand nombre de modernes.
à la hâte car l'espace nous fait défaut pour nous
Signalons
étendre longuement l'étude très originale et très théologique sur
lesP~MMS, gfôupés en cinq faisceaux, et formant autant de cha-

pitres; car le Roi-Prophète a surtout chanté cinq choses La


Sauveur, le .SsKK&K'e.T.E~Mf, la Pénitence et la G~M.

Puts, après une étude


remarquable sur le Livre de et sur la
~àùte lecoa de morale que donne :Ie Saint-Esprit par la bouche du

t)ast< le P. Au~bry aborde les Pa~. Ici, le théologien


~ulte; tiestauceettt du monde sûrnatureLOaNs une étude aussi
–12<)–

difficileque celle des Epîtres du grand apôtre, il se trouve à l'aise,


habitué qu'il est à la compagnie du Docteur des nations.
Saint Thomas, dans son admirable commentaire, lui offre l'unité,
le nexus des idées de saint Paul il lui montre comme du doigt l'en-
chaînement des
pensées, l'harmonie des détails dans l'ensemble,.
et leur convergence vers un but unique. C'est partout la justi-
fication je l'ordre suivi par le Saint-Esprit, dans sa dictée à saint,
Paul, et la mise en lumière
profondes de cet ordre.
des raisons
C'est dire assez que le P. Aubry fait, du commentaire de saint Tho-

mas, la base de l'étude des Epitres de saint Paul; et nous savons,

par les résultats remarquables de son enseignement au grand sémi-


naire de Beauvais, qu'il avait mis ses élèves en mesure de com-

prendre et de goûter ce commentaire, comme du reste tous les ou-

vrages du Docteur angélique qui sont essentiellement classiques,


qui s'adressent, comme tels, à tous les étudiants et qu'on a le grand
tort de négliger totalement dans la plupart de nos écoles théolo-

giques.
Jamais le P. Aubry ne se sépare de saint Thomas dans la marche
des idées, pas plus qu'il ne s'écarte de Cornelius à Lapide dans les
détails de l'explication, faisant entrer la riche substance de l'un
dans le cadre lumineux
de l'autre, puisque plan et éléments, tout
est là, résolu aussi richement que possible.
Il faut lire, dans l'f aux Romains, la description de la grâce
et les conditions de la vie nouvelle par la justification et l'esprit in-
térieur. Toujours dans l'Epître aux Romains, quelle vue sur l'état
de l'homme, sur sa solidarité avec toute créature, sur cette espé-
rance inénarrable qui console son coeur de tous les maux Et cette
Révélation des Rt/iMtf de Dieu 1 Il semble défroque char-voir notre
nelle tomber, comme un vêtement qu'on laisse glisser à ses pieds,.
et l'âme sanctifiée apparaître, radieuse et divinisée, l'homme cé-
leste jaillir du sein de la pourriture terrestre vers Dieu.

L'Epître aux Hébreux est un émouvant tableau du sacerdoce de


Jésus Christ. Le P. Aubry s'élève, ici encore, à une grande hauteur
théologique, lorsqu'il énumère les fonctions sacerdotales de Jésus-
Christ, Prêtre éternel, et les conditions du sacerdoce catholique.
Mais l'objet des prédilections du théologien, c'est l'Epître aux
.E'p&MMtM, à cause de l'idée de l'Eglise. Combien il est saisissant de
voir tout le travail du sacerdoce aboutir à cette petite chose humble
et cachée la formation du saint par la grdce ~ro~M!<<! en son dme
Nous assistons ici à l'incorporation des hommes à l'Eglise, à la con-
fection de l'unité de l'Eglise par la vocation des Gentils, à l'oeuvre
LE P. AUBRY
i.3o0

capitale de la formation du corps mystique de Jésus-Christ, qui


grandit sans cesse jusqu'à ce qu'il ait atteint la plénitude de son dé-

vel<oppement.
On sent, à lire ces pages puissantes, que toute la vie du P. Au-
bry est venue aboutir et, pour ainsi dire, s'engouffrer dans saint
Pa'j.1 il a fah en lui sa demeure. Aussi, l'étude de saint Paul, chez
lui, n'est pas localisée, parquée, emprisonnée, pour ainsi dire, dans
un. petit espace de temps réglementaire, en dehors duquel il oubliera
saint Paul non Qu'il dirige les âmes, qu'il médite ou prêche la

parole de Dieu, saint Paul est là comme son fond, et l'inspire; tous
ses travaux, de quelque nature qu'ils soient, cherchent spontané-
ment à se tourner vers l'Apôtre des nations, pour s'inspirer de son

esprit. Même la messe n'est pas étrangère à cet exercice car, pour
bien dire la messe, il faut être plein de l'Epître aux Hébreux.
Notre conviction, à nous, comme la conviction
du P. Aubry, et
celle qui répond, il nous semble, à l'idée de l'Eglise et à la raison
d'être du prêtre catholique, c'est que le prêtre doit installer saint
Paul dans sa vie, pour qu'il la remplisse et la vivifie, pour que son
soleil l'éclaire toute, et que sa théologie se répande sicut oleum effu-
~WM sur tout son être, à éommencer par la partie la plus in-
fluente, l'intelligence.
C'est ainsi, croyons-nous, que dans le sacerdoce catholique et
pour rendre au prêtre cette force surnaturelle et divine, qui est
toute sa raison
d'être, c'est ainsi qu'il faut embrasser non seule-
ment saint Paul, mais toute l'Ecriture, même toute science sacrée
et toute étude. Chercher d'abord et surtout le ~&" < ~~y~ me,
MM~MMt me
Toute étude sacerdotale qui ne fait pas cela, qui n'est pas une vi-
site au Saint-Sacrement, un état général de contemplation, d'union
à Dieu, est misérable et stérile, si tantest qu'elle ne devienne trop
facilement fausse et dangereuse dans ses conclusions.

XVIII

L'HISTOIRE DE L'ÉGLISE

Apres récriture sainte, l'histoire de l'EgUsë, tomes VII'ef VIII


œuvres complètes du P. Aubry. Ce sujet pose, à t'espnt,
des
quatre ou cinq questions, de premier ordre la définition de l'his-
–i3t–

toire l'ordre des matières qu'elle doit embrasser,, les


ecclésiastique,
-doit dans l'évolution des siècles, les
périodes qu'elle distinguer
événements raconte, dans quelle limite et dans quel
grands qu'elle
but.
La définition de l'histoire ecclésiastique dépend de la notion sur-
naturelle de l'Eglise. L'Eglise, selon Bellarmin, doit se définir
« La société des hommes, unis en cette vie, la profession
par de la
même foi, la participation aux mêmes sacrements, sous le gouver-

nement dfs pasteurs légitimes et surtout du souverain Pontife.


la définit sommairement « La société fondée par
Tarquini plus
le Christ, dont la fin propre est l'acquisition de la béatitude éter-

nelle, avantage tellement propre à cette société que, ho's d'elle, on

n'y peut d'aucune façon prétendre. Le P. Schouppe la définit


« L'Eglise du Christ, dans
plus explicitement prise adéquatement
son corps et dans son âme, est la société des fidèles baptisés, que
vivifient intérieurement la foi, l'espérance et la charité; &MM-MK&
la profession de la foi chrétienne, la communion aux mêmes sacre-
ments unissent les fidèles sous un seul chef, le Christ au ciel et
son vicaire en terre, le Souverain Pontife. »

Cette notion théologique de l'Eglise est le point de départ néces-


saire pour définir son histoire. L'histoire place l'Eglise sur le plan

fuyant de la durée; elle suit, sous le gouvernement surnaturel de

Dieu, son évolution à travers les âges, jusqu'à la fin des temps.
L'histoire de l'Eglise, c'est l'accomplissement séculaire des gestes de
Dieu et du concours des hommes, pour le salut des hommes et la

gloire de Dieu. C'est l'histoire dans sa notion la plus haute et sa


plus magistrale importance.
L'objet de l'histoire ecclésiastique, ce sont les faits relatifs à la so-
ciété des chrétiens. On peut envisager ces faits au simple point de
vue de la raison et au point de vue plus élevé de la foi. La raison,

séparée de la foi, envisage les mouvements de l'humanité sur la


terre, dans ses rapports avec la terre par la vie pastorale, par l'agri-
culture, l'industrie et le commerce elle étudie encore l'expansion
des forces humaines dans la culture des sciences, la pratique des de-
voirs et le progrès des sociétés humaines; enfin elle place l'huma-
nité sous l'autorité naturelle de Dieu et s'ingénie & découvrir dans
la succession des peuples, les desseins de la Providence. Herder,
par exemple, dans ses Idées, ne se préoccupe guère que de la ma-
tière et de ses transformations; Vico, Ferrari et Cousin s'occupent
plutôt des manifestations des intelligences; Bunsen, Barchou de
Penhoen et Buchez s'appliquent davantage à montrer Dieu dans
–ï;2–

l'histoire. Nous, catholiques, nous ne pouvons envisager l'his-


toire qu'au point de vue de l'ordre surnaturel dont l'Eglise est le

point de départ, la sanction et le couronnement.


D'après Alzog, l'histoire
de l'Eglise, considérée objectivement,
est le développement, dans le temps, du royaume de Dieu, et le pro-

grès continu dans les voies de la science et de la vie, de l'humanité


régénérée s'unissant à Dieu par le Christ, dans le Saint-Esprit. Dans
le sens téchnique, elle est 11 reproduction idéale ou l'exposition par
le discours, de ce développement vivant et réel Dans sa Morale

catholique, Hirscher la considère également comme institution du

royaume de Dieu sur la terre, modelé sur le type de son royaume


dans le ciel. Moehler en donne cette belle définition « Il faut, dit-
il, définir l'histoire: La réalisation dans le temps du plan éternel
de Dieu disposant l'homme, par le Christ, au culte et à l'adoration
qui sont dignes de la majesté du Créateur et de la liberté de la
créature intelligente. Montrer comment l'esprit du Christ s'est intro-
duit dans la vie commune de l'humanité, et se développe dans la
famille, les peuples et les Etats, dans l'ordre, dans la science, pour
ea former des instruments de la gloire de Dieu, tel est le but de
l'histoire chrétienne. »
Ce qui s'est passé dans la sphère des choses temporelles forme
l'histoire dans son sens le plus général. Cependant tout ce qui ar-
rive n'appartient point à l'histoire; les événements importants, qui
éveillent ou promettent un intérêt moral, sont seuls de son ressort.
C'est pourquoi le sujet principal de l'histoire, c'est l'homme, consi-
déré dans sa condition, dans ses rapports avec la société civile et
avec l'Eglise, principalement pour sa direction morale et spiri-
tuelle.
« L'hommes'agite et Dieu le mène. » Le grand agent de l'histoire,
c'est Dieu.

Après la création, l'élévation de l'homme à l'état de grâce appelle,


comme terme, après les temps d'épreuves, sa glorification éternelle.
La déification primitive et la béatification finale, voilà les deux pre-
miers pivots sur lesquels évolue l'histoire.
Apres l'élévation de l'homme à l'état de grâce, le péché originel,
suivi de la promesse d'un rédempteur, appelle l'avènement de ce

Rédempteur dans la plénitude des temps. La chute et la réparation,


voilà les deux seconds pivots sur lesquels évolue désormais l'histoire
de l'Eglise.
L'avënëme~t da Rédempteur promis est le fait central de l'his-
.toire~Les événements qui le précèdent le rendent moralement né-
cessaire et fournissent les
possibilités d'exécution, les événements
ne sont plus que les développements ou tes
qui le suivent réguliers
contradictions coupables de son Evangile.
Or, t'avènement du Rédempteur se présente à nous comme com-
et transformation de la loi mosaïque. A ce titre, l'Evangile
plément
nous apparaît comme la révélation du Christ distribuant sa lumière
aux intelligences; comme la loi du Christ imposant sa volonté aux
volontés, aux sentiments et aux actes de
l'homme <-omme l'en-
semble des institutions du Christ pour nous aider à croire et à pra-
tiquer surnaturellement; et comme l'ordre hiérarchique proposé à la
gérance de l'Evangile au sein de l'humanité.
Le Christ étant le centre de l'histoire, les événements qui précèdent
sa venue forment, depuis la sortie du Paradis terrestre, la /)~wa-
tion à son avènement; les événements qui suivent la venue du Christ
offrent le développement de l'Evangile à travers les nations, jusqu'au
dernier avènement du Christ.
La préparation évangélique doit nous faire connaître d'abord

FEgtise primitive des patriarches jusqu'à Moïse, Eglise renfermée

jusque-là au sein des familles et des tribus puis l'Eglise étendue


aux nations, mais de deux manières au peuple Juif, enfermé dans
ses montagnes et spécialement chargé de préparer et de figurer le
Christ; aux peuples gentils, obtigés aussi à la garde des traditions,
mais surtout préparant l'avènement du Christ par la succession des
grands empires.
La révélation primitive est le premier objet de l'Eglise et, suivant
le mot de saint Epiphant, l'Eglise est le commencement de toutes
choses. La conception de l'histoire de l'Eglise ressort de l'idée même
de la religion. La religion objective, c'est l'alliance établie par Dieu
avec l'homme la religion subjective, c'est le libre concours de l'homme
pour arriver à cette union c'est la connaissance d'un Etre divin
auquel l'homme s'efforce de s'unir et de ressembler, pour trouver le
bonheur dans cette union et cette ressemblance. Ce besoin de con-
naître et d'imiter Dieu, qui est commun à tous les hommes, est,
en même temps, la source du besoin qu'ils éprouvent de se réunir et
de vivre en famille ou en société. Et de même que l'homme terrestre
ne prospère que par une sorte de communion avec l'humanité en-
tière de même, l'homme spirituel ne s'épanouit que dans la société
du genre humain avec Dieu. Dieu en est le premier facteur. C'est
pourquoi il s'éleva, dès l'origine, dans les familles patriarcales, sur
l'ordre de Dieu ou sous son inspiration, dés institutions terrestres et
surnaturelles, une communauté religieuse, synthèse de foi et 'de de-
134

voir, conforme aux éléments réunis dans la personnalité de l'homme.


Le chef de famille était prêtre; le toit domestique s'ajoutait le ca-
ractère de temple la table devenait autel, et ,le foyer se prêtait,

après l'immolation des victimes, à leur consécration en sacri-


&ce.
A partir de la vocation d'Abraham, l'Eglise patriarcale se prépare
à devenir Eglise nationale. Par Moïse, le peuple juif reçut sa cons-
titution d'Eglise nationale et l'ensemble d'institutions passagères qui
devaient en soutenirpréparer sa transformation
et par le Christ.
Cette église est désignée sous le nom du peuple Israélite comme so-
ciété séparée, élue de Dieu, consacrée à Jehovah, dans laquelle un

jour doivent être admis tous les peuples. Cette promesse est traduite

par le mot grec de ~«M~o~ et exprime l'idée d'une direction col-


lective, d'un
gouvernement universel appliqué au monde. L'église
nationale du Judaïsme a son temple, son sacerdoce, ses sacrifices,
ses cérémonies, ses lois religieuses pour la garde même des intérêts
civils. Le temple est unique il n'y a qu'un grand prêtre, assisté d'un
corps de lévites. Des juges et des rois présideront aux destinées du

peuple de Dieu. Les prophètes viendront rappeler aux peuples et


aux rois, les lois violées et prédire le grand anathème.
En dehors du peuple Juif, les Gentils formèrent encore des ombres

d'églises nationales, gardèrent mal les traditions et plus mal encore


la vertu. Leurfonction spéciale sera de fondre dans l'unité matérielle
les peuples civilisés de l'antiquité païenne et d'ouvrir des voies aux

apôtres. Dans ce dessein de la Providence, les antiques cités de Ba-


bylone et de Ninive créeront un empire qui passera des As-

syriens aux Perses, des Perses aux Egyptiens, des Egyptiens


aux Grecs, des Grecs aux Romains, légataires universels de toutes
les puissances tombées. Par l'effet de la chute originelle, ces

pauvres peuples n'ayant plus, de la divinité, qu'une connaissance-

pâle et fugitive, se firent des dieux multiples et allèrent jusque


identifier, avec les choses créées, le Créateur de l'univers. Mais.
ces sociétés, sous le rapport religieux, n'étaient plus que de vains.
simulacres de la véritable Eglise elles n'avaient même plus de nom

spécial par le mélange des rapports religieux et civils, elles se con-


fondaient avec l'Etat, qui absorbait complètement l'Eglise. Les pro-
phètes, et Bp$suet à leur suite, leur donnent d'ailleurs justement une
place dans l'histoire de l'Eglise.
Le Christ réveilla dans l'humanité la conscienceprimitive qu'elle
avait eue de Dieu et des adorations dues à sa souveraine majesté; la.

religion qu'il annonça, toute pénétrée de l'esprit de charité, dut né-


<essairement toucher les cœurs et former une société vivante. Le
Christianisme seul détermina et réalisa parfaitement les idées de

l'Eglise. Ceux qui adhérèrent à la religion du Christ,


ne formèrent

pas seulement une société intérieure, mais encore, suivantsa volonté

expresse, une société extérieure qu'il nomma, d'après l'ancien testa-


ment, l'Eglise, le testament de la suprême alliance, la société de
tous les élus, tirés d'un monde pécheur, appelés à rentrer en union
avec Dieu dans le royaume de l'éternelle félicité.
La religion et la grâce du Christ devaient donc être annoncées et
assurées à l'humanité déchue, mais rachetée par la croix du Calvaire.

Après son retour au ciel, sa vertu comme


réparatrice, rédempteur,
comme roi, comme prophète, devait se perpétuer et se conserver

intacte, jusqu'à la fin des siècles. Pour atteindre ce but, le Fils de


Dieu avait pris certaines mesures il avait formé le collège aposto-
lique et mis à sa tête Pierre de Bethsaïde. Quand il fut remonté au
ciel, on vit donc se former une société religieuse de fidèles, réunis
sous un même chef, le Chri't, dans la même foi et les mêmes sacre-
ments, conduite, sous l'inspiration du Saint-Esprit, par les Apôtres,
.Pierre à leur tête, et par leurs successeurs légitimes, les Papes et les

Evêques. C'estlà l'Eglise, une, sainte, ro-


catholique, apostolique,
maine; c'est le lieu consacré au Seigneur pour tout l'univers c'est
,le temple, le royaume, l'école du Christ. Fidèle à la promesse de
son divin fondateur, cette sainte Mère Eglise, malgré des luttes inces-
santes. malgré de terribles vicissitudes, réalise l'éternelle idée du
'Christianisme la sanctification et l'union de l'humanité avec Dieu,
par Jésus-Christ et dans le Saint-Esprit.
Pour obtenir un tel résultat, pour assurer, au genre humain, tous
les bénéfices de l'incarnation du Christ, il fallait que sa doctrine
divine et immuable fût conservée intacte il fallait la prémunir contre
les fausses interprétations. L'autorité de l'Eglise est donc le critérium

général et divin de tout ce qui est vrai et divin Telle est


d'origine.
la mission de l'épiscopat catholique et en particulier la prérogative
personneUedu Pontife romain c'est une autorité doctrinale infaillible,
divinement instituée inspirée et pour s'élever, dans ses décisions,
au-dessus du cercle étroit et imparfait des opinions humaines et les ra-
mener sans cesse au principe divin de l'unité. C'est par là que l'Eglise
.colonne et firmament de la vérité, ayant une infaillible dis-
règle pour
cerner, juger et réprouver les ~f'fMM~, peut distinguer avec certitude
ceux qui cessent de lui appartenir. Dès que l'ordre institué par Jésus-
Christ était altéré, quant à l'unité de la doctrine, il avait
y répara-
tion. L'Eglise retranchait de son sein les auteurs de l'y&i'~ et ses
partisans, de peur qu'ils n'entamassent la société entière. îse mécon-
naissait-on l'ordre divin que dans la forme et le principe ce ia disci-

pline de l'Eglise alors les auteurs et les adhérents de l'erreur se sé-

paraient eux-mêmes de l'unité; schisme.


il y avait
scission,
Telle est l'Eglise de Jésus-Christ. L'objet et le domaine propre de
son histoire, ce sont donc tous les faits et seulement les faits qui
intéressent les chrétiens, en tant que membres de l'Eglise. Tous
les autres faits sociaux, politiques, scientifiques, moraux, ne lui

appartiennent qu'autant qu'ils sont les fruits lointains de la grâce,


les produits de son influence. « Ainsi, dit le P. Aubry, expliquer
la préparation, la fondation, la constitution, tant intérieure qu'exté-
rieure de l'Eglise; montrer sa propagation, son action dans le
monde, ses luttes contre le péché, les vicissitudes et les épreuves
qu'elle a traversées dans le cours des siècles, les formes et manifes-
tations, diverses selon les temps et adaptées aux besoins changeants
des siècles, du principe, toujours un et toujours identique de sa foi
et de sa vie voilà l'objet de l'histoire ecclésiastique 1. »
Voilà pour la matière voici qui va spécifier la forme, le point de
vue particulier, le sens général, la marche à suivre pour cette étude.
Les faits peuvent être étudiés à divers points de vue, suivant qu'ils
se rapportent au gouvernement et à la prospérité des peuples, au
développement de
l'intelligence humaine, à la civilisation, à la vie
matérielle et à la vie morale. C'est ainsi qu'on étudie les cultes

antiques, les erreurs, les superstitions, les systèmes de philosophie,


les questions d'art et de métier. Or, l'histoire de l'Eglise ne touche
à ces faits et à d'autres analogues, qu'autant qu'ils se rapportent à
la vie surnaturelle de l'homme, c'est-à-dire à la sanctification et au
salut des âmes, à la rédemption par Jésus-Christ.
On voit, par là, combien l'histoire de l'Eglise par son
diffère,
objet, matériel et formel, de toute autre histoire et même de la phi-
losophie de l'histoire. L'histoire de l'Eglise, c'est la théologie de l'his-
toire. Ce mot est du P. Aubry il est caractéristique de sa création.
Le P. Aubry, professeur d'histoire, n'a pas voulu courir sur les
brisées d'aucun historien le P. Aubry a rapporté, à la théologie,
toute l'histoire. Ce point caractéristique est le secret de sa force et
'la raison de sa grandeur.
a II est donc facile, continue le P. Aubry, de comprendre quel

'T'&o!f~~efM~<nM,t.I, p. 2;. J'appuie d'autant plus sur ce texte, que les


écrivains attemands et parfois les français, quand ils parlent de t'Egtise et des
~peSt eh partent comme de toute société et de tuute dynastie, d'après les
M~esdunaîuratisme.
137

doit être le rj~de l'histoire ecclésiastique dans le ~M~~MJ des


études sacrées. La théologie et le droit canonique sont des ~fMCM de

~rM~M étudier les vérités dogmatiques et morales, qui font


partie de la révélation proposée à notre foi par l'Eglise, voilà la

Théologie; étudier les lois ecclésiastiques par lesquelles l'Eglise a


exercé ses fonctions de gardienne, de propagatrice de la foi
et
d'exécutrice des volontés de Jésus-Christ voiià le~M'~ MKOM. La

Théologie surtout est la science des vérités révélées, qui sont l'objet
de la foi, et, avant tout, la théologie dogmatique est le fondement et
le MM)- des études sacerdotales. Or, dans le plan général de ces études,
l'histoire ecclésiastique, pour s'harmoniser avec les autres branches
des études sacrées, doit prendre le rôle de servante de la théologie.
« En effet, l'objet de l'histoire ecclésiastique est, au fond, iden-
tique avec celui de la théologie, puisqu'elle est l'étude de la vie de

l'Eglise,dont la foi révélée est le principe générateur. De plus,comme


ditKIée, « considérée dans ses rapports avec les autres branches de la

théologie, l'histoire du dogme constitue l'élément le plus élevé de


l'histoire de l'Eglise, en même temps qu'il est une véritable dog-
matique conçue et
composée dans l'ordre le plus naturel, l'ordre

indiqué par la génération des idées elle est donc une seule science
avec ces deux sciences »

Alzog va même plus loin que Klée et abonde absolument dans le


sens du P. Aubry. « L'histoire ecclésiastique, dit-il (p. 28), met le

théologien, représentant de l'intelligence dans l'Eglise, à même de


fendre compte à chacun de la marche et des progrès de l'Eglise;
elle lui apprend comment, médecin des âmes, il peut, en agissant
efficacement sur celles-ci, contribuer à la prospérité de l'Eglise, dont
elles sont les membres vivants elle devient pour lui la base des
autres branches de la théologie, telle que le droit ecclésiastique,
t'exégêse, la dogmatique et la morale.
« Quant aux rapports existant entre les sciences théologiques et
l'histoire de l'Eglise, celle-ci seule expose dans son origine, sa suite
et son développement complet, l'oeuvre de la rédemption accomplie
par le Christ, continuée par les Apôtres et par leurs successeurs.
Elle seule nous fait connaître l'action et la Rédemption sur l'huma-
nité. Et comme d'ailleurs la révélation chrétienne est elle-même en

grande partie de l'histoire, il en résulte jusqu'à l'évidence que l'his-


toire de l'Eglise n'est nullement une science auxiliaire de la dogma-

1
KLÈE, Manuel de l'histoire des dogmes chrétiens, introd. p. 12 ALZOG, Rist. de
t'~KM, t. I, S I}.
1 ç
j~

tique, mais elle est la science-naète, le &mdement de toutes les


autres.sciences théologiques.
Tel est le sentiment d'AIzog. On voit pourquoi, le P. Aubry,
réformateur des séminaires, fait écho aux enseignements d'AIzog
et de Ktée, et s'est appliqué si longuement à écrire sur l'histoire

qu'il qualifie expressément de théologie.


Nous osons appeler l'attention du clergé français sur cette con-

ception historique du P. Aubry. Aucune ne montre mieux la force


de son esprit et la droiture de son jugement. L'histoire est son
grand cheval de bataille je mets au défi qu'on puisse l'en débusquer.
On peut toujours épiloguer sur des idées et des arguments; mais
se buter contre les faits que le P. Aubry appelle ~o)'j~m& es-
n'est plus qu'un choquant paralogisme.
Pour la distribution des matières à synthétiser dans l'histoire,
le P. Aubry montre la même décision et rompt complètement avec
la routine. Dès longtemps, les abrégés de l'histoire se traînaient dans
l'ornière des annales. L'idée d'exposer les faits par années, lorsqu'on
le fait longuement, ne prête à aucune confusion mais lorsqu'on

abrège l'histoire en trois volumes, l'ordre des années produit un


fouillis inextricable de récits, de dates, de coïncidences et d'obscurités.
Cet ordre avait encore été suivi dans Rivaux de Grenoble et dans
Woutersde Louvain. Vers 182~, Gieseler avait introduit, dans les
abrégés de l'histoire, une autre division des matières cet ordre
consistait à examiner
séparément, dans des chapitres parallèles
1° L'Eglise dans son évolution historique comme gouvernement
et dans ses rapports religieux avec les états politiques 2° L'Eglise
considérée dans son développement intérieur pour le culte et les

rapports hiérarchiques de
membres ses
~° L'Eglise considérée
comme gardienne et vengeresse de la vérité par les écoles, par les
auteurs ecclésiastiques et par la lutte contre les hérésies; 4° L'Eglise
considérée comme gardienne et vengeresse de la vertu qu'elle pro-
duit dans les masses, plus particulièrement par les saints et par le
contre-coup de ses vertus sur la législation civile.
Cette innovation de Gieseler parut heureuse elle fut adoptée
en Allemagne, par Alzog,
par Doellinger, par Moehler, par Hergen-
fœthef, par Krauss, par Gams et par la plupart des historiens. En
France, Blanc et Rivière, partageant leur histoire en leçons, essaient
de se rapprocher des distributions allemandes. On les voit triom-
pher dans Richou, dans Drioux je les crois définitivement acquises.
Le P. Aubry s'en inspire, mais ne s'y assujettit pas strictement.
Lui qui voit bien tout, excelle'à abréger. Sa puissance d'esprit éclate
–i39–
dans l'ordre avec
lequel il groupe les événements, sur les origines de

l'Eglise, jusqu'à la chute de l'Empire romain, sur l'organisation


et l'action de l'Eglise au Moyen Age, sur l'ère de dissolution reli-

gieuse et sociale inaugurée par Luther. Il y a là un tour de force

compréhensit et une énergie lumineuse, pénétrante, qui doit sin-

gulièrement frapper les esprits. Dans un temps où l'on parle beau-

coup d histoire et où tout le monde l'ignore, les deux volumes du


P. Aubry sont presque une révélation.
Quant aux périodes à distinguer dans la suite des siècles, le P. Au-

bry n'a vues sur les siècles avant Pour


que quelques Jésus-Christ.
à son silence, de la
suppléer j'estime qu'il y a lieu de tenir compte
succession des âges, trop suivie, avait une
longtemps parce qu'elle
raison d'être profonde. J'attacherais moins aux ères,
d'mportance
utiles plutôt la L'histoire du peuple juif et des
pour chronologie.
peuples gentils se prêtant difficilement à des coupures similaires il

paraît meilleur de laisser à l'histoire du de Dieu et à l'his-


peuple
toire des empires, leurs naturelles divisions. retrouve
L'esprit s'y
aisément, et, en faveur d'une telle distribution, cela suffit pour
motiver ce
jugement de préférence latitudinaire.
Sur les siècles depuis Jésus-Christ, le P. Aubry a adopté les di-
visions d'Alzog, qui sont un peu cellesSur les
de tout le monde.
subdivisions des siècles, je serais moins indulgent. On admettra
bien qu'un grand fait d'histoire ne doit pas s'interrompre, sous pré-
texte d'alignement; les siècles de l'histoire ne sont pas réglés par
ils ne le sont non
l'almanach, pas plus par des subdivisions fantai-
sistes. On ne peut pas nier l'existence des époques, ni l'utilité des
distinctions; mais il n'en faut pas être esclave. Des époques, tant

que vous voudrez mais je les veux souples, avec des contours fa-
cultatifs et une grande liberté d'allure. Depuis Jésus-Christ, je m'en
tiendrai aux divisions admises par tout le monde 1° Le christia-
nisme jusqu'à la chute de romain 2° les barbares
l'empire temps
jusqu'àCharlemagne; 3° le Moyen-Age jusqu'àLuther; 4." les temps
modernes. Les sous-divisions, c.'est bon pour les savants; ça peut
.être utile quelquefois; plus d'une fois, c'est embarrassant.
Sur le dernier point, sur les limites et le but de l'histoire de

l'Eglise, ils sont déterminés le titre même des deux volumes


par
Théologie de l'histoire.
Le genre humain, création de Dieu, consacrée à la gloire de son
.créateur, repose sur deux principes le surnaturel dans les âmes,
l'autorité dans le gouvernement de l'humanité. Le péché
religieux
a fait déchoir l'humanité de l'ordre de grâce et eût entr&iné sa ré-
140

probation la Rédemption a restitué le genre humain dans ses droits


au ciel et lui a fourni, par la grâce de Jésus-Christ et l'autorité de
son Eglise, les moyens d'y atteindre. L'histoire raconte les pêripé-
ties de ce grand drame, dont nous sommes les bénéficiaires, dont
l'Homme-Dieu est le héros.
Dans les temps anciens, deux choses attirent l'attention de l'his-
torien la corruption continue de l'humaine espèce la préparation
de l'avènement du Sauveur des hommes. D ns les temps modernes.
deux choses continuent de résumer la vie des peuples et leur his-
toire les vicissitudes du surnaturel s'efforçant de reconquérir
l'humanité les vicissitudes de l'Eglise, distribuant le surnaturel,

pour assurer son triomphe.


Depuis Jésus-Christ, l'histoire du surnaturel nous offre trois
choses pendant huit siècles, le déploiement de son énergie par la
conquête de l'Occident; pendant huit siècles, le glorieux épanouis-
sement de sa lumière et de sa grâce; depuis trois siècles, les mou-
vements de va-et-vient, d'avancement et de recul, par où l'Eglise et
le surnaturel s'efforcent de maintenir l'Occident sous la loi du
Christ et par l'Apostolat, de soumettre le monde entier à la loi de
l'Evangile.
Dans cette dernière période, l'Eglise a vu s'élever, contre son
magistère et son ministère de grâce, trois principaux ennemis le

protestantisme, le jansénisme et le gallicanisme. Ces deux dernières


hérésies ont particulièrement provigné en France, l'une diminuant
le surnaturel, l'autre diminuant l'autorité du Pape. Le coup d'cett
pénétrant du P.Aubry a dessiné, d'une plume magistrale, cette
douloureuse histoire.
Nous avons assez fait connaître ses jugements sur Descartes, Pas-
cal et Bossuet; nous le citons maintenant sur le xvn" siècle, réputé
si glorieux, mais tout rempli des germes de mort « Plus on étu-
die le xvu" siècle dans son détail, dans toutes ses parties, et, pour
ainsi dire, dans tous les coins dé son Histoire, avec l'œil calme, im-
partial etchrétien du théologienetde l'historien, plus on y trouve
partout des choses fausses, écrit le P. Aubry Pouvoir qui perd
l'idée chrétienne de lui-même et ne vise plus qu'à sa propre gloire
et à son propre intérêt; évêques courtisans et mondains, clergé fri-
vole et abaissé rapports de deux puissances qui se faussent de plus
en plus peuple chrétien qui perd sa foi, idée d'une Eglise na-
tionale qui s'écarte de Rome philosophie cartésienne et rationa-
liste, lois qui ne se fondent plus sur l'Eglise, politique qui perd sa
base chrétienne; hérésies ou tendances hérétiques funestes; théolo-
–i~i–

gie qui s'écarte de la scolastique et perd les deux idées qui sont ie
fondement de la théologie, surnaturel et le prini
je veux dire l'esprit
cipe de tradition. C'est depuis ce temps surtout qu'on a cessé de
se faire une assez idée de l'autorité enseignante, de la fonction
grande
d'enseignement dans l'Eglise, de la place cette fonction
qu'occupe
dans l'économie du christianisme, on a oublié que 1 Eglise est,
avant tout, une société ~'M.M~Mm<M< et le clergé du xvn" siècle n'a

pas peu contribué à cette dépréciation de la plus grande fonction de

l'Eglise, par le genre faux de prédication mis à la mode dans les


chaires les plus célèbres. Ce n'est pas pour rien non plus, sans

doute, que La Bruyère a critiqué la chaire et trouvé qu'elle avait

peu 1s goût apostolique. Pour avoir abandonné la manie des cita-


tations et latines, aussi bien aux auteurs
grecques empruntées pro-
fanes qu'aux auteurs sacrés, elle n'avait pas passé si vite à la perfec-
tion qu'on lui prête souvent, et elle était tombée dans un autre
travers le pédantisme oratoire et la déclamation, la recherche des
divisions géométriques et savantes. L'esprit de tradition perdu, la

prédication allait vite s'affadir, par la préoccupation de formes trop


nouvelles et trop mondaines, de développements tout humains et

rationalistes, la démonstration allait puiser ses arguments exclusive-


ment dans les sciences naturelles. Sans doute c'est là un genre de

développement agréable, frappant et même utile pour l'apologie


contre les athées mais un genre bien extérieur et superficiel, très

étranger à la métaphysique vraies et aux


spéculations théoiogiques
que si ce genre d'études dispense d'approfondir la notion intime du

dogme, il a, de tait, le xvn° siècle, dans les


depuis trop remplacé,
livres et les écoles, les études plus profondes et ceci soit
plus solides,
dit sans nier son utilité, son opportunité et le fruit qu'en peut
tirer la théologie. L'usage exclusif de ces preuves secondaires,
tirées des sciences humaines, a nui à la solidité des convictions, en
faisant oublier les preuves que la raison trouve dans son propre
fonds. Leibnitz voyait clair dans le christianisme et dans les choses
surnaturelles, quoique protestant, plus clair que bien des catho-

liques et des écrivains qui lui en remontraient


d'autres points sur
et je me permets de croire si on avait, dans la controverse
que qu'il
eut avec eux, exposé à ce grand esprit le vrai système catholique,
dans toute sa hardiesse surnaturelle, vu l'aptitude avait à.. le
qu'il
comprendre, à l'aimer, vu la sympathie que ce système aurait trou-
vée en lui, cette controverse aurait eu plus de succès »

J.-B.
AUBRY CoKf: d'histoire œf:f~M~«}MC. T. II, p. ~90.
1~

Les nations meurent comme les


individus; a dit le comte de

Maistre;iln'yapasdepreuvesque la nôtre ne soit pas morte. «La


France est d'essence catholique nous la croyons nécessaire à l'hu-

manité nous gardons l'espoir de sa résurrection. Mais si la France


~oketre refaite, c'est par ~t/M, disait le cardinal Pie. Les seules
choses qui, au xvn' siècle, fussent des germes fécondables, étaient
des germes du mal. Aujourd'hui l'arbre qu'ils ont nourri de leur
sève, se meurt; et les seuls germes que je trouve dans le sillon,
ayant l'avenir pour eux, sont des germes de vie. La France éprouve
de grands maux; nous sommes bien malheureux. Mais il y a des
mois'ons qui poussent; ce sont nos motifs d'espérer que Jésus-
Christ a dit pour la France, ces mots qui, au sens littéral, s'appli-
quent à la jeune fille de l'Evangile, mais au sens spirituel, à beau-
coup d'autres malades <: Cette infirmité n'est point à la mort
m~is pour que, par sa guérison, soient rranifestés les coups d Etat
de la Providence. »
Le P. Aubry n'est pas un prophète de malheur; il est l'homme
des grandes preuves et des longs espoirs.
Ceci dit, je ferme le livre de l'histoire
et je dis, qu'après, les tur-
pitudes du xvni' siècle et
les révolutions de plus en plus mena-
çantes du xix*, le P. Aubry demande la restauration du surnaturel
en toutes choses et la restauration de l'autorité pontificale, avec
l'entière application des lois dans toutes les sphères, particulière-
ment dans le clergé. Pour assurer logiquement et produire effecti-
vement cette double restauration, le P, Aubry demande la rélorme
des séminaires selon l'ordre qui florissait sous les grands siècles
chrétiens et l'orientation surnaturelle des études ecclésiastiques,
comme elle se pratique à Rome. Nous avons erré, nous avons dé-
failli pour nous relever, pour marcher dans le droit chemin, il faut
prendre le mot d'ordre du vicaire de Jésus-Christ.
Le P. Aubry nous rappelle à cette consigne pour nous y rappe-
ler, il s'élève au-dessus des préjugés, des passions, des aveugle-
ments contemporains, et, debout sur lé piédestal de l'histoire, il pro-
mulgue la législation de l'enseignement obligatoire de la théologie.
Un des élémentsde la grandeur de Charlemagne, c'est qu'il fut le
restaurateur des lettres; l'incontestable grandeur du P. Aubry, c'est

qu'il est le restaurateur triomphal des lettres sacrées.


Je n'oublie pas qu'il est mort au loin et que sa cendre repose dans
nncoin de la Chine; je n'ignore pas qu'il fut un professeur con-
testé, et que, pour plusieurs, il est un auteur dédaigne. L'un de ses
contempteurs se trouvant, sans doute, fort spirituel, lui reprochait
–3–
de n'avoir donné que de la pouture c'eût peut-être été assez pour
le censeur; pour l'homme du discours et à l'adresse de quelques

personnes nous
conviendrons, si l'on veut, qu'il y a, dans les
œuvres du P. Aubry, quelques bottes de foin, quelques coups de
trique et d'étrille. La part faite à la critique, nous convenons qu'il
peut se trouver dans l'ensemble points contestables, car
quelques
enfin le P. Aubry est homme. Mais la grande apostasie qui se pour-
suit depuis trois siècles; mais la sortie de plusieurs peuples du giron
de l'Eglise; mais l'empoisonnement des générations eu-
progressif
ropéennes mais l'affaiblissement et l'effacement du clergé français
et sa lamentable impuissance. Qui donc peut les contester ? Il faut
nous retremper aux Sources.
Le Pape est le démiurge du. monde et
le P. Aubry est son prophète, ce prophète des restaurations pos-
sibles, si nôtre infatuation bysantine ne nous condamne pas à périr
de male mort.
Je n'ajoute pas Rira bien qui rira le dernier nous n'abuserons
pas, nous n'userons même pas du droit de flétrir lespropos
absurdes. La gravité de la question, la solennité des événements ne
laissent point de place aux variantes de la bonne ou de la mauvaise
humeur. La parole du salut a été prononcée, honneur à qui a su et
a osé la dire avec autant de conviction que de courage. Le sablier
du temps aura depuis longtemps enseveli dans la poussière les pe-
tits glapissements d'une critique jalouse, malfaisante et
inepte,
lorsque le nom du P. Aubry sera placé, je ne dis pas seulement à
côté des Dupanloup, des Gaume et des Rollin mais dans une au-
réole dont je veux pronostiquer la gloire.

XIX

LES TÉMOIGNAGES

Après l'analyse, la synthèse.


Nous venons de rendre compte de tous les ouvrages du P. Aubry.
Nous avons essayé d'en inventorier les richesses, d'en nombrer les
lumières, d'en dégager la quintessence. Maintenant nous devons
les réunir dans la belle unité de leur vaste ensemble et recueillir les
témoignages, à eux rendus par les maîtres de la science sacrée et les
patriciens de l'intelligence.

L'équité nous oblige de constater, en passant, que le P. Aubry n'a


t~
.`,; .w
v F r
y ~` _(: ,°,
m~t
t° de la théologie
~S&K~ ~tj,Vf¡tg~'à:<r>l\tt:
S~gî~ de la tradition; ::°de~'ai-
~~ëlogte SMréë,.sGienc~~ de l'histoire ecclésiastique 3° du
'plain chant et de la Musique a~Pa~tirMMt, dont les mélodies et
les accords nous associent, dans cette vallée de larmes, aux concerts
'des anges et préludent, par un mélange de douceur et d'enthou-
siasme, aux cantiques de l'éternelle béatitude.
.De la part du P. Aubry, ce n'est ni oubli, ni dédain; car il était
`
~thotique jusqu'au fond des entrailles il n'y avait pas d'âme plus

théologique que la sienne aJm~ pleurez; il mourut à trenté


huit ans.
En dépit de la brièveté des ans, du poids des infirmités, des
ombres, des lacunes et des résistances de l'esprit humain, le
P. Aubry a traité, avec un tour personnel, une science incontestable
et des vues concordantes, toutes les questions relatives à la réforme
des séminaires en France et à l'orientation surnaturelle des études

ecclésiastiques. Nous l'avons vu, cet homme apostolique, poser,


d'après le décret du concile de Trente, le principe de la restauration
doctrinale, et les règles de l'enseignement supérieur dans la Méthode
des Etudes ecclésiastiques depuis le concile de Trente, ouvrage sans pré-
cédent et sans égal, fondé sur les principes de la plus pure doctrine,
inspiré par la crise dangereuse que nous traversons, destiné, si le
clergé trançais veut enfin s'affranchir des idées gallicanes et libérâtes,
à relever notre enseignement catholique et à sauver la France.
Après avoir développé le principe général de la restauration, le
P. Aubry, dans un traité sur les Grands Séminaires, déroule son plan
de réforme, entre dans le détail de la thèse, et consacre un chapitre
une étude approfondie à chacune des branches de la science
sacrée. Mais ici, le sujet est si vaste, les idées de l'auteur si riches
et si débordantes, que chacun des chapitres de ce monumental ou-
vrage contient le germe d'un volume et produira une succession
d'ouvrages qui donneront, la pensée du théologien, son plein dé-
veloppement soit une série de dix volumes, où tout est lumière,
lumière intense et vivifiante T~M'~ ardens et lucens.
Le premier de ces volumes, consacré à la Théorie catholique des
sciences; le second, qui traite de la Réforme philosophique selon saint
Thomas, forment le préambule humain, la transition entre l'oeuvre
de la raison et l'oeuvre de la foi. Ces volumes donnent la note vraie,
le procédé scolastique, dans l'étude des sciences et de la philosophie, la
seule manière de les interpréter chrétiennement, de les vivifier par
'h foi, et de les rattacher à la synthèse magnifique de la théologie.
~4!'

Le troisième volume traite du ~~M~a~. DaeftfiS-*


tianisme, danssa préparation, son établissement, sa nature et ses

effets; de la foi, dans sa règle, son mode de production, sa nécessité

pour délivrer le genre humain. Le quatrième volume a pour sujet


l'Eglise, le Pape et le surnaturel. Le cinquième est une œuvre de D~-
~c~'OM spirituelle; il renferme un choix de méditations et plusieurs
opuscules spirituels. Le sixième volume nous donne huit cents pages

compactes d'jb'~&f sur l'Ecriture Sainte Genèse, Prophètes,


Psaumes, Epîtres de saint Paul, etc. Les septième et huitième vo-
lumes reproduisent le cours élémentaire d'Histoire ecclésiastique, et
renferment, à proprement parler, la théologie de ~'NM~o!~ l'Eglise.
Enfin. les volumes suivants renferment au neuvième, une édi-
tion nouvelle de la Méthode, augmentée de trois chapitres remar-
quables sur Bossuet; au dixième, des çonseils et une direction intellec-
tuelle aux étudiants; aux onzième, douzième et treizième, la corres-
pondance inédite.
A l'examen sommaire de ces ouvrages, nous avons le devoir d'a-
jouter quelques appréciations. Aussi bien, le témoignage des esprits
les plus élevés de nos Eglises de France, particulièrement des maîtres
de l'enseignement, jette-t-il une plus vive lumière sur l'œuvre du
P. Aubry; il prête à son enseignement un nouveau crédit; à sa
thèse, une raison plus pressante de travailler enfin de concert,
selon les principes traditionnels, à la restauration intellectuelle du
sacerdoce.

§ 1. La Méthode des Etudes ecclésiastiques dans nos séminaires.

Lit)e,letoju!Ueti886.

Je viens de lire, avec le plus vif intérêt, le manuscrit que vous


avez bien voulu me Il y a ]A un travail
communiquer. admirable,
des pages de la plus haute valeur, qui font penser à de Maistre ou à
Bossuet, et dont le prix apparaît plus grand encore, lorsqu'on songe
aux circonstances dans lesquelles se trouvait l'auteur. Evidemment,
il ne faut pas laisser cela sous le boisseau.

A. PiLLET,

Professeur à la Faculté de
théologie
de l'Université de Lille.
s n
d~~
~1kj~S~~ç~' d~4~Y `~ ~` `~fn~'·

~?. An]teas,tey}mv!e[t8y8.

Tout cela et s'<po~


est de soi/tandis
maître que les choses.
de la plupart de nos articles de journaux, revues, brochures, se pro-

posent très humblement, ce qui leur demande beaucoup d'apprêt.


Pour moi, cela me va c'est la grande et noble manière de l'exposi-
tion doctrinale a: la mode des vieux.

A. BocopBT, de la C" de Jésus.

Mars 1890.

Combien je désire voir lancer dans notre public endormi ces-


idées étourdissantes, cette guerre au petit Compendium Bonal ou
Bouvier, au petit pot-au-feu bourgeois, à la routine d'une prédica-
tion prétendue classique, et qui est, comme chaleur d'éloquence, à-
io ou i; degrés au-dessous de zéro Publiez. Il faut que les oreilles
nous en tintent.

Un vicaire général.

23 ftvrit l8g0.
La lecture de la A~tAoJ~ a été pour moi un soulagement, une

jouissance que j'attendais depuis longtemps, et la découverte d'une-


réponse que j'avais cherchée vainement pendant les années de mon
professorat. Pendant mes dernières années,
que j'étais chargé alors
du cours d'Ecriture Sainte, j'avais fini par rompre, d'instinct et de

dégoût, avec la méthode qui consistait, non à exposer, non à con-


templer, non à illuminer, mais à réfuter les Allemands sur les trois.
points d'authenticité, de véracité et de divinité, puis à réfuter les-
objections des incrédules, bi~a entendu sans lire même le texte du
saint Livre. Dès la première année, je finis par me dégoûter des
Allemands, et à croire qu'il valait infiniment mieux entrer dans le-
sanctuaire pour y adorer
même, la divinité, que rester. ainsi au.,
dehors, sous prétexte de faire la police et de chasser les chiens. Au
bout de quelques années d'essai, enchanté de ma méthode contem-
plative et directement expositive, je me mis à prêcher mes amis
dans ce sens,
Voilà bien des années que j'attaque la théologie; mais insuffi-
samment instruit et renseigné, je restais dans un vague qui ne me-
permettait de rien préciser. A la lecture de la Méthode, je sens la lu-
mière se faire, ou du moins les ténèbres se dissiper. Cet ouvrage
est d'une importance bien supérieure et traité supérieurement.
'47

Depuis M. de Maistre, nous n'avons pas cette puissante originalité


.de style, cette vue d'ensemble, ce sens d'orthodoxie, cette saine et
fière critique, sûre d'elle-même, toujours mesurée, même dans ses
censures les plus mordantes.
Un ancien directeur de Grand Séminaire,
Vicaire général.

AvrittSgo.
Combien je savoure la grande idée du P. Aubry, sa magistrale

exposition de la méthode expositive et contemplative, son exposi-


tion du Fides ~M~~M~ intellectum Je ne sais ce que pensera le

public; nous sommes tellement enroutinés Mais pour moi, per-


sonnellement et intimement, c'est une réponse longtemps désirée,

longtemps cherchée, et même avec une certaine anxiété. Je sentais


un indéfinissable malaise intellectuel, comme dans ces périodes de

scepticisme de l'histoire de la philosophie, où les âmes sont aux


abois dans la recherche du vrai, noyé dans les ténèbres. Depuis
quelques années, je me frayais ma route, mais péniblement, comme
un homme qui se sent to'Jt seul et qui a peur de faire un mauvais

-coup 'n n'étudiant pas comme tout le monde.


L'abbé LEGUE,
Vicaire générât de Chartres,
ancien directeur du Grand Séminaire.

26 avril 1890.

Ce livre est un
grand et bel ouvrage, vraiment magistral, neuf,
original, de portée considérable. C'est un appel pressant à la ré-
surrection et à la vie. S'il n'est pas compris, pas reçu, pas réalisé,
ce sera un signe de plus de la gravité de notre maladie. Mais tout
cela est lumière, lumière vivifiante. Le P.
Aubry est plus grand
missionnaire dans ce livre qu'en Chine; l'oeuvre, ici, est plus con-
sidérable. Il y a bien quelques incorrections, mais la beauté, la
beauté lumineuse, la majestueuse vérité de l'oeuvre, fait oublier les
.ombres, et je serais vraiment curieux de voir quelle
critique, quelle
réfutation on pourrait en faire. Je sais qu'il y a là une suite de cri-
tiques hardies, à déconcerter, même sur Bossuet, même sur Massil-
lon, même sur Lacordaire, même sur le grand style et la grande
prédication du grand siècle mais tout cela est si vrai, si irréfu-
table Nous avons tellement senti tout cela sans oser jamais le dire,
-que c'est une bienheureuse satisfaction de lire ces sentences triom-
phantes du P. Auhry.
:48

En lisant de théologie~
heritique moqueuse de nos Compendium
je me suis pris à regretter que le P. Aubry n'ait pas ajouté un mot
sur nos Af~MM~ ~'&~M~ Sainte et notre mode d'enseignement
d'Ecriture Sainte, mode vraiment comique rien ne prouverait
mieux sa grande thèse. Et l'enseignement de la prédication Quel
thème
Un directeur de Grand Séminaire.

Avril i8go.

Bon courage, cher Monsieur 1 Mon encouragement n'est point


un encouragement mesquin de partisan, d'école critique ou fron-
deuse, c'est un encouragement partant d'un cœur sacerdotal, épris
de la beauté du saint Evangile, gémissant depuis longtemps sur la
fausse direction de nos études, le vide, la stérilité, la mondanité, le
caractère superficiel et
glacial de notre prédication. Depuis des
années déjà, je n'ai cessé mais avec une peur instinctive, la peur
d'être un novateur et de condamner mes confrères et mes maîtres
de prêcher le:, idées du P. Aubry, sans les connaître, non pas
toutes ses idées, ni tout leur développement, ni tout leur préambule
grandiose, mais son idée, son rappel à l'ordre, à l'intuition du
dogme, à la contemplation du Verbe révélé.
Je veux espérer assez de notre pays de France, pour avoir la con-
fiance qu'il sera accueilli, qu'il fera sensation, qu'il fera dès lors
beaucoup de bien. Si le contraire avait lieu, j'en éprouverais une
peine considérable.
Un grand vicaire.

Mai jS~o.

.Je ne suis point surpris du peu d'accueil que reçoit çà et là


votre remarquable livre sur la M~Me, c'est un signe de plus de la
gravité de notre mal. Si l'effet produit par l'apparition de ce vo-
lume devait être médiocre, et si le livre devait passer inaperçu,
j'en gémirais pour notre pays. Je préférerais encore qu'il fût attaqué.
du moins il serait lu et produirait sa lumière.
Un directeur de Séminaire.

juillet :8<)o.

.).J'aii pu prendre le temps


enfin de lire ce beau travail. Hélas' t
il: est trpp sérieux pô~r nos générations nouvelles de jeunes,
prêtres; mais il restera, il sera, dans certaines âmes, la bonne se-
i49–

mence qui lèvera sous l'action divine et finira par produire sa


moisson.
R. P. ARMAND,

Prieur des Dominicains d'Angers.

3 aoùt i8go.

Je suis admirateur de cette belle flamme apostolique que j'ai


trouvée dans le P. Aubry, puis de ces élévations doctrinales, de ce
Sursum corda, de cette rhétorique des saints, de cette manière d~é-
tudier onctueuse, intuitive; persuasive, divine. Voilà pourquoi j'ad-
mire le P. Aubry et j'applaudis si fort à la publication de ses beaux
écrits.
Un vicaire général.

Septembre 18~0.

Le livre du P. Aubry me paraît un instrument prédestiné à con-


courir largement au salut des âmes, par la netteté de ses idées et la
fermeté de ses résolutions. Parmi d'autres publications, je n'en vois
aucune qui puisse y concourir avec une égale force. Dans mon
estime de vieux critique, qui a manié plus ou moins tous les livres
de ce siècle en notre pays, la Méthode se place d'elle-même à côté
du Pape, de J. de Maistre, de la Justification de la doctrine de S. Li-
guori, par Thomas Gousset, du Ver rongeur, de Gaume c'est l'arc-
en-ciel que la main de Dieu déploie pour annoncer la fin des maux
et l'aurore des meilleurs jours. J'espère que tous les séminaires
feront de ce livre un sujet de méditations, un programme de ré-
formes. Joseph de Maistre nous a rendu le Pape Aubry va
nous rendre le prêtre, le vraiprêtre de Jésus-Christ, le prêtre
docteur, armé de toutes les forces de la rédemption, ie prêtre thau-
maturge.

Justin FÈVRE,
Pronotaire apostolique.

l; décembre tSoo.

Cet ouvrage a non seulement une véritable importance doctri-


nale, mais il a pour lui l'opportunité des enseignements du Saint-
Siège. En parcourant les actes de Pie IX et de Léon XIII sur la
réforme des études et la question sociale, on y trouve, en effet,

identiquement la grande thèse du P. Aubry. Puissent les esprits


sérieux et intelligents lire ce livre et comprendre la portée de ces
.1~0'–

dirôhs'-nous avec l'éditeur, a


pages, < ou le théologien et l'ap&tre,
mis' tout son coeur, tôuœ sa. conviction et, si nous en jugeons
sainement, l'indication vraie de ce qui doit sauver, notre pauvre
société.
`
L'ï/M'MM~c~M~M~Zyo~.

5 mars [8qi.

L'ouvrage du
Aubry P.
est un grand livre, et son apparition
une grande grâce, au moins pour la France. Je souhaite qu'il pro-
duise des fruits de salut dans le clergé; il lui cffrira d'ailleurs une
lecture de haute importance, dont, pour mon compte, quatre lec-
tures successives n'ont pas épuisé la lumière.

L'Étendard, de Montreal.

2 mars 18~1.

Le jugement porté par le P. Aubry sur la direction des sémi-


naires en France, paraîtra sévère à plusieurs. Je suis de ceux qui
croient qu'il nous reste beaucoup à faire. Mais rien n'a-t-il été fait ?
En vous exprimant ainsi franchement mon avis, j'espère ne point
passer dans votre esprit pour un adversaire; je suis, au contraire,
aussi heureux que personne de voir paraître un livre que je crois

appelé à faire un bien sérieux.


J. B. DALIGAULT,

Supérieur du Grand Séminaire de Laval.

Septembre 18~0.

Voici un livre profondément pensé et appelé a faire sensation


dans le monde théologique. Il s'adresse surtout aux professeurs des
Universités catholiques et des Grands Séminaires, ainsi qu'aux
jeunes prêtres qui aspirent à compléter, soit en particulier, soit dans
les Universités catholiques, leurs études ecclésiastiques.
L'auteur part de ce principe, que la régénération de la France
doit commencer par les idées, si l'on veut qu'elle
soit complète et
durable. Après avoir indiqué la source du mal et dénoncé les
erreurs de fend Mde procédé qui ont amené chez nous la ruine de
la scolastique et l'organisation gallicane des études, il cherche le
remède, qui consiste dans l'empipi d'une meilleure méthode il de-
mande M ia~iqu'euhë restauration dans le sens et par la mise en

~V~~apro~dë de saint Thomas, qu'il expose magninquement.


1~

Nous souscrivons
parfaitement aux idées du P. Aubry, et re-
mercions le frère du docte théologien d'avoir publié ces pages par-
tantes d'intérêt, et appelées à faire beaucoup de bien à l'enseigne-
ment théologique en France. Il n'est pas un professeur qui ne
veuille les méditer à loisir, s'imprégner des pensées si élevées
qu'elles renferment, afin de rehausser, dans l'esprit de ses élèves,
l'estime des études ecclésiastiques.
L'Ami du clergé.

18 avri)j8~l.

Je crois trop à la nécessité d'une réforme dans


l'enseignement de
la théologie, dans l'éducation cléricale et la préparation à la vie pas-
torale, pour ne pas crier sur les toits et défendre à tout prix les
théories fondamentales duP. Aubry. La théologie doit être la clef
unique de toutes les sciences et de toutes les institutions. Avant
tout, le prêtre doit être un
théologien, non pas un homme qui
ergote par a/~M! et ergo, mais un homme qui, dans les mystères
théotogiques, voit autant de réalités vivantes, s'en imprègne pro-
fondément, et en vit quotidiennement.

GARANCHER,
Professeur au Grand Séminaire de Chartres.

Bayonne, le 22 mai i!pi.

J'ai reçu le précieux 'que m'annonçait


ouvrage votre lettre. Il y
a là des aperçus trèsjudicieux sur l'origine et les causes du ma-
?7MM~de nos études et sur ce qui en a été la conséquence
ecclésiastiques,
sociale.
Se rattier à Rome, centre catholique, et, sous son impulsion,
revenir à la méthode des Pères et de la vraie scolastique, c'est le
remède.
Il faut vous féliciter d'avoir eu le coeur de continuer et de mener
à bonne fin une thèse dont la première partie seule serait déjà vic-
torieuse.

F. JAUFFRET,
Evêque de Bayonne.

Amiens, le ier juin :S()i.

Je viens de réciter )ePM/~M pour le repos de l'âme du P. Aubry,


votre frère, et cela pour le remercier du bien que la Méthode a fait
à mon âme. Je n'essayerai pas de traduire mes impressions sur la
~o-r~ ~y '~`, ~A~ ~u ~^`
11,
NtP~p t'ü~?F~'
~~14f~~r~i~$~5~~
D~ '~k~S..R~P.~Tÿ~~

~sa~ ~S~ x ,a~n~~ `s' s


~t Iry~ _r.s

~j~no~~Bme.cQ~pied du crucifix et
dëpfier;eebo~Sàaveut; me donner un peu de ce je ne sais quoi
qu'il avait accordé à ce saint prêtre Quelle àme 1 quel coeur Ah
c'est bien Jésus vivait ett lui
Quel service vous rendrez à l'Eglise, en publiant tous les écrits
de ce prêtre selon le cœur de Dieu!
BRIFFON,

Prêtre de la Mission,

Professeur au Grand Séminaire d'Amiens.

2~ juin !8oi.

II faut qu'un grand mouvement s'opère dans le sens de la Méthode


du P. Aubry, car, de l'éducation des clercs dépend l'éducation du

peuple chrétien. En suivant le P. Aubry, qu'on n'ait pas peur de


'rétrograder outre qu'on suivra la direction donnée par Léon XIII,
on fera rentrer dans la théologie l'usage de ces choses qui demeurent
très modernes, que Dieu a toujours voulu unir à la foi, l'intelligence
et la raison.
Yves LE QUERDEC, journal le Monde.

9 août 1801.

La thèse du P. Aubry est une démonstration péremptoire des


maux causés par la diminution des sciences sacrées; c'est un appel
à la restauration plus complète, plus générale, des études ecclésias-
tiques et à la réformation des écoles.
Il ne s'est
pas produit un livre plus décisif depuis le livre Du

Pape, de M. de Maistre. Le livre Du Pape nous avait rendu le prin-


cipe souverain de la hiérarchie ecclésiastique, et restitué les bienfaits
de son action souveraine; la Méthode nous fait pénétrer dans le

temple de la doctrine, il en ouvre les portes toutes grandes et en


fait entrevoir les richesses. Entrons hardiment là est la lumière

pure et grande, là est le salut.


Qu'on se hâte, il est plus que temps. Que si cet appel puissant
à la résurrection n'est pas entendu, ce sera un signe de plus de la
gravité de notre maladie. Mais tout cela est lumière, lumière vivi-
fiante, et le P. Aubry est plusgrand missionnaire dans ce livre qu'en

Chine l'oeuvre est plus considérable; c'est ce que plusieurs évêques


écrivaient àl'éditeur.–Je veux espérer assez de notre pays pour
avoir cpnSance qme la AMMe fera beaucoup de bien. Si le contraire

ityait~
journal l' Uni,vers.
-'Lejournall'UKM~
–~3–

Tarbes, le 18 novembre 1891.

Ce livre de la Méthode est bien ce que j'espérais, bien ce que

je rêvais de voir écrire depuis longtemps. J'espère que sa lecture


fera du bien, en faisant tomber quelques préventions et en semant
des idées nouvelles qui germeront et porteront les fruits que votre
frère désirait voir produire.
RICAUD, s
Professeur au Grand Séminaire de Tarbes.

Août l8pï.

J.-B. Aubry fut certainement un des bons théologiens de cette


seconde partie de notre siècle. Non moins excellent missionnaire, il
eût pu prendre rang aux premières places de la science fhéoiogique
et contribuer grandement à une restauration qu'il appelait de tous
ses vceux. Il préféra mourir au milieu des chrétientés chinoises qu'il
avait évangélisées, au lendemain d'un supplice qui avait failli être
le martyre, à la veille d'une préconisation épiscops:c Au fond du
Céleste-Empire, il n'oubliait ni la France, ni les études théolo-

giques. Nous en avons une preuve éclatante dans son livre sur la
Méthode, qui ne veut pas être un livre timide et dans lequel il y a
beaucoup à prendre, bien des choses qui, sans doute, ne plairont

pas à certaines écoles, mais qui devaient être dites.

Revue des Sciences ecclésiastiques


de l'Université catholique de Lille.

Juin i8pi.

J'ai lu, avec le plus vif intérêt, le beau livre du P. Aubry il


renferme les vérités les plus utiles pour les esprits réfléchis. Mais,
hélas 1 ces esprits ne sont guère nombreux de notre temps, et l'ou-
vrage qui, à tant d'égards, mérite d'être médité, ne trouvera pas
assez de lecteurs. Malgré tout, vous ferez une grande oeuvre en con-
tinuant cette publication, vous rendrez un service éminent à l'Eglise.

t Mgr GAY,

Evêque d'Anthédon.

25 mai tS~

Plaise à Dieu que l'ouvrage du P. Aubry stimule le zèle de


nos professeurs de Grands Séminaires, et les porte de plus en pl~us
à tourner les yeux et à tendre l'oreille vers cet enseignement magis-
i,4.

tral ont eu à cœur de maintenir dans


que tous les Pontifes romains
la Ville étsrneHe Plaise que ceux qui ont la charge
à Dieu surtout
de l'enseignement des séminaires en France, se pénètrent de plus en

plus de cette idée, que Rome est seule capable de former complè-
tement l'élite des maîtres qu'ils destinent à cetenseignement.

Journal du Droit canon.

Louville, le t~ septembre 189;.

Cette publication est de celles qui font réfléchir et secouent


les toilesd'araignées du préjugé et de la routine. Sur le fond même
-de cet écrit) je garde l'opinion que je vous avais exprimée, après
l'avoir parcouru en manuscrit c'est un livre très suggestif, qui
marque un réel progrès sur les systèmes qu'il combat.
d'HuLST.
Mgr

Août 1894.

J'admire le courage humble et franc du P. Aubry. La Méthode


-est, dans l'intention de l'auteur, l'accomplissement généreux d'un
pénible devoir. Nul ne peut contester la pénétration d'esprit, la
sincérité pleine dé droiture; la vigueur de style, non plus que la
compétence du P. Aubry. Je souhaite que son ouvrage contribue
à ce renouvellement doctrinal qu'il appelle dans des pages aussi
élevées par la pensée que vigoureuses de style.
La Science catholique.

Antony, le 18 avril l8c)!.

Le P. Aubry met le doigt sur la plaie; mais pour le voir, il faut


l'œil de la foi intégrale, pure de toute compromission avec le libé-
ralisme et l'esprit moderne. De plus, il faut une certaine portée
d'intelligence pour rattacher les maux dont nous souffrons à leur
vraie cause. Pour ces
raisons, cette thèse magistrale
deux trouvera

peu de lecteurs, et, parmi ceux qui la liront, peu d'approbateurs.


Enfin, ceux qui l'approuveront en principe, reculeront devant les
difficultés d'application. Comment sortir de la routine ? Où trouver
le point de jonction entre les Universités catholiques et les Sémi-
naires ? Où chercher des Manuels vivants pour remplacer les Bouvier,
les Bonal, les Vincent et autres friperies modernes ? Et si l'on met
lamain sur le livre, où trouver le professeur qui souffle dans l'âme
-de ses élèves l'esprit tbéologiqae ? Tout est à refaire, et c'est
pourquoi rien ne se fait. Nous vivons au milieu des ruines, et nous
n'avons ni matériaux
ni maçons pour élever de nouvelles construc-
tions. La Méthode indique le plan à suivre, mais je ne vois pas d'en-
trepreneur assez hardi pour suivre l'architecte.
N'importe, il faudrait répandre la Méthode. et mettre en relief
l'importance de cette œuvre, attirer l'attention du
clergé, surtout
des directeurs de séminaires et des professeurs d'Universités.
Votre frère ét~i: un homme d'un
esprit supérieur. Je n'en veux pas
à Dieu de l'avoir appelé en Chine; car le sacrifice qu'il a exigé de lui,
embellira singulièrement la couronne de gloire qu'il lui a préparée
mais s'il a pu, de 30 à ~,0 ans, écrire de pareilles pages, que n'aurait-
il pas fait dix ans plus tard, avec plus d'études et une maturité plus
grande? Hélas! peut-être aurait-il fait moins bien, parce que l'âme-
aurait été moins calme, moins sacrifiée, la vue moins perçante.
En somme, béni soit
Notre-Seigneur qui connaît ses élus et les-
mène au ciel par le meilleur chemin.
La seule critique que je me permettrai de faire, c'est une certaine
exubérance dans le style; c'est comme un flot de pensées qui dé-
borde d'un vase trop plein. Dans ce siècle de pauvreté, nous ne-
sommes plus habitués à cet excès de richesses.

R. P. BERTHE,

Supérieur de la Congrégation du S. Rédempteur.

Ghlin, le 15 juin i8gi.

Je considère ce livre comme un des plus remarquables qui


aient été publiés en ces dernières années. C'est un livre d'une
grande portée, destiné à produire un grand bien, non seulement
dans le clergé, mais dans la société tout entière car c'est la question
sociale qui, à propos de méthode, y est traitée avec une pénétration,,
une puissance de synthèse, une hauteur de vues qui ne se rencon-
trent guère à notre époque utilitaire.
Charles PÉRIN,

de l'Université de Louvain.

Annecy, io février 18~

Vous m'avez, par l'envoi de la Méthode, grandement obligée r


il est si précieux de trouver de tels aH'°<=, lorsqu'on s'est levé pour
dire que l'heure des illusions est passée, que notre clergé n'est pas
le premier clergé du monde, et qu'il est temps de se mettre i
l'oeuvre pour atteindre le niveau auquel il doit monter
Votre savant frère a très bien montre comment la dépression de
i"t~& du sacerdoce est. en dernière analyse, la véritable cause de ce
désarroi des idées chrétiennes qui nous a conduits à une telle im-

puissance. J'ai essayé de le dire. dans mes conférences de l'Ora-


toire et dans ma lettre au clergé d'Annecy, il y a deux ans; j'ai eu

peu de lecteurs. Je ferai tous mes efforts pour en donner au P. Aubry.


Quelques prêtres intelligents qui entreraient dans cet ordre d'idées,

pourraient ranimer, d'ici à vingt ans, les études et l'esprit sacer-


dotal. Que Dieu accorde cette récompense au P. Aubry et à vous-
même 1
-j- Mgr ISOARD,

Bvêque d'Annecy.

II

§ II. Les Grands-Séminaires

NampceUe.i; janvier t8~.

Permettez-moi de vous dire combien j'admire l'ampleur de la


thèse que vous soutenez, la solidité avec laquelle vous l'appuyez,
et la distinction de langage que vous employez. Je ne sais si votre
cause est destinée, de longtemps, à devenir populaire, mais c'est

déjà beaucoup pour ell? de se voir ainsi exposée au grand jour et

pour nous de pouvoir vous féliciter de vos efforts.


L'abbé PERRfOT,
Chanoine de Soissons.

Chartres, janvier 189;.

Votre chapitre sur l'Histoire


ecclésiastique est parfait. Quand
les séminaristes et les prêtres n'auraient lu que ce chapitre pour
suppléera l'insuSsance de méthode de leurs études d'Histoire, et leut
faire comprendre l'Histoire ecclésiastique, ils auraient déjà là un
coup d'oeil synthétique bien précieux et bien élevé.
Combien vrai ce que vous dites de la chaire. Hélas notre prédi-
cation évangélique devient d'une vulgarité déplorable et, des lors,
est tombée dans un véritable discrédit. Depuis 2o ans que j'observe,
}ësuisf frappé péniblement de la pauvreté ds notre prédication par-
Rë ou imprimée. mystères, le panorama grandiose
~7

de notre révélation chrétienne, avec ses sommets lumineux si vi-

vants, si divins, si entraînants, si poétiques souvent, tout cela est

conçu vulgairement, dit prosaïquement, dans des prônes langou-


reux quifatiguent.
Je regrette de ne trouver là
critique du faux
aucune style de la

chaire, de ce que Taine appelle le « style et le ton prédicateur », des

prétendues imitations de Bossuet et de Lacordaire, de ce culte de


la période, de cette phrase gourmée, grimée, pédantesque et fausse,
de cette littérature déclamatoire, creuse et inhumaine, qui a fini par
blaser nos auditoires, de tous ces sermons sans conviction, sans lu-
mière et sans qui rendent
âme, sceptique et presque incroyant. Et
de campagne.
je ne parle pas ici du petit prône du curé Le petit
prône du curé de campagne peut être très vrai, très convaincu, très

éloquent Je parle en général, et tout aussi bien pour ne pas dire

plutôt, du style de prédicateur de ville. Combien peu songent qu'ils


remplissent une fonction sacerdotale! Combien peu sont hommes

d'Evangile, hommes de science théologique et pro- de conviction


fonde. Depuis des années, j'analyse avec désolation, toute cette so-
norité creuse, ce miroitement de surface. Très peu soupçonnent que,
pour annoncer sincèrement la parole de Dieu. il faut réellement se

nourrir, s'animer, s'illuminer


de la parole de Dieu, la creuser dans
ses abîmes, en scruter les commentaires authentiques dans les doc-

teurs, et les commentaires vivants dans les saints.

Quand vous n'auriez fait, comme œuvre sacerdotale, que pu-


blier ces pages vivifiantes, fécondes, pleines germes de
précieux,
vous auriez fait une grande oeuvre et travaillé considérablement

pour l'Eglise. Quand ce livre ne porterait l'enthousiasme théolo-

gique que dans cinquante prêtres, ce serait un bien inappréciable.


Confiance donc. Quel beau volume! Je n'attendais pas un livre
de cette importance.
L'abbé LEGU&,
Vicaire générât de Chartres.

Brunelles, 15 janvier !8<);.

Votre livre est sévère juste. Peu de gens auront le cou-


quoique
rage de le lire et de le relire; et c'est un des livres taut relire
qu'il
pour en comprendre toute la vérité. A première lecture, on s'étonne
tout soit aussi aussi aussi nul en
que mal, bas, France, que nulle
part il n'y ait trace de restauration, ou que toutes les restaurations
ne soient que des apparences, des écarts, ou des retours déguisés
aux fausses méthodes de nos gallicans. rénexioh et en se-
Après
cëndetectUre, on revient à votre opinion, et l'on est forcé d'avouer
que la raison malheureusement est pour vous.

L'abbé GARANCHER.

Angers, igjanviertSc);.

Vous avez fait là une œuvre, une grande oeuvre. Dieu vous a
sensiblement inspiré et soutenu et Mire livre car il est bien
vôtre restera, comme ceux de avec qui votre frère avait
Balmès,
tant de ressemblance, mais qu'il dépasse de cent coudées. Aujour-
d'hui, au fort de la tempête,on ne verra pas cette bouée de sauvetage
offerte aux prêtres quelques-uns pourtant la saisiront ils se sauve-
ront et deviendront à leur tour des sauveteurs.
Que je suis donc heureux de pouvoir vous féliciter sans réserve.
On doit rugir en certains lieux! Rugir est impropre braire et
pousser des cris à la manière des oies du Capitole, à la bonne heure ?
Tumultus gallicanus.
R. P. ÂRMAXD GOSSIN,

Prieur des Dominicains.

Q.uimper,2ojanvieri8~

La question des séminaires est capitale, eUe est le f<fMr de la ques-


tion sociale. L'auteur examine ici à fond et sous toutes ses faces, et
avec une abondance de documents humains, une profondeur de
vues, une sûreté de doctrine, une connaissance des procédés in-
tellectuels et de la vie sacerdotale, qui tont de ce livre une œuvre
de haute direction, une synthèse d'idées fécondes et pratiques, pour
les professeurs comme pour les étudiants, pour les prêtres livrés à
l'apostolat comme pour les hommes d'étude. Depuis les procédés
philosophiques et théologiques, remis en vigueur par Pie IX e~
Léon XIII, jusqu'aux principes les plus délicats du droit canonique,
de la prédication, des catéchismes, le P. Aubry analyse et appro-
fondit tout, avec an esprit d'intuition et un sens théologique exquis,
avec une expérience consommée des hommes et des choses.

La Semaine Religieuse de Quimper.

LU)e,2i]M~eM8<);.

le vous remercie du beau livre sur les Grands Séminaires. Sur


beaucoup de points importants, j'approuve vos idées. L'enthou-
:$9

-siasme de l'expression aidera à les faire accepter, et j'en serai heu-


reux.
Docteur jules DIDIOT,

de ïa Faculté de Théologie
Doyen
de l'Université catholique de Lille.

Paris, 26janvieri8<

Laissez-moi vous dire toute mon admiration


pour votre œuvre
sur les Grands Séminaires. Supérieur par la pensée, le P. Aubry le fut
aussi par le sacrifice. En lui confiant la mission de parler au clergé

irancais de laméthode des études ecclésiastiques, Dieu a voulu donner à


sa parole le poids, l'autorité de l'immolation volontaire.

R.C.ZÈPH[R!N,
De la Congrégation du Saint-Rédempteur.

Lunéville, 26 janvier i8t);.

Il est possible que de telles idées trouvent des contradicteurs,


'car « on sue encore beaucoup trop le gallicanisme ». Mais espérons
que si Dieu aime encore un peu la France, il saura bien faire germer
la semence que vous puisez à pleines mains dans le riche trésor du
P. Aubry. Continuez; ne laissez rien perdre de vos richesses.
L'Abbé AcBRY,
Professeur au collège de Lunéville.

Paris, ~o janvier.

Il est dommage qu'il nous faille des livres spéciaux, tels que l'ad-
mirable ouvrage sur les ~~MtM~M, pour nous enseigner une si belle
doctrine, tandis que ce devrait être l'atmosphère naturelle de notre
intelligence et de notre cœur.
L'abbé JUBAULT,
Diacre au séminaire Saint-Sulpice.

Brunelles, 14 février i8~

Votre ouvrage rencontre des adversaires. C'est naturel, il de-


mande trop de réformes crie au gallicanisme et au libéralisme
subsistant en pratique raille trop haut les admirations de conven-
tions et toutes en phrases de nos théologiens Imnçais pour les tra-
vaux du Pape. Mais laissez clamer. La raison est pour vous et dans
le jeune clergé vous trouverez des amis, des disciples, saints prêtres,
zélés curés qui croient à la priorité de la doctrine, à la valeur mora-
i6o

lisante, sanctifiante, apostolisante du dogme catholique, et qui, sur


vos conseils, vont se pénétrer de plus en plus des enseignements
doctrinaux de l'Eglise.
GARANCHER,
Professeur an Grand Séminaire de Chartres.

Nice, 21 février 189~.

La question touchée dans votre beau volume est capitale. Mais

je doute qu'elle puisse être tranchée, de bien longtemps encore,


dans un sens conforme à vos vues. Le clergé de France est en-
chainë à la Révolution dans
la personne de l'Etat moderne. Quand
cette horrible chaîne sera brisée, nous pourrons espérer peut-être des
jours meilleurs pour l'Eglise de France, pas avant. Voilà ce qu'il fau-
drait avoir le courage de dire tout haut.
R.-C. CHAFOT,
Aumônier de Sainte-Ursule.

Garches, 24 février io<

Nos évêques ont


peur de s'occuper de leurs séminaires la plu-

part ne savent pas ce qui s'y passe et n'y vont que pour les ordina-
tions. La règle de l'Eglise veut que les séminaires soient dirigés par
le clergé séculier, par les prêtres du diocèse et non par les religieux.
Les Sulpiciens ont eux-mêmes besoin d'un indult accordé ad Jo-M-
nium. On ne s'explique pas la pratique des évêques de faire diriger
leurs séminaires par des religieux qui ne connaissent pas le plus
souvent le monde, la vie et les besoins de la société, l'esprit des dio-
cèses et les grands devoirs du Sacerdoce.
P. PERNY,
Ancien provicaire du Kouy-Tcheou.

PMis. !2 mars 189;.

Quelle richesse de pensées dans les Grands Séminaires Une idée


qui a été souvent répétée à Rome, par devant moi, à des prêtres, à
des professeurs, à des cardinaux, qu'on n'ose pas dire en France, et
que très heureusement vous avez dite le gallicanisme du xvn° et
du xvu!° siècle est mort peut-être; mais le gallicanisme pratique est
plus vivant que jamais. Tant pis pour ceux qui se scandalisent; il
n'est plus permis d'être gallican aujourd'hui, pas pins en pratique
qu'en théorie.
L'abbé LûRY,
Docteur en théologie et en droit canonique.
'I.

"Ver~utt,T2ma~nS~

L'ouvrage du P. Aubry m'a été grandement utile, c'~st jjn des


meilleurs puisse
qu'onmettre aux mains des séminaristes et des
jeunes prêtres. Il y a beaucoup à gagner à entrer en communication
avec l'âme si élevée, si ardente, si sainte du P. Aubry.

LAMOURBUX,
Directeur au Grand Sémtîiaire de Verdun.

Etats-Unis,26avril:8p~.

J.-B.Aubry, dans ce volume sur les Séminaires, se montre écrivain


supérieur; on ne peut le louer assez. C'est un ouvrage providentiel
pour la France. L'auteur, pour l'écrire, avait l'autorité désirable;
c'est un théologien et un apôtre de premier ordre. Tous les prêtres
sans préjuges, tous les prêtres qui ont le sens commun, penseront
comme moi. Si j'avais eu cet ouvrage, il y a vingt-cinq ans, je se-
rais un autre homme.
L'abbé SiMON,
Curé de la NouvoUa-Orléans..

Hazebrouck.

Merci du fond pour les bonnes


du coeur idées que vous allez ré-
pandre puissent-elles faire lever une nouvelle génération de prêtres

théologiens. Nous avons grand besoin de remonter le courant


d'idées qui nous entraîne à notre décadence certaine. C'est dans la
Tradition et chez-les Pères que nous devons chercher la sève de la
science et de la vie chrétienne, et non dans nos Manuels, véritables

squelettes décharnés, qui n'ont pas même un souffle de vie, bien


loin d'être capables de la communiquer.

L'abbé DMREYNE,
Professeur au Séminaire d'Hazebrouck.

Rodez,;ma[i8()~.

Cette immense étude suppose, dans son auteur, des connaissances


trës variées et un esprit d'observation considérable. Les défauts de
nos méthodes y sont Televés avec sagacité, et les amëËoratisBs à in-
troduire signatées avec talent et autorité.
Malheureusement, l'appauvris''ement sacerdotal de la pimp~t de
nos diocèses, ne pennet pas de doaser aux études philosopMqïteset
thëologiqaes tonte l'attention et toute la proiondëur désirables.
MP-AOBRY 6
:~ë3,

Je vous remercie de .m'avoir cet ouvrage, si plein de


envoyé
choses dont je ferai mon profit, et qui tiendra un bon rang dans ma

bibliothèque.
ERNEST, Cardinal BOURRET.
-t- J.-C.

Paris, 2s mai :8~.

LeP. Aubry n'est pas un révolutionnaire en fait d'études ecclé-

siastiques. Il veut nous ramener à l'enseignement traditionnel dont


Rome a gardé le secret. Aussi attaque-t-il vigoureusement la rou-
tine invétérée qui fait négliger, en France, l'étude de la philosophie
et du droit canon, et porte nos professeurs à ne donner à leurs
élèves qu'une théologie froide, étriquée, au lieu de cés flots de doc-
trine dont les Ecoles romaines sont les dispensatrices généreuses.
Plaise à Dieu que, son œuvre stimule le zèle de nos professeurs
de grand séminaire, et les porte de plus en plus les yeux à tourner
et à tendre l'oreille vers cet enseignement magistral que tous les
Pontifes romains ont eu à cœur de maintenir dans la Ville Eter-
nelle 1 Plaise à Dieu surtout
que ceux qui ont la charge de l'ensei-
gnement des séminaires en France, se pénètrent de plus en plus de
cette idée que Rome est seule capable de former complètement l'élite
des maîtres qu'ils destinent à cet enseignement.

L'abbé PÈRi~s,
Docteur en théologie et en droit canonique.
(journal <~M droit MKOHt' mai 180';).

Louvitle,t'"septembrei8(~.

Les controverses échangées dans l'Univers ont fait à votre livre


une publicité dont je me réjouis. Je suis avec le P. Aubry contre
le « Supérieur de grand séminaire a de l'Univers; le P. Aubry a
raison d'exalter la méthode d'exposition, tout en ne dédaignant pas
l'apologétique.
Mgrd'HuLST,
Recteur de l'Université de Paris.
catholique

Amiens,! janvier 18~.

Combien je suis heureux de me trouver en parfaite communauté


d'idées avec vous. Il y a bien à faire, et beaucoup d'entre nous ne
veulent rien faire du tout, De plus en plus nous sommes victimes
du libéralisme catholique. Hélas quand reviendrons-nous aux
vrais principes? Que le- bon Dieu le veuille et nous sauve mais
i63

que d'obstacles en haut, en bas, au milieu de nos rangs sacerdo-


taux.
L'abbé d'HALU~.
Chanoine d'Amiens.

Le Plan,2y avril 1894.

C'est une grande joie,


nous, pauvrespour prêtres isolés, aban-
donnés, complètement désorientés, au fond de nos provinces, d'aper-
cevoir enfin des principes, de pouvoir nous faire de justes et pro--
fondes appréciations des choses ecclésiastiques, de sentir enfin un
peu d'air, de voir une belle et salutaire lumière.
L'abbé LAYE,
Aumônier (Haute-Garonne).

Metz, juillet :894.

Il y a, dans cet ouvrage, des idées d'une profonde justesse, dictées

par l'expérience, inspirées par un grand esprit surnaturel, exprimées


avec une émotion communicative. Ces idées aideront au succès des
efforts de Léon XIII pour le progrès de l'éducation cléricale, elles
aideront ceux qui sont entrés dans la voie que préconise le P. Au-
bry elles stimuleront les retardataires elles augmenteront en tous
l'amour pour Notre-Seigneur et son Eglise.

Revue Ecclésiastique de Metz.

Fribourg-en-Brisgau, janvier 18~.

Nous n'hésitons pas à recommander aux professeurs et aux


élèves cet ouvrage sur les Grands Séminaires, écrit avec un noble
enthousiasme pour la théologie et l'Eglise; les premiers peuvent y
apprendre beaucoup pour l'instruction des autres, pour leur état
futur. Nous souhaitons aux tentatives duthéologien français le
meilleur succès son Carthaginem esse delendam peut prendre place
en tace du libéralisme contemporain.
Revue ~:t:y!~ catholique de Fribourg.

Ambialet, 6 juillet 18~6.

Je me déclare littéralement Cet ouvrage


enchanté. est totus j-Mcc~.
Quelle doctrine forte, pleine saginata, ~M~-MM Ses intuitions, ses
idées pratiques, ses vues profondes, sa méthode, son langage sont
d'un docteur émérite, d'un père de l'Eglise.
Cette oeuvre est pour moi achevée, si bien que j'en vais faire le
~î6~

traité pédagogique du scolasticat supérieur que je suis appelé à


fonder, organiser et diriger, dans notre famille religieuse. Dans
les divers MttM, le P. Aubry sera ma lumière, mon guide, mon
autorité et mon soutien. C'est à lui que j'adresserai nos jeunes pro-
fesseurs, et c'est lui qui fera les frais des cours pédagogiques que je
vais établir.
Mon enthousiasme pour le P. Aubry est fait
d'expérience,
d'étude et de réflexion personnelle. Non, jamais je n'ai lu ni en-
tendu personne qui me conseillât avec tant d~ justesse et d'autorité
sur toutes les matières et les méthodes d'enseignement ecclésias-
tique.
R. P. BERNARD,
Docteur en théologie et en droit canonique,

Supérieur du scolasticat du T. 0. de S. François.

Rome, ;o mars 18~8.

L'examen des Grands Séminaires m'a convaincu que le livre est


solide, digne d'être le plan
médité, et que les du P. Aubry mérite
considérations des savants et des pasteurs de l'Eglise.
Je vous remercie; mais l'expression de ma reconnaissance sera
plus parfaite, lorsque j'aurai la consolation de vous voir à Rome en
avril prochain. Que le bon Dieu bénisse vos travaux, et qu'il soit
votre récompense et votre suprême joie.
Cardinal PAMCcm.

Josselin, 23 juin 1902.

Quel bain de vie je viens de prendre dans la lecture de ces pages


aussi luminelises que fortifiantes. Comme tous les jugements portés

par cette profonde et vaste intelligence sont marqués au coin de


la vérité'Tout, dans cet ouvrage, est lumineux comme la foi,
fortifiant comme lavérité, suave et sanctifiant comme la charité.
Des œuvres semblables sont vraiment un festin pour l'âme sacer-
dotale.
Par sa foi vive et agissante, par la sûreté et la solidité de ses
doctrines, par son amour de l'Eglise, par la noblesse de son carac-
tère, le P. Aubry est de la famille des Guéranger, des Pie, des
Plantier,~es Berthaud, des Gay. Comme son âme habite les
~sommets de la, philosophie, de la théologie dogmatique, de l'ascé-

~~tisme et de l'histoire t.
R. P. FLEOMj
de l'Ordre du B. Grignon de Mootfort~
En consignant ici' ces témoignages, nous n'entendons pas entre-
prendre sur l'œuvre des prospectus nous voulons faire un plébis-
cite. Les lettres faMMBt''tme république; dans cette république, il

y a des patriciens et des plébéiens des plébéiens du rapetissement

volontaire, des patriciens, de grands esprits qui veulent partager


avec d'autres leur propre grandeur et planter leur tente sur le

Thabor, pour,' dë~lâ~, 'monter plus haut, je veux dire au Calvaire.


In cruce .M~My, M ~Se~Ma.
Le Calvaire' a -détrait toutes les par la croix, il nous
servitudes
mène à la plênitude-de la lumière. Les patriciens du clergé français,
réunis ici en assemblée, décernent leurs suffrages aux œuvres du
P. Aubry. Mon témoignage eût été d'un trop faible poids; seul, il
ne pouvait rien décider par lui-même. Tous ces curés, professeurs,
vicaires généraux, prélats, évêques, d'un concert unanime, nous
déclarent qu'ils ont trouvé dans les ouvrages du missionnaire théo-

logien, le cri de la vraie réforme, le mot d'ordre de la réparation


intellectuelle, de l'ascension doctrinale, qui rejettent dans l'ombre
toutes les larves de néant "t nous convient à la reconstruction de la
nouvelle Jérusalem. Bienheureuse vision de paix, Dieu veuille nous
départir ta paix et ta gloire Nous en avons les prémices, nous en
verrons les triomphes.
Si je pouvais croire que quelqu'un s'obstinât dans les routines
de ténèbres et sur les ornières de
décadence, je voudrais inscrire
sur une bannière les dix titres des livres du P. Aubry, et, comme
le vieux roi vaincu, m'en aller à travers la France, crier aux nou-
velles générations sacerdotales Voici le labarum de l'avenir /M

hoc signo î'MÏCM.

XX

LES OBJECTIONS

Rien d'humain, disait


Terence, ne m'est étranger c'est ma
conviction A~7 &MMMMM ~M a&KtM ~K<o. En recueillant ces
témoignages, si glorieux pour le P. Aubry, si décisifs,
en faveur des
doctrines qu'il préconise et de la réforme qu'il prêche, nous n'en-
tendons point que le P. Aubry Soit infaillible, ni impeccable. Si
les sympathies de l'esprit ou la volonté de la chair nous inclinaient
à une pareille condescendance, public, la force,
l'esprit par parfois
ï66

aveugle desa
résistance, nous ramènerait à la réalité des choses.
Si vous prêtez l'oreille a des grognements aussi peu fraternels qu'ils
se croient décisifs, le P. Aubry n'est qu'un Erostrate. Sa pétulance

d'esprit et son bras emporté ont ébranlé les colonnes du temple de


la sagesse; et avec les dix mille feuillets de ses ouvrages, il vou-
drait incendier les pieux asiles où s'enseigne la sagesse tradition-
nelle du particularisme français. Pour être sincère, nous croyons,
en effet, que le P. Aubry a prémédité ce crime et, pour notre
part, nous voudrions prêter main-forte à ce dessein. Raison de plus,

pour nous, de répondre, ici, 'aux objections et de rendre une so-


lennelle justice aux détracteurs du P. Aubry.
Une Ecole surtout s'est rencontrée, pour lui faire un crime des
idées qu'il tenait de Rome et de son appel au renouvellement des
études sacrées. Les maîtres de cette Ecole, fondée au xvn" siècle,
sous l'influence latente et inconsciente du
particularisme français,
ont répudié la thèse du P. Aubry, et mis son livre à l'Index de leur
séminaire mieux que cela, d'aucuns sont allés jusqu'à en interdire
la lecture aux étudiants de leurs Ecoles, et le dépôt même chez leurs
libraires. Ce détail authentique se passe de commentaire il serait
cruel d'insister et d'arguer d'obscurantisme.
Sans doute, les détracteurs du P. Aubry ont reconnu en lui
« une grande intelligence, douée d'une pénétration profonde, ren-
dant ses conceptions avec une lucidité parfaite )) ils ont accordé
à son œuvre « de bons morceaux, de beaux mouvements, des
aperçus remarquables »; mais ils ont fait « toute réserve sur le
principe de direction théologique et sacerdotale )) ils l'ont
accusé « de procéder en véritable révolutionnaire, qui veut tout
brûler pour faire du neuf
». Ils n'ont pas compris combien était
légitime, et malheureusement trop fondée, l'indignation du P. Au-
bry, à la vue des coMM.HM~Mprogressives faites à l'erreur, par les dé-
fenseurs officiels de la vérité, et du peu d'estime dont le plus grand
nombre entourent les études de principes.
Non seulement des hommes qui occupent, dans nos Ecoles
théologiques, une situation considérable, en vinrent à déplorer
« que la question de l'Ecole romaine et de l'Ecole française, tînt
tant de place dans la pensée du théologien mais en- ils taxèrent
core le P. Aubry « d'exagération, d'injustice », et l'oeuvre de son
éditeur « d'oeuvre mensongère, de mauvaise action », l'accu-
sant de chercher à faire « d'un simple missionnaire un réformateur

Lettre ct'un Supérieur de Grand Séminaire.


i<,7

inconsidéré, d'un docteur en théologie un docteur de l'Eglise t.


Avec le manque de logique le plus complet, et tout en se dé-
clarant « extrêmement sympathiques à tout ce qu'il disait sur

l'esprit catholique romain, théologique, scolastique ]", ils préten-


dirent que le P. Aubry « trouvait tout merveilleux à Rome, tout
défectueux en France, qu'il n'était expert ni dans laquestion des
études théologiques, ni dans celle des séminaires » que, du moins,
il n'avait ni mission, ni grâce d'état, pour dénoncerle mal, s'il
existait". A les entendre, enfin, les études de principes n'avaient
nullement besoin d'une restauration, et le P. Aubry n'était qu'un
« fougueux ultramontain, trop peu expérimenté, pour juger saine-
ment les choses, écrivant avec une violence doctrinale incorri-
gible. »
Nous savons, et J. de Maistre nous a, depuis longtemps, appris
que les mots de violence ultramontaine, de fougue ultramontaine, sont
familiers à l'Ecole gallicane et libérale. Sur ce point, les habitudes
intellectuelles n'ont
guère varié c'est un curieux détail des mœurs
et habitudes de cette Ecole. Nous regrettons cette faiblesse, sans
doute involontaire, mais elle éveille le soupçon de parti-pris et de
partialité.
Nous pourrions demander aux adversaires du P. Aubry de nous
définir ce que c'est qu'un ultramontain, et pourquoi il leur paraît
plus fougueux qu'un gallican ou un libéral. Cette expression de
fougueux M/tra~KOM~H'x est une rengaine gallicane aussi vieille que
tristement symptomatique. Est-il donc possible, sans être fougueux,
de trouver, à nos méthodes françaises, de graves défauts,,et de re-
connaître que les moissons sociales dont nous voyons aujourd'hui
la désolante récolte, ne sont pas le fruit d'une formation doctrinale
absolument irréprochable. ~yh~'h'fa~MM <-o~Ko~f<M<'o~/ Enfin,
n'avons-nous pas des raisons pressantes de nous défier de cette Ecole
qui cherche à s'attribuer en France le monopole de la direction
intellectuelle du clergé, et qui, à J'exemple du gallicanisme et du
jansénisme, dont elle se défend d'avoir subi trop longtemps l'in-
fluence, refuse toute compétence à quiconque n'est pas de sa famille,
et n'a pas épousé ses idées, ses <M.& ses coutumes, ses traditions ?
« Nous n'avons- lu ni la M~o~f, ni les Grands Séminaires, écri-
vait, àI'!7M!'M~, un supérieur de Grand Séminaire, maître auto-
risé de l'Ecole qu'attaque le P. Aubry; ils nous sont connus uni-
quement par la Bibliographie. Nos manuels de théologie, en France,

i Lettre d'un
Supérieur de Séminaire.
d'après le P. Aubry, mesoMt ;pas ~a pet~oBtiBn il ifaudrait'revenir
à saint Thomas; '.Rranzelin a ouvert une ~oie où nous devrions
,marcher; on n'Entend pas assez la SPraditian 'dans nos livres de
cours; nous faisons trop deipalénuque, ~pas assBz'a'exposnior) du
dogme dans l'étude de l'Ecriture'sainte, ordonne 'trop à la con-
troverse etàl'ér.udition,pas assez au sens dogmatique; il n'y a pas

a.espérer de voir surgir sur notre sol un clergé ibrt et inBuem:, sans
<de solides études théologiques. Nous souscrivons des deux
-mains à des idées qui nous paraisceM incontestables.
e Pourquoi, à propos de ces vérités, avoir parle si sévèrement et
si injustement de l'organisation des études sacrée:, dans les Grands
Séminaires? Où sont-elles les Ecoles m&demes demeurées carté-
siennes dans leurs procédés, gallicanes dans leurs conclusions, in-
capables d'innuence salutaire sur une société dont le désarroi est
l'oeuvre .la plus incontestable. Où est-elle cette école qui, tout en
acclamant les conseils pressants de Léon XIII, demeure cantonnée
dans ses méthodes surannées ?
« Voilà des accusations et est de faire
;fort graves qu'il inique
peser sur les Grands .Séminaires en général. S'il 'est, en quelque
lieu connu du P. Aubry, un professeur de théologie attardé dans les
conclusions gallicanes, au lieu d'accuser tout le monde, qu'un zèle
bien entendu dénonce l'hérétique ou le quasi-hérétique à l'Index et
au Saint-Office.
« Qu'est-ce que ceci encore? « Le P. Aubry fait le procès de
nos vieux théologiens qui, depuis le xvn" siècle, ont perpétué,
chez nous, les théories gallicanes, jansénistes et libérales ? a Eh
ces théories se sont perpétuées chez nous, et il n'est pas un
quoi
prélat, pas un homme dévoué à l'Eglise, pour dénoncer la présence
d'une semblable peste à qui pourrait nous guérir. Nous demandons

qu'on nomme le lieu où se trouve un mal aussi dangereux. Si ces


.Ecoles existent, nous en donnons notre parole, leur influence ne
se fit jamais sentir dans les murs du séminaire d'où sont écrites ces

lignes.
« Jamais non plus nous n'avons rencontré « cette école utilitaire
de nos chaires d'enseignement, oppose la théorie
qui, dans beaucoup
à lapratique, l'action aux principes ». Le P. Aubry ne doit pas
les maitres
ignorer que ce ne sont point qui opposent la pratique
à la théorie, mais les élevés'les moins studieux, en quête d'une

belle raison pour se dispenser de l'étude.


« Voilà les réclamations que nous avions à faire pour notre
compte personnel, contre. les exagérations de l'admirateur du
1~

E. Aubry, ces exagérations, à notre avis, vont jusqu'à r"'ijustic&


et au, delà encore~ Maintenant, pour, terminer par ua mot plus
doux:
«Le P. Aubry" nous
dit-on, estgun partisan de l'Ecole romaine
dans l'enseignement de la théologie. Sur ce point, nous. sommes
d'accord avec lui,, bien que nous affirmions l'impossibiiité de mo-
deler de toutes pièces, un Grand. Séminaire sur l'Université grégo-~
rienne. Le P.
Aubry croit que le Séminaire français, à Rome, a
une grande mission à remplir. C'est notre avis et nous n'aurions
pas fait de sitôt, si nous voulions dire de Santa-Chiara tout le bien
que nous en pensons. Mais. nous devons ajouter, à L'honneur de
cette maison, que, de la bouche des hommes savants et modestes
qui la dirigent, nous n'entendîmes jamais sortir un blâme contre
les séminaires de France. Nous aimerions
davantage le livre du
P. Aubry et le compte rendu qui en a été fait, si nous y eussions
trouvé la réserve et la modestie que les maîtres de Rome ensei-
gnaient à leurs disciples
A ce supérieur de Grand Séminaire qui ne se réfère qu'à un article
bibliographique, et qui confesse formellement n'avoir pas lu les
ouvrages incriminés, il est nécessair& d'opposer la réponse de l'édi-
teur. du P. Aubry.
« Le P. Aubry et, son collaborateur sont pris à partie et grave-
ment qualifiés par un supérieur de séminaire Nous pourrions ne
retenir de cette attaque que l'aveu,
significatif de l'auteur Nous
K'~OM lu, dit-il, ni pMM ni l'autre des livres du P. Aubry; ils nous
sont connus MM!MfM/ par le compte rendu d'un ~f~MK. Nous
pourrions tenir le P. Aubry et. sont collaborateur pouf justifiés, et
très amplement, par cette déclaration car enfin, il est élémentaire
qu'une critique, si elle veut être sérieuse, demande un examen .f~MM~c.
de la chose critiquée, surtout s'il s'agit d'une ceuvre;aussi considé-
rable que celledu P. Aubry, d'une; œuvre qui a eu un, très grand
retentissement en France, en Allemagne et en Belgique. N
Que le théologien du P. Aubry ait jugé sainement, nous le croyons;
et beaucoup d'autres le croient avec nous.. La preuve est faite par
le:chapitre des témoignages. « Et puisque des ëv.eques,, des, cardi-
naux, des vicaires des supérieurs,
généraux, des. professeurs, de sé-
minaire, en très grand nombre, n'ont pas dédaigné de. lire, de ré-
pandre, de recommander chaudement les Grands Séminaires,, et ont.
bien voulu en ë~ire~ des, lettres q.ui ne sont rien moins que: de

Artide d'un supérieur <? Grand SémiMire. E'~KKW!, ïy juin' lB<


-t70

banales approbations ou des actes de complaisance, nous ne pouvons


que renvoyer le correspondant de l' Univers au volume incriminé il

y trouvera nombre de ces documents humains il y verra encore une


réponse longuement motivée'à cette fin de non recevoir, à laquelle
nous a, depuis longtemps, habitués une certaine écote il y verra
une solution franche et fondée en dogme, des objections et des

reproches dont il s'est fait l'écho, avant d'avoir contrôlé, par la


lecture, l'ouvrage lui-même.
« Nous avons d'ailleurs l'agréable surprise de constater que l'au-
teur de l'article est, au fond, et plus qu'il ne voudrait, avec le
P. Aubry. Lui-même en fait l'aveu indirect.
« A cette thèse~ dit-il, « que nos manuels ne sont pas la perfec-
tion qu'il faudrait revenir à saint Thomas qu'on n'entend

pas assez la Tradition dans nos livres de cours que nous faisons
trop de polémique, pas assez
d'exposition du dogme qu'en Ecri-
ture sainte on donne trop de temps à la controverse, à l'érudition,
pas assez au sens dogmatique qu'il n'y a pas à espérer de voir
surgir de notre sol un clergé fort et influent sans de solides études
théologiques, etc. » à cette thèse, le correspondant répond
« Nous souscrivons des deux mains à des idées qui nous paraissent
incontestables. a Et puis, sans prendre connaissance du développe-
ment philosophique, historique et documentaire, nécessaire à
l'exposé complet de la question, il parle d'injustice, d'agression,
voire même d'orgueil et d'iniquité car chacune de ces accusations
ressort, soit du tour donné à la pensée, dans tout le corps de
l'article, soit des mots eux-mêmes.
a A entendre d'ailleurs ce correspondant résumer sa pensée, « le
P. Aubry va jusqu'à l'injustice et au delà. » Chez un homme
qui Mt un appel si énergique à la charité et la justice, cet au dela
nous semble sortir quelque peu de la mesure sacerdotale et de la
note théologique sans doute la <-ause est entendue désormais, et les
graves autorités que nous avons pour nous, devront, à n'en pas
douter, réformer leur jugement
« Après cela, que notre auteur demande
plaisamment dans quelle
/Nf~ Kc~M'ff est érigé en dogme M chauvinisme qui a réduit
en maxime l'idée dont on nous a bercés que « le clergé français est
tepremierclergé du monde qn'il affirme que les procédés car-
tésiens et gallicans ont disparu, sans laisser, dans beaucoup d'in-
teUigences/ des traces fatales, des tendances subversives, tout un
ensemble de principes atténués et à pdue saisissables à l'analyse,

mais prêts toujours à se co.ndpnser pouf empoisonner l'atmosphère


–171–

théologique qu'il somme le P. Aubry de < dénoncer au Saint-


Office l'hérétique ou le quasi-hérétique qu'il trouvera attardé dans
les doctrines condamnées enfin qu'il déclare que les théories

jansénistes, gallicanes et libérales « ne se sont


pas perpétuées-chez
nous depuis le xvn" siècle
», et que nous ne sommes pas, aujour-
d'hui, finalement livrés, pieds et poings liés, au libéralisme arrivé
à ses limites extrêmes nous le voulons bien, et il nous plaic de ne
voir là qu'une illusion bien intentionnée, car nous ne saurions sus-

pecter sa bonne foi, pas plus qu'il ne peut suspecter la nôtre.


« Mais il nous permettra de lui rappeler, comme un critérium in-
discutable t ° Le mélange de principes dont se ressentent, à dose
plus ou moins forte, la plupart des productions philosophiques,
théotogiques et oratoires de notre siècle; ~° la place insignifiante,
occupée dans nombre de nos Ecoles par la philosophie et la théo-

logie de saint Thomas; le procédé cartésien, très reconnaissable


dans beaucoup de nos
classiques, malgré les remaniements qu'ils
ont dû subir 40 la méthode personnelle et plus ou moins entachée
de rationalisme, de professeurs qui sont, en France, le prototype
de l'enseignement, et qui, soit en histoire, comme M. l'abbé Du-
chêne, soit en Ecriture Sainte, comme M. l'abbé Loisy, soit en
quelque autre science théologique, semblent avoir perdu de vue
l'importance de la Tradition dans l'Eglise, la Nihil innovetur de
saint Vincent de Lerins, et les sévérités de saint Paul pour les
théories ou les expressions nouvelles et dangereuses; $° les diffi-
cultés que l'on oppose toujours au rétablissement de celles de nos
lois canoniques qui sont compatibles avec l'état actuel de l'Eglise
en France car personne ne croira qu'il ne soit urgent de rétablir
certaines lois préservatrices de la discipline ecclésiastique, de la
morale, du dogme, enfin des droits et de la dignité du prêtre.
« Qu'il demeure, chez nous, une Ecole, entachée de gallicanisme
et surtout de libéralisme, c'est une vérité banale; que cette école
ait, aujourd'hui encore, des disciples et une influence
réelle, c'est
ce que les faits de chaque jour permettent de contrôler; que le
P. Aubry ait cru devoir combattre cette école, et qu'il l'ait fait 'ec
autorité, c'est ce qui est incontestable, et ce dont on ne saurait lui
faire un crime, sous peine de manifester une complaisance cou-

pable pour cette école. Le frère du P. Aubry savait bien que le


danger de parler est plus grand que le danger de se taire; il ne
faisait pas œuvre d'orgueil il s'attendait à la contradiction mais
il soulageait son âme sacerdotale Veritas liberabit et, avec
son âme, celle de beaucoup de ses frères dans le sacerdoce.
.aN;Ne:peasait ~pas d~iHeUfs que, pcaf~iter'~a~man.waise hu-
tneur, las-accasations d''utople, de .mensonge ou~d'tinjustice dont
quelques-uns ;font charitablement gratiné, H ~t~ s'abstenir de

parler avec la franchise si expressément recostmandée par saint


Paul. Que,pour quelques-uns, cette liberté at.cette &anchise aient
paru manquer de modération, nous ne ,sauciang; nous 'on étonner.
Mais, au sens de l'Eglise, la première loi 'de la 'modération et de

la charité n'est-elle pas la justice?.~Entendue au sens libéral et mo-


derne, la .modération n'est que du modérantisme; et le modéran-
tisme se conland avec la prudence de la chair également réprouvée
de Dieu et des hommes. Hélas 11 est entendu, de nos jours, que la
vérité sera voilée–ZMmM~.yMMt M~a~f, elle n'a plus le droit
de sortir nue de son puits, sans blesser -les regards pudibonds de
notre siècle Sni. Eh bien! Quoiqu'on dise,, quoi qu'on fasse, il
nous appartient, à nous, prêtres, de rendre au monde la vérité pure,
l'Evangile sans épithèteni .sans compromission n
alliage, l'apostolat
ni dé&UIance.
<( Encore un mot, et un mot auquel .nous tenons beaucoup. On

parle de question sociale. Or, Ja question sociale n'est qu'une vaste

question religieuse, une vaste question théologique, c'est la question


Vos estis sal tav<f/Voilà
&tKMtg'<St<j'M&. le grand oracle, et il est plus
sûr que celui de Calchas,.ear il est infaillible. C'est le sacerdoce

qui a fait la .France, lui seul la refera.; et~eattdansjes séminaires


diocésains, c'est dans les principes de la théologie bien comprise et
vivifiant le ministère sacerdotal, que gît .le germe de notre restau-
ration Nationale; le P. Aubry ne prouve pas auMe chose. Tout ce

qui se fera en dehors de cette idée, tout ce q-ni .'ne s'y rattachera

pas étrottement, sera eSbr.trstérile, peine .peEd.ue.'C'est-dans l'Evan-

gile, c'est aN:fond de nous-mêmes, ministres de Jést}s-Ghrist, qu'il


faut chercher exclusivement les principes -qui tdaiveat sauver le
monde. Au jlieu de gémir platoniquement sur la 'dtminution de la
'mérité et de la vie chrétienne;; au lieu de .noua'lr nas Ulusions, de
chercher autour de ;noas'le s~lat, et d'attendre., comme la venue
d'un )messie, le re-our, .~& problématique, d'un tgauvernement chré-
tien, ilmoussappaetiLent de confectionner au peuple des idées plus
saines, ide~djeseendre dans ;l'Mëne, aSn d'être t!es pramters resta-u-
~Meuï's des jpsnctpes sociaux.
~'NoaSiattead0nsj)6aaBQŒp'des expédients humatus, )par exemple
tdes iélections, ~d'!tme acitiam spmale. 'Oc, les ezpédtënits humains sont

atsés, Bt.les tëlBëtia~is.ssîcmtïde -plus: en 'phtS}dësast)!auses, .puisque la


masse du jpa[tplea~MBe,<au~AK.fe et ~~la tputi'ë&ctian. -Encore .um
173-

et le mal. sera
ans du régime que nous vivons, irréme<ittaMe;ies
les plus saines de nos seront a Nous
parties provinces perdues.
sommes en France ~o.ooo prêtres, too évêques, ~.ooo pro-
fesseurs, disait un nous n'avons ni famille qui
naguère évoque
nous ni ambition nous Eh bien [ avec une
gêne, qui préoccupe
telle laisserons-nous la victoire à l'incrédulité? Ah, si nous
armée,
avions seulement d<-ux ou trois de Sales, deux ou trois
François
Vincent de Paul, un ou deux CharlesBorromée, la victoire ne serait

indécise! On se moque de nous; on ne se moque


pas longtemps
pas des saints, des saints combattent, se font emptison-
qui prient,
ner et dépouiller leurs peuples. »
pour
« Les catholiques allemands ont eu raison des lois d'exception et

du Kulturkampf. Mais lui n'a pas reculé dans la lutte. Plus de

ou exilés; en moins de quatre


t; évoques emprisonnés, dépouillés
2)0 condamnés à
mois, 2~.1 prêtres, 136 publicistes, laïques,
l'amende ou à la prison; 20 confiscations de journaux, 103 expul-
sions ou internements, 5 dissolutions d'assemblées tel est le bilan

glorieux de cette campagne mémorable qui a valu aux catholiques


allemands la conquête de leurs droits, leur irfluence au Reichstadt,
et qui a fait dire au Chancelier de Fer « Jeme suis fatigué à mort;
les représentants de la cause sont invincibles. »
catholique
« Le catholicisme, en France, sera, il ie voudra, autrement
quand
redoutable, lorsque ses défenseurs officiels et nécessaires auront ac-

cepté la dixième partie des sacrifices que se sont imposés les catho-

liques allemands; lorsque, respectueux des formes


gouvernementales
établies et acceptées, ses prêtres auront opposé une fin de non re-
cevoir énergique aux lois d'exception forgées contre l'immense ma-

jorité du pays lorsque, surtout, l'idée théologique, c'est-à-dire l'idée

romaine, c'est-à-dire l'Evangile, aura réuni en une synthèse com-

pacte et inébranlable, cet immense corps des pasteurs, aujourd'hui


encore trop séparés d'idées, trop divisés sur mille points, trop isolés
pour une lutte fructueuse.
« Quiconque méditera la grande œuvre du P. en dehors
Aubry
de tout parti pris et de toute préoccupation personnelle, devra re-
connaître l'effort le plus puissant peut-être, et le plus courageux, fait
en ce siècle, pour rendre, à notre clergé, son organisation, sa force,

et, partant, à notre malheureuse sa paix et sa


patrie, prospérité.
Déjà d'ailleurs le P. Aubry a fait école. Comme tous les hommes de

principes absolus, il a des admirateurs passionnés, des partisans en~


thousiastes, des disciples, opiniâtres défenseurs du maître et de sa
méthode. Que si sa rude franchise lui a valu des détractCNrs, c'est
~7~

que ;~ré6)rHte qu'il propose est sans doute trop intime, trop uni-
verselle elle revêt surtout un caractère en apparence trop surna-
turel, dans ce siècle raisonneur; elle ramène trop souvent aux tradi-
tions antiques' des esprits engoués de leurs procédés personnels, pour
ne pas soulever, a jbnon, et même avant tout examen sérieux, des

plaintes, des critiques, des dénonciations. Cette perspective de la


lutte n'effraye ni le continuateur de l'œuvre ni les
du P. Aubry,
nombreux amis qui appellent, avec lui, une restauration des choses
sacrées en France. Inspirée par le spectacle des maux qui menacent
d'écraser notre société, grâce à la défaillance d'un trop grand nombre
de ses 'défenseurs~ et par la claire vision des principes, qui seuls
peuvent lui apporter le salut, cette œuvre demeure le plus grand
acte d'amour d'un prêtre, d'un apôtre «
A cette réponse motivée de l'éditeur du P. Aubry, le même supé-
rieur de grand séminaire opposa cette réplique
« Le théologien du P. Aubry voit-il une erreur qu'il a commise
en nous reprochant de blâmer un livre sans l'avoir lu ? Nous laissons
le livre pour ce qu'il est, et nous en oublions l'auteur, pour criti-
quer les deux articles étranges de son admirateur compromettant. Ces
articles, nous les avons lus et relus avant de les attaquer. Eh bien! 1
nous maintenons toutes nos critiques, et nous avons la conviction
que si elles 'ont un défaut, c'est d'être trop modérées. Quoi, un
homme prend la plume pour nous représenter les grands séminaires
comme endormis dans le cartésianisme, le jansénisme, le gallica-
nisme, échappant à la direction donnée aux études philosophiques
et théologiques par le Saint-Siège délaissant la science sacrée, pour
faire de l'utilitarisme. On fait peser cette accusation odieuse sur les
séminaires en bloc, et nous n'aurions pas le droit de réclamer. si
le soupçon de modérantisme tombe ici sur le supérieur de séminaire,
c'est bien
la première fois qu'on lui fait cette injustice on lui a fait
en d'autres occasions un reproche contraire.
"S'ilest, en quelque lieu, un séminaire ou un professeur qui
s'écarte de la route tracée par l'autorité, c'est un devoir pour qui les
cannait, de dénoncer cette maison, ce professeur mais il est inique
de faire; peser un vague soupçon de libéralisme sur tous à propos
d'un seul.
« Le nous observe que le livre du P. Aubry été
théologien ayant
loué par d'éminents prélats, la, cause, quoique nous en disions, est'
entendue et jugée. Tout doucement, s'il vous plait Les prélats que

'Z.'OK<f~,7]mnett89;,M.deM.rabMAub)y
i7;

vous citez ont-ils aussi loué les comptes-rendus? Ont-ils


approuvé
ce que nous y reprenons. Telle est la question, ne la déplaçons pas.
Que l'auteur aille dire à ces éveques, à ces supérieurs d'ordres il
y a un levain d'hérésie et de faux libéralisme dans
les séminaires

prenez garde, Monseigneur, qu'il n'ait pénétré chez vous. Nous pen-
sons qu'il serait fort mal écouté. Et s'il
allait répétant le même
s'en
propos à tous les évoques de France, l'un après l'autre ne manque-
raient pas de lui faire le même accueil. Il comprendrait alors qu'il
n'a pas le droit de s'approprier les éloges destinés à son ami, et mis
si complaisamment en avant dans sa réplique.
« N'avons-nous pas nous même, sur la H du compte-rendu, in-

diqué plusieurs idées du livre du P. Aubry qui nous paraissent justes,


incontestables, fécondes ? Ces idées, mises en pratique, élèveraient
notre enseignement, et y combleraient des lacunes. Pourquoi avoir

compromis cette utile initiative par d'insupportables exagéra-


tions ?.
« Pour dernier trait, le théologien du P. Aubry dit « Il y a, en
France, des professeurs qui, soit en Histoire, comme M. l'abbé Du-
chêne, soit en Ecriture sainte, comme M. l'abbé Loisy, soit en

quelque autre science théologique, semblent avoir perdu de vue


l'importance de la Tradition dans l'Eglise. » Certes, nous aimons
la Tradition comme la vivante parole du Christ, vivens organum; et
nous ne ressentonspas une admiration passionnée pour les vues et
la méthode de M. Duchêne en Histoire, ou pour l'école amie des
opinions modernes en Ecriture sainte. Mais nous ne pensons pas
que M. Duchêne enseigne dans un grand séminaire. -Pas ad rem,
théologien En somme, nous ne savons pas si notre contradicteur,
en formulant ses accusations, avait devant les yeux un homme ou
un corps enseignant, sur qui il les fit tomber. Il parle vague-
ment d'un « mélange de principes, d'un procédé cartésien très re-
connaissable, dans beaucoup de nos classiques ». Quels classiques?
Bouvier? Bonal ? Vincent ? Hurter ? Vallet ? Liberatore ? Nommez.
Et il part de là pour accuser les séminaires indistinctement. Nous
l'arrêtons tout court à notre
porte, d'abord. Ensuite, nous ne con-
-naissons pas tous les séminaires de France, mais nous en connais-
sons peut-être la moitié, et nous savons de quel amour efficace pour
les doctrines romaines s'inspirent leurs professeurs. Ce seront ces
hommes, laborieux, silencieux, modestes, plutôt que ceux dont la
voix retentit, qui perfectionneront notre enseignement théologique,
en exposant la doctrine des professeurs romains avec la clarté, la
limpidité, la netteté de l'esprit français (?P H!)
~[~

a.Û~t&oëpeM Ënit. Caai'tNe dam& not~e premiete réponse, noa&

patËonsdehm.'od'estied~tNaitresqai dirigent le Sémiaaire Pr<an-

çaisâRome.cetat~aenot.tscombattoNspairaitavott vu là une ma-


mère indirecte, de.le tàxer d'orgueiI..Pas LetBoimsdm monde Nous
noms souvenions simplement que t'en nous meulquait
d'une véristé
souvent au sémmaife c'est à la modération de ga-
qu'il appartient
gner, et à l'exagération de compromettre et de perdre les bonnes
cotises »?
Cet article, qui n'est qu'âne seïte d'affirmations plus. ou moins
gratuites, sans fondement doctrinal sérieux, valut & son auteur une
nouvelle réponse de l'éditeur.
« Et d'abord, dit l'abbé Aubry, nous engageons de nouveau et
ttès fortement notre contradicteur à lire le livre du P. Aubry, pour
lequel il semble afficher un certain dédain. « Pas ad Mm, théo-
logien. » va-t-il nous à cette invite. « encore des mé-
répéter
prises. nous laissons le livre pour ce qu'il est; ce n'est pas l'au-
teur, c'est vous que nous attaquons s. Parfaitement Mais les
méprises ne sont pas si réelles que vous l'insinuez. Résignez-vous
plutôt à lire les Grands séminaires et vous verrez l't~MttM de pensée,
voire même d'expression, entre les articles incriminés et l'ouvre du
P. Aubry. VoUà un aveu précieux et décisif, nous direz-vous
encore car puisque « c'est l'ami et non le livre que nous prenons
à partie. tant pis pour le livre, si votre compte-tendu est exact de
tout point ». Est-ce :tant pis pour le livre ou tant pis pour notre ho-
norable contradicteur? De cette conclusion nous laissons juges les
lecteursde l't/tM'tw. ceux du P. Aubry, surtout les témoins de pre-
mier ordre que nous avons bornant ajouter que nous
invoqués,T!OU5
ne connaissons à le de se croire.
personne droit plus autorisé dans
son jugement que des cardinaux, des évêques, des théologiens et
d'es penseurs de première dont le témoignage:
mafque, autl.enuque
et motivé éclaire et fortifie singulièrement notre thèse.
« Mais si notre contradicteur lit les Grands séminaires, quelles
foudres n'appeHera-t-il pas sut le P. Aubry Car le P. Aubry va
beaucoup plus loin que nous dans ses revendications en faveur
d'une amélioration dans le système de formation intellectuelle et
surnaturelle du clergé, d'un' retour plus complet aux. méthodes seo-
lastiques, et, particulièrement, àT&!pf~ et a; /a:M~<o&
MtM-
nique. On aura beau dit'e-, toutes les phrases du monde, quelle que
sait la finesse dé leurs, m~inuation~ et la mise ernseène de leurs pio~

''T.'t~tM)' t; juiUet 189;. Lettre &'ijnsupëneur~!ëGKmdsëm"'atr<.


177

ne feront sociale ne soit dafts le


cédés, pas que le tbndde laquesdon
sacerdoce–'c'est-à-dire dans les séminaires et que, le sacerdoce~.

pour sauver la société, n'ait besoin d'être forti&é dans ses principes,,
restauré dans sa législation plus qu'ébranlée parla Révolution. C'est là
toute notre thèse une de ces thèses pour
lesquelles la martseraitum
réel martyre et il ne nous déplaît pas, bien plus, nous nous regar-
dons comme très honoré d'être pris à partie, taxé d'injustice, etc.
f A son tour, notre contradicteur dépasse, et de beaucoup, notre

pensée, lorsqu'il nous accuse de représenter en. bloc les grandssé"


minaires comme « endormis dans le gallicanisme, le cartésianisme et
le jansénisme, échappant à la direction donnée aux études philoso-
phiques et théologiques Saint-Siège,
par ledélaissant les sciences
sacrées, pour faire de l'utilitarisme, etc. » Puisqu'il nous reproche
notre « insupportable exagération », en voilà bien une aussi, et la
plus forte que nous ayons jamais rencontrée. La reproduction da
texte sur lequel porte cette accusation énorme, eût été plus juste.
Nous renvoyons le lecteur aux articles incriminés; il n'y trouvera
ni cet absolutisme distinction,
qui repousse ni ce bloc odieux.
toute
Nous y parlons simplement de « certaines écoles », de « certains
amoindrissements, causés par l'influence des idées gallicanes et libé-
rales », qui sont loin d'être mortes, de la « nécessité d'un retour

plus complet aux méthodes sco.lastiques. » Est-ce là ce que notre


contradicteur prend pour une « insupportable exagération s, et
voulait-il nous persuader que tout danger ait disparu du côté des
théories libérales, gallicanes et même rationalistes? Mais la crise
terrible que nous traversons
est une preuve formidable du. contraire.
Que l'on compare d'ailleurs les textes, et l'on verra que les hauts té-

moignages que nous reproduisons précédemment expliquent iden-

tiquement, sinon avec plus de force encore, notre pensée.


« Après cela, inutile d'appuyer sur la question de justice, soit
quant au fond, soit quant aux procédés. Si le compte-rendu du,
livre est injuste, le livre lui-même est injuste; et, encore une tois,
nous ne commettous pas une méprise en avançant cette affirmation,
puisque nous n'avons pas cru pouvoir mieux rendre compte des
Grands Séminaires qu'en faisant nôtres soit les conclusions du
P. Aubry, soit l'&r&HMM même de M pensée. Si le livre du P. Aubry
est injuste,, les éloges qu'il a reçus sont inju&tes. Mais alors, es
bonne logique, notre contradicteur doit condamner et en- bloc
cette fois au-teur, défenseurs et approbateurs. Soit! nous.
sommes en trop bonne compagnie p~r ne point passer condam-
nation an, respectable supérieur.
~8–"

~Passant de ce qu'il
appelle nos méprisés, au point de notre ré-

pliqùe qui soM, dit-il, en dehors de la questions), le respectable

supérieur nous suit sur le terrain de h ~«MtMM ~ofM/e. Or, il est bon
de le rappeler, l'idée qui domine dans le P. Aubry, c'est l'idée de la

régénération nationale par la régénération sacerdotale. Sa conclusion


est que le clergé, et le clergé seul, peut travailler efficacement' au
.relèvement de notre patrie; et il montre dans les séminaires la
source de cette régénération. Nous devions donner la même con-
clusion, sous peine de nous écarter du P. Aubry. Notre langage
n'est pas autre aujourd'hui et nous restons au cœur de la question.
Nous ne concluons pas, pour, cela, que « les séminaires ont manqué
à leur mission ». Cette accusation n'a jamais été ni dans notre
cœur, ni sous notre plume nous la renvoyons, avec quelques
autres, à celui qui s'en est fait le
porte-voix. Dieu nous garde
jamais « de chercher, par des accusations lancées à la légère », à
a compromettre des hommes commis à la direction des séminaires a,
comme on cherche à le faire croire
public, au
avec une insistance
et dans un langage qui sent son école. Il nous plaît d'affirmer au
contraire, qu'on a fait beaucoup déjà pour la cause de la régénéra-
tion sociale et du triomphe évangélique. Mais le sel de la terre n'a'
pas donné encore toute l'énergiedé sa vertu nous pouvons, nous
devons faire infiniment plus et nous ne croyons pas exagérer,
lorsque, constatant avec le P. Aubry le mélange dangereux des prin-
cipes le mot est de Pie IX dans certaines écoles, nous de-
mandons, avec lui, la destruction de certaines tendances très sensi-
bles ici et là, l'application moins timide et plus conipléte de certaines
idées « qui nous paraissent justes, incontestables, fécondes comme
l'avoue notre respectable contradicteur. '« Ces idées, mises en pra-

tique, comme lui-même le confesse encore, élèveraient notre ensei-


gnement, combleraient des lacunes », et, finalement, sauveraient
la société qui, de jour en jour, s'avance plus rapidement vers sa
ruine.
« Malheureusement, nous doutons que des auteurs tels que ceux
qui sont suivis, apportent un appoint considérable à la formation
intellectuelle et à la trempe sacerdotale du clergé l'expérience en
est faite depuis longtemps; et personne n'ignore, dans le monde
théologiqùe, les vicissitudes et les remaniements dont plusieurs de
ces auteurs-ont dû prendre parti, leur
pour offrir, nous ne disons

pas une méthode, mais une doctrine à peu près irréprochable, soit sur
la question des rapports de l'Eglise et de l'Etat, soit sur là-manière
d'établir la foi et d'amener l'esprit à la première vérité révélée, soit
179

sur divers autres points de non moindre importance et nous


sommes en mesure de discuter, quand on voudra, ce que nott&
avançons ici. Tout autres sont les beaux manuels des PP. Harter,
Zigliara, Libefatore, San Severino, etc et nous souhaitons vivement
qu'ils se répandent de plus en plus car, si nous sommes bien
informe, on ne les suivrait encore que dans un très petit nombre
d'écoles.
« Avant de nous quitter, notre respectable contradicteur veut
bien nous accorder qu'il ne ressent pas <t une admiration bien pas-
sionnée pour les vues et de M. la méthode
Duchêne, l'abbé ou
pour l'école amie des opinions modernes en Ecriture sainte C'est

quelque chose « Mais il ne pas que M. Duchêne enseigne


pense
dans un Grand Séminaire. » Assurément non, pas plus que
M. Loisy. Mais croit-il que la responsabilité d'un maître de la doc-
trine est rnoipdre. parce que son enseignement tombe d'un chaire
de Faculté ? N'est-ce pas au pied de cette chaire que se prépare le
corps professoral des séminaires de province ? Et qui pourra dire où
s'étend, où s'arrête l'influence d'un professeur de Faculté, étant
donnée la mission dont il est investi
par l'Eglise alios fecit doctores
le prestige et l'autorité que sa science lui départira nécessaire-
ment sur ses disciples, l'influence que son caractère d'archétype
de l'enseignement lui donnera infailliblement sur les méthodes, les
tendances, les procédés intellectuels en usage dans les séminaires.
« Un dernier mot pour terminer, et ne craignons pas de le
répéter avec le P. Aubry « Qu'on généralise et qu'on fortifie
la pratique des idées scolastiques, connues et appliquées déjà dans
plusieurs de nos établissements. A l'exemple de l'Etat laïque, entre
les mains duquel la centralisation est devenue une arme si puis-
sante, qu'on travaille, avant tout, à l'unification dans la direc ion, les
idées, la formation du corps enseignant et on aura fait infiniment
plus pour le renouvellement de la société, que par toutes les in-
dustries de zèle et de ressources humaines. Les ennemis de notre
foi ne redoutent qu'une cho.,e, l'union compacte de nos forces doc-
trinales et ils ne sont si puissants que parce que nous sommes
affaiblis par !:i division des idées et, le dissolvant des
surtout, par
principes libéraux qui ont envahi largement notre domaine ecclé-
siastique. Hélas combien de temps encore donnerons-nous, à ceux
qui nous combattent avec un ensemble si pariait, le spectacle de
nos divisions doctrinales, de nos divergences de vues, de nos indé-
cisions pratiques? Est-il possible que nous soyons encore à chercher
'orientation, le terrain, les armes. mêmes de notre combat, lorsque
~s.

Léon SII a g~flé si clairement, lorsqu'il a déclaré qme les premiers


eSbr.ts du sacerdoce,en ;France, doivent porter sur les idées, ~ance
que ce sont les idées qui gouvernent le monde
Nous bornons ici nos réponses .aux objections, non que tout soit

A dit mais il y a tant à dire que nous renvoyons cette controverse


à un autre article, peut-être même .à un autre volume. La question
en vaut la peine. Andremo o!fK</o.

CONCLUSION

Il faut parler franchement il faut proclamer, avec autant de sin-


cérité que de conviction, la nécessité de la réforme des séminaires
et l'orientation surnaturelle des étudesecclésiastiques.
Le P. Aubry veut cette reforme il dit pourquoi et cnmment elle
doit s'effectuer; il a synthétisé et développé son programme dans
deux ouvrages sur la méthode d'enseignement et sur les Grands
Séminaires il a motivé et expliqué, en autant de volumes successifs,
les points principaux de la réforme. La théorie des sciences, le
directoire de la philosophie, la théologie dogmatique sur la reli-
gion et l'Eglise, les méditations sacerdotales, l'Ecriture sainte, la

théologie de 'l'histoire, les conseils pratiques sont autant de pierres


fondamentales de cet édifice.
Nous avons dit quels suffrages ont voté la réforme des études
ecclésiastiques nous avons répondu aux objections principales de

quelques esprits abusés dans leurs effarements.


Si quelqu'un pouvait s'effaroucher d'un voeu de réforme, nous
le prierions d'interroger l'histoire.
Dès le premier siècle du Christianisme, les écoles d'Antioche et
d'Alexandrie avaient accusé, dans l'interprétation des Ecritures, de

graves divergences Fune tenait pour l'interprétation littérale,


J'autre pour le sens symbolique. Toutes les deux avaient raison,
toutes les deux avaient tort. De leur opposition naquirent des
erreurs. Pour les combattre, pour venir à la vérité, il fallut l'autorité
de l'Eglise et l'intervention des Conciles.
Au vu" siècle, il y eut, dans les écoles franques, sur rinii.iative
de Didier dëCahors, de longues disputes sur les lettres de l'alphabet
et les règles Ma grammaire.

~t.SHtfa'ï,6jjait[et.i8~.Att..deM.l'abbëAub~
iS-ï

De Cassiodore & Raiban-Maur, de saint Anselme Thomassin,


nombre d'auteurs se préoceupérefrt de l'o~anisadon 'des écoles, du

plan des études et des divers degrés de renseignement.


Au xvn" siècle, controverse entre Mabillon et Rancé, sur les
études monastiques.
Au. xix" siècle, controverse soulevée par l'abbé Gaume, sur

l'emploi des classiques païens dans l'enseignement secondaire.


Au xx" siècle, réforme des séminaires et des études, prêchée par
le P. Aubry. Restauration du clergé par le renouvellement des
études ecclésiastiques; restauration de la France par les prêtres et

par les évêques, formés selon la tradition séculaire des études sacer-
dotales.
Toutes ces controverses ont leur raison d'être; mais aucune

n'égale en importance la réforme du P. Aubry.


Nous ne contestons certes pas l'importance des questions d'her-

méneutique et d'exégèse elles ressortissent même de notre pro-


gramme. Mais les règles élevées de la grammaire, le travail intellec-
tuel des moines, l'emploi des classiques païens, le génie des langues
et les intérêts de l'érudition,
qu'est-ce que cela en comparaison de
la réforme du clergé catholique et de la nation française :a
?
Deux raisons commandent cette réforme la marche des temps
et les assauts de la persécution contre l'Eglise.
Le monde marche, les esprits évoluent, la société se transforme
et menace de se pervertir. De nombreux et encourageants symp-
tômes témoignent qu'il s'opère, au sein du clergé, un mouvement

d'adaptation aux nécessités contemporaines et que se mûrit, contre


l'et/eur, un plan de combat. La ruche a senti au dehors que s'ou-
vraient des fleurs nouvelles et ses ailes frémissent au parfum du
renouveau elle a vu les frelons menacer son miel et ses aiguillcns
sortent pour repousser l'envahisseur.
En face des transformations de la société, en présence des périls,
le clergé s'interroge, se demande quel rôle lui sera dévolu et s'ap-
prête courageusement à le remplir. Il n'est plus le directeur religieux
de la presque unanimité des citoyens; il ne siège plus avec honneur
dans le conseils du pouvoir il ne doit plus se regarder, dans nos
vieux pays chifétiens, comme le pasteur d'un troupeau sommis, mais
trop souvent comme un missionnaire au milieu des pays infidèles.
Son poste n'est plus un poste d'administrateur tranquille, mais un
poste de capitaine courageux, avisé et prêt au combat.
La (conséq'uenee à tirer .de'cet état de choses est, non pas qu'il faut
se décourager, mais qu'il .faut hardiment, au monid.eDieUj.sje jeter
~m~

dans la mêlée, empêcher les fidèles'de se débander, rallier les


timides, ramener les fuyards et tenir en respect les adversaires.
Dans cette situation nouvelle, il est nécessaire évidemment d'user
de procédés nouveaux'ou de revenir aux anciens, de sortir en tout
cas de la courte tradition où l'on s'endormait un peu. Le temps
n'est plus où le prêtre pouvait se contenter de prêcher, d'admi-
nistrer les sacrements, de faire le catéchisme, de dire la sainte
messe, de visiter les malades, et le reste du temps de cultiver son

jardin. Les missionnaires n'ont pas de jardin ils se fient à la Pro-


vidence et s'immolent à la tâche. Le prêtre aura bientôt tout son

temps absorbé, d'un côté, par les études vivifiantes, de l'autre, par r
°
les oeuvres ouvrières et sociales, par les intérêts qu'il est obligé de
prendre ce qui regarde son troupeau,par la prédication à dom'-
cile, par les -'inférences publiques, par les écoles du soir qu'il sera
bientôt contraint de faire ou d'organiser, pour éliminer le poison
de l'enseignement neutre.
Le christianisme est toujours le même et toujours en progrès. Son

symbole, ses lois, son culte, sa discipline répondent à tous les


besoins de l'intelligence, à toutes les faiblesses de la volonté, à
tous les voeux du cœur. L'édifice est admirablement fait pour y
loger l'homme, l'animal raisonnable et quasi divin, si petit et si
grand, si faible et si fort, si timide et si courageux, au cœur si
étroit, aux aspirations si grandes. Il y a des fontaines pour ses
souillures, des retraites pour ses lassitudes, des chaires pour ali-
menter son intelligence, des tables chargées pour soutenir ses forces
il y a des onctions pour les combats et pour les passages dangereux,
des appuis pour toutes les faiblesses, des réconforts pour toutes les
défaillances.
Le ctergé a le vif sentiment du devoir qu'il doit remplir. Il est
tout prêt à suivre l'impulsion qu'on lui donnera..Il n'épargne ni
son temps, ni sa peine, pour le salut des âmes et l'honneur de
Dieu.
La persécution, du reste, lui met le pied sur la gorge et, par ses
violences, le contraint aux résolutions d'héroïsme. La République,
en France, n'est
qu'une forme vide et l'étiquette menteuse d'une
abominable tyrannie. Un complot de juifs, de protestants, de francs-
maçons et de libte~-penseurs s'est emparé du gouvernement, des

Chambres et de l'administration. L'organisme officiel est l'instru-


ment d'une eonju~io~ athée, fermement résolue à proscrire
l'Ëglise et a déttuL'e ~religion catholique. Béja les religieux sont

proscrits ou partis en e~Hpour se soustraire au schisme;' lesécoles


183

libres sont fermées; les écoles neutres empoisonnent la jeunesse


la laïcisation écarté, de tous les services, la pratique chrétienne
les curés sont
jetés aux casernes et les religieux en exil. La proscrip-
tion du clergé séculier et la fermeture des églises n'est plus qu'une

question d'heures. Le schisme est fait. C'est l'heure où agit la puis-


sance des ténèbres; mais c'est l'heure aussi où le clergé doit se ressai-
sir, reprendre des forces doctrinales et morales aux sources antiques
et dans lès grandes écoles. Quand Dieu efface, c'est pour écrire; le

cyclone qui ravage la France, fait table rase pour les oeuvres d'une
radicale restauration du Christianisme.
Le point ~g départ d'une restauration efficace, c'est la répudiation
de tout particularisme scolaire. Nos écoles d'aujourd'hui avaient été
fondées, après le concile de Trente, des
sous l'influence
latente
écoles protestantes, gallicanes et jansénistes; de là, leur rétrécisse-
ment doctrinal, leur étroite pratique, leur stérilité, leurs résultats
funestes. Le P. Aubry a vingt fois constaté ce vice au point de dé-

part. L'établissement des séminaires et l'organisation pratique de


la formation sacerdotale dans ces séminaires ont été réalisés en
France, à une époque, dans des circonstances, par des hommes et
sous l'influence d'idées qui ont faussé l'esprit de cette institution
si essentielle et lui ont inoculé, dès l'origine, un vice funeste. Le

gallicanisme pratique est entré là comme partout, et plus que par-


tout il est entré là comme sanctuaire dans son il y a régné et il
y règne encore comme
partout; il y est la règle pratique de la for-
mation et des idées sacerdotales, avec le danger particulier et la fé-
condité spéciale que doit avoir, en mal comme en bien, tout ce
qui fait partie d'une institution si puissante dans la vie de l'Eglise,
puisqu'il s'agit de fonder ses prêtres i. »
Quand la Révolution eut tout balayé en France, entre autres cette
organisation fausse et malsaine, donnée par le gallicanisme et le jan-
sénisme aux choses ecclésiastiques, le plus grand désarroi régnait
dans les idées, sur la formation des prêtres. La plupart n'avaient
même pas de théories à peu près personne n'avait les idées ro-
maines. On refit à toute vapeur des diocèses, des séminaires, une
éducation, un clergé; des études ecclésiastiques y furent mises à
leur place, mais comme un élément tout à fait inférieur ~t vaille
que vaille. Que d'anciens prêtres nous ont r&conté avoir fait un
an, deux ans de théologie d'autres avoir été chargés de 1'enseigner,
sans en rien savoir. Bailly était l'auteur généralement reçu et ceux

i AUBRY, ŒMffM complètes, t. X, p. 9.


~z 4"

~,a~~r.(mû, 'gûè~e., mieux.. Il Y,eut


~q~pj!
pa~t~t ds~ einq.garoissjes~ tra-
vanHàM -a~ee zële et ~rveu!f,) mais s~ms. las idées. romaines. et parfois
même sans. idées.. PImsiEu.rs, Hvrë& fuirenit. alors éerits.pou!; le clergé,,
mais toujoues. impKégn~s. da poiaoNi galjlicam. Oa m'ifnagi.na point.
qu'il. fallait iNstruirÊ; et oeganisec ~.tetmEn't les pcêttes, selon les tra-

di'ttoasdel'EgiMeromaiime~mèreetnitiattressede toat&s l:s Eglises..


La gënëfQsit&dt'ânte et lat pMtÉ gallkaae pafaissaieM sufËre.

Depuns,
em Ftance~. dem-x. msa~em~THs pMalleles et contradictoires,
se dessinèrent l'un, de itanc retoa)' aux doctrines et aux pratiques
fomaines; l'aut)!&, d'in&tt.atifMLa~eng~e dans les aberrations et les
attentats rëvoiKtiannan'es. D'un c6.të, nous fevimmes à la juste idée
de la monarchie des papes, à la sage entente des lois morales, à
t'unitë liturgique, à la nécessite du droit canon, à une plus juste
conception de la philosophie, de la théologie,, de l'histoire de
I'antre,Ies cohortes de l'anarchie et dasodalisme nous poussent à une
refonte de la société française ou plutôt travaillent pour la ruine du
pays et la perte de son indépendance.
La nécessite d'agir apporte souvent des lumières et des conseils
que la spéeNlatian ne peut donner. Par une réaction toute naturelle
contre la, sécheresse et la pauvreté de nos méthodes, il y eut sou-
vent, dans les séminaires, des essais de réforme et de relèvement vers
les études plus approiandies, plus larges et plus élevées. Mais ces
derniers, procédant de l'esprit propre, ne produisirent que des inno-
vations futiles,
ouLdasg~eNsss. Ces initiatives personnelles, fruit de
bons désirs, mais aw:nuraes, s'imprégnèrent des erreurs régnantes
et produisirent des théories creuses, des rêveries d'amour-propre,
qui vinrent se perdre en libéralisme ou en essais d'économie poli-
tique.
De son côté,. Pie IX, pour sauver la France, avait fondé le sémi-
naire français; il espérait que les élevés de cette maison, devenus
professeurs, réformeraient nos séminaires sur le programme des sé-
minaires romains. Dans la plupart des diocèses, cette tentative n'a
pas abouti pleinement. La restauration des études
par l'idée KMMMM,
cruei6ée sur. un plan gallican au moyen de sujets fotmés a Rome,,
mais d'abord sommis à des supérieurs gallicans, inconscients et in-
traitables,. obligés dé subir une organisation gallicane de l'enseigne-
ment,, a soNvefH abouti â.nn échec, parce qu'on voulait. introduire
l't~eromMne,/saBS.n'Md)!&erï<t)rgânisati.on gaHicaM,q)ti ne: peut
ni ne veut la souffrir. On ne met pas le vin nouveau dans les vieilles
routes. La réforme des études ecclésiastiques; ne s'est- pas faite,
n~a 'étémi 'cormplete, ni conséquente aveceNe-metne.
parce qu'elle
Si 't'om veut &tre Rofnain, et on doit le ~ot)!<yir, –'il 'faut 'l'être
'dams r'organisation des études comme dans leuTS principes, et fa

parfaite plénitude.
Généralement toutefois, on sent qu'on est dans le faux, on se
de l'insuffisance des études et de l'absence des hommes.
plaint
Mais ces plaintes restent dans le vague et les généralités, ou
n'amènent que des expédients sans vertu. J'ai en moi quelque chose

qui pleure à la vue du gaspillage de ressources, du manque de suite,


du défaut de tradition, de l'absence des principes, des tâtonne-
ments et des changements continuels dans notre enseignement
sacré.
Veut-on nous faire croire que le clergé se recrute dans un milieu
si pauvre en intelligence, qu'il ne puisse plus s'élever où il atteignait
autrefois. Les intelligences, dit-on, ne sont pas assez élevées pour
faire de la théologie. Mais c'est justement l'affaire de la théologie
d'élever les intelligences. La théologie possède la merveilleuse

propriété d'ouvrir les


intelligences médiocres et de les rendre ca-

pables d'aller loin. Pour devenir capable de la haute théologie, il


faut en faire de la bonne. Le choix des douze apôtres prouve que ja-
mais la pauvreté d'hommes n'a été un obstacle; elle est même sou-
vent une ressource, si on veut avoir des principes et mettre dans
l'âme un feu divin.

Malgré tout, l'idée d'une réforme ecclésiastique est dans l'air et


éclate partout, même là où elle ne paraissait pas devoir trouver
accès. A Saint-Sulpice, le vieil Icart publiait ses Traditions de l'en-

seignement sulpicien, moins pour les défendre, que pour les actua-
liser et les agrandir. Un peu plus tard, le professeur Hogan, dans
un livre sur les jE~M du clergé, parcourait, comme nous, toutes
les branches de la science sacrée, pour faire connaître ses vues les
plus choies et ses conceptions les plus hardies. Depuis, l'archevêque
de Rouen, Frédéric Fuzet, par une initiative tristement solitaire,
créait à Rouen le Grand Séminaire d'après le programme du concile
de Trente. A l'heure présente, Eudoxe-Irénée Mignot, archevêque
d'Alby, publie une série d'actes épiscopaux équivalant à un traité
des études ecclésiastiques. Michel-André Latty et Emile-Paul Le
Camus, évêques de Châlons et de La Rochelle, par des pastorales qui
sont des livres, réorganisent, dans leur séminaire respectif, les études
ecclésiastiques. Une foule d'auteurs avaient déjà préludé à ces ré-
formes en Allemagne, plusieurs écrivains didactiques, notamment
Sailer en Italie, Audisio avec son Introduction M~ ~MtM-M ec-
B'<«& ~Mf mA~ d'M~Kt t

~~7o~M;'Bburquàrd, sur la ~M~ ~o7o~M~;


Capn, O~nM~OM~sMx~~M~ sur les études des ~M<Kt!M; Désaire,
D&ff~M&&~ ~/o~M ~H~ /M.!7M<tMf.f~ M~o~M&f. Ce serait infini
si je mentionnais seulement les titres des discours des Didiot, des
d'Hulst, des Péchenard, des Dadolle, des Sauvé, des Kernaeret, des
Baunard et autres dignitaires de nos Universités, noms tous re-
commandables que couronne le grand nom de Freppel. Pour suivre

le-précepte de Quintilien sur les accommodements du discours,


nous citons, en dernier lieu, sur le même sujet, les dix volumes du

P. Aubry.
Je fais remarquer en passant que la réforme du P. Aubry n'a rien
de commun avec les autres les autres ne valent que par les talents
et l'expérience de leurs auteurs la réforme du P. Aubry, c'est le
retour aux grandes traditions du haut enseignement; c'est la pure
tradition des Ignace et des Boromée, telle que nous la trouvons au
séminaire de l'Eglise romaine, mère et maîtresse d~ toutes les
Eglises. Les autres sont des réformateurs, le P. Aubry est un Père
de l'Eglise.,
Mais, enfin, en quoi consiste la réforme du P. Aubry ? Cette
question exige deux réponses l'une négative, répudiant les aberra-
tions de nos séminaires l'autre positive, préconisant les éléments
et les points capitaux d'une régénération scolaire.
Ce que repousse le P. Aubry, c'est i" La piété sacerdotale, par-
du vivant de sentiments
quée dans un compartiment séparé dogme,
sans lumière, consistant surtout en rectitude extérieure et préten-
dant, dans l'éducation sacerdotale, à la première place, de manière
à prévaloir sur l'enseignement dogmatique, qui n'a qu'un rôle su-
balterne et de mince importance.
Ce que repousse le P. Aubry, c'est 2° L'enseignement de la
théologie dogmatique, réduite à un petit CoM/x'~MM, dont les
thèses sont invariablement prouvées par les trois preuves de l'Ecri-
ture sainte, des Pères et de raison théologique, mais sans intelli-

gence profonde des textes, formalisme purement extérieur, simple


exercice de mémoire, où l'on étudié la théologie comme on peut
étudier les mathématiques, sans que l'âme intervienne autrement
que pour retenircette macédoine de textes non digérés.
« Ce que je combats, dit-il, et je veux
citer ces paroles une se-
conde fois,– c'est cette école qui pense qu'on peut faire une éduca-
tionsacerdôtale solide et un clergé vraiment apostolique, puissant
en foi et en oeuvres, sans une théologie aussi forte que possible, sans
187

donner à la théologie une place plus grande que celle qu'elle a


en France et la première place dans la formation du sacerdoce l'école

qui dit que, dans l'état actuel de l'Eglise en France, la théologie


n'est pas un besoin urgent et qu'en tout cas on n'a pas le temps d'en
améliorer, d'en élargir et d'en fortifier l'enseignement. Je re-
garde cette école comme une branche de l'hérésie libérale. Un de ses
traits caractéristiques, c'est le dédain qu'elle
professe pour les
hommes à principes absolus, qui fournissent, disent ses partisans,
un idéal chimérique, ou qui supposent une situation impossible au-
jourd'hui, ou qui raisonnent sur des éléments imaginaires »
Le P. Aubry impute, à cette école, la diminution simultanée de
la vérité et de la vertu en France, diminution qui s'accuse par les
quatre faits suivants
i" Beaucoup d'esprits, pour parler des vérités religieuses, au lieu

d'employer l'expression catholique, en atténuent par des la crudité


circonlocutions qui la déguisent ou la diminuent
2° On voit des métaphores, des figures, une manière de parler,
dans les grandes réalités qu'exprime la foi surtout les réalités qu'on
admet le moins ce sont celles de la grâce et du monde surnaturel;
Le libéralisme n'est lui-même qu'une de ces atténuations com-
plaisantes de la vérité
~j."Les fortes idées
théologiques et surnaturelles, les vraies idées
romaines, parce qu'elles sont vraies, tranchent trop fortement sur
le fond affadi de l'esprit moderne elles rencontrent généralement la
défiance dans le clergé, en ce siècle de poltronnerie intellectuelle et
d'amoindrissement de la vérité.
Nous avons constaté
déjà le cartésianisme et le positivisme en
théologie, le rationalisme en philosophie, le semi-protestantisme en
l'Ecriture sainte, le scepticisme en histoire. Le dernier signe du temps
est le très faible écho suscité par la brochure contre les cinq ou six
périls graves de la situation présente. Vous croiriez que la masse du
clergé se désintéresse de doctrines.
Ce n'est donc pas sans raison que le P. Aubry impute, à cette
école, l'abaissement du niveau intellectuel et le discrédit des études.
Le clergé français, autrefois le premier du monde, paraît déchu de
son rang. Lui qui, à lui seul, achetait des livres plus que tous les
autres clergés réunis, il est maintenant le dernier à en acheter; il a
l'air de mourir à la pensée. De l'abaissement des études et des es-

prits est née, sinon la faiblesse, certainement la stérilité relative de

1 ŒMf~H complètes, t. X, p.
~p~

t'~stoht. Gent m~ prononcent chaîne nnnée cent mille


sermons, et la France, oublieuse de sa. vocation, infidèle à l'appel
de Dieu, laisse
périrtes âmes et tomber sa gloire.
En présence de ces malheurs,; il ne faut pas nous étonner que le
P. Aubry déplore la sécularisation, de l'enseignement, les tendances
gallicanes~, les procédés positivistes,, non l'usage,maisl'a~M de l'apo-

logétique, de la polémique, de la controverse, de l'érudition, du ré-


pertoire, de la repasse et de tous ces procédés puérils, indignes de
la. granité sacerdotale. En théologie, il nous faut la forme scienti-
fique de la foi.
Voilà la réponse négative voici maintenant la réponse posi-
tive.
La théologie est la science de Dieu et des choses divines. La ré-
vélation, complète dans son fond dès le commencement, progressive
dans ses termes,, est l'objet propre de la théologie. La théologie em-
brasse la révélation
dans son ensemble mais elle part des vérités à
croire, des dogmes de foi. Le premier devoir de la théologie est
donc d'exposer ces dogmes c'est de les entourer de cette auréole
,de preuves, de cette couronne de témoignages et de monuments, qui
fait resplendir leur crédibilité absolue. La première chose à com-
prendre, dans un séminaire, c'est que, si la piété est l'âme de la for-
mation sacerdotale, les études en sont le corps. La théologie dogma-
tique est l'endroit où se rencontrent et sont noués ce corps et cette
âme; elle est le cœur des études, de la formation du prêtre et de
toute organisation ecclésiastique des séminaires.
La meilleure méthode d'enseignement dogmatique paraît être
celle du docteur Lafbrêt
t" Commencer par exposer, avec netteté, précision et exactitude.,
le dogme tel qu'il est enseigné ou formulé par l'Eglise, le, dogme
dans son expression la plus simple, dégagé des opinions purement
théologiques discutées dans les écoles

2° En établir la vérité, en prouvant, par des preuves fortes, fon-


damentales~ choisies et peu nombreuses qu'il est révélé de Dieu et
qu'il a toujours été cru comme tel par l'Eglise de Jésus-Christ;
3° Signaler et combattre, par quelques arguments de premier
ordre, les principales erreurs opposées à ce régime et les attaques les
plus considérables dont il a été l'objet, s'attachant principalement
aux erreurs et aux attaques contemporaines;
Entrer dans une explication approfondie du dogme, l'analyser,
en pénétrer la nature intime, en l'étudiant à la lumière de la raison

puriËée et agrandie par la foi en rechercher les raisons et faire res-


:8y

soEtm les.harmonies, divines qui existent entre l'ordre naturel et


l'ordre sumatu.rel.

L'argumentation est nécessaire. Son bat n'est pas d'apprendre


les solutions, mais uniquement d'exercer à 1~ gymnastique intellec-

tuelle de compléter la notion du dogme et les concepts théolo-

giques. en éveillant l'intelligence sur tous les points de chaque ques-


tion enfin d'habituer à l'exactitude théologique dans l'expression
de la pensée.
La vraie méthode d'enseignement, c'est la méthode apostolique.
En fait de puissance surnaturelle, la principale ressource qu'aient eue
les apôtres, est celle qui reste dans tous les temps. La vraie foi ne
s'arrête pas à des polémiques, doctrinales la parole évangélique se

pose avec simplicité, force et. autorité; la méthode primitive con-


siste en une exposition simple, nette et co'irte des principes fonda-
mentaux du christianisme et des éléments essentiels de la foi, sou-
tenue quelquefois par les miracles, scellée souvent par le martyre,
fortifiée généralement par la conviction et la simplicité de ses

adeptes, assistée toujours et fécondée par la grâce.


La vraie méthode se plie d'ailleurs à toutes les formes de l'esprit
humain. Sobre dans son enseignement, elle ne peut pas entrer dans
tous les détails mais elle contient, en germes, tous les développe-

ments elle en donne les principes, les idées fondamentales, les

règles et les limites.

L'enseignement de la théologie doit être maintenu dans la

grande voie de la tradition scolastique. Ce sont les scolastiques qui


ont dégagé, au sein de la patrologie, ces principes connus et em-

ployés par les pères, mais dispersés dans leurs ouvrages ils ont éla-
boré et édifié la théorie complète de la théologie. La scolastique
comprend trois choses une langue, une méthode et un ensemble
de doctrines. Les doctrines sont celles de l'Eglise; la langue est celle
de la science; la méthode est celle de l'enseignement. La méthode

scolastique n'est p~s une méthode, c'est la MM~~s il n'y a rien à


en retrancher,, dit Capri; il n'y a qu'à ajouter et sur le même fonde-
ment. Melchior Canova jusqu'à dire qu'on ne peut être théologien
si l'on ne fait grand cas de la scolastique.
« La théologie dit le P. de
scolastique, Aubry, peut s'accommoder
tout ce qui est bon et sain elle-même n'est pas un système spécial
ni une méthode particulière; elle accepte tous les systèmes ortho-

doxes, et laisse à l'intelligence toute sa liberté. Qu'est-ce donc ?


C'est la noble et féconde alliance conclue entre la révélation divine
et la raison humaine, durant les siècles où la toi a jeté son plus vif
!~û

éclata et .où les problèmes plus sérieusement


rationnels ont été le étu-
diës; ce sont les conquêtes accomplies par la foi dans sa lutte sécu-
laire contre l'erreur, et mises en harmonie avec les données pre-
mières de la raison; c'est le travail de la raison même, acceptant'
d'abord humblement les données de la foi, s'eûbrcant ensuite d'en
étudier les rapports, d'en scruter les causes, d'en déduire les consé-

quences, d'en démontrer la conformité et l'harmonie avec les véri-


tés de l'ordre naturel i. p
« Celui qui personnifie la doctrine
philosophique et théologique
du Moyen Age, dit encore le P. Aubry celui qui régna dès lors sur
les écoles catholiques; celui qui résumait tous les travaux des Pères,
toutes les élaborations des savants, ~ntt tous ces matériaux en ordre,
les lia par une logique rigoureuse, les revêtit d'une doctrine philo-
sophique en harmonie avec le dogme chrétien~ et dressa, dans le
monde de la science, l'étonnant édifice, comme la pyramide de la
doctrine chrétienne ce fut saint Thomas. Saint Thomas est le doc-
teur par excellence; ses œuvres sont le palais de la science chré-
tienne. On y trouve tout sainteté, tradition, théologie, philoso-
phie, rigueur de méthode, définitions-pleines de lumières, vaste
ensemble, harmonie du monde des corps, du monde des intelli-

gences et du monde divin c'est l'encyclopédie des sciences divines


et humaines. » (Op. cit., p. 120).
Le P. Aubry veut qu'on rétablisse, dans les études, l'esprit de
saint Thomas; il veut qu'on étudie saint Thomas, non pas dans
une traduction, mais dans. son texte même, à la source. Certaine-
ment il faut beaucoup étudier la Somme on ne lui donnera jamais
une trop grande place. On doit appliquer hardiment sa méthode.
Toutefois, le P. Aubry pense qu'il y aurait danger à se contenter
de la méthode scolastique et spéculative on doit y ajouter l'élé-
ment de l'autorité, du témoignage, mis en oeuvre par la méthode

positive. A cette fin, il recommande Bellarmin, Franzelin ou


Billuart, comme auteurs à étudier parallèlement. Ce n'est pas di-
minuer saint Thomas que d'ajouter à son œuvre ce ~qu'il y ajou-
terait lui-même, s'il venait à ressusciter.
Pour rendre vraiment fécond le retour à la scolastique, le P. Au-
bry insiste, en autant de chapitres
r° Sur la formation du sens <og' c'est-à-dire l'habitude et
l'instinct qui deyine les vérités théologiques, en prennent les raisons,
le sens, la portée et l'harmonie;

t ŒtfM'M COM~M, X, p. 120.


i9J–

2" Sur la recherche de l'intelligence de la ~o! par les dons surna-


turels de science et d'intelligence qui élèvent la raison humaine jus-
qu'à la hauteur de la lumière divine
Sur le procédé de la ~~M~a~'oM, état général de méditation et
de prière, qui pénètre dans l'intérieur du dogme et en goûte la
moelle,
4° Sur l'acheminement des sciences sacrées vers la synthèse, vers
l'ordre et l'harmonie que la théologie doit voir en toutes choses,
mettre dans les esprits et faire triompher les dogmes.
par
~° Sur le langage théologique, langue en partie à retrouver, en par-
tie à créer, pour rendre, aux idées chrétiennes, droit de cité dans la
langue et restituer à la langue cette sève chrétienne qui faisait son
charme
6° Sur du dogme,
l'esthétique sur la vérité se répercutant dans la

poésie, pour donner, à la langue, la mesure, la cadence, la préci-


sion pour exprimer parfaitement la justesse de la pensée.
Le P. Aubry montre encore l'influence de la théologie dogma-
tique sur la théologie morale, sur la prédication, sur la piété sacer-
dotale, sur le gouvernement des âmes, l'Influence sociale et l'étude
des sciences. Son programme est complet sa pensée réformatrice
n'offre ni lacune, ni défaillances /M~MW et tfMceM propositi MTMM.
Telest le P. Aubry, Dix volumes pour la réforme scolastique des
séminaires en France; dix volumes pour l'orientation surnaturelle
des études ecclésiastiques.
Les réformateurs ne doivent pas être jugés comme les autres
hommes; il convient de faire équitablement la part du moment où
ils ont paru, de l'état des esprits à cette heure
l'histoire, de la de

vigueur d'intelligence nécessaire pour s'élever au-dessus des préju-

gés de leur temps, du courage indispensable pour les vaincre et sur-


tout de l'héroïque générosité dont ils ont eu besoin pour arborer,
avec un entier désintéressement, l'étendard de la réforme. La com-
mune destinée des réformateurs c'est d'être victimes de leur entre-

prise l'initié
tue l'initiateur, dit Ballaache, ou s'il ne verse pas tou-

jours son sang, Dieu se plait à lui demander ce sacrifice du cœur. Cette
immolation de soi-même est le gage béni des meilleurs triomphes.
Nous savons bien que Dieu a mis notre humilité sous la garde des

injures de nos semblables il nous condamne tous à être


plus ou
moins méconnus et outragés il verse encore une dose plus forte de
poison dans la coupe des héros. Le P. Aubry a eu ce sort rien ne
sied plus à sa mémoire que la palme de la modestie. Rien n'a manqué
à sa vertu, pas même le martyre dont il a fait l'apprentissage pendant
~z

,t)\mpia~W'. r;o:urltt~sï ~'a~r lliie e'


~Sa~e~f~~

~Scaë~&~dela Pro~id~ncë, fapp~ë~€tt'e 'pai'nn ~'ùs


~a~bass~ea~S~~
'$n.Samt-Sëge, Ti.e ~eop~g~6~ sesttadMotïs seo'MTes<<~@'
`"
Rome, il assure,a't~~ett~'FEgËsë/'des.jcMrs'~
Quand tes fausses doctrines et les malheureuses coutumes do~~S~
s'est fait l'adversaire ~n~amc~ 'se seront âénmtrv.ement rumëes ~fi
par 'leurs désastres ~t déshonoréës'par la puériHtë et t'obstmattoa~des ;;? j
aveuglemeMs, ses 'Hvres trouverontd'intr~pides défenseurs'; ses j~!
i3ëes verront se lever des champions. La victoire est au bout. si- ?'~
non nous ne nous obstinons pas aveuglement à languir sans cesse,
en&nàmourit.
Un jour,le prophète Elie se promenait avec Elisée son disciple.
La" conversation roulait sur le sujet ordinaire de leurs entretiens, sur
!es fautes et les maux d'Israël, sur les réformes et corrections a eSec-
tuer pour son salut. Tout à coup,'un tourbillon les .sépare, un char
de feu emporte Elle au ciel. Elisée, frappé de terreur, se lamente
sur lui-même et s'écrie Char d'Israël et son conducteur Elie en-
tend le cri de détresse et jette, à Elisée, son manteau. Elisée s'en
revêt aussitôt l'Esprit de Dieu descend en lui et H prophétisait.
Le P. Aubry, moissonne à laSeur de ses ans, avait laissé ses idées
eh ébauche, ses projets en esquisse sur des fragments à recueillir

pour qu'ils ne périssent point. « Le mort saisit le vif s, dit le dfoit.


Le.défunt léguait ses papiers à son frère Augustin. Augustin eut
pu s'en &ire une t'obe, comme celle
que !es solitaires tissaient avec
des feuilles de palmier; il a préféré en faire un manteau pour les
prophètes en Israël. Désintéressé pour lui-même, effacé, jusqu'à
une complète abdication, il oHre à son siècle et transmet, à la posté-
rité, les oeuvres complètes duAubry. Bien qu'il
P. ait prophétisé
lui-même, il ne brigue que la grâce de l'humHMé. A hM~jLt.se.~part
de mérite a rEglise et a la France, la grâce à
Dieu.l~o~ë~

(~rjpY~i
H.

;E
'i~
TABLE DES MATIÈRES

I.–Principesgénéraux 1

JI.–Coupd'oeilrétrospectif. 4
Ht.–ViedeJean-BaptisteAubry. 9
16
IV.–Projetderéforme.
V.–Lestroisvolumesde 20
correspondance.
VI. –L'exécuteur du testament de l'auteur. 26
VU. Comment a été faussée la méthode d'enseignement thcologique
d'aborddansrorganisationdesécoles. 32
VIII. Comment a été faussée dans les études b méthode intérieure

del'enseignementthéologique. 40
IX.–Lepetitséminaire. 63
X.–Legrandséminaire 71
XL–Lathéoriedes sciences 79
XII.–Laphi[osoph!e. 87
XIII. La théologie dogmatique et la religion 96
XIV. La théologie dogmatique et l'église 104
XV. Choix de méditations sacerdotales lit t
XVI. La tradition. ti7 7
XVII.–Ecrituresainte. 124
XVIII.–Histoiredel'Eglise. !;o
XIX.–Lestémoignages. 1433
XX. Les objections 165
Conclusion ]8o

/<

(~

Saint-Amand (Cher). Imprimerie BUSSIËRE.

LE P. AUBRY y
u
S~ë~'?~ ~M~T 'j&AR~t~~)È,

~~NM~N EGCLESI~ LITURGICA


TOMTJS 1

~a fort volume in-4" CCXV, 871, 304' pages


Prix 75 francs

Les Bénédictins de Solesmes, établis à sous la


Farnborough, publient,
direction de Dom Cabrol, le pBEMiM VOLUME d'une collection
prieur, grande
dont nous offrirons à nos clients un volume an.
lititurgique, par
Le premier volume qji vient de poratO'e forme un bel In-4" de ccxv, 271,
204* en édité sur beau et il contient tes ~oMMmett<<t
pages (690 tout), papier
c'est-à-dire d'abord tous les textes concernant la litur-
h'<M)'y:'oa; M<Msi:ss!'Ma!,
tirés du Nouveau Testament, des Pères et des écrivains
gie ecclésiastiques
iv° siècle
jusqu'au
Toutes les chrétiennes concernant la antérieures au
inscriptions liturgie,
<v° siècle;
Des dissertations sur les anténicéennes, sur les litur-
liturgies inscriptions
une restitution du livre de Tatien sur les une restitution
giques, évangiles,
du livre des les citations des Pères anténicéens, un 7~e.E
psaumes d'après
It forme ainsi un tout complet et d'une
epwop/ttCMS, etc, importance que
t'en nous sur les avant le ive siècle. La collec-
appréciera, l'espérons, liturgies
tion formera 14 à 15 volumes à 75 francs le volume. Les volumes se vendent

séparément.

Le courant est créé aujourd'hui. Après avoir sommeillé pendant près d'un
liturgique
la science liturgique s'est réveillée un peu avant le milieu du xix" siècle, Les
siècle,
recherches d'un nombre de savants. dMs tous les pays d'Europe, se portent au-
grand
jourd'hui de ce c5M le goût généra) iui-m~e s'y est intéressé. On a vu avec étonne.
merveilles ces livres de On a étudié ces
ment qu'il y avait des dans v~ux liturgie.
monuments avec même sous l'amptre des préoccupations confessionnelles,
passion, parfois
aussi et littéraire.
parfois simplement par gott esthétique
La piété ourétienne de son c&té. sons l'impu.ittinn de quelques hommes 4a doctrine et
de est entrée dans ces voies nouvelle qui, au tond, sont tes voies anciennes.
foi,
L'Année de Doin Guéranger est devenue le vade-mecum des fidèles éclairés,
liturgique
et les éditions se succèdent à intervalles réglés.
Enfin tes théologiens commencent voir le parti que l'on peut tirer de la et
liturgie
son importance de premier ordre comme lieu tttéfil.~que.
Le moment semble donc venu de réunir dans un ~rand ouvrage d'ensemble toutes lea
données et de fournir aux savants et même aux amateurs un de ces recueils où
éparses
ils trouvent sous la main des renseignements qui leur auraient coûté des années da
recherches arides, un de ces ouvrages faits,pour des siècles et que toute grande biblio-
doit posséder un jour ou l'autre.
thèque
On encore le nombre de volumes de cet ouvrage toutefois ]a collec-
ne peut prédire
tions a dès maintenant l'allure de ces grandes collections bénédictines que nous édi-
tons d'autre- Gallia ('ArMiatM H~Mit'e I.ttMrent'e de itt Ft't~ee, etc. etc.
part
mo!e stM s(<tt on de dix ou quinze volumes grand in-4°, sans aucune
peut parler
exagération*
Elle contiendra toute tes donnés liturgiques rentermées dans l'Ancien et le Nouveau
toutes celles se trouvent dans les Pères ou les écrivains
Testament, qui ecclésiastiques
les de jusqu'à Charlemagne, dans les conciles, dans
depuis origines l'Uglises
les inscriptions, enfin dans les ouvrages de toute nature du r" siècle au clôt la
)X*, qni
vraiment importante de l'histoire liturgique.
période
moaumeuts
De plus, elle'donnera place aux textes et aux liturgiques édités ou inédits
de toutes les grandes liturgies occidentales ou orientales, romaine, gallicane, celtique,
mozarabe, etc.
Do telle cette collect)on unique on aura sous la main une véritable
\(", sorte qu'avec
.B~t'otMstM Hiw~tOMe, a peu près tous les ouvrages que peut désirer l'historien,
;,)~théab~ ou le liturgisie, et dont l'acquisition aujourd'hui représenterait presque
~e~rtune;
.i~'t~~icvsn~A;s;blrauR, xuéNr~~$ ~~11~7`s~s ~f~

R~ucM immMiateet MjïMe~Mt~m~s


DE LA GRANDE COLLECTION BOLLANJMENNE
DES

ACTA SANCTORUM
Johannes Bollandus, Godefridus Henschen!us, etc.
SOCIETATIS JESU THEOLOGI

Cette œuvre colossale, aujc -rd'hui en grande partie épuisée, comporte deux séries
bien distinctes
LA pftEniERE sÉRiE, ou I'~dt<:ott d'Anvers, comporte 54 volumes in-folio d'environ
iOOO à i iOO pages chacun à 2 colonnes, avec gravures.
LA DEUX!NME sÉRM, œuvre des nouveaux boltandistes, comprend à ce jour M forts
volumes in-folio (tome II de novembre, et le Propy/a'Hm moMmofM, dernier
pars prio,
paru, y compris).
Entin une Table ~etterct~ ou Dictionnaire des 60 volumes desdits Acta
premiers
sanctorum des Bollandistes,
La collection complète de cette oeuvre vaut
incomparable aujourd'hui, Prop~~BMot
novembris co~rir.
3660 francs

et elle estintrouvable en librairie dans un état et parfait.


complet
Nous avons entrepris de reproduire immédiatement les 54 premiers volumes de la
première série, les volumes de la deuxième série étant encore en notre possession en
nombre, et nous offrons à toutes les personnes qui n'ont pu acquérir jusqu'ici cette
œuvre indispensable à toute bibliothèque sérieuse, sans doute parce qu'elle avait atteint
un prix pour la plupart inabordable, de souscrire à toute la collection
aujourd'hui
parue jusqu'à ce jour, soit 66 volumes m folio se vendant séparément 75 francs
chacun, au prix net et à forfait de
2400irancs

payable 35 ir. 75 par volume et seulement au fur et à mesure de la livraison. Tout


souscripteur recevra immédiatement au moins 30 volumes, tomes déjà disponibles.
Par continuation tout volume demandé isolément sera payé 75 francs.

AVIS IMPORTANT
Contre 2400 francs comptant les personnes qui désireraient posséder immédiatement
la collection entière recevront une des trente dernières collections encore en notre
possession, et l'envoi leur en sera fait aussitôt ~t jusqu'à épuisement de ce solde de
l'ancienne édition, sous engagement de notre de répond.'e favora-
par conséquent part
blement à toutes les demandes.

BULLETIN DE SOUSCRIPTION
Je soussigné_
demeurant à.
déclare souscrire à la collection entière des Acta Sanctornm des Bollandistes

offerte ce jour et devant être les soins de M. Arthur Savaète, éditeur


reproduite par
à Paris, 76, rue des Saints-Pères. Je les volumes seulement au fur et à mesure
payerai
de leur apparition et contre remboursement et à raison de 35 fr. 75 l'un, port à ma

charge.
Le_ –i90_.

SiCSATUttE t

~VOM. En décembre 1902 a Propytseum ad Acta Sanctorum


paru le
Novembres, qui prc~ )'aK~ et place dans la collection entre les .X~/f d'Octobre et 1
de Novembre avec le numéro C~0<M tenons a la disposition de nos CiMttM à
raison de 60 /rctttfM..Prtefe de contrôler la collection qu'on possède. Peu de collection
<ot!t complètes ~t il faut les mettre bientôt il sera trop lard.
à jour

SAINT-AMAND (Cher). Imprimerie BUSSIÊRE.


UnfortvoLin.f~io.PW~ 60 fr.
coKect/onentre <etomeMU d'0~to6)'eet 1
NOTACe<OM!epMMdp!sc9daMS/a
~oMt))<))'e,<tt)<x;<eN°<t'o)'etre<~Ms.
Nousavonsl'honneurd'offrira nos clientsle nouveauvolumedont vient de s'ac
croîtreta collectiondesActa Sanotorum, comprenantà ce jour 66volumesin-foUo
tablesgénéralescomprises.
Nousne serionspas étonnés~3 certainseussent,enouvrantce volume,uneimpres-
sibn de déception.La grandeprttccupationdu public lettré est de voir cette œuvre
avancerrapidement,e'est-a-diredj voir se succéder,à de biiefsintervalles,lesvolumes
nouveaux, de manièreà pouvoirespérerqu'onaurabientôtatteint)etermedu cyclede
l'année,<t par conséquentla nn de l'œuvre.Letome1 denovembrea paruen 1897,te
tomet! en 1894,et cesdeuxvolumesne comprenMent que quatrejoursdumoisde no-
vembre;encorelesecondattendun complément, dontl'apparitionest prochaine.Mais
le volumepubliéaujourd'huine fait pas faireun pas enavant.On n'y trouve pas de
commentaires, danste modetraditionnel,sur dessaints particuliers,maisUn recueil
générâtqui se présenteplutôt commeun instrumentde travail.
Celanest-il pasdénatureà fairenaîtreun soupçonfâcheuxal'adrfssede ]a généra-
tionactuelledu boUandisme ? Ne pourrait-onpas être tentéde lui demandersieUeest
bien,par son activitéet par sa capacitéde travati,à )a hauteurde sa tâche,si etiene
taissepasdéchoir,entreMs mains,ta réputationde ta grandeœuvredontelle a reçu
l'héritage!1
Des reprochesde ce ~enre ne nous seront pas adresséspar les lecteurs qui
connaissent les~4Ha~eto .Bo~tMtdMHo. ni par ceuxqui ont l'occasionde consulterle
doublerecueilqui portepour titre .Bt~t~Aëctt A~to~'rapAtC~ et j8~tot/<se~
~t*aec<t
AMyto~fttp/tMft /a<t't!ùt,et les Catalogues raisonnesdes manuscritshagiographiques des r~
bibliothèques pnNiques de Bruxelles,d eParis,duVaticanet ae tant d'autres.Ceux-là
ne se plaindrontpas de la lenteurapparentede la publicationdes Acta jS<Mtctor«w.
Hssaventqu'unproducteurne perdpas son tempset sa peine lorsqu'ils'appliqueà
renouvelerson outHIage,de manièreà réaliserpleinement,dansles oeuvresdesonart,
mesurede perfection renduepossiblepar le perfectionnement desprocèdesdetravail.
C'estcettetâchequeles bollandistes actuelsse sont particulièrement aa&ignée,à la
satisfactiondetousles érudits.
LePt'opy!~«m<Kt ~tchtSanoMfttXt moMw6)'M estconsacréauxSynaxaires grecs,c'est-
&direauxrecueilsd9Viesde saintsabrégées,pour touslesjours de l'année,en usage
di'.nsl'Eglisegrecque.
H existedansles bibliothèques de l'Europeetdel'Orientunemultitude d'exemplaires
lyaauuscrits de cessortesde recueils,dontlenombreet l'étendueavaientjusqu'icirebuté
r a critique.Maisil Mait bienuu jour en aborderl'étude, puisqu'onne voulaitpas
encn:erà s'enservirdansunefoulede questionsparticu!;eres.
H fattaitavanttout chercherà classerles principauxmanuscrits,ceuxdumoinsqut
so~taccessibles à la majoritédessavants.L'éditeurena choisiune cinquantaine,dis-
Ptersésdansles bibliothèques publiquesd'Allemagne, de France,d'Angleterre,d'Ita~e
< de Russie.Vu ta complexitéde ces collections,si disparatesentre elles, il s'est
<*éc~~à ~t classerpar compt-raison avecunexemplaire complet,convenablement choisi,
don</) a publiéle texteintégralement. Lechoixs'est fixé sur le SynaMireditdeSirmond.
Un syetenede sigleset d'extraitsa permisde donneruneidéede ta compositiond'un
bon nombred'autressynaxaires.
Le text~frrecdu S~tt<M;<tir< de StfHMMt! et desSyttCH'Mfe~ eAoMM occupeta princi-
palepartie du volume. L ésprolégomènes sontconsacrés Ma description
et auclassement
des manuscritset à la détermination des principalescatégoriesdes synaxaifeaet dea
Murées généralesde cescompilations.Dansles n"tes,placéesa la findu volume,
teur discutenn
l'édi- ?
certainnombrede difficultésrelativesà l'identificationdes saints de
chaquejour, et donne,lorsqu'ily a lieu. desindioationssurlessourcesspécialesd'un
bon nombredenoticesparticulières.Enfin,unetablealphabétique détailléede tuus les
nomsitropres–pre~de six mU'e–facilite l'usagede cette grande collection,hagio-
? graphique.
B Cettepublicationnesera passeulementbienreçuedesbyMntinistes.pourleaquelsIe
recueildes Yiesdé Saintsde unintérêt particulier,
;}. maisaussiet surtoutde ceuxl'Eglise de Constantinopje
qui se préoccupent de l'achèvement
présente de notreoeuTre.Ilsy'1
< fMMe)'o!tt,po)tt les )Ieo,xder)neM moisde l'année,qui manqaentencore &la colleo-
tiandes.Ao~S~K<!<o~<<t~,apêuprèstoutcequel~ cônngt sur unefoule sainte
ii~< 8recs;Joi)tles Mtesdéveloppés ne sont pointarrivés~usqu'a~nous,etdesratMergnefN~nts
?? utHes~swr presquetouslesautres.Je nr'ai besoind'ajouterqueles maMt~m~~mattta,
?? daM'eeypiume~ fpuie d'additMnsetdecorrectionsa)<&xMte-na4tt~\
~Ma~pubK~ '5.

'l',
en couleur
Otig!na<

NF Z 43-120-0

Vous aimerez peut-être aussi