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Cette supposition, cependant, ne nous fait faire qu'un pas pour achopper dès le
suivant, le plus important. Elle nous explique bien pourquoi un traumatisme
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premier cas, nous n'avons aucune raison d'admettre que l'enfant a été
complaisant. Dans le deuxième, on ne peut par contre pas le nier. Ces deux
groupes n'épuisent pas toutes les formes possibles ; lorsqu'un attentat sexuel a
lieu de façon inopinée, la personne qu'il atteint peut se conduire activement et se
défendre sérieusement ou se laisser aller. Alors il s'agit à nouveau de
complaisance, d'abandon de la part de la personne agressée. Selon une
expression usuelle du droit romain, je dirais volontiers qu'une telle personne
succombe à une vis haud ingrata.
La vis haud ingrata a attiré de tout temps l'intérêt des législateurs qui devaient
décider de la sanction de délits sexuels. Je me réfère, par exemple, à la loi
mosaïque qui l'a pleinement accréditée et je cite le Deutéronome, XXII, 22-27 :
« Quand une fille est promise et qu'un homme la rejoint en ville et couche avec
elle, vous devez les conduire tous deux hors des portes de la ville et les lapider à
mort ; la fille pour n'avoir pas appelé au secours en ville l'homme pour avoir
déshonoré la femme de son prochain. Ce qui est mauvais, tu dois le rejeter. Mais
si quelqu'un rejoint une fille promise dans les champs et se saisit d'elle et couche
avec elle, l'homme seul doit mourir : tu ne dois rien faire à la fille, car elle n'a
pas commis de péché qui mérite la mort. C'est comme si quelqu'un s'élevait
contre son prochain et tuait son âme. Car il l'a trouvée aux champs et la fille
promise a crié et personne qui puisse l'aider ne se trouvait là. »
« Une femme traîne devant le juge un homme qui aurait attenté violemment à
son honneur. Sancho la dédommage par une bourse pleine qu'il prend à l'accusé.
Après le départ de la femme, il permet à celui-ci de la rattraper et de lui arracher
la bourse. Ils reviennent en luttant et la femme se vante que le vaurien n'a pu se
saisir de la bourse. Alors Sancho : Si tu avais défendu ton honneur avec moitié
moins de vigueur que cette bourse, cet homme n'aurait pu t'en dépouiller. »
Bien entendu, ces exemples concernent des adultes ; mais nous aurons
l'occasion de constater que, dans ce domaine, il n'y a pas de différences entre
adultes et enfants.
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Il est remarquable qu'un enfant vive un épisode sexuel et qu'il le taise à ses
parents malgré l'émotion que cela a suscitée en lui. Un enfant, poursuivi et battu
par un autre, s'adresse en gémissant à sa mère. Je m'attends à l'objection faisant
état de la pruderie conventionnelle qui, conformément à son éducation,
empêcherait toute expression concernant la sexualité. Mais cette objection n'est
pas à toute épreuve. Un enfant saisi d'une forte émotion ne se soucie pas des
conventions. Enfin, et de loin, ce n'est pas là le comportement de tout enfant. Je
citerai deux exemples contradictoires.
Une tuyauterie doit être révisée dans une cave. Un ouvrier pénètre dans la
maison et demande les clés. Une locataire lui crie de descendre et qu'elle lui fera
porter la clé. Il descend et la petite fille de la femme arrive avec la clé. L'homme
va à la cave puis remonte. Dans la demi-obscurité de l'escalier, il trouve l'enfant
qui l'attend pour reprendre les clés. Avant qu'elle ne s'en aperçoive, l'homme
tente une action indécente. Effrayée, l'enfant se précipite jusque chez sa mère et
lui raconte ce qui vient de se passer. L'homme est poursuivi et arrêté.
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L'exemple inverse est tiré d'un cas publié antérieurement. Un voisin attire une
petite fille de neuf ans dans la forêt. Elle le suit sans résistance. Il essaie de la
violer. Il a presque ou entièrement atteint son but lorsqu'elle réussit à se libérer.
Elle fuit à la maison, mais ne raconte rien. Par la suite, elle continue à taire ce
qui s'est passé.
Le sentiment de culpabilité est très délié chez l'enfant. Une anecdote remontant
à la jeunesse d'une dame apporte une illustration intéressante au problème qui
nous préoccupe. Elle cherchait des fleurs avec une amie. Un étranger survint et
voulut les convaincre d'aller avec lui pour leur montrer des fleurs bien plus
jolies. Elles firent un bout de chemin avec lui. Puis elle eut des scrupules à
continuer ; elle se tourna brusquement et s'enfuit ; son amie en fit autant. Bien
que rien ne se fût produit entre l'homme et les deux enfants qu'une promenade
commune, cette dame se souvient parfaitement d'avoir éprouvé une honte à
parler de cela à la maison. Elle garda le secret à l'égard de sa famille et n'en
reparla jamais avec son amie. Un tel silence ne s'explique que par un sentiment
de faute ; visiblement, l'enfant a plus ou moins l'impression que la faute n'est
pas seulement du côté du tentateur, mais aussi du côté de celui qui se laisse
tenter.
C'est la recherche du plaisir liée à toute activité sexuelle qui la rend tentante.
Freud distingue dans tout acte sexuel le plaisir préliminaire et le plaisir de
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Si l'enfant se livre au traumatisme, c'est bien dans le but libidinal soit du plaisir
préliminaire, soit de la satisfaction. C'est là le secret de l’enflant. Ainsi
s'expliquent le sentiment de culpabilité de l'enfant et les autres conséquences
psychologiques qui suivent un traumatisme sexuel. Je ne peux que me référer ici
aux conceptions de Freud sur les phases précoces de la sexualité. Freud a détruit
la vieille fable de la latence sexuelle allant jusqu'à la puberté. Ses investigations
nous apprennent que les premières traces d'activité sexuelle apparaissent très tôt
et sont, pour un temps, auto-érotiques. Au stade suivant, l’enfant se tourne vers
« l'amour objectal » : l'objet sexuel ne doit pas nécessairement être de l'autre
sexe. À côté des émois hétérosexuels et homosexuels s'en expriment d'autres
encore qui ont un caractère sadique ou masochique. C'est pourquoi Freud parle
de stade pervers polymorphe. Ces émois précoces ne révèlent pas leur vraie
nature à la conscience de l'enfant. Ils tendent vers un certain but sexuel sans que
cette intention transparaisse pour l'enfant. C'est bien en ce sens que l'événement
sexuel est but sexuel pour l'enfant prédisposé à l'hystérie ou à la démence
précoce. L'enfant subit le traumatisme selon l'intention de son inconscient. Dans
ce cas le traumatisme sexuel fait partie des manifestations masochistes de la
pulsion sexuelle. C'est donc bien une forme infantile de l'activité sexuelle.
Il n'en est pas de même des enfants qui ont subi un traumatisme sexuel sans
avoir été au-devant de l'incident. Ces enfants peuvent s'exprimer librement ;
ainsi, ils n'ont pas à se débarrasser de réminiscences.
Freud nous a fait connaître d'autres mécanismes qui servent au même but que le
refoulement. Par exemple, la transposition des affects en représentations
indifférentes : cette façon de faire donne lieu aux symptômes obsessionnels. De
même que le refoulement, la transposition en représentations indifférentes existe
dans la démence précoce et dans les « névroses ». À cet égard, je rappellerai
pour mémoire les grossesses imaginaires de la démence précoce ; leur
psychogenèse est tout à fait celle des grossesses hystériques. Par ailleurs, dans
certains cas qui appartiennent clairement à la démence précoce du point de vue
diagnostique, les représentations obsessionnelles caractérisent le tableau
clinique. Deux modes d'expression du sentiment de culpabilité sexuelle sont
donc communs à l’hystérie et à la démence précoce. La démence précoce
dispose d'une troisième forme : l'élaboration d'un délire d'auto-accusation où la
culpabilité est transposée en représentations indifférentes. Je ne peux pas
prouver cliniquement, ici, que ces délires prennent leur source essentielle dans
des auto-accusations à contenu sexuel. Dans mon dernier travail j'ai mentionné
que bon nombre de patients relient tôt ou tard leur culpabilité délirante au fait
d'avoir manqué de sincérité pendant leur jeunesse - en cachant un événement
sexuel à leurs parents. Le sentiment de faute lié en réalité à l'acceptation sans
résistance d'un traumatisme sexuel est déplacé sur le « péché » bien moindre du
manque de sincérité. Il me semble que le mécanisme psychique du déplacement
sur une représentation moins chargée d'affects est proche parent de la
transposition qui est à la base des représentations obsédantes. Le résultat est
différent : ici la représentation obsédante, là la représentation délirante. Les
autres mécanismes comparables isolés par Freud servent à des buts semblables
et fie peuvent être qu'évoqués ici, par exemple le déplacement d'une sensation
génitale à la bouche si fréquent dans l'hystérie et la démence précoce (et du
reste, aussi, dans le rêve).
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On s'attendrait à ce que l'enfant brûlé craigne le feu, c'est-à-dire qu'il évitât cette
répétition d'un traumatisme sexuel, la possibilité même d'une telle éventualité,
surtout si l'événement a donné lieu, en plus du plaisir, à une douleur ou à
d'autres sentiments désagréables de façon directe ou indirecte. Mais c'est
l'inverse qui se produit. Les sujets qui ont subi un traumatisme sexuel où leur
disponibilité coupable est en cause, mais dont ils ont tiré un plaisir, ont tendance
à s'exposer à de telles situations. Le deuxième traumatisme qui peut survenir est
assimilé par l'inconscient au premier traumatisme refoulé. Le deuxième
traumatisme, ou un autre plus tardif, devient le facteur adjuvant qui rompt
l'équilibre psychique et la maladie éclate. Selon la prédisposition innée, il s'agira
d'une hystérie ou d'une démence précoce.
Une jeune fille de dix-neuf ans est renversée en plein jour, dans une rue
dégagée, par un soldat chevauchant au galop. Elle reste un court moment sans
connaissance, elle n'a subi aucun dommage physique grave. Peu après,
apparaissent les symptômes de ce que l'on appelle une névrose traumatique.
L'anamnèse nous apprend ce qui suit : depuis l'enfance, les impressions et les
expériences les plus diverses l'ont déprimée. Elle fut témoin de la rupture du
couple de ses parents. Lorsque ceux-ci divorcèrent, elle fut confiée à la garde de
sa mère. Mais elle n'éprouvait aucun attachement pour cette femme inculte, sans
délicatesse. Le père, par contre, qui avait une activité littéraire en dépit de sa
condition d'ouvrier, attirait toute sa sympathie. À douze ans, elle fuit de chez sa
mère et alla chez son père. Elle fut parmi les meilleures élèves et s'essaya
précocement à la poésie. Son désir d'être institutrice semble né de sa facilité, et
de plus de son engouement pour un maître. Mais comme le père ne disposait pas
des moyens de lui accorder des études à l'école normale, elle dut quitter l'école
jeune encore et accepter des places auxiliaires de bonne à tout faire. Elle se
sentait très malheureuse, ne pouvant satisfaire son appétit intellectuel, ni
rejoindre un milieu social plus élevé. Elle demeura un an et demi dans une
place. Puis elle essaya de parvenir à mieux en apprenant la sténographie et la
dactylographie. Mais ses moyens financiers s'épuisèrent avant qu'elle n'eût
atteint son but ; le travail qu'elle fit en usine ne lui plut pas à cause de la
compagnie des ouvrières incultes. Ses relations avec sa mère étaient devenues
très mauvaises depuis que la patiente la soupçonnait d'avoir conçu sa sœur au
cours d'une liaison avant son divorce. Elle était complètement isolée, car le père
s'occupait peu d'elle ; elle était contrainte de vivre dans un emploi haï, dans un
milieu social détesté. La sœur cadette, que la patiente aidait financièrement pour
lui permettre d'apprendre un métier, se montra ingrate. Toutes ces circonstances,
plus, vraisemblablement, un amour malheureux, la déprimèrent au point de lui
enlever tout goût de vivre. Peu de temps avant l'accident, elle avait écrit des
poèmes exprimant sa lassitude de la vie. C'est alors que se produisit l'accident.
Lorsqu'une personne a perdu tout goût à la vie - et pense à mourir plutôt qu'à
vivre de cette façon - et lorsque se produit un accident dans des circonstances
n'excluant pas le salut par la fuite, il est vraisemblable qu'il s'agit d'une intention
inconsciente de suicide. La jeune fille ne s'est pas précipitée sous les pas du
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cheval, ce serait un suicide conscient, elle n'a pas trouvé le moyen de l'éviter.
Freud a déjà donné cette explication dans des cas similaires de suicide ou de
tentative de suicide qui peuvent passer pour un accident. Il est remarquable que
l'état de la patiente s'améliora lorsqu'on lui trouva une occupation allant dans le
sens de son complexe, et qu'on s'inquiéta de lui trouver une position meilleure.
L'histoire de l'accident d'une dame atteinte de démence précoce révèle bien les
voies bizarres et pourtant opportunes que l'inconscient emprunte pour atteindre
ses fins. La patiente exprimait surtout des accusations délirantes, reposant sur
une masturbation longuement poursuivie. Elle m'apprit que la masturbation
remontait à un accident qui lui était arrivé plusieurs années auparavant. Alors
qu'elle avait dérapé, sa zone génitale avait heurté le coin d'une table. À la façon
dont elle racontait l'événement, le mécanisme de l'accident ne pouvait se
concevoir qu'en admettant une intention inconsciente. Vraisemblablement, la
malade éprouvait une excitation sexuelle qu'elle ne pouvait pas satisfaire de
façon normale. Elle luttait contre la tentation de se masturber. Ce que la
conscience lui interdisait, elle se l'était procuré par les voies inconscientes que
nous avons décrites.
Une autre patiente avait depuis l'enfance une prédilection marquée pour son
frère. Adulte, elle jaugeait tout homme à l'étalon des qualités de son frère. Elle
s'éprit d'un autre homme, mais cet amour eut une issue malheureuse. Peu après,
alors qu'elle était encore bien déprimée, sa maladresse au cours d'une excursion
en montagne l'a mis deux fois en grand danger. Cette double chute chez une
touriste avertie, en des lieux non dangereux, resta un mystère pour l'entourage.
Plus tard, on apprit qu'alors, déjà, elle imaginait des plans de suicide. Depuis cet
amour infortuné, sa préférence revint à son frère qui se fiança peu après. Elle
développa alors une démence précoce. Cette maladie s'était probablement
installée insidieusement. Au cours de l'état dépressif initial, elle tenta de se jeter
par la fenêtre - dans un mouvement semblable à ses chutes en montagne. À la
clinique, son état s'améliora très lentement. Enfin, elle put se promener sous
surveillante dans le parc. On y creusait un canal. Elle franchissait sur des
planches un fossé qu'elle aurait pu sauter facilement. À cette époque, elle apprit
la date du mariage de son frère. Elle parlait constamment de cette cérémonie. La
veille de ce jour, elle n'utilisa pas le pont, mais sauta le fossé si maladroitement
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De tels événements apparaissent sous un jour nouveau pour peu qu'on connaisse
les faits antérieurs et le cortège des circonstances. Plus on soumet de tels
incidents à l'analyse psychologique, plus on apprend à estimer le rôle de « la
volonté de l'inconscient ». Bien entendu, il n'est pas possible de tracer une
frontière stricte entre les intentions inconscientes et conscientes.
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Grâce à l'analyse des rêves chez les sujets sains, névrosés ou malades mentaux,
grâce aux symptômes de l'hystérie et de la démence précoce, nous disposons
d'une série d'observations chez l'adulte comme chez l'enfant. Nous en concluons
qu'il existe souvent une intention inconsciente du côté du partenaire
apparemment passif au cours des traumatismes sexuels, spécialement des
traumatismes infantiles, de même qu'au cours d'autres traumatismes.
C'est à une sexualité déjà anormale dans l'enfance que nous avons ramené la
réceptivité anormale aux traumatismes sexuels qui caractérise la jeunesse des
sujets candidats à une hystérie ou à une démence précoce. Ce comportement
nous est apparu comme une forme anormale d'activité sexuelle infantile. La
théorie freudienne initiale s'en trouve modifiée. Ce n'est pas le traumatisme
sexuel infantile qui joue un rôle étiologique dans l'hystérie et la démence
précoce. C'est bien plutôt la disposition à la névrose ou à la psychose ultérieure
qui se manifeste dès l'enfance sous cette forme : la tendance à subir des
traumatismes sexuels. La signification étiologique du traumatisme sexuel est
remplacée par sa signification structurante. Nous concevons ainsi comment le
traumatisme sexuel peut imprimer une direction au développement de la
maladie et une physionomie individuelle à certains symptômes.
Post-scriptum 1920
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L'écrit ci-dessus, datant de 1907, contient bien des erreurs sur les conceptions de
Freud. L'auteur commençait alors à s'initier au mode de pensée de la
psychanalyse. Cette remarque générale lui paraît plus juste qu'une correction
rétrospective, d'autant plus que les résultats de l'investigation ne sont pas
influencés par ces erreurs.
5 Mentionnons, à cet égard, les rêves de jeunes filles et de femmes en bonne santé où
elles se font transpercer ou assassiner par l'homme. Freud nous a appris à reconnaître là
une représentation symbolique de désirs sexuels. Dans le rêve, l'homme à le rôle de
l'agresseur, le rêveur un rôle passif. La femme n'est même pas responsable de l'acte sexuel
symbolique.
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