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Institut National des Langues et Civilisations Orientales

Etudes Arabes

LE PARLER ARABE DE TRIPOLI (LIBYE) :


PHONOLOGIE, MORPHOSYNTAXE
ET CATEGORIES GRAMMATICALES

Thèse de Doctorat en Sciences du Langage


par Christophe PEREIRA

Sous la direction de Dominique CAUBET


Professeur des Universités
Arabe Maghrébin
INALCO

2008
grand--mères
A mes grand
Às minhas avós Maria e Alice

nəhdi hhādī
ādī--r-rīsāla li ddəkr
ādī əkrāā-ḥn
əkr ḥnānī
ānī--ya zz--zōz,
ānī
əlli ḍḍūūṛūf
ūf--hum mā
mā--xəll
əllāt
āt--hum
āt hum--š yyətԑəllmu
ətԑəllmu lələ--gṛāya u lləə-ktība
REMERCIEMENTS

Je tiens, tout d’abord, à remercier ma directrice de recherche, Dominique CAUBET, pour


son aide, ses conseils et les connaissances qu’elle m’a transmises. Je tiens également à
remercier Jérôme LENTIN pour ses judicieux conseils et remarques, ainsi que Patrice
POGNAN pour son soutien, son aide et sa gentillesse.

J’exprime ma reconnaissance à tous mes informateurs et amis libyens, pour toute leur
aide, pour avoir passé de nombreuses heures à répondre à mes questions. Un très grand
merci à Adnan qui est venu à Paris à deux reprises pour m’aider pendant la rédaction de
ma thèse.

Je remercie tout ceux qui m’ont aidé à élaborer ce travail et plus particulièrement
Alexandrine BARONTINI, qui a accepté de relire cette thèse au fur et à mesure et qui m’a
fait part de ses remarques et suggestions, ainsi que Christine VASCO. Je remercie
Ahmed EL HABIB, Ali MOUHOUB et Khaled OULD-KACI pour m’avoir aidé à transcrire
une partie de mon corpus.

Je remercie tous les amis qui m’ont accompagné et soutenu pendant la rédaction de
cette thèse.

Je remercie ma famille pour son soutien. Merci Hugo.

Enfin, je remercie tous les organismes qui m’ont aidé pendant mes recherches.

J’ai, en effet, pu mener à bien ce travail de thèse grâce à l’obtention de plusieurs


financements, mais surtout grâce à une allocation de recherche que j’ai obtenue en
octobre 2002 pour une durée de trois ans.

Mon premier voyage à Tripoli, en novembre 2002 a été, en partie, financé par mon
équipe de recherche, le Centre de Recherche et d’Études en Arabe Maghrébin
(CRÉAM, INALCO). Ensuite, l’obtention d’une aide au voyage de l’Ecole Doctorale de
l’INALCO m’a permis d’effectuer mon deuxième séjour, en février 2005. Enfin, pour
mon troisième séjour, en novembre 2006, j’ai bénéficié d’une aide à la mobilité
internationale Aires Culturelles du Ministère délégué à la Recherche.

Depuis que j’ai débuté mes recherches sur l’arabe libyen, j’ai également obtenu trois
allocations de courte durée de l’Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain
(IRMC, Tunis), qui m’ont permis de séjourner à Tunis, pendant trois semaines, en
octobre 2001, septembre 2004 et octobre 2006, où j’ai pu effectuer d’importantes
recherches bibliographiques, notamment à l’Institut des Belles Lettres Arabes (IBLA).
MEMBRES DU JURY

Dominique CAUBET (directrice de thèse)


Professeur des Universités
INALCO, Paris (France)

Jérôme LENTIN
Professeur des Universités
INALCO, Paris (France)

Catherine MILLER (Rapporteur)


Chargé de recherche au CNRS
IREMAM, Aix-en-Provence (France)

Patrice POGNAN
Professeur des Universités
INALCO, Paris (France)

Manfred WOIDICH (Rapporteur)


Professeur des Universités
Université d’Amsterdam (Pays-Bas)
SIGLES ET ABREVIATIONS

// transcription phonologique
[] transcription phonétique
√ racine
C consonne
C̣ consonne emphatique
v voyelle brève
v̄ voyelle longue
v̆ voyelle ultra-brève
> devient
< vient de
~ alterne avec
Ø morphème zéro
M. masculin
F. féminin
SG. singulier
PL. pluriel
1 première personne
2 deuxième personne
3 troisième personne
INTRODUCTION

Mes recherches sur l’arabe de Tripoli ont été initiées en octobre 2000, lorsque j’ai
proposé à ma directrice de recherche, Dominique CAUBET, de préparer un mémoire de
maîtrise sur les parlers arabes de Libye. Ce qui a motivé ce choix, c’est que j’entamais
une cinquième année d’études à l’Institut National des Langues et Civilisations
Orientales, à Paris, en arabe maghrébin, sans avoir jamais appris d’arabe libyen, alors
que les autres parlers arabes du Maghreb y sont enseignés (l’arabe ôassānīya de
Mauritanie, l’arabe marocain, l’arabe algérien, l’arabe tunisien, ainsi que le maltais). Or,
la Libye fait aussi partie du Maghreb, non seulement d’un point de vue géographique,
mais aussi d’un point de vue linguistique 1 ; en effet, la frontière entre les parlers arabes
maghrébins et les parlers arabes orientaux se situe en Egypte 2. J’étais donc curieux de
savoir ce qu’était l’arabe de Libye et j’ai eu envie, à ce moment-là, de consacrer mon
premier travail de recherche à l’étude d’un de ses parlers 3.

Mon travail de maîtrise a été d’effectuer la synthèse de documents qui traitent du parler
arabe de Tripoli, de réaliser un état des lieux d’après ces publications, en m’appuyant
sur un questionnaire de dialectologie du Maghreb élaboré par Dominique CAUBET 4.
J’ai également analysé ce parler en le comparant avec plusieurs parlers arabes
maghrébins de type bédouin 5. Pour ce travail de maîtrise, je me suis concentré sur la
Tripolitaine pour rédiger une étude de référence à partir des documents qui étaient
publiés.

Les parlers arabes de Libye ont été très peu étudiés et il m’a semblé urgent et important
de remettre l’arabe libyen à l’ordre du jour et de poursuivre l’étude de ces parlers. En
effet, en ce qui concerne la Tripolitaine, les principaux ouvrages ont été publiées entre
1894 et 1939 ; il s’agit des études de Hans STUMME (1894 et 1898), d’Eugenio
GRIFFINI (1911), d’Alfredo TROMBETTI (1912) et d’Antonio CESÀRO (1939). En ce qui
concerne la Cyrénaïque, il s’agit des travaux d’Elpidio IANNOTTA (1933), de Torquato
CUROTTI (1933), d’Ester PANETTA (1943) et de Jonathan OWENS (1984). Plus
récemment, en 2001, des documents qui concernent les parlers du Fezzân, appartenant à
William et à Philippe MARÇAIS, ont été édités. En 2004, Jean-Loïc LE QUELLEC a
publié une méthode d’arabe libyen. Enfin, la phonologie et la morphologie du parler des
Juifs de Tripoli ont été décrites par Sumikazu YODA (2005), qui a effectué des enquêtes
linguistiques en Israël, auprès de personnes originaires de Tripoli.

Depuis que j’ai initié mes recherches sur l’arabe libyen, j’ai toujours tenté d’obtenir les
documents qui s’y rapportent ; la bibliographie sur l'arabe libyen que j'ai constituée
depuis 2000, comporte actuellement 150 références, dont j'ai réussi à acquérir près de
90 % des titres. Certains de ces documents sont rares. J’ai notamment acheté chez des
antiquaires, en Italie, plusieurs livres, publiés pendant l’occupation italienne de la
Libye.

1
Voir Ph. MARÇAIS 1977 : V.
2
Voir BEHNSTEDT 1998.
3
Voir PEREIRA 2001 et PEREIRA 2003.
4
Voir CAUBET 2001.
5
Voir W. MARÇAIS 1951 et Ph. MARÇAIS 1957.

1
Le terrain libyen

J’ai, dès le début de mes recherches, été confronté à la difficulté d’obtenir un visa et
d’accéder au terrain libyen. L’obtention de mes deux premiers visas a été extrêmement
lente et difficile. Alors que j’ai commencé à étudier l’arabe libyen en octobre 2000, je
n’ai eu la possibilité d’aller en Libye pour la première fois qu’en novembre 2002, invité
par l’Institut Culturel Français de Tripoli. A l’institut, j’ai très rapidement rencontré des
jeunes Tripolitains, qui sont devenus mes amis et mes informateurs et j’ai pu
commencer mes enquêtes de terrain. J’ai, ensuite, eu l’opportunité de rejoindre, en
septembre 2003, un de mes informateurs à Gênes, en Italie, pendant dix jours et j’ai pu
ainsi effectuer des enregistrements et poursuivre mes recherches. Je n’ai pu retourner en
Libye, une deuxième fois, qu’en février 2005, grâce à l’aide de mes amis, et c’est à ce
moment-là que j’ai véritablement obtenu un corpus assez consistant pour initier mon
travail de thèse. En janvier 2006, j’ai commencé la rédaction de ma thèse de doctorat et,
depuis, j’ai eu l’opportunité de retourner à Tripoli en novembre 2006.

J’ai été confronté à de grandes difficultés d’accès au terrain, mais j’ai eu la chance, dès
mon premier voyage à Tripoli, de rencontrer des informateurs qui sont devenus des
amis et qui m’ont présenté à leurs amis. Depuis, ils m’accompagnent dans ce travail, en
m’apportant leur aide constante. Ils m’ont accueilli au sein de leur groupe, m’ont fait
partager leur vie, m’autorisant à les enregistrer et ils n’ont jamais cessé de m’aider. J’ai
pu, grâce à eux, avec eux, non seulement étudier le parler arabe de Tripoli – leur langue
maternelle – mais aussi apprendre à vivre comme eux, à leur rythme, dans une ville et
une culture que je découvrais en même temps que sa langue. Je me suis ainsi retrouvé
dans une situation idéale pour réaliser mes enquêtes de terrain. De plus, lorsque j’étais à
Paris, ils ont toujours accepté de répondre aux questions que je leur ai posées par e-mail,
sur le chat ou au téléphone. Un de mes informateurs est même venu à Paris, à deux
reprises, pour m’aider pendant la rédaction de ma thèse.

La thèse de doctorat que je présente aujourd’hui est donc l’aboutissement de huit années
de recherches sur l’arabe de Tripoli et sur l’arabe de Libye. C’est la langue maternelle
de mes amis tripolitains que je décris.

Le choix du sujet et le cadre théorique

Ce travail de thèse de doctorat est une description du parler arabe de Tripoli qui se
divise en deux grandes parties : une partie concernant la phonologie, la morphologie et
la morphosyntaxe, puis une partie concernant les catégories grammaticales.

La première partie se présente sous la forme d’une grammaire. Dans la partie


phonologie, j’ai décrit tous les phonèmes vocaliques et consonantiques, ainsi que toutes
leurs réalisations phonétiques. J’ai également traité de la structure syllabique et de
l’accent. Dans la partie morphologie, j’ai décrit la morphologie verbale et la
morphologie nominale. En ce qui concerne la morphologie verbale, les schèmes de tous
les types de verbes, à toutes les formes, ont été examinés. Pour la morphologie
nominale, j’ai décrit les schèmes de singulier, de pluriel et de diminutif, mais j’ai
également étudié le genre, le nombre et les degrés du nom ; de plus, une partie a été
consacrée à l’étude des noms de nombre. Pour les autres parties du discours, il s’agit
d’un travail de morphosyntaxe, où l’analyse des marqueurs est étayée par de très
nombreux exemples. J’ai étudié les adverbes (de temps, de lieu, de manière, de quantité

2
et de qualité, d’affirmation et de négation), les conjonctions de coordination et de
subordination, les prépositions, les pronoms personnels, les interrogatifs, les
démonstratifs, les relatifs et les indéfinis. De plus, j’ai examiné l’expression de la
possession.

Ce travail se situe dans la lignée de la dialectologie comparée du Maghreb. La


description se base sur les classifications linguistiques des parlers arabes maghrébins,
élaborées par Jean CANTINEAU (1936, 1938, 1939, 1940, 1941 et 1960), Georges-
Séraphin COLIN (1937), William MARÇAIS (1950) et Philippe MARÇAIS (1957 et 1977).
De plus, cette étude a été effectuée en comparaison avec plusieurs descriptions de
parlers arabes maghrébins ; la bibliographie mentionne tous les documents utilisés, mais
on en citera ici quelques uns : pour la Mauritanie, David COHEN 1963 ; pour le Maroc,
STILLMAN 1988 (Juifs de Sefrou), CAUBET 1993 (Fès), AGUADÉ & ELYAACOUBI 1995
(Skoura), VICENTE 2000 (Anjra), MOSCOSO 2003 (Chaouen) ; Pour l’Algérie, William
MARÇAIS 1902 (Tlemcen) et 1908 (Saïda), Marcel COHEN 1912 (Juifs d’Alger),
Philippe MARÇAIS 1947 (Bou-Saâda) et 1952 (Djidjelli), GRAND’HENRY 1972
(Cherchell) et 1976 (Mzab), ainsi que BOUCHERIT 2002 (Alger) ; pour la Tunisie,
STUMME 1896 (Tunis), MARÇAIS & FARÈS 1931, 1932 et 1933 (Gabès), MARÇAIS &
GUÎGA 1925, 1958, 1959, 1960 et 1961 (Takroûna), BORIS 1951 (Nefzaoua) et 1958
(Marazig), David COHEN 1975 (Juifs de Tunis), TALMOUDI 1980 (Sousse), SAADA
1984 (Tozeur) ; Pour Malte, VANHOVE 1993.

La deuxième partie est consacrée aux catégories grammaticales et elle traite plutôt de
questions de linguistique générale. On étudie les catégories de la modalité et de l’aspect
verbal. L’étude de la modalité est effectuée dans le cadre d’une théorie de l’énonciation,
élaborée par Antoine CULIOLI (1976, 1984, 1990 et 1999). Elle s’inspire largement de
l’analyse fournie par BOUSCAREN & CHUQUET (1987) pour l’anglais et de celle qu’a
réalisée Dominique CAUBET (1993) pour l’arabe marocain, qui rappelle qu’il s’agit
« d’une linguistique qui met au premier plan l’ancrage des énoncés dans la situation
d’énonciation, avec ses deux coordonnées, le sujet énonciateur et le moment de
l’énonciation » (CAUBET 1989 : 28). Il s’agit, en effet, d’une linguistique qui étudie les
langues en situation. Quant à l’étude de l’aspect verbal, elle s’appuie sur les travaux de
Marcel COHEN (1924) et de David COHEN (1984 et 1989), sur l’ensemble du
sémitique ; j’ai également consulté le travail de typologie des aspects verbaux de
Nicolas TOURNADRE (2004).

Au niveau linguistique, les parlers arabes de Libye font partie de l’ensemble des parlers
dits maghrébins, mais lorsqu’on étudie les parlers arabes de Libye, du fait de sa
situation géographique – à l’extrême Est du Maghreb – il faut élargir l’analyse
comparative aux parlers égyptiens et aux parlers de l’aire tchado-soudanaise. Pour ce
faire, j’ai systématiquement consulté, pour ce qui concerne les parlers égyptiens, les
travaux de TOMICHE 1964, WOIDICH 2006 (Le Caire), ainsi que DROP & WOIDICH
2007 (ilBaôariyya) ; j’ai également consulté ROTH 1979 (Abbéché), ZELTNER &
TOURNEUX 1986 (Ulâd Eli) et JULLIEN DE POMMEROL 2000, pour les parlers du
Tchad ; puis, la thèse de MUSTAPHA (1986), ainsi que l’article d’AHMED & MILLER
(1986) pour les parlers soudanais.

3
La méthode de travail

Pour ce travail de thèse, j’ai effectué différents types d’enquêtes linguistiques, en


fonction de mes séjours sur le terrain.

Lors de mon premier voyage à Tripoli, en novembre 2002, j’ai réalisé des
enregistrements de conversations à bâtons rompus d’une durée de trois heures, mais j’ai
surtout enquêté au moyen du questionnaire de dialectologie du Maghreb élaboré par
Dominique CAUBET, qui m’a permis d’avoir un canevas pour débuter mon étude. Ce
séjour initial m’a surtout permis de rencontrer mes premiers informateurs et de me
familiariser avec mon terrain d’enquête.

Mon voyage à Gênes, en septembre 2003, a duré dix jours et m’a permis de retrouver un
de mes informateurs que j’ai enregistré. Il a produit trois monologues d’environs quinze
minutes chacun, que j’ai transcrits et traduits sur place avec lui.

Mon deuxième séjour à Tripoli, en février 2005, a surtout été consacré à


l’enregistrement de corpus ; j’ai obtenu à peu près quatre-vingt heures de conversations
à bâtons rompus. C’est un corpus très important, dont j’ai transcris une partie ; je l’ai
surtout écouté tout au long de la rédaction de cette thèse, pour sélectionner les exemples
et les énoncés qui étayent tous les points qui sont traités.

Mon troisième et dernier séjour à Tripoli a été effectué en novembre 2006. Ce séjour
m’a permis de démarrer l’étude de l’expression des modalités. J’ai notamment préparé
un questionnaire de départ, basé sur l’étude de Dominique CAUBET pour le Maroc et sur
celle de Martine VANHOVE pour le maltais, dont je me suis inspiré afin d’orienter les
énoncés de mes informateurs.

Pendant chacun de mes séjours à Tripoli, je prenais constamment des notes au vol dans
les conversations de la vie quotidienne. J’avais toujours un carnet sur moi, sur lequel
j’ai noté du vocabulaire, des expressions, des proverbes, des comptines, des anecdotes,
des blagues, etc. Cette prise de note au vol m’a permis d’obtenir de nombreux énoncés
produits de façon naturelle. Cela a été possible parce que j’ai été intégré au sein de mon
groupe d’amis, qui ont compris quelle était ma recherche et qui m’ont accordé leur
confiance.

De plus, mon informateur principal est venu à Paris, pendant dix jours en juin 2007 et
en mai 2008. Avec lui, j’ai relu toute la thèse et nous avons vérifié ensemble tous les
énoncés et tous les exemples cités dans cette étude.

Tout au long de ce travail, j’ai effectué des vérifications et j’ai obtenu la réponse à de
nombreuses questions, en communicant avec mes informateurs par e-mail, par textos,
sur le chat et lors de conversations téléphoniques.

Les informateurs

Il me reste à présenter mes informateurs tripolitains sans qui ce travail n’aurait pas pu
être réalisé. Je commencerai par mon informateur principal.

4
ԑədnān « kāska » est né à Dublin, en Irlande, en 1978, où il a habité jusqu’à l’âge de
deux ans. Il a ensuite vécu en Ecosse, jusqu’à l’âge de six ans, où il a été scolarisé la
première année de l’école primaire (1984-1985). En1985, lorsqu’il avait six ans, ses
parents décident de retourner en Libye. Ils vivent depuis, dans un quartier situé à l’Est
de Tripoli : sūg-əž-žumεa. A Tripoli, il a fréquenté l’école de sūg-əž-žumεa pendant trois
ans, jusqu’en 1988, puis l’école de tāžūra, jusqu’à son entrée à l’Université en 1996. Il a
ensuite fait des études d’ingénieur, à l’université əl-fātaô de Tripoli, de 1996 à 2001. En
novembre 2001, il a obtenu un diplôme d’ingénieur en énergie mécanique. Ensuite,
entre 2001 et 2003, il a voyagé (en Slovaquie, République Tchèque, Irlande et Grande
Bretagne). Il est retourné à Tripoli en 2003, où il a enseigné les mathématiques et les
sciences physiques au lycée. Depuis 2004, il travaille comme ingénieur pétrophysique
en Libye et il vit entre Tripoli et des champs pétrolifères du désert libyen. Bien qu’il ait
parlé anglais lorsqu’il était tout petit, ԑədnān considère que sa langue maternelle est
l’arabe de Tripoli. Il dit qu’il parle °üābəlsi, qu’il nomme lui-même en anglais
Tripolitanian. Il précise que, lorsqu’il était petit et qu’il vivait en Ecosse avec sa
famille, sa mère lui apprenait, par ailleurs, l’arabe littéral. ԑədnān connaît plusieurs
langues : l’arabe de Tripoli, l’arabe littéral et l’anglais. Il a également suivi des cours de
français à l’Institut Culturel Français de Tripoli, à raison d’un mois par an pendant trois
ans, entre 2002 et 2005. Par ailleurs, il va souvent (plusieurs mois par an) faire des
formations en ingénierie aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, qui lui permettent de
pratiquer la langue anglaise et d’approfondir ses connaissances en anglais. ԑədnān est
l’aîné d’une fratrie de sept enfants composée de quatre garçons et trois filles. Ses deux
frères jumeaux ḥasan et ḥusēn, ainsi que sa sœur fūzīya sont également nés en Ecosse ;
ses deux autres sœurs et son petit frère sont nés à Tripoli. Son père est né en 1947 à sūg-
əž-žumεa (Tripoli). A Tripoli, il a obtenu un diplôme en aéronautique. Il est allé, après
son mariage, approfondir sa formation en Ecosse, pour devenir ingénieur en
aéronautique. De retour en Libye, il a travaillé, jusqu’à sa retraite, pour la compagnie
aérienne Libyan Arab Airlines. Il parle l’arabe de Tripoli, l’arabe littéral, l’anglais et
connaît un peu le français. Sa mère est née en 1956 dans l’ancienne médina de Tripoli.
Elle a étudié à Tripoli, où elle est devenue professeur de mathématiques 6. Lorsqu’elle
était en Ecosse, elle enseignait l’arabe littéral. Elle a également enseigné le français à
Tripoli, avant l’interdiction de l’enseignement des langues étrangères dans les écoles
publiques, en 1984. Elle parle l’arabe de Tripoli, l’arabe littéral, l’anglais et le français.

nīzāṛ « nīzzu » est né à Tripoli en 1977. Il a fait toute sa scolarité à Tripoli : de 1984 à
1989, il a fréquenté l’école primaire aḍ-ḍamān ; de 1989 à 1992, il est allé au collège ԑli
ḥaydar as-sāԑāti ; de 1992 à 1995, il était inscrit au lycée ԑli wrīyət ; puis de 1995 à
2000, il a étudié à l’université al-fātaô. A l’université, il a étudié l’ingénierie
informatique. Il a toujours vécu à Tripoli : jusqu’en 1990, il a vécu dans le quartier ḥay
dimašq et depuis 1990, il vit dans le centre ville de Tripoli. Actuellement, à l’instar de
ԑədnān, il travaille comme ingénieur pétrophysique en Libye et il vit entre Tripoli et des
champs pétrolifères du désert libyen. A la maison, ils parlent en arabe libyen, qu’il
nomme lui-même en anglais Libyan Arabic, mais il préfère le terme εəübi sans adjectif
pour désigner la langue qu’il utilise quotidiennement. nīzāṛ connaît plusieurs langues :
l’arabe de Tripoli, l’arabe littéral et l’anglais. Il a également suivi des cours de français
6
A Tripoli, les mathématiques sont enseignées en arabe littéral.

5
à l’Institut Culturel Français de Tripoli et il comprend le berbère. nīzāṛ est l’aîné d’une
fratrie de quatre enfants. Il a trois sœurs, nées en 1979, 1982 et 1983. Ses deux parents
sont nés en 1946. Ils ont fait des études d’ingénieurs à l’Université de Tripoli.
Actuellement, son père est ‘manager’ à l’Institut libyen pour le pétrole et sa mère est
femme au foyer. Ses parents parlent anglais ; sa mère parle également le berbère (qu’il
nomme amaziāīya).

nāfəԑ « əd-drīԑ » est né à Tripoli en 1977. Il a fréquenté le lycée de sūg-əž-žumԑa.


Ensuite, il a fait une année de médecine. En 1995, il s’est réorienté et a commencé des
études en ingénierie civile. Il a obtenu son diplôme d’ingénieur en 2002. nāfəԑ vit
actuellement à sūg-əž-žumԑa. Après sa naissance, ses parents sont allés vivre à Denver,
aux Etats-Unis, pendant quatre ans, où son père a préparé un doctorat en
psychosociologie. nāfəԑ travaille pour la municipalité de Tripoli, où est ingénieur de
projet, mais il est actuellement à Leeds (Grande-Bretagne), où il prépare un master en
ingénierie civile. nāfəԑ a une grande sœur et un petit frère ; sa grande sœur est dentiste,
son petit frère est médecin et le cadet de ses frères travaille en freelance. Son père a été
le ministre libyen de la jeunesse ; actuellement, il travaille pour le ministère des habous
et des affaires islamiques. Sa mère est femme au foyer. Son père parle l’arabe de
Tripoli, l’arabe littéral, l’anglais et le français ; sa mère parle l’arabe de Tripoli, l’arabe
littéral et l’anglais. Quant à nāfəԑ, sa langue maternelle est l’arabe de Tripoli, mais il
connaît également l’arabe littéral, l’anglais et le français qu’il a appris pendant deux ans
à l’Institut Culturel Français de Tripoli.

ṛābīԑ « ṛbēyəԑ » est né à Tripoli en 1977, où il a toujours vécu. Il a fréquenté l’école


primaire al- ḥ ižāzi al- ԑ angūdi de 1982 à 1988, le collège zahrat-al-fāta ḥ de 1989
à 1992, le lycée ԑli wrayyat de 1993 à 1996, puis l’Institut d’aviation civile et de
météorologie, où il a fait une partie de ses études supérieures, de 2004 à 2007.
Il a, par la suite, obtenu un diplôme d’ingénieur en informatique. A Tripoli, sa
famille vit à trīg-as-sōr. Actuellement, ṛābīԑ travaille pour un fournisseur de
services pétroliers et vit également entre le désert libyen et Tripoli. Il parle
arabe, qu’il nomme en anglais Arabic et connaît l’anglais. ṛābīԑ a quatre frères
et six sœurs. Son père est né en 1922 et sa mère en 1938. Ses parents ont été
scolarisés en italien à Tripoli et parlent l’italien et l’arabe.

muḥyī-d-dīn « muḥi » est né à Tripoli en 1977. Il est allé au lycée à sūg-əž-žumԑa. Il a


ensuite étudié la programmation informatique à la faculté de sciences de l’Université al-
fātaḥ de Tripoli. Depuis 2005, il travaille à Tripoli pour un fournisseur de services
pétroliers, pour qui il planifie, exécute et contrôle les opérations de la chaîne
d’approvisionnement. Son grand frère, ṭāṛəq, est ingénieur en mécanique et travaille
également pour un fournisseur en services pétroliers ; il a également été mis à
contribution dans mes enquêtes. Il a également une petite sœur qui était comptable de
l’université al-fātaḥ ; elle est actuellement femme au foyer et vit à Benghazi avec son
mari. Avant de prendre sa retraite, son père était commerçant de tissus. Sa mère est
responsable de la garderie des enfants du personnel de l’université al-fātaḥ de Tripoli,

6
où elle enseigne également l’anglais et l’informatique. muḥyī-d-dīn parle l’arabe de
Tripoli, l’arabe de Derna, l’arabe littéral et l’anglais. En effet, bien qu’il soit né et qu’il
ait toujours vécu à tripoli, il connaît également le parler arabe de Derna, ville côtière de
l’Est libyen, d’où sont originaires ses parents.

həytəm est né à Tripoli en 1980, où il a fait des études supérieures en économie. Il est
allé en Ecosse, pendant une année, en 2005, où il a obtenu un diplôme supérieur en
marketing international. Son père, âgé de 72 ans, est né à Misurata. Il est linguiste,
polyglotte. Il a obtenu un doctorat de philosophie. Il effectue actuellement des
recherches sur l’égyptien ancien et sur l’akkadien. Il est, par ailleurs, secrétaire général
de l’académie d’arabe de Libye. Sa mère est née dans la médina de Tripoli. Elle était
professeur de mathématiques, mais elle est actuellement institutrice dans une école
maternelle. həytəm parle l’arabe de Tripoli, l’arabe littéral, l’anglais et le français qu’il a
appris à l’Institut Culturel Français de Tripoli.

ԑli est né en 1985 à Tripoli. Ses parents sont originaires de Zantan, mais ils sont nés à
Tripoli. Il est étudiant en 6e année au département de français de l’Université naûü de
Tripoli.

mḥəmməd est né en 1984 à Grenoble (France), où il a vécu jusqu’à l’âge de 6 ans ; il vit
depuis à Tripoli. Sa famille est originaire de Ghadamès, où ses parents sont nés. Il est
étudiant de français au département de français de l’Université nəṣṛ de Tripoli.

Je n’ai pas pu rédiger une biographie de toutes les personnes rencontrées à Tripoli qui
m’ont permis de rédiger ce travail de thèse, mais d’autres informateurs ont été mis à
contribution dans mes enquêtes : ṛəḍwān « məgrūḍa », xāləd « əl-xuḍḍāṛ », mḥəmməd
« əl-mu », ԑəbd-əl-īlāh « ԑābūda », šərfi « blundi », wālīd « ən-nīgṛo », əs-snūsi, sāmi
« wəld-əl-hərra », muṣṭfa « ’uffa », ԑəbd-əl-fəttāḥ, ulād-əl-büēüīka « les garçons de la
cabane » (furžāni, l-bū-ԑēši w əl-krēkši), ūlād-tāžūa « les garçons de Tajoura » (ḥfīḍ,
sāləm, sumԑa, ḥākīm, mḥəmməd əl-būxa), ūlād-funduq-bāb-al-žadīd « les garçons de
l’Hôtel Bab-al-Jadid »…

7
Les noms des informateurs principaux sont mentionnés sur la carte suivante, à l’endroit
où ils vivent à Tripoli.

Tripoli

8
PHONOLOGIE ET PHONÉTIQUE

On examinera les phonèmes vocaliques et les phonèmes consonantiques, ainsi que les
réalisations phonétiques de ces derniers dans le parler arabe de Tripoli.

On traitera notamment des réalisations consonantiques qui n’apparaissent que dans des
conditions déterminées, c’est-à-dire les allophones liés à l’emphatisation, à la
sonorisation et à l’assourdissement. On présentera également les différents allophones
vocaliques, en fonction du contexte consonantique.

Soucieux d’être le plus précis possible, les transcriptions phonétiques sont notées avec
l’alphabet phonétique international.

I. Les voyelles
Le tableau suivant présente les différents phonèmes vocaliques du parler arabe de
Tripoli :

Voyelles brèves Voyelles longues


Postérieure Antérieures Postérieures
Centrale Centrale
Supérieures /u/ /ī/ /ū/

Moyennes /ə/ /ē/ /ō/

Basse /ā/

1. Les voyelles brèves


Dans les travaux précédents de Hans STUMME (1898), d’Eugenio GRIFFINI (1913) et
d’Antonio CESÀRO (1939), il n’y a pas de phonologie du parler arabe de Tripoli, mais
uniquement une description des réalisations vocaliques.

C’est dans des travaux qui concernent le parler arabe de Tripoli de la fin du 19e et du
début du 20e siècle, réalisés à partir des données de ces auteurs, que j’ai été amené à
élaborer une phonologie des voyelles brèves de l’arabe de Tripoli (PEREIRA 2001 ;
PEREIRA 2003), en m’appuyant sur l’étude de David COHEN qui concerne le système
des voyelles brèves dans les dialectes maghrébins (COHEN 1970b) 1.

Dans l’ouvrage de Hans STUMME (1898), on relève quinze timbres vocaliques et dans
celui d’Antonio CESÀRO (1939), on en trouve sept. La phonologie n’existait pas à leur
époque et les auteurs indiquaient très précisément les différentes prononciations des
voyelles.

1
A ma connaissance, l’auteur qui établit pour la première fois une phonologie de l’arabe de Tripoli est
Stephen GEIST, dans une maîtrise soutenue en 1980, où il a écrit : « Il semble qu’il n’y ait dans le parler
de Tripoli qu’une opposition d’aperture, a [s]’opposant aux autres voyelles. Nous n’avons pu trouver de
paires distinctives qui permettent d’affirmer l’identité phonologique des voyelles brèves i et u. D’une
manière générale à un ancien a correspond a, aux anciens i et u correspond ə » (GEIST 1980 : 11). Or, les
paires minimales qui permettent d’opposer les phonèmes vocaliques brefs sont en contradiction avec ce
qu’il affirme, puisqu’il donne des paires minimales où il oppose le /a/ au /ə/, au /u/, au /o/ et au /i/
(GEIST 1980 : 12).

9
J’en ai conclu que les phonèmes vocaliques brefs étaient au nombre de deux : /ə/ et /u/.
David COHEN précise :

« c’est le système où s’opposent un ə et un ŭ qui peut prendre d’ailleurs la forme


o ou ö. Du point de vue diachronique, ce phonème d’arrière, de loin le moins
fréquent, représente un ancien ŭ qui s’est maintenu dans quelques
environnements, alors que le ə représente, confondues, toutes les réalisations des
anciens ă et des anciens ĭ (et également d’ailleurs, pour la plupart des dialectes,
les réalisations de l’ancien ŭ, lorsque celui-ci n’était pas protégé par les
phonèmes consonantiques adjacents) » (COHEN 1970b : 173-174).

D’après mes observations et la classification de David COHEN, le parler arabe de Tripoli


fait partie des parlers

« dont le système a tendu à la confusion des anciens ă et ĭ brefs mais qui


ont maintenu, dans une mesure plus ou moins grande, l’autonomie de
l’ancien ŭ : parlers de Tanger, Casablanca, Tlemcen, Tunis (musulman et juif) »
(COHEN 1970b : 176).

L’arabe de Tripoli a, tel que le décrit David COHEN, la phonologie d’un ‘parler de
sédentaire’.

Dans sa description du parler arabe des Juifs de Tripoli, Sumikazu YODA (2005),
indique que le judéo-arabe de Tripoli ne possède qu’un phonème vocalique bref /ə/ :

« The most striking fact of TJ vocalism is the existence of only one short vowel,
viz. the phoneme ə » (YODA 2005 : 31) 2.

Mais il précise que le fait qu’il n’existe qu’un seul phonème vocalique bref ne signifie
pas que cette voyelle ait un timbre unique ; au contraire, YODA a relevé dix allophones
de /ə/, dont les différents timbres sont déterminés par le voisinage consonantique 3 :

« The uniqueness of the short vowel phoneme in TJ does not mean that any short
vowel is always pronounced with the same timbre. On the contrary we can
recognize a large number of timbres in normal utterances. But when we examine
these timbres closely, we notice that they are not phonologically distinctive but
are determined simply by consonantal environments […] ; in other words they
are mere allophones of ə. It is, however, very difficult to define stricly which
environment prefers which timbre, because (1) the timbre is determined by the
nature of both the preceeding and following consonants, (2) it can be also
influenced by remote (namely not immediately adjacent) consonants »
(YODA 2005 : 32).

2
Il n’existe qu’un seul phonème vocalique bref /ə/ dans le parler arabe des Juifs d’Alger décrit par Marcel
COHEN, qui précise que « là où les règles de distribution syllabique du parler n’ont pas amené la
disparition complète des voyelles brèves de l’arabe classique ă, ĭ, ŭ, elles sont régulièrement […]
représentées par une voyelle unique ; il y a donc confusion absolue du timbre » (COHEN 1912 : 116).
3
YODA décrit très précisément (pp. 33-41) les dix allophones de ə, en précisant bien dans quel contexte
consonantique les allophones sont réalisés.

10
A l’instar de ce que j’ai observé dans mes travaux précédents, dans le parler arabe de
Tripoli contemporain, il y a deux phonèmes vocaliques brefs : /ə/ et /u/, dont les
différentes articulations phonétiques seront ici détaillées, par rapport à l’environnement
consonantique.

1.1. Paires minimales


Dans le parler arabe de Tripoli, on trouve les phonèmes /u/ et /ə/. On oppose les paires
minimales suivantes :

/u/ : /ə/ /kunna/ [ˈkʊnːa] « nous avons été » : /kənna/ [ˈkənːa] « bru »
/ôužüa/ [ˈħoʒᵲa] « chambre » : /ôəžüa/ [ˈħaʒᵲa] « pierre »
/tuεbān/ [ˈtʊʕbɐːn] « serpent » : /təεbān/ [ˈtɐʕ bɐːn] « fatigué »
/xušš/ [ˈxoʃː] « entre » : /xəšš/ [ˈxəʃː] « il est entré »
/ûubb/ [ˈᵴʉb̴ː] « verse » : /ûəbb/ [ˈᵴɑb̴ː] « il a versé »

Du point de vue grammatical, l’opposition phonémique /u/ : /ə/ permet d’opposer la


troisième personne du masculin singulier de la conjugaison suffixale et l’impératif
masculin singulier de certains verbes sourds, comme l’illustrent les deux dernières
oppositions.

1.2. Le phonème /u/


On examinera les allophones [ʊ], [o] et [ʉ] du phonème /u/.

ʊ]
1.2.1. La voyelle pré-fermée mi-postérieure arrondie [ʊ
Le /u/ est réalisé [ʊ] lorsqu’il n’est pas au contact d’une consonne pharyngale, vélaire,
uvulaire ou emphatique.

/bublāl/ [bʊˈblɐːl] « insecte »


/lubb/ [ˈlʊbː] « cœur »
/mudda/ [ˈmʊdːa] « laps de temps »
/kullāb/ [kʊlːɐːb] « coupe-ongles, pince »
/uskut/ [ˈʊskʊt] « tais-toi »
/kull-hum/ [ˈkʊlːhʊm] « eux tous »

1.2.2. La voyelle moyenne supérieure postérieure arrondie [o]


Le /u/ est articulé [o] lorsqu’il est au contact d’une consonne pharyngale, vélaire ou
uvulaire.

/ôubb/ [ˈħobː] « amour »


/kuôl/ [ˈkoħŏl] « noirs »
/εumt/ [ˈʕomt] « j’ai nagé »
/muxx/ [ˈmoxː] « cervelle »
/txušš/ [ˈtxoʃː] « elle entre »
/tāuššu/ [ˈtɣoʃːʊ] « vous escroquez »

11
/qubba/ [ˈqobːa] « coupole »
/εuqda/ [ˈʕoqda] « nœud (psychologique) »

ʉ]
1.2.3. La voyelle fermée centrale arrondie [ʉ
Le /u/ est prononcé [ʉ] lorsqu’il est dans un contexte emphatique.

/ëëēy/ [ˈb̴ːeːj] « (petit) papa »


/úúēya/ [ˈᵯːeːja] « eau »
/āuûûa/ [ˈɣʉᵴːɑ] « douleur dans la gorge »
/fā¢u/ [ˈᵮɑːᵶʉ] « vase, pot »
/°ubba/ [ˈᵵʉb̴ːɑ] « médecins »
/üu°b/ [ˈᵲʉᵵʉ̆b̴] « doux, lisse »
/küunb/ [ˈk̴ᵲʉᵯb̴] « choux »

1.3. Le phonème /ə/


On examinera les allophones [ɐ], [a], [ɑ], [ə], [ʊ], [o], [ʉ], [ɪ] et [ɨ] du phonème /ə/. On
remarque que ce phonème possède de nombreux allophones, liés à des contextes bien
particuliers. Dans cette étude, neuf allophones ont été relevés pour l’arabe de Tripoli
actuel 4.

1.3.1. La voyelle basse supérieure centrale [ɐɐ]


Le /ə/ est réalisé [ɐ] lorsqu’il n’est pas au contact d’une consonne pharyngale, vélaire,
uvulaire ou emphatique.

/ləmma/ [ˈlɐmːa] « lorsque »


/kəlma/ [ˈkɐlma] « mot »
/žəbha/ [ˈʒɐbha] « front »
/kədb/ [ˈkɐdə̆b] « mensonge »
/həbba/ [ˈhɐbːa] « il a tapoté sur la cigarette »

1.3.2. La voyelle basse antérieure non arrondie [a]


Le /ə/ est articulé [a] lorsqu’il est au contact d’une consonne pharyngale, vélaire ou
uvulaire.

/ôəbl/ [ˈħabə̆l] « corde »


/šbəô/ [ˈʃbaħ] « il a vu »
/εəšüa/ [ˈʕaʃᵲa] « dix »
/üfəε/ [ˈᵲfaʕ] « il a emporté »
/šəxû/ [ˈʃaxᵴ] « individu »

4
Au sujet des allophones de /ə/, voir la description réalisée par Sumikazu YODA (2005 : 40), où il décrit
finement onze allophones de /ə/, dans tous les contextes consonantiques, pour le parler des Juifs de
Tripoli.

12
/sləx/ [ˈslax] « il a écorché »
/āəlla/ [ˈāalːa] « fruits, bénéfices »
/nəāüa/ [ˈnaɣᵲa] « bouderie »
/ldəā/ [ˈldaɣ] « il a été piqué »
/ləqb/ [ˈlaqə̆b] « patronyme »
/ôəqq/ [ˈħaqː] « vérité »

ɑ]
1.3.3. La voyelle basse postérieure non arrondie [ɑ
Le /ə/ est prononcé [ɑ] lorsqu’il est au contact d’une consonne emphatique.

/¢əëë/ [ˈᵶɑb̴ː] « putain, merde »


/ûəbb/ [ˈᵴɑb̴ː] « il a versé »
/bəûla/ [ˈb̴ɑᵴɫa] « un oignon »
/îuüs/ [ˈd̴ʉᵲᵴ] « molaire »
/əxîəü/ [ˈaxd̴ɑᵲ] « vert »
/°əüša/ [ˈᵵɑᵲʃa] « sourde »
/bə°n/ [ˈbɑᵵə̆ᵰ] « ventre »
/šə°°/ [ˈʃɑᵵː] « bord de mer, côte, plage »
/üəbb/ [ˈᵲɑb̴ː] « seigneur »

1.3.4. La voyelle moyenne centrale [ə]


Dans certains contextes, le phonème /ə/ peut être réalisé [ə], avec une articulation plus
fermée que [ɐ], [a] ou [ɑ], notamment au contact de consonnes labiales et dans un
environnement emphatique.

/žbəl/ [ˈʒbəl] « montagne »


/žməl/ [ˈʒməl] « chameau »
/zəbb/ [ˈzəbː] « bite »
/x°əm/ [ˈxᵵəᵯ] « il est passé »
/xə°wa/ [ˈxəᵵw̴a] « pas »
/āəl°a/ [ˈɣəl̴ᵵa] « erreur, faute »

ʊ]
1.3.5. La voyelle pré-fermée mi-postérieure arrondie [ʊ
Le /ə/ est prononcé [ʊ] lorsqu’il est au contact de la semi-consonne bilabiale /w/. Dans
les exemples suivants, on note que /ə/ est réalisé [ʊ] lorsqu’il est entre la semi-consonne
/w/ et la labiale /l/ et lorsqu’il est entre l’alvéolaire sifflante /z/ et la semi-consonne
/w/ 5.

5
Sumikazu YODA précise, pour le judéo-arabe de Tripoli, que le /ə/ est prononcé [ʊ] lorsqu’il se trouve
entre le /w/ et une labiale ou lorsqu’il se trouve entre /w/ et une consonne pleine : « plain consonant […]
č, t, d, s, z, š, ž, l, n, k, g, r, ’ » (YODA 2005 : 33-40).

13
/wəld/ [ˈwʊld] « garçon, fils »
/mətzəwwəž/ [məˈdzʊwːəʒ] « marié »

En effet, lorsque le phonème /ə/ est dans d’autres contextes, il peut être articulé [o].

1.3.6. La voyelle moyenne supérieure postérieure arrondie [o]


Le /ə/ est prononcé [o] lorsqu’il est au contact de la semi-consonne /w/ et lorsqu’il se
trouve dans un mot qui ne contient pas de consonne emphatique. Dans les exemples
suivants, on observe que le /ə/ est articulé [o] lorsqu’il est entre /w/ et la postpalatale /g/,
mais aussi lorsqu’il est entre la prépalatale chuintante /ž/ et /ww/ ou quand il est entre la
dentale nasale /n/ et /ww/ 6.

/wəgt/ [ˈwogə̆t] « temps »


/žəww/ [ˈʒowː] « ambiance, temps (climat) »
/nəww/ [ˈnowː] « chaleur »

ʉ]
1.3.7. La voyelle fermée centrale arrondie [ʉ
Le /ə/ est prononcé [ʉ] lorsqu’il est au contact de la semi-consonne /w/ et lorsque le mot
contient une consonne emphatique.

/wəüga/ [ˈwʧʉᵲg̴a] « une feuille »


/ûəwwəü/ [ˈᵴʉwʧːəᵲ] « il a photographié »

1.3.8. La voyelle pré-fermée inférieure antérieure non arrondie [ɪɪ]


Le /ə/ est prononcé [ɪ] lorsqu’il est au contact de la semi-consonne /y/ et lorsque le mot
ne contient pas de consonne emphatique.

/yəbbəs/ [ˈjɪbːəs] « il a fait sécher »


/yəssər/ [ˈjɪsːər] « il est allé à gauche »
/yəmmən/ [ˈjɪmːən] « il est allé à droite »
/zəyyən/ [ˈzɪjːən] « il a décoré »
/səyyəb/ [ˈsɪjːəb] « il a quitté, cessé »
/məyyəl/ [ˈmɪjːəl] « il a labouré ; il a fait pencher »

1.3.9. La voyelle fermée centrale non arrondie [ɨɨ]


Le /ə/ est prononcé [ɨ] lorsqu’il est au contact de la semi-consonne /y/ et lorsque le mot
contient une consonne emphatique, pharyngale ou vélaire.

/°əyyəô/ [ˈᵵɨj̴ːəħ] « il a fait tomber ; il a démoli »

6
Sumikazu YODA précise que le /ə/ est articulé [o] lorsqu’il est entre le phonème /w/ et une consonne
uvulaire ou emphatique, ou bien lorsque le /ə/ est située entre une consonne uvulaire, emphatique, labiale
et /w/ (YODA 2005 : 33-40).

14
/ûāəyyəü/ [ˈᵴɣɨj̴ːəᵲ] « il a rendu petit »
/zəyyə°/ [ˈᵶɨj̴ːəᵵ] « il a pété »
/xəyyəü/ [ˈxɨj̴ːəᵲ] « il a choisi, trié »

1.4. Synthèse
Le tableau suivant récapitule les voyelles brèves examinées.

Voyelles brèves
Phonèmes Réalisations / Allophones
/u/ [ʊ], [o], [ʉ]
/ə/ [ɐ], [a], [ɑ], [ə], [ʊ], [o], [ʉ], [ɪ], [ɨ]

Les réalisations des phonèmes vocaliques brefs peuvent également dépendre de la


nature du timbre des voyelles des syllabes environnantes ; en effet, par un phénomène
d’harmonie vocalique, les voyelles d’un même mot tendent vers des timbres proches les
uns des autres 7. Dans les exemples suivants, on observe que la première voyelle du
groupe est articulée [ʊ] ou [ʉ], par harmonie vocalique avec la seconde.

*b-əl-kull [ˈbʊkːʊlː] « complètement, (pas) du tout »


*yəšüub [ˈjʉʃᵲʉb̴] « il boit »
*yəügud [ˈjʉᵲg̴ʉd̴] « il dort »

2. Les voyelles longues


Après avoir présenté les paires minimales permettant de prouver l’existence de cinq
phonèmes vocaliques longs dans le parler arabe de Tripoli, on étudiera, pour chaque
phonème mentionné, tous les allophones.

2.1. Paires minimales


Dans le parler arabe de Tripoli, on trouve les phonèmes /ī/, /ū/, /ā/, /ē/ et /ō/ 8. On
oppose les paires minimales suivantes :

/ī/ : /ū/
/fīl/ [ˈfɪːl] « éléphant » : /fūl/ [ˈfʊːl] « fèves »

/ī/ : /ā/
/dīb/ [ˈdɪːb] « loup, chacal » : /dāb/ [ˈdɐːb] « il a fondu »

/ī/ : /ē/
/žīb/ [ˈʒɪːb] « apporte » : /žēb/ [ˈʒeːb] « poche »

/ī/ : /ō/
/līm/ [ˈlɪːm] « oranges » : /lōm/ [ˈloːm] « blâme »

7
Cf. CANTINEAU 1960 : 111-112.
8
Les voyelles /ī/, /ū/, /ā/, /ē/ et /ō/ qui se trouvent en syllabe ouverte finale sont phonologiquement
longues, mais on ne notera jamais la longueur (le macron) lorsqu’elles sont dans cette position.

15
/ū/ : /ā/
/gūl/ [ˈgʊːl] « dis » : /gāl/ [ˈgɐːl] « il a dit »

/ū/ : /ē/
/ûūf/ [ˈᵴʉːᵮ] « laine » : /ûēf/ [ˈᵴeːᵮ] « été »

/ū/ : /ō/
/dūg/ [ˈdʊːg] « goûte » : dōg [ˈdoːg] « goût »

/ā/ : /ē/
/žāb/ [ˈʒɐːb] « il a apporté » : /žēb/ [ˈʒeːb] « poche »

/ā/ : /ō/
/lām/ [ˈlɐːm] « il a blâmé » : /lōm/ [ˈloːm] « blâme »

/ē/ : /ō/
/lēn/ [ˈleːn] « jusqu’à ce que » : /lōn/ [ˈloːn] « couleur »

2.2. Le phonème /ī/


On examinera les allophones [ɪː] et [ɨː] du phonème /ī/.

2.2.1. La voyelle pré-fermée inférieure antérieure non arrondie [ɪɪː]


Le /ī/ est prononcé [ɪː] lorsqu’il n’est pas en contexte emphatique, ni au contact de
l’uvulaire /q/ ou de la pharyngale /ε/.

/šīša/ [ˈʃɪːʃa] « bouteille »


/bnāwīt/ [bnɐːˈwɪːt] « filles »
/ôīla/ [ˈħɪːla] « ruse »
/īmāzīāən/ [ɪːmɐːˈzɪːɣən] « Berbères »

2.2.2. La voyelle fermée centrale non arrondie [ɨɨː]


Le /ī/ est réalisé [ɨː] lorsqu’il est en contexte emphatique, ou au contact de l’uvulaire /q/
ou de la pharyngale /ε/.

/°īn/ [ˈᵵɨːᵰ] « argile »


/y°īε/ [ɪᵵɨːʕ] « il obéit »
/îεīf/ [ˈd̴ʕɨːᵮ] « faible »
/təôqīq/ [taħˈqɨːq] « interrogatoire »
/bεīd/ [ˈbʕɨːd] « loin »

2.3. Le phonème /ū/


On traitera des allophones [ʊː], [oː] et [ʉː] du phonème /ū/.

16
ʊː ]
2.3.1. La voyelle pré-fermée mi-postérieure arrondie [ʊ
Le /ū/ est réalisé [ʊː] lorsqu’il n’est pas au contact d’une consonne pharyngale, vélaire,
uvulaire ou emphatique.

/bəlbūš/ [bɐlˈbʊːʃ] « coquillages, coques »


/būma/ [ˈbʊːma] « hibou »
/mūs/ [ˈmʊːs] « couteau »
/grūb/ [ˈgrʊːb] « groupe, bande »

2.3.2. La voyelle moyenne supérieure postérieure [oːː]


Le /ū/ est articulé [oː] lorsqu’il est au contact d’une consonne pharyngale, vélaire ou
uvulaire.

/ôūma/ [ˈħoːma] « quartier »


/māεūn/ [maːˈʕoːn] « récipient »
/mətεūs/ [mɐtˈʕoːs] « infortuné »
/zənbūεi/ [zɐmˈboːʕi] « pamplemousse »
/xūx/ [ˈxoːx] « pêches »
/sxūn/ [ˈsxoːn] « chaud »
/mənfūx/ [məmˈfoːx] « gonflé »
/yqūl/ [ɪˈqoːl] « il dit »

ʉː ]
2.3.3. La voyelle fermée centrale arrondie [ʉ
Le /ū/ est prononcé [ʉː] lorsqu’il est dans un contexte emphatique.

/nūî/ [ˈᵰʉːd̴] « lève-toi »


/°üūf/ [ˈᵵᵲʉːᵮ] « morceaux »
/ëāëūü/ [b̴aːˈb̴ʉːᵲ] « bateau »
/ğīëū°u/ [d͡ʒɪːˈb̴ʉːᵵʉ] « blouson »
/°ūëu/ [ˈᵵʉːb̴ʉ] « tube »

2.4. Le phonème /ā/


On traitera des allophones [ɐː], [aː] et [ɑː] du phonème /ā/, ainsi que la réalisation [eː]
liée au phénomène d’imāla.

2.4.1. La voyelle basse supérieure centrale [ɐɐː]


Le /ā/ est prononcé [ɐː] lorsqu’il n’est pas au contact d’une consonne pharyngale,
vélaire, uvulaire ou emphatique.

/bāb/ [ˈbɐːb] « porte »


/žbāli/ [ˈʒbɐːlɪ] « montagnard »

17
/tlātīn/ [tlɐːtɪːn] « trente »
/dəffāl/ [dəˈfːɐːl] « cracheur »
/wəšwāš/ [wəʃˈwɐːʃ] « moustiques »
/šəryāna/ [ʃɐrˈjɐːna] « sonnerie »

2.4.2. La voyelle basse antérieure non arrondie [aːː]


Le /ā/ est prononcé [aː] lorsqu’elle est au contact des consonnes pharyngales /ô/ et /ε/,
des consonnes vélaires /ā/ ou /x/, de l’uvulaire /q/ ou de l’emphatique /ü/.

/tôāwəl/ [ˈtħaːwəl] « il s’est transformé »


/εāwəd/ [ˈʕaːwəd] « il a répété »
/dmāā/ [ˈdmaːɣ] « cerveau »
/šuxxāx/ [ʃoˈxːaːx] « pisseur »
/qāsəm/ [ˈqaːsəm] « jurant »
/üās/ [ˈᵲaːᵴ] « tête »

ɑː]
ɑː
2.4.3. La voyelle basse postérieure non arrondie [ɑː
En contexte emphatique, le phonème /ā/ est prononcé [ɑː].

/ûāb/ [ˈᵴɑːb̴] « il a trouvé »


/îābə°/ [ˈd̴ɑːb̴əᵵ] « officier »
/āə°°ās/ [ɣəˈᵵːɑːᵴ] « plongeur »
/ëëāya/ [ˈb̴ːɑːj̴a] « cirage »
/əõõāh/ [ɑˈɫːɑːh] « Allah, Dieu »
/fā¢u/ [ˈᵮɑːᵶʉ] « vase, pot »

2.4.4. Imāla – la voyelle mi-ouverte antérieure non arrondie [e]


L’imāla est le phénomène de mutation de timbre, d’inflexion vocalique, qui atteint la
réalisation du phonème vocalique /ā/ et qui peut aller jusqu’à lui faire avoir une
prononciation se rapprochant de [e], voire de [i] dans certains parlers.

Dans le parler arabe de Tripoli, l’imāla concerne la réalisation de certains -a finaux


(étymologiquement *ā), indépendamment du contexte consonantique. Il s’agit d’une
imāla de premier degré, où -a final est réalisé voyelle moyenne supérieure antérieure
non arrondie [e] 9.

A Tripoli, on retrouve ce trait dans les pronoms personnels indépendants de première


personne :

*āna [ɐːˈne] « moi »

9
L’imāla de deuxième degré peut aller jusqu’à faire avoir, à la voyelle /ā/, une prononciation [ɪː], voire
[ɪːə] comme à Malte, dans [ˈkɪːən] (*kān) « il a été » et [ˈbɪːəb] (*bāb) « porte ».

18
*ôna [ˈħne] « nous »

Il concerne aussi un adverbe de lieu :

*hna [hne] « ici »

On le rencontre également dans certains verbes ‘défectueux’, à la troisième personne du


masculin singulier de la conjugaison suffixale :

*ža [ˈʒe] « il est venu »


*mša [ˈmʃe] « il est allé »
*dwa [ˈdwe] « il a discuté, parlé »
*stôa [ə̆sˈtħe] « il a désiré »
*rtxa [ə̆rˈtxe] « il est devenu flagada »
*n°fa [ə̆ᵰˈᵵᵮe] « il s’est éteint »

De plus, on le trouve dans certains substantifs :

*ma [ˈme] « eau »


*sma [ˈsme] « ciel »
*āda [ˈɣde] « déjeuner »
*εša [ˈʕʃe] « dîner »

Ce phénomène d’imāla qui touche certains *-ā finaux est très fréquent dans les parlers
de l’Est maghrébin, mais plus précisément dans les parlers de type Sulaym, d’après les
classifications des dialectlogues arabes.

A ce sujet, Philippe MARÇAIS a écrit que

« ce phénomène se manifeste avec plus d’intensité qu’ailleurs dans les parlers du


Maghreb oriental »

et, en ce qui concerne les parlers de Libye, il indique qu’au

« Fezzan, l’imāla atteint très fortement le ā final, le faisant passer à ẹ »


(Ph. MARÇAIS 1977 : 14-15).

Jean CANTINEAU a précisé qu’

« au Maghreb, l’ɔimâla de -ā distingue certains parlers, par exemple ceux de


Tripoli, du Sahel tunisien, du Sud de Philippeville, du Sahara algérien »
(CANTINEAU 1960 : 96-97).

William Marçais, dans sa classification des parlers arabes, souligne que cela est une
caractéristique des parlers de type Sulaym :

19
« le second [groupe] qu’on désignera comme groupe S occupe un territoire
étendu, mais discontinu allant de la pointe du Sud tunisien que limitent de part et
d’autre l’Algérie et la Tripolitaine, pour rester le long du littoral sur une
profondeur variable […]. Dans le groupe S, elle atteind surtout la voyelle
considérée en finale libre, passant à ê et même par une diphtongaison
secondaire, à îa » (W. MARÇAIS 1950 : 214).

3. Le phonème /ē/
Le phonème /ē/ est réalisé voyelle mi-ouverte antérieure non arrondie [eː]. Il est la
réduction de l’ancienne diphtongue *ay, mais on le trouve également dans des
emprunts.

3.1. L’ancienne diphtongue *ay


Dans le parler arabe de Tripoli, le phonème vocalique /ē/ est, étymologiquement, la
réduction de l’ancienne diphtongue *ay, comme dans les exemples suivants :

*šayn /šēn/ [ˈʃeːn] « laid »


*dayl /dēl/ [ˈdeːl] « queue »
*layn /lēn/ [ˈleːn] « jusqu’à ce que »
*nwayma /nwēma/ [ˈnweːma] « somme »
*mšayna /mšēna/ [ˈmʃeːna] « nous sommes allés »
*ktābayn /ktābēn/ [ktɐːˈbeːn] « deux livres »

La réduction de l’ancienne diphtongue *ay en /ē/ est, dans les parlers arabes
maghrébins, une caractéristique propre aux parlers de type bédouin 10.

3.2. Emprunts
On trouve également la réalisation [eː] dans certains emprunts :

/māüšābēdi/ [maːᵲʃaːˈbeːdɪ] « trottoir »


/šēmənt/ [ˈʃeːmənt] « ciment »

Il s’agit, respectivement, d’emprunts à l’italien marciapiede « trottoir » et cemento


« ciment ».

4. Le phonème /ō/
Le phonème /ō/ est articulé voyelle moyenne supérieure postérieure arrondie [oː]. Il est
la réduction de l’ancienne diphtongue *aw, mais on le rencontre aussi dans certains
emprunts.

4.1. L’ancienne diphtongue *aw


Etymologiquement, le phonème /ō/ est la réduction de l’ancienne *aw dans l’arabe de
Tripoli, comme dans les termes suivants :

10
Voir W. MARÇAIS 1950 : 207.

20
*lawn /lōn/ [ˈloːn] « couleur »
*yawm /yōm/ [ˈjoːm] « jour »
*ôawš /ôōš/ [ˈħoːʃ] « maison »
*šawka /šōka/ [ʃoːka] « épine »
*bawsa /bōsa/ [ˈboːsa] « bisou »

La réduction de l’ancienne diphtongue *aw en /ō/ est, dans les parlers arabes
maghrébins, une caractéristique propre aux parlers de type bédouin 11.

4.2. Emprunts
On trouve également la réalisation [oː] dans certains emprunts :

/məlyōn/ [mɐlˈjoːn] « million »


/bōy/ [ˈboːj] « homosexuel »

Le dernier exemple est un emprunt à l’anglais boy « garçon ».

5. Synthèse
Le premier tableau résume les phonèmes vocaliques longs étudiés, ainsi que leurs
différentes réalisations dans le parler arabe de Tripoli. Le deuxième tableau récapitule
toutes les réalisations vocaliques de l’arabe de Tripoli.

5.1. Voyelles longues


Le tableau suivant récapitule les voyelles longues examinées.

Voyelles longues
Phonèmes Réalisations / Allophones
/ī/ [ɪː], [ɨː]
/ū/ [ʊː], [oː], [ʉː]
/ā/ [ɐː], [aː], [ɑː], [eː]
/ē/ [eː]
/ō/ [oː]

Les anciennes diphtongues *ay et *aw sont respectivement réduites à [eː] et [oː] dans le
parler arabe de Tripoli, trait propre aux parlers de type bédouin au Maghreb.

5.2. Réalisations vocaliques


Le tableau suivant récapitule toutes les réalisation phonétiques des voyelles du parler
arabe de Tripoli (indépendamment de leur quantité).

11
Voir W. MARÇAIS 1950 : 207.

21
Point d’articulation
Antérieur Central Postérieur
Haute [ɨ] / [ʉ]
Haute inférieure [ɪ] [ʊ]
Moyenne supérieure [e] [o]
Aperture
Moyenne [ə]
Basse supérieure [ɐ]
Basse [a] [ɑ]

6. Oppositions de quantité vocalique


Les paires minimales suivantes permettent de poser l’existence de sept phonèmes
vocaliques (/ī/, /ū/, /ā/, /ē/, /ō/, /ə/ et /u/) dont certains s’opposent par la quantité. Au
niveau grammatical, les oppositions de quantité permettent notamment d’opposer des
verbes à des nominaux, des singuliers à des pluriels, des verbes à différentes personnes
et à différentes formes.

/ə/ : /ī/
/lhəd/ « il a galopé » : /lhīd/ « galop »
/ûāəü/ « il a rapetissé » : /ûāīü/ « petit »
/yəsmən/ « il grossit » : /yəsmīn/ « jasmin »

/ə/ : /ū/
/f°əü/ « il a déjeuné » : /f°ūü/ « déjeuner »
/hüəb/ « il a fui » : /hüūb/ « fuite »

/ə/ : /ā/
/ktəb/ « il a écrit » : /ktāb/ « livre »
/žbəl/ « montagne » : /žbāl/ « montagnes »
/ûāəü/ « il a rapetissé » : /šāāü/ « petits »
/āəšš/ « il a escroqué » : /āāšš/ « escroc »

/ə/ : /ē/
/žət/ « elle est venue » : /žēt/ « je suis venu »
/mšət/ « elle est allée » : /mšēt/ « tu es allé »
/šən/ « quoi » : /šēn/ « laid, vilain »

/ə/ : /ō/
/nəbt-a/ « je l’ai remplacé » : /nōbt-a/ « son tour »

/u/ : /ī/
/°üug/ « routes » : /°üīg/ « route »

/u/ : /ū/
/žumla/ « phrase » : /žūml-a/ « ses phrases »

/u/ : /ā/
/ôubb/ « amour » : /ôābb/ « qui aime »

22
/üukba/ « genou » : /üākba/ « qui monte »
/ôufüa/ « trou » : /ôāfüa/ « qui creuse »

/u/ : /ō/
/bust-a/ « je l’ai embrassé » : /bōst-a/ « son baiser »

On n’a pas trouvé de paire minimale permettant d’opposer /u/ : /ē/ dans le parler arabe
de Tripoli.

23
II. Les consonnes
Le tableau ci-contre intitulé Tableau des phonèmes consonantiques du parler arabe de
Tripoli (Libye) récapitule tous les phonèmes consonantiques du parler arabe de Tripoli,
qui seront étudiés, par rapport à leur point d’articulation et à leur mode d’articulation.

1. Les labiales
On étudiera les bilabiales et les labiodentales. On traitera aussi de la question de la
vélarisation des labiales et son évolution dans le parler arabe de Tripoli.

1.1. Les bilabiales


Le parler arabe de Tripoli possède les cinq phonèmes /b/, /ë/, /m/, /ú/ et /w/. On oppose
les paires minimales suivantes 12 :

/b/ : /m/
/bāt/ [ˈbɐːt] « il a passé la nuit » : /māt/ [ˈmɐːt] « il est mort »
/žbəl/ [ˈʒbəl] « montagne » : /žməl/ [ˈʒməl] « chameau »
/ôbāb/ [ˈħbɐːb] « amis » : /ômām/ [ˈħmɐːm] « pigeons »

/b/ : /w/
/bēn/ [ˈbeːn] « entre » : /wēn/ [ˈweːn] « où »
/ôbāl/ [ˈħbɐːl] « cordes » : /ôwāl/ [ˈħwɐːl] « états »
/xə°ba/ [ˈxad̴b̴a] « fiançailles » : /xə°wa/ [ˈxaᵵw̴a] « pas »
/îbēb/ [ˈd̴b̴eːb̴] « petit lézard » : /îwēw/ [ˈd̴w̴eːw̴] « un peu de lumière »

/m/ : /w/
/müa/ [ˈᵯᵲa] « femme » : /wüa/ [ˈw̴ᵲa] « derrière »
/ôāməl/ [ˈħaːməl] « enceinte » : /ôāwəl/ [ˈħaːwəl] « il a essayé »
/ôəlm/ [ˈħəlm] « rêve » : /ôəlw/ [ˈħəlw] « douce, sucrée, jolie »

/b/ : /ë/
/bāb-a/ [ˈbɐːbɐ] « sa porte » : /ëāëa/ [b̴ɑːˈb̴ɑ] « papa »
/zəbb/ [ˈzəbː] « bite » : /¢əëë/ [ˈᵶɑb̴ː] « putain, merde »

/b/ : /ú/
/bāb-a/ [ˈbɐːbɐ] « sa porte » : /úāúa/ [ᵯ̴aːˈᵯa] « maman »

/ë/ : /ú/
/ëāëa/ [bɑːˈb̴ɑ] « papa » : /úāúa/ [ᵯɑːˈᵯɑ] « maman »
/ëëēya/ [ˈb̴ːeːja] « son petit père » : /úúēya/ [ˈᵯːeːja] « eau »

12
En se basant sur les enseignements d’André MARTINET, dans la mesure du possible, « on s’efforcera de
prouver l’indépendance de deux unités phonologiques en question dans les positions les plus
caractéristiques : dans le parler qui nous servira d’illustration, pour les consonnes, à l’initiale, à l’intérieur
avant et après l’accent » (MARTINET 1961 : 41).

24
/ẉ/ : /ú/
/ā-hẉa/ [aːhʉ̆ˈwʧa] « celui-ci » : /ā-húa/ [aːhʉ̆ˈᵯa] « ceux-ci, celles-ci »

1.1.1. Le phonème /b/


On examinera les différentes réalisations [b], [b̴], [p] et [p̴] du phonème /b/. On étudiera
également l’origine du phonème /b/ dans les emprunts.

a) L’occlusive bilabiale sonore [b]


On la trouve dans les exemples suivants :

/bəlbūš/ [bɐlˈbʊːʃ] « coquillages, coques »


/būma/ [ˈbʊːma] « hibou »
/bnāwīt/ [bnɐːˈwɪːt] « filles »
/səbsi/ [ˈsəbsɪ] « cigarette »
/lībya/ [ˈlɪːbja] « Libye »
/zəbda/ [ˈzɐbda] « beurre »
/ktābāt/ [ktɐːˈbɐːt] « livres »
/tbəšbəš/ [ˈdbəʃbəʃ] « il bruine »
/mgəbbəl/ [ˈmgɐbːəl] « Sud »
/nəbbāš/ [nɐˈbːɐːʃ] « profanateur de tombes »
/tôābbētu/ [tħɑːˈbːeːtʊ] « vous vous êtes aimés »
/rbīb/ [ˈrbɪːb] « beau-fils »
/kədb/ [ˈkɐdə̆b] « mensonge »
/lubb/ [ˈlʊbː] « cœur »

b) Emphatisation
On trouve une réalisation emphatique [b̴] liée à des contagions d’emphase et à la
propagation de cette dernière dans tous les sens au sein du mot 13, comme dans les
exemples suivants :

13
Au sujet de la propagation de l’emphase, David COHEN indique, dans son étude du parler des Juifs de
Tunis, qu’ « une caractéristique importante de l’emphase est sa faculté d’extension à d’autres phonèmes
du mot. Les voyelles immédiatement ou médiatement en contact sont arrondies et assombries, tandis que
les plus fermées d’entre elles tendent à s’ouvrir légèrement, le timbre u se rapprochant de celui de o et
celui de i (d’une manière moins nette) de celui de ę. Les consonnes subissent aussi, même à distance une
contagion d’emphase qui est à l’origine de la série nouvelle d’emphatiques que présente le tableau
[Tableau des réalisations consonantiques du parler (classées d’après le point d’articulation), page 11]. Ce
phénomène a été reconnu dans la plupart des parlers modernes » (COHEN 1975 : 14). Dominique CAUBET
précise quant à elle que « le phénomène ne se limite pas à un phonème. En effet, l’emphase dépasse le
niveau du phonème pour affecter la voyelle contiguë, la syllabe ou le mot tout entier. […] D’une part, le
timbre de la voyelle qui précède ou qui suit la consonne emphatique est affecté ; la voyelle ouverte recule
vers l’arrière ; les voyelles fermées se rapprochent du centre […] D’autre part, la consonne qui précède la
consonne emphatique, ou celle qui la suit (ou les deux) peuvent être affectées […] On note cependant une
contamination beaucoup plus forte des consonnes qui précèdent, comme si on anticipait la production
d’une consonne emphatique. En arabe marocain, on constate une tendance à l’extension régressive de
l’emphase. L’emphase peut aussi porter sur tout le mot ; ce n’est cependant pas obligatoire, et l’unité

25
/bəûla/ [ˈb̴ɑᵴɫ̴a] « un oignon »
/bəüüa/ [ˈb̴aᵲːa] « dehors »
/bə°°ānīya/ [b̴̴ɑᵵːaːˈᵰɪːja] « couverture »
/bə°n/ [ˈb̴̴ɑᵵᵰ] « ventre »
/üubε/ [ᵲʉb̴ɑ̆ʕ] « quart »
/üə°°əb/ [ˈᵲɑᵵːɑb̴] « il a humidifié »
/tüāb/ [ˈᵵᵲɑːb̴] « terre »

c) Assourdissement
Lorsque /b/ précède et est au contact direct d’une consonne sourde, il est articulé
occlusif bilabial sourd [p] ou occlusif bilabial sourd emphatique [p̴], résultat d’une
assimilation régressive et de l’assourdissement, voire de l’emphatisation, de /b/ par une
consonne sourde :

/šüəbt/ [ˈʃᵲɑp̴ᵵ] « j’ai bu »


/lεəbtu/ [ˈlʕaptʊ] « vous avez joué »
/ôəbs/ [ˈħaps] « prison »
/bûəl/ [ˈp̴ᵴɑl̴] « oignons »
/bûāüa/ [ˈp̴ᵴaːᵲa] « plaisanterie »
/ûubô/ [ˈᵴʉp̴ħ] « matin »
/b-sīn wəlla b-ûāî/ [ˈpsɪːn wɐlːa ˈp̴ᵴaːd̴] « avec un sīn ou avec un ûād ? »

d) Emprunts
On trouve une réalisation [b] dans de nombreux termes empruntés au turc 14, à
l’italien 15 et à l’anglais 16, mais ces [b] peuvent être d’origines diverses.

Ils peuvent provenir d’un /b/, d’un /p/ ou d’un /v/ de l’italien, comme dans les exemples
suivants :

bicicletta « bicyclette » /bāšklī°a/ [bɐːʃˈklɨːᵵa] « bicyclette »


biro « stylo à bille » /bīro/ [ˈbɪːro] « stylo »
cantalùpo « (melon) cantaloup » /kāntālūbi/ [kɐːntɐːˈlʊːbɪ] « (melon) cantaloup »
seppia « seiche » /sībya/ [ˈsɪːbja] « seiche »
marciapiede « trottoir » /māüšābēdi/ [maːᵲʃaːˈbeːdɪ] « trottoir »
vagabondo « vagabond » /bāgābūndu/ [baːgaːˈbʊːndʊ] « mauvais garçon »

minimale qui est affectée est la voyelle qui suit ou qui précède directement le phonème emphatique »
(CAUBET 1993 I : 3).
14
Les Ottomans ont occupé la Libye pendant plus de trois siècles et demi, de 1551 à 1911. Au sujet des
emprunts au turc, voir TÜRKMEN 1988.
15
L’occupation italienne a duré quarante ans de 1911 à 1951. Au sujet des emprunts à l’italien, voir
ABDU 1988.
16
Des termes anglais ont été empruntés aux soldats britanniques, américains et australiens présents en
Libye, pendant la Seconde Guerre Mondiale. D’autres termes sont empruntés plus récemment à l’anglais ;
il s’agit de vocabulaire lié aux nouvelles technologies (informatique, téléphonie mobile).

26
viaggio « voyage » /byāžu/ [ˈbjaːʒʊ] « voyage, excursion »

Ils peuvent également provenir d’un /p/ du turc :

köprü « pont » /kubri/ [ˈkʊbrɪ] « pont »


pudra « talc, poudre » /budra/ [ˈbʊdra] « talc, poudre »

Ils peuvent aussi provenir d’un /p/ de l’anglais :

group « groupe » /grūb/ [ˈgrʊːb] « groupe, bande »


17
poofter « homosexuel » /būfta/ [ˈbʊːfta] « homosexuel »
play station « console de jeux » /blāystāyšən/ [blɐːjˈstɐːjʃən] « console de jeux »

Cependant, certains locuteurs, notamment ceux qui connaissent des langues étrangères
(généralement l’anglais, le français ou l’italien), prononcent la bilabiale occlusive
sourde [p] des emprunts récents et on entend parfois [ˈgrʊːp] « groupe » ou
[plɐːjˈstɐːjʃən] « console de jeux ».

Par contre, dans les emprunts anciens, le phonème /p/ de la langue d’origine est toujours
prononcé [b] ou [b̴], comme dans [b̴aːˈb̴ʉːᵲ] « bateau », [ˈsɪːbja] « seiche », [ˈkʊbri]
« pont », [ˈbʊfta] « homosexuel ».

Le [p] n’a en aucun cas le statut de phonème, en raison de l’instabilité de la


prononciation ; il est une variante articulatoire de /b/, qui n’existe que pour un nombre
limité d’emprunts.

1.1.2. Le phonème /ëë/


On examinera l’articulation [b̴] du phonème /ë/. On étudiera également l’origine du
phonème /ë/ dans les emprunts 18.

a) L’occlusive bilabiale sonore emphatique [b̴̴]


On présente généralement le ë comme étant la réalisation emphatique [b̴] du phonème
/b/, réalisation liée à une emphase affective ou expressive, qu’on retrouve dans des
noms de parenté et dans les jurons.

A ce sujet, Dominique CAUBET indique qu’il

« existe un […] facteur qui peut provoquer l’emphase : un élément d’affectivité.


En effet, ë et ú emphatiques ne se trouvent isolément que dans des mots
contenant une part d’affect : grand respect, ou au contraire, insultes (ici le nom
des parents : ëëa, ëāëa, úúwi, úāúa) » (CAUBET 1993 I : 4).
17
D’après un dictionnaire étymologique de l’anglais, poofter serait une forme empruntée à l’anglais
d’Australie : « poof "effeminate man, male homosexual," c.1850, perhaps a corruption of puff. The
Australian extended form poofter is attested from 1910 ». Online Etymology Dictionary, © 2001 Douglas
Harper. http://dictionary.reference.com/search?q=poof.
18
Le /ë/ est également lié à la labiovélarisation. Cf. 1.3. Vélarisation des labiales.

27
Dans sa description du parler des Juifs de Tunis, David COHEN précise que

« le terme ‘emphatique’ pour désigner certaines consonnes arabes, n’a pas


grande signification du point de vue de la phonétique. Il a cependant le mérite de
souligner la valeur affective que peuvent avoir les consonnes de ce type. Ainsi
dans de nombreuses formes, il est visible que c’est un désir d’expressivité qui a
donné une couleur ‘emphatique’ à certains phonèmes qui ne l’avaient pas par
nature. L’‘emphase’ prend là tout son sens psychologique. Le phénomène est
d’une grande fréquence par exemple pour les mots désignant les parties
sexuelles (et qui considérés comme tabous ne servent qu’en manière d’injures ou
de jurons) lors même qu’ils ne comportent aucun phonème de la série classique
des ‘emphatiques’ par nature » (COHEN 1975 : 13).

Dans le parler arabe de Tripoli, j’ai en effet relevé une réalisation emphatique [b̴] dans
des noms de parenté et dans un juron fabriqué à partir du nom d’une partie sexuelle ; ce
qui est en accord avec les considérations des auteurs précédents.

Or, en synchronie, dans le parler arabe de Tripoli contemporain, on peut admettre


l’existence d’un phonème /ë/, puisqu’on oppose ce dernier au phonème /b/ et également
au phonème /ú/ 19. Les paires minimales suivantes ont été relevées :

/b/ : /ë/
/bāb-a/ [ˈbɐːbɐ] « sa porte » : /ëāëa/ [b̴ɑːˈb̴ɑ] « papa »
/zəbb/ [ˈzəbː] « bite » : /¢əëë/ [ˈᵶɑb̴ː] « putain, merde »

/ë/ : /ú/
/ëāëa/ [bɑːˈb̴ɑ] « papa » : /úāúa/ [ᵯɑːˈᵯɑ] « maman »
/ëëēya/ [ˈb̴ːeːja] « son petit père » : /úúēya/ [ˈᵯːeːja] « eau »

Ce phonème apparaît dans le nom de parenté /ëāëa/ « papa » réalisé [b̴ɑːˈb̴ɑ], dans son
diminutif /uëëēya/ [ˈb̴ːeːja] et dans son pluriel /ëëāhāt/ [b̴ːɑːˈhɑːt] et il s’agit en effet
d’une emphase affective qu’on retrouve dans un nom de parenté.

Elle apparaît également dans le terme [ˈᵶɑb̴ː] « putain, merde ». A l’origine, la forme
[ˈᵶɑb̴ː] est une réalisation emphatique de /zəbb/, dont la pharyngalisation était liée à une
emphase expressive, qui touche les noms obscènes et des termes liés à la sexualité –
notamment lorsque ces derniers sont employés comme une insulte. Cependant, dans le
parler arabe de Tripoli actuel, à l’opposition phonétique [ˈzəbː] : [ˈᵶɑb̴ː] correspond une
opposition de sens : respectivement « bite » : « putain, merde ». Cette opposition de
sens permet d’opposer les phonèmes /b/ et /ë/. On trouve la forme [ˈᵶɑb̴ː] dans les
exemples suivants :

/¢əëë/ [ˈᵶɑb̴ː] « putain, merde ! »


/xēü-ək ə¢-¢əëë/ [ˈxeːᵲək aˈᵶːɑb̴ː] « Qu’est-ce que tu as, putain ?! »

19
On admet également l’existence du phonème /ú/ (voir en 1.1.4.) et du phonème /¢/ (voir en 3.1.3.b).

28
/l-ə¢-zəëë/ [ɫaˈᵶːɑb̴ː] « putain de (beaucoup) »

Ce dernier exemple, qui est en fait une locution adverbiale /l-ə¢-¢əëë/, permet
d’exprimer le haut degré avec une connotation obscène, comme dans :

/ûāgāε l-ə¢-¢əëë/ [ᵴaːˈgaːʕ ɫaˈᵶːɑb̴ː] « on se pèle les couilles, on se les


caille grave, il fait un putain de froid »

Il existe également la locution adjectivale /ə¢-¢əëë/ réalisée [ɑˈᵶːɑb̴ː] « de merde »,


employée dans une construction synthétique, comme dans les exemples suivants :

/tālīfūn-ə¢-¢əëë/ [tɐːlɪːfʊːn ɑˈᵶːɑb̴ː] « téléphone de merde ! »


/səyyāüt-ə¢-¢əëë/ [sɪːjaːᵲᵵ ɑˈᵶːɑb̴ː] « voiture de merde ! »

b) Emprunts
[b̴] apparaît également dans des emprunts. Cela est dû, d’une part, à l’expressivité
nécessaire pour produire un terme emprunté 20 et, d’autre part, au besoin de conserver
des timbres vocaliques qui se rapprochent de ceux des langues d’emprunt, tels que le
[a], le [ɑ] et le [o].

Le phonème /ë/ peut provenir d’un /b/ ou d’un /p/ du turc :

boya « peinture » /ëëāya/ [ˈb̴ːɑːj̴a] « cirage »


vapur « bateau, ferry » /ëāëūü/ [b̴ɑːˈb̴ʉːᵲ] « bateau »

Il peut également provenir d’un /b/ ou d’un /p/ de l’italien :

baracca « baraque » /ëəüüāka/ [b̴aᵲːˈaːka] « cabane, baraque »


giubotto « blouson » /ğīëū°u/ [d͡ʒɪːˈb̴ʉːᵵʉ] « blouson »
tubo « tube » /°ūëu/ [ˈᵵʉːb̴ʉ] « tube »
parcheggio « parking » /ëəükāğu/ [b̴aᵲkaːd͡ʒʊ] « parking »
passaporto « passeport » /ëāûāëōü°/ [ˈb̴aːᵴaːˈb̴oːrt] « passeport »

Il peut aussi provenir d’un /p/ de l’anglais :

portable « portable » /ëuü°ābəl/ [b̴ʉᵲˈᵵɑːb̴əɫ] « ordinateur portable »


power « énergie » /ëāwər/ [ˈb̴ɑːwər] « énergie »

1.1.3. Le phonème /m/


On étudiera la réalisation [m] et l’allophone [ᵯ] du phonème /m/.

a) La bilabiale sonore nasale [m]


On la trouve dans les exemples suivants :

20
En ce qui concerne la pharyngalisation des emprunts : cf. NAÏM 1998 et CAUBET 1993 I : 4.

29
/mumkən/ [ˈmʊmkən] « peut-être »
/māεūn/ [maːˈʕoːn] « récipient »
/mlīô/ [ˈmlɪːħ] « bien »
/šəms/ [ˈʃəms] « soleil »
/īmāzīāən/ [ɪːmɐːˈzɪːɣən] « Berbères »
/gəεməz/ [ˈgaʕməz] « il s’est assis »
/ôšūmi/ [ˈħʃʊːmɪ] « timide »
/xəmsa/ [ˈxamsa] « cinq »
/tyəmməm/ [ˈtjəmːəm] « il a fait ses ablutions avec du sable »
/səmmān/ [səˈmːɐːn] « cailles »
/gəssəm/ [ˈgəsːəm] « il a divisé »
/kmām/ [ˈkmɐːm] « manches »
/ləmm/ [ˈləmː] « il a rassemblé »
/εāmm/ [ˈʕaːmː] « commun, général »
/šīšma/ [ˈʃɪːʃma] « robinet »
/mākyāta/ [mɐːˈkjaːta] « café avec du lait et de la mousse »
/sīmāfru/ [sɪːˈmaːfrʊ] « feux tricolores »
/māsāğ/ [mɐːˈsɐːd͡ʒ] « message, texto, SMS 21 »

Les quatre derniers exemples sont des termes empruntés respectivement au turc çesme
« fontaine, source » 22, à l’italien semaforo « feux tricolores » et machiàtto « café avec
un nuage de lait, avec de la mousse », ainsi qu’à l’anglais message « message ».

b) Emphatisation
On trouve l’allophone [ᵯ] de /m/ en contexte emphatique, résultat d’une assimilation
régressive et progressive, au sein du mot, comme dans les exemples suivants :

/müa/ [ˈᵯᵲɑ] « femme, épouse »


/m°əü/ [ˈᵯᵵəᵲ] « pluie »
/tmə°°əü/ [ˈᵵᵯəᵵːəᵲ] « il se met à pleuvoir »
/ümād/ [ˈᵲᵯɑːd̴] « cendre »
/ôəmüa/ [ˈħɑᵯᵲa] « rouge »

ú/
1.1.4. Le phonème /ú
On examinera la prononciation [ᵯ] de ce phonème, notamment dans les emprunts 23.

a) La bilabiale sonore nasale emphatique [ᵯ ᵯ]


On la trouve dans le nom de parenté suivant. Il s’agit d’une emphase affective :

21
SMS – Short Message Service.
22
On trouve également le terme  [češme] en persan avec le même sens.
23
Le /ú/ est également lié à la labiovélarisation. Cf. 1.3. Vélarisation des labiales ci-après.

30
/úāúa/ [ᵯɑːˈᵯɑ] « maman »

On la rencontre dans un démonstratif ; il s’agit d’une forme pharyngalisée :

/ā-húa/ [aːhʉ̆ˈᵯa] « ceux-ci, celles-ci »

On la trouve également géminé en début de mot, comme dans les exemples suivants :

/úúāla/ [ə̆ˈᵯːɑːla] « alors »


/úúālī-k/ [ə̆ᵯːɑːˈlɪːk] « tes parents »
/úúēya/ [ˈᵯːeːja] « eau »

b) Emprunts
On rencontre également la bilabiale sonore nasale emphatique dans des termes
empruntés, pour les mêmes raisons que /b̴/, i.e. lié à l’expressivité nécessaire pour
produire un terme emprunté, mais aussi au besoin de conserver des termes vocaliques
de la langue d’emprunt.

Le phonème /ú/ peut provenir d’un /m/ de l’italien ou de l’anglais.

moda « mode » /úōîa/ [ˈᵯoːd̴a] « mode »


mobile « mobile » /úōëāyl/ [ᵯoːˈb̴aːjl] « téléphone portable »

1.1.5. Le phonème /w/


On traitera des réalisations [w] et [wʧ] du phonème /w/.

a) La semi-consonne bilabiale sonore [w]


On la retrouve dans les exemples suivants :

/wəšwāš/ [wəʃˈwɐːʃ] « moustiques »


/wāzga/ [ˈwɐːzga] « beaucoup, abondance »
/wgəf/ [wʊˈ̆gəf] « il s’est arrêté »
/nwləd/ [ə̆nwʊ̆lˈəd] « il est né »
/kāwi/ [ˈkɐːwɪ] « cautère »
/əôwəl/ [ˈaħwəl] « qui louche (strabisme convergent) »
/šwāüəε/ [ˈʃwaːᵲaʕ] « rues »
/āədwīka/ [ɣəˈdwɪːka] « demain »
/mbəwwəx/ [ˈmbʊwːəx] « cuit à la vapeur »
/buwwāla/ [bʊˈwːɐːla] « urinoir, pissotière »
/žwēw/ [ˈʒweːw] « un peu d’ambiance »
/îəww/ [ˈd̴ɑwʧː] « lumière »

31
b) Emphatisation
On trouve le [wʧ] dans le démonstratif suivant ; il s’agit d’une forme pharyngalisée :

/ā-hẉa/ [aːhʉ̆ˈwʧa] « celui-ci »

L’allophone [wʧ] de /w/ est également lié à des contagions d’emphase, par assimilation,
comme dans les exemples suivants :

/məwîūε/ [ᵯɑwʧˈd̴ʉːʕ] « sujet, thème »


/îəww/ [ˈd̴ɑwʧː] « lumière »
/wəüga/ [ˈwʧʉᵲg̴a] « une feuille »
/°wāûi/ [ˈᵵwʧɑːᵴɨ] « verres »
/îwāfəü/ [ˈd̴wʧɑːᵮəᵲ] « ongles »

1.1.6. Synthèse
Le tableau suivant récapitule les bilabiales étudiées :

Bilabiales
Phonèmes Réalisations / Allophones
/b/ [b], [b̴], [p], [p̴]
/ë/ [b̴]
/m/ [m], [ᵯ]
/ú/ [ᵯ]
/w/ [w], [wʧ]

1.2. Labiodentales
Dans le parler arabe de Tripoli, on trouve les deux phonèmes /f/ et /v/. On oppose les
paires minimales suivantes :

/f/ : /v/
/səyyəf/ [səˈjːəf] « il a été forcé » : /səyyəv/ [səˈjːəv] « il a sauvegardé »
/fəlfla/ [ˈfɐlfɐ̆la] « un poivron » : /vəlvla/ [ˈvɐlvɐ̆la] « valve »

1.2.1. Le phonème /f/


On étudiera la réalisation [f], ainsi que les allophones [v] et [ᵮ] du phonème /f/.

a) La fricative labiodentale sourde [f]


On le trouve dans les exemples suivants :

/fəlla/ [fɐˈlːa] « il a épouillé »


/fūl/ [ˈfʊːl] « fèves »
/fhəm/ [ˈfhəm] « il a compris »
/səftūl/ [sɐfˈtʊːl] « mauvais garçon »

32
/šlāfṭi/ [ˈʃɫɑːᵮᵵɨ] « péquenaud »
/gərfa/ [ˈgɐrfa] « cannelle »
/rfəε/ [ˈrfaʕ] « il a soulevé »
/zəεfān/ [zaʕˈfaːn] « énervé »
/nftəô/ [ə̆nˈftaħ] « il s’est ouvert »
/ûəffəü/ [ˈᵴəᵮːəᵲ] « il a sifflé »
/tuffāô/ [tʊˈfːaːħ] « pommes »
/müāyəf/ [ˈᵯᵲaːjəf] « nostalgique »
/rdīf/ [ˈrdɪːf] « mauvais garçon »

b) Sonorisation
Une réalisation sonore [v] de /f/ est le résultat d’une assimilation régressive par une
consonne sonore, lorsque /f/ la précède, en contact direct, comme dans les exemples
suivants :

/fžəl/ [ˈvʒəl] « radis »


/fgi/ [ˈvgɪ] « maître d’école coranique »

c) Emphatisation
On relève une réalisation emphatique [ᵮ] de /f/.

Il s’agit d’une contagion d’emphase, comme dans les exemples suivants :

/°əüf/ [ˈᵵɑᵲᵮ] « morceau »


/fāîi/ [ˈᵮɑːd̴ɨ] « vide »
/gəfû/ [ˈg̴ɑᵮə̆ᵴ] « cage »
/îwāfəü/ [ˈd̴w̴ɑːᵮəᵲ] « ongles »
/ôufüa/ [ˈħʉᵮᵲa] « trou »
/ûəffāüa/ [ᵴɑˈᵮːaːᵲa] « sifflet »
/n°fēt/ [ə̆ᵰᵵˈᵮeːᵵ] « je suis fatigué (je me suis éteint) »

Il peut également s’agir d’une emphatisation liée à des besoins d’expressivité, comme
dans l’insulte suivante :

/nāfəx/ [ˈᵰɑːᵮəx] « chiant, emmerdeur (qui gonfle) »

1.2.2. Le phonème /v/


On traitera de la réalisation [v] du phonème /v/.

a) La fricative labiodentale sonore [v]


A l’origine, le /v/ n’est pas un phonème de l’arabe. Dans le parler arabe de Tripoli, on
trouve la réalisation [v] dans des termes empruntés où on réalise toujours la fricative
labiodentale [v] et où le son [v] n’a pas été ramené au son arabe le plus proche.

33
b) Emprunts
Le phonème /v/ peut provenir d’un /v/ de l’italien :

vite « vis » /vīti/ [ˈvɪːtɪ] « vis »


lavandìno « évier » /lāvāndīnu/ [laːvaːnˈdɪːnʊ] « évier, lavabo »
valvola « valve » /vəlvla/ [ˈvɐlvɐ̆la] « valve »
vaniglia « vanille » /vānīlya/ [vɐːˈnɪːlja] « vanille »
vaselina « vaseline » /vāzlīn/ [vɐːzˈlɪːn] « vaseline »

Il peut aussi provenir d’un /v/ de l’anglais :

save « sauvegarder » /səyyəv/ [ˈsəjːəv] « il a sauvegardé »


silver « inox » /sīlvər/ [ˈsɪːlvər] « inox »

Pour certains emprunts, la réalisation fricative labiodentale sonore [v] alterne avec
l’articulation des consonnes de l’arabe qui lui sont proches : la semi-consonne bilabiale
sonore [w], la fricative labiodentale sourde [f]. On entend ainsi, dans le parler arabe de
Tripoli, les diverses formes suivantes :

[laːˈvaːd͡ʒːʊ] [laːˈwaːd͡ʒːʊ] « station de lavage (voitures) »


[laːvanˈdɪːnʊ] [laːwanˈdɪːnʊ] « évier, lavabo »
[ˈsɪːlvər] [ˈsɪːlfər] « inox ».

Il existe des emprunts, pour lesquels on ne prononce jamais le son [v] ; ce son a été
ramené au son arabe le plus proche. Ces emprunts proviennent de l’italien :

vagabondo « vagabond » /bāgābundu/ [baːgaːˈbʊndʊ] « mauvais garçon »


viaggio « voyage » /byāžu/ [ˈbjaːʒʊ] « voyage »
vaso « vase » /fā¢u/ [ˈᵮaːᵶʉ] « pot »
vernice « vernis » /wəünīš/ [waᵲˈnɪːʃ] « vernis »

1.2.3. Synthèse
Le tableau suivant récapitule les labiodentales examinées.

Labiodentales
Phonèmes Réalisations / Allophones
/f/ [b], [b̴], [p], [p̴]
/v/ [v]

1.3. Vélarisation des labiales


A Tripoli, pour dire « eau », on entend parfois le terme uúúwēya réalisé [ʉ̆̆ˈᵯːweːja]. Il
s’agit d’un diminutif de me [ˈme] « eau », où la labiale /m/ est réalisée emphatique et
géminée et est suivie d’un appendice labiovélaire w. C’est le phénomène de

34
labiovélarisation, caractéristique de certains parlers nomades du Nord de l’Afrique, qui
touche également les phonèmes /b/ et /f/ 24.

Cette réalisation a été relevée par les auteurs précédents (Hans STUMME 1898, Eugenio
GRIFFINI 1913, ainsi que Sumikazu YODA 2005), mais elle est rare aujourd’hui dans le
parler arabe de Tripoli. En effet, la forme couramment employée actuellement à Tripoli
pour dire « eau » est ṃṃēya [ˈᵯːeːjːa] ; l’élément furtif w a disparu.

Le tableau suivant compare certains termes, tels qu’ils ont été transcrits par les auteurs
précédents, avec ceux usités actuellement à Tripoli [colonne PEREIRA (2002-2008)].
Les auteurs précédents, à l’exception de YODA, n’ont pas noté les labiales
emphatiques ; ils ne les notaient jamais dans leur ouvrage, mais on peut inférer du
timbre des voyelles notées å [ɑ] et o [ʉ], qu’il s’agit bien de réalisations emphatiques.

STUMME GRIFFINI YODA 25 PEREIRA


(1898) (1913) (2005) (2002-2008)
[ëweyya] /ëëāya/
« cirage »
(p. 27) [ˈb̴ːaːja]
muÕ√ja
u
m Õ√jä mÕ√ja
[úweyya] /úúēya/ « eau
mmÕ√jä ummÕ√ja
(p. 27) [ˈᵯːeːja] (diminutif)»
(p. 261) ummuÕ√ja
(p. 4)
rǻbbi
jā-rǻbbuy [Ṛeëëwe] /üəëë-i/
rǻbb-i « mon Dieu »
(p. 212) (p. 27) [ˈᵲɑb̴ːɨ]
(p. 83)
fuÕ√jim fuÕ√jim /óóēm/ « bouche
(p. 261) (p. 32) [ˈᵮːeːᵯ] (diminutif) »
åfum
/óóām/
fum « bouches »
[ˈᵮːɑːᵯ]
(p. 32)
buoi
[wëweyy] /ëëēy/ « père
bbÕ√
(p. 27) [ˈb̴ːeːj] (diminutif) »
(p. 198)
júmmy
júmmå
jåmmå [eúúwe] /uúú-i/
« ma mère »
(p. 27) [ˈʉ̆mːɨ]
j ͡ -mmå
(p. 166)

On note une évolution, lorsqu’on compare les données des auteurs précédents, avec les
formes relevées aujourd’hui à Tripoli : on remarque que le w furtif qui suivait les
labiales n’est plus articulé.
24
Il peut également concerner les phonèmes /k/ et /g/. Voire CANTINEAU 1960 : 30.
25
Les informateurs de YODA ont quitté la Libye entre 1948 et 1967 et vivent en Israël. On peut considérer
que leur parler est semblable a celui qui était employé à Tripoli au moment de leur départ.

35
Or, ce w furtif représentait un phonème en activité et il a disparu, à la suite de son
assimilation avec les labiales, en laissant une marque. Sa disparition a, en effet, été
compensée par la gémination et l’emphatisation de la consonne labiale, d’où le passage
de ë w à ëë, de ó w à óó et de ú w a úú. Cette gémination et cette emphase représentent
la semi-consonne du radical ou de la morphologie 26.

2. Dentales (et anciennes interdentales)


Le parler arabe de Tripoli possède deux dentales occlusives /t/ et /d/, leurs équivalentes
emphatiques /°/ et /î/, une dentale sourde affriquée à appendice sifflant /Ń/, ainsi qu’une
dentale liquide nasale sonore /n/.

2.1. Les anciennes interdentales


Etymologiquement, au phonèmes /t/, /d/ et /î/ du parler arabe de Tripoli correspondent
six phonèmes distincts de l’arabe ancien. Au /t/ correspond la dentale sourde occlusive t
et la fricative interdentale sourde ŧ, au /d/ correspond la dentale sonore occlusive d et la
fricative interdentale sonore ñ, au /î/ correspond la dentale sonore occlusive emphatique
î et la fricative interdentale sonore emphatique ®.

L’articulation interdentale est absente du parler arabe de Tripoli. C’est une


caractéristique des parlers sédentaires, comme le précise Jean CANTINEAU 27 dans son
cours de phonétique arabe :

« dans les dialectes modernes de l’arabe, on peut poser le principe suivant : les
spirantes interdentales sont conservées telles quelles, c’est-à-dire t, d, ö, dans
les parlers de nomades ou d’anciens nomades ; elles sont passées aux occlusives
correspondantes t, d, î, dans les parlers sédentaires » 28.

Il n’existe, aujourd’hui, dans le parler arabe de Tripoli, qu'un seul terme, où on


prononce une fricative interdentale sourde : l’onomatopée [iləŧləŧ] « il zozote, il a un
cheveu sur la langue ». A part cet exemple, les fricatives interdentales sont absentes de
ce parler ; elles sont confondues avec les occlusives dentales 29.

26
David COHEN a relevé ce même phénomène dans le parler ôassānīya de Mauritanie (1963 : 4), parler
de type bédouin, mais également dans le parler des Juifs de Tunis (1975), parler citadin préhilalien. En ce
qui concerne la morphologie du parler arabe de Tripoli, le /w/ entre dans la formation du pluriel et du
diminutif de substantifs qui ont une voyelle longue après la première consonne radicale au singulier. A la
suite de cette évolution, on note l’apparition d’un nouveau schème de pluriel et de diminutif, où le /w/
n’est pas articulé, mais où on réalise la gémination et l’emphatisation de la labiale.
Pour le pluriel, on trouve les exemples suivants :
/mūs/ « couteau » > */mwās/ > */úúwās/ > úúās [ᵯːaːs] « couteaux »
/fəmm/ « bouche » > */fwām/ > */óówām/ > óóºú [ˈᵮːɑːᵯ] « bouches »
Pour le diminutif :
/me/ « eau » > */mwēya/ > */úúwēya/ > úúēya [ˈᵯːeːjːa] « eau »
/bu/ « père » > */bwēy/ > */ëë ēy/
w
> ëëēy [ˈb̴ːeːj] « petit papa »
/fəmm/ « bouche » > */fwēm/ > */óó ēm/
w
> óóēú [ˈᵮːeːᵯ] « petite bouche »
27
Voir CANTINEAU 1960 : 44.
28
A ce sujet, voir également William MARÇAIS 1950 : 207 et Ph. MARÇAIS 1957 : 221, 225 et 230.
29
Cependant, les locuteurs prononcent toujours les interdentales lorsqu’ils citent le Coran (arabe
classique) et, la plupart du temps, lorsqu’ils empruntent des termes de l’arabe standard. Pour les termes
empruntés à l’arabe standard, on note parfois qu’il y a une confusion des fricatives interdentales avec les
dentales occlusives. Ainsi, on trouve [maŧalan] qui alterne avec [matalan] « par exemple », [ŧakanāt] avec
[takanāt]. Le nom arabe de la Libye est :  ‫ه ر ار!  ا" ! ا!  اراآ ا‬$ %‫ ا‬/al-žamāhīrīya l-

36
En effet, la fricative sourde interdentale ŧ est confondue avec la dentale sourde occlusive
et réalisée [t] :

*ŧūm /tūm/ [ˈtʊːm] « ail »


*ŧlāŧa /tlāta/ [ˈtlɐːta] « trois »
*ŧalž /təlž/ [ˈtəlʒ] « neige, gel »

La fricative sonore interdentale ñ est confondue avec la dentale sonore occlusive et


réalisée [d] :

*kaññāb /kəddāb/ [kɐˈdːɐːb] « menteur »


*xña /xde/ [ˈxde] « il a pris »
*ñahb /dhəb/ [ˈdhəb] « or »

Par ailleurs, il n’existe plus qu’une seule emphatique /î/, résultat de la confusion de ®
avec î :

*®ahüa /îəhüa/ [ˈd̴ɑhᵲa] « colline »


*®all /îəll/ [ˈd̴ɑl̴ː] « ombre »
*ša®īyāt /šəîīyāt/ [ʃɑd̴ɨːˈj̴ɑːt] « éclats, fragments »

C’est le système que David COHEN 30 a décrit comme étant celui

« représenté en particulier chez les sédentaires du Maghrib. Il ne comporte pas


d’interdentales. Une consonne nouvelle, d’articulation inconnue de l’arabe
classique, est la seule occlusive sonore emphatique, confondant en elle les
représentants des anciens ‫ ظ‬et ‫ض‬. Le système est donc profondément
bouleversé. Aux deux triades non sifflantes [ŧ, ñ, î et t, d, °] correspond un
carré :
t d
° î

que d’ailleurs, dans de nombreux parlers, il convient d’interpréter comme une


double paire. Le système des sifflantes forme seul une triade [s, z, û] » 31.

2.2. Paires minimales


Dans le parler arabe de Tripoli, on oppose les paires minimales suivantes :

/t/ : /d/
/tāb/ [ˈtɐːb] « il s’est repenti » : /dāb/ [ˈdɐːb] « il a fondu »

εarabīya l-lībīya š-šaεbīya l-’ištirākīya l-εu®mā/ (que je traduis par : La Grande République Des Masses,
Arabe, Libyenne, Populaire et Socialiste) où le dernier terme est tantôt prononcé [ˈʕʉð̴ᵯa], tantôt
[ˈʕʉd̴ᵯa].
30
Voir COHEN 1963 : 11.
31
Il oppose ce système à « celui que connaissent la plupart des parlers de nomades » et au « système
représenté en Egypte et dans des parlers de citadins d’Orient » (COHEN 1963 : 11).

37
/kəttəb/ [ˈkəttəb] « il a fait écrire » : /kəddəb/ [ˈkəddəb] « il a menti »

/t/ : /°/
/tāb/ [ˈtɐːb] « il s’est repenti » : /°āb/ [ˈᵵɑːb̴] « il a mûri »
/tərša/ [ˈtɐrʃa] « cul » : ṭəṛša [ˈᵵɑᵲʃa] « sourde »

/t/ : /n/
/tūta/ [ˈtʊːta] « une mûre » : /nūna/ [ˈnʊːna] « clitoris »
/ôətta/ [ˈħatːa] « aussi, jusqu’à » : /ôənna/ [ˈħanːa] « grand-mère, henné »
/zēt/ [ˈzeːt] « huile » : /zēn/ [ˈzeːn] « beauté »

/d/ : /°/
/dāb/ [ˈdɐːb] « il a fondu » : /tāb/ [ˈᵵɑːb̴] « il a mûri »
/tāədda/ [ˈtɣədːa] « il a déjeuné » : /tāə°°a/ [ˈᵵɣəᵵːɑ] « il s’est couvert »
/šədd/ [ˈʃədː] « il a tenu » : /šə°°/ [ˈʃɑᵵː] « bord de mer, plage »

/d/ : /î/
/dəmm/ [ˈdəmː] « sang » : /ḍəmm/ [ˈd̴ɑᵯː] « il a pris dans ses bras »
/bəεd/ [ˈbaʕd] « après » : /bəεî/ [ˈb̴ɑʕd̴] « quelques »
/ôədd/ [ˈħadː] « quelqu’un » : /ôəîî/ [ˈħɑd̴ː] « chance »

/d/ : /n/
/dūda/ [ˈdʊːda] « un ver » : /nūna/ [ˈnʊːna] « clitoris »
/žəbd-a/ [ˈʒəbdɐ] « il l’a tiré » : /žəbna/ [ˈʒəbna] « fromage »
/žədd-a/ [ˈʒədːɐ] « son grand-père » : /žənna/ [ˈžənːa] « paradis »
/fədd/ [ˈfədː] « il a eu marre » : /fənn/ [ˈfənː] « art »

/î/ : /n/
/îāî/ [ˈd̴ɑːd̴] « nom de la lettre ‫ » ض‬: /nāî/ [ˈᵰɑːd̴] « il s’est levé »
/fəîî/ [ˈᵮɑd̴ː] « il a réglé, résolu » : /fənn/ [ˈfənː] « art »

/°/ : /n/
/°āü/ [ˈᵵaːᵲ̴] « il a volé » : /nāü/ [ˈᵰaːᵲ] « feu »
/tāə°°a/ [ˈᵵɣəᵵːɑ] « il s’est couvert » : /tāənna/ [ˈtɣənːa] « il a chanté »

/°/ : /î/
/°əüf/ [ˈᵵɑᵲᵮ] « morceau » : /îəüf/ [ˈd̴ɑᵲᵮ] « circonstance »
/ôə°°/ [ˈħɑᵵ̴ː] « il a posé » : /ôəîî/ [ˈħɑd̴ː] « chance »

/Ń/ : /d/
/bīŃa/ [ˈbɪːt͡sa] « pizza » : /b-īd-a/ [ˈbɪːdɐ] « avec sa main »

38
/Ń/ : /n/
/kāŃu/ [ˈkɐːt͡sʊ] « bite » : /kānu/ [ˈkɐːnʊ] « nous avons été »
/bīŃa/ [ˈbɪːt͡sa] « pizza » : /bī-na/ [ˈbɪːna] « avec nous »

2.3. Le phonème /t/


On traitera de la réalisation [t] du phonème /t/, ainsi que ses allophones [d] et [ᵵ] 32.

a) La dentale occlusive sourde [t]


On la trouve dans les exemples suivants :

/tərkīna/ [tɐrˈkɪːna] « coin »


/tāni/ [ˈtɐːnɪ] « second, deuxième, autre »
/tôāwəl/ [ˈtħaːwəl] « il s’est transformé »
/yətkəl/ [ˈjətkəl] « il se mange »
/tlātīn/ [tlɐːˈtɪːn] « trente »
/stərxa/ [ˈstɐrxa] « il s’est relaxé »
/mā-bēt-š/ [maːˈbeːtə̆ʃ] « je n’ai pas voulu »
/kəttəb/ [ˈkətːəb] « il a fait écrire »
/səttīn/ [sɐˈtːɪːn] « soixante »
/mōt/ [ˈmoːt] « mort »
/rəšta/ [ˈrɐʃta] « vermicelle »
/trīšīklu/ [trɪːˈʃɪːklʊ] « tricycle »
/bāškūti/ [bɐːʃˈkʊːtɪ] « biscuit »
/tāk/ [ˈtɐːk] « tableau de bord »

Les cinq derniers exemples sont des termes qui ont été empruntés respectivement au
turc erişte « pâtes, nouilles, vermicelles », à l’italien triciclo « tricycle » et biscotti
« biscuits », ainsi qu’à l’anglais teck « teck (bois) ».

b) Sonorisation
L’articulation [d] de /t/ est le résultat d’une assimilation régressive et de la sonorisation
de /t/ en [d], par une consonne sonore, lorsque /t/ précède et est au contact d’une telle
consonne, comme dans les exemples suivants :

/tži/ [ˈdʒɪ] « tu viens »


/tzīd/ [ˈdzɪːd] « tu ajoutes, tu continues »
/tgīl/ [ˈdgɪːl] « épais »

32
Philippe MARÇAIS a relevé une réalisation affriquée à appendice sifflant [t͡s] de /t/ : « la dentale t, qui
est articulée avec affrication ts, […] parfois en Libye, comme à Tripoli » (MARÇAIS 1977 : 8). Mais cette
prononciation n’a pas été mentionnée par les autres auteurs. Elle ne concerne aujourd’hui à Tripoli que
celle du phonème /Ń/ des emprunts à l’italien. La prononciation affriquée [t͡ʃ] (č) existe dans le parler arabe
des Juifs de Tripoli (cf. 3.2.3).

39
c) Emphatisation
Une réalisation emphatique [ᵵ] est liée à des contagions d’emphase comme dans :

/tməü/ [ˈᵵᵯəᵲ] « dattes »


/tüāb/ [ˈᵵᵲaːb̴] « terre »
/xtāü/ [ˈxᵵaːᵲ] « il a choisi »

Elle est également liée à la pharyngalisation des emprunts. Il peut s’agir d’emprunts à
l’italien :

passaporto « passeport » /ëāûāëōü°/ [ˈb̴aːᵴaːˈboːrt] « passeport »


puttana « putain » /bū°āna/ [b̴ʉːˈᵵaːᵰa] « putain »

L’emphatisation concerne également les emprunts à l’anglais :

portable « portable » /ëuü°ābəl/ [b̴ʉᵲˈᵵaːb̴əl̴] « ordinateur portable »

2.4. Le phonème /d/


On étudiera la réalisation [d] du phonème /d/, ainsi que ses allophones [t] et [d̴].

a) La dentale occlusive sonore [d]


On la trouve dans les exemples suivants :

/dəôya/ [ˈdaħja] « un œuf »


/dōm/ [ˈdoːm] « longue durée »
/dlāwəz/ [ˈdlɐːwəz] « testicules »
/bəεdēn/ [baʕˈdeːn] « après »
/ôdīda/ [ˈħdɪːda] « bracelet »
/bəndga/ [ˈbəndə̆ga] « fusil »
/gdīm/ [ˈgdɪːm] « ancien »
/bīdāya/ [bɪːˈdɐːja] « début »
/hədrəz/ [ˈhɐdrəz] « il a discuté, bavardé »
/həddəm/ [ˈhɐdːəm] « il a détruit »
/gəddīd/ [gəˈdːɪːd] « viande séchée »
/šāhəd/ [ˈʃɐːhəd] « témoin »
/ôdīd/ [ˈħdɪːd] « fer »
/rəεd/ [ˈraʕd] « tonnerre »
/šədd/ [ˈʃədː] « il a tenu »
/rāndāla/ [rɐːnˈdɐːla] « rondelle, anus »

Le dernier exemple est un terme emprunté à l’italien rondella « rondelle ».

40
b) Assourdissement
Une réalisation sourde [t] est liée à l’assimilation de la consonne sonore par la consonne
sourde, comme dans :

/dfəl/ [ˈtfəl] « il a craché »


/ügədt/ [ˈᵲg̴ətt] « j’ai dormi »

c) Emphatisation
Une réalisation emphatique est liée à des contagions d’emphase comme dans :

/dāü/ [ˈd̴aːᵲ] « pièce »


/ümād/ [ˈᵲᵯaːd̴] « cendre »
/îədd/ [ˈd̴ɑd̴ː] « contre »
/yüədd/ [ɪˈᵲəd̴ː] « il répond, il rend »

2.5. Le phonème /°°/


On examinera la prononciation [ᵵ] du phonème /°/ et les allophones [d̴] et [t].

a) La dentale sourde occlusive emphatique [ᵵᵵ]


On le trouve dans les exemples suivants :

/°əüša/ [ˈᵵɑᵲʃa] « sourde »


/°īn/ [ˈᵵɨːᵰ] « argile »
/°ləε/ [ˈᵵl̴ɑʕ] « il est sorti »
/x°əm/ [ˈxᵵəᵯ] « il est passé »
/xə°wa/ [ˈxəᵵw̴ɑ] « pas »
/üū°ūba/ [ᵲʉːˈᵵʉːb̴ɑ] « humidité »
/āəl°a/ [ˈɣəl̴ᵵɑ] « erreur, faute »
/fə°°əü/ [ˈᵮəᵵːəᵲ] « il a rompu le jeûne »
/āə°°ās/ [ɣəˈᵵːɑːᵴ] « plongeur »
/xəllə°/ [ˈxəɫːəᵵ] « il a mélangé »
/îəbbā°/ [d̴əˈb̴ːɑːᵵ] « officiers »
/wəs°/ [ˈw̴ɑᵴᵵ] « milieu, centre »
/ôə°°/ [ˈħ̴ɑᵵ̴̴ː] « il a mis »

b) Sonorisation
Il existe un allophone [d̴] de /°/, résultat de l’assimilation de la dentale sourde par une
consonne sonore qui la suit directement :

/mə°bəx/ [ˈᵯɑd̴b̴ɑx] « cuisine »


/ə°-°bīxa/ [əˈd̴̴ːb̴ɨːxa] « la cuisson ».
/xə°ba/ [ˈxɑd̴b̴a] « fiançailles »

41
c) Désemphatisation
On trouve un allophone [t] de /°/, lorsque /°/ précède la voyelle longue /ī/, comme dans
les exemples suivants :

√°yü /°īyāüi/ [tɪːˈjɐːrɪ] « aérien, en avion »


√°üg /°üīg/ [ˈtrɪːg] « route, chemin »

Dans d’autres mots de la même racine, on trouve la réalisation emphatique [ᵵ] de /°/.

√°yü /°yūü/ [ˈᵵj̴ʉːᵲ] « oiseaux »


√°üg /°üug/ [ˈᵵᵲʉg̴] « routes, chemins »

Manfred WOIDICH, dans son étude du parler arabe du Caire, précise que seul le /i/ final
de nisba désemphatise un /ü/ qui le précède directement : « Die Nisba-Endung /-i/
deemphatisiert unmittelbar vorangehendes /ü/ » (WOIDICH 2006 : 25). On le retrouve
également à Tripoli, comme dans l’exemple suivant :

√°yü /°īyāüi/ [tɪːˈjɐːrɪ] « aérien, en avion »

Dans cet exemple, on remarque que le /i/ final a désemphatisé le /ü/, mais on remarque
également, dans les exemples, que le /ī/ médial a désemphatisé le /°/ initial.

2.6. Le phonème /îî/


On examinera la réalisation [d̴] du phonème /î/, ainsi que son allophone [ᵵ].

d̴]
a) La dentale sonore occlusive emphatique [d̴
On la trouve dans les exemples suivants :

/îəbb/ [ˈdɑb̴ː] « lézard »


/îāləm/ [ˈd̴ɑːɫəᵯ] « injuste »
/îbāyər/ [ˈd̴b̴ɑːjər] « épices »
/həîm/ [ˈhɑd̴ə̆ᵯ] « digestion »
/mîəā/ [ˈᵯd̴əɣ] « il a mâché »
/fāîi/ [ˈᵮɑːd̴ɨ] « vide »
/əxîəü/ [ˈaxd̴ɑᵲ] « vert »
/fəîîa/ [ˈᵮəd̴ːa] « argent »
/nəîîəf/ [ˈᵰəd̴ːəᵮ] « il a nettoyé »
/nəîîāfa/ [ᵰəˈd̴ːɑːᵮa] « femme de ménage ».
/îunžwān/ [d̴ʉᵰˈʒwaːn] « séducteur (Don Juan) »
/îənžən/ [ˈd̴əᵰʒən] « il a essayé de séduire »

42
Ces deux derniers exemples sont de créations lexicales à partir de Don Juan 33.

b) Assourdissement
/î/ s’accommode en [ᵵ] devant une consonne sourde, résultat d’une assimilation
régressive, comme dans :

/îfīra/ [ˈᵵᵮɨːᵲa] « tresse »

2.7. Le phonème /Ń/


/Ń/ est une dentale affriquée sourde à appendice sifflant articulé [t͡s]. On ne le trouve que
dans les termes suivants, empruntés à l’italien :

càzzo /kāŃu/ [ˈkɐːt͡sʊ] « bite »


càzzi /kāŃi/ [ˈkɐːt͡sɪ] « bite »
34
pizza /bīŃa/ [ˈbɪːt͡sa] « pizza »

/Ń/ a le statut de phonème dans le parler arabe de Tripoli, puisqu’on a opposé des paires
minimales, qu’il est important de rappeler :

/Ń/ : /d/
/bīŃa/ [ˈbɪːt͡sa] « pizza » : /b-īd-a/ [ˈbɪːdɐ] « avec sa main »

/Ń/ : /n/
/kāŃu/ [ˈkɐːt͡sʊ] « bite » : /kānu/ [ˈkɐːnʊ] « nous avons été »
/bīŃa/ [ˈbɪːt͡sa] « pizza » : /bī-na/ [ˈbɪːna] « avec nous »

On oppose également le phonème /Ń/ au phonème /s/ :

/Ń/ : /s/
/kāŃi/ [ˈkɐːt͡sɪ] « bite » : /kās-i/ [ˈkɐːsɪ] « mon verre »

2.8. Le phonème /n/


On examinera la réalisation [n] du phonème /n/, ses allophones [ᵰ], [ŋ], [m], ainsi que
les allophones [l], [r] et [ᵲ] liés à la vélarisation et à l’assimilation du /n/.

a) La dentale sonore nasale [n]


On la trouve dans les exemples suivants :

/nəεža/ [ˈnɐʕʒa] « brebis »


/nōm/ [ˈnoːm] « sommeil »
/nšəd/ [ˈnʃəd] « il a posé une question »

33
Ce terme est employé par mes informateurs tripolitains ; l’un d’entre eux, Adnan, dit l’avoir lui-même
inventé à partir du personnage Don Juan de l’œuvre de Molière, qu’il a lue en arabe.
34
Dans le terme pizza, le phonème de l’italien /z/ est une dentale affriquée sonore à appendice sifflant
[d͡z] alors qu’à Tripoli, il a une réalisation sourde [t͡s].

43
/tmənyək/ [ˈtmənjək] « il s’est moqué »
/žüāna/ [ˈʒᵲaːna] « grenouille »
/žəbna/ [ˈʒəbna] « fromage »
/xānəb/ [ˈxaːnəb] « voleur »
/bərnāməž/ [bɐrˈnaːməʒ] « programme »
/ûənnən/ [ˈᵴəᵰːəᵰ] « il a senti mauvais »
/šəryən/ [ˈʃərjən] « il a sonné »
/εyūn/ [ˈʕjʊːn] « yeux »
/fənn/ [ˈfənː] « art »
/îunn/ [ˈd̴ʉᵰː] « opinion »
/šən°a/ [ˈʃɑᵰᵵa] « valise, sac (à main) »
/bənzīna/ [bɐnˈzɪːna] « essence »
/bānāni/ [baːˈnaːni] « bananes »
/sərdīna/ [sɐrˈdɪːna] « sardine »
/məkrūna/ [mɑˈk̴ᵲʉːᵰa] « pâtes »
/nāys/ [ˈnaːjs] « super, bien »
/sōnāys/ [soːˈnaːjs] « génial »

Les six derniers exemples sont des emprunts, respectivement au turc çanta « sac,
cartable », à l’italien benzina « essence », banane « bananes », sardina « sardine » et
maccheroni « macaroni », ainsi qu’à l’anglais nice et « bien », so nice « tellement bien,
génial ».

b) Emphase
Une réalisation emphatique [ᵰ] est liée à la contagion d’emphase, comme dans les
exemples suivants :

/nūî/ [ˈᵰʉːd̴] « lève-toi »


/bə°n/ [ˈb̴ɑᵵə̆ᵰ] « ventre »
/îunn/ [ˈd̴ʉᵰː] « opinion »

c) Vélarisation
La dentale /n/ s’accommode en vélaire nasale [ŋ], quand elle est au contact des
postpalatales /g/ et /k/, de l’uvulaire /q/, des vélaires /x/ et /ā/, de la labiodentale /f/ et de
l’emphatique /û/ :

1. /ng/ > [ŋg]

/mā-εənd-i ma ngūl/ [maːˈʕandɪ ma ˈŋgʊːl] « je n’ai rien à dire »


/yəngləb/ [ˈjəŋgləb] « il se retourne »
/yəngām/ [jəŋˈgɐːm] « il est apporté »
/sfīngri/ [ˈsfɪːŋgrɪ] « grand froid »

44
/zəngi-dəôdəô/ [ˈzɐŋgi ˈdaħdaħ] « bascule (balançoire) »

2. /nq/ > [ŋq]

/bə-nqārən/ [bəŋˈqaːrən] « j’évaluerai(s) »


/yənqtəl/ [ˈjəŋqtəl] « il est tué »

3. /nk/ > [ŋk]

/yənktəb/ [ˈjəŋktəb] « il s’écrit »


/bə-nkəssər/ [bəŋˈkəsːər] « je casserai(s) »
/bə-nkəllm-ək/ [bəŋˈkəlːmək] « je t’appellerai(s) »

4. /nx/ > [ŋx]

/bə-nxāf/ [bəŋˈxaːf] « j’aurai(s) peur »


/yənxləg/ [ˈyəŋxləg] « il est créé »
/rəžl-i tunxus/ [ˈrəʒlɪ ˈtoŋxos] « j’ai des fourmis dans le pied »

5. /nā/ > [ŋɣ]

/bənāāzi/ [bəŋˈɣaːzi] « Benghazi »


/mən-āēü/ [məŋˈɣeːᵲ] « sans »
/tənāsəl/ [ˈtəŋɣsəl] « elle est lavée »

6. /nf/ > [ŋf]

/yunfux/ [ˈjoŋfox] « il gonfle »


/yənftəô/ [ˈjəŋftaħ] « il s’est ouvert » 35

7. /nû/ > [ŋᵴ]

/bə-nûubb/ [bəŋˈᵴʉb̴ː] « je verserai(s) »


/mən füənsa/ [məŋ ˈfᵲɑŋᵴa] « de France »
/bə-nûəddəg/ [bəŋˈᵴɑd̴ːəg̴] « je croirai(s) »

d) Assimilations
Par ailleurs, le /n/ s’accommode en bilabiale [m] devant les labiales /b/ et /f/, résultat
d’une assimilation :

35
Cependant, dans d’autres exemples, le /n/ s’accommode également en [m] devant /f/, comme cela est
précisé en d).

45
1. /nb/ > [mb]

/yənbəô/ [ˈjambaħ] « il aboie »


/zənbūεi/ [zɐmˈboːʕi] « pamplemousse »
/küunb/ [ˈk̴ᵲʉᵯb̴] « chou »

2. /nf/ > [mf]

/mənfūx/ [mamˈfoːx] « gonflé »


/xənfūû/ [xɑᵯˈᵮʉːᵴ] « cafards »

Le phonème /n/ peut également être assimilé par les prépalatales liquides /l/, /r/ et /ü/ qui
le suivent :

1. /nl/ > [ll]

/mən əl-bāüəô/ [məlːˈbaːᵲəħ] « depuis hier soir »


/mən əl-lēl/ [məˈlːeːl] « depuis la nuit »

2. /nr/ > [rr]

/mən ər-rīô/ [məˈrːɪːħ] « du vent »

3. /nü/ > [üü]

/nüāžī-k/ [ə̆ˈᵲːaːʒɪːk] « je t’attends »


/wēn üā-h/ [weːᵲːaːh] « où l’a-t-il vu ? »
/mən üəbb-i/ [ᵯəˈᵲːɑb̴ːɪ] « du Seigneur »

2.9. Synthèse
Le tableau suivant récapitule les dentales examinées.

Dentales
Phonèmes Réalisations / Allophones
/t/ [t], [d], [ᵵ]
/d/ [d], [t], [d̴]
/°/ [ᵵ],[d̴], [t]
/î/ [d̴], [ᵵ]
/Ń/ [t͡s]
/n/ [n], [ᵰ], [ŋ], [m], [l], [r], [ᵲ]

3. Sifflantes et chuintantes
On distingue les alvéolaires (sifflantes) des prépalatales (chuintantes).

46
3.1. Alvéolaires
Le parler arabe de Tripoli possède le phonème /s/ et sa correspondante emphatique /û/,
ainsi que /z/ et sa correspondante emphatique /¢/. On oppose les paires minimales
suivantes :

/s/ : /û/
/sēf/ [ˈseːf] « épée » : /ûēf/ [ˈᵴeːᵮ] « été »
/səbb/ [ˈsəbː] « il a insulté » : /ûəbb/ [ˈᵴɑbː] « il a versé »
/bās/ [ˈbɐːs] « il a embrassé » : /bāû/ [ˈb̴ɑːᵴ] « bus »
/məss/ [ˈməsː] « il a touché » : /məûû/ [ˈᵯɑᵴː] « il a sucé »

/s/ : /z/
/smān/ [ˈsmɐːn] « gras » : /zmān/ [ˈzmɐːn] « époque »
/bōsa/ [ˈboːsa] « un bisou » : /mōza/ [ˈmoːza] « une banane »
/bəss/ [ˈbɐsː] « seulement » : /bəzz/ [ˈbɐzː] « seins »

/û/ : /z/
/ûāü/ [ˈᵴɑːᵲ] « il est survenu » : /zāü/ [ˈᵶɑːᵲ] « il a visité »
/ûəbb/ [ˈᵴɑbː] « il a versé » : /zəbb/ [ˈzəbː] « bite »
/nəggəû/ [ˈᵰəg̴ːəᵴ] « il a diminué » : /nəggəz/ [ˈnəgːəz] « il a sauté »

/s/ : /¢/
/səbb/ [ˈsəbː] « il a insulté » : /¢əëë/ [ˈᵶɑb̴ː] « putain, merde ! »

/û/ : /¢/
/ûəbb/ [ˈᵴɑbː] « il a versé » : /¢əëë/ [ˈᵶɑb̴ː] « putain, merde ! »

/z/ : /¢/
/fāzu/ [ˈfɐːzʊ] « ils ont gagné » : /fā¢u/ [ˈᵮɑːᵶʉ] « vase, pot »

3.1.1. Le phonème /s/


On traitera de l’articulation [s] du phonème /s/, ainsi que l’allophone [ᵴ].

a) L’alvéolaire fricative sourde [s]


On la trouve dans les exemples suivants :

/səlfa/ [ˈsɐlfa] « belle-sœur »


/sāfīna/ [sɐːˈfɪːna] « bateau »
/sfənz/ [ˈsfənz] « beignet »
/sfənž/ [ˈsfənʒ] « éponge »
/fəstka/ [ˈfɐstə̆ka] « une pistache »
/bōsa/ [ˈboːsa] « bisou »
/εsəl/ [ˈʕsəl] « miel »

47
/ksād/ [ˈksɐːd] « ennui, situation précaire »
/εəksa/ [ˈʕaksa] « squat »
/gəssəm/ [ˈgəsːəm] « il a divisé »
/εəssās/ [ʕaˈsːɐːs] « gardien »
/āməs/ [ˈɐːməs] « hier »
/kābūs/ [kɐːˈbʊːs] « cauchemar »
/žəss/ [ˈʒəss] « il a découvert, il a pris sur le fait »
/māss/ [ˈmɐːsː] « qui touche »
/kīsa/ [ˈkɪːsa] « sac »
/sībya/ [ˈsɪːbja] « seiche »
/kāsku/ [ˈkɐːskʊ] « chevelu »
/krīsməs/ [ˈkrɪːsməs] « Noël »
/māws/ [ˈmaːws] « souris (d’ordinateur) »

Ces cinq derniers exemples sont des emprunts, respectivement au turc kese « sac », à
l’italien seppia « seiche » et casco « casque », ainsi qu’à l’anglais Christmas « Noël » et
mouse « souris ».

b) Emphatisation
/s/ a un allophone [ᵴ], lié à la contagion d’emphase, comme dans :

/üās/ [ˈᵲaːᵴ] « tête »


/wəs°/ [ˈw̴ɑᵴə̆ᵵ] « centre, milieu »
/āə°°ās/ [ɣɑˈᵵːɑːᵴ] « plongeur »

3.1.2. Le phonème /ûû/


On examinera la réalisation [ᵴ] du phonème /û/.

a) L’alvéolaire fricative sourde emphatique [ᵴᵴ]


On la trouve dans les exemples suivants :

/ûəεb/ [ˈᵴɑʕb] « difficile »


/ûāri/ [ˈᵴɑːᵲɨ] « mât »
/ûôāb/ [ˈᵴħɑːb̴] « amis »
/nûəô/ [ˈᵰᵴaħ] « il a conseillé »
/gəûεa/ [ˈg̴ɑᵴʕa] « plateau en bois »
/lāûəg/ [ˈɫɑːᵴəg̴] « collé »
/ôûīra/ [ˈħᵴɨːᵲa] « natte »
/fuüûa/ [ˈᵮʉᵲᵴa] « chance, opportunité »
/bəûûəü/ [ˈb̴ɑᵴːəᵲ] « il a plaisanté »
/gəûûāûa/ [g̴əˈᵴːɑːᵴa] « coupe-ongle »

48
/muûûāûa/ [ᵯʉˈᵴːɑːᵴa] « paille »
/šəxû/ [ˈʃɑxᵴ] « individu »
/gāüəû/ [ˈg̴ɑːᵲəᵴ] « acide »
/üuûû/ [ˈᵲʉᵴː] « appuie »

3.1.3. Le phonème /z/


On examinera l’articulation [z] de /z/, ainsi que l’allophone [ᵶ].

a) /z/ est une alvéolaire fricative sonore


On trouve cette alvéolaire dans les exemples suivants :

/zənbūεi/ [zəmˈboːʕi] « pamplemousse »


/zāhi/ [ˈzɐːhɪ] « content »
/zmə°/ [ˈᵶᵯɑᵵ] « il a avalé »
/lāzəm/ [ˈlɐːzəm] « il faut »
/mīza/ [ˈmɪːza] « caractéristique, particularité »
/ôzən/ [ˈħzən] « il a été triste »
/həzzəb/ [ˈhəzːəb] « il a grondé »
/bəzzālya/ [bɐˈzːɐːlja] « petit-pois »
/εəzza/ [ˈʕazːa] « il a présenté ses condoléances »
/ôzāz/ [ˈħzɐːz] « mycose »
/°īz/ [ˈᵵɨːᵶ] « con, chatte, foufoune »
/həzz/ [ˈhəzː] « il a secoué »
/zīngu/ [ˈzɪːŋgʊ] « zinc »
/zəgzāga/ [zəgˈzɐːga] « zigzag »
/mīzārya/ [mɪːˈzɐːrja] « ennui, misère »

Ces trois derniers exemples sont des emprunts à l’italien zinco « zinc », zigzag
« zigzag » et miseria « misère ».

b) Emphatisation
Une réalisation emphatique [ᵶ], allophone de /z/, est liée à des contagions d’emphase,
comme dans les exemples suivants :

/əzüəg/ [ˈɑᵶᵲɑg̴] « bleu, brun »


/zəübū°/ [ᵶɑᵲˈb̴ʉᵵ] « toupie »
/züəε/ [ˈᵶᵲaʕ] « il a semé »
/zmə°/ [ˈᵶᵯɑᵵ] « il a avalé »

La réalisation [ᵶ] est également liée à une emphase expressive, dans les expressions
familières, les insultes :

49
/zūfri/ [ˈᵶʉːᵮᵲɨ] « mauvais garçon »
/ûāgāε l-ə¢-¢əëë/ [ᵴaːgˈ̴aːʕ ɫaˈᵶːɑb̴ː] « il fait un putain de froid »

3.1.4. Le phonème /¢¢/


On examinera la réalisation [ᵶ] de /¢/. On traitera également de l’origine de cette
réalisation, notamment dans les termes de l’ancienne racine √îb°.

¢/ est une alvéolaire fricative sonore emphatique


a) /¢
/¢/ a le statut de phonème dans le parler arabe de Tripoli, puisqu’on a opposé les paires
minimales suivantes, qu’il est important de rappeler ici :

/z/ : /¢/
/fāzu/ [ˈfɐːzʊ] « ils ont gagné » : /fā¢u/ [ˈᵮɑːᵶʉ] « vase, pot »

/s/ : /¢/
/səbb/ [ˈsəbː] « il a insulté » : /¢əëë/ [ˈᵶɑb̴ː] « putain ! »

/û/ : /¢/
/ûəbb/ [ˈᵴɑbː] « il a versé » : /¢əëë/ [ˈᵶɑb̴ː] « putain ! »

On trouve également, à Tripoli, des exemples où l’ancien î de la racine √îb° est réalisé
alvéolaire fricative sonore emphatique [ᵶ] :

*î(a)ba° /¢bə°/ [ˈᵶbɑᵵ] « il a compris »


*bi î-îab° /b-ə¢-¢əb°/ [b̴əˈᵶːɑb̴ə̆ᵵ] « précisément, exact »
*maîbū° /mə¢bū°/ [ᵯɑᵶˈb̴ʉːᵵ] « exact »

Ces termes ont vraisemblablement été empruntés à une variété d’arabe oriental, dans
laquelle l’ancien î a une réalisation [ᵶ].

C’est le système que David COHEN 36 a décrit comme étant celui représenté en Egypte
et dans des parlers de citadins d’Orient et qui réduit a une organisation binaire toute la
série des dentales :
t d s z
° î û ¢

Jean-Loïc LE QUELLEC 37, dans le lexique de sa méthode d’arabe libyen (Tripolitaine et


Fezzân), a classé ces termes à la racine √îb° et propose l’entrée suivante, où le /î/ de la
racine est réalisé dentale occlusive sonore emphatique [î] :

« √ î b ° : idée d’exactitude, d’appréhension. bi-î-îabe° : exactement, justement.


maîbū° : exact, juste. îābe° : officier ».

Cela n’a cependant pas été relevé dans le parler de Tripoli actuel.
36
COHEN 1963 : 11.
37
LE QUELLEC 2003 : 128.

50
Il faut également tenir compte de la prononciation [¢] d’origine turque mentionnée par
Jean CANTINEAU 38. Hans STUMME 39, dans son étude du parler arabe de Tripoli a relevé
une prononciation sifflante de l’interdentale ŧ et de l’emphatique î ; il a supposé que ces
réalisations étaient d’origine turque :

« […] beruht vielleicht auf türkischer Aussprache die Wiedergabe des ‫ ض‬mit z
in zâb°y und des ‫ ث‬mit s in εosmân » (La confusion dans la prononciation du ‫ض‬
avec le z dans zâb°y et du ‫ ث‬avec le s dans εosmân serait peut-être d’origine
turque) 40.

Nada TOMICHE 41, dans son étude du parler arabe du Caire, précise également que « ¢
représente ‫ ظ‬classique venu par la voie des emprunts au turc » propose l’exemple ¢ºëẹ°
« officier » comme étant une variante de îºëẹ°, qui est de racine √îb°.

A Tripoli, contrairement à l’exemple relevé par Nada TOMICHE, le terme de racine √îb°
qui veut dire « officier » est /îābə°/ et son pluriel /îəbbā°/, respectivement prononcés
[ˈd̴ɑːb̴əᵵ] et [d̴əˈbːɑːᵵ].

3.1.5. Synthèse
Le tableau suivant récapitule les alvéolaires (sifflantes) examinées.

Alvéolaires (sifflantes)
Phonèmes Réalisations / Allophones
/s/ [s], [ᵴ]
/û/ [ᵴ]
/z/ [z], [ᵶ]
/¢/ [ᵶ]

3.2. Prépalatales
On examinera les prépalatales fricatives chuintantes /š/ et /ž/ et les prépalatales
affriquées à appendice chuintant /č/ et /ğ/. On oppose les paires minimales suivantes :

/š/ : /ž/
/šre/ [ˈʃre] « il a acheté » : /žre/ [ˈʒre] « il a couru »
/ôəšš/ [ˈħaʃː] « il a tondu l’herbe » : /ôəžž/ [ˈħaʒː] « il a fait le pèlerinage »

/č/ : /š/
/kānčālu/ [kɐːnˈt͡ʃɐːlʊ] « portail » : /kān šālu/ [kɐːnˈʃɐːlʊ] « s’ils avaient fait sur eux »

/č/ : /ž/
/sərč/ [ˈsərt͡ʃ] « recherche informatique » : /sərž/ [sərʒ] « selle »

38
CANTINEAU 1960 : 41.
39
STUMME 1898 : 202.
40
Toutes les traductions de l’italien, de l’allemand, de l’anglais et de l’arabe littéral vers le français faites
au long de cette étude sont mes traductions personnelles.
41
TOMICHE 1964 : 25.

51
/ğ/ : /š/
/ğun°a/ [ˈd͡ʒʉᵰᵵɑ] « joint » : /šun°-a/ [ˈʃʉᵰᵵɑ] « ses valises »
/ğun°āt/ [d͡ʒʉᵰˈᵵɑːᵵ] « joints » : /šun°āt/ [ʃʉᵰᵵˈɑːᵵ] « valises » 42

3.2.1. Le phonème /š/


On traitera de la réalisation [ʃ] de /š/, ainsi que l’allophone [ʒ].

a) /š/ est une prépalatale fricative sourde [ʃʃ]


On trouve cette réalisation dans les exemples suivants :

/šəršāf/ [ʃərˈʃɐːf] « drap »


/šūšu/ [ʃʊːˈʃʊ] « petit diable (enfant) »
/šrəg/ [ˈʃrəg] « il a avalé de travers »
/kəškūša/ [kɐʃˈkʊːʃa] « mousse du lait »
/šxāšīr/ [ʃxaːˈʃɪːr] « chaussettes »
/εəkša/ [ˈʕakʃa] « mégot »
/məštāg/ [məʃˈtɐːg] « nostalgique »
/εəššəš/ [ˈʕəʃːəʃ] « il a fait son nid »
/kəššāf/ [kəˈʃɐːf] « scout »
/xāššīn/ [xaːˈʃːɪːn] « qui entrent »
/kəbš/ [ˈkɐbʃ] « bélier »
/rεəš/ [ˈrʕaʃ] « il a été choqué, il a eu peur »
/gərgūš/ [gɐrgʊːʃ] « viande séchée »
/āāšš/ [ˈɣaːʃː] « escroc »
/šīša/ [ˈʃɪːʃa] « bouteille »
/šārīt/ [ʃɐːˈrɪːt] « cassette »
/kāšīk/ [kɐːˈʃɪːk] « cuillère »
/šēmənt/ [ˈʃeːmənt] « ciment »
/bəškūti/ [bɐʃˈkʊːtɪ] « biscuits »
/šāl/ [ˈʃɐːl] « station essence »
/tīšərt/ [ˈtɪːʃərt] « t-shirt »

Les sept derniers exemples sont des emprunts, respectivement au turc şişe « bouteille »,
şerit « cassette » et kaşık « cuillère », à l’italien cemento « ciment » et biscotti
« biscuits », ainsi qu’à l’anglais Shell 43 et t-shirt.

b) Sonorisation
/š/ a un allophone sonore [ʒ], lorsqu’il précède une consonne sonore, comme dans :

42
On trouve également, à Tripoli, le pluriel šnā°i. Par ailleurs, le duel de šən°a « valise » est, à Tripoli,
šun°ēn « deux valises, deux sacs », formé à partir de la forme du pluriel šun° « valises ».
43
Shell – Groupe industriel pétrolier.

52
/tbəšbəš/ [ˈdbəʒbəʃ] « il bruine »
/əšgər/ [ˈaʒgər] « blond »

3.2.2. Le phonème /ž/


On traitera de la réalisation [ʒ] du phonème /ž/, ainsi que les allophones [ʃ] et [d͡ʒ]. On
examinera également une exception liée à la non assimilation du /l/ de l’article /əl/ « le,
la, les » par cette consonne solaire.

a) /ž/ est une prépalatale fricative sonore


On la trouve dans les exemples suivants :

/žəôš/ [ˈʒaħʃ] « bardot »


/žābya/ [ˈʒɐːbja] « citerne »
/žāwəb/ [ˈʒɐːwəb] « il a répondu »
/žüāda/ [ˈʒᵲaːda] « une sauterelle »
/āəžr/ [ˈɣaʒə̆r] « Gitan »
/üāža/ [ˈᵲaːʒa] « il a attendu »
/εəžla/ [ˈʕaʒla] « roue »
/εžāž/ [ˈʕʒɐːʒ] « tourbillon de poussière, de sable »
/ôāžəb/ [ˈħaːʒəb] « sourcil, arcade sourcilière »
/ləhža/ [ˈlɐhʒa] « parler, accent »
/səžžəl/ [ˈsəʒːəl] « il a enregistré »
/šəžžəε/ [ˈʃəʒːaʕ] « il a supporté »
/ntəž/ [ˈntəʒ] « il a produit »
/drūž/ [ˈdrʊːʒ] « escaliers »
/ôāžža/ [ˈħaːʒːa] « pèlerine »
/ôāžž/ [ˈħaːʒː] « pèlerin »

b) Assourdissement
/ž/ a un allophone [ʃ], résultat de l’assourdissement de /ž/ au contact d’une consonne
sourde, comme dans :

/žtəmεu/ [ˈʃtɐmʕʊ] « ils se sont réunis »


/žôa/ [ˈʃħa] « Jôa (personnage populaire) »
/žôūš/ [ˈʃħʊːʃ] « bardots »
/žôəü/ [ˈʃħaᵲ] « il a blessé »

c) Assimilation
On assiste à l’assimilation de /ž/ par la dentale /n/, lorsque /n/ précède le /ž/, et à sa
réalisation affriquée [d͡ʒ] (à premier élément dental [d] et à deuxième élément [ʒ]),
comme dans :

53
/nži/ [ˈnd͡ʒɪ] « je viens »
/nžīb/ [ˈnd͡ʒɪːb] « j’apporte »
/nžəô/ [ˈnd͡ʒaħ] « il a réussi »

d) Consonne solaire : une exception


A Tripoli, /ž/ est une consonne solaire et assimile de /l/ de l’article (ə)l « le, la, les »,
comme l’a précisé STUMME 44, à la fin du 19e siècle : « Natürlich wird das l des artikels,
wie vor den Sonnenbuchstaben so auch vor dem ž assimiliert » (Le l de l’article,
s’assimile avec le ž qu’il précède, comme cela se produit avec les lettres solaires qu’il
précède).

Cependant, dans le corpus, on rencontre une seule exception, qui n’est pas régulière :
avec /žəww/ [ˈʒowː] « ambiance », le /l/ de l’article n’est pas toujours assimilé, comme
dans :

/ôətta l-žəww mtāε mākəlt-əl-bāzīn gnəyyən/


[ˈħatːa ˈl-ʒowː ˈmtaːʕ ˈmɐːkə̆lt-əl-bɐːˈzɪːn ˈgneːjən]
aussi l’-ambiance de plat-la-bouillie de farine d’orge sympathique
« Même l’ambiance liée au repas est sympathique (lorsqu’on se rencontre pour
partager un plat de bouillie de farine d’orge). »

/əl-žəww əlli mεā-ha žəww-əl-ləmma/


[ɐl-ˈʒowː ˈəlːɪ ˈmʕɐː-ha ˈʒowː-ɐˈlːɐmːa]
l’-ambiance qui avec-elle ambiance-la-rencontre
« L’ambiance qui va avec, l’ambiance de la rencontre. »

Mais, à côté de ces exemples, on trouve les exemples suivants, où le /ž/ est toujours
assimilé :

/šīn əž-žəww/
[ˈʃɪːn əˈʒːowː]
quoi l’-ambiance
« Comment ça va ? / Quel temps fait-il ? Comment est l’ambiance ? »

/ž-žəww mlīô/
[ˈʒːowː ˈmlɪːħ]
l’-ambiance bonne
« Ça va bien. / Il fait beau. »

On trouve la même particularité dans le parler de la Ḥâmma de Gabès : William


MARÇAIS et Jelloûli FARÈS, dans le glossaire qui accompagne les trois textes d’El-
Ḥâmma de Gabès 45, précisent que « le l s’assimile […] régulièrement à ž, élément
initial d’un complexe consonantique : ,!%"‫ > ا‬ěžžbắl “la montagne”, jamais ělžbắl ; mais
quand ž initial du mot déterminé est suivi d’une voyelle (žv), le l de l’article peut tout
aussi bien s’assimiler que ne pas s’assimiler : ěžžắüü à côté de ělžắüü “l’oasis” < -%"‫» ا‬.

44
STUMME 1998 : 206.
45
MARÇAIS & FARÈS 1931 : 231.

54
3.2.3. Le phonème /č/
On traitera de la réalisation [t͡ʃ] de /č/ dans le parler arabe de Tripoli.

a) La prépalatale affriquée sourde à appendice chuintant [t͡ʃ͡ ]


On la trouve dans des emprunts à l’italien :

cacciavite « tournevis » /kāčāvīti/ [kaːt͡ʃaːˈvɪːtɪ] « tournevis »


cancèllo « grille » /kānčālu/ [kɐːnˈt͡ʃɐːlʊ] « portail »

On la trouve également dans un emprunt à l’anglais :

search « rechercher » /sərč/ [ˈsərt͡ʃ] « recherche (informatique) »

3.2.4. Le phonème /ğ/


On examinera la réalisation [d͡ʒ] de /ğ/, notamment dans les emprunts et dans le suffixe
d’origine turque /-ği/ 46.

a) La prépalatale affriquée sonore à appendice chuintant [d͡ʒ͡ ]
On trouve ce phonème dans des emprunts à l’italien :

giubotto « blouson » /ğībū°u/ [d͡ʒɪːˈb̴ʉːᵵʉ] « blouson »


giubotti « blousons » /ğībū°i/ [d͡ʒɪːˈb̴ʉːᵵɨ] « blouson » 47
parcheggio « parking » /bəükāğu/ [baᵲˈkaːd͡ʒʊ] « parking »
lavàggio « lavage » /lāvāğu/ [laːˈvaːd͡ʒʊ] « station de lavage (voitures) »
rifùgio « abri, refuge » /rīfūğu/ [rɪːˈfʊːd͡ʒʊ] « cave »

On le trouve également dans des emprunts à l’anglais :

message « message » /māsāğ/ [mɐːˈsɐːd͡ʒ] « message, texto »


joint « joint » /ğun°a/ [ˈd͡ʒʉᵰᵵɑ] « joint, pétard »
joint « joint » /ğun°āt/ [ˈd͡ʒʉᵰᵵɑːt] « joints, pétards »

b) Suffixe -ği
On trouve aussi la réalisation [d͡ʒ] dans le suffixe -ği [d͡ʒɪ], emprunté au turc -çe, servant
à former des noms de métiers ou d’occupation 48. En turc, le premier élément du suffixe
est la prépalatale sourde affriquée à appendice chuintant [t͡ʃ], qu’on retrouve sous la
forme [d͡ʒ] dans le parler arabe de Tripoli, comme dans les exemples suivants :

46
[d͡ʒ] peut également être un allophone de /ž/, lorsque /n/ précède la prépalatale /ž/, comme cela a été
précisé en 3.2.2.d.
47
A Tripoli, il n’y a pas de différence de nombre entre /ğībō°u/ et /ğībō°i/ ; ce sont deux termes au
singulier.
48
A ce sujet, voir également BOUCHERIT 2002 : 13.

55
/būxāği/ [bʊːˈxaːd͡ʒɪ] « buveur de būxa 49 »
/üōöāği/ [ᵲoːˈk̴aːd͡ʒɪ] « amateur de rock’n’roll »
/gəhwāği/ [gɐhˈwɐːd͡ʒɪ] « cafetier »
50
/kəεkāği/ [kaʕkɐːd͡ʒɪ] « pédophile, sodomite »
/rāndālāği/ 51 [rɐːndɐːˈlaːd͡ʒɪ] « pédophile, sodomite »
52
/üōbānği/ [ᵲoːb̴aːnd͡ʒɪ] « carotteur, escroc »

Plus rarement, dans le parler arabe de Tripoli, on trouve le suffixe sous la forme -ži,
réalisée [ʒɪ], comme dans :

/kuümāži/ [koᵲˈᵯaːʒɪ] « Kormaji (nom de famille) »


/mənyākži/ [mɐnˈjɐːgʒɪ] « moqueur »

Il semblerait, dans ce dernier exemple, que cela soit dû à une accommodation


phonétique, où le premier élément dental [d] de [d͡ʒ] ne soit pas prononcé au contact de
la postpalatale /k/ ; on entend d’ailleurs précisément [mɐːˈnjɐːgʒɪ], avec l’allophone [g]
de /k/, au contact de la consonne sonore /ž/.

3.2.5. Synthèse
Le tableau suivant récapitule les prépalatales (chuintantes) examinées.

Prépalatales (chuintantes)
Phonèmes Réalisations / Allophones
/š/ [ʃ], [ʒ]
/ž/ [ʒ], [ʃ], [d͡ʒ]
/č/ [t͡ʃ]
/ğ/ [d͡ʒ]

3.3. Altérations conditionnées des chuintantes et des sifflantes


Dans le parler arabe de Tripoli, le /ž/ et, dans une moindre mesure, le /š/, peuvent être
sujets à diverses altérations conditionnées. Dès que /ž/ ou /š/ se trouve dans le même
mot, ou en cas de voisinage de ces phonèmes avec /s/, /û/ ou /z/, au sein du même mot,
on peut voir se produire des phénomènes d’assimilation, de dissimilation et de
métathèse 53. Ce phénomène était beaucoup plus important dans le parler arabe de
Tripoli du siècle dernier, tel que décrit par Hans STUMME (1898), Eugenio GRIFFINI
(1913), Antonio CESÀRO (1939) et Sumikazu YODA (2005) et concernait également le
/š/.

49
La būxa est de l’eau de vie de figues.
50
kəεka est un biscuit en forme de cercle, métaphore de l’anus.
51
Formé à partir de l’emprunt à l’italien rondella « rondelle » lexicalisé dans le parler arabe de Tripoli
sous la forme rāndāla avec le sens métaphorique d’ « anus ».
52
Formé à partir de l’emprunt à l’italien rubando « volant, dérobant » (gérondif de rubare « voler,
dérober »).
53
Au sujet des altérations conditionnées des chuintantes et des sifflantes dans les dialectes arabes, voir
CANTINEAU 1960 : 59-64 et TAINE-CHEIKH 1986 : 413-435.

56
3.3.1. Perte de chuintement par assimilation et métathèse
On examinera la perte de chuintement du /ž/, assimilé par les sifflantes /s/, /û/ et /z/,
mais également le phénomène de métathèse qui touche la suite z – ž.

a) Assimilations
La chuintante /ž/ est assimilée par les éléments sifflants /s/, /û/ et /z/. On trouve une
réalisation sifflante [z], là où, en arabe ancien, on trouvait un phonème d’articulation
chuintante [ʒ] ou [d͡ʒ]. Cela se produit lorsque la chuintante ž et les sifflantes s, û ou z se
trouvent au sein du même mot.

1. s–ž > s–z

sfənž [ˈsfənʒ] > sfənz [ˈsfənz] « beignet » 54


sərž [ˈsərʒ] > sərz [ˈsərz] « selle »

2. z–ž > z–z

zōž [ˈzoːʒ] > zōz [ˈzoːz] « deux »


zəllīž [zəˈlːɪːʒ] > zəllīz [zəˈlːɪːz] « carrelage »
tzəwwəž [ˈdzʊwːəʒ] > tzəwwəz [ˈdzʊwːəz] « il s’est marié »
mətzəwwəž [mətˈzʊwːəʒ] > mətzəwwəz [mədˈzʊwːəz] « marié »

3. ž–s > z–s

žəns [ˈʒəns] > zəns [ˈzəns] « espèce, genre »

ž–û > z–û

nžāû [ᵰˈʒ̴ɑːᵴ] > nzāû [ᵰˈᵶɑːᵴ] « poires »

4. ž–z > z–z

εžūz [εăˈʒʊːz] > εzūz [εăˈzʊːz] « vieille femme »


žuzzāü [ʒʊˈzːaːᵲ] > zuzzāü [zʊˈzːaːᵲ] « boucher »

b) Dissimilation
Lorsque les chuintantes /š/ et /ž/ se trouvent au sein du même mot, on note que, dans la
suite š – ž, le /š/ est articulé [s], résultat d’une dissimilation.

1. š–ž > s–ž

šəžžəl [ˈʃəʒːəl] > səžžəl [ˈsəʒːəl] « il a enregistré »


mušəžžəl [mʊˈʃəʒːəl] > musəžžəl [mʊˈsəʒːəl] « magnétophone »

54
A Tripoli, sfənz a le sens de « beignet », mais on trouve également une forme sfənž avec le sens
d’ « éponge ».

57
c) Métathèse
Lorsque la chuintante ž et la sifflante z se trouvent au sein du même mot, on peut
observer que la suite z – ž peut être inversée en ž – z, résultat d’une métathèse. Cela ne
se produit qu’avec les termes de la racine √zwž.

1. z–ž > ž–z

tzəwwəž [ˈdzʊwːəʒ] > tžəwwəz [ˈdʒʊwːəz] « il s’est marié »


zāwāž [zɐːˈwɐːʒ] > žāwāz [ʒɐːˈwɐːz] « mariage »
mətzəwwəž [mədˈzʊwːəʒ] > mətžəwwəz [mədˈʒʊwːəz] « marié »

A Tripoli, les formes tžəwwəz [ˈdʒʊwːəz], tzəwwəz [ˈdzuwːəz] et tzəwwəž [ˈdzuwːəʒ],


ainsi que mətzəwwəž [mədˈzʊwːəʒ], mətžəwwəz [mədˈʒʊwːəz] et mətzəwwəz
[mədˈʒʊwːəz] alternent ; la même personne peut employer ces trois formes. Par contre,
on ne trouve que les formes zāwāž [zɐːˈwɐːʒ] et žāwāz [ʒɐːˈwɐːz] ; on ne rencontre pas la
forme *zāwāz *[zɐːˈwɐːz].

3.3.2. Evolution
Le tableau suivant récapitule les différentes altérations de la chuintante /ž/, la
dissimilation, ainsi que la métathèse relevées dans le parler arabe de Tripoli
d’aujourd’hui.

Combinaisons Altérations
s–ž s–z
ž–s z–s
Assimilation de ž par z ž–û z–û
z–ž z–z
ž–z z–z
Dissimilation š–ž s–ž
Métathèse z–ž ž–z

Cependant, les auteurs précédents ont relevé plus d’altérations conditionnées,


notamment dans des termes comprenant un /š/. On assistait, en effet, dans le parler du
20e siècle, à l’assimilation de /š/ en [s] par la sifflante /s/ et par la sifflante /z/, comme
dans les exemples suivants, alors que cela ne concerne plus tous ces exemples
actuellement :

STUMME : sä0ms 1 , zíns 123, mézlẹs 1"%4, sínsmäk 5 6‫اى[  ا‬


ّ ], zísĕm :63,
zä̅mûs 1;4$%, sárz ‫=رج‬, sízmä (du turc šízmä, čízmä), sezzä̂dä ‫>ة‬$36
ّ , sínzig @%2=
(STUMME 1898 : 207-208).

58
YODA : ğins > *žəns > zəns, mağlis > *məžləs > məzləs, šams > *šəms > səms
(YODA 2005 : 74) 55.

La dissimilation de /š/ en [s] était plus fréquente, lorsque /š/ et /ž/ se trouvaient dans le
même mot, comme dans les exemples suivants ; aujourd’hui, seuls les termes de racine
√šžl semblent être concernés :

STUMME : séžrä ‫رة‬3, sžîä̆ε A 3 (STUMME 1898 : 207).

YODA : šağarah > *šəžra > səzra (YODA : 74).

Aujourd’hui, à Tripoli, on note une évolution par rapport aux études des auteurs
précédents. Les altérations conditionnées ne concernent plus le /š/ ; elles concernent
uniquement le /ž/. Les exemples mentionnés en 3.3.1. ci-dessus alternent tous avec les
formes qui n’auraient pas subi d’altérations, qui sont, d’ailleurs, plus couramment
employées 56.

Peut-être cela est-il dû à l’influence de l’arabe standard, qui, variété prestigieuse perçue
comme la norme, aurait influencé le parler des jeunes Tripolitains, auprès de qui les
enquêtes linguistiques ont été réalisées, dont la prononciation de certains termes
auraient été ‘corrigée’, ‘rectifiée’ ?

Il est cependant des termes pour lesquels on ne trouve pas d’alternance dans la
prononciation, tels que /zōz/ « deux », /nzāû/ « poires » et /εzūz/ « vieille femme », qui
sont toujours prononcés, respectivement, [ˈzoːz], [ˈᵰᵶɑːᵴ] et [ʕăˈzʊːz].

4. Les prépalatales liquides


Le parler arabe de Tripoli possède les quatre phonèmes /l/, /r/, /ü/ et /y/. On oppose les
paires minimales suivantes :

/l/ : /r/
/lī-ya/ [ˈlɪːja] « pour moi » : /rīya/ [ˈrɪːja] « poumon »
/gəbl/ [ˈgɐbə̆l] « avant » : /gəbr/ [ˈgɐbə̆r] « tombeau »

/l/ : /ü/
/la/ [ˈla] « non » : /üa/ [ˈüa] « il a vu »
/lā-hi/ [ˈlɐːhɪ] « elle n’est pas » : /üā-hi/ [ˈᵲaːhɪ] « la voici, elle est »
/ôəml-a/ [ˈôaml-ɐ] « il l’a porté » : /ôəmüa/ [ôɑᵯᵲa] « rouge »

/l/ : /y/
/lābəs/ [ˈlɐːbəs] « vêtu » : /yābəs/ [ˈjɐːbəs] « sec »

55
On rappellera ici que les informateurs de YODA ont quitté la Libye entre 1948 et 1967 et vivent en
Israël. On peut donc considérer que leur parler est semblable a celui qui était employé à Tripoli au
moment de leur départ.
56
Les formes ayant subi les altérations seraient, d’après mes informateurs, plutôt employées par les
personnes âgées et dans le parler de certains quartiers ‘populaires’. Seule une enquête sociolinguistique
fine permettrait de le vérifier.

59
/būl/ [ˈbʊːl] « urine » : /bū-y/ [ˈbʊːj] « mon père »

/r/ : /ü/
/dār/ [ˈdɐːr] « il a fait » : /dāü/ [ˈdaːᵲ] « salle, pièce »

/ü/ : /y/
/üəbb-i/ [ˈᵲɑb̴ːɨ] « mon Dieu » : /yəbbi/ [jəbːɪ] « il veut »
/žāü/ [ˈʒaːᵲ] « voisin » : /žāy/ [ˈʒɐːj] « venant, suivant »

4.1. Le phonème /l/


On examinera la réalisation [l] du phonème /l/. On étudiera également les allophones de
/l/ liés à l’emphatisation, à la dissimilation et à l’assimilation de ce dernier.

4.1.1. La prépalatale liquide latérale /l/


On la trouve dans les exemples suivants :

/lugma/ [ˈlʊgma] « bouchée »


/lūbya/ [ˈlʊbja] « haricot »
/lbən/ [ˈlbən] « lait fermenté »
/sləb/ [ˈsləb] « il a arraché des mains »
/ôīla/ [ˈħɪːla] « ruse »
/məlyān/ [məlˈjɐːn] « rempli »
/təlž/ [ˈtɐlʒ] « neige, glace »
/flūka/ [ˈflʊːka] « barque »
/gəlləg/ [ˈgəlːəg] « il a embrouillé »
/ôəllāla/ [ħaˈlːɐːla] « ouvre-boîte »
/zbəl/ [ˈʒbəl] « fumier »
/xēl/ [ˈxeːl] « chevaux »
/šəkl/ [ˈʃɐkə̆l] « forme, ressemblance »
/bəll/ [ˈbəlː] « chameaux »
/kull/ [ˈkʊlː] « chaque »
/līmūni/ [lɪːˈmʊːnɪ] « aluminium »

Ce dernier exemple est un emprunt à l’italien alluminio « aluminium ».

4.1.2. Emphatisation
Il existe un allophone [ɫ], réalisation emphatique de /l/, lié à des contagions d’emphase,
au sein du mot, comme dans les exemples suivants :

/āəl°a/ [ˈɣɑɫᵵa] « erreur, faute »


/îlām/ [ˈd̴ɫɑːᵯ] « obscurité »
/xəllə°/ [ˈxɑɫːɑᵵ] « il a mélangé »

60
/ûəlla/ [ˈᵴɑɫːa] « il a prié »

Cette emphase est également liée à une emphase expressive et affective, comme dans :

/əllāh/ [ɑˈɫːɑːh] « Dieu »

4.1.3. Dissimilations
On assiste, à Tripoli, à la dissimilation de l en m, lorsque, à l’initiale du mot, l précède
et est au contact de b, dans l’adverbe de temps suivant 57 :

/l-bāüəô/ [ˈmbaːüəħ] « hier au soir »

4.1.4. Assimilations
Le /l/ de l’article /əl/ « le, la, les » s’assimile aux consonnes solaires : t, °, d, î, n, s, û, š,
z, ž, l, r, ü, comme dans les exemples, suivants 58 :

*əl-tūta [əˈtːʊːta] « la mûre »


*əl-°īn [əˈᵵːɨːᵰ] « l’argile »
*əl-dūda [əˈdːʊːda] « le ver »
*əl-îuṛs [əˈd̴ːʉᵲᵴ] « la molaire »
*əl-nāü [əˈᵰːaːᵲ] « le feu »
*əl-sēf [əˈsːeːf] « l’épée »
*əl-ûēf [əˈᵴːeːᵮ] « l’été »
*əl-zəbda [əˈzːɐbda] « le beurre »
*əl-žbəl [əˈʒːbəl] « la montagne »
*əl-lōô [ə’lːoːħ] « le bois »
*əl-rīša [əˈrːiːʃa] « la plume »
*əl-üās [əˈᵲːaːᵴ] « la tête »

On note également des assimilations au sein du mot. Le /l/ peut être assimilé par le /n/
lorsqu’il précède et est au contact de ce dernier :

/wûəlna/ [wʉ̆ˈᵴɑᵰːa] « nous sommes arrivés »


/āsəlna/ [ˈɣsənːa] « nous avons lavé »

Il peut également être assimilé par le /t/ qu’il précède, comme dans :

/gult l-ək/ [ˈgutːlɐk] « je t’ai dit »

Ces assimilations ne sont pas systématiques et on ne les relève que dans quelques mots.

57
Au sujet des altérations inconditionnées de /l/, voir CANTINEAU 1960 : 53.
58
Il existe une exception qui concerne le /ž/ (cf. 3.2.2.d)).

61
A Tripoli, il existe un exemple, où le /l/ est assimilé par le /k/ qu’il précède, dans
l’adverbe suivant :

*b-əl-kull /bukkull/ [ˈbʊkːʊlː] « (pas du) tout »

De plus, dans cet exemple, on note l’harmonisation du timbre des voyelles en [ʊ].

4.2. Les phonèmes /r/ et /üü/ 59


Il existe, dans le parler arabe de Tripoli, deux prépalatales liquides vibrantes : une
prépalatale liquide vibrante /r/, ainsi qu’une prépalatale liquide vibrante emphatique /ü/.
Il s’agit bien de deux phonèmes autonomes, distincts, qui n’alternent librement dans
aucune forme, comme le prouvent les paires minimales relevées à Tripoli, dont les mots
ne se distinguent que par le caractère emphatique ou non emphatique de la consonne
vibrante :

/r/ : /ü/
/dār/ [ˈdɐːr] « il a fait » : /dāü/ [ˈdaːᵲ] « pièce »
/žāri/ [ˈʒɐːrɪ] « qui court » : /žāü-i/ [ˈʒaːᵲɨ] « mon voisin »

Ces paires minimales ne contiennent aucune autre consonne emphatique ; l’articulation


vibrante emphatique n’est donc pas liée à une contagion d’emphase, provoquée par la
présence d’une autre consonne emphatique, au sein du mot.

En effet, en présence d’une autre emphatique au sein du mot, l’opposition entre les deux
phonèmes est neutralisée et la réalisation de la vibrante est, dans ce cas-là, toujours
réalisée emphatique [ᵲ], comme dans les termes suivants :

[ˈᵯᵵəᵲ] « pluie »
[ˈᵲb̴ɑᵵ] « il a noué »
[ˈᵲᵵɑb̴] « mou »
[ᵲg̴ɑᵴ] « il a dansé »
[ᵲʉːˈᵵʉːb̴a] « humidité »
[ˈᵵᵲʉːᵮ] « morceaux »
[ˈp̴ᵴaːᵲa] « plaisanterie »
[ˈᵵɑᵲʃa] « sourde »
[ˈᵵʉᵰʒ̴ᵲa] « marmite »
[ˈg̴ʉᵵᵲa] « goutte »

59
A la suite de William MARÇAIS (1908 : 25 / Saïda) et de Marcel COHEN (1912 :53-54 / Alger Juif),
David COHEN, dans son étude du parler arabe des Juifs de Tunis (1975 : 26-29), a fait un exposé succinct
de l’ensemble de la question qui concerne les phonèmes /r/ et /ü/ ; question qu’il avait déjà bien engagée
dans sa description du parler ôassānīya de Mauritanie (1963 : 24-27). Ses considérations ont servi de base
à l’analyse des deux phonèmes /r/ et /ü/ du parler arabe de Tripoli.

62
La présence du [ᵲ] est également favorisée par l’influence des voyelles /u/, qui, comme
le souligne Philippe MARÇAIS 60, dans sa description du parler arabe de Djidjelli, « crée
toujours une ambiance d’articulation postérieure dans la syllabe dont elle est le centre ».

[ᵲʉb̴ăʕ] « quart »
[ˈk̴ᵲʉᵯb̴] « chou »
[ˈħʉᵮᵲa] « trou »
[ˈħʉʒ̴ᵲa] « chambre »
[ˈᵯʉᵲə̆ʃ] « verre »

La présence de la semi-consonne [w] semble également favoriser l’articulation


emphatique [ᵲ] de la vibrante. On trouve, en effet, à Tripoli, les exemples suivants :

[wʧ̴ʉˈᵲa] « derrière »
[wʧʉ̆ˈᵲəg̴] « feuilles »
[ˈwʧʉᵲːa] « il a montré »

Elle est aussi favorisée par la présence du [aː] :

[ˈᵲaːᵴ] « tête »
[ˈᵮaːᵲ] « rat »
[ˈᵲaːʒəl] « homme »
[ˈᵰaːᵲ] « feu »
[ˈd̴aːᵲ] « pièce »
[xjaːᵲ] « concombres »

Par contre, la voyelle [ɪː] et la semi-consonne [j] semblent avoir une action
désemphatisante. Le [r] non emphatique apparaît lorsque le phonème est en contact
immédiat avec [ɪː] ou les diphtongues comportant [j] :

[ˈrɪːħa] « odeur »
[ˈrɪːja] « poumon »
[ˈgrɪːb] « proche »
[bɐːˈrɪːd] « poste »
[ftɐːˈrɪːʃ] « miettes »
[ˈrjɐːga] « salive »
[ʃɐrˈjɐːna] « sonnerie »
[strɪjːəħ] « il s’est reposé »
[ʒɐˈrːɐːj] « courant »

60
Ph. MARÇAIS 1952 : 67.

63
Le [r] de certains verbes concaves et défectueux est lié au fait que leur voyelle de la
conjugaison préfixale soit un [ɪː] :

[ˈdɐːr] « il a fait » et [ˈndɪːr] « je fais, je mets »


[ˈʒre] « il a couru » et [ˈnɐʒrɪ] « je cours »
[ˈʃre] « il a acheté » et [ˈtɐʃrɪ] « tu achètes »
[ˈkre] « il a loué » et [ˈyɐkrɪ] « il loue ».

L’influence désemphatisante du [ɪː] est flagrante dans les oppositions singulier : pluriel
(ou pluriel : singulier) à alternance vocalique /ī/ – /ā/ :

[ˈbɪːr] « puit » mais [ˈbjaːᵲ] « puits »


[ˈkbɪːr] « grand » mais [ˈkbaːᵲ] « grands »
[fɪːˈrɐːn] « rats » mais [ˈfaːᵲ] « rat »
[ʒɪːrˈɐːn] « voisins » mais [ˈʒaːᵲ] « voisin ».

L’opposition /r/ : /ü/ est, dans le parler arabe de Tripoli, bel et bien une opposition
phonologique. On a mentionné plusieurs paires minimales qui prouvent l’existence de
deux phonèmes distincts. Un environnement emphatique, la présence d’un [aː], d’un [ʊ]
ou d’un [w] favorisent l’existence du /ü/ ; la présence de [ɪː] ou de [j], celle de /r/.

4.3. Le phonème /y/


On traitera de l’articulation [j] du phonème /y/, ainsi que l’allophone [j̴].

4.3.1. La semi-consonne prépalatale sonore [j]


On la trouve dans les exemples suivants :

/yəbbəs/ [ˈjəbːəs] « il a séché »


/yōm/ [ˈjoːm] « jour »
/εyūn/ [ˈʕjʊːn] « yeux »
/šüāyəô/ [ˈʃᵲaːjəħ] « tranches, lamelles »
/sānya/ [ˈsɐːnja] « potager »
/tmənyək/ [tmənˈjək] « il s’est moqué »
/məkyūl/ [məkˈjʊːl] « mesuré »
/ûəyyəô/ [ˈᵴajːaħ] « il a crié »
/ûəyyāε/ [ᵴaˈjːaːʕ] « voyou, fourbe, vaurien »
/žəllāy/ [ʒəˈlːaːj] « qui astique (beaucoup) »
/ôəyy/ [ˈħajː] « vivant »
/yōk/ [ˈjoːk] « non, pas »
/ûūnīya/ [ᵴʉːˈᵰɨːja] « plateau en bois »
/bīlyāüdi/ [bɪːˈljaːrdi] « billard »

64
/māyōlīka/ [mɐːjoːˈlɪːka] « carrelages vernis »
/kōmbyūtər/ [koːmˈbjʊːtər] « ordinateur »
/mākyāž/ [maːˈkjaːʒ] « maquillage »

Les six derniers exemples sont des emprunts, respectivement, au turc yok « ne, non, pas,
il n’y a pas » 61, sini « grand plateau », à l’italien bigliardi « billards » et maiolica
« majolique, barbotine », à l’anglais computer « ordinateur » et au français maquillage.

4.3.2. Emphatisation
On trouve le [j̴] dans le démonstratif suivant ; il s’agit d’une forme pharyngalisée :

/ā-hỵa/ [aːhɨ̆ˈj̴̴a] « celle-ci »

L’allophone [j̴] de /j/ est également lié à des contagions d’emphase, par assimilation,
comme dans les exemples suivants :

/îəyy/ [ˈd̴əj̴ː] « lumière »


/°yūü/ [ˈᵵj̴ʉːᵲ] « oiseaux »

4.4. Synthèse
Le tableau suivant récapitule les prépalatales liquides étudiées.

Prépalatales liquides
Phonèmes Réalisations / Allophones
[l], [ɫ], [m], [k], [t], [ᵵ], [d], [d̴], [n],
/l/
[s], [ᵴ], [z], [ʒ], [r], [ᵲ], [k]
/r/ [r]
/ü/ [ᵲ̴]
/y/ [j], [j̴]

5. Postpalatales et uvulaire
Les phonèmes groupés ici appartiennent à deux séries articulatoires différentes et ils
auraient dû, pour des raisons de cohérence, être traités sous des rubriques différentes.
Cependant, les phonèmes /g/ et /q/ sont liés historiquement et linguistiquement. Il est
donc préférable, pour ne pas nuire à la clarté de l’exposé, de ne pas les séparer dans
cette étude.

61
On ne le trouve que dans l’expression la wāla yōk « non, rien du tout », comme dans l’exemple
suivant : - klēt ?
tu as mangé
- la wāla yōk !
non ou pas
« - Tu as mangé ?
- Non, rien du tout ! »

65
5.1. Paires minimales
Le parler arabe de Tripoli possède les phonèmes /k/ et /g/, ainsi que le phonème /q/. On
oppose les paires minimales suivantes :

/k/ : /g/
/kəlb/ [ˈkəlb] « chien » : /gəlb/ [ˈgəlb] « cœur »
/kūl/ [ˈkʊːl] « mange » : /gūl/ [ˈgʊːl] « dis »
/üukba/ [ˈᵲʉk̴b̴a] « genou » : /üugba/ [ˈᵲʉg̴b̴a] « cou »
/bāki/ [ˈbɐːkɪ] « pleurant » : /bāgi/ [ˈbɐːgɪ] « monnaie »
/tkərkəb/ [tkərˈkəb] « il est tombé et s’est retourné » : /tgərgəb/ [dgərˈgəb] « tu te masturbes »
/ôəkk/ [ˈħakk] « il a gratté » : /ôəgg/ [ˈħagg] « vérité, prix »

/k/ : /q/
/kānūn/ [kɐːˈnʊːn] « fourneau, poêle 62 » : /qānūn/ [qaːˈnʊːn] « loi »
/üā-ki/ [ˈᵲaːki] « te voici » : /üāqi/ [ˈᵲaːqi] « développé »

/g/ : /q/
/stəgûa/ [ˈstɑk̴ᵴɑ] « il est parti » : /stəqûa/ [ˈstɑqᵴɑ] « il s’est renseigné »
/nəggāl/ [nɐˈgːɐːl] « copieur, tricheur » : /nəqqāl/ [naˈqːaːl] « téléphone portable »
/ôəgg/ [ˈħagː] « prix » : /ôəqq/ [ˈħaqː] « vérité »

5.2. Le phonème /k/


On examinera la réalisation [k] du phonème /k/, ainsi que les allophones [g] et [k̴].

5.2.1. La postpalatale occlusive sourde [k]


On la trouve dans les exemples suivants :

/kərš/ [ˈkɐrʃ] « estomac »


/kōsa/ [ˈkoːsa] « courgette »
/ktābāt/ [ktɐːˈbɐːt] « livres »
/ške/ [ˈʃke] « il s’est plaint »
/mεəkrəš/ [ˈmʕakrəʃ] « froissé »
/šlāka/ [ˈʃlɐːka] « tong, mule »
/tərkīna/ [tɐrˈkɪːna] « coin »
/fərkəs/ [fərˈkəs] « il a été confus »
/ôukka/ [ˈħokːa] « canette »
/εəkkūz/ [ʕaˈkːʊːz] « canne »
/glīlək/ [ˈglɪːlək] « peu, rarement »
/sərdūk/ [sɐrˈdʊːk] « coq »
/îəôk/ [ˈd̴ɑħk̴] « fait de rire »

62
kānūn est également le nom du douxième mois du calendrier kadhafien.

66
/šəkk/ [ˈʃəkː] « il a douté »
/kāšīk/ [kɐːˈʃɪːk] « cuillère »
/kuüba/ [kˈ̴ʉᵲb̴a] « virage, coude (plomberie) »
/mīksər/ [ˈmɪːksər] « mixeur »

Ces trois derniers exemples sont des emprunts, respectivement au turc kaşık « cuillère »,
à l’italien cùrva « courbe, virage » et à l’anglais mixer « mixeur ».

5.2.2. Sonorisation
Une articulation sonore [g] est le résultat d’une assimilation régressive et de la
sonorisation de /k/ par une consonne sonore qui suit directement ce phonème, comme
dans les exemples suivants :

/kdəb/ [ˈgdəb] « il a menti »


/mānyākži/ [mɐːˈnjɐːgʒɪ] « moqueur »

5.2.3. Emphatisation
La réalisation emphatique [k̴] de /k/ est liée à des contagions d’emphase, comme dans
les exemples suivants :

/üukba/ [ˈᵲʉk̴b̴a] « genou »

Cette prononciation peut également être liée à une emphase expressive, une emphase
affective, qu’on retrouve dans l’insulte suivante :

/εukεuk/ [ʕʉk̴ˈʕʉk̴] « péqueneau »

5.3. Le phonème /g/ et le phonème /q/


Pour le classement des parlers arabes, la prononciation de l’ancien qāf est très
importante. En effet, d’après les classifications des dialectologues arabes 63, les parlers
dans lesquels l’ancien qāf est représenté par une consonne sourde [q], [k], [k̴], [ʔ], [ʔ̴]
etc., sont des parlers sédentaires, alors que les parlers dans lesquels il est représenté par
une consonne sonore [g], [g͡y], [j], etc., sont des parlers bédouins (ou nomades).

Dans le parler arabe de Tripoli, l’ancien qāf est majoritairement représenté par le
phonème /g/, situant ce parler parmi les parlers de type bédouin 64.

Cependant, on y trouve également la réalisation [q] de l’ancien qāf. En effet, il existe


des paires minimales permettant d’opposer les phonèmes /q/ et /g/, mentionnées ci-

63
Voir CANTINEAU 1960 : 68 et 70, W. MARÇAIS 1950 : 207 et 211, Ph. MARÇAIS 1957 : 221 et 229,
TAINE-CHEIKH 1999 : 13 et 30.
64
Cependant, l’ancien qāf est réalisé uvulaire occlusive sourde [q] dans le parler arabe des Juifs
originaires de Tripoli, décrit par Sumikazu YODA, qui précise, dans son étude, que les Juifs d’Afrique du
Nord parlent un parler de type citadin préhilalien. Il indique également que la différence entre le parler
arabe des Juifs et celui des Musulmans de Tripoli n’est pas seulement une différence de vocabulaire mais
est liée au type de parler : le parler des Juifs étant un parler de type sédentaire, alors que celui des
Musulmans est de type bédouin (YODA 2005 : 1-4).

67
dessus, mais on trouve également de nombreux termes pour lesquels l’articulation
sonore [g] de l’ancien qāf alterne avec la réalisation sourde [q]. Par ailleurs, on a relevé
la prononciation sourde [q] dans de nombreux termes empruntés à l’arabe standard qui
sont lexicalisés dans le parler arabe de Tripoli, termes religieux, administratifs, liés à
l’enseignement et aux nouvelles technologies.

5.3.1. Le phonème /g/


On examinera l’articulation [g] du phonème /g/, mais également ses allophones [k] et
[g̴].

a) La postpalatale occlusive sonore [g]


On la trouve dans les exemples suivants :

/gəddīd/ [gəˈdːɪːd] « viande séchée »


/gīša/ [ˈgɪːʃa] « paille »
/gεəd/ [ˈgʕəd] « il est resté »
/šəgra/ [ˈʃɐgra] « blonde »
/nāga/ [ˈnɐːga] « chamelle »
/šge/ [ˈʒge] « il s’est donné de la peine »
/lugma/ [ˈlʊgma] « bouchée »
/gərgūš/ [gɐrˈgʊːʃ] « viande séchée »
/fūgāε/ [fʊːˈgaːʕ] « champignon »
/nəggəl/ [nəˈgːəl] « il a copié »
/bəggāla/ [bəˈgːɐːla] « fait de vendre à l’unité »
/šrəg/ [ˈʃrəg] « il s’est étouffé »
/bərg/ [ˈbərg] « éclair »
/məštāg/ [məʃˈtɐːg] « nostalgique »
/dəgg/ [ˈdəgː] « il a frappé à la porte »
/gūmīsti/ [gʊːˈmɪːstɪ] « vulcanisateur de pneus »
/gāüāž/ [g̴aːˈᵲaːʒ] « garage »
/grūb/ [ˈgrʊːb] « groupe »
/gāym/ [ˈgɐːjm] « jeu, partie »

Les quatre derniers exemples sont respectivement des emprunts à l’italien gommista
« vulcanisateur de pneus » et garage « garage », ainsi qu’à l’anglais group « groupe » et
game « jeu ».

b) Assourdissement
Lorsque le phonème /g/ précède une consonne sourde, il est articulé occlusif postpalatal
sourd [k], comme dans les exemples suivants :

/gtəl/ [ˈktəl] « il a tué »


/üəgûu/ [ˈᵲək̴ᵴʉ] « ils ont dansé »

68
c) Emphatisation
La réalisation [g̴] est liée à la contagion d’emphase, comme dans les exemples suivants :

/°uggāša/ [ᵵʉˈg̴ːɑːʃa] « étincelle »


/gāüāž/ [g̴aːˈᵲaːʒ] « garage »

5.3.2. Le phonème /q/


On examinera la réalisation [q] de /q/, dans des exemples où la réalisation [q] n’alterne
pas avec l’articulation [g].

a) L’uvulaire sourde occlusive [q]


On la trouve dans les exemples suivants :

/qəbîa/ [ˈqɑb̴d̴ɑ] « poing, avarice »


/qāîi/ [ˈqɑːd̴ɨ] « juge »
/qûəd/ [ˈqᵴɑd̴] « il a voulu dire »
/ôqər/ [ˈħqɑᵲ] « il a grondé »
/εuqda/ [ˈʕʉqd̴ɑ] « noeud »
/nāqəš/ [ˈnaːqɐʃ] « il a débattu »
/fərqa/ [ˈfaᵲqa] « bande, groupe »
/yuqāl/ [jʊqaːl] « il a été dit »
/ôəqqəq/ [ˈħaqːaq] « il a enquêté »
/nəqqāl/ [naˈqːaːl] « téléphone portable »
/fuqqāεāt/ [fuqːaːˈʕaːt] « bulles »
/murāhəq/ [mʊˈraːhaq] « adolescent »
/təôqīq/ [taħˈqɨːq] « interrogatoire »
/nu°q/ [ˈᵰʉᵵə̆q] « prononciation »
/ôəqq/ [ˈħaqː] « vérité »
/qub°ān/ [qʉpˈ̴ᵵɑːᵰ] « capitaine »
/qunûul/ [qʉᵰˈᵴʉl] « consul »

5.4. Synthèse
le tableau suivant récapitule les postpalatales et l’uvulaire examinées.

Postpalatales et uvulaire
Phonèmes Réalisations / Allophones
/k/ [k], [g], [k̴]
/g/ [g], [k], [g̴]
/q/ [q]

6. Vélaires
Dans le parler arabe de Tripoli, on oppose les deux phonèmes suivants : /ā/ et /x/. On
oppose les paires minimales suivantes :

69
/ā/ : /x/
/āēü/[ˈɣeːᵲ] « moins » : /xēü/ [ˈxeːᵲ] « bien »
/āāli/ [ˈɣɐːlɪ] « cher » : /xāli/ [ˈxaːlɪ] « mon oncle »
/āle/ [ˈɣle] « il est devenu cher » : /xle/ [ˈxle] « il a émigré »
/āəbbəü/ [ˈɣɑb̴ːəᵲ] « il a fait de la poussière » : /xəbbəü/ [ˈxɑb̴ːəᵲ] « il a informé »
/nəāüa/ [ˈnaɣᵲa] « bouderie » : /nəxüa/ [ˈnaxᵲa] « je chie »

6.1. Le phonème /ā/


On examinera la réalisation [ɣ] de /ā/, ainsi que l’allophone [x].

ɣ]
6.1.1. La vélaire fricative sonore [ɣ
On la trouve dans les exemples suivants :

/āəmza/ [ˈɣɐmza] « clin d’œil »


/āūfa/ [ˈɣʊːfa] « tignasse »
/ālāf/ [ˈɣlɐːf] « couverture de livre, étui »
/ûāəü/ [ˈᵴɣɑᵲ] « il a rapetissé, il a rajeuni »
/dəāt/ [ˈdəɣt] « pression »
/žuāma/ [ˈʒʊɣma] « gorgée »
/lūāa/ [ˈlʊːɣa] « langue, idiome »
/šəlāəm/ [ˈʃəlɣəm] « il a roulé une pelle »
/māāāīr/ [mɣaːˈɣɪːr] « cavernes, grottes »
/tməāāə°/ [ˈᵵᵯɑɣːəᵵ] « il s’est agrandi, étiré »
/nəāāāü/ [nɐɣːaːᵲ] « boudeur »
/rdəā/ [ˈrdɐɣ] « boue »
/dmāā/ [ˈdmaːɣ] « cerveau »

6.1.2. Assourdissement
On assiste à l’assourdissement de /ā/ en [x], résultat d’une assimilation régressive,
lorsque /ā/ précède et est au contact d’une consonne sourde, comme dans les exemples
suivants :

/āsəl/ [ˈxsəl] « il a lavé »


/ā°əs/ [ˈxᵵɑᵴ] « il a plongé »
/məā°a/ [mɑˈxᵵɑ] « couvercle »

6.2. Le phonème /x/


On traitera de la réalisation [x] du phonème /x/.

6.2.1. La vélaire fricative sourde [x]


On la trouve dans les exemples suivants :

70
/xədd/ [ˈxadː] « joue »
/xāləε/ [ˈxaːlaʕ] « grossier »
/xde/ [ˈxde] « il a pris »
/rxām/ [ˈrxaːm] « marbre »
/nəxla/ [ˈnaxla] « palmier »
/šəxûi/ [ˈʃɑxᵴɨ] « personnel, individuel »
/bāxīl/ [baːˈxɪːl] « avarice »
/sxūn/ [ˈsxoːn] « chaud »
/dəxxən/ [ˈdəxːən] « il a fumé »
/šuxxāx/ [ʃʊˈxːaːx] « pisseur »
/sləx/ [ˈslax] « il a écorché »
/xūx/ [ˈxoːx] « pêches »
/šəxx/ [ˈʃəxː] « il a pissé »

6.3. Synthèse
Le tableau suivant récapitule les vélaires étudiées.

Vélaires
Phonèmes Réalisations / Allophones
/ā/ [ɣ], [x]
/x/ [x]

7. Pharyngales
Le parler arabe de Tripoli possède les deux pharyngales /ô/ et /ε/. On oppose les paires
minimales suivantes :

/ô/ : /ε/
/ôəbb-a/ [ˈħabːɐ] « il l’a aimé » : /εəbba/ [ʕaˈbːa] « il a rempli »
/sāôa/ [saːħa] « place, cour » : /sāεa/ [saːʕa] « heure, montre »
/°āô/ [ˈᵵɑːħ] « il est tombé » : /°āε/ [ˈᵵɑːʕ] « il a obéi »
/šbəô/ [ˈʃbaħ] « il a vu » : /šbəε/ [ˈʃbaʕ] « il a été rassasié »

7.1. Le phonème /ôô/


On examinera la réalisation [ħ] du phonème /ô/.

7.1.1. La pharyngale fricative sourde [ħ]


On la rencontre dans les exemples suivants :

/ôəüb/ [ˈħaᵲb̴] « guerre »


/ôōš/ [ˈħoːʃ] « maison »
/ôtāž/ [ˈħtaːʒ] « il a eu besoin (de) »
/rôe/ [ˈrħe] « il a moulu »

71
/mətôəf/ [ˈmatħaf] « musée »
/žəôš/ [ˈʒəħʃ] « bardot »
/üāôa/ [ˈᵲaːħa] « repos »
/ûəôüa/ [ˈᵴɑħᵲa] « désert »
/sôāb/ [ˈsħaːb] « nuages »
/mbəôôəü/ [ˈmbaħːaᵲ] « Nord »
/kəôôāôa/ [kaˈħːaːħa] « toux »
/nāzəô/ [ˈnɐːzaħ] « à sec, tari »
/°yāô/ [ˈᵵj̴ɑːħ] « chute »
/°uüô/ [ˈᵵʉᵲ̴ăħ] « partie, jeu »
/ûəôô/ [ˈᵴaħː] « vérité »

Le /ô/ ne subit pas d’altération particulière dans le parler arabe de Tripoli 65.

7.2. Le phonème /ε/


On examinera l’articulation [ʕ] du phonème /ε/, ainsi que son allophone [ħ].

7.2.1. La pharyngale fricative sonore [ʕʕ]


On la trouve dans les termes suivants :

/εəüwa/ [ˈʕaᵲwʧa] « anse, poignée, bite »


/εāhəd/ [ˈʕaːhəd] « il a promis »
/εfən/ [ˈʕfən] « sale, pourri »
/îεīf/ [ˈd̴ʕɨːᵮ] « faible »
/zəεtər/ [ˈzaʕtər] « thym »
/gətεa/ [ˈgatʕa] « parcelle de terrain »
/ûəεb/ [ˈᵴɑʕb̴] « difficile »
/māεūn/ [maːˈʕoːn] « récipient »
/mətεūs/ [mɐtˈʕoːs] « infortuné »
/tšəεεəb/ [ˈtʃaʕːab] « il s’est scindé »
/ləεεāb/ [laˈʕːaːb] « joueur »
/nfəε/ [ˈnfaʕ] « il a été utile »
/kūε/ [ˈkʊːʕ] « coude »
/nəžε/ [ˈnaʒăʕ] « campement »

7.2.2. Assourdissement
Lorsque le phonème /ε/ est au contact de /h/ ou de /ô/, il est articulé pharyngale fricative
sourde [ħ], comme dans les exemples suivants :

65
Au sujet des altérations du /ḥ/ dans les parlers arabes, voir CANTINEAU 1960 : 74.

72
1. /εh/ > [ħː]

/mtāε-ha/ [mtaħːa] « à elle »


/mtāε-hum/ [mtaħːom] « à eux, à elles »

2. /hε/ > [ħː]

/wəžh-εədnān/ [wʊʒăħːadnɐːn] « le visage d’Adnan »

Dans ces deux premiers cas, on note également que le /h/, au contact de /ε/ est
également articulé [ħ].

3. /εô/ > [ħː]

/bāε ôōš-əh/ [baːħːoːʃɐh] « il a vendu sa maison »

4. /ôε/ > [ħː]

/šbəô εədnān/ [ʃbaħːadnɐːn] « il a vu Adnan »

7.3. Synthèse
Le tableau suivant récapitule les pharyngales examinées.

Pharyngales
Phonèmes Réalisations / Allophones
/ô/ [ħ]
/ε/ [ʕ], [ħ]

8. Laryngales
Le parler arabe de Tripoli possède les deux laryngales /h/ et /’/. On oppose la paire
minimale suivante :

/h/:/’/
/shəl/ [ˈshɐl] « il a facilité » : /s’əl/ [ˈsʔɐl] « il a demandé »

8.1. Le phonème /h/


On traitera de la réalisation [h] de /h/.

8.1.1. La laryngale fricative sonore [h]


On la trouve dans les exemples suivants :

/hədrəz/ [ˈhɐdrəz] « il a discuté, bavardé »


/hədd/ [ˈhədː] « il a détruit »
/hdīya/ [ˈhdɪːja] « cadeau »
/bhīm/ [ˈbhɪːm] « bête, animal »

73
/shər/ [ˈshər] « il a veillé »
/gəhwi/ [ˈgɐhwɪ] « marron »
/žəbha/ [ˈʒɐbha] « front »
/žāhəl/ [ˈʒɐːhəl] « illettré, idiot »
/bāhi/ [ˈbɐːhɪ] « bien, bon »
/m°əhhəü/ [ˈᵯᵵɑhːəᵲ] « circoncis »
/dəhhāb/ [dɐˈhːɐːb] « orfèvre »
/küəh/ [ˈk̴ᵲɑh] « il a détesté »
/wəžh/ [ˈwʊʒɐ̆h] « visage »
/līhlīh/ [lɪːhˈlɪːh] « trop »

Dans le parler arabe de Tripoli, le /h/ ne connaît pas d’altérations particulières. Il peut,
cependant être assimilé au contact de /ô/ et /ε/ comme cela a été vu précédemment en
7.2.2.

8.2. Le phonème /’/


On trouve, dans le parler arabe de Tripoli, le /’/ dans le verbe /s’əl/ [ˈsʔɐl] « il a
demandé », où le /’/ est toujours articulé laryngale occlusive. Le verbe /s’əl/ est très
couramment employé dans le parler arabe de Tripoli, beaucoup plus que son synonyme
/nšəd/. On a ici affaire à un exemple, où le /’/ est maintenu à l’intérieur du mot. Cela
serait-il l’influence d’une variété d’arabe oriental sur le parler arabe de Tripoli ? En
effet, Jean CANTINEAU 66 nous précise que « dans les parlers orientaux, le hamza,
quoique affaibli, est resté un phonème au sens phonologique du mot, un élément
constitutif important du système consonantique de ces parlers […]. A l’intérieur du mot,
par contre, le hamza s’est rarement maintenu : le seul exemple probant est le verbe
saɔal ».

8.2.1. La laryngale occlusive sourde [ʔʔ]


A Tripoli, on la rencontre surtout dans des termes empruntés à d’autres variétés d’arabe,
notamment à l’arabe classique et à l’arabe standard, comme les exemples suivants
relevés dans mon corpus :

/’allaf/ [ʔɐˈlːəf] « il a composé, il a rédigé »


/mu’min/ [mʊʔˈmɪn] « croyant »
/mas’ūl/ [masˈʔʊːl] « responsable »

Dans le parler arabe de Tripoli – et d’après les auteurs précédents, notamment Jean
Cantineau (1960 : 84-85) et William Marçais (1908 : 5-9) – à part quelques rares
exemples, le /’/ est absent : soit il a été affaibli, a disparu, soit il a été remplacé par une
semi-consonne w ou y 67.

66
Cf. CANTINEAU 1960 : 84.
67
En ce qui concerne l’évolution des formes anciennes hamzées, voir notamment COHEN 1963 : 42-48 et
COHEN 1975 : 36-40. Voir également YODA 2005 : 82-88.

74
8.3. Synthèse
Le tableau suivant récapitule les pharyngales examinées.

Pharyngales
Phonèmes Réalisations / Allophones
/h/ [h], [ħ]
/’/ [ʔ]

9. Conclusion
Dans cette partie consacrée à l’étude de la phonologie et de la phonétique du parler
arabe de Tripoli, les phonèmes vocaliques brefs, les phonèmes vocaliques longs, ainsi
que les phonèmes consonantiques ont été examinés ; et, pour chaque phonème identifié,
on a décrit toutes les réalisations phonétiques, notamment tous les allophones qui
n’apparaissent que dans des conditions déterminées : on a présenté les allophones des
phonèmes vocaliques, en fonction des contextes consonantiques ; on a traité des
allophones consonantiques liés à l’emphatisation, à la sonorisation et à
l’assourdissement.

Si on se base sur les classifications des dialectologues arabes, on observe, au niveau


phonologique et phonétique, que le parler arabe de Tripoli est un parler mixte, qui mèle
des traits propres aux parlers de sédentaires avec des caractéristiques propres aux
parlers de nomades.

En effet, la phonologie des voyelles brèves de l’arabe de Tripoli oppose un /ə/ (qui est le
résultat de la confusion des anciens *a et *i) et un /u/ et ceci est une caractéristique des
parlers de sédentaires ; en revanche, la réduction des anciennes diphtongues *ay et *aw
respectivement en /ē/ et /ō/ est un trait propre aux parlers de nomades.

En ce qui concerne les consonnes, l’absence des anciennes interdentales *ŧ, *ñ et *® et


leur confusion avec les occlusives dentales /t/, /d/ et /î/ est une caractéristique des
parlers de sédentaires ; par contre, la réalisation prépalatale occlusive sonore [g] de
l’ancien qāf est une caractéristique des parlers de nomades.

Aussi, le parler arabe de Tripoli se caractérise par ses phonèmes nouveaux /ë/, /ú/, /¢/,
/v/, /Ń/, /č/, /ğ/, /q/ et /’/, dont certains sont liés à une emphase psychologique et dont les
autres ont été empruntés au système d’autres langues, mais ils sont, dans l’arabe de
Tripoli contemporain, parfaitement phonologisés, complètement intégrés au système
phonologique du parler, puisqu’on oppose pour tous ces phonèmes nouveaux des paires
minimales.

De plus, en ce qui concerne le phénomène de labiovélarisation qui touche les phonèmes


/b/, /m/ et /f/, on note une évolution, lorsqu’on compare les données des auteurs
précédents, avec les formes relevées aujourd’hui à Tripoli : on remarque que le w furtif
qui suivait les labiales (ë w, ú w et ó w) n’est plus articulé. Or, ce w furtif représentait un
phonème en activité et il a disparu, à la suite de son assimilation avec les labiales, en
laissant une marque. Sa disparition a, en effet, été compensée par la gémination et
l’emphatisation de la consonne labiale, d’où le passage de ë w à ëë, de ó w à óó et de ú w
a úú. Cette gémination et cette emphase représentent la semi-consonne du radical ou
de la morphologie

75
Enfin, le vocalisme du parler arabe de Tripoli se caractérise par l’imāla qui touche
certains /a/ finaux (anciens *ā final), les faisant passer à [e].

Il se caractérise également par les diverses altérations conditionnées auxquelles sont


sujet le /š/ et le /ž/ (assimilation, dissimilation et métathèse), dès que ces phonèmes se
trouvent dans le même mot, ou en cas de voisinage de l’un de ces phonèmes avec /s/,
/û/, ou /z/, au sein du même mot.

Ces deux dernières particularités sont propres aux parlers de l’Est maghrébin (parlers E
de la classification de Jean CANTINEAU).

En ce qui concerne les diverses altérations conditionnées auxquelles sont sujet le /š/ et
le /ž/, on remarque, dans l’arabe de Tripoli contemporain, qu’elles n’ont plus toujours
lieu ; cela doit être lié à la connaissance de l’arabe standard, de la variété écrite, qui
influence les locuteurs. Ces derniers modifieraient la prononciation de certains termes
en se basant sur leur forme écrite. En effet, l’influence de l’arabe standard est de plus en
plus forte ; aujourd’hui, les emprunts se font de plus en plus à l’arabe standard et à
l’anglais, alors qu’auparavant, on empruntait au turc et à l’italien.

76
Semi-
Occlusives Affriquées Fricatives Liquides
consonnes
Sourdes Sonores Sourdes Sonores Sourdes Sonores Nasales Latérales Vibrantes Sonores
– / + Emphase – + – + – + – + – + – + – + – + – + – +
Bilabiales /b/ /ë/ /m/ /ú/ /w/

Labiodentales /f/ /v/

Dentales /t/ /°/ /d/ /î/ /Ń/ /n/

Alvéolaires /s/ /û/ /z/ /¢/

Prépalatales /č/ /ğ/ /š/ /ž/ /l/ /r/ /ü/ /y/

Postpalatales /k/ /g/

Vélaires /x/ /ā/

Uvulaire /q/

Pharyngales /ô/ /ε/

Laryngales /’/ /h/

Tableau des phonèmes consonantiques du parler arabe de Tripoli (Libye)


Semi-
Occlusives Affriquées Fricatives Liquides
consonnes
Sourdes Sonores Sourdes Sonores Sourdes Sonores Nasales Latérales Vibrantes Sonores

– / + Emphase – + – + – + – + – + – + – + – + – + – +
p  b ë m ú w ẉ
Bilabiales
[p] [p̴] [b] [b̴] [m] [ᵯ] [w] [w̴]
f ó v
Labiodentales
[f] [ᵮ] [v]
ŧ ñ ®
Interdentales
[θ] [ð] [ð̴]
t ° d î Ń n ù
Dentales
[t] [ᵵ] [d] [d̴] [t͡s] [n] [ᵰ]
s û z ¢
Alvéolaires
[s] [ᵴ] [z] [ᵶ]
č ğ š ž l õ r ü y ỵ
Prépalatales
[t͡ʃ] [d͡ʒ] [ʃ] [ʒ] [l] [l̴] [r] [ᵲ] [j] [j̴]
k ö g 
Postpalatales
[k] [k̴] [g] [g̴]
x ā ŋ
Vélaires
[x] [ɣ] [ŋ]
q
Uvulaire
[q]
ô ε
Pharyngales
[ħ] [ʕ]
’ h
Laryngales
[ʔ] [h]

Tableau des réalisations consonantiques du parler arabe de Tripoli (Libye)


STRUCTURE SYLLABIQUE ET ACCENT

En arabe tripolitain, des règles strictes déterminent la nature des syllabes et ces règles
sont liées à la quantité vocalique, mais également à l’accentuation.

De nombreux auteurs ont déjà étudié la structure syllabique de plusieurs parlers arabes
maghrébins et il apparaît que ces parlers ne supportent pas de voyelle brève en syllabe
ouverte 1.

En ce qui concerne l’arabe de Tripoli, il faudrait compléter cette règle, en précisant


qu’on n’y trouve pas de voyelle brève en syllabe ouverte non accentuée. Cette règle a
d’importantes conséquences au niveau morphologique.

I. Structure syllabique
On distingue deux types de syllabes : les syllabes ouvertes et les syllabes fermées. On
distingue également les syllabes brèves et les syllabes longues. Les syllabes brèves sont
des syllabes ouvertes à voyelle brève ; les syllabes longues sont les syllabes ouvertes à
voyelles longues et toutes les syllabes fermées (voir COHEN 1975 : 73).

1. Syllabes ouvertes
Les syllabes ouvertes, dans le parler arabe de Tripoli, se terminent pas une voyelle
longue ou par une voyelle brève.

Il existe un type de syllabe ouverte composée d’une seule voyelle longue v̄. Une telle
syllabe ne se trouve qu’à l’initiale du mot 2.

v̄ : ā-ne « moi »
ā-səm « nom »
ī-mām « imam »
ī-mā-zī-āən « Berbères »
ī-gūl « il dit »
ā-hẉa « celui-ci »
ā-hỵa « celle-ci »

La syllabe ouverte à voyelle longue peut avoir une ou plusieurs consonnes initiales.

Cv̄ : me « eau »
bu « père »
mā-ši « allant »
ğī-bū-°u « blouson »
óā-¢u « vase »

CCv̄ : ktā-bāt « livres »


bûā-üa « plaisanterie »
ëëā-ya « cirage »

1
A ce sujet, voir W. MARÇAIS 1902 : 46-54, W. MARÇAIS 1908 : 49-68, M. COHEN 1912 : 140-164,
Ph. MARÇAIS 1952 : 72-105, D. COHEN 1975 : 72-83.
2
Dans cette étude, v = voyelle brève, v̄ = voyelle longue, C = consonne.

77
sme « ciel »
āde « déjeuner »
nse « il a oublié »
ā°a « couverture »

Dans le parler arabe de Tripoli, les syllabes ouvertes peuvent également se terminer par
une voyelle brève, dans des cas bien précis : dans ce cas, on parle de syllabe brève. En
effet, on ne trouve des voyelles brèves qu’en syllabes ouvertes accentuées et à l’initiale
du mot. L’accent frappe la première syllabe du mot, favorisant le maintien de la voyelle
brève en syllabe ouverte 3.

Cv : bə́-°ən « ventre »
üú-bəε « quart »
ôə́-lu « joli, doux, sucré »
də́-ôi « œufs »
yə́-ktbu « ils écrivent »
mə́-knsa « balai »

2. Syllabes fermées
Les syllabes fermées se terminent par une, deux ou trois consonnes. On a relevé
quatorze types de syllabes fermées dans le parler arabe de Tripoli.

Les syllabes əC et v̄C ne peuvent se trouver qu’en début de mot.

əC : əõ-õāh « Allah, Dieu »


uë-ëēya « petit papa »
uú-úēya « eau »
ən-°fēt « je me suis éteint »
ək-təb « écris »
əm-ši « va t’en »

Dans les exemples précédents, la voyelle brève initiale est souvent une voyelle
prothétique qui précède un groupement de trois consonnes et qui permet de les articuler.

v̄C : īd « main »

On trouve des syllabes qui se terminent par une voyelle brève et une seule consonne. A
l’initiale, elles peuvent comporter une, deux ou trois consonnes.

CəC : bən « fils »


kət-bət « elle a écrit »

CCəC : lεəb « il a joué »


mgəε-mzīn « assis »
îən-žwən « il a séduit »

3
Voir Ph. MARÇAIS 1977 : 32.

78
CCCəC : stzəd-tu « vous êtes nés »
stgəî-na « nous nous sommes rendu compte »

Il existe des syllabes dites ‘doublement fermées’ : elles se terminent par une voyelle
brève et deux consonnes.

vCC : əüî « terre »


umm « mère »
uxt « sœur »

A l’initiale, elles peuvent comporter une, deux ou trois consonnes.

CəCC : lubb « pulpe »


šədd « il a tenu »
kəlb « chien »
kərš « estomac »
gult « j’ai dit »

CCəCC : nôəbb « j’aime »


tüədd « tu réponds »
tšədd « elle tient »
rgədt « j’ai dormi »
xdəmt « tu as travaillé »

CCCəCC : sthəll « il a commencé, débuté »


stεədd « il s’est préparé »

On trouve également un type de syllabe ‘triplement fermée’ : elle se termine par trois
consonnes ; à l’initiale, elle comporte une seule consonne.

CəCCC : mā-dərtš « je n’ai pas fait »


mā-xdəmtš « je n’ai pas travaillé »

Aussi, il existe des syllabes dites ‘surfermées’ 4. Elles se terminent par une voyelle
longue et une consonne. A l’initiale, elles peuvent comporter une, deux ou trois
consonnes.

Cv̄C : nōm « sommeil »


žēb « poche »
bān « il est apparu »
bīε « vends »
kūl « mange »
šīš-ma « bouteille »
mā-sāğ « message, texto, SMS »
wəš-wāš « moustiques »
sāk-nīn « qui habitent »

4
Ce terme est utilisé par David COHEN, dans son étude du parler des Juifs de Tunis (COHEN 1975 : 73),
pour distinguer les syllabes qui se terminent par une voyelle longue et une consonne (dite surfermée) des
syllabes qui se terminent par deux consonnes (dites doublement fermées).

79
CCv̄C : °wīl « long »
kbāü « grands »
sxūn « chaud »

CCCv̄C : stzād « il est né »


stgāî « il s’est rendu compte »

Enfin, on a relevé une syllabe qui se termine par une voyelle longue et deux consonnes :
‘surfermée’ et ‘doublement fermée’.

Cv̄CC : āāšš « escroc »,


šādd « qui a tenu »
ôāžž « pèlerin »
mā-bāεš « il n’a pas vendu »

3. Modifications syllabiques
Etant donné qu’il est impossible pour une voyelle brève de se maintenir en syllabe
ouverte si elle n’est pas accentuée, la structure syllabique des mots est instable. Cela se
manifeste notamment lorsque l’adjonction d’un suffixe vocalique transforme une
syllabe fermée en syllabe ouverte. On distinguera le cas des mots monosyllabiques de
celui des mots plurisyllabiques, pour lesquels la mutation de la structure syllabique est
plus complexe.

3.1. Mots monosyllabiques


Si on ajoute un suffixe vocalique à un mot monosyllabique de schème C1C2əC3, le
groupement syllabique passe à C1əC2C3. Cette mutation du schème s’appelle ‘ressaut’.

A la troisième personne du masculin singulier de la conjugaison suffixale, un verbe sain


de première forme se trouve sous le schème C1C2əC3 : ktəb « il a écrit », fhəm « il a
compris ».

Si on lui adjoint le suffixe à initiale vocalique de la troisième personne du féminin -ət


ou le suffixe vocalique du pluriel -u, on obtient les formes suivantes :

ktəb + -ət > *ktə-bət > kətbət « elle a écrit »


fhəm + -u > *fhə-mu > fəhmu « ils, elles ont compris »

Les formes *ktə-bət et *fhə-mu sont impossibles, parce qu’elles amèneraient la présence
d’une voyelle brève en syllabe ouverte (non accentuée) : *ktə- et *fhə-. Alors, on assiste
au phénomène de ressaut ; on observe en effet la permutation de la voyelle brève pour
permettre la conservation de syllabes fermées kət-bət et fəh-mu.

Le phénomène de ressaut s’opère également lorsqu’on suffixe un pronom à initiale


vocalique à un verbe ou un nom de schème C1C2əC3 :

îüəb + -ək > *îüə-bək > îəübək « il t’a frappé(e) »


žməl + -əh > *žmə-ləh > žəmləh « son chameau »

80
Il s’opère également lorsqu'on pourvoit un masculin de schème C1C2əC3 de l’indice de
féminin ou du singulatif -a(t) :

bāəl + -a(t) > *bāə-la(t) > bəāla(t) « mule »


nməl + -a(t) > *nmə-la(t) > nəmla(t) « une fourmi »

Il s’opère aussi lorsqu’on adjoint le suffixe de duel -ēn :

šhəü + -ēn > *šhə-üēn > šəhüēn « deux mois »

3.2. Mots plurisyllabiques


Lorsqu’on ajoute la désinence -i du féminin à un verbe à la deuxième personne, ou le -u
du pluriel de la conjugaison préfixale, ou bien à aux formes de l’impératif féminin et
pluriel, on obtient les formes suivantes :

túšüub + -i > *tuš-üu-bi > túšübi « tu bois »


núügud + -u > *nuü-gu-du > núügdu « nous dormons »
ə́sməε + -i > *əs-mə-εi > ə́smεi « écoute »
úšüub + -u > *uš-üu-bu > úšübu « buvez »

Le parler arabe de Tripoli admet la chute pure et simple de la voyelle de la syllabe finale
qui se trouve ouverte. La première voyelle du groupe est accentuée.

Cela concerne également les mots de type ancien mv̆C1C2v̆C3a(t), qu’on retrouve dans
le parler arabe de Tripoli sous la forme məC1C2C3a(t) ; l’accent permet le maintien la
première voyelle du mot :

*ma-dra-sa > mə́drsa « école »


*ma-kta-ba > mə́ktba « bibliothèque »
*mi-kna-sa > mə́knsa « balai »

Ou lorsqu’on pourvoit les mots de schème məC1C2əC3 d’un suffixe vocalique :

mə°εəm + -i > *mə°-εə-mi > mə́°εmi « mon restaurant »


mənžəl + -əh > *mən-žə-ləh > mə́nžləh « sa faucille »

Ou, enfin, les noms féminins de type C1əC2C3a(t), lorsqu’on leur suffixe un pronom
vocalique :

xədma(t) + -i > *xəd-mə-ti > xə́dmti « mon travail »


səlfa(t) + -ək > *səl-fə-tək > sə́lftək « ta belle-sœur »

Au niveau phonétique, on peut entendre une voyelle de disjonction entre la première et


la deuxième consonne ou entre la deuxième et la troisième. On entend, par exemple :

/tušübi/ [ˈtʉʃʉ̆ᵲb̴ɨ] « tu boiras »


/əsmεi/ [ˈasmăʕɪ] « écoute »

81
/məknsa/ [ˈmɐkɐ̆nsa] « balai »
/xədmt-i/ [ˈxadə̆mtɪ] « mon travail »

Lorsqu’une forme de la troisième personne du féminin singulier de la conjugaison


suffixale est suivie d’un pronom suffixé vocalique, on obtient les formes suivantes :

fəhmət + -ək > *fəh-mə-tək > fəhmāt-ək « elle t’a compris(e) »


îəübət + -əh > *îəü-bə-təh > îəübāt-əh « elle l’a frappé »

Dans le parler arabe de Tripoli, la voyelle de l’indice -ət est allongée pour être
conservée.

4. Le schème C1əC2C3
Ce schème nominal est caractérisé par la présence d’une voyelle brève entre la première
et la deuxième consonne radicale. Certaines consonnes exercent une action phonétique
qui détermine la répartition syllabique 5. Il s’agit notamment des consonnes liquides,
labiales, laryngales et pharyngales. L’accent frappe la voyelle qui est entre C1 et C2.
Dans certains cas, une voyelle épenthétique, voyelle brève de disjonction, permettra de
disjoindre C2 et C3 et facilitera leur articulation, comme cela est indiqué en transcription
phonétique. Au Maghreb, ce schème est beaucoup plus important dans les parlers arabes
de type bédouin que dans les parlers de type sédentaire 6.

4.1. C1 est une pharyngale /ε/


Lorsqu’elle est en première position, la consonne /ε/ attire la voyelle juste après elle.

εəgl [ˈʕagə̆l] « raison »


εəhd [ˈʕahə̆d] « promesse »

4.2. C1 est une semi-consonne /w/


C1əC2C3 est le schème des nominaux dont C1 est une semi-consonne.

wəs° [ˈw̴ɑᵴɑ̆ᵵ] « milieu, centre »


wəžh [wʊʒăh] « visage »

4.3. C2 est une liquide /l/, /n/, /r/ ou /üü/


Les consonnes liquides ont tendance à maintenir la voyelle avant elles, ou à l’attirer à
cette place.

məlô [ˈmɐlɐ̆ħ] « sel »


təlž [ˈtɐlə̆ʒ] « neige, gel »

5
Le rôle de certaines consonnes sur la structure syllabique des parlers arabes maghrébins a déjà été
souligné par les auteurs précédents. A ce sujet, voir W. MARÇAIS 1902 : 46, W. MARÇAIS 1908 : 49,
M. COHEN 1912 : 140, Ph. MARÇAIS 1952 : 112-115, D. COHEN 1963 : 175-176), D. COHEN 1975 : 79,
Ph. MARÇAIS 1977 : 32-34.
6
Voir, par exemple, la structure syllabique du parler arabe des Juifs de Tunis, parler de type sédentaire
citadin préhilalien (D. COHEN 1975 : 78-83).

82
εənz [ˈʕanz] « chèvre »
kənz [ˈkɐnz] « trésor »

dərs [ˈdɐrs] « leçon »


zərf [ˈzərf] « enveloppe »

ôəüb [ˈħaᵲb̴] « guerre »


āəüs [ˈɣɑᵲɑ̆ᵴ] « plantation »

4.4. C2 est une labiale /m/, /b/ ou /f/


A l’instar des consonnes liquides, les labiales ont tendance à maintenir la voyelle avant
elles, ou à l’attirer à cette place.

gəmô [ˈgɐmə̆ħ] « blé »


šəms [ˈʃəms] « soleil »

ôəbl [ˈћabə̆l] « corde »


kəbd [ˈkɐbd] « foie »

gəfû [ˈg̴ɑᵮə̆ᵴ] « cage »


nəfs [ˈnɐfəs]̆ « âme »

4.5. C2 est une consonne forte 7


Les termes dont la deuxième consonne radicale est une vélaire /x/ ou /ā/, une
pharyngale /ε/ ou /ô/, une laryngale /h/ ou une consonne emphatique ont également
tendance à attirer la voyelle de sorte que cette dernière soit placée avant elles.

šəxû [ˈʃɑxə̆ᵴ] « individu, personne »


dəāt [ˈdəɣə̆t] « pression »

ûəεb [ˈᵴɑʕb̴] « difficile »


üəεd [ˈraʕd] « tonnerre »
žəôš [ˈʒaħʃ] « ânon, ballot »

šəhd [ˈʃɐhə̆d] « très bon miel, gelée royale »


îəhü [ˈd̴ɑhɑ̆ᵲ] « dos »

həîú [ˈhɑdə̆m] « digestion »


qəûd [ˈqɑᵴə̆d̴] « intention, but »
bə°n [ˈbɑᵵə̆ᵰ] « ventre »

7
Au sujet des ‘consonnes fortes’, voir D. COHEN 1963 : 175-176.

83
4.6. C3 est une semi-consonne /w/ ou /y/
Lorsque C3 est une semi-consonne, le schème est C1əC3w ou C1əC2y ; la voyelle est
placée entre C1 et C2 et elle porte l’accent et la semi-consonne est souvent sous la forme
vocalique, respectivement u ou i.

fəlw [ˈfɐlʊ] « poussin »


dəlw [ˈdɐlʊ] « seau »

səgy [ˈsɐgɪ] « irrigation »


dəôy [ˈdɐħɪ] « œufs »

4.7. Noms verbaux


Le schème C1əC2C3 entre dans la formation des noms verbaux, des noms d’action. Ce
schème permet notamment d’opposer un verbe et son nom d’action.

kšəf « il a découvert » kəšf « découverte, fait de découvrir »


lεəb « il a joué » ləεb « jeu, fait de jouer »
ôləf « il a juré » ôəlf « fait de jurer »
mše « il est allé » məšy « marche, fait de marcher »

5. Conclusion
Dans le parler arabe de Tripoli, on ne trouve pas de voyelle brève en syllabe ouverte
non accentuée.

La structure syllabique du parler arabe de Tripoli présente de nombreuses


caractéristiques propres aux parlers de type bédouin 8.

Toutes les modifications syllabiques examinées, liées à l’adjonction de suffixes


vocaliques, sont communes à de nombreux parlers bédouins et à de nombreux parlers
sahariens au Maghreb.

De plus, le schème nominal C1əC2C3 est très important dans le parler arabe de Tripoli et
dans les parlers de type bédouin, qui ont gardé ce schème pour des mots qui dans les
parlers préhilaliens se trouvent sous la forme C1C2əC3. On entend aussi de nombreuses
voyelles brèves de disjonction entre C2 et C3 et cela est beaucoup plus important dans
les parlers dits de type bédouin que dans les parlers dits de sédentaires.

Ces caractéristiques sont liées à l’accent d’intensité qui, dans le parler arabe de Tripoli,
frappe la voyelle de la première syllabe du mot en maintenant des voyelles brèves en
syllabes ouvertes.

II. Accent
Dans le parler arabe de Tripoli, l’accent de mot peut porter soit sur la syllabe finale, soit
sur la pénultième.

1. L’accent porte sur la syllabe finale

8
A ce sujet, voir Ph. MARÇAIS 1977 : 24-34.

84
L’accent porte sur la syllabe finale, lorsque celle-ci est doublement fermée, c’est-à-dire
qu’elle se termine par une voyelle brève et deux consonnes.

yüədd [ɪˈᵲəd̴ː] « il répond, il rend »


tεəlləmt [tʕaˈlːɐmt] « j’ai appris »
kəttəbt [kəˈtːəbt] « j’ai fait écrire »

L’accent porte sur la syllabe finale quand elle est surfermée, c’est-à-dire qu’elle est
simplement fermée et comporte une voyelle longue.

wəšwāš [wəʃˈwɐːʃ] « moustique »


məzkūm [məzˈkʊːm] « enrhumé »
wāklīn [wɐːkˈlɪːn] « ayant (déjà) mangé »

Il existe trois démonstratifs dans le parler arabe de Tripoli qui se terminent par une
syllabe ouverte accentuée.

ā-hẉá [aːhʉ̆ˈwʧa] « celui-ci »


ā-hỵá [aːhɨ̆ˈj̴̴a] « celle-ci »
ā-huúá [aːhʉ̆ˈᵯa] « ceux-ci, celles-ci »

2. L’accent est sur la pénultième


L’accent est sur la pénultième syllabe lorsque la syllabe finale est ouverte et non
accentuée.

lεəbtu [ˈlʕaptʊ] « vous avez joué »


fuüûa [ˈᵮʉᵲᵴɑ] « chance, opportunité »
səbsi [ˈsəbsɪ] « cigarette »
ûəffāüa [ᵴɑˈᵮːaːᵲa] « sifflet »
lgēna [ˈlgeːna] « nous avons trouvé »
məknsa [ˈmɐkə̆nsa] « balai »
bəndga [ˈbɐndə̆ga] « fusil »

L’accent frappe la pénultième syllabe quand la syllabe finale est simplement fermée.

kātəb [ˈkɐːtəb] « écrivain »


îwāfəü [ˈd̴wʧɑːᵮəᵲ] « ongles »
mə°εəm [ˈᵯɑᵵʕɑᵯ] « restaurant »
dəxxən [ˈdɐxːən] « fume »
tkəlləm [ˈtkɐlːəm] « parle »
šəryən [ˈʃɐrjən] « sonne »

85
Diverses formes dérivées d’une même racine permettent d’illustrer la relation de la
place de l’accent avec la structure syllabique :

gəsgəst [gəsˈgəst] « j’ai espionné »


gusgās [ˈgʊsˈgɐːs] « espion »
gəsgsu [ˈgɐsgsʊ] « ils ont espionné »
gəsgəs [ˈgəsgəs] « espionne »

3. Imāla
L’accent de mot peut avoir une influence sur le timbre du -a final et lui faire subir
l’imāla 9.

*má [ˈme] « eau »


*smá [ˈsme] « ciel »
*ādá [ˈɣde] « déjeuner »
*mšá [ˈmʃe] « il est allé »
*lgá [ˈlge] « il a trouvé »

4. Conclusion
Dans le parler arabe de Tripoli, il y a un fort accent de mot, bien marqué, qui respecte
les règles précises qui ont été examinées.

Cet accent fort permet notamment de maintenir des voyelles brèves en syllabe ouverte.

De plus, l’accent va influencer le timbre du -a final, qui subit une imāla de premier
degré et est réalisé [e].

9
A ce sujet, voir CANTINEAU 1960 : 120.

86
MORPHOLOGIE VERBALE

On traitera des conjugaisons de tous les types de verbes trilitères (sains, sourds,
assimilés, concaves et défectueux) à la première forme et aux formes dérivées. On
distinguera les verbes de racine trilitère des verbes de racine quadrilitère. On examinera
également les verbes anciennement hamzés de racine (√’kl, √’xñ, √’hl et √’ns), ainsi
que les verbes bilitère ba « il a voulu », üa « il a vu » et že « il est venu » (dont la racine
comportait une hamza, respectivement √’by, √r’y et √žy’). Enfin, on analysera des
formes verbales doublement dérivées. Pour tous ces types de verbes, dans la mesure du
possible, on donnera la conjugaison suffixale, la conjugaison préfixale, les impératifs et
les participes.

Conjugaison suffixale, conjugaison préfixale et impératifs

Le tableau suivant présente les suffixes de la conjugaison suffixale, les préfixes de la


conjugaison préfixale, ainsi que les désinences du féminin et du pluriel pour cette
dernière et pour l’impératif. Ce sont les mêmes pour tous les types de verbes à toutes les
formes.

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF


S G. 1. -t n-
2.m. -t t- (ə)–Ø
2.f. -ti t–i (ə)–i
3.m. -Ø y-
3.f. -ət t-
PL. 1. -na n–u
2. -tu t–u (ə)–u
3. -u y–u

Le préfixe de la première personne du singulier de la conjugaison préfixale est n- ; au


pluriel, on se sert également du préfixe n- et de la désinence -u. La forme de ces
premières personnes est le principal discriminant entre les parlers maghrébins et les
parlers orientaux, comme le précise Philippe MARÇAIS (1977 : 37) : « La première
personne du singulier, commune aux deux genres, est exprimée par le préfixe n
(principale caractéristique des parlers maghrébins, qui les distingue, dans leur ensemble,
tant de l’arabe classique que des parlers orientaux). Ce préfixe tire vraisemblablement
son origine, par analogie, du préfixe n- de la première personne du pluriel, également
commune aux deux genres ».

On distingue le genre à la deuxième et à la troisième personne du singulier, dans les


deux conjugaisons 1.

1
Dans certains parlers citadins préhilaliens, il n’y a pas de distinction de genre à la deuxième personne du
singulier, comme dans le parler des Juifs d’Alger décrit par Marcel COHEN (1912 : 177). On trouve
également cette confusion des genres à la deuxième personne du singulier dans le parler arabe de
Djidjelli, parler préhilalien (Ph. MARÇAIS 1952 : 143). On note cette confusion des genres également dans
les parlers préhilaliens villageois du Maroc, parlers žbāla (ou montagnards) (MOSCOSO 2003 : 63), ainsi
que dans le parler arabe d’Anjra (VICENTE 2000 : 61). Toutefois, dans le judéo-arabe de Tripoli, on
distingue le genre à la deuxième personne du singulier, à la conjugaison suffixale ; on emploie le suffixe
-č à la deuxième personne du masculin singulier et le suffixe -či à la deuxième personne du féminin
singulier, comme dans les exemples suivants : kčəbč « tu as écrit (masculin) » et kčəbči « tu as écrit
(féminin) » (YODA 2005 : 146).

87
En revanche, il n’y a pas de distinction de genre aux trois personnes du pluriel, à la
conjugaison suffixale et à la conjugaison préfixale 2.

A la conjugaison suffixale, à la deuxième personne du singulier, la désinence -t marque


le masculin, alors que la désinence -ti marque le féminin ; à la troisième personne du
singulier, la désinence -Ø marque le masculin alors que la désinence -ət marque le
féminin. Philippe MARÇAIS (1977 : 36) précise qu’à « la deuxième personne du
singulier, la distinction du genre n’est marquée que dans les parlers conservateurs (de
type bédouin par exemple) où elle est représentée par la désinence -ti ».

A la conjugaison préfixale, au masculin, le préfixe de la deuxième personne est t-, alors


que pour former le féminin, on ajoute la désinence -i en plus du préfixe t- ; en ce qui
concerne la troisième personne, au masculin, le préfixe est y- alors qu’au féminin on a le
préfixe t-.

L’impératif ne se construit qu’à la deuxième personne du singulier et du pluriel ; on ne


distingue le genre qu’au singulier 3. De plus, la voyelle de l’impératif est la même que
celle du radical de la conjugaison préfixale. En ce qui concerne les impératifs des verbes
sains et défectueux à la première forme verbale, ainsi que ceux du verbe sain à la

2
Le parler arabe de Tripoli s’oppose aux parlers du Fezzân et de Cyrénaïque, où la distinction de genre
est conservée à la deuxième et à la troisième personne du pluriel de la conjugaison suffixale et préfixale.
A ce sujet, voir Ph. MARÇAIS 2001 : 109 et CAUBET 2004 : 78-79 (Fezzân) ; PANETTA 1943 : 186 et
OWENS 1984 : 108 (Cyrénaïque). Au Maghreb, ce phénomène concerne également les parlers du Sud
tunisien. William MARÇAIS précise que cela touche précisément les parlers Sulaym, notamment les
parlers des Marâzîg et du Nefzâoua (W. MARÇAIS 1950 : 215 ; BORIS 1951 et 1958 ; Ph. MARÇAIS 1977 :
37). Le tableau suivant propose des exemples relevés chez ces auteurs :

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE

FEZZÂN PL.2.m. bek¬tu « vous avez pleuré » tš¡ddu « vous tenez »


PL.2.f. bek¬t¿n « vous avez pleuré » tš¡dd¿n « vous tenez »
PL.3.m. bekáw « ils ont pleuré » iš¡ddu « ils tiennent »
PL.3.f. bekán « elles ont pleuré » iš¡dd¿n « elles tiennent »

CYRÉNAÏQUE PL.2.m. ktabtū « vous avez écrit » tékt¿bū « vous écrivez »


PL.2.f. ktábtan « vous avez écrit » tékt¿ban « vous écrivez »
PL.3.m. ktábū « ils ont écrit » yékt¿bū « ils écrivent »
PL.3.f. ktában « elles ont écrit » yékt¿ban « elles écrivent »

SUD TUNISIEN PL.2.f. jîten « vous êtes venues » tebken « vous pleurez »
PL.3.f. jan « elles sont venues » yansan « elles oublient »

La différence de genre à la deuxième et à la troisième personne du pluriel concerne également les


pronoms et les affixes personnels.
3
De plus, comme pour la conjugaison suffixale et la conjugaison préfixale, une distinction de genre
existe, au pluriel de l’impératif, dans les parlers arabes de Cyrénaïque, mais cette distinction ne semble
pas exister dans les parlers du Fezzân. Dans l’étude de Philippe MARÇAIS (2001 : 124) concernant les
parlers arabes du Fezzân, il n’y a pas de distinction de genre pour les impératifs au pluriel. Jean-Loïc LE
QUELLEC (2003 : 22), dans sa méthode d’arabe libyen (Tripolitaine et Fezzân) ne mentionne pas non plus
de distinction de genre au pluriel de l’impératif. Par contre, dans le parler arabe de Benghazi, les formes
suivantes ont été relevées : ökteb « écris (masculin) » s’opposant à ökt¿bi « écris (féminin) » et ökt¿bū
« écrivez (masculin) » à ökt¿ban « écrivez (féminin) » (PANETTA 1943 : 186).

88
huitième forme, ils se construisent, avec une voyelle d’appui qui porte l’accent 4 et qui
est du même timbre que la voyelle du radical du verbe, par un phénomène d’haromine
vocalique régressive : əktəb « écris (masculin) », úšüub « bois (masculin) », əlga
« trouve (masculin) », əšri « achète », əmšu « allez », əltfət « retourne-toi ». Pour les
impératifs des verbes des autres formes dérivées, l’accent porte sur une autre syllabe et
concerne une autre voyelle du mot.

Dans les conjugaisons qui suivront, on a parfois marqué l’accent - lorsque cela semblait
important 5.

Participes

Dans le parler arabe de Tripoli, les participes varient en genre et en nombre ; on oppose,
pour le singulier et pour le pluriel, un masculin à un féminin. La distinction de genre au
pluriel est une caractéristique des parlers de type bédouin 6, plus conservateurs. En effet,
dans les parlers sédentaires préhilaliens, le genre est confondu au pluriel 7.

Le tableau suivant présente les schèmes des participes actifs et des participes passifs des
différents types de verbes trilitères à la première forme verbale.

SAIN SOURD ASSIMILÉ CONCAVE DÉFECTUEUX

PARTICIPE SG.m. C1āC2əC3 C1āC2C3 wāC2əC3 C1āyəC3 C1āC2i


ACTIF 8 SG.f. C1āC2C3a C1āC2C3a wāC2C3a C1āyC3a C1āC2ya
PL.m. C1āC2C3īn C1āC2C3īn wāC2C3īn C1āyC3īn C1āC2yīn
PL.f. C1āC2C3āt C1āC2C3āt wāC2C3āt C1āyC3āt C1āC2yāt

PARTICIPE SG.m. məC1C2ūC3 mūC2ūC3 məC1yūC3 məC1C2i


PASSIF 9 SG.f. məC1C2ūC3a mūC2ūC3a məC1yūC3a məC1C2īya
PL.m. məC1C2ūC3īn mūC2ūC3īn məC1yūC3īn məC1C2īyīn
PL.f. məC1C2ūC3āt mūC2ūC3āt məC1yūC3āt məC1C2īyāt

A la première forme verbale, le participe actif se caractérise par la présence d’un ā long
entre la première (C1) et la deuxième consonne de la racine (C2). Le participe passif se
caractérise par la présence du préfixe m- et de la voyelle longue ū entre C2 et C3, à
l’exception du participe passif des verbes défectueux dont C3 est une semi-consonne.

En ce qui concerne les participes actifs des verbes sourds, on ne trouve pas de voyelle
entre C2 et C3 qui sont identiques et réalisées géminées. Dans les participes des verbes
concaves, C2 est toujours sous la forme y. Dans ceux des verbes défectueux, C3 est

4
Sur le même modèle que le schème d’élatif əC1C2əC3 : əkbəü « plus grand », əûāəü « plus petit », əbεəd
« plus loin », əgüəb « plus près », ou bien d’adjectif de couleur ou de caractéristique physique au masculin
singulier : əôməü « rouge », əšgəü « blond », əkwəs « qui louche, qui a un strabisme divergent ».
5
Pour tout ce qui touche à la structure syllabique et à l’accentuation des verbes, voir le chapitre qui
concerne les questions de structure syllabique et d’accentuation.
6
On retrouve, par exemple, cette caractéristique dans le ôassānīya de Mauritanie (D. COHEN 1963 : 60),
dans le parler arabe de Saïda (W. MARÇAIS 1908 : 125) et dans le parler des ’Arbâε (DHINA 1938 : 337),
qui sont des parlers maghrébins de type bédouin.
7
Cf., par exemple, YODA 2005 : 152 (Tripoli juif) et Ph. MARÇAIS 1952 : 209 (Djidjelli).
8
Le participe actif est le nom d’agent ; il désigne la personne qui réalise l’action exprimée par le verbe.
9
Le participe passif désigne l’action exprimée par le verbe dans son état réalisé.

89
toujours la semi-consonne y, qu’on retrouve sous la forme i, en position finale, au
masculin singulier.Au participe passif, on ne trouve pas de voyelle longue ū entre C2 et
C3 .

Aux formes dérivées et pour les verbes quadrilitères, les participes actifs et passifs sont
confondus en une même forme 10. Cela est dû à la confusion des phonèmes vocaliques
brefs /a/ et /i/ sous une forme unique /ə/ ; dans un état plus ancien de la langue, une
opposition phonologique permettait d’opposer un participe actif à voyelle brève i avec
un participe passif à voyelle brève a. Les participes des formes dérivées et des verbes
quadrilitères sont également variables en genre et en nombre ; on oppose un masculin à
un féminin, au singulier et au pluriel.

SAIN, ASSIMILÉ
& CONCAVE DÉFECTUEUX SOURD

2e forme SG.m. mC1əC2C2əC3 mC1əC2C2i mC1əC2C2əC3


SG.f. mC1əC2C2C3a mC1əC2C2īya mC1əC2C2C3a
PL.m. mC1əC2C2C3īn mC1əC2C2īyīn mC1əC2C2C3īn
PL.f. mC1əC2C2C3āt mC1əC2C2īyāt mC1əC2C2C3āt

3e forme SG.m. mC1āC2əC3 mC1āC2i –


SG.f. mC1āC2C3a mC1āC2īya –
PL.m. mC1āC2C3īn mC1āC2īyīn –
PL.f. mC1āC2C3āt mC1āC2īyāt –

5e forme SG.m. mətC1əC2C2əC3 mətC1əC2C2i mətC1əC2C2əC3


SG.f. mətC1əC2C2C3a mətC1əC2C2īya mətC1əC2C2C3a
PL.m. mətC1əC2C2C3īn mətC1əC2C2īyīn mətC1əC2C2C3īn
PL.f. mətC1əC2C2C3āt mətC1əC2C2īyāt mətC1əC2C2C3āt

6e forme SG.m. mətC1āC2əC3 mətC1āC2i –


SG.f. mətC1āC2C3a mətC1āC2ya –
PL.m. mətC1āC2C3īn mətC1āC2yīn mətC1āC2C3īn
PL.f. mətC1āC2C3āt mətC1āC2yāt mətC1āC2C3āt

8e forme SG.m. məC1tC2əC3 məC1tC2i –


SG.f. məC1tC2C3a məC1tC2īya –
PL.m. məC1tC2C3īn məC1tC2īyīn –
PL.f. məC1tC2C3āt məC1tC2īyāt –

10e forme SG.m. məstC1əC2C2əC3 məstəC1C2i məstC1əC2C3


SG.f. məstC1əC2C2C3a məstəC1C2īya məstC1əC2C3a
PL.m. məstC1əC2C2C3īn məstəC1C2īyīn məstC1əC2C3īn
PL.f. məstC1əC2C2C3āt məstəC1C2īyāt məstC1əC2C3āt

On ne trouve pas de participes à la septième forme verbale. En ce qui concerne les


participes des verbes sourds, l’adjonction des désinences vocaliques, à la deuxième et à
la cinquième forme provoque la disparition de la voyelle brève de la deuxième syllabe
10
David COHEN signale que dans la majorité des verbes, c’est le sens passif qui prévaut et que le sens
actif est alors rendu par une subordonnée (COHEN 1975 : 115).

90
du radical ; il en résulte une séquence de trois consonnes semblables (C2C2C3), qui,
phonétiquement, se réduit à deux. De plus, on n’a pas relevé de verbe sourd à la
troisème et à la huitième forme. A la sixième forme, on n’a relevé qu’un seul exemple
de racine sourde √ôbb qui ne se conjugue qu’aux personnes du pluriel.

1. Les verbes de racine trilitère


On examinera, dans la mesure du possible, tous les types de verbes à la première forme
et aux formes dérivées. Pour chaque forme, on étudiera la conjugaison suffixale, la
conjugaison préfixale, l’impératif et les participes.

1.1. La première forme


La première forme est la forme où la racine fournit un verbe réduit exclusivement à la
charpente de ses éléments radicaux, c’est-à-dire sans insertion de voyelle longue -ā-,
sans redoublement de consonne ou semi-consonne radicale, sans préfixation ni
infixation d’éléments formatifs n- ou t.

1.1.1. Le verbe sain 11


A la conjugaison suffixale, la voyelle brève du verbe est toujours /ə/. A la conjugaison
préfixale et à l’impératif, on trouve deux classes de verbes. La voyelle brève peut être
un /ə/ : yəktəb « il écrit », yəlεəb « il joue », yədfən « il enterre ») ou un /u/ (yušüub « il
boit », yuügud « il dort », yukbuü « il grandit, il vieillit », yuüguû « il danse »). On note
l’existence d’une harmonie vocalique régressive, puisque la voyelle du préfixe de
conjugaison préfixale et la voyelle d’appui de l’impératif sont de même timbre que celle
du radical du verbe. On donnera un exemple pour chaque classe de verbe.

Exemple : ktəb (ə) « il a écrit » (√ktb)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF


S G. 1. ktəbt nəktəb
2.m. ktəbt təktəb əktəb
2.f. ktəbti təktbi əktbi
3.m. ktəb yəktəb
3.f. kətbət təktəb
PL. 1. ktəbna nəktbu
2. ktəbtu təktbu əktbu
3. kətbu yəktbu

PARTICIPE ACTIF PARTICIPE PASSIF


SG.m. kātəb məktūb
SG.f. kātba məktūba
PL.m. kātbīn məktūbīn
PL.f. kātbāt məktūbāt

11
Un verbe sain est un verbe dont aucune des consonnes radicales n’est une semi-consonne w ou y
(exemple : lεəb « il a joué » √lεb).

91
Exemple 2 : šüəb (u) « il a bu »

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF


S G. 1. šüəbt nušüub
2.m. šüəbt tušüub ušüub
2.f. šüəbti tušübi ušübi
3.m. šüəb yušüub
3.f. šəübət tušüub
PL. 1. šüəbna nušübu
2. šüəbtu tušübu ušübu
3. šəübu yušübu

PARTICIPE ACTIF PARTICIPE PASSIF


SG.m. šāüəb məšüūb
SG.f. šāüba məšüūba
PL.m. šāübīn məšüūbīn
PL.f. šāübāt məšüūbāt

1.1.2. Le verbe sourd 12


Comme pour les verbes sains, à la conjugaison suffixale, la voyelle brève est toujours
/ə/. En ce qui concerne la conjugaison préfixale et l’impératif, on trouve deux classes de
verbes : la voyelle brève peut être un /ə/ (yüədd « il répond », yməss « il touche ») ou un
/u/ (yûubb « il verse », yxušš « il entre »). On donnera un exemple pour chaque classe de
verbe.

Exemple 1 : üədd (ə) « il a répondu » (√üdd)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF


S G. 1. üəddēt nüədd
2.m. üəddēt tüədd üədd
2.f. üəddēti tüəddi üəddi
3.m. üədd yüədd
3.f. üəddət tüədd
PL. 1. üəddēna nüəddu
2. üəddētu tüəddu üəddu
3. üəddu yüəddu

A la conjugaison suffixale, à la première et à la deuxième personne du singulier et du


pluriel, les suffixes sont rattachés au radical par la voyelle prédésinentielle -ē-
(réduction de la diphtongue *ay dans le parler arabe de Tripoli) 13.

De plus, le radical est de type C1vC2C3, sans disjonction de C2 et de C3, même aux deux
premières personnes du singulier et du pluriel, là où dans d’autres parlers arabes on
observe la disjonction des deux consonnes radicales semblables C1vC2C3 passant à
C1vC2vC3. Cela concerne également les participes actifs 14.

12
Un verbe sourd est un verbe dont la deuxième et la troisième consonne de la racine sont identiques
(exemple : ôəbb « il a aimé » √ôbb).
13
Par analogie avec les verbes défectueux.
14
Voir Ph. MARÇAIS 1977 : 43

92
PARTICIPE ACTIF PARTICIPE PASSIF
SG.m. üādd məüdūd
SG.f. üādda məüdūda
PL.m. üāddīn məüdūdīn
PL.f. üāddāt məüdūdāt

Exemple 2 : ûəbb (u) « il a versé »

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF


S G. 1. ûəbbēt nûubb
2.m. ûəbbēt tûubb ûubb
2.f. ûəbbēti tûubbi ûubbi
3.m. ûəbb yûubb
3.f. ûəbbət tûubb
PL. 1. ûəbbēna nûubbu
2. ûəbbētu tûubbu ûubbu
3. ûəbbu yûubbu

PARTICIPE ACTIF PARTICIPE PASSIF


SG.m. ûābb məûbūb
SG.f. ûābba məûbūba
PL.m. ûābbīn məûbūbīn
PL.f. ûābbāt məûbūbāt

1.1.3. Le verbe assimilé 15


On trouve de nombreux verbes dont C1 est la semi-consonne /w/, mais un seul exemple
de verbe dont C1 est la semi-consonne /y/ a été relevé dans le parler arabe de Tripoli.

Exemple 1 : wgəf « il s’est arrêté » (√wgf)


A la conjugaison préfixale et dans les participes passifs, on trouve la voyelle longue /ū/,
qui correspond à la réduction de la diphtongue *əw (*nəwgəf ; *məwgūf) 16.

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF


S G. 1. wgəft nūgəf
2.m. wgəft tūgəf wgəf
2.f. wgəfti tūgfi wəgfi
3.m. wgəf yūgəf
3.f. wəgfət tūgəf
PL. 1. wgəfna nūgfu
2. wgəftu tūgfu wəgfu
3. wəgfu yūgfu

15
Un verbe assimilé est un verbe dont la première consonne de la racine est une semi-consonne w ou y
(exemples : wûΩl « il est arrivé » √wûl et ybəs « il a séché » √ybs).
16
Dans le parler arabe de Tripoli, le passage des anciennes diphtongues *aw et *ay à ū et ī ne concerne
que la conjugaison des verbes assimilés et la formation de leurs participes passifs ; dans les autres cas, ces
diphtongues sont respectivement réduites à ō et ē. D’ailleurs, dans le cas des verbes assimilés
précisément, il semblerait que les réalisations [w] et [y] des phonèmes /w/ et /y/ soient en distribution
complémentaire avec les réalisations vocaliques [ū] et [ī]. A ce sujet, David COHEN ajoute, dans son étude
du parler ôassānīya de Mauritanie, que « phonologiquement, dans la plupart des cas, w et y ne peuvent
être tenus pour des phonèmes indépendants des phonèmes vocaliques fermés » (COHEN 1963 : 63).

93
PARTICIPE ACTIF PARTICIPE PASSIF
SG.m. wāgəf mūgūf
SG.f. wāgfa mūgūfa
PL.m. wāgfīn mūgūfīn
PL.f. wāgfāt mūgūfāt

Exemple 2 : ybəs « il a séché » (√ybs)


Il s’agit du seul exemple de verbe assimilé dont la racine commence par la semi-
consonne /y/ relevé dans le parler arabe de Tripoli. A la conjugaison préfixale et dans
les participes passifs, on trouve la voyelle longue /ī/, qui correspond à la réduction de la
diphtongue *əy (*nəybəs ; *məybūs).

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF


S G. 1. ybəst nībəs
2.m. ybəst tībəs ybəs
2.f. ybəsti tībsi yəbsi
3.m. ybəs yībəs
3.f. yəbsət tībəs
PL. 1. ybəsna nībsu
2. ybəstu tībsu yəbsu
3. yəbsu yībsu

PARTICIPE ACTIF PARTICIPE PASSIF


SG.m. yābəs mībūs
SG.f. yābsa mībūsa
PL.m. yābsīn mībūsīn
PL.f. yābsāt mībūsāt

1.1.4. Le verbe concave 17


Dans le parler arabe de Tripoli, on a trois classes de verbes concaves : ceux dont la
voyelle de la conjugaison préfixale et de l’impératif est ā, ceux dont la voyelle est ī et
ceux dont la voyelle est ū. Cependant, les verbes à voyelle ā sont peu nombreux ; on ne
connaît que trois exemples : ybān « il apparaît », ybāt « il passe la nuit » et yxāf « il a
peur ».

La conjugaison suffixale se caractérise par un abrègement de la voyelle aux premières et


aux deuxièmes personnes ; il s’agit des personnes dont les désinences commencent par
une consonne. La voyelle brève /ə/ est celle de la conjugaison suffixale des verbes dont
la voyelle de la conjugaison préfixale est /ā/ ou /ī/ ; la voyelle brève /u/ est celle des
verbes dont la voyelle de la conjugaison préfixale est /ū/. La voyelle des troisièmes
personnes est toujours /ā/.

Dans la formation des participes (actifs et passifs) des verbes concaves, C2 est toujours
/y/.

17
Un verbe concave est un verbe dont la deuxième consonne de la racine est une semi-consonne w ou y
(exemple : xāf « il a eu peur » √xwf et bāε « il a vendu » √byε).

94
Exemple 1 : bān (ā) « il est apparu » (√byn)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF


S G. 1. bənt nbān
2.m. bənt tbān bān
2.f. bənti tbāni bāni
3.m. bān ybān
3.f. bānət tbān
PL. 1. bənna nbānu
2. bəntu tbānu bānu
3. bānu ybānu

PARTICIPE ACTIF PARTICIPE PASSIF


SG.m. bāyən məbyūn
SG.f. bāyna məbyūna
PL.m. bāynīn məbyūnīn
PL.f. bāynāt məbyūnāt

Exemple 2 : bāε (ī) « il a vendu » (√byε)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF


S G. 1. bəεt nbīε
2.m. bəεt tbīε bīε
2.f. bəεti tbīεi bīεi
3.m. bāε ybīε
3.f. bāεət tbīε
PL. 1. bəεna nbīεu
2. bəεtu tbīεu bīεu
3. bāεu ybīεu

PARTICIPE ACTIF PARTICIPE PASSIF


SG.m. bāyəε məbyūε
SG.f. bāyεa məbyūεa
PL.m. bāyεīn məbyūεīn
PL.f. bāyεāt məbyūεāt

Exemple 3 : gāl (ū) « il a dit » (√gwl)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF


S G. 1. gult ngūl
2.m. gult tgūl gūl
2.f. gulti tgūli gūli
3.m. gāl ygūl
3.f. gālət tgūl
PL. 1. gulna ngūlu
2. gultu tgūlu gūlu
3. gālu ygūlu

95
PARTICIPE ACTIF PARTICIPE PASSIF
SG.m. gāyəl məgyūl
SG.f. gāyla məgyūla
PL.m. gāylīn məgyūlīn
PL.f. gāylāt məgyūlāt

1.1.5. Le verbe défectueux 18


Il existe deux classes de verbes défectueux dans le parler arabe de Tripoli : les verbes
dont la voyelle de la conjugaison préfixale est /a/ et ceux dont la voyelle est /i/ ; on n’a
pas trouvé de verbes dont la voyelle de la conjugaison préfixale est /u/.

La formation du verbe défectueux dans le parler arabe de Tripoli est commune à celle
des parlers type bédouin. En effet, on ne trouve pas les formes reconstruites à voyelle
longue, innovation propre aux parlers préhilaliens.

A la conjugaison suffixale, le radical des verbes aux premières et aux deuxièmes


personnes du singulier et du pluriel est du type C1C2ē- ; le /ē/ étant la réduction partielle
de l’ancienne diphtongue *ay. A la troisième personne du féminin (singulier), le parler
arabe de Tripoli connaît la forme C1C2ət (mšət « elle est allée », žət « elle est venue »),
où la voyelle de la désinence -ət est une voyelle brève, caractéristique des parlers de
type bédouin au Maghreb 19. De plus, aux personnes du pluriel, on trouve des formes de
type C1C2u (lgu « ils, elles ont trouvé »), contrairement aux formes qu’on trouve dans
les parlers préhilaliens, il n’y a pas de reconstruction du paradigme avec des formes où
apparaissent les voyelles longues /ā/, telle que lqāw « ils ont trouvé ».

A la conjugaison préfixale, à l’instar de ce qui se passe à la troisième personne du


pluriel de la conjugaison suffixale, on ne rencontre pas de forme où apparaissent les
voyelles longues /ī/ et /ā/ ; à la deuxième personne du féminin, on a une forme de type
təC1C2i (exemple : tənsi « tu oublies ») et, aux formes du pluriel, on trouve les formes
nəC1C2u, təC1C2u, yəC1C2u (comme dans nəlgu « nous trouvons », təlgu « vous
trouvez » et yəlgu « ils trouvent »). Il n’y a pas de reconstruction du paradigme, où
apparaissent les voyelles longues /ī/ et /ā/ (par opposition à tənsāy, nəlqāw, təlqāw et
yəlqāw).

L’impératif subit le même traitement que la conjugaison préfixale et suffixale et on


trouve la forme de type əC1C2i à la deuxième personne du féminin et la forme əC1C2u à
la deuxième personne du pluriel, comme dans əlgi « trouve » et əlgu « trouvez » (par
opposition à des formes telles que (ə)lqāy et (ə)lqāw).

En ce qui concerne les participes des verbes défectueux, C3 est toujours la semi-
consonne /y/, qu’on retrouve sous la forme /i/ en position finale au masculin singulier.

18
Un verbe défectueux est un verbe dont la troisième consonne de la racine est une semi-consonne y
(exemple : mše « il est allé » √mšy). Il n’existe pas de verbes défectueux de racine √C1C2w dans le parler
arabe de Tripoli. Philippe MARÇAIS précise qu’ « on constate que tous les verbes qui, en arabe classique,
avaient une voyelle u de l’inaccompli ont été versés dans la catégorie des verbes à voyelle i. On ne
signale que de rares survivances, ici et là, comme ôba-yəôbu "marcher à quatre pattes (enfant)", jāa-yəjāu
"vagir", dba-yədbu "trottiner" » (Ph. MARÇAIS 1977 : 49). Cependant, ces verbes n’existent pas dans
l’arabe de Tripoli.
19
Cf. W. MARÇAIS 1950 : 212, D. COHEN 1963 : 105-106 et Ph. MARÇAIS 1977 : 48.

96
Exemple 1 : lge (a) « il a trouvé » (√lgy)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF


S G. 1. lgēt nəlga
2.m. lgēt təlga əlga
2.f. lgēti təlgi əlgi
3.m. lge yəlga
3.f. lgət təlga
PL. 1. lgēna nəlgu
2. lgētu təlgu əlgu
3. lgu yəlgu

PARTICIPE ACTIF PARTICIPE PASSIF


SG.m. lāgi məlgi
SG.f. lāgya məlgīya
PL.m. lāgyīn məlgīyīn
PL.f. lāgyāt məlgīyāt

Exemple 2 : šre (i) « il a acheté » (√šry)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF


S G. 1. šrēt nəšri
2.m. šrēt təšri əšri
2.f. šrēti təšri əšri
3.m. šre yəšri
3.f. šrət təšri
PL. 1. šrēna nəšru
2. šrētu təšru əšru
3. šru yəšru

PARTICIPE ACTIF PARTICIPE PASSIF


SG.m. šāri məšri
SG.f. šārya məšrīya
PL.m. šāryīn məšrīyīn
PL.f. šāryāt məšrīyāt

1.2. Les formes dérivées


Dans le parler arabe de Tripoli, sept formes permettent de dériver pour les verbes de
racine trilitère : la deuxième, la troisième, la cinquième, la sixième, la septième, la
huitième, la neuvième et la dixième forme ; la quatrième forme est absente de ce parler.
Il existe divers procédés de dérivation : la gémination de la deuxième consonne de la
racine trilitère C2 (à la deuxième et à la cinquième forme), la préfixation d’éléments
formateurs t- (à la cinquième et à la sixième forme) et n- (à la septième forme) ou st- (à
la dixième forme), ainsi que l’infixation de la voyelle longue -ā- (à la troisième, à la
sixième et à la neuvième forme) ou de la consonne -t- (à la huitième forme). Certaines
formes dérivées cumulent deux procédés de dérivation : c’est notamment le cas de la
cinquième et de la sixième forme. Le tableau suivant récapitule les moyens de
formation de la dérivation verbale :

97
Formes
Schème Préfixation Infixation Gémination
dérivées
2e C1əC2C2əC3 C2
3e C1āC2əC3 -ā-
5e tC1əC2C2əC3 t- C2
6e tC1āC2əC3 t- -ā-
7e nC1C2əC3 n-
8e C1tC2əC3 -t-
9e C1C2āC3 -ā-
10e stəC1C2əC3 st-

1.2.1. La 2e forme
La deuxième forme se caractérise par la gémination de la deuxième consonne de la
racine trilitère (C1əC2C2əC3 et C1əC2C2a). Dans le parler arabe de Tripoli, la deuxième
forme donne aux verbes les valeurs suivantes 20 :

– Valeur intensive 21, exprimant une action exercée sur plusieurs objets, une action
exercée de façon répétée, une action habituelle, ou une action violente : qəlləm « il a
coupé », nəggəz « il a sauté », həddəm « il a détruit », kəssər « il a cassé », xəbbəš « il a
griffé », nəffəx « il a soufflé », xərrəb « il a détruit », ləwwəô « il a lancé », fəlla « il a
épouillé », ûəffəü « il a sifflé », xəllə° « il a mélangé », bəzzəε « il a renversé, il a
éjaculé », zəyyə° « il a pété », ôərrək « il a remué, brassé, mélangé », εəwwəm « il a eu
une pollution nocturne », °əyyəô « il a démoli, abattu ».

– Valeur causative, exprimant l’idée que le sujet fait faire l’action exprimée par le verbe
à la première forme : °əlləε « il a fait sortir » (°ləε « il est sorti »), xəššəš « il a fait
entrer » (xəšš « il est entré »), gəεεəd « il a fait rester » (gεəd « il est resté »), kəttəb « il
a fait écrire » (ktəb « il a écrit »), fəkkər « il a fait penser » (fkər « il a pensé »), bəkka
« il a fait pleurer » (bke « il a pleuré »), yəbbəs « il a fait sécher » (ybəs « il a séché »),
wəûûəl « il a fait parvenir » (wûəl « il est arrivé »), rəkkəb « il a fait monter » (rkəb « il
est monté »), səkkət « il a fait taire » (skət « il s’est tu »), wəüüa « il a fait voir, montré »
(üa « il a vu »), gəüüa « il a fait lire » (güe « il a lu »), dəkkər « il a fait penser » (dkər
« il a mentionné »), °əyyəô « il a fait tomber » (°āô « il est tombé »), məyyəl « il a fait
pencher, décliner » (māl « il a penché »), εəwwəm « il a fait nager » (εām « il a nagé »).

– Valeur factitive, exprimant l’idée de mettre dans un état, indiquant que le sujet amène
quelque chose à l’état exprimé par l’adjectif : bəεεəd « il a éloigné », gərrəb « il a
approché », səmmən « il a engraissé », mərrəî « il a rendu malade », εəbba « il a
rempli », həwwən « il a facilité, allégé », ôəššəm « il a humilié », ûəggəε « il a
congelé », xəmmər « il a fermenté », bəwwəx « il a cuit à la vapeur », səxxən « il a
réchauffé », wəssəε « il a élargi », nəggəs « il a réduit », səlləô « il a réparé », ûəāāər
« il a rendu petit », °əwwəl « il a allongé », gəûûər « il a raccourci », îəεεəf « il a
affaibli », təεεəb « il a fatigué », °əhhər « il a circoncis », °əyyəb « il a cuisiné », ôəîîər
« il a préparé », kəmməl « il a terminé », zəyyən « il a décoré », ôəlla « il a sucré,

20
L’analyse des différentes valeurs verbales se base sur l’étude de Philippe MARÇAIS concernant les
valeurs verbales dans le parler arabe de Djidjelli (Ph. MARÇAIS 1952 : 175-207).
21
A propos de la valeur intensive de la deuxième forme dans les parlers arabes, mais plus précisément sur
la coexistence de premières et de deuxièmes formes sémantiquement équivalentes en arabe, voir LENTIN
1991.

98
adouci », ôərrər « il a libéré », səkkər « il a enivré », fəyyəg « il a réveillé », žəwwəε « il
a affamé ».

– Valeur dénominative : xəbbəz « il a fait du pain » (xubz « pain »), məlləô « il a salé »
(məlô « sel »), εəššəš « il a fait son nid » (εəšš « nid »), gəyyəl « il a fait la sieste »
(gāyla « sieste »), ûəyyəf « il a passé l’été » (ûēf « été »), səbbəs « il a fumé » (səbsi
« cigarette »), dəxxən « il a fumé » (duxxān « fumée »), gəôôbət « elle a fait la pute »
(gəôba « pute »), mə°°üət « il a commence à pleuvoir » (m°ər « pluie »), fə°°əü « il a
rompu le jeûne » (f°ūü « premier repas »), gəššər « il a épluché » (gəšra « écorce,
peau »), kəssəd « il s’est ennuyé » (ksād « ennui »), kəffən « il a enveloppé dans un
linceul » (kəfn « linceul »), bəûûəü « il a plaisanté » (bûāüa « plaisanterie »), āənna « il a
chanté » (āne « chanson »), ûənnən « il a senti mauvais » (ûənna « mauvaise odeur »),
səžžəl « il a enregistré » (səžl « registre »), xəyyəü « il a choisi, il a fait le tri » (xēü
« bien »), səmma « il a nommé » (āsəm « nom »), îəyyəg « il a goûté » (îōg « goût »),
xəyyə° « il a cousu » (xē° « fil »), kərrəš « il a pris du ventre » (kərš « ventre »), tərrəš
« il a pris des fesses, il a eu un gros derrière » (tərša « fesses »), ləbbən « il a blanchi, il
a peint à la chaux » (lbən « lait fermenté »), zəwwəü « il a falsifié » (zōü « malice,
ruse »), ôərrər « il a eu un érythème » (ôrār « érythème, irritation »), ûədda « il s’est
rouillé » (ûde « rouille »), εəûûəd « il a pétri » (εûīda « bouillie, purée »), xəlləl « il a
confit dans le vinaigre » (xəll « vinaigre »), ôəwwət « il a pêché » (ôūt « poissons »).

– Valeur délocutive : εəzza « il a présenté ses condoléances », səlləm « il a salué »,


həzzəb « il a grondé », εəmməl « il a traité, insulté », ûəyyəô « il a crié », îəbbəô « il a
appelé », ûəlla « il a prié », kəlləm « il a parlé », ləbba « il a répondu favorablement »,
səmma « il a dit la formule bi-smi-llāh (au nom de Dieu) », ûəbbəô « il a dit ûbāô-əl-xēü
(bonjour) », məssa « il a dit msa-l-xēü (bonsoir) », wəddəε « il a fait ses adieux ».

– Passage de l’adverbe au verbe : bəkkər « il s’est levé tôt » (bəkri « tôt »).

– Idée de mouvement : üəwwəô « il est retourné », wəlla « il est revenu », bəôôər « il est
allé vers le Nord », gəbbəl « il est allé vers le Sud », šərrəg « il est allé vers l’Est »,
āərrəb « il est allé vers l’Ouest », gəlləε « il a ôté », wəxxər « il a reculé », yəssər « il est
allé à gauche », yəmmən « il est allé à droite », səyyəb « il a quitté, il a cessé de »,
ôəwwəl « il a déménagé ».

1.2.1.1. Le verbe sain


Exemple : nəggəz « il a sauté » (√ngz)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. nəggəzt nnəggəz
SG.m. mnəggəz
2.m. nəggəzt tnəggəz nəggəz
2.f. nəggəzti tnəggzi nəggzi
SG.f. mnəggza
3.m. nəggəz ynəggəz
3.f. nəggzət tnəggəz
PL.m. mnəggzīn
PL. 1. nəggəzna nnəggzu
2. nəggəztu tnəggzu nəggzu
PL.f. mnəggzāt
3. nəggzu ynəggzu

99
1.2.1.2. Le verbe sourd
L’adjonction des suffixes vocaliques provoque la disparition de la voyelle brève de la
deuxième syllabe du radical ; il en résulte une séquence de trois consonnes semblables,
qui se réduit à deux. Cela concerne la conjugaison suffixale, la conjugaison préfixale,
l’impératif et les participes.

Exemple : xəššəš « il a fait rentrer » (√xšš)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. xəššəšt nxəššəš
SG.m. mxəššəš
2.m. xəššəšt txəššəš xəššəš
2.f. xəššəšti txəšši xəšši
SG.f. mxəšša
3.m. xəššəš yxəššəš
3.f. xəššət txəššəš
PL.m. mxəššīn
PL. 1. xəššəšna nxəššu
2. xəššəštu txəššu xəššu
PL.f. mxəššāt
3. xəššu yxəššu

1.2.1.3. Le verbe assimilé


Exemple 1 : wəxxər « il a reculé » (√wxr)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. wəxxərt nwəxxər
SG.m. mwəxxər
2.m. wəxxərt twəxxər wəxxər
2.f. wəxxərti twəxxri wəxxri
SG.f. mwəxxra
3.m. wəxxər ywəxxər
3.f. wəxxrət twəxxər
PL.m. mwəxxrīn
PL. 1. wəxxərna nwəxxru
2. wəxxərtu twəxxru wəxxru
PL.f. mwəxxrāt
3. wəxxru ywəxxru

Exemple 2 : yəbbəs « il a séché, il a durci » (√ybs)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. yəbbəst nyəbbəs
SG.m. myəbbəs
2.m. yəbbəst tyəbbəs yəbbəs
2.f. yəbbəsti tyəbbsi yəbbsi
SG.f. myəbbsa
3.m. yəbbəs yyəbbəs
3.f. yəbbsət tyəbbəs
PL.m. myəbbsīn
PL. 1. yəbbəsna nyəbbsu
2. yəbbəstu tyəbbsu yəbbsu
PL.f. myəbbsāt
3. yəbbsu yyəbbsu

1.2.1.4. Le verbe concave


Exemple 1 : həwwən « il a allégé » (√hwn)

100
CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES
S G. 1. həwwənt nhəwwən
SG.m. mhəwwən
2.m. həwwənt thəwwən həwwən
2.f. həwwənti thəwwni həwwni
SG.f. mhəwwna
3.m. həwwən yhəwwən
3.f. həwwnət thəwwən
PL.m. mhəwwnīn
PL. 1. həwwənna nhəwwnu
2. həwwəntu thəwwnu həwwnu
PL.f. mhəwwnāt
3. həwwnu yhəwwnu

Exemple 2 : fəyyəg « il a réveillé » (√fyg)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. fəyyəgt nfəyyəg
SG.m. mfəyyəg
2.m. fəyyəgt tfəyyəg fəyyəg
2.f. fəyyəgti tfəyygi fəyygi
SG.f. mfəyyga
3.m. fəyyəg yfəyyəg
3.f. fəyygət tfəyyəg
PL.m. mfəyygīn
PL. 1. fəyyəgna nfəyygu
2. fəyyəgtu tfəyygu fəyygu
PL.f. mfəyygāt
3. fəyygu yfəyygu

1.2.1.5. Le verbe défectueux


Exemple : āənna (i) « il a chanté » (√āny)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. āənnēt nāənni
SG.m. māənni
2.m. āənnēt tāənni āənni
2.f. āənnēti tāənni āənni
SG.f. māənnīya
3.m. āənna yāənni
3.f. āənnət tāənni
PL.m. māənnīyīn
PL. 1. āənnēna nāənnu
2. āənnētu tāənnu āənnu
PL.f. māənnīyāt
3. āənnu yāənnu

A la conjugaison préfixale et à l’impératif, la voyelle du radical du verbe défectueux est


-i (par rapport à celle de la cinquième forme qui est -a).

1.2.2. La 3e forme
Cette forme se caractérise par l’infixation de la voyelle -ā- après la première consonne
de la racine trilitère (C1āC2əC3 et C1āC2a). On n’a pas trouvé de verbe sourd à la
troisième forme dans le parler arabe de Tripoli. La troisième forme donne aux verbes les
valeurs suivantes 22 :

– valeur conative, exprimant « l’effort, que l’objet sur quoi il porte soit envisagé ou non,
expressément désigné ou non » (Ph. MARÇAIS 1952 : 185) : εāwəd « il a répété,
recommencé », sāməô « il s’est excusé », wāza « il a choisi », nāda « il a appelé, il a
crié », ôāwəl « il a essayé », εāhəd « il a promis ».

22
Voir Ph. MARÇAIS 1952 : 185, Ph. MARÇAIS 1977 : 60, D. COHEN 1963 : 60.

101
– valeur causative, liée à la valeur conative-transitive (Ph. MARÇAIS 1952 : 185) : gābəl
« il a confronté ».

– valeur de participation, impliquant que l’action soit accomplie avec, en compagnie de,
à l’égard de (Ph. MARÇAIS 1952 : 185) : žāwəb « il a répondu à », ôārəb « il a
combattu », sāfər « il a voyagé », üāža « il a attendu », nāqəš « il a débattu », sāεəd « il
a aidé », üāfəg « il accompagné », bārək « il a béni », wāfəg « il a été d’accord », wāûəl
« il est entré en contact avec ».

1.2.2.1. Le verbe sain


Exemple : εāhəd « il a promis » (√εhd)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. εāhədt nεāhəd
SG.m. mεāhəd
2.m. εāhədt tεāhəd εāhəd
2.f. εāhədti tεāhdi εāhdi
SG.f. mεāhda
3.m. εāhəd yεāhəd
3.f. εāhdət tεāhəd
PL.m. mεāhdīn
PL. 1. εāhədna nεāhdu
2. εāhədtu tεāhdu εāhdu
PL.f. mεāhdāt
3. εāhdu yεāhdu

1.2.2.2. Le verbe assimilé


Exemple 1 : wāûəl « il est resté en contact avec, il a visité » (√wûl)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. wāûəlt nwāûəl
SG.m. mwāûəl
2.m. wāûəlt twāûəl wāûəl
2.f. wāûəlti twāûli wāûli
SG.f. mwāûla
3.m. wāûəl ywāûəl
3.f. wāûlət twāûəl
PL.m. mwāûlīn
PL. 1. wāûəlna nwāûlu
2. wāûəltu twāûlu wāûlu
PL.f. mwāûlāt
3. wāûlu ywāûlu

1.2.2.3. Le verbe concave


Exemple 1 : ôāwəl « il a essayé » (√ôwl) 23

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. ôāwəlt nôāwəl
SG.m. môāwəl
2.m. ôāwəlt tôāwəl ôāwəl
2.f. ôāwəlti tôāwli ôāwli
SG.f. môāwla
3.m. ôāwəl yôāwəl
3.f. ôāwlət tôāwəl
PL.m. môāwlīn
PL. 1. ôāwəlna nôāwlu
2. ôāwəltu tôāwlu ôāwlu
PL.f. môāwlāt
3. ôāwlu yôāwlu

23
On n’a pas trouvé de verbe concave de racine √C1yC3 à la troisième forme verbale dans le parler arabe
de Tripoli.

102
1.2.2.4. Le verbe défectueux
Exemple : üāža (i) « il a attendu » (√üžy) 24

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. üāžēt nüāži
SG.m. müāži
2.m. üāžēt tüāži üāži
2.f. üāžēti tüāži üāži
SG.f. müāžīya
3.m. üāža yüāži
3.f. üāžət tüāži
PL.m. müāžīyīn
PL. 1. üāžēna nüāžu
2. üāžētu tüāžu üāžu
PL.f. müāžīyāt
3. üāžu yüāžu

A la conjugaison préfixale et à l’impératif, la voyelle du radical du verbe défectueux est


-i (par rapport à celle de la sixième forme qui est -a).

1.2.3. La 5e forme
La cinquième forme se caractérise par la préfixation de t- et par la gémination de la
deuxième consonne de la racine (tC1əC2C2əC3 ou tC1əC2C2a). La cinquième forme
donne aux verbes les valeurs suivantes 25 :

– valeur passive : tîəyyəg « il a été embarrassé », tləwwəô « il a été lancé », tüəbba « il


a été éduqué, élevé », tšəkkər « il a été reconnaissant (il a su gré) », tsəmma « il a été
nommé », tûəwwər « il a été photographié », twəffa « il est décédé », tkəddər « il a été
contrarié », tdəlləl « il a été gâté », tgəlləε « il a été arraché, déraciné », tgəttəε « il a été
coupé », trəkkəb « il a été monté », tāəbbər « il a été couvert de poussière, il a été fichu
en l’air », tləssəg « il a été collé, fixé », tšəôôəm « il a été engraissé », tməlləô « il a été
salé », trəttəg « il a été rapiécé », twəddər « il a été perdu », twəssəx « il a été sali »,
txəyyə° « il a été cousu », tεərra « il a été dénudé », tdəlla « il a été suspendu », tôəbbəb
« il a été apprécié », tsəttəf « il a été arrangé, organisé, disposé », tfəlləg « il a été
tabassé ; il a été fendu ; il a été coupé (viande et os) », tnəôôa « il a été enlevé », tbəddəl
« il a été changé », tsəlləm « il a été chargé de », tgəyyəd « il a été retenu, il a été
empêché de faire quelque chose ».

– valeur réfléchie :
tšəbbət « il s’est accroché à », tməāāə° « il s’est agrandi, il s’est étiré », tāə°°a « il s’est
couvert », thədda « il s’est calmé », tôəddər « il s’est gardé de », tkəlləf « il s’est chargé
de », tüəbbəε « il s’est assis en tailleur », tfərrəg « il s’est dispersé, il s’est
mélangé (parmi les gens) », tmərrəā « il s’est roulé dans la boue, dans la terre », tāəššəš
« il s’est attristé (à cause d’une mauvaise nouvelle) », txəbba « il s’est caché », tzəwwəž
« il s’est marié », twəssəx « il s’est sali », tüəyyəô « il s’est reposé ».

– valeur « potentielle », telle que la définit Philippe MARÇAIS : « de la notion réfléchie


se dégage aisément l’idée potentielle : l’action envisagée peut s’accomplir d’elle-même,
elle a donc tendance à s’accomplir » (Ph. MARÇAIS 1952 : 188) : tkəssər « il a été cassé,
il s’est cassé », tbəddəl « il s’est changé, il a changé », tləffət « il s’est retourné »,
tgəlləb « il s’est retourné, il a changé d’humeur, d’avis », tšəggəg « il s’est craquelé,

24
A Tripoli, on n’a pas trouvé de verbe défectueux de racine √C1C2w.
25
Ph. MARÇAIS 1977 : 58-60 et Ph. MARÇAIS 1952 : 187.

103
fendu », tdərrəb « il s’est entraîné », tkəbbər « il a fait le grand, il s’est pris pour un
grand ».

– valeur médio-passive, exprimant « la notion de l’action exercée par le sujet pour lui-
même » (Ph. MARÇAIS 1952 : 188) : tεəlləm « il a appris », tsəlla « il a trouvé le moyen
de se divertir », tfəkkər « il s’est souvenu », tfərrəž « il a contemplé, il s’est distrait à
regarder », tôəmməl « il a supporté », tfəssəô « il s’est diverti », tməttəε « il a profité,
joui », tkəlləf « il a coûté », twəffəg « il a réussi », tyəssər « il a acquis des ressources »
tyəggən « il a été sûr de », twəkkəl « il s’en est remis à Dieu », tεəddəb « il a souffert, il
a eu de la peine », tšəbbəh « il a fait comme si, il a feint », tnəkkəs « il est retombé
malade, il a eu une rechute », tnəhhəd « il a soupiré », twəôôəm « il a eu des envies »,
twəžžəε « il a eu mal », tšənnəž « il a paniqué ; il a eu une crampe ».

– valeur exprimant « l’action en général […], la valeur réfléchie-passive qu’ils ont pu


posséder étant entièrement perdue » (Ph. MARÇAIS 1952 : 188) : tkəlləm « il a parlé »,
trəddəd « il a hésité », tnəffəs « il a respiré », tmərrən « il a pratiqué », tyəmməm « il a
fait ses ablutions avec du sable », tāədda « il a déjeuné », tεəšša « il a dîné », txə°°a « il
a enjambé, il a franchi », tkəlləf « il a agi malgré lui dans le but de faire plaisir »,
tāəmməd « il a pris dans ses bras, il a enveloppé », tmənna « il a espéré », tbəssəm « il a
souri », tgəbbəl « il a reçu des condoléances », tbəddəε « il a fait du bon travail ».

– valeur indiquant l’idée de mouvement :


twəxxər « il a reculé », twəkkəl « il est parti », tāərrəb « il est allé à l’étranger, il est allé
vers l’Ouest », tšərrəg « il est allé vers l’Est », tbəôôər « il est allé à la plage ».

– valeur dénominative :
tüəyyəs « il a maîtrisé, il a mené, il est devenu le chef » (üāyəs « chef »), tôəyyəl « il a
usé de ruse » (ôīla « ruse »), tôəbbəb « il a été mis en grain » (ôəbba « un grain »),
tgəddəd « il a été mis à sécher (viande) » (gəddīd « viande séchée »), tšə°°ər « il a été
malin, rusé, dégourdi » (šā°ər « malin, rusé, dégourdi »), tšərrəm « il a retroussé ses
manches, il a proposé son aide, il a été déterminé à faire quelque chose » (šərm
« manche »), trəžžəl « il s’est mis sur ses pieds, il a improvisé un rôle » (ržəl « pied »),
tšəmməs « il a pris un bain de soleil » (šəms « soleil »), tôəmməm « il a pris un bain, il a
pris une douche » (ôəmmām « bain »), thənna « il s’est réjoui de, il a pris du plaisir à »
(hne « bien-être, bonheur »).

1.2.3.1. Le verbe sain


Exemple : tkəlləm « il a parlé » (√klm)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. tkəlləmt nətkəlləm
SG.m. mətkəlləm
2.m. tkəlləmt tətkəlləm tkəlləm
2.f. tkəlləmti tətkəllmi tkəllmi
SG.f. mətkəllma
3.m. tkəlləm yətkəlləm
3.f. tkəllmət tətkəlləm
PL.m. mətkəllmīn
PL. 1. tkəlləmna nətkəllmu
2. tkəlləmtu tətkəllmu tkəllmu
PL.f. mətkəllmāt
3. tkəllmu yətkəllmu

104
1.2.3.2. Le verbe sourd
L’adjonction des suffixes vocaliques provoque la disparition de la voyelle brève de la
deuxième syllabe du radical ; il en résulte une séquence de trois consonnes semblables,
qui se réduit à deux. Cela concerne la conjugaison suffixale, la conjugaison préfixale,
l’impératif et les participes.

Exemple : tdəlləl « il a été gâté » (√dll)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. tdəlləlt nətdəlləl
SG.m. mətdəlləl
2.m. tdəlləlt tətdəlləl tdəlləl
2.f. tdəlləlti tətdəlli tdəlli
SG.f. mətdəlla
3.m. tdəlləl yətdəlləl
3.f. tdəllət tətdəlləl
PL.m. mətdəllīn
PL. 1. tdəlləlna nətdəllu
2. tdəlləltu tətdəllu tdəllu
PL.f. mətdəllāt
3. tdəllu yətdəllu

1.2.3.3. Le verbe assimilé


Exemple 1 : twəkkəl « il est parti ; il s’en est remis à Dieu » (√wkl)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. twəkkəlt nətwəkkəl
SG.m. mətwəkkəl
2.m. twəkkəlt tətwəkkəl twəkkəl
2.f. twəkkəlti tətwəkkli twəkkli
SG.f. mətwəkkla
3.m. twəkkəl yətwəkkəl
3.f. twəkklət tətwəkkəl
PL.m. mətwəkklīn
PL. 1. twəkkəlna nətwəkklu
2. twəkkəltu tətwəkklu twəkklu
PL.f. mətwəkklāt
3. twəkklu yətwəkklu

Exemple 2 : tyəggən « il a été sûr de » (√ygn)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. tyəggənt nətyəggən
SG.m. mətyəggən
2.m. tyəggənt tətyəggən tyəggən
2.f. tyəggənti tətyəggni tyəggni
SG.f. mətyəggna
3.m. tyəggən yətyəggən
3.f. tyəggnət tətyəggən
PL.m. mətyəggnīn
PL. 1. tyəggənna nətyəggnu
2. tyəggəntu tətyəggnu tyəggnu
PL.f. mətyəggnāt
3. tyəggnu yətyəggnu

1.2.3.4. Le verbe concave


Exemple 1 : tzəwwəž « il s’est marié » (√zwž)

105
CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES
S G. 1. tzəwwəžt nətzəwwəž
SG.m. mətzəwwəž
2.m. tzəwwəžt tətzəwwəž tzəwwəž
2.f. tzəwwəžti tətzəwwži tzəwwži
SG.f. mətzəwwža
3.m. tzəwwəž yətzəwwəž
3.f. tzəwwžət tətzəwwəž
PL.m. mətzəwwžīn
PL. 1. tzəwwəžna nətzəwwžu
2. tzəwwəžtu tətzəwwžu tzəwwžu
PL.f. mətzəwwžāt
3. tzəwwžu yətzəwwžu

Exemple 2 : tüəyyəô « il s’est reposé » (√üyô)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. tüəyyəôt nətüəyyəô
SG.m. mətüəyyəô
2.m. tüəyyəôt tətüəyyəô tüəyyəô
2.f. tüəyyəôti tətüəyyôi tüəyyôi
SG.f. mətüəyyôa
3.m. tüəyyəô yətüəyyəô
3.f. tüəyyôət tətüəyyəô
PL.m. mətüəyyôīn
PL. 1. tüəyyəôna nətüəyyôu
2. tüəyyəôtu tətüəyyôu tüəyyôu
PL.f. mətüəyyôāt
3. tüəyyôu yətüəyyôu

1.2.3.5. Le verbe défectueux


Exemple : tāədda (a) « il a déjeuné » (√ādw)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. tāəddēt nətāədda
SG.m. mətāəddi
2.m. tāəddēt tətāədda tāədda
2.f. tāəddēti tətāəddi tāəddi
SG.f. mətāəddīya
3.m. tāədda yətāədda
3.f. tāəddət tətāədda
PL.m. mətāəddīyīn
PL. 1. tāəddēna nətāəddu
2. tāəddētu tətāəddu tāəddu
PL.f. mətāəddīyāt
3. tāəddu yətāəddu

A la conjugaison préfixale et à l’impératif, la voyelle du radical du verbe défectueux est


-a (par rapport à celle de la deuxième forme qui est -i).

1.2.4. La 6e forme
La sixième forme se caractérise par la préfixation de t- et par l’infixation de la voyelle
-ā- après la première consonne de la racine trilitère (tC1āC2əC3 ou tC1āC2a). La sixième
forme constitue, d’une manière générale, le réfléchi-passif de la troisième forme.
Philippe MARÇAIS précise que « parmi les valeurs diverses de ce thème, prédomine
l’expression de l’acte accompli au prix d’un effort concerté ou de plusieurs efforts
coordonnés. La notion d’effort peut se teinter d’une nuance dépréciative et passer à celle
de simulation » (Ph. MARÇAIS 1952 : 190), mais elle leur donne, d’après lui, plus
précisément les valeurs suivantes 26 :

26
Voir Ph. MARÇAIS 1952 : 190 et Ph. MARÇAIS 1977 : 60.

106
– « L’action envisagée est l’œuvre d’un seul et même agent » : tεāfa « il s’est remis,
rétabli, de sa maladie », tôāwəl « il s’est transformé », tmāwət « il a fait le mort », tnāsa
« il a fait semblant d’oublier », tāāfəl « il a fait comme s’il ne savait pas ».

– « L’action est accomplie par plusieurs participants à la fois auteurs et objets


(réciprocité), parfois agissant à qui mieux mieux (rivalité) » : txāûmu « ils ont été en
conflit », tεārku « ils se sont battus », tôārbu « ils se sont affrontés », tlāgu « ils se sont
rencontrés », tgāblu « ils se sont rencontrés, ils se sont retrouvés face à face », tfārgu
« ils se sont séparés, ils se sont fait des adieux », tsāmôu « ils se sont pardonnés »,
tgātεu « ils se sont fâchés, ils ont cessé d’être en contact, ils ont coupé les ponts », tgātlu
« ils se sont entretués », tšārku « ils se sont associés », tsābgu « ils ont cherché à se
devancer, ils se sont affrontés », twānsu « ils ont passé du bon temps ensemble »,
tεāwnu « ils se sont entraidés », tεāyru « ils se sont critiqués », tîāübu « ils se sont
battus », tεāfru « ils se sont bagarrés », tεādu « ils sont devenus ennemis », twāfqu « ils
ont coïncidé ensemble ».

1.2.4.1. Le verbe sain


Exemple : txāûmu « ils se sont disputés » (√xûm)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. txāûəmt nətxāûəm
SG.m. mətxāûəm
2.m. txāûəmt tətxāûəm txāûəm
2.f. txāûəmti tətxāûmi txāûmi
SG.f. mətxāûma
3.m. txāûəm yətxāûəm
3.f. txāûmət tətxāûəm
PL.m. mətxāûmīn
PL. 1. txāûəmna nətxāûmu
2. txāûəmtu tətxāûmu txāûmu
PL.f. mətxāûmāt
3. txāûmu yətxāûmu

1.2.4.2. Le verbe sourd


On n’a relevé qu’un seul exemple, qui n’est employé qu’aux personnes du pluriel :
tôābbu « ils se sont aimés »

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. – –
SG.m. –
2.m. – – –
2.f. – – –
SG.f. –
3.m. – –
3.f. – –
PL.m. mətôābbīn
PL. 1. tôābbēna nətôābbu
2. tôābbētu tətôābbu tôābbu
PL.f. mətôābbāt
3. tôābbu yətôābbu

1.2.4.3. Le verbe assimilé


Exemple : twāfəq « il a coïncidé » (√wfq) 27

27
On n’a pas trouvé d’exemple, dans le parler arabe de Tripoli, de verbe assimilé à la sixième forme dont
la première lettre de la racine est la semi-consonne y.

107
CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES
S G. 1. twāfəqt nətwāfəq
SG.m. mətwāfəq
2.m. twāfəqt tətwāfəq twāfəq
2.f. twāfəqti tətwāfqi twāfqi
SG.f. mətwāfqa
3.m. twāfəq yətwāfəq
3.f. twāfqət tətwāfəq
PL.m. mətwāfqīn
PL. 1. twāfəqna nətwāfqu
2. twāfəqtu tətwāfqu twāfqu
PL.f. mətwāfqāt
3. twāfqu yətwāfqu

1.2.4.4. Le verbe concave


Exemple 1 : tôāwəl « il s’est transformé » (√ôwl)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. tôāwəlt nətôāwəl
SG.m. mətôāwəl
2.m. tôāwəlt tətôāwəl tôāwəl
2.f. tôāwəlti tətôāwli tôāwli
SG.f. mətôāwla
3.m. tôāwəl yətôāwəl
3.f. tôāwlət tətôāwəl
PL.m. mətôāwlīn
PL. 1. tôāwəlna nətôāwlu
2. tôāwəltu tətôāwlu tôāwlu
PL.f. mətôāwlāt
3. tôāwlu yətôāwlu

Exemple 2 : on n’a relevé qu’un seul exemple de verbe concave dont C2 est un /y/ ; il
n’est utilisé qu’aux personnes du pluriel : tεāyru « il se sont critiqués » (√εyr)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. – –
SG.m. –
2.m. – – –
2.f. – – –
SG.f. –
3.m. – –
3.f. – –
PL.m. mətεāyrīn
PL. 1. tεāyərna nətεāyru
2. tεāyərtu tətεāyru tεāyru
PL.f. mətεāyrāt
3. tεāyru yətεāyru

1.2.4.5. Le verbe défectueux


Exemple : tlāgu « ils se sont rencontrés » (√lgy)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. tlāgēt nətlāga
SG.m. mətlāgi
2.m. tlāgēt tətlāga tlāga
2.f. tlāgēti tətlāgi tlāgi
SG.f. mətlāgya
3.m. tlāga yətlāga
3.f. tlāgət tətlāga
PL.m. mətlāgyīn
PL. 1. tlāgēna nətlāgu
2. tlāgētu tətlāgu tlāgu
PL.f. mətlāgyāt
3. tlāgu yətlāgu

108
A la conjugaison préfixale et à l’impératif, la voyelle du radical du verbe défectueux est
-a (par rapport à celle de la troisième forme qui est -i).

1.2.5. La 7e forme
Cette forme s’obtient par la préfixation de n- au radical du verbe composé des trois
consonnes de la racine (nC1C2əC3 ou nC1C2e). Il constitue le réfléchi et / ou le passif de
la première forme 28 :

nwləd « il est né », n°fe « il s’est éteint, il est fatigué », nftəô « il a été ouvert, il s’est
ouvert », nfətôət « elle a perdu sa virginité », nεme « il est devenu aveugle », nôə°° « il a
été mis », ngām « il a été enlevé », nžāb « il a été apporté », nôsəb « il a été compté »,
nāsəl « il a été lavé », nāəûû « il s’est étouffé (avec de la nourriture) », nāləg « il a été
bloqué », nxləε « il a été effrayé », nksər « il s’est cassé », nžrəô « il s’est coupé,
blessé ; il a été blessé, coupé », nfgər « il s’est appauvri », nfləg « il s’est déchiré, il
s’est fâché », ndərr « il a été blessé », ngtəl « il a été tué », ntgəb « il a été troué,
perforé, il est devenu dépendant (d’une drogue) », ngtəε « il a été coupé, il a cessé d’être
en contact », nôrəg « il a été brulé », nεžən « il a été pétri, il a été mélangé, il a été
tabassé », nšāəl « il a été occupé », ndməā « il s’est ouvert le crâne », nxləg « il a été
créé », nîüəb « il a été frappé », nxnəb « il a été volé », nεüəf « il a été (re)connu », nzād
« il est né, il a été mis au monde », ngle « il a été frit, il a attrapé un coup de soleil »,
nûəbb « il a été versé, il a fraudé », ngləb « il s’est retourné, il s’est renversé, il a
changé », nfləg « il s’est désintégré, il n’a pas abouti (projet) ».

On ne trouve pas de participes à la septième forme verbale ; on emploie les participes de


la première forme de la racine concernée. Quant aux impératifs de la septième forme, ils
ne sont pas employés.

1.2.5.1. Le verbe sain


Exemple : nžrəô « il s’est coupé, blessé ; il a été blessé, coupé » (√žrô)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE


S G. 1. nžrəôt nənžrəô
2.m. nžrəôt tənžrəô
2.f. nžrəôti tənžrôi
3.m. nžrəô yənžrəô
3.f. nžərôət tənžrəô
PL. 1. nžrəôna nənžrôu
2. nžrəôtu tənžrôu
3. nžərôu yənžrôu

1.2.5.2. Le verbe sourd


Exemple : ndərr « il a été blessé » (√drr)

28
Voir Ph. MARÇAIS 1952 : 193 et Ph. MARÇAIS 1977 : 62.

109
CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE
S G. 1. ndərrēt nəndərr
2.m. ndərrēt təndərr
2.f. ndərrēti təndərri
3.m. ndərr yəndərr
3.f. ndərrət təndərr
PL. 1. ndərrēna nəndərru
2. ndərrētu təndərru
3. ndərru yəndərru

1.2.5.3. Le verbe assimilé


Exemple : nwləd « il est né » (√wld)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE


S G. 1. nwlədt nənwləd
2.m. nwlədt tənwləd
2.f. nwlədti tənwldi
3.m. nwləd yənwləd
3.f. nwəldət tənwləd
PL. 1. nwlədna nənwldu
2. nwlədtu tənwldu
3. nwəldu yənwldu

1.2.5.4. Le verbe concave


Exemple : nzād « il est né, il a été mis au monde » (√zyd) 29. A la septième forme, La
voyelle du radical du verbe concave à la conjugaison préfixale est ā.

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE


S G. 1. nzədt nənzād
2.m. nzədt tənzād
2.f. nzədti tənzādi
3.m. nzād yənzād
3.f. nzādət tənzād
PL. 1. nzədna nənzādu
2. nzədtu tənzādu
3. nzādu yənzādu

1.2.5.5. Le verbe défectueux


Exemple : nεme « il est devenu aveugle » (√εmy) 30. A la septième forme, la voyelle du
radical du verbe défectueux est -a.

29
On n’a pas trouvé de verbe concave de racine √C1wC3 dans l’arabe de Tripoli à la septième forme.
30
On n’a pas trouvé de verbe défectueux de racine √C1C2w dans l’arabe de Tripoli à la septième forme.

110
CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE
S G. 1. nεmēt nənεma
2.m. nεmēt tənεma
2.f. nεmēti tənεmi
3.m. nεme yənεma
3.f. nεmət tənεma
PL. 1. nεmēna nənεmu
2. nεmētu tənεmu
3. nεmu yənεmu

1.2.6. La 8e forme
Cette forme se caractérise par l’infixation d’un -t- entre la première et la deuxième
consonne de la racine trilitère (C1tC2əC3 ou C1tC2a/e).

Elle constitue le réfléchi et / ou le passif de la première forme 31 : εtdər « il s’est


excusé », ltəff « il s’est enveloppé », xtləf « il a été différent, il s’est différencié »
ltəmmu « ils se sont réunis », žtəmεu « ils se sont rassemblés », ftəkk « il a été libéré de,
il a été débarrassé de », rtāô « il s’est reposé », rtxe « il est devenu flagada, il s’est
relaxé, il s’est assoupli (son caractère) ».

Cette forme fournit également une valeur médio-passive, l’agent étant intérieur au
procès : štāəl « il a fonctionné », xtāü « il a choisi », ltfət « il s’est retourné », šthe « il a
désiré », štāg « il a regretté (quelqu’un ou quelque chose), il a été nostalgique ».

Elle fournit également des verbes d’action : ûtād « il a chassé ».

1.2.6.1. Le verbe sain


Exemple : ltfət « il s’est retourné » (√lft)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. ltfətt nəltfət
SG.m. məltfət
2.m. ltfətt təltfət əltfət
2.f. ltfətti təltfti əltəfti
SG.f. məltfta
3.m. ltfət yəltfət
3.f. ltəftət təltfət
PL.m. məltftīn
PL. 1. ltfətna nəltftu
2. ltfəttu təltftu əltəftu
PL.f. məltftāt
3. ltəftu yəltftu

1.2.6.2. Le verbe sourd


Exemple : ltəff « il s’est enveloppé » (√lff)

31
Voir Ph. MARÇAIS 1977 : 63.

111
CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES
S G. 1. ltəffēt nəltəff
SG.m. məltəff
2.m. ltəffēt təltəff ltəff
2.f. ltəffēti təltəffi ltəffi
SG.f. məltəffa
3.m. ltəff yəltəff
3.f. ltəffət təltəff
PL.m. məltəffīn
PL. 1. ltəffēna nəltəffu
2. ltəffētu təltəffu ltəffu
PL.f. məltəffāt
3. ltəffu yəltəffu

1.2.6.3. Le verbe assimilé 32


On n’a trouvé qu’un seul verbe de racine assimilée à la huitième forme dans le parler
arabe de Tripoli : ttəfəq « il s’est mis d’accord » (√wfq). La semi-consonne de la racine
est assimilée par l’élément formateur -t- qui est infixé entre celle-ci et C2 : /wt/ > /tt/.
Cependant, ce verbe ne respecte pas les règles de structure syllabique de l’arabe de
Tripoli, puisqu’une voyelle brève se trouve en syllabe ouverte non accentuée ttə-fəq ; le
modèle de référence ittafaq(a) de l’arabe classique aurait permis d’enfreindre les
contraintes syllabiques 33.

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. ttəfəqt nəttəfəq
SG.m. məttəfəq
2.m. ttəfəqt təttəfəq ttəfəq
2.f. ttəfəqti təttəfqi ttəfqi
SG.f. məttəfqa
3.m. ttəfəq yəttəfəq
3.f. ttəfqət təttəfəq
PL.m. məttəfqīn
PL. 1. ttəfəqna nəttəfqu
2. ttəfəqtu təttəfqu ttəfqu
PL.f. məttəfqāt
3. ttəfqu yəttəfqu

1.2.6.4. Le verbe concave


Exemple : štāg « il a regretté quelqu’un ou quelque chose, il a été nostalgique » (√šwg).
A la huitième forme, la voyelle du radical du verbe concave à la conjugaison préfixale
et à l’impératif est ā.

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. štəgt nəštāg
SG.m. məštāg
2.m. štəgt təštāg štāg
2.f. štəgti təštāgi štāgi
SG.f. məštāga
3.m. štāg yəštāg
3.f. štāgət təštāg
PL.m. məštāgīn
PL. 1. štəgna nəštāgu
2. štəgtu təštāgu štāgu
PL.f. məštāgāt
3. štāgu yəštāgu

32
On n’a pas trouvé de verbe assimilé de racine √yC2C3 dans l’arabe de Tripoli à la huitième forme.
33
Ce verbe a également été relevé dans le parler arabe des Marâzîg par Gilbert BORIS, qui donne les
formes suivantes : ttəfǻg, yéttefeg, yẹttéfgu, avec le sens de « se mettre d’accord sur, convenir de » ;
l’auteur précise que ce verbe est « très rare » (BORIS 1958 : 673).

112
1.2.6.5. Le verbe défectueux
Exemple : rtxa « il est devenu flagada, il s’est relaxé, il s’est assoupli (son caractère) »
(√rxy) 34. La voyelle du radical du verbe défectueux à la conjugaison préfixale et à
l’impératif est -a, à la huitième forme.

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. rtxēt nərtxa
SG.m. mərtxi
2.m. rtxēt tərtxa rtxa
2.f. rtxēti tərtxi rtxi
SG.f. mərtxīya
3.m. rtxa yərtxa
3.f. rtxət tərtxa
PL.m. mərtxīyīn
PL. 1. rtxēna nərtxu
2. rtxētu tərtxu rtxu
PL.f. mərtxīyāt
3. rtxu yərtxu

1.2.7. La 9e forme
Cette forme est caractérisée par l’infixation de la voyelle longue /ā/ entre C2 et C3. Elle
permet de former des verbes exprimant l’acquisition d’une qualité. Cette forme verbale
est peu productive. On n’a relevé que trois verbes qui ne sont employés qu’aux
troisièmes personnes de la conjugaison suffixale. Il s’agit de trois verbes de racine
concave : √ṭwl (ṭwīl « long » et ṭwāl « il est devenu long »), √šyn (šēn « laid » et šyān
« il est devenu laid ») et √ḍyg (ḍəyyəg « étroit » et ḍyāg « il est devenu étroit »).

CJ. SUFFIXALE
√ṭwl √šyn √ḍyg
S G. 1. – – –
2.m. – – –
2.f. – – –
3.m. ṭwāl ḍyāg šyān
3.f. ṭwālət ḍyāgət šyānət
PL. 1. – – –
2. – – –
3. ṭwālu ḍyāgu šyānu

Ces trois verbes sont notamment employés dans des contructions figées.

mšēna w ət-trīg ṭwālət.


nous sommes allés et la-route elle est devenue longue
« Plus nous avancions et plus la route était longue. »

wəžh-ək šyān.
visage-ton il est devenu laid
« Tu as maigri du visage. »

34
On n’a pas trouvé de verbe défectueux de racine √C1C2w dans le PAT à la huitième forme.

113
xēṛ-ha l-bənt šyānət ?
bien-son la-fille elle est devenue laide
« Que lui arrive-t-il à cette fille, elle s’est enlaidie ? »

xēṛ-hum l-ūlād šyānu ?


bien-leur les-garçons ils sont devenus laids
« Que leur arrive-t-il aux garçons, ils se sont enlaidis ? »

xāṭṛ-i ḍyāg.
souffle-mon il est devenu étroit
« Je n’en peux plus. »

1.2.8. La 10e forme


La dixième forme s’obtient par la préfixation de st- au radical du verbe composé des
trois consonnes de la racine (stəC1C2əC3 ou stəC1C2a). Cette forme fournit les valeurs
suivantes 35 :

– Valeur désidérative, exprimant « l’idée qu’on demande ou qu’on veut que soit réalisée
la notion exprimée par la racine » (Ph. MARÇAIS 1977 : 65) ou, comme le précise
Marcel COHEN « exprimant les idées de chercher à, tendre vers » (M. COHEN 1912 :
234) : stəüžəl « il a été virile », stəεməl « il a utilisé », stəysər « il a facilité », stəsləm
« il s’est islamisé, il s’est fait Musulman », stəε°əf « il a concilié », stəāfər « il (Lui) a
demandé le pardon », stəržəε « il a recouvré, il a récupéré », stəbrək « il a tiré bon
augure », stənšəg « il a inhalé, il a flairé, il a senti », stəgbəl « il a accueilli », stlədd « il
a apprécié », stdəll « il a utilisé comme guide, comme repère (dālīl) », sthəll « il a
commencé, débuté (hīlāl « croissant de lune, début de mois) », stəwdəε « il a confié, il a
déposé (banque) », stəwžəb « il a eu pour conséquence, il a rendu nécessaire, il a
engendré », stəwhəb « il a demandé à quelqu’un de lui donner quelque chose », stεān
« il a demandé l’aide de, il a eu recours à », stεād « il a récupéré », stεār « il a
emprunté », stəqsa « il s’est informé », stəεfa « il a souhaité ne pas être chargé de, il a
été débarrassé d’une obligation », stəwla « il s’est emparé de (par la force) », stəwfa « il
en a eu assez de », stāəll « il a tiré profit », stənfəε « il a tiré profit de, il a bénéficié
de », stəāna « il s’est enrichi », stəôla « il a profité, il s’est diverti ».

– Valeur de réfléchi-interne et permet à certains verbes d’exprimer une notion de


couleur ou une qualité, notamment avec le « sens d’estimation et de comportement »
mentionné par Philippe MARÇAIS (Ph. MARÇAIS 1952 : 200) : stāôəš « il s’est langui
de », stəržəε « il s’est remémoré », stəsləm « il a abandonné, il s’est rendu », stərxa « il
s’est relaxé », stəεžəl « il s’est dépêché », stəεžəb « il s’est émerveillé », stāsəε « il s’est
mis à l’aise, il a déménagé (dans une plus grande maison) », stzād « il est né », stənna
« il a attendu », stôe « il a été timide, il a été poli », stəmlək « il a été possédé (par un
démon) », stüəyyəô « il s’est reposé », stətgəl « il s’est senti lourd (parce qu’il a trop
mangé), il a trouvé exagéré », stəkbər « il a estimé que c’était plus grand, plus
important », stərsəl « il a continué à, il s’est laisser aller à », stəîrəf « il a eu un
comportement drôle, étrange », stəmüəî « il a feint d’être malade », stəxîəü « il est
devenu vert », stəôməü « il a rougi, il a été gêné ; il est devenu idiot », stəûfəü « il a
jauni ; il a pris peur », stəswəd « il a noirci ; il a accepté le défi », stəārəb « il a été
surpris », stxəff « il a sous-estimé ; il a rabaissé quelqu’un », stεədd « il s’est préparé »,

35
Cf. M. COHEN 1912 : 234, Ph. MARÇAIS 1952 : 197-200 et Ph. MARÇAIS 1977 : 65.

114
stāžəε « il a eu mal, il a ressenti de la douleur », stgāî « il s’est réveillé, il s’est rendu
compte, il a réalisé », stgām « il a été dans le droit chemin », stənža « il s’est nettoyé,
lavé (après être allé aux toilettes) », stəgsa « il est parti », stəbla « il a été maudit »,
stəb°a « il a trouvé long ».

1.2.8.1. Le verbe sain


Exemple : stəεməl « il a utilisé » (√εml)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. stəεməlt nəstəεməl
SG.m. məstəεməl
2.m. stəεməlt təstəεməl stəεməl
2.f. stəεməlti təstəεmli stəεmli
SG.f. məstəεmla
3.m. stəεməl yəstəεməl
3.f. stəεmlət təstəεməl
PL.m. məstəεmlīn
PL. 1. stəεməlna nəstəεmlu
2. stəεməltu təstəεmlu stəεmlu
PL.f. məstəεmlāt
3. stəεmlu yəstəεmlu

1.2.8.2. Le verbe sourd


Exemple : stεədd « il s’est préparé » (√εdd)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. stεəddēt nəstεədd
SG.m. məstεədd
2.m. stεəddēt təstεədd stεədd
2.f. stεəddēti təstεəddi stεəddi
SG.f. məstεədda
3.m. stεədd yəstεədd
3.f. stεəddət təstεədd
PL.m. məstεəddīn
PL. 1. stεəddēna nəstεəddu
2. stεəddētu təstεəddu stεəddu
PL.f. məstεəddāt
3. stεəddu yəstεəddu

1.2.8.3. Le verbe assimilé


A la dixième forme, il existe deux classes de verbes assimilés de racine √wC1C2 : une
première classe, où le verbe est formé sur le schème stāC2əC3, tels que 36 :

stāôəš (√wôš) « il s’est languit de »


stāsəε (√wsε) « il s’est mis à l’aise »
stāžəε (√wžε) « il a eu mal »

et une seconde classe où le verbe est formé sur le schème stəwC2əC3 37 :

stəwdəε (√wdε) « il a confié, il a déposé (banque) »


stəwžəb (√wžb) « il a eu pour conséquence, il a rendu nécessaire »
stəwhəb (√whb) « il a demandé à quelqu’un de lui donner quelque chose »

36
Par analogie avec les verbes anciennement hamzés: stāhəl (√’hl) « il a mérité, il a gagné » et stānəs
(√’ns) « il a été à l’aise, il s’est habitué ». Philippe MARÇAIS indique que cela serait une caractéristique de
certains parlers bédouins : « dans certains parlers bédouins, la première radicale w se mue en ā : stāôəš
"éprouver de la nostalgie" » (Ph. MARÇAIS 1977 : 66).
37
D’après mes informateurs, les verbes qu’on retrouve sous la forme stəwC2əC3 seraient des verbes qui
auraient été introduits dans le parler arabe de Tripoli plus récemment, empruntés à l’arabe littéral.

115
stəwla (√wly) « il s’est emparé de (par la force) »
stəwfa (√wfy) « il a eu assez de »

Exemple 1 : stāôəš « il s’est languit de » (√wôš)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. stāôəšt nəstāôəš
SG.m. məstāôəš
2.m. stāôəšt təstāôəš stāôəš
2.f. stāôəšti təstāôši stāôši
SG.f. məstāôša
3.m. stāôəš yəstāôəš
3.f. stāôšət təstāôəš
PL.m. məstāôšīn
PL. 1. stāôəšna nəstāôšu
2. stāôəštu təstāôšu stāôšu
PL.f. məstāôšāt
3. stāôšu yəstāôšu

Exemple 2 : stəwdəε « il a confié, il a déposé (banque) »

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. stəwdəεt nəstəwdəε
SG.m. məstəwdəε
2.m. stəwdəεt təstəwdəε stəwdəε
2.f. stəwdəεti təstəwdεi stəwdεi
SG.f. məstəwdεa
3.m. stəwdəε yəstəwdəε
3.f. stəwdεət təstəwdəε
PL.m. məstəwdεīn
PL. 1. stəwdəεna nəstəwdεu
2. stəwdəεtu təstəwdεu stəwdεu
PL.f. məstəwdεāt
3. stəwdεu yəstəwdεu

Exemple 3 : stəysər « il a facilité » (√ysr)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. stəysərt nəstəysər
SG.m. məstəysər
2.m. stəysərt təstəysər stəysər
2.f. stəysərti təstəysri stəysri
SG.f. məstəysra
3.m. stəysər yəstəysər
3.f. stəysrət təstəysər
PL.m. məstəysrīn
PL. 1. stəysərna nəstəysru
2. stəysərtu təstəysru stəysru
PL.f. məstəysrāt
3. stəysru yəstəysru

1.2.8.5. Le verbe concave


Exemple : stεān « il a eu recours à » (√εwn). La voyelle du radical des verbes concaves
à la dixième forme verbale est -i-, à la conjugaison préfixale, à l’impératif et pour les
participes.

116
CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES
S G. 1. stεənt nəstεīn
SG.m. məstεīn
2.m. stεənt təstεīn stεīn
2.f. stεənti təstεīni stεīni
SG.f. məstεīna
3.m. stεān yəstεīn
3.f. stεānət təstεīn
PL.m. məstεīnīn
PL. 1. stεənna nəstεīnu
2. stεəntu təstεīnu stεīnu
PL.f. məstεīnāt
3. stεānu yəstεīnu

1.2.8.6. Le verbe défectueux


En ce qui concerne la voyelle du radical du verbe défectueux, pour la conjugaison
préfixale, pour l’impératif et pour les participes, il est des verbes pour lesquels cette
dernière est -i, tels que :

stərxa yəstərxi « il s’est relaxé »


stəbla yəstəbli « il a été maudit »
stənža yəstənži « il s’est lavé (après être allé aux toilettes) »
stəεfa yəstəεfi « il a été débarrassé d’une obligation »
stəwla yəstəwli « il s’est emparé de (par la force) »
stəwfa yəstəwfi « il en a eu assez de »
stəāna yəstəāni « il s’est enrichi »

et d’autres pour lesquels la voyelle est -a :

stəb°a yəstəb°a « il a trouvé long »


stəgûa yəstəgûa « il est parti »
stəqûa yəstəqûa « il s’est renseigné »
stəôla yəstəôla « il a profité, il s’est diverti »

Exemple : stərxa « il s’est relaxé » (√rxy)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. stərxēt nəstərxi
SG.m. məstərxi
2.m. stərxēt təstərxi stərxi
2.f. stərxēti təstərxi stərxi
SG.f. məstərxīya
3.m. stərxa yəstərxi
3.f. stərxət təstərxi
PL.m. məstərxīyīn
PL. 1. stərxēna nəstərxu
2. stərxētu təstərxu stərxu
PL.f. məstərxīyāt
3. stərxu yəstərxu

2. Les verbes de racine quadrilitère


Les verbes quadrilitères sont de deux types 38.

Il existe des verbes quadrilitères dont les quatre consonnes radicales sont différentes
(C1əC2C3əC4). David COHEN fait remarquer que le quatrième élément a souvent été
rajouté à une base trilitère ; ce procédé d’étoffement des racines (bilitères augmentés

38
Cf. Ph. MARÇAIS 1977 : 68, CESÀRO 1939 : 241, STUMME 1898 : 246, YODA 2005 : 185.

117
d’une troisième consonne et trilitères étoffés par une quatrième radicale) est courant
dans les langues sémitiques 39 : gaεməz « il s’est assis », šəlāəm « il a roulé un patin »,
fərkəs « il a été confus », hədrəz « il a bavardé, discuté », zəlbəô « il a trompé », εətfəz
« il a écrasé », šəryən « il a sonné », kəlkəs « il a klaxonné », dəārəg « il a caché »,
εəkrəš « il a froissé », gərgəb « il s’est masturbé ».

Le schème quadrilitère permet aussi de créer un verbe et de le lexicaliser à partir d’un


emprunt : îənžən « il a séduit, il a fait le Don Juan ».

On trouve également des verbes quadrilitères caractérisés par le redoublement d’un


schème bilitère, i.e. par le redoublement de la première syllabe (C1əC2C3əC4, où C1=C3
et C2=C4). Dominique CAUBET précise que « ce schème est composé de quatre
consonnes, mais il consiste en fait en un redoublement d’un schème bilitère, ce qui est
un procédé iconique répandu en sémitique ; en effet, ces verbes sont généralement des
onomatopées » 40 : ləŧləŧ « il a zozoté », wətwət « il a bégayé », gəsgəs « il a espionné, il
s’est informé », šəmšəm « il a espionné, il s’est informé ; il a senti, il a reniflé ».

1.3.1. Icones onomatopéiques (C1əC2C3əC4, où C1=C3 et C2=C4)


Il s’agit d’icones de bruit ; il existe une similitude entre le représentant et le représenté,
i.e. entre un bruit, un son, et un verbe quadrilitère.

Exemple : ləŧləŧ « il a zozoté » (√lŧlŧ)


Ce verbe est formé sur un schème à deux radicales redoublées.

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. ləŧləŧt nləŧləŧ
SG.m. mləŧləŧ
2.m. ləŧləŧt tləŧləŧ ləŧləŧ
2.f. ləŧləŧti tləŧlŧi ləŧlŧi
SG.f. mləŧlŧa
3.m. ləŧləŧ yləŧləŧ
3.f. ləŧlŧət tləŧləŧ
PL.m. mləŧlŧīn
PL. 1. ləŧləŧna nləŧlŧu
2. ləŧləŧtu tləŧlŧu ləŧlŧu
PL.f. mləŧlŧāt
3. ləŧlŧu yləŧlŧu

1.3.2. Verbe quadrilitère sain


Ce verbe est formé sur un schème à quatre radicales différentes. On n’a pas trouvé, dans
le parler arabe de Tripoli, de verbes quadrilitères défectueux, c’est-à-dire dont C4 est
une semi consonne w ou y. Hans STUMME a relevé un verbe máršä « marcher » 41, mais
il semblerait qu’il ne soit plus employé dans l’arabe de Tripoli contemporain.

Exemple : zəlbəô « il a trompé » (√zlbô)

39
Mentionné par Dominique CAUBET , voir CAUBET 1993 (I) : 53.
40
Cf. CAUBET 1993 (I) : 56.
41
Cf. STUMME 1898 : 246.

118
CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES
S G. 1. zəlbəôt nzəlbəô
SG.m. mzəlbəô
2.m. zəlbəôt tzəlbəô zəlbəô
2.f. zəlbəôti tzəlbôi zəlbôi
SG.f. mzəlbôa
3.m. zəlbəô yzəlbəô
3.f. zəlbôət tzəlbəô
PL.m. mzəlbôīn
PL. 1. zəlbəôna nzəlbôu
2. zəlbəôtu tzəlbôu zəlbôu
PL.f. mzəlbôāt
3. zəlbôu yzəlbôu

1.3.3. Forme quadrilitère dérivée


La forme quadrilitère dérivée se caractérise par la préfixation de t- au verbe quadrilitère
sain ou à l’icone onomatopéique. Cette forme confère aux verbes une valeur de réfléchi
et/ou de passif : tmərāəd « il s’est roulé par terre », tmənyək « il s’est moqué », tkərkəb
« il est tombé et s’est retourné », tëΩöëΩö « il a fait des bulles ».

Exemple : tmənyək « il s’est moqué » (√mnyk)

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. tmənyəkt nətmənyək
SG.m. mətmənyək
2.m. tmənyəkt tətmənyək tmənyək
2.f. tmənyəkti tətmənyki tmənyki
SG.f. mətmənyka
3.m. tmənyək yətmənyək
3.f. tmənykət tətmənyək
PL.m. mətmənykīn
PL. 1. tmənyəkna nətmənyku
2. tmənyəktu tətmənyku tmənyku
PL.f. mətmənykāt
3. tmənyku yətmənyku

3. Les verbes irréguliers


Dans cette partie, on examinera les anciens verbes hamzés de racine √’kl, √’xñ, √’hl,
√’ns, √’by, √r’y et √žy’, aux diverses formes auxquelles ils sont employés dans le parler
arabe de Tripoli. On traitera également des verbes doublement dérivés, croisant la
huitième et la deuxième forme, ainsi que la dixième et la deuxième forme.

3.1. Verbes anciennement hamzés


A la suite de la disparition de la hamza, des modifications d’ordre morpho-
phonologique ont eu lieu.

3.1.1. L’ancienne racine √’kl


On remarque dans le tableau de conjugaison qui suit que (ces remarques sont également
valabes pour le verbe xde, yāxəd traité en 3.1.2.) :
– à la conjugaison suffixale, ce verbe anciennement hamzé est traité comme un verbe
défectueux : la disparition de la hamza a été compensée par l’étoffement de la racine et
l’adjonction d’une semi-consonne en C3 ;
– à la conjugaison préfixale, la disparition de la hamza a été compensée par
l’allongement de la voyelle qui la précédait : a (ya’kv̆l) > ā (yākəl) ;
– à l’impératif, ce verbe est traité comme un verbe concave ; la disparition de la
première lettre de la racine a été compensée par l’adjonction d’une semi-consonne w
entre C2 et C3 ;

119
– en ce qui concerne les participes, ce verbe se construit comme les verbes assimilés ; la
disparition de la première lettre de la racine a été compensée par l’adjonction d’une
semi-consonne w.

3.1.1.1. La 1e forme
Exemple : kle « il a mangé », yākəl « il mange »

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF


S G. 1. klēt nākəl
2.m. klēt tākəl kūl
2.f. klēti tākli kūli
3.m. kle yākəl
3.f. klət tākəl
PL. 1. klēna nāklu
2. klētu tāklu kūlu
3. klu yāklu

PARTICIPE ACTIF PARTICIPE PASSIF


SG.m. wākəl məwkūl ~ mūkūl
SG.f. wākla məwkūla ~ mūkūla
PL.m. wāklīn məwkūlīn ~ mūkūlīn
PL.f. wāklāt məwkūlāt ~ mūkūlāt

3.1.1.2. La 8e forme
Exemple : yəttākəl et yətkəl « il se mange, il est mangeable »(√’kl). Ce verbe n’est
employé qu’aux troisièmes personnes.

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE


S G. 1. – –
2.m. – –
2.f. – –
3.m. ttākəl yəttākəl ~ yətkəl
3.f. ttāklət təttākəl ~ tətkəl
PL. 1. – –
2. – –
3. ttāklu yəttāklu

On note, dans le parler arabe de Tripoli actuel, que yəttākəl alterne avec yətkəl et que
təttākəl alterne avec tətkəl. Ces deux formes ont eu une évolution différente à partir de
la racine √’kl.

Les formes yəttākəl et təttākəl seraient construites par analogie avec la forme yākəl, où
le /ā/ compense la disparition de la hamza 42.

Quant aux formes yətkəl et tətkəl, elles procèderaient de la racine hamzée √’kl, dont le ’
aurait disparu, à la suite de la disparition de la hamza dans le parler ; en effet, lorsqu’il

42
Dans cette hypothèse, la hamza est deux fois présente et traitée différemment : *(i)’ta’kal > ttākəl, où ’t
> tt et où a’ > ā.

120
était à l’initiale du mot, dans une syllabe non accentuée, le ’ a disparu et l’accent
concerne, en effet, la seconde syllabe du groupe : yət-kəl et tət-kəl 43 :

√’kl > *yə’tkəl > yətkəl


8e forme disparition de la hamza
-t- infixé syllabe fermée yət-

3.1.2. L’ancienne racine √’xñ


Exemple : xde « il a pris », yāxəd « il prend ». Voici la conjugaison de ce verbe à la
première forme verbale :

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF


S G. 1. xdēt nāxəd
2.m. xdēt tāxəd xūd
2.f. xdēti tāxdi xūdi
3.m. xde yāxəd
3.f. xdət tāxəd
PL. 1. xdēna nāxdu
2. xdētu tāxdu xūdu
3. xdu yāxdu

PARTICIPE ACTIF PARTICIPE PASSIF


SG.m. wāxəd məwxūd ~ mūxūd
SG.f. wāxda məwxūda ~ mūxūda
PL.m. wāxdīn məwxūdīn ~ mūxūdīn
PL.f. wāxdāt məwxūdāt ~ mūxūdāt

3.1.3. L’ancienne racine √’hl


Exemple : stāhəl « il a mérité, gagné ».La disparition de la hamza a été compensée par
l’allongement de sa voyelle 44 :

√’hl : *sta’hv̆l > stāhəl « il a mérité, gagné »

Voici la conjugaison de ce verbe à la dixième forme verbale.

43
En ce qui concerne l’évolution des formes anciennement hamzées, voir notamment COHEN 1963 : 42-
48 et COHEN 1975 : 36-40. Voir également YODA 2005 : 82-88. Par ailleurs, dans le parler arabe des Juifs
de Tunis, David COHEN a relevé « un vestige » d’un ancien verbe à la huitième forme, où le morphème -
t- apparaît normalement comme l’une des trois consonnes de la racine : tkəl « il a compté sur » (COHEN
1975 : 126).
44
David COHEN précise, dans son étude du parler des Juifs de Tunis, que « des verbes très usités
provenant de racines originellement à première consonne hamza ont la forme st + ā + CVC »
(COHEN 1975 : 131). Nada TOMICHE, dans son étude du parler arabe du Caire, a relevé les formes ’estáhal
« il a mérité », yestāhəl et précise que « le coup de glotte intérieur du classique [’ista’hala] explique
l’allongement de la voyelle à l’inaccompli dans le parler » (TOMICHE 1964 : 141).

121
CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES
S G. 1. stāhəlt nəstāhəl
SG.m. məstāhəl
2.m. stāhəlt təstāhəl stāhəl
2.f. stāhəlti təstāhli stāhli
SG.f. məstāhla
3.m. stāhəl yəstāhəl
3.f. stāhlət təstāhəl
PL.m. məstāhlīn
PL. 1. stāhəlna nəstāhlu
2. stāhəltu təstāhlu stāhlu
PL.f. məstāhlāt
3. stāhlu yəstāhlu

3.1.4. L’ancienne racine √’ns


Exemple : stānəs « il a été à l’aise ». La disparition de la hamza a été compensée par
l’allongement de sa voyelle.

√’ns : *sta’nv̆s > stānəs « il a été à l’aise »

Voici la conjugaison de ce verbe à la dixième forme verbale.

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. stānəst nəstānəs
SG.m. məstānəs
2.m. stānəst təstānəs stānəs
2.f. stānəsti təstānsi stānsi
SG.f. məstānsa
3.m. stānəs yəstānəs
3.f. stānsət təstānəs
PL.m. məstānsīn
PL. 1. stānəsna nəstānsu
2. stānəstu təstānsu stānsu
PL.f. məstānsāt
3. stānsu yəstānsu

3.1.5. Les verbes bilitères


On examinera trois verbes anciennement hamzés : ba (√’by), üa (√ü’ y)et že (√žy’). A la
suite de la disparition de la hamza, on trouve des formes bilitères.

3.1.5.1. L’ancienne racine √’by


Exemple : ba « il a voulu », yəbbi « il veut » 45. Il s’agit d’un verbe anciennement
hamzé et défectueux de racine √’by. Les impératifs et les participes ne sont pas attestés.

45
On retrouve ce verbe dans le parler arabe de Takroûna avec le sens de « consentir, devenir consentant,
agréer, accepter et admettre » (W. MARÇAIS et A. GUÎGA 1958a : 14), alors que d’autres auteurs insistent
sur le fait que ce verbe, notamment en arabe littéral, a le sens de « décliner une offre, dénier, rejeter une
proposition, refuser, opposer un refus » (STUMME 1898 : 239 et YODA 2005 : 190). De plus, ce verbe
existe dans des parlers marocains, notamment dans le parler de Meknès et dans celui de Aït-εza (région
de Taroudant), mais sous une forme emphatique ḅa, yḅi, avec le sens de « vouloir » (enquêtes
personnelles).

122
CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE
S G. 1. bēt nəbbi
2.m. bēt təbbi
2.f. bēti təbbi
3.m. ba yəbbi
3.f. bət təbbi
PL. 1. bēna nəbbu
2. bētu təbbu
3. bu yəbbu

A la conjugaison suffixale, ce verbe n’est employé qu’à la forme négative ; il n’est


jamais utilisé à la forme affirmative. Dans le parler arabe de Tripoli, on peut employer
le synonyme rād « il a voulu », irīd « il veut ».

A la conjugaison préfixale, la disparition de la hamza a été compensée par la gémination


de C2, i.e. du /b/. En effet, la gémination de C2 a permis de fermer la première syllabe
du groupe, dans laquelle se serait trouvée une voyelle brève :

*nv̆’bi > *nv̆-bi > nəbbi « je veux »


*tv̆’bi > *tv̆-bi > təbbi « tu veux ; elle veut »
*yv̆’bi > *yv̆-bi > yəbbi « il veut »
*nv̆’bu > *nv̆-bu > nəbbu « nous voulons »
*tv̆’bu > *tv̆-bu > təbbu « vous voulez »
*yv̆’bu > *yv̆-bu > yəbbu « ils, elles veulent »

Mes remarques se rapprochent de celles d’Antonio CESÀRO qui indique que le verbe
vouloir est particulier : à la conjugaison suffixale, il est employé sous la forme be (et se
conjugue comme že et üa), mais est employé uniquement à la forme négative ; à la
conjugaison préfixale, il peut être employé à la forme affirmative et à la forme négative,
et la consonne b est redoublée. L’impératif et les participes ne sont pas attestés.

« Assai caratteristico è il verbo volere, al quale possiamo soltanto


grammaticalmente assegnare il tema verbale b, voce che in realtà non esiste
perchè il perfetto di questo verbo è usato soltanto nella forma negativa, simile
nella flessione a quella dei precedenti verbi ž e r […]. Nell’imperfetto, sia
affermativo che negativo, la consonante b è raddoppiata : yébbī, tébbī, mā-tebbî-
š, ecc. Questo verbo manca non solo di imperativo ma anche di participi »
(CESÀRO 1939 : 244-245).

D’autres auteurs mentionnent l’existence de deux verbes desquels découlerait la


conjugaison de ba « il a voulu » d’un côté (d’un verbe de racine √’by), puis de yəbbi « il
veut » de l’autre (d’un verbe de racine √bāy 46). Hans STUMME défend ce point de vue :

« Das verbum prim. hamz. und tert. j [’abā] imp. [ya’bī] oder [ya’bā] des
Klassischen schliesst mit dem verbum tert. j [baāā] impf. [yabāī] des

46
où /ā/ aurait été assimilé par /b/.

123
Klassischen einen interessanten Kompromiss zur Wiedergabe des Begriffes
wollen, im Begriffe sein im Dialekte (im Klass. heisst ‫ أ‬aber nicht wollen!) »
(STUMME 1898 : 239).

Sumikazu YODA défend lui aussi cette idée :

« This verb [ba] is used only in the perfect in the negative form and means "did
not want", and may correspond to CA ’abā although its meaning is "to refuse"
which is contrary to the meaning of TJ […], or CA baāā which often appears in
a reduced dialectal form, cf. yabi ~ yaba in Benghazi Muslim dialect […] or also
in Najdi Arabic » (YODA 2005 : 190).

3.1.5.2. L’ancienne racine √r’y


Exemple : üa « il a vu »
Il s’agit d’un verbe anciennement hamzé et défectueux de racine √r’y.

CJ. SUFFIXALE
S G. 1. üēt
2.m. üēt
2.f. üēti
3.m. üa
3.f. üət
PL. 1. üēna
2. üētu
3. üu

Ce verbe n’est jamais employé à la conjugaison préfixale, à l’exception de la forme tüa,


qui est utilisé avec une fonction de vocatif, pour attirer l’attention de l’interlocuteur,
qu’on pourrait gloser par « Eh ! Vas-y ! Regarde ! ». Son utilisation précède toujours
celle d’un impératif, comme dans l’exemple suivant :

tüa gūl l-i !


Eh ! Vas y ! Regarde ! dis à-moi
« Vas y ! Dis-moi ! »

Sumikazu YODA, dans son étude sur le parler des Juifs de Tripoli précise que

« čüa […] is used to remind someone to perform an action and it normally


precedes a verb in the imperative. It can be used independently when the request
of the speaker is obvious. čüa wəüüini "come on, show me!", čüa žibili kə∞k "I
say, bring some biscuits!" » (YODA 2005 : 130).

Le verbe üa ne fournit pas d’impératifs, ni de participes ; on utilise les impératifs de


deux autres verbes couramment employés dans le parler arabe de Tripoli : šbəô et šāf
« il a vu » : əšbəô, əšbôi et əšbôu, ou bien šūf, šūfi et šūfu..

3.1.5.3. L’ancienne racine √žy’


Exemple : že « il est venu », yži « il vient »
Il s’agit d’un verbe anciennement hamzé de racine √žy’. Il se conjugue comme un verbe
défectueux.

124
CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF
S G. 1. žēt nži
2.m. žēt tži tεāla
2.f. žēti tži tεāli
3.m. že yži
3.f. žət tži
PL. 1. žēna nžu
2. žētu tžu tεālu
3. žu yžu

On emploie, dans le parler arabe de Tripoli, l’impératif du verbe tεāla « venir », de


racine √εly, à la sixième forme ; il n’existe pas dans l’arabe de Tripoli d’impératif formé
à partir de la racine √žy’.

PARTICIPE ACTIF PARTICIPE PASSIF


SG.m. žāy māži
SG.f. žāya māžīya
PL.m. žāyīn māžīyīn
PL.f. žāyāt māžīyāt

3.2. Formes doublement dérivées


On trouve, à Tripoli, deux verbes de forme doublement dérivée, caractérisée par le
croisement d’une huitième ou d’une dixième forme avec la deuxième forme 47.

Formes
doublement Schème Préfixation Infixation Gémination
dérivées
8e & 2e C1təC2C2əC3 -t- C2
10e & 2e stC1əC2C2əC3 st- C2

3.2.1. Croisement de la huitième et de la deuxième forme


On examinera un verbe de racine √bsm, puis un verbe de racine √wûl.

3.2.1.1. btəssəm « il a souri » (√bsm)


Le verbe de racine √bsm se caractérise par l’infixation du morphème -t- et, à certaines
personnes, par la gémination de C2.

Ce verbe se conjugue-t-il par analogie avec le verbe de cinquième forme également


employé à Tripoli : tbəssəm « il a souri » ? On pourrait également se demander s’il ne
s’agirait pas plutôt d’un verbe à la cinquième forme qui aurait subi une métathèse et où
les consonnes initiales tb seraient articulées bt ? Cependant, étant donné que la forme
relevée à Tripoli est très proche de du verbe de huitième forme ibtasam(a) « il a souri »,
très courant en arabe, la deuxième hypothèse a été écartée. Il semblerait plutôt qu’on ait
affaire à une forme doublement dérivée.

Cette double dérivation est probablement liée à des questions de structure syllabique et
au besoin de maintenir la voyelle brève de la première syllabe ; parce qu’on ne peut pas
avoir de voyelle brève en syllabe ouverte non accentuée, la gémination de C2 permet la

47
Je remercie Jérôme LENTIN, pour ses précieux conseils concernant les formes doublement dérivées.

125
fermeture de la première syllabe du verbe et le maintient de la voyelle brève entre le -t-
infixé et C2 : *btv̆-sv̆mt > btəs-səmt.

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. btəssəmt nəbtəssəm
SG.m. məbtəssəm
2.m. btəssəmt təbtəssəm btəssəm
2.f. btəssəmti təbtəsmi btəsmi
SG.f. məbtəsma
3.m. btəssəm yəbtəssəm
3.f. btəsmət təbtəssəm
PL.m. məbtəsmīn
PL. 1. btəssəmna nəbtəsmu
2. btəssəmtu təbtəsmu btəsmu
PL.f. məbtəsmāt
3. btəsmu yəbtəsmu

3.2.1.2. ttəûûəl « il est entré en communication » (√wûûl)


Le verbe de racine (√wûl) se caractérise par l’infixation du morphème -t- et la
gémination de C2. La semi-consonne de la racine est assimilée par l’élément formateur
-t- qui est infixé entre celle-ci et C2 : /wt/ > /tt/ (la forme théorique est *(i)wtəûəl). Pour
des questions de structure syllabique, parce qu’une voyelle brève ne peut pas se trouver
en syllabe ouverte, C2 a été géminée. Ainsi, la syllabe ouverte est fermée et on obtient
une forme doublement dérivée.

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. ttəûûəlt nəttəûûəl
SG.m. məttəûûəl
2.m. ttəûûəlt təttəûûəl ttəûûəl
2.f. ttəûûəlti təttəûli ttəûli
SG.f. məttəûla
3.m. ttəûûəl yəttəûûəl
3.f. ttəûlət təttəûûəl
PL.m. məttəûlīn
PL. 1. ttəûûəlna nəttəûlu
2. ttəûûəltu təttəûlu ttəûlu
PL.f. məttəûlāt
3. ttəûlu yəttəûlu

3.2.2. Croisement de la dixième et de la deuxième forme


On étudiera un verbe de racine √ryô, puis un verbe de racine √’ny.

3.2.2.1. strəyyəô « il s’est reposé » (√ryôô)


En tripolitain, on a une forme stüəyyəô où C2 est géminée 48. Peut-être stüəyyəô est-il
construit par analogie avec le verbe tüəyyəô qui existe, avec le même sens, dans le parler
arabe de Tripoli ? Peut-être aurait-il été emprunté à une autre variété d’arabe ? 49

48
La forme stāüāô existe dans le dicton suivant, obtenu à Tripoli en novembre 2002, cité par un de mes
informateurs :
əl-bāb əlli iži mənn-a r-rīô
la-porte REL. il vient de-lui le-vent
sədd-a u stāüīô
ferme-le et repose-toi
« La porte par où le vent entre, ferme-la et repose-toi ».
Selon mon informateur, on n’utilise pas stāüīô mais stüəyyəô, ni sədd mais səkkər « ferme », dans le
parler arabe de Tripoli et ces formes n’existent que dans ce dicton...
49
Ce verbe est très courant dans les parlers arabes d’Egypte. Il a d’ailleurs été relevé dans le parler arabe
du Caire par Nada TOMICHE : ’estaüåỵỵåH « il s’est reposé », yestaüåỵỵåH et elle précise qu’il s’agit
d’une forme curieuse qui maintient la 2e radicale en la géminant (TOMICHE 1964 : 141).

126
CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES
S G. 1. stüəyyəôt nəstüəyyəô
SG.m. məstüəyyəô
2.m. stüəyyəôt təstüəyyəô stüəyyəô
2.f. stüəyyəôti təstüəyyôi stüəyyôi
SG.f. məstüəyyôa
3.m. stüəyyəô yəstüəyyəô
3.f. stüəyyôət təstüəyyəô
PL.m. məstüəyyôīn
PL. 1. stüəyyəôna nəstüəyyôu
2. stüəyyəôtu təstüəyyôu stüəyyôu
PL.f. məstüəyyôāt
3. stüəyyôu yəstüəyyôu

3.2.2.2. stənna « il a attendu » (ancienne racine √’ny)


Il s’agit d’un verbe de racine anciennement hamzé, dont la forme verbale croise la
dixième et la deuxième forme : *st’ənna > stənna.

CJ. SUFFIXALE CJ. PRÉFIXALE IMPÉRATIF PARTICIPES


S G. 1. stənnēt nəstənna
SG.m. məstənni
2.m. stənnēt təstənna stənna
2.f. stənnēti təstənni stənni
SG.f. məstənnīya
3.m. stənna yəstənna
3.f. stənnət təstənna
PL.m. məstənnīyīn
PL. 1. stənnēna nəstənnu
2. stənnētu təstənnu stənnu
PL.f. məstənnīyāt
3. stənnu yəstənnu

4. Conclusion
Les conjugaisons de tous les types de verbes de racine trilitère (sains, sourds, assimilés,
concaves et défectueux), à la forme simple et aux différentes formes dérivées, ont été
étudiées. Les verbes de racine quadrilitère, ainsi que les verbes dont la racine comporte
(ou comportait) une hamza ont également été traités. De plus, on a examiné des verbes
doublement dérivés : une forme croisant la huitième et la deuxième forme, puis une
forme croisant la dixième et la deuxième forme.

Le parler arabe de Tripoli ne connaît pas la quatrième forme verbale.

Dans la conjugaison des verbes, le parler arabe de Tripoli se rapproche des parlers de
type bédouin du Maghreb, parlers conservateurs.

En effet, dans la conjugaison, on distingue le genre à la deuxième personne du


singulier ; par contre, on ne distingue pas le genre à la deuxième et à la troisième
personne du pluriel, comme on le fait dans de nombreux parlers libyens et dans les
parlers du Sud tunisien, proches géographiquement.

Dans la conjugaison du verbe défectueux, le paradigme n’est pas reconstruit au moyen


des voyelles longues ; innovation propre aux parlers de sédentaires. Aux troisièmes
personne du féminin et du pluriel, à la conjugaison suffixale, on ne trouve pas la voyelle
longue ā. A la conjugaison préfixale, on netrouve pas les voyelles longues ā ou ī, aux
personnes du pluriel.

127
La septième forme à n- préfixé est employé pour exprimer le passif réfléchi de la
première forme 50.

La dixième forme verbale est bien représentée, comme dans les parlers de type
bédouin 51. De plus, on trouve, à la dixième forme, des verbes assimilés où la première
consonne radicale w se mue en ā, caractéristique propre à certains parlers bédouins au
Maghreb 52.

50
Il s’agit plus précisément d’une caractéristique des parlers bédouins de type Sulaym, alors que dans les
parlers de type Hilal, « on retrouve la forme dialectale à t initial qui est aussi celle des parlers
sédentaires » Cf. W. MARÇAIS 1950 : 215.
51
Cf. Ph. MARÇAIS 1977 : 65.
52
Cf. Ph. MARÇAIS 1977 : 66.

128
MORPHOLOGIE NOMINALE

Dans cette partie, on dressera un catalogue des schèmes nominaux du singulier, du


pluriel et des diminutifs relevés dans le parler arabe de Tripoli. On a tenté d’examiner
dans le détail le maximum de formes en usage dans ce parler ; en effet, on a énuméré
les schèmes les plus caractéristiques : schèmes bilitères, mais surtout trilitères et
quadrilitères. Les formes à plus de quatre consonnes ne sont pas traitées dans cette
étude. Ces formes ne sont pas productives et il s’agit de termes empruntés à des
langues étrangères. Philippe MARÇAIS parle de « noms inclassables […] qui sortent
des normes et qui ne sont généralement pas susceptibles d’être même apparentés à des
schèmes identifiables » (Ph. MARÇAIS 1977 : 114) 1. Cependant, quelques emprunts
seront parfois mentionés, lorsqu’ils ont été lexicalisés et ‘coulés’ dans un schème
arabe (tels que vīza « visa », où le -a final est traité comme une marque de féminin -
a(t) et le /t/ réapparaît lorsqu’on lui suffixe un pronom : vīzt-əh « son visa »). Dans
cette étude, on verra également le genre (masculin et féminin) et le nombre (singulier,
duel et pluriel), ainsi que les degrés du nom (comparatif et superlatif).

1. Le genre
Dans le parler arabe de Tripoli, comme dans l’ensemble des parlers arabes, il y a deux
genres : le masculin et le féminin. Dans certains cas, l’opposition masculin / féminin
apparaît sans équivoque : lorsqu’on oppose un mâle à une femelle, i.e. un être animé
du sexe masculin à un être animé du sexe féminin ; mais également lorsqu’on oppose
l’individu au groupe, la portion à l’ensemble, le fait isolé au fait général, le nom
d’unité au collectif : le féminin caractérise l’unité et le masculin désigne la généralité.
Dans d’autres cas, l’opposition masculin / féminin est ambiguë : alors que les
substantifs masculins n’ont pas d’indice spécifique, il existe des substantifs féminins
caractérisés morphologiquement par le suffixe -a(t) ou le suffixe -t et des substantifs
féminins qui ne sont pas pourvus d’indice caractéristique.

1.1. Les nominaux féminins sans marque


Il s’agit de nominaux féminins non caractérisés morphologiquement, qu’on peut
regrouper selon des critères sémantiques. Ils concernent, dans le parler arabe de
Tripoli :

1
Il est donc préférable de se référer à la thèse d’ABDU (1988) sur les emprunts à l’italien et à l’article
de TÜRKMEN (1988) concernant les emprunts au turc.

129
- des substantifs désignant des êtres animés du sexe féminin : umm « mère », ԑənz
« chèvre », ԑzūz « vieille femme », ԑṛūs « fiancée ».

- des adjectifs désignant des états propres aux femmes ou aux femelles : ḥāməl
« enceinte », ḥāyəḍ « ayant ses règles ».

- des parties doubles du corps : ԑēn « œil », īd « main », wdən « oreille », ržəl
« pied », fəxd « cuisse », kətf « épaule » 2.

- des substantifs désignant des organes du corps ou des notions se rapportant à l’être :
nəfs « âme, souffle », bəṭn « ventre », ṣənn « dent », dəmm « sang », ṛās « tête », ṛūḥ
« âme », mōt « mort ».

- des noms d’animaux : əṛnəb « lièvre », ԑəgṛəb « scorpion », ԑənkbūt « araignée » 3.

- des objets tranchants : mūs « couteau ».

- des noms se rapportant aux éléments de la nature : šəms « soleil », mṭəṛ « pluie »,
nāṛ « feu », (’)əṛḍ « terre », žhənnəm « enfer », sme « ciel », rīḥ « vent ».

- des noms de lieux et d’objets de la vie familières : dāṛ « chambre, pièce », trīg
« chemin, route » 4.

- des noms de villes et de localités : ṭṛābləs « Tripoli », bənġāzi « Benghazi », ġəryān


« Gharyan », tūnəs « Tunis », bārīs « Paris ».

1.2. Les substantifs suffixe -a(t)


substantifs féminins caractérisés par le suffixe
Le suffixe -a(t) est très généralement associé aux nominaux féminins. Mais le suffixe
-a(t) a d’autres fonctions que celle de marquer le féminin ; on le trouve notamment
dans la formation des noms d’unité, des noms d’action, des noms d’acte unique et de
certains pluriels masculins (CAUBET 1993 I : 60) 5.

1.2.1. Le féminin par opposition au masculin

2
kətf s’accorde au féminin, mais également au masculin dans le parler arabe de Tripoli d’aujourd’hui.
3
Ces trois noms d’animaux s’accordent à la fois au féminin et au masculin.
4
Dans le parler arabe de Tripoli, ce terme est toujours réalisé [trɪːg] sans emphase.
5
Pour un historique de ce marqueur d’après les enseignements de David COHEN, voir CAUBET 1993 I :
63-65.

130
Le suffixe -a(t) permet d’opposer le féminin et les femelles au masculin et aux mâles.

MASCULIN FÉMININ
kəlb « chien » kəlba « chienne »
səlf « beau-frère » səlfa « belle-sœur »
ԑəmm « oncle » ԑəmma « tante »
ġūl « ogre » ġūla « ogresse »
ṣāḥəb « ami » ṣāḥba « amie »
kātəb « écrivain » kātba « écrivaine »
mūdīr « directeur » mūdīra « directrice »
kbīr « grand » kbīra « grande »
māləḥ « salé » mālḥa « salée »

1.2.2. Les noms d’unités


Il permet de former des noms d’unités à partir d’un collectif 6.

COLLECTIF NOM D’UNITÉ


nməl « fourmis » nəmla « une fourmi »
nḥəl « abeilles » nəḥla « une abeille »
ḥəbb « grains » ḥəbba « un grain »
tūt « mûres » tūta « une mûre »
līm « oranges » līma « une orange »

1.2.3. Valeur diminutive


Associé à un schème de diminutif, il permet d’exprimer une valeur diminutive et
d’indiquer une petite quantité 7.

SUBSTANTIF DIMINUTIF
ԑsəl « miel » ԑsēla « un peu de miel »
lbən « lait fermenté » lbēyna « un peu de lait fermenté »
dhəb « or » dhēba « un peu d’or »
mṭəṛ « pluie » mṭēṛa « une petite pluie »

6
Collectif désigne des groupes ou collections d’individus ou d’objets considérés comme un ensemble
(CAUBET 1993 I : 66) ; le collectif s’accorde au singulier.
7
Dominique CAUBET parle de « discrétisation de certains continus-quantifiables » : on prélève une
certaine quantité à partir d’un « substantif continu » non subdivisable en éléments ; on fait subir à un
« continu une opération de discrétisation » et le « passage à la catégorie du discontinu » (CAUBET
1993 I : 62, 65-66).

131
šəms « soleil » šmēsa « un peu de soleil »

1.2.4. Noms d’action


Le suffixe -a(t) entre dans la formation de certains schèmes de noms d’action (qui
correspondent au fait d’effectuer l’action exprimée par le verbe, au substantif associé à
cette action, à des notions abstraites).

VERBE NOM D’ACTION


xdəm « il a travaillé » xədma « travail »
ġləṭ « il a fauté » ġəlṭa « faute, erreur »
šəxx « il a uriné » šəxxa « urine »
ԑāš « il a vécu » ԑīša « vie »

1.2.5. Singulatif
Pour les noms d’action, le suffixe -a(t) permet d’opposer le nom d’action abstrait au
nom désignant l’acte unique.

NOM D’ACTION ACTE UNIQUE


ḥəlm « fait de rêver » ḥəlma « un rêve »
ġəsl « fait de prendre un bain » ġəsla « un bain »
təṣwīṛ « fait de photographier » təṣwīṛa « une photographie »

1.2.6. Pluriels de certains masculins


masculins
Le suffixe -a(t), seul ou combiné à certains schèmes, permet de former le pluriel de
certains substantifs masculins, de certains groupes humains, notamment des noms de
métiers et des ethnonymes.

ṛāžəl « homme » rəžžāla « hommes »


nəžžāṛ « menuisier » nəžžāṛa « menuisiers »
ṭṛābəlsi « Tripolitain » ṭṛābəlsīya « Tripolitains »
tūnsi « Tunisien » twānsa « Tunisiens »
šəṛgāwi « Oriental » šṛāga « Orientaux »

2. Le singulier
On examinera les schèmes bilitères, les noms trilitères et les noms quadrilitères. On
étudiera notamment les formes dérivées par adjonction de voyelles longues et les
singuliers formés au moyen de préfixes et de suffixes.

132
2.1. Les schèmes bilitères
Les schèmes bilitères sont peu nombreux et peu productifs dans le parler arabe de
Tripoli (mais également dans l’ensemble des parlers arabes maghrébins) 8. Dans la
plupart des cas, les termes qui illustrent ces schèmes proviennent d’anciennes racines
trilitères qui comportaient une hamza ; on les retrouve sous une forme abrégée,
tronquée, en arabe de Tripoli, à la suite de la chute de la hamza. On examinera les
schèmes bilitères suivants : C1v, C1vC2, C1C2a(t), v̄C2 et vC1C2.

2.1.1. Le schème C1v


Ce schème comporte une consonne initiale, suivie d’une voyelle (finale longue) 9. Il
fournit des substantifs masculins : bu « père » ; xu « frère ». Un substantif féminin a
également été relevé : me « eau ».

2.1.2. Le schème C1vC2


Ce schème se caractérise par la présence d’une voyelle brève entre C1 et C2. Il fournit
le substantif masculin bən « fils ».

2.1.3. Le schème C1C2a(t)


Ce schème fournit le substantif féminin mṛa(t) « femme, épouse ».

2.1.4. Le schème v̄
vC
̄ 2
Ce schème fournit le substantif féminin īd « main ».

2.1.5. Le schème vC1C2


Ce schème fournit le collectif əhl « famille, gens », le substantif masculin əṣl
« origine » ; il fournit également des substantifs féminins : umm « mère », uxt
« soeur » et əṛḍ « terre ».

2.2. Les noms trilitères


On examinera tout d’abord les schèmes réguliers à voyelle brève unique.

2.2.1. Les schèmes réguliers à voyelle brève unique


Par schème régulier, on entend le schème trilitère composé de trois consonnes
distinctes. On examinera les schèmes comportant une voyelle brève entre C1 et C2, les

8
Cf. Ph. MARÇAIS 1977 : 91.
9
On rappellera ici que, dans ce travail, les voyelles longues en position finale sont toujours notées sans
le macron (cf. Phonologie 2.1.).

133
schèmes dont la voyelle brève est après C2, les schèmes concaves, ainsi que les
schèmes défectueux. On étudiera également les schèmes réguliers et les schèmes
concaves à suffixe -a(t).

2.2.1.1. La voyelle brève est entre C1 et C2


On trouve la voyelle brève /ə/ et la voyelle brève /u/.

2.2.1.1.1. Le schème régulier C1əC2C3


Ce schème nominal est très courant dans le parler arabe de Tripoli. L’accent frappe la
voyelle qui est entre C1 et C2 ; dans certains cas, une voyelle épenthétique, voyelle
brève de disjonction, permettra de disjoindre C2 et C3 et facilitera leur articulation. Au
Maghreb, ce schème est beaucoup plus important dans les parlers arabes de type
bédouin que dans les parlers de type sédentaire 10. Pour l’étude de ce schème, on
tiendra compte de certaines consonnes radicales dont l’action phonétique a une
influence sur la répartition syllabique 11. Il s’agit notamment des consonnes liquides,
labiales, laryngales et pharyngales. On observera que :

- Lorsqu’elle est en première position, la consonne /ԑ/ attire la voyelle juste après
elle ;
- C1əC2C3 est le schème des nominaux dont C1 est une semi-consonne /w/ ou
/y/ ;
- Les consonnes liquides /l/, /n/, /r/ et /ṛ/ ont tendance à maintenir la voyelle
avant elles, ou à l’attirer à cette place ;
- A l’instar des consonnes liquides, les labiales /m/, /b/ et /f/ ont tendance à
maintenir la voyelle avant elles, ou à l’attirer à cette place ;
- Les termes dont la deuxième consonne radicale est une vélaire /x/ ou /ġ/, une
pharyngale /ԑ/ ou /ô/, une laryngale /h/ ou une consonne emphatique ont
également tendance à attirer la voyelle de sorte que cette dernière soit placée
avant elles ;
- Lorsque C3 est une semi-consonne (C1əC2w ou C1əC2y), la voyelle est placée
entre C1 et C2 et elle porte l’accent. De plus, la semi-consonne est souvent sous
la forme vocalique.

10
Voir, par exemple, la structure syllabique du parler arabe des Juifs de Tunis, parler de type sédentaire
citadin préhilalien (D. COHEN 1975 : 78-83).
11
Le rôle de certaines consonnes sur la structure syllabique a été étudié dans le chapitre consacré à la
structure syllabique (cf. Structure syllabique 4.). Les auteurs précédents ont également souligné cela ; à
ce sujet, voir W. MARÇAIS 1902 : 46, W. MARÇAIS 1908 : 49, M. COHEN 1912 : 140, Ph. MARÇAIS
1952 : 112-115, D. COHEN 1963 : 175-176, D. COHEN 1975 : 79, Ph. MARÇAIS 1977 : 32-34.

134
Ce schème fournit des substantifs masculins et féminins, ainsi que des noms d’action.

masculins : wəgt « temps », səlf « beau-frère (frère de l’époux) », ԑəgl


– Substantifs masculins
« raison », wəԑd « promesse », ԑəhd « promesse, ère », wəs° « milieu, centre », wəžh
« visage »,, məlḥ « sel », təlž « neige, gel », kənz « trésor », dərs « leçon », ẓəṛf
« enveloppe », ḥəṛb « guerre », gəmḥ « blé », ḥəbl « corde », gəfṣ « cage », šəxṣ
« individu, personne », dəġt « pression », ṛəԑd « tonnerre », žəḥš « ânon, ballot »,
həḍṃ « digestion », qəṣd « intention, but », ḍəhṛ « dos », rəžl « pied », gəlb « cœur »,
sərž « selle », ḍəṛf « circonstance », bəṛg « éclair », wəḥš « monstre », ḥəṛb
« guerre », ṭəṛf « morceau », šəṛg « Est, orient », ġəṛb « Ouest, occident », təbn
« paille », žəfn « paupière », zəft « goudron », wəkr « terrier », zəbl « fumier », xəšm
« nez », fəžr « aube », šəkl « forme, aspect, apparence », qəzm « nain », nəžԑ
« campement », ləqb « nom de famille », fəlu « poney », dəlu « seau », žəru « chiot »,
zəhu « sentiment de bien-être », ԑədu « ennemi » bədu « bédouin », ġəbi « imbécile »,
dəki « intelligent », žədi « chevreau ».

féminins : bənt « fille », šəms « soleil », nəfs « âme », bə°n « ventre »,


– Substantifs féminins
ԑənz « chèvre ».

– Adjectifs : ṣəԑb « difficile », səhl « facile », ḥəlu « doux, sucré, bien, bon ».

– Collectifs : gəml « poux », ləft « navets », dəḥi « œufs », səԑi « ovins ».

– Noms d’action : Ce schème permet d’opposer un verbe et son nom d’action ; on n’a
relevé que des verbes à la première forme.

VERBES NOMS D’ACTION


kšəf « il a ausculté » kəšf « fait d’ausculter (auscultation) »
lԑəb « il a joué » ləԑb « fait de jouer (jeu) »
ôləf « il a juré » ôəlf « fait de jurer (serment) »
mše « il est allé » məši « fait de marcher (marche) »
ġṛəṣ « il a planté » ġəṛṣ « fait de planter (plantation) »
ԑṭəs « il a éternué » ԑəṭs « fait d’éternuer (éternuement) »
ḍṛəb « il a frappé » ḍəṛb « fait de frapper (coup) »
ḍḥək « il a ri » ḍəḥk « fait de rire (rire) »
kdəb « il a menti » kədb « fait de mentir (mensonge) »
ṛbəḥ « il a gagné » ṛəbḥ « fait de gagner (gain) »
ḥzən « il est devenu triste » ḥəzn « fait d’être triste (tristesse) »

135
sge « il a irrigué » səgi « fait d’irriguer (irrigation) »
ẓbəṭ « il a su » ẓəbṭ « fait de savoir (précision) »
fhəm « il a compris » fəhm « compréhension »
ṣbəṛ « il a patienté » ṣəbṛ « fait de patienter (patience) »
bne « il a construit » bəni « fait de construire (construction) »
ԑṭe « il a donné » ԑəṭi « fait de donner (don) »
šre « il a acheté » šəri « fait d’acheter (achat) »
bde « il a commencé » bədi « fait de commencer (commencement) »
rme « il a jeté » rəmi « fait de jeter (jet) »
ġle « il a bouilli » ġəli / ġəlu « fait de bouillir »
ԑfe « il a pardonné » ԑəfu « fait de pardonner (pardon) »

2.2.1.1.2. Le schème régulier C1uC2C3


Les substantifs à voyelle brève /u/ sont moins nombreux que ceux à voyelle brève /ə/.
Ce schème fournit des substantifs masculins, un adjectif, des collectifs et des noms
d’action.

– Substantifs masculins : ṣubḥ « matin », ṛubԑ « quart », ḍuhṛ « midi », ġumṛ « bras,
brassée », quṭṛ « diamètre », ṭuṛḥ « partie, jeu », mušṭ « peigne », ṣubԑ « doigt », buṛž
« tour », ḍuṛs « molaire », dulԑ « côte », furn « four ».

– Adjectif : ṛuṭb « mou, lisse ».

– Collectifs : muṛš « cristal, verre », ḥumṣ « pois chiches ».

– Noms d’action : Ils sont associés à des verbes de première forme.

VERBES NOMS D’ACTION


šṛəb « il a bu » šuṛb « fait de boire »
ḥkəm « il a jugé » ḥukm « fait de juger (jugement) »
ngəṣ « il a diminué » nugṣ « fait de diminuer (manque, déficit) »
ṣġəṛ « il a rapetissé » ṣuġṛ « fait d’être petit (jeunesse) »
ntəq « il a prononcé » nutq « fait de prononcer (prononciation) »
ḥzən « il est devenu triste » ḥuzn « fait dêtre triste (tristesse) » 12

12
Dans le parler arabe de Tripoli, ḥəzn alterne avec ḥuzn « tristesse ».

136
2.2.1.1.3. Le schème sourd C1əC2C3
Ce schème fournit des collectifs, un adjectif, ainsi que des substantifs masculins, un
substantif féminin et un nom d’action.

– Collectifs : bəll « chameaux », ḥəbb « grains ».

– Adjectif : ḥəyy « vivant ».

– Substantifs masculins : ṛəbb « seigneur », ԑəmm « oncle paternel », həmm « soucis »,


žəww « ambiance », nəww « chaleur », ḍəww « lumière », šəṭṭ « bord de mer », žədd
« grand-père », gədd « taille », ḍəyy « lumière », zəbb « pénis », ḥəḍḍ « chance »,
žənn « djinn », sərr « secret », səmm « poison », bəzz « poitrine, sein », ԑəšš « nid »,
xəll « vinaigre », ḥəgg « vérité, prix », xəṭṭ « trait, ligne », ṣəḥḥ « vérité », fəmm
« bouche », xədd « joue », dəmm « sang ».

– Substantif féminin : sənn « dent ».

– Nom d’action : Il est associé à un verbe de première forme.

ḍənn « il a pensé » ḍənn « fait de penser (opinion) »

2.2.1.1.4. Le schème sourd C1uC2C3


Ce schème peu productif fournit des substantifs masculins, un adjectif et des noms
d’action.

– Substantifs masculins : ṛubb « sirop de dattes », lubb « cœur », muxx « cervelle »,


kumm « manche », ḍull « ombre », nuṣṣ « moitié, sandwich », dubb « ours ».

– Adjectif : murr « amer ».

– Nom d’action : Il est associé à un verbe de première forme.

VERBES NOMS D’ACTION


ḥəbb « il a aimé » ḥubb « fait d’aimer (amour) »

2.2.1.2. La voyelle brève est après C2


On trouve des formes avec la voyelle brève /ə/ et des formes avec la voyelle brève /u/.

137
2.2.1.2.1. Le schème régulier
régulier C1C2əC3
Ce schème fournit un très grand nombre de nominaux. Il permet de former des
collectifs, des substantifs masculins et féminins et des noms d’action. On notera que
dans la plupart des exemples relevés, C3 est une liquide /l/, /n/, /r/ ou /ṛ/, ou une labiale
/m/ ou /b/. En effet, tel que cela a été précisé en 2.2.1.1.1., les consonnes liquides /l/,
/n/, /r/ et /ṛ/ et les labiales /m/, /b/ et /f/ ont tendance à maintenir la voyelle avant elles,
ou à l’attirer à cette place ; donc, les mots dont C3 est une liquide ou une labiale sont
généralement formés sur le schème C1C2əC3.

– Substantifs masculins : lbən « lait fermenté », žməl « chameau », žbəl « montagne »,


bġəl « mulet », wžəԑ « douleur », bḥəṛ « mer », ḥbəg « basilic », ԑsəl « miel ».

Substantifs féminins : mṭəṛ « pluie ».


– Substantifs

– Collectifs : ԑnəb « raisins », fžəl « radis », wṛəg « feuilles », tməṛ « dattes », nməl
« fourmis », nḥəl « abeilles », bṣəl « oignons », bgəṛ « bovins », nxəl « palmiers »,
rdəġ « boue », ḥžəṛ « pierres », lḥəm « viande », dhəb « or », rzəm « liasse », ԑdəs
« lentilles ».

– Noms d’action : Ce schème fournit des noms d’action de verbes à la première


forme ; dans ce cas, les noms d’action sont de même forme que les verbes conjugués à
la troisième personne du masculin singulier de la conjugaison suffixale.

VERBES NOMS D’ACTION


ԑṭəš « il a eu soif » ԑṭəš « fait d’avoir soif (soif) »

Ce schème fournit également le nom d’action de verbes de la deuxième forme :

fəṛṛəġ « il a vidé » fṛəġ « fait d’être vide (vide) »


rəddəġ « il dit n’importe quoi » rdəġ « fait de dire n’importe quoi »
nəkkəd « il a déprimé » nkəd « fait de déprimer (déprime) »

2.2.1.2.2. Le schème régulier C1C2uC3


Ce schème est peu productif en arabe de Tripoli. Il fournit des substantifs masculins.

– Substantifs masculins : gful « serrure », kḥul « poudre noire pour maquiller les
yeux ».

138
2.2.1.3. Le schème régulier à voyelle brève et à suffixe -a(t)
On examinera les schèmes réguliers C1əC2C3a(t) et C1uC2C3a(t), ainsi que les schèmes
sourds C1əC2C3a(t) et C1uC2C3a(t).

2.2.1.3.1. Le schème régulier C1əC2C3a(t)


Tous les nominaux formés sur ce schème sont féminins. C’est un schème très
productif. Il fournit des substantifs, des féminins pour les adjectifs, des noms d’unité
pour les collectifs et des noms d’action.

– Substantifs féminins : dənya « monde », zəbda « beurre », žəbna « fromage », žəbha


« front », zəhṛa « fleur », məԑza « chèvre », məṛga « sauce », tərma « fesse », kəlma
« mot », ԑəžla « roue », gəhwa « café », wəlԑa « feu », xəṭwa « pas », nədwa
« colloque, séminaire », ԑərwa « poignée, anse, verge », gərfa « cannelle », səlfa
« belle-sœur (sœur de l’époux) », tərša « fesses », gətԑa « terrain », ṭəfla « fille »,
nəžma « étoile », nəԑža « brebis », gəsԑa « plateau en bois », zənga « rue », zəḥma
« foule », šəḍya « fragment, éclat d’obus », gəšra « écorce, peau », ԑəkša « mégot »,
rəšta « petite pâte, vermicelle », ləhža « dialecte, accent, parler », šəžṛa « arbre »,
ləḥya « barbe », ṛəmla « sable », ləḥḍa « moment, instant », kəԑka « biscuit », gəḥba
« pute », gəhra « offense, blessure (liée au sentiment d’injustice) », xəbra
« expérience », xəṛba « ruine, lieu en ruines », ġəmza « clin d’œil », ġəfla
« inconscience, insouciance », qəbḍa « poing, avarice », fərqa « bande, groupe »,
ḥəkma « sagesse », ûəḥṛa « désert », ԑəṛka « lutte, conflit », həbṛa « bon morceau de
viande sans gras ni os, belle fille, bonne affaire », fətra « laps de temps, moment ».

– Adjectifs : ḥəmṛa « rouge », kəḥla « noire », ṣəfṛa « jaune », xəḍṛa « verte », zəṛga
« bleue, brune », šəgra « blonde », ṭəṛša « sourde », ḥəlwa « douce, sucrée, jolie,
bonne », səmṛa « brune », həbla « folle », ԑəmya « aveugle », məlsa « lisse ».

– Noms d’unité : Le suffixe -a(t) permet de former un nom d’unité à partir d’un
collectif : bəṣla « un oignon », dəḥya « un œuf », nəxla « un palmier », nəḥla « une
abeille », nəmla « une fourmi », kərma « un figuier », gəmla « un pou », ḥəžṛa « une
pierre », wəṛga « une feuille », təmṛa « une datte », bəgṛa « une vache ».

– Noms d’action : Ce schème fournit des noms d’action de verbes à la première forme.

VERBES NOMS D’ACTION


xdəm « il a travaillé » xədma « fait de travailler (travail, service) »
dfəl « il a craché » dəfla « fait de cracher (crachat) »

139
hbəl « il a perdu la raison » həbla « fait de perdre la raison (folie) »
ġləṭ « il a fait une erreur » ġəlṭa « fait de fauter (faute, erreur) »
rԑəš « il a tremblé » rəԑša « fait de trembler (tremblement) »
ԑgəd « il a noué » ԑəgda « fait de nouer (nœud) »
nġəṛ « il a boudé » nəġṛa « fait de bouder (bouderie) »
tԑərrək « il s’est querellé » ԑərka « fait de se quereller (querelle) »

2.2.1.3.2. Le schème régulier C1uC2C3a(t)


Ce schème est toujours associé au genre féminin et fournit des substantifs féminins,
des noms d’unité, un collectif, un adjectif et des noms d’action.

– Substantifs féminins : ṛugba « cou », šuԑba « partie, section », fuṛṣa « chance,


opportunité », ԑuṭla « vacances, congés », luṭԑa « suçon, tache », nukta « blague »,
ṛukba « genou », ġuṛza « maille (du tricot) », ġubṛa « poussière », nuqta « point »,
dulԑa « côte », lugma « bouchée », žumԑa « semaine, vendredi », ḥužṛa « chambre »,
žumla « phrase », ṣumԑa « minaret », sumԑa « réputation ».

– Noms d’unité : murša « un bout de verre », xubza « un pain ».

– Collectif : xuḍṛa « fruits, légumes », xubza « du pain ».

– Adjectif : ṛuṭba « molle ».

– Noms d’action : Ce schème fournit des noms d’action de verbes à la première, à la


deuxième et à la cinquième forme.

VERBES NOMS D’ACTION


ḥfəṛ « il a creusé » ḥufṛa « fait de creuser (trou) »
žġəm « il a bu par gorgées » žuġma « fait de boire par gorgées (gorgée) »
gəṭṭəṛ « il a goutté » guṭṛa « fait de goutter (goutte) »
gəṛṛəm « il a dit du mal » guṛma « fait de dire du mal »
tġəṛṛəb « il a émigré » ġuṛba « fait d’émigrer (exil) »

2.2.1.3.3. Le schème sourd C1əC2C3a(t)


Ce schème fournit des noms d’unité, des substantifs féminins, un collectif et un nom
d’action.

– Noms d’unité : məṛṛa « une fois », ḥəbba « un grain ».

140
– Substantifs féminins : fəḍḍa « argent », ḥənna « henné, grand-mère », žənna
« paradis », kənna « belle-fille », ṣənna « parfum, odeur », ṣəḥḥa « santé », təkka
« cordon », səkka « rail », ԑəkka « pépin, tuile, emmerdement », gəṣṣa « histoire »,
ԑəmma « tante paternelle », bənna « goût, saveur », ġəṣṣa « douleur dans la gorge,
dégoût, rancœur, amertume », gəšša « paille », stəkka « paquet, cartouche (de
cigarettes) ».

– Collectif : ġəlla « fruits / gain, bénéfices ».

– Nom d’action : Ce schème fournit les noms d’action de verbes sourds à la première
forme.

VERBES NOMS D’ACTION


šəxx « il a uriné » šəxxa « fait d’uriner (urine) »
šədd « il a tenu » šədda « fait de tenir (tension) »
kəḥḥ « il a toussé » kəḥḥa « fait de tousser (toux) »

2.2.1.3.4. Le schème sourd C1uC2C3a(t)


Ce schème peu productif fournit des substantifs féminins.

– Substantifs féminins : gubba « coupole », mudda « laps de temps », ḥukka « canette,


boîte ronde en fer », guwwa « force », guffa « couffin, panier », ġuffa « tignasse ».

2.2.1.4. Les schèmes


schèmes concaves
Les schèmes concaves sont caractérisés par la présence de la voyelle longue /ā/, /ī/, /ū/,
/ē/ et /ō/ en position C2.

2.2.1.4.1. Le schème concave C1āC3


Ce schème fournit des substantifs masculins, des substantifs féminins et un adjectif.

Substantifs masculins : ṛās « tête », bāb « porte », ԑām « an, année », xāl « oncle
– Substantifs
maternel », fāṛ « souris », bāl « esprit », žāṛ « voisin », kās « verre », ḥāl « état ».

– Substantifs féminins : dāṛ « chambre », nāṛ « feu », šāh « chèvre ».

– Adjectif : žāy « suivant, prochain ».

141
2.2.1.4.2. Le schème concave C1īC3
Ce schème est représenté par des substantifs masculins, des collectifs et des noms
d’action.

– Substantifs masculins : bīr « puit », ṭīn « argile », dīb « loup », dīn « religion », ṭīz
« vagin », rīḥ « vent ».

– Collectif : līm « oranges, citrons, agrumes », rīš « plumes ».

– Nom d’action : Ce schème permet de former un nom d’action d’un verbe de


deuxième forme.

VERBES NOMS D’ACTION


ḍəyyəg « il est devenu étroit » ḍīg « fait d’être étroit (étroitesse) »

2.2.1.4.3. Le schème concave C1ūC3


Ce schème est représenté par des substantifs masculins et un substantif féminin, ainsi
que des collectifs.

Substantifs masculins : ṭūl « longueur », nūԑ « type, sorte », sūg « marché », ṣūf
– Substantifs
« laine », ġūl « ogre », zūṛ « mensonge », ԑūd «bâton », mūs « couteau », nūṛ
« lumière ».

– Substantif féminin : ṛuḥ « esprit, âme ».

– Collectif : fūl « fèves », tūt « mûres », ḥūt « poissons », xūx « pêches », dūd
« vers ».

2.2.1.4.4. Le schème concave C1ēC3


Ce schème est représenté par des substantifs masculins, un substantif féminin, un
adjectif, des collectifs et des noms d’action. La voyelle /ē/ est le résultat de la
réduction de la diphtongue *əy dans le parler arabe de Tripoli.

– Substantifs masculins : žēb « poche », kēf « plaisir, ivresse », ṣēf « été », tēs « bouc,
homosexuel », xēṭ « fil », ḥēṭ « mur », dēl « queue », ḍēf « invité », sēl « inondation »,
xēṛ « bien », ġēm « nuage », sēf « épée », tēk « tableau de bord en bois », zēt
« huile ».

142
Substantif féminin : ԑēn « œil, source ».
– Substantif

Adjectif : šēn « laid ».


– Adjectif

– Collectif : xēl « chevaux », lēl « nuits ».

– Noms d’action
d’action : Les noms d’action correspondent à des verbes concaves dont la
voyelle de la conjugaison préfixale est la voyelle longue /ī/.

VERBES NOMS D’ACTION


zān « il a embelli » zēn « fait d’avoir embelli (beauté) »
šāb « il est devenu blanc (cheveux) » šēb « fait d’être devenu blanc (canitie) »
ԑāb « il a mal agi » ԑēb « fait d’avoir mal agi (acte honteux) »
bāԑ « il a vendu » bēԑ « fait de vendre (vente) »

2.2.1.4.5. Le schème concave C1ōC3


Ce schème est représenté par des substantifs masculins, des substantifs féminins, des
collectifs et des noms d’action. La voyelle /ō/ est le résultat de la réduction de la
diphtongue *əw dans le parler arabe de Tripoli.

– Substantifs masculins : tōr « taureau », yōm « jour », lōn « couleur », ṣōt « voix »,
ôōš « maison », lōô « bois », bōy « homosexuel », sōṭ « fouet ».

– Substantifs féminins : mōt « mort » 13.

– Collectif : lōz « amandes », šōk « épines, arrêtes », mōž « vagues », mōz


« bananes ».

– Noms d’action : Les noms d’action correspondent à des verbes concaves dont la
voyelle de la conjugaison préfixale est la voyelle longue /ū/.

VERBES NOMS D’ACTION


māt « il est mort » mōt « fait de mourir (mort) »
nām « il a dormi » nōm « fait de dormir (sommeil) »
xāf « il a eu peur » xōf « fait d’avoir peur (peur, crainte) »

13
Dans le PAT, mōt « mort » est de genre masculin et féminin ; le même informateur fait l’accord
tantôt au masculin, tantôt au féminin.

143
lām « il a blâmé » lōm « fait de blâmer (blâme) »
dāg « il a goûté » dōg « fait de goûter (goût) »
dām « il a duré » dōm « fait de durer (longue durée) »
bāl « il a uriné » bōl « fait d’uriner (urine) »
štāg « il a été nostalgique » šōg « fait d’être nostalgique (nostalgie) »

2.2.1.5. Les schèmes concaves suffixés en -a(t)


On traitera des schèmes concaves C1āC3a(t), C1īC3a(t), C1ūC3a(t), C1ēC3a(t) et
C1ōC3a(t).

2.2.1.5.1. Le schème concave C1āC3a(t)


Ce schème fournit des substantifs féminins, un adjectif et des noms d’action.

– Substantifs féminins : xāla « tante maternelle », ṭāga « cul », ṭāṣa « verre », nāga
« chamelle », sāԑa « heure », ḥāža « chose, affaire », ġāba « forêt, jungle », ḥāṛa
« médina, vieille ville », ḥāla « condition », fāṛa « souris (femelle) ».

– Adjectif : žāya « suivante, prochaine »,

– Noms d’action : Les noms d’action correspondent à des verbes concaves dont la
voyelle de la conjugaison préfixale est la voyelle longue /ī/.

VERBES NOMS D’ACTION


ṭāԑ « il a obéi » ṭāԑa « fait d’obéir (obéissance) »
ṛtāḥ « il s’est reposé » ṛāḥa « fait de se reposer (repos) »

2.2.1.5.2. Le schème concave C1īC3a(t)


Il sert à la formation de substantifs féminins, de noms d’unité et de noms d’action.

– Substantifs féminins : mīza « caractéristique », tīna « cul », kīsa « sac », šīša


« bouteille », rīḥa « odeur », rīya « poumon », zīža « mariage », līma « oranger,
citronnier », ḥīla « ruse ».

– Noms d’unité : līma « une orange, un citron, un agrume »,, rīša « une plume ».

– Noms d’action : Les noms d’action correspondent à des verbes concaves dont C2 est
la semi-consonne /y/.

144
VERBES NOMS D’ACTION
ԑāš « il a vécu » ԑīša « fait de vivre (vie) »
ġār « il a été jaloux » ġīra « fait d’être jaloux (jalousie) »
ġāb « il a été absent » ġība « fait de parler dans le dos de quelqu’un »

2.2.1.5.3. Le schème concave C1ūC3a(t)


Ce schème sert à la formation de substantifs féminins et de noms d’unité.

Substantifs féminins : būxa « eau de vie de figues », būma « hibou », nūna


– Substantifs
« clitoris », lūsa « sauce », lūġa « langue, idiome », ġūla « sorcière, ogresse », kūsa
« courgette », tūma « ail, gousse d’ail », kūša « four ».

– Noms d’unité : fūla « une fève », tūta « une mûre »,, tūma « une tête d’ail »,, ḥūta
« un poisson »,, xūxa « une pêche »,, dūda « un ver »,, fūṭa « une serviette ».

2.2.1.5.4. Le schème concave C1ēC3a(t)


Ce schème très peu productif sert à la formation d’un adjectif féminin, d’un nom
d’unité et de noms d’action.

– Adjectif féminin : bēḍa « blanche ».

– Noms d’unité : lēla « une nuit ».

– Noms d’action : Les noms d’action correspondent à des verbes concaves dont C2 est
la semi-consonne /y/.

VERBES NOMS D’ACTION


ġāb « il a été absent » ġēba « fait d’être absent (absence) »

2.2.1.5.5. Le schème concave C1ōC3a(t)


Ce schème très peu productif sert à la formation de substantifs féminins, de noms
d’unité et de noms d’action.

– Substantifs féminins : zōža « épouse », mōḍa « mode », tōka « tour, fois », nōba
« tour, fois ».

– Adjectifs féminins : kōsa « qui a un strabisme divergent », ḥōla « qui a un strabisme


convergent ».

145
– Noms d’unité : lōza « une amande », šōka « une épine, une arrête », mōža « une
vague », mōza « une banane ».

– Noms d’action : Les noms d’action correspondent à des verbes concaves dont C2 est
la semi-consonne /w/.

VERBES NOMS D’ACTION


bās « il a embrassé » bōsa « fait d’embrasser (baiser) »
dāṛ « il a tourné » dōṛa « fait de tourner (tour, promenade) »
tāb « il s’est repenti » tōba « fait de se repentir (repentir) »
gāl « il a dit » gōla « fait de dire (dire) »
dāx « il s’est senti mal » dōxa « fait de se sentir mal (vertige) »
dāg « il a goûté » dōga « fait de goûter »
dāb « il a fondu » dōba « fait de fondre (fonte) »

2.2.1.6. Les schèmes défectueux


On examinera les schèmes défectueux à finale -a, -e, et -i. Ce sont des schèmes peu
productifs ; en effet, de nombreux substantifs, adjectifs et noms d’action de racine
défectueuse sont formés sur le schème régulier C1əC2C3.

2.2.1.6.1. Le schème défectueux C1C2a


Ce schème est caractérisé par la présence de la voyelle finale -a et sert à la formation
de substantifs masculins et de noms d’action. Malgré la finale -a, ce schème n’est pas
systématiquement associé au féminin. Dominique CAUBET nous précise, pour l’arabe
marocain, que « certains substantifs ont même les deux genres, et les informateurs
hésitent. En fait, le a final n’a rien à voir au départ avec le suffixe -a(t) ; il s’agit de la
réalisation finale non marquée du point de vue de la longueur de la troisième radicale
de la racine, mais il arrive qu’il y ait des glissements de genre » (cf. CAUBET 1993 I :
77). De plus, dans le parler arabe de Tripoli, le /ā/ final est généralement réalisé imalé
[e] et il n’existe que très peu d’exemples où il est réalisé [a] (cf. 2.2.6.2.).

– Substantifs masculins : ġṭa « couverture », dwa « médicament », ġla « amour ».

Substantifs féminins : ḥma « belle-mère (mère du mari) ».


– Substantifs

– Nom d’action : Le nom d’action correspond à un verbe défectueux.

146
VERBE NOM D’ACTION
šwe « il a fait griller » šwa « grillade »

2.2.1.6.2. Le schème défectueux C1C2e


Ce schème est caractérisé par la présence de la voyelle finale -e et il sert à la
formation de substantifs masculins et féminins, ainsi que de noms d’action ; il sert
également à la formation d’un collectif féminin. La prononciation [e] est la réalisation
imalée du /ā/ final.

Substantifs masculins : ġde « déjeuner »,, šte « hiver », hne « tranquillité », sme
– Substantifs
« ciel »,, rḍe « satisfaction », ġle « cherté », hbe « cendre ».

– Substantifs féminins : sne « année », ṣle « prière ».

– Collectif : nse « femmes ».

– Noms d’action : Les noms d’action correspondent à des verbes défectueux. Les noms
d’action sont identiques aux verbes conjugués à la troisième personne du masculin
singulier de la conjugaison suffixale.

VERBES NOMS D’ACTION


bke « il a pleuré » bke « fait de pleurer (pleurs) »
ġle « il a enchéri » ġle « fait d’être cher (cherté) »
šge « il a peiné » šge « fait d’avoir peiné (peine, fatrigue) »
ԑme « il a aveuglé » ԑme « fait d’être aveugle (cécité) »
šre « il a acheté » šre « fait d’avoir acheté (achat) »
kṛe « il a loué » kṛe « fait d’avoir loué (location) »
ԑəzza « il a fait des condoléances » ԑze « condoléances »
ġənna « il a chanté » ġne « fait de chanter (chant, chanson) »

2.2.1.6.3. Le schème défectueux C1C2i


Ce schème peu productif sert à la formation de substantifs masculins, d’un adjectif.

– Substantif masculin : fgi « maître d’école coranique ».

– Adjectif : gwi « fort ».

147
2.2.1.6.4. Les schèmes défectueux à suffixe -a(t) : C1C2īya(t)
Ce schème sert à la formation de substantifs et d’un adjectif féminins.

– Substantifs féminins : ԑšīya « après-midi », hdīya « cadeau ».

– Adjectif : gwīya « forte ».

2.3. Les formes dérivées par adjonction


On examinera les schèmes formés par adjonction de voyelles longues et / ou
gémination de C2.

2.3.1. Les schèmes


schèmes formés par adjonction d’une voyelle longue après C1
On examinera les schèmes non suffixés et les schèmes suffixés en -a(t).

2.3.1.1. Les schèmes non suffixés


On étudiera les schèmes suivants : C1āC2əC3, C1ūC2əC3, C1ōC2əC3, C1īC2əC3, C1āC2C3,
C1āyəC3, C1āC2i.

2.3.1.1.1. Le schème C1āC2əC3


Ce schème fournit des substantifs et des adjectifs masculins, ainsi que des substantifs
féminins qui ne portent pas de marque explicite de leur genre. Ces substantifs sont
construits sur le schème du participe actif des verbes sains et assimilés de la première
forme verbale.

– Substantifs masculins : xātəm « bague, sceau », ṣāḥəb « ami », xānəb « voleur »,


wāžəb « repas », žāməԑ « mosquée », zāməl « homosexuel », wāləd « père », wārət
« héritier », kātəb « écrivain », ṭābəԑ « timbre », šāhəd « témoin », šāṛəԑ « rue », ṛāžəl
« homme », ôāžəb « sourcil, arcade sourcilière », māžən « citerne », ԑādəl « quelqu’un
de juste », sāԑəd « avant-bras », žāhəl « illettré, idiot », ḍāhər « apparence », ḥādət
« accident ».

Adjectifs masculins : gāṛəṣ « acide », ḥāməḍ « acide », nāfəԑ « utile », nāžəḥ « à sec,
– Adjectifs
tari », lāzəm « nécessaire », yābəs « sec, dur, rassis », xāləԑ « mal poli, grossier »,
xātər « épais », ḍāləm « injuste », fāṛəġ « vide », māləḥ « salé », bārəd « froid »,
wāsəԑ « large », ԑāməṛ « plein », ġāṛəg « profond », kāməl « entier », kāsəḥ « dur »,
ԑāyəb « boiteux ».

– Substantifs féminins : ḥāməl « enceinte », ḥāyəḍ « ayant ses règles ».

148
2.3.1.1.2. Le schème C1ūC2əC3
Ce schème fournit un substantif et un adjectif masculin.

– Substantif masculin : ṣūbəԑ « doigt » 14.

– Adjectif masculin : mūnəs « qui inspire confiance ».

2.3.1.1.3
2.3.1.1.3. Le schème C1ōC2əC3
Ce schème ne fournit qu’un substantif masculin et un collectif. La voyelle longue /ō/
est la réduction de la diphtongue *əw.

– Substantif masculin : rōšən « fenêtre »

– Collectif : žōhər « perles, pierres précieuses ».

2.3.1.1.4. Le schème C1īC2əC3


Ce schème ne fournit qu’un substantif masculin.

– Substantif masculin : fīləm « film ».

2.3.1.1.5
2.3.1.1.5. Le schème sourd C1āC2C3
Ce schème fournit des substantifs et des adjectifs masculins. Ces substantifs sont
construits sur le schème du participe actif des verbes sourds de la première forme
verbale.

– Substantifs masculins : šābb « jeune homme », ḥāžž « pèlerin, vieux monsieur », ġāšš
« escroc ».

– Adjectifs masculins : ḥāṛṛ « chaud, épicé, fort »,, ԑāmm « général »,, xāṣṣ
« particulier ».

2.3.1.1.6
.3.1.1.6. Le schème concave C1āyə
āyəC3
Ce schème fournit un substantif masculin et des adjectifs masculins construits sur le
schème du participe actif des verbes concaves de la première forme verbale.

14
On trouve également la forme ṣubԑ à côté de ṣūbəԑ ; le premier a pour diminutif ṣbēԑ et le second
ṣwēbəԑ « petit doigt ».

149
– Substantif masculin : ṛāyəs « chef, leader, meneur ».

– Adjectifs masculins : ġāyəb « absent », üāyəb « caillé », xāyəf « peureux »,, tāyəb
« repenti »,, ṭāyəb « cuit ».

2.3.1.1.7. Le schème défectueux C1āC2i


2.3.1.1.7
Ce schème fournit des substantifs et des adjectifs masculins, ainsi qu’un collectif. Ces
termes sont construits sur le schème du participe actif des verbes défectueux de la
première forme verbale.

– Substantifs masculins : kāwi « cautère », ṣāri « mât », zāhi « content », šāhi « thé »,
qāḍi « juge », bāgi « monnaie », sāԑi « facteur ».

– Adjectifs masculins : ԑāli «haut », fāḍi « vide », wāti « prêt », tāni « second,
deuxième », xāli « vide », ġāli « cher », rāqi « développé », bāhi « bien », lāhi
« occupé », dāfi « tiède », tāli « suivant ».

2.3.1.2. Les schèmes suffixés en -a(t)


On étudiera le schème C1āC2C3a(t), le schème C1īC2C3a(t), le schème C1ūC2C3a(t), le
schème C1ōC2C3a(t), le schème sourd C1āC2C3a(t), le schème concave C1āyC3a(t), le
schème défectueux C1āC2ya(t).

2.3.1.2.1. Le schème C1āC2C3a(t)


Ce schème fournit des substantifs et des adjectifs féminins.

– Substantifs féminin : mākla « nourriture », ṭāwla « table », wālda « mère », wārta


« héritière », kātba « écrivaine », ṣāḥba « amie », xānba « voleuse », ԑādla « une
femme juste », žāhla « illettrée, idiote ».

– Adjectifs féminin : nāfԑa « utile », nāžḥa « à sec, tarie », lāzma « nécessaire », yābsa
« sèche », xālԑa « mal polie, grossière », xātra « épaisse », gāṛṣa « acide », ḍālma
« injuste », lāsga « collée », fārġa « vide », mālḥa « salée », bārda « froide », wāsԑa
« large », ԑāmṛa « pleine », ġārga « profonde ».

2.3.1.2.2. Le schème C1īC2C3a(t)


Ce schème fournit des substantifs féminins. Il s’agit d’emprunts lexicalisés dans le
parler arabe de Tripoli.

150
– Substantifs féminins : sībya « seiche », šīšma « robinet ».

2.3.1.2.3. Le schème C1ūC2C3a(t)


Ce schème fournit un substantif féminin, un collectif et un nom d’unité qui est
confondu dans la même forme.

Substantifs féminins : zūbya « ordures ».


– Substantifs

– Collectif : lūbya « haricots ».

– Nom d’unité : lūbya « un haricot ».

2.3.1.2.4. Le schème C1ōC2C3a(t)


Ce schème fournit un nom d’unité.

– Nom d’unité : žōhra « une perle, une pierre précieuse ».

2.3.1.2.5. Le schème
schème sourd C1āC2C3a(t)
Ce schème fournit des substantifs et des adjectifs féminins :

– Substantif féminin : ḥāžža « pèlerine, vieille dame »,, šābba « jeune femme ».

– Adjectifs féminins : ḥāṛṛa « chaude, épicée, forte »,, ԑəmma « générale », xāṣṣa
« particulière ».

2.3.1.2.6. Le schème concave C1āyC3a(t)


Ce schème fournit un substantif féminin et des adjectifs féminins.

– Substantif féminin : ṛāysa « meneuse ».

– Adjectifs féminins : ġāyba « absente », ṛayba « caillée », xāyfa « peureuse », tāyba


« repentie », °āyba « cuite ».

2.3.1.2.7. Le schème défectueux C1āC2ya(t)


Ce schème fournit des substantifs et des adjectifs féminins, mais il fournit également
un substantif masculin.

151
– Substantifs féminins : sāgya « rigole », sānya « potager », žābya « réservoir d’eau »,
xābya « cageot en plastique », ԑāfya « feu », bāmya « gombos », dāhya « fine mouche,
homme débrouillard, astucieux ».

– Adjectifs féminins : wātya « prête », bāhya « bonne », ԑālya «haute », fāḍya « vide »,
tānya « seconde, deuxième », xālya « vide », ġālya « chère », rāqya « développée »,
lāhya « occupée », dāfya « tiède ».

2.3.2. Les schèmes formés par adjonction d’une voyelle longue après C2
Au singulier, l’adjonction d’une voyelle longue après C2 sert essentiellement à la
formation de noms d’action. Ce schème est surtout affecté à la formation de pluriels.

2.3.2.1. Les schèmes non suffixés


On examinera le schème C1C2āC3, le schème C1C2īC3, le schème C1C2ūC3, le schème
concave C1wāC3 et le schème concave C1yāC3.

2.3.2.1.1. Le schème C1C2āC3


Ce schème fournit des substantifs masculins, un adjectif masculin, des collectifs, ainsi
que des noms d’action.

– Substantifs masculins : bzāԑ « sperme », blād « pays », tṛāb « terre », mkān


« endroit », ḥmāṛ « âne, idiot », zmān « époque », žbāl « montagne », rxām
« marbre », flān « un tel », dmāġ « cerveau », ḍlām « obscurité », nhāṛ « jour », žnān
« jardin », lsān « langue », ksād « ennui, situation précaire », mdās « paire de
sandales », ḥzām « ceinture », šwāl « sac », ԑžāž « tourbillon de poussière, de sable »,
fṛāš « matelas, lit », ġzāl « gazelle », kdās « tas », žnāḥ « aile », dṛāԑ « bras », ġlāf
« étui », ṣyām « jeûne », bsāṭ « tapis », ḥṣān « cheval ».

– Adjectif masculin : ḥlāl « licite ».

– Noms d’action : Ce schème sert à la formation de noms d’action de verbes sains.


VERBES NOMS D’ACTION
ḥsəb « il a compté » ḥsāb « fait de compter (calcul, addition) »
hbəl « il est devenu fou » hbāl « fait de devenir fou (folie) »
skət « il s’est tu » skāt « fait de se taire »
sməḥ « il a pardonné » smāḥ « fait de pardonner (pardon) »
ṛgəd « il a dormi » ṛgād « fait de dormir »
ṭəlləg « il a répudié » ṭlāg « fait de répudier (répudiation, divorce) »

152
– Collectifs : džāž « poules », žṛān « grenouilles », žṛād « sauterelles », ḥmām
« pigeons », byāḍ « charbon », ršād « pierres », nžāṣ « poires », sḥāb « nuages ».

2.3.2.1.2. Le schème C1C2īC3


Ce schème très productif permet de former des substantifs et des adjectifs masculins,
ainsi que des substantifs féminins, des collectifs et des noms d’action.

– Substantifs masculins : ḥlīb « lait », rbīb « beau-fils », bhīm « idiot, animal », rdīf
« mauvais garçon », wṣīf « Noir », ṭbīb « médecin », dgīg « farine », ḥdīd « fer », ԑrīs
« jeune marié », xrīf « automne ».

– Adjectifs masculins : mlīḥ « bien », grīb « proche », bԑīd « lointain », gdīm


« ancien », ṣġīr « petit », ḍԑīf « faible, maigre », ġrīb « étrange », ṭwīl « long », ġrīg
« profond », ġlīd « épais », mrīḍ « malade », nḍīf « propre », bṣīr « aveugle », kbīr
« grand, âgé », rxīṣ « bon marché », rzīl « mal élevé, grossier », ḥzīn « triste », ԑzīz
« cher », ždīd « neuf, nouveau », xbīr « expert », xfīf « léger », fhīm
« compréhensif », gṣīr « court ».

– Substantif féminin : trīg « chemin, route ».

– Collectif : zbīb « raisins secs », ḥdīd « fer ».

– Noms d’action : Ce schème sert à la formation de noms d’action. Il fournit


notamment des mots évoquant des cris et des allures d’animaux.

VERBES NOMS D’ACTION


lhəd « il a galopé » lhīd « fait de galoper (galop) »
ləhləb « il a flambé » lhīb « fait de flamber (flammes) »
nəhhəg « il a brait » nhīg « fait de braire (braiment) »

2.3.2.1.3. Le schème C1C2ūC3


Ce schème fournit des substantifs masculins, des substantifs féminins et un adjectif
masculin, ainsi que des noms d’action.

– Substantifs masculins : flūs « argent », xrūf « ovin », sbūl « maïs », frūx « poussin »,
grūb « groupe ».

– Substantifs féminins : ԑzūz « vieille femme », ԑṛūs « fiancée ».

153
– Adjectif masculin : sxūn « chaud ».

– Noms d’action : La plupart des noms d’action formés sur ce schème caractérisent des
verbes exprimant un mouvement ou une attitude du corps (Ph. MARÇAIS 1977 : 85).

VERBES NOMS D’ACTION


dxəl « il a pénétré » dxūl « fait de pénétrer (entrée) »
hṛəb « il a fui » hṛūb « fait de fuir (fuite) »
fṭəṛ « il a rompu le jeûne » fṭūṛ « fait de déjeuner (déjeuner) »
ṭləԑ « il est sorti » ṭlūԑ « fait de sortir (sortie) »
nzəl « il est descendu » nzūl « fait de descendre (descente) »

2.3.2.1.4. Le schème concave C1yāC3


Ce schème fournit un collectif et sert à former des noms d’action.

– Collectif : xyāṛ « concombres ».

– Noms d’action : Il s’agit de noms d’action de verbes concaves dont la voyelle de la


conjugaison préfixale est /ī/.

VERBES NOMS D’ACTION


ṭāb « il a cuit » ṭyāb « fait de cuire (cuisson) »
ṣām « il a jeûné » ṣyām « fait de jeûner (jeûne) »
ṭāḥ « il est tombé » ṭyāḥ « fait de tomber (chute) »

2.3.2.2. Les schèmes suffixés en -a(t)


On étudiera le schème C1C2āC3a(t), le schème C1C2īC3a(t), le schème C1C2ūC3a(t), le
schème concave C1wāC3a(t), ainsi que le schème concave C1yāC3a(t).

2.3.2.2.1. Le schème C1C2āC3a(t)


Ce schème fournit des substantifs féminins, des noms d’unité, mais aussi des noms
d’action.

– Substantifs féminins : žmāԑa « communauté », stāka « changement d’humeur »,


krāma « crème », bṣāṛa « plaisanterie », žnāza « funérailles », ryāga « salive », ḥmāṛa
« ânesse, idiote », ġṛāma « amour », šhāma « générosité, bravoure », wṣāya
« conseil », šlāka « tong, mule ».

154
– Noms d’unité : žṛāna « une grenouille », žṛāda « une sauterelle », nžāṣa « une
poire ».

– Noms d’action : Ce schème fournit des noms d’action de verbes sains et défectueux.

VERBES NOMS D’ACTION


gṛe « il a lu, étudié » gṛāya « lecture, étude »
ḥke « il a raconté » ḥkāya « fait de raconter (récit, histoire) »
ṭəhhəṛ « il a circoncis » ṭhāṛa « circoncision »
ṛəbba « il a élevé, éduqué » ṛbāya « éducation »
ṣəyyən « il a restauré » ṣyāna « restauration »

2.3.2.2.2. Le schème C1C2īC3a(t)


Ce schème fournit des substantifs et des adjectifs féminins, ainsi que des noms d’unité
et un nom d’action :

– Substantifs féminins : mdīna « ville », ḥdīda « bracelet », ḍfīra « tresse », knīsa


« église », ḥṣīra « natte », zrība « basse-cour ».

– Adjectifs féminins : mlīḥa « bien, bonne », grība « proche », bԑīda « loin, lointaine »,
gdīma « ancienne », ṣġīra « petite », ḍԑīfa «faible, maigre », ṭwīla « longue », ġrīga
« profonde », ġlīda « épaisse », mrīḍa « malade », nḍīfa « propre », bṣīra « aveugle »,
kbīra « grande », rxīṣa « bon marché », ԑzīza « chère », ždīda « neuve, nouvelle »,
xfīfa « légère ».

– Noms d’unité : dgīga « une minute », zbība « un raisin sec », ḥdīda « un morceau de
fer, un bracelet ».

– Nom d’action : Ce schème fournit des noms d’action de verbes sains. Il est beaucoup
moins productif que le schème masculin correspondant.

VERBES NOMS D’ACTION


ṭbəx « il a cuit » ṭbīxa « fait de cuire (cuisson) »
ktəb « il a écrit » ktība « fait d’écrire (écriture) »

2.3.2.2.3. Le schème C1C2ūC3a(t)


Ce schème fournit des substantifs et un adjectif féminins, ainsi qu’un nom d’action.

155
– Substantifs féminins : flūka « barque », ԑzūza « vieille femme », ԑrūsa « mariée »,
ԑdūwa « ennemie », ḥkūma « jugement ».

– Adjectif féminin : sxūna « chaude ».

– Nom d’action :

VERBES NOMS D’ACTION


ḥšəm « il a eu honte » ḥšūma « honte »

2.3.2.2.4. Le schème concave C1wāC3a(t)


Ce schème fournit un substantif féminin.

– Substantif féminin : ḥwāza « ferme ».

2.3.2.2.5. Le schème concave C1yāC3a(t)


Ce schème fournit un nom d’unité et des noms d’action.

– Nom d’unité : xyāṛa « un concombre ».

– Noms d’action : Ce schème fournit des noms d’action de verbes concaves.

VERBES NOMS D’ACTION


xəyyəṭ « il a cousu » xyāṭa « couture »
zāṛ « il a visité » zyāṛa « visite »
zād « il a ajouté » zyāda « ajout, surplus »

2.3.3. Schèmes formés par gémination de C2


On examinera les schèmes formés par gémination de C2, ainsi que ceux formés par
gémination de C2 et par adjonction d’une voyelle longue.

2.3.3.1. Les schèmes formés par gémination


gémination de C2
On examinera les schèmes suivants : C1əC2C2əC3, C1uC2C2uC3 et C1əC2C2C3a(t).

2.3.3.1.1.
2.3.3.1.1. Les schèmes non suffixés
On traitera du shème C1əC2C2əC3 et du schème C1uC2C2uC3.

156
2.3.3.1.1.1.
2.3.3.1.1.1. Le schème C1əC2C2əC3
Ce schème très peu productif fournit un substantif et des adjectifs masculins.

– Substantif masculin : səyyəd « monsieur ».

– Adjectifs masculins : məyyət « mort », ḍəyyəg « étroit ».

2.3.3.1.1.
2.3.3.1.1.2.
1.2. Le schème C1uC2C2uC3
Ce schème fournit des substantifs masculins.

– Substantifs masculins : sukkuṛ « sucre », ḥummuṣ « purée de pois chiche ».

2.3.3.1.2. Le schème suffixé en -a(t)


2.3.3.1.2.

2.3.3.1.
2.3.3.1.2.1.
1.2.1. Le schème C1əC2C2C3a(t)
Ce schème fournit un substantif et des adjectifs féminins.

– Substantif féminin : səyyda « madame ».

– Adjectifs féminins : məyyta « morte », ḍəyyga « étroite ».

2.3.3
2.3.3.2. Les schèmes formés par gémination de C2 et adjonction d’une voyelle longue
entre C2 et C3
On examinera les schèmes non suffixés ainsi que les schèmes suffixés en -a(t)

2.3.3
2.3.3.2.1.
2.1. Les schèmes non suffixés
On examinera les schèmes non suffixés suivants : C1əC2C2āC3, C1əC2C2īC3,
C1əC2C2ūC3, C1uC2C2āC3.

2.3.3
2.3.3.2.1.1.
.1.1. Le schème C1əC2C2āC3
Ce schème est très productif. Il est le « type intensif par excellence » (Ph. MARÇAIS
1977 : 105). Il fournit des adjectifs dénotant une qualité permanente, de noms de
professionnels ou artisans, des noms de choses et d’instruments, ainsi que des
collectifs ».

– Adjectifs : xəwwāf « peureux », gəffāṣ « avare », kəddāb « menteur », nəyyāk


« baiseur », šəllāl « qui défèque, qui a une grande gueule », žərrāy « qui court
beaucoup », bəkkāy « qui pleure beaucoup », səkkār « buveur d’alcool », nəffāx « qui

157
gonfle, emmerdeur », nəġġāṛ « boudeur », ləԑԑāb « joueur », ṭəmmāԑ « ambitieux »,
zəbbāl « fauteur de troubles ».

– Noms de métier : bəwwāb « portier », ṭəyyāṛ « pilote », nəbbāš « profanateur de


tombes », zəwwāg « peintre », kəwwāš « boulanger », ṭəbbāx « cuisinier », ġəṭṭās
« plongeur », xəyyāṭ « couturier », ḥəddād « forgeron », ԑəssās « gardien », ṣəbbāġ
« teinturier », kəššāf « scout », dəllāl « agent, démarcheur », bənnāy « maçon »,
dəbbāġ « tanneur », təhhāṛ « qui circoncis », dəhhāb « orfèvre », nəžžāṛ « menuisier »,
žəzzāṛ « boucher ».

– Substantifs masculins : bəṛṛād « théière », ḥəmmām « bain », fəyyāg « réveil », xəllāṭ


« mixeur, brasseur », ġəssāl « machine à laver », nəqqāl « téléphone portable ».

– Collectifs : šəmmām « melons (jaunes) », səmmān « cailles », dəbbān « mouches »,


dəllāԑ « pastèques », nəwwāṛ « fleurs », təffāḥ « pommes ».

2.3.3
2.3.3.2.1.2.
1.2. Le schème C1əC2C2īC3
Ce schème est peu productif et fournit des substantifs masculins.

– Substantifs masculins : gəddīd « viande séchée », zəllīz « carrelage ».

2.3.3
2.3.3.2.1.3.
2.1.3. Le schème C1əC2C2ūC3
Ce schème fournit des substantifs masculins, notamment des noms d’animaux, ainsi
que des collectifs.

– Substantifs masculins : fəllūs « poussin », ḥəllūf « cochon », fərrūž « coq », gəṭṭūs


« chat », ԑəkkūz « canne », bəzzūl « sein », bəkkūš « muet », zəbbūr « vagin », səllūm
« échelle ».

– Collectif : xəṛṛūb « caroubes », kəmmūn « cumin ».

2.3.3
2.3.3.2.1.4.
2.1.4. Le schème C1uC2C2āC3
Ce schème fournit des collectifs et des substantifs masculins.

– Collectifs : kurrāt « poireaux », ṛummān « grenades ».

158
asculins : duxxān « fumée », kullāb « coupe-ongles, pince », suxxān
– Substantifs masculin
masculins
« chaleur », dukkān « boutique », šuxxāx « pisseur », xullāṣ « peigne », zukkāṛ
« joueur de flûte (avec outre), de cornemuse ».

2.3.3 2.2. Les schèmes suffixés en -a(t)


2.3.3.2.2.
On examinera les schèmes suffixés en -a(t) suivants C1əC2C2āC3a(t), C1əC2C2īC3a(t),
C1əC2C2ūC3a(t), C1uC2C2āC3a(t).

2.3.3 2.1. Le schème C1əC2C2āC3a(t)


2.3.3.2.2.
2.2.1.
Ce schème est le féminin du précédent, pour les mêmes catégories de notions
(Ph. MARÇAIS 1977 : 106) ; il fournit également des noms d’unité et des noms
d’action, ainsi qu’un substantif masculin.

– Adjectifs féminins : xəwwāfa « peureuse », gəffāṣa « avare », kəddāba « menteuse »,


šəllāla « qui défèque », žərrāya « qui court beaucoup », xəṛṛāya « qui défèque »,
bəkkāya « qui pleure beaucoup », nəffāxa « emmerdeuse », nəġġāṛa « boudeuse »,
ləԑԑāba « joueuse », ṭəmmāԑa « ambitieuse », zəbbāla « fauteuse de troubles ».

– Noms de métier : nəḍḍāfa « femme de ménage », ṭəbbāxa « cuisinière », xəyyāṭa


« couturière ».

– Substantifs féminins : səyyāṛa « voiture », °əyyāṛa « avion », wəllāԑa « briquet »,


nəššāfa « éponge », gəṣṣāṣa « coupe-ongles », səžžāda « couverture », ḥəllāla « ouvre-
boîte, décapsuleur », bəṛṛāka « cabane », ləggāha « canne ».

– Noms d’unité : šəmmāma « un melon (jaune) », səmmāna « une caille », dəbbāna


« une mouche », dəllāԑa « une pastèque », nəwwāṛa « une fleur », təffāḥa « une
pomme ».

– Noms d’action :
Ce schème fournit des noms d’action de verbes à la première forme et à certaines
formes dérivées.

VERBES NOMS D’ACTION


kəḥḥ « il a toussé » kəḥḥāḥa « toux »
bəggəl « il a vendu à l’unité » bəggāla « fait de vendre à l’unité »
tṛəyyəs « il a maîtrisé » ṛəyyāsa « contrôle, maîtrise »

159
2.3.3
2.3.3.2.2.
2.2.2.
2.2. Le schème C1əC2C2īC3a(t)
Ce schème fournit un substantif féminin.

– Substantif féminin : šəkkīna « mors (du cheval) ».

2.3.3 2.3. Le schème C1əC2C2ūC3a(t)


2.3.3.2.2.
2.2.3.
Ce schème fournit des substantifs féminins et un nom d’unité.

– Substantifs féminins : gəṭṭūsa « chatte », bəzzūla « sein », kəṛṛūsa « carrosse ».

Noms d’unité : xəṛṛūba « une caroube », kəmmūna « un grain de cumin », fəllūsa


– Noms
« un poussin ».

2.3.3
2.3.3.2.2.
2.2.4
2.4. Le schème C1uC2C2āC3a(t)
Ce schème fournit des substantifs féminins ainsi que des noms d’unité.

– Substantifs féminins : ṣuffāṛa « sifflet », muṣṣāṣa « paille », ṭuggāša « étincelle »,


fuggāԑa « bulle ».

– Noms d’unité : kurrāta « un poireau », ṛummāna « une grenade ».

2.3.4
2.3.4. Les schèmes à adjonction de deux voyelles longues
Les schèmes à adjonction de deux voyelles longues ne sont pas productifs dans le
parler arabe de Tripoli. Ils ne semblent pas l’être non plus dans les parlers arabes
maghrébins.

Dominique CAUBET, pour l’arabe marocain – et il me semble qu’on peut généraliser


son point de vue à l’ensemble des parlers arabes maghrébins – précise que « tous ces
schèmes ne sont pas productifs en arabe marocain et il conviendrait sans doute de
parler ici de "forme" plutôt que de "schème" ; en effet, les nominaux qui ont cette
forme sont généralement empruntés à une langue étrangère […] ou au registre arabe
classique » (CAUBET 1993 I : 90) ; Dominique CAUBET parle également de « moule,
d’une forme, dans lequel peuvent se couler des mots d’emprunts à des langues
étrangères (français, espagnol, berbère) ou au vocabulaire de l’arabe classique »
(CAUBET 1993 I : 92).

Philippe MARÇAIS, quant à lui, dans l’Esquisse grammaticale de l’arabe maghrébin n’a
pas traité ce type de schème dans son chapitre qui concerne la morphologie nominale

160
et parle de noms inclassables : « Les noms considérés comme inclassables sont ceux
qui sortent des normes et qui ne sont généralement pas susceptibles d’être même
apparentés à des schèmes identifiables. Beaucoup sont d’origine étrangère » et ajoute
que « l’étude de ces noms, qui sont nombreux et divers selon les dialectes, relève de la
lexicographie » (Ph. MARÇAIS 1977 : 114).

L’étude qui suit concerne essentiellement les emprunts à l’arabe littéral lexicalisés
dans le parler arabe de Tripoli ; on trouve également quelques emprunts au turc, à
l’italien, à l’anglais, au français et au persan 15.

La présence de deux voyelles longues dans les termes suivants est liée à des questions
de structure syllabique du parler arabe de Tripoli. En effet, les voyelles brèves en
syllabe ouverte non accentuée de l’arabe littéral, pour qu’elles puissent être
maintenues à leur place, se retrouvent ici sous la forme de voyelles longues ; par
ailleurs, les voyelles des termes empruntés sont intégrées dans le parler arabe de
Tripoli sous la forme de voyelles longues.

2.3.4
2.3.4.1. Les schèmes non suffixés
Les schèmes non suffixés examinés sont les suivants : le schème C1āC2āC3, C1āC2īC3,
le schème C1āC2ūC3, le schème C1īC2āC3, le schème C1ēC2āC3, le schème C1īC2ūC3, le
schème C1ēC2ūC3 ainsi que le schème C1ūC2āC3.

2.3.4
2.3.4.1.1. Le schème C1āC2āC3
Ce schème fournit des substantifs masculins.

– Substantifs masculins : kābāb « kebab », šāmāl « Nord », māsāğ « message, texto »,


qārār « décision », sālām « paix », gāṛāž « garage ».

2.3
2.3.4.1.2. Le schème C1āC2īC3
Ce schème fournit des substantifs et des adjectifs masculins.

– Substantifs masculins : bāzīn « bouillie de farine d’orge », ԑāṣīr « jus », šārīṭ


« cassette », kāšīk « cuillère », bārīd « poste, courrier », yāmīn « droite », tārīx « date,
histoire », tāžīn « tajine, plat au four ».

15
En ce qui concerne les emprunts à l’italien, qui sont très nombreux dans le parler arabe de Tripoli, on
peut consulter l’étude de ABDU (1988) et l’article de TÜRKMEN (1988) pour ce qui concerne les
emprunts au turc.

161
– Adjectifs masculins : bāxīl « avare », bāṣīt « simple », ḍārīr « aveugle », sārīԑ
« rapide », ġārīb « étrange », ḥāzīn « triste », xābīr « expert », rāzīl « mal élevé,
grossier ».

2.3.4.1.3. Le schème C1āC2ūC3


2.3
Ce schème fournit des substantifs masculins.

– Substantifs masculins : māԑūn « récipient », kābūs « cauchemar », žānūb « Sud »,


ṛāsūl « prophète », qānūn « loi », tābūt « cercueil », qāmūs « dictionnaire, océan »,
kānūn « fourneau, poêle ».

– Collectif : nāmūs « moustiques ».

2.3
2.3.4.1.4. Le schème C1īC2āC3
Ce schème fournit des substantifs masculins.

masculins : mīzān « balance », mīzāb « gouttière ».


– Substantifs masculins

2.3.4.1.5. Le schème C1ēC2āC3


2.3
Ce schème fournit un substantif masculin.

masculin : šēṭān « diable ».


– Substantif masculin

2.3
2.3.4.1.6. Le schème C1īC2ūC3
Ce schème fournit des substantifs masculins :

masculin : mībūn « homosexuel », hīdūg « personne inutile ».


– Substantif masculin

2.3
2.3.4.1.7. Le schème C1ēC2ūC3
Ce schème fournit un collectif.

– Collectif : zētūn « olives ».

2.3
2.3.4.1.8. Le schème C1ūC2āC3
Ce schème fournit un substantif masculin.

– Substantif masculin : šūšān « Noir ».

162
2.3.4.2. Les schèmes suffixés en -a(t)
2.3.4
On examinera les schèmes suivants : C1āC2āC3a(t), C1āC2īC3a(t), C1āC2ūC3a(t),
C1īC2āC3a(t), C1īC2īC3a(t), C1ēC2ūC3a(t), C1ūC2āC3a(t), C1ūC2īC3a(t) et C1ūC2ūC3a(t).

2.3 .2.1. Le schème C1āC2āC3a(t)


2.3.4.2.1
Ce schème fournit des substantifs féminins.

féminins : ṣāṛāḥa « sincérité », tānāka « seau, bidon en tôle ».


– Substantifs féminins

2.3 .2.2. Le schème C1āC2īC3a(t)


2.3.4.2.2
Ce schème fournit des substantifs féminins.

féminins : sāfīna « bateau », ṭāgīya « casquette, calotte », ṭārīqa « façon,


– Substantifs féminins
manière, confrérie », mādīna « ville » 16.

2.3.4.2.3. Le schème C1āC2ūC3a(t)


2.3.4
Ce schème fournit un substantif féminin.

féminin : ṭāḥūna « meule, moulinette ».


– Substantif féminin

2.3.4
2.3.4.2.4. Le schème C1īC2āC3a(t)
Ce schème fournit des substantifs féminins.

– Substantif féminin : bīdāya « début », sīyāḥa « tourisme », sīyāsa « politique,


sagesse ».

2.3.4
2.3.4.2.5. Le schème C1īC2īC3a(t)
Ce schème fournit un substantif féminin.

– Substantif féminin : sīnīma « cinéma ».

2.3.4
2.3.4.2.6. Le schème C1ēC2ūC3a(t)
Ce schème fournit un nom d’unité.

– Nom d’unité : zētūna « une olive ».

16
mdīna alterne avec mādīna.

163
2.3.4
2.3.4.2.7. Le schème C1ūC2āC3a(t)
Ce schème fournit un substantif féminin.

– Nom d’unité : šūšāna « une Noire ».

2.3.4.2.8. Le schème C1ūC2īC3a(t)


2.3.4
Ce schème fournit des substantifs féminins.

– Substantif féminin : ṣūnīya « plateau », mūzīga « musique ».

2.3.4
2.3.4.2.9. Le schème C1ūC2ūC3a(t)
Ce schème fournit un substantif féminin.

– Substantif féminin : ṛūṭūba « humidité ».

2.4. Les noms quadrilitères


On examinera les shèmes quadrilitères à une voyelle brève, mais également ceux à
deux voyelles brèves. De plus, on étudiera les schèmes à voyelles longues : ceux
comportant une voyelle longue entre C1 et C2 et entre C3 et C4, puis ceux comportant
une voyelle longue entre C3 et C4.

2.4.1. Schème à une voyelle brève


On examinera le schème C1C2uC3C4 ainsi que le schème C1vC2C3i.

2.4.1.1. Le schème C1C2uC3C4


Ce schème fournit un collectif.

– Collectif : kṛunb « choux ».


2.4.1.2. Le schème C1vC2C3i
Ce schème fournit deux substantifs, à voyelle brève /ə/ et /u/ : səbsi « cigarette » et
kursi « chaise ».

2.4.2. Les schèmes à deux voyelles brèves


On distinguera entre les schèmes non suffixés et les schèmes suffixés en -a(t).

2.4.2
2.4.2.1.
4.2.1. Les schèmes non suffixés
On examinera les schèmes C1əC2C3əC4, C1uC2C3uC4, C1C2əC3C4.

164
2.4
2.4.2.1.1. Le schème C1əC2C3əC4
Ce schème fournit des substantifs masculins et un collectif.

– Substantifs masculins : təԑləb « renard », fətrəš « miette », zəԑtər « thym », bərdəg


« pot », ԑəgrəb « scorpion », ԑəskər « armée ».

– Collectif : fəlfəl « poivrons, piments », fəstək « pistaches ».

2.4.2.1.2. Le schème C1uC2C3uC4


2.4.2.1.2
Ce schème fournit des substantifs masculins et un collectif.

Substantifs masculins : fundug « hôtel », ԑukԑuk « péquenaud », qunṣul « consul »,


– Substantifs
bundug « pignon ».

– Collectif : kuṣbuṛ « coriandre », kurkum « curcuma ».

2.4
2.4.2.1.3
.1.3. Le schème C1C2əC3C4
Ce schème fournit des substantifs masculins :

– Substantifs masculin : sfənz « beignet », sfənž « éponge ».

2.4.2.2. Les schèmes suffixés en -a(t)


2.4
On examinera les schèmes C1əC2C3C4a(t) et C1uC2C3C4a(t).

2.4
2.4.2.2.1.
.2.1. Le schème C1əC2C3C4a(t)
Ce schème fournit des substantifs féminins et des noms d’unité.

éminins : bəndga « fusil », səlsla « chaîne », ṣəfṣfa « fourrage ».


– Substantifs fémi
féminins

– Noms d’unité : fəstka « une pistache », fəlfla « un poivron ».

2.4.2.2.2. Le schème C1uC2C3C4a(t)


Ce schème fournit des substantifs féminins et un nom d’unité.

féminin : ṭunžṛa « marmite », ԑunfga « nuque ».


– Substantif féminin

– Nom d’unité : kuṣbṛa « un grain de coriandre ».

165
2.4.2.2.3. Le schème C1C2əC3C4a(t)
Ce schème fournit un nom d’unité.

– Nom d’unité : kṛunba « un chou ».

2.4.3. Schème à voyelle longue entre C1 et C2 et entre C3 et C4


2.4.3
On examinera le schème C1ūC2C3īC4 et le schème C1āC2C3ēC4.

2.4.3.2.1. Le schème C1ūC2C3īC4


2.4
Ce schème fournit un substantif masculin.

– Substantif masculin : būrdīm « plat dont la viande est cuite à l’étouffée dans un
trou ».

2.4
2.4.3.2.2. Le schème C1āC2C3ēC4
Ce schème fournit un substantif masculin.

– Substantif masculin : yātrēk « électricité ».

2.4.4. Les schèmes à une voyelle longue entre C3 et C4


On distinguera entra les schèmes non suffixés et les schèmes suffixés en -a(t).

2.4.4.1. Les schèmes non


non suffixés
On examinera les schèmes C1əC2C3āC4, C1əC2C3ūC4, C1əC2C3īC4, et C1uC2C3āC4 :

2.4.4.1.1.
2.4.4.1.1. Le schème C1əC2C3āC4
Ce schème fournit des collectifs et des substantifs masculins.

– Collectifs : bəsbās « fenouils », zənbāԑ « pamplemousses », wəšwāš « moustiques »,


məšmāš « abricots ».

– Substantifs masculins : zəԑlān « triste, énervé », šəršāf « drap », dənžāl « nain »,


sərwāl « pantalon », gərgāb « branleur, qui se masturbe », ġərbāl « tamis », nəԑnāԑ
« menthe », sənfāz « faiseur de beignets », məkyāž « maquillage ».

2.4.4.1.2. Le schème C1uC2C3āC4


Ce schème fournit des substantifs masculins.

166
– Substantifs masculins : ṛumḍān « Ramadan », fuṛṭāṣ « chauve », muržān « corail »,
ԑuṣbān « tripe farcie avec de la viande et des légumes », muṣṛān « intestins », sulṭān
« sultan », guṣgāṣ « curieux ».

4.4.1.3. Le schème C1əC2C3ūC4


2.4.4.1.
2.4.4.1.3
Ce schème fournit des collectifs, ainsi que des substantifs masculins ; il fournit
notamment des noms d’animaux.

– Collectifs : bəlbūš « coquillages, coques », kərmūs « figues », xəršūf « artichauts »,


žəṛbūԑ « gerboises ».

– Substantifs masculins : ԑəṣfūr « oiseau », sərdūk « coq », ṣəndūg « boîte », zəṛbūṭ


« toupie », ṭəṛbūš « calotte », gərgūš « viande séchée », zəġrūṭ « youyous », gənfūd
« hérisson », xəšmūš « qui a un gros nez », səftūl « mauvais garçon, crasseux »,
šəlġūm « baiser profond avec la langue », ԑəṛgūb « talon d’Achille », bəlԑūṭ
« menteur », bəḥbūḥ « généreux », ԑərbūn « avance, paiement anticipé », bərnūs
« capuche, burnous », ṭəṛbūš « tarbouche », bərġūt « puce ».

2.4 1.4. Le schème C1əC2C3īC4


2.4.4.1.4
Ce schème fournit des collectifs et des substantifs masculins.

– Collectifs : gəṛnīṭ « poulpes », yəsmīn « jasmin ».

masculins : šəxšīr « chaussette », ԑəfrīt « démon, fantôme », bərmīl


– Substantifs masculins
« tonneau ».

2.4
2.4.4.1.5. Le schème C1uC2C3āC4
Ce schème fournit des substantifs masculins.

asculins : xulxāl « anneau porté à la cheville », qubṭān « capitaine »,


– Substantifs masc
masculins
bublāl « insectes ».

2.4
2.4.4.1.6. Le schème C1uC2C3īC4
Ce schème fournit un substantif masculin.

– Masculin : huṛṭīl « personne inutile ».

167
schèmes suffixés en -a(t)
2.4.4.2. Les schèmes
On examinera les schèmes C1əC2C3āC4a(t), C1əC2C3ūC4a(t) et C1əC2C3īC4a(t).

2.4.4.2.1. Le schème C1əC2C3āC4a(t)


Ce schème fournit des substantifs féminins et un substantif masculin :

féminins : šəryāna « sonnerie », zəlbāḥa « tétine », məkyāta « café avec


– Substantifs féminins
un nuage de lait ».

– Substantif masculin : fərkāsa « fureteur ».

2.4.4.2.2. Le schème C1əC2C3ūC4a(t)


Ce schème fournit des substantifs féminins, ainsi que des noms d’unité :

féminins : fəkṛūna « tortue », zəġrūṭa « youyou », xəšmūša « qui a un


– Substantifs féminins
gros nez », dərbūka « derbouka », gəržūma « gorge », gəṛžūṭa « gorge », šəkšūka
« chakchouka (sorte de ratatouille) », šəltūta « un vêtement ».

Noms d’unité : xəršūfa « un artichaut », bəlbūša « un coquillage, une coque »,


– Noms
kərmūsa « une figue », žəṛbūԑa « une gerboise », fəkṛūna « une tortue ».

2.4.4.2.3. Le schème C1əC2C3īC4a(t)


Ce schème fournit un substantif féminin et des noms d’unité.

Substantif féminin : bənzīna « essence », bəṛṭīla « casquette ».


– Substantif

– Noms d’unité : gəṛnīṭa « un poulpe », yəsmīna « un jasmin ».

168
2.5. Les préfixes
On examinera le préfixe ə- ; il est employé dans la formation des noms de couleur et
de difformités / caractéristiques physiques mais on verra également qu’il entre dans la
formation du comparatif et du superlatif. De plus, on a deux préfixes déverbatifs,
c’est-à-dire qu’ils servent à former des nominaux à partir de verbes : des participes,
des noms d’action ; il s’agit des préfixes m- et t-.

2.5.1. Le préfixe ə-
2.5.1.
On examinera les schèmes əC1C2əC3 et əC1C2a.

2.5.1.1.
2.5.1.1. Le schème əC1C2əC3
Ce schème est celui des noms de couleur et de caractéristiques au masculin ; ilfournit
également un substantif féminin. Le préfixe est fortement articulé puisqu’il porte
l’accent du mot.

– Noms de couleurs : əḥməṛ « rouge », əzṛəg « bleu », əṣfəṛ « jaune », əkḥəl « noir »,
əswəd « noir », əxḍəṛ « vert », əbyəḍ « blanc », əsməṛ « brun », əšgər « blond ».

caractéristiques : əṭṛəš « sourd », əhbəl « fou », əkwəs « qui a un strabisme


– Noms de caractéristiques
divergent », əḥwəl « qui a un strabisme convergent », əԑwəṛ « borgne », əgṛəԑ
« chauve », əmləs « lisse ».

– Substantif féminin : əṛnəb « lièvre ».

2.5.1.2.
2.5.1.2. Le schème əC1C2a
Ce schème fournit le nom d’une caractéristique physique, à partir d’une racine
défectueuse.

– Nom de caractéristique : əԑma « aveugle ».

2.5.2. Le préfixe m-
2.5.2.
Le préfixe m- entre dans la formation des noms de lieux, des noms de temps et des
noms d’instruments ; il permet également de former les noms d’action de la troisième
et de la sixième forme verbale, ainsi que les participes passifs de la première forme
verbale et les participes de toutes les formes verbales dérivées. On n’étudiera pas ici
les participes qui ont été traités dans la partie consacrée à la morphologie verbale ;
cependant, on examinera certains termes formés sur les schèmes des participes, mais

169
ayant un autre sens que celui de participe, notamment des adjectifs et des noms
d’instruments.

2.5.2
2.5.2.1. Les schèmes non suffixés
On examinera les schèmes suivants : mvC1C2əC3, mC1əC2C3, mC1āC3, mC1āC2əC3,
mvC1C2āC3, məC1C2īC3 et məC1C2ūC3.

2.5.2 mvC1C2əC3
2.5.2.1.1. Le schème mv
Ce schème fournit des noms de lieux et des noms d’instruments au masculin :

– Substantifs masculins : musləm « Musulman », məḥbəs « jarre, toilettes », məshəl


« laxatif », məsṛəb « passage étroit », məԑna « sens, signification », muġṭa
« couvercle », məxṭəṛ « long voyage, trajet ».

– Noms de lieux : məṭԑəm « restaurant », məṭbəx « cuisine », mətḥəf « musée »,


məṣṛəḥ « théâtre », məxzən « entrepôt, magasin », məngəԑ « souterrain, cuvette,
dépression », məgṭəԑ « carrière, saline, lieu d’embuscade », məžləs « cour de justice »,
məṣyəd « piège », mərsa « port ».

– Nom d’instrument : mənžəl « faucille », məfrəš « napperon », məṛwəḥ « éventail »,


məbsəm « porte-cigarette », mədfəԑ « canon », məԑwəl « marteau », məzwəd « sac fait
d’une peau tannée pour conserver de la nourriture », mərkəb « grande marmite »,
muġṭa « couvercle », məbrəd « lime », mədra « rateau », məsḥa « houe ».

2.5.2.1.2.
2.5.2.1.2. Le schème mC1əC2C3
Ce schème fournit un nom d’instrument.

– Nom d’instrument : mgəṣṣ « paire de ciseaux ».

2.5.2.1
2.5.2.1.3.
2.1.3. Le schème mC1āC3
Ce schème fournit un nom de lieu.

– Nom de lieu : mkān « lieu ».

2.5.2.1.
2.5.2.1.4
2.1.4. Le schème mC1āC2əC3
Ce schème fournit des substantifs masculins et un adjectif masculin.

– Substantifs masculins : msāfər « voyageur », mṛābəṭ « marabout ».

170
– Adjectif masculin : mṛāyəf « nostalgique ».

2.5.2.1.5.
2.5.2.1.5. Le schème mC1āC2a
Il s’agit du schème qui permet de former les noms d’action des verbes défectueux à la
troisième forme.

VERBES NOMS D’ACTION


wāza « il a choisi » mwāza « fait de choisir (choix) »
nāda « il a appelé » mnāda « fait d’appeler (appel) »
ṛāža « il a attendu » mṛāža « fait d’attendre (attente) »

2.5.2.1.
2.5.2.1.6
2.1.6. Le schème mvC1C2āC3
Ce schème fournit un collectif, des substantifs et des adjectifs masculins, des noms
d’instruments et des noms de lieu.

– Collectif : məšmāš « abricots ».

– Substantifs masculins : məšwāṛ « durée, moment »

Adjectifs masculins : mumtāz « excellent »,, məštāg « nostalgique »,, məlyān « plein,
– Adjectifs
rempli ».

– Noms d’instruments : məftāḥ « clé », muṣmāṛ « clou », məhrās « mortier », məḥrāt


« araire ».

– Nom de lieu : mətṛāḥ « endroit »,

2.5.2.1.
2.5.2.1.7 məC1C2īC3
2.1.7. Le schème məC
Ce schème fournit un substantif et un adjectif masculins.

– Substantif masculin : məndīl « foulard, mouchoir ».

– Adjectif : məskīn « pauvre ».

2.5.2.1.
2.5.2.1.8
2.1.8. Le schème məC
məC1C2ūC3
Ce schème est le schème du participe passif des verbes sains de la première forme, qui
sont devenus des substantifs ou des adjectifs masculins.

171
– Substantif masculin : məšṛūb « boisson », məktūb « destin », məgṛūn « fusil à deux
canons, union de deux choses », məԑṛūf « don, bienfait », məs’ūl « responsable ».

– Adjectifs masculins : məžṛūḥ « blessé », məzkūm « enrhumé », məlmūm


« rassemblé, réuni », məftūḥ « ouvert », məžnūn « fou », məhbūl « fou », məẓbūṭ
« bien, exact », məšġūl « occupé », məfrūm « viande hachée », məbḥūḥ « enroué,
rauque », məԑlūl « maigre, chétif ».

2.5.2.2. Les schèmes suffixés en -a(t)


2.5.2
On examinera es schèmes məC1C2C3a(t), le schème mC1əC2C3a(t), le schème
mC1āC3a(t), le schème məC1C2āC3a(t), le schème məC1C2īC3a(t), le schème
məC1C2ūC3a(t) et le schème mC1āC2C3a(t).

2.5.2
2.5.2.2.1. Le schème mv
mvC1C2C3a(t)
Ce schème fournit des noms de lieux et un nom d’instrument.

– Noms de lieu : mədrsa « école », məḥkma « tribunal », məktba « bibliothèque ».

– Nom d’instrument : muknsa « balai ».

2.5.2.2.2.
2.5.2.2.2. Le schème mC1əC2C3a(t)
Ce schème fournit des noms de lieu.

– Noms de lieu : mxədda « oreiller (endroit où l’on pose la joue xədd », mḥəṭṭa
« gare ».

2.5.2.2.3.
2.5.2.2.3. Le schème mC1āC3a(t)
Ce schème fournit un nom d’instrument et un nom de lieu.

– Nom d’instrument : mṛāya « mirroir ».

– Nom de lieu : mkāna « statut, position ».

2.5.2.2.4.
2.5.2.2.4. Le schème məC
məC1C2āC3a(t)
Ce schème fournit un nom d’unité et des adjectifs féminins.

– Nom d’unité : məšmāša « un abricot ».

172
– Adjectifs féminins : mumtāza « excellente »,, məštaga « nostalgique »,, məlyāna
« pleine, remplie ».

2.5.2
2.5.2.2.5
.2.5. Le schème məC
məC1C2īC3a(t)
Ce schème fournit un adjectif féminin.

– Adjectif féminin : məskīna « pauvre ».

2.5.2
2.5.2.2.6 məC1C2ūC3a(t)
.2.6. Le schème məC
Ce schème fournit des adjectifs féminins.

– Adjectifs : məžṛūḥa « blessée », məzkūma « enrhumée », məlmūma « rassemblée,


réunie », məftūḥa « ouverte », məžnūna « folle », məhbūla « folle », məẓbūṭa « bien,
exacte », məšġūla « occupée ».

2.5.2.2.7. Le schème mC1āC2C3a(t)


2.5.2.2.7
Le préfixe m- entre dans la formation des noms d’action des verbes de troisième
forme.

VERBES NOMS D’ACTION


wāfəg « il a été d’accord » mwāfga « fait de tomber d’accord (accord) »
ԑāwəd « il a répété » mԑāwda « fait de répéter (répétition) »
sāməḥ « il s’est excusé » msāmḥa « fait de s’excuser (excuse) »
ԑāhəd « il a promis » mԑāhda « fait de promettre (promesse) »
gābəl « il a confronté » mgābla « fait de confronter (confrontation) »
žāwəb « il a répondu » mžāwba « fait de répondre (réponse) »
ḥārəb « il a combattu » mḥārba « fait de combattre (combat) »
ṛāfəg « il a accompagné » mṛāfga « fait d’accompagner »
bārək « il a béni » mbārka « fait de bénir (bénédiction) »
wāûəl « il est entré en contact » mwāṣla « fait d’entrer en contact »

2.5.3. Le préfixe t-
2.5.3
Le préfixe t- n’est utilisé que dans la formation de noms d’action.

2.5.3.1.
2.5.3.1. Le schème təC
təC1C2īC3
Ce schème sert à la formation de noms d’action de verbes à la deuxième et à la
cinquième forme.

173
VERBES NOMS D’ACTION
II gəṭṭəṛ « il a coulé, fuit » təgṭīr « fait de couler, fuir, distillation »
ġəmməs « il a saucé » təġmīs « fait de saucer, de manger avec le pain »
ṭəyyəb « il a cuisiné » təṭyīb « fait de cuisiner, cuisson »
ṣəwwəṛ « il a photographié » təṣwīṛ « fait de photographier »
səžžəl « il a enregistré » təsžīl « enregistrement »
ṣəlləḥ « il a réparé » təṣlīḥ « réparation »
ṣəġġəṛ « il a rapetissé » təṣġīṛ « diminutif »
ṣəwwət « il a voté » təṣwīt « fait de voter, vote »

V tfəkkər « il s’est souvenu » təfkīr « souvenir »

2.5.3.
2.5.3.2
3.2. Le schème təC
təC1C2īC3a(t)
Ce schème suffixé en -a(t) permet notamment de former le nom d’action marquant un
acte unique pour les verbes de la deuxième et de la cinquième forme. On oppose donc
deux types de noms d’action, l’un marquant l’action abstraite et l’autre marquant l’acte
unique : təṣwīṛ « fait de photographier » et təṣwīṛa « une photographie » (CAUBET
1993 I : 101).

VERBES NOMS D’ACTION


II ṣəwwəṛ « il a photographié » təṣwīṛa « une photographie »

V trəddəd « il a goûté » tərdīda « un goûter »

2.5.3.
2.5.3.3
3.3. Le schème tC1əC2e
Ce schème fournit des noms d’action de verbes défectueux à la deuxième forme.

VERBES NOMS D’ACTION


II ṛəbba « il a éduqué » tərbe « éducation »
ԑəzza « il a consolé » təԑze « réconfort, condoléances »
ḥəlla « il a sucré, adouci » təḥle « adoucissement »

2.5.3.
2.5.3.4
3.4. Le schème tC1əC2C3īC4
Ce schème fournit des noms d’action de verbes quadrilitères.

VERBES NOMS D’ACTION


hədrəz « il a parlé » thədrīz « fait de parler »
fərkəs « il a été confus » tfərkīs « confusion »

174
tbəšbəš « il bruine » tbəšbīš « bruine »
tmənyək « il s’est moqué » tmənyīk « fait de se moquer »
tdəhwəṛ « il s’est promené » tdəhwīr « promenade »

2.6. Les suffixes


Les suffixes servent plutôt à former des adjectifs. Le suffixe -ān permet également de
former des noms d’action. On examinera les suffixes suivants : -i, -īya(t), -āni,
-ānīya(t), -āwi, -āwīya(t), -ān, -āna(t), ainsi que le suffixe -ži / -ği.

2.6.1. Le suffixe -i
2.6.1.
Ce suffixe est appelé nisba dans la tradition grammaticale arabe. Il permet de former
des adjectifs et des substantifs masculins.

Le suffixe -i permet d’indiquer une origine géographique à partir d’un nom propre.

ṭṛābləs « Tripoli » ṭṛābəlsi « Tripolitain »


lībya « Libye » lībi « Libyen »
təṛhūna « Tarhouna » təṛhūni « de Tarhouna »
məṣṛ « Egypte » məṣṛi « Egyptien »
lubnān « Liban » lubnāni « Libanais »
sūrya « Syrie » sūri « Syrien »
tūnəs « Tunis, Tunisie » tūnsi « Tunisois, Tunisien »
yābān « Japon » yābāni « Japonais »
yūnān « Grèce » yūnāni « Grec »
žōš « Jaouch (lieu) » žāwāši « de Jaouch »
fəzzān « Fezzân » fəzzāni « Fezzanais »
žānūb « Sud » žānūbi « méridional, du Sud »

Il sert à former des adjectifs relatifs à une caractéristique.

bḥəṛ « mer » bəḥri « marin »


žbəl « montagne » žbāli « montagnard, Berbère »
bādya « désert, steppe » bədwi « Bédouin »
bəṛṛ « extérieur » bəṛṛi « étranger, paysan, péquenaud »
ḥūkūma « gouvernement » ḥūkūmi « étatique »
wāṭān « Nation » wāṭāni « national »
yōm « jour » yōmi « quotidien »
ṣəḥḥa « santé » ṣəḥḥi « sain »

175
ḥšūma « honte » ḥšūmi « timide »
šəxṣ « individu » šəxṣi « individuel, privé »

Il indique la manière dont une chose est faite, la couleur.

ṭābīԑa « nature » ṭābīԑi « naturel »


gəhwa « café » gəhwi « couleur café, marron »
bōdṛa « poudre, talc » bōdṛi « de couleur rose »
līm « oranges » līmi « de couleur orange »
ṛmād « cendre » ṛmādi « cendré, gris »
dəmm « sang » dəmmi « sanguin »

Il permet de former un nom de profession. La suffixation s’opère sur le radical d’un


pluriel : ḥkāwāti « raconteur d’histoire ».

Il permet de constituer un singulatif à partir d’un nom collectif.

ԑṛəb « Arabes » ԑəṛbi « Arabe, arabe »


īhūd « Juifs » īhūdi « Juif, juif »
ԑəskər « soldats » ԑəskri « soldat, militaire »
ṭulyān « Italiens » ṭulyāni « Italien »

Il permet de former des adjectifs substantivés : gəbli « vent chaud du Sud avec du
sable », šlāfti « péquenaud », l-fōgi « le haut », l-ōṭi « le bas », zūfri « mauvais
garçon ».

De plus, certains substantifs ont une terminaison en -i, sans qu’il s’agisse
apparemment d’un suffixe ; ce sont souvent des emprunts : līmūni « aluminium »,
təbrūri « grêle », smītri « grand froid », sfīngri « grand froid », zənbūԑi
« pamplemousse ».

2.6.2. Le suffixe -īya(t)


2.6.2.
C’est la forme féminine correspondant au suffixe -i. Ce suffixe sert à la formation du
féminin des adjectifs.

ṭṛābləs « Tripoli » ṭṛābəlsīya « Tripolitaine »


lībya « Libye » lībīya « Libyenne »
bḥəṛ « mer » bəḥrīya « marine »

176
žbəl « montagne » žbālīya « montagnarde, Berbère »
ṭābīԑa « nature » ṭābīԑīya « naturelle »
ԑāṛāb « Arabes » ԑəṛbīya « Arabe, arabe »

Ce schème permet également de former des substantifs féminins : bəṭṭānīya


« couverture », bālādīya « municipalité ».

2.6.3. Le suffixe -āni


2.6.3.
Il s’agit d’un suffixe complexe composé du morphème -ān et du suffixe -i
(Ph. MARÇAIS 1977 : 113). Il sert à la formation d’adjectifs, en particulier ceux qui
désignent des emplacements dans l’espace.

fōg « sur » fōgāni « supérieur »


təḥt « sous » təḥtāni « inférieur »
l-ōṭa « en bas » ōṭāni « inférieur »
wəsṭ « milieu, centre » wəsṭāni « central, médian, du milieu »
bəṛṛa « extérieur » bəṛṛāni « étranger, de l’extérieur »
l-dāxəl « l’intérieur » dəxlāni « intérieur »
ḥəgg « vérité » ḥəggāni « véridique »

On trouve également des adjectifs substantivés masculins : šībāni « vieillard », nəṣṛāni


« Chrétien ».

2.6.4. suffixe -ānīya


2.6.4. Le suffixe ānīya(t)
(t)
Ce suffixe permet de former le féminin des adjectifs en -āni : fōgānīya « supérieure »,
təḥtānīya « inférieure », ōṭānīya « inférieure », wəsṭānīya « centrale », bəṛṛānīya
« étrangère », dəxlānīya « intérieure », ḥəggānīya « véridique », nəṣṛānīya
« Chrétienne ».

2.6.5. Le suffixe -āwi


2.6.5
Ce suffixe permet de former des adjectifs qui correspondent à des substantifs se
terminant en -a ou -e.

sme « ciel » smāwi « céleste »


fṛənsa « France » fṛənsāwi « français »
ḍəṛna « Derna » ḍəṛnāwi « de Derna »

Il permet également de former des adjectifs à partir de substantifs trilitères

177
šəṛg « Est » šəṛgāwi « de l’Est »
ġəṛb « Ouest » ġəṛbāwi « de l’Ouest »

Il permet aussi de former le substantif gəlԑāwi « melon jaune ».

2.6.6 suffixe -āwīya(t)


2.6.6. Le suffixe
Ce schème permet de former le féminin des adjectifs en -āwi : smāwīya « céleste »,
fṛənsāwīya « française », ḍəṛnāwīya « de Derna », šəṛgāwīya « de l’Est », ġəṛbāwīya
« de l’Ouest ».

2.6.7. Le suffixe -ān


2.6.7.
Ce schème fournit des adjectifs intensifs masculins qui décrivent une qualité physique
ou morale passagère ou occasionnelle (adjectifs d’état) : zəԑlān « énervé », žīԑān
« affamé », ԑuṭšān « assoiffé », məlyān « plein », ԑəryān « nu », təԑbān « fatigué »,
ԑərgān « en sueur », fərḥān « content », ԑəyyān « fatigué », səkrān « ivre », ġəḍbān
« fâché », šəbԑān « rassasié ».

Il fournit également des noms d’action de verbes sourds et concaves.

VERBES SOURDS NOMS D’ACTION


gəṣṣ « il a coupé » gəṣṣān « fait de couper (coupure) »
səbb « il a insulté » səbbān « fait d’insulter (insulte) »
məss « il a touché » məssān « fait de toucher »
məṣṣ « il a sucé » məṣṣān « fait de sucer »

VERBES CONCAVES NOMS D’ACTION


bāԑ « il a vendu » bēԑān « fait de vendre »
žāb « il a apporté » žēbān « fait d’apporter »
zād « il a ajouté, continué » zēdān « fait d’ajouter, de continuer »

2.6.8. Le suffixe -āna(t)


2.6.8
Ce schème permet de former le féminin des adjectifs en -ān : zəԑfāna « énervée »,
žīԑāna « affamée », ԑuṭšāna « assoiffée », məlyāna « pleine », ԑəryāna « nue »,
təbԑāna « fatiguée », ԑərgāna « en sueur », fərḥāna « contente », ԑəyyāna « fatiguée »,
səkrāna « ivre », ġəḍbāna « fâché ».

178
2.6.9. -ži / -ği
2.6.9.
Ce suffixe est d’origine turque (du turc -çe). Il sert à former des noms de métiers ou
d’occupation : būxāği « buveur de būxa (eau de vie de figues) », kuṛmāži
« Kormadji », ṛōḳāği « amateur de rock’n’roll », gəhwāği « cafetier », kəԑkāği
« pédophile », ṛōbānği « carotteur, escroc », mənyākži « moqueur ».

179
3. Le nombre
Il existe trois nombres dans le parler arabe de Tripoli : le singulier, le duel et le
pluriel 17. Les schèmes de singulier ayant été étudiés au chapitre précédent, on va
maintenant examiner le duel et le pluriel.

3.1. Le duel
Dans le parler arabe de Tripoli, le duel se construit en suffixant le morphème -ēn aux
substantifs. A Tripoli, à l’instar de ce qu’on observe dans les parlers de type bédouin,
le duel est très largement employé pour toutes les catégories de substantifs 18 : ktābēn
« deux livres », bābēn « deux portes », ḥōšēn « deux maisons », məftāḥēn « deux
clés », bəntēn « deux filles ».

Dans les parlers préhilaliens (citadins et ruraux), le duel apparaît en régression et est
résiduel, cantonné à certaines catégories de substantifs : unités de temps et de mesure,
noms de nombre et certaines parties doubles du corps (Ph. MARÇAIS 1977 : 115 ;
CAUBET 1993 I : 108-109).

Lorsqu’on suffixe le morphème de duel -ēn, suffixe à initiale vocalique, à des noms
qui se terminent par le suffixe -a(t), on note la réapparition du -t du suffixe -a(t) :
səyyāṛtēn « deux voitures », xəṭwtēn « deux pas », gəhwtēn « deux cafés ».

Les termes empruntés au turc, à l’italien et même plus récemment à l’anglais peuvent
également revêtir la forme du duel : kāšīkēn « deux cuillères », ṭūḅūwēn « deux
tubes », sīmāfrōwēn « deux feux tricolores », māṛšābēdīyēn « deux trottoirs », ḅāltēn
« deux pelles », ṃōḅāylēn « deux téléphones portables ».

De plus, pour compter deux choses, on peut également employer une construction au
moyen du nom de nombre zōz « deux » suivi de la notion comptée au pluriel 19
: zōz
ktābāt « deux livres », zōz ḥyāš « deux maisons », zōz mfātīḥ « deux clés », zōz
gūmīstīya « deux vulcanisateurs ».

17
Comme le souligne Dominique CAUBET, tous les nominaux ne sont pas réductibles à un
fonctionnement binaire (singulier / pluriel) ou ternaire (singulier / duel / pluriel) ; il existe, en effet,
toute une série de nominaux qui n’ont qu’une seule forme possible : le singulier. Il s’agit notamment
des collectifs, des substantifs « continus quantifiables » et des noms d’action abstraits (CAUBET 1993 I :
107-108). Dominique CAUBET précise cependant qu’il existe des pluriels « intensifs » pour les collectifs
et les continus quantifiables, mais ils sont utilisés pour marquer l’intensité, généralement associés avec
un quantificateur exclamatif (CAUBET 1993 I : 108, 121-122).
18
Le duel n’est cependant pas utilisé dans la flexion verbale, pronominale et adjectivale.
19
On n’emploie jamais tnēn ~ tnīn à l’état construit.

180
Par ailleurs, certains termes ne peuvent pas être employés au duel, notamment les
substantifs qui se terminent déjà par un suffixe. Cela concerne, par exemple, tous les
noms qui se terminent par le suffixe -ği, emprunté au turc (< -çe), servant à former
des noms de métiers ou d’occupation : zōz gəhwāğīya « deux cafetiers », zōz
ṛōbānğīya « deux escrocs », zōz ṛōkāğīya « deux rockeurs », zōz būxāğīya « deux
buveurs d’eau de vie de figues ».

3.2. Le pluriel
Il existe trois moyens de former le pluriel en arabe. On distingue les pluriels externes,
formés par adjonction d’un suffixe au nom, des pluriels internes, formés par
modification interne du schème, des pluriels mixtes, qui sont une combinaison des
deux.

3.2.1. Les pluriels externes


Les pluriels externes se forment au moyen des suffixes suivants : -īn,-ēn, -a(t), -āt, -ān
et -t.

3.2.1.1. Le suffixe -īn


Il sert à former le pluriel masculin de certains substantifs, de certains adjectifs, de
participes et de diminutifs masculins dérivés d’adjectifs.

– Substantifs masculins : muslim > muslimīn « Musulmans », lībi > lībīyīn


« Libyens », lubnāni > lubnānīyīn « Libanais », ālmāni > ālmānīyīn « Allemands »,
bəwwāb > bəwwābīn « portiers », nəffāx > nəffāxīn « qui gonflent, emmerdeurs »,
kəddāb > kəddābīn « menteurs », bəkkāy > bəkkāyīn « qui pleurent beaucoup » 20.

– Substantif féminins : sne > snīn « années » ; on a également relevé un pluriel de


pluriel qui se forme par l’adjonction du suffixe –īn, rattaché au radical par la semi-
consonne /w/ : nse > nsāwīn « femmes, épouses ».

– Adjectifs masculins : bāhi > bāhyīn « bons », māləḥ > mālḥīn « salés », ġāli >
ġālyīn « chers », ḥəlu > ḥəlwīn « doux, sucrés, bons, jolis », fəṛḥān > fəṛḥānīn
« contents », məštāg > məštāgīn « nostalgiques », kāməl > kāmlīn « complets,
entiers », ԑəṭšān > ԑəṭšānīn « assoiffés », žīԑān > žīԑānīn « affamés ».

20
Certains des substantifs et des adjectifs formés sur ce schèmes ont un pluriel suffixé en -a(t) ; la plupart
ont deux pluriels, suffixé en -īn et en -a(t).

181
– Participes actifs masculins : šāṛəb > šāṛbīn « buvant », gāԑəd > gāԑdīn « restant »,
bāyən > bāynīn « apparaissant », wākəl > wāklīn « ayant mangé », māši > māšyīn
« allant », mgəԑməz > mgəԑmzīn « assis », lāsəg > lāsgīn « collés ».

– Participes passifs masculins : məktūb > məktūbīn « écrits », məftūḥ > məftūḥīn
« ouverts », mətzəwwəž > mətzəwwžīn « mariés », mkəssəṛ > mkəssṛīn « cassés ».

– Pronom indéfini : wāḥəd > wāḥdīn « certains ».

– Diminutifs : les pluriels de diminutifs se forment en -īn pour les adjectifs : ḥlēw >
ḥlēwīn « un peu jolis », ṣġēyər > ṣġēyrīn « un peu petits », sxēyən > sxēynīn « un
peu chauds », smēyən > smēynīn « un peu gras, gros », gṣēyər > gṣēyrīn « un peu
courts », ԑṛēyəḍ > ԑṛēyḍīn « un peu forts, costaus, corpulents ».

3.2.1.2. Le suffixe -ēn


Il sert à former le pluriel de certaines parties doubles du corps et d’un substantif.

– Participes doubles du corps : īd > īdēn « mains », rəžl > rəžlēn « pieds ».

– Substantif : wāləd > wāldēn « parents, géniteurs ».

3.2.1.3. Le suffixe -a(t)


Ce suffixe sert exclusivement à former des pluriels de substantifs masculins qui
désignent des groupes humains : noms de métiers formés sur le schème C1əC2C2āC3,
nominaux suffixés en -ži et en -i et ethnonymes. Il permet également de former le
pluriel des adjectifs formés sur le schème C1əC2C2āC3.

– Substantifs masculins : ṛāžəl > rəžžāla « hommes ».

– Noms de métier : zəwwāg > zəwwāga « peintres », kəwwāš > kəwwāša


« boulangers », ṭəbbāx > ṭəbbāxa « cuisiniers », xəyyāṭ > xəyyāṭa « couturiers »,
ḥəddād > ḥəddāda « forgerons », ṣubbāġ > ṣubbāġa « teinturiers », bənnāy >
bənnāya « maçons », dəbbāġ > dəbbāġa « tanneurs », nəžžāṛ > nəžžāṛa
« menuisiers », žuzzāṛ > žuzzāṛa « bouchers ».

– Adjectifs : xəwwāf > xəwwāfa « peureux », gəffāṣ > gəffāṣa « avares », səkkaṛ >
səkkāra « buveurs d’alcool ».

182
– Ethnonyme : ṭṛābəlsi > ṭṛābəlsīya « Tripolitains ».

– Substantifs en -ži / -ğī : gəhwāği > gəhwāğīya « cafetiers », ṛōbānği > ṛōbānğīya
« escrocs », ṛōkāği > ṛōkāğīya « rockeurs », būxāği > būxāğīya « buveurs d’eau de
vie de figues », kəԑkāği > kəԑkāğīya « pédophiles ».

Substantifs en -i : bəḥṛi > bəḥṛīya « marins », ԑəskri « gendarme, militaire » >


– Substantifs
ԑəskrīya « gendarmes, militaires », gūmīsti > gūmīstīya « vulcanisateur de pneus ».

3.2.1.4. Le suffixe -āt


Ce suffixe permet de former le pluriel de substantifs et d’adjectifs féminins en -a(t), de
substantifs masculins (à voyelle longue /ā/ et se terminant par une consonne),
d’emprunts, de noms d’unité et de diminutifs.

– Substantifs et adjectifs féminins en -a(t) : məṛṛa > məṛṛāt « fois », kəlma > kəlmāt
« mots », səyyāṛa > səyyāṛāt « voitures », ṭəyyāṛa > ṭəyyāṛāt « avions », ġunnāya >
ġunnāyāt « chansons », ḥāža > ḥāžāt « choses », šārīka > šārīkāt « entreprises,
firmes », lūġa > lūġāt « langues, idiomes », ḥdīda > ḥdīdāt « bracelets », ԑše >
ԑšāwāt « dîners », ġde > ġdāwāt « déjeuners », ġṭa > ġṭāwāt « couvertures » ; dans
ces deux derniers exemples, le suffixe est rattaché au radical par la semi-consonne /w/.

– Adjectifs intensifs : xəwwāfa > xəwwāfāt « peureuses », gəffāsa > gəffāṣāt


« avares », kəddāba > kəddābāt « menteuses », bəkkāya > bəkkāyāt « qui pleurent
beaucoup », nəffāxa > nəffāxāt « emmerdeuses », nəġġāṛa > nəġġāṛāt « boudeuses ».

– Noms de métier : ṭəbbāxa > ṭəbbāxāt « cuisinières », xəyyāṭa > xəyyāṭāt


« couturières ».

Pronom indéfini : wāḥda > wāḥdāt « certaines »


– Pronom

– Substantifs masculins : ktāb > ktābāt « livres », nəqqāl > nəqqālāt « téléphones
portables », mԑāš > mԑāšāt « salaires », lsān > lsānāt « langues », žnān > žnānāt
« jardins », fṛāš > fṛāšāt « lits », ḥəmmām > ḥəmmāmāt « bains, salles de bain,
toilettes », nhāṛ > nhāṛāt « jours, journées », xēṛ > xēṛāt « biens » ; ce suffixe permet
également de former un pluriel de pluriel qui comporte une voyelle longue /ā/ entre C2
et C3 : yōm > īyām > īyāmāt « jours, suite de plusieurs jours, période de temps ».

183
– Emprunts : ğunṭa > ğunṭāt « joints », məlyāṛ > məlyāṛāt « milliards », ṭūbu >
ṭūbūwāt « tubes »,kānčālu > kānčālūwāt « portails », ğībōṭu > ğībōṭūwāt
« blousons », mōbāyl >mōbāylāt « téléphones portables », ḅāla > ḅālāt « pelles ».

– Noms d’unité : ԑənza > ԑənzāt « chèvres », ḥāywāna > ḥāywānāt « animaux »,
ḥmāma > ḥmāmāt « colombes, pigeons », nəmla > nəmlāt « fourmis », bəgṛa >
bəgṛāt « vaches », sḥāba > sḥābāt « nuages ».

– Diminutifs : les diminutifs forment leur pluriel au moyen du suffixe -āt pour les
substantifs et pour les adjectifs féminins : īdēya > īdēyāt « petites mains », lḥēma >
lḥēmāt « morceaux de viande », bnēya > bnēyāt « petites filles », šԑēra > šԑērāt
« des tout petits cheveux », zrēf > zrēfāt « petites enveloppes », žrēw > žrēwāt
« chiots », ԑbēd > ԑbēdāt « des personnes noires », wlēd > wlēdāt « petits garçons »,
ṭṛēf > ṭṛēfāt « petits morceaux », ṣūbəԑ > ṣwēbԑāt « petits doigts », rfēf > rfēfāt
« petites étagères », ktēyəb >ktēybāt « petits livres », xrēyəf > xrēyfāt « petits
agneaux », ṣġēyra > ṣġēyrāt « toutes petites », sxēyna > sxēynāt « un peu chaudes »,
smēyna > smēynāt « un peu grosses », gṣēyṛa > gṣēyṛāt « un peu courtes »,
ԑṛēyḍa > ԑṛēyḍāt « corpulente, costaude ».

suffixe -ān
3.2.1.5. Le suffixe
Ce suffixe permet de former des pluriels de substantifs trilitères masculins.

– Substantifs masculins : dṛəԑ > dəṛԑān « bras ».

3.2.1.6. Le suffixe -t
Ce suffixe permet de former le pluriel d’un substantif masculin : xu > xūt « frères ».

3.2.2. Les pluriels internes


On examinera les pluriels internes des mots de schème trilitère et ceux des mots de
schème quadrilitère.

3.2.2.1. Les schèmes trilitères


On étudiera les pluriels internes à vocalisme bref, les pluriels internes à vocalisme
long, ainsi que les pluriels à redoublement de C2.

3.2.2.1.1.
3.2.2.1.1. Pluriels
Pluriels internes à vocalisme bref
On traitera des schèmes suivants : C1C2vC3, C1C2a, C1C2i, C1əC2i et C1ūC3.

184
3.2.2.1.1.1. Le schème C1C2vC3
Il permet de former le pluriel de substantifs féminins et d’adjectifs de schème C1C2īC3.

– Substantifs : zənga > znəg « rues », tṛīg > ṭṛug « routes », kubba > kbəb
« pelotes », gubba > gbub « dômes », məsḥa > msəḥ « houes », žubba > žbub
« jellaba en tissu fin portée sur les vêtements pour sortir ».

– Adjectifs : ždīd > ždəd « nouveaux », gdīm > gdəm « anciens ».

3.2.2.1.1.2. C1C2a
Ce schème fournit le pluriel d’un adjectif masculin : gwi > gwa « forts ».

3.2.2.1.1.3. C1C2i
3.2.2.1.1.3
Ce schème fournit un seul pluriel : ləḥya > lḥi « barbes ».

3.2.2.1.1.4. C1əC2i
3.2.2.1.1.4
Ce schème fournit un pluriel : əԑma > ԑəmi « aveugles ».

3.2.2.1.1.5. C1ūC3
3.2.2.1.1.5
Ce schème fournit le pluriel de noms de couleurs et de difformités physiques dont C2
est la semi-consonne /w/ : əswəd > sūd « noirs », əԑwəṛ > ԑūṛ « borgnes », əḥwəl >
ḥūl « qui ont un strabisme convergent ». Il permet également de former le pluriel de
ṛās > ṛūs « têtes », dont C2 est une ancienne hamza.

3.2.2.1.1.6
3.2.2.1.1.6. C1īC3
Ce schème fournit le pluriel d’un nom de couleur dont C2 est la semi-consonne /y/ :
əbyəḍ > bīḍ « blancs ».

3.2.2.1.2.
3.2.2.1.2. Pluriels internes à vocalisme long
On examinera les schèmes suivants : C1ūC2əC3, C1C2āC3, C1wāC3, C1yāC3, C1C2ūC3,
C1yūC3, C1C2īC3, C1C2āC3i, C1wāC3i et C1yāC3i.

3.2.2.1.2.1. C1ūC2əC3
Ce schème fournit le pluriel de substantifs féminins : mdīna > mūdən « villes »,
žumla > žūməl « phrases ». Il fournit également le pluriel de noms de couleurs et de
caractéristiques physiques : əḥməṛ > ḥūməṛ « rouges », əzṛəg > zūṛəg « bleus »,
əxḍəṛ > xūḍəṛ « verts », əṣfəṛ > ṣūfəṛ « jaunes », əkḥəl > kūḥəl « noirs », əsmər >

185
sūmər « bruns », əšgər > šūgər « blonds », əṭṛəš > ṭūṛəš « sourds », əhbəl > hūbəl
« fous ».

3.2.2.1.2.2
3.2.2.1.2.2. C1C2āC3
Ce schème permet de former les pluriels de substantifs construits sur les schèmes
C1əC2C3, C1C2əC3 et C1āC2əC3 au singulier. Il permet également de former le pluriel de
substantifs féminins avec ou sans marque. Enfin, il permet de former le pluriel
d’adjectifs dont le singulier est sur la forme C1C2īC3.

– Substantifs masculins : durž > drāž « tiroirs », məlḥ > mlāḥ « sels », kəlb > klāb
« chiens », wəld > wlād « garçons, enfants », kəbš > kbāš « béliers », ḥəbl > ḥbāl
« cordes », gəfṣ > gfāṣ « cages », āləf > ālāf « milliers », žəns > žnās « genres »,
šābb > šbāb « jeunes », žbəl > žbāl « montagnes », ḥbīb > ḥbāb « amis », ṣāḥəb >
ṣḥāb « amis », žənb > žnāb « côtés, flancs ».

– Substantifs féminins : gəḥba > gḥāb « putes, prostituées », bənt > bnāt « filles »,
kəlma > klām « mots », wdən > wdān « oreilles », mḥəšša > mḥāš « serpes ».

– Adjectifs : mlīḥ > mlāḥ « biens, bons »,, kbīr > kbāṛ « grands, âgés »,, ṣġīr > ṣġāṛ
« petits, jeunes », ṭwīl > ṭwāl « longs ».

3.2.2.1.2.3
3.2.2.1.2.3. C1wāC3 et C̣1C̣1āC3
Ce schème permet de former les pluriels des noms trilitères dont C2 est une semi-
consonne /w/ : lōn > lwān « couleurs », dōṛ >dwāṛ « cercles, étages ».

Par ailleurs, à la suite d’une évolution morpho-phonologique, un ancien pluriel C1wāC3


se forme dorénavant sur le schème C1C1āC2 où l’ancien /w/ a disparu et où cette
disparition a été compensée par la gémination et l’emphatisation de C1 : fumm > óóām
« bouches », mūs > ṃṃās « couteaux », fwād > óóād « foie, viscères ». De plus, on a
relevé le cas de óóuṭṭ « serviettes » ; il s’agit du pluriel de fōṭa « serviette », caractérisé
par l’abrègement de la voyelle et par la géminitaion de la première et dernière
consonnes (*óóūṭ > óóuṭṭ).

3.2.2.1.2.4
3.2.2.1.2.4. C1yāC3
Ce schème fournit le pluriel de substantifs masculins et féminins dont C2 est une semi-
consonne /w/ ou /y/ : bīr > byāṛ « puits », rīḥ > ryāḥ « vents », dāṛ > dyāṛ
« pièces », ḥōš > ḥyāš « maisons », yōm > īyām « jours », nāga > nyāg
« chamelles ».

186
3.2.2.1.2.5
3.2.2.1.2.5. C1C2ūC3
Il correspond majoritairement à des substantifs masculins et féminins de racine
C1əC2C3 : žəḥš > žḥūš « bardots », durža > drūž « escaliers », ṭəṛf > ṭṛūf
« morceaux », gəlb > glūb « cœurs », kənz > knūz « trésors », dərs > drūs
« leçons », zəṛf > zṛūf « enveloppes », sərž > srūž « selles », ḥəṛb > ḥṛūb
« guerres », nəfs > nfūs « âmes », wəḥš > wḥūš « sauvages », wəžh > wžūh
« visages », dəġt > dġūt « pressions », ḍəhṛ > ḍhūṛ « dos », bəṭn > bṭūn « ventres ».

Il permet également de former le pluriel d’un substantif dont C1 était une hamza et a
disparu : əṣl > wṣūl « origines ».

Enfin, on a relevé un substantif de schème C1C2əC3 qui forme son pluriel sur le
schème C1C2ūC3 : šhəṛ > šhūṛ « mois ».

3.2.2.1.2.6
3.2.2.1.2.6. C1yūC3
Ce schème permet de former le pluriel de substantifs dont C2 est la voyelle longue /ē/ :
ԑēn > ԑyūn « yeux », ṭēṛ > ṭyūṛ « oiseaux », dēl > dyūl « queues », sēf > syūf
« épées », xēṭ > xyūṭ « fils », ḥēṭ > ḥyūṭ « murs », zēt > zyūt « huiles, une grande
quantité d’huile ».

Il permet également de former le pluriel de ṛās > ṛyūs « têtes », dont C2 est une
ancienne hamza.

3.2.2.1.2.7
3.2.2.1.2.7. C1C2īC3
Ce schème peu productif permet notamment de former le pluriel de noms d’animaux :
ḥmāṛ > ḥmīr « ânes, idiots », məԑza > mԑīz « chèvres » et le pluriel de substantifs
masculins : ԑəbd > ԑbīd « Noirs », ḍəṛs > ḍṛīs « molaires ».

3.2.2.1.2.8
3.2.2.1.2.8. C1C2āC3i
Ce schème sert principalement à former le pluriel de substantifs trilitères féminins de
schème C1əC2C3a(t) : ləfԑa > lfāԑi « serpents », bəlġa > blāġi « babouches »,
zənga > znāgi « rues », məԑna > mԑāni « sens, significations », kəswa > ksāwi
« robes », dəԑwa > dԑāwi « prières », fətwa > ftāwi « fatwas, avis juridiques »,
gəhwa > ghāwi « cafés », yəbṛa > ībāṛi « aiguilles », ḥənna > ḥnāni « grand-
mères ».

On trouve quelques substantifs de schème singulier C1əC2C3 : (’)əṛḍ > āṛāḍi


« terres », žəru > žrāwi « chiots ».

187
D’autres substantifs sont de schème singulier C1vC2C3i : səbsi > sbāsi « cigarettes »,
kursi > kṛāsi « chaises ».

3.2.2.1.2.9
3.2.2.1.2.9. C1wāC3i
Ce schème permet de former le pluriel de substantifs comportant une voyelle longue
après C1 : ṣāri > ṣwāri « mâts », ḥōli > ḥwāli « haïk », ṭāṣa > ṭwāṣi « verres »,
sāgya > swāgi « rigoles », ԑāfya > ԑwāfi « feus », xābya > xwābi « outres »,
žābya > žwābi « réservoirs d’eau », dūwa > dwāwi « conversations, discours »,
sānya > swāni « jardins », žəww > žwāži « ambiances », ṭāgīya > ṭwāgi
« casquettes », ṣūnīya > ṣwāni « plateaux », sānya > swāni « fermes », šāh > šwāhi
« chèvres ».

3.2.2.1.2.10
3.2.2.1.2.10. C1yāC3i
Ce schème sert à former le pluriel d’un nom d’unité : lēla > lyāli « nuits ».

3.2.2.1.3. Pluriel à redoublement de C2


On examinera les schèmes suivants : C1vC2C2āC3.

3.2.2.1.3.1. C1vC2C2āC3
Ce schème permet de former le pluriel de singuliers comportant une voyelle longue /ā/
entre C1 et C2 : ṛākəb > ṛukkāb « passagers », ḍābəṭ > ḍəbbāṭ « officiers », ṣāyəԑ >
ṣəyyāԑ « voyous, fourbes, vauriens », sākən > sukkān « habitants », tāžəṛ > tužžāṛ
« commerçants », kātəb > kuttāb « écrivains ».

3.2.2.1.3.1. C1wəC2C2i
Ce schème permet de former le pluriel de žwāna > žwənni « joints ».

3.2.2.2. Les schèmes de pluriel quadrilitères


Le principe de formation des pluriels quadrilitères réside dans l’insertion d’une voyelle
longue /ā/ entre C2 et C3. Dans cette partie qui concerne les schèmes de pluriels
composés de quatre consonnes, on traitera également des termes qui, au singulier, sont
de racine trilitère, mais qui comportent un préfixe formatif m- ou t- : ils sont de même
schème syllabique (Ph. MARÇAIS 1977 : 123).

3.2.2.2.1. C1C2āwəC
āwəC3
On n’a relevé que deux exemples : žnāḥ > žnāwəḥ « ailes », dəlza > dlāwəz
« testicules ».

188
3.2.2.2
3.2.2.2.2. C1C2āyəC
āyəC3
Ce schème fournit le pluriel de substantifs caractérisés par la présence d’une voyelle
longue entre C2 et C3 au singulier : dgīga > dgāyəg « minutes », ԑzūz > ԑzāyəz
« vieilles femmes », ḍbāṛa > ḍbāyəṛ « épices », šāṛīḥa > šṛāyəḥ « tranches,
lamelles ».

3.2.2.2
3.2.2.2.3. C1wāC2əC3
Ce schème fournit le pluriel de substantifs caractérisés par la présence d’une voyelle
longue entre C1 et C2 : šāṛəԑ > šwāṛəԑ « rues », xātəm > xwātəm « bagues, sceaux »,
ḥāfəṛ > ḥwāfəṛ « sabots », žāməԑ > žwāməԑ « mosquées », šāṛəb > šwāṛəb
« lèvres », ṛōšən > ṛwāšən « fenêtres », kāġəṭ > kwāġəṭ « papiers ».

On a également relevé ḍufṛ > ḍwāfəṛ « ongles ».

3.2.2.2
3.2.2.2.4. C1wāyəC
wāyəC3
Ce schème fournit le pluriel d’un mot de racine trilitère dont C2 est une semi-
consonne : ḥāža > ḥwāyəž « affaires, vêtements ».

2.2.5. C1C2āC3əC4
3.2.2.
3.2.2.2.5.
Ce schème caractérisé par la présence d’une voyelle longue entre C2 et C3 et par une
voyelle brève entre C3 et C4 concerne les substantifs composés de quatre consonnes
qui, au singulier, ne comportent pas de voyelle longue : məškla > mšākəl
« problèmes », mədrsa > mdārəs « écoles », muknsa > mkānəs « balais », mənžəl >
mnāžəl « faucilles ».

3.2.2.2.6. C1C2āC3īC4
Ce schème caractérisé par la présence d’une voyelle longue entre C2 et C3 et par une
voyelle longue /ī/ entre C3 et C4 concerne les substantifs composés de quatre
consonnes qui, au singulier, comportent une voyelle longue entre C3 et C4 : šəxšīr >
šxāšīr « chaussettes », bərmīl > brāmīl « tonneaux », məskīn > msākīn « pauvres »,
məftāḥ > mfātīḥ « clés », dukkān > dkākīn « boutiques », bərrād > brārīd
« théières », məṣmāṛ > mṣāmīṛ « clous », fənžān > fnāžīn « tasses », bəṛṛāka >
bṛāṛīk « cabanes, baraques », bəṭṭānīya > bṭāṭīn « couvertures », səllūm > slālīm
« échelles », kəmmūn > kmāmīn « beaucoup de cumin », ṣəndūg > ṣnādīg « boîtes »,
ԑəṣfūṛ > ԑṣāfīṛ « oiseaux », sərdūg > srādīg « coqs », gəṭṭūs > gṭāṭīs « chats ». Ce
schème est caractéristique des parlers de type bédouin au Maghreb et s’oppose au
schème comportant une voyelle brève entre C3 et C4 des parlers citadins et ruraux
préhilaliens (Ph. MARÇAIS 1977 : 123).

189
3.2.2.2.7. C1C2āwīC4
Ce schème permet de former le pluriel des nominaux singuliers où C3 est une semi-
consonne /w/ : təṣwīṛa > tṣāwīṛ « photographies, images », sərwāl > srāwīl
« pantalons » ; mais il permet également de fabriquer un pluriel de pluriel qui
comporte une voyelle longue /ā/ entre C2 et C3 : bənt > bnāt > bnāwīt « filles ».

3.2.2.2.8. C1C2āyīC4
Ce schème permet de former le pluriel des nominaux singuliers où C3 est une semi-
consonne /y/ : məlyōn > mlāyīn « millions »

3.2.2.2.9. C1wāC3īC4 et C̣1C̣1āC2īC3


Ce schème permet de former le pluriel des nominaux singuliers qui comportent une
voyelle longue entre C1 et C2, ainsi qu’une voyelle longue entre C2 et C3 : kāšīk >
kwāšīk « cuillères », dūlāb > dwālīb « armoires ».

Par ailleurs, à la suite d’une évolution morpho-phonologique, un ancien pluriel


C1wāC2īC3 se forme dorénavant sur le schème C̣1C̣1āC2īC3 où l’ancien /w/ a disparu et
où cette disparition a été compensée par la gémination et l’emphatisation de C1 :
mīzān > ṃṃāzīn « balances ».

3.2.2.2.10. C1yāC3īC4
On n’a relevé qu’un seul exemple : šēṭān > šyāṭīn « diables ».

3.3.3 Les pluriels mixtes


Les deux procédés étudiés précédemment sont combinés pour former des pluriels
mixtes : une modification interne du schème et l’adjonction d’un suffixe : -a(t), -āt ou
-ān.

3.3.3.1. Les pluriels mixtes à suffixe -a(t)


On traitera des schèmes suivants : C1vC2C3a(t), C1C2əC3C3a(t), C1C3āC3a(t),
C1wāC3a(t), C1yāC3a(t), C1C2ūC3a(t) et C1C2āC3C4a(t).

3.3.3.1.1. Le schème C1vC2C3a(t)


Ce schème fournit le pluriel de substantifs et d’adjectifs masculins : ṭbīb > ṭubba
« médecins », mṛīḍ > muṛḍa « malades », wāzīr > wəzra « ministres ».

190
3.3.3.1.2. Le schème C1C2vC3C3a(t)
Ce schème se caractérise par la gémination de C3 et la suffixation de -a(t). Il sert
notamment à former le pluriel de noms d’animaux. Il permet de former le pluriel de
singuliers de schème C1C2əC3 : ḥnəš > ḥnəšša « serpents » ; mais également de schème
C1C2āC3 : ḥṣān > ḥṣunna « chevaux », ġzāl > ġzəlla « gazelles (personnes) » ; mais
aussi de schème C1īC3 : dīb > dyəbba « loups » ; ainsi que le pluriel d’un singulier de
schème C1āC2īC3 : dālīl > ’dəlla « preuves ».

3.3.3.1.3. Le schème C1C3āC3a(t)


Ce schème permet de former le pluriel de substantifs féminins singuliers de schème
C1C2īya : hdīya > hdāya « cadeaux », ṣbīya > ṣbāya « jeune femme ». Il permet
également de former le pluriel de substantifs masculins, notamment des ethnonymes et
des substantifs qualifiant l’homme : nəṣṛāni > nṣāṛa « Chrétiens », ītīm > ītāma
« orphelins ».

3.3.3.1.4. Le schème C1wāC3a(t)


Ce schème permet de former le pluriel d’ethnonymes ou de substantifs évoquant des
caractéristiques humaines comportant une voyelle longue après C1 : rūmi > rwāma
« Chrétiens », tūmi > twāma « jumeaux ».

3.3.3.1.5. Le schème C1yāC3a(t)


Ce schème permet de former le pluriel d’un substantif masculin de type concave dont
C1 est suivie de la voyelle longue /ī/ : dīb > dyāba « loups ».

3.3.3.1.6
3.3.3.1.6. C1C2ūC3a(t)
Ce schème caractérisé par la voyelle longue /ū/ après C2 et la suffixation de -a(t)
permet de former le pluriel de substantifs trilitères à vocalisme bref de schème
C1əC2C3 : gəṛd > gṛūda « singes ». Il permet également de former le pluriel de
singuliers de schème C1C2əC3 : gžəṛ > gžūṛa « tiroirs », bḥəṛ > bḥūṛa « mers »,
bġəl > bġūla « mulets », fḥəl > fḥūla « étalon ».

3.3.3.1.7. Le schème quadrilitère C1C2āC3C4a(t)


Ce schème quadrilitère permet de former le pluriel d’ethnonymes : tūnsi > twānsa
« Tunisiens », məġrībi > mġāṛba « Marocains ».

3.3.3.2. Les pluriels mixtes à suffixe -āt


Le suffixe -āt entre dans la formation du pluriel mixte de noms de parenté : uxt >
xwāt « sœurs », bu > ḅḅāhāt « pères », mu > ṃṃāhāt « mères ».

191
3.3.3.3. Les pluriels mixtes à suffixe -ān
On examinera les deux schèmes suivants qui se différencient par la nature de la
voyelle qui est entre C1 et C2 : C1vC2C3ān et C1īC3ān.

3.3.3.3.1. C1vC2C3ān
Ce schème permet de former le pluriel mixte de singuliers qui comportent une voyelle
longue entre C2 et C3 : xṛūf > xəṛfān « agneaux », blād > bəldān « pays », ġdīr >
ġudrān « flaques », ԑṛīs > ԑəṛsān « fiancés ». Il permet également de former le pluriel
de singuliers dont le schème comporte une voyelle longue /ā/ après C1 : fārəs > fursān
« chevaliers, cavaliers », wādi > wudyān « rivières ».

3.3.3.3.2. C1īC3ān
Il sert à former le pluriel mixte de mots de schème concave : kās > kīsān « verres »,
fāṛ > fīrān « rats », žāṛ > žīrān « voisins », bāb > bībān « portes », bāṭ > bīṭān
« aisselles », kāṭ > kīṭān « costumes », fās > fīsān « haches », tōr > tīrān
« taureaux », ԑūd > ԑūdān « morceaux de bois ».

3.3.3.4. Le pluriel mixte à préfixe m-


On examinera les schèmes de pluriel mixte suivants caractérisés par la préfixation de
m- : mC1āC2əC3, mC1əC2C3əC3, mC1əC2C2C3a(t) et māC1īC3.

3.3.3.4.1.1.
3.3.3.4.1.1. mC1āC2əC3
Le préfixe m- entre dans la formation de pluriels mixtes. On a relevé un schème
caractérisé par la préfixation d’un m- et l’infixation d’une voyelle longue /ā/ entre C1
et C2 : šīx > mšāyəx « vieux monsieurs », xānəb > mxānəb « voleurs ».

3.3.3.4.1.2. mC1əC2C3əC3
Ce schème permet de former le pluriel de noms péjoratifs : rdīf > mərdəf « mauvais
garçons », ԑbīd > məԑbəd « Noirs » 21.

3.3.3.4.1.3
3.3.3.4.1.3. mC1əC2C2C3a(t)
Ce schème à préfixe m- est caractérisé par la gémination de C2 et la suffixation de
-a(t) : əhbəl > mhəbbla « fous », mībūn > mwəbbna « homosexuels ».

21
Ce terme est employé avec un sens péjoratif.

192
3.3.3.4.1.4.
3.3.3.4.1.4. māC1īC3
On a relevé un exemple permettant d’illustrer ce schème à préfixe m- : ṣāyəԑ > māṣīԑ
« mauvais garçons ».

193
4. Les degrés de comparaison
On examinera le fonctionnement du comparatif et du superlatif pour les adjectifs, celui
du diminutif pour les adjectifs.

4.1. Les comparatifs


Il y a deux façons d’exprimer le comparatif : au moyen du schème de comparatif
əC1C2əC3 et dans une construction analytique au moyen du comparatif əktәṛ.

4.1.1. Le schème de comparatif


comparatif
Le comparatif sur le schème əC1C2әC3 concerne les adjectifs en C1әC2C3[a(t)],
C1әC2C3[a(t)], C1C2īC3[a(t)], C1C2ūC3[a(t)], C1āC2(ә)C3[a(t)], C1әC2C2(ә)C3[a(t)]. Il se
caractérise essentiellement par la réduction des longueurs vocaliques. Le comparatif
sur le schème əC1C2әC3 est invariable en genre et en nombre et se construit avec la
préposition mən « de, depuis ».

4.1.1.1. Les adjectifs en C1әC2C3[a(t)]


4.1.1.1
Exemples : ṣəԑb « difficile » > əṣԑəb « plus difficile », ṛuṭb « mou, doux, lisse » >
əṛṭəb « plu mou, plus doux, plus lisse ».

əl-ləԑba hādi əṣԑəb mən əlli lԑəbt-ha mԑā-k.


le-jeu celle-ci plus difficile de REL. j’ai joué-la avec-toi
« Ce jeu est plus difficile que celui que j’ai joué avec toi. »

əṭ-ṭin hāda əṛṭəb mən əlli stəԑmlū-h.


l’-argile celle-ci plus mou de REL. ils ont utilisé-le
« Cet argile est plus mou que celui qu’ils ont utilisé. »

4.1.1.2
4.1.1.2. Les adjectifs en C1C2īC3[a(t)] et C1āC2īC3[a(t)]
Exemples : kbīr « grand, âgé » > əkbəṛ « plus grand, plus âgé », sārīԑ « rapide,
vite » > əsrəԑ « plus rapide, plus vite ».

hūwa əkbəṛ mən xū-h b-əṛbԑa snīn.


lui plus vieux de frère-son par-quatre années
« Il est plus vieux que son frère de quatre ans. »

ṛābīԑ ysūg əsrəԑ mən nāfəԑ.


Rabi il conduit plus vite de Nafa
« Rabi roule plus vite que Nafa. »

194
4.1.1.3. L’adjectif
L’adjectif en C1C2ūC3[a(t)]
On n’a relevé qu’un seul exemple : sxūn « chaud » > əsxən « plus chaud ».

əž-žōw f-lībya əsxən mən əž-žōw f-fṛənṣa.


le-temps en-Libye plus chaud de le-temps en-France
« Il fait plus chaud en Libye qu’en France. »

4.1.1.4. Les adjectifs en C1āC2(ә)C3[a(t)]


C’est le schème des participes actifs adjectivés. Exemples : wāṣəԑ « large » > əwṣəԑ
« plus large », ġārəg « profond » > əġrəg « plus profond ».

ət-trīg hādi əwṣəԑ mən trīg-əs-sārīԑ.


la-route celle-ci plus large de route-la-rapide
« Cette route est plus large que la voie rapide. »

əl-bīr hne əġrəg mən bīr-hum.


le-puit ici plus profond de puit-leur
« Le puit, ici, est plus profond que leur puit. »

4.1.1.4. Les adjectifs en C1әC2C2(ә)C3[a(t)]


Exemple : ḍəyyəg « étroit » > əḍyəg « plus étroit que ».

əš-šāṛəԑ əlli xdēnā-h əḍyəg mən


la-rue REL. nous avons pris-le plus étroit de
əš-šāṛəԑ hāda.
la-rue celui-ci
« La rue que nous avons empruntée est plus étroite que celle-ci. »

4.1.1.5
4.1.1.5. Les adjectifs de racine sourde
Exemples : mərr « amer » > əmərr « plus amer », xfīf « léger » > əxəff « plus
léger », bnīn « succulent » > əbənn « plus succulent », ḥāṛṛ « fort, épicé » > əḥəṛṛ
« plus fort, plus épicé ».

əl-gəhwa əmərr mən əš-šāhi.


le-café plus amer de le-thé
« Le café est plus amer que le thé ».

195
š-šənṭa mtāԑ-i əxəff mən mtāԑ-ək.
la-valise de-moi plus léger de de-toi
« Ma valise est plus légère que la tienne. »

əl-kəsksi b-əl-ḥūt əbənn mən b-əl-lḥəm.


le-couscous avec-le-poisson plus succulent de avec-la-viande
« Le couscous au poisson est plus succulent que le couscous à la viande. »

əš-šuṛba hādi əḥəṛṛ mən əlli klēt-ha


la-soupe celle-ci plus épicé de REL. j’ai mangé-la
f-əl-məṭԑəm.
dans-le-restaurant
« Cette soupe est plus épicée que celle que j’ai mangée au restaurant. »

4.1.1.6. Les adjectifs de racine concave


Exemple : šēn « laid, vilain » >əšyən « plus laid, plus vilain ».

ṣāḥbət-ha əšyən mən-ha.


amie-son plus laid de-elle
« Son amie est plus laide qu’elle. »

4.1.1.7. Les adjectifs de racine défectueuse


Exemples : ḥəlu « doux, sucré » > əḥla « plus doux, plus sucré », dəki
« intelligent » > ədka « plus intelligent », ԑāli « haut, élevé » > əԑla « plus haut, plus
élevé ».

əš-šāhi hāda əḥla mən əlli šṛəbt-əh ԑənd yūsəf.


le-thé celui-ci plus sucré de REL. j’ai bu-le chez Youcef
« Ce thé est plus sucré que celui que j’ai bu chez Youcef. »

hūwa ədka mən xū-h.


lui plus intelligent de frère-son
« Il est plus intelligent que son frère. »

l-ԑīmāra hādi əԑla mən əl-fundug.


l’-immeuble celle-ci plus haut de l’-hôtel
« Cet immeuble est plus haut que l’hôtel. »

196
4.1.1.8. Le changement lexical
On emploie parfois un comparatif qui a une racine différente de celle de l’adjectif. Il
s’agit en fait d’un archaïsme ; l’adjectif correspondant n’est plus utilisé. Exemples :
bāhi, mlīḥ « bien, bon » > əḥsən, xēṛ « mieux ».

xū-k yəfhəm əôsən mənn-ək.


frère-ton il comprend mieux de-toi
« Ton frère comprend mieux que toi. »

uxt-a tsūg xēü mənn-əh.


sœur-sa elle conduit mieux de-lui
« Sa sœur conduit mieux que lui. »

4.1.2. La construction analytique


Dans le parler arabe de Tripoli, on peut également utiliser le comparatif əktəṛ « plus
(nombreux) » en tant qu’adverbe : il est formé à partir de l’adjectif ktīr « nombreux ».
La forme əktəṛ est invariable et se place après l’adjectif qui s’accorde lui en genre et
en nombre avec son sujet. Il est notamment utilisé après les adjectifs qui n’ont pas de
schème de comparatif.

hūwa mətləxbəṭ əktəṛ mənn-i.


lui confus plus nombreux de-moi
« Il est plus confus que moi. »

hīya ġəḍbāna əktəṛ mən fāṭma.


elle fâchée plus nombreux de Fatma
« Elle est plus fâchée que Fatma. »

On peut également utiliser le comparatif əktəṛ en tant qu’adverbe dans le cas où le


terme à comparer est exprimé par un verbe (CAUBET 1993 I : 130).

b-yākəl əktəṛ mənn-ək !


FUT.-il mange plus nombreux de-toi
« Il mangera plus que toi ! »

hūwa ԑəbbā-ha əktəṛ mən-na !


lui il a rempli-la plus que-nous
« Lui, il l’a remplie plus que nous (i.e. il a mangé plus que nous) ! »

197
4.2. Le superlatifs
Le superlatif s’exprime au moyen du schème de comparatif əC1C2əC3 employé comme
premier terme d’une annexion. On examinera également une construction au moyen de
l’exclamatif ma, suivi du schème de comparatif et d’un pronom suffixe.

4.2.1
4.2.1. Premier terme d’une annexion
Le comparatif est employé comme premier terme d’une annexion directe, dans une
construction au moyen de la préprosition fi « dans ». On lui annexe un deuxième
terme qui n’est pas déterminé.

hādāka əḥṛəf-wāḥəd fi l-ūlād !


celui-là pire-un dans les-garçons
« Celui-là est le pire parmi les garçons ! »

hīya əkbəṛ-wāḥda fī-hum.


elle le plus âgé-une dans-eux
« Elle est la plus âgée parmi elles. »

xāləd əktəṛ-ġəḍbān fī-na.


Khaled plus-fâché dans-nous
« Khaled est le plus fâché parmi nous. »

l-bāzīn əÑla-mākla f-əd-dənya !


la-bouillie de farine d’orge meilleur-plat dans-le-monde
« Le bazin est le meilleur plat au monde ! »

əd-dəllāԑ əl-lībi əḥsΩn-dəllāԑ fi d-dənya.


la-pastèque le-libyen meilleur-pastèque dans le-monde
« La pastèque libyenne est la meilleure pastèque au monde. »

On peut également lui annexer un nom pluriel déterminé au moyen de l’article əl-.

yəԑṛəf əktəṛ-ən-nās f-əl-məԑhəd.


il connaît la plupart-les-gens dans-l’-institut
« Il connaît la plupart des gens à l’institut. »

āne nušṛub fi gəhwa f-əġləb-lə-wgāt.


moi je bois dans café dans-plupart-les-temps
« Moi, je bois du café, la plupart du temps. »

198
f-əġləb-lə-ḥyān āne nhərwəl.
dans-plupart-les-temps moi je fais du jogging
« La plupart du temps, je fais du jogging. »

4.2.2. ma + comparatif + pronom suffixe


4.2.2
On emploie l’exclamatif ma, suivi d’un comparatif auquel on suffixe un pronom.
Philippe MARÇAIS précise qu’il s’agit d’une construction présente en classique
mā ’afԑala, qui traduit l’expression « comme X est… » (Ph. MARÇAIS 1952 : 392 et
Ph. MARÇAIS 1977 : 140)

ma əḥlā-ha !
quoi plus belle-elle
« Comme elle est belle ! »

4.3. Les diminutifs


En ce qui concerne les valeurs et les emplois des diminutifs, Dominique CAUBET
précise que

« les diminutifs servent, en premier lieu, à désigner une taille inférieure pour
les substantifs ; mais, leur emploi ne se limite pas à cela, et touche en réalité à
la dimension modale. Surtout employés par les femmes ou les enfants petits, les
diminutifs doivent souvent s’analyser au niveau du discours : ton
condescendant, langage s’adressant aux petits enfants, évaluation péjorative de
la qualité pour les adjectifs, ou encore complicité, c’est, en fait, d’un type de
discours qu’il s’agit » (CAUBET 1993 I : 132) 22.

Dans cette étude, on traitera des schèmes de diminutifs de trilitères, ainsi que des
schèmes de diminutifs de quadrilitères. De plus, on étudiera quelques schèmes
‘irréguliers’. Enfin, on examinera les suffixes -əš et -ək.

4.3.1. Les diminutifs de trilitères


trilitères
On examinera les schèmes suivants : C1C2ēC3, C1C2ēC3a(t), C1C2ēyəC3, C1C2ēyC3a(t),
C1wēC3, C1wēC3a(t), C1wēC2əC3 et C1wēC2C3a(t).

4.3.1.1. Le schème C1C2ēC3


Ce schème à voyelle longue /ē/ permet de former des diminutifs masculins de
substantifs et d’adjectifs ; la voyelle longue /ē/ est la réduction de l’ancienne

22
Pour une étude des valeurs et des emplois du diminutif, voir Ph. MARÇAIS 1952 : 386-389.

199
diphtongue *ay. Ce schème est associé aux schèmes de singulier C1əC2C3, C1uC2C3,
C1əC2C3 et C1uC2C3. Ce schème de diminutif, très fréquent dans le parler arabe de
Tripoli, est caractéristique des parlers de type bédouin du Maghreb.

– C1əC2C3 > C1C2ēC3 : ḥəbl > ḥbēl « une petite corde », kəlb > klēb « un petit
chien », gəlb > glēb « un petit cœur », kənz > knēz « un petit trésor », zərf > zrēf
« un petite enveloppe », ṭəṛf > ṭṛēf « un petit morceau », kəfn > kfēn « un petit
linceul »,wəžh > wžēh « un petit visage », ḍəhṛ > ḍhēṛ « un petit dos », wəld >
wlēd « un petit garçon », ḥəlu > ḥlēw « un peu doux, sucré », fəlu > flēw « un petit
poney », žəru > žrēw « un petit chiot », ԑəbd > ԑbēd « Noir, Noirot ».

– C1uC2C3 > C1C2ēC3 : ṣubԑ > ṣbēԑ « un petit doigt », ṛuṭb > ṛṭēb « un peu mou »,
nuṣṣ ~ nufṣ > nfēṣ 23 « une petite moitié ».

– C1əC2C3 > C1C2ēC3 : ԑəšš > ԑšēš « un petit nid, un petit squat », žəww > žwēw
« un peu d’ambiance », ḍəww > ḍwēw « un peu de lumière », rəff > rfēf « une petite
étagère ».

– C1uC2C3 > C1C2ēC3 : ḍubb > ḍbēb « un petit lézard ». On a également relevé
l’exemple muxx > muxēx « cervelet » ; une voyelle ultra-brève de disjonction u sépare
C1 de C2.

4.3.1.2. Le schème C1C2ēC3a(t)


Ce schème fournit des diminutifs féminins. Certains substantifs féminins n’ont pas de
marque au singulier, mais la marque de féminin -a(t) apparaît au diminutif.

– C1əC2C3 > C1C2ēC3a(t) : šəms > šmēsa « un peu de soleil », kəbd > kbēda « un
petit foie », wədn > wdēna « une petite oreille », bəṭn > bṭēna « un petit ventre »,
šəԑṛ > šԑēṛa « un peu de cheveux », ġəṛs > ġṛēsa « une petite plantation », ԑənz >
ԑnēza « une petite chèvre ».

– C1C2əC3 > C1C2ēC3a(t) : mṭəṛ > mṭēṛa « un peu de pluie, une petite pluie », dhəb >
dhēba « un peu d’or, un or de mauvaise qualité », lbən > lbēna « un peu de lait
fermenté », žbən > žbēna « un peu de fromage ».

23
/nfēṣ/ est articulé [mfeːs] et est surtout utilisé pour indiquer un demi-litre de būxa « eau de vie de
figues ».

200
– C1əC2C3a(t) > C1C2ēC3a(t) : wəṛga > wṛēga « une petite feuille », təmṛa > tmeṛa
« une petite datte », nəmla > nmēla « une petite fourmi », bəṣla > bṣēla « un petit
oignon », gəmla > gmēla « un petit poux », nəḥla > nḥēla « une petite abeille »,
bəgṛa > bgēṛa « une petite vache », zəhṛa > zhēṛa « une petite fleur », kərša > krēša
« un petit estomac », kəḥla > kḥēla « un peu noire », zəṛga > zṛēga « un peu bleue »,
ḥəmṛa > ḥmēṛa « un peu rouge ».

– C1uC2C3a(t) > C1C2ēC3a(t) : xubza > xbēza « un petit pain ».

– C1uC2C3a(t) > C1C2ēC3a(t) : gubba > gbēba « une petite coupole », guffa > gfēfa
« un petit couffin », ḥukka > ḥkēka « une petite canette ».

4.3.1.3. Le schème C1C2ēyəC


ēyəC3
Ce schème permet de former le diminutif de quelques substantifs à vocalisme bref,
mais il sert surtout, dans le parler arabe de Tripoli, à former le diminutif de substantifs
et d’adjectifs caractérisés par la présence d’une voyelle longue entre C2 et C3 ; en effet,
la majorité des substantifs à vocalisme bref forment leur diminutif sur le schème
C1C2ēC3.

ēyəC3 : bġəl > bġēyəl « un petit mulet ».


– C1C2əC3 > C1C2ēyəC

ēyəC3 : gəfṣ > gfēyəṣ « une petite cage », kəbš > kbēyəš « un petit
– C1vC2C3 > C1C2ēyəC
bélier », žəḥš > žḥēyəš « un petit bardot », burž > brēyəž « une petite tour ».

ēyəC3 : ktāb > ktēyəb « un petit livre », bṣāt > bṣēyəṭ « un petit
– C1C2v̄C3 > C1C2ēyəC
tapis », ġzāl > ġzēyəl « une petite gazelle », kbīr > kbēyər « un peu grand », ṣġīr >
ṣġēyər « un peu petit », ytīm > ytēyəm « un petit orphelin », xrūf > xrēyəf « un petit
agneau », sxūn > sxēyən « un peu chaud ».

Ce schème permet également de former quelques diminutifs de diminutifs : klēb >


klēyəb « un tout petit chien » et wlēd > wlēyəd « un tout petit garçon, enfant ».

4.3.1.4. Le schème C1C2ēyC3a(t)


Ce schème permet de former le diminutif d’un substantif à vocalisme bref de schème
C1C2əC3, mais il permet surtout de former le diminutif de substantifs et d’adjectifs
féminins à voyelle longue.

– C1C2əC3 > C1C2ēyC3a(t) : lbən > lbēyna « un peu de lait fermenté ».

201
– C1C2ūC3 > C1C2ēyC3a(t) : ԑṛūs > ԑṛēysa « une petite fiancée », ԑzūz > ԑzēyza « une
petite vieille dame ».

a(t) > C1C2ēyC3a(t) : ršāda > ršēyda « une petite pierre », ḥmāma >
– C1C2v̄C3a(t)
ḥmēyma « une petite colombe », ṣġīra > ṣġēyra « toute petite », flūka > flēyka « une
petite barque », sxūna > sxēyna « un peu chaude », gṣīṛa > gṣēyṛa « un peu courte »,
ḥṣīṛa > ḥṣēyṛa « une petite natte », ytīma > ytēyma « une petite orpheline ».

Ce schème permet également de former le diminutif de diminutif de ԑnēza > ԑnēyza


« une toute petite chèvre ».

4.3.1.5. Le schème C1wēC3


Ce schème permet de former les diminutifs des substantifs masculins de schème
concave C1āC3, C1īC3, C1ūC3, C1ōC3 et C1ēC3 : bāb > bwēb « une petite porte »,
kās > kwēs « un petit verre », xāl > xwēl « un petit oncle », dīb > dwēb « un petit
chacal », ԑūd > ԑwēd « un petit bâton », mūs > mwēs « un petit couteau », ḥōš >
ḥwēš « une petite maison », ḥēṭ > ḥwēṭ « un muret », xēṭ > xwēṭ « un petit fil ».

4.3.1.6. Le schème C1wēC3a(t)


Ce schème caractérise le diminutif des noms féminins de racine concave : dōṛa >
dwēṛa « un petit tour », mōža > mwēža « une petite vague », dūda > dwēda « un
petit ver », ԑēla > ԑwēla « une petite famille », ṭāṣa > ṭwēṣa « un petit verre ».

4.3.1.7. Le schème C1wēC2əC3


Ce schème sert à former le diminutif de nominaux masculins comportant une voyelle
longue après C1 : ṛāžəl > ṛwēžəl « un petit homme », šārəb > šwērəb « une petite
lèvre ».

4.3.1.8. Le schème C1wēC2C3a(t)


Ce schème sert à former le diminutif d’un nominal féminin qui comporte une voyelle
longue après C1 : žābya > žwēbya « un petit réservoir d’eau ».

4.3.2. Les diminutifs de quadrilitères


quadrilitères
On étudiera les schèmes suivants : C1C2ēC3əC4, C1C2ēC3C4a(t), C1C2ēC3īC4,
C1C2ēC3īC4a(t), C1wēC3əC4, C1wēC3īC4, C1wēC3īC4a(t), C1C2ēC3i et C1wēC3i.

202
4.3.2.1. C1C2ēC3əC4
Ce schème caractérisé par la présence de la voyelle longue /ē/ entre C2 et C3 et par une
voyelle brève entre C3 et C4 permet de former le diminutif des substantifs masculins
composés de quatre consonnes qui, au singulier, ne comportent pas de voyelle longue :
mənžəl > mnēžəl « une petite faucille », dəftər > dfētər « un petit cahier », ԑəgrəb >
ԑgērəb « un petit scorpion », təԑləb > tԑēləb « un petit renard », fundug > fnēdəg
« un petit hôtel ».

4.3.2.2. C1C2ēC3C4a(t)
Ce schème permet de former le diminutif des substantifs féminins à vocalisme bref :
bəndga > bnēdga « un petit fusil », səlsla > slēsla « une petite chaîne », fəstka >
fsētka « une petite pistache », fəlfla > flēfla « un petit piment », ṭunžṛa > ṭnēžṛa
« une petite marmite », mədrsa > mdērsa « une petite école », məktba > mkētba
« une petite bilbiothèque », məškla > mšēkla « un petit problème », mədrsa > mdērsa
« une petite école », məknsa > mkēnsa « un petit balai ».

4.3.2.3. C1C2ēC3īC4
Ce schème caractérisé par la présence d’une voyelle longue /ē/ entre C2 et C3 et par
une voyelle longue /ī/ entre C3 et C4 concerne les substantifs composés de quatre
consonnes qui, au singulier, comportent une voyelle longue entre C3 et C4 : šəxšīr >
šxēšīr « une petite chaussette », bərmīl > brēmīl « un petit tonneau », məskīn >
msēkīn « un pauvret », məftāḥ > mfētīḥ « une petite clé », dukkān > dkēkīn « une
petite boutique », bərrād > brērīd « une petite théière », məṣmāṛ > mṣēmīṛ « un petit
clou », fənžān > fnēžīn « une petite tasse », səllūm > slēlīm « une petite échelle »,
ṣəndūg > ṣnēdīg « une petite boîte », ԑəṣfūṛ > ԑṣēfīṛ « un oisillon », sərdūg > srēdīg
« un coquelet », gəṭṭūs > gṭēṭīs « un chaton ». Ce schème est caractéristique des
parlers de type bédouin au Maghreb et s’oppose au schème comportant une voyelle
brève entre C3 et C4 des parlers citadins et ruraux préhilaliens (Ph. MARÇAIS 1977 :
123).

4.3.2.4. C1C2ēC3īC4a(t)
Ce schème permet de former le diminutifs de substantifs féminins quadrilitères
comportant une voyelle longue entre C3 et C4 au singulier : bəṛṛāka > bṛēṛīka « petite
cabane, baraque », bəṭṭānīya > bṭēṭīna « petite couverture ».

203
4.3.2.5. C1wēC3əC4
Ce schème sert à former le diminutif de nominaux masculins comportant une voyelle
longue après C1 : rōšən >rwēšən « une petite fenêtre », māžən > mwēžən « une petite
citerne », xātəm > xwētəm « une petite bague ».

4.3.2.6. C1wēC3īC4
Ce schème sert à former le diminutif de nominaux masculins comportant une voyelle
longue après C1 et après C2 : kānūn > kwēnīn « un petit fourneau, une petite poêle »,
kāšīk > kwēšīk « une petite cuillère », māԑūn > mwēԑīn « un petit récipient »,
mīzān > mwēzīn « une petite balance », dūlāb > dwēlīb « une petite armoire ».

4.3.2.7
4.3.2.7. C1wēC3īC4a(t)
Ce schème sert à former le diminutif de nominaux féminins comportant une voyelle
longue après C1 et après C2 : ṭāḥūna > ṭwēḥīna « une petite meule, moulinette »,
ṣūnīya > ṣwēnīya « un petit plateau », zētūna > zwētīna « une petite olive ».

4.3.2.8
4.3.2.8. C1C2ēC3i
Ce shème est caractéristique des substantifs à finale -i : səbsi > sbēsi « une petite
cigarette », kursi > krēsi « une petite chaise ».

4.3.2.9. C1wēC3i
Ce shème est caractéristique des substantifs à finale -i et comportant une voyelle
longue entre C1 et C2 au singulier : kūti > kwēti « un petit paquet, étui à cigarettes »,
ḥōli > ḥwēli « un petit haïk ».

4.3.3. Les schèmes ‘irréguliers


irréguliers’
iers’
On examinera le schème īC1īC2əC3 qui permet de former les diminutifs des noms de
couleurs et de difformités, mais on examinera également les diminutifs ‘irréguliers’ de
certains termes, notamment des noms de parenté.

4.3.3.1. īC1ēC2əC3
Ce schème caractérisé par la présence d’une voyelle longue /ī/ avant C1 et d’une
voyelle longue /ē/ entre C1 et C2 permet de former le diminutif des adjectifs de
couleur.

– Noms de couleur : əḥməṛ > īḥēməṛ « un peu rouge », əṣfəṛ > īṣēfəṛ « un peu
jaune », əsməṛ > īsēməṛ « un peu brun » ; seuls ces trois diminutifs de noms de
couleurs sont employés.

204
4.3.3.2. Les noms de parenté
Certains noms de parenté forment leur diminutif sur des schèmes particuliers. Tous ces
schèmes sont caractérisés par la présence d’une voyelle longue /ē/ : bənt > bnēya
« une petite fille », umm > ṃṃēma « une petite maman, une grand-mère », xu >
uxēy « un petit frère », uxt > uxēya « une petite sœur ». Le diminutif de père est
caractérisé par la gémination et l’emphatisation de la consonne labiale initiale : bu >
ḅḅēy « un petit père ». Cette gémination et cette emphatisation est liée au phénomène
de labviovélarisation et à son évolution dans le parler arabe de Tripoli 24.

4.3.4. Les suffixes -əš / -ək


Ces suffixes n’apparaissent que suffixés à glīl « peu » avec valeur diminutive : glīləš
et glīlək « un tout petit peu » 25.

24
A ce sujet, voir 1.3. Vélarisation des labiales, dans la partie consacrée à la phonologie.
25
Philippe MARÇAIS a relevé le suffixe -əš dans les parlers montagnards du Constantinois (Djidjelli), de
l’Oranie (Nedroma) et du Maroc (Ph. MARÇAIS 1977 : 114).

205
5. Les noms de nombre
Les cardinaux à l’état absolu et à l’état construit, les ordinaux et les différents emplois
des noms de nombres seront ici étudiés.

5.1.
5.1. Les cardinaux
Les noms de nombre ont une forme différente selon qu’ils sont employés à l’état
absolu ou à l’état construit.

5.1.1.
5.1.1. L’état absolu
On traitera des cardinaux de un à dix, puis de onze à dix-neuf. Ensuite, on étudiera les
dizaines, les centaines, les milliers et, enfin, les millions et les milliards.

5.1.1.1.
5.1.1.1. Les nombres de 1 à 10

1 wāḥəd
2 zōz ~ tnēn ~ tnīn
3 tlāta
4 əṛbԑa
5 xəmsa
6 sətta
7 səbԑa
8 tmānya
9 təsԑa
10 ԑəšṛa

5.1.1.2.
5.1.1.2. Les nombres de 11 à 19
Les noms de nombre cardinaux de onze à dix-neuf ont une forme particulière. Les
formes actuelles, qu’on trouve dans le parler arabe de Tripoli et dans les parlers arabes
de type maghrébin, sont le résultat d’une contraction des noms d’unités suivis du nom
de la dizaine ԑəšṛ, qu’on trouve sous la forme réduite -āš, si on les compare avec
l’arabe classique. De plus, les noms de nombre sont emphatisés 26.

11 ḥḍāš
12 ṭnāš
13 tluṭṭāš

26
L’origine de ces formes de onze à dix-neuf est traité dans le paragraphe consacré à l’état construit des
noms de nombre.

206
14 əṛbəԑṭāš
15 xəmsṭāš
16 suṭṭāš
17 səbԑṭāš
18 tumnṭāš
19 təsԑṭāš

5.1.1.3
5.1.1.3.
1.1.3. Les dizaines
Le suffixe -īn sert à former tous les noms des dizaines. Les unités précèdent les
dizaines et les noms de nombre composés se forment à l’aide de la conjonction de
coordination u ~ w « et » qui se place entre l’unité et la dizaine.

20 ԑəšrīn
21 wāḥəd u ԑəšrīn
22 tnīn u ԑəšrīn 27
23 tlāta u ԑəšrīn
24 əṛbԑa u ԑəšrīn
25 xəmsa u ԑəšrīn
26 sətta u ԑəšrīn
27 səbԑa u ԑəšrīn
28 tmānya u ԑəšrīn
29 təsԑa u ԑəšrīn

30 tlātīn
40 əṛbԑīn
50 xəmsīn
60 səttīn
70 səbԑīn
80 tmānīn
90 təsԑīn

5.1.1.4.
5.1.1.4. Les centaines
Les centaines précèdent les unités et les dizaines. Les noms composés se forment à
l’aide de la conjonction de coordination u ~ w « et », qui se place entre la centaine et
l’unité, puis entre l’unité et la dizaine.

27
On n’emploie jamais zōz « deux » dans les noms de nombre composés.

207
100 mīya
101 mīya u wāḥəd
102 mīya u tnīn
115 mīya u xəmsṭāš
176 mīya u sətta u səbԑīn

Pour dire deux cents, on emploie une forme au duel ; le morphème de duel étant -ēn.
On note la réapparition du t final de mīya(t) devant un suffixe.

200 mīytēn

Les noms de centaines de trois cents à neuf cents se forment comme les noms à l’état
construit (cf. 5.1.2.3.).

300 təlt-mīya
400 əṛbəԑ-mīya
500 xəms-mīya
600 sətt-mīya
700 səbԑ-mīya
800 təmn-mīya
900 təsԑ-mīya

5.1.1.5.
5.1.1.5. Les milliers
Les milliers précèdent les centaines, les unités et les dizaines. Les noms composés se
forment à l’aide de la conjonction de coordination u ~ w « et », qui relie tous les
éléments.

1 000 ālf ~ āləf


1 007 ālf u səbԑa
1 053 ālf u tlāta u xəmsīn
1 978 ālf u təsԑ-mya u tmānya u səbԑīn

Pour dire deux mille, on emploie également une forme au duel.

2 000 ālfēn

208
Les noms de milliers à partir de trois mille se forment également comme les noms à
l’état construit (cf. 5.1.2.3.) ; entre trois mille et dix mille, on emploie la forme ālāf
« milliers » au pluriel.

28
3 000 təlt-ālāf ~ tlāt-ālāf
4 000 əṛbԑ-ālāf
5 000 xəms-ālāf
6 000 sətt-ālāf
7 000 səbԑ-ālāf
8 000 təmn-ālāf
9 000 təsԑ-ālāf

10 000 ԑəšr-ālāf
10 564 ԑəšr-ālāf u xəms-mīya w əṛbԑa u səttīn

11 000 ḥḍāšəl-ālf
12 000 ṭnāšəl-ālf
13 000 ṭluṭṭāšəl-ālf
14 000 əṛbəԑṭāšəl-ālf
15 000 xəmsṭāšəl-ālf
16 000 suṭṭāšəl-ālf
17 000 səbԑṭāšəl-ālf
18 000 ṭumnṭāšəl-ālf
19 000 təsԑṭāšəl-ālf

20 000 ԑəšrīn ālf


30 876 tlātīn ālf u təmn-mīya u sətta u səbԑīn
98 765 tmānya u təsԑīn ālf u səbԑ-mīya u xəmsa u səttīn

A partir de cent mille, le nom de nombre est un nom composé à l’état construit. On
emploie la forme mīyt- « cent » ; on voit réapparaître le t final de mīya(t).

100 000 mīyt-ālf


200 000 mīytēn ālf
300 000 təlt-mīyt-ālf

28
On trouve la forme tlāt- dans le parler arabe de Benghazi (PANETTA 1943 : 165) et dans le parler
arabe des Juifs de Tunis (COHEN 1975 : 229).

209
856 701 təmn-mīya u sətta u xəmsīn ālf u səbԑ-mīya u wāḥəd

5.1.1.6.
5.1.1.6. Les millions
Lorsqu’on compte, les millions précèdent les milliers, les centaines, les unités et les
dizaines. Les noms composés se forment à l’aide de la conjonction de coordination u ~
w « et », qui relie tous les éléments. On se sert de l’emprunt məlyōn dont le pluriel est
mlāyīn.

1 000 000 məlyōn

Pour dire deux millions, on emploie une forme au duel.

2 000 000 məlyōnēn

Mais on peut également employer une construction au moyen du numéral zōz « deux »
ou tnīn « deux ».

2 000 000 zōz məlyōn


tnīn məlyōn

Lorsqu’on compte deux millions, on peut accorder məlyōn au pluriel, uniquement dans
la construction au moyen du numéral zōz.

zōz mlāyīn

On peut ainsi compter, par exemple, deux millions cinq cent mille, de quatre façons
différentes.

2 500 000 məlyōnēn u xəms-mīyt-āləf


zōz məlyōn u xəms-mīyt-āləf
tnīn məlyōn u xəms-mīyt-āləf
zōz mlāyīn u xəms-mīyt-āləf

Les noms de millions de trois à dix millions se forment comme les noms à l’état
construit (cf. 5.1.2.3.). On peut compter les millions de trois à dix de trois façons
différentes. Dans la construction avec les noms de nombre à l’état absolu, l’accord se
fait soit au singulier (məlyōn), soit au pluriel (mlāyīn) :

210
3 000 000 tlāta məlyōn tlāta mlāyīn
4 000 000 əṛbԑa məlyōn əṛbԑa mlāyīn
5 000 000 xəmsa məlyōn xəmsa mlāyīn
6 000 000 sətta məlyōn sətta mlāyīn
7 000 000 səbԑa məlyōn səbԑa mlāyīn
8 000 000 tmānya məlyōn tmānya mlāyīn
9 000 000 təsԑa məlyōn təsԑa mlāyīn
10 000 000 ԑəšṛa məlyōn ԑəšṛa mlāyīn

Dans la construction avec les formes réduites, l’accord se fait au pluriel (mlāyīn).

3 000 000 təlt-mlāyīn


4 000 000 əṛbԑ-mlāyīn
5 000 000 xəms-mlāyīn
6 000 000 sətt-mlāyīn
7 000 000 səbԑ-mlāyīn
8 000 000 təmn-mlāyīn
9 000 000 təsԑ-mlāyīn
10 000 000 ԑəšṛ-mlāyīn

On peut ainsi compter, par exemple, quatre millions deux cent soixante-quinze mille
cent quatre-vingt-dix-huit, de trois façons différentes

4 275 198 əṛbԑa məlyōn u mīytēn u xəmsa u səbԑīn ālf u mīya u


tmānya u təsԑīn

əṛbԑa mlāyīn u mīytēn u xəmsa u səbԑīn ālf u mīya u


tmānya u təsԑīn

əṛbəԑ-mlāyīn u mīytēn u xəmsa u səbԑīn ālf u mīya u


tmānya u təsԑīn

Pour compter de onze millions à dix-neuf millions, on emploie les formes des dizaines
qui sont employées à l’état construit (cf. 5.1.2.4.). On emploie la forme məlyōn au
singulier.

11 000 000 ḥḍāšəl-məlyōn


12 000 000 ṭnāšəl-məlyōn

211
13 000 000 ṭluṭṭāšəl-məlyōn
14 000 000 əṛbəԑṭāšəl-məlyōn
15 000 000 xəmsṭāšəl-məlyōn
16 000 000 suṭṭāšəl-məlyōn
17 000 000 səbԑṭāšəl-məlyōn
18 000 000 ṭumnṭāšəl-məlyōn
19 000 000 təsԑṭāšəl-məlyōn

A partir de vingt, on juxtapose, comme à l’état construit, le nom de nombre et la


forme məlyōn au singulier (cf. 5.1.2.5.).

20 000 000 ԑəšrīn məlyōn


21 000 000 wāḥəd u ԑəšrīn məlyōn
37 000 000 səbԑa u tlātīn məlyōn
71 964 275 wāḥəd u səbԑīn məlyōn u təsԑ-mīya w əṛbԑa u səttīn ālf u
mīytēn u xəmsa u səbԑīn

Lorsqu’on compte les centaines de millions, les noms de nombres sont des noms
composés à l’état construit (cf. 5.1.2.6.).

100 000 000 mīyt-məlyōn


200 000 000 mīytēn məlyōn
300 000 000 təlt-mīyt-məlyōn
956 723 087 təsԑ-mīya u sətta u xəmsīn məlyōn u səbԑ-mīya u tlāta u
ԑəšrīn ālf u səbԑa u tmānīn

5.1.1.7.
5.1.1.7. Les milliards
Comme pour les millions, pour compter les milliards, on utilise aussi une construction
synthétique. On se sert également d’un terme emprunté : məlyāṛ, dont le pluriel est
məlyāṛāt.

1 000 000 000 məlyāṛ

Pour dire deux milliards, on emploie une forme au duel.

2 000 000 000 məlyāṛēn

212
Mais on peut aussi employer la construction au moyen de zōz ou tnīn « deux », suivi
du nom de nombre au singulier.

2 000 000 000 zōz məlyāṛ


tnīn məlyāṛ

On peut accorder le nom de nombre au pluriel, uniquement dans la construction au


moyen du numéral zōz 29.

zōz məlyāṛāt

Il existe, dans le parler arabe de Tripoli, quatre manières de compter, par exemple,
deux milliards cinq cent mille.

2 000 500 000 məlyāṛēn u xəms-mīyt-āləf


zōz məlyāṛ u xəms-mīyt-āləf
tnīn məlyāṛ u xəms-mīyt-āləf
zōz məlyāṛāt u xəms-mīyt-āləf

A partir de trois milliards et jusqu’à quatre-vingt-dix-neuf milliards neuf cent quatre-


vingt-dix-neuf millions neuf cent quatre-vingt-dix-neuf mille neuf cent quatre-vingt-
dix-neuf, on juxtapose les noms de nombres. L’accord de məlyāṛ se fait toujours au
singulier. On n’examinera que quelques exemples.

3 000 000 000 tlāta məlyāṛ


8 563 500 712 tmānya məlyāṛ u xəms-mya u tlāta u səttīn məlyōn u
xəms-mīyt-ālf u səbԑ-mīya u ṭùāš
11 000 000 000 ḥḍāš məlyāṛ
15 000 000 000 xəmsṭāš məlyāṛ
20 000 000 000 ԑəšrīn məlyāṛ
34 000 000 000 əṛbԑa u tlātīn məlyāṛ
99 000 000 000 təsԑa u təsԑīn məlyāṛ

Pour compter de onze milliards à dix-neuf milliards, on peut aussi employer les formes
des dizaines qui sont utilisées à l’état construit (cf. 5.1.2.4.).

29
On ne dit pas *tnīn məlyāüāt.

213
11 000 000 000 ḥḍāšəl-məlyāṛ
15 000 000 000 xəmsṭāšəl-məlyāṛ

Lorsqu’on compte les centaines de milliards, on emploie les noms de nombre


composés à l’état construit.

100 000 000 000 mīyt-məlyāṛ


200 000 000 000 mīytēn məlyāṛ
300 000 000 000 təlt-mīyt-məlyāṛ

5.1.2.
5.1.2. L’état construit
A l’état construit, il n’y a qu’une seule possibilité : le nom compté suit directement le
nom de nombre, dans une construction synthétique. On étudiera, dans un premier
temps, le nombre un, puis le nombre deux, la construction de trois à dix et la
construction de onze à vingt. Ensuite, on traitera de la construction à partir de vingt
jusqu’aux centaines, puis les milliers, les millions et les milliards.

5.1.2.1.
5.1.2.1. Le nombre 1
Un se construit avec une marque Ø ; on emploie le mot compté seul.

1 Ø ktāb « un livre »
Ø šīša « une bouteille »

Pour insister sur l’unicité, on place le numéral wāḥəd « un » ou wāḥda « une », qu’on
accorde en genre, juste après le nom compté.

1 wəld wāḥəd « un (seul) fils »


1 bənt wāḥda « une (seule) fille »

5.1.2.2.
5.1.2.2. Le nombre 2
Pour compter deux choses, on peut soit employer le duel, soit utiliser le nom de
nombre zōz « deux » à l’état absolu suivi de l’objet compté au pluriel.

5.1.2.2.1. Le duel
Le duel se construit en suffixant le morphème -ēn au nom.

2 ktābēn « deux livres » (< ktāb)


bābēn « deux portes » (< bāb)

214
ḥōšēn « deux maisons » (< ḥōš)
məftāḥēn « deux clés » (< məftāḥ)
bəntēn « deux filles » (< bənt)

Lorsqu’on suffixe le morphème de duel -ēn, suffixe à initiale vocalique, à des noms
qui se terminent par le suffixe -a(t), on note la réapparition du -t du suffixe -a(t).

2 səyyāṛtēn « deux voitures » (< səyyāṛa[t])


xəṭwtēn « deux pas » (< xəṭwa[t])

Les termes empruntés au turc, à l’italien et même plus récemment à l’anglais peuvent
revêtir la forme du duel.

2 kāšīkēn « deux cuillères » (< kāšīk)


gūmīstīyēn « deux vulcanisateurs » (< gūmīsti)
ṭuëëūwēn « deux tubes » (< ṭuëëu)
sīmāfrōwēn « deux feux tricolores » (< sīmāfro)
māṛšābēdīyēn « deux trottoirs » (< māṛšābēdi)
ëāltēn « deux pelles » (< ëāla)
úōëāylēn « deux téléphones portables » (< úōëāyl)

5.1.2.2.2. zōz « deux » + pluriel


Pour compter deux choses, on peut également employer une construction au moyen du
nom de nombre zōz « deux » suivi de la notion comptée au pluriel 30.

2 zōz ktābāt « deux livres »


zōz ḥyāš « deux maisons »
zōz mfātīḥ « deux clés »

Par ailleurs, certains termes ne peuvent pas être employés au duel, notamment les
substantifs qui se terminent déjà par un suffixe. Cela concerne, par exemple, tous les
noms qui se terminent par le suffixe -ži ~ -ği, emprunté au turc (< -çe), servant à
former des noms de métiers ou d’occupation.

2 zōz gəhwāžīya « deux cafetiers »


zōz ṛōbānğīya « deux escrocs »

30
On n’emploie jamais tnēn ~ tnīn à l’état construit.

215
zōz ṛōkāğīya « deux rockeurs »
zōz būxāğīya « deux buveurs d’eau de vie de figues »

5.1.2.3.
5.1.2.3. Les nombres de 3 à 10
Lorsqu’on compte un objet de trois à dix, les noms de nombre à l’état construit
peuvent être utilisés sous deux formes différentes : une forme identique à celle des
noms de nombre à l’état absolu, ou bien sous une autre forme, où il y a réduction
vocalique, puis permutation de la voyelle, pour des raisons de structure syllabique (il
s’agit des formes utilisées dans la construction des centaines [cf. 5.1.1.4.], des milliers
[cf. 5.1.1.5.], des millions [5.1.1.6.]). Dans la construction de trois à dix, on appose le
nom compté au nom de nombre et l’objet compté est au pluriel.

3 tlāta məṛṛāt təlt-məṛṛāt « trois fois »


4 əṛbԑa dyāṛ əṛbԑ-dyāṛ « quatre pièces »
5 xəmsa nəqqālāt xəms-nəqqālāt « cinq téléphones portables »
6 sətta žūməl sətt-žūməl « six phrases »
7 səbԑa bṭāṭīn səbԑ-bṭāṭīn « sept couvertures »
8 tmānya šārīkāt təmn-šārīkāt « huit firmes »
9 təsԑa ktābāt təsԑ-ktābāt « neuf livres »
10 ԑəšṛa dgāyəg ԑəšṛ-dgāyəg « dix minutes »

A l’état construit, lorsqu’on emploie un nom de nombre composé qui se termine par
une unité comprise entre deux et dix, on accorde toujours la notion comptée au pluriel,
en suivant les règles d’accord étudiées ici ; c’est-à-dire qu’on accorde toujours l’objet
compté avec le dernier élément qui compose le nom de nombre.

5.1.2.4.
5.1.2.4. Les nombres de 11 à 20
Les noms de nombre de onze à dix-neuf prennent, à l’état construit, une forme
particulière, produit de la réunion et d’une contraction des noms d’unité et de ԑašara
« dix » (D. COHEN 1975 : 231). On comparera les formes de l’arabe de Tripoli actuel
avec celle de l’arabe littéral, variété d’arabe plus archaïque, qui permet une
comparaison diachronique 31.

En arabe littéral, lorsqu’on compte un substantif masculin, le nom de nombre est à la


forme féminine.

31
On emprunte ici largement aux commentaires de Dominique CAUBET pour l’arabe marocain
(CAUBET 1993 I : 151).

216
  ŧalāŧatu rağulin « trois hommes »

Quand on compte un substantif féminin, le nom de nombre est à la forme masculine.

‫ث
ت‬ ŧalāŧu binātin « trois filles »

En arabe littéral, les noms de nombre de onze à dix-neuf sont des noms composés,
dont la deuxième partie s’accorde en genre avec le substantif quantifié, alors que la
première partie est au genre opposé. La forme réservée aux substantifs masculins est
donc composée d’une première partie au féminin et d’une deuxième au masculin.

‫  ا‬ ŧalāŧata ԑašara waladan « treize garçons »

La forme réservée aux substantifs féminins est composée d’une première partie au
masculin et d’une deuxième au féminin.


 ‫ث ة‬ ŧalaŧa ԑašaratan bintan « treize filles »

L’état absolu du parler arabe de Tripoli actuel procèderait d’une contraction à partir de
la forme de l’état construit réservée aux substantifs masculins. Par exemple :

*xams-a[t] ԑašar aurait abouti à xəmsṭāš « quinze ».

La disparition du ԑ et du r final aurait été compensé par l’allongement vocalique : *ṭāš.


L’emphatisation reste incertaine, tel que le souligne David COHEN, dans son étude sur
le parler arabe des Juifs de Tunis (D. COHEN 1975 : 231) : « Ces formes sont le
produit de l’agglutination et d’une contraction des noms d’unités suivis du nom de
‘dix’. Le ԑ de ce nom subsiste dans divers parlers occidentaux, mais surtout orientaux.
Dans les formes maghribines, sa chute est compensée par la voyelle longue.
L’emphase reste énigmatique. On pourrait penser que le ԑ a été en quelque sorte
absorbé par le t qu’il a vélarisé ».

A Tripoli, à l’état construit, le r réapparaîtrait sous la forme d’une autre liquide : l 32.
La liquide l se comporte comme l’article l- : lorsque l’objet compté commence par une

32
Dans d’autres parlers arabes de type maghrébin, elle réapparaît sous la forme d’une liquide n ou r. A
ce sujet, Ph. MARÇAIS a écrit : « Lorsque l’annexion est directe, le nom de la notion comptée est au
singulier, et un élément de liaison (sans doute vestige du r de ԑăšăr) unit le numéral au nom qui le suit.
Cet élément de liaison est

217
consonne solaire, la liquide l est assimilée par cette dernière ; lorsque l’objet compté
commence par une consonne suivie d’une voyelle, on place un ə avant la liquide : əl- ;
lorsque l’objet compté commence par un groupe de deux consonnes, un ə est placé
entre la liquide et le groupe de consonnes : lə-.

A partir de onze et jusqu’à l’infini, l’objet compté est au singulier.

11 ḥḍāšəl-məṛṛa « onze fois »


12 ṭùāšəd-dāṛ « douze pièces »
13 tluṭṭāšən-nəqqāl « treize téléphones portables »
14 əṛbəԑṭāšəž-žumla « quatorze phrases »
15 xəmsṭāšəl-bəṭṭānīya « quinze couvertures »
16 suṭṭāšəš-šārīka « seize firmes »
17 səbԑṭāšlə-ktāb « dix-sept livres »
18 tumnṭāšəl-ԑām « dix-huit ans »
19 təsԑṭāšəl-ḥōš « dix-neuf maisons »

On inclue le nom de nombre vingt dans cette liste, car il y a une hésitation sur sa
construction. Il peut se comporter comme les dizaines de onze à dix-neuf : par
analogie avec la construction qui concerne les noms de nombre de onze à dix-neuf, on
insère l’élément -(ə)l- entre vingt et la notion comptée 33.

20 ԑəšrīn-əl-bāb « vingt portes »


ԑəšrīn-lə-ktāb « vingt livres »

- ən dans la plupart des parlers algériens, citadins, ruraux et bédouins, et dans les parlers
tunisiens et, partiellement, libyens (au Fezzan) : ḥdāš-ən-bəqüa "onze vaches", ŧləṭṭāš-ən-məṛṛa
"treize fois" ;
- əl dans les villes marocaines, en Oranie (Tlemcen et Nédroma) et en Tripolitaine : °nāš-əl-ԑām
"douze ans", sə°°āš-əl-kās "seize verres" ;
- ər dans le Sud marocain, le Sud oranais, la région du Nord de Taza (au Maroc) et en
Cyrénaïque : ăübăԑ°āš-ər-yūm "quatorze jours", sbăԑ°āš-ər-jməl "dix-sept chameaux" ;
et l’on constate, ici et là, qu’il y a des cas d’assimilation de cet élément de liaison à la première radicale
du mot (notamment quand cet élément est əl-, identique à l’article défini) : ŧmən°āԑəš-əü-üājəl "dix-huit
hommes", °nāš-əs-sbūla "douze épis" » (Ph. MARÇAIS 1977 : 178).
33
Pour l’arabe marocain Dominique CAUBET a également relevé une hésitation sur la construction avec
le nombre 20, mais d’un autre ordre. En effet, au Maroc, on peut employer ԑəšrīn dans une construction
analytique : ԑəšrīn d-əl-ktūb et dans une construction synthétique ԑəšrīn ktāb « vingt livres » ; la
construction par simple juxtaposition du nom de nombre avec la notion comptée au singulier n’est
effective qu’à partir du nombre 21 (CAUBET 1993 I : 152-153).

218
ԑəšrīn-əs-səyyāṛa « vingt voitures »

5.1.2.5.
5.1.2.5. Les nombres de 20 à 99
Les substantifs quantifiés sont à l’état construit et au singulier. On appose le nom de la
notion comptée au singulier au nom de nombre.

20 ԑəûrīn yōm « vingt jours »


21 wāḥəd u ԑəšrīn məṛṛa « vingt et une fois »
22 tnēn u ԑəšrīn wəld « ving-deux garçons »
23 tlāta u ԑəšrīn bənt « ving-trois filles »
24 əṛbԑa u ԑəšrīn ktāb « ving-quatre livres »
25 xəmsa u ԑəšrīn bāb « ving-cinq portes »
26 sətta u ԑəšrīn səyyāṛa « ving-six voitures »
27 səbԑa u ԑəšrīn ԑām « vingt-sept ans »
28 tmānya u ԑəšrīn šīša « vingt-huit bouteilles »
29 təsԑa u ԑəšrīn ṭāsa « vingt-neuf verres »

30 tlātīn kāšīk « trente cuillères »


40 əṛbԑīn šōka « quarante fourchettes »
50 xəmsīn mūs « cinquante couteaux »
60 səttīn ḥukka « soixante canettes »
70 səbԑīn ḥûān « soixante-dix chevaux »
80 tmānīn ḥərf « quatre-vingt lettres »
90 təsԑīn kəlma « quatre-vingt-dix mots »

5.1.2.6.
5.1.2.6. Les nombres de 100 à 999
A l’état construit, la forme féminine mīya(t) revêt la forme mīyt-, où le -t apparaît en
cas de liaison, dans une construction synthétique, où on appose le nom de la notion
comptée au nom de nombre.

100 mīyt-ktāb « cent livres »


101 mīya u wāḥəd məṛṛa « cent et une fois »
102 mīya u ktābēn « cent deux livres »

Lorsque le nom de nombre se termine par un nombre compris entre deux et dix, alors
on accorde la notion comptée au pluriel comme cela a été examiné en 1.2.3.

102 mīya u zōz ktābāt « cent deux livres »

219
103 mīya u tlāta ṭwāûi « cent trois verres »
mīya u təlt-ṭwāûi « cent trois verres »
107 mīya u səbԑa klāb « cent sept chiens »
mīya u səbԑ-klāb

Lorsque le nom de nombre se termine par une dizaine comprise entre onze et dix-neuf,
on emploie les formes particulières que prennent ces dizaines à l’état construit, tel que
cela a été étudié en 1.2.4. A partir de onze, l’objet compté s’accorde au singulier.

115 mīya u xəmsṭāšəl-yōm « cent quinze jours »


176 mīya u sətta u səbԑīn ԑām « cent soixante-seize ans »

Deux cents a une forme figée de duel.

200 mīytēn šārīka « deux cents firmes »

A partir de trois cents, les noms de nombre eux-mêmes sont des noms composés, à
l’état construit.

300 təlt-mīyt-səyyāṛa « trois cents voitures »


400 əṛbəԑ-mīyt-məṛṛa « quatre cents fois »
500 xəms-mīyt-wəld « cinq cents garçons »
600 sətt-mīyt-bənt « six cents filles »
700 səbԑ-mīyt-šīša « sept cents bouteilles »
800 təmn-mīyt-ktāb « huit cents livres »
900 təsԑ-mīyt-kəlma « neuf cents mots »

5.1.2.7.
5.1.2.7. Les milliers
A l’état construit, on juxtapose le nom de nombre et le nom de la notion comptée au
singulier. Lorsqu’on compte les milliers de deux à vingt, on accorde comme si on
comptait des unités ou des dizaines, tel que cela a été étudié précédemment.

1 000 āləf ktāb « mille livres »

Lorsque le nom de nombre se termine par un nombre compris entre deux et dix, alors
on accorde l’objet compté au pluriel, comme cela a été étudié en 1.2.3.

1002 āləf u zōz ktābāt « mille deux livres »

220
1003 ālf u tlāta ktābāt « mille trois livres »
ālf u təlt-ktābāt « mille trois livres »
1 007 ālf u səbԑa īyām « mille sept jours »
ālf u səbԑ-īyām « mille sept jours »
1010 ālf u ԑəšṛa ktābāt « mille dix livres »
ālf u ԑəšəṛ-ktābāt « mille dix livres »

Lorsque le nom de nombre se termine par une dizaine comprise entre onze et dix-neuf,
on emploie les formes particulières que prennent ces dizaines à l’état construit, tel que
cela a été étudié en 1.2.4. A partir de onze, l’objet compté s’accorde au singulier.

1011 ālf u ḥḍāšlə-ktāb « mille onze livres »


1015 ālf u xəmûṭāšəl-məṛṛa « mille quinze fois »
1020 ālf u ԑəšrīn ktāb « mille vingt livres »
1021 ālf u wāḥəd u ԑəšrīn ktāb « mille vingt et un livres »

Pour dire deux mille, on emploie une forme figée au duel.

2 000 ālfēn ԑām « deux mille ans »

A partir de trois mille, les noms de milliers sont aussi des noms composés qui se
forment à l’état construit. Entre trois mille et dix mille, on emploie la forme ālāf
« milliers » au pluriel.

3 000 təlt-ālāf ԑām « trois mille ans »


tlāt-ālāf ԑām « trois mille ans »
4 000 əṛbԑ-ālāf ԑām « quatre mille ans »
5 000 xəms-ālāf ԑām « cinq mille ans »
6 000 sətt-ālāf ԑām « six mille ans »
7 000 səbԑ-ālāf ԑām « sept mille ans »
8 000 təmn-ālāf ԑām « huit mille ans »
9 000 təsԑ-ālāf ԑām « neuf mille ans »
10 000 ԑəšr-ālāf ԑām « dix mille ans »

11 000 ḥḍāšəl-ālf ԑām « onze mille ans »

20 000 ԑəšrīn ālf ԑām « vingt mille ans »


100 000 mīyt-ālf ԑām « cent mille ans »

221
100 004 mīyt-ālf w əṛbəԑ-snīn « cent mille quatre ans »
mīyt-ālf u əṛbԑa snīn « cent mille quatre ans »
200 000 mīytēn ālf ԑām « deux cent mille ans »
300 000 təlt-mīyt-ālf ԑām « trois cent mille ans »

5.1.2.8.
5.1.2.8. Les millions
A l’état construit, on juxtapose le nom de nombre et l’objet compté.

1 000 000 məlyōn žni « un million de Dinars »


1 000 002 məlyōn u ktābēn « un million et deux livres »
məlyōn u zōz ktābāt « un million et deux livres »

Pour compter deux millions, on peut employer la forme au duel.

2 000 000 məlyōnēn žni « deux millions de Dinars »

On peut également employer les formes construites au moyen de zōz ou tnīn « deux »,
suivis du nom de nombre, puis de la notion comptée au pluriel.

2 000 000 zōz məlyōn ktāb « deux millions de livres »


tnīn məlyōn žni « deux millions de Dinars »

A l’état construit, on n’emploie pas la forme au pluriel zōz mlāyīn employée à l’état
absolu.

Lorsqu’on compte les millions de trois à dix, les noms de nombre sont des noms
composés à l’état construit, tel que cela a été étudié pour l’état absolu, suivis de la
notion comptée au singulier.

3 000 000 tlāta məlyōn žni « trois millions de Dinars »


tlāta mlāyīn žni « trois millions de Dinars »
təlt-māyīn žni « trois millions de Dinars »

7 000 000 səbԑa məlyōn žni « sept millions de Dinars »


səbԑa mlāyīn žni « sept millions de Dinars »
səbԑ-mlāyīn žni « sept millions de Dinars »

10 000 000 ԑəšṛa məlyōn žni « dix millions de Dinars »

222
ԑəšṛa mlāyīn žni « dix millions de Dinars »
ԑəšṛ-mlāyīn žni « dix millions de Dinars »

Lorsqu’on compte les millions de onze à dix-neuf, on emploie les noms de nombre
composés à l’état construit.

11 000 000 ḥḍāšəl-məlyōn ktāb « onze millions de livres »


15 000 000 xəmsṭāšəl-məlyōn žni « quinze millions de Dinars »

A partir de vingt, on juxtapose les noms de nombre et on obtient un nom de nombre


composé.

37 000 000 səbԑa u tlātīn məlyōn žni


« trente-sept millions de Dinars »

Si le nom de nombre utilisé se termine par un nombre compris entre deux et dix, alors
on accorde l’objet compté au pluriel, en suivant les règles d’accord étudiées avec les
noms de nombre compris entre deux et dix (cf. 5.1.2.3.).

3 000 002 tlāta məlyōn u zōz ktābāt


« trois millions deux livres »

5 200 007 xəmsa məlyōn u mīytēn ālf u səbԑa ktābāt


« trois millions deux cent mille sept livres »

7 000 010 səbԑa məlyōn u ԑəšṛa ktābāt


« sept millions dix livres »

Si ce nombre se termine par une dizaine comprise entre onze et vingt, alors, on
emploiera cette dizaine à l’état construit, avec les formes particulières, tel que cela a
été étudié en 1.2.4., suivi de la notion comptée au singulier.

8 000 013 tmānya məlyōn u tluṭṭāšəl-ktāb


« huit millions treize livres »

9 000 014 təsԑa məlyōn u əṛbəԑṭāšəl-ktāb


« neuf millions quatorze livres »

223
Si le nom de nombre se termine par un nombre à partir de vingt, alors on juxtapose les
noms de nombre, en respectant l’ordre millions, milliers, centaines, unités, dizaines,
suivi de la notion comptée au singulier.

4 275 198 əṛbԑa məlyōn u mīytēn u xəmsa u səbԑīn ālf u mīya u


tmānya u təsԑīn ktāb « quatre millions deux cent
soixante-quinze mille cent quatre-vingt-dix-huit livres »

5.1.2.9.
5.1.2.9. Les
Les milliards
A l’état construit, on juxtapose le nom de nombre et la chose comptée.

1 000 000 000 məlyāṛ žni « un milliard de Dinars »


1 000 000 002 məlyāṛ u ktābēn « un milliard deux livres »
məlyāṛ u zōz ktābāt « un milliard deux livres »

Pour compter deux milliards, on peut employer la forme au duel.

2 000 000 000 məlyāṛēn žni « deux milliards de Dinars »

La forme au duel alterne avec l’emploi de la construction au moyen du nom de


nombre zōz suivi de la notion comptée. Lorsqu’on compte les milliards de deux à dix,
məlyāṛ est toujours au singulier.

2 000 000 000 zōz məlyāṛ ktāb « deux milliards de livres »


tnīn məlyāṛ ktāb « deux milliards de livres »

A l’état construit, on n’emploie pas le pluriel məlyāṛāt employé à la forme absolue zōz
məlyāṛāt « deux milliards ».

A partir de trois milliards, on peut employer toutes les formes étudiées à l’état absolu,
suivies de la notion comptée au singulier, à condition qu’il ne s’agisse pas d’un nom
de nombre qui se termine par un nombre compris entre deux et dix.

7 000 000 000 səbԑa məlyāṛ žni « sept milliards de Dinars »

224
8 563 500 712 tmānya məlyāṛ u xəms-mya u tlāta u səttīn məlyōn u
xəms-mīyt-ālf u səbԑ-mīya u ṭùāšəl-ktāb
« huit milliards cinq cent soixante-trois millions cinq
cent mille sept cent douze livres »

11 000 000 000 ḥḍāšəl-məlyāṛ ktāb « onze milliards de livres »

15 000 000 000 xəmsṭāšəl-məlyāṛ ktāb « quinze milliards de livres »

37 000 000 000 səbԑa u tlātīn məlyāṛ žni


« trente-sept milliards de Dinars »

Si le nom de nombre utilisé se termine par un nombre compris entre deux et dix, alors
on accordera l’objet compté au pluriel, en suivant les règles d’accord étudiées avec les
noms de nombre compris entre deux et dix (cf. 5.1.2.3. et 5.1.2.4.).

3 000 000 002 tlāta məlyāṛ u zōz ktābāt « trois milliards deux livres »

5 000 200 007 xəmsa məlyāṛ u mīytēn ālf u səbԑa ktābāt


« cinq milliards deux cent mille sept livres »

7 000 000 010 səbԑa məlyāṛ u ԑəšṛa ktābāt


« sept milliards dix livres »

Si ce nombre se termine par une dizaine comprise entre onze et vingt, alors, on
emploiera cette dizaine à l’état construit, avec les formes particulières, tel que cela a
été étudié en 1.2.4.

8 000 000 013 tmānya məlyāṛ u tluṭṭāšəl-ktāb


« huit milliards treize livres »

9 000 000 014 təsԑa məlyāṛ u əṛbəԑṭāšəl-ktāb


« neuf milliards quatorze livres »

5.2.
5.2. Les ordinaux
Ce sont des adjectifs. Lorsqu’ils sont épithètes, ils sont placés après les substantifs et
ils s’accordent en genre, en nombre et en détermination avec le substantif qu’ils
qualifient.

225
l-yōm əl-ūwəl
le-jour le-premier
« Le premier jour »
s-sne t-tānya
l’-année la-deuxième
« La deuxième année »

š-šhūṛ əl-əwlīn
les-mois les-premiers
« Les premiers mois ».

l-məṛṛāt ət-tāltāt
les-fois les-troisièmes
« Les troisièmes fois »

5.2.1.
5.2.1. Les ordinaux de 1 à 11
Les adjectifs ordinaux de un à onze sont construits sur la même racine que les
cardinaux, sur le schème C1āC2əC3, à l’exception de « premier », « première »,
« premiers » et « premières » qui sont de racine √’wl, alors que le cardinal wāḥəd
« un » est de racine √’ḥd. De plus, ces derniers se construisent sur un schème différent.

Aussi, « sixième » et « sixièmes » sont formés sur la racine √sds et non pas sur la
racine √stt 34.

Le tableau suivant contient les formes des ordinaux du premier au onzième.

34
Dans de nombreux parlers arabes, on trouve la forme sātət de racine √stt ; elle n’est pas inconnue à
Tripoli, mais elle n’est pas employée dans le parler actuel.

226
Singulier Pluriel
Ordinal Masculin Féminin Masculin Féminin
1er əl-əwwəl ~ əl-ūwəl əl-əwla ~ əl-ūla əl-əwlīn ~ əl-ūlīn əl-əwlāt ~ əl-ūlāt
e
2 ət-tāni ət-tānya ət-tānyīn ət-tānyāt
e
3 ət-tālət ət-tālta ət-tāltīn ət-tāltāt
4e əṛ-ṛābəԑ əṛ-ṛābԑa əṛ-ṛābԑīn əṛ-ṛābԑāt
5e əl-xāməs əl-xāmsa əl-xāmsīn əl-xāmsāt
e
6 əs-sādəs əs-sādsa əs-sādsīn əs-sādsāt
7e əs-sābəԑ əs-sābԑa əs-sābԑīn əs-sābԑāt
8e ət-tāmən ət-tāmna ət-tāmnīn ət-tāmnāt
e
9 ət-tāsəԑ ət-tāsԑa ət-tāsԑīn ət-tāsԑāt
e
10 əl-ԑāšər əl-ԑāšra əl-ԑāšrīn əl-ԑāšrāt
11e əl-ḥāḍəš ~ lə-ḥḍāš əl-ḥāḍša əl-ḥāḍšīn əl-ḥāḍšāt

Il y a une hésitation sur la construction de « onzième » ; on trouve, les formes


variables en genre et en nombre sur le schème C1āC2əC3 et la forme invariable lə-ḥḍāš.

5.2.2.
5.2.2. Les ordinaux à partir de 11
A partir de onze, les ordinaux ne se construisent pas sur un schème spécifique ; on
emploie le cardinal déterminé au moyen de l’article l-.

11e lə-ḥḍāš
12e ṭ-ṭnāš
e
13 t-tluṭṭāš
e
20 l-ԑəšrīn
21e l-wāḥəd u ԑəšrīn
e
99 t-təsԑa u təsԑīn
100e l-mīya
e
165 l-mīya u xəmsa u səttīn
e
300 t-təlt-mīya
1000e l-āləf

Les ordinaux sont généralement employés comme épithètes, mais on peut également
les trouver comme attributs.

227
žāb ət-tāni f-əl-’imtiḥān.
il a répondu le-deuxième dans-l’-examen
« Il a été classé deuxième à l’examen. »

že t-tālət f-əl-ləԑba.
il est venu le-troisième dans-le-jeu
« Il a été classé troisième au jeu ».

žāb əl-əwwəl f-əl-məwḍūԑ hāda.


il a répondu le-premier dans-le-sujet celui-ci
« Il a été classé premier à ce sujet ».

5.3.
5.3. Les fractions
Les trois fractions les plus employées sont la moitié, le tiers, le quart et leurs
composés.

1/2 nuûû
1/3 təlt
1/4 ṛubԑ
2/3 təltēn
3/4 təlt-ṛbāԑ

On les utilise à l’état construit :

nuûû-xubza
demi-pain
« un demi pain »

təlt-sāԑa
tiers-heure
« vingt minutes »

ṛubԑ-sāԑa
quart-heure
« un quart d’heure »

Les autres fractions se construisent sur le schème C1uC2C3.

228
1/5 xums
1/6 suds
1/7 subԑ
1/8 tumn
1/9 tusԑ
1/10 ԑušṛ

A partir de 1/11, on emploie une construction au moyen de la préposition ԑle « sur ».

1/11 wāḥəd ԑlē ḥḍāš


un sur onze
« un onzième »

2/25 zōz ԑlē xamsa u ԑašrīn


deux sur cinq et vingt
« deux vingt-cinquième »

5.4.
5.4. Les pourcentages
Les pourcentages s’expriment au moyen de la formule f-əl-mīya.

50 % xəmsīn f-əl-mīya
cinquante dans-le-cent
« Cinquante pour cent »

80 % tmānīn f-əl-mīya
quatre-vingt dans-le-cent
« Quatre-vingt pour cent »

Pour exprimer les « pour mille », on a recours à la formule m-əl-āləf.

3‰ tlāta m-əl-āləf
trois de-le-mille
« Trois pour mille »

27 ‰ səbԑa u ԑəšrīn m-əl-āləf


sept et vingt de-le-mille
« Vingt-sept pour mille »

229
5.5.
5.5. L’heure
Pour demander l’heure, on pose la question suivante :

gəddāš əs-sāԑa ?
combien l’-heure
« Quelle heure est-il ? »

Ou bien, dans l’ordre inverse :

s-sāԑa gəddāš ?
l’-heure combien
« Quelle heure est-il ? »

Pour répondre, on peut dire l’heure en débutant l’énoncé par s-sāԑa « l’heure », dans
un énoncé nominal, suivi des cardinaux, sans l’article l-.

s-sāԑa ṭnāš.
l’-heure douze
« Il est midi (ou minuit). »

Mais on peut également dire l’heure directement, sans employer s-sāԑa « l’heure ».

wāḥəd u xəmsa.
une et cinq
« Une heure cinq. »

Pour dire les heures pleines, on emploie le cardinal correspondant, de un à douze, i.e.
de wāḥəd à ṭnāš.

12h s-sāԑa ṭnāš


(l’-heure douze)

04h s-sāԑa əṛbԑa.


(l’-heure quatre)

Lorsqu’on ajoute les minutes, on emploie la conjonction u ~ w « et ».

230
01h05 s-sāԑa wāḥəd u xəmsa
(l’-heure une et cinq)
s-sāԑa wāḥəd u xəms-dgāyəg
(l’-heure un et cinq-minutes)

02h10 s-sāԑa tnīn u ԑəšṛa


(l’-heure deux et dix)
s-sāԑa tnīn u ԑəšṛ-dgāyəg
(l’-heure deux et dix-minutes)

03h15 s-sāԑa tlāta u ṛubԑ


(l’-heure trois et quart)
s-sāԑa tlāta u xəmsṭāšəd-dgīga
(l’-heure trois et quinze-minute)

04h20 s-sāԑa əṛbԑa u təlt


(l’-heure quatre et tiers)
s-sāԑa əṛbԑa u ԑašrīn dgīga
(l’-heure quatre et vingt minute)

05h25 s-sāԑa xəmsa u nuûû əlla (~ ġēr) xəmsa


(l’-heure cinq et demi moins cinq)
s-sāԑa xəmsa u xəmsa u ԑašrīn dgīga
(l’-heure cinq et cinq et vingt minute)

06h30 s-sāԑa sətta u nuûû


(l’-heure six et demi)
s-sāԑa sətta u tlātīn dgīga
(l’-heure six et trente minute)

07h35 s-sāԑa səbԑa u nuûû u xəmsa


(l’-heure sept et demi et cinq)
s-sāԑa səbԑa u xəmsa u tlātīn dgīga
(l’-heure sept et cinq et trente minute)

A partir de la minute quarante, on soustrait les minutes à l’heure qui suit. Lorsqu’on
soustrait les minutes, on emploie les prépositions əlla ou ġēṛ « moins ».

231
08h40 s-sāԑa təsԑa əlla (~ ġēr) təlt
(l’-heure neuf moins tiers)
s-sāԑa tmānya w əṛbԑīn dgīga
(l’-heure neuf et quarante minute)

09h45 s-sāԑa ԑəšṛa əlla (~ ġēr) ṛubԑ


(l’-heure dix moins quart)
s-sāԑa təsԑa u xəmsa w əṛbԑīn dgīga
(l’-heure dix et cinq et quarante minute)

10h50 s-sāԑa ḥḍāš əlla (~ ġēr) ԑəšṛa


(l’-heure onze moins dix)
s-sāԑa ԑəšṛa u xəmsīn dgīga
(l’-heure douze et cinquante minute)

11h55 s-sāԑa ṭnāš əlla (~ ġēr) xəmsa


(l’-heure douze moins cinq)
s-sāԑa ḥḍāš u xəmsa u xəmsīn dgīga
(l’-heure onze et cinq et cinquante minute)

5.6.
5.6. Les jours de la semaine
En arabe de Tripoli, les jours de la semaine s’expriment, dans une construction
synthétique, au moyen du substantif yōm « jour » : yōm-əl- « le jour de… ». De plus,
les jours de la semaine ont presque tous (à l’exception de vendredi), une racine d’ordre
numéral ; le premier correspond au dimanche.

Dimanche yōm-l-əḥədd
Lundi yōm-ət-tnīn
Mardi yōm-ət-tlāt
Mercredi yōm-l-əṛbəԑ
Jeudi yōm-lə-xmīs
Vendredi yōm-əž-žumԑa
Samedi yōm-əs-səbt

5.7.
5.7. Datation
Pour demander la date, on pose la question suivante :

232
əl-yōm šīni ?
le-jour quoi
« C’est quel jour aujourd’hui ? / Quel jour sommes-nous ? »

Pour exprimer la date, on emploie le cardinal.

əl-yōm lə-xmīs suṭṭāš nōvāmbər alfēn u sətta


le- jour le-jeudi seize novembre deux mille et six
« Aujourd’hui nous sommes le jeudi 16 novembre 2006 ».

A titre indicatif, voici la liste des mois de l’année, tels qu’ils sont employés dans le
parler arabe de Tripoli.

Janvier yānāyər
Février fəbṛāyər
Mars māṛəs
Avril ābrīl
Mai úāyu
Juin yūnyu
Juillet yūlyu
Août āġōûṭuû
Septembre səptāmbər
Octobre ōktōbər
Novembre nōvāmbər
Décembre dīsāmbər

Pour indiquer les mois on emploie également les cardinaux.

Janvier wāḥəd
Février tnīn
Mars tlāta
Avril əṛbԑa
Mai xəmsa
Juin sətta
Juillet səbԑa
Août tmānya
Septembre təsԑa
Octobre ԑəšṛa

233
Novembre ḥḍāš
Décembre ṭnāš

Le gouvernement libyen a, par ailleurs, introduit, dans les années 1980, une nouvelle
série de mois de l’année, qui sont notamment employés dans les documents officiels
libyens et dans la presse libyenne.

Janvier ’ayy an-nāṛ ‫أي ا


ر‬ ‘où est le feu’
Février an-nuwwāṛ ‫اار‬ ‘les fleurs’
Mars ar-rabīԑ ‫ا‬ ‘le printemps’
Avril aṭ-ṭayr ‫ا‬ ‘l’oiseau’
Mai al-mā’ ‫ا
ء‬ ‘l’eau’
Juin aṣ-ṣayf !"‫ا‬ ‘l’été’
Juillet nāṣir #
Gamal Abdel Nasser (mois du
coup d’état de Gamal Abdel
Nasser, le 23 juillet 1952)
Août hānībāl ‫ه

ل‬ Hannibal
Septembre al-fātiḥ &'
(‫ا‬ ‘l’ouverture, le premier jour du
mois’ (jour de la révolution de
Kadhafi, le 1er septembre 1969)
Octobre at-tumūr ‫ا')ر‬ ‘les dattes’
Novembre al-ḥarŧ ‫ا*ث‬ ‘le labour’
Decembre al-kānūn ‫
ن‬,‫ا‬ ‘le poêle’

234
PRONOMS PERSONNELS

Il y a deux sortes de pronoms personnels en arabe : les pronoms personnels


indépendants et les pronoms qui peuvent se suffixer à des verbes, à des substantifs ou à
des prépositions.

1. Les pronoms personnels indépendants


On examinera les pronoms utilisés isolément et les pronoms traités en combinaison.

1.1. Les pronoms utilisés isolément


Dans le parler arabe de Tripoli, la distinction de genre n’existe qu’à la deuxième et à la
troisième personne du singulier 1.

SG. 1. āne PL. 1. ône


2.m. ənta 2. əntu
2.f. ənti
3.m. hūwa 3. humma
3.f. hīya

On rencontre généralement les pronoms utilisés isolément en position de complément


de rang 0 (C0) 2. Lorsqu’ils sont employés avec des formes verbales, ils sont souvent
redondants, étant donné que les verbes conjugués contiennent tous un indice de
personne.

āne nəbbi duxxān.


moi je veux tabac
« Moi, je veux des cigarettes. »

hūwa yə°ləε m-əl-ôōš.


lui il sort de-la-maison
« Lui, il sort de la maison. »

1.2. Les pronoms utilisés en combinaison


Pour combiner les pronoms indépendants entre eux, on a recours à la conjonction de
coordination wīyā- « avec », à laquelle on suffixe les pronoms. Voici les combinaisons
possibles :

1
Ce n’est pas le cas dans d’autres parlers arabe de Libye, notamment en Cyrénaïque et au Fezzân. En
Cyrénaïque, on trouve les formes ’intu « vous (masc.) » et ’intan « vous (fém.) », puis les formes hum
« eux » et hin « elles » (OWENS 1984 : 91). Ester PANETTA a relevé les formes suivantes dans le parler
arabe de Benghazi : éntu, éntum « vous (masc.) » et éntan « vous (fém.) », ainsi que humma, hum « eux »
et hénna, hen « elles » (PANETTA 1943 : 123). Au Fezzân, on distingue ¡ntŭm « vous (masc.) » de ¡ntĕn
« vous (fém.) » et h“m, h“mma « eux » de h¡n, h¡nna « elles » (Ph. MARÇAIS 2001 : 173-175). On
observe également cette distinction de genre dans les parlers du Sud tunisien : ntum, ántom « vous
(masc.) », nten, ánten « vous (fém.) » (BORIS 1958 : 15).
2
Dans la théorie de l’énonciation élaborée par Antoine CULIOLI, plutôt que d’utiliser les termes trop
chargés sémantiquement de sujet, complément d’objet, complément d’attribution, etc., on n’indique que
le positionnement de surface des termes ; on les appelle complément de rang 0 (C0), complément de rang
1 (C1) et complément de rang 2 (C2), etc. A ce sujet, voir CULIOLI 1976 : 94-100 et CAUBET 1993 II : 2.

235
āne wīyā-k « toi et moi »
āne wīyā-h « lui et moi »
āne wīyā-ha « elle et moi »
āne wīyā-kum « vous et moi »
āne wīyā-hum « eux et moi »

ənta ~ ənti wīyā-h « toi et lui »


ənta ~ ənti wīyā-ha « toi et elle »
ənta ~ ənti wīyā-hum « toi et eux »

ône wīyā-kum « vous et nous »


ône wīyā-hum « eux et nous »

əntu wīyā-hum « vous et eux »

2. Les pronoms suffixes


Voici la liste de tous les formes de pronoms suffixes du parler arabe de Tripoli :

SG. 1. -ni, -i, -y, -ya PL. 1. -na


2. -ək, -k 2. -kum
3.m. -a, -əh, -h, -hu 3. -hum
3.f. -ha, -hi

On distinguera les pronoms suffixés aux verbes, aux substantifs, aux prépositions, aux
différentes particules et les pronoms suffixés aux morphèmes de négation.

2.1. Les pronoms suffixés aux verbes


A Tripoli, la distinction de genre, pour les pronoms suffixes, n’existe qu’à la troisième
personne du singulier 3.

SG. 1. -ni PL. 1. -na


2. -ək, -k 2. -kum
3.m. -a, -əh, -h, -hu 3. -hum
3.f. -ha

Les pronoms suffixés aux verbes ont deux types d’emplois. Ils ont une fonction
déictique lorsqu’ils font référence à des individus ou à des objets :

îəübāt-əh.
elle a frappé-le
« Elle l’a frappé. »

žāb-hum.
il a apporté-les
« Il les a apportés. »

3
En Cyrénaïque, on trouve la distinction de genre à la deuxième et à la troisième personne du pluriel.
Ester PANETTA (1943 : 125) a relevé les suffixes suivants à Benghazi : kam (2e masc.), kan (2e fém.), hum
(3e masc.) et hen (3e fém.) ; Jonathan OWENS (1984 : 92) a noté les formes –kam (2e masc.), -kan (2e
fém.), -hum (3e masc.), -hin (3e fém.).

236
Ils peuvent avoir une fonction anaphorique :

nəbbī-h yži.
je veux-le il vient
« Je veux qu’il vienne. »

xəft-a y°īô.
j’ai eu peur-lui il tombe
« J’ai eu peur qu’il tombe. »

En fonction de la nature de la terminaison verbale (consonantique ou vocalique) et de la


structure syllabique du verbe, les pronoms suffixes diffèrent.

2.1.1. Suffixation aux terminaisons en consonnes


On traitera de l’adjonction des suffixes à initiale consonantique et ceux à initiale
vocalique, suffixés aux verbes. On prendra en exemple le verbe sain îüəb « il a frappé »
et le verbe défectueux nse « il a oublié », à la conjugaison suffixale, ce qui permettra
d’examiner totalement les possibilités d’agencement, en prenant en considération les
modifications morphologiques liées à la suffixation des pronoms. Enfin, on verra le cas
du pronom de troisième personne du masculin singulier -hu.

Pour la conjugaison suffixale, les terminaisons consonantiques se trouvent au singulier


uniquement : à la première personne, à la deuxième personne du masculin, à la
troisième personne du féminin, puis à la troisième personne au masculin, pour le verbe
sain, uniquement.

SG. 1. îüəbt nsēt


2.m. îüəbt nsēt
3.m. îüəb Ø
3.f. îəübət nsət

a) Adjonction d’un suffixe consonantique


Les suffixes à initiale consonantique sont, au singulier, ceux de la première personne et
de la troisième personne du féminin ; au pluriel, tous les pronoms suffixes commencent
par une consonne.

SG. 1. -ni PL. 1. -na


2. -kum
3.f. -ha 3. -hum

Les combinaisons possibles sont les suivantes :

– Avec la première et la deuxième personne du singulier de la conjugaison suffixale :


îüəbt « j’ai frappé, tu as oublié » et nsēt « j’ai oublié, tu as oublié » :

SG. 3.f. îüəbt-ha « je l’ai frappée, tu l’as frappée »


PL. 2. îüəbt-kum « je vous ai frappé(e)s »
3. îüəbt-hum « je les ai frappé(e)s, tu les as frappé(e)s »

237
SG. 3.f. nsēt-ha « je l’ai oubliée, tu l’as oubliée »
PL. 2. nsēt-kum « je vous ai oublié(e)s »
3. nsēt-hum « je les ai oublié(e)s, tu les as oublié(e)s »

– Avec la troisième personne du masculin singulier de la conjugaison suffixale du verbe


sain : îüəb « il a frappé ».

SG. 1. îüəb-ni « il m’a frappé(e) »


3.f. îüəb-ha « il l’a frappée »
PL. 1. îüəb-na « il nous a frappé(e)s »
2. îüəb-kum « il vous a frappé(e)s »
3. îüəb-hum « il les a frappé(e)s »

– Avec la troisième personne du féminin singulier de la conjugaison suffixale : îəübət


« elle a frappé » et nsət « elle a oublié ».

SG. 1. îəübət-ni « elle m’a frappé(e) »


3.f. îəübət-ha « elle l’a frappée »
PL. 1. îəübət-na « elle nous a frappé(e)s »
2. îəübət-kum « elle vous a frappé(e)s »
3. îəübət-hum « elle les a frappé(e)s »

SG. 1. nsət-ni « elle m’a oublié(e) »


3.f. nsət-ha « elle l’a oubliée »
PL. 1. nsət-na « elle nous a oublié(e)s »
2. nsət-kum « elle vous a oublié(e)s »
3. nsət-hum « elle les a oublié(e)s »

b) Adjonction d’un suffixe vocalique


Les suffixes vocaliques sont les suffixes de la deuxième personne et de la troisième
personne du masculin singulier.

SG. 2. -ək
3.m. -a, -əh

Le pronom suffixe de troisième personne du masculin singulier est -a lorsqu’il est, en


milieu d’énoncé, suffixé à une forme verbale qui se termine par une consonne.

îərb-a u mše.
il a frappé-le et il est parti
« Il l’a frappé et est parti. »

Il a une forme -əh avant une pause ou en fin d’énoncé.

wəllēt u lgēt-əh.
je suis revenu et j’ai trouvé-le
« Je suis revenu et je l’ai trouvé. »

238
əl-xāl fi xēü lēn yukbuü l-a wəld-uxt-əh.
l’-oncle dans bien jusqu’à ce que il grandis pour-lui fils-sœur-sa
« L’oncle va bien tant que ne grandis pas son neveux. »

Les agencements possibles sont les suivants:

– Avec la première et la deuxième personne du singulier de la conjugaison suffixale :


îüəbt « j’ai frappé, tu as frappé » et nsēt « j’ai oublié, tu as oublié » :

SG. 2. îüəbt-ək « je t’ai frappé(e) »


3.m. îüəbt-a / -əh « je l’ai frappé, tu l’as frappé »

SG. 2. nsēt-ək « je t’ai oublié(e) »


3.m. nsēt-a / -əh « je l’ai oublié, tu l’as oublié »

– Avec la troisième personne du masculin singulier de la conjugaison suffixale du verbe


sain : îüəb « il a frappé ». Cependant, avec le schème C1C2əC3, il y a permutation de la
voyelle brève, si le suffixe est à initiale vocalique : C1əC2C3.

SG. 2. îəüb-ək « il t’a frappé(e) »


3.m. îəüb-a / -əh « il l’a frappé »

– Avec la troisième personne du féminin singulier de la conjugaison suffixale : îəübət


« elle a frappé » et nsət « elle a oublié » 4.

SG. 2. îəübāt-ək « elle t’a frappé(e) »


3.m. îəübāt-a / -əh « elle l’a frappé »

SG. 2. nsāt-ək « elle t’a oublié(e) »


3.m. nsāt-a / -əh « elle l’a oublié »

2.1.2. Suffixation aux formes verbales à terminaison vocalique


Au singulier, on trouve les formes verbales à terminaison vocalique à la deuxième
personne du féminin et à la troisième personne du masculin du verbe défectueux ; on les
trouve également à toutes les personnes du pluriel.

SG. 2.f. îüəbti nsēti


3.m. Ø nse
PL. 1. îüəbna nsēna
2. îüəbtu nsētu
3. îəübu nsu

Lorsque la forme verbale se termine par une voyelle, tous les pronoms suffixes sont à la
forme consonantique. On trouve les formes suivantes :

4
Pour des raisons de structure syllabique, lorsqu’on suffixe un pronom vocalique à un verbe à la
troisième personne du féminin de la conjugaison suffixale, la voyelle de l’indice de personne -ət est
allongée : -āt. En effet, suite à l’adjonction du suffixe, la voyelle brève de l’indice de personne est placée
en syllabe ouverte non accentuée : îəübət + ək > *îəü–bə–tək > îəübāt-ək « elle t’a frappé(e) ». Dans le
parler arabe de Tripoli, on allonge la voyelle dans le but de la conserver à cette place.

239
SG. 2. -ək > -k
3. -a, -əh > -h

Ce qui donne le paradigme suivant pour la suffixation à des terminaisons vocaliques :

SG. 1. -ni PL. 1. -na


2. -k 2. -kum
3.m. -h 5 3. -hum
3.f. -ha

Systématiquement, les voyelles finales des verbes sont allongées, lorsqu’on suffixe un
pronom.

– Avec la deuxième personne du singulier de la conjugaison suffixale : îüəbti « tu as


frappé » et nsēti « tu as oublié ».

SG. 1. îüəbtī-ni « tu m’as frappé(e) »


3.m. îüəbtī-h « tu l’as frappé »
3.f. îüəbtī-ha « tu l’as frappée »
PL. 1. îüəbtī-na « tu nous as frappé(e)s »
3. îüəbtī-hum « tu les as frappé(e)s »

SG. 1. nsētī-ni « tu m’as oublié(e) »


3.m. nsētī-h « tu l’as oublié »
3.f. nsētī-ha « tu l’as oubliée »
PL. 1. nsētī-na « tu nous as oublié(e)s »
3. nsētī-hum « tu les as oublié(e)s »

– A la troisième personne du masculin singulier de la conjugaison suffixale du verbe


défectueux nse « il a oublié ». A Tripoli, le /a/ final des verbes défectueux est imalé et
prononcé [e], lorsqu’il est la dernière lettre du mot ; si on suffixe un pronom au verbe,
alors, le /a/ final du verbe est réalisé [a].

SG. 1. nsā-ni « il m’a oublié(e) »


2. nsā-k « il t’a oublié(e) »
3.m. nsā-h « il l’a oublié »
3.f. nsā-ha « il l’a oubliée »
PL. 1. nsā-na « il nous a oublié(e)s »
2. nsā-kum « il vous a oublié(e)s »
3. nsā-hum « il les a oublié(e)s »

– Avec la première personne du pluriel de la conjugaison suffixale : îüəbna « nous


avons frappé » et nsēna « nous avons oublié ».

5
Lorsqu’on suffixe le pronom de troisième personne du masculin -h à un verbe qui se termine par une
voyelle et qui est entouré du morphème discontinu de négation mā…š, le -h est assimilé par le /š/ du
morphème : *mā-nsū-h-š > mā-nsū-š-ši
ne-ils ont oublié-le-pas
« Ils ne l’ont pas oublié. »
La deuxième partie du morphème de négation est d’ailleurs toujours sous la forme ši, dans ces cas-là.

240
SG. 2. îüəbnā-k « nous t’avons frappé(e) »
3.m. îüəbnā-h « nous l’avons frappé »
3.f. îüəbnā-ha « nous l’avons frappée »
PL. 2. îüəbnā-kum « nous vous avons frappé(e)s »
3. îüəbnā-hum « nous les avons frappé(e)s »

SG. 2. nsēnā-k « nous t’avons oublié(e) »


3.m. nsēnā-h « nous l’avons oublié »
3.f. nsēnā-ha « nous l’avons oubliée »
PL. 2. nsēnā-kum « nous vous avons oublié(e)s »
3. nsēnā-hum « nous les avons oublié(e)s »

– Avec la troisième personne du pluriel de la conjugaison suffixale : îəübu « ils, elles


ont frappé » et nsu « ils, elles ont oublié ».

SG. 1. îəübū-ni « ils, elles m’ont frappé(e) »


2. îəübū-k « ils, elles t’ont frappé(e) »
3.m. îəübū-h « ils, elles l’ont frappé »
3.f. îəübū-ha « ils, elles l’ont frappée »
PL. 1. îəübū-na « ils, elles nous ont frappé(e)s »
2. îəübū-kum « ils, elles vous ont frappé(e)s »
3. îəübū-hum « ils, elles les ont frappé(e)s »

SG. 1. nsū-ni « ils, elles m’ont oublié(e) »


2. nsū-k « ils, elles t’ont oublié(e) »
3.m. nsū-h « ils, elles l’ont oublié »
3.f. nsū-ha « ils, elles l’ont oubliée »
PL. 1. nsū-na « ils, elles nous ont oublié(e)s »
2. nsū-kum « ils, elles vous ont oublié(e)s »
3. nsū-hum « ils, elles les ont oublié(e)s »

2.1.3. Le pronom suffixe -hu


On trouve le pronom de troisième personne du masculin singulier -hu suffixé aux verbes
qui se terminent aussi bien par des consonnes que par des voyelles, lorsqu’il est le
complément d’objet suffixé d’un verbe qui se construit avec une préposition à laquelle
on suffixe un pronom complément au cas indirect.

ε°ā-hu l-i.
il a donné-le à-moi
« Il me l’a donné. »

gāl-hu l-ək.
il a dit-le à-toi
« Il te l’a dit. »

°ləb-hu mənn-hum.
il a demandé-le de-eux
« Il le leur a demandé. »

241
2.2. Les pronoms suffixés aux substantifs
Lorsqu’ils sont utilisés avec les substantifs, les pronoms suffixes marquent la
possession. La possession peut également être marquée avec la préposition mtāε « de »,
bien que cette tournure soit moins employée (cf. 2.4.2.b.). Les pronoms suffixés aux
substantifs sont semblables à ceux des verbes, à l’exception de la première personne du
singulier ; on ne trouve pas non plus, suffixé aux substantifs, la forme -hu de la
troisième personne du masculin singulier.

SG. 1. -i, -y, -ya PL. 1. -na


2. -ək, -k 2. -kum
3.m. -a, -əh, -h 3. -hum
3.f. -ha

L’adjonction des pronoms suffixes, notamment des pronoms suffixes vocaliques, peut
entraîner des modifications morphologiques des substantifs.

2.2.1. Les schèmes à terminaison consonantique


Pour examiner ces modifications morphologiques, on va utiliser des substantifs de
schèmes différents : wəld « fils », žməl « chameau » et ûāôəb « ami ».

– Avec le schème C1əC2C3, la suffixation du pronom n’entraîne pas de modification


morphologique du substantif.

SG. 1. wəld-i « mon fils »


2. wəld-ək « ton fils »
3.m. wəld-a / -əh « son fils »
3.f. wəld-ha « son fils »
PL. 1. wəld-na « notre fils »
2. wəld-kum « votre fils »
3. wəld-hum « leur fils »

– Avec le schème C1C2əC3, le mot reste inchangé si le suffixe est à initiale


consonantique ; s’il est à initiale vocalique, il y a permutation de la voyelle brève :
C1əC2C3.

SG. 1. žəml-i « mon chameau »


2. žəml-ək « ton chameau »
3.m. žəml-əh « son chameau »
3.f. žməl-ha « son chameau »
PL. 1. žməl-na « notre chameau »
2. žməl-kum « votre chameau »
3. žməl-hum « leur chameau »

– Avec le schème C1āC2əC3, la voyelle brève est maintenue si le suffixe est


consonantique ; elle chute lorsque le suffixe est vocalique : C1āC2C3.

SG. 1. ûāôb-i « mon ami »


2. ûāôb-ək « ton ami »
3.m. ûāôb-əh « son ami »
3.f. ûāôəb-ha « son ami »

242
PL. 1. ûāôəb-na « notre ami »
2. ûāôəb-kum « votre ami »
3. ûāôəb-hum « leur ami »

2.2.2. Les schèmes suffixés en -a(t)


Lors de l’adjonction d’un suffixe à un mot se terminant par le suffixe -a(t), le t du
suffixe réapparaît et sert de liaison avec le pronom suffixe. Ce phénomène entraîne
souvent la mutation ou la disparition de voyelles brèves. Pour observer les différentes
modifications morphologiques, on utilisera les termes xədma « travail », ôənna « grand-
mère », ûāôba « amie » et səyyāüa « voiture ».

– Avec le schème C1əC2C3a(t), lorsqu’on suffixe les pronoms à initiale vocalique, la


voyelle du suffixe -a(t) chute : C1əC2C3t- ; l’accent porte sur la première syllabe du
groupe et il est possible d’introduire une voyelle de disjonction entre C2 et C3 pour
faciliter l’articulation des trois consonnes qui se suivent C1əC2əC3t-. Lorsqu’on suffixe
un pronom à initiale consonantique, la voyelle du suffixe est maintenue C1əC2C3ət-.

SG. 1. xədmt-i « mon travail »


2. xədmt-ək « ton travail »
3.m. xədmt-a / -əh « son travail »
3.f. xədmət-ha « son travail »
PL. 1. xədmət-na « notre travail »
2. xədmət-kum « votre travail »
3. xədmət-hum « leur travail »

– Comme pour le schème précédent, avec le schème sourd C1əC2C3a(t), où C2 et C3 sont


identiques, le schème est C1əC2C3t- si on suffixe un pronom à initiale vocalique et
C1əC2C3ət- si on suffixe un pronom à initiale consonantique.

SG. 1. ôənnt-i « ma grand-mère »


2. ôənnt-ək « ta grand-mère »
3.m. ôənnt-a / -əh « sa grand-mère »
3.f. ôənnət-ha « sa grand-mère »
PL. 1. ôənnət-na « notre grand-mère »
2. ôənnət-kum « votre grand-mère »
3. ôənnət-hum « leur grand-mère »

– Avec le schème C1āC2C3a(t), si on suffixe un pronom à initiale vocalique, la voyelle


du suffixe -a(t) chute : C1āC2C3t- ; on peut introduire une voyelle de disjonction entre
C2 et C3 pour rendre plus aisée l’articulation des trois consonnes qui se suivent :
C1āC2əC3t-. Si on suffixe un pronom à initiale consonantique, on maintient la voyelle du
suffixe -a(t) : C1āC2C3ət-.

SG. 1. ûāôbt-i « mon amie »


2. ûāôbt-ək « ton amie »
3.m. ûāôbt-a / -əh « son amie »
3.f. ûāôbət-ha « son amie »
PL. 1. ûāôbət-na « notre amie »
2. ûāôbət-kum « votre amie »
3. ûāôbət-hum « leur amie »

243
– Avec le schème C1əC2C2āC3a(t), où la deuxième consonne de la racine est géminée, la
voyelle du suffixe -a(t) chute si on suffixe un pronom à initiale vocalique :
C1əC2C2āC3t- ; elle est maintenue si on suffixe un pronom à initiale consonantique :
C1əC2C2āC3ət-.

SG. 1. səyyāüt-i « ma voiture »


2. səyyāüt-ək « ta voiture »
3.m. səyyāüt-a / -əh « sa voiture »
3.f. səyyāüət-ha « sa voiture »
PL. 1. səyyāüət-na « notre voiture »
2. səyyāüət-kum « votre voiture »
3. səyyāüət-hum « leur voiture »

2.2.3. Les schèmes à terminaison vocalique


Pour les termes à terminaison vocalique, tous les pronoms suffixes adoptent une forme
consonantique. Mais, à Tripoli, à la première personne du singulier, on distingue le
pronom suffixé aux schèmes à terminaison -a et -u de celui suffixé aux schèmes à
terminaison -e et -i. On note l’allongement systématique de la voyelle finale lors de la
suffixation.

a) Les schèmes à terminaison -a et -u


A la première personne du singulier, le pronom suffixé à un schème à terminaison -a et
-u est -y, ce qui donne le paradigme suivant :

SG. 1. -y PL. 1. -na


2. -k 2. -kum
3.m. -h 3. -hum
3.f. -ha

On examinera les exemples suivants : îwa « médicament » et bu « père ».

SG. 1. îwā-y « mon médicament »


2. îwā-k « ton médicament »
3.m. îwā-h « son médicament »
3.f. îwā-ha « son médicament »
PL. 1. îwā-na « notre médicament »
2. îwā-kum « votre médicament »
3. îwā-hum « leur médicament »

SG. 1. bū-y « mon père »


2. bū-k « ton père »
3.m. bū-h « son père »
3.f. bū-ha « son père »
PL. 1. bū-na « notre père »
2. bū-kum « votre père »
3. bū-hum « leur père »

b) Les schèmes à terminaison -e et -i


A la première personne du singulier, le pronom suffixé à un schème à terminaison -e et
-i est -ya, ce qui donne le paradigme suivant :

244
SG. 1. -ya PL. 1. -na
2. -k 2. -kum
3.m. -h 3. -hum
3.f. -ha

On prendra en exemple les substantifs āde « déjeuner » et fgi « maître d’école


coranique ».

SG. 1. ādē-ya « mon déjeuner »


2. ādē-k « ton déjeuner »
3.m. ādē-h « son déjeuner »
3.f. ādē-ha « son déjeuner »
PL. 1. ādē-na « notre déjeuner »
2. ādē-kum « votre déjeuner »
3 ādē-hum « leur déjeuner »

SG. 1. fgī-ya « mon maître »


2. fgī-k « ton maître »
3.m. fgī-h « son maître »
3.f. fgī-ha « son maître »
PL. 1. fgī-na « notre maître »
2. fgī-kum « votre maître »
3. fgī-hum « leur maître »

c) Les schèmes pluriels à terminaison -ēn et -i.


Lors de l’adjonction d’un pronom suffixe à un pluriel à terminaison -ēn, le -n final
saute, ce qui donne une terminaison vocalique en -e. Le paradigme des pronoms
suffixes est identique à celui étudié précédemment, avec l’exemple āde « déjeuner ». On
prendra, en exemple, le substantif īdēn « mains ». Les pronoms sont donc suffixés à la
forme īdē-.

SG. 1. īdē-ya « mes mains »


2. īdē-k « tes mains »
3.m. īdē-h « ses mains »
3.f. īdē-ha « ses mains »
PL. 1. īdē-na « nos mains »
2. īdē-kum « vos mains »
3. īdē-hum « leurs mains »

Quant aux pluriels en -i, on leur suffixe les mêmes pronoms que les singuliers terminés
en -i, à initiale consonantique. On prendra en exemple le pluriel de °āûa « verre » :
°wāûi (cf. 2.2.3.b.).

SG. 1. °wāûī-ya « mes verres »


2. °wāûī-k « tes verres »
3.m. °wāûī-h « ses verres »
3.f. °wāûī-ha « ses verres »
PL. 1. °wāûī-na « nos verres »
2. °wāûī-kum « vos verres »
3. °wāûī-hum « leurs verres »

245
2.2.4. Une forme renforcée
L’idée de possession peut être renforcée par un redoublement du pronom, en ajoutant le
pronom personnel indépendant après le pronom suffixe.

səyyāüt-i āne
voiture-ma moi
« ma voiture à moi »

bū-k ənta
père-ton toi
« ton père à toi »

Voici un exemple de paradigme complet :

SG. 1. ôōš-i āne « ma maison à moi »


2.m. ôōš-ək ənta « ta maison à toi »
2.f. ôōš-ək ənti « ta maison à toi »
3.m. ôōš-a hūwa « sa maison à lui »
3.f. ôōš-ha hīya « sa maison à elle »
PL. 1 ôōš-na ône « notre maison à nous »
2. ôōš-kum əntu « votre maison à vous »
3. ôōš-hum humma « leur maison à eux, à elles »

2.3. Les pronoms suffixés aux prépositions


Les pronoms peuvent être suffixés aux prépositions, notamment aux prépositions qui
servent à construire un verbe au cas indirect. Comme pour les substantifs, on fera une
distinction entre les pronoms suffixés aux prépositions qui se terminent par une
consonne de ceux suffixés à des prépositions qui se terminent par une voyelle. A la
première personne du singulier, on distinguera également le pronom suffixé aux
prépositions à terminaison -a 6 de celui suffixé aux prépositions à terminaison -e et -i.
Les pronoms suffixés aux prépositions sont identiques à ceux suffixés aux substantifs,
en fonction des différentes terminaisons consonantiques et vocaliques des prépositions.

2.3.1. Les prépositions à terminaison consonantique


Si la préposition est une consonne (l- « à, vers »), ou lorsqu’elle se termine par une
consonne (bēn / bēnāt « entre »), on suffixe simplement les pronoms suffixés aux
schèmes à terminaison consonantique à la préposition

SG. 1. l-i « à moi »


2. l-ək « à toi »
3.m. l-a / -əh « à lui »
3.f. l-ha « à elle »
PL. 1. l-na « à nous »
2. l-kum « à vous »
3. l-hum « à eux, à elles »

6
On n’a pas trouvé de préposition se terminant par la voyelle -u dans le parler arabe de Tripoli.

246
SG. 1. bēn-i « entre moi »
2. bēn-ək « entre toi »
3.m. bēn-a / -əh « entre lui »
3.f. bēn-ha « entre elle »
PL. 1. bēn-na « entre nous »
2. bēn-kum « entre vous »
3. bēn-hum « entre eux, entre elles »

Lorsqu’on adjoint les pronoms suffixes du pluriel, on trouve également cette préposition
sous la forme bēnāt-.

PL. 1. bēnāt-na « entre nous »


2. bēnāt-kum « entre vous »
3. bēnāt-hum « entre eux, entre elles »

Avec certaines prépositions, telles que mən « de » et εən « sur, de », on observe des
modifications morphologiques : les prépositions sont sous la forme mən- et εən-
lorsqu’on suffixe les pronoms à initiale consonantique et sous la forme mənn- et εənn-,
avec une gémination de la dernière consonne, lorsqu’on suffixe les pronoms à initiale
vocalique. Cela est lié au besoin de sauvegarder la voyelle brève de la préposition en
syllabe fermée.

SG. 1. mənn-i « de moi »


2. mənn-ək « de toi »
3.m. mənn-a / -əh « de lui »
3.f. mən-ha « d’elle »
PL. 1. mən-na « de nous »
2. mən-kum « de vous »
3. mən-hum « d’eux, d’elles »

SG. 1. εənn-i « sur moi, de moi »


2. εənn-ək « sur toi, de toi »
3.m. εənn-a / -əh « sur lui, de lui »
3.f. εən-ha « sur elle, d’elle »
PL. 1. εən-na « sur nous, de nous »
2. εən-kum « sur vous, de vous »
3. εən-hum « sur eux, sur elles, d’eux, d’elles »

2.3.2. Les prépositions à terminaison vocalique


Si la préposition se termine par une voyelle, on suffixe les pronoms à initiale
consonantique. A la première personne du singulier, on distinguera le pronom suffixé
aux prépositions à terminaison -a de celui suffixé aux prépositions à terminaison -e et -i.
On note l’allongement systématique de la voyelle finale lors de la suffixation.

a) Les prépositions se terminant par -a


A la première personne du singulier, le pronom suffixé à une préposition se terminant
par la voyelle -a est -y. En exemple, on examinera la préposition mεa « avec ».

247
SG. 1. mεā-y « avec moi »
2. mεā-k « avec toi »
3.m. mεā-h « avec lui »
3.f. mεā-ha « avec elle »
PL. 1. mεā-na « avec nous »
2. mεā-kum « avec vous »
3. mεā-hum « avec eux, avec elles »

b) Les prépositions se terminant par -e et -i


A la première personne du singulier, le pronom suffixé à une préposition se terminant
par -e et -i est –ya. En exemple, on étudiera la préposition εle « sur » et la préposition fi
« en, dans ».

SG. 1. εlē-ya « sur moi »


2. εlē-k « sur toi »
3.m. εlē-h « sur lui »
3.f. εlē-ha « sur elle »
PL. 1. εlē-na « sur nous »
2. εlē-kum « sur vous »
3. εlē-hum « sur eux, sur elles »

SG. 1. fī-ya « en moi »


2. fī-k « en toi »
3.m. fī-h « en lui »
3.f. fī-ha « en elle »
PL. 1. fī-na « en nous »
2. fī-kum « en vous »
3. fī-hum « en eux, en elles »

2.4. Les pronoms suffixés aux particules


On traitera des particules üā- et hā-, qui alterne avec ā-, ainsi que l’expression de la
possession au moyen d’un pseudo-verbe combinant préposition et pronoms suffixes.
Voici les pronoms pouvant être suffixés aux particules :

SG. 1. -ni, -i PL. 1. -na


2. -ək, -k 2. -kum
3.m. -a, -əh, -h, -hu 3. -hum
3.f. -ha, -hi

2.4.1. Les particules üa- et hā- ~ ā-


Il s’agit de deux particules énonciatives. üā- est d’origine verbale ; hā- ~ ā- est un
déictique.

a) La particule üā-
üa- est une particule d’origine verbale, dérivée de la troisième personne du verbe üa « il
a vu » ou de l’impératif üa « regarde », qui « joue le rôle d’un "présentatif" : c’est-à-dire
qu’il présente, constate l’actualité (ou l’imminence) d’un état ou d’une action ou d’une
existence, et en souligne la réalité » (Ph. MARÇAIS 1977 : 74), « marquant la
constatation expresse de l’existence : "je suis, tu es, etc.", ou plus exactement "me voici,
te voici précisément, etc." » (Ph. MARÇAIS 1977 : 194). Il se construit avec les pronoms

248
qu’on suffixe aux formes verbales qui se terminent par une voyelle. Cependant, à la
troisième personne du masculin singulier, on suffixe le pronom de forme -hu à la
particule üa-.

SG. 1. üā-ni « me voici, je suis »


2. üā-k « te voici, tu es »
3.m. üā-hu « le voici, il est »
3.f. üā-hi « la voici, elle est »
PL. 1. üā-na « nous voici, nous sommes »
2. üā-kum « vous voici, vous êtes »
3. üā-hum « les voici, ils sont »

b) La particule hā- ~ ā-
hā- est un déictique, proche des démonstratifs tels que hāda « celui-ci », hādi « celle-
ci », hādi « ceux-ci, celles-ci » ou du déterminant nominal hā-l- « ce, cet, cette ». On
trouve également une série qui comporte l’amuïssement du h initial : ā-. Les pronoms
utilisés sont les mêmes que pour la particule üā-.

SG. 1. hā-ni ā-ni « me voici »


2. hā-k ā-k « te voici »
3.m. hā-hu ā-hu « le voici »
3.f. hā-hi ā-hi « la voici »
PL. 1. hā-na ā-na « nous voici »
2. hā-kum ā-kum « vous voici »
3. hā-hum ā-hum « les voici »

2.4.2. Les marqueurs de la relation de possession


Il existe deux types de marqueurs : un marqueur au moyen de la préposition εənd
« chez » et un marqueur au moyen de la particule mtāε « objet propriété de ».

a) εənd + pronom suffixe


La tournure possessive se construit au moyen de la préposition εənd « chez » à laquelle
on suffixe les pronoms personnels. On obtient la pseudo-conjugaison suivante :

SG. 1. εənd-i « j’ai »


2. εənd-ək « tu as »
3.m. εənd-a / -əh « il a »
3.f. εənd-ha « elle a »
PL. 1. εənd-na « nous avons »
2. εənd-kum « vous avez »
3. εənd-hum « ils, elles ont »

b) mtāε + pronom suffixe


On suffixe les pronoms personnels à la particule mtāε « de ». Cette forme est la
construction analytique marquant la possession, qui s’oppose à la forme avec les
pronoms personnels dans la construction avec les substantifs (cf. 2.2.). On obtient le
paradigme suivant :

249
SG. 1. mtāε-i « mon, ma, mes, à moi »
2. mtāε-ək « ton, ta, tes, à toi »
3.m. mtāε-a / -əh « son, sa, ses, à lui »
3.f. mtāε-ha « son, sa, ses, à elle »
PL. 1. mtāε-na « notre, nos, à nous »
2. mtāε-kum « votre, vos, à vous »
3. mtāε-hum « leur, leurs, à eux, à elles »

En Libye, cette particule peut s’accorder avec l’objet possédé, bien que, dans l’usage,
cet accord ne soit pas obligatoire. Il existe une forme pour le féminin singulier mtāεt- et
une forme au féminin pluriel mtāεāt-, auxquelles on suffixe les pronoms personnels.
Voici le paradigme pour le féminin singulier :

SG. 1. mtāεt-i « ma, à moi »


2. mtāεt-ək « ta, à toi »
3.m. mtāεt-a / -əh « sa, à lui »
3.f. mtāεt-ha « sa, à elle »
PL. 1. mtāεt-na « notre, à nous »
2. mtāεt-kum « votre, à vous »
3. mtāεt-hum « leur, à eux, à elles »

On oppose alors əl-ktāb mtāε-i à əs-səyyāüa mtāεt-ək


le-livre de-moi la-voiture de-toi
« mon livre » « ta voiture »

Voici le paradigme pour le féminin pluriel :

SG. 1. mtāεāt-i « mes, à moi »


2. mtāεāt-ək « tes, à toi »
3.m. mtāεāt-a / -əh « ses, à lui »
3.f. mtāεāt-ha « ses, à elle »
PL. 1. mtāεāt-na « nos, à nous »
2. mtāεāt-kum « vos, à vous »
3. mtāεāt-hum « leurs, à eux, à elles »

On oppose alors lə-ôyāš mtāε-na à s-səyyāüāt mtāεāt-kum


les-maisons de-nous les-voitures de-vous
« nos maisons » « vos voitures »

La forme du masculin pluriel mtāεīn- n’est cependant pas en usage dans le parler arabe
de Tripoli contemporain, pour exprimer la possession ; en effet, dans l’arabe de Tripoli
actuel, mtāεīn est employé comme substantif, avec le sens de « parents, proches » 7.

2.5. La négation
Il s’agit de la négation dans les énoncés nominaux, lorsque le complément de rang 0 est
un pronom. On distingue les emplois avec le morphème discontinu de négation mā…š
de ceux avec la négation double lā-…lā-… Les morphèmes de négation se terminent

7
La forme au masculin pluriel mtāεīn a été relevée par Antonio CESÀRO : « hādôma mtā‘în-ī = questi
sono miei » [ceux-ci sont les miens] (CESÀRO 1939 : 48).

250
tous par la voyelle -a ; on suffixera donc des pronoms consonantiques. Voici les
pronoms pouvant être suffixés aux morphèmes de négation :

SG. 1. -ni PL. 1. -na


2. -k 2. -kum
3.m. -h, -hu 3. -hum
3.f. -hi

2.5.1. mā-…-š
On emploie le morphème discontinu de négation mā…š qui entoure le pronom. Les
pronoms suffixés sont identiques à ceux suffixés aux verbes se terminant par une
voyelle ; le pronom de troisième personne du masculin est de forme -hu.

SG. 1. mā-nī-š « je ne suis pas »


2. mā-k-š « tu n’es pas »
3.m. mā-hū-š « il n’est pas »
3.f. mā-hī-š « elle n’est pas »
PL. 1. mā-nā-š « nous ne sommes pas »
2. mā-kum-š « vous n’êtes pas »
3. mā-hum-š « ils, elles ne sont pas »

2.5.2 lā-… lā-…


A Tripoli, on peut suffixer les pronoms personnels à la négation lā-… lā- « ni… ni… ».
Il s’agit de la négation double dans les énoncés nominaux.

SG. 1. lā-ni lā-ni « je ne suis ni… ni… »


2. lā-k lā-k « tu n’es ni… ni… »
3.m. lā-h lā-h « il n’est ni… ni… »
3.f. lā-hi lā-hi « elle n’est ni… ni… »
PL. 1. lā-na lā-na « nous ne sommes ni… ni… »
2. lā-kum lā-kum « vous n’êtes ni… ni… »
3. lā-hum lā-hum « ils, elles ne sont ni… ni… »

āne lā-ni kbīr u lā-ni ûāīr.


moi pas-moi grand et pas-moi petit
« Je ne suis ni grand ni petit ».

hīya lā-hi kbīra u lā-hi ôəlwa.


elle pas-elle grande et pas-elle belle
« Elle n’est ni grande, ni belle ».

2.6. Les pronoms réfléchis


Dans le parler arabe de Tripoli, la réflexivité, s’exprime au moyen de substantifs tels
que üūô « âme, esprit, souffle », üās « tête », bāl « esprit », auxquels on suffixe les
pronoms personnels.

SG. 1. üūô-i üās-i bāl-i


2. üūô-ək üās-ək bāl-ək
3.m. üūô-a / -əh üās-a / -əh bāl-a / -əh
3.f. üūô-ha üās-ha bāl-ha

251
PL. 1. üūô-na üās-na bāl-na
2. üūô-kum üās-kum bāl-kum
3. üūô-hum üās-hum bāl-hum

gult l-üūô-i...
j’ai dit à-âme-mon
« Je me suis dit… »

gtəl üūô-əh.
il a tué âme-son
« Il s’est suicidé. »

dəbbəü üās-ək !
débrouille tête-ta
« Débrouille-toi ! »

üudd bāl-ək !
détourne âme-ton
« Fais attention ! »

252
LES DEMONSTRATIFS

On distingue les déterminants nominaux et les pronoms.

On distingue également deux espaces qui s’opposent : l’espace lié au sujet énonciateur
(l’ici) et l’espace lié à l’énonciateur et aux co-énonciateurs (le là-bas) ; ce dernier
renvoie aux limites de l’espace lié aux interlocuteurs. Comme le souligne Dominique
CAUBET, « il serait erroné de vouloir réduire cette différence à une distinction proche-
lointain [...]. Il faut tenir compte de la dimension modale : le fait que l’énonciateur
s’approprie un objet ou qu’il le rejette » (CAUBET 1993 I : 168).

Dans les parlers arabes, « les formes sont nombreuses et procèdent principalement des
éléments démonstratifs qui sont fondamentaux en arabe : h, ñ, k, éventuellement l »
(Ph. MARÇAIS 1977 : 197).

Bien que les auteurs précédents en aient mentionné quelques unes 1, on ne trouve plus,
dans le parler arabe de Tripoli contemporain, de formes comportant l’élément l.

L’élément k caractérise les démonstratifs qui concernent l’espace lié à l’énonciateur et


aux co-énonciateurs, le là-bas.

Les formes du masculin sont caractérisées par la voyelle ā ; celles du féminin, par la
voyelle ī ; celles du pluriel, par la voyelle ū.

1. Les déterminants nominaux


On examinera les déterminants nominaux de l’espace lié à l’énonciateur et ceux de
l’espace lié à l’énonciateur et aux co-énonciateurs.

1.1. L’espace lié à l’énonciateur, l’ici


Il s’agit d’un espace qui peut soit inclure le sujet énonciateur : hne, f-əd-dāü hādi « ici,
dans cette pièce », soit désigner un point déterminé par rapport à lui : əl-ktāb hāda « ce
livre (que je montre) » (CAUBET 1993 I : 168) ; cet espace peut également caractériser
une appropriation d’ordre affectif, donc modal.

Il existe une forme invariable. Sinon, on distingue le singulier du pluriel ; au singulier


on distingue le masculin du féminin.

1.1.1. La forme invariable


Il s’agit d’une forme préposée au nom, invariable en genre et en nombre, composée
d’un élément démonstratif hā- suivi de l’article l- : hā-l- « ce, cet, cette, ces ».

hā-ü-üāžəl °bīb.
celui-ci-l’-homme médecin
« Cet homme est médecin. »

1
Voir STUMME 1898 : 272 et GRIFFINI 1913 : 234 « hādôl, hādôla, hādōlâyä » ; TROMBETTI 1912 : 27
« hādōl(a), hādōlā-jä » ; quant à Antonio CESÀRO, il n’a pas relevé de formes comportant l’élément l
(CESÀRO 1939 : 58).

253
hā-l-bənt uxt-xāləd.
celle-ci-la-fille sœur-Khaled
« Cette fille est la sœur de Khaled. »

hā-l-ūlād mən bənāāzi.


ceux-ci-les-garçons de Benghazi
« Ces garçons sont de Benghazi. »

hā-s-səyyāüāt kwəyysāt.
celles-ci-les-voitures bonnes
« Ces voitures sont bonnes. »

Les autres formes varient en genre et en nombre.

1.1.2. Le masculin singulier


Au masculin singulier, trois autres formes sont employées dans le parler arabe de
Tripoli. Il existe une forme préposée au nom et deux formes postposées au nom.

– Une forme préposée au nom, composée de l’élément démonstratif masculin hāda,


suivi de l’article l-: hādā-l- « ce, cet » :

hādā-lə-ktāb mlīô.
celui-ci-le-livre bien
« Ce livre est bien. »

hādā-ü-üāžəl ūstād-na.
celui-ci-l’-homme professeur-notre
« Ce monsieur est notre professeur. »

– La forme hāda postposée au nom déterminé au moyen de l’article l- :

lə-ktāb hāda mlīô.


le-livre celui-ci bien
« Ce livre est bien. »

ü-üāžəl hāda ūstād-na.


l’-homme celui-ci professeur-notre
« Ce monsieur est notre professeur. »

– La forme pharyngalisée ā-hẉá 2 postposée au nom déterminé au moyen de l’article l- :


il s’agit vraisemblablement d’une forme composée de l’élément démonstratif ā-
(comportant l’amuïssement du h initial) et d’une forme qui rappelle le pronom
personnel indépendant, dont l’accent porte sur la dernière voyelle.

lə-ktāb ā-hẉá šrēt-a fi °üābləs.


le-livre voici-lui j’ai acheté-le à Tripoli
« Ce livre, je l’ai acheté à Tripoli. »

2
Pour ces formes, on marquera l’accent du mot, qui porte toujours sur la voyelle finale.

254
l-ôōš ā-hẉá kbīr.
la-maison voici-lui grand
« Cette maison est grande. »

1.1.3. Le féminin singulier


Au féminin singulier, on trouve également trois formes : une forme préposée au nom et
deux formes postposées.

– Une forme préposée au nom, composée de l’élément démonstratif féminin hādi, suivi
de l’article l-: hādī-l- « cette ».

hādī-l-bənt gnēyna.
celle-ci-la-fille mignonne
« Cette fille est mignonne. »

hādī-°-°āgīya ε°ā-hā-l-i üābīε.


celle-ci-la-casquette il a donné-la-à-moi Rabi
« Cette casquette, c’est Rabi qui me l’a donnée. »

– La forme hādi postposée au nom déterminé au moyen de l’article l-.

l-bənt hādi gnēyna.


la-fille celle-ci mignonne
« Cette fille est mignonne. »

t-tuffāôa hādi bnīna.


la-pomme celle-ci savoureuse
« Cette pomme est savoureuse. »

– La forme pharyngalisée ā-hỵá postposée au nom déterminé au moyen de l’article l-.

əl-bənt ā-hỵá gnēyna.


la fille voici-elle mignonne
« Cette fille est mignonne. »

n-nəεža ā-hỵá žābət xəüfān.


la-brebis voici-elle elle a mis au monde agneau
« Cette brebis a mis au monde un agneau. »

1.1.4. Le pluriel
Au pluriel, les formes sont plus nombreuses : trois formes préposées et quatre formes
postposées. Au pluriel, on ne distingue pas le genre.

– Des formes préposées au nom, composées d’un élément démonstratif pluriel hādu,
hādūma et hādūmāya, suivi de l’article l-: hādū-l-, hādūmā-l-, hādūmāyā-l- « ces » :

hādū-l-ūlād mən °üābləs.


ceux-ci-les-enfants de Tripoli
« Ces enfants sont de Tripoli. »

255
hādūmā-lə-bnāwīt mən lībya.
celles-ci-les-filles de Libye
« Ces filles sont de Libye. »

hādūmāyā-s-səyyāüāt kwəyysāt.
celles-ci-les-voitures bonnes
« Ces voitures sont bonnes. »

– Les éléments démonstratifs qui composent les forme précédentes sont utilisés dans les
formes postposées au nom déterminé au moyen de l’article l- :

l-ūlād hādu mən °üābləs


les-enfants ceux-ci de Tripoli
« Ces enfants sont de Tripoli. »

lə-bnāwīt hādūma mən lībya.


les-filles celles-ci de Libye
« Ces filles sont de Libye. »

s-səyyāüāt hādūmāya kwəyysāt.


les-voitures celles-ci bonnes
« Ces voitures sont bonnes. »

– On trouve également la forme pharyngalisée ā-huúá postposée au nom déterminé au


moyen de l’article l-.

l-ūlād u lə-bnāwīt ā-huúá kīf °əlεu


les-garçons et les-filles ceux-ci juste ils sont sortis
m-əl-mədüsa.
de-l’-école
« Ces garçons et ces filles viennent juste de sortir de l’école. »

Le tableau suivant récapitule les différentes formes des déterminants nominaux


démonstratifs concernant l’espace lié à l’énonciateur utilisés à Tripoli :

Déterminants nominaux Masculin Féminin


Pluriel
démonstratifs : l’ici singulier singulier
Forme invariable préposé au
hā-l-
nom
hādū-l-
Formes préposées au nom hādā-l- hādī-l- hādūmā-l-
hādūmāyā-l-
əl- … hādu
əl- … hāda əl- … hādi əl- … hādūma
Formes postposées au nom
əl- … ā-hẉá əl- … ā-hỵá əl- … hādūmāya
əl- … ā-huúá

256
1.2. L’espace lié à l’énonciateur et aux co-énonciateurs
L’espace lié à l’énonciateur et aux co-énonciateurs renvoie aux limites du visible, mais
il peut également marquer un éloignement affectif, donc modal.

Les déterminants démonstratifs qui concernent cet espace sont caractérisés par la
présence d’un k qui est à rattacher étymologiquement au pronom suffixe de deuxième
personne -(ə)k 3.

Il n’existe pas une forme invariable, comme pour l’espace lié à l’énonciateur. Ici, on
distingue le singulier du pluriel ; au singulier on distingue le masculin du féminin.

1.2.1. Le masculin singulier


Au masculin singulier, quatre formes sont employées dans le parler arabe de Tripoli. Il
existe deux formes préposées au nom et deux formes postposées au nom.

– Une forme préposée au nom, composée de l’élément démonstratif masculin hādāka,


suivi de l’article l-: hādākā-l- « ce, cet » :

hādākā-lə-ktāb mā-εžəb-nī-š.
celui-là-le-livre ne-il a plu-me-pas
« Ce livre ne m’a pas plu. »

– La forme préposée au nom hādākāyā-l-, composée de l’élément démonstratif


hādākāya, suivi de l’article l- « ce, cet » :

hādākāyā-l-wəld mā-yuskut-š.
celui-là-l’-enfant ne-il se tait-pas
« Cet enfant ne se tait pas. »

– La forme hādāka postposée au nom déterminé au moyen de l’article l- : əl-…hādāka


« ce, cet » :

lə-ômāü hādāka mā-žā-š !


l’-âne celui-là ne-il est venu-pas
« Cet idiot n’est pas venu ! »

– La forme hādākāya postposée au nom déterminé au moyen de l’article l- :


əl-…hādākāya « ce, cet » :

əü-üāžəl hādākāya kəddāb !


le-monsieur celui-là menteur
« Ce mec-là est un menteur ! »

1.2.2. Le féminin singulier


Au féminin singulier, on trouve également quatre formes : deux formes préposées au
nom et deux formes postposées au nom.

3
A ce sujet, voir l’étude de Wolfdietrich FISCHER Die Demonstrativen Bildungen der neuarabischen
Dialekte. Ein Beitrage zur historischen Grammatik des Arabischen. ’s-Gravenhage. 1959.

257
– Une forme préposée au nom, composée de l’élément démonstratif féminin hādīka,
suivi de l’article l-: hādīkā-l- « cette » :

hādīkā-lə-mdīna bεīda bεīda mən °üābləs.


celle-là-la-ville loin loin de Tripoli
« Cette ville-là est très loin de Tripoli. »

– La forme préposée au nom hādīkāyā-l-, composée de l’élément démonstratif


hādīkāya, suivi de l’article l- « cette » :

hādīkāyā-l-bənt šēna.
celle-là-la-fille vilaine
« Cette fille-là est vilaine. »

– La forme hādīka postposée au nom déterminé au moyen de l’article l- : əl-…hādīka


« cette » :

əž-žumla hādīka mā-tžī-š.


la-phrase celle-là ne-elle convient-pas
« Cette phrase-là ne convient pas. »

– La forme hādīkāya postposée au nom déterminé au moyen de l’article l- :


əl-…hādīkāya « cette » :

əl-mākla hādīkāya məš mlīôa.


la-nourriture celle-là pas bonne
« Cette nourriture-là n’est pas bonne. »

1.2.3. Le pluriel
Au pluriel, on ne distingue pas le genre. On trouve quatre formes : deux formes
préposées au nom et deux formes postposées au nom.

– Une forme préposée au nom, composée de l’élément démonstratif pluriel hādūka,


suivi de l’article l-: hādūkā-l- « ces » :

hādūkā-lə-bnāwīt mā-səllmū-š εlē-ha.


celles-là-les-filles ne-elles ont salué-pas sur-elle
« Ces filles-là ne l’ont pas saluée. »

– La forme préposée au nom hādūkāyā-l-, composée de l’élément démonstratif


hādūkāya, suivi de l’article l- « ces » :

hādūkāyā-l-ūlād mā-yugdüū-š yəlεbu l-kūüa hne.


ceux-là-les-garçons ne-ils peuvent-pas ils jouent le-ballon ici
« Ces garçons-là ne peuvent pas jouer au ballon ici. »

– La forme hādūka postposée au nom déterminé au moyen de l’article l- : əl-…hādūka


« ces » :

258
əž-žūməl hādūka mā-tžū-š.
les-phrases celles-là ne-elles conviennent-pas
« Ces phrases-là ne conviennent pas. »

– La forme hādūkāya postposée au nom déterminé au moyen de l’article l- :


əl-…hādūkāya « ces » :

əl-lôēmāt hādīkāya bāhyāt.


les-morceaux de viande celles-là bonnes
« Ces morceaux de viande-là sont bons. »

Le tableau suivant récapitule les différents déterminants nominaux démonstratifs


concernant l’espace lié à l’énonciateur et aux co-énonciateurs utilisés à Tripoli :

Déterminants nominaux Masculin Féminin


Pluriel
démonstratifs : le là-bas singulier singulier
hādākā-l- hādīkā-l- hādūkā-l-
Formes préposées au nom
hādākāyā-l- hādīkāyā-l- hādūkāyā-l-
əl- … hādāka əl- … hādīka əl- … hādūka
Formes postposées au nom
əl- … hādākāya əl- … hādīkāya əl- … hādūkāya

2. Les pronoms
On examinera les pronoms de l’espace lié à l’énonciateur et ceux de l’espace lié à
l’énonciateur et aux co-énonciateurs.

2.1. L’espace lié à l’énonciateur, l’ici


On rappellera qu’il s’agit d’un espace qui peut soit inclure le sujet énonciateur, soit
désigner un point déterminé par rapport à lui et que cet espace peut également marquer
une appropriation d’ordre affectif, donc modal.

On distingue le singulier du pluriel ; au singulier on distingue le masculin du féminin.

2.1.1. Le masculin singulier


Au masculin, on trouve les trois formes suivantes : hāda, ā-hẉá et hādāya « celui-là ».

hāda wəld-i.
celui-ci fils-mon
« Celui-ci est mon fils / C’est mon fils. »

hādāya ûāôb-i.
celui-ci ami-mon
« Celui-ci est mon ami / C’est mon ami. »

ā-hẉá lə-ktāb əlli gṛet-a fi ṭṛābləs.


voici-lui le-livre REL. j’ai lu-le à Tripoli
« C’est le livre que j’ai lu à Tripoli. »

2.1.2. Le féminin singulier


Au féminin, on trouve les trois formes suivantes : hādi, ā-hỵá et hādīya « celle-là ».

259
hādi bənt-i.
celle-ci fille-ma
« Celle-ci est ma fille / C’est ma fille. »

hādīya ûāôəbt-i.
celle-ci amie-mon
« Celle-ci est mon amie / C’est mon amie. »

ā-hỵá ṭ-ṭāgīya lli εṭā-ha l-i ṛābīε.


voici-elle la-casquette REL. il a donné-la à-moi Rabi
« C’est la casquette que m’a donné Rabi. »

2.1.3. Le pluriel
Au pluriel, on ne distingue pas le genre. On trouve quatre formes : hādu, ā-huúá,
hādūma et hādūmāya « ceux-là, celles-là ».

hādu ūlād-i.
ceux-ci enfants-mes
« Ceux-ci sont mes enfants / Ce sont mes enfants. »

hādūma bnāwīt-i.
celles-ci filles-mes
« Celles-ci sont mes filles / Ce sont mes filles. »

hādūmāya ûôāb-na.
ceux-ci amis-nos
« Ceux-ci sont nos amis / Ce sont nos amis. »

ā-huúá l-ūlād əlli dāru l-ḥādət.


voici-eux les-garçons REL. ils ont fait l’-accident
Ce sont les garçons qui ont eu l’accident. »

Le tableau suivant récapitule les différents pronoms démonstratifs qui concernent


l’espace lié à l’énonciateur, l’ici, employés dans le parler arabe de Tripoli.

L’ici Masculin singulier Féminin singulier Pluriel


hāda hādi hādu
Pronoms hādāya hādīya hādūma
démonstratifs hādūmāya
ā-hẉá ā-hỵá
ā-huúá

2.2. L’espace lié à l’énonciateur et aux co-énonciateurs


On rappellera également que l’espace lié à l’énonciateur et aux co-énonciateurs renvoie
aux limites du visible, mais qu’il peut également marquer un éloignement affectif, donc
modal.

On distingue, au singulier, le masculin du féminin ; au pluriel, on ne distingue pas les


genres.

260
Les pronoms démonstratifs de cet espace sont caractérisés par la présence d’un k qui
serait à rattacher étymologiquement au pronom suffixe de deuxième personne -(ə)k.

2.2.1. Le masculin singulier


Au masculin, il y a trois formes : hādāka, hādākāy et hādākāya « celui-là ».

hādāka kəddāb kbīr.


celui-là menteur grand
« Celui-là est un grand menteur / C’est un grand menteur. »

hādākāy kān yəxdəm mεā-y f-nəfs-əš-šārīka.


celui-là il était il travaille avec-moi dans-même-l’-entreprise
« Celui-là, il travaillait avec moi dans la même entreprise. »

hādākāya mā-εənd-i ma ngūl fī-h !


celui-là ne-chez-moi quoi je dis dans-lui
« Celui-là, je n’ai rien à dire de lui / Celui-là, je n’ai rien à en dire ! ».

2.2.2. Le féminin singulier


Au féminin, on distingue également trois formes : hādīka, hādīkāy et hādīkāya « celle-
là ».

hādīka šəgga kbīra !


celle-là appartement grande
« Celui-là est un grand appartement / C’est un grand appartement. »

hādīkāy šēna.
celle-là vilaine
« Celle-là est vilaine. »

hādīkāya mā-εənd-i ma ngūl l-ək fī-ha.


celle-là ne-chez-moi quoi je dis à-toi dans-elle
« Celle-là, je n’ai rien à te dire d’elle / Celle-là, je n’ai rien à t’en dire ! »

2.2.3. Le pluriel
Au pluriel, on trouve les quatre formes suivantes : hādūka, hādūkāy, hādūkāya et
hādūkumma « ceux-là, celles-là ».

hādūka °üābəlsīya.
ceux-là Tripolitains
« Ceux-là sont des Tripolitains / Ce sont des Tripolitains. »

hādūkāy lôēmāt bāhyāt.


celles-là morceaux de viande bonnes
« Ceux-là sont de bons morceaux de viande /
Ce sont de bons morceaux de viande. »

hādūkāya mən səbha.


ceux-là de Sebha
« Ceux-là sont de Sebha. »

261
hādūkumma səyyāüāt ûəôô !
celles-là voitures vérité
« Celles-là sont de vraies (très bonnes) voitures /
Ce sont de vraies (très bonnes) voitures. »

Le tableau suivant récapitule les différents pronoms démonstratifs qui concernent


l’espace lié à l’énonciateur et aux co-énonciateurs, le là-bas, employés dans le parler
arabe de Tripoli.

Le là-bas Masculin singulier Féminin singulier Pluriel


hādūka
hādāka hādīka
Pronoms hādūkāy
hādākāy hādīkāy
démonstratifs hādūkāya
hādākāya hādīkāya
hādūkumma

Enfin, on signalera l’existence de la locution hākki ~ hēkke « comme ça, ainsi »,


probablement formée à partir de l’élément démonstratif hāk « voilà ».

262
LES INTERROGATIFS

Il existe des pronoms interrogatifs simples, qui servent de base à la formation des autres
interrogatifs :

āš « que, quoi »
mən « qui »
wēn « où »

On peut combiner ces pronoms à des particules et à des prépositions et former toute une
série de pronoms et d’adverbes circonstanciels interrogatifs.

On examinera ces pronoms interrogatifs de base, ainsi que leurs dérivés et leurs
composés. On traitera également des adverbes interrogatifs āmta « quand », kīf
« comment », ainsi que de l’adjectif interrogatif āma « quel(s), quelle(s) », puis la
locution interrogative au moyen de xēü « bien ».

1. āš, ses composés et ses dérivés


‫ي ء‬ّ ‫’* أ‬ayyu šay’in serait la forme de laquelle proviendrait le pronom āš, d’après
Hans STUMME 1et David COHEN 2.

Dans le parler arabe de Tripoli, l’interrogatif de forme āš n’est pas utilisé en tant que
tel, mais on emploie de nombreux interrogatifs qui en sont dérivés ou qui en sont
composés.

On examinera l’interrogatif āš et ses composés, puis les dérivés de āš, šīn « que, quoi »
et škūn « qui », ainsi que leurs composés.

1.1. Les adverbes interrogatifs circonstanciels composés de āš


Le pronom āš sert à la formation d’adverbes interrogatifs circonstanciels. Ils se
construisent tous sur le même modèle : préposition + āš. Certains de ces adverbes
interrogatifs peuvent également se construire au moyen du pronom šīn.

1.1.1. b-āš « avec quoi, au moyen de quoi »


Il se compose de la préposition b- « au moyen de » et de l’interrogatif āš.

- b-āš lə-ôlīb ?
au moyen de-quoi le-lait
- b-dīnāü.
pour-Dinar
« - Pour combien il y en a de lait ?
- Pour un Dinar. »

1
Cf. Hans STUMME 1898 : 272.
2
Cf. D. COHEN 1975 : 225.

263
- xēü-ək mā-mšēt-š l-āmrīkya ?
bien-ton ne-tu es allé-pas en-Amérique
- b-āš yā-üāžəl ?
avec-quoi ô-homme
« - Qu’est-ce que tu as, pourquoi n’es-tu pas allé en Amérique ?
- Avec quoi, mec (avec quel argent) ? »

- mā-fī-š εədda yā-üāžəl !


ne-il y a-pas outils ô-homme
- b-āš bə-nûəllô-a l-bāb ? b-ûubε-i ?
avec-quoi FUT-je répare-le la-porte avec-doigts-mes
« - Il n’y a pas d’outils, mec !
- Avec quoi je vais réparer la porte ? Avec mes doigts ? »

1.1.2. f-āš « dans quoi, en quoi »


Il se compose de la préposition f- « dans, en » et de l’interrogatif āš.

mā-fī-š °wāûi ! f-āš bə-nûubb l-ək əš-šāhi ?


ne-il y a-pas tasses dans-quoi FUT-je verse à-toi le-thé
« Il n’y a pas de tasses ! Dans quoi je vais te verser le thé ? »

1.1.3. εl-āš « sur quoi, pourquoi »


Il se compose de la préposition εle « sur » et de l’interrogatif āš.

əl-mundəü məblūl. εl-āš b-nuügud ?


le-matelas mouillé sur-quoi FUT-je dors
« Le matelas est mouillé. Sur quoi je vais dormir ? »

Cette préposition a également le sens de « pourquoi ».

-nəbbi εəšüa žni.


je veux dix Dinars
- εl-āš
pourquoi
« - Je veux dix Dinars.
- Pourquoi ? »

1.1.4. l-āš « à quoi, pour quoi »


Il se compose de la préposition l- « pour » et de l’interrogatif āš.

- nəbbi εəšüa žni.


je veux dix Dinars
- l-āš ?
pour-quoi
« - Je veux dix Dinars.
- Pour quoi (faire) ? »

264
- l-āš əs-səyyāüa ?
pour-quoi la-voiture
- nəmšu kāεābi xēü ! blā-ha t-tədrīsa ε-əš-šāl 3 !
nous allons talons mieux sans-elle le-stationnement sur-la-station essence
« - Pour quoi (faire) la voiture ?
- C’est mieux si nous y allons à pieds ! Sans avoir à passer par la station essence ! »

1.1.5. mn-āš « de quoi, à partir de quoi »


Il se compose de la préposition mən « de » et de l’interrogatif āš.

mn-āš žā-k əš-šēb ?


de-quoi il est venu-te la canitie
« De quoi t’es venu la canitie ? »

mn-āš əî-îəüba hādi ?


de-quoi la-cicatrice celle-ci
« De quoi est venue cette cicatrice ? »

mn-āš əl-xəb°a hādi ?


de-quoi la-marque celle-ci
« D’où vient cette marque ? »

1.1.6. gədd-āš « comme quoi (taille), combien »


Il se compose de la préposition gədd « comme (taille) » et de l’interrogatif āš.

gədd-āš üəqm-ək ?
combien numéro-ton
« C’est du combien ta pointure ? »

gədd-āš kubü-əl-bāb?
combien grandeur-la-porte
« Quelle est la taille de la porte ? »

gədd-āš buεd-ha zwāüa ?


combien distance-sa Zouara
« A quelle distance est Zouara ? »

gədd-āš gεədt āādi ?


combien tu es resté là-bas
« Combien de temps y es-tu resté ? »

Dans le parler arabe de Tripoli, l’interrogatif gədd-āš alterne avec kəm « combien » ?

kəm εumü-ək ?
combien âge-ton
« Quel âge as-tu ? »

kəm ktāb šrēt ?


combien livre tu as acheté
« Combien de livres as-tu acheté ? »

3
Il s’agit d’un emprunt à l’anglais Shell, groupe industriel pétrolier.

265
On emploie également une locution pronominale composée de la préposition b- « pour »
et du pronom interrogatif gədd-āš ou kəm, quand on demande la valeur, le prix de
quelque chose.

b-gədd-āš lə-bûəl ?
pour-combien les-oignons
« C’est combien les oignons ? »

b-kəm ət-tuffāô ?
pour-combien les-pommes
« C’est combien les pommes ? »

L’interrogatif gədd-āš peut être renforcé par la préposition mən(n) « de, parmi ».

lə-bûəl hāda gəddāš mənn-əh ?


les-oignons celui-ci combien de-lui
« Ces oignons, combien tu en veux ? »

1.2. Les pronoms interrogatifs šīn, šīnu, šīni


L’étymologie probable de šīn serait également ‫ي ء‬ ّ ‫’* أ‬ayyu šay’in « quelle chose »,
celle de šīnu ‫ي ء ه‬ ّ ‫’* أ‬ayyu šay’in huwa « quelle chose lui », celle de šīni ‫ي ء ه‬
ّ ‫أ‬
*’ayyu šay’in hiya « quelle chose elle » ; le -n serait une trace du tanwīn -in de šay’in ;
les voyelles finales, une trace des pronoms personnels indépendants huwa et hiya 4.

Ces trois pronoms interrogatifs sont employés isolément dans le parler arabe de Tripoli
avec le sens de « que, quoi, qu’est-ce que ». Le -u et le -i final seraient une trace des
pronoms personnels du masculin et du féminin, mais leur emploi est neutralisé dans le
parler actuel et ils sont employés indifféremment (à l’instar de mən, məni et mənu ; voir
en 2.1.).

šīn dərt ?
quoi tu as fait
« Qu’as-tu fait ? »

šīnu təbbi fī-h yūsəf ?


quoi tu veux dans-lui Youcef
« Qu’est-ce que tu lui veux à Youcef ? »

šīni yəbbi yākəl ?


quoi il veut il mange
« Que veut-il manger ? »

L’interrogation peut être marquée par l’intonation seule :

že nāfəε ?
il est venu Nafa
« Nafa est venu ? »

Mais on peut également employer le pronom interrogatif šīnu en tête d’énoncé 5 :


4
Cf. D. COHEN 1975 : 226.
5
Cf. Modalité 1 : II.1.1.1.

266
šīnu že nāfəε ?
quoi il est venu Nafa
« Est-ce que Nafa est venu ? »

Les pronoms interrogatifs šīn, šīni et šīnu peuvent être renforcés par le relatif əlli, mais
il ne s’agit plus de la même question.

šīn lə-ktāb əlli b-təgüā-h təwwa ?


quoi le-livre REL. FUT.INT.-tu lis-le maintenant
« Quel est le livre que tu as l’intention de lire maintenant ? »

Ils peuvent également être renforcés par la préposition mən.

šīn mən ktāb ?


quoi parmi livre
« Quoi comme livre ? Lequel de livre ? »

1.3. Les adverbes interrogatifs circonstanciels composés de šīn


Le pronom šīn sert également à la formation d’adverbes interrogatifs circonstanciels. Ils
se construisent tous sur le même modèle : préposition + šīn. Certains adverbes
interrogatifs cités ci-dessous peuvent également se construire au moyen du pronom āš.

1.3.1. f-šīn « dans quoi, en quoi »


Il se compose de la préposition f- « dans » et de l’interrogatif šīn.

s-səyyāüa wāgfa. f-šīn bə-nži ?


la-voiture arrêtée dans-quoi FUT-je viens
« La voiture est en panne. Avec quoi vais-je venir ? »

1.3.2. εlē-šīn « sur quoi, pourquoi »


Il se compose de la préposition εle « sur » et de l’interrogatif šīn.

mā-fī-š səllūm. εlē-šīni b-nərkəb ?


ne-il ya-pas échelle sur-quoi FUT-je monte
« Il n’y a pas d’échelle. Avec quoi vais-je monter ? »

1.3.3. fōg-šīn « sur quoi »


Il se compose de la préposition fōg « sur » et de l’interrogatif šīn.

ə°-°āwla mεəbbya. fōg-šīn bə-nôu°° ət-tālvīzyōn ?


la-table remplie sur-quoi FUT.-je pose la-télévision
« La table est pleine. Sur quoi vais-je poser la télévision ? »

əl-füāš məblūl. fōg-šīn b-nuügud ?


le-lit mouillé sur-quoi FUT.-je dors
« Le lit est mouillé. Sur quoi vais-je dormir ? »

1.3.4. təôt-šīn « sous quoi »


Il se compose de la préposition təôt « sous » et de l’interrogatif šīn.

267
təôt-šīnu bə-nôu°°-əh ?
sous-quoi FUT.-je pose-le
« Sous quoi vais-je le poser ? »

š-šāüəε hāda fāîi. təôt-šīnu bə-təlbəd m-lə-m°əü ?


la-rue celui-ci vide sous quoi FUT.-tu te caches de-la-pluie
« Il n’y a rien dans cette rue. Sous quoi vas-tu te protéger de la pluie ? »

1.3.5. gəddām-šīn « devant quoi »


Il se compose de la préposition gəddām « devant » et de l’interrogatif šīn.

wēn əl-gəhwa ? gəddām šīni ?


où le-café devant-quoi
« Où est le café ? Devant quoi ? »

gəddām-šīni dərrəst əs-səyyāüa ?


devant-quoi tu as garé la-voiture
« Devant quoi as-tu garé la voiture ? »

1.3.6. wüā-šīn « derrière quoi »


Il se compose de la préposition wüa « derrière » et de l’interrogatif šīn.

wüā-šīn bə-ndəss əl-flūs ?


derrière quoi FUT.-je cache l’-argent
« Derrière quoi vais-je cacher l’argent ? »

wüā-šīn wāgəf ?
derrière quoi debout
« Où te caches-tu ? »

1.3.7. zēy-šīn « comme quoi »


Il se compose de la préposition zēy « comme » et de l’interrogatif šīn.

- εənd-i muškila mεa šwēya ôāžāt f-əl-īnglīzi.


chez-moi problème avec un peu choses dans-l’-anglais
- zēy-šīnu ?
comme quoi
« - Je rencontre des problèmes avec certaines choses en anglais.
- Comme quoi (quoi par exemple) ? »

1.4. Le pronom interrogatif škūn « qui »


Philippe MARÇAIS précise que l’étymologie de škūn serait ‫ي ء آ‬ ّ ‫’* أ‬ayyu šay’
6
yakūn . Ce pronom interrogatif s’utilise à Tripoli, avec le sens de « qui », à côté de
l’interrogatif mən « qui » (cf. 2.).

škūn hūwa ?
qui lui
« Qui est-ce (lui) ? »

Le pronom interrogatif škūn peut être renforcé par le relatif əlli.

6
Ph. MARÇAIS 1977 : 200.

268
škūn əlli že ?
qui REL. il est venu
« Qui est-ce qui est venu ? »

škūn əl-bənt əlli εəžbāt-ək hālba ?


qui la-fille REL. elle a plu-te beaucoup
« Qui est la fille qui t’a beaucoup plu ? »

La question peut porter sur la deuxième partie d’un état construit.

- āne mən sūg-əž-žumεa.


moi de Soûg-Ej-Jum’a
- wəld-škūn f-əs-sūg ?
fils-qui dans-le Soûg
« - Moi, je suis de Soûg-Ej-Jum’a.
- Le fils de qui, à Soug ? »

ənta mən εēlt-škūn f-°üābləs ?


toi de famille-qui à-Tripoli
« Tu es de la famille de qui à Tripoli ? »

1.5. Les composés de škūn


Le pronom škūn sert aussi à la formation de pronoms interrogatifs. Ils se construisent
tous sur le même modèle : préposition + škūn. Certains pronoms interrogatifs cités ci-
dessous peuvent également se construire au moyen du pronom mən « qui », qui sera
étudié plus loin (cf. 2.).

1.5.1. lī-škūn « à qui, pour qui »


Il se compose de la préposition li « pour » et de l’interrogatif škūn.
lī-škūn əs-sāεa hādi ?
à-qui la-montre celle-ci
« A qui est cette montre ? »

1.5.2. εənd-škūn « chez qui »


Il se compose de la préposition εənd « chez » et de l’interrogatif škūn.

εənd-škūn bāyət lə-xmīs əlli fāt ?


chez-qui ayant passé la nuit le-jeudi REL. il est passé
« Chez qui as-tu passé la nuit jeudi dernier ? »

1.5.3. mtāε-škūn « à qui, de qui »


Il se compose de la particule mtāε « de » et de l’interrogatif škūn.

mtāε-mən əš-šəbšəb hāda ?


de-qui les-tongues celui-ci
« A qui sont ces tongues ? »

1.5.4. ôdā-škūn « à côté de qui »


Il se compose de la préposition ôda « à côté de » » et de l’interrogatif škūn.

269
ôdā-škūn mgəεməz ?
à côté de-qui assis
« A côté de qui es-tu assis ? »

1.5.5. gəddām-škūn « devant qui »


Il se compose de la préposition gəddam « à côté de » » et de l’interrogatif škūn.

gəddām-škūn ûāüət ?
devant-qui elle s’est produit
« Devant qui c’est arrivé ? »

1.5.6. gədd-škūn « comme qui (taille) »


Il se compose de la préposition gədd « comme (taille) » et de l’interrogatif škūn.

- gəddāš yəlbəs ?
combien il porte
- w-əllāhi mā-ndri !
par-Dieu ne-je sais
- bāhi. gədd-škūn hākki ?
d’accord comme-qui ainsi
« - Il porte du combien ?
- J’en sais rien du tout !
- D’accord. Il est de la taille de qui à peu près ? »

2. mən et les composés de mən


On examinera le pronom mən « qui » et ses composés.

2.1. mən, mənu, məni « qui »


Dans le parler arabe de Tripoli, pour interroger sur les personnes, on emploie mən, mənu
ou məni « qui » 7. L’étymologie de mənu serait-elle ‫*  ه‬man huwa « qui lui » ; celle
de məni ‫*  ه‬man hiya « qui elle » ? Les voyelles finales -u et -i seraient-elles une
trace des pronoms personnels indépendants ? 8 Leur emploi est indifférent, sans nuance
de genre, dans le parler actuel (cf. 1.2.).

mən mεā-k ?
qui avec-toi
« Qui est avec toi ? »

mənu əü-üāžəl hāda ?


qui le-monsieur celui-ci
« Qui est ce monsieur ? »

məni mše mεā-h ?


qui il est allé avec-lui
« Qui est allé avec lui ? »

məni ykūn ?
qui il est
« Qui est-il ? »

7
L’emploie de mən, mənu ou məni est plus courant que celui de škūn « qui » (1.2.).
8
Dans mənu et məni, l’accent porte sur la première voyelle.

270
Le pronom interrogatif mən est souvent précisé par les pronoms personnels
indépendants.

mən hūwa ?
qui lui
« Qui est-ce ? »

Il peut être renforcé par le relatif əlli.

mənu lli že ?
qui REL. il est venu
« Qui est venu ? »

mən əlli gāl l-ək ?


qui REL. il a dit à-toi
« Qui te l’a dit ? »

məni l-bənt əlli εəžbāt-ək ?


qui la-fille REL. elle a plu-te
« Qui est la fille qui t’a plu ? »

2.2. Les composés de mən


Le pronom mən sert à la formation de nombreux pronoms interrogatifs. Ils se
construisent tous sur le même modèle : préposition + mən. Certains pronoms
interrogatifs cités ci-dessous peuvent également se construire au moyen du pronom
škūn.

2.2.1. mεā-mən « avec qui »


Il se compose de la préposition mεa « avec » et de l’interrogatif mən.

mεā-mən māši l-bāris ?


avec-qui allant à-paris
« Avec qui vas-tu à Paris ? »

mεā-mən mətεəšši l-bārəô ?


avec-qui ayant dîné hier soir
« Avec qui as-tu dîné hier soir ? »

2.2.2. lī-mən « à qui, pour qui »


Il se compose de la préposition li « à, pour » et de l’interrogatif mən.

lī-mən əs-sāεa hādi ?


à-qui la-montre celle-ci
« A qui est cette montre ? »

lī-mənu °āüəô u mbəxbəx əû-ûənna


pour-qui fringué et vaporisé le-parfum
u sālət əš-šεērāt u zəbb-i ?
et coiffé les-petits cheveux et bite-ma
« Pour qui tu t’es fringué, tu t’es mis du parfumé et tu t’es coiffé et tout ce
tralala de mes deux ? »

271
2.2.3. εənd-mən « chez qui »
Il se compose de la préposition εənd « chez » et de l’interrogatif mən.

εənd-mənu lə-āde l-yōm ?


chez-qui le-déjeuner aujourd’hui
« C’est chez qui le déjeuner aujourd’hui ? »

εənd-məni bāyət lə-xmīs əlli fāt ?


chez-qui ayant passé la nuit le-jeudi REL. il est passé
« Chez qui as-tu passé la nuit jeudi dernier ? »

2.2.4. mtāε-mən « à qui, de qui »


Il se compose de la particule mtāε « de » et de l’interrogatif mən.

mtāε-mən əš-šəbšəb hāda ?


de-qui les-tongues celui-ci
« A qui sont ces tongues ? »

mtāε-məni s-səyyāüa l-ôəlwa hādi ?


de-qui la-voiture la-belle celle-ci
« A qui est cette belle voiture ? »

2.2.5. εlē-mən « sur qui, de qui »


Il se compose de la préposition εle « sur » et de l’interrogatif mən.

εlē-mən εābi ?
sur-qui étant à la charge, étant dépendant
« A la charge de qui es-tu ? De qui dépends-tu (financièrement) ? »

εlē-mən lə-āde l-yōm ?


sur-qui le déjeuner aujourd’hui
« Qui invite à déjeuner aujourd’hui ? »

2.2.6. ôdā-mən « à côté de qui »


Il se compose de la préposition ôda « à côté de » et de l’interrogatif mən.

ôdā-mən gāεəd ?
à côté de-qui se trouvant
« A côté de qui es-tu ? »

On combine également la locution prépositionnelle bə-ôda « à côté de » avec


l’interrogatif mən.

ûənnt-ək duxxān ! bə-ôdā-mən kunt mgəεməz ?


odeur-ton tabac à côté de-qui tu étais assis
« Tu sens la cigarette ! A côté de qui étais-tu assis ? »

2.2.7. gəddām-mən « devant qui »


Il se compose de la préposition gəddām « à côté de » et de l’interrogatif mən.

272
gəddām-mən ûāüət ?
devant-qui elle s’est produit
« Devant qui c’est arrivé ? »

gəddām-məni gult-ha ?
devant-qui tu as dit-la
« Devant qui as-tu dit ? »

2.2.8. gədd-mən « comme qui (taille) »


Il se compose de la préposition gədd « comme (taille) » et de l’interrogatif mən.

- gəddāš yəlbəs ?
combien il porte
- w-əllāhi mā-ndri !
par-Dieu ne-je sais
- bāhi. gədd-mənu hākki ?
d’accord comme-qui ainsi
« - Il porte du combien ?
- J’en sais rien du tout !
- D’accord. Il est de la taille de qui à peu près ? »

2.2.9. mən-εənd-mən « de chez qui, de la part de qui »


On combine la locution prépositionnelle mən-εənd « de chez » avec l’interrogatif mən.

mən-εənd-mən šrēt ət-tālāfōn hāda ?


de-chez-qui tu as acheté le-téléphone celui-ci
« Chez qui as-tu acheté ce téléphone ? »
« Dans quel endroit as-tu acheté ce téléphone ? »

mən-εənd-məni d-dūwa hādi xdēt-ha ?


de-chez-qui la-parole celle-ci tu as pris-la
« De qui tiens-tu cette information ? »

2.2.10. zēy-mən « comme qui »


Il se compose de la préposition zēy « comme » et de l’interrogatif mən.

- āne nəεüəf hālba nās məšhūrīn fi °üābləs.


moi je connais beaucoup gens célèbres à Tripoli
- zēy-mənu yəεni ?
comme-qui c’est-à-dire
« - Moi, je connais beaucoup de gens célèbres à Tripoli.
- Comme qui, par exemple ? »

- nəεüəf žmāεa m-əs-sūg 9.


je connais gens du-Soûg
- zēy-məni yəεni ž-žmāεa ?
commme-qui c’est-à-dire les-gens
« - Je connais des gens du Soûg.
- Qui comme gens, par exemple ? »

9
C’est-à-dire sūg-əž-žumεa, un quartier de Tripoli, connu pour son marché qui a lieu le vendredi.

273
La question peut porter sur la deuxième partie d’un état construit.

wəld-mən ənta ?
fils-qui toi
« Tu es le fils de qui, toi ? »

bənt-məni lli kānt mεā-k ?


fille-qui REL. elle était avec-toi
« C’est la fille de qui qui était avec toi ? »

3. wēn « où » et les composés de *ayn


On étudiera le pronom interrogatif wēn « où » et un certain nombre de composés de
*ayn..

3.1. wēn « où »
Comme le précise Philippe MARÇAIS, wēn « où » procèderait du classique ‫’* أ‬ayna
« où » (Ph. MARÇAIS 1977 : 248).

wēn māši yā-üāžəl ?


où allant ô-monsieur
« Tu vas où, mec ? »

wēn sākən yā-üābīε ?


où habitant ô-Rabi
« Où habites-tu Rabi ? »

wēn yā-üās ?
où ô-tête
« T’étais où mec (ça fait un bail qu’on s’est pas vu) ? »

3.2. Les composés de *ayn


On trouve le pronom *ayn dans la composition de pronoms interrogatifs. Ils se
construisent sur le modèle suivant : préposition + *ayn, qu’on retrouve dans le parler
sous la forme *-ēn ou *-īn, suite à la réduction de la diphtongue.

3.2.1. mn-īn ~ mən-wēn « d’où »


On trouve une forme où la diphtongue est réduite en ī, composée de la préposition mn
« de » et de l’élément -īn « où ». Ces formes sont utilisées dans des emplois locatifs.

mn-īn žā-k əš-šēb ?


de-où elle est venue-te la-canitie
« D’où te vient la canitie ? »

mn-īn fi lībya b-¢əb° ?


de-où en Libye par-précision
« D’où en Libye précisément ? »

On trouve une forme composée de la préposition mən « de » et du pronom sous sa


forme wēn, où la diphtongue est réduite à ē.

274
mən-wēn žət əl-xəb°a hādi ?
de-où elle est venue la-trace celle-ci
« D’où provient cette trace ? »

mən-wēn šrēt-a š-šōrt hāda ?


de-où tu as acheté-le le-short celui-ci
« D’où provient ce short que tu as acheté ? »

3.2.2. l-ēn « jusqu’à ce que »


Il se compose de la préposition l- « à, vers » et de l’interrogatif wēn. l-ēn est surtout
utilisé dans des emplois temporels.

bə-nšədd-ha xədma lēn yāxəd-ni n-nōm.


FUT.-je tiens-la travail jusqu’à ce que il prend-me le-sommeil
« J’ai l’intention de tenir et de travailler jusqu’à ce que je sois pris de sommeil. »

bə-nšədd-ha xəšra lēn nəsmən.


FUT.-je tiens-la nourriture jusqu’à ce que je grossis
« J’ai l’intention de continuer à manger jusqu’à ce que je grossisse. »

4. L’interrogatif āmta ~ əmta et son composé


Il s’agit d’adverbes interrogatifs circonstanciels.

4.1. L’interrogatif āmta « quand »


Cette forme procèderait du classique  *matā (Ph. MARÇAIS 1977 : 253).

āmta yəftôu ?
quand ils ouvrent
« Quand ouvrent-ils ? »

āmta ysəkkru ?
quand ils ferment
« Quand ferment-ils ? »

āmta nətlāgu ?
quand nous nous rencontrons
« Quand nous rencontrerons-nous ? »

4.2. Le composé d’āmta : l-āmta « jusqu’à quand »


Cette forme est composée de la préposition l- « à, vers », qui dénote la localisation
temporelle avec mouvement, et de l’interrogatif āmta.

l-āmta b-təgüa ?
jusque-quand FUT-tu étudies
« Jusqu’à quand as-tu l’intention d’étudier ? »

l-āmta b-tugεud šādd-ha sfər mən-āēü xədma ?


jusque-quand FUT.-tu restes tenant-la voyage sans travail
« Jusqu’à quand tu vas tenir à voyager sans travailler ? »

275
l-āmta b-tugεud εābi εle úúālē-k ?
jusque-quand FUT.-tu restes dépendant sur parents-tes
« Jusqu’à quand as-tu l’intention de rester dépendant de tes parents ? »

- l-āmta bə-tšədd-ha xədma ?


jusque-quand FUT.-tu tiens-la travail
- lēn yāxəd-ni n-nōm.
jusqu’à ce que il prend-me le-sommeil
« - Jusqu’à quand vas-tu rester à travailler ?
- Jusqu’à ce que j’aie sommeil. »

- l-āmta bə-tšədd-ha xəšra ?


jusqu’à quand FUT.-tu tiens-la bouffe
- lēn nəsmən.
jusqu’à ce que je grossis
« - Jusqu’à quand vas-tu rester à manger ?
- Jusqu’à ce que je grossisse. »

5. L’interrogatif kīf « comment »


Il s’agit d’un adverbe interrogatif employé isolément.

kīf yəxdəm hāda ?


comment il travaille celui-ci
« Comment est-ce que ça fonctionne ? »

kīf nəlga yūsəf ?


comment je trouve Youcef
« Comment je fais pour trouver Youcef ? »

- kīf ?
comment
-zēy °āgət-l-ūûīf ! 10
comme cul-le-esclave noir
« - Comment ?
- Comme le cul de l’esclave noir ! »

6. L’interrogatif āma et son composé


Il s’agit d’adjectifs interrogatifs.

6.1. L’interrogatif āma « quel(s), quelle(s) »


On l’emploie isolément.

āma wəgt lə-εše ?


quel temps le-dîner
« A quelle heure dîne-t-on ? »

āma ktāb təbbi təgüa ?


quel livre tu veux tu lis
« Quel livre veux-tu lire ? »

10
A la question kīf ?, pour plaisanter, mes informateurs me répondent : zēy °āgət-l-ūûīf.

276
mən hādu zōz, āma wāôəd təbbi fī-hum ?
de ceux-ci deux quel un tu veux dans-eux
Parmi ces deux-là, lequel veux-tu ?

6.2. Le composé d’āma : f-āma « à quel(s), à quelle(s), dans quel(s), dans quelle(s) »
Il se compose de la préposition f- « dans » et de l’interrogatif āma.

f-āma wəgt yə°ləε m-əl-xədma ?


dans-quel temps il sort de-le-travail
« A quel moment sort-il du travail ?
A quelle heure sort-il du travail ? »

f-āma wəgt nətlāgu ?


dans-quel temps nous nous rencontrons
« A quel moment nous rencontrerons-nous ?
A quelle heure nous rencontrerons-nous ? »

f-āma ôužra ykūnu humma ?


dans-quelle chambre ils sont eux
« Dans quelle chambre peuvent-ils être ? »

7. xēü + pronom personnel suffixe


Il s’agit d’une locution interrogative figée qui se construit au moyen du substantif xēü
« bien ».

xēü-ək ?
bien-ton
« Qu’est-ce que tu as ? Que t’arrive-t-il ? » 11

Cette expression se construit avec tous les pronoms personnels suffixes. On obtient le
paradigme suivant :

SG. 1. xēü-i « Qu’est-ce que j’ai ? Que m’arrive-t-il ? »


2. xēü-ək « Qu’est-ce que tu as ? Que t’arrive-t-il ? »
3.m. xēü-əh « Qu’est-ce qu’il a ? Que lui arrive-t-il ? »
3.f. xēü-ha « Qu’est-ce qu’elle a ? Que lui arrive-t-il ? »
PL. 1. xēü-na « Qu’est-ce que nous avons ? Que nous arrive-t-il ? »
2. xēü-kum « Qu’est-ce que vous avez ? Que vous arrive-t-il ? »
3. xēü-hum « Qu’est-ce qu’ils, elles ont ? Que leur arrive-t-il ? »

On peut combiner ces expressions avec des verbes.

xēü-ək nāyək dəwša ənta ?


bien-ton niquant bruit toi
« Qu’est ce que tu as à foutre le boucan toi ? »

11
Cette expression est à rapprocher de l’arabe marocain mā l-ək (quoi pour-toi) et de l’arabe tunisien āš
bī-k (quoi avec toi) « Qu’est-ce que tu as ? Que t’arrive-t-il ? ».

277
xēü-a yûəyyəô hāda ?
bien-son il crie celui-ci
« Qu’est-ce qu’il a à crier celui-là ? »

xēü-ha tədwi hākki ?


bien-son elle parle ainsi
« Qu’est-ce qu’elle a à parler comme ça ? »

xēü-na z-zəbb ? xəlli l-wāôəd f-ôāl-əh !


bien-notre la-bite laisse le-un dans-état-son
« Qu’est ce qui nous arrive putain ? Laisse les gens tranquilles ! » 12

xēü-kum mā-ügədtū-š l-təwwa ?


bien-votre ne-vous avez dormi-pas jusque-maintenant
« Qu’est-ce que vous avez à ne vous être toujours pas endormis ? »

xēü-hum lābsīn hākki ?


bien-leur habillés ainsi
« Qu’est-ce qu’il leur prend de s’habiller comme ça ? »

12
Il s’agit d’une forme impersonnelle, mais qui a le sens de « Qu’est-ce qu’il t’arrive putain ? Laisse-moi
tranquille ! ».

278
LES RELATIFS

On examinera des pronoms relatifs simples et des pronoms relatifs composés. Ces
pronoms sont tous invariables en genre et en nombre. On étudiera également les
subordonnées relatives introduites par le relatif Ø.

I. Les pronoms relatifs simples


Après avoir étudié les subordonnées relatives introduites par le relatif Ø, on traitera des
pronoms relatifs simples əlli, ma, mən, škūn et šən 1.

1. Le relatif Ø
Dans le parler arabe de Tripoli, certaines propositions relatives ne sont pas introduites
par un pronom relatif 2. On parlera dans cette étude de relatif Ø. C’est le cas lorsque
l’antécédent n’est pas déterminé. L’antécédent peut être un animé ou un inanimé.

1.1. Ø relatif
Dans les énoncés suivants, l’antécédent est le sujet de la proposition relative. Il existe
une relation anaphorique entre l’antécédent et la marque de personne (le préfixe du
verbe) contenue dans la forme verbale conjuguée. Il s’agit de relatives déterminatives.

tkəlləmt mεa wəld Ø mā-fhəm-nī-š.


j’ai parlé avec garçon REL. ne-il a compris-me-pas
« J’ai parlé avec un garçon qui ne m’a pas compris. »

tlāgēt mεa wəld Ø yəεṛf-ək.


j’ai rencontré avec garçon REL. il connaît-te
« J’ai rencontré un garçon qui te connaît. »

εənd-i ṣḥāb Ø yəbbu yəgṛu fi bārīs.


chez-moi amis REL. ils veulent ils étudient à Paris
« J’ai des amis qui veulent étudier à Paris. »

wēn nəlga səyyāṛa Ø mā-təbbī-š təṣlīḥ ?


où je trouve voiture REL. ne-elle veut-pas réparation
« Où trouverais-je une voiture qui n’a pas besoin d’être réparée ? »

1.2. Ø à antécédent circonstanciel


Le relatif Ø introduit également des subordonnées relatives dans lesquelles l’antécédent
non déterminé est en position de circonstanciel. Un pronom anaphorique suffixé à une
préposition, à un nom ou à un verbe rappelle l’antécédent.

1
mən, škūn et šən sont également des pronoms interrogatifs ; il existe une parenté morphologique entre
les pronoms relatifs et les pronoms interrogatifs et cela semble se produire dans de nombreuses langues,
comme le précise Denis CREISSELS dans son Cours de syntaxe générale (2004, ch. 28, p. 14) : « Dans de
nombreuses langues (français, anglais, etc.), il y a des affinités évidentes entre relativisation et
interrogation : les inventaires de pronoms interrogatifs et de pronoms relatifs se recoupent largement,
pronoms interrogatifs et pronoms relatifs occupent une position comparable en début d’unité phrastique,
et dans les usages non standard qui admettent des interrogatives […]. L’explication de ces ressemblances
est à chercher dans le fait que les relatives peuvent être issues diachroniquement d’une réinterprétation de
subordonnées ayant initialement le statut d’interrogatives indirectes ».
2
On trouve également des subordonnées sans marqueurs ; cf. Conjonctions II.1.

279
On trouve des combinaisons avec les compléments prépositionnels.

nəεṛəf bənt Ø təgdər tətkəlləm mεā-ha εəṛbi.


je connais fille REL. tu peux tu parles avec-elle arabe
« Je connais une fille avec laquelle tu pourras parler arabe. »

təgdər tεəṛṛəf-ni εle ṭṛābəlsi Ø nəgdər


tu peux tu fais connaître-me sur Tripolitain REL. je peux
ndīr dōṛa mεā-h fi ṭṛābləs ?
je fais tour avec-lui dans Tripoli
« Pourrais-tu me présenter un Tripolitain avec qui je pourrais me promener dans
Tripoli ? »

nəεṛəf wēn y’əžru fi səyyāṛa Ø təgdər


je sais où ils louent dans voiture REL. tu peux
təmši bī-ha mən ṭṛābləs li bənāāzi.
tu vas avec-elle de Tripoli à Benghazi
« Je sais où on loue une voiture avec laquelle tu peux aller de Tripoli à
Benghazi. »

On trouve également des combinaisons avec un état construit, indépendamment du


sémantisme de l’antécédent. Puisque le sujet de la relative est différent de l’antécédent,
on suffixe obligatoirement un pronom anaphorique qui rappelle l’antécédent. Dans les
énoncés suivants, il s’agit de relatives explicatives.

nəεṛəf wēn təlga ṭalaba Ø úúālē-hum mən səbha.


je sais où tu trouves étudiants REL. parents-leurs de Sebha
« Je sais où tu trouveras des étudiants dont les parents sont originaires de
Sebha. »

sāməε bi mdīna Ø nās-ha yətkəllmu fi


entendant de ville REL. gens-ses ils parlent dans
ləhža āārība.
parler étrange
« J’ai entendu parler d’une ville où les gens s’expriment dans un parler
étrange. »

tlāgēt mεa bənt Ø dūwət-ha b-üūô-ha.


j’ai rencontré avec fille REL. paroles-ses avec-âme-son
« J’ai rencontré une fille dont la façon de parler est spéciale. »

2. Le pronom relatif əlli


Le pronom relatif əlli peut s’employer avec un antécédent nominal ou pronominal
(pronom démonstratif, pronom indéfini). De plus, il peut être à la fois antécédent et
relatif. Enfin, il peut avoir pour antécédent un circonstanciel. On n’emploie le pronom
relatif əlli que lorsque l’antécédent est fortement déterminé 3. On le trouve sous la forme
əlli après une consonne et sous la forme lli après une voyelle. Le relatif əlli est employé
indépendamment du sémantisme de l’antécédent, qu’il soit animé ou non.

3
On ne l’emploie pas lorsque l’antécédent est déterminé par l’article Ø- « un, une, des ».

280
2.1. əlli pronom relatif
Il entre dans la construction de relatives déterminatives.

yənεəṛfu ṭ-ṭṛābəlsīyīn əlli sukkān-lə-mdīna l-’əṣlīyīn.


ils sont reconnus les-Tripolitains REL. habitants-la-ville les-originaires
« On reconnaît les Tripolitains qui sont les habitants originaires de la ville. »

fi bəεḍ-ən-nās əlli mā-yəεṛfū-š yərfsu.


il y a certains-les-gens REL. ne-ils savent-pas ils font une boule de bouillie
« Il y a des gens qui ne savent pas faire une boule de bouillie. »

Dans l’énoncé suivant, le pronom əlli introduit une relative explicative.

əl-lḥəm əlli žəbt-a ysədd-ək ?


la-viande REL. j’ai apporté-le il suffit-te
« La viande que j’ai apportée te suffit ? »

Lorsque l’antécédent est différent du sujet du verbe de la proposition relative, il est alors
obligatoirement rappelé par un pronom anaphorique suffixé à ce verbe.

əl-ktāb əlli εṭēt-hū-l-i mā-stḥəggēt-ā-š.


le-livre REL. tu as donné-le-à-moi ne-j’ai eu besoin-le-pas
« Je n’ai pas eu besoin du livre que tu m’as donné. »

On trouve également l’anaphorique à l’état construit, suffixé à un substantif :

ā-hẉa l-wəld əlli bū-h əs-sāfīr əl-lībi


voici-lui le-garçon REL. père-son l’-ambassadeur le-libyen
fi sbānya.
en Espagne
« Voici le garçon dont le père est l’ambassadeur de Libye en Espagne. »

L’antécédent peut être un pronom démonstratif. Il peut renvoyer à un inanimé ou à un


animé.

hāda lli gālū-h u hāda lli ṣāṛ.


celui-ci REL. ils ont dit-le et celui-ci REL. il est arrivé
« Ça c’est ce qu’ils ont dit et ça c’est ce qu’il s’est passé. »

hādi lli tuskun fi š-šəgga lli təḥt-mənn-i.


celle-ci REL elle habite dans l’-appartement REL. sous-de-moi
« C’est celle qui habite dans l’appartement qui est en dessous du mien. »

hādu lli šrət-hum əl-yōm.


ceux-ci REL. elle a acheté-les le-jour
« Ce sont ceux / celles qu’elle a achetées aujourd’hui. »

Il peut être le pronom indéfini kull « tout ».

281
kull əlli bnā-h həddm-əh.
tout REL. il a construit-le il a détruit-le
« Tout ce qu’il a construit, il l’a détruit. »

kull əlli ktəbt-əh gṛā-h.


tout REL. j’ai écrit il a lu-le
« Tout ce que j’ai écrit, il l’a lu. »

Le groupe kull əlli peut être abrégé en kulli.

kulli gult-hu l-əh ṣəḥḥ.


tout+REL. j’ai dit-le à-lui vérité
« Tout ce que je lui ai dit est vrai. »

2.2. əlli antécédent et relatif


Le pronom relatif əlli peut être utilisé sans antécédent, dans des relatives substantives 4 ;
en tant que pronom, il a le double statut d’antécédent et de relatif (CAUBET 1993 I :
174).

təεṛəf əlli že ?
tu sais REL. il est venu
« Tu connais celui qui est venu ? »

nəbbi nəεṛəf əlli yəgdər ysāεəd-ni.


je veux je sais REL. il peut il aide-me
« Je veux connaître celui qui pourrait m’aider. »

Il introduit des relatives périphrastiques 5. Dans ces énoncés, étant donné que le verbe
de la relative ne s’accorde pas avec l’antécédent, des anaphoriques sont obligatoirement
suffixés aux verbes et rappellent l’antécédent.

əlli gult-hū-l-ək əl-bāṛəḥ, nsēt-əh !


REL. j’ai dit-le-à-toi hier soir tu as oublié-le
« Ce que je t’ai dit hier soir, tu l’as oublié ! »

əlli təbbī-h, mā-təgdər-š tḥəṣṣl-əh !


REL. tu veux-le ne-tu peux-pas tu obtiens-le
« Ce que tu veux, tu ne pourras pas l’obtenir ! »

əlli f-ṛās-ək tdīr-əh !


REL. dans-tête-ta tu fais-le
« Ce que tu as en tête, tu le feras ! Tu n’en fais qu’à ta tête ! »

əlli lgēt-əh āməs, ṛāḥ mənn-i l-yōm.


REL. j’ai trouvé-le hier il est allé de-moi le-jour
« Ce que j’ai trouvé hier, je l’ai perdu aujourd’hui. »

4
Cf. RIEGEL, PELLAT & RIOUL 2005 : 486-488.
5
Cf. RIEGEL, PELLAT & RIOUL 2005 : 487-488.

282
Il introduit également des relatives indéfinies 6 :

əlli yži bla vīza, mā-yxušš-əš li lībya.


REL. il vient sans visa ne-il entre-pas en Libye
« Celui qui vient sans visa ne pourra pas entrer en Libye. »

əlli šrēt-hum āməs, kəssṛū-hum əl-yōm.


REL j’ai acheté-les hier ils ont cassé-les le-jour
« Ceux que j’ai achetés hier, ils les ont cassés aujourd’hui. »

Le pronom əlli à double statut se retrouve de la même manière dans les proverbes. Il
s’agit également de relatives indéfinies.

əlli yəbbi l-wəṛd yətḥəmməl šōk-əh.


REL. il veut la-rose il supporte épines-ses
« Celui qui veut la rose supporte ses épines. »
« Il n’y a pas de rose sans épines. » 7

əlli yzīd εle ḥədd-əh yəngləb li ḍudd-əh.


REL. il ajoute sur limite-sa il renverse à contre-lui
« Celui qui dépasse ses limites, ça se retournera contre lui. »
« Qui trop embrasse, mal étreint / Qui entreprend trop de choses à la fois court à
l’échec. »

2.3. əlli à antécédent circonstanciel


əlli introduit des subordonnées relatives dans lesquelles on retrouve l’antécédent en
position de circonstanciel, sous la forme d’un pronom suffixe anaphorique (CAUBET
1993 I : 175). Cet anaphorique est suffixé à des prépositions, dans des compléments
prépositionnels :

əεṭī-ni l-məftāḥ əlli ftəḥt bī-h əl-bāb !


donne-moi la-clé REL. tu as ouvert avec-lui la-porte
« Donne-moi la clé avec laquelle tu as ouvert la porte ! »

mšēna l-əl-mkān əlli dār fī-h əl-ḥādət.


nous sommes allés à-l’-endroit REL. il a fait dans-lui l’-accident
« Nous sommes allés à l’endroit où il a eu l’accident. »

əl-wəgt əlli že fī-h, kunt f-əl-ḥəmmām.


le-temps REL. il est venu dans-lui j’étais dans-la-salle de bain
« Au moment où il est venu, j’étais dans la salle de bain. »

sməεt b-əl-mkān əlli l-ūlād ət-tānyīn mšu


j’ai entendu de-l’-endroit REL. les-garçons les-autres ils sont allés
l-əh.
à-lui
« J’ai entendu parler de l’endroit où les autres garçons sont allés. »

6
Cf. RIEGEL, PELLAT & RIOUL 2005 : 486-487.
7
Cf. CHAMBARD 2002 : 276, ASHIURAKIS 1993 : 156 ; voir également ABDELKAFI 1996.

283
əl-wəld əlli kunt mεā-h āməs xū-h
le-garçon REL. j’ai été avec-lui hier frère-son
« Le garçon avec qui j’étais hier est son frère. »

mšēna l-əl-mkān əlli úúālē-h mənn-əh.


nous sommes allés à-l’-endroit REL. parents-ses de-lui
« Nous sommes allés à l’endroit d’où sont originaires ses parents. »

Par ailleurs, le pronom relatif əlli peut également être employé comme conjonction et
sert à former des complétives (Cf. Conjonctions : 2.1.2.). De plus, au moyen d’une
préposition et du relatif əlli, on construit des conjonctions circonstancielles de temps et
de manière (Cf. Conjonctions : 3.1.2.).

3. Le pronom relatif ma
Le pronom relatif ma est utilisé sans antécédent ; en tant que pronom, il a le double
statut d’antécédent et de relatif (CAUBET 1993 I : 175). Il renvoie à un inanimé.

mā-xəlla l-i ma nākəl.


ne-il a laissé pour-moi REL. je mange
« Il ne m’a rien laissé à manger. »

mā-εənd-i ma nəεṭī-hum.
ne-chez-moi REL. je donne-leur
« Je n’ai rien à leur donner. »

fi ma yəndār ?
il y a REL. il se fait
« Y a-t-il quelque chose à faire ? »

Le pronom relatif ma entre également dans la formation de nombreuses conjonctions de


subordination. En effet, au moyen d’une préposition ou d’un nominal et du pronom
relatif ma, on construit des conjonctions circonstancielles de temps, de manière et de
lieu (Cf. Conjonctions : 3.1.1.). De plus, au moyen d’un interrogatif et du relatif ma, on
forme toute une série de conjonctions de subordination concessives (Cf. Conjonctions :
3.2.).

4. Le pronom relatif mən (ainsi que les formes mənu et məni)


Le pronom interrogatif mən est employé comme relatif et il est utilisé sans antécédent. Il
a le double statut d’antécédent et de relatif et renvoie à un animé.

mā-yḥəbbū-š mən yəxnəb.


ne-ils aiment-pas REL. il vole
« Ils n’aiment pas ceux qui volent. »

bəṛṛa dəwwəṛ mən ynīk-ək !


va cherche REL. il baise-te
« Va chercher quelqu’un pour te niquer ! Va te faire foutre ! »

284
la ṛgəd la xəlla mən yuṛgud !
ni il a dormi ni il a laissé qui il dort
« Il n’a ni dormi, ni laissé dormir les autres ! »

Les interrogatifs mənu et məni peuvent également être employés comme relatifs et se
substituer à mən.

yəεṛəf mənu ṛbəḥ.


il sait REL. il a gagné
« Il sait qui a gagné. »

təεṛəf mənu dār əl-ḥādət.


elle sait REL. il a fait l’-accident
« Elle sait qui a eu l’accident. »

nəεṛəf məni yəgdər yāəyyər tədkərt-ək.


je sais REL. il peut il change billet-ton
« Je sais qui pourra changer ton billet. »

Le relatif mən peut être renforcé par le relatif əlli.

təεṛəf mən əlli že ?


tu sais REL. REL. il est venu
« Tu sais qui est venu ? »

Le pronom personnel indépendant peut également renforcer le groupe mən əlli.

šuft mən hūwa lli že ?


tu as vu REL. lui REL. il est venu
« Tu as vu qui est venu ? »

5. Le pronom škūn
L’interrogatif škūn « qui » peut être employé comme relatif. Il est utilisé pour les
animés et est employé sans antécédent. Il a le double statut d’antécédent et de relatif.

təεṛəf škūn že ?
tu sais REL. il est venu
« Tu sais qui est venu ? »

A l’instar de mən, škūn permet, dans cet exemple, de « demander si on sait si quelqu’un
(quelconque) est venu ». Si on substitue, dans le même énoncé, škūn par əlli, le pronom
modifierait le sémantisme du verbe et on gloserait cet énoncé par « connais-tu celui
(cette personne) qui est venu ? ».

nəbbi nəεṛəf škūn yəgdər ysāεəd-ni.


je veux je sais REL. il peut il aide-me
« Je veux savoir qui pourrait m’aider. »

Le relatif škūn peut être renforcé par le relatif əlli.

285
nəbbi nəεṛəf škūn əlli yəgdər ysāεəd-ni.
je veux je sais REL. REL. il peut il aide-me
« Je veux savoir qui pourrait m’aider. »

6. Le pronom relatif šən (ainsi que les formes šīnu et šīni)


Les pronoms interrogatifs šən, šīnu et šīni peuvent être employés comme relatifs.
Employé sans antécédent, il a le double statut de relatif et d’antécédent.

təεṛəf šīnu yəbbi ?


tu sais REL. il veut
« Tu sais ce qu’il veut ? »

Dans l’énoncé suivant, il a pour antécédent le pronom démonstratif hāda « celui-ci » et


renvoie à un antécédent inanimé. Cette expression est employée pour indiquer la fin
d’un récit.

hāda šən ṣāṛ.


celui-ci REL. il s’est passé
« C’est ce qu’il s’est passé. »

7. Synthèse
Le tableau suivant récapitule les différents relatifs simples examinés et rappelle leur
emploi en fonction du sémantisme de l’antécédent. On a également indiqué les formes
renforcées au moyen du relatif əlli, ainsi que les formes renforcées au moyen d’un
pronom personnel indépendant de la troisième personne du singulier ou du pluriel suivi
du relatif əlli.

PRONOMS RELATIFS SIMPLES


RELATIFS ANTÉCÉDENT
Ø animés ; inanimés
əlli animés ; inanimés
ma inanimés
mən ~ məni ~ mənu
mən əlli animés
e
mən + pr.pers. ind. 3 pers. + lli
škūn
škūn əlli animés
škūn + pr. pers. ind. 3e pers + əlli
šən, šīni, šīnu inanimé

II. Les pronoms relatifs composés


Dans le parler arabe de Tripoli, il existe des pronoms relatifs composés d’une
préposition et d’un pronom relatif. Il s’agit de la relativisation d’un syntagme
prépositionnel par un pronom composé. Dans les énoncés qui suivront, les pronoms
relatifs əlli, ma et šən ont le double statut d’antécédent et de relatif et son employés
indépendamment de leur sémantisme, que l’antécédent soit un animé ou un inanimé.

286
1. Préposition + əlli
On combine une préposition et le pronom relatif pour obtenir un pronom relatif
composé qui introduit des subordonnées relatives où le relatif est à la fois relatif et
antécédent en position de circonstanciel.

Le pronom relatif composé peut avoir la fonction de complément circonstanciel de lieu.


Dans les énoncés suivants, le pronom əlli se combine aux prépositions de lieu mən (m-)
« de », εənd « chez », fōg « sur » et təḥt « sous ».

xdēt-ha m-əlli 8 žənb-ək.


j’ai pris-la de-REL. à côte de-toi
« Je l’ai obtenue de celui qui est à côté de toi. »

nsā-h εənd-əlli bāt εənd-a lə-xmīs


il a oublié-le chez-REL. il a passé la nuit chez-lui le-jeudi
əlli fāt.
REL. il est passé
« Il l’a oublié chez celui chez qui il a passé la nuit jeudi dernier. »

ḥuṭṭ lə-ktābāt fōg-əlli f-əl-hužṛa.


mets les-livres sur-REL. dans-la-chambre
« Mets les livres sur ceux qui sont dans la chambre. »

ḥuṭṭ əš-šənṭa təḥt-əlli f-əd-dāṛ hādi.


mets la-valise sous-REL. dans-la-pièce celle-ci
« Mets la valise sous celle qui est dans cette pièce. »

Employé avec les prépositions zēy, mεa et l-, le pronom relatif composé a la fonction de
complément circonstanciel de manière.

Le pronom əlli se combine à la préposition zēy « comme » et permet l’expression d’une


comparaison 9.

zēy-əlli ynīk f-ṣubε-a f-tīnt-a w yšəmm fī-h !


comme-REL. il baise dans-doigt-son dans-cul-son et il sent dans-lui
« Comme celui qui se fout le doigt dans le cul et le sent ! »

Lorsque le pronom əlli est combiné à la préposition mεa « avec », il indique


l’accompagnement.

mšē mεā-lli bāε l-əh əs-səyyāṛa.


il est allé avec-REL. il a vendu à-lui la-voiture
« Il est parti avec celui qui lui a vendu la voiture. »

Combiné à la préposition l- « à », il marque l’attribution.

8
m-əlli provient de mən əlli.
9
Cf. Conjonctions 3.1.2.c.

287
- mtāε mən əṭ-ṭāsa ?
de qui le verre
- ya mtāε nīzāṛ, ya mtāε nāfəε !
soit de Nizar soit de Nafa
-l-əlli hūwa, əl-məfrūḍ mā-yxəllī-hā-š hne !
à-REL. lui le-supposé ne-il laisse-la-pas ici
« - A qui est ce verre ?
- Soit à Nizar, soit à Nafa !
- A qui que ce soit (peu importe à qui il est), il est censé ne pas le laisser ici ! »

2. Préposition + ma
Combiné à la préposition zēy « comme », le relatif ma permet l’expression d’une
comparaison.

əԑṭī-ni zēy-ma ԑṭēt-əh !


donne-me comme-REL. tu as donné-le
« Donne-moi comme ce que tu lui as donné (la même quantité, la même
chose) ! »

3. Préposition + šən
Dans l’énoncé suivant, on combine la préposition εle « sur » et le relatif šən et on
obtient un pronom relatif composé, qui a la fonction de complément d’objet indirect du
verbe dwe « il a parlé » qui se construit avec la préposition εle « de, sur ». L’antécédent
est un inanimé.

ənta fhəmt εlē-šən dwēna.


toi tu as compris sur-REL. nous avons parlé
« Toi, tu as compris de quoi nous avons parlé. »

3. Synthèse
Le tableau suivant récapitule les pronoms relatifs composés au moyen d’une préposition
et d’un relatif. Ces pronoms sont employés indépendamment du sémantisme de
l’antécédent.

PRONOMS RELATIFS COMPOSÉS


mən əlli / mn-əlli / m-əlli
εənd-əlli Complément circonstanciel
fōg-əlli de lieu
Préposition + əlli təḥt-əlli
zēy-əlli (comparaison)
Complément circonstanciel
mεā-lli (accompagnement)
de manière
l-əlli (attribution)
Complément circonstanciel
Préposition + ma zēy-ma (comparaison)
de manière
Complément d’objet
Préposition + šən εlē-šən
indirect

288
LES INDEFINIS

Dans ce chapitre consacré aux indéfinis, on étudiera des termes ou des constructions,
des locutions du parler arabe de Tripoli qui possèdent en commun le caractère de
l’indétermination. Ces termes appartiennent à diverses catégories : on trouve des
substantifs, des adjectifs, des relatifs. Certains termes ou constructions désignent des
êtres et des choses, indépendamment de toute considération d’ordre quantitatif. Pour
d’autres, on tiendra compte de la notion quantitative, qui se manifeste dans un gradient
d’indétermination allant de l’unicité (avec des valeurs que l’on pourrait gloser par
« quelqu’un », « un quidam », « quelque chose ») à la totalité (« tout », « tous »), en
passant par une série de pluralités indistinctes (« peu de », « quelques », « certains »,
« beaucoup de ») ; d’autre part, certains indéterminés impliquent une existence (« on »,
« quelqu’un », « quiconque »), alors que d’autres la nient (« personne », « rien »,
« aucun ») ; il en est encore qui expriment la différence (« autre ») ou l’identité
(« même »), l’isolement (« seul »), ou l’association et la réciprocité (« l’un l’autre »,
« les uns les autres ») 1.

1. Existence indépendante de toute considération d’ordre quantitatif


Parmi les termes ou les constructions qui désignent des êtres ou des choses
indépendamment de toute considération d’ordre quantitatif, certains admettent
l’existence pure et simple, alors que d’autres considèrent l’éventualité d’une existence.

1.1. Admission de l’existence pure et simple


On distinguera les formes utilisées pour les êtres de la forme employée pour les choses.

1.1.1. Pour les êtres


Elle s’exprime au moyen de divers substantifs, dont certains sont déterminés au moyen
de l’article əl-, mais on verra également que la première personne du pluriel et la
troisième personne (du singulier et du pluriel) de la conjugaison suffixale permettent
l’expression de cette valeur.

1.1.1.1. bnādəm
On emploie la forme substantivée bnādəm ; il s’agit, à la base, d’un état construit
composé de bn « fils » et ādəm « Adam » : « Le fils d’Adam ».

kīf bnādəm mā-yəhbəl-š ?


comment fils-Adam NEG.-il devient fou-NEG.
« Comment ne deviendrait-on pas fou ? »

1.1.1.2. əl-bnādəm
On peut faire précéder bnādəm de l’article əl-. Cela confirme le fait que bnādəm n’est
plus considéré comme une forme à l’état construit, où le premier terme ne saurait
comporter l’article défini əl-, mais comme un substantif qui peut être déterminé par
l’article əl-.

yətmənyək εəl-lə-bnādəm.
il se moque sur-le-fils-Adam
« Il se moque des gens, du monde. »

1
Cette analyse s’inspire de l’étude de l’indétermination dans Le parler arabe de Djidjelli par Philippe
MARÇAIS ; voir Ph. MARÇAIS 1952 : 472-474 et Ph. MARÇAIS 1977 : 209-211.

289
1.1.1.3. l-ənsān
Il s’agit du substantif ənsān « individu, homme », déterminé au moyen de l’article əl-.

l-ənsān εumṛ-a mā-yəšbəε !


l’individu vie-sa NEG-il est rassasié
« On n’est jamais satisfait ! »

1.1.1.4. əl-wāḥəd
wāḥəd
Cet indéfini se compose de l’article əl- « le » suivi du numéral wāḥəd « un » ; on peut le
gloser par « l’un, l’individu, le quidam ».

l-xədma ûəεba lākən b-əs-sēf əl-wāôəd šīn b-ydīr ?


le-travail difficile mais avec-l’-épée le-un quoi FUT.-INT.-il fait
« Le travail c’est difficile, mais qu’est-ce qu’on peut faire ? On est bien forcé. »

xēü-na ẓ-ẓəḅḅ ? xəlli l-wāḥəd f-ḥāl-əh !


bien-notre la-bite laisse le-un dans-état-son
« Qu’est ce qui t’arrive putain ? Laisse les gens tranquilles ! »

1.1.1.5. 1e personne du pluriel


Pour rendre l’idée d’indétermination, on peut fréquemment utiliser la première personne
du pluriel.

On trouve des verbes, à la conjugaison préfixale ; la conjugaison préfixale permet


d’exprimer des généralités (gnomique).

fi yōm-əž-žumεa nṣəõõu fə-ṣõāt-əž-žumεa


dans jour-le-vendredi nous prions dans-prière-le-vendredi
« Le vendredi, on fait la prière du vendredi. »

On emploie également la préposition εənd « chez » avec le pronom suffixe de la


première personne du pluriel -na, avec la valeur d’indéterminé.

dīma εənd-na ḥəṛṛāṛa dīma…


toujours chez-nous chaleur toujours
« Il fait toujours chaud, toujours… / On a toujours chaud, toujours… »

1.1.1.6. La 3e personne du pluriel


Pour rendre l’indétermination, on peut également employer la troisième personne du
verbe, à la conjugaison préfixale, au pluriel. La conjugaison préfixale donne au verbe la
valeur d’inaccompli concomitant gnomique.

290
būrdīm kīf əl-būrdīm ? yəḥfṛu ḥufṛa f-ət-tṛāb.
Bourdim comment le-bourdim ils creusent trou dans-la-terre
Ωl-ḥufṛa hādi šīn yḥuṭṭu fī-ha ? yḥuṭṭu
le-trou celle-ci quoi ils mettent dans-elle ils mettent
fī-ha byāḍ…
dans-elle charbon
« Bourdim, comment (prépare-t-on) le bourdim ? On creuse un trou dans la terre.
Ce trou, que met-on dedans ? On y met du charbon... »

1.1.2. Pour les choses : šēy


Pour les choses, une seule forme a été relevée. Il s’agit du substantif šēy « chose ». On
peut le gloser par « quelque chose ».

yəbbi šēy.
il veut chose
« Il veut quelque chose. »

Ce substantif est souvent employé en interrogation :

lgēt šēy ?
tu as trouvé chose
« As-tu trouvé quelque chose ? »

u hūwa, εṭā-k šēy ?


et lui il a donné-te chose
« Quant à lui, t’a-t-il donné quelque chose ? »

1.1.3. Conclusion
Le tableau suivant récapitule les différents procédés (substantifs ou formes verbales
conjuguées) employés à Tripoli pour exprimer l’indétermination et désigner des êtres et
des choses, indépendamment de toute considération d’ordre quantitatif, en admettant
leur existence pure et simple.

ADMISSION DE L’EXISTENCE PURE ET SIMPLE


əl-wāḥəd, bnādəm, əl-bnādəm, l-ənsān
Substantifs
« l’un, l’individu, le quidam »
ÊTRES Conjugaison préfixale
Verbes 1.PL., 3.PL.
« on »
šēy
CHOSES Substantif
« quelque chose »

1.2. Considération de l’éventualité d’une existence


On distinguera les formes utilisées pour les êtres de la forme qui employée pour les
choses.

1.2.1. Pour les êtres


Elle s’exprime au moyen d’un substantif (le numéral wāḥəd) précédé de l’indéfini əyyī-,
mais également grâce aux pronoms relatifs əlli et mən (qui renvoient tous deux à des

291
animés) et à des formes augmentées composées de ces derniers. On peut gloser toutes
les formes étudiées par « quiconque, qui que ce soit ».

1.2.1.1. əyyī
əyyī-wāḥəd
wāḥəd
Le numéral wāḥəd précédé de l’indéfini əyyī- permet de considérer l’éventualité d’une
existence.

əyyī-wāḥəd yži, gūl l-əh āne mā-hnā-š.


quoi-un il vient dis à-lui moi ne-ici-pas
« Quiconque vienne, dis-lui que je ne suis pas là. »

1.2.1.2. əlli
On peut également employer le relatif əlli qui renvoie à un antécédent animé.

əlli yži, ahlan wa sahlan !


REL. il vient familièrement et facilement
« Quiconque vienne, il est le bienvenu ! »

Dans la proposition relative, le verbe est à la troisième personne du singulier (masculin


ou féminin) ou du pluriel de la conjugaison préfixale.

əlli yži bla vīza, mā-yxušš-əš li lībya.


REL. il vient sans visa ne-il entre-pas en Libye
« Quiconque vient sans visa ne peut pas entrer en Libye. »

əlli tži, gūl l-ha mā-hū-š hne.


REL. elle vient dis à-elle ne-lui-pas ici
« Quiconque vienne, dis-lui qu’il n’est pas là. »

əlli yžu, āne mā-nəbbī-š nətlāga mεā-hum.


REL. ils viennent moi ne-je veux-pas je rencontre avec-eux
« Quiconque vienne, moi je ne veux pas les rencontrer. »

1.2.1.3. əllī-hūwa, əllī-hīya, əllī-humma


Le relatif əlli peut être renforcé par le pronom personnel indépendant de la troisième
personne du masculin singulier hūwa.

əllī-hūwa, gūl l-əh āne mā-hnā-š


REL.-lui dis à-lui moi ne-ici-pas
« Qui que ce soit, dis-lui que je ne suis pas là. »

Il peut également être renforcé par le pronom personnel indépendant de la troisième


personne du féminin singulier.

əllī-hīya, lāzəm təmši təwwa.


REL.-elle nécessaire elle va maintenant
« Qui que ce soit, il faut qu’elle parte maintenant. »

Le pronom personnel indépendant de la troisième personne du pluriel peut également


renforcer le relatif əlli.

292
əllī-humma, mūš îāüūüi yəlεbu l-kūra hne !
REL.-eux pas obligatoire ils jouent le-ballon ici
« Qui que ce soit, ils ne doivent pas jouer au ballon ici ! »

1.2.1.4. mən
Le relatif mən qui renvoie à un antécédent animé permet aussi de considérer
l’éventualité d’une existence.

nəbbi mən ysāεəd-ni bəss mā-lgēt-š ḥədd.


je veux qui il aide-me mais ne-j’ai trouvé-pas un
« J’aimerais que quelqu’un m’aide, mais je n’ai trouvé personne. »

1.2.1.5. kull-mən
La forme kull-mən se compose du nominal kull et du relatif mən. kull-mən est suivi d’un
verbe à la troisième personne du masculin singulier.

kull-mən zāṛ lībya, zāṛ mādīnət-ṭṛābləs.


chaque-qui il a visité Libye il a visité ville-Tripoli
« Quiconque visite la Libye visite la ville de Tripoli. »

kull-mən gṛe yəεṛəf əl-εaṛabīya l-fuṣḥa.


chaque-qui il a étudié il sait l’-arabe le-classique
« Quiconque a étudié connaît l’arabe classique. »

Si on veut conjuguer le verbe à la troisième personne du féminin singulier ou à la


troisième personne du pluriel, on doit obligatoirement utiliser le relatif əlli, au lieu de
kull-mən.

1.2.1.6. kull-əlli
La forme kull-əlli se compose du nominal kull suivi du relatif əlli ; il est employé pour
désigner un groupe de personnes au pluriel.

kull-əlli gābəlt-hum ṣḥāb-i.


chaque-REL. tu as rencontré-les amis-mes
« Tous ceux que tu as rencontrés, sont mes amis. »

kull-əlli zāṛu ṭṛābləs, klu ḥūt f-əl-ḥufṛa.


chaque-REL. ils ont visité Tripoli ils ont mangé poisson dans-le-trou
« Tous ceux qui ont visité Tripoli sont allés mangés du poisson au trou 2. »

kull-əlli kunt nəlԑəb mԑā-hum zmān, təwwa


chaque-REL. j’ai été j’ai joué avec-eux auparavant maintenant
məḥtəṛfīn.
professionnels
« Tous ceux avec qui j’ai joué auparavant sont devenus des professionnels. »

2
l-ḥufṛa est un lieu au bord de la mer où on va manger du poisson, à Tripoli.

293
kull-əlli žāyīn l-əl-ḥəfla, b-yənzlu f-əl-kābīr.
chaque-REL. venant à-la-fête, FUT.-ils descendent dans-le-grand
« Tous ceux qui viendront à la fête, séjourneront au grand hötel. »

1.2.2. Pour les choses


On emploie des formes composées de l’indéfini əyyī-, ou des pronoms relatifs əlli et ma.
On trouve également le pronom indéfini məhma. On peut gloser toutes les formes
étudiées par « quoi que (ce soit que), quel qu’il soit ».

1.2.2.1. əyyī-ḥāža
La forme əyyī-ḥāža est composée de l’indéfini əyyī- suivi du substantif ḥāža.

nəgbəl bi əyyi-ḥāža.
j’accepte pour quoi-chose
« J’accepte quoi que ce soit. »

əyyī-ḥāža yəbbī-ha nəšrī-hā-l-əh.


quoi-chose il veut-la j’achète-la-à-lui
« Quoi qu’il veule je le lui achèterai. »

əyyī-ḥāža tgūl-ha, məš ḥā-tāəyyər ṛāy-i


quoi-chose tu dis-la ne FUT.-elle change opinion-mon
« Quoi que tu dises, je ne changerai pas d’avis. »

1.2.2.3. məhma
Le pronom indéfini məhma est très courant dans le parler arabe de Tripoli.

məhma ydīr, ən-nās dīma yhtəmmu bī-h


quoi que il fait les-gens toujours ils se soucient par-lui
« Quoi qu’il fasse, les gens se font toujours du souci pour lui. »

məhma tgūl, məš ḥā-nāəyyər ṛūḥ-i


quoi que tu dis ne FUT.-je change âme-mon
« Quoi que tu dises, je ne changerai pas d’avis. »

1.2.2.6. əllī-hūwa ; əllī-hīya ; əllī-humma


Les formes où le relatif əlli peut être renforcé par les pronoms personnels indépendants
de la troisième personne du singulier et du pluriel sont également employées pour les
choses.

əllī-hūwa, yəbbū-h !
REL.-lui ils veulent-le
« Quel qu’il soit, ils le veulent ! »

əllī-hīya, yāxəd-ha !
REL.-elle il prend-la
« Quelle qu’elle soit, il peut la prendre ! »

294
əllī-humma, nəšrī-hum !
REL.-eux j’achète-les
« Quels qu’ils soient, je les achèterai : »

1.2.2.7. kull-əlli
La forme kull-əlli est composée de kull et du relatif əlli et s’emploie pour les choses.

kull-əlli ḥəṭṭēt-hu l-əh klā-h.


chaque-REL j’ai mis-le à-lui il a mangé-le
« Il a mangé tout ce que je lui ai mis. »

mԑa kull-əlli dərnā-h, mā-nfəԑ-š fī-h.


avec chaque-REL nous avons fait-le ne-il a été utile-pas dans-lui
« Avec tout ce que nous lui avons fait, cela ne lui a pas été utile. »

1.2.2.7. Synthèse
Le tableau suivant récapitule les différentes formes qui sont employées à Tripoli pour
exprimer l’indétermination et désigner des êtres et des choses, indépendamment de
toute considération d’ordre quantitatif, en considérant l’éventualité d’une existence.

CONSIDÉRATION DE L’ÉVENTUALITÉ D’UNE EXISTENCE


Au moyen de əyyī- əyyī-wāḥəd
əlli
ÊTRES
« Qui que Au moyen de əlli kull-əlli
ce soit » əllī-hūwa / hīya / humma
mən
Au moyen de mən
kull-mən
Au moyen de əyyī- əyyī-ḥāža
CHOSES əllī-hūwa / hīya / humma
« Quoi que Au moyen de əlli
kull-əlli
ce soit »
Au moyen de ma məhma

L’indéfini əyyī- est employé avec le nominal wāḥəd « un, quelqu’un » et permet de
désigner un être ; il est aussi employé avec le nominal ḥāža « chose » pour désigner une
chose. Les relatifs sont très employés, seuls ou combinés : əlli peut être employé seul et
renvoyer à des animés (êtres) ; suivi des pronoms personnels indépendants, il peut
renvoyer à des animés ou à des inanimés (choses) ; mən renvoie toujours à des animés,
qu’il soit employé seul ou dans la locution kull-mən. Enfin, l’indéfini məhma est très
fréquemment employé dans le parler arabe de Tripoli pour désigner des choses.

2. Notion quantitative
Pour certains indéfinis, on tient compte de la notion quantitative, qui se manifeste dans
un gradient d’indétermination allant de l’unicité (avec des valeurs que l’on pourrait
gloser par « quelqu’un », « un quidam », « quelque chose ») à la totalité (« tout »,
« tous »), en passant par une série de pluralités indistinctes (« peu de », « quelques »,
« certains », « beaucoup de »).

295
2.1. Unicité
On distinguera l’unicité affirmée (« quelqu’un », « quelque chose ») de l’unicité niée
(« personne », « rien »).

2.1.1. Affirmée
On distinguera les formes utilisées pour les êtres de la forme employée pour les choses.

2.1.1.1. Pour les êtres


On l’exprime au moyen du numéral wāḥəd ou de la forme ḥədd, mais aussi au moyen de
flān ; on distinguera une forme pour le pluriel, exprimée à partir du pluriel déterminé
ən-nās.

2.1.1.1.1. ḥədd
C’est une forme invariable, qui désigne toujours une personne. ḥədd peut être sujet :

ləmma ôədd igūl l-ək : šəxû bûīr,


lorsque quelqu’un il dit à-toi individu qui a une bonne vue
ānta təfhəm ’ənn-a hūwa mā-yəšbəô-š.
toi tu comprends que-lui lui NEG.-il voit- NEG.
« Lorsque quelqu’un te dit : une personne qui a une bonne vue, toi, tu comprends
que, lui, il ne voit pas ».

ḥədd peut également être employé comme complément d’objet. Dans l’énoncé suivant,
il s’agit d’un complément d’objet indirect introduit par la préposition fi.

ydəwwṛu fi ḥədd ysāεəd-hum.


ils cherchent PREP. quelqu’un il aide-les
« Il cherchent quelqu’un qui pourra les aider. »

2.1.1.1.2. wāḥəd
wāḥəd
Contrairement à ḥədd, wāḥəd varie en genre et en nombre. On le trouve en position de
sujet :

wāḥəd məṛṛa gāl l-i məfṛūḍ mā-tākəl-š b-surεa.


un une fois il a dit à-moi supposé ne-tu manges-pas avec-vitesse
« Quelqu’un m’a dit une fois de ne pas manger vite.»

wāôəd əôwəl εənd-a εəûfūr əôwəl.


quelqu’un qui louche chez-lui oiseau qui louche
b-yôu°°-a f-əl-gəfû ôə°°-a bəüüa.
FUT.-il met-lui dans-la-cage il a mis-le à l’extérieur
l-εəûfūr b-yuhüub xəšš əl-gəfû.
l’-oiseau FUT.-il s’enfuie il est entré la-cage
« Quelqu’un qui louche a un oiseau qui louche (strabisme convergent).
Il avait l’intention de le mettre dans la cage, il l’a mis à l’extérieur.
L’oiseau, en voulant s’enfuir, est entré dans la cage. »

296
mā-bēn əṭ-ṭalaba fi wāḥəd yəgṛa hālba.
quoi-entre les-étudiants il y a un il étudie beaucoup
« Parmi les étudiants, il y en a un qui étudie beaucoup. »

En position de complément d’objet :

ydəwwṛu fi wāḥəd ysāεəd-hum.


ils cherchent PREP. quelqu’un il aide-les
« Il cherchent quelqu’un qui pourra les aider. »

Au féminin :

fi wāôda žət sə’lət εlē-k.


il y a une elle est venue elle a demandé sur-toi
« Quelqu’un est venu et a demandé après toi. »

Au pluriel, avec une distinction de genre possible :

fi wāôdīn žu sə’lu εlē-k.


il y a uns ils sont venus ils ont demandé sur-toi
« Des gens sont venus et ont demandé après toi. »

fi wāôdāt žu sə’lu εlē-k.


il y a unes elles sont venues elles ont demandé sur-toi
« Des femmes / des filles sont venues et ont demandé après toi. »

2.1.1.1.3 flān
Il s’agit du substantif flān qui correspond à « un tel ».

gāl l-i āne wəld-flān.


il a dit à-moi moi fils-un tel
« Il m’a dit qu’il était le fils d’un tel. »

yətmənyək εle flān.


il se moque PREP. un tel
« Il se moquait d’un tel. »

Ce terme s’accorde au féminin :

tbəṣṣər mεa flāna.


elle plaisante avec une telle
« Elle plaisante avec une telle. »

On emploie également flān dans des expressions telles que flān bən-ԑəllān, flān wəld-
ԑəllān ou flān əl-fūlāni, qu’on peut gloser par « un tel ; un tel, fils d’un tel ».

yžī-k flān bən-ԑəllān w ydīr ma yəbbi.


il vient-te un tel fils-un tel et il fait REL. il veut
« Un tel fils d’un tel vient et il fait ce qu’il veut. »

297
yži flān əl-fūlāni w yġəyyər əl-qāwānīn.
il vient un tel le-tel et il change les-lois
« Un tel vient et change les lois. »

2.1.1.1.4. ən-nās
Il marque le pluriel « des gens » et peut être sujet ou complément d’objet.

ən-nās yəgṛu bāš yḥəṣṣlu xədma bāhya.


les-gens ils étudient pour que ils obtiennent travail bonne
« On étudie pour avoir un bon travail. »

nəbbi nətlāga mεa n-nās əlli mā-εənd-hum-š


je veux je rencontre avec les-gens REL. NEG.chez-eux-NEG.
ḥədd ysāεəd-hum.
quelqu’un il aide-les
« Je veux faire connaissance avec des gens qui n’ont personne pour les aider. »

2.1.1.2. Pour les choses


On emploie le substantif ḥāža qu’on glose par « quelque chose ». Le substantif ḥāža est
complément d’objet.

hūwa šre ḥāža.


lui il a acheté chose
« Lui, il a acheté quelque chose. »

εənd-i nīya nākəl ḥāža.


chez-moi envie je mange chose
« j’ai envie de manger quelque chose. »

εənd-i ḥāža ndīr-ha


chez-moi chose je fais-la
« J’ai quelque chose à faire. »

2.1.1.3. Synthèse
Le tableau suivant récapitule les différentes formes qui permettent d’exprimer l’unicité
affirmée. Il s’agit de nominaux.

298
UNICITÉ AFFIRMÉE
ḥədd
flān, flāna
ÊTRES flān bən-εəllān / flān wəld-ԑəllān
« Quelqu’un » flān əl-fūlāni
wāḥəd, wāḥda, wāḥdīn, wāḥdāt
ən-nās
CHOSES
ḥāža
« Quelque chose »

2.1.2. Niée
Certaines formes sont utilisées pour nier les êtres, alors que d’autres sont employées
pour nier les choses.

2.1.2.1. Pour les êtres


On emploie ḥədd et wāḥəd dans des propositions négatives, où on fait précéder le
prédicat du morphème de négation mā-. De plus, le terme wāḥəd est toujours précédé du
morphème de négation ḥəttā-.

2.1.2.1.1. ḥədd
ḥədd est le complément d’un prédicat qui est précédé du morphème de négation mā- ; il
est en fait utilisé comme deuxième élément de négation : mā…ḥədd « ne…personne ».

əd-dāṛ hādi mā-fī-ha ḥədd


la-pièce celle-ci ne-dans-elle quelqu’un
« Il n’y a personne dans cette pièce. »

mā-ṛēt ḥədd.
ne-j’ai vu quelqu’un
« Je n’ai vu personne. »

š-šbāb fə-°üābləs bdu yədwu fi ləhža


les-jeunes à-Tripoli ils ont commencé ils parlent prép. parler
xəûûa bī-hum humma bəss
spéciale à-eux eux seulement
u mā-yəfhəm-ha ôədd āēü-hum.
et nég.-il comprend-la quelqu’un seulement-eux
« Les jeunes à Tripoli se sont mis à parler un parler spécial rien qu’entre eux et
personne ne le comprend excepté eux. »

ḥəttāā-wāḥəd
2.1.2.1.2. ḥətt wāḥəd
Dans une proposition négative, on peut également employer wāḥəd renforcé par ḥəttā- ;
ḥəttā-wāḥəd est utilisé comme deuxième élément de négation : mā…ḥəttā-wāḥəd
« ne…personne ».

299
əd-dāṛ hādi mā-fī-ha ḥəttā-wāḥəd.
la-pièce celle-ci ne-dans-elle même-un
« Il n’y a personne dans cette pièce. »

mā-ṛēt ḥəttā-wāḥəd.
ne-j’ai vu même-un
« Je n’ai vu personne. »

2.1.2.2. Pour les choses


Pour nier l’unicité, on emploie le substantif šēy « chose » dans une proposition négative.
Il est complément d’objet. Il est également utilisé comme deuxième élément de
négation : mā…šēy « ne…rien ».

l-īyām hādi mā-nākəl šēy.


les-jours ceux-ci ne-je mange rien
« Ces jours-ci, je ne mangerai rien. »

mā-nəεüəf šēy εəl-l-fəlsfa l-yūnānīya.


ne-je sais rien sur-la-philosophie la-grecque
« Je n’y connais rien à la philosophie grecque. »

mā-nəε°ī-h šēy !
ne-je donne-lui chose
« Je ne lui donnerai rien ! »

mā-yəfhəm šēy, lə-ômāü hāda !


ne-il comprend chose l-âne celui-ci
« Il ne comprend rien, cet idiot ! »

mā-εənd-i šēy.
ne-chez-moi rien
« Je n’ai rien. »

mā-fi šēy.
ne-il y a rien
« Il n’y a rien. »

2.1.2.3. Conclusion
Le tableau suivant récapitule les formes et les procédés syntaxiques utilisés pour nier
l’unicité. On emploie des nominaux, compléments d’objets d’un prédicat précédé du
morphème de négation mā-.

UNICITÉ NIÉE

ÊTRES ḥədd mā- + prédicat + Ø-ḥədd


« Personne » wāḥəd mā- + prédicat + ḥəttā-wāḥəd
CHOSES
šēy mā- + prédicat + Ø-šēy
« Quelque chose »

300
2.2. Pluralité
Il s’agit d’étudier une série de pluralités indistinctes : la paucité (« peu de »), une partie
indéterminée d’un ensemble (« quelques », « certains ») et l’abondance quantitative
(« beaucoup de ») ; on étudiera également la totalité : la totalité et l’intégralité
(« tout(e) », « tou(te)s », « tout le », « toute la », « tou(te)s les », « totalement ») ainsi
que la totalité distributive (« chaque », « chacun(e) », « chaque chose », « tou(te)s
les »).

2.2.1. Paucité
Pour indiquer la paucité, on emploie le diminutif de šēy : šwēya. Un nom non déterminé
suit šwēya en apposition.

əε°ī-ni šwēya úúēya.


donne-moi peu eau
« Donne-moi un peu d’eau. »

dīr šwēya ôlīb f-əl-gəhwa.


mets peu lait dans-le-café
« Mets un peu de lait dans le café. »

De plus, šwēya peut être le premier élément d’une annexion dont le second est un nom
déterminé par l’article Ø. On voit ainsi apparaître le -t final de šwēya(t) ; cela ne se
produit que lorsqu’on lui annexe un mot.

nəbbi šwēyət-sukkur li š-šāhi mtāε-i.


je veux peu-sucre pour le-thé de-moi
« Je veux un peu de sucre pour mon thé. »

Le terme šwēyət- sert parfois aussi à rendre l’idée de « quelques (peu de) ».

mā-εəndī-š nīya nəmši l-εərs lī’ənna εənd-i


ne-chez-moi-pas intention je vais à-mariage parce que chez-moi
šwēyət-mšākəl.
peu-problèmes
« Je n’ai pas l’intention d’aller au mariage car j’ai quelques problèmes. »

āne məôtāž bāš tsāεəd-ni ntəržəm šwēyət-žūməl.


moi ayant besoin pour que tu aides-me je traduis peu-phrases
« J’ai besoin que tu m’aides à traduire quelques phrases. »

2.2.2. Partie indéterminée d’un ensemble


On emploie le nominal bəεḍ. Il est employé dans une séquence à l’état construit. De ce
fait, il est déterminé par un nom au pluriel pourvu de l’article défini qui le suit.

fi bəεḍ-ən-nās əlli mā-yəεṛfū-š yərfsu.


il y a certains-les-gens REL. ne-ils savent-pas ils font une boule de bouillie
« Il y a des gens qui ne savent pas faire une boule de bouillie. »

ḥne l-lībīyīn mā-nḥəbbū-š bəεḍ-əl-kəlmāt.


nous les-Libyens ne.-nous aimons-pas certains-les-mots
« Nous les Libyens nous n’aimons pas certains mots ».

301
bəεḍ-ən-nās yḥussu fī-ha ’ākla hāmāžīya lī’ənn-na
certains-les-gens ils pensent PREP.-elle plat primitif parce que-nous
nāklu fī-ha b-īdē-na.
nous mangeons PREP.-elle avec-mains-nos
« Certaines personnes pensent que ce dont je suis en train de te parler est un plat
primitif parce que nous avons l’habitude de le manger avec les mains ».

2.2.3. Abondance quantitative


L’adverbe hālba se place avant un nom au pluriel non déterminé (précédé de l’article
Ø). Il rend l’idée de « beaucoup de ». On retrouve une construction semblable dans le
parler arabe de Jijel, où on emploie l’adverbe b-əz-zāf. D’après Philippe MARÇAIS,
l’adverbe est substantivé et est employé comme premier élément d’une annexion et
permet l’expression de l’abondance quantitative 3.

hālbā-nās.
beaucoup-gens
« Beaucoup de gens. »

f lībya fi hālbā-səyyāüāt.
en Libye il y a beaucoup-voitures
« En Libye, il y a beaucoup de voitures. »

fi l-məktba hādi fi hālbā-ktābāt.


dans la-bibliothèque celle-ci il y a beaucoup-livres
« Dans cette bibliothèque, il y a beaucoup de livres. »

2.2.4. Totalité et intégralité 4


Pour exprimer la totalité et l’intégralité, on emploie le nominal kull. Il peut être suivi de
l’article əl- et d’un substantif ; il peut également être suivi d’un pronom suffixe de la
troisième personne (singulier ou pluriel). On emploie aussi le participe actif kāməl
« entier ».

2.2.4.1. kull-əl- + nom


kull est employé comme premier terme d’une annexion directe ; le deuxième terme est
déterminé au moyen de l’article əl-.

ygūl ’ənn-a bəri lākən kull-əl-’ədəlla îudd-əh.


il dit que-lui innocent mais chaque-les-preuves contre-lui
« Il dit qu’il est innocent, or toutes les preuves sont contre lui ».

kull-əl-lībīyīn yḥəbbu ygəyylu !


chaque-les-Libyens ils aiment ils font la sieste
« Tous les Libyens aiment faire la sieste ! »

2.2.4.2. kull- + pronom suffixe


kull est employé pourvu des pronoms suffixes de la troisième personne, en apposition à
un nom déterminé.

3
Voir Ph. MARÇAIS 1952 : 472.
4
Pour l’étude de l’expression de la totalité et de l’intégralité à Djidjelli, voir Ph. MARÇAIS 1952 : 472-
474 ; voir aussi Ph. MARÇAIS 1977 : 209-211.

302
On l’emploie suivi du pronom suffixe de la troisième personne du masculin singulier :

ən-nhāü kull-a w āne ndəwwəü fī-k !


la-journée chaque-lui et moi je cherche dans-toi
« Je t’ai cherché toute la journée ! »

lī’ənna l-Ñəüüāüa tkūn mətžānsa εle l-lôəm


parce que la-chaleur elle est homogène sur la-viande
kull-əh fa yíīb íyāb mumtāz.
chaque-lui alors il cuit cuisson excellente
« Parce que la chaleur, elle se répand sur toute la viande, alors la cuisson est
excellente. »

Avec le pronom suffixe de la troisième personne du féminin singulier :

fōg-ma mšēt l-bārīs māzāl mā-šuft-hā-š kull-ha.


sur-que je suis allé à-Paris pas encore ne-j’ai vu-la-pas chaque-elle
« Après toutes les fois où je suis allé à Paris, je ne l’ai pas encore vue en entier. »

Avec le pronom suffixe de la troisième personne du pluriel :

kull-hum žu əlla xū-y.


chaque-eux ils sont venus sauf frère-mon
« Ils sont tous venus, sauf mon frère. »

ən-nās kull-hum wəûlu əlla əntu !


les-gens chaque-eux ils sont arrivés sauf vous
« Tous les gens sont arrivés, sauf vous ! »

l-ūlād kull-hum ṛāgdīn.


les-enfants chaque-eux dormants
« Tous les enfants dorment. »

2.2.4.3. bukkull
Il s’agit d’une locution adverbiale *b-əl-kull, où kull, déterminé par l’article l-, est
précédé de la préposition b-. Dans le parler arabe de Tripoli, le /k/ a assimilé le /l/ de
l’article et les voyelles ont été harmonisées en [u]. Cette locution adverbiale sert à
exprimer les notions de totalité et d’intégralité. Il suit le terme qu’il désigne.

On le trouve après un adjectif :

hādi səhla bukkull !


celle-ci facile totalement
« C’est super facile ! »

mā-εənd-ī-š žəhd nəžri ; āne təεbən bukkull.


ne-chez-moi-pas habileté je cours moi fatigué totalement
« Je ne suis pas capable de courir ; je suis trop fatigué. »

303
Ou implicitement, après un verbe :

- nīzāü bde yunfux fī-hum.


Nizar il a commencé il gonfle dans-eux
- bukkull yā-üāžəl !
totalement ô-monsieur
« - Nizar commence à me les gonfler.
- Carrément, mec ! »

Dans une phrase négative, il prend le sens de « pas du tout ». On le trouve également
après un adjectif :

əl-ḥaṛṛāṛa lli f-ūëí-əl-ḥufṛa hādi tkūn mūš εādīya


la-chaleur REL. dans-centre-le-trou celle-ci elle est pas normale
bukkull.
totalement
« La chaleur qui est à l’intérieur du trou n’est pas du tout normale. »

Ou après un verbe :

mā-mšēt-š bukkull.
ne-je suis allé-pas totalement
« Je n’y suis pas du tout allé. »

mā-ykəllm-ək-š bukkul.
NEG.-il parle-te-NEG. totalement
« Il ne te parlait pas du tout ».

2.2.4.4. kāməl
Il s’agit du participe actif du verbe kməl « il a été entier accompli, complet » : kāməl
« entier, accompli, complet ». Il s’emploie indéterminé et s’accorde en genre et en
nombre avec le mot qu’il caractérise.

Il permet d’exprimer la totalité :

b-nəlԑbu kūṛa w əl-ūlād mā-žū-š


FUT.-nous jouons ballon et les-garçons ne-ils sont venus-pas
kāmlīn.
entiers
« Nous avons l’intention de jouer au football mais les garçons ne sont pas tous
venus. »

Et l’intégralité :

s-sāna kāmla w āne nəxdəm f-əṣ-ṣəḥṛa.


l’-année entière et moi je travaille dans-le-désert
« Je travaille toute l’année dans le désert. »

n-nhāṛ kāməl w āne f-əl-xədma.


le-jour entier et moi dans-le-travail
« Je suis toute la journée au travail. »

304
l-lēla kāmla w āne mā-ṛgədt-š.
la-nuit entière et moi NEG.-j’ai dormi-NEG.
« Toute la nuit et je n’ai pas dormi / Je n’ai pas dormi de la nuit. »

2.2.5. Totalité distributive


Pour exprimer la totalité distributive, dans le parler arabe de Tripoli, on emploie le
substantif kull. Il est employé à l’état construit, dans un complexe d’annexion où le
second terme est au singulier, indéterminé (i.e. précédé de l’article Ø) 5.

hne fi lībya ksād hālba. kull-yōm nəfs-əl-bəünāməž.


ici en Libye ennui beaucoup chaque-jour même-le-programme
« Ici en Libye on s’ennuie beaucoup. C’est le même programme chaque jour. »

εūmūmən, nəmšu kull-žumεa l-əl-bôəü.


généralement nous allons chaque-vendredi à-la-plage
« Généralement, nous allons à la plage chaque vendredi. »

məš kull-məṛṛa nəḥfṛu ḥufṛa ždīda.


NEG. chaque-fois nous creusons trou neuf
« On ne creuse pas un nouveau trou à chaque fois. »

kull-šāh tətεəlləg mən εərgūb-ha.


chaque-chèvre elle est suspendue par tendon d’Achille-son
« Chaque chèvre est suspendue par son tendon d’Achille. »

kull peut également être employé avec un duel ou un pluriel et désigner un ensemble
global d’unités.

yžu kull-yōmēn.
ils viennent chaque-deux jours
« Ils viennent tous les deux jours. »

ysāfər kull-təlt-snīn.
il voyage chaque-trois-ans
« Il voyage tous les trois ans. »

Il est aussi employé avec le numéral wāḥəd ou ḥədd .

mūš kull-wāôəd yəεüəf yərfəs əl-bāzīn kwəyyəs.


NEG. chaque-un il sait il fait une boule la-bouillie bien
« Ce n’est pas tout le monde qui sait bien faire la boule avec la bouillie de farine
d’orge ».

kull-ḥədd u lōn-əh : hādāk əzṛəg, hādāk əḥməṛ, hādāk əṣfər.


chaque-un et couleur-sa celui-là bleu celui-là rouge celui-là jaune
« Chacun a sa couleur : celui-là bleu, celui-là rouge, celui-là jaune. »

5
Pour une comparaison avec l’expression de la totalité distributive dans le parler arabe de Djidjelli, voir
Ph. MARÇAIS 1952 : 474 ; voir également Ph. MARÇAIS 1977 : 211.

305
wāḥəd peut s’accorder en genre ; on le trouve au féminin : kull-wāḥda.

kull-wāḥda təmši b-ṛūḥ-ha.


chaque-une elle va avec-âme-son
« Chacune ira seule. »

On l’utilise suivi du substantif šēy « chose » pour exprimer l’intégralité ou la totalité.

nəεüəf ndīr kull-šēy.


je sais je fais chaque-chose
« Je sais faire chaque chose (je suis capable de tout faire). »

əl-guṣgāṣ ? əlli yəbbi yəεṛəf kull-šēy.


le- curieux REL. il veut il sait chaque-chose
« Le curieux ? C’est celui qui veut savoir chaque chose (qui veut tout savoir). »

2.2.6. Conclusion
Le tableau suivant récapitule les procédés employés pour exprimer la pluralité. On
emploie des quantificateurs (šwēya, bəεḍ, hālba, kull). Ils peuvent être employés dans
des constructions en apposition ou dans des annexions directes (à l’état construit), suivis
de noms déterminés au moyen de l’article əl-, indéterminés (précédés de l’article Ø) ou
avec des séquences où le deuxième terme de l’annexion est un pronom suffixe. On
trouve également la locution adverbiale bukkull.

PLURALITÉ
šwēya + Ø-substantif
PAUCITÉ
šwēyət-Ø-substantif
PARTIE INDÉTERMINÉE
bəεḍ-əl-substantif
D’UN ENSEMBLE
ABONDANCE
hālbā-Ø-substantif
QUANTITATIVE
kull-əl-substantif
əl-substantif + əl-kull
TOTALITÉ
kull-əh / -ha / -hum
& INTÉGRALITÉ
bukkull
kāməl / kāmla / kāmlīn / kāmlāt
TOTALITÉ kull + Ø-substantif
DISTRIBUTIVE kull-wāḥəd / wāḥda

3. Différence
Pour exprimer la différence, on peut employer tāni et āxəü. Ces termes permettent de
distinguer des êtres ou des choses par la nature et les qualités, mais ils permettent
également de qualifier un élément qui vient s’ajouter en surplus.

306
3.1. tāni « deuxième, autre »
On emploie l’ordinal tāni qui permet de dire « deuxième ». Il est utilisé comme adjectif
épithète ; de ce fait, il suit le nom qu’il qualifie et s’accorde avec ce dernier en genre, en
nombre et en détermination.

3.1.1. Se distinguer de quelqu’un ou de quelque chose par la nature et les qualités


L’adjectif tāni suit le nom auquel il se rapporte. Il peut s’accorder au masculin
singulier :

xəšš l-əl-ḥōš ət-tāni.


il est entré à-la-maison le-deuxième
« Il est entré dans l’autre maison. »

Il peut s’accorder au féminin singulier :

ône f-gəlb-əl-məwîūε, bde yədwi f-ôāža tānya.


nous dans-cœur-le-sujet il a commencé il parle dans-chose deuxième
« Nous étions en plein milieu d’une conversation, il a commencé à parler d’autre
chose. »

hūwa yži mən blād tānya.


lui il vient de pays deuxième
« Lui, il vient d’un autre pays. »

Au masculin pluriel :

sməεt b-əl-mkān əlli l-ūlād ət-tānyīn mšu


j’ai entendu de-l’-endroit REL. les-garçons les-autres ils sont allés
l-əh.
à-lui
« J’ai entendu parler de l’endroit où les autres garçons sont allés. »

təlga dkākīn tānyīn əlli ybīεu fī-hum


tu trouves boutiques deuxièmes REL. ils vendent dans-eux
fi nəfs-ən-nəqqālāt.
PREP. âme-le-téléphone portable
« Tu trouveras d’autres magasins où on vend les mêmes portables. »

Au féminin pluriel :

kūl lḥēmāt tānyāt !


mange morceaux de viande deuxièmes
« Mange d’autres morceaux de viande ! »

3.1.2. Venir s’ajouter en surplus


On ne le trouve que dans des énoncés où il est employé indéterminé.

Il peut être employé seul, comme pronom :

307
šən fi tāni ?
quoi dans autre
« Qu’est-ce qu’il y a d’autre ? »

Il peut être employé comme adjectif, après un nom avec lequel il s’accorde en genre et
en nombre.

kān āēü fi ôōš tāni !


si seulement il y a maison deuxième
« Si seulement il y avait une autre maison ! »

təbbi ôāža tānya ?


tu veux chose deuxième
« Veux-tu autre chose ? »

hādāka kəddāb ; mā-εād-š nûəddg-a məüüa tānya !


celui-là menteur ne-plus je crois-le fois deuxième
« C’est un menteur ; je ne le croirai pas une fois de plus ! »

3.3. Conclusion
Pour exprimer la différence, on emploie l’ordinal tāni. Lorsqu’il est employé pour
marquer une distinction, il est employé comme adjectif : il suit le nom qu’il qualifie et
s’accorde en genre, en nombre et en détermination. Pour indiquer un surplus, il est
toujours employé après un nom non déterminé. Il peut également être employé comme
pronom.

DIFFÉRENCE
NOM tāni (M.SG.)
NOM tānya (F.SG.)
DISTINCTION Adjectif
NOM tānyīn (M.PL.)
NOM tānyāt (F.PL.)

Pronom Ø-tāni
Ø-NOM Ø-tāni (M.SG.)
SURPLUS
Ø-NOM Ø-tānya (F.SG.)
Adjectif
Ø-NOM Ø-tānyīn (M.PL.)
Ø-NOM Ø-tānyāt (F.PL.)

4. Identité
On emploie nəfs- comme premier terme d’une annexion directe.

4.1. nəfs-
Il peut être suivi d’un nominal déterminé au moyen de l’article əl- :

hādākāy kān yəxdəm mεā-y f-nəfs-əš-šārīka.


celui-là il était il travaille avec-moi dans-même-l’-entreprise
« Celui-là, il travaillait avec moi dans la même entreprise. »

308
hne fi lībya ksād hālba. kull yōm nəfs-əl-bəünāməž.
ici en Libye ennui beaucoup chaque jour même-le-programme
lāzəm nəlgu ôāžāt ndīrū-ha f-əl-εu°la.
nécessaire nous trouvons choses nous faisons-elle dans-le-congé
« Ici en Libye on s’ennuie beaucoup. C’est le même programme tous les jours. Il
faudrait que nous trouvions des choses à faire pendant les congés. »

f-nəfs-əl-ləôîa lli ənta xəššēt fī-ha hūwa °ləε.


dans-même-le-moment que toi tu es entré dans-elle lui il est sorti
« Il en est sorti au moment même où toi tu y es entré. »

ône nεūmu w əl-m°əü tûubb f-nəfs-əl-wəgt.


nous nous nageons et la-pluie elle verse dans-même-le-temps
« Nous, nous nageons et, en même temps, il pleut. »

Il peut également être suivi d’un pronom suffixe. Dans ce cas, la forme nəfs + pronom
suffixe suit un nom et le pronom suffixe renvoie à ce nom mentionné précédemment :

f-hādīkā-l-məüüa nəfs-ha bəεt əs-səyyāüa.


dans-celle-là-la-fois âme-son j’ai vendu la-voiture
« J’ai vendu la voiture cette même fois. »

4.2. Conclusion
Le tableau suivant récapitule les constructions étudiées : nəfs- suivi d’un nom déterminé
ou nəfs- suivi d’un pronom suffixe, à l’état construit.

IDENTITÉ
Suivi d’un nom nəfs-əl-NOM

Suivi d’un pronom suffixe NOM + nəfs-PRONOM SUFFIXE

5. Isolement : b-ṛūḥ
Dans le parler arabe de Tripoli, pour indiquer l’isolement, on a recours à la locution
adverbiale b-ṛūḥ-. Cette locution est composée de la préposition b- et du nominal ṛūḥ,
auquel on suffixe les pronoms personnels. Elle permet d’exprimer l’absence de
compagnie, l’exclusivité et l’absence d’aide. On examinera également l’emploi de b-ṛūḥ
en construction paronomasique 6.

5.1. L’absence de compagnie


La locution adverbiale b-ṛūḥ permet d’indiquer l’absence de compagnie.

māši b-üūô-i l-əl-mdīna.


allant avec-âme-mon à-la-ville
« Je vais en ville tout seul. »

6
Voir Ph. MARÇAIS 1952 : 477 et Ph. MARÇAIS 1977 : 214.

309
xēü-kum mgəεmzīn b-üūô-kum ?
bien-votre assis avec-âme-votre
« Qu’avez-vous à être (là) assis tout seuls ? »

lī’ənn-ək ənta mā-žēt-š āne mšēt b-üūô-i.


parce que-toi toi ne-tu es venu-pas moi je suis allé avec-âme-mon
« Puisque toi tu n’es pas venu, moi je suis allé seul. »

mūš lāzəm nəmši mεā-k. kān təmši b-üūô-ək


pas nécessaire je vais avec-toi si tu vas avec-âme-ton
ôā-tūûəl əsüəε.
FUT-tu arrives plus vite
« Ce n’est pas nécessaire que j’aille avec toi ; si tu pars seul tu arriveras plus vite. »

təgdər tsāfər mən °üābləs l-bənāāzi b-üūô-ha kān


elle peut elle voyage de Tripoli à-Benghazi avec-âme-son si
təbbi.
elle veut
« Elle a la possibilité de voyager de Tripoli à Benghazi seule si elle veut. »

5.2. L’exclusivité
La locution adverbiale b-ṛūḥ permet d’indiquer l’exclusivité.

tlāgēt mεa bənt mlīḥa mu’addaba


j’ai rencontré avec fille bien polie
ḥətta dūwət-ha yā-ṛāžəl b-ṛūḥ-ha.
même paroles-ses oh-homme avec-âme-son
« J’ai rencontré une fille bien, polie, mec, même sa façon de parler est unique. »

5.3. L’absence d’aide


La locution adverbiale b-ṛūḥ permet d’indiquer l’absence d’aide.

- nəbbi nḥəwwəl əṭ-ṭəwla āādi.


je veux je déplace la-table là-bas
- mā-təgdər-š tḥəwwəl-ha b-ṛūḥ-ək !
ne-tu peux-pas tu déplaces-la avec-âme-ton
- ngūl l-ək nəgdər nḥəwwəl-ha b-ṛūḥ-i !!!
je dis à-toi je peux je déplace-la avec-âme-mon
« - Je veux déplacer cette table là-bas.
- Tu n’arriveras pas à déplacer cette table tout seul (sans l’aide de quelqu’un) !
- Je te dis que j’arriverai à déplacer cette table tout seul (sans l’aide de
personne) !!! »

- nži mεā-k nsāεd-ək ?


je viens avec-toi j’aide-te
- la, nəgdər ngīm-ha b-ṛūḥ-i.
non je peux je soulève-la avec-âme-mon
« - Je t’accompagne et je t’aide ?
- Non, je pourrai la soulever seul (sans ton aide). »

310
5.4. En construction paronomasique
b-ṛūḥ est employé dans deux membres de phrase et permet de noter la séparation
d’éléments d’un ensemble qu’il ne faut pas mêler, ou de noter la distinction d’êtres ou
de choses qu’il ne faut pas confondre 7.

ḥuṭṭ əlli mtāε-i b-ṛūḥ-hum w əlli mtāε-ək b-ṛūḥ-hum.


mets REL. de-moi avec-âme-leur et REL. de-toi avec-âme-leur
« Isole ce qui est à moi d’un côté et ce qui est à toi de l’autre. »

ləhžət-l-ūlād b-ṛūḥ-ha u ləhžət-lə-bnāwīt b-ṛūḥ-ha.


parler-les-garçons avec-âme-son et parler-les-filles avec-âme-son
« Le parler des garçon est une chose et le parler des filles en est une autre. »

fərrəg lə-ktābāt : əlli b-əl-εəṛbi b-ṛūḥ-hum w əlli


sépare les-livres REL. avec-l’-arabe avec-âme-leur et REL.
b-əl-ənglīzi b-ṛūḥ-hum.
avec-l’-anglais avec-âme-leur
« Sépare les livres : mets ceux qui sont en arabe d’un côté et ceux qui sont en
anglais de l’autre. »

5.5. Conclusion
Le tableau suivant récapitule les différents emplois de la locution adverbiale b-ṛūḥ-, en
distinguant toutes les nuances de la notion d’isolement que permet de rendre cette
locution.

ISOLEMENT
Absence de compagnie
Exclusivité b-ṛūḥ-PRONOM SUFFIXE
Absence d’aide
b-ṛūḥ-PRONOM SUFFIXE…
Construction paronomasique
b-ṛūḥ-PRONOM SUFFIXE

6. Réciprocité
Le substantif bəεḍ sert, dans des syntagmes prépositionnels, à exprimer la réciprocité 8.

6.1. fī-bəεḍ
On fait précéder bəεḍ de la préposition fī- « dans ».

7
Voir Ph. MARÇAIS 1952 : 477
8
Voir Ph. MARÇAIS 1952 : 479-480 et Ph. MARÇAIS 1977 : 212-213.

311
ône εənd-na yōm-əž-žumεa ksād hālba !
nous chez-nous jour-le-vendredi ennui beaucoup !
tgūl tlāt-īyām lāsgāt fī-bəεḍ !
elle dit trois-jours collés dans-portion
« Nous, le vendredi nous nous ennuyons beaucoup !
On dit : trois jours collés ensemble (les uns dans les autres) ! »

6.2. mεā-bəεḍ
bəεḍ est employé précédé de la préposition mεa « avec ».

āne nəbbi nəxdmu mεā-bəεḍ.


moi je veux nous travaillons avec-portion
« Moi, j’ai envie que nous travaillions ensemble (l’un avec l’autre). »

nəmšu mεa-bəεḍ.
nous allons avec-portion
« Nous partons ensemble (l’un avec l’autre). »

žəww-əl-ləmma mgəεmzīn mεā-bəεḍ nāklu


ambiance-la-rencontre assis avec-portion nous mangeons
mgəεmzīn εəl-l-ūía.
assis sur-le-sol
« L’ambiance liée à la rencontre, assis ensemble, nous mangeons assis sur le sol. »

De plus, mεā-bəεḍ peut être pourvu des affixes personnels du pluriel.

mšēna mεā-bəεḍ-na.
nous sommes allés avec-portion-notre
« Nous sommes allés ensemble. »

žētu mεā-bəεḍ-kum.
vous êtes venus avec-portion-votre
« Vous êtes venus ensemble. »

zmān kān əl-wāzīr w əl-buwwāb yətāəddu


époque il a été le-ministre et le-portier ils déjeunent
mεā-bəεî-hum yəεni hūwa yəbda wāzīr u
avec-portion-leur il signifie lui il commence ministre et
l-buwwāb mtāε-əh ygəεmzu f wəgt-lə-āde
le-portier de-lui ils s’assoient à, dans temps-le-déjeuner
yətāəddu mεā-bəεî-hum.
ils déjeunent avec-portion-leur
« Autrefois, le ministre et le portier déjeunaient ensemble ; c’est-à-dire, lui,
ministre, il s’asseyait avec son portier, à l’heure du déjeuner, ils déjeunaient
ensemble. »

6.3. Conclusion
Le tableau suivant récapitule les différents syntagmes prépositionnels permettant
d’exprimer la réciprocité dans lesquels sont employés le substantif bəεḍ..

312
RÉCIPROCITÉ
Précédé de la préposition fī- fī-bəεḍ
mεā-bəεḍ
Précédé de la préposition mεā-
mεā-bəεḍ-PRONOM SUFFIXE

313
LES PREPOSITIONS

On traitera des prépositions simples et des prépositions composées ; ces dernières sont
des constructions complexes : des combinaisons de plusieurs prépositions ou des
locutions prépositionnelles, composées d’une préposition et d’un nominal.

1. Les prépositions simples


On examinera les différents sens et les différentes valeurs que peuvent prendre les
prépositions simples. On analysera également les différentes formes que peuvent
prendre ces prépositions dans le parler arabe de Tripoli.

1.1. f- / fi « dans, en, à »


Dans le parler arabe de Tripoli, on trouve cette préposition sous la forme mono-
consonantique f- ou sous la forme longue fi. On la trouve plus fréquemment sous la
forme f-, notamment lorsqu’elle précède un substantif déterminé au moyen de l’article
əl- « le, la, les ».

Cette préposition permet d’indiquer la localisation spatiale sans mouvement. Voici des
exemples, où la préposition est sous la forme f-.

sākən f-°üābləs.
habitant à-Tripoli
« Il habite à Tripoli. »

gāεəd f-dāü-əh.
encore dans-chambre-sa
« Il est encore / toujours dans sa chambre. »

hūwa f-əl-ôōš.
lui dans-la maison
« Il est dans la maison. »

Dans certains cas, elle permet de marquer une localisation avec déplacement.

žā-ni f-əl-ôōš.
il est venu-me dans-la-maison
« Il est venu me retrouver chez moi. »

On peut également la trouver sous la forme fi.

yuskun fi lībya.
il habite en Libye
« Il habite en Libye ».

fi °üābləs ž-žəww mlīô.


à Tripoli l’ambiance bon
« Ici à Tripoli il y a une bonne ambiance. »

Cette préposition peut marquer un moyen de locomotion : « par, en »

314
žēt f-əs-səyyāüa.
je suis venu dans-la-voiture
« Je suis venu en voiture. »

žēt f-əs-sāfīna.
je suis venu dans-le-bateau
« Je suis venu en bateau. »

Elle sert également à former des locutions temporelles exprimant les jours et les mois.

fi yōm-əž-žumεa nûəõõu f ûlāt-əž-žumεa.


dans jour-le-vendredi nous prions dans prière-le-vendredi
« Le vendredi nous faisons la prière du vendredi ».

že li lībya f-māüəs.
il est venu en Libye en-mars
« Il est venu en Libye en mars. »

že li lībya f-šhəü tlāta.


il est venu en Libye en-mois trois
« Il est venu en Libye en mars. »

Les cardinaux permettent d’exprimer les mois de l’année. Suivie d’un cardinal, dans
une locution temporelle, cette préposition peut donc indiquer les mois de l’année 1.

že f-tnīn.
il est venu en-deux
« Il est venu en février. »

wûəl fi °nāš.
il est arrivé en douze
« Il est arrivé en décembre. »

Elle permet également de marquer l’aspect duratif et intensif du procès exprimé par un
verbe.

nušüub fi šāhi
je bois dans thé
« Je suis en train de boire du thé ».

hūwa yəktəb f-əl-bī’əyčdi 2 mtāε-əh.


lui il écrit dans-le-doctorat de-lui
« Lui, il est en train de rédiger sa thèse de doctorat. »

Elle permet également de marquer des actions habituelles ou qui se répètent.

1
Contrairement à ce qui se passe en arabe marocain (CAUBET 1993 I : 205), dans le parler arabe de
Tripoli, cette préposition ne permet pas de former des locutions temporelles qui indiquent l’heure. Pour
indiquer l’heure précise, on emploie une locution sans préposition (nətlāgu s-sāεa xəmsa « nous nous
retrouvons à cinq heures ») ; pour indiquer une heure approximative, on emploie des locutions avec les
prépositions mεa « avec » (cf. 1.5.) et εle « sur » (cf. 1.6.). De ce fait, lorsqu’on emploie la préposition f-
suivie d’un cardinal, on comprend qu’il s’agit des mois de l’année.
2
C’est une transcription de l’emprunt à l’anglais ph.D.

315
fi yōm-əž-žumεa nûəõõu f ûlāt-əž-žumεa.
dans jour-le-vendredi nous prions dans prière-le-vendredi
« Le vendredi nous faisons la prière du vendredi ».

nāklu f-əl-wāžba hādi b-īdē-na.


nous mangeons dans-le-plat celle-ci avec-mains-nos
« Nous avons l’habitude de manger ce plat avec les mains ».

Par ailleurs, la préposition fi est utilisée comme situatif, avec le sens de « il y a ».

fi xubza.
il y a pain
« Il y a du pain. »

Elle peut être entourée du morphème discontinu de négation mā…š.

mā-fī-š fīləm kwəyyəs əl-lēla.


ne-il y a-pas film bon la-nuit
« Il n’y a pas de bon film ce soir. »

La préposition est toujours sous la forme longue fi lorsqu’on lui suffixe les pronoms
personnels. Lors de l’adjonction des suffixes, la voyelle finale s’allonge : fī-.

SG. 1. fī-ya « dans moi »


2. fī-k « dans toi »
3.m. fī-h « dans lui »
3.f. fī-ha 3 « dans elle »
PL. 1. fī-na « dans nous »
2. fī-kum « dans vous »
3. fī-hum « dans eux, elles »

Cette préposition peut également servir à une construction indirecte des verbes 4.

hūwa yfəkkər fə-ûāôəbt-əh.


lui il pense à-amie-son
« Lui, il pense à son amie. »

hūwa yfəkkər fī-ya b-nīzāü.


lui il pense à-moi à-Nizar
« Lui, il me fait penser à Nizar / Lui, il me rappelle Nizar. »

hīya dīma tfəkkər fī-h.


elle toujours elle pense à-lui
« Elle, elle pense toujours à lui. »

3
Dans le parler arabe de Tripoli, lorsqu’on suffixe le pronom personnel de troisième personne du féminin
singulier à la préposition fī-, on entend très fréquemment [fā-ha]. Philippe MARÇAIS précise que dans le
Cap Bon (Tunisie), on trouve également la forme fā-ha (Ph. MARÇAIS 1977 : 216-217).
4
Bien évidemment, ces listes ne sont pas exhaustives ; il s’agit de donner quelques exemples de verbes
qui se construisent avec les prépositions étudiées.

316
həyya nzīdu fī-h !
allons nous continuons dans-lui
« Allez, continuons (de faire ce que nous étions en train de faire) ! »

ən-nhāü kull-a w āne ndəwwəü fī-k !


la-journée toute-le et moi je cherche dans-toi
« Je t’ai cherché toute la journée ! »

1.2. b- / bi « par, au moyen de »


Cette préposition connaît également une forme mono-consonantique b- et une forme
longue bi. Devant les substantifs, elle est sous la forme b-, notamment lorsque ces
derniers sont déterminés au moyen de l’article əl- « le, la, les ».

On peut parfois la trouver sous la forme bi, notamment devant un substantif non
déterminé.

hūwa məhbūl bi mūsīqa həndīya.


lui fou par musique indienne
« Il est fou de musique indienne. »

Cette préposition permet de marquer le moyen ou la manière.

hāda məxdūm b-əl-īd.


celui-ci travaillé avec-la-main
« C’est fait à la main. »

kətbāt-əh b-əl-bīro.
elle a écrit-le avec-le-stylo
« Elle l’a écrit au stylo. »

üābīε məhbūl b-əü-üōk.


Rabi fou par-le-rock
« Rabi est fou de rock. »

Elle permet également d’indiquer l’accompagnement.

û-ûubô nušüub f-gəhwa b-əl-ôlīb.


le-matin je bois dans-café avec-le-lait
« Le matin, je bois du café au lait / avec du lait. »

Cette préposition permet aussi de marquer un moyen de locomotion.

žēt b-əs-sāfīna.
je suis venu par-le-bateau
« Je suis venu en bateau. »

žēt b-əl-mō°o.
je suis venu par-la-moto
« Je suis venu en moto. »

On suffixe les pronoms personnels à la forme longue bi. Lors de l’adjonction des
suffixes, la voyelle finale s’allonge : bī-.

317
SG. 1. bī-ya « par moi »
2. bī-k « par toi »
3.m. bī-h « par lui »
3.f. bī-ha « par elle »
PL. 1. bī-na « par nous »
2. bī-kum « par vous »
3. bī-hum « par eux, elles »

bī-k wəlla blā-k !


avec-toi ou sans-toi
« Avec ou sans toi ! »

Elle sert également à la construction indirecte de certains verbes.

hūwa yfəkkər fī-ya bī-k.


lui il pense à-moi à-toi
« Lui, il me fait penser à toi. »

bdēt bī-h.
j’ai commencé par-lui
« J’ai commencé par lui. »

1.3. l- / li « à, vers, pour »


Dans le parler arabe de Tripoli, il faut distinguer deux prépositions différentes : la
préposition l- et la préposition li. La préposition l- correspond à l’arabe classique la / li ;
la préposition li correspond l’arabe classique ’ilā (Ph. MARÇAIS 1977 : 218).

1.3.1. l- « à, vers, pour »


La préposition l- dénote l’attribution.

šrēt-a l-xū-y.
j’ai acheté-le pour-frère-mon
« Je l’ai acheté pour mon frère. »

Elle permet aussi d’indiquer la destination, la localisation avec mouvement.

mše l-tāžūra.
il est allé à-Tajoura
« Il est allé à Tajoura. »

āudwa nəmši l-bənāāzi.


demain je vais à-Benghazi
« Demain, je vais à Benghazi. »

On la retrouve également dans les constructions indirectes.

gāl l-uxt-əh.
il a dit à-soeur-sa
« Il a dit à sa soeur. »

318
ôkā-ha l-wəld-əh.
il a raconté-la à-fils-son
« Il l’a racontée à son fils. »

On peut suffixer les pronoms personnels à la préposition l-. Voici le paradigme :

SG. 1. l-i « à moi »


2. l-ək « à toi »
3.m. l-a ~ l-əh « à lui »
3.f. l-ha « à elle »
PL. 1. l-na « à nous »
2. l-kum « à vous »
3. l-hum « à eux, elles »

šīnu gāl l-ək ?


quoi il a dit à-toi
« Que t’a-t-il dit ? »

šrēt-hū l-əh.
il a acheté-le à-lui
« Il le lui a acheté. »

1.3.2. li ~ la « à, vers, pour »


Dans le parler arabe de Tripoli, on trouve cette préposition sous la forme li, mais
également sous la forme la.

a) La forme li
La préposition li « marque l’attribution, la destination, le mouvement, avec plus
d’instance » (Ph. MARÇAIS 1977 : 218) ; elle rend aussi le possessif.

A Tripoli, on peut la trouver, devant un pronom interrogatif ou un nominal 5.

- hādī-t-tīšərt li mənu ?
cette-le-t-shirt pour qui
- li xū-y ôussēn !
pour frère-mon Houcéne
« - Ce t-shirt est pour qui ?
- Pour mon frère Houcéne ! »

xəllī-ha li āədwa !
laisse-la pour demain
« Laisse ça pour demain ! »

Lorsqu’on lui suffixe les pronoms personnels, la préposition est sous la forme lē- ; le ē
est, dans les parlers maghrébins, le résultat de la réduction partielle de la diphtongue
*ay (du prototype *’ilay-), dans les parlers de type bédouin.

5
Philippe MARÇAIS précise qu’une forme li proche du prototype ancien est en usage devant des noms,
notamment dans les parlers de l’Est maghrébin, du Sud tunisien et de Libye et propose l’exemple
suivant : mša lī-l-bīr "il alla vers le puit" (Ph. MARÇAIS 1977 : 219).

319
SG. 1. lē-ya « pour moi »
2. lē-k « pour toi »
3.m. lē-h « pour lui »
3.f. lē-ha « pour elle »
PL. 1. lē-na « pour nous »
2. lē-kum « pour vous »
3. lē-hum « pour eux, elles »

šrēt-ha lē-h.
j’ai acheté-la pour-lui
« Je la lui ai achetée. »

ykūn lē-h šhəü msāfər !


il est pour-lui mois voyageant
« Ça fait un mois qu’il voyage ! »

lē-ya ūsbūε mā-šüəbt šāhi.


pour-moi semaine ne-j’ai bu thé
« Ça fait une semaine que je n’ai pas bu de thé. »

gəddāš lē-ha l-kōša msəkkra ?


combien pour-elle la-boulangerie fermée
« Ça lui fait combien de temps, à la boulangerie, qu’elle est fermée ? »

gəddāš lē-hum l-āhli mā-gāmū-š əl-kās ?


combien pour-eux Al-Ahli ne-ils ont soulevé-pas la-coupe
« Ça leur fait combien de temps, à l’équipe de L’Ahli, qu’ils n’ont pas gagné la
coupe ? »

Cette préposition rend aussi le possessif.

- hāda mtāε mənu ?


celui-ci de qui
- lē-ya āne !
à-moi moi
« - C’est à qui ?
- A moi ! »

lə-ktāb hāda məš lē-ha.


le-livre celui-ci pas à-elle
« Ce livre n’est pas à elle. »

b) La forme la
A Tripoli, on trouve également cette préposition sous la forme la 6 (proche du prototype
*’ilā). Cette préposition, lorsqu’elle est de forme la, permet notamment de marquer un
déplacement, une direction, ainsi qu’une limite temporelle et spatiale, avec le sens de
« jusqu’à ».

6
Philippe MARÇAIS précise qu’on trouve également cette forme dans les parlers du Nord constantinois et
donne l’exemple suivant : ôəttā-lā-wāôəd "absolument à personne" (Ph. MARÇAIS 1977 : 219).

320
xəllī-ha la āədwa !
laisse-la jusqu’à demain
« Laisse ça jusqu’à demain ! »

ugεud la āədwa !
reste jusqu’à demain
« Reste jusqu’à demain ! »

nəmši la bārīs.
je vais jusqu’à Paris
« J’irai jusqu’à Paris. »

On la trouve également dans certaines locutions prépositionnelles (cf. 2.1.2.).

1.4. mən « de »
Cette préposition marque une origine, un point de départ, une provenance. Elle peut
revêtir plusieurs formes : mən, mn- et m-.

Devant un terme à initiale consonantique, elle revêt habituellement la forme mən.

žēt mən °üābləs.


je suis venu de Tripoli
« Je suis venu de Tripoli. »

bəüüa mən hne !


va de ici
« Pars d’ici ! Sors de là ! »

Ou dans le proverbe suivant :

kull šāh tεəlləg mən εərgūb-əh.


chaque chèvre il a été suspendu par tendon d’Achille-son
« Chaque chèvre est suspendue par son tendon d’Achille. » 7

Devant les noms à initiale vocalique et les noms déterminés au moyen de l’article əl-,
elle peut revêtir la forme mn-.

wəlla mn-āüžəntīna.
il est revenu de-Argentine
« Il est revenu d’Argentine. »

°ləε mn-əl-ôōš.
il est sorti de-la-maison
« Il est sorti de la maison. »

7
Un de mes informateurs m’a indiqué que ce proverbe rappelle le fait que, bien que nous vivions en
société, en communauté, chaque personne est indépendante sur terre et seule face à Dieu ; il est employé
lorsque quelqu’un a agi à la place de quelqu’un d’autre, ou a répondu à la place de quelqu’un d’autre,
pour rappeler que cela n’est pas correct, qu’on ne décide pas à la place de quelqu’un d’autre.

321
žu mn-əš-šərg.
ils sont venus de-l’Est
« Ils sont venus de l’Est. »

ôōš-hum txušš l-a mn-əž-žənb.


maison-leur tu entres vers-lui de le-côté
« Leur maison, tu y entres par le côté. »

Mais il est plus fréquent de la trouver sous la forme réduite m-, lorsqu’elle précède un
nom déterminé au moyen de l’article əl-.

°ləε m-əl-ôōš.
il est sorti de-la-maison
« Il est sorti de la maison. »

Cette préposition permet de marquer un point de départ dans l’espace, une origine :
« de ».

wəûlu mən bənāāzi.


ils sont arrivés de Benghazi
« Ils sont arrivés de Benghazi. »

bəüüa nəyyək mən gəddām-i !


va nique de devant-moi
« Dégage de devant moi ! »

Elle permet notamment d’évaluer une distance à partir d’un point de départ.

bεīd mən hne.


loin de ici
« Loin d’ici. »

bεīd m-əž-žīha hādi.


loin de-le-côté celle-ci
« Loin de cette zone. »

Elle marque aussi un point de départ temporel : « depuis »

m-əl-bāüəô w āne nüāži fī-h.


depuis-hier soir et moi j’attends dans-lui
« Je l’attends depuis hier soir. »
.
m-əs-sne lli fātət w āne gāεəd bla xədma.
depuis-l’-année qui elle est passée et moi étant sans travail
« Je suis sans travail depuis l’année dernière. »

Elle permet d’indiquer la matière dont une chose est faite : « en, à partir de ».

hāda məûnūε m-əl-lōô.


celui-ci fabriqué de-le-bois
« C’est fait en bois / C’est fait à partir de bois. »

322
Elle indique également une direction à suivre : « par ».

bəüüi m-ət-trīg hādi !


va par-la-route celle-ci
« Passe par cette route ! »

nfūt mən ûərt.


je passe par Syrte
« Je passe par Syrte ».

Le comparatif se construit avec la préposition mən.

hūwa əkbəü mən xū-h b-əübεa snīn.


lui plus vieux que frère-son par-quatre années
« Il est plus vieux que son frère de quatre ans. »

üābīε ysūg əsrəε mən nāfəε.


Rabi il conduit plus vite que Nafa
« Rabi roule plus vite que Nafa. »

Pour des raisons de structure syllabique, lorsqu’on suffixe les pronoms personnels à
initiale vocalique à la préposition mən, cette dernière est sous la forme mənn- ; la
gémination du /n/ permet de maintenir la voyelle brève en syllabe fermée.

SG. 1. mənn-i « de moi »


2. mənn-ək « de toi »
3.m. mənn-a ~ mənn-əh « de lui »
3.f. mən-ha « d’elle »
PL. 1. mən-na « de nous »
2. mən-kum « de vous »
3. mən-hum « d’eux, d’elles »

šrā-h mənn-əh.
il a acheté-le de-lui
« Il l’a acheté à lui (dans son magasin). »

uxt-i əkbəü mənn-i.


sœur-ma plus âgée que-moi
« Ma sœur est plus vieille que moi. »

Enfin, la préposition mən peut marquer la construction indirecte de certains verbes.

xāf mən-hum.
il a eu peur d’-eux
« Il a eu peur d’eux. »

1.5. mεa « avec »


Cette préposition marque l’accompagnement et la proximité.

Elle peut avoir une valeur d’accompagnement : « avec, en compagnie de ».

323
že mεa xū-h.
il est venu avec frère-son
« Il est venu avec son frère. »

tkəlləmt mεa nīzāü.


j’ai parlé avec Nizar
« J’ai parlé avec Nizar. »

Elle peut également marquer le contact, avec le sens de « contre » ou « le long de ».

bəüüa mεa l-wādi.


va avec le-fleuve
« Va en longeant la rivière. »

Elle peut également marquer une heure approximative 8.

nətlāgu mεa s-səbεa.


nous nous retrouvons avec la-sept
« Nous nous retrouvons vers sept heures. »

žēt mεa lə-ôîāš.


il est venu avec la-onze
« Il est venu vers onze heures. »

Elle marque également des moments de la journée.

wûəlna mεa î-îuhü.


nous sommes arrivés avec le-midi
« Nous sommes arrivés vers midi. »

āne dīma nnūî mεa lə-fžəü.


moi toujours je me lève avec l’-aube
« Moi, je me lève toujours à l’aube. »

Lors de l’adjonction des pronoms suffixes, la voyelle finale s’allonge.

SG. 1. mεā-y « avec moi »


2. mεā-k « avec toi »
3.m. mεā-h « avec lui »
3.f. mεā-ha « avec elle »
PL. 1. mεā-na « avec nous »
2. mεā-kum « avec vous »
3. mεā-hum « avec eux, elles »

Enfin, la préposition mεa permet la construction indirecte de certains verbes.

8
Si on veut donner l’heure précise, on n’emploie pas de préposition.
Exemple : nətlāgu s-sāεa səbεa
nous nous retrouvons l’-heure sept
« Nous nous retrouvons à sept heures. »

324
nəîôək mεā-k !
je ris ec-toi
« Je plaisante (avec toi) ! / Je te taquine ! »

ux°um mεa l-gəhwa gəbl-ma tüəwwəô !


passe avec le-café avant-que tu reviens
« Passe chercher du café avant que tu ne reviennes ! »

1.6. εle « sur »


Cette préposition marque la localisation et le contact. Elle marque une localisation
spatiale, mais elle peut aussi avoir une valeur causale et des emplois avec un sens
figuré. Cette préposition se termine par un [e] ; il s’agit de la réalisation imalée du /a/
final, étymologiquement long *ā.

Cependant, lorsqu’on suffixe les pronoms personnels à la préposition εle, la voyelle


finale est /ē/, également de timbre [e], mais ce phonème /ē/ long n’est pas de même
nature que le premier ; il s’agit, en effet, de la réduction de la diphtongue *ay de la
forme *εlāy-. Voici le paradigme complet :

SG. 1. εlē-ya « sur moi »


2. εlē-k « sur toi »
3.m. εlē-h « sur lui »
3.f. εlē-ha « sur elle »
PL. 1. εlē-na « sur nous »
2. εlē-kum « sur vous »
3. εē-hum « sur eux, elles »

Cette préposition marque la superposition.

fi °əbla εle °-°āwla.


il y a cendrier sur la-table
« Il y a un cendrier sur la table. »

Lorsque cette préposition précède un nom déterminé au moyen de l’article l-, alors elle
est sous la forme εəl- ; de plus, le /l/ de la préposition εəl- est assimilé par les consonnes
solaires.

û-ûōüa mεəllga εəl-l-ôe°.


la-photo accrochée sur-le-mur
« La photo est accrochée au mur. »

ləmma yzəwwgu f-əl-ôē°,


lorsque ils peignent dans-le-mur
tnə°°əü šwēya zwāg εəs-s-sgəf.
elle a éclaboussé un peu peinture sur-le-plafond
« Lorsqu’ils ont peint le mur, un peu de peinture a éclaboussé sur le
plafond. »

Cette préposition peut également marquer une direction : « par ».

325
nfūt εle ûərt.
je passe sur Syrte
« Je passe par Syrte. »

w ənta māši mən °üābləs l-tūnəs,


et toi allant de Tripoli à-Tunis
tfūt εle ûəbüā°a.
tu passes sur Sabratha
« Quand tu vas de Tripoli à Tunis, tu passes par Sabratha. »

Comme la préposition mεa, elle sert à marquer une heure approximative, mais son
emploi est plus rare.

nətlāgu εəs-s-sāεa sətta.


nous nous retrouvons sur-l’-heure six
« Nous nous retrouvons vers six heures. »

nəmšu εəl-lə-ôîāš.
nous allons sur-la-onze
« Nous partons vers onze heures. »

Elle peut avoir une valeur causale « pour, à cause de ».

žēt εle hā-l-məwîūε.


je suis venu sur ce-le-motif
« Je suis venu pour cette raison. »

- b-təmši l-bārīs ?
FUT.-INT.-tu vas à-Paris
-wullāhi, εle səεü-ət-tədkīra.
par-Dieu sur prix-le-billet
« - Tu as l’intention d’aller à Paris ?
- Non (par Dieu), à cause du prix du billet. »

həyya εle ma žēt !


allez sur quoi tu es venu
« Je t’en prie, puisque tu es venu ! (reste manger avec nous) »

š-šāüəε səkkrū-h εəz-z-zəôma.


la-rue ils ont fermé-le sur-la-foule
« La rue, ils l’ont fermée à cause de la foule. »

Elle sert à construire des comparaisons avec l’adjectif et indique la non conformité
« trop, pas assez ».

hūwa kbīr εlē-ha.


lui vieux sur-elle
« Il est trop vieux pour elle. »

s-sərwāl hāda kbīr εlē-k.


le-pantalon celui-ci grand sur-toi
« Ce pantalon est trop grand pour toi. »

326
On la trouve, dans cette locution adverbiale, avec un sens figuré.

nāfəε tkən°a. hūwa εle səbla.


Nafa il est énervé lui sur excuse
« Nafa est énervé. Il est à bout. »

māšya εəl-l-ôāšya…
allant sur-le-bord
« Pour l’instant, tout va bien… (mais ça risque de changer) »

Enfin, elle entre dans de nombreuses constructions indirectes.

yətmənyək εle nāfəε !


il se moque sur Nafa
« Il se moque de Nafa ! »

nbəûûəü εlē-k !
je plaisante sur-toi
« Je plaisante avec toi ! »

nəîôək εlē-hum !
je ris sur-eux
« Je me moque d’eux ! »

nətfərrəž εət-t-təyyāüāt.
je regarde sur-les-avions
« Je regarde les avions. »

üəddēt εlē-k.
j’ai répondu sur-toi
« Je t’ai répondu. »

fi wāôəd že s’əl εlē-k.


il y a un il est venu il a demandé sur-toi
« Quelqu’un est venu et a demandé après toi. »

hūwa ôāqəd εlē-ya !


lui détestant sur-moi
« Il me déteste ! »

ôəqd εle-h !
haine sur-lui
« Il le déteste ! »

- təûbəô εle xēü !


tu es le matin sur bien
- gəddām-ək kull xēü !
devant-toi chaque bien
« - Dors bien (que tu sois, au réveil, dans le bien)
- Toi aussi (que tout le bien soit devant toi) ! »

Elle permet aussi de construire cette locution interjective.

327
xi εlē-h !
pfff sur-lui
« Je lui crache dessus / je lui crache à la gueule ! »

1.7. fōg « sur, au dessus de »


Cette préposition marque également la superposition, mais elle a un emploi plus
restreint que εle « sur ».

lə-ktāb üā-hu fōg ə°-°āwla !


le-livre voici-lui sur la-table
« Le livre, il est sur la table ! »

ət-təyyāüa t°īr fōg lə-mdīna.


l’-avion elle vole sur la-ville
« L’avion survole la ville. »

rkəbt fōg əl-ôē° bāš nətfərrəž εət-t-təyyāüāt.


je suis monté sur le-toit pour que je regarde sur-les-avions
« Je suis monté sur le toit pour regarder les avions. »

ône mgəεmzīn fōg əl-ôē°.


nous assis sur le-toit
« Nous sommes assis sur le toit. »

On peut suffixer les pronoms directement à la préposition fōg.

SG. 1. fōg-i « sur / au-dessus de moi »


2. fōg-ək « sur / au-dessus de toi »
3.m. fōg-a / -əh « sur / au-dessus de lui »
3.f. fōg-ha « sur / au-dessus d’elle »
PL. 1. fōg-na « sur / au-dessus de nous »
2. fōg-kum « sur / au-dessus de vous »
3. fōg-hum « sur / au-dessus d’eux, d’elles »

əl-məwîūε hāda fōg-i !


le-sujet celui-ci au dessus de-moi
« Ce sujet me dépasse / Ça me dépasse ! »

1.8. təôt « sous, au dessous de »


Cette préposition marque la sub-position.

əl-məftāô üā-hu təôt ə°-°āwla !


la-clé voici-lui sous la-table
« La clé, elle est sous la table ! »

On peut suffixer les pronoms à la préposition təôt.

SG. 1. təôt-i « sous / en dessous de moi »


2. təôt-ək « sous / en dessous de toi »
3.m. təôt-a / -əh « sous / en dessous de lui »
3.f. təôt-ha « sous / en dessous d’elle »

328
PL. 1. təôt-na « sous / en dessous de nous »
2. təôt-kum « sous / en dessous de vous »
3. təôt-hum « sous / en dessous d’eux, d’elles »

āne nəxdəm təôt-ha.


moi je travaille sous-elle
« Moi, je travaille sous sa supervision. »

Elle peut avoir un sens figuré.

təôt-ək flūs ?
sous-toi argent
« As-tu de l’argent sur toi ? »

1.9. εənd « chez, auprès de »


Cette préposition marque une localisation spatiale avec ou sans mouvement.

ləmma mšēt li bənāāzi gεədt εənd rôēma.


lorsque je suis allé à Benghazi je suis resté chez Rhéma
« Lorsque je suis allé à benghazi, je suis resté chez Rhéma 9. »

nəmšu εənd nāfəε.


nous allons chez Nafa
« Nous irons chez Nafa. »

La préposition εənd « chez » est utilisée comme prédicat de possession. Il existe un


paradigme qui est utilisé comme une conjugaison, au moyen des pronoms suffixes.

SG. 1. εənd-i « j’ai (chez moi) »


2. εənd-ək « tu as (chez toi) »
3.m. εənd-a ~ εənd-əh « il a (chez lui) »
3.f. εənd-ha « elle a (chez elle) »
PL. 1. εənd-na « nous avons (chez nous) »
2. εənd-kum « vous avez (chez vous) »
3. εənd-hum « ils, elles ont (chez eux, chez elles) »

εənd-i flūs.
chez-moi argent
« J’ai de l’argent. »

εənd-ha wlād.
chez-elle enfants
« Elle a des enfants. »

εənd-a səyyāüa.
chez-lui voiture
« Il a une voiture. »

9
üôēma est le diminutif du prénom εəbd-əü-üəômān.

329
1.10. bēn « entre »
La préposition bēn permet de marquer la localisation entre deux objets.

ôōš-hum bēn əl-mədrsa u məôəll-ən-nəqqālāt.


maison-leur entre l’-école et endroit-les-téléphones portables
« Leur maison se trouve entre l’école et le magasin de téléphones portables. »

lə-büēzza bēn ə°-°āwla w əl-ôē°.


la-prise entre la-table et le-mur
« La prise est entre la table et le mur. »

Elle permet également d’indiquer une localisation temporelle, un créneau horaire.

nži bēn l-əübεa w əl-xəmsa.


je viens entre la-quatre et la-cinq
« Je viendrai entre quatre et cinq heures. »

Avec les pronoms suffixes du singulier, la préposition est sous la forme bēn.

SG. 1. bēn-i « entre moi »


2. bēn-ək « entre toi »
3.m. bēn-a / -əh « entre lui »
3.f. bēn-ha « entre elle »
PL. 1. bēn-na « entre nous »
2. bēn-kum « entre vous »
3. bēn-hum « entre eux, entre elles »

Il existe également une forme du pluriel bēnāt-, qui n’est utilisée qu’avec les pronoms
suffixes correspondant aux personnes du pluriel.

PL. 1. bēnāt-na « entre nous »


2. bēnāt-kum « entre vous »
3. bēnāt-hum « entre eux, entre elles »

šīnu bārīs u °üābləs ? bēnāt-hum bôəü u bəss.


quoi Paris et Tripoli entre-elles mer et seulement
« Paris et Tripoli ? Il n’y a que la mer entre elles / qui les sépare. »

Cette préposition a également un sens figuré.

bēn-i u bēn-ək...
entre-moi et entre-toi
« (Ça reste) Entre nous... »

bēnāt-hum ; mūš šuāl-i.


entre-eux pas affaire-mon
« C’est entre eux ; ça ne me concerne pas. »

1.11. gəbl « avant »


Cette préposition marque l’antériorité.

330
Elle a une valeur temporelle.

nətlāgu gəbl əl-xəmsa.


nous nous retrouvons avant la-cinq
« Nous nous retrouvons avant cinq heures. »

əôsən kān tži gəbl üəmîān.


mieux si tu viens avant Ramadan
« C’est mieux si tu viens avant le Ramadan. »

wûəlt gəbl εədnān.


je suis arrivé avant Adnan
« Je suis arrivé avant Adnan. »

gəbl ət-təwra kān mālīk.


avant la-révolution il était roi
« Avant la révolution, il y avait un roi. »

On peut lui suffixer les pronoms personnels. Voici le paradigme :

SG. 1. gəbl-i « avant moi »


2. gəbl-ək « avant toi »
3.m. gəbl-a / -əh « avant lui »
3.f. gəbl-ha « avant elle »
PL. 1. gəbl-na « avant nous »
2. gəbl-kum « avant vous »
3. gəbl-hum « avant eux, avant elles »

že s-sne lli fātət wəlla s-sne lli gəbl-ha ?


il est venu l’-année qui elle est passée ou l’-année qui avant-elle
« Est-il venu l’année dernière ou l’année d’avant ? »

wûəlt gəbl-əh.
je suis arrivé avant-lui
« Je suis arrivé avant lui. »

Cette préposition peut également marquer une localisation spatiale.

bəεd sāôa l-xəîüa wəlla gəbl-ha ?


après place la-verte ou avant-elle
« Après la Place Verte ou avant (elle) ? »

1.12. bəεd « après »


Cette préposition marque la postériorité.

Elle a une valeur temporelle.

bəεd šəhü hākki yəmši l-bārīs.


après mois ainsi il va à-Paris
« Dans un mois à peu près il va à Paris. »

331
tεāla li lībya bəεd əl-εīd !
viens en Libye après la-fête
« Viens en Libye après la fête ! »

klēt bəεd εədnān.


j’ai mangé après Adnan
« J’ai mangé après Adnan. »

nətlāgu bəεd lə-āde.


nous nous retrouvons après le-déjeuner
« Nous nous retrouvons après le déjeuner. »

že bəεd əl-εərs.
il est venu après le-mariage
« Il est venu après le mariage. »

Elle marque aussi une localisation spatiale.

bəεd sāôa l-xəîüa wəlla gəbl-ha ?


après place la-verte ou avant-elle
« Après la Place Verte ou avant (elle) ? »

On peut lui adjoindre les pronoms personnels suffixes.

SG. 1. bəεd-i « après moi »


2. bəεd-ək « après toi »
3.m. bəεd-a / -əh « après lui »
3.f. bəεd-ha « après elle »
PL. 1. bəεd-na « après nous »
2. bəεd-kum « après vous »
3. bəεd-hum « après eux, après elles »

tfərrəžna εle fīləm u bəεd-a šüəbna šāhi.


nous avons vu sur film et après-lui nous avons bu thé
« Nous avons vu un film et après (le film) nous avons bu du thé. »

1.13. wüa « derrière »


Cette préposition marque une localisation spatiale.

ən-nəxla wüa ôōš-na 10.


le-palmier derrière maison-notre
« Le palmier est derrière notre maison. »

šūf wüa l-bāb !


regarde derrière la-porte
« Regarde derrière la porte ! »

10
Cette phrase est une āəšša « virelangue, phrase à caractère ludique ». Ce virelangue est construit pour
amener une personne à dire une obscénité ; en effet, lorsqu’on répète cette phrase plusieurs fois de suite,
on en vient à prononcer nəxüa wüa ôōš-na : « Je chie derrière notre maison. »

332
mədrəst-na wüa l-εīmāüa hādi.
école-notre derrière l’-immeuble celle-ci
« Notre école est derrière cet immeuble. »

Elle peut être employée avec une valeur de localisation temporelle, dans l’expression
suivante.

εām wüa εām


année derrière année
« Année après année. »

On peut lui adjoindre les pronoms personnels suffixes.

SG. 1. wüā-y « derrière moi »


2. wüā-ək « derrière toi »
3.m. wüā- h « derrière lui »
3.f. wüā-ha « derrière elle »
PL. 1. wüā-na « derrière nous »
2. wüā-kum «derrière vous »
3. wüā-hum « derrière eux, après elles »

že wüā-y.
il est venu derrière-moi
« Il est entré derrière moi. »

d-duxxān wüā-h.
le-tabac derrière-lui
« Les cigarettes sont derrière lui. »

ôu°° əl-mxədda wüā-k !


mets l’-oreiller derrière-toi
« Met l’oreiller derrière toi ! »

On emploie wüa, avec un sens figuré, dans l’expression suivante :

wüā-k trīs !
derrière-toi hommes
« Il y a toujours des gens sur qui tu peux compter ! »

1.14. gəddām « devant »


Cette préposition permet de marquer une localisation spatiale.

hūwa mgəεməz gəddām əl-təlvīzyōn.


lui assis devant la-télévision
« Il est assis devant la télévision. »

zīd gəddām šwēya !


continue devant un peu
« Avance encore un peu ! »

On peut lui suffixer les pronoms personnels.

333
SG. 1. gəddām-i « devant moi »
2. gəddām-ək « devant toi »
3.m. gəddām-a / -əh « devant lui »
3.f. gəddām-ha « devant elle »
PL. 1. gəddām-na « devant nous »
2. gəddām-kum « devant vous »
3. gəddām-hum « devant eux, devant elles »

ləmma tə°ləε m-əl-bāb təlga l-maôall gəddām-ək.


lorsque tu sors de-la-porte tu trouves le-lieu devant-toi
« En sortant, tu trouveras l’endroit devant toi. »

1.15. gbālt « en face de »


Cette préposition est formée à partir du nominal gbāla « face ». Elle s’emploie à l’état
construit gbālt- et indique une localisation spatiale : « elle marque une position en vis-à-
vis de deux individus ou objets (possédant une face et un dos), les deux faces avant
étant orientées l’une vers l’autre » (CAUBET 1993 I : 214).

ôōš-na gbālt-əl-məûüəf.
maison-notre en face de-la-banque
« Notre maison est en face de la banque. »

On peut suffixer les pronoms personnels à cette préposition.

SG. 1. gbālt-i « en face de moi »


2. gbālt-ək « en face de toi »
3.m. gbālt-a / -əh « en face de lui »
3.f. gbālt-ha « en face d’elle »
PL. 1. gbālt-na « en face de nous »
2. gbālt-kum « en face de vous »
3. gbālt-hum « en face d’eux, en face d’elles »

ənta mgəεməz gbālt-i.


toi assis en face de-moi
« Tu es assis en face de moi. »

yuskun gbālt-hum.
il habite en face de-eux
« Il habite en face de chez eux. »

1.16. mgābəl « en face de »


Cette préposition connaît les mêmes emplois que la préposition gbālt-. Il s’agit d’un
participe de troisième forme verbale (gābəl « il a fait face à, il est apparu ») qui est
employé comme préposition (Ph. MARÇAIS 1977 : 223).

ôōš-na mgābl əl-məûüəf.


maison-notre en face de la-banque
« Notre maison est en face de la banque. »

A cette préposition, d’origine verbo-nominale, on suffixe les pronoms personnels qui


sont suffixés aux verbes.

334
SG. 1. mgābəl-ni « en face de moi »
2. mgābl-ək « en face de toi »
3.m. mgābl-a / -əh « en face de lui »
3.f. mgābəl-ha « en face d’elle »
PL. 1. mgābəl-na « en face de nous »
2. mgābəl-kum « en face de vous »
3. mgābəl-hum « en face d’eux, en face d’elles »

ənta mgəεməz mgābəl-ni.


toi assis en face de-moi
« Tu es assis en face de moi. »

1.17. žīht « du côté de »


Cette préposition est formée à partir du substantif žīha « côté, sens, direction », qui
s’emploie à l’état construit žīht-. Elle marque une localisation spatiale.

nuskun žīht-°üābləs.
j’habite du côté de-Tripoli
« J’habite dans la région de Tripoli / du côté de Tripoli. »

yuskun žīht-lə-bôəü.
il habite du côté de-la-mer
« Il habite du côté de la mer. »

žīht-ôōš-na…
du côté de-maison-notre
« De notre côté… / Du côté de chez nous… »

On peut suffixer les pronoms personnels à la préposition žīh(ə)t-.

SG. 1. žīht-i « de mon côté »


2. žīht-ək « de ton côté »
3.m. žīht-a / -əh « de son côté (à lui) »
3.f. žīhət-ha « de son côté (à elle) »
PL. 1. žīhət-na « de notre côté »
2. žīhət-kum « de votre côté »
3. žīhət-hum « de leur côté »

yuskun žīht-ək.
il habite du côté de-toi
« Il habite de ton côté / vers chez toi. »

žīhət-na…
du côté de-nous
« Du côté de chez nous… »

1.18. zēy « comme »


Cette préposition permet de marquer une similitude entre deux objets, deux notions.

335
hūwa zēy xū-h.
lui comme frère-son
« Il est comme son frère ».

hūwa zēy nəfs-i.


lui comme âme-moi
« Il est comme moi / C’est comme si c’était moi /
Nous sommes de très bons amis. »

əε°ī-ni zēy ma ε°ēt-əh !


donne-moi comme quoi tu as donné-lui
« Donne m’en comme tu lui en as donné (la même quantité, la même chose) ! »

nāfəε εənd-a səyyāüa zēy səyyāüt-i.


Nafa chez-lui voiture comme voiture-ma
« Nafa a la même voiture que moi. »

Elle permet de marquer une comparaison.

zēy ət-tēs °īnt-a εəüyāna u mdāyər ləôya ! 11


comme le-bouc cul-son nu et portant barbe
« Il est comme le bouc : cul nu et barbu ! »

hāda zēy əz-zəft.


celui-ci comme le-goudron
« C’est mauvais (comme le goudron). »

°-°üābəlsīya mā-yətkəllmū-š zēy nās-bənāāzi.


les-Tripolitains ne-ils parlent-pas comme gens-Benghazi
« Les Tripolitains ne parlent pas comme les gens de Benghazi. »

û-ûāāü mā-yədwū-š zēy ëëāhāt-hum.


les-petits ne-ils parlent-pas comme pères-leurs
« Les jeunes ne parlent pas comme leurs parents. »

ləhžət-°üābləs məš zēy ləhžət-bənāāzi.


parler-Tripoli pas comme parler-Benghazi
« Le parler de Tripoli n’est pas comme le parler de Benghazi. »

A cette préposition, on suffixe les pronoms personnels qui sont suffixés aux verbes.

SG. 1. zēy-ni « comme moi »


2. zēy-ək « comme toi »
3.m. zēy-a / -əh « comme lui »
3.f. zēy-ha « comme elle »
PL. 1. zēy-na « comme nous »
2. zēy-kum « comme vous »
3. zēy-hum « comme eux, comme elles »

11
On emploie cette expression pour parler de quelqu’un qui prend de mauvaises décisions, pour
quelqu’un qui ne choisit pas en fonction des priorités, pour quelqu’un qui n’est pas responsable.

336
hūwa zēy-ni.
lui comme-moi
« Il est comme moi (on a les même goûts, les mêmes qualités, etc.). »

hūwa zēy-ni āne f-°ūl.


lui comme-moi moi dans-taille
« Il est aussi grand que moi / Il est de ma taille. »

1.19. bla « sans »


Cette préposition marque l’absence. Elle se construit avec un substantif non déterminé.

xəllā-ni bla flūs.


il a laissé-me sans argent
« Il m’a laissé sans argent. »

nəbbi gəhwa bla sukkuü.


je veux café sans sucre
« Je veux un café sans sucre. »

yəbbi həmbuügər bla dəôi.


il veut hamburger sans œuf
« Il veut un hamburger sans œuf. »

Suivie d’un nom d’action, cette préposition permet également de marquer une
interdiction.

bla îəôk !
sans rire
« Ne ris pas ! »

bla îəüb !
sans coup
« Ne (le) frappe pas ! »

bla žəri !
sans course
« Ne cours pas ! »

On peut suffixer les pronoms personnels à cette préposition.

SG. 1. blā-y « sans moi »


2. blā-k « sans toi »
3.m. blā- h « sans lui »
3.f. blā-ha « sans elle »
PL. 1. blā-na « sans nous »
2. blā-kum « sans vous »
3. blā-hum « sans eux, sans elles »

bī-k wəlla blā-k !


avec-toi ou sans-toi
« Avec ou sans toi ! »

337
āədwa mā-nəmšī-š blā-hum !
demain ne-je vais-pas sans-eux
« Demain, je ne partirai pas sans eux ! »

1.20. əlla « sauf, excepté »


Cette préposition marque l’exclusion.

kull-hum žu əlla xū-y.


tous-eux ils sont venus sauf frère-mon
« Ils sont tous venu, sauf mon frère. »

Avec cette préposition, on ne peut pas employer les pronoms personnels suffixes, mais
elle peut être suivie des pronoms personnels indépendants.

SG. 1. əlla āne « sauf moi »


2.m. əlla ənta « sauf toi »
2.f. əlla ənti « sauf toi »
3.m. əlla hūwa « sauf lui »
3.f. əlla hīya « sauf elle »
PL. 1. əlla ône « sauf nous »
2. əlla əntu « sauf vous »
3. əlla humma « sauf eux, sauf elles »

ən-nās kull-hum wəûlu əlla əntu !


les-gens tous-eux ils sont arrivés sauf vous
« Tous les gens sont arrivés, sauf vous ! »

1.21. ḍədd ~ ḍudd « contre »


Cette préposition marque l’opposition.

āməs l-əhli ləεbu ḍədd l-əttīôād 12.


hier L’Ahli ils ont joué contre L’Ittihad
« Hier, l’équipe de l’Ahli a joué contre l’équipe de l’Ittihad. »

hūwa ḍədd əz-zīža.


lui contre le-mariage
« Il est contre le mariage. »

On peut employer cette préposition munie des pronoms personnels suffixes.

SG. 1. ḍədd-i « contre moi »


2. ḍədd-ək « contre toi »
3.m. ḍədd-a / -əh « contre lui »
3.f. ḍədd-ha « contre elle »

12
Ce sont des noms d’équipes de football libyennes ; əhli a le sens de « local, national » et əttīôād a le
sens de « unité ».

338
PL. 1. ḍədd-na « contre nous »
2. ḍədd-kum « contre vous »
3. ḍədd-hum « contre eux, contre elles »

təlεəb ḍədd-i ?
tu joues contre-moi
« Tu joues contre moi ? »

On l’emploie dans le proverbe suivant :

əlli yzīd εle ôədd-əh yəngləb li ḍudd-əh.


qui il ajoute sur limite-sa il renverse pour contre-lui
« Dépasse les limites et ça se retournera contre toi. »

1.22. gəlb « à l’intérieur de, au cœur de »


Cette préposition est formée à partir du substantif gəlb « cœur », qui s’emploie à l’état
construit. Elle marque une localisation spatiale.

xəššēt gəlb-lə-mdīna.
je suis entré cœur-la-ville
« Je suis entré au cœur de la ville. »

1.23. bədl « au lieu de, à la place de »


Cette préposition est formée à partir du substantif bədl « substitution, remplacement »,
qui s’emploie à l’état construit. Elle indique la substitution.

zēy təwwa ləmma t°əyyəb mëəöëöa


comme maintenant lorsque tu cuisines mbakebka
bədl mākārūna ôu°° rəšta.
substitution pâtes mets vermicelles
« Par exemple, lorsque tu cuisines mbakebka, au lieu de mettre des pâtes, mets
des vermicelles. »

On peut employer cette préposition munie des pronoms personnels suffixes.

SG. 1. bədl-i « à ma place »


2. bədl-ək « à ta place »
3.m. bədl-a / -əh « à sa place »
3.f. bədl-ha « à sa place »
PL. 1. bədl-na « à notre place »
2. bədl-kum « à votre place »
3. bədl-hum « à leur place »

āne žēt bədl-ək.


moi je suis venu substitution-ta
« Moi, je suis venu à ta place. »

mā-nī-š māši bədl-əh.


ne-moi-pas allant substitution-sa
« Je n’irai pas à sa place. »

339
1.24. mkān « au lieu de, à la place de »
Cette préposition formée à partir du substantif mkān « lieu » indique la substitution et
s’emploie dans une construction à l’état construit, suivie d’un nominal ou d’un pronom
suffixe. Voici le paradigme :

SG. 1. mkān-i « à ma place »


2. mkān-ək « à ta place »
3.m. mkān-a / -əh « à sa place »
3.f. mkān-ha « à sa place »
PL. 1. mkān-na « à notre place »
2. mkān-kum « à votre place »
3. mkān-hum « à leur place »

āne žēt mkān-ək.


moi je suis venu lieu-ton
« Moi, je suis venu à ta place. »

mā-nī-š māši mkān-εədnān.


ne-moi-pas allant lieu-Adnan
« Je n’irai pas à la place d’Adnan. »

2. Les formes composées


On examinera les prépositions composées, formées de deux (voire trois) prépositions,
ainsi que les locutions prépositionnelles, composées d’une préposition et d’un nominal.

2.1. Les locutions composées de mən


La préposition mən entre dans la composition de nombreuses locutions
prépositionnelles. Lorsque mən est le premier élément de la locution, elle permet
notamment d’indiquer une origine, un point de départ et permet de marquer l’origine
d’un mouvement ou d’un déplacement. On trouve, cependant, des locutions
prépositionnelles, où mən est le dernier élément, ne marquant pas un point d’origine.

2.1.1. Les combinaisons de prépositions


On ne trouve que des combinaisons de prépositions ; en effet, on n’a pas relevé de
locutions prépositionnelles composées de la préposition mən et d’un nominal.

a) mən-εənd « de chez, de la part de »


Cette locution prépositionnelle se compose de la préposition mən « de » et de la
préposition εənd « chez ». Elle marque l’origine, le point de départ d’un déplacement.

šrēt-a mən-εənd əôməd.


j’ai acheté-le de-chez Ahmed
« Je l’ai acheté chez Ahmed (de son magasin). »

Elle peut également avoir le sens figuré suivant « de la part de ».

žābū-h mən-εənd üəîwān.


ils ont apporté-le de-chez Redouane
« Ils l’ont apporté de la part de Redouane. »

340
b) mən-gəddām « de devant, par devant »
Cette locution se compose de la préposition mən et de la préposition gəddām « devant ».
Elle permet aussi d’indiquer l’origine d’un déplacement.

ôəwwəl mən-gəddām-i !
déplace de-devant-moi
« Pousse-toi de devant (moi) ! »

Elle permet aussi d’indiquer une localisation avec mouvement.

ôu°°-a mən-gəddām !
mets-le par-devant
« Mets-le devant ! »

c) mən-fōg « d’en haut (de), d’au-dessus de, sur »


Les prépositions mən « de » et fōg « sur » entrent dans la composition de cette locution.
Elle peut marquer l’origine d’un déplacement (au sens propre et au sens figuré).

əε°ī-ni lə-ktāb əlli mən-fōg ə°-°āwla !


donne-moi le-livre qui de-sur la-table
« Donne-moi le livre qui est sur la table ! »

hādi žāya mən-fōg.


celle-ci venant de-sur
« Ça vient d’en haut (d’une autorité supérieure). »

d) mən-gəlb « de l’intérieur de »
Cette locution se compose de la préposition mən « de » et de la préposition gəlb « à
l’intérieur de ». Elle marque l’origine d’un déplacement.

y°əlləε əž-žəmüa mən-gəlb-ən-nāü.


il a retiré la-braise de-cœur-le-feu
« Il a retiré la braise du feu. »

e) mən-bəεd « depuis »
Cette locution composée des prépositions mən « de » et bəεd « après » permet de
marquer un point de départ temporel.

mən-bəεd əl-āāra tāəyyər əž-žəww f-°üābləs.


de-après l’-attaque elle a changé l’-ambiance à-Tripoli
« Depuis l’attaque, à Tripoli, l’ambiance a changé. »

f) mən-ôda « d’à côté de »


Cette locution composée des prépositions mən « de » et ôda « à côté de » permet
d’indiquer l’origine d’un déplacement.

ôəwwəl mən-ôdā-y !
déplace de-à côté de-moi
« Sors / Pars / Dégage d’à côté de moi ! »

341
g) mən-bə-ôda « d’à côté de »
On trouve également une locution prépositionnelle composée de trois prépositions : mən
« de », b- « par » et ôda « à côté de ». Ici, la préposition b- n’a pas de sens particulier ;
son emploi est redondant. Cette locution permet de marquer l’origine d’un déplacement.

ôəwwəl mən-bə-ôdā-y !
déplace de-à côté de-moi
« Dégage d’à côté de moi ! »

h) mən-āēü « sans »
Cette locution se compose de la préposition mən « de » et de la préposition āēü « moins,
sans, sauf ». Elle permet de marque l’absence. Elle connaît les mêmes emplois que la
préposition bla « sans » (cf. 1.18). Elle se construit avec un substantif non déterminé.

xəllā-ni mən-āēü flūs.


il a laissé-me sans argent
« Il m’a laissé sans argent. »

nəbbi gəhwa mən-āēü sukkuü.


je veus café sans sucre
« Je veux un café sans sucre. »

yəbbi həmbuügər mən-āēü dəôi.


il veut hamburger sans œuf
« Il veut un hamburger sans œuf. »

Suivie d’un nom d’action, cette locution prépositionnelle permet également de marquer
une interdiction.

mən-āēü žəri !
sans course
« Ne cours pas ! »

mən-āēü îəôk !
sans rire
« Ne ris pas ! »

On peut suffixer les pronoms personnels à cette locution prépositionnelle.

SG. 1. mən-āēü-i « sans moi »


2. mən-āēü-ək « sans toi »
3.m. mən-āēü-a / -əh « sans lui »
3.f. mən-āēü-ha « sans elle »
PL. 1. mən-āēü-na « sans nous »
2. mən-āēü-kum « sans vous »
3. mən-āēü-hum « sans eux, sans elles »

āədwa mā-nəmšī-š mən-āēü-ək !


demain ne-je vais-pas sans-toi
« Demain, je ne partirai pas sans toi ! »

342
i) fōg-mən « au-dessus de, en haut de, sur »
Cette locution prépositionnelle se compose de la préposition fōg « sur » et de mən
« de ». Ici, mən ne marque pas un point d’origine. Cette locution a le même sens que la
préposition fōg, marquant la superposition (cf. 1.6.) ; l’emploi de mən est redondant.

fōg-mən s’utilise surtout avec les pronoms suffixes. Voici le paradigme :

SG. 1. fōg-mənn-i « sur, au-dessus de moi »


2. fōg-mənn-ək « sur, au-dessus de toi »
3.m. fōg-mənn-a / -əh « sur, au-dessus de lui »
3.f. fōg-mən-ha « sur, au-dessus d’elle »
PL. 1. fōg-mən-na « sur, au-dessus de nous »
2. fōg-mən-kum « sur, au-dessus de vous »
3. fōg-mən-hum « sur, au-dessus d’eux, d’elles »

üəîwān yuskun f-əš-šəgga əlli fōg-mən-na.


Redouane il habite dans-l’-appartement qui au dessus de-nous
« Redouane habite dans l’appartement du dessus / qui est au-dessus du nôtre. »

šəft ə°-°āwla ? əε°ī-ni lə-ktāb əlli fōg-mən-ha !


tu as vu la-table donne-moi le-livre qui sur-de-elle
« Tu as vu la table ? Donne-moi le livre qui est dessus ! »

j) təôt-mən « sous »
Cette locution prépositionnelle se compose des prépositions təôt « sous » et mən « de ».
L’emploi de mən est redondant ; cette préposition ne marque pas ici un point d’origine.
La locution a le même sens que la préposition təôt « sous », marquant la sub-position
(cf. 1.7.).

təôt-mən est surtout employée avec les pronoms suffixes. Voici le paradigme :

SG. 1. təôt-mənn-i « sous / en dessous de moi »


2. təôt-mənn-ək « sous / en dessous de toi »
3.m. təôt-mənn-a / -əh « sous / en dessous de lui »
3.f. təôt-mən-ha « sous / en dessous d’elle »
PL. 1. təôt-mən-na « sous / en dessous de nous »
2. təôt-mən-kum « sous / en dessous de vous »
3. təôt-mən-hum « sous / en dessous d’eux, d’elles »

sāmi šre š-šəgga əlli təôt-mənn-i.


Sami il a acheté l’-appartement qui sous-de-moi
« Sami a acheté l’appartement qui est en dessous du mien. »

2.2. Les locutions composées de lā-


La préposition de forme lā- « à, vers, pour » entre dans la composition de certaines
locutions prépositionnelles. Cette forme est une « image plus fidèle du prototype
ancien » : *’ilā (Ph. MARÇAIS 1977 : 218-219). Cette préposition permet de marquer la
cible, la destination (au sens propre et au sens figuré).

343
2.2.1. Les combinaisons de prépositions
On ne trouve que des combinaisons de prépositions ; en effet, on n’a pas relevé de
locutions prépositionnelles composées de la préposition la et d’un nominal.

a) lā-εənd « vers chez »


Cette locution prépositionnelle se compose de la préposition la « à, vers, pour » et de la
préposition εənd « chez ». Elle indique un déplacement.

žət lā-εənd-i.
elle est venue à-chez-moi
« Elle est venue à moi (l’opportunité) »
« J’ai eu une opportunité ».

b) lā-gəlb « à / vers l’intérieur de »


Cette locution prépositionnelle se compose de la préposition la « à, vers, pour » et de la
préposition gəlb « à l’intérieur de ». Elle indique un déplacement.

xəššēt lā-gəlb-əz-zəôma.
je suis entré vers-cœur-la-foule
« Je suis rentré à l’intérieur de la foule ».

2.3. Les locutions composées de f-


On examinera des formes ou la préposition f- est associée à d’autres prépositions, mais
également des locutions prépositionnelles introduites par la préposition f-.

2.3.1. Les combinaisons de prépositions


On trouve des locutions prépositionnelles où la préposition f- est associée à d’autres
prépositions. Dans ces locutions, la préposition f- a un sens redondant qui n’affecte pas
celui de la préposition qui lui est associée.

a) f-gəlb « à l’intérieur de, en plein, au milieu de »


La préposition f- « dans, en, à » entre dans la composition de locutions
prépositionnelles. On la trouve notamment associée à la préposition gəlb « à l’intérieur
de ». Le sens de la préposition f- est redondant, puisque le sens de la préposition n’est
pas affecté.

āne f-gəlb-əz-zəôma.
moi dans-cœur-la-foule
« Je suis en plein milieu de la foule ».
« Je suis en plein milieu d’un embouteillage. »

ône f-gəlb-əl-məwîūε, bde yədwi f-ôāža tānya.


nous dans-cœur-le-sujet il a commencé il parle dans-chose deuxième
« Nous étions en plein milieu d’une conversation,
il a commencé à parler d’autre chose. »

āne f-gəlb-əl-εāûīfa.
moi dans-cœur-l’-orage
« Je suis en plein milieu d’un orage. »

344
2.3.2. Les locutions introduites par f-
On examinera des locutions introduites par la préposition f-, suivie d’un nominal. Ce
nominal est déterminé par le nominal ou le pronom suffixe qui le suit, dans une
construction à l’état construit.

a) f-mkān « à la place de, au lieu de »


Cette locution se compose de la préposition f- « dans » et du nominal mkān « lieu,
endroit ». Cette locution permet d’indiquer un remplacement, une substitution.

āne žēt f-mkān-εədnān.


moi je suis venu dans-lieu-Adnan
« Je suis venu à la place d’Adnan. »

b) f-εūî « à la place de, au lieu de »


Cette locution se compose de la préposition f- « dans » et du substantif εūî
« compensation, équivalent, remplacement ». Elle a le même sens que la locution
précédente.

f-εūî ma nəmšu l-tāžūra u nətšəôwru,


dans-équivalent que nous allons à-Tajoura et nous nous épuisons
gūl l-hum nətlāgu f-sūg-əž-žumεa !
dis à-eux nous nous retrouvons dans-Soug-Ej-Jum’a
« Au lieu de nous fatiguer à aller (jusqu’) à Tajoura, dis-leur que nous nous
retrouvons (plutôt) à Soûg-Ej-Jum’a. »

āne žēt f-εūî-εədnān.


moi je suis venu dans-équivalent-Adnan
« Je suis venu à la place d’Adnan. »

c) f-wəžh « à la place de, en face de, en présence de »


Cette locution se compose de la préposition f- « dans » et du nominal wəžh « visage ».
Elle peut avoir une valeur causale, mais permet également d’indiquer une localisation,
avec un sens figuré.

əmsəô-ha f-wəžh-i.
efface-la dans-visage-mon
« Je m’excuse à sa place. »

gāl-ha f-wəžh-i.
il a dit-la dans-visage-mon
« Il l’a dite en face de moi. »

gūl-ha l-a f-wəžh-a kān-ək üāžəl !


dis-la à-lui dans-visage-son si-toi homme
« Dis-la lui en face si tu es un homme ! »

d) f-üūô-umm « à l’intérieur de, en plein, au milieu de »


Cette locution se compose de la préposition f- « dans », suivie des substantifs üūô
« âme » et umm « mère ». Elle indique une localisation spatiale.

345
āne f-üūô-umm-əz-zəôma.
moi dans-âme-mère-la-foule
«Je suis en plein milieu de la foule. »

2.4. Les locutions composées de b-


La préposition b- entre dans la construction de locutions composées de plusieurs
prépositions, mais également de locutions au moyen de nominaux.

2.4.1. Les combinaisons de prépositions


On trouve la préposition b- associée à la préposition ôda, mais son sens est redondant,
puisqu’il n’affecte pas le sens de cette dernière.

a) bə-ôda « à côté de »
Cette locution prépositionnelle se compose de la préposition b- « par » et de la
préposition ôda « à côté de » et permet d’indiquer une localisation spatiale.

gəεməz bə-ôdā-y !
assieds-toi par-à côté de-moi
« Assieds-toi à côté de moi ! »

2.4.2. Les locutions introduites par b-


La préposition b- permet de construire des locutions prépositionnelles, au moyen de
nominaux qui sont déterminés, dans une construction à l’état construit.

a) b-sābāb ~ b-sbəb(b) « en raison de, par la faute de, à cause de »


Cette locution se compose de la préposition b- et du nominal sābāb ou sbəb(b)
« cause ». A Tripoli, on trouve ce nominal sous ces deux formes, auxquelles on peut
suffixer les pronoms personnels. Pour des raisons de structure syllabique, lorsqu’on
suffixe des pronoms vocaliques au terme sbəb, et pour maintenir sa voyelle brève en
syllabe fermée, on redouble sa consonne finale.

SG. 1. sābāb-i sbəbb-i « à cause de moi »


2. sābāb-ək sbəbb-ək « à cause de toi »
3.m. sābāb-a / -əh sbəbb-a / -əh « à cause de lui »
3.f. sābāb-ha sbəb-ha « à cause d’elle »
PL. 1. sābāb-na sbəb-na « à cause de nous »
2. sābāb-kum sbəb-kum « à cause de vous »
3. sābāb-hum sbəb-hum « à cause d’eux, d’elles »

Cette locution prépositionnelle a une valeur causale.

ž-žəww sxūn b-sābāb-l-iôtibās əl-ôarāri.


le-temps chaud par-cause-la-détention la-thermique
« Il fait chaud, à cause de l’effet de serre. »

b-sbəbb-i āne dār ôādət.


par-cause-ma moi il a fait accident
« A cause de moi, il a eu un accident. »

346
b) b-nəsba lī- « selon, d’après, en ce qui concerne, quant à »
Cette locution se compose de la préposition b-, du nominal nəsba « rapport, fonction,
comparaison », ainsi que de la préposition li « à, pour ». Cette locution a une valeur
appréciative, permettant d’apporter un jugement, un avis, un opinion.

b-nəsba li üābīε, ā-hu šre šəgga u x°əb ;


par-rapport à Rabi voici-lui il a acheté appartement et il s’est fiancé
əmma nāfəε māzāl šwēya...
quant à Nafa encore un peu
« En ce qui concerne Rabi, ça y est, il a acheté un appartement et il s’est fiancé ;
quant à Nafa, toujours pas (il a encore besoin d’un peu de temps)… »

b-nəsba lī-ya āne, žəww mlīô.


par-rapport à-moi moi ambiance bon
« Selon moi, il y a une bonne ambiance. »

2.5. Les locutions composées de εle


Au moyen de la préposition εle « sur », suivie d’un nominal, on construit des locutions
prépositionnelles. Ces locutions ont toutes une valeur causale.

a) εlē-xā°əü « à cause de, en raison de, pour, par égard pour »


Cette locution se compose de la préposition εle et substantif xā°əü « esprit, idée, pensée,
for intérieur ».

εlē-xā°ü-ək yā-fā°ma səyyəbt xū-y əôməd.


sur-idée-ton ô-Fatma j’ai négligé frère-mon Ahmed
« A cause de toi Fatma, j’ai négligé mon frère Ahmed. »

səyyəbt əd-duxxān εlē-xā°əü umm-i


j’ai quitté le-tabac sur-idée mère-ma
šəddət-ha f-žurrt-i.
elle a insisté-la dans-pas-mon
« J’ai arrêté de fumer à cause de ma mère qui a beaucoup insisté. »

xəllī-h yəshər mεā-na εlē-xā°ü-i.


laisse-le il passe la soirée avec-nous sur-for intérieur-mon
« (Fais-le) pour moi, laisse-le passer la soirée avec nous. »

b) εlē-εyūn « à cause de, en raison de, pour »


Cette locution se compose de la préposition εle et du substantif pluriel εyūn « yeux ».

sāməôt-ək εlē-εyūn-l-ūlād.
j’ai pardonné-te sur-yeux-les-garçons
« Je t’ai pardonné (par respect) pour les garçons. »

xəllī-h yəshər mεā-na εlē-εyūn-i.


laisse-le il passe la soirée avec-nous sur-yeux-mes
« (Fais-le) pour moi, laisse-le passer la soirée avec nous. »

c) εlē-sābāb « à cause de »
Cette locution se compose de la préposition εle et du substantif sābāb « cause ».

347
š-šāüəε, səkkrū-h εlē-sābāb-əz-zəôma.
la-rue ils ont fermé-le sur-cause-la-foule
« La rue, ils l’ont fermée à cause de la foule. »

348
LES ADVERBES

On examinera les procédés de formation des adverbes de lieu, des adverbes de temps,
des adverbes de quantité et de qualité, des adverbes de manière et des adverbes
d’affirmation et de négation. On trouve des adverbes simples, entités lexicales isolées et
des locutions adverbiales.

I. Les adverbes de lieu


On distinguera les adverbes simples formés d’une seule entité lexicale sans déterminant
des adverbes composés.

1. Les adverbes simples


On examinera les adverbes déictiques et les adjectifs. On traitera également des
substantifs et les prépositions pouvant être utilisés comme adverbes.

1.1. Les déictiques


On distingue deux espaces qui s’opposent : l’espace lié au sujet énonciateur et l’espace
lié à l’énonciateur et aux co-énonciateurs ; ce dernier renvoie aux limites de l’espace lié
aux interlocuteurs, aux limites de la vision.

1.1.1. L’espace lié au sujet énonciateur


L’adverbe hne « ici » sert à désigner l’espace où évolue l’énonciateur. Il indique la
localisation.

hne fi °üābləs ž-žəww mlīô.


ici à Tripoli l’-ambiance bon
« Ici à Tripoli, l’ambiance est bonne. »

Il indique également le déplacement.

tεāla hne !
viens ici
« Viens ici ! »

On emploie également la forme augmentée hnāya « ici ».

hnāya, f-əd-dāü hādi.


ici dans-la-pièce celle-ci
« Ici, dans cette pièce. »

1.1.2. L’espace renvoyant aux limites de la vision


Ces adverbes peuvent être accompagnés d’un geste du bras ou de la tête marquant un
éloignement de l’énonciateur et visant les limites de la vision (CAUBET 1993 I : 189).

On trouve deux types d’adverbes. Les uns servent à désigner un objet se situant aux
limites de la vision (éventuellement pointés du doigt, du menton ou du regard) : āādi et
une forme augmentée āādīka 1 « là, là-bas ».

1
On retrouve l’élément k lié aux démonstratifs renvoyant aux limites de la vision et à la deuxième
personne.

349
šrēt-ha āādi fi bənāāzi.
j’ai acheté-la là à Benghazi
« Je l’ai achetée là-bas, à Benghazi. »

āādīka f-əû-ûəôüa nəww hālba.


là dans-le-désert lourd beaucoup
« Là-bas dans le désert, il fait très lourd. »

On emploie plus rarement hnāk « là-bas ».

nəggəz mən hne lə-hnāk.


il a sauté de ici à-là
« Il a sauté d’ici jusque là. »

Les autres adverbes sont porteurs d’un mouvement centrifuge, qui peut être
accompagné d’un geste d’éloignement du sujet énonciateur (CAUBET 1993 I : 190) : il
s’agit des formes augmentées āādīkāy et āādīkāya 2 « là-bas, quelque part ».

āādīkāy məš εāüəf wēn…


là-bas pas sachant où
« Là-bas, je ne sais pas où… »

āādīkāya f-əl-yābān wəlla…


là-bas dans-le-Japon ou bien
« Là-bas au Japon ou bien… »

āādīkāya f-əû-ûəôüa…
là-bas dans-le-désert
« Quelque part, là-bas, dans le désert… »

Comme les précédents, ces deux adverbes peuvent désigner les limites extrêmes de la
vision, mais ils sont aussi les seuls à pouvoir désigner l’extérieur du champs de vision :
l’ailleurs (CAUBET 1993 I : 190), désignant un lieu éloigné et imprécis, convenant
également pour ce qui n’est attribué ni à l’énonciateur, ni au co-énonciateur.

1.2. Les adjectifs utilisés comme adverbes


Il existe deux adjectifs qui peuvent être utilisés comme adverbes de lieu : grīb et bεīd.
Ces adverbes indiquent la localisation.

1.2.1. grīb « près »


L’adjectif grīb a le sens de « proche » ; utilisé comme adverbe, il a le sens de « près ».

nāfəε yuskun grīb mənn-i.


Nafa il habite près de-moi
« Nafa habite près de chez moi. »

grīb m-əl-mā°āü təlga maôall-mālābəs.


près de-l’-aéroport tu trouves lieu-vêtements
« Près de l’aéroport tu trouveras un magasin de vêtements. »

2
Cf. note 1. Il s’agit, comme pour les démonstratifs, de formes augmentées au moyen de l’élément -āy(a).

350
1.2.2. bεīd « loin »
L’adjectif bεīd a le sens de « lointain » ; l’adverbe a le sens de « loin ».

ənta tuskun bεīd m-əž-žāmiεa.


toi tu habites loin de-l’-université
« Toi, tu habites loin de l’université. »

1.3. Les substantifs utilisés comme adverbes


On trouve deux substantifs qui sont utilisés comme adverbes. Il s’agit de °ūl et de bəüüa.

1.3.1. °ūl « tout droit, directement »


°ūl est un substantif qui a le sens de « taille, hauteur, longueur ». Utilisé comme
adverbe, il a le sens de « tout droit, directement, sans dévier de sa route, sans s’arrêter ».
Il peut indiquer la localisation.

ləmma tə°ləε m-əl-bāb təlga l-maôall gəddām-ək


lorsque tu sors de-la-porte tu trouves le-lieu devant-toi
°ūl.
directement
« En sortant, tu trouveras l’endroit directement devant toi. »

Il peut aussi indiquer le déplacement.

mšēna °ūl.
nous sommes allés tout droit
« Nous sommes allés tout droit. »

Dans l’énoncé suivant, il a le sens figuré de : « d’une seule traite, sans interruption ».

ušüub gəhwt-ək °ūl u xəllī-na nəmšu !


bois café-ton et directement et laisse-nous nous allons
« Bois vite ton café et allons-y ! »

1.3.2. bəüüa « dehors, vers l’extérieur »


bəüüa est un substantif qui a le sens de « extérieur ». En tant qu’adverbe, il a le sens de
« dehors, vers l’extérieur, hors de la ville, à la campagne, à l’étranger ». Il peut indiquer
la localisation.

εədnān gāεəd bəüüa l-fətra hādi.


Adnan se trouvant à l’étranger la-période celle-ci
« En ce moment, Adnan est à l’étranger ».

lə-knāsa tənôə°° bəüüa.


le-balais elle se met dehors
« Le balais se met à l’extérieur. »

Il indique également le déplacement.

351
ə°ləε bəüüa !
sors dehors
« Sors (dehors) ! »

1.4. Les prépositions utilisées comme adverbes


La préposition gəddām « devant » est également utilisée comme adverbe avec le sens de
« devant ». Elle indique la localisation.

kunt mgəεməz gəddām.


j’étais assis devant
« J’étais assis devant. »

bəüüa l-əd-dukkān əlli gəddām f-üās-əz-zənga !


va à-le-magasin REL. devant dans-tête-la-rue
« Va au magasin qui est devant au début de la rue ! »

2. Les adverbes composés


Il s’agit de locutions adverbiales formées à partir des prépositions l- « à, vers », f-
« dans », mən « de » et εle « sur ».

2.1. Au moyen de la préposition l-


On trouve des formes composées de la préposition l- suivie d’un adverbe, d’une
préposition ou d’un nominal ; on trouve également des formes composées de la
préposition l- et d’un nominal déterminé au moyen de l’article l-.

2.1.1. l(ə)- + adverbes


Les locutions adverbiales formées au moyen de la préposition l- indiquent le
déplacement. On trouve également la préposition sous la forme lā- 3 dans les
constructions avec les adverbes āādi et āādīka.

a) lə-hne « vers ici, par ici »


Cette locution se compose de la préposition l- et de l’adverbe hne « ici ».

žre mən-āādīka lə-hne.


il a couru de-là-bas à-ici
« Il a couru de là-bas jusqu’ici. »

nəmšu lə-žmāεa āw nəmšu l-gəhwa lə-hne ?


nous allons à-groupe ou nous allons à-café vers-ici
« Nous allons retrouver les garçons ou nous allons dans un café par ici ? »

b) l-āādi ~ lā-āādi « vers là, jusque là »


Cette locution adverbiale est composée de la préposition l- et de l’adverbe āādi « là ».
On trouve également la préposition sous la forme lā-.

əgüa lə-ktāb mən-hne l-āādi !


lis le-livre de-ici à-là
« Lis le livre d’ici jusque-là ! »

3
D’après Philippe MARÇAIS, la préposition l- revêt également les formes ila et əlya en Libye (Ph.
MARÇAIS 1977 : 219), mais il n’a pas relevé la forme lā- du parler arabe de Tripoli..

352
lā-āādi bəss !
à-là seulement
« Jusque-là seulement ! »

c) l-āādīka ~ lā-āādīka « vers là-bas »


Cette locution adverbiale est composée de la préposition l- et de l’adverbe āādīka « là-
bas ». On trouve également la préposition sous la forme lā-.

lā-āādīka bəss !
à-là-bas seulement
« Jusque là-bas seulement ! »

tüa εūm mən-hne l-āādīka !


montre nage de-ici à-là-bas
« Fais voir si tu es capable de nager d’ici jusque là-bas ! »

2.1.2. l- + préposition
Il s’agit de locutions adverbiales indiquant la localisation et le déplacement dans
l’espace, composés de la préposition l- suivie d’une autre préposition.

a) l-fōg « en haut, vers le haut »


Cette locution adverbiale se composé de la préposition l- « à, vers » et de la préposition
fōg « sur ». Elle marque la localisation.

yuskun l-fōg.
il habite à-sur
« Il habite en haut. »

Elle marque également le déplacement.

ərkəb l-fōg l-əd-dōü ət-tāni u xušš īmīn-ək.


monte à-sur vers-l’-étage le-deuxième et entre droite-ta
« Monte (en haut) au deuxième étage et entre à ta droite. »

b) l-təôt « en bas, vers le bas »


Cette locution adverbiale se composé de la préposition l- « à, vers » et de la préposition
təôt « sous ». Elle marque la localisation.

εīûām yuskun l-təôt.


Isam il habite à-sous
« Isam habite en bas. »

dərrəs səyyāüt-ək l-təôt w ərkəb.


gare voiture-ta à-sous et monte
« Gare ta voiture en bas et monte. »

Elle marque également le déplacement.

ənzəl l-təôt l-əd-dōü əl-ūwəl.


descends à-sous vers-l’-étage le-premier
« Descends (en bas) au premier étage. »

353
c) l-gəddām « devant, à l’avant, vers l’avant »
Cette locution adverbiale se composé de la préposition l- « à, vers » et de la préposition
gəddām « devant ». Elle marque le déplacement.

zəwwəd gəεməz l-gəddām !


va assis-toi à-devant
« Va t’asseoir devant ! »

bəüüa l-gəddām u kəlləm əs-səwwāg yūgəf


va à-devant et parle le-conducteur il arrête
l-na nəšru duxxān !
pour-nous nous achetons tabac
« Va devant et dis au conducteur de s’arrêter pour que nous achetions des
cigarettes ! »

zīd l-gəddām.
continue à-devant
« Un peu plus vers l’avant / Continue vers l’avant. »

Elle marque également la localisation.

l-gəddām fāîya əktəü.


à-devant vide plus
« Devant, c’est plus vide / Il y a moins de monde devant. »

kunt mgəεməz l-gəddām.


j’étais assis à-devant
« J’étais assis devant. »

2.1.3. l- + nominaux
Il s’agit de locutions adverbiales indiquant la localisation et le déplacement dans
l’espace, composés de la préposition l- et d’un nominal (substantif, adjectif ou
participe).

a) l-dāxəl « dedans, à l’intérieur, vers l’intérieur »


Cette locution adverbiale se composé de la préposition l- « à, vers » et du participe
dāxəl « entrant, entré ». Elle indique la localisation.

- wēn εīûām ?
où Isam
- ā-hu l-dāxəl.
voici-lui à-entré
« - Où est Isam ?
- Il est à l’intérieur. »

ône mgəεmzīn l-dāxəl f-əl-mə°εəm.


nous assis à-entré dans-le-restaurant
« Nous sommes assis à l’intérieur, dans le restaurant. »

Elle indique également le déplacement.

354
xəššēna l-dāxəl.
nous sommes entrés à-entré
« Nous sommes entrés (à l’intérieur). »

b) l-bəüüa « à l’extérieur, vers l’extérieur »


Cette locution adverbiale se compose de la préposition l- et du substantif bəüüa
« extérieur ». Elle indique la localisation.

kunna l-bəüüa u xəššēna l-dāxəl.


nous étions à-extérieur et nous sommes entrés à-entré
« Nous étions à l’extérieur et nous sommes entrés (à l’intérieur). »

kān təbbi nīzāü təlgā-h l-bəüüa.


si tu veux Nizar tu trouve-le à-extérieur
« Si tu cherches Nizar, tu le trouveras à l’extérieur. »

Elle indique également le déplacement.

°əlləε əû-ûāāü l-bəüüa yəlεbu !


sors les-petits à-extérieur ils jouent
« Sors les enfants (à l’extérieur) pour qu’ils jouent. »

ə°ləε l-bəüüa !
sors à-extérieur
« Sors (dehors) ! »

c) l-tāli « derrière, vers l’arrière »


Cette locution adverbiale se compose de la préposition l- « à, vers » et du participe
employé comme adjectif tāli « dernier ». Elle indique la localisation.

- wēn lə-knāsa ?
où le-balais
- ôə°°ēt-ha l-tāli.
j’ai mis-la à-dernier
« - Où est le balais ?
- Je l’ai mis derrière. »

Elle indique également le déplacement.

zīd l-tāli šwēya.


continue vers-dernier un peu
« Un peu plus vers l’arrière / Continue vers l’arrière. »

wəxxər l-tāli šwēya.


recule vers-dernier un peu
« Recule un peu (vers l’arrière). »

d) l-ō°a « en bas, au rez-de-chaussée »


Cette locution adverbiale se compose de la préposition l- et de l’élatif de wā°i « bas » :
ō°a « sol ». Elle indique la localisation.

355
yuskun l-ō°a.
il habite en bas
« Il habite en bas. »

təlgā-h l-ō°a.
tu trouves-le en bas
« Tu le trouveras en bas, au rez-de-chaussée ».

Elle indique également le déplacement.

ənzəl l-ō°a !
descends en bas
« Descends (en bas) ! »

2.1.4. l-əl- + nominal


On examinera ici des locutions adverbiales composées de la préposition l- suivie d’un
nominal déterminé au moyen de l’article l- « le, la, les ». Elles indiquent le
déplacement.

a) l-əl-wəs° « vers le milieu »


Cette locution adverbiale se compose de la préposition l- suivie de l’article défini əl- et
du substantif wəs° « milieu, centre ».

ôəwwəlt l-əl-wəs°.
je me suis déplacé vers-le-centre
« Je me suis déplacé vers le centre. »

b) l-əž-žənb « vers le côté, de côté »


Cette locution adverbiale se compose de la préposition l- suivie de l’article défini əl- et
du substantif žənb « côté ».

xēü-ək māši f-nuûû-ət-trīg ?


bien-ton allant dans-milieu-la-route
xūd l-əž-žənb b-šwēya !
prends vers-le-côté par-un peu
« Qu’est-ce que tu as à circuler au milieu de la route ?
Mets-toi doucement vers le côté. »

c) l-əl-gəddām « vers l’avant »


Cette locution adverbiale se compose de la préposition l- suivie de l’article défini əl- et
du substantif gəddām « devant ».

zīd l-əl-gəddām.
continue vers-le-devant
« Continue vers l’avant. »

2.2. Au moyen de la préposition f- « dans »


Les formes se composent de la préposition f- et d’un nominal déterminé au moyen de
l’article l-. Elles indiquent la localisation.

356
2.2.1. f-əl-wəs° « au milieu »
Cette locution adverbiale se compose de la préposition f- suivie de l’article défini əl- et
du substantif wəs° « milieu, centre ».

bəüüa gəεməz f-əl-wəs° !


va assieds-toi dans-le-milieu
« Va t’asseoir au milieu ! »

xūd ə°-°āsa lli f-əl-wəs° !


prends le-verre REL dans-le-milieu
« Prends le verre qui est au milieu ! »

2.2.2. f-əž-žənb « sur le côté, du côté »


Cette locution adverbiale se compose de la préposition f- suivie de l’article sous la
forme əl- et du substantif žənb « côté ».

təlgā-h f-əž-žənb āādi.


tu trouves-le dans-le-côté là-bas
« Tu le trouveras là-bas, sur le côté. »

əl-bāb təlgā-h f-əž-žənb.


la-porte tu trouves-le dans-le-côté
« La porte, tu la trouveras sur le côté. »

f-əž-žənb əlli mən bə-ôdā-k.


dans-le-côté REL. de à-côté de-toi
« (Du côté qui est) de ton côté. »

2.3. Au moyen de la préposition mən « de »


On examinera les formes composées de la préposition mən 4 et d’un adverbe ou d’un
adjectif ; on trouve également des formes composées de la préposition mən et de
nominaux déterminés au moyen de l’article l-. mən peut indiquer une localisation avec
ou sans mouvement.

2.3.1. mən + adverbe


mən précède un adverbe simple.

a) mən-hne « à partir d’ici »


mən précède l’adverbe hne.

mən-hne u bəüüa sūg-əž-žumεa.


de-ici et dehors Soûg-Ej-Jum’a
« A partir d’ici (et ce qui suit) c’est Soûg-Ej-Jum’a. »

b) mən-āādi « à partir de là, par là »


mən précède l’adverbe āādi.

4
On peut trouver la préposition mən sous la forme m- lorsqu’elle précède l’article əl-.

357
xūd °āksi mən-āādi.
prends taxi de-là
« Prends un taxi à partir de là. »

mən-āādi txušš əl-āubüa.


de-là elle entre la-poussière
« La poussière entre par là. »

c) mən-āādīka « à partir de là-bas »


mən précède l’adverbe āādīka.

žəbt-ha mεā-k mən-āādīka l-gītāüa ?


tu as amené-la avec-toi de-là-bas la-guitare
« La guitare, tu l’as amenée avec-toi de là-bas ? »
šuft ən-nəxla hādi ? mən-āādīka təbda tāžūra.
tu as vu le-palmier celle-ci de-là-bas elle commence Tajoûra
« Tu as vu ce palmier ? Tajoura commence à partir de là-bas. »

2.3.2. mən + l’adjectif tāli


mən précède l’adjectif tāli et a le sens de « derrière, par-derrière, à l’arrière »

sərwāl-ək mləbbəz mən-tāli.


pantalon-ton sale de-dernier
« Ton pantalon est sale derrière. »

hādāka məžyūb mən-tāli !


celui-là apporté de-dernier
« Celui-là il a été accouché par le cul / Quel connard ! »

ərkəb mən-tāli !
monte de-dernier
« Monte à l’arrière ! »

ôu°°-a mən-tāli !
mets-le de-dernier
« Mets-le à l’arrière / Mets-le derrière. »

2.3.3. mən + əl- + nominal žənb


On trouve une locution adverbiale qui se compose de la préposition mən suivie de
l’article sous la forme əl- et du nominal žənb « côté ». On trouve les formes mən əž-žənb
et m-əž-žənb « du côté, par le côté ».

ôōš-hum txušš l-a mn əž-žənb.


maison-leur tu entres vers-lui de le-côté
« Leur maison, tu y entres par le côté. »

2.3.4. mən + l-ō°a


Cette locution adverbiale se compose de la préposition mən sous la forme mə- et de
l’adverbe l-ō°a « en bas ».

358
šuft lə-ktābāt hādūka ? əε°ī-ni lə-ktāb əlli mə-l-ō°a.
tu as vu les-livres ceux-là donne-moi le-livre qui de-en bas
« Tu as vu ces livres-là ? Donne-moi le livre qui est en bas. »

2.4. Au moyen de la préposition εle « sur »


La préposition εle peut être suivie d’un nominal non déterminé, ou de nominaux
déterminés au moyen de l’article l-. εle peut indiquer une localisation avec ou sans
mouvement 5.

2.4.1. εlē-bəüüa « dehors, à l’extérieur »


Cette locution adverbiale se compose de la préposition εle et du substantif bəüüa
« extérieur ».

dāətt-a b-əl-gwīya, mše °ləε εlē-bəüüa.


j’ai poussé-le avec-la-force il est allé il est sorti sur-extérieur
« Je l’ai poussé fortement, résultat il est sorti (à l’extérieur). »

xēü-ha sūrīyt-ək εlē-bəüüa ?


bien-sa chemise-ta sur-extérieur
« Qu’est-ce qu’elle fout ta chemise à l’extérieur (de ton pantalon) ? »

2.4.2. εlē-ž-žənb ~ εəž-ž-žənb « sur le côté, de côté »


Cette locution adverbiale se compose de la préposition εle suivie de l’article sous la
forme əl- et du nominal žənb « côté ».

ôəwwəl-ha εle ž-žənb !


déplace-la sur le-côté
« Déplace-la sur le côté ! »

xūd εəž-ž-žənb b-šwēya !


prends sur-le-côté par-un peu
« Prends doucement sur le côté ! »

On la trouve dans le proverbe suivant :

uügud εəž-ž-žənb əlli yrəyyô-ək


dors sur-le-côté REL. il repose-te
« Dors sur le côté qui te reposeras. »
« Fais les choses qui te font te sentir bien. »

Et avec un sens figuré.

εənd-i šwēya flūs bə-nxəllī-hum εəž-ž-žənb.


chez-moi un peu argent FUT.-je laisse-les sur-le-côté
« J’ai un peu d’argent ; j’ai l’intention de le mettre de côté ».

5
On trouve la préposition εle sous la forme εəl lorsqu’elle précède l’article l-. De plus, le l de la
préposition εəl est assimilé, comme le l de l’article, à la première consonne du substantif, lorsque celle-ci
est « solaire ».

359
2.4.3. εəl-l-īmīn « à droite, sur la droite »
Cette locution adverbiale se compose de la préposition εle suivie de l’article défini l- et
du nominal īmīn « droite ».

wəggəf l-i εəl-l-īmīn law-samaôt.


arrête pour-moi sur-la-droite si-tu as permis
« Dépose-moi sur la droite, s’il te plaît. »

bəεd-ma tə°ləε m-əš-šāüəε xūd εəl-l-īmīn.


après-que tu sors de-la-rue prends sur-la-droite
« Une fois sorti de la rue, prends à droite. »

2.4.4. εəl-l-īûāü « à gauche, sur la gauche »


Cette locution adverbiale se compose de la préposition εle suivie de l’article défini l- et
du nominal īûāü « gauche ».

l-fətôa ž-žāya xušš εəl-l-īûāü.


l’-ouverture la-prochaine entre sur-la-gauche
« A la prochaine [rue] prends à gauche. »

fi lībya isūgu εəl-l-īmīn


en Libye ils conduisent sur-la-droite
u fi brī°ānya εəl-l-īûāü.
et en Grande-Bretagne sur-la-gauche
« En Libye, ils conduisent à droite et en Grande-Bretagne, à gauche. »

2.4.5. εəl-l-ôāšya « sur le bord »


Cette locution adverbiale se compose de la préposition εle suivie de l’article l- et du
nominal ôāšya « bord ».

šūf εə°-°-°āwla təlgā-h εəl-l-ôāšya.


regarde sur-la-table tu trouves-le sur-le-bord
« Regarde sur la table, tu le trouveras sur le bord. »

Dans l’énoncé suivant, elle a un sens figuré.

- šīn l-ūmūr ?
quoi les-choses
- māšya εəl-l-ôāšya…
allant sur-le-bord
« - Comment ça va ?
- Ça va limite… / Je suis sur le brèche… »

2.4.6. εlē-l-wəs° « vers le centre »


La préposition εle précède le nominal wəs° « centre » déterminé au moyen de l’article l-.

zīd εlē-l-wəs° šwēya.


continue sur vers-le-centre un peu
« Un peu plus vers le centre / Continue vers le centre. »

360
2.4.7. εəl-l-ū°a « sur le sol, par terre »
Cette locution adverbiale se compose de la préposition εle, suivie du nominal ū°a « sol »
déterminé au moyen de l’article l- 6.

f-əl-āāləb nuügud εəl-l-ū°a.


dans-le-prédominent je dors sur-le-sol
« Je dors souvent par terre. »

ləwwəôt əs-səbsi εəl-l-ū°a.


j’ai jeté la-cigerette sur-le-sol
« J’ai jeté la cigarette par terre. »

6
Il ne faut pas confondre l’adverbe l-ō°a et le nominal déterminé l-ū°a. Le premier est un adverbe
construit à partir de l’élatif ō°a de l’adjectif wā°i « bas », alors que le second est le substantif w°a « sol ».

361
II. Les adverbes de temps
On étudiera ici les procédés de formation des adverbes de temps. On examinera les
adverbes simples, puis les adverbes composés.

1. Les adverbes simples


Voici une liste d’adverbes simples utilisés dans le parler arabe de Tripoli, permettant de
qualifier le temps.

1.1. təwwa « maintenant »

nəbbi gəhwa təwwa.


je veux café maintenant
« Je veux un café maintenant. »

təwwa ndīr εlē-k dōüa.


maintenant je fais sur-toi tour
« Je passe te voir maintenant. »

1.2. gəbl « avant »

gəbl kān əl-wāzīr w əl-buwwāb yətāəddu mεā-bəεî.


avant il était le-ministre et le-portier ils déjeunent ensemble
« Avant, le ministre et le portier déjeunaient ensemble. »

gəbl kunt nəlεəb hālba kūra.


avant j’étais je joue beaucoup ballon
« Avant, je jouais beaucoup au football. »

gəbl, sāmi mā-kān-š yôəbb-ni.


avant Sami ne-il était-pas il aime-me
« Avant, Sami ne m’aimait pas. »

1.3. bəkri « tout à l’heure (passé) ; tôt, de bonne heure »


Cet adverbe a le sens de « tout à l’heure », en contexte de passé.

bəkri kunna āādi.


tout à l’heure nous étions là
« Nous y étions tout à l’heure. »

Il a également le sens de « tôt, de bonne heure ».

āudwa b-nəmši l-əl-xədma bəkri.


demain FUT.-je vais à-le-travail tôt
« Demain, j’ai l’intention d’aller au travail de bonne heure. »

1.4. dīma « toujours, tout le temps »

dīma nšūf fī-hum l-ūlād.


toujours je vois dans-eux les-garçons
« Les garçons, je les vois tout le temps. »

362
ône dīma nətlāgu f-əl-gəhwa hādi.
nous toujours nous nous rencontrons dans-le-café celle-ci
« Nous nous retrouvons toujours dans ce café. »

1.5. āāliban « souvent, fréquemment »

āāliban nuügud bəkri.


souvent je dors tôt
« Souvent, je me couche tôt. »

1.6. glīləš « rarement »

- gāεəd tšūf fi nīzāü ?


étant tu vois dans Nizar
- la, la, glīləš.
non non rarement
« - Tu vois encore Nizar ?
- Non, non, rarement. »

1.7. āudwa « demain »

āudwa b-nəmši l-əl-xədma bəkri.


demain FUT.-je vais à-le-travail tôt
« Demain, j’ai l’intention d’aller au travail de bonne heure. »

nətlāgu āudwa f-əl-məεhəd.


nous nous retrouvons demain dans-l’-institut
« Nous nous retrouvons demain à l’institut. »

1.8. āməs « hier »

āməs šīn tāəddēna ?


hier quoi nous avons déjeuné
« Qu’avons-nous déjeuné hier ? »

tlāgēt mεa nīzāü āməs ?


tu t’es retrouvé avec Nizar hier
« Toi et Nizar, hier, vous vous êtes retrouvés ? »

1.9. zmān « avant, jadis »

zmān kān əl-wāzīr w əl-buwwāb yətāəddu mεā-bəεî.


jadis il était le-ministre et le-portier ils déjeunent ensemble
« Jadis, le ministre et le portier déjeunaient ensemble. »

kunt nəlεəb hālba kūra zmān.


j’étais je joue beaucoup ballon avant
« Avant, je jouais beaucoup au football. »

363
1.10. kīf « juste, à peine »

kīf °ləεt m-əl-ôōš.


juste je suis sorti de-la-maison
« Je viens juste de sortir de la maison. »

kīf mše.
juste il est allé
« Il vient juste de partir. »

1.11. εāwəd « à nouveau »

šīnu môəmməd ? εāwəd srākt-a l-əwwla ?


quoi Mohammed à nouveau habitude-son la-première
« Qu’est-ce qu’il a Mohammed ? Il fait à nouveau la même chose ? »

1.12. məüüāt « de temps en temps, parfois »

məüüāt nušüub fi gəhwa bla sukkuü.


parfois je bois dans café sans sucre
« Parfois, je bois du café sans sucre. »

1.13. bəεdēn « après, tout à l’heure (futur) »

nətlāgu bəεdēn.
nous nous rencontrons après
« Nous nous retrouvons après. »

1.14. bəεtāli « après, tout à l’heure (futur) »

bəεtāli ngūl l-ək.


après je dis à-toi
« Après je te dirai. »

1.15. ābādān « jamais »

- mšēt li āsya ?
tu es allé à Asie
- ābādān !
jamais
« - Es-tu allé en Asie ?
- Jamais ! »

2. Les adverbes composés


On examinera ici les différents procédés de formation de locutions adverbiales
employées à Tripoli. On trouve des nominaux déterminés, des syntagmes
prépositionnels, des formes redoublées, des formes à l’état construit, ainsi que des
verbes utilisés comme adverbes.

364
2.1. Déterminant + nominal
L’article l-, un démonstratif, ou bien un pronom personnel suffixe permettent de
déterminer les nominaux entrant dans la formation des locutions adverbiales.

2.1.1. L’article əl-


Certains nominaux déterminés au moyen de l’article əl- sont employés comme adverbes
de temps.

a) əl-yōm « aujourd’hui »

əl-yōm əž-žəww ygəôôəb !


le-jour l’-ambiance il fait la pute
« Putain, aujourd’hui, il fait super beau ! »

klēt hālba l-yōm.


j’ai mangé beaucoup le-jour
« J’ai beaucoup mangé aujourd’hui. »

b) əl-bāüəô « hier soir »

əl-bāüəô rgədt mlīô.


hier soir j’ai dormi bien
« Hier soir j’ai bien dormi. »

wēn kunt əl-bāüəô, yā-tēs ?


où tu étais hier soir ô-bouc
« Eh blaireau, tu étais où hier soir ? »

c) əl-lēla « ce soir »

nətlāgu l-lēla.
nous nous retrouvons la-nuit
« Nous nous retrouvons ce soir. »

əl-lēla mətεəššīyīn εənd nīzāü.


la-nuit dînants chez Nizar
« Ce soir, nous dînons chez Nizar. »

d) s-sne « cette année »

tžī li lībya s-sne ?


tu viens en Libye l’année
« Tu viens en Libye cette année ? »

2.1.2. Les démonstratifs


Les déterminants nominaux démonstratifs entrent dans la formation de locutions
adverbiales temporelles. On emploie les déictiques de l’espace lié à l’énonciateur :

365
a) hā-l-lēla ~ l-lēla hādi « cette nuit »

hā-l-lēla l-gəôba !
cette-la-nuit la-pute
« Cette nuit est une nuit de merde / Quelle nuit de merde ! »

əl-lēla hādi mšət ôəlwa l-əz-zəbb.


la-nuit celle-ci elle est allée bonne pour-la-bite
« Cette nuit s’est super bien passée ! »

b) l-məüüa hādi « cette fois-ci »

əl-məüüa hādi sāməôt-ək lākən tεāwəd-ha


la-fois celle-ci j’ai pardonné-te mais tu recommences-la
nnīk l-ək wəžh-ək !
je nique à-toi visage-ton
« Cette fois-ci je t’ai pardonné mais si tu recommence je te niquerai ta gueule ! »

c) s-sne / s-sāna hādi ~ s-sne / s-sāna ā-hỵa « cette année »

s-sāna hādi nəfx l-əz-zəbb.


l’-année celle-ci emmerdement pou-la-bite
« Cette année a été une année de merde. »

d) l-εām hāda ~ l-εām ā-hẉa « cette année »

l-εām ā-hẉa mumkən nôəûûəl tərqya.


l’-année voici-elle peut-être j’obtiens promotion
« Cette année, j’obtiendrai peut-être une promotion. »

On se sert également des déictiques de l’espace lié aux co-énonciateurs, « qui a pour
effet de rejeter dans le passé » (CAUBET 1993 I : 193). Il s’agit de locutions adverbiales
qui peuvent aussi être formés à partir de la préposition f- (cf. 2.2.2.).

e) (f-)hādākā-l-wəgt « à ce moment-là »

f-hādākā-l-wəgt že nīzāü.
dans-celui-là-le-temps il est venu Nizar
« Nizar est venu à ce moment-là. »

ône nəlεbu f-kāüta, f-hādākā-l-wəgt xəšš nīzāü.


nous nous jouons dans-cartes dans-celui-là-le-temps il est entré Nizar
« Nous jouions aux cartes, à ce moment-là Nizar est entré. »

f) (f-)hādīkā-l-məüüa ~ l-məüüa hādīka « cette fois-là »

f-hādīkā-l-məüüa nəfs-ha bəεt əs-səyyāüa.


dans-celle-là-la-fois âme-son j’ai vendu la-voiture
« J’ai vendu la voiture cette même fois (-là). »

366
g) (f-)hādākā-l-εām ~ l-εām hādāka « cette année-là »

f-hādākā-l-εām sərdīna tzəwwəž.


dans-celui-là-l’-année Sardine il s’est marié
« Cette année-là, Sardine s’est marié. »

h) (f-)hādīkā-s-sāna ~ s-sāna hādīka « cette année-là »

f-hādīkā-s-sāna sərdīna tzəwwəž.


dans-celle-là-l’-année Sardine il s’est marié
« Cette année-là, Sardine s’est marié. »

i) (f-)hādīkā-l-lēla ~ l-lēla hādīka « cette nuit-là »

tətfəkkər hādīkā-l-lēla ləmma mšēna


tu te souviens celle-là-la-nuit lorsque nous sommes allés
l-əl-mə°εəm ət-turki ?
à-le-restaurant turc
« Tu te souviens de cette nuit-là lorsque nous sommes allés au restaurant
turc ? »

j) (f-)hādākā-l-yōm ~ l-yōm hādāka « ce jour-là »

šīn ûāü əl-yōm hādāka ?


quoi il est survenu le-jour celui-là
« Que s’est-il passé ce jour-là ? »

tfəkkər hādākā-l-yōm ləmma tlāgēna


tu te souviens celui-là-le-jour lorsque nous nous sommes rencontrés
f-əl-žāmiεa ?
dans-l’-université
« Tu te souviens de ce jour-là, lorsque nous nous sommes rencontrés à
l’université ? »

2.1.3. Les pronoms personnels suffixes


On suffixe les pronoms personnels au substantif εumü « vie », formant un paradigme
complet qui est, suivi de la particule de négation ma, employée avec le sens de « jamais
(de la vie) ». Le pronom suffixe s’accorde avec le sujet grammatical du prédicat.

SG. 1. εumü-i ma « ma vie, jamais moi »


2. εumü-ək ma « ta vie, jamais toi »
3.m. εumü-a ~ -əh ma « sa vie, jamais lui »
3.f. εumü-ha ma « sa vie, jamais elle »
PL. 1. εumü-na ma « notre vie, jamais nous »
2. εumü-kum ma « votre vie, jamais vous »
3. εumü-hum ma « leur vie, jamais eux, elles »

Cette locution adverbiale précède un prédicat verbal.

367
āne εumü-i ma mšēt li āsya.
moi vie-ma ne je suis allé à Asie
« Moi, je ne suis jamais allé en Asie. »

ənta εumü-ək ma ôā-tukbuü.


toi vie-ta ne FUT.-tu grandis
« Toi, tu ne grandiras jamais. »

ənti εumü-ək ma ôā-tətεəllmi t-tə°yīb.


toi vie-ta ne FUT.-tu apprends la-cuisine
« Toi, tu ne vas jamais apprendre à cuisiner. »

hūwa εumü-a ma yfəkkər yāəyyər səyyāüt-əh.


lui vie-sa ne il pense il change voiture-sa
« Lui, il ne pense jamais à changer de voiture. »

hīya εumü-ha ma güət lə-ktlab hāda.


elle vie-sa ne elle a lu le-livre celui-ci
« Elle, elle n’a jamais lu ce livre. »

ône εumü-na ma nwəllu flūs.


nous vie-notre ne nous devenons argent
« Nous, nous ne serons jamais riches. »

əntu εumü-kum ma tšəāālu üās-kum.


vous vie-votre ne vous utilisez tête-votre
« Vous, vous ne réfléchissez jamais. »

humma εumü-hum ma klu kusksi.


eux vie-leur ne ils ont mangé couscous
« Eux, ils n’ont jamais mangé de couscous. »
« Elles, elles n’ont jamais mangé de couscous. »

2.2. Les locutions adverbiales


Certaines locutions sont formées à partir des préposition mən « de », f- « dans », b-
« avec, par » ou bəεd « après ».

2.2.1. A partir de la préposition mən « de »


On trouve des locutions prépositionnelles, mais également des locutions adverbiales
composées de la préposition mən suivie d’un adverbe de temps, d’un adverbe de lieu ou
d’un adjectif.

a) mən-bəεd « après, ensuite »


Il s’agit d’une locution prépositionnelle composée de deux prépositions mən « de » et
bəεd « après ».

mən-bəεd tāəyyər əž-žəww.


ensuite elle change l’-ambiance
« Ensuite, l’ambiance changera. »

368
b) mən-gəbl « depuis longtemps »
Cette locution prépositionnelle se compose de la préposition mən et de la préposition
gəbl « avant ».

εənd-i nīya nəxdəm f-əû-ûəôüa mən-gəbl.


chez-moi envie je travaille dans-le-désert de-avant
« J’ai envie de travailler dans le désert depuis longtemps. »

lə-ktāb hāda εənd-i mən-gəbl.


le-livre celui-ci chez-moi de-avant
« J’ai ce livre depuis longtemps. »

c) mən bəkri ~ m-bəkri « ça fait un moment, depuis un (bon) moment »


Cette locution est composée de la préposition mən et de l’adverbe bəkri « tôt ».

wûəlt mən-bəkri.
je suis arrivé de-tôt
« Je suis arrivé depuis un bon moment. »

nuît m-bəkri.
je me suis levé de-tôt
« Ça fait un moment que je me suis levé. »

d) mən-āədwīt-ha « le lendemain »
Cette locution adverbiale se compose de la préposition mən « de », du nominal āədwīt-
« lendemain » et du pronom suffixe -ha « son ».

mšēna l-āəryān. yōm-l-əwwəl bətna


nous sommes allés à-Gharyan. jour-le-premier nous avons passé la nuit
f-wādi-bū-εīyād u mən-āədwīt-ha mšēna
dans-vallée-Bou-Iyad et de-lendemain-son nous sommes allés
l-bū-zīyān u l-yōm əlli bəεd-ha wəllēna.
à-Bou-Ziyan et le-jour qui après-elle nous sommes revenus
« Nous sommes allés à Gharyan. Le premier jour, nous avons passé la nuit dans
la vallée de Bou-Iyad, puis, le lendemain, nous sommes allés à Bou-Ziyan et le
jour suivant nous sommes revenus. »

s-səbt əž-žāy nzəwwgu d-dāü u mən-āədwīt-ha


le-samedi le-venant nous peignons la-pièce et de-lendemain-son
nôu°°u l-ātāt.
nous mettons les-meubles
« Samedi prochain, nous peindrons la pièce et le lendemain nous mettrons les
meubles. »

e) mən-ždīd « de nouveau »
Cette locution adverbiale est se compose de la préposition mən « de » et de l’adjectif
ždīd « nouveau ».

dār ôādət mən-ždīd.


il a fait accident de-nouveau
« Il a eu un accident à nouveau. »

369
f) mən hne u bəüüa « dorénavant, désormais »
Cette locution est composée de la préposition mən, du déictique locatif hne « ici », de la
conjonction de coordination u et du substantif bəüüa « extérieur ».

mən hne u bəüüa mā-εād-š


de ici et dehors ne-il a été fait à nouveau-pas
b-nədwi mεā-h.
FUT.-INT.-je parle avec-lui
« Dorénavant, je n’ai plus l’intention de lui parler. »

2.2.2. A partir de la préposition f- « dans »


Ces locutions adverbiales sont formées à partir de la préposition f- suivie d’un nominal
déterminé au moyen de l’article l-, à l’exception des locutions temporelles désignant les
mois de l’année.

a) f-əl-āāləb « souvent »

f-əl-āāləb nuügud εəl-l-ū°a.


dans-le-prédominant je dors sur-le-sol
« Je dors souvent par terre. »

b) f-əl-gəddām « dorénavant, désormais »

f-əl-gəddām mā-εād-š fī-ha bûāüa.


dans-le-devant ne-il a été fait une nouvelle fois-pas dans-elle plaisanterie
« Dorénavant, il n’y aura plus de plaisanterie. »

c) f-əl-lēl « la nuit »

āne ôšīšt-i l-εəksa εəš-š-šə°° f-əl-lēl.


moi herbe-mon le-fait de passer du temps sur-la-plage dans-la-nuit
« Moi, j’aime beaucoup passer du bon temps à discuter avec mes amis sur la
plage la nuit. »

°üābləs əôla hālba f-əl-lēl.


Tripoli plus belle beaucoup dans-la-nuit
« Tripoli est beaucoup plus belle la nuit. »

d) f-ər-rbīε « au printemps »

kān-ək təbbi təmši l-āəryān bəüüa f-ər-rbīε.


si-toi tu veux tu vas à-Gharyan va dans-le-printemps
« Si tu veux aller à Gharyan, vas y au printemps. »

f-ər-rbīε n-nās yəmšu yəzrdu f-əl-būskūwāt.


dans-le-printemps les-gens ils vont ils pique-niquent dans-les-bois
« Au printemps, les gens vont pique-niquer dans les bois. »

370
e) f-əû-ûēf « en été »

dīma nəmšu l-bôəü f-əû-ûēf.


toujours nous allons à-mer dans-l’-été
« L’été, nous allons toujours à la mer. »

f-əû-ûēf ən-nās yəshru.


dans-l’-été les-gens ils veillent
« L’été, les gens veillent. »

f) f-əl-xrīf « en automne »

f-əl-xrīf εəzz-əl-gərnī°.
dans-l’-automne splendeur-le-poulpe
« L’automne, c’est la meilleure époque pour manger du poulpe. »
« L’automne, c’est la saison du poulpe. »

ü-üəmîān yži f-əl-xrīf əs-sne.


le-Ramadan il vient dans-l’-automne l’-année
« Cette année, le Ramadan est en automne. »

g) f-əš-šte « en hiver »

lībya məš ûāgāε hālba f-əš-šte.


Libye pas froid beaucoup dans-l’-hiver
« En Libye, il ne fait pas très froid en hiver. »

əôlā-wəgt ləmma tûubb lə-m°əü f-əš-šte.


plus beau-temps lorsque elle verse la-pluie dans-l’-hiver
« Le meilleur temps, c’est lorsqu’il pleut en hiver. »

h) f- + mois de l’année
Dans le parler arabe de Tripoli, lorsqu’on veut désigner les mois de l’année, on emploie
une locution adverbiale formée à partir de la préposition f- et des noms des mois du
calendrier grégorien, non déterminés.

kān təbbi tži l-lībya tεāla f-māüəs


si tu veux tu viens à-Libye viens en-mars
u kān-ək təbbi lə-bôəü tεāla f-yūnyu.
et si-toi tu veux la-mer viens en-juin
« Si tu veux venir en Libye, viens en mars
et si tu veux (aller à) la mer, viens en juin. »

2.2.3. A partir de la préposition b- « avec, par »


On examinera une locution adverbiale formée à partir de la préposition b- « par, avec »,
suivie d’un nominal déterminé au moyen de l’article l-.

371
a) b-əl-mεāwəd « à nouveau »

rēt-a wəld-əl-gəôba hāda nāk-ha b-əl-mεāwəd


tu as vu-le fils-la-pute celui-ci il a niqué-la avec-la-répétition
hā-z-zāməl !
ce-le-pédéraste
« Tu l’as vu ce fils de pute il a merdé à nouveau ce pédé ! »

dār-ha b-əl-mεāwəd ?
il a fait-la avec-la-répétition
« Il l’a faite à nouveau ? »

wəlla l-əd-duxxān b-əl-mεāwəd ?


il est revenu à-le-tabac avec-la-répétition
« Il a recommencé à fumer ? »

mšēt li nīzāü lgēt-a yzəwwəg f-əl-ôōš


je suis allé à Nizar j’ai trouvé-le il peint dans-la-maison
b-əl-mεāwəd.
avec-la-répétition
« Je suis allé chez Nizar ; je l’ai trouvé à peindre la maison à nouveau. »

2.2.4. A partir de la préposition bəεd « après »


La préposition bəεd permet de former une locution adverbiale. Elle précède des
adverbes de temps.

a) bəεd-āudwa « après demain »


Cette locution se compose de la préposition bəεd « après » et de l’adverbe āudwa
« demain ».

āne bəεd-āudwa müəwwəô.


moi après-demain je reviens
« Moi, je reviens après-demain. »

bəεd-āudwa l-mubāüa.
après-demain la-partie de football
« La partie de football a lieu après-demain. »

b) bəεd-āudwtēn « après après-demain »


Cette locution se compose de la préposition bəεd « après » et d’une forme adverbiale au
duel : āudwtēn « deux matins », indiquant le surlendemain.

bəεd-āudwtēn nəshər āne u l-ūlād f-°üābləs.


après-deux matins je passe la soirée moi et les-garçons à-Tripoli
« Après après-demain, les garçons et moi, nous passons la soirée à Tripoli. »

māši l-əû-ûəôüa bəεd-āudwtēn.


allant à-le-désert après-deux matins
« Après après-demain, je vais dans le désert. »

372
2.2.5. yā-õõāh « juste, à peine »
Il s’agit de la locution interjective yā-õõāh, composée du vocatif yā- « ô » et du nominal
əõõāh « Dieu ». Cette locution adverbiale a le sens de « juste, à peine ».

yā-õõāh wûəlt.
ô-Dieu je suis arrivé
« Je viens juste d’arriver. »

2.3. Les redoublements d’adverbes


Il s’agit de locutions adverbiales, où le même adverbe est répété deux fois.

2.3.1. fī-sāε fī-sāε « vite, tout de suite »


On répète la locution adverbiale composée de la préposition fi « dans » et du nominal
sāε, forme raccourcie du substantif sāεa « heure, moment ».

fī-sāε fī-sāε ušüub u xəllī-na nəmšu !


dans-moment dans-moment bois et laisse-nous nous allons
« Vite, tout de suite, bois et allons-y ! »

2.3.2. b-surεa b-surεa « vite, tout de suite »


On répète la locution adverbiale formée de la préposition b- « avec, par » et du
substantif surεa « rapidité, hâte ».

b-surεa b-surεa gəbl-ma ysəkkər əd-dukkān !


avec-rapidité avec-rapidité avant-que il ferme le-magasin
« Vite, tout de suite, avant que le magasin ne ferme ! »

2.3.3. məüüa məüüa « de temps en temps, parfois »


On répète le substantif məüüa « fois ».

məüüa məüüa nətlāga āne u nīzāü f-əl-mdīna.


fois fois je rencontre moi et Nizar dans-la-ville
« De temps en temps, Nizar et moi, nous nous retrouvons en ville. »

məüüa məüüa nušüub fi gəhwa bla sukkuü.


parfois parfois je bois dans café sans sucre
« Parfois, je bois du café sans sucre. »

2.4. La conjonction de deux adverbes différents


Des locutions adverbiales temporelles sont le résultat de la conjonction de deux
adverbes différents ; il peut s’agir de deux adverbes de temps, ou bien deux adverbes de
catégories différentes.

2.4.1. təwwa kīf « tout juste, à l’instant même »


L’adverbe kīf est souvent renforcé par l’adverbe təwwa « maintenant », dans la locution
adverbiale təwwa kīf « tout juste, à l’instant même ».

təwwa kīf kān hne.


maintenant juste il était ici
« Il était là à l’instant (il vient tout juste de partir). »

373
təwwa kīf °ləεna m-əl-mā°āü.
maintenant juste nous sommes sortis de-l’-aéroport
« Nous venons tout juste de quitter l’aéroport. »

təwwa kīf təmm əl-fīləm.


maintenant juste il est terminé le-film
« Le film vient tout juste de se terminer. »

təwwa kīf °ləε εīmād.


maintenant juste il est sorti Imad
« Imad vient tout juste de sortir. »

2.4.2. εāwəd tāni « à nouveau, encore une fois »


Celle-ci se compose de l’adverbe de temps εāwəd « à nouveau » et de l’adverbe de
quantité tāni « autre ».

εāwəd tāni ! mā-sməεt-š !


à nouveau autre ne-j’ai entendu-pas
« A nouveau / Encore une fois /Répète ! Je n’ai pas entendu ! »

2.4.3.šwēya tānya « dans un instant »


Cette locution adverbiale temporelle est formée de deux adverbes de quantité :
l’adverbe šwēya « un peu », puis l’adverbe tānya « autre » ; l’adverbe tānya renforce
l’adverbe šwēya.

šwēya-tānya u yūta lə-εše.


un peu-autre et il est prêt le-dîner
« Le dîner est prêt dans un instant. »

- əmta b-yži nīzāü ?


quand FUT.INT.-il vient Nizar
- šwēya-tānya.
un peu-autre
« - Quand Nizar a-t-il l’intention de venir / Quand Nizar va-t-il arriver ?
- Dans un instant. »

2.4.4. bəkri šwēya « tout à l’heure, il y a très peu de temps »


L’adverbe bəkri est souvent renforcé par l’adverbe šwēya « peu » ; on obtient la
locution adverbiale bəkri šwēya qui a le sens de « tout à l’heure, il y a très peu de
temps ».

bəkri šwēya kunna f-əl-mə°εəm.


tout à l’heure un peu nous étions dans-le-restaurant
« Il n’y a pas longtemps nous étions au restaurant. »

- mā-šuft-š nāfəε əl-yōm ?


ne-tu as vu-pas Nafa le-jour
- bəkri šwēya ṛēt-a nāfəε.
tout à l’heure un peu j’ai vu-le Nafa
« - Tu n’as pas vu Nafa aujourd’hui ?
- Je l’ai vu tout à l’heure Nafa, il y a très peu de temps. »

374
2.5. L’état construit
Il s’agit de locutions adverbiales formées à partir de deux nominaux et employées dans
une construction synthétique.

2.5.1. muεîəm-lə-wgāt « la plupart du temps »


Il s’agit d’une locution adverbiale composée du substantif muεîəm « majorité » et du
pluriel wgāt « temps ».

muεîəm-lə-wgāt nuügud bəkri.


majorité-les-temps je dors tôt
« La plupart du temps, je dors tôt. »

2.5.2. f-əāləb-lə-wgāt « la plupart du temps »


Cette locution adverbiale est formée à partir de la préposition f- « dans », de l’élatif
əāləb « la plupart » et du pluriel wgāt « temps ».

f-əāləb-lə-wgāt təlgā-h gəddām əl-ôōš.


dans-la plupart de-le-temps tu trouves-le devant la-maison
« La plupart du temps, tu le trouves devant la maison. »

2.5.3. f-nəfs-əl-ləôîa « au même moment »


Celle-ci est également formée à partir de la préposition f- « dans » et des substantifs nəfs
« âme, même » et ləôîa « moment ».

f-nəfs-əl-ləôîa lli ənta xəššēt fī-ha hūwa °ləε.


dans-même-le-moment que toi tu es entré dans-elle lui il est sorti
« Il en est sorti au moment même où toi tu y es entré. »

2.5.4. f-nəfs-əl-wəgt « au même moment, en même temps »


Cette locution est aussi formée à partir de la préposition f- « dans » et des substantifs
nəfs « âme, même » et wəgt « temps ».

ône nεūmu w əl-m°əü tûubb f-nəfs-əl-wəgt.


nous nous nageons et la-pluie elle verse dans-même-le-temps
« Nous, nous nageons et, en même temps, il pleut. »

2.5.5. wūl-āməs « avant-hier »


Cette locution adverbiale utilise l’adverbe āməs « hier » précédé de wūl- « premier »

wūl-āməs šrēt gītāüa.


premier-hier j’ai acheté guitare
« Avant-hier, j’ai acheté une guitare. »

šuft nīzāü wūl-āməs f-əl-žāmiεa.


j’ai vu Nizar premier-hier dans-l’-université
« J’ai vu Nizar avant-hier à l’université. »

2.5.6. wūl-āməstēn « avant avant-hier »


On emploie l’adverbe āməs « hier » au duel, précédé de wūl- « premier » Le recours au
duel indique le jour qui a précédé hier.

375
wūl-āməstēn tεəššēna εənd rəîwān.
premier-deux hier nous avons dîné chez Redouane
« Avant avant-hier, nous avons dîné chez Redouane. »

2.5.7. εām-n-əwwəl « l’année dernière »


Cette locution adverbiale est composée du substantif εām « année » et de l’ordinal
əwwəl « premier ». L’article l- est sous la forme [n] 1.

bdēt mεa š-šārīka hādi εām-n-əwwəl.


j’ai commencé avec la-firme celle-ci année-la-première
« J’ai commencé à travailler pour cette entreprise l’année dernière. »

2.5.8. yōm-l-əwwəl « le premier jour »


Cette locution-ci se compose du substantif yōm « jour » et de l’ordinal əwwəl
« premier », déterminé au moyen de l’article l-.

mšēna l-āəryān. yōm l-əwwəl bətna


nous sommes allés à-Gharyan. jour-le-premier nous avons passé la nuit
f-wādi-bū-εīyād u mən-āədwīt-ha mšēna
dans-vallée-Bou-Iyad et de-lendemain-son nous sommes allés
l-bū-zīyān u l-yōm əlli bəεd-ha wəllēna.
à-Bou-Ziyan et le-jour qui après-elle nous sommes revenus
« Nous sommes allés à Gharyan. Le premier jour, nous avons passé la nuit dans
la vallée de Bou-Iyad et le lendemain, nous sommes allés à Bou-Ziyan et le jour
suivant nous sommes revenus. »

2.5.9. Saisons
Pour désigner les saisons, on peut combiner des nominaux, à l’état construit. On trouve
quatre constructions possibles, au moyen du pluriel īyām « jours » ou des substantifs
wəgt « jour » et fəûl « saison ».

īyām-ər-rbīε
jours-le-printemps
« Au printemps »

wəgt-əl-xrīf
temps-l’-automne
« En automne »

Ces locutions peuvent aussi être formées à partir de la préposition f- « dans ».

f-īyām-əû-ûēf
dans-jours-l’-été
« En été »

1
Philippe MARÇAIS, dans sa description du parler arabe de Djidjelli, indique que cet élément n peut être
le résultat de la dissimilation du premier l par le second ; il propose également de rapprocher ce n du
tanwin de la forme εāman ’awwala de l’arabe classique (Ph. MARÇAIS 1952 : 416).

376
f-fəûl-əš-šte
dans-saison-l’-hiver
« En hiver »

f-fəûl-ər-rbīε təbda d-dənya xəîüa.


dans-saison-le-printemps elle commence le-monde verte
« Au printemps, la nature commence à verdir. »

2.6. L’utilisation de verbes comme adverbes temporels


Des adverbes temporels sont formés à partir de verbes. Ils se construisent comme
auxiliaires de prédicat principal (CAUBET 1993 I : 195).

2.6.1. gāεəd « encore / pas encore, toujours pas »


gāεəd est le participe actif du verbe gεəd « il est resté ». Il a un féminin gāεda, un
masculin pluriel gāεdīn et un féminin pluriel gāεdāt. Il est employé avec des prédicats
verbaux et des prédicats non verbaux.

Il précède un verbe à la conjugaison préfixale et est employé en tant qu’adverbe


temporel. Lorsque gāεəd est employé dans un énoncé affirmatif, il a le sens de « encore,
toujours ».

hūwa gāεəd yəgüa.


lui encore il étudie
« Lui, il est encore / toujours en train d’étudier. »

hīya gāεda təxdəm.


elle encore elle travaille
« Elle, elle est encore / toujours en train d’étudier. »

humma gāεdīn yuügdu.


eux encore ils dorment
« ux, ils sont encore / toujours en train de dormir. »

humma gāεdāt yεəûûdu.


elles encore elles pétrissent
« Elles sont encore / toujours en train de pétrir. »

Lorsque le verbe est à la forme négative, entouré du morphème discontinu de négation


mā…š, gāεəd a le sens de « pas encore, toujours pas ».

gāεəd mā-šəft-ā-š.
encore ne-j’ai vu-le-pas
« Je ne l’ai toujours pas vu / Je ne l’ai pas encore vu. »

gāεdīn mā-bāεū-š səyyāüət-hum.


encore ne-ils ont vendu-pas voiture-leur
« Ils n’ont toujours pas vendu leur voiture. »

Cet adverbe peut également être associé à un nominal ou à un syntagme prépositionnel,


dans des énoncés à prédicat non verbal.

377
gāεəd mrīî.
encore malade
« Il est encore / toujours malade. »

gāεdīn muüîa.
encore malades
« Ils sont encore / toujours malades. »
gāεda ûēf.
encore été
« C’est toujours / encore l’été. »

gāεda xrīf.
encore automne
« C’est encore / toujours l’automne. »

gāεəd f-ət-trīg.
encore dans-la-route
« Il est encore / toujours sur la route. »

2.6.2. māzāl « encore / pas encore, toujours pas »


Cet adverbe temporel se compose du morphème de négation ma « ne / pas » et du verbe
zāl « il est passé, il a disparu ». zāl ne se conjugue pas ; en effet, il n’a plus le statut de
verbe. C’est un exemple de nominalisation d’une forme verbale. Il est invariable dans le
parler arabe de Tripoli 2. Il est également employé avec des prédicats verbaux et des
prédicats non verbaux.

Lorsque māzāl est employé dans un énoncé affirmatif, il a le sens de « encore,


toujours ». Il peut précéder un prédicat verbal.

āne māzāl nəgüa.


moi encore j’étudies
« Moi, je suis toujours / encore en train d’étudier. »

hīya māzāl təxdəm.


elle encore elle travaille
« Elle, elle est encore / toujours en train de travailler. »

māzāl üāgəd.
encore dormant
« Il est encore / toujours en train de dormir. »

A l’instar de gāεəd, cet adverbe peut également être associé à un prédicat non verbal,
dans des énoncés affirmatifs uniquement, avec le sens de « encore, toujours » ; en effet,
pour obtenir un sens négatif, on emploie l’adverbe mā-εād-š « ne…plus » (voir ci-
dessous en 2.6.3.).

2
En arabe marocain, il fonctionne comme un participe et s’accorde en genre et en nombre ; au singulier,
on trouve le masculin māzāl et le féminin māzāla, ainsi que le pluriel māzālīn (Ph. MARÇAIS 1977 : 264 et
CAUBET 1993 I : 196). En arabe tunisien et fréquemment dans les parlers de type bédouin, on trouve des
formes conjuguées : mā-zəlt, mā-zəlti, mā-zālət, etc. » (Ph. MARÇAIS 1977 : 264).

378
hīya māzāl mrīîa.
elle encore malade
« Elle est encore / toujours malade. »

māzāl rbīε.
encore printemps
« C’est encore / toujours le printemps. »

māzāl šte.
encore hiver
« C’est encore / toujours l’hiver. »

- gāεəd f-°üābləs ?
encore à-Tripoli
- māzāl ūsbūε !
encore semaine
« - Toujours à Tripoli ?
- Encore une semaine ! »

humma māzāl f-ət-trīg.


eux encore dans-la-route
« Ils sont encore / toujours sur la route. »

Lorsque le verbe est à la forme négative, entouré du morphème discontinu de négation


mā…š, māzāl a le sens de « pas encore, toujours pas ».

māzāl mā-kəmməlt-š.
encore ne-j’ai terminé-pas
« Je n’ai pas encore terminé. »

māzāl mā-°əlεət-š.
encore ne-elle est sortie-pas
« Elle n’est toujours pas sortie. »

2.6.3. mā-εād-š « ne…plus »


Cet adverbe temporel de négation se compose du verbe εād « il a répété », entouré du
morphème discontinu de négation mā…š 3. Il a le sens de « ne…plus » et indique la
rupture d’une continuité temporelle. Il ne se conjugue pas et est donc invariable en
genre et en nombre. Il s’emploie avec des prédicats verbaux.

mā-εād-š nšūf fī-h.


ne-plus je vois dans-lui
« Je ne le vois plus. »

mā-εād-š nətlāgu zēy zmān.


ne-plus nous nous rencontrons comme avant
« Nous ne nous rencontrons plus comme avant. »

3
Dans le parler arabe de Tripoli on rencontre souvent cet adverbe sous la forme [mā-εā-š] ; où le /d/ n’est
pas prononcé.

379
mā-εād-š nətôəmməl.
ne-plus je supporte
« Je n’en peux plus / Je ne supporte plus. »

hādāka kəddāb ; mā-εād-š nûəddg-a məüüa tānya !


celui-là menteur ne-plus je crois-le fois deuxième
« C’est un menteur ; je ne le croirai pas une fois de plus ! »

hīya kəddāba ; mā-εād-š nəε°i fī-ha t-tīqa.


elle menteuse ne-plus je donne en-elle la-confiance
« C’est une menteuse ; je ne lui ferai plus confiance. »

On l’emploie aussi associé à un prédicat non verbal.

mā-εād-š f-ət-trīg.
ne-plus dans-la-route
« Il n’est plus sur la route. »

mā-εād-š mlīôa.
ne-plus bonne
« Elle n’est plus bonne. »

lə-bnāwīt mā-εād-š muüîa.


les filles ne-plus malades
« Les filles ne sont plus malades. »

mā-εād-š ûēf ; xrīf təwwa !


ne-plus été automne maintenant
« Ce n’est plus l’été ; c’est l’automne maintenant. »

380
III. Les adverbes de quantité / qualité
On étudiera ici les procédés de formation des adverbes de quantité / qualité. On
examinera les adverbes simples, les adjectifs utilisés comme adverbes, le cas d’un
adverbe redoublé et la locution adverbiale bukkull « tout ».

On n’examinera pas ici les adverbes interrogatifs. Ces derniers sont étudiés dans la
partie qui concerne les interrogatifs (cf. 1.1. et 1.3.).

1. Les adverbes simples


Voici une liste d’adverbes simples utilisés dans le parler arabe de Tripoli, permettant de
qualifier quantitativement et qualitativement un procès.

1.1. hālba « beaucoup, trop »


L’adverbe hālba exprime le haut degré. Il semble n’être en usage que dans des parlers
de Tripolitaine. On peut rapprocher la forme hālba de l’hébreu harbēh (‫)רהּבה‬
« beaucoup ».

nšūf fī-h hālba


je vois dans-lui beaucoup
« Je le vois beaucoup. »

mā-nuügud-š hālba.
ne-je dors-pas beaucoup
« Je ne dors pas beaucoup. »

L’adverbe hālba, peut être postposé à un substantif non déterminé, utilisé comme
déterminant quantificateur (cf. modalité 3, 4.1.).

f °üābləs fi səyyāüāt hālba.


à Tripoli il y a voitures beaucoup
« A Tripoli, il y a trop de voitures. »

1.2. šwēya « peu, pas assez, trop peu »


šwēya est le diminutif de šēy « chose ».

nəgüa šwēya.
je lis peu
« Je lis peu. »

šwēya u nkəmməl.
peu et je termine
« Encore un peu et j’ai fini. »

Comme l’adverbe hālba, l’adverbe šwēya peut être postposé à un substantif non
déterminé, utilisé comme déterminant quantificateur (cf. modalité 3, 4.1.).

ε°ā-ni flūs šwēya.


il a donné-me argent peu
« Il m’a donné trop peu d’argent. »

381
1.3. yāsər « assez »
L’adverbe yāsər peut se construire avec la préposition mən ou m- « de » 1.

yāsər m-əû-ûyāô !
assez de le-cri
« Assez crié ! »

yāsər m-lə-bke !
assez de-le-pleur
« Assez pleuré ! »

1.4. ôətta « même, aussi ; non plus »


Dans une phrase affirmative, il a le sens de « même, aussi ».

ôətta xū-h šre səyyāüa.


aussi frère-son il a acheté voiture
« Son frère aussi a acheté une voiture / Même son frère a acheté une voiture. »

Dans une phrase négative, il a le sens de « non plus ».

ôətta āne mā-nəbbī-š nəmši l-bənāāzi.


aussi moi ne-je veux-pas je vais à-Benghazi
« Moi non plus je ne veux pas aller à Benghazi. »

2. Les adjectifs utilisés comme adverbes


Certains adjectifs peuvent être utilisés avec une fonction d’adverbe ; ce sont des
adverbes simples. Deux exemples ont été relevés dans le corpus analysé.

2.1. glīl « moins, peu »


Il s’agit d’un adjectif qui est utilisé comme adverbe.

- gāεəd tušüub fi gəhwa ?


demeurant tu bois dans café
- glīl təwwa.
moins maintenant
« - Tu bois toujours du café ?
- Moins, maintenant. »

2.2. məgtūl « précisément, exactement »


Il s’agit du participe passif məgtūl « tué », qui s’emploie comme adjectif. A Tripoli, il
peut également être employé en tant qu’adverbe avec le sens de « trop bien, qui tue ». Il
s’emploie dans le parler des jeunes.

yəεzəf f-əû-ûōlu hāda məgtūl


il joue dans-le-solo celui-ci tué
« Il joue trop bien ce solo (à la guitare). »

1
Cf. Modalité 1 (3.2.).

382
3. swa-swa « de le même façon, pareil »
Il s’agit d’une locution adverbiale composé de deux adverbes identiques. A Tripoli, on
n’a relevé qu’un exemple. L’adverbe swa a le sens de « exactement ».

šuft-hum mlābsīn swa-swa.


j’ai vu-les habillés exactement-exactement
« Je les ai vus habillés de la même façon. »

4. bukkull « entièrement, totalement ; pas du tout »


Il s’agit de la locution adverbiale *b-əl-kull, où kull, déterminé par l’article l-, est
précédé de la préposition b-. Dans le parler arabe de Tripoli, le /k/ a assimilé le /l/ de
l’article et les voyelles ont été harmonisées en [u] : b-uk-kull.

Dans une phrase affirmative, il a le sens de « complètement, entièrement, totalement ».

- nīzāü bde yunfux fī-hum.


Nizar il a commencé il gonfle dans-eux
- bukkull yā-üāžəl !
entièrement ô-monsieur
« - Nizar commence à me les gonfler.
- Carrément, mec ! »

Dans une phrase négative, il prend le sens de « pas du tout ».

mā-mšēt-š bukkull.
ne-je suis allé-pas entièrement
« Je n’y suis pas du tout allé. »

383
IV. Les adverbes de manière
Il existe trois procédés principaux permettant de former des adverbes de manière : on
trouve de nombreux adverbes simples, de nombreux adverbes suffixés en -ən ou -ān et
de nombreuses locutions adverbiales formées avec la préposition b-. Un déictique
employé en tant qu’adverbe et d’autres locutions adverbiales ont également été relevés
dans le parler arabe de Tripoli.

1. Les adverbes simples


On examinera des formes nominales, des articulations du discours, un déictique –
formes simples utilisées en tant qu’adverbes – ainsi que de nombreux adverbes suffixés
en -ən et -ān.

1.1. Les formes nominales adverbialisées


On trouve deux formes participiales et un nom d’action adverbialisés.

1.1.1. mumkən « peut-être, éventuellement, vraisemblablement »


Le participe mumkən « éventuel, possible » s’emploie comme adverbe, avec le sens de
« éventuellement, probablement ».

mumkən yži.
possible il vient
« Il vient peut-être. »

1.1.2. muôtaməl « éventuellement, probablement »


Le participe muôtaməl « éventuel, probable » s’emploie comme adverbe, avec le sens
de « éventuellement, probablement ».

muôtaməl yži.
probable il vient
« Il est probable qu’il vienne. »

wēn nāfəε ? muôtamel f-əl-xədma.


où Nafa probable à-le-travail
« Où est Nafa ? Il est probablement au travail. »

1.1.3. ’iôtimāl « probablement »


Le nom d’action ’iôtimāl « probabilité » s’emploie en tant qu’adverbe avec le sens de
« éventuellement ».

’iôtimāl yži
probabilité il vient
« Il vient probablement. »

1.1.4. buntu « exprès »


Il s’agit d’un emprunt à l’italien appunto « justement, précisément ». Cet adverbe est
employé, dans le parler arabe de Tripoli, avec le sens de « exprès ».

dərt-ha buntu fi εīmād !


j’ai fait-la exprès dans Imad
« Je l’ai faite exprès à Imad ! »

384
dār-ha buntu fī-ya bāš ykən°ī-ni !
il a fait-la exprès dans-moi pour que il énerve-me
« Il l’a faite exprès pour m’énerver ! »

1.2. Les articulations du discours


Il s’agit d’adverbes simples que Marcel COHEN, dans son étude du parler arabe des Juifs
d’Alger, a considéré comme faisant partie de la catégorie des articulations du discours
(M. COHEN 1912 : 369). On trouve également des formes composées (cf. 2.2.1., 2.2.4.
et 2.3.3.).

1.2.1. ôəgga « justement »

ôəgga, nəbbi səbta.


justement je veux ceinture
« Justement, je veux une ceinture. »

ôəgga, šīn ûāü f-əd-dullāb ?


justement quoi il est arrivé dans-l’-armoire
« Justement qu’en est-il de l’armoire ? »

1.2.2. bəss « à peine, seulement »

la, məš ənta, nīzāü bəss !


non pas toi Nizar seulement
« Non, pas toi, seulement Nizar ! »

əε°ī-ni gəhwa bəss !


donne-moi café seulement
« Donne-moi un café seulement ! »

1.2.3. xālāû « assez, ça suffit »

xālāû, mšēt āne !


assez je suis allé moi
« Assez (j’en ai marre), moi je me casse ! »

On retrouve cet adverbe dans les vers suivants, qui ont été récités par un des
informateurs.

xālāû, ənsī-ni yā-suεād !


assez oublie-moi ô-Sou’ad
əl-mōla üād nūgəf fə-sāôa stəεdād !
le-Seigneur il a voulu je m’arrête dans-place garde à vous
« Assez, oublie-moi Sou’ad !
Le seigneur a voulu que je parte à la guerre ! »

1.3. Le déictique
Le démonstratif hākki ~ hēkke « ainsi, comme ça, de cette manière » est employé
comme adverbe de manière.

385
dīr-ha hēkke !
fais-la ainsi
« Fais-la de cette manière ! »

1.4. La suffixation en -ən / -ān


On trouve de nombreux adverbes suffixés en -ən ou -ān dans le parler arabe de Tripoli.
C’est un procédé de formation des adverbes très courant en arabe 1.

1.4.1. təqrībən « à peu près »

s-sāεa təwwa təqrībən tnīn u nuûû.


l’-heure maintenant à peu près deux et demi
« Il est à peu près deux heures et demi maintenant. »

wāôəd wəlla zōz təqrībən.


un ou deux à peu près
« A peu près un ou deux. »

1.4.2. xūûūûən « surtout »

əl-lībīyīn ygəyylu hālba xūûūûən f-əû-ûēf.


les-Libyens ils font la sieste beaucoup surtout dans-l’-été
« Les Libyens font beaucoup la sieste, surtout l’été. »

lībya nəww təwwa xūûūûən f-əû-ûəôüa.


Libye chaleur maintenant surtout dans-le-désert
« Il fait très chaud maintenant en Libye, surtout dans le désert. »

1.4.3. xûēûən « spécialement »

hādi žāb-ha l-ək xûēûən.


celle-ci il a apporté-la pour-toi spécialement
« Celle-ci, il l’a apportée spécialement pour toi. »

s-sāεa hādi məxdūma lī-ya āne xûēûən.


l’-heure celle-ci travaillée pour-moi moi spécialement
« Cette heure-ci est une heure très chargée spécialement pour moi. »

1.4.4. εūmūmən « généralement »

εūmūmən, ž-žəww bāhi f lībya.


généralement le-temps bon en Libye
« Il fait généralement beau en Libye. »

εūmūmən, nəmšu kull žumεa l-əl-bôəü


généralement nous allons chaque vendredi à-la-plage
« Généralement, nous allons à la plage tous les vendredis. »

1
On retrouve ce procédé de formation en arabe littéral ; les adverbes sont en fait des substantifs
indéterminés au cas indirect, au moyen du tanwīn -an.

386
1.4.5. °əbεən « bien sûr, naturellement »

°əbεən nətlāgu bəεdēn.


naturellement nous nous retrouvons après
Naturellement, nous nous retrouvons après. »

l-lībīyīn yôəbbu lə-hrīsa °əbεən !


les-Libyens ils aiment la-harissa naturellement
« Les Libyens aiment la harissa, bien sûr ! »

1.4.6. εādātān « habituellement, généralement »

fi yōm-Ωž-žumεa nëΩòòu fΩ-ëòāt-Ωž-žumεa


dans jour-le-vendredi nous prions dans-prière-le-vendredi
fa εādātān mεa s-sāεa tnīn nkūnu üəwwəÑna
alors habituellement avec l’-heure deux nous sommes nous sommes revenus
mn-Ωë-ëòe.
« Le vendredi, nous prions la prière du vendredi et, habituellement, vers deux
heures, deux heures et demi, nous sommes de retour de la prière. »

1.4.7. mātālān « par exemple »

nətlāgu s-sāεa xəmsa mātālān ?


nous nous retrouvons l’-heure cinq par exemple
« Nous nous retrouvons à cinq heures, par exemple ? »

zēy šīnu l-mākla š-šəεbīya f-lībya ?


comme quoi la-nourriture la-populaire en-Libye
zēy l-kusksi mātālān ?
comme le-couscous par exemple
« C’est comment la nourriture populaire en Libye ?
Comme le couscous par exemple ? »

2. Les formes composées


Il s’agit de locutions adverbiales. On distingue divers procédés de formation. La
préposition b- permet de former de nombreuses locutions adverbiales. D’autres
locutions sont formées au moyen des prépositions εle ~ εəl-, fi ~ f-, ’ila ~ īla et zēy. On
trouve également un certain nombre de locutions adverbiales qui sont des expressions
nominales, produits de l’agglutination d’une expression composée.

2.1. Les locutions en b-


C’est un procédé très courant, qui permet de former de nombreux adverbes. Chaque
locution adverbiale est composée de la préposition b- suivie d’un nominal. Certains
nominaux sont déterminés au moyen de l’article l-.

2.1.1. b-šwēya « doucement »


šwēya est le diminutif de šēy « chose ».

ədwi b-šwēya !
parle avec-un peu
« Parle doucement ! »

387
xēü-a yəmši b-šwēya ?
bien-son il va avec-un peu
« Qu’est-ce qu’il a à marcher doucement ? »

2.1.2. b-žəddīyāt « sérieusement »


žəddīyāt est le pluriel de žəddīya « sérieux ».

tətkəlləm b-žəddīyāt ?
tu parles avec-sérieux
« Tu parles sérieusement ? »

b-žəddīyāt ? msāfər āudwa ?


avec-sérieux voyageant demain
« Sérieusement ? Tu pars demain ? »

2.1.3. b-ûāüāôa « franchement »


ûāüāôa a le sens de « franchise, sincérité ».

āne b-ûāüāôa εə°°əlt.


moi avec-franchise j’ai été en retard
« Moi, franchement, je suis en retard. »

b-ûāüāôa māši mεā-k ə°-°əüôa !


avec-franchise allant avec-toi la-fringue
« Franchement, tu te fringues trop bien ! »

2.1.4. b-əl-ôəgg « vraiment, véritablement »


ôəgg veut dire « vérité ».

b-əl-ôəgg, εəžbāt-ək əl-gəhwa ?


par-la-vérité elle a plu-te le-café
« Le café t’a vraiment plu ? »

gəhwa mlīôa b-əl-ôəgg !


café bonne par-la-vérité
« C’est véritablement un bon café ! »

2.1.5. b-əl-blāš « gratuitement »


blāš « sans rien » est en fait le résultat de l’agglutination de la préposition bla « sans »
et de l’élément *š (de ši / šēy) « chose », mais il est traité comme un nominal ; il est
notamment déterminé au moyen de l’article l-.

hādi xdēt-ha b-əl-blāš.


celle-ci j’ai pris-la avec-le-sans-chose
« Celle-ci, je l’ai eue gratuitement. »

šūf l-na sāεa b-əl-blāš.


vois pour-nous heure avec-le-sans-chose
« Trouve-nous une heure gratuitement. »

2.1.6. b-əl-εəks « au contraire »


εəks a le sens de « contraire ».

388
la, b-əl-εəks, l-ôāza l-bāhya ’əāla fə-°üābləs.
non avec-le-contraire la-chose la-bonne plus chère à-Tripoli
« Non, au contraire, les bonnes choses sont plus chères à Tripoli. »

wəlli b-əl-εəks u bəεdēn xušš εəl-l-īmīn.


retourne avec-le-contraire et après entre sur-la-droite
« Reviens en sens contraire et ensuite prends à droite. »

2.1.7. b-əs-sēf « de force »


sēf veut dire « épée, sabre ».

mā-εənd-ī-š nīya lākən b-nākəl b-əs-sēf.


ne-chez-moi-pas envie mais FUT.-INT.-je mange avec-l’-épée
« Je n’ai pas envie, mais j’ai l’intention de me forcer à manger. »

l-xədma ûəεba lākən b-əs-sēf l-wāôəd šīn b-ydīr ?


le-travail difficile mais avec-l’-épée le-un quoi FUT.-INT.-il fait
« Le travail c’est difficile, mais qu’est-ce qu’on peut faire ? On est bien forcé. »

Cette locution adverbiale se construit également suivie de la préposition εle à laquelle


on suffixe les pronoms personnels. Elle est employée avec le sens de « contre le gré
de ».

mā-εəndī-š nīya nə°ləε. îāüūüi, b-əs-sēf


ne-chez-moi-pas intention je sors nécéssairement avec-l’-épée
εlē-ya, εənd-i məwεəd.
sur-moi chez-moi rendez-vous
« Je n’ai pas l’intention de sortir, mais je dois sortir ; il m’incombe de sortir, car
j’ai un rendez-vous. »

2.1.8. b-ə¢-¢əb° « précisément »


Le substantif ¢əb° a le sens de « précision ».

nətlāgu s-sāεa tlāta b-ə¢-¢əb°.


nous nous retrouvons l’-heure trois avec-la-précision
« Nous nous retrouvons précisément à trois heures. »

s-sərwāl hāda maqaûû-ək b-ə¢-¢əb°.


le-pantalon celui-ci taille-ta avec-la-précision
« Ce pantalon c’est exactement ta taille. »

2.1.9. b-əd-dərga « en cachette »


dərga a le sens de « secret, clandestinité ».

ε°ā-hā-l-i b-əd-dərga.
il a donné-la-à-moi avec-la-cachette
« Il me l’a donnée en cachette. »

xəššēt b-əd-dərga.
je suis entré avec-la-cachette
« Je suis entré en cachette. »

389
2.1.10. b-əl-εāni « exprès »
εāni a le sens de « intention ».

dərt-ha b-əl-εāni fi εīmād, bāš nεəflg-əh.


j’ai fait-la avec-l’-intention dans Imad pour que j’énerve-le
« Je l’ai faite exprès à Imad, pour l’énérver. »

2.1.11. b-üūô- ~ b-nəfs- « (tout) seul »


Ces locutions adverbiales se composent de la préposition b-, du nominal üūô et nəfs
« âme », auxquels on suffixe les pronoms personnels. Le pronom personnel s’accorde
avec la personne du prédicat verbal 2.

māši b-üūô-i l-əl-mdīna.


allant avec-âme-mon à-la-ville
« Je vais en ville tout seul. »

xēü-kum mgəεmzīn b-üūô-kum ?


bien-votre assis avec-âme-votre
« Qu’avez-vous à être (là) assis tous seuls ? »

āne b-nəfs-i gult l-əh.


moi avec-âme-mon j’ai dit à-lui
« Moi-même, je lui ai dit. »

āne b-nəfs-i šuft-ək ləmma xdēt əs-səyyāüa.


moi avec-âme-mon j’ai vu-te lorsque tu as pris la-voiture
« Moi-même, je t’ai vu, lorsque tu as pris la voiture. »

2.2. Autres syntagmes prépositionnels


D’autres prépositions permettent de former des locutions adverbiales, moins
nombreuses que celles formées au moyen de la préposition b-. Il s’agit des prépositions
εle ~ εəl-, fi ~ f-, ’ila ~ īla et zēy.

2.2.1. εəl-l-āqəll « au moins »


Il s’agit d’une locution adverbiale composée de la préposition εle « sur », de l’article l-
et de l’élatif āqəll « moindre ». Cette locution adverbiale sert à l’articulation du discours
(M. COHEN 1912 : 369).

εəl-l-āqəll ušüub šāhi !


sur-le-moindre bois thé
« Au moins, bois du thé ! »

žīb mεā-k hdīya εəl-l-āqəll !


apporte avec-toi cadeau sur-le-moindre
« Apporte un cadeau avec toi, au moins ! »

2.2.2. εle kull ôāl « de toute façon, de toute manière, quoi qu’il en soit »
Cette locution adverbiale se compose de la préposition εle, du nominal kull employé
comme adjectif « tout » suivi du substantif ôāl « état ».
2
Dans le parler arabe de Tripoli, la réflexivité, s’exprime au moyen de ces substantifs, auxquels on
suffixe les pronoms personnels (cf. Les pronoms personnels, 2.6.).

390
εle kull ôāl nətlāgu lə-xmīs əúúāla.
sur tout état nous nous retrouvons le-jeudi alors
« De toute façon, nous nous retrouvons jeudi, alors. »

εle kull ôāl āne ôəddərt-ək w ənta əlli f-üās-ək tdīr-əh !


sur tout état moi j’ai prévenu-te et toi quoi dans-tête-ta tu fais-le
« De toute manière, je t’ai prévenu et toi tu n’en fais qu’à ta tête ! »

2.2.3. īlāx « et cætera »


īlāx est une forme abrégée de ’ilā ’āxirihi composée de la préposition ’ila « à, vers », du
nominal ’āxiri (au cas indirect) « extrémité, fin », auquel on a suffixé le pronom de
troisième personne du masculin singulier -hi.

žīb mεā-k xuîüət-mëəöëöa,


apporte avec-toi légumes-mbakebka
žīb ə°-°mā°əm u bûəl īlāx, īlāx…
apporte les-tomates et oignons etc. etc.
3
« Apporte avec toi des légumes de mbakebka apporte les tomates et des
oignons, etc., etc. »

2.2.4. f-əl-āxīr ~ f-əl-’āxər « finalement, en fin de compte »


Cette locution adverbiale est composée de la préposition f-, suivie du nominal ’āxir ~
’āxər déterminé au moyen de l’article l-. C’est une locution adverbiale servant à
l’articulation du discours (M. COHEN 1912 : 369).

m-əû-ûubô nkəlləm fī-h u f-əl-āxīr fāt-ni.


de-le-matin je parle dans-lui et dans-le-dernier il est passé-me
« J’en parle depuis ce matin et finalement j’ai oublié. »

nεāməl fī-h üāžəl u f-əl-āxīr °ləε εēyəl !


je traite dans-lui homme et dans-le-dernier il est sorti personne à charge
« Je le traite comme un homme et en fin de compte c’est un assisté ! »

2.2.5. zēy təwwa « par exemple »


Cette locution adverbiale est composée de la préposition zēy « comme » et de l’adverbe
təwwa « maintenant ».

zēy təwwa ləmma t°əyyəb mëəöëöa


comme maintenant lorsque tu cuisines mbakebka
bədl mākārūna ôu°° rəšta.
substitution pâtes mets vermicelles
« Par exemple, lorsque tu cuisines mbakebka, au lieu de mettre des pâtes, mets
des vermicelles. »

2.3. Expressions nominales


Il s’agit d’une série de locutions adverbiales composées d’un nominal.

3
mbakebka est le nom d’un plat composé de viande, de légumes et de pâtes ; il s’agit d’une onomatopée
liée au bruit que fait la sauce épaisse en ébullition, lors de la préparation de ce plat. On trouve également
le verbe ëəöëəö « il a fait des bulles ».

391
2.3.1. bāl-ək ~ bāl-ək ši « peut-être »
Cette locution adverbiale se compose du nominal bāl « esprit » et du pronom personnel
suffixe de deuxième personne du singulier -ək.

bāl-ək yži
peut-être il vient
« Il vient peut-être. »

La particule ši, employée comme conjonction de subordination, renforce la locution


adverbiale bāl-ək.

bāl-ək ši yži
peut-être il vient
« Il vient peut-être. »

2.3.2. lā-budda « obligatoirement, absolument »


Cette locution, empruntée à l’arabe littéral, est composée de la particule de négation lā-
et du nominal budd « échappatoire » (au cas direct : budda).

lā-budda tšūf əl-fīləm hāda.


pas-échappatoire tu vois le-film celui-ci
« Il faut absolument que tu voies ce film. »

lā-budda ûəbbət əl-m°əü əl-bāüəô.


pas-échappatoire elle a versé la-pluie hier soir
« C’est obligé, il a plu hier soir. »

2.3.3. wullāhi « en fait »


Cette expression nominale est formée de la préposition u ~ w « par, au nom de », suivie
du nom de Dieu : əõõāh. Lorsqu’elle est employée comme formule de serment, cette
expression a le sens de « par Dieu, je le jure » ; employée comme adverbe, elle a le sens
de « en fait ». Il s’agit de ce que Marcel COHEN définit comme une articulation du
discours (M. COHEN 1912 : 369).

wullāhi mkān ôəlu.


par-Dieu endroit beau
« En fait, c’est un bel endroit. »

gəhwa mlīôa wullāhi !


café bon par-Dieu
« C’est un bon café, en fait ! »

2.3.4. w-əs-sālām « et puis c’est tout, c’est fini, ça suffit »


Cette locution-ci se compose de la conjonction de coordination u ~ w « et », suivie du
nominal sālām « paix », déterminé au moyen de l’article l-.

āēü kūl lə-mëəöëöa w-əs-sālām !


seulement mange la-mbakebka et-la-paix
« Tu n’as qu’à manger la mbakebka et puis c’est tout ! »

392
āne bə-ndīr îōš w-əs-sālām…
moi FUT.-INT.-je fais douche et-la-paix
« Moi, j’ai l’intention de prendre une douche et puis c’est tout… »

393
V. Les adverbes d’affirmation et de négation
On examinera les différents adverbes d’affirmation et de négation employés dans le
parler arabe de Tripoli, mais également la mise en doute et la confirmation d’une
affirmation, ainsi que la contradiction.

1. L’affirmation
Dans le parler arabe de Tripoli, on emploie différents adverbes selon qu’il s’agisse de la
réponse positive à une question, de la réponse à un appel ou de la marque de l’accord.

1.1. La réponse positive à une question


A la question suivante, on peut répondre par un adverbe ou par une forme verbale.

šīnu tži ?
quoi tu viens
« Est-ce que tu viens ? »

1.1.1. L’adverbe
A Tripoli, on emploie l’adverbe suivant :

ēh !
oui
« Oui ! »

1.1.2. La forme verbale


On peut également répondre par la forme verbale employée dans la question.

nži !
je viens
« Je viens ! »

1.2. La réponse à un appel


Pour répondre à un appel, à Tripoli, on peut employer trois adverbes. Voici un exemple
d’appel :

yā-εədnān !
ô-Adnan
« Adnan ! »

1.2.1. L’adverbe nεām


Si on veut répondre poliment, on emploie l’adverbe nεām « oui ».

1.2.2. L’adverbe āywa


On peut employer l’adverbe āywa, mais il n’est employé qu’entre amis ; on peut le
gloser par « oui, quoi ? ».

1.2.3. L’adverbe āh
On peut également employer l’adverbe āh, mais il est d’un emploi familier et n’est pas
employé en famille. On peut le gloser par « oui, quoi, qu’est-ce qu’il y a, qu’est-ce que
tu veux ? ».

394
1.3. La marque de l’accord
Pour marquer l’accord, on peut employer les trois adverbes suivants : bāhi, māši et ōké
« oui, d’accord ».

1.3.1. bāhi « oui, d’accord »


bāhi est également employé en tant qu’adjectif et en tant qu’adverbe avec le sens de
« bien ».

- kān-ək təbbi nətlāgu āudwa !


si-toi tu veux nous nous retrouvons demain
- bāhi !
d’accord !
« - Si tu veux, nous nous retrouvons demain !
- Oui, d’accord ! »

1.3.2. māši « oui, d’accord »


māši est le participe actif du verbe mše « il est allé ».

- nəmšu mεa-bəεî !
nous allons ensemble
- māši !
d’accord !
« - Nous partons ensemble !
- Oui, d’accord ! »

1.3.3. ōké « oui, d’accord »


ōké est un emprunt à l’anglais O.K. « oui, d’accord ».

- təwwa nkəlləm nāfəε ndīr kōntākt mεā-h !


maintenant je parle Nafa je fais contact avec-lui
- ōké !
d’accord
« - J’appelle Nafa maintenant ; je prends contact avec lui !
- Oui, d’accord ! »

1.3.4. bāh
L’adverbe bāh semble être une forme raccourcie de bāhi « bien » 1. Cet adverbe sert à
ponctuer le discours de l’autre. Il permet de montrer qu’on suit et qu’on est d’accord.

On trouve également la forme renforcée bāhi bāh ! « Oui, oui ! »

Dans la discussion, il permet également de marquer qu’on attend une suite :

bāh ?
bien
« Et alors ? »

1
Les informateurs distinguent bien les deux forment et précisent qu’on ne peut pas substituer l’une par
l’autre. En effet, si on employait bāhi au milieu d’un discours, cela mettrait fin à ce dernier et serait perçu
comme une insulte, insinuant qu’on n’est pas intéressé par ce qui est dit (synonyme de xālāû) : « Ça y est,
c’est bon, ça suffit ».

395
Par ailleurs, lors d’une discussion, quand on veut savoir où on en est, on peut poser la
question suivante :

ēh, šīn dərt ?


oui quoi tu as fait
« Alors, qu’est-ce que tu as fait ? »

Lorsqu’on veut connaître la suite des événements, on peut poser la question suivante :

ēh, zīd !
oui continue
« Allez, continue / Vas-y ! »

2. La mise en doute et la confirmation


Des adverbes et des locutions adverbiales permettent l’expression de la mise en doute et
de la confirmation.

2.1. La mise en doute


La mise en doute d’une affirmation se fait au moyen d’adverbes ou de locutions
adverbiales. Voici un exemple d’affirmation :

žēt f-ət-təyyāüa.
Je suis venu dans-l’-avion
« Je suis venu en avion. »

On peut répondre par les adverbes ou les locutions adverbiales suivants :

ûəhh ?
vérité
« C’est vrai ? »

rəsmi ?
authentique
« C’est vrai ? »

žəddīyāt ?
sérieux
« Sérieusement ? »

b-žəddīyāt ?
avec-sérieux
« Sérieusement ? »

wuõõāhi ?
par-Dieu
« Par Dieu / Vraiment ? »

b-əl-ôəgg ?
par-la-vérité
« Vraiment ? »

396
lāla ?
non
« Non (c’est pas vrai) ? »

2.2. La confirmation
La confirmation se fait au moyen de la locution adverbiale suivante :

wuõõāhi !
par-Dieu
« Je te jure ! »

Cette locution peut être renforcée par d’autres adverbes ou locutions adverbiales :

wuõõāhi rəsmi !
par-Dieu authentique
« Je te jure, c’est vrai ! »

wuõõāhi ûəôô !
par-Dieu vérité
« Je te jure, c’est la vérité ! »

wuõõāhi b-žəddīyāt !
par-Dieu avec-sérieux
« Je te jure, sérieusement ! »

On peut également employer le serment suivant :

qāsaman bi-llāh !
jurant par-Dieu
« Par Dieu, je le jure ! »

3. La négation
A la question suivante, on peut répondre par un adverbe ou par une forme verbale.

šīnu tži ?
quoi tu viens
« Est-ce que tu viens ? »

3.1. L’adverbe
L’adverbe de négation est la « non ».

Mais pour renforcer la négation, on peut prononcer un coup de glotte en fin de mot :
lā’ ; on peut également redoubler l’adverbe : lāla.

3.2. La forme verbale


On peut également utiliser un énoncé négatif :

mā-nəgdər-š nži !
ne-je peux-pas je viens
« Je ne peux pas venir ! »

397
4. La contradiction
On peut répondre de façon contradictoire à une assertion ou à une injonction négative.
La contradiction est marquée par l’adverbe la « non ».

- mā-fī-š xubza !
ne-il y a-pas pain
- la, fi !
non il y a
« - Il n’y a pas de pain !
- Si, il y en a ! »

- mā-təmšī-š !
ne-tu vas-pas
- la, māši !
non allant
« - Tu n’iras pas
- Si, j’irai ! »

On peut également jurer que l’affirmation est erronée, au moyen de la locution


adverbiale wuõõāhi « par Dieu ».

- wēn ktāb-i ? εənd-ək !


où livre-mon chez-toi
- wuõõāhi mā-εənd-i !
par-Dieu pas-chez-moi
« - Où est mon livre ? C’est toi qui l’as !
- Je te jure que ce n’est pas moi qui l’ai ! »

5. La quantité nulle : la wāla yōk


Cette locution adverbiale est composée de trois adverbes de négation : la « non », wāla
« rien » 2 et yōk « pas » ; yōk est un emprunt au turc yok « pas ». On peut la gloser par
« non, rien du tout ; non, rien de rien ». Elle permet de nier et d’indiquer une quantité
nulle.

- klēt ḥāža ?
tu as mangé chose
- la wāla yōk !
non non non
« - As-tu mangé quelque chose ?
- Non, rien du tout ! »

2
Au sujet de la négation wāla dans les parlers arabes d’Egypte, voir WOIDICH 2006 : 55, 342-345 (Le
Caire) et DROP & WOIDICH 2007 : 109-110 (ilBaḥariyya).

398
LES CONJONCTIONS

On distinguera les conjonctions de coordination des conjonctions de subordination.

I. La coordination
On examinera des conjonctions de coordination simples 1, des conjonctions de
coordination multiples (où le même élément est répété plusieurs fois), ainsi que des
locutions conjonctives. Certaines de ces conjonctions font partie de ce que Marcel
COHEN, dans son étude du parler des Juifs d’Alger, a défini comme étant des
« articulations du discours », parce qu’elles « sont conjonctions et non adverbes en tant
qu’elles n’apportent pas une précision de sens, mais servent d’articulation au discours »
(M. COHEN 1912 : 369) 2.

1. La conjonction u ~ w « et »
On trouve cette conjonction de coordination sous deux formes, selon l’initiale du mot
qui suit : une forme vocalique u et une forme semi-consonantique w.

Cette conjonction s’articule en voyelle u, lorsqu’elle précède un mot qui commence par
une consonne.

hādi mākla lībīya u gdīma šwēya.


celle-ci plat libyenne et ancienne un peu
« C’est un plat libyen et un peu ancien. »

u nwəllεu fī-h ən-nā• u nsəkkru fī-ha.


et nous allumons dans-lui le-feu et nous fermons dans-elle
l-Ñufra hādīya nsəkkru fī-ha bi íəüf-zīngu
le-trou celle-ci nous fermons dans-elle avec morceau-zinc
u bəεdēn nÑuííu fōg-əh Ωt-tüab
et ensuite nous mettons sur-lui la-terre
u nxəllu hā-n-nā• wālεa f-hādīkā-l-Ñufüa.
et nous laissons ce-le-feu allumé dans-celle-là-le-trou
« Et nous y allumons un feu et nous le fermons. Ce trou, nous le fermons avec
un morceau de zinc et ensuite nous le recouvrons de terre et nous laissons ce feu
allumé dans ce trou-là. »

Si le mot qui suit est à initiale vocalique, alors elle prend la forme semi-consonantique
w.

hāda ? hāda °wīl w əhbəl !


celui-ci celui-ci long et fou
« Celui-là ? Celui-là est grand et fou ! »

1
Dans cette étude, on distinguera les conjonctions simples des conjonctions multiples et des locutions
conjonctives. Certaines conjonctions sont abordées, ici, comme étant (désormais) des conjonctions
simples, bien qu’à l’origine, elles soient des locutions conjonctives (tel que wīyā- < wa + ’iyā-, lī’ənna <
li + ’ənna, ynšāõõāh < ’in + šā’a + õõāh…). Dans le parler étudié, il semble plus pertinent de ne pas
considérer qu’il s’agisse de l’agglutination d’éléments distincts, mais plutôt de les envisager comme des
entités lexicales à part entière.
2
D’autres « articulations du discours » ont été étudiées dans le chapitre qui concerne les adverbes de
manière (cf. 1.2. et 2.2.).

399
klēt hālba !
j’ai mangé beaucoup
w āne klēt əktəü mənn-ək !
et moi j’ai mangé plus que-toi
« J’ai beaucoup mangé !
Et moi j’ai mangé plus que toi ! »

On la trouve également sous la forme w dans les expressions suivantes :

lə-ktāb mtāε-ək bəll-a w ušüub úúēyt-əh !


le-livre de-toi mouille-le et bois eau-son
« Va te faire voir, toi et ton livre ! »

lə-ktāb mtāε-ək nəggε-a w ušüub úúēyt-əh !


le-livre de-toi fais tremper-le et bois eau-son
« Va te faire voir, toi et ton livre ! »

Dans le parler arabe de Tripoli, cette conjonction peut également s’articuler en semi-
consonne suivie d’une voyelle wə, lorsqu’elle précède un mot qui commence par une
consonne.

əl-būrdīm 3 hādi íārīqa lli təíyīb-əl-lÑəm


le-viande cuite à l’étouffée celle-ci manière que cuisson-la-viande
wə hāda nəíəyybu fī-h f-əz-züādi.
et celui-ci nous cuisinons dans-lui dans-les-pique-niques
« Le bourdim (viande cuite à l’étouffée), c’est une façon de cuire la viande et,
cela, nous le préparons lors des pique-niques. »

dgīg-Ωš-šεīr fi bəín b-surεa yΩtÑāwΩl li glōkōz,


farine-l’-orge dans ventre avec-rapidité il se transforme en glucose
yΩtÑāwΩl li sukkuü wə b-surεa yəmtəëë-əh əl-ğism.
il se transforme en sucre et avec-rapidité il absorbe-le le-corps
« La farine d’orge, dans un ventre, elle se transforme rapidement en glucose, elle
se transforme en sucre et, rapidement, le corps l’absorbe. »

yíəyybu fī-h f-əl-uúúwēya w yεəëëdu fī-h


elles cuisinent dans-lui dans-l’-eau et elles pétrissent dans-lui
u bəεdēn yíəyybu l-əh əl-məüga mtāε-əh ;
et ensuite elles cuisinent pour-lui la sauce de-lui
Ωí-íbīxa mtāε-əh wə íbīxt-a mə••a tkūn b-Ωl-Ñūt,
la-cuisson de-lui et cuisson-sa parfois elle est avec-le-poisson
mə••a tkūn bΩ-lÑəm-lΩ-xrūf.
parfois elle est avec-viande-l’-agneau
« Elles le font cuire dans l’eau et elles le pétrissent et ensuite elle lui préparent sa
sauce ; sa préparation et sa cuisson, parfois on l’accompagne avec du poisson,
parfois on l’accompagne avec de la viande d’agneau. »

3
būrdīm est un plat, dont la viande est cuite dans un trou, dans le sol, dans lequel on aura auparavant fait
brûler du charbon (cf. rdəm « il a enfoui dans le sol »).

400
On note un emploi particulier de cette conjonction suivie d’une forme verbale avec une
valeur d’inaccompli concomitant ; dans ce cas, il introduit généralement un pronom
personnel indépendant.

w ənta māši mən °üābləs l-tūnəs,


et toi allant de Tripoli à-Tunis
tfūt εle ûəbüā°a.
tu passes sur Sabratha
« Quand tu vas de Tripoli à Tunis, tu passes par Sabratha. »

ən-nhāü kull-a w āne ndəwwəü fī-k !


la-journée toute-le et moi je cherche dans-toi
« Je t’ai cherché toute la journée ! »

xū-y ôussēn yôəbb əl-kūüa.


frère-mon Houcéne il aime le-ballon
āməs w āne ndūü lgēt tīšərt mtāε fārīq-füənûa.
hier et moi je tourne j’ai trouvé t-shirt de équipe-France
fa šrēt-hu l-əh.
alors j’ai acheté-le à-lui
« Mon frère Houcéne aime le football. Hier, pendant que je faisais un tour, j’ai
trouvé un t-shirt de l’équipe de France. Et je le lui ai acheté. »

m-əl-bāüəô w āne nüāži fī-h.


depuis-hier et moi j’attends dans-lui
« Je l’attends depuis hier. »

m-əs-sāna lli fātət w āne gāεəd bla xədma.


depuis-l’-année qui elle est passée et moi étant sans travail
« Je suis sans travail depuis l’année dernière. »

2. La conjonction fa « et, alors »


On trouve la conjonction fa dans le parler arabe de Tripoli. Elle correspond au classique
fa. Elle permet de coordonner des actions différentes et des actions d’un même agent ;
aussi, « ‫ف‬
َ exprime plus spécialement une gradation, et elle est surtout employée en tête
de préposition » (BLACHÈRE & GAUDEFROY-DEMOMBYNES 1975 : 214).

fi yōm-Ωž-žumεa nëΩòòu fΩ-ëòāt-Ωž-žumεa


dans jour-le-vendredi nous prions dans-prière-le-vendredi
fa εādātān mεa s-sāεa tnīn nkūnu üəwwəÑna
alors habituellement avec l’-heure deux nous sommes nous sommes revenus
mn-Ωë-ëòe, tnīn, tnīn u nuëë fa nəbdu
de-la-prière deux deux et demi alors nous commençons
nΩtāΩddu bəεd Ωë-ëòe. fa ləmma nΩtāΩddu baεd Ωë-ëòe
nous déjeunons après la-prière alors quand nous déjeunons après la-prière
yaεni dīma tnīn, tnīn u nuëë.
il signifie toujours deux deux et demi
« Le vendredi, nous faisons la prière du vendredi et, habituellement, vers deux
heures, nous revenons de la prière, vers deux heures, deux heures et demi. Là,
nous nous mettons à déjeuner, après la prière. Alors, quand nous déjeunons,
c’est après la prière, c’est-à-dire toujours vers deux heures, deux heures et
demi. »

401
xū-y ôussēn yôəbb əl-kūüa.
frère-mon Houcéne il aime le-ballon
āməs w āne ndūü lgēt tīšərt mtāε fārīq-füənûa.
hier et moi je tourne j’ai trouvé t-shirt de équipe-France
fa šrēt-hu l-əh.
alors j’ai acheté-le à-lui
« Mon frère Houcéne aime le football. Hier, pendant que je faisais un tour, j’ai
trouvé un t-shirt de l’équipe de France, alors je le lui ai acheté. »

Cette conjonction permet également de marquer la consécution : « elle marque souvent


une sorte de suite et de conséquence de la proposition précédente ; il en résulte
fréquemment que ‫ف‬ َ marque très utilement le changement de sujet, dans un contexte où
les pronoms sont obscurs » (BLACHÈRE & GAUDEFROY-DEMOMBYNES 1975 : 214).

fa ləmma ywəüüi fī-ya yəεni ləmma


et quand il montre à-moi il signifie quand
kunna ëāāü kān žədd-i yərfəs l-i u
nous étions petits il était grand-père-mon il mélange pour-moi et
bəεdēn bdēt nətεəlləm mənn-a b-šwēya
ensuite j’ai commencé j’apprends de-lui doucement
b-šwēya fa təwwa nuεtabər u nərfəs
doucement alors maintenant je suis considéré et je mélange
f-əl-bāzīn kwəyyəs.
dans-la-bouillie de farine d’orge bien
« Et quand il m’a montré, c’est-à-dire quand nous étions petits, mon grand-père
mélangeait pour moi et ensuite je me suis mis à apprendre de lui, petit à petit,
alors, maintenant on considère que je sais préparer une boule de bouillie de
farine d’orge correctement. »

lī’ənna l-Ñəüüāüa tkūn mətžānsa εle l-lôəm kull-əh


parce que la-chaleur elle est homogène sur la-viande tout-lui
fa yíīb íyāb mumtāz.
alors il cuit cuisson excellente
« Parce que la chaleur, elle se répand sur toute la viande, alors la cuisson est
excellente. »

hūwa lāgi l-žəww mlīô fa gāεəd āādi.


lui trouvant l’-ambiance bon alors restant là-bas
« Il trouve qu’il y a une bonne ambiance, alors il reste là-bas. »

3. La conjonction wīyā- « et, avec »


Pour combiner les pronoms indépendants entre eux, on a recours à la conjonction de
coordination wīyā-, à laquelle on suffixe les pronoms. Voici les combinaisons
possibles :

āne wīyā-k « toi et moi »


āne wīyā-h « lui et moi »
āne wīyā-ha « elle et moi »
āne wīyā-kum « vous et moi »
āne wīyā-hum « eux et moi »

ənta ~ ənti wīyā-h « toi et lui »

402
ənta ~ ənti wīyā-ha « toi et elle »
ənta ~ ənti wīyā-hum « toi et eux »

ône wīyā-kum « vous et nous »


ône wīyā-hum « eux et nous »

əntu wīyā-hum « vous et eux »

4. La conjonction wəlla / āw « ou, ou bien »


Dans le parler arabe de Tripoli, deux conjonctions permettent de poser une alternative :
on trouve la conjonction wəlla, mais on rencontre également, bien que moins
fréquemment, la conjonction āw.

tušüub gəhwa wəlla šāhi ?


tu bois café ou thé
« Tu bois du café ou du thé ? »

šən üāy-ək : bôəü wəlla āəryān 4 ?


quoi avis-ton mer ou Gharyan
« Qu’est-ce que tu en penses : on va à la mer ou à la montagne ? »

nəmšu lə-žmāεa āw nəmšu l-gəhwa lə-hne ?


nous allons à-groupe ou nous allons à-café vers-ici
« Nous allons retrouver les garçons ou nous allons dans un café par ici ? »

Suivie de la particule de négation la, la conjonction wəlla permet de former des


questions équi-polentes (cf. modalité 1 : II.1.4.).

žāy wəlla la ?
venant ou pas
« Il vient ou pas ? »

že εədnān wəlla la ?
il est venu Adnan ou non
« Adnan est venu ou pas ? »

5. La conjonction lākən « mais, or »


Cette conjonction permet d’exprimer une opposition, une restriction, d’introduire une
idée contraire à celle qui a été exprimée.

hāda mūš əzüəg, lākən əxîəü.


celui-ci pas bleu mais vert
« Ce n’est pas bleu, mais vert »

hādī-l-wāžba mlīôa, lākən mālôa.


cette-le-repas bonne mais salée
« Ce repas est bon, mais salé ».

4
Gharyan est une ville du Djebel Nefoûssa.

403
ygūl ’ənn-a bəri lākən kull əl-’ədəlla îudd-əh.
il dit que-lui innocent mais toutes les-preuves contre-lui
« Il dit qu’il est innocent, or toutes les preuves sont contre lui ».

šbəô əôməd lākən mā-səlləm-š εlē-h.


il a vu Ahmed mais ne-il a salué-pas sur-lui
« Il a vu Ahmed, mais il ne l’a pas salué ».

6. La conjonction bəss « mais, cependant »


Cette conjonction est synonyme de lākən. On la retrouve également dans les parlers
arabes égyptiens 5. Elle permet d’exprimer une opposition, une restriction.

l-ôālāwīyāt mā-εəžbū-nī-š ; bəss əl-gəhwa mlīôa.


les-pâtisseries ne-elles ont plu-me-pas mais le-café bonne
« Les pâtisseries ne m’ont pas plues ; cependant, le café était bon. »

fa təwwa nuεtabər u nərfəs


alors maintenant je suis considéré et je mélange
f-əl-bāzīn kwəyyəs bəss εūmūmən hīya məš….
dans-la-bouillie de farine d’orge bien mais généralement elle pas
« Alors, maintenant on considère que je sais préparer une boule de bouillie de
farine d’orge correctement, mais, généralement, elle n’est pas… »

7. La conjonction əúúāla « alors, dans ce cas »


Cette conjonction permet d’exprimer une conséquence, la suite qu’une action ou qu’un
fait entraîne : elle marque un rapport de cause a effet.

εle kull ôāl nətlāgu lə-xmīs əúúāla.


sur tout état nous nous retrouvons le-jeudi alors
« De toute façon, nous nous retrouvons jeudi, alors. »

nxəllī-k fi xədmt-ək əúúāla…


je laisse-te dans travail-ton alors
« Je te laisse travailler, dans ce cas… (puisque tu es occupé) »

Elle permet également de renforcer une exclamation.

5
Cf. WOIDICH 2006 : 158. Il semblerait que cette conjonction de coordination ait été empruntée à une
variété d’arabe égyptien ; elle n’a d’ailleurs pas été relevée par les auteurs précédents (i.e. STUMME,
TROMBETTI, GRIFFINI et CESÀRO).

404
- šīn əž-žəww ?
quoi l’-ambiance
- mlīô l-əz-zəbb !
bien jusqu’à-la-bite
- mlīô l-əz-zəbb ?
bien jusqu’à-la-bite
- ēh əúúāla !
oui alors
« - Comment ça va ?
- Trop de la balle, ça claque sa mère !
- Ça claque sa mère ?
- Oui alors ! »

8. La conjonction īdən « donc »


Elle correspond au classique ’iñan. Elle permet également d’indiquer une conséquence.

īdən, hūwa mā-gāl l-ək-š…


donc lui ne-il a dit à-toi-pas
« Donc, il ne t’a pas dit… »

- gāεdīn f-əl-ôōš əl-yōm ?


étants dans-la-maison le-jour
- la, wullāhi !
non par-Dieu
- īdən, nžī-kum āudwa.
donc je viens-vous demain
« - Serez-vous à la maison aujourd’hui ?
- Non (par Dieu) !
- Donc, je passerai vous voir demain. »

9. La conjonction ôāsīlu « bref, en résumé, finalement »


Il s’agit d’un nominal qui est employé comme ligature conjonctive et qui permet
d’abréger une histoire et d’y mettre un terme. Il correspond au classique ôāûil « total,
résultat » ; cependant, dans le parler arabe de Tripoli, le /s/ n’est pas emphatique.

ôāsīlu, mā-εənd-i ma ngūl l-ək !


résultat ne-chez-moi quoi je dis à-toi
« Bref, je n’ai rien à te dire ! »

10. La conjonction multiple ya…ya « soit…soit »


Cette conjonction double permet d’envisager des possibilités, des éventualités.

ya tgəεməz ya təmši !
soit tu t’assieds soit tu vas
« Soit tu t’assieds, soit tu pars ! »

ôasən xū-y ya yākəl ya yšəll ya üāgəd :


Hassen frère-mon soit il mange soit il chie soit dormant
úəúúa, kəkka, nənna !
miam miam, caca, dodo !
« Mon frère Hassen, soit il mange, soit il défèque, soit il dort :
miam-miam, caca, dodo ! »

405
- mtāε mən ə°-°āûa ?
de qui la-tasse
- ya mtāε nīzāü, ya mtāε nāfəε !
soit de Nizar soit de Nafa
- l-əlli hūwa, əl-məfrūî mā-yxəllī-hā-š hne !
à-qui lui le-supposé ne-il laisse-la-pas ici
« - A qui est ce verre ?
- Soit à Nizar, soit à Nafa !
- A qui que ce soit (peu importe à qui elle est), il est censé ne pas le laisser ici. »

11. La conjonction multiple yəmma…yəmma « soit…soit »


Cette conjonction double permet également d’envisager deux possibilités, deux
éventualités.

l-bənt hādi yəmma nkəd yəmma bke.


la-fille celle-ci soit plainte soit pleur
« Cette fille soit elle se plaint, soit elle pleure. »

12. La conjonction multiple la…la « ni…ni »


Il s’agit d’une des constructions négatives qui correspondent aux deux conjonctions
précédentes. On répète plusieurs fois le morphème de négation la devant un nominal ou
un verbe.

la že la tnīn la tlāt !
ni il est venu ni deux ni trois
« Il n’est venu ni à deux heures ni à trois heures ! »

la ügəd la xəlla mən yuügud !


ni il a dormi ni il a laissé qui il dort
« Il n’a pas dormi, ni laissé les autres dormir ! »

hāda la yəüôəm la yxəlli üəômt-üəbb-i tənzəl !


celui-ci ni il fait le bien ni il laisse miséricorde-Dieu-mon elle descend
« Lui, il n’est ni bienfaisant et il ne laisse pas non plus la miséricorde de Dieu
descendre sur terre ! »

hūwa la yəbbi yākəl la yušüub.


lui ni il veut il mange ni il boit
« Il ne veut ni manger, ni boire ».

A Tripoli, on peut suffixer les pronoms personnels à la négation lā-… lā- « ni… ni… ».
Il s’agit de la négation double dans les énoncés nominaux.

SG. 1. lā-ni lā-ni « je ne suis ni… ni… »


2. lā-k lā-k « tu n’es ni… ni… »
3.m. lā-h lā-h « il n’est ni… ni… »
3.f. lā-hi lā-hi « elle n’est ni… ni… »
PL. 1. lā-na lā-na « nous ne sommes ni… ni… »
2. lā-kum lā-kum « vous n’êtes ni… ni… »
3. lā-hum lā-hum « ils, elles ne sont ni… ni… »

406
āne lā-ni kbīr u lā-ni ûāīr.
moi pas-moi grand et pas-moi petit
« Je ne suis ni grand ni petit ».

hīya lā-hi kbīra u lā-hi ôəlwa.


elle pas-elle grande et pas-elle belle
« Elle n’est ni grande, ni belle ».

13. La conjonction multiple la…wāla « ni…ni »


Cette conjonction connaît les mêmes emplois que la précédente. Dominique CAUBET
précise qu’elle peut s’analyser comme la « non » suivi de wā-la qui aurait pour
étymologie *āw la « ou non », ou *u la « et non » (CAUBET 1993 I : 224).

mā-εənd-ī-š la səbsi wāla wullāεa.


ne-chez-moi-pas ni cigarette ni briquet
« Je n’ai ni cigarette, ni briquet ».

14. La conjonction multiple məüüa…məüüa ~ məüüāt…məüüāt « tantôt…tantôt,


parfois…parfois »
Cette conjonction se compose du nominal singulier məüüa « fois » ou de son pluriel
məüüāt « fois ». Elle permet d’exprimer des états différents d’une même chose, d’une
même personne.

məüüa yži, məüüa mā-yžī-š.


fois il vient fois ne-il vient-pas
« Parfois il vient, parfois il ne vient pas. »

lōn-a məüüa əxîəü, məüüa əûfəü.


couleur-sa fois vert fois jaune
« Sa couleur est tantôt verte tantôt jaune. »

məüüāt εənd-i šuāl, məüüāt mā-εənd-ī-š.


fois chez-moi travail fois ne-chez-moi-pas
« Parfois j’ai du travail, parfois je n’en ai pas. »

məüüāt ykūn kbīr, məüüāt ykūn ûāīr.


fois il est grand fois il est petit
« Il est tantôt grand, tantôt petit. »

15. La locution conjonctive məεnā-ha « donc »


Cette locution se compose du nominal məεna « sens, signification » et du pronom
suffixe -ha « son, sa, ses ». Elle est synonyme de īdən (8.) et permet d’indiquer une
conséquence, un résultat.

məεnā-ha, hūwa mā-gāl l-ək-š…


signification-sa lui ne-il a dit à-toi-pas
« Donc, il ne t’a pas dit… »

407
- gāεdīn f-əl-ôōš əl-yōm ?
étants dans-la-maison le-jour
- la, wullāhi !
non par-Dieu
- məεnā-ha, nžī-kum āudwa.
signification-sa je viens-vous demain
« - Serez-vous à la maison aujourd’hui ?
- Non (par Dieu) !
- Donc, je passerai vous voir demain. »

16. La locution conjonctive b-əl-εəks « au contraire »


Cette locution se compose de la préposition b- « par, avec, au moyen de », suivie du
nominal εəks « contraire » déterminé au moyen de l’article əl- « le, la, les ». Elle permet
de marquer une opposition, une contradiction.

- ûāôb-ək hāda āəbi !


ami-ton celui-ci imbécile
- la, mūš āəbi ! b-əl-εəks, dəki !
non, pas imbécile par-le-contraire intelligent
« - Ton pote, là, il est bête !
- Non, il n’est pas bête (du tout) ! Au contraire, il est intelligent ! »

17. La locution conjonctive f-əl-ôāqīqa « mais en fait »


Cette locution se compose de la préposition f- « dans, en », de l’article əl « le, la, les » et
du nominal ôāqīqa « réalité, authenticité ». Cette locution conjonctive permet
également de marquer une opposition et de contredire un fait, une action.

hūwa gāl l-na εənd-a šəgga


lui il a dit à-nous chez-lui appartement
u f-əl-ôāqīqa mā-εənd-ā-š.
et dans-la-vérité ne-chez-lui-pas
« Lui, il nous a dit qu’il avait un appartement, mais en fait il n’en a pas. »

18. La locution conjonctive f-əl-wāqəε « mais en réalité »


Cette locution se compose de la préposition f- « dans, en », de l’article əl « le, la, les » et
du nominal wāqəε « existant, réel, véritable ». A l’instar de la locution conjonctive
précédente, elle permet de marquer une opposition et de contredire un fait, une action.

hūwa gāl l-na εənd-a šəgga


lui il a dit à-nous chez-lui appartement
u f-əl-wāqəε mā-εənd-ā-š.
et dans-le-réel ne-chez-lui-pas
« Lui, il nous a dit qu’il avait un appartement, mais en réalité il n’en a pas. »

Conclusion
Le tableau suivant récapitule les différentes formes des conjonctions de coordination qui
ont été relevées dans le parler arabe de Tripoli.

408
Conjonctions de coordination
u~w
copulatif
« et, avec »
fa
copulatif
« et, alors »
wīyā-
copulatif
« et, avec »
wəlla ~ āw
disjonctif
« ou, ou bien »
lākən
Conjonctions simples adversatif
« mais, or »
bəss
adversatif
« mais, cependant »
əúúāla consécutif
« alors, dans ce cas » conclusif
īdən consécutif
« donc » conclusif
ôāsīlu
conclusif
« bref, finalement »
ya…ya
disjonctif
« soit…soit »
yəmma…yəmma
disjonctif
« soit…soit »
la…la
copulatif
« ni…ni »
Conjonctions multiples
la…wāla
copulatif
« ni…ni »
məüüa…məüüa ~
məüüāt…məüüāt
disjonctif
« tantôt…tantôt,
parfois…parfois »
məεnā-ha
consécutif
« donc »
b-əl-εəks
adversatif
« au contraire »
Locutions conjonctives
f-əl-ôāqīqa
adversatif
« mais en fait »
f-əl-wāqəε
adversatif
« mais en réalité »

II. La subordination
On étudiera la subordination directe et la subordination au moyen de conjonctions de
subordination. On examinera les procédés de formation de ces conjonctions :
conjonctions simples et conjonctions composées.

1. La subordination directe
On trouve des subordonnées sans marqueurs pour le discours rapporté, les complétives
et certaines finales. Sinon, les subordonnées sont introduites par des conjonctions de
subordination ou des circonstanciels.

409
1.1. Le discours indirect
Dans le cas du discours indirect, le verbe principal est le plus souvent gāl « il a dit », à
la conjugaison suffixale. Le verbe de la subordonnée est à la conjugaison préfixale,
précédé du préverbe b-, donnant au verbe de la subordonnée une valeur de futur dans le
passé. On a une valeur de visée :

gāl l-i nīzāü b-yži.


il a dit à-moi Nizar FUT-il vient
« Il m’a dit que Nizar viendrait ».

gālu l-a b-yətlāgu f °üābləs.


ils ont dit à-lui ils se rencontrent à Tripoli
« Ils lui ont dit qu’ils se rencontreraient à Tripoli ».

1.2. La subjonction complétive


Il s’agit de complétives qui n’ont pas de conjonction de subordination. Un pronom est
suffixé au verbe de la proposition principale et annonce le sujet du verbe de la
subordonnée qui est à la conjugaison préfixale.

xəft-a y°īô.
j’ai eu peur-lui il tombe
« J’ai eu peur qu’il tombe ».

nəbbī-h yži mεā-y.


je veux-lui il vient avec-moi
« Je veux qu’il vienne avec moi ».

nəôsāb-ha tətkəlləm b sīni.


je crois-elle elle parle en chinois
« Je croyais qu’elle parlait en chinois ».

1.3. La finale
Il s’agit d’une proposition subordonnée finale sans marqueur, dont le verbe est à la
conjugaison préfixale.

ε°ēt əl-məftāô l xū-y yəftəô əl-bāb u


j’ai donné la-clé à frère-mon il ouvre la porte et
yxušš.
il entre
« J’ai donné la clé à mon frère pour qu’il ouvre la porte et entre ».

2. Les conjonctions simples


Les conjonctions simples peuvent marquer la subjonction complétive, la subjonction
circonstancielle, la subjonction concessive, la subjonction hypothétique et le souhait.

2.1. La subjonction complétive


On traitera des conjonctions simples ’ənna et ’ənn-, ainsi que du relatif əlli, utilisé
comme conjonction.

410
2.1.1. ’ənna ~ ’ənn- « que »
La conjonction ’ənna sert à former les complétives. Sa présence n’est pas obligatoire et
on peut avoir une subordination directe. La forme ’ənn- est celle à laquelle on peut
suffixer un pronom personnel cataphorique qui annonce le sujet de la proposition
subordonnée.

gālu l-i ’ənna b-yžu.


ils ont dit à-moi que FUT.INT.-il viendront
« Il m’ont dit qu’ils avaient l’intention de venir. »

gālət l-i ’ənna msāfra.


elle a dit à-moi que voyageant
« Elle m’a dit qu’elle était en train de voyager. »

ənti mət’əkkda ’ənn-hum məš žāyīn.


toi convaincue que-eux nég.-venants
« Tu es convaincue qu’ils ne viennent pas. »

f-əl-wəgt hāda məfrūî ’ənn-ha f-əl-ôōš.


en-le-temps celui-ci supposé que-elle à-la-maison
« En ce moment, elle doit être à la maison. »

2.1.2. əlli « que »


əlli peut être employé comme conjonction 6 et sert à former des complétives. Dans les
énoncés suivants, il peut être remplacé par la conjonction ’ənna ou ’ənn-. On ne le
trouve que dans des énoncés où il suit un adjectif qualificatif.

bāhi lli žēt !


bien rel. tu es venu
« C’est bien que tu sois venu ! »

kwəyyəs əlli žət !


bien rel. elle est venue
« C’est bien qu’elle soit venue ! »

A la différence du pronom relatif əlli (anaphorique), la conjonction əlli n’assume pas


une fonction à l’intérieur de la subordonnée ; la conjonction əlli lie deux propositions et
établit une dépendance entre elles.

2.2. La subjonction circonstancielle


On examinera les conjonctions qui introduisent des subordonnées conjonctives
circonstancielles de temps, de cause, d’opposition et de but.

2.2.1. lēn « jusqu’à ce que, tant que »


La conjonction lēn peut introduire une subordonnée conjonctive circonstancielle de
temps, avec le sens de « jusqu’à ce que, tant que ». Elle sert toujours à marquer une
limite et a les mêmes emplois que ôətta en arabe marocain ; à ce sujet, Dominique
CAUBET précise qu’il s’agit de marquer « une borne temporelle et / ou aspectuelle,

6
On trouve également cet emploi de əlli dans le parler arabe du Caire ; cf. WOIDICH 2006 : 387.

411
marquant une limite à atteindre ou un franchissement de frontière » (CAUBET 1993 I :
233).

təwwa nəstənna lēn yži.


maintenant j’attends jusqu’à ce que il vient
« Maintenant, j’attendrai jusqu’à ce qu’il vienne. »

mā-nī-š šāüəb-ha lēn təbrəd.


ne-moi-pas buvant-la jusqu’à ce que elle refroidit
« Je ne la boirai pas tant qu’elle n’aura pas refroidi. »

mā-bət-š təmši lēn tāəddət.


ne-elle a voulu-pas elle va jusqu’à ce que elle déjeune
« Elle n’a pas voulu partir tant qu’elle n’avait pas déjeuné. »

Dominique CAUBET ajoute que « la limite peut aussi être de type qualitatif /
quantitatif » ; dans ce cas-là, lēn « peut s’employer pour marquer une conséquence,
après un appréciatif de quantité », tel que hālba « beaucoup » ou la locution adverbiale
à connotation obscène exprimant le haut degré õ-əẓ-ẓəḅḅ du parler arabe de Tripoli. On
peut gloser cet emploi par « tellement que ».

ûəbbət lə-m°əü hālba lēn mā-gədrū-š


elle a versé la-pluie beaucoup jusqu’à ce que ne-ils ont pu-pas
yə°lεu.
ils sortent
« Il a tellement plu, qu’ils n’ont pas pu sortir. »

gəεdət təbki hālba lēn xdā-ha


elle est restée elle pleure beaucoup jusqu’à ce que il a pris-la
n-nōm.
le-sommeil
« Elle a tellement pleuré, qu’elle s’est endormie. »

kunt εu°šān õ-əẓ-ẓəḅḅ lēn mā-gdərt-š nuntuq.


j’étais assoifé jusqu’à-la-bite jusqu’à ce que ne-j’ai pu-pas je prononce
« J’avais tellement une putain de soif, que je n’arrivais plus à articuler. »

2.2.2. ləmma « quand, lorsque »


La conjonction ləmma introduit une subordonnée conjonctive circonstancielle de temps.

lī-ya εəšü-dgāyəg nəstənna fī-h ləmma hūwa že.


pour-moi dix-minutes j’attends dans-lui lorsque lui il est venu
« Ça faisait dix minutes que je l’attendais lorsqu’il est arrivé. »

mā-nôəbb-ək-š ləmma tətkən°a !


ne-j’aime-te-pas lorsque tu t’énerves
« Je ne t’aime pas quand tu t’énerve !. »

εənd-i nīya nətməšša ləmma lə-m°əü tûubb.


chez-moi envie je marche lorsque la-pluie elle verse
« J’ai envie de marcher quand il pleut. »

412
2.2.3. mnīn « depuis que »
La conjonction mnīn introduit une subordonnée conjonctive circonstancielle de temps.

mnīn fāgət u hīya f-əl- kūžīna t°əyyəb.


depuis que elle s’est réveillée et elle dans-la-cuisine elle cuisine
« Depuis qu’elle s’est levée, elle est dans la cuisine en train de préparer à
manger. »

De plus, dans cet énoncé, la conjonction de coordination u « et » permet l’expression de


la concomitance (comme cela a été étudié auparavant en 1.). La proposition
subordonnée en mnīn est nécessairement en tête d’énoncé, indiquant un point de départ
temporel. La conjonction de coordination u, se place entre la subordonnée et la
principale ; elle introduit une proposition principale décrivant une action simultanée
avec celle décrite dans la subordonnée : le verbe t°əyyəb « elle cuisine » à la
conjugaison préfixale a une valeur d’inaccompli concomitant, un progressif.

2.2.4. lī’ənna ~ lī’ənn- « parce que, puisque, étant donné que »


La conjonction lī’ənna introduit une subordonnée conjonctive circonstancielle de cause.

mā-nī-š māši lə-bôəü lī’ənna š-šəms tməüüəî


ne-moi-pas allant la-mer parce que le-soleil elle rend malade
fī-ya.
dans-moi
« Je ne vais pas à la mer parce que le soleil me rend malade. »

lī’ənna že l-bāüəô mā-hū-š že l-yōm.


parce que il est venu hier soir ne-lui-pas il est venu le-jour
« Etant donné qu’il est venu hier soir, il n’est pas venu aujourd’hui. »

On peut suffixer les pronoms personnels à la conjonction de forme lī’ənn- ; le pronom


cataphorique suffixé annonce le sujet de la proposition subordonnée.

lī’ənn-ək ənta mā-žēt-š āne mšēt b-üūô-i.


parce que-toi toi ne-tu es venu-pas moi je suis allé avec-âme-mon
« Puisque toi tu n’es pas venu, moi je suis allé seul. »

2.2.5. mādām « tant que, puisque »


La conjonction mādām est composée du relatif mā « que » et du verbe dām « il a
continué, il a perduré, il a persisté » ; elle introduit une subordonnée conjonctive
circonstancielle de temps.

mādām āne nəgüa mā-nfəkkər-š nətzəwwəž.


tant que moi j’étudie ne-je pense-pas je me marie
« Tant que j’étudie, je ne pense pas à memarier. »

həyya nəmšu nətməššu mādām əž-žəww kwayyəs !


aller nous allons nous marchons tant que le-temps bon
« Allons marcher tant qu’il fait beau ! »

413
həyya nəmšu l-əš-šə°° mādām əž-žəww mlīô !
aller nous allons à-la-plage tant que le-temps bon
« Allons à la plage tant qu’il fait beau ! »

2.2.6. lākən « alors que »


La conjonction lākən introduit une subordonnée conjonctive circonstancielle
d’opposition. lākən est également une conjonction de coordination qui a le sens de
« mais » (cf. 5.).

mā-žət-š tεāwən-ni lākən gālət l-i : bə-nžī-k !


ne-elle est venue-pas elle aide-me mais elle a dit à-moi FUT.INT.-je viens-te
mā-εād-š nəε°i fī-ha t-tīqa.
ne-plus je donne dans-elle la-confiance
« Elle n’est pas venue m’aider alors qu’elle m’avait dit : je viendrai ! Je ne lui
fais plus confiance. »

əž-žəww sxūn fi lībya lākən fi füənûa ûāgāε hālba.


le-temps chaud en Libye mais en France froid beaucoup
« En Libye, il fait chaud, alors qu’en France, il fait très froid. »

2.2.7. bāš « pour que »


La conjonction bāš introduit une subordonnée conjonctive circonstancielle de but.

že li lībya bāš yətεəlləm l-εəübi l-lībi.


il est venu en Libye pour que il apprend l’-arabe le-libyen
« Il est venu en Libye pour apprendre l’arabe libyen ».

bāš yži li lībya lāzəm yôəûûəl vīza.


pour que il vient en Libye nécessaire il obtient visa
« Pour qu’il vienne en Libye, il faut qu’il obtienne un visa ».

2.3. La subjonction hypothétique


A Tripoli, on trouve la conjonction kān « si » également sous la forme kāna. Ces
conjonctions tirent leur origine du verbe *kān(a) « il a été ». On trouve également la
conjonction ləwkān. A l’origine, cette dernière est formée de la conjonction *law « si »
et du verbe *kān « il a été ». Ces conjonctions sont utilisées pour marquer les différents
types d’irréels.

kān εyēti gūli l-i !


si tu es fatiguée dis à-moi
« Si tu es fatiguée, dis-le moi ! »

kāna šəft-ha f-əš-šāüəε wullāhi lā-dənn-i sābb-ha !


si j’ai vu-la dans-la-rue par-Dieu voilà que-moi insultant-elle
« Si je la voyais dans la rue, je l’insulterais (tu peux en être sûr) ! »

kāna εāwəd-ha üā-ni nəkt l-a wəžh-əh !


si il répète-la voici-moi j’ai niqué à-lui visage-son
« S’il l’avait répétée, je lui aurais niqué sa gueule (tu peux en être sûr) ! »

414
ləwkān nəlga, εādi !
si je trouve normal
« Si je le trouve, c’est normal ! »
« Si je le peux, je le ferai ! »

ləwkān yεāwəd-ha ynīk l-a wəžh-əh !


si il répète-la il nique à-lui visage-son
« S’il le répète, il lui niquera sa gueule ! »

ləwkān εāwəd-ha, ôā-ynīk l-a wəžh-əh !


si il a répété-la FUT.PR.-il nique à-lui visage-son
« S’il l’avait répétée, il lui aurait niqué sa gueule ! »

2.4. Le souhait
Le souhait s’exprime au moyen de la locution ynšāõõāh ~ ’in šā’a õõāh « si Dieu le veut,
pourvu que ».

ynšāõõāh ytəssəl əẓ-ẓəḅḅ !


si Dieu le veut il appelle la-bite
« Pourvu qu’il appelle putain ! »

’in šā’a õõāh yənžəô !


si il a voulu Dieu il réussit
« Pourvu qu’il réussisse ! »

Conclusion
Le tableau suivant récapitule les conjonctions de subordination simples.

Conjonctions de subordination simples


Subjonction complétive ’ənna ~ ’ənn- « que »
əlli « que »
Subjonction circonstancielle Temps lēn « jusqu’à ce que, tant que »
ləmma « lorsque, quand »
mnīn « depuis que »
mādām « tant que, puisque »
Cause lī’ənna ~ lī’ənn-
« parce que, puisque, étant donné que »
Opposition lākən « alors que »
But bāš « pour que »
Subjonction hypothétique kān ~ kāna ~ lāwkān « si »
Souhait ynšāõõāh ~ ’in šā’a õõāh « Pourvu que »

3. Les conjonctions composées


On examinera des locutions conjonctives composées d’une préposition, d’un nominal et
d’un pronom relatif, mais également des locutions composées de conjonctions et, enfin,
une locution composée d’une préposition et d’un nominal.

3.1. Préposition, nominal, adverbe relatif + relatif


On distingue les conjonctions composées du relatif ma de celles composées du relatif
əlli.

415
3.1.1. Préposition, nominal, adverbe + relatif ma
Au moyen d’une préposition ou d’un nominal et du pronom relatif ma, on construit des
conjonctions circonstancielles de temps et de manière.

a) Les conjonctions circonstancielles de temps


Il s’agit de conjonctions de subordination composées du pronom relatif ma qui
introduisent des subordonnées conjonctives circonstancielles de temps.

a.1. gəbl-ma « avant que »


Cette conjonction circonstancielle de temps se compose de la préposition gəbl « avant »
et du relatif ma « que ».

gəbl-ma nətlāga mεā-k kunt nhədrəz āne u nīzāü.


avant-que je retrouve avec-toi j’étais je discute moi et Nizar
« Avant que je ne te retrouve, je discutais avec Nizar. »

ux°um mεa l-gəhwa gəbl-ma tüəwwəô !


passe avec le-café avant-que tu reviens
« Passe chercher du café avant que tu ne reviennes ! »

a.2. bəεd-ma « après que »


Cette conjonction circonstancielle de temps se compose de la préposition bəεd « après »
et du relatif ma « que ».

bəεd-ma tə°ləε mən hne ux°um εle û-ûāydālīya.


après-que tu sors de ici passe par la-pharmacie
« Après que tu sors d’ici, passe par la pharmacie. »

bəεd-ma nə°ləε mən εənd-ək b-nəmši l-əl-mdīna.


après-que je sors de chez-toi FUT.INT.-je vais à-la-ville
« Après que je sors de chez toi, j’ai l’intention d’aller en ville. »

a.3. gədd-ma « tant que, autant que »


Cette conjonction circonstancielle de temps se compose de la préposition gədd « comme
(taille) » et du relatif ma « que ».

gədd-ma xdəmt °ləεt εle lōôa.


tant-que j’ai travaillé je suis sorti sur morceau de bois
« J’ai beau travailler, je n’obtiens aucun résultat. »

gədd-ma gəüüū-h °ləε ômāü.


tant-que ils ont enseigné-le il est sorti âne
« Ils ont beau lui enseigner, il est toujours aussi bête. »

gədd-ma sāfərt mā-šüubt-š gəhwa zēy mtāε bārīs.


tant-que j’ai voyagé ne-j’ai bu-pas café comme de Paris
« J’ai beau voyager, je n’ai pas bu de café comme celui de Paris. »

a.4. əwwəl-ma « dès que »


Cette conjonction circonstancielle de temps se compose du nominal əwwəl « premier,
début » et du relatif ma « que ».

416
əwwəl-ma gult l-i nxləεt.
dès-que tu as dit à-moi j’ai été surpris
« Dès que tu me l’as dit, j’ai été surpris. »

əwwəl-ma txušš šāüəε-na təlgā-h εle īmīn-ək.


dès-que tu entres rue-notre tu trouves-le sur droite-ta
« Dès que tu entre dans notre rue, tu le trouveras sur ta droite. »

āne nuît mən füāš-i əwwəl-ma š-šəms zuügət.


moi je me suis levé de lit-mon dès-que le-soleil elle s’est levée
« Moi, je me suis levé dès que le soleil est apparu à l’horizon. »

təgdər tkəllm-əh əwwəl-ma hūwa yūûəl.


tu peux tu appelles-le dès-que lui il arrive
« Tu peux lui téléphoner dès qu’il arrive. »

əwwəl-ma nūûəl li bārīs nəbεət l-ək īmāl.


dès-que j’arrive à Paris j’envoie à-toi e-mail
« Je t’envoie un e-mail, dès que je j’arrive à Paris. »

a.5. kull-ma « chaque fois que, bien que »


Cette conjonction circonstancielle de temps se compose du nominal kull « totalité,
ensemble » et du relatif ma « que ».

kull-ma ngūl l-a īmīn, yəmši īsāü.


bien-que je dis à-lui droite, il va gauche
« Bien que je lui dise à droite, il va à gauche. »
« J’ai beau lui dire à droite, il prend toujours à gauche. »

kull-ma tûubb lə-m°əü, əž-žəww yəûfa.


bien-que elle verse la-pluie le-temps il s’éclaircit
« Bien qu’il pleuve, le temps s’éclaircit. »
« Après la pluie, le beau temps. »

On trouve également la conjonction multiple kull-ma…kull-ma « plus…plus ».

kull-ma təxdəm kull-ma izīdu flūs-ək.


bien-que tu travailles bien-que ils augmentent sous-tes
« A chaque fois que tu travailles, ton argent augmente. »
« Plus tu travailles, plus tu as d’argent. »

a.6. εlē-ma « tant que, autant que »


Cette conjonction circonstancielle de temps se compose de la préposition εle « sur » et
du relatif ma « que ».

εlē-ma ûəllôu fī-h gāεəd šəkl-a zēy əz-zəbb !


autant-que ils réparent dans-lui toujours apparence-son comme la-bite
« Ils ont beau le réparer, ça a toujours l’air d’être une grosse merde ! »

a.7. wəgt-ma « quand, lorsque »


Cette conjonction circonstancielle de temps se compose du nominal wəgt « temps » et
du relatif ma « que ».

417
wəgt-ma tži εādi.
lorsque tu viens normal
« Quand tu viendras, ça ira. »

wəgt-ma tūûəl nšəāālu l-fīləm.


lorsque tu arrives nous mettons en marche le-film
« Lorsque tu arriveras, nous commencerons le film. »

tətfəkkər wəgt-ma gult l-ək εəl-l-mūbāüa ?


tu te souviens lorsque j’ai dit à-toi sur-le-match
« Tu te souviens quand je t’ai parlé du match ? »

a.8. fōg-ma « après tout ce que »


Cette conjonction circonstancielle de temps se compose de la préposition fōg « sur » et
du relatif ma « que ».

fōg-ma dərt εlē-xā°ü-əh māzāl məš-εāžb-əh.


sur-que j’ai fait parce que-lui pas-encore pas-plaisant-le
« Après tout ce que j’ai fait pour lui, il n’est toujours pas content. »

fōg-ma mšēt l-bārīs māzāl mā-šuft-hā-š kull-ha.


sur-que je suis allé à-Paris pas encore ne-j’ai vu-la-pas toute-elle
« Après toutes les fois où je suis allé à Paris, je ne l’ai pas encore vue en entier. »

b) Les subjonctions circonstancielles de manière


Il s’agit de conjonctions de subordination composées du pronom relatif ma qui
introduisent des subordonnées conjonctives circonstancielles de manières.

b.1. f-εūî-ma « au lieu de »


Cette conjonction circonstancielle de manière se compose de la préposition f « dans »,
du nominal εūî « équivalent » et du relatif ma « que ».

f-εūî-ma yṛəbbi wlād-əh, mxəllī-hum û-ûīyāεa.


au lieu de il éduque enfants-ses laissant-les les-bêtises
« Au lieu d’éduquer ses enfants, il les laisse faire des bêtises. »

f-εūî-ma tôu°° sukkuü ôu°° εsəl !


au lieu de tu mets sucre mets miel
« Au lieu de mettre du sucre, mets du miel ! »

gāεəd təlεəb f-εūî-ma təgüa ?


en train de tu joues au lieu de tu étudies
« Tu es en train de jouer au lieu d’étudier ? »

b.2. mən-āēü-ma « sans que »


Cette conjonction circonstancielle de manière se compose de la préposition mən « de »,
de la préposition āēü « sans » et du relatif ma « que ».

nžəô mən-āēü-ma yəgüa.


il a réussi sans que il étudie
« Il a réussi sans étudier. »

418
¢bə°t-ha mən-āēü-ma ygūlu l-i.
j’ai su-la sans que ils disent à-moi
« J’ai l’ai sue sans qu’ils me disent. »

b.3. blā-ma « sans que »


Cette conjonction circonstancielle de manière se compose de la préposition bla « sans »
et du relatif ma « que ».

nžəô blā-ma yəgüa.


il a réussi sans-que il étudie
« Il a réussi sans étudier. »

¢bə°t-ha blā-ma ygūlu l-i.


j’ai su-la sans-que ils disent à-moi
« J’ai su sans qu’ils me le disent. »

b.4. εlē-ôəsb-ma « d’après ce que, selon ce que »


Cette conjonction circonstancielle de manière se compose de la préposition εle « sur »,
du nominal ôəsb « mesure » et du relatif ma « que ».

εlē-ôəsb-ma gāl l-i nīzāü əl-gəhwa f-šāüəε-εumaü muxtāü.


d’après ce que il a dit à-moi Nizar le-café dans-rue-Omar Mukhtar
« D’après ce que m’a dit Nizar, le café se trouve rue Omar Mukhtar. »

εlē-ôəsb-ma nəεüəf krīstōf žāy l-ūsbūε əž-žāy.


d’après ce que je sais Christophe venant la-semaine la-venante
« D’après ce que je sais, Christophe vient la semaine prochaine. »

εlē-ôəsb-ma εüəft əl-mūbāüa s-sāεa təsεa.


d’après ce que j’ai su le-match l’-heure neuf
« D’après ce que je sais, le match est à neuf heures. »

b.5. zēy-ma « comme, ainsi que, de la même façon que »


Cette conjonction circonstancielle de manière se compose de la préposition zēy
« comme » et du relatif ma « que ».

zēy-ma gult l-ək : bəüüa !


ainsi-que j’ai dit à-toi dehors
« Comme je te l’ai dis : dégage ! »

zēy-ma tdīr f-gəhwa dīr f-šāhi !


ainsi-que tu fais dans-café fais dans-thé
« Prépare le café de la même façon que tu prépares le thé ! »

Conclusion
Le tableau suivant récapitule les conjonctions de subordinations formées au moyen du
pronom relatif ma.

419
Conjonctions de subordination construites au moyen du relatif ma
gəbl-ma « avant que »
bəεd-ma « après que »
gədd-ma « tant que,
Préposition + ma
autant que »
Circonstancielles
εlē-ma « tant que, autant que »
de
fōg-ma « après tout ce que »
temps
əwwəl-ma « dès que »
kull-ma « chaque fois que,
Nominal + ma
bien que »
wəgt-ma « quand, lorsque »
blā-ma « sans que »
Préposition + ma zēy-ma « comme, ainsi que,
Circonstancielles de la même façon que »
de Préposition + préposition + ma mən-āēü-ma « sans que »
manière f-εūî-ma « au lieu de »
Préposition + nominal + ma εlē-ôəsb-ma
« d’après ce que, selon ce que »

3.1.2. Préposition + əlli


Au moyen d’une préposition et du relatif əlli, on construit des conjonctions
circonstancielles de temps et de manière.

a) b-əlli « que »
Cette conjonction se compose de la préposition b « avec, par » et du relatif əlli. Elle sert
à former les complétives. Elle connaît les mêmes emplois que la conjonction ’ənna
examinée en 2.1. Sa présence n’est pas obligatoire et on peut avoir une subordination
directe, comme cela a été étudié en 1.

gāl l-i b-əlli b-yži.


il a dit à-moi que FUT.INT.-il vient
« Il m’a dit qu’il avait l’intention de venir. »

gāl l-i b-əlli msāfər.


il a dit à-moi que voyageant
« Il m’a dit qu’il était en train de voyager. »

b) m-əlli « depuis que ; auprès de celui qui »


Cette conjonction se compose de la préposition m (de mən) « de » et du relatif əlli. Elle
indique une provenance. Elle peut être employée dans des subordonnées conjonctives
circonstancielles de temps.

m-əlli gult l-əh hūwa šādd-ha fîāyəô.


depuis que j’ai dit à-lui lui tenant-la esclandres
« Depuis que je lui ai dit, il passe son temps à le raconter à tout le monde. »

m-əlli wûəlt li bārīs w āne šādd-ha gəhwa.


depuis que je suis arrivé à Paris et moi tenant-la café
« Depuis que je suis arrivé à Paris, je passe mon temps à boire des cafés. »

420
Elle peut également être utilisée dans des subordonnées conjonctives circonstancielles
de lieu.

xdēt-ha m-əlli žənb-ək.


j’ai pris-la de-qui à côté de-toi
« Je l’ai obtenue (achetée) auprès de celui qui est à côté de (chez) toi. »

c) zēy-əlli « comme celui qui »


Cette conjonction se compose de la préposition zēy « comme » et du relatif əlli. Elle est
employée dans des subordonnées conjonctives circonstancielles de manière, pour
exprimer une comparaison.

zēy-əlli ynīk f-ûubε-a f-tīnt-a w yšəmm fī-h !


comme-qui il baise dans-doigt-son dans-cul-son et il sent dans-lui
« Comme celui qui se fout un doigt dans le cul et le sent ! »

zēy-əlli hāüəb m-əl-āūla °āô f-səllāl-lə-glūb !


comme-qui fuyant de-l’-ogresse il est tombé dans-arracheur-les-cœurs
« Comme celui qui, fuyant l’ogresse, tombe sur le croquemitaine. »

Conclusion
Le tableau suivant récapitule les conjonctions de subordination construites au moyen du
relatif əlli.

Subordonnée complétive b-əlli « que »


Circonstancielle de temps m-əlli « depuis que »
Préposition + əlli
Circonstancielle de lieu m-əlli « auprès de celui qui »
Circonstancielle de manière zēy əlli « comme celui qui »

3.2. Interrogatif + relatif ma


Il s’agit de conjonctions de coordination composées d’un interrogatif et du relatif ma.
Ce procédé sert à former toute une série de conjonctions de subordination concessives.

3.2.1. āš-ma « quoi que ce soit que »


Cette conjonction de subordination est composée de l’interrogatif āš « que, quoi » et du
relatif ma.

āš-ma nəšri l-ha u hīya məš εāžəb-ha.


quoi-que j’achète à-elle et elle pas plaisant-la
« Quoi que je lui achète, ça ne lui plaît pas. »

On trouve également la construction multiple āš-ma…āš-ma « plus…plus ».

āš-ma tugεud fi bārīs āš-ma tôəbb-ha.


quoi-que tu restes à Paris quoi-que tu aimes-la
« Plus tu restes à Paris, plus tu l’aimes. »

3.2.2. kīf-ma « comme, ainsi que »


Cette conjonction de subordination est composée de l’interrogatif kīf « comme » et du
relatif ma.

421
kīf-ma gult l-ək : bəüüa !
comme-que j’ai dit à-toi dehors
« Comme que je te l’ai dis : dégage ! »

kīf-ma tdīr f-gəhwa dīr f-šāhi !


comme-que tu fais dans-café fais dans-thé
« Prépare le café comme tu prépares le thé ! »

3.2.3. wēn-ma « où que, où que ce soit que »


Cette conjonction de subordination est composée de l’interrogatif wēn « où » et du
relatif ma.

wēn-ma māši, b-nəmši mεā-k.


où-que allant FUT.INT.-je vais avec-toi
« Où que tu ailles, j’ai l’intention d’y aller avec toi. »

wēn-ma b-yəmši, nəmši mεā-h.


où-que FUT.INT.-il va je vais avec-lui
« Où qu’il ait l’intention d’aller, j’irai avec lui. »

wēn-ma tôu°°-ha, bāhi.


où-que tu mets-la bien
« Où que ce soit que tu la mettes, c’est bien. »

3.2.4. əmta-ma « quel que soit le moment où, quand »


Cette conjonction de subordination est composée de l’interrogatif əmta « quand » et du
relatif ma.

əmta-ma b-təmši, nəmši mεā-k.


quand-que FUT.INT.-tu vais je vais avec-toi
« Quand tu auras l’intention de partir, j’irai avec toi. »

3.2.5. gəddāš-ma « quelle que soit la quantité que »


Cette conjonction de subordination est composée de l’interrogatif gəddāš « que, quoi »
et du relatif ma.

gəddāš-ma gult l-əh ma-nfəε-š fī-h !


combien-que j’ai dit à-lui ne-il a été utile-pas dans-lui
« J’ai eu beau lui dire, ça ne lui a pas servi / ça ne lui a pas été utile. »

3.2.6. b-āš-ma « quel(le) que, quoi que »


Cette conjonction de subordination est composée de l’interrogatif b-āš « avec quoi » et
du relatif ma.

b-āš-ma tži, tži !


avec-quoi-que elle vient elle vient
« Quel que soit son prix, on la garde ! »

b-āš-ma tgūl l-əh ygūl εādi.


avec-quoi-que tu dis à-lui il dit normal
« Quoi que tu lui dises, il dira que c’est normal. »

422
3.2.7. mnīn-ma « d’où, à l’endroit où, où que ce soit que »
Cette conjonction de subordination est composée de l’interrogatif mnīn « d’où » et du
relatif ma.

wəlli mnīn-ma žēt !


retourne d-où-que tu es venu
« Retourne d’où tu viens ! »

əl-fānālya šrēt-ha mnīn-ma šrēt əs-sərwāl


le-pull j’ai acheté-la d’où-que j’ai acheté le-pantalon
« J’ai acheté le pull à l’endroit où j’ai acheté le pantalon. »

mnīn-ma təšri xubza, bāhi.


d’où-que tu achètes pain bien
« D’où que ce soit que tu achètes le pain, c’est bien. »

mnīn-ma tməss-əh, ygūl wāk !


où-que tu touches-le il dit ONOM.
« Où que tu le touches, il dit wak ! »

3.2.8. εənd-mən-ma « chez qui que ce soit que »


Cette conjonction de subordination est composée de l’interrogatif εənd-mən « chez qui »
et du relatif ma.

lāzəm nəlgā-ha εənd-mən-ma tkūn.


nécessaire je trouve-la chez-qui-que elle est
« Il faut que je la trouve, chez qui que ce soit qu’elle soit / où qu’elle soit. »

εənd-mən-ma təmši mā-təlga ’əlla n-nkəd w ən-nəfx.


chez-qui-que tu vas ne-tu trouve que la-déprime et le-contre-temps
« Chez qui que ce soit / où que tu ailles, tu ne trouveras que la déprime et les
contre- temps. »

3.2.9 mεā-mən-ma « avec qui que ce soit »


Cette conjonction de subordination est composée de l’interrogatif mεa-mən « avec qui »
et du relatif ma.

mεā-mən-ma təmši, txušš.


avec-qui-que tu vas tu entres
« Avec qui que ce soit que tu ailles, tu entreras. »

mεā-mən-ma tži, tži.


avec-qui-que tu viens tu viens
« Tu viens avec qui (que ce soit que) tu veux »
« Peu importe avec qui tu viens, viens (quand même). »

3.3. Des locutions conjonctives


Il s’agit de deux locutions conjonctives composées d’une préposition et d’une
conjonction, ainsi que d’une locution conjonctive composée d’un adverbe et d’une
conjonction.

423
3.3.1. āēü bāš « seulement pour que, uniquement pour que, rien que pour que »
La préposition āēü « seulement » est combinée à la conjonction bāš « pour que ». Elle
introduit une circonstancielle de but.

āēü bāš təfhəm-ni bəss.


seulement pour que tu comprends-me seulement
« Seulement pour que tu me comprennes. »

- ε°ī-ni bīro !
donne-moi stylo
- εlāš ?
pourquoi
-āēü bāš nəktəb bī-h !
seulement pour que j’écris avec-lui
« - Donne-moi un stylo !
- Pourquoi ?
- Rien que pour écrire avec ! »

3.3.2. εlē-xā°əü « parce que »


La préposition εle « sur » est combinée au nominal xā°əü « esprit, idée, pensée ». Elle
introduit une circonstancielle de cause.

mūš îāüūüi ysəbbəs εlē-xā°əü mūš bāhi


pas nécessaire il fume parce que pas bon
l-rwārī-h.
pour-poumons-ses
« Il ne doit pas fumer parce que ce n’est pas bon pour ses poumons. »

mūš lāzəm nži āudwa εlē-xā°əü hūwa mūš gāεəd !


pas obligatoire je viens demain parce que lui pas restant
« Je ne dois pas venir demain parce qu’il ne sera pas là ! »

āudwa mā-nəgdər-š nətεəšša mεā-kum εlē-xā°əü εənd-i


demain ne-je peux-pas je dîne avec-vous parce que chez-moi
ma ndīr.
quoi je fais
« Demain je ne pourrai pas dîner avec vous parce que j’ai à faire. »

3.3.3. ôətta ləw « même si »


On combine l’adverbe ôətta « même » et de la conjonction ləw « si ». Elle introduit une
concessive.

ôətta ləw šüəôt l-əh mā-yəfhəm-š.


même si j’explique à-lui ne-il a compris-pas
« Même si je lui expliquais, il ne comprendrais pas. »

ôətta ləw žēt mā-yətāəyyər šēy.


même si je suis venu ne-il se change rien
« Même si je venais, ça ne changerait rien. »

424
LA POSSESSION

Dans le parler arabe de Tripoli, on a recours à différents procédés pour exprimer la


possession : on peut employer la construction synthétique (annexion directe ou état
construit) ou la construction analytique (annexion indirecte). Certaines prépositions
(εənd « chez », l- / lī- « à, de ») permettent également d’exprimer l’appartenance.

1. L’annexion directe : la construction synthétique (état construit)


Dans le parler arabe de Tripoli, l’annexion directe est couramment employée ; elle est
d’ailleurs plus fréquemment employée que la construction analytique. Il s’agit de créer
une complexe d’au moins deux termes, dont le premier terme est directement suivi du
deuxième terme qui le détermine ; de ce fait, le premier terme ne comporte jamais
d’article. De plus, on envisagera plusieurs modes d’annexion directe : l’annexion directe
d’un nom déterminé, l’annexion directe d’un nom indéterminé, l’annexion directe d’un
nom propre et l’annexion directe d’un pronom suffixe.

1.1. L’annexion directe d’un nom déterminé


On annexe un deuxième terme déterminé au moyen de l’article əl-.

əl-būrdīm 1 hādi ṭārīqa lli təṭyīb-əl-lḥəm.


le-bourdim celle-ci manière que cuisson-la-viande
« Le bourdim, c’est une façon de cuire la viande. »

dgīg-əš-šεīr fi bəṭn b-surεa yətḥāwəl li glōkōz.


farine-l’-orge dans ventre avec-rapidité il se transforme à sucre
« La farine d’orge, dans un ventre, se transforme rapidement en glucose. »

məṛṛa tkūn bi lḥəm-lə-xrūf.


parfois elle est avec viande-l’-agneau
« Parfois, elle est (préparée) avec de la viande d’agneau. »

fi yōm-əž-žumεa nṣəḷḷu f ṣlāt-əž-žumεa.


dans jour-le-vendredi nous prions PREP. prière-le-vendredi
« Le vendredi nous faisons la prière du vendredi ».

1.2. L’annexion directe d’un nom propre


Lorsque le deuxième terme est un nom propre, notamment dans l’usage des noms de
parenté, on annexe un deuxième terme qui n’est pas déterminé par l’article əl- ; les
noms propres sont déterminés en soi :

mūš ktāb-i lli təḥt əl-kursi, ktāb-xāləd.


pas livre-mon REL. sous la-chaise livre-Khaled
« Ce n’est pas mon livre qui est sous la chaise, c’est le livre de Khaled. »

mūš uxt-i lli gṛət fi məṣṛ, uxt-yūsəf.


pas soeur-ma REL. elle a étudié en Egypte sœur-Youcef
« Ce n’est pas ma soeur qui a étudié en Egypte, c’est la sœur de Youcef. »
1
būrdīm est un plat, dont la viande est cuite à l’étouffée dans un trou, dans le sol, dans lequel on aura
auparavant fait brûler du charbon (cf. rdəm « il a enfoui dans le sol »).

425
C’est également le cas lorsque le deuxième terme est un nom de lieu :

ləhžət-ṭṛābləs məš zēy ləhžət-bənāāzi.


parler-Tripoli pas comme parler-Benghazi
« Le parler de Tripoli n’est pas comme le parler de Benghazi. »

ṭ-ṭṛābəlsīya mā-yətkəllmū-š zēy nās-bənāāzi.


les-Tripolitains ne-ils parlent-pas comme gens-Benghazi
« Les Tripolitains ne parlent pas comme les gens de Benghazi. »

1.3. L’annexion directe d’un nom indéterminé


On annexe un deuxième terme qui n’est pas déterminé par l’article əl-.

hāda yōm-εēd.
celui-ci jour-fête
« C’est un jour de fête. »

l-ḥufra hādīya nsəkkru fī-ha bi ṭəṛf-zīngu.


le-trou celle-ci nous fermons dans-elle avec morceau-zinc
« Ce trou, nous le fermons avec un morceau de zinc. »

žīb mεā-k xuḍṛət-mḅəḳḅḳa.


apporte avec-toi légumes-mbakebka
« Apporte avec toi des légumes de mbakebka 2. »

1.4. L’annexion directe d’un pronom suffixe


Le deuxième terme de l’annexion peut être un pronom suffixé au premier terme.

ṣ-ṣāāṛ mā-yədwū-š zēy ḅḅāhāt-hum.


les-petits ne-ils parlent-pas comme pères-leurs
« Les jeunes ne parlent pas comme leurs parents. »

ušüub gəhwt-ək °ūl u xəllī-na nəmšu !


bois café-ton directement et laisse-nous nous allons
« Bois vite ton café et allons-y ! »

sərwāl-a mləbbəz mən-tāli.


pantalon-son sale de-dernier
« Son pantalon est sale derrière. »

əwwəl-ma txušš šāṛəε-na təlgā-h εle īmīn-ək.


dès-que tu entres rue-notre tu trouves-le sur droite-ta
« Dès que tu entreras dans notre rue, tu le trouveras sur ta droite. »

2
mbakebka est le nom d’un plat composé de viande, de légumes et de pâtes ; il s’agit d’une onomatopée
liée au bruit que fait la sauce épaisse en ébullition, lors de la préparation de ce plat. On trouve également
le verbe ḅəḳḅəḳ « il a fait des bulles ».

426
1.5. Formes renforcées
Dans le parler arabe de Tripoli, on trouve une tournure qui consiste à placer dans un
rapport de dépendance, dans une séquence à l’état construit, un nom (l’objet possédé)
pourvu d’un pronom suffixe qui annonce le possesseur, directement suivi d’un nom ou
d’un syntagme nominal qui identifie ce possesseur. Il s’agit de formes renforcées, où le
possesseur est indiqué deux fois : annoncé par un pronom suffixe et répété, dans une
séquence à l’état construit, dans un complément déterminatif, sous une forme nominale.

u bəεdēn əl-wāzīr yəmši li šuāl-ā-wāzir


et après le-ministre il va à occupation-son-misnistre
w əl-bəwwāb yəmši li šuāl-ā-bəwwāb.
et le-portier il va à occupation-son-portier
« Et après, le ministre vaquait à ses occupations de ministre et le portier vaquait
à ses occupations de portier. »

Le pronom peut être suffixé au premier terme de l’annexion, comme on l’a vu dans
l’énoncé précédent et comme le confirme l’exemple suivant :

hādi səyyāṛt-ā-ṣāḥəb-xū-nāfəε.
celle-ci voiture-sa-ami-frère-Nafa
« C’est sa voiture à l’ami du frère de Nafa. »

Mais il peut également être suffixé à un autre des termes ; cela entraîne une nuance de
sens, puisqu’on n’insiste pas sur le même terme de la construction :

hādi səyyāṛt-ṣāḥb-ā-xū-nāfəε.
celle-ci voiture-ami-son-frère-Nafa
« C’est la voiture de son ami au frère de Nafa. »

1.6. L’annexion directe de plusieurs termes


Comme on peut le voir dans certains des exemples précédents, on peut trouver des
annexions composées de plus de deux termes. Dans ce cas, le deuxième terme
détermine le premier, le troisième détermine le deuxième, etc. Seul le dernier terme peut
être déterminé au moyen de l’article əl-. Le dernier terme peut également être un
pronom suffixe.

mōlā-dukkān-ən-nəqqālāt mūš muḥḥi, sərdīna.


propriétaire-magasin-les-téléphones portables pas Mouhi Sardine
« Le propriétaire du magasin de téléphones portables, ce n’est pas Mouhi, c’est
Sardine. »

wəld-uxt-i, gəddāš-ma yəžri !


fils-soeur-ma combien-que il court
« Mon neveu, qu’est-ce qu’il court vite ! »

On trouve aussi des exemples d’annexion à quatre termes :

wəld-uxt-ṣāḥəb-nīzāṛ, gəddāš-ma yṣəyyəḥ !


fils-sœur-ami-Nizar combien-que il crie
« Le neveux de l’ami de Nizar, qu’est-ce qu’il crie ! »

427
ma šnā-zəkk-əmm-əh !
que laideur-cul-mère-sa
« Qu’est-ce qu’il est moche ! Il est moche comme le cul de sa mère ! »

A Tripoli, on a même relevé une annexion à sept termes, dans une forme renforcée :

hāda ḥōš-wəld-uxt-hā-ṣāḥbət-uxt-kārīma.
celui-ci maison-fils-sœur-sa-sœur-Karima
« C’est la maison de son neveu à l’amie de la sœur de Karima. »

1.7. Traitement de la finale -a(t)


Lors d’une annexion directe, quand le premier terme du complexe se termine par le
suffixe -a(t), ce dernier se mue soit en -ət- soit en -t- en fonction de la structure
syllabique de la séquence ; en effet, lors de l’adjonction d’un suffixe à un mot se
terminant par le suffixe -a(t), le t du suffixe réapparaît et sert de liaison avec le nom ou
le pronom suffixe qui le suit 3.

məš εlē-xāṭəṛ āne mā-nəfhəm-š ləhžət-ṭṛābləs lākən əntu


pas parce-que moi ne-je comprends-pas parler-Tripoli mais vous
tətkəllmu b-surεa.
vous parlez en-vitesse
« Ce n’est pas parce que moi je ne comprenne pas le parler de Tripoli ; c’est
vous qui parlez vite. »

mūš ḥā-tkəmmlu xədmət-kum.


NEG. FUT.PR.vous terminez travail-votre
« Vous n’allez pas terminer votre travail. »

šīnu ḥəṣṣəl vīzt-a wəlla la ?


quoi il a obtenu visa-son ou non
« Est-ce qu’il a obtenu son visa, ou pas ? »

bəṛṛi žībi l-i ṭāst-ṃṃēya !


va apporte à-moi verre-eau
« Va me chercher un verre d’eau ! »

1.8. Conclusion
Le tableau suivant récapitule les différents modes d’annexion directe étudiés.

ANNEXION DIRECTE : CONSTRUCTION SYNTHETIQUE


d’un nom déterminé NOM-əl-NOM
d’un nom non déterminé /
NOM-Ø-NOM
d’un nom propre
NOM-pronom suffixe
d’un pronom suffixe NOM-pronom suffixe-NOM
(forme renforcée)

3
Cf. pronoms personnels (2.2.2).

428
La construction synthétique est très couramment employée dans le parler arabe de
Tripoli. C’est une caractéristique des parlers de type bédouin au Maghreb, comme le
souligne Philippe MARÇAIS dans sa classification des parlers arabes maghrébins,
lorsqu’il précise qu’un parler bédouin se reconnaît notamment à l’expression fréquente
de la relation d’appartenance par le procédé de l’annexion directe (Ph. MARÇAIS 1957 :
230). En effet, à Tripoli, contrairement à ce qui se passe dans les parlers préhilaliens,
son utilisation n’est pas limitée à certains groupes de notions naturellement associées, à
l’usage des noms de parenté, à l’expression des parties du corps ou à des notions
d’appartenance à la personnalité, dans des complexes nom + adjectif déterminé ou
adjectif + nom déterminé, ou dans des compositions comportant une véritable recherche
oratoire : formules, proverbes, interjections, obsécrations et injures (Ph. MARÇAIS
1957 : 223 et 229 et Ph. MARÇAIS 1977 : 166-167).

2. La construction analytique (annexion indirecte)


Dans le parler arabe de Tripoli, pour marquer la relation d’appartenance, on peut
également avoir recours à la construction analytique. Pour ce faire, on emploie la
particule d’annexion indirecte mtāε 4. Statistiquement, dans le parler arabe de Tripoli,
cette construction est moins employée que l’annexion directe.

2.1. mtāε + nom


Cette particule unit un nom au premier terme de la construction.

Dans certaines séquences, les deux termes du rapport d’annexion indirecte peuvent être
à l’état déterminé :

hādi l-gəhwa mtāε əl-wəld əlli lāgēnā-h āməs.


celui-ci le-café de le-garçon REL. nous avons rencontre-le hier
« C’est le café du garçon que nous avons rencontré hier. »

Dans d’autres, ces deux termes peuvent être à l’état indéterminé :

hāda kān əl-məlεəb mtāε… yəεni… yəlzəm ngūlu


celui-ci il a été le-stade de c’est-à-dire il faut nous disons
nādi mtāε xyūl, ytdərrbu fī-h
cercle, club de chevaux ils s’entraînent dans-lui
əl-xēl əl-εəskrīya.
les-chevaux les-militaires
« C’était le stade de… C’est-à-dire… Il faut que nous l’appelions hippodrome,
où s’entraînaient les chevaux de l’armée ».

C’est notamment le cas lorsqu’un des termes est un nom propre :

4
La particule mtāε est d’un usage assez général au Maghreb, mais elle est plus particulièrement employée
dans l’Est maghrébin : en Libye, en Tunisie et dans l’Est algérien. Philippe MARÇAIS précise qu’elle était
déjà attestée au 12e siècle au Maghreb, ainsi qu’en arabe andalou (Ph. MARÇAIS 1977 : 168). Par ailleurs,
Philippe MARÇAIS a relevé la particule jna / jənt-, qui serait strictement libyenne, notamment en usage au
Fezzân, mais cette dernière n’est pas employée à Tripoli et est inconnue de mes informateurs tripolitains
(Ph. MARÇAIS 1977 : 168 et 170 ; Ph. MARÇAIS 2001 : 168). Dans le parler arabe des Juifs de Tripoli, on
emploie la variante ntāε de mtāε (YODA 2005 : 261-262).

429
gədd-ma sāfərt mā-šüubt-š gəhwa zēy mtāε bārīs.
tant-que j’ai voyagé ne-j’ai bu-pas café comme de Paris
« J’ai beau voyager, je n’ai pas bu de café comme celui de Paris. »

Dans le parler arabe de Tripoli, on note une ‘symétrie’, quant à la détermination des
deux termes en rapport d’annexion indirecte : soit ils sont tout deux déterminés (par
l’article əl- ou bien le deuxième terme est un nom propre), soit ils sont tout deux
indéterminés.

2.2. mtāε + pronom suffixe


De plus, la particule mtāε peut unir un pronom suffixe au premier terme :

u bəεdēn yṭəyybu l-əh əl-məṛga mtāε-əh.


et ensuite elles cuisinent à-lui la-sauce de-lui
« Et ensuite elles lui préparent sa sauce. »

2.3. Au féminin mtāεt et mtāεāt


A Tripoli, cette particule peut s’accorder avec l’objet possédé, bien que, dans l’usage,
cet accord ne soit pas obligatoire. Il existe une forme pour le féminin singulier mtāεt- :

hādi s-səyyāüa mtāεt-ək ?


celle-ci la-voiture de-toi
« C’est ta voiture ? »

Et une forme au féminin pluriel mtāεāt- :

hādu s-səyyāṛāt mtāεāt-kum ?


celles-ci les-voitures de-vous
« Ce sont vos voitures ? »

La forme du masculin pluriel mtāεīn- n’est cependant plus en usage dans le parler arabe
de Tripoli contemporain, pour exprimer la possession ; en effet, dans l’arabe de Tripoli
actuel, mtāεīn est employé comme substantif, avec le sens de « parents, proches » 5.

2.4. Remarques
On remarque que, même dans les parlers où l’annexion directe est courante et
prédominante, on préfère, dans certains cas, avoir recours à l’annexion indirecte.

L’annexion indirecte vient souvent couper des séquences d’état construit comportant
plusieurs compléments déterminatifs :

lgēt tīšərt mtāε fārīq-fṛənṣa.


j’ai trouvé t-shirt de équipe-France
« J’ai trouvé un t-shirt de l’équipe de France. »

On trouve également l’annexion indirecte dans les cas où la structure syllabique du


premier terme risquerait d’être perturbée par l’annexion directe ; c’est notamment le cas
lorsque le premier terme est un emprunt :
5
La forme au masculin pluriel mtāεīn a été relevée par Antonio CESÀRO : « hādôma mtā‘în-ī = questi
sono miei » [ceux-ci sont les miens] (CESÀRO 1939 : 48).

430
hūwa yəktəb f-əl-bī’əyčdi 6 mtāε-əh.
lui il écrit dans-le-doctorat de-lui
« Lui, il est en train de rédiger sa thèse de doctorat. »

εənd-a nīya ykəmməl əd-dōktōṛa mtāε-a s-sāna hādi.


chez-lui intention il termine le-doctorat de-lui l’année celle-ci
« Il a l’intention de terminer son doctorat cette année. »

Dans l’exemple suivant, cela évite notamment la confusion entre šāhī-ya « mon thé » et
le participe du verbe šha « il a désiré, il a eu envie », au féminin singulier šāhya
« désirant, ayant envie » :

nəbbi šwēyət-sukkur li š-šāhi mtāε-i.


je veux peu-sucre pour le-thé de-moi
« Je veux un peu de sucre pour mon thé. »

On emploie la particule mtāε suivie du pronom interrogatif mən, məni ou mənu « qui »
dans des phrases interrogatives :

mtāε mən əṭ-ṭāṣa ?


de qui la-tasse
« A qui est ce verre ? »

hāda mtāε mənu ?


celui-ci de qui
« C’est à qui ? »

2.5. Conclusion
Le tableau suivant récapitule les différents modes d’annexion indirecte étudiés.

ANNEXION INDIRECTE : CONSTRUCTION ANALYTIQUE


Union d’un nom (əl-)NOM + mtāε + (əl-)NOM
Union d’un pronom suffixe (əl-)NOM + mtāε + pronom suffixe
Suivi d’un pronom interrogatif mtāε + mən, məni, mənu

3. Au moyen de prépositions
Dans le parler arabe de Tripoli, les prépositions εənd, l- / lī- permettent également
d’exprimer l’appartenance.

3.1. εənd
La préposition εənd « chez » est utilisée comme prédicat de possession. Il existe un
paradigme qui est utilisé comme une conjugaison, au moyen des pronoms suffixes.

SG. 1. εənd-i « j’ai (chez moi) »


2. εənd-ək « tu as (chez toi) »
3.m. εənd-a ~ εənd-əh « il a (chez lui) »
3.f. εənd-ha « elle a (chez elle) »

6
C’est une transcription de l’emprunt à l’anglais ph.D.

431
PL. 1. εənd-na « nous avons (chez nous) »
2. εənd-kum « vous avez (chez vous) »
3. εənd-hum « ils, elles ont (chez eux, chez elles) »

εənd-ək xədma wəlla mā-εənd-ək-š ?


chez-toi travail ou ne-chez-toi-pas
« Tu as un travail, ou pas ? »

gəddāš-ma εənd-ha mən xūt !


combien-que chez-elle de frères
« Qu’est-ce qu’elle a comme frères et sœurs ! »

əl-wəld hāda, εənd-a flūs !


le-garçon celui-ci chez-lui argent
« Ce garçon, il en a de l’argent ! »

3.2. l- et lī-
La préposition l- est également employée pour exprimer la possession.

- mtāε mən əṭ-ṭāṣa ?


de qui la-tasse
- ya mtāε nīzāṛ, ya mtāε nāfəε !
soit de Nizar soit de Nafa
- l-əllī-hūwa, əl-məfrūḍ mā-yxəllī-hā-š hne !
à-qui lui le-supposé ne-il laisse-la-pas ici
« - A qui est ce verre ?
- Soit à Nizar, soit à Nafa !
- A qui que ce soit (peu importe à qui elle est), il est censé ne pas le laisser ici. »

Suivie des pronoms suffixes, cette préposition est sous la forme lī- :

- hāda mtāε mənu ?


celui-ci de qui
- lī-ya āne !
à-moi moi
« - C’est à qui ?
- A moi ! »

lə-ktāb hāda məš lī-ha.


le-livre celui-ci pas à-elle
« Ce livre n’est pas à elle. »

432
LE SYSTEME ASPECTUEL

Conjugaison suffixale et conjugaison préfixale

Dans les langues sémitiques en général, les formes verbales ne se répartissent pas selon
des paradigmes de temps. En arabe, une forme verbale ne comporte pas de morphème
(élément grammatical) « temps » ; le procès énoncé par le verbe (i.e. l’action ou l’état
exprimé par la verbe) indique comment il est envisagé du point de vue de son degré
d’accomplissement. En arabe, on a recours à deux « conjugaisons » du verbe : la
conjugaison suffixale et la conjugaison préfixale, sans qu’on retrouve, dans la forme
verbale, de référence au temps de l’énonciation. Dans le parler arabe de Tripoli, on
distingue une conjugaison suffixale et une conjugaison préfixale, tel que cela a été
étudié auparavant (voir page 87). La conjugaison suffixale exprime un procès envisagé
comme révolu, achevé, « accompli » – et ce, à un moment quelconque du temps ; la
conjugaison préfixale énonce un procès envisagé comme non-achevé, en déroulement,
« inaccompli » – et ce, à un moment quelconque du temps. En effet, nous précise David
COHEN, chaque époque (le passé, le présent et le futur) est couverte par les deux
conjugaisons de l’arabe (COHEN 1989 : 12) ; naturellement, les distinctions temporelles
sont assurées par l’environnement contextuel et éventuellement par des éléments
auxiliaires (COHEN 1989 : 13). Ces deux types de conjugaison expriment l’opposition
entre deux aspects du procès.

Définition : qu’est-ce que l’aspect ?

Si on consulte un dictionnaire de linguistique (MOUNIN 2000 : 41), on peut lire la


définition suivante : l’aspect « désigne, à proprement parler, une catégorie grammaticale
(qui n’existe pas dans toutes les langues), différente des catégories du temps, du mode
et de la voix, et qui manifeste le point de vue sous lequel le locuteur envisage l’action
exprimée par le verbe : comme accomplie, c’est-à-dire vue dans son achèvement, son
résultat, ou comme inaccomplie, vue dans sa durée, sa répétition ».

David COHEN, dans son ouvrage L’Aspect verbal nous propose également une
définition. Selon lui (COHEN 1989 : 42) :
– « l’aspect porte fondamentalement sur la manière dont se présente le verbe lui-même
dans sa fonction de prédicat » (i.e. comme élément central de la phrase, celui par
rapport auquel tous les éléments de la phrase marquent leur fonction ; MOUNIN 2000 :
267). La définition de l’aspect proposée par David Cohen dans son ouvrage repose sur
une opposition formelle et sémantique dans les langues. Son expression la plus simple
réside dans la constatation qu’une relation prédicative a lieu en dehors de toute
considération d’ordre temporelle (VANHOVE 2005). A l’instar de Georges MOUNIN,
David Cohen oppose « aspect » à trois autres catégories : celles du « temps », du
« mode » et de la « voix ».

Il convient, ici, de définir également les termes « temps », « mode » et « voix »,


employés par les auteurs dans les définitions qu’ils nous donnent de l’aspect.

Pour Georges MOUNIN :


– « la catégorie du temps concerne les relations temporelles dans la mesure où elles sont
exprimées par des oppositions grammaticales, formelles et sémantiques »
(MOUNIN 2000 : 321) et « la catégorie du temps a pour caractéristique essentielle de lier

433
le moment du procès, dont il est question dans la phrase, au moment de l’énonciation
(c’est-à-dire le maintenant du locuteur) » (MOUNIN 2000 : 322) ;
– le mode correspond au « principe de classement des verbes selon les diverses façons
dont le locuteur peut concevoir et présenter le processus exprimé par le verbe. En
français on distingue ainsi l’indicatif, le subjonctif, le conditionnel, l’impératif, etc.
Dans : Il viendrait si…, l’action est envisagée par le sujet comme une éventualité »
(MOUNIN 2000 : 217) ;
– « on parle traditionnellement de voix lorsque les locuteurs d’une langue donnée ont à
leur disposition deux ou plus de deux formes de prédicat pour indiquer différents types
de relations qu’entretient le prédicat avec les participants de l’action. Le plus souvent on
distingue une voix active, lorsque la forme du prédicat verbal admet comme sujet le
participant actif du procès (tue dans : le chasseur tue le loup), et une voix passive,
lorsque la forme du prédicat admet comme sujet le participant passif (est tué dans : le
loup est tué par le chasseur) » (MOUNIN 2000 : 337-338).

Pour David COHEN :


– « le temps relie à l’acte d’énonciation et donc aussi au locuteur » (COHEN 1989 : 42) ;
« il s’agit de la situation chronologique d’un événement par rapport à l’acte par lequel le
locuteur énonce cet événement. Cet acte lui-même marque le moment présent, le point
autour duquel s’organise la temporalité de l’énoncé. L’événement donné pour réalisé
antérieurement est exprimé par un passé, l’événement prédit est au futur. La langue peut
néanmoins offrir des possibilités de translation. Un événement situé sur l’axe du temps
[…] peut être pris à son tour pour point de référence chronologique à d’autres
événements soit posés comme antérieurs à lui, soit vus en prospection » (COHEN 1989 :
11).
– « le mode est, au moins en partie, lié à un autre actant de la communication : le
locuteur. C’est son attitude à l’égard du contenu de son énoncé qui est exprimé » et il
ajoute qu’« on parle également de mode lorsque la langue marque des relations de
hiérarchie interne à l’énoncé » (COHEN 1989 : 42) ;
– « la voix concerne la relation sémantique qui existe entre le sujet et le verbe, selon que
le sujet est ou n’est pas en même temps l’agent du procès verbal, ou bien aussi qu’il en
est le bénéficiaire ou qu’il en est affecté » (COHEN 1989 : 42).

Opposition aspective (accompli / inaccompli) et opposition référentielle (concomitant /


non-concomitant) – ou aspect et sous-aspect

Par ailleurs, on constate que les langues tendent à développer des systèmes plus
complexes, tant du point de vue des formes que des valeurs. Le besoin d’expressivité
tend à faire évoluer le système. Un système aspectuel à deux formes peut se dédoubler
sur le plan de la concomitance et fonder un système aspectuel dans lequel les deux
formes se scindent en deux « sous-aspects » (VANHOVE 2005 et SIMEONE-SENELLE
1986 : 58) :
– un accompli général et un accompli concomitant ou parfait
– un inaccompli général et un inaccompli concomitant ou progressif.

Marie-Claude SIMEONE-SENELLE appelle « concomitance la mise en coïncidence d’un


procès, soit avec l’acte de parole, soit avec tout autre point de référence qui se présente
explicitement ou implicitement dans l’énoncé » (SIMEONE-SENELLE 1986 : 58). « Par
concomitant, David COHEN entend concomitant à un autre événement ou à l’acte
d’énonciation et non pas concomitant à un moment représenté par un point quelconque

434
sur l’axe du temps. David COHEN insiste sur le fait que la notion de concomitance n’est
pas à proprement parlé une notion temporelle, ne relève pas du temps situé, qu’il soit
présent, passé ou futur. Les moments de l’énonciation et de l’événement peuvent en
effet être situés sur des points différents de l’axe temporel tout en étant exprimés par
une même forme verbale » (VANHOVE 2005).

Dans l’accompli, le concomitant est un parfait, un résultatif ; il exprime un procès


accompli à un moment déterminé sur l’axe du temps et encore impliqué dans le présent
du locuteur ; le parfait s’oppose au non-concomitant, à l’accompli général, à l’aoriste.
Dans l’inaccompli, le concomitant est un présent actuel ou actualisé, qu’on oppose au
non-concomitant, le présent général.

L’aspect et les dialectes arabes

Dans son étude sur la phrase nominale et le système verbal en sémitique, publié en
1984, David COHEN compare les données de « la langue classique » comme il la
nomme, « à celles qui nous sont connues dans les dialectes » et il précise « qu’on
constate pratiquement partout des différences significatives. Mais ces différences ne
sont pas partout de même nature ». Il dit que : « dans certains dialectes, elles se
manifestent en fait pour l’essentiel dans l’utilisation de certains verbes, spécialement
des verbes de mouvement ou d’attitudes, comme semi-auxiliaires pour l’indication de
divers modes de procès, l’inchoativité par exemple ou la durée ». Il ajoute que « pour
d’autres en revanche, les caractéristiques propres portent sur la nature même du
système. C’est dans le fonctionnement des oppositions aspectives que se révèle
l’innovation. Le premier groupe est celui des dialectes nomades, le second de ceux des
sédentaires. Ce sont ces derniers qui relèvent de l’étude entreprise ici, dans la mesure où
le système verbal y a pris sa forme actuelle par l’intégration de la proposition à prédicat
participial […]. L’essentiel est dans le croisement de l’opposition inaccompli : accompli
par l’opposition non-concomitant : concomitant » (COHEN 1984 : 278-279).

David COHEN présente ensuite, dans son étude, cinq systèmes dialectaux différents, du
plus simple au plus élaboré, du plus proche de celui du classique au plus distant (COHEN
1984 : 279-292 et CAUBET 1993 : 151-154).

1) Les systèmes les plus pauvres sont ceux qui ne réalisent la distinction non-
concomitant / concomitant que dans un seul des deux plans inaccompli ou accompli. Le
système oppose un inaccompli dédoublé à un accompli simple. Le système y est
constitué pour l’accompli par une forme unique, la conjugaison suffixale, sans
différenciation entre un concomitant (parfait) et un non-concomitant. L’inaccompli
présente une structure plus complexe. La conjugaison préfixale fournit l’expression de
l’inaccompli général, mais l’expression de la concomitance est assumée de deux
manières différentes. Pour certains verbes, surtout intransitifs, désignant essentiellement
des mouvements, c’est le participe actif qui est utilisé. Pour les autres, la forme est
complexe, constituée par la conjugaison préfixale précédée d’un auxiliaire qui lui-même
se trouve être à la forme participiale.

435
Inaccompli Accompli
Non-concomitant Conjugaison préfixale
Préverbe + Conjugaison Préfixale
Conjugaison suffixale
Concomitant (Participe actif verbes de
mouvement)

2) Certains dialectes offrent une illustration d’un système dans lequel l’opposition non-
concomitant : concomitant ne s’est réalisée que dans l’accompli alors que l’inaccompli
ne connaît pas la distinction concomitant : non-concomitant. Il en est du moins ainsi
pour l’immense majorité des verbes ; pour les verbes de mouvement cependant, le
participe semble pouvoir fournir une expression de la concomitance.

Inaccompli Accompli
Non-concomitant Conjugaison préfixale Conjugaison suffixale
(Participe actif verbes de
Concomitant Participe actif
mouvement)

3) Il existe un autre type de schéma dissymétrique, dans lequel pour la grande majorité
des verbes, l’accompli est dédoublé selon l’opposition non-concomitant : concomitant,
alors que l’inaccompli représente à la fois le non-concomitant et le concomitant. C’est
celui où apparaît une opposition de nature modale entre la conjugaison préfixale avec
préverbe et la conjugaison préfixale sans préverbe, celle-ci constituant la forme à la
fonction modale. On dit « qu’il y a emploi modal d’une forme verbale lorsqu’elle n’est
pas libre, c’est-à-dire quand elle n’apparaît que dans des phrases complétives ou
modales, qu’elle exprime un procès accessoire par rapport au procès principal (que le
verbe exprimant le procès accessoire soit ou non introduit par une conjonction).

Inaccompli Accompli
Modal Conjugaison préfixale
Non-concomitant
Préverbe + Conjugaison préfixale Conjugaison suffixale
(non-modal)
(Participe actif verbes de
Concomitant
mouvement) Participe actif
(non-modal)

4) Par rapport au schéma précédent, ce type-ci est caractérisé par la symétrie de


l’inaccompli et de l’accompli ; l’accompli se trouvent également ici traversés par
l’opposition non-concomitant : concomitant. La conjugaison suffixale y apparaît comme
la forme non-marquée par opposition au participe prédicatif fonctionnant comme
concomitant à valeur de parfait résultatif.

Inaccompli Accompli
Non-concomitant Conjugaison préfixale Conjugaison suffixale
Concomitant Préverbe + Conjugaison Préfixale Participe actif

5) Enfin, le système le plus complexe est celui des parlers syro-libano-palestiniens : le


schéma présente la même symétrie entre l’inaccompli et l’accompli que ceux établis
dans le système précédent. Mais, en plus, il distingue une forme dépendante ou modale.

436
Inaccompli Accompli
Modal Conjugaison préfixale
Non-concomitant
Préverbe b + Conjugaison préfixale Conjugaison suffixale
(non-modal)
εam + Conjugaison préfixale
Concomitant
(Participe actif verbes de Participe actif
(non-modal)
mouvement)

Le système aspectuel du parler arabe de Tripoli

On étudiera le système aspectuel du parler arabe de Tripoli, i.e. d’analyser les emplois
des formes verbales dans chacun des deux aspects : accompli et inaccompli ; on traitera
les emplois non modaux dans un premier temps, puis les emplois modaux.

1. Emplois non modaux


Il s’agit d’étudier, dans l’inaccompli, puis dans l’accompli, les formes qui se présentent
comme neutres du point de vue de l’aspect.

1.1. Inaccompli
Dans l’inaccompli, le procès est saisi dans son déroulement, dans son non achèvement.
Dans un premier temps, l’inaccompli concomitant sera traité, puis, dans un deuxième
temps, l’inaccompli concomitant.

1.1.1. Non concomitant


C’est dans l’inaccompli non concomitant que s’expriment, au moyen de la conjugaison
préfixale, les vérités générales (ou gnomique) et les habitudes ; on retrouve la même
valeur en contexte de passé ou de futur.

1.1.1.1. Vérités générales


C’est la conjugaison préfixale qui permet d’exprimer les vérités générales.

ône l-lībīyīn mā-nôəbbū-š bəεî-əl-kəlmāt.


nous les-Libyens NEG.-nous aimons- NEG. certains-les-mots
« Nous les Libyens nous n’aimons pas certains mots ».

l-əεma ? əlli hūwa mā-yəšbəô-š.


l’aveugle ? REL. lui NEG.-il voit- NEG.
« L’aveugle ? C’est celui qui ne voit pas ».

yunεüfu °-°ṛābəlsīyīn əlli sukkān-lə-mdīna l-’əûlīyīn.


ils sont reconnus les-Tripolitains REL. habitants-la-ville les originaires
« On les reconnaît les Tripolitains qui sont les habitants originaires de la ville ».

On l’emploie dans les recettes de cuisine :

yāxdu s-səôləb w yə°ônū-h f °āôūna.


ils prennent le-salep et ils moulent-le dans mixeur
« Ils prennent le salep et ils le moulent dans le mixeur ».

On l’emploie dans les expressions à valeur proverbiale :

437
ü-übīε mən fumm-əl-bāb ybān.
le-printemps de pas-la-porte, seuil il apparaît
« Le printemps se manifeste dès le pas de la porte (On sait si une personne est bonne ou
mauvaise, dès les premiers instants où l’on fait sa connaissance) ».

1.1.1.2. Habitudes
C’est la conjugaison préfixale qui permet d’exprimer les habitudes.

nətāəddu l-lībīyīn mεa s-sāεa wāôəd.


nous déjeunons les-Libyens PREP. l’-heure un
mā-nətāəddū-š mεa s-sāεa °nāš.
NEG.-nous déjeunons-NEG PREP. l’-heure douze
« Les Libyens, nous déjeunons à une heure. Nous ne déjeunons pas à midi ».

Dans les énoncés suivants, le complément d’objet est introduit par la préposition fi. Ce
procédé syntaxique est caractérisé par l’utilisation d’un verbe à la conjugaison préfixale,
suivi de la préposition fi, suivi du complément d’objet et permet l’expression d’actions
habituelles ou qui se répètent 1.

bəεî-ən-nās yôussu fī-ha ’ākla hāmāžīya lī’ənn-na


certains-les-gens ils pensent PREP.-elle plat primitif parce que-nous
nāklu fī-ha b-īdē-na.
nous mangeons PREP.-elle avec-mains-nos
« Certaines personnes pensent que ce dont je suis en train de te parler est un plat primitif
parce que nous avons l’habitude de le manger avec les mains ».

yāxdu f dgīg-əš-šεīr w y°əyybu fī-h


ils prennent PREP. farine-l’-orge et ils cuisinent PREP.-lui
f əl-uúúwēya w yεəûûdu fī-h
dans l’-eau et ils pétrissent PREP.-lui
u baεdēn y°əyybu l-a l-məüga mtāε-əh
et ensuite ils cuisinent pour-lui la-sauce de-lui
ə°-°bīxa mtāε-əh u °bīxt-a məüüa tkūn
la cuisson de-lui et cuisson-son parfois elle est
b əl-ôūt məüüa tkūn b lôəm-lə-xrūf.
avec le-poisson parfois elle est avec viande-l’-agneau
« Ils prennent de la farine d’orge et ils la préparent dans l’eau et ils la pétrissent et
ensuite ils lui préparent sa sauce. Sa cuisson, on le cuit parfois avec du poisson, parfois
avec de la viande d’agneau » - en expliquant la façon de préparer le bāzīn « bouillie de
farine d’orge ».

fi yōm-əž-žumεa nûəõõu f ûlāt-əž-žumεa.


PREP. jour-le-vendredi nous prions PREP. prière-le-vendredi
« Le vendredi nous faisons la prière du vendredi ».

1.1.1.3. En contexte de futur


La conjugaison préfixale s’utilise fréquemment en contexte de futur. Le contexte ou un
adverbe de temps permettent de situer l’action dans le futur.

1
Ce procédé syntaxique permet également l’expression de l’intensif / duratif (cf. 2b ci-après).

438
āudwa nəmši l bənāāzi.
demain je vais à Benghazi
« Demain je vais à Benghazi ».

l-εām əž-žāy nəüfəε-kum tətfərržu εle û-ûāāü yəlôsu


l’-année la-prochaine j’emmène-vous vous regardez PREP. les-enfants ils lèchent
f əž-žīlāti.
PREP. les-glaces
« L’année prochaine, je vous emmène regarder les enfants qui seront en train de manger
des glaces ».

1.1.1.4. En contexte de passé


La conjugaison préfixale est également employée en contexte de passé, dans l’instance
du récit ; le procès est alors envisagé dans son déroulement et non pas comme achevé, et
également comme une habitude, une action qui se répète. On relève souvent cet emploi
de l’inaccompli dans des constructions séquentielles dans lesquelles le premier verbe est
soit un verbe à l’accompli, soit un verbe à la conjugaison préfixale mais précédé de kān
« il a été » (qui est à l’accompli).

kān žədd-i yərfəs l-i.


il a été grand-père-mon il prépare une boule de bāzīn pour-moi
« Mon grand-père me préparait une boule de bāzīn ».

kān əl-xēl ystəεmlu fī-hum nās muεayyana.


il a été les-chevaux ils utilisent PREP.-eux gens particuliers, précis
« Des individus précis utilisaient les chevaux ».

hāda kān əl-məlεəb mtāε… yəεni… yəlzəm ngūlu


celui-ci il a été le-stade de c’est-à-dire il faut nous disons
nādi mtāε xyūl, ytdərrbu fī-h
cercle, club de chevaux ils s’entraînent dans-lui
əl-xyūl əl-εəskrīya.
les-chevaux les-militaires
« C’était le stade de… C’est-à-dire… Il faut que nous l’appelions hippodrome, où
s’entraînaient les chevaux de l’armée ».

kānu humma, ngūlu °-°ulyān °əbεən


ils ont été eux nous disons les-Italiens naturellement
humma lli yəôkmu.
eux REL. ils commandent, ils gouvernent
« C’étaient eux, les Italiens (comme nous les appelions), naturellement, c’était eux qui
gouvernaient ».

humma wəgt ™lli yžī-k wāôəd ™lli ī°āli ™lli


eux temps REL. il vient-te un REL. italien REL.
yəεüf-ək ™lli ənta kunt mən əl-mu°āwεīn
il connaît-te REL. toi tu as été parmi les-obéissants
mā-ykəllm-ək-š bukkull.
NEG.-il parle-te-NEG. pas du tout
« Eux, lorsque quelqu’un, un Italien, venait te voir et savait que tu faisais partie de ceux
qui avaient obéi, ils ne te disaient rien du tout ».

439
zmān kān əl-wāzīr w əl-buwwāb yətāəddu
époque il a été le-ministre et le-portier ils déjeunent
mεa-bəεî-hum yəεni hūwa yəbda wāzīr u
avec-certains-eux il signifie lui il commence ministre et
l-buwwāb mtāε-a ygəεmzu f wəgt-lə-āde
le-portier de-lui ils s’assoient à, dans temps-le-déjeuner
yətāəddu mεa-bəεî-hum u bəεdēn l-wāzīr yəmši
ils déjeunent avec-certains-eux et ensuite le-ministre il va
l šuāl-a wāzīr u l-buwwāb yəmši
à, vers occupations-son ministre et le-portier il va
l šuāl-a buwwāb.
à, vers occupation-son portier
« Autrefois, le ministre et le portier déjeunaient ensemble ; c’est-à-dire, lui, ministre, il
s’asseyait avec son portier, à l’heure du déjeuner. Ils déjeunaient ensemble, puis,
ensuite, le ministre vaquait à ses occupations de ministre et le portier vaquait à ses
occupations de portier ».

Dans le parler arabe de Tripoli, l’expression de l’inaccompli non concomitant se réalise


au moyen de la conjugaison préfixale. La forme préfixale permet l’expression des
vérités générales, des habitudes et est également utilisée avec une valeur de futur et de
passé dans des énoncés en contexte de futur ou de passé.

1.1.2. Concomitant
C’est dans l’inaccompli concomitant que sont exprimés le progressif, l’actuel et le
prospectif, au moyen de la conjugaison préfixale et du participe actif. Aussi, des
moyens syntaxiques particuliers permettent l’expression de la concomitance en ajoutant
des valeurs précises, notamment le duratif, l’intensif.

1.1.2.1. Actuel
A Tripoli, la conjugaison préfixale et le participe actif permettent d’exprimer l’actuel.
Une construction syntaxique permet également de l’exprimer : on emploie le participe
actif gāεəd suivi d’un verbe à la conjugaison préfixale.

1.1.2.1.1. Progressif
La conjugaison préfixale peut exprimer la concomitance avec l’acte d’énonciation ou un
autre événement pris pour référence, la concomitance dans l’inaccompli, donc un
progressif.

nəübə° s-sbīdüo.
je noue les-chaussures de sport
« je suis en train d’attacher mes chaussures (je suis en train de faire mes lacets) ».

nbəûûər εlē-k.
je plaisante PREP.-toi
« Je suis en train de plaisanter avec toi ».

yətmənyək εlē-ya.
il se moque PREP.-moi
« Il est en train de se moquer de moi ».

440
1.1.2.1.2. Participe actif
Par ailleurs, il existe à Tripoli un autre procédé pour marquer la concomitance, avec une
valeur d’actuel. Pour certains verbes, l’expression de la concomitance se fait au moyen
du participe actif. Le participe actif s’intègre au système verbal pour exprimer une
notion aspectuelle. Ces verbes se regroupent sémantiquement ; il s’agit des verbes dits
d’état et des verbes de mouvement.

gāεəd āādi.
restant là-bas
« Il est là-bas ».

āne məštāg l lībya.


moi me languissant PREP. la Libye
« Je me languis de la Libye ».

āne wāxəd üāôt-i.


moi prenant repos-mon
« Je me repose ».

nāfaε mətüəyyəs f əl-ləεb.


Nafâa menant dans le-jeu
« Nafâa mène le jeu ».

āne šādd-ha εəl-l-ləhža l-lībīya.


moi ayant pour occupation-elle PREP.-le-parler le-libyen
« Je m’occupe du parler libyen ».

hūwa üāfəε ət-təlž


lui apportant la-glace
« Il apporte des glaçons (il est très pressé) ».

1.1.2.1.3. gāεəd + conjugaison préfixale


Un procédé syntaxique permet de marquer la concomitance : il s’agit de gāεəd suivi
d’un verbe à la conjugaison préfixale. gāεəd est le participe actif du verbe gεəd « il est
resté » 2. Il varie en genre et en nombre et on le retrouve au féminin sous la forme
gāεda, au masculin-pluriel sous la forme gāεdīn et au féminin-pluriel sous la forme
gāεdāt. Cette tournure décrit un progressif.

gāεəd təgüa εəübi ?


étant en train de tu étudies l’arabe
« Tu es en train d’apprendre l’arabe ? »

gāεda tṛāži.
étant en train de elle attend
« Elle est en train d’attendre ».

gāεdīn yāklu.
étant en train de ils dorment
« Ils sont en train de dormir ».

2
A Tripoli, ce verbe n’a pas le sens de « il est assis », qui se dit gəεməz.

441
1.1.2.2. Duratif / Intensif
Deux procédés syntaxiques permettent l’expression de l’intensif et du duratif :
- un verbe à la conjugaison préfixale suivi de la préposition fi ;
- le participe actif gāεəd suivi d’un verbe à la conjugaison préfixale, suivi de la
préposition fi.

1.1.2.2.1. Verbes téliques


L’expression de la valeur intensive et durative se réalise grâce à une construction au
moyen d’un verbe à la conjugaison préfixale, suivi de la préposition fi 3 (qui introduit un
complément d’objet). La préposition fi marque l’aspect duratif et intensif du procès
exprimé par le verbe. Une étude réalisée par Manfred WOIDICH précise que l’emploi de
fi implique la prise en compte de deux remarques d’ordre lexical. Dans un premier
temps, le procès exprimé par le verbe doit être télique, c’est-à-dire que l’action doit
mener à l’achèvement du procès ; on aboutit à son résultat. L’utilisation de fi implique
également que le procès soit progressif, c’est-à-dire que le procès décrit doit être un
procès qui se développe par étapes. En effet, un procès télique peut n’être qu’un procès
ponctuel ou momentané. L’utilisation de fi comme marqueur de l’aspect intensif et
duratif du procès implique donc que ces deux conditions soient réunies : le procès doit
être télique et progressif ; les étapes mènent à l’aboutissement de l’action, à son
accomplissement (WOIDICH 2006 : 480-485).

tdīr fi fūqāεat, tëəöëəö.


elle fait PREP. bulles elle fait des bulles
« Elle est en train de faire des bulles ».

nušüub fi šāhi
je bois PREP. thé
« Je suis en train de boire du thé ».

Pour exprimer le présent général, on emploie le verbe à la conjugaison préfixale suivi


du complément ; on oppose donc, à l’exemple précédent :

nušüub šāhi
je bois thé
« Je bois (généralement) du thé ».

1.1.2.2.2. gāεəd + conjugaison préfixale + fi


Pour exprimer le duratif / intensif, une autre structure peut être employée : gāεəd, suivi
d’un verbe à la conjugaison préfixale, puis de fi. Comme le précisent ALI & MILLER
(1986 : 184), cette construction exprime la concomitance renforcée et « a toujours une
valeur durative : le procès est considéré dans son déroulement et doit avoir une certaine
ampleur […]. La construction avec fī implique toujours l’investissement personnel de
l’agent dans le procès ».

gāεdāt yεəûûdu f əl-bāzīn.


étant en train de elles pétrissent PREP. le-bazin
« Elles sont (longuement) en train de pétrir le bazin ».

3
On trouve également cette préposition sous la forme f(ə)-.

442
Mireille DAROT (1981 : 21) a également étudié cette structure syntaxique en arabe
tunisien et précise que dans ce parler « le verbe à l’aspect morphologique inaccompli
peut être précédé du participe présent "qa‫ع‬ad" (restant), l’ensemble : participe "qa‫ع‬ad"
+ verbe à l’inaccompli ayant une valeur d’inaccompli fortement actualisé. Si le verbe a
un C1 4, le C1 est précédé de la préposition fi = dans.

"qa‫ع‬ad naqra fi ʒ-ʒārida"


(restant je lis dans LE journal)
Je suis en train de lire le journal.

Cette préposition "fi" est employée devant le C1 pour l’inaccompli fortement actualisé
ou pour l’inaccompli dans le passé ».

1.1.2.3. Prospectif
David Cohen a défini cette valeur comme marquant « l’imminence ou le caractère
certain d’un procès donné métaphoriquement pour actuel » (1984 : 272). En effet, pour
les verbes de mouvement, le participe actif peut avoir cette valeur de prospectif : i.e. le
procès énoncé s’actualise dans le présent de l’énonciateur comme allant commencer à se
dérouler ; il est envisagé comme certain, faisant déjà partie de son présent.

Il faut également tenir compte de la valeur modale qu’exprime cette forme, comme le
souligne Dominique CAUBET pour l’arabe marocain (1986 : 106) : c’est une forme qui
exprime « un événement non encore commencé au moment de l’énonciation […]
considéré comme certain par l’énonciateur […]. Cette forme est donc toute désignée
pour être la marque d’une valeur où le sujet énonciateur est très fortement impliqué ; en
effet il pose comme actuel et comme certain un procès qui n’a pas encore commencé ».

āne māši l-ôōš.


moi allant vers, à-maison
« Je vais à la maison ».
« Je suis sur le point d’aller à la maison »

rākəb fōg ?
montant haut, sur
« tu montes ? »
« tu es sur le point de monter ? »

msāfəü āudwa l-bārīs ?


voyageant demain à, vers-Paris
« Tu pars demain à Paris »

Dans le parler arabe de Tripoli, plusieurs formes et procédés syntaxiques sont utilisés
pour exprimer l’inaccompli concomitant. L’actuel s’exprime au moyen de la forme
préfixale, du participe actif (verbes d’état) ou grâce au participe actif gāεəd suivi d’un
verbe à la forme préfixale. La préposition fi est employée pour exprimer l’aspect duratif
/ intensif : on emploie un verbe à la forme préfixale suivi de fi ; on l’exprime également

4
Il s’agit du complément de rang 1, dans le cadre de la théorie de l’énonciation. Plutôt que d’utiliser des
termes trop chargés sémantiquement de sujet, complément d’objet, complément d’attribution, on indique
que le positionnement de surface des termes, en les appelant complément de rang 0 (C0), complément de
rang 1 (C1) et complément de rang 2 (C2). Voir CAUBET 1993 II : 56.

443
au moyen du participe actif gāεəd, suivi d’un verbe à la forme préfixale suivi de fi. Le
participe actif des verbes de mouvement permet d’exprimer le prospectif.

1.2. Accompli
Comme pour l’inaccompli, on distingue le non concomitant et le concomitant. Dans
l’accompli non concomitant, le procès est considéré soit comme achevé, accompli à un
moment quelconque, sans référence au moment de l’énonciation (accompli général) ;
dans l’accompli concomitant, il est considéré comme résultatif, i.e. un procès dont
l’accomplissement s’implique dans le présent du locuteur (un parfait).

1.2.1. Non concomitance


On examinera l’aoriste.

1.2.1.1. Aoriste
Dans l’accompli, la non concomitance est exprimée par la conjugaison suffixale qui a
une valeur d’accompli général, d’aoriste. L’accompli marque une situation advenue et
disparue, dont on n’envisage pas le déroulement et qui est non incidente à la situation
d’énonciation. Cette valeur est très fréquente dans un contexte de passé.

kəlkəst l-a gəddām ôōš-hum.


J’ai klaxonné PREP.-le devant maison-leur
« Je (l’ai) klaxonné devant chez eux (leur maison) ».

gəûûēt îwāfr-i.
j’ai coupé ongles-mes
« J’ai coupé mes ongles ».

əl-εīmāüa hādi kānət ûəyîālīya εəskārīya wəgt-əl-ôəüb.


l’immeuble celui-ci elle a été pharmacie militaire temps-la-guerre
« Cet immeuble a été une pharmacie militaire du temps de la guerre ».

mšēna l lībya u šbəḥna


nous sommes allés à, vers Libye et nous avons vu
mādīnət-°üābləs.
ville-Tripoli
« nous sommes allés en Libye et nous avons visité la ville de Tripoli »

mšēna l ôōš-žədd-i
nous sommes allés à, vers maison-grand-père-mon
u ltəmmu xāl-i u εəmm-i.
et ils se sont réunis oncle maternel-mon et oncle paternel-mon.
« Nous sommes allés chez mon grand-père et mes oncles se sont réunis ».

Dans le parler arabe de Tripoli, l’accompli non concomitant est exprimé par la
conjugaison suffixale, qui donne une valeur d’aoriste, d’accompli général au verbe.

1.2.2. Concomitance
La conjugaison suffixale et le participe actif permettent de marquer l’accompli
concomitant, i.e. l’état résultant de l’accomplissement d’un procès.

444
1.2.2.1. Conjugaison suffixale
La conjugaison suffixale a une valeur de parfait résultatif pour certains verbes
d’entendement, de mouvement, de perception, d’ingurgitation ; il s’agit des verbes que
Marcel COHEN (1924) a qualifié de « déponents-internes » et que David COHEN (1984)
appelle « verbes endocentriques ».

šbəεt.
« Je suis rassasié ».

nôüəgt
« Je me suis brûlé ».

fhəmt-ək.
j’ai compris-te
« Je t’ai compris ».

fhəmt šīn gult l-ək ?


tu as compris quoi j’ai dit à-toi
« Tu as compris ce que je t’ai dit ? »

lībya εəžbāt-ni hālba.


La Libye elle a plus-me beaucoup
« La Libye m’a beaucoup plu ».

1.2.2.2. Participe actif


De plus, la concomitance de l’accompli s’exprime également par l’emploi du participe
actif, avec une valeur de parfait résultatif pour les verbes déponents internes /
endocentriques (dont la concomitance s’exprime aussi bien par la conjugaison suffixale
que par le participe actif).

ktəbt ər-rīsāla wəlla māzāl ? kātəb-ha !


tu as écrit la-lettre ou bien pas encore écrivant-la
« As-tu écrit la lettre ou pas encore ? Je l’ai (déjà) écrite ! »

āne wākəl.
moi mangeant
« J’ai (déjà) mangé ».

šāyəf-ni gəddām ôōš-hum.


voyant-moi devant maison-leur
« Il m’a (déjà) vu devant chez eux (leur maison) ».

n-nəεža hīya lli žāyba xərfān.


la-brebis elle REL. ayant accouché agneaux
« la brebis c’est celle qui a (déjà) eu des petits ».

1.2.2.3. Passé proche


Pour indiquer une action qui vient de se réaliser, un passé proche, on a recours à
l’utilisation de l’adverbe təwwa « maintenant », suivi d’un verbe à la conjugaison
suffixale.

445
təwwa mše.
maintenant il est parti
« Il vient de partir ».

təwwa wûəlna.
maintenant nous sommes arrivés
« Nous venons d’arriver ».

On retrouve cela en arabe tunisien, où l’accompli concomitant peut être marqué dans le
contexte par un actualisateur taw ou tawikay « juste, à l’instant même » et un verbe à la
conjugaison suffixale, comme l’a mentionné Marie-Claude SIMEONE-SENELLE (1986 :
70)

1.2.2.4. Passé immédiat


Une deuxième structure syntaxique, au moyen de l’adverbe kīf, marque le passé
immédiat. On emploie l’adverbe təwwa, suivi de kīf et du verbe à la conjugaison
suffixale. Cette tournure apporte une précision supplémentaire par rapport à la tournure
précédente que l’on peut gloser par « tout juste » en français.

təwwa kīf °ləεna.


maintenant tout juste nous sommes sortis
« Nous venons tout juste de sortir ».

təwwa kīf mšā l-hum.


maintenant tout juste il est allé vers-eux
« Il vient tout juste de partir à leur rencontre ».

təwwa kīf ügəd.


maintenant tout juste il s’est endormi
« Il vient tout juste de s’endormir ».

təwwa kīf kān hne.


maintenant tout juste il était ici
« Il était tout juste ici ».

Dans le parler arabe de Tripoli, la conjugaison suffixale et le participe actif permettent


de marquer l’accompli concomitant. La conjugaison suffixale donne aux verbes
endocentriques la valeur de parfait résultatif ; le participe actif permet également
d’exprimer le parfait résultatif. De plus, des procédés syntaxiques, au moyen de
l’adverbe de temps təwwa « maintenant », permettent d’exprimer le passé proche et le
passé immédiat : lorsque təwwa est suivi d’un verbe à la conjugaison suffixale, c’est le
passé proche qui est exprimé ; lorsque təwwa est suivi de l’adverbe kīf, suivie d’un
verbe à la forme suffixale, c’est le passé immédiat qui est exprimé.

2. Emplois modaux
On parle d’emploi modal d’une forme verbale lorsque l’état exprimé par le verbe est
dépendant d’un autre procès. La dépendance à une forme verbale peut être implicite ou
explicite ; dans ce dernier cas, elle est marquée syntaxiquement (la proposition
complétive est alors introduite par une conjonction). Les emplois modaux de la
conjugaison préfixale, puis de la conjugaison suffixale seront examinés ; le participe
actif n’a aucune valeur modale.

446
2.1. Conjugaison préfixale
Les verbes à la conjugaison préfixale apparaissent en situation de dépendance d’un
autre verbe, ou en situation de dépendance d’un auxiliaire modal, ou bien en situation
de dépendance dans des subordonnées et dans l’expression du futur.

2.1.1. Verbes en situation de dépendance d’un autre verbe


Dans une suite de procès, dans l’instance du récit, le premier procès est marqué quant à
l’aspect ; les autres procès, dépendant implicitement du premier procès, sont à la
conjugaison préfixale, qui est ici une forme neutre (non marquée du point de vue du
temps et de l’aspect).

2.1.1.1. Dépendant d’un verbe à la conjugaison préfixale

y°āwəε yəmši mεa l-quwwāt əl-musəllôa.


il accepte, il obéit il va avec les-forces les-armées
« Il accepte de partir avec les forces armées ».

tsəyyər-ni nžību duxxān ?


tu suis-me nous apportons tabac
« Tu viens avec moi chercher des cigarettes ? »

lāzəm tkūn °ənžəüt-əl-məüga bə-ôdā-k, lī’ənna


nécessaire elle est récipient-la-sauce PREP.-près de-toi parce que
məüüa məüüa təbbi tzīd.
une fois une fois tu veux tu ajoutes
« Le récipient de la sauce doit être près de toi, parce que de temps en temps tu veux (en)
ajouter ».

əl-guṣgāṣ ? əlli yəbbi yəεüəf kull šēy.


le- curieux REL. il veut il sait chaque chose
« Le curieux ? C’est celui qui veut tout savoir ».

mūš kull wāôəd yəεüəf yərfəs əl-bāzīn kwəyyəs.


NEG. chaque un il sait il fait une boule la-bouillie bien
« Ce n’est pas tout le monde qui sait bien faire la boule avec la bouillie de farine
d’orge ».

fi bəεî-ən-nās əlli mā-yəεüfū-š yərfsu.


il y a certains-les-gens REL. NEG.-ils savent- NEG. ils font une boule de bāzīn
« Il y a des gens qui ne savent pas faire une boule avec la bouillie de farine d’orge ».

əl-lībīyīn yôəbbu ygəyylu, xūûūûan f əû-ûēf.


les-Libyens ils aiment ils font la sieste surtout en l’-été
« Les Libyens aiment faire la sieste, surtout l’été ».

2.1.1.2. Dépendant d’un verbe à la conjugaison suffixale

kəlləm-ni yətmənyək εlē-ya.


il a appelé-moi il se moque de-moi
« Il m’a appelé pour se moquer de moi ».

447
2.1.2. Verbes en situation de dépendance d’un auxiliaire
Quand la forme préfixale est précédée d’un auxiliaire, elle se trouve en position de
dépendance. Il s’agit essentiellement des auxiliaires inchoatifs et duratifs.

L’auxiliaire yəbda « il commence » a le sens de « il se met à » et a la valeur d’inchoatif.

təbda tdīr hāki fi fūqāεāt.


elle commence elle fait ainsi PREP. bulles
« Elle se met comme ça à faire des bulles ».

nəbdu nhədrzu fi mwāîīε εāmma.


nous commençons nous discutons PREP. sujets généraux, communs
« nous nous mettons à parler de sujets généraux ».

nəbdu nətāəddu bəεd əû-ûle.


nous commençons nous déjeunons après la-prière
« Nous nous mettons à déjeuner après la prière ».

On trouve également l’auxiliaire yugεud « il reste », qui a le sens de « il passe du temps


à » et a la valeur de duratif.

bəεdēn nāxdu kāšīk u nugεdu nôərrku


ensuite nous prenons cuillère et nous restons nous mélangeons
« Ensuite nous prenons une cuillère et nous restons à mélanger ».

On a aussi l’auxiliaire yxəlli « il laisse » qui a le sens de « il laisse, il met, par


l’achèvement d’un procès, quelqu’un ou quelque chose dans un certain état » et « il fait
en sorte que se produise un procès, conséquence explicite ou implicite d’un autre
procès », avec la valeur de factitif.

əd-dwa lli nāxəd fī-h yxəlli fī-ya nuṛgud.


le-médicament REL. je prends PREP.-le il laisse PREP.-me je dors
« Le médicament que je suis en train de prendre me fait dormir. »

ôā-nxəllī-k tətkəlləm b əl-εəübi yā-krīstūf.


FUT.-je laisse-te tu parles en l’-arabe oh-Christophe
« Je vais te faire parler arabe, Christophe ».

2.1.3. Verbes en dépendance dans les subordonnées


On a des subordonnées sans marqueurs pour le discours rapporté, les complétives et
certaines finales. Sinon, les subordonnées sont introduites par des conjonctions de
subordination ou des circonstanciels (cf. CAUBET 1993b : 97-103).

2.1.3.1. Le discours rapporté


Dans le cas du discours rapporté, le verbe principal est le plus souvent gāl « il a dit », à
la conjugaison suffixale. Le verbe de la subordonnée est à la conjugaison préfixale,
précédé du préverbe b-, donnant au verbe de la subordonnée une valeur de futur dans le
passé. Dominique CAUBET (1993b : 97) précise qu’on a une valeur de visée :

448
gāl l-i nīzāü b-yži.
il a dit à-moi Nizar FUT-il vient
« Il m’a dit que Nizar viendrait ».

gālu l-a b-yətlāgu f °üābləs.


ils ont dit à-lui ils se rencontrent à Tripoli
« Ils lui ont dit qu’ils se rencontreraient à Tripoli ».

2.1.3.2. Les complétives


Il s’agit de complétives qui n’ont pas de conjonction de subordination. Un pronom est
suffixé au verbe de la proposition principale et annonce le sujet du verbe de la
subordonnée qui est à la conjugaison préfixale.

xəft-a y°īô.
j’ai eu peur-lui il tombe
« J’ai eu peur qu’il tombe ».

nəbbī-h yži mεā-y.


je veux-lui il vient avec-moi
« Je veux qu’il vienne avec moi ».

nəôsāb-ha tətkəlləm b sīni.


j’ai cru-elle elle parle en chinois
« J’ai cru qu’elle parlait en chinois ».

2.1.3.3. Les finales


Il s’agit d’une proposition subordonnée finale sans marqueur, dont le verbe est à la
conjugaison préfixale (voir les conjonctions de subordinations, pp. 409-424).

ε°ēt əl-məftāô l xū-y yəftəô əl-bāb u yxušš.


j’ai donné la-clé à frère-mon il ouvre la porte et il entre
« J’ai donné la clé à mon frère pour qu’il ouvre la porte et entre ».

Les autres subordonnées sont introduites par un marqueur.

2.1.3.4. Les subordonnées finales introduites par bāš « pour que »


Il s’agit de subordonnées de but, dont le verbe est à la conjugaison préfixale.

že li lībya bāš yətεəlləm l-εəübi l-lībi.


il est venu en Libye pour que il apprend l’-arabe le-libyen
« Il est venu en Libye pour apprendre l’arabe libyen ».

bāš yži li lībya lāzəm yôəûûəl vīza.


pour que il vient en Libye nécessaire il obtient visa
« Pour qu’il vienne en Libye, il faut qu’il obtienne un visa ».

2.1.3.5. Les circonstancielles introduites par lēn « jusqu’à ce que »


La subordonnée à une valeur de futur.

əl-xāl fi xēü lēn yukbuü l-a wuld-uxt-əh.


l’oncle dans bien jusqu’à ce que il grandit pour-lui fils-sœur-sa
« L’oncle maternel va bien, avant que ne grandisse son neveu ».

449
nüāži fī-h lēn yūûəl.
j’attends PREP.-lui jusqu’à ce que il arrive
« Je l’attends / je l’attendrai jusqu’à ce qu’il arrive »

2.1.3.6. Les circonstancielles introduites par ləmma « lorsque, quand »


On a une valeur de visée, avec un verbe à la conjugaison préfixale.

ləmma ôədd igūl l-ək : šəxû bûīr,


lorsque quelqu’un il dit à-toi individu qui a une bonne vue
ənta təfhəm ənn-a hūwa mā-yəšbəô-š.
toi tu comprends que-lui lui NEG.-il voit- NEG.
« Lorsque quelqu’un te dit : une personne qui a une bonne vue, toi, tu comprends que,
lui, il ne voit pas ».

2.1.3.7. Les relatives introduites par ma


Le relatif ma est utilisé essentiellement dans des emplois sans antécédent. Le verbe de la
proposition relative est à la conjugaison préfixale.

mā-εənd-i ma ngūl.
NÉG.-chez-moi REL. je dis
« Je n’ai rien à dire ».

mā-lge ma ydīr.
NÉG.-il a trouvé REL. il fait
« Il n’a rien trouvé à faire ».

2.1.3.8. Les circonstancielles introduites par les composés de ma


Il existe de nombreux composés de ma parmi les circonstanciels. Ils se construisent
avec la conjugaison préfixale nue. Voici quelques exemples :

nôu°°ū-h fi ’īna līmūni,


nous mettons-le dans récipient aluminium
bəεd-ma ykūn zēy əd-dgīg,
après que il est comme la-farine
ləmma-ma nôəddrū-h,
lorsque nous préparons-le
bāš nušübū-h.
pour que nous buvons-le
« Nous le mettons dans un récipient en aluminium, après qu’il est devenu comme la
farine, lorsque nous le préparons, pour que nous le buvions ».

bəεd-ma y°īb, ndīru εlē-h lōz mərôi.


après que il cuit nous mettons sur-lui amandes pilées
« Après qu’il a cuit, nous mettons dessus des amandes pilées ».

əwwəl-ma tkəmməl wāžbt-əl-bāzīn, tôəss üōô-ək b-tuügud.


dès que tu termines repas-le-bazin tu sens âme-ta FUT.-tu dors
« Dès que tu termines le plat de bazin, tu sens que tu as envie de dormir ».

bəεd-ma yəngām əl-bāzīn, tənžāb əl-xuḍṛa.


après que il est enlevé le-bazin elle est apportée les-fruits
« Après que le bazin est enlevé, les fruits sont apportés ».

450
bəεd-ma yənôə°° əl-lôəm,
après que il est mis la-viande
bəεd-ma yəttāklu hādūöāy-əl-lôēmāt əl-bāhyāt,
après que ils sont mangés ces-là-morceaux de viande les-bons
tôəss üōô-ək bə°n-ək mεəbbya.
tu sens âme-ton ventre-ton remplie
« Après que la viande est mise, après que ces bons morceaux de viande-là sont mangés,
tu sens que ton ventre est plein ».

2.1.3.9. Irréel du présent


L’emploi d’un verbe à la conjugaison préfixale, en situation de dépendance, dans une
subordonnée introduite par kān « si », permet d’exprimer l’irréel du présent.

kān yə°ləε əl-kəlb, təôsāb-ni bə-nxāf ?


si il sort le-chien tu penses-me FUT.-j’ai peur
« Si (jamais) le chien sortait, crois-tu que j’aurais peur ? »

2.1.4. Futurs
On étudie ici les emplois de la conjugaison préfixale en dépendance d’un verbe et des
particules marquant un futur.

2.1.4.1. Mode volitif


Ce mode indique le projet, l’intention, la volonté de faire quelque chose. Ici le procès
est considéré comme une conséquence logique, possible ou certaine. Il se construit au
moyen d’un verbe de mouvement ou d’un verbe de volonté à la conjugaison préfixale,
duquel dépend un verbe à la conjugaison préfixale non marqué du point de vue du
temps et de l’aspect.

nəmši ndīr əž-žēš.


je vais je fais l’-armée
« Je vais faire l’armée ».

āne nəbbi nsəyyəb əd-duxxān.


moi je veux je quitte le-tabac
« Moi, je veux arrêter de fumer ».

2.1.4.2. préverbe b-
A Tripoli, le futur d’intention s’exprime au moyen de la conjugaison préfixale, précédée
du préverbe b-.

wāôəd əôwəl εənd-a εəûfūr əôwəl


quelqu’un qui louche chez-lui oiseau qui louche
b-yôu°°-a f-əl-gəfû ôə°°-a bəüüa
FUT.-il met-lui dans-la-cage il a mis-le à l’extérieur
l-εəûfūr b-yuhüub xəšš əl-gəfû.
l’-oiseau FUT.-il s’enfuie il est entré la-cage
« Quelqu’un qui louche a un oiseau qui louche (strabisme convergent)
il avait l’intention de le mettre dans la cage, il l’a mis à l’extérieur
l’oiseau, en voulant s’enfuir, est entré dans la cage ».

451
kunt b-nəmši l tūnəs,
j’ai été FUT.-je vais à, vers Tunis
mšēt l māl°a.
je suis allé à, vers Malte
« J’avais l’intention d’aller à Tunis, (mais) je suis allé à Malte ».

bə-nkəssər l-ək üās-ək.


FUT.-je casse à-toi tête-ta
« J’ai envie de te casser la tête ».

b-təmši l xədma āudwa ?


FUT.-tu vas à travail demain
« Tu as l’intention d’aller travailler demain ? »

Pour le Fezzân, Dominique CAUBET (2004 : 89) précise que « le futur se forme au
moyen d’un préverbe b-/bī-, à rapprocher du verbe bª-ibí/ibbi ‘vouloir’ […]. Ce
préverbe marque aussi la volonté […]. Chez les Duwwāda […], le préverbe a aussi un
sens final ».

Dans les parlers orientaux, le préverbe b- semble avoir une « valeur durative de
l’inaccompli », indiquant « que l’action est en cours d’accomplissement » (TOMICHE
1964 : 106) 5.

2.1.4.3. Préverbe ôā-


Par ailleurs, à Tripoli, le futur proche est exprimé au moyen du préverbe ôā-.

ôā-nəstāôəš lībya.
FUT.-je me languirai de Libye
« La Libye va me manquer ».

ôā-nxəllī-k tətkəlləm b əl-εaübi yā-krīstōf.


FUT.-je laisse-te tu parles en l’-arabe oh-Christophe
« Je vais faire en sorte que tu parles arabe, Christophe ».

əmši l əû-ûəôüa ôā-təlga nās.


va à, vers le-désert FUT.-tu trouveras gens
« Va dans le désert, tu vas trouver des gens ».

2.1.4.4. Futur imminent


Enfin, une structure syntaxique permet l’expression du futur imminent. On fait suivre
l’adverbe təwwa « maintenant » d’un verbe à la conjugaison préfixale.

təwwa yži
maintenant il vient
« il vient tout de suite, il est sur le point d’arriver ».

təwwa nkəlləm nāfəε ndīr kōntākt mεā-h.


maintenant j’appelle Nafa je fais contact avec-lui
« J’appelle Nafa tout de suite ; j’entre en contact avec lui ».

5
Au sujet de la particule b-, on peut également consulter le travail de Georg KAMPFFMEYER (1900).

452
Dominique CAUBET, dans une étude sur l’arabe marocain, précise que « ce futur
marque une plus grande imminence dans le temps, plutôt qu’une plus grande
implication de l’énonciateur. Ainsi, nous voyons qu’il y a des futurs plus axés sur le
temps et d’autres sur l’implication de l’énonciateur, c’est-à-dire sur la modalité »
(CAUBET 1986 : 122).

2.2. Conjugaison suffixale


Les emplois modaux de la conjugaison suffixale sont moins nombreux que ceux de la
conjugaison préfixale. On les trouve dans des subordonnées introduites par une
conjonction de subordination, en situation de dépendance d’un auxiliaire, ainsi que pour
exprimer l’irréel du passé.

2.2.1. Subordonnée introduite par ləmma « lorsque, quand »

ləmma kunna ûāāü,


lorsque nous avons été petits
kān žədd-i yərfəs l-i,
il a été grand-père-mon il prépare la boule de bazin pour-moi
u bəεdēn bdēt nətεəlləm mənn-əh.
et ensuite j’ai commencé j’apprends de-lui
« Lorsque nous étions petits, mon grand père me préparait une boule de bazin et ensuite
je me suis mis à apprendre de lui ».

2.2.2. En situation de dépendance


On examinera les verbes en situation de dépendance d’un auxiliaire et ceux employés
dans des subordonnées avec une valeur d’irréel du passé.

2.2.2.1. En situation de dépendance d’un auxiliaire

šīnu ? təôsāb-ni wəllēt Christophe ?


quoi tu crois-me je suis devenu Christophe
nədwi zēy Christophe b əl-füənsāwi ?
je parle comme Christophe en le-français
« Quoi ? Tu me prends pour Christophe ? Je parle comme Christophe en français ? »

2.2.2.2. Irréel du passé


L’emploi d’un verbe à la conjugaison suffixale, en situation de dépendance, dans une
subordonnée introduite par kān(a) « si », permet l’expression de l’irréel dans le passé.

kāna žət-ni fuüûa, b-nəmši l füənsa.


si elle est venue-me opportunité FUT.-je vais à, vers la France
« Si j’en avais eu l’opportunité, je serais allé en France ».

3. Conclusion
Le tableau suivant récapitule le système aspectuel du parler arabe de Tripoli et rappelle
les différentes constructions qui permettent l’expression de la non concomitance et de la
concomitance dans l’inaccompli et dans l’accompli.

453
Inaccompli Accompli

Non concomitant conjugaison préfixale conjugaison suffixale

- conjugaison préfixale
- conjugaison suffixale
(verbes transitifs)
(verbes endocentriques)
- participe actif (verbes de
- participe actif (verbes
mouvements, de position
endocentriques)
Concomitant du corps et verbes d’état)
- procédés syntaxiques :
- procédés syntaxiques :
təwwa (+ kīf) + conjugaison
gāεəd + conjugaison
suffixale
préfixale (+ fi)

L’opposition inaccompli et accompli concomitants s’exprime, respectivement, à Tripoli,


au moyen de la conjugaison préfixale et de la conjugaison suffixale.

L’expression de la concomitance est plus complexe ; divers procédés sont employés en


fonction de la classe des verbes.

La conjugaison préfixale permet d’exprimer un progressif, lorsque l’acte d’énonciation


un autre événement est pris pour référence. Pour les verbes de mouvements, de position
du corps et d’état, la concomitance se marque au moyen du participe actif ; enfin, le
procédé syntaxique au moyen du participe gāεəd (qui peut être suivi de la préposition fi)
permet également d’exprimer l’inaccompli concomitant.

L’expression de l’accompli concomitant s’exprime, à Tripoli, de diverses façons, en


fonction du type de verbe : les verbes endocentriques l’expriment au moyen de la
conjugaison suffixale ou du participe actif. Un procédé syntaxique, au moyen de
l’actualisateur təwwa « maintenant » permet l’expression de l’accompli concomitant.

Pour l’expression de la non concomitance, on n’a pas besoin de distinguer les classes de
verbes ; ni pour les emplois modaux.

454
MODALITÉS

La modalité est une catégorie grammaticale qui recoupe plusieurs phénomènes dans les
langues. Pour cette raison, on parle plutôt de l’expression des modalités.

L’étude des modalités permet de poser deux types de relations : une relation de
l’énonciateur à la relation prédicative, c’est-à-dire la relation de l’énonciateur au
contenu propositionnel ; et également une relation intersubjective, c’est-à-dire la
relation entre l’énonciateur et son co-énonciateur.

Cette étude se situe dans le cadre de la théorie des opérations énonciatives élaborée par
Antoine CULIOLI. Il distingue quatre types de modalités 1, qu’il articule autour de deux
axes : les relations inter-subjectives et les problèmes de quantification et de
qualification.

La modalité 1, modalité de l’assertion, détermine, selon la relation du sujet énonciateur


à son co-énonciateur, la forme de l’énoncé : une assertion (affirmative ou négative) si
l’énonciateur valide le contenu de la relation prédicative ; une interrogation, si
l’énonciateur croit que le contenu de ce qu’il dit peut être validé, mais lorsqu’il n’est
pas en mesure d’effectuer cette validation ; une injonction, qui est « l’anti-assertion par
excellence » (CULIOLI 1984 : 81), avec des valeurs allant de l’ordre, au souhait, à la
prière adressés au co-énonciateur.

La modalité 2, modalité épistémique, intervient au niveau de la relation entre


l’énonciateur et le contenu propositionnel représenté par la relation prédicative. Cette
modalité permet d’évaluer quantitativement les chances de validation de la relation
prédicative. La quantification se manifeste dans le gradient des modalités épistémiques,
qui tournent autour du « certain affaibli » : probabilité, supputation, possibilité,
éventualité, impossibilité.

La modalité 3, modalité appréciative, est une modalité de type essentiellement


qualitatif. Il s’agit de porter une appréciation sur le contenu de la relation prédicative.
Ici, la question de la validation de la relation prédicative n’entre pas en ligne de compte.

La modalité 4, modalité inter-subjective, concerne les relations entre le sujet et le


prédicat à l’intérieur de la relation prédicative. La question de la validation de la relation
prédicative ne se pose pas non plus. On trouve les valeurs déontiques de coercition, de
causation, de devoir, d’ordre, de permission, de suggestion, mais aussi de désir, de
besoin, de capacité, de pouvoir.

Bien qu’on leur attribue des numéros, en réalité, les modalités se chevauchent et
appartiennent la plupart du temps à plusieurs types.

De plus, en travaillant sur les langues, on s’aperçoit qu’on ne peut pas considérer
chaque catégorie grammaticale séparément. A ce sujet, Antoine CULIOLI précise :
« notre travail consiste à opérer de façon transcatégorielle, une fois que nous avons
construit les catégories : c’est-à-dire qu’il ne faut pas avoir d’un côté l’aspect, de l’autre
la modalité et d’un autre encore la quantification avec des opérations complètement
1
Voir CULIOLI 1976 : 69-74 et CULIOLI 1984 : 80. Voir également BOUSCAREN & CHUQUET 1987 : 36-37
et CAUBET 1993 II : 65-66.

455
cloisonnées ; mais il faut montrer que nous avons des opérations transversales qui
établissent des relations transcatégorielles » (CULIOLI 1984 : 57).

En effet, plusieurs opérations sont intriquées : d’une part, les opérations de


détermination, sur les éléments nominaux et sur les éléments verbaux (temps et aspect)
et, d’autre part, les opérations de qualification et de quantification sur le contenu
propositionnel, tels que le caractère déterminé ou non-déterminé du complément de
rang zéro 2, les marqueurs aspectuels sur le prédicat (ou l’absence de marqueur), les
repères temporels (explicites ou implicites). On prendra cela en considération, dans ce
travail, afin de rendre correctement compte des phénomènes modaux.

Cette recherche se base sur l’étude effectuée par Dominique CAUBET (1993) pour
l’arabe marocain, qui se situe également dans le cadre des théories énonciatives,
élaborée par Antoine CULIOLI. Cela permet ainsi d’effectuer un travail de comparaison
entre deux parlers arabes, de type maghrébin.

2
Dans la théorie de l’énonciation élaborée par Antoine CULIOLI, plutôt que d’utiliser les termes trop
chargés sémantiquement de sujet, complément d’objet, complément d’attribution, etc., on n’indique que
le positionnement de surface des termes ; on les appelle complément de rang 0 (C0), complément de rang
1 (C1) et complément de rang 2 (C2), etc. A ce sujet, voir CULIOLI 1976 : 94-100 et CAUBET 1993 II : 2.

456
La modalité 1

La modalité 1, modalité de l’assertion, détermine, selon la relation du sujet énonciateur


à son co-énonciateur, la forme de l’énoncé : une assertion, une interrogation ou une
injonction. Autrement dit, l’énonciateur définit le contenu de la relation prédicative 1
comme validé, c’est-à-dire, soit vrai, soit faux. L’énonciateur utilise l’assertion
(affirmative ou négative), lorsqu’il valide le contenu de la relation prédicative ; il utilise
l’interrogation, lorsqu’il croit que le contenu de ce qu’il dit peut être validé, mais
lorsqu’il n’est pas en mesure d’effectuer cette validation (BOUSCAREN & CHUQUET
1987 : 36 et CAUBET 1993 II : 65) 2.

On traitera l’assertion, l’interrogation, l’injonction, puis les exclamatives, qui, comme le


souligne Dominique CAUBET, est une forme particulière d’assertion qui utilise des
procédés syntaxiques semblables à ceux de l’interrogation ou de l’injonction (CULIOLI
1974 : 4 et CAUBET 1993 II : 66).

I. L’assertion
L’assertion, positive ou négative, permet à l’énonciateur de se porter garant de ce qu’il
dit face au co-énonciateur. Du fait qu’il se porte garant du contenu de la relation
prédicative, il ne peut choisir qu’une seule valeur : soit la valeur positive, soit la valeur
négative.

1. L’assertion positive
L’énoncé assertif peut être un énoncé verbal ou un énoncé nominal.

1.1. Enoncé verbal


L’énoncé verbal est composé au minimum d’une forme verbale conjuguée. La forme
verbale conjuguée contient le sujet grammatical (ou C0) 3.

kəmməlt.
j’ai terminé
« J’ai terminé. »

lə-m°əü tûubb.
la-pluie elle verse
« Il pleut. »

šrēt ôōš.
j’ai acheté maison
« J’ai acheté une maison. »

1
« Une relation prédicative, de façon simplifiée, résulte de la mise en relation d’un terme (nom) et d’un
prédicat représenté généralement par un verbe : le prédicat, au sens large, désigne le verbe et ses
compléments. Prédicat au sens étroit ne désigne que le verbe, qui est le vrai relateur utilisé pour mettre en
rapport deux termes » (BOUSCAREN & CHUQUET 1987 : 9).
2
Voir CULIOLI 1976 : 69-71, CULIOLI 1984 : 81, CAUBET 1993 II : 66-103, BOUSCAREN ET CHUQUET
1987 : 36-37.
3
Dans la théorie de l’énonciation élaborée par Antoine CULIOLI, plutôt que d’utiliser les termes trop
chargés sémantiquement de sujet, complément d’objet, complément d’attribution, etc., on n’indique que
le positionnement de surface des termes ; on les appelle complément de rang 0 (C0), complément de rang
1 (C1) et complément de rang 2 (C2), etc. A ce sujet, voir CULIOLI 1976 : 94-100 et CAUBET 1993 II : 2.

457
1.2. Enoncé nominal
Les énoncés nominaux suivants sont des relations de différenciation à valeur
d’attribution composées d’un prédicat non-verbal 4, précédé d’un repère prédicatif 5 (ou
C0).

hīya šēna.
elle laide
« Elle est laide. »

humma ûāāü.
eux petits
« Ils sont petits. »

hādi mākla lībīya.


celle-ci plat libyen
« C’est un plat libyen. »

2. L’assertion négative
Lorsqu’on définit l’assertion négative, on pose le problème de la portée de la négation.
Une assertion négative est une assertion où la négation porte sur le prédicat,
représentant de toute la relation prédicative (CAUBET 1993 II : 67). Elle concerne les
énoncés verbaux et les énoncés nominaux. Aussi, du point de vue de la forme du
morphème de négation, on distingue, un morphème discontinu et un morphème continu.

2.1. L’assertion négative dans les énoncés verbaux


On utilise le morphème discontinu de négation pour les prédicats verbaux, à l’exception
des prédicats verbaux à la conjugaison préfixale préverbée en b- et en ôā-. Le
morphème discontinu de négation peut être sous la forme mā…š ou mā…šēy (CAUBET
1993 II : 67-69).

2.1.1. Le morphème réduit mā…š


Dans l’assertion directe, on trouve le morphème de négation sous la forme mā…š ; on le
trouve également dans des réponses non-polémiques à des questions.
Etymologiquement, mā…š est analysé comme une réduction de mā…šēy [ne…chose].
Ce morphème est caractéristique de la négation des prédicats verbaux. Il permet de nier
la relation prédicative en totalité.

a) Dans l’assertion directe


Le morphème discontinu de négation mā…š entoure un prédicat verbal, à la conjugaison
préfixale (non-préverbée) ou à la conjugaison suffixale.

°-°üābəlsīya mā-yətkəllmū-š zēy nās-bənāāzi.


les-Tripolitains ne-ils parlent-pas comme gens-Benghazi
« Les Tripolitains ne parlent pas comme les gens de Benghazi. »

4
« L’énoncé nominal se définit, de manière négative, par la nature de son prédicat non-verbal ; ce peut
être un substantif, un adjectif, un groupe nominal, un pronom, un groupe prépositionnel, un adverbe, un
participe ou une préposition » (CAUBET 1993 II : 21).
5
Le repère prédicatif correspond au terme de départ, ou ce à propos de quoi il est prédiqué quelque chose
(BOUSCAREN & CHUQET : 1987 : 140).

458
û-ûāāü mā-yədwū-š zēy ëëāhāt-hum.
les-petits ne-ils parlent-pas comme pères-leurs
« Les jeunes ne parlent pas comme leurs parents. »

məüüāt mā-nəfhəm-š fī-h.


fois ne-je comprends-pas dans-lui
« Parfois, je ne le comprends pas. »

hādi mā-kānət-š məwžūda f-əs-səbεīnāt.


celle-ci ne-elle a été-pas existante dans-les-soixante-dix
« Ça, ça n’existait pas dans les années soixante-dix. »

žēt li bārīs u mā-lgēt-š krīstōf.


je suis venu à Paris et ne-j’ai trouvé-pas Christophe
« Je suis venu à Paris et je n’ai pas trouvé Christophe. »

Le morphème discontinu de négation mā…š peut également entourer un syntagme


verbal, mais uniquement lorsque les compléments sont sous la forme d’un pronom
suffixe, dans des constructions transitives directes et indirectes (en incluant la
préposition demandée par le verbe) 6.

mā-žāb-hā-š.
ne-il a apporté-la-pas
« Il ne l’a pas apportée. »

mā-güət-hum-š.
ne-elle a lu-les-pas
« Elle ne les a pas lus. »

mā-gāl-hā-l-ī-š.
ne-il a dit-la-à-moi-pas
« Il ne me l’a pas dite. »

mā-ε°ēt-hū-l-ā-š.
ne-j’ai donné-le-à-lui-pas
« Je ne le lui ai pas donné. »

b) Dans une réponse non-polémique à une question


Les énoncés suivants apparaissent directement en réponse à une question, sans contexte
adversatif (CAUBET 1993 II : 67). Le morphème de négation entoure le prédicat verbal.

mā-nəmšī-š.
ne-je vais-pas
« Je n’irai pas. »

6
En effet, lorsque les compléments de rang 1 et 2 ne sont pas sous la forme pronominale, alors le
morphème discontinu n’entoure que le prédicat verbal et les compléments se trouvent après le syntagme
verbal : mā-güət-š əl-ktābāt. mā-ε°ēt-š əl-ktāb l-nāfəε.
ne-elle a lu-pas les-livres ne-j’ai donné-pas le-livre à-Nafa
« Elle n’a pas lu les livres. » « Je n’ai pas donné le livre à Nafa. »

459
mā-gāl-š āsm-əh.
ne-il a dit-pas nom-son
« Il n’a pas dit son nom. »

la, mā-fhəmt-š.
non ne-j’ai compris-pas
« Non, je n’ai pas compris. »

2.1.2. Le morphème mā…šēy


Contrairement à ce qui a été relevé pour l’arabe marocain, on ne rencontre pas, à
Tripoli, la négation mā…šēy dans des situations adversatives ou polémiques, excepté
lorsque les phénomènes intonatifs l’indiquent. A Tripoli, cette négation signifie
[pas…chose] « ne…rien » ; elle entoure un prédicat verbal et indique une quantité nulle,
comme dans les exemples suivants.

l-īyām hādi mā-nākəl šēy.


les-jours ceux-ci ne-je mange rien
« Ces jours-ci, je ne mangerai rien. »

mā-nəεüəf šēy εəl-l-fəlsfa l-yūnānīya.


ne-je sais rien sur-la-philosophie la-grecque
« Je n’y connais rien à la philosophie grecque. »

A Tripoli, la négation mā…šēy peut avoir une valeur modale et être ressentie comme
plus polémique dans certains contextes ; dans ce cas, il faut tenir compte des
phénomènes intonatifs. Mais elle garde le sens de « ne…rien », indiquant une quantité
nulle.

la, la, mā-nəbbi šēy āne !


non non ne-je veux chose moi
« Non, non, je ne veux rien du tout, moi ! »

mā-nəε°ī-h šēy !
ne-je donne-lui chose
« Je ne lui donnerai rien ! »

mā-yəfhəm šēy, lə-ômāü hāda !


ne-il comprend chose l-âne celui-ci
« Il ne comprend rien, cet idiot ! »

2.1.3. La morphème continu mūš ~ məš


On emploie le morphème continu de négation pour les énoncés verbaux dont le prédicat
verbal est à la conjugaison préfixale préverbée en b- ou ôā- ; on l’emploie également
lorsque le prédicat verbal est à la forme participiale. La forme mūš alterne avec la forme
məš. Ce morphème permet de nier le prédicat verbal, sous sa forme préverbée ou sous
sa forme participiale, représentant de toute la relation prédicative. Alors que le
morphème mā…š est caractéristique de la négation des prédicats verbaux, le morphème
məš ~ mūš porte sur toute la relation prédicative (CHAKER & CAUBET 1996 : 84-85).

460
məš bə-nžu l-bənāāzi.
nég. fut.int.-nous venons à-Tripoli
« Nous n’avons pas l’intention de venir à Benghazi. »

məš ôā-nəgdər ndīr-ha.


nég. fut.pr.je peux il fait-la
« Je ne vais pas pouvoir la faire. »

mūš ôā-ykəmməl xədmt-əh.


nég. fut.pr.il termine travail-son
« Il ne va pas terminer son travail. »

məš εārəf lə-ôkāya hādi.


nég sachant l’-histoire celle-ci
« Je ne connais pas cette histoire ».

məš gāεəd fi °üābləs.


nég. se trouvant à Tripoli
« Il n’est pas à Tripoli. »

2.2. L’assertion négative dans les énoncés nominaux


A Tripoli, dans les énoncés nominaux, le morphème de négation se présente sous trois
formes : la forme continue mūš ~ məš, ainsi que les formes discontinues mā…š et
mā…šēy.

2.2.1. Le morphème mūš ~ məš


On le trouve dans la relation de différenciation 7, qui se caractérise, en surface, par
l’absence de copule. En effet, lorsqu’une copule est nécessaire, on utilise le morphème
discontinu de négation et les pronoms affixes (cf. 2.2.2.). Ce marqueur agit comme une
véritable copule négative, puisque la présence d’un pronom copule n’est pas obligatoire.
Dans les exemples suivants, la négation porte sur toute la relation prédicative.

Dans le parler arabe de Tripoli, mūš et məš alternent. Il ne faut pas confondre le
morphème mūš avec mā-hū-š ; alors que mūš et məš permettent de nier toute la relation
prédicative, mā-hū-š est composé du morphème discontinu de négation mā…š qui
entoure le pronom affixe de troisième personne du masculin singulier -hū- et permet de
nier une relation d’identification (cf. 2.2.2.).

On trouve le morphème continu de négation pour nier une relation de différenciation,


avec la valeur de localisation 8. Il se place entre le terme repéré (C0) et le terme repère
en fonction prédicative.

7
Il s’agit d’introduire des propriétés différentielles qui qualifient des éléments nominaux, c’est-à-dire des
propriétés de non-symétrie, dans des relations de différenciation, où l’un des termes sert obligatoirement
de repère à l’autre (CAUBET 1993 II : 59). « On distingue deux séries de valeurs qui établissent une
relation de différenciation entre deux termes : la localisation et l’attribution » (CAUBET 1993 II : 32).
8
« La localisation, en plus de la différenciation, suppose une spécification de la localisation par une
locution prépositionnelle ou adverbiale, qui constitue le terme repère. Les énoncés sont composés d’un
terme repéré, en position de C0, et d’une locution prépositionnelle ou adverbiale, terme repère, qui est en
fonction prédicative » (CAUBET 1993 II : 33). Outre la non-symétrie, la localisation est non-réflexive et
transitive (CAUBET 1993 II : 60).

461
ləhžət-°üābləs məš zēy ləhžət-bənāāzi.
parler-Tripoli pas comme parler-Benghazi
« Le parler de Tripoli n’est pas comme le parler de Benghazi. »

Ou bien, il se place, dans une relation de différenciation, avec la valeur de localisation,


entre le C0 et le syntagme prépositionnel, qui est en fonction prédicative.

nāfəε məš fi °üābləs.


Nafa pas à Tripoli
« Nafa n’est pas à Tripoli. »

On le trouve également pour nier une relation de différenciation, avec la valeur


d’attribution 9. Dans la relation d’attribution, il se place devant le terme repère en
fonction prédicative.

əd-dūwa hādi məš mə¢bū°a.


la-conversation celle-ci pas bonne
« Cette conversation n’est pas bonne. »

hādi mūš šēna


celle-ci pas laide
« Celle-ci n’est pas laide. »

xū-y məš muhəndəs.


frère-mon pas ingénieur
« Mon frère n’est pas ingénieur. »

hāda məš ûəôô.


celui-ci pas vérité
« Ce n’est pas vrai. »

A Tripoli, à la différence de ce qui se passe en arabe marocain, le morphème discontinu


ne peut pas entourer le prédicat adjectival, dans des réponses polémiques. A Tripoli, on
a recours au morphème continu de négation.

- ûāôb-ək hāda āəbi !


ami-ton celui-ci imbécile
- la, mūš āəbi ! b-əl-εəks, dəki !
non, pas imbécile par-le-contraire intelligent
« - Ton pote, là, il est bête !
- Non, il n’est pas bête (du tout) ! Au contraire, il est intelligent ! »

Voici une comparaison entre l’arabe marocain et l’arabe de Tripoli (CAUBET 1993 II :
70).

9
« La valeur d’attribution se caractérise par l’emploi en fonction prédicative d’un nominal (adjectif ou
substantif), qu’il s’agisse de l’appartenance (d’un élément à une classe), ou de l’inclusion (d’une classe
dans une autre) » (CAUBET 1993 II : 40). « L’attribution a en commun avec la localisation la propriété de
non-symétrie » (CAUBET 1993 II : 60).

462
MAROC TRIPOLI
- xt-ək qbīôa ! - uxt-ək šēna !
<sœur-toi-méchante> sœur-ta vilaine
-la, mā qbīôa š / mā qbīôa šēy ! - la, məš šēna !
<non-ne-méchante-pas/chose> non, pas vilaine
« - Ta sœur est méchante ! « - Ta sœur est vilaine !
- Non, elle n’est pas méchante (du tout) ! » - Non, elle n’est pas vilaine (du tout) ! »

A Tripoli, il faut tenir compte des traits suprasegmentaux (intonation) et


paralinguistiques (gestes, mimiques) qui accompagnent cet énoncé et qui permettent de
l’identifier comme étant une réponse polémique à une question.

2.2.2. Le morphème mā…š


Pour nier une relation d’identification 10, on emploie le morphème discontinu de
négation, qui entoure les pronoms affixes de troisième personne ; la négation porte sur
le pronom-copule et permet de nier toute la relation prédicative.

SG. 3.m. mā-hū-š ~ mā-hūwā-š « Lui pas »


3.f mā-hā-š ~ mā-hīyā-š « Elle pas »
PL. 3. mā-hum-š « Eux, elles pas »

ü-üāžəl hāda mā-hūwā-š ūstād-na.


le-monsieur celui-ci ne-lui-pas professeur-notre
« Ce monsieur n’est pas notre professeur. »

ləhžət-°üābləs mā-hī-š ləhžət-bənāāzi.


parler-Benghazi ne-elle-pas parler-Benghazi
« Le parler de Tripoli n’est pas le parler de Benghazi. »

bənāāzi mā-hīyā-š εāûīmət-lībya.


Benghazi ne-elle-pas capitale-Libye
« Benghazi n’est pas la capitale de la Libye. »

nās-°üābləs mā-hum-š nās-bənāāzi.


gens-Tripoli ne-eux-pas gens-benghazi
« Les gens de Tripoli ne sont pas les gens de Benghazi. »

Le morphème mā…š entoure également certaines locutions prépositionnelles : le situatif


fi « il y a », ainsi que la préposition εənd « chez » et les pronoms qui lui sont suffixés,
lorsque cette dernière est utilisée comme prédicat de possession.

La préposition εənd « chez » est utilisée comme prédicat de possession dans une
tournure prépositionnelle locative. Cette expression de localisation est verbalisée ; il
existe un paradigme qui est utilisé comme une conjugaison, au moyen des pronoms
suffixes.

10
L’opération d’identification est marquée par une copule non-verbale. Il s’agit des pronoms personnels
indépendants de troisième personne. Le pronom-copule met en relation deux termes identifiés qui doivent
être fortement déterminés. Le pronom-copule s’accorde en genre et en nombre avec le terme repéré (C0).
La relation d’identification implique la symétrie et la réflexivité (CAUBET 1993 II : 59).

463
SG. 1. εənd-i « j’ai (chez moi) »
2. εənd-ək « tu as (chez toi) »
3.m. εənd-a ~ εənd-əh « il a (chez lui) »
3.f. εənd-ha « elle a (chez elle) »
PL. 1. εənd-na « nous avons (chez nous) »
2. εənd-kum « vous avez (chez vous) »
3. εənd-hum « ils, elles ont (chez eux, chez elles) »

mā-εənd-ī-š flūs.
ne-chez-moi-pas argent
« je n’ai pas d’argent. »

mā-εənd-hā-š wlād.
ne-chez-elle-pas enfants
« Elle n’a pas d’enfants. »

mā-εənd-ā-š səyyāüa.
ne-chez-lui-pas voiture
« Il n’a pas de voiture. »

La préposition fi « dans » est utilisée comme situatif, avec le sens de « il y a ». Elle est
utilisée comme prédicat dans des relations de différenciation, avec la valeur de
localisation.

mā-fī-š xubza.
ne-il y a-pas pain
« Il n’y a pas de pain. »

mā-fī-š fīləm kwəyyəs əl-lēla.


ne-il y a-pas film bon la-nuit
« Il n’y a pas de bon film ce soir. »

2.2.3. Le morphème mā…šēy


On emploie également le morphème mā…šēy avec le prédicat de possession εənd et le
situatif fi « il y a ». Cela permet, respectivement, d’indiquer une quantité existante nulle
et une quantité possédée nulle (cf. 2.1.2.).

mā-εənd-i šēy.
ne-chez-moi rien
« Je n’ai rien. »

mā-fi šēy.
ne-il y a rien
« Il n’y a rien. »

Conclusion
Une assertion négative est une assertion où la négation porte sur le prédicat, en tant que
représentant de toute la relation prédicative, tel que cela a été étudié jusqu’à présent,
c’est-à-dire qu’elle ne s’applique pas au repère prédicatif : « il s’agit d’une négation
exclusive, où l’on prend une valeur de la relation prédicative et on constate qu’elle ne

464
permet pas la validation de la relation » (CAUBET 1993 II : 70). Le tableau suivant
récapitule l’assertion négative.

Assertion négative
Morphèmes Enoncés à prédicat verbal Enoncés à prédicat non-verbal
mā…š entoure un prédicat verbal à la entoure les pronoms affixes : négation
conjugaison suffixale ou de la relation d’identification
préfixale non-préverbée entoure le situatif fi : négation de
l’existence mā-fī-š « il n’y a pas »
entoure la locution prépositionnelle
εənd-X : négation de la possession
mā-εənd-X-š « X n’a pas »
mā…šēy entoure un prédicat verbal à la entoure le situatif fi : indique une
conjugaison préfixale non- quantité existante nulle
préverbée : indique une entoure la locution prépositionnelle
quantité nulle εənd-X : indique une quantité possédée
nulle
mūš ~ məš précède un prédicat verbal à la nie une relation de différenciation
conjugaison préfixale (valeur de localisation et d’attribution)
préverbée en b- ou ôā-
précède un prédicat verbal à la
forme participiale

Pour permettre une comparaison avec le cas de l’assertion, on va évoquer des cas où la
négation porte sur un autre élément que le prédicat.

2.3. La négation porte sur un élément de la relation


La négation peut porter sur le repère prédicatif, sur le deuxième argument, sur les
circonstants ou sur une relation prédicative pré-assertée. Lorsque la négation porte sur
un des éléments, elle ne concerne plus la validation de la relation prédicative dans son
entier. Elle ne porte que sur le terme nié et ne valide pas la place qui lui est attribuée
(CAUBET 1993 II : 70).

2.3.1. La négation porte sur le repère prédicatif (C0)


Dans la relation d’identification, on place le morphème discontinu de négation devant le
repère prédicatif, qui est alors nié.

mūš εədnān əl-mūdīr, nāfəε təwwa.


pas Adnan le-directeur Nafa maintenant
« Ce n’est pas Adnan le directeur, c’est Nafa maintenant. »

mūš xū-h ə°-°bīb.


pas frère-son le-médecin
« Ce n’est pas son frère le médecin. »

Dans la relation d’attribution, on place également le morphème discontinu de négation


devant le repère prédicatif, mais le terme nié est focalisé, accompagné d’une relative.

465
mūš üābīε əlli f-əl-kūžīna, hāda nāfəε.
pas Rabi REL. dans-la-cuisine celui-ci nafa
« Ce n’est pas Rabi qui est dans la cuisine, c’est Nafa. »

mūš ktāb-i lli təôt əl-kursi, ktāb-xāləd.


pas livre-mon REL. sous la-chaise livre-Khaled
« Ce n’est pas mon livre qui est sous la chaise, c’est le livre de Khaled. »

Idem pour les énoncés verbaux.

mūš xāləd əlli ālə°.


pas Khaled REL. il a fauté
« Ce n’est pas le responsable qui a fauté. »

mūš uxt-i lli güət fi məûü, uxt-yūsəf.


pas soeur-ma REL. elle a étudié en Egypte sœur-Youcef
« Ce n’est pas ma soeur qui a étudié en Egypte, c’est la sœur de Youcef. »

2.3.2. La négation porte sur le sur le deuxième terme (C1)


On trouve le morphème discontinu de négation dans les relations d’identification. Le
morphème de négation se place entre les deux termes identifiés et porte sur le deuxième
terme de la relation.

mūdīr-na məš εədnān.


directeur-notre pas Adnan
« Notre directeur, ce n’est pas Adnan. »

mōlā-dukkān-ən-nəqqālāt mūš muôôi, sərdīna.


propriétaire-magasin-les-téléphones portables pas Mouhi Sardine
« Le propriétaire du magasin de téléphones portables, ce n’est pas Mouhi, c’est
Sardine. »

Dans les énoncés verbaux, on peut avoir une négation qui porte sur le C1, composé
uniquement du premier élément de négation mā. A Tripoli, on trouve mā employé seul,
dans les serments, notamment lorsqu’on emploie wullāhi « par Dieu » (CAUBET 1996 :
87).

- wēn əd-duxxān ?
où le-tabac
- la, wullāhi, mā-šrēt.
non par Dieu pas-j’ai acheté
« - Où sont les cigarettes ?
- Non, par Dieu, je n’ [en] ai pas acheté. »

Tel que le souligne Dominique CAUBET pour l’arabe marocain, « ce genre


d’énoncé n’apparaît pas dans une assertion directe, mas toujours en réponse à une
question ou à un ordre ; dans ce cas, le terme nié porte obligatoirement l’article Ø et le
morphème de négation est réduit à la première partie, mā ».

466
Cependant, contrairement à ce qui a été présenté par Dominique CAUBET pour l’arabe
marocain, on ne trouve pas, à Tripoli, cette négation dans une optique contrastive. Voici
une comparaison entre l’arabe marocain et l’arabe de Tripoli (CAUBET 1993 II : 71).

MAROC TRIPOLI
- fīn əl-qəûbōü ? - wēn əl-lôəm ?
<où?-la coriandre> où la-viande
- mā šrīt qəûbōü, šrīt əl-məεdnūs ! - mā-šrēt-š lôəm, šrēt džāž !
<ne-j’ai acheté-coriandre-j’ai acheté-le persil> ne-j’ai acheté-pas viande j’ai acheté poulet
- Où est la coriandre ? - « Où est la viande ?
- Je n’ai pas acheté de coriandre, - Je n’ai pas acheté de viande,
j’ai acheté du persil ! j’ai acheté du poulet ! »

A Tripoli, dans une optique contrastive, le morphème discontinu de négation mā…š,


employé en entier, avec les deux éléments.

2.3.3. La négation porte sur les circonstants


Lorsque la négation porte sur les circonstants, on place le morphème continu mūš ~ məš
devant le circonstant.

- ənta tətkəlləm εəl-l-εərbi b-ûēfa εāmma ?


toi tu parles sur-l’-arabe par-manière générale
- la, mūš b-ûēfa εāmma, εlē-ləhžət-°üābləs bəss.
non pas par-manière générale sur-parler-Tripoli seulement
- « Toi tu parles de l’arabe d’une manière générale ?
- Non, pas d’une manière générale, du parler de Tripoli seulement. »

2.3.4. La négation porte sur une relation prédicative pré-assertée


On emploie le morphème continu de négation, lorsque la négation porte sur tout le
contenu d’une relation prédicative pré-assertée, c’est-à-dire, prise en tant que contenu
propositionnel (CAUBET 1993 II : 72).

məš mā-yəfhəm-š. ône nətkəllmu b-surεa bəss.


pas ne-il comprend-pas nous nous parlons en-vitesse seulement
« Ce n’est pas qu’il ne comprend pas. Nous, nous parlons vite, c’est tout. »

məš εlē-xā°əü āne mā-nəfhəm-š ləhžət-°üābləs lākən əntu


pas parce-que moi ne-je comprends-pas parler-Tripoli mais vous
tətkəllmu b-surεa.
vous parlez en-vitesse
« Ce n’est pas parce que, moi, je ne comprenne pas le parler de Tripoli, mais
vous, vous parlez vite. »

Conclusion
Le tableau suivant récapitule les cas où la négation porte sur un autre élément que le
prédicat.

467
La négation porte sur un élément de la relation
Morphèmes
La négation porte sur
məš ~ mūš wullāhi, mā- mā…š
énoncés nominaux :
məš + C0 + C1
le repère prédicatif
énoncés verbaux :
(C0)
məš + C0 + əlli +
verbe
énoncés verbaux : énoncés verbaux :
le deuxième terme énoncés nominaux :
wullāhi, mā mā + verbe + š
(C1) C0 + məš + C1
+ verbe + ØC1 + ØC 1
les circonstants məš + circonstants
la relation məš + relation
prédicative prédicative pré-
pré-assertée assertée

II. L’interrogation 11
L’interrogation a pour but, dans le cas le plus simple, de faire produire une assertion au
co-énonciateur (CAUBET 1993 II : 65). En utilisant l’interrogation, l’énonciateur ne
prend pas personnellement position entre le vrai et le faux. Il propose au co-énonciateur
de trancher, de valider. L’interrogation se rapproche ainsi de la modalité 4, modalité
inter-subjective.

On étudiera les vraies questions (l’interrogation – demande de réponses), les questions


biaisées (l’interrogation – demande de confirmation et l’interrogation – réaction de
surprise).

1. Vraie question : l’interrogation – demande de réponses


On envisagera successivement la cas du pronom interrogatif šīnu, de la seule intonation,
de la particule interrogative ū et des questions équi-polentes.

1.1. Le pronom interrogatif šīnu


L’interrogation peut porter sur le repérage de la relation prédicative par rapport à la
situation d’énonciation, ou passer par le choix d’un repère prédicatif 12.

1.1.1. Le repérage direct


La question peut porter directement sur le repérage par rapport à la situation
d’énonciation, sans qu’il y ait recours à un repère prédicatif, i.e. sans qu’aucun des
termes de la relation ne soit mis en avant (cf. 1.1.2.). Pour les questions, on aboutit à
une interrogation sur le repérage qu’on peut gloser par : « Est-ce bien le cas ? »
(CAUBET 1993 II : 74).

11
Cf. CAUBET 1993 II : 72-88, notamment pour l’aspect théorique qui concerne l’interrogation, d’après
CULIOLI (1984 : 60-62).
12
« Dans le cadre de la théorie de l’énonciation, si l’on étudie les différentes étapes de la construction
d’une relation prédicative, on est amené à distinguer :
- le C0, ou sujet grammatical, trace en surface du premier argument de la relation primitive,
- du repère prédicatif (ou terme de départ), qui sert de repère à la relation primitive orientée,
- du repère constitutif qui, lui, permettra d’introduire une thématisation » (CAUBET 1993 II : 2).

468
Dans le cas du repérage direct par rapport à la situation d’énonciation, c’est le verbe qui
est en tête d’énoncé.

šīnu že nāfəε ?
quoi il est venu Nafa
« Est-ce que Nafa est venu ? »

šīnu sāεd-ək nāfəε ?


quoi il a aidé-te Nafa
« Est-ce que Nafa t’a aidé ? »

šīnu xde üābīε əs-səyyāüa ?


quoi il a pris Rabi la-voiture
« Est-ce que Rabi a pris la voiture ? »

šīnu ôəûûəl vīza ?


quoi il a obtenu visa
« Est-ce qu’il a obtenu un visa ? »

Pour les énoncés nominaux, dans le cas du repérage direct par rapport à la situation
d’énonciation, c’est le prédicat qui est en tête d’énoncé.

šīnu kbīra š-šəgga ?


quoi grande l’-appartement
« Est-ce qu’il est grand l’appartement ? »

šīnu hādu bnāwīt-ək ?


quoi celles-ci filles-tes
« Est-ce que ce sont tes filles ? »

šīnu εənd-ək xədma ?


quoi chez-toi travail
« Est-ce que tu as du travail ? »

šīnu fi mšākəl ?
quoi dans problèmes
« Est-ce qu’il y a des problèmes ? »

1.1.2. Le choix d’un repère prédicatif


La question peut porter sur le repérage d’une relation prédicative ou sur le choix du
repère prédicatif.

a) Repérage d’une relation prédicative


La question peut porter sur le repérage d’une relation prédicative, munie d’un repère
prédicatif. Si le repère prédicatif et le premier argument coïncident, on sélectionne le
groupe nominal comme terme de départ et il se place en tête de phrase, avant le
prédicat ; il sert alors de repère à la relation.

šīnu nāfəε že ?
quoi Nafa il est venu
« Est-ce que Nafa est venu ? »

469
šīnu nāfəε sāεd-ək ?
quoi Nafa il a aidé-te
« Est-ce que Nafa t’a aidé ? »

šīnu üābīε xde s-səyyāüa ?


quoi Rabi il a pris la-voiture
« Est-ce que Rabi a pris la voiture ? »

Pour les énoncés nominaux, le C0 est en tête d’énoncé et sert de repère prédicatif.

šīnu š-šəgga kbīra ?


quoi l’-appartement grande
« Est-ce que l’appartement est grand ? »

šīnu l-fuûôa ûəεba ?


quoi le-classique difficile
« Est-ce que l’arabe classique est difficile ? »

b) Choix du repère prédicatif


La question peut porter sur le choix du repère prédicatif. On a alors une focalisation
avec une construction relative. La question porte alors sur le choix du repère
constitutif 13 (CAUBET 1993 II : 75). Ici, le terme de départ, premier argument, et repère
constitutif coïncident.

šīnu üābīε əlli xde s-səyyāüa ?


quoi Rabi REL. il a pris la-voiture
« Est-ce que c’est Rabi qui a pris la voiture ? »

šīnu nāfəε əlli sāεd-ək ?


quoi Nafa REL. il a aidé-te
« Est-ce que c’est Nafa qui t’a aidé ? »

1.2. L’intonation seule


A Tripoli, l’intonation peut donner la valeur interrogative ; pour ce qui est de l’ordre des
mots, on retrouve les mêmes nuances que précédemment, en fonction des valeurs
référentielles 14 ; c’est-à-dire que l’interrogation peut porter sur le repérage de la relation
prédicative ou passer par le choix d’un repère prédicatif (CAUBET 1993 II : 75).

1.2.1. Le repérage direct de la relation prédicative


C’est le repérage de la relation qui est directement mis en question, sans passer par le
choix d’un repère prédicatif (CAUBET 1993 II : 75). Il faut tenir compte des traits
suprasegmentaux : à Tripoli, on assiste à une montée de la courbe intonative et à un
allongement vocalique important de la dernière voyelle de l’énoncé.

Il peut s’agir d’un énoncé verbal, ce qui donne en surface un ordre verbe – groupe
nominal.

13
Le choix d’un repère constitutif c’est le choix d’un « topic » ou d’un « thème ». Il doit être identifié,
connu, donc stable et fortement déterminé (CAUBET 1993 II : 58 et BOUSCAREN & CHUQUET 1987 : 143).
14
Pour une définition des valeurs référentielles, voir BOUSCAREN & CHUQUET 1987 : 145.

470
že nāfəε ? 15
il est venu Nafa
« Nafa est-il venu ? »

sāεd-ək nāfəε ?
il a aidé-te Nafa
« Nafa t’a-t-il aidé ? »

xde üābīε əs-səyyāüa ? 16


il a pris Rabi la-voiture
« Rabi a-t-il pris la voiture ? »

ôəûûəl vīza ?
il a obtenu visa
« A-t-il obtenu un visa ? »

Il peut s’agir d’un énoncé nominal.

εənd-ək xədma ?
chez-toi travail
« As-tu du travail ? »

fi mšākəl ?
dans problèmes
« Y a-t-il des problèmes ? »

š-šəgga šāīra ?
l’-appartement petite
« L’appartement est-il petit ? »

l-wəld hāda ûāôb-ək ?


le-garçon celui-ci ami-ton
« Ce garçon est-il ton ami ? »

1.2.2. Le choix du premier argument comme repère prédicatif


Lorsqu’on choisit le premier argument comme repère prédicatif, on trouve l’ordre de
surface inverse ; c’est le groupe nominal qui précède le verbe (CAUBET 1993 II : 75).

nāfəε kre šəgga ?


Nafa il a loué appartement
« Nafa a loué un appartement ? »

hīya εəüfāt-ək ?
elle elle a reconnu-te
« Elle t’a reconnu ? »

üābīε xde s-səyyāüa ?


Rabi il a pris la-voiture
« Rabi a pris la voiture ? »

15
Cet énoncé est prononcé [ʒe naˈfaːːːʕ].
16
Cet énoncé est prononcé [xde ᵲɑbɪːʕ asːɪjːaːˈᵲaːːː].

471
əl-wəld üāgəd ?
l’-enfant dormant
« L’enfant dort ? »

1.2.3. Le choix du prédicat comme repère prédicatif


Dans les énoncés nominaux, on peut assister à un renversement de l’ordre des mots : le
prédicat non-verbal est alors placé avant le C0, notamment lors des reprises (CAUBET
1993 II : 75).

- əl-fuûôa səεba !
le-classique difficile
- ûəεba l-fuûôa ?
difficile le-classqiue ?
- « L’arabe classique, c’est difficile !
- C’est difficile, l’arabe classique ? »

kbīra š-šəgga ?
grande l’-appartement
« Il est grand l’appartement ? »

1.3. La particule interrogative ū


A Tripoli, on peut employer la particule interrogative ū. Elle se place toujours en fin
d’énoncé. Ce phénomène ne semble pas exister dans les autres parlers arabes étudiés et
il n’est utilisé, à Tripoli, que dans des contextes familiers, employé entre amis, dans le
parler des jeunes 17.

Pour ce qui est de l’ordre des mots, on retrouve la distinction entre le repérage direct et
le choix du premier argument comme repère prédicatif.

1.3.1. Le repérage direct


Le repérage direct se caractérise par la position du verbe en tête. L’interrogatif ū est en
fin d’énoncé. Il n’y a pas de pause entre le groupe nominal et la particule interrogative.

ktəbt wāžb-ək ū?
tu as écrit devoir-ton INT.
« Tu as fait tes devoirs ? »

sāεd-ək nāfəε ū ?
il a aidé-te Nafa INT.
« Nafa t’a aidé ? »

1.3.2. Le choix du premier argument comme repère prédicatif


Le groupe nominal se met en tête. L’interrogatif ū est en fin d’énoncé.

əl-wəld üāgəd ū?
l’-enfant dormant INT.
« L’enfant, il dort ? »

17
L’interrogatif ū est-il à rapprocher de ’aw (‫ )أو‬ou de wəlla « ou, ou bien » ? Il ne s’agit pas ici de
questions équi-polentes.

472
On emploie aussi le ū interrogatif avec les prédicats nominaux.

kbīra š-šəgga ū?
grande l’-appartement INT.
« L’appartement, il est grand ? »

ž-žəww mlīô ū?
l’-ambiance bien INT.
« Ça va ? »

εənd-ək flūs ū?
chez-toi argent INT.
« Tu as de l’argent ? »

fi bnāwīt ū?
il y a filles INT.
« Il y a des filles ? »

1.4. La question équi-polente


Ce type d’interrogation permet de poser explicitement les deux termes de la question
(pôle positif et pôle négatif).

že εədnān wəlla la ?
il est venu Adnan ou non
« Adnan est venu ou pas ? »

1.4.1. La deuxième partie de la question


Alors que la première partie de la question pose toujours la valeur positive, l’autre partie
pose une alternative : elle est introduite par la conjonction de coordination wəlla « ou ».
Elle peut se présenter sous plusieurs formes : suivie de l’adverbe de négation la, suivie
d’un prédicat à la forme négative ou d’une locution aspectuelle ; wəlla peut également
être employé seul.

La conjonction de coordination peut être suivie de la particule de négation la.

wākəl wəlla la ?
ayant mangé ou non
« Tu as mangé ou pas ? »

gəbl-ma tži li lībya təεüəf ôāža εlē °üābləs wəlla la ?


avant-que tu viens en Libye tu sais chose sur Tripoli ou non
« Avant de venir à Tripoli, tu savais des choses sur Tripoli ou pas ? »

Elle peut être suivie d’un prédicat à la forme négative.

təfhəm ôāža wəlla mā-təfhəm-š ?


tu comprends chose ou ne-tu comprends-pas
« Tu comprends quelque chose ou tu ne comprends pas ? »

lgēt-ha wəlla mā-lgēt-hā-š ?


tu as trouvée-la ou ne-tu as trouvée-la-pas
« Tu l’as trouvée ou tu ne l’as pas trouvée ? »

473
Elle peut être suivie de la locution aspectuelle māzāl « pas encore ». L’emploi de māzāl
suppose l’emploi d’un prédicat dont la valeur aspectuelle est compatible avec la notion
de « pas encore ».

klēt wəlla māzāl ?


tu as mangé ou pas encore
« Tu as mangé ou pas encore ? »

že εədnān wəlla māzāl ?


il est venu Adnan ou pas encore
« Adnan est venu ou pas encore ? »

On trouve également wəlla tout seul, avec une intonation suspensive.

že nīzāü wəlla ?
il est venu Nizar ou bien
« Nizar est venu ou bien ? »

kəmməlt wəlla ?
tu as terminé ou bien
« Tu as terminé, ou bien ? »

1.4.2. La première partie de la question


On trouve, dans la première partie de la question – à l’exception des formes construites
avec l’interrogatif ū – toutes les formes étudiées jusqu’à présent : avec le pronom
interrogatif šīnu, au moyen de l’intonation seule, avec le verbe en tête ou postposé.

Il peut s’agir d’un repérage direct par rapport à la situation d’énonciation, dans des
énoncés à prédicats verbaux et non-verbaux.

šīnu ôəûûəl vīzt-a wəlla la ?


quoi il a obtenu visa-son ou non
« Est-ce qu’il a obtenu son visa, ou pas ? »

šīnu εənd-ək xədma wəlla la ?


quoi chez-toi travail ou non
« Est-ce que tu as du travail, ou pas ? »

že nāfəε wəlla la ?
il est venu Nafa ou pas
« Nafa est-il venu, ou pas ? »

fi mšākəl wəlla la ?
dans problèmes ou non
« Y a-t-il des problèmes, ou pas ? »

εənd-ək xədma wəlla la ?


chez-toi travail ou pas
« Est-ce que tu as un travail, ou pas ? »

Il peut s’agir d’un énoncé avec choix d’un repère prédicatif.

474
šīnu nāfəε sāεd-ək wəlla la ?
quoi Nafa il a aidé-te ou non
« Est-ce que Nafa t’a aidé, ou pas ? »

šīnu üābīε əlli xde s-səyyāüa wəlla la ?


quoi Rabi REL. il a pris la-voiture ou non
« Est-ce que c’est Rabi qui a pris la voiture, ou pas ? »

əl-wəld üāgəd wəlla la ?


l’-enfant dormant ou non
« L’enfant dort, ou pas ? »

kbīra š-šəgga wəlla la ?


grande l’-appartement ou non
« Il est grand l’appartement, ou pas ? »

La deuxième partie permet de poser explicitement l’alternative et apparaît comme un


complément presque redondant, pouvant s’appliquer à tous les types de vraies
questions.

Avec un prédicat de type nominal, on ne peut pas employer la locution aspectuelle


māzāl. On peut par contre nier le prédicat ou jouer sur les oppositions sémantiques.

kbīra wəlla la ?
grande ou non
« Elle est grande ou pas ? »

Pour la négation du prédicat, on trouve le morphème continu de négation mūš ~ məš.

kbīra wəlla məš kbīra ?


grande ou pas grande
« Elle est grande ou elle n’est pas grande ? »

On trouve le morphème discontinu de négation mā…š avec le situatif fi « il y a ».

fi xubza wəlla mā-fī-š ?


il y a pain ou ne-il y a-pas
« Il y a du pain, ou pas ? »

On le trouve également avec le prédicat de préposition εənd.

εənd-ək xədma wəlla mā-εənd-ək-š ?


chez-toi travail ou ne-chez-toi-pas
« Tu as un travail, ou pas ? »

On peut jouer sur des oppositions sémantiques et opposer des notions entre elles.

kbīra wəlla ûāīra ?


grande ou petite
« Elle est grande ou bien petite ? »

475
gûīü wəlla °wīl ?
court ou long
« Il est court ou bien long ? »

A Tripoli, contrairement à ce qui est présenté pour l’arabe marocain (CAUBET 1993 II :
79), on ne peut pas employer le participe actif et la locution aspectuelle māzāl. On ne
peut employer cette locution aspectuelle qu’avec un verbe à la conjugaison suffixale.

zəwwgu ôōš-hum wəlla māzāl ?


ils ont peint maison-leur ou non
« Ont-ils peint leur maison ou pas encore ? »

Si on emploie une forme participiale, on est obligé d’employer wəlla la.

ôōš-kum mzəwwəg wəlla la ?


maison-votre peinte ou non
« Votre maison est peinte ou pas ? »

2. Questions biaisées
« Les questions biaisées sont des questions où l’énonciateur privilégie la valeur positive
(demande de confirmation) ou la valeur négative (surprise). Les questions biaisées
supposent l’existence d’un préconstruit, en ce sens que l’énonciateur met en avant l’une
des deux valeurs » (CAUBET 1993 II : 79).

2.1. Question biaisée : l’interrogation – demande de confirmation


On peut gloser la demande de confirmation par une question positive telle que « je
pense que c’est cela, peux-tu me confirmer ce que je viens de dire ? » (CAUBET
1993 II : 80).

Pour la demande de confirmation, on ne peut pas utiliser tous les marqueurs


interrogatifs étudiés précédemment. L’intonation seule et l’emploi de ûəôô « c’est vrai »
ou ûəôô wəlla « c’est vrai ou pas », caractérisent la demande de confirmation.

2.1.1. L’intonation seule


La courbe intonative qui marque la demande de confirmation est différente de celle qui
sert à marquer les vraies questions. Il s’agit d’une montée normale, semblable à celle de
la vraie question, suivie, à la fin de l’énoncé, d’une modulation avec une amorce de
redescente (CAUBET 1993 II : 80).

L’interrogation peut porter sur le repérage de la relation prédicative par rapport à la


situation d’énonciation, ou passer par le choix d’un repère prédicatif.

a) Le repérage direct
On suppose l’existence d’un préconstruit 18 et on demande la confirmation de ce qui
était prévu.
18
« On appelle préconstruit une relation prédicative posée comme validée, par rapport à un repère-origine
externe à l’énoncé en cours, et donc pas repéré directement par rapport à l’origine énonciative de cet
énoncé. On peut aussi parler d’une relation construite antérieurement ou présentée comme « déjà
construite » sans qu’il y ait d’interprétation strictement chronologique à donner à ces termes : il s’agit
bien plutôt d’un décalage de plans entre deux séries d’opérations, la seconde intervenant sur la première.
Les exemples de préconstruction sont multiples ; nous citerons parmi eux […] la prise en charge des

476
La demande de confirmation peut être positive.

sāεd-ək nāfəε ?
il a aidé-te Nafa
« Nafa t’a-t-il bien aidé ? » (il était prévu qu’il t’aide)

ügəd əl-wəld ?
il a dormi l’-enfant
« L’enfant a-t-il bien dormi ? » (il était prévu qu’il dorme)

ktəbt wāžb-ək ?
tu as écrit devoir-ton
« Tu as bien fait tes devoirs ? » (il était prévu que tu les fasses)

On trouve également la demande de confirmation négative.

mā-xdā-š əs-səyyāüa ?
ne-il a pris-pas la-voiture
« Il n’a pas pris la voiture ? » (il était prévu qu’il ne la prenne pas)

mā-šāf-hā-š ?
ne-il a vu-la-pas
« Il ne l’a pas vue ? » (il était prévu qu’il ne la voie pas)

b) Le choix d’un repère prédicatif


Lorsque le repère prédicatif est identifié au premier argument, le groupe nominal passe
en tête et précède le verbe.

On trouve la confirmation de la valeur positive.

nāfəε sāεd-ək ?
Nafa il a aidé-te
« Nafa t’a-t-il bien aidé ? » (il était prévu qu’il t’aide)

əl-wəld ügəd ?
l’-enfant il a dormi
« L’enfant a-t-il bien dormi ? » (il était prévu qu’il dorme)

xāləd ktəb wāžb-əh ?


Khaled il a écrit devoir-son
« Khaled a-t-il bien fait ses devoirs ? » (il était prévu qu’il les fasse)

On trouve également la demande de confirmation négative.

énoncés de façon générale, c’est-à-dire tout ce qui concerne la modalité à partir du moment où il y a, du
point de vue de l’énonciateur, « représentation détachée » et où l’on sort de l’assertion pure et simple ;
mentionnons par exemple les questions demandant confirmation, les assertions « contradictoires »
(contradictoires d’un préconstruit justement), les reprises concessives et bien sûr le domaine de la
modalité appréciative dans la mesure où l’appréciation (surprise, dégoût, valuation dans un sens ou dans
l’autre) doit d’abord « mettre à distance » l’objet sur lequel elle porte » (BOUSCAREN & CHUQUET 1987 :
156-157).

477
üābīε mā-xdā-š əs-səyyāüa ?
Rabi ne-il a pris-pas la-voiture
« Rabi n’a pas pris la voiture ? » (il était prévu qu’il ne la prenne pas)

nīzāü mā-šāf-hā-š ?
Nizar ne-il a vu-la-pas
« Nizar ne l’a pas vue ? » (il était prévu qu’il ne la voie pas)

2.1.2. ûəôô (wəlla la) ?


La demande de confirmation peut être accompagnée de ûəôô « c’est vrai » ou bien ûəôô
wəlla la « c’est vrai ou pas », toujours placés en fin d’énoncé, dont les emplois sont à
rapprocher du yāk de l’arabe marocain ; en effet, ils fonctionnent comme une pseudo-
particule interrogative. On peut les rendre en français par « hein ? n’est-ce pas ». Au
niveau intonatif, on fait une pause entre l’énoncé et la pseudo-particule interrogative et
ces deux éléments portent la montée de la courbe intonative.

a) Le repérage direct
Le verbe est en tête d’énoncé. La pseudo-particule se place à la fin de l’énoncé.

On trouve la confirmation de la valeur positive.

klēt, ûəôô ?
tu as mangé vérité
« Tu as bien mangé, hein ? » (il était prévu que tu manges)

mše, ûəôô wəlla la ?


il est parti vérité ou pas
« Il est bien parti, n’est-ce pas ? » (il était prévu qu’il parte)

On trouve également la demande de confirmation négative.

mā-žā-š üəîwān, ûəôô ?


ne-il est venu-pas Redouane vérité
« Redouane n’est pas venu, n’est-ce pas ? » (il était prévu qu’il ne vienne pas)

mā-sāεd-ək-š nāfəε, ûəôô wəlla la ?


ne-il a aidé-te-pas Nafa vérité ou pas
« Nafa ne t’a pas aidé, n’est-ce pas ? » (j’avais prévu qu’il ne t’aiderait pas)

b) Le choix d’un repère prédicatif


Si le repère prédicatif est identifié au premier argument, il se place en tête d’énoncé.

On trouve la confirmation de la valeur positive.

εādəl mše l-bənāāzi, ûəôô ?


Adel il est allé à-Benghazi vérité
« Adel est bien allé à Benghazi, hein ? » (il était prévu qu’il y aille)

üəîwān tzəwwəž, ûəôô wəlla la ?


Redouane il s’est marié vérité ou pas
« Redouane s’est bien marié, n’est-ce pas ? » (il était prévu qu’il se marie)

478
On trouve également la demande de confirmation négative.

εādəl mā-mšā-š l-bənāāzi, ûəôô ?


Adel ne-il est allé-pas à-Benghazi vérité
« Adel n’est pas allé à Benghazi, n’est-ce pas ? » (il était prévu qu’il n’y aille pas)

üəîwān mā-šrā-š šəgga, ûəôô wəlla la ?


Redouane ne-il a acheté-pas appartement vérité ou pas
« Redouane n’a pas acheté d’appartement, n’est-ce pas ? »
(il était prévu qu’il n’en achète pas)

On trouve ûəôô (wəlla la) avec les énoncés nominaux. On trouve la valeur de
confirmation positive.

l-bənt hādi gnēyna, ûəôô ?


la-fille celle-ci mignonne vérité
« Elle est bien mignonne cette fille, hein ? » (je te l’avais bien dit)

ôōš-hum kbīr, ûəôô wəlla la ?


maison-leur grand vérité ou pas
« Leur maison est bien grande, n’est-ce pas ? » (je te l’avais bien dit)

On trouve aussi la valeur de confirmation négative. Dans ce cas, le morphème continu


de négation mūš ~ məš précède le terme en fonction prédicative.

l-bənt hādi məš šēna, ûəôô ?


la-fille celle-ci pas laide vérité
« Cette fille n’est pas laide, hein ? » (je te l’avais bien dit)

ôōš-hum mūš ûāīr, ûəôô wəlla la ?


maison-leur pas petit vérité ou pas
« Leur maison n’est pas petite, n’est-ce pas ? » (je te l’avais bien dit)

2.2. Question biaisée : l’interrogation – réaction de surprise


On peut gloser la question biaisée négative par « tu dis que c’est cela, je suis surpris,
peux-tu me confirmer ce que tu viens de dire ? » (CAUBET 1993 II : 84).

2.2.1. L’intonation seule


Seule l’intonation marque tous les types de question : les vraies questions et les
questions biaisées ; mais il ne s’agit pas de la même intonation. L’intonation qui marque
la surprise se caractérise par une forte montée de la courbe intonative et par un
important allongement vocalique, qui concerne la dernière voyelle de l’énoncé. La
locution adverbiale b-žəddīyāt « sérieusement, vraiment » suit parfois la question et
permet d’insister sur l’effet de surprise.

a) Le repérage direct
Le verbe est en tête d’énoncé ; il se place avant le groupe nominal.

On retrouve la valeur positive, dans des énoncés verbaux et nominaux.

479
že üābīε ?
il est venu Rabi
« Rabi est (vraiment) venu ? » (il avait dit qu’il ne viendrait pas)

ôəûûəl vīza ? b-žəddīyāt ?


il a obtenu visa avec-sérieux
« Il a obtenu un visa ? Sérieusement ? » (on n’y croyait plus)

On retrouve également la valeur négative.

mā-mšū-š l-tāžūra ?
ne-ils sont allés-pas à-Tajoura
« Ils ne sont (vraiment) pas allé à Tajoura ? »
(ils avaient dit qu’ils iraient sans faute)

mā-lgā-š lə-mkān ? b-žəddīyāt ?


ne-il a trouvé-pas l’-endroit avec-sérieux
« Il n’a pas trouvé l’endroit ? Sérieusement ? » (il avait dit qu’il connaissait)

b) Le choix d’un repère prédicatif


Le verbe se place après le groupe nominal.

On retrouve la valeur positive.

lə-m°əü tûubb ?
la-pluie elle verse
« Il pleut (vraiment) ? » (ils faisait pourtant si beau tout à l’heure)

üəîwān səbb-əh ? b-žəddīyāt ?


Redouane il a insulté-le
« Redouane l’a insulté ? Sérieusement ? »

On retrouve également la valeur négative.

lə-m°əü mā-ûubbət-š ?
la-pluie ne-elle a versé-pas
« Il n’a pas plu ? » (j’ai pourtant cru qu’il pleuvrait)

l-wəld mā-klā-š ? b-žəddīyāt ?


l’-enfant ne-il a mangé-pas avec-sérieux
« L’enfant n’a pas mangé ? Sérieusement ? »

2.2.2. Le pronom interrogatif šīnu


Le pronom interrogatif šīnu peut marquer une réaction de surprise. Il faut surtout tenir
compte des phénomènes intonatifs, qui marquent la surprise, caractérisés par une forte
montée de la courbe intonative et à un important allongement vocalique, qui concerne la
dernière voyelle. La locution adverbiale b-žəddīyāt « sérieusement, vraiment » peut être
également employée pour insister sur l’effet de surprise.

a) Le repérage direct
Le verbe est en tête d’énoncé ; il se place avant le groupe nominal.

480
On retrouve la valeur positive.

šīnu že üābīε ?
quoi il est venu Rabi
« Est-ce que Rabi est (vraiment) venu ? » (il avait dit qu’il ne viendrait pas)

šīnu ôəûûəl vīza ? b-žəddīyāt ?


quoi il a obtenu visa avec-sérieux
« Est-ce qu’il a obtenu un visa ? Sérieusement ? » (on n’y croyait plus)

On retrouve également la valeur négative.

šīnu mā-mšū-š l-tāžūra ?


quoi ne-ils sont allés-pas à-Tajoura
« Ne sont-ils pas allé à Tajoura ? » (ils avaient dit qu’ils iraient sans faute)

mā-lgā-š lə-mkān ? b-žəddīyāt ?


ne-il a trouvé-pas l’-endroit avec-sérieux
« N’a-t-il pas trouvé l’endroit ? Sérieusement ? » (il avait dit qu’il connaissait)

b) Le choix d’un repère prédicatif


Le verbe se place après le groupe nominal.

On retrouve la valeur positive.

šīnu lə-m°əü tûubb ?


quoi la-pluie elle verse
« Est-ce qu’il pleut (vraiment) ? » (ils faisait pourtant si beau tout à l’heure)

šīnu üəîwān səbb-əh ? b-žəddīyāt ?


quoi Redouane il a insulté-le
« Est-ce que Redouane l’a insulté ? Sérieusement ? »

On retrouve également la valeur négative.

šīnu lə-m°əü mā-ûubbət-š ?


quoi la-pluie ne-elle a versé-pas
« Il n’a pas plu ? » (j’ai pourtant cru qu’il pleuvrait)

šīnu l-wəld mā-klā-š ? b-žəddīyāt ?


quoi l’-enfant ne-il a mangé-pas avec-sérieux
« L’enfant n’a pas mangé ? Sérieusement ? »

Conclusion
Le tableau suivant récapitule les marqueurs qui permettent d’exprimer les différents
types de questions. L’interrogation peut porter sur le repérage de la relation prédicative
par rapport à la situation d’énonciation, sans qu’il y ait recours à un repère prédicatif ;
sinon, l’interrogation peut passer par le choix d’un repère prédicatif.

481
Questions Marqueurs
Vraies questions : pronom interrogatif šīnu
l’interrogation – demande de réponse intonation seule
particule interrogative ū
question équi-polente au moyen de wəlla
Questions biaisées : intonation seule
l’interrogation – demande de confirmation ûəôô (wəlla la)
Questions biaisées : intonation seule
l’interrogation – réaction de surprise pronom interrogatif šīnu

III. L’injonction
L’injonction est l’anti-assertion par excellence et rejoint les modalités 4 inter-
subjectives, avec des valeurs allant de l’ordre, au souhait, à la prière, adressés au co-
énonciateur (CAUBET 1993 II : 65).

Dans le parler arabe de Tripoli, l’impératif et la conjugaison préfixale nue servent à


marquer l’injonction. L’impératif n’existe que pour les deuxièmes personnes, à la forme
affirmative. La conjugaison préfixale nue peut avoir une valeur de jussif ; on l’emploie
pour les autres personnes, à la forme négative ou dans le discours indirect.

1. L’impératif, marque de l’ordre


Les verbes n’ont de formes proprement impératives qu’à la deuxième personne du
singulier et du pluriel ; pour les autres personnes, on a recours à la conjugaison
préfixale.

1.1. La 2e personne : la forme impérative


L’impératif marque essentiellement des ordres. On distingue, au singulier, le masculin
du féminin ; au pluriel, il n’existe qu’une seule forme. Au singulier, le féminin se
distingue du masculin au moyen de la désinence -i ; le pluriel se distingue du singulier
au moyen de la désinence -u.

SG. 2.m. xušš « entre »


2.f. xušši « entre »
PL. 2. xuššu « entrez »

Certaines formes isolées n’ont pas de paradigme verbal correspondant. C’est ce que
David COHEN appelle des « impératifs déictiques » (D. COHEN 1979).

SG. 2.m. hāt « donne, passe »


2.f. hāti « donne, passe »
PL. 2. hātu « donnez, passez »

SG. 2.m. bəüüa « va, pars »


2.f. bəüüi « va, pars »
PL. 2. bəüüu « allez, partez »

SG. 2.m. tεāla « viens »


2.f. tεāli « viens »
PL. 2. tεālu « venez »

482
Il faut ajouter à ces impératifs la particule d’origine déictique hā- « voici », qui a le sens
de « tiens, prends », à laquelle on suffixe les pronoms de deuxième personne.

SG. 2.m. hā-k « tiens »


2.f. hā-k ~ hā-ki « tiens » 19
PL. 2. hā-kum « tenez »

Voici quelques exemples d’impératifs. On trouvera souvent des impératifs doubles.


Au masculin :

əftəô ər-rōšən !
ouvre la-fenêtre
« Ouvre la fenêtre ! »

əšôə° sərwāl-ək !
serre pantalon-ton
« Mets-toi au travail ! »

hāt lə-mfātīô !
passe les-clés
« Passe-moi les clés ! »

bəüüa gūl l-hum !


va dis à-eux
« Va leur dire ! »

bəüüa nīk üūô-ək !


va baise âme-ton
« Va te faire foutre ! »

bəüüa îəwwəü mən ynīk-ək !


va cherche qui il baise-te
« Va chercher quelqu’un pour te niquer ! Va te faire foutre ! »

tεāla l-i bəüüa !


viens à-moi dehors
« Rejoins-moi dehors ! »

hā-k šūf !
voici-toi regarde
« Tiens, regarde ça ! »

Au féminin :

səkkri l-bāb !
ferme la-porte
« Ferme la porte ! »

19
La forme féminine hā-ki « tiens » est beaucoup plus rare et n’est employée que dans les parlers
féminins.

483
hāti lə-ktābāt !
donne les-livres
« Passe-moi les livres ! »

bəüüi žībi l-i °āst-úúēya


va apporte à-moi verre-eau
« Va me chercher un verre d’eau ! »

tεāli mεā-y !
viens avec-moi
« Viens avec moi ! »

hā-ki ôwāyž-ək !
voici-toi affaires-tes
« Tiens tes affaires ! »

Au pluriel :

žību duxxān mεā-kum !


apportez tabac avec-vous
« Apportez des cigarettes avec vous ! »

hātu t-tdākər !
Donnez les-billets
« Donnez-moi les billets ! »

bəüüu əšru xubz !


allez achetez pain
« Allez acheter du pain ! »

tεālu mεā-na !
venez avec-nous
« Venez avec nous ! »

hā-kum əd-duxxān !
tenez le-tabac
« Tenez les cigarettes »

1.2. Les autres personnes : la conjugaison préfixale


On emploie la conjugaison préfixale nue à la première personne du pluriel, à la
troisième personne du singulier et du pluriel ; on l’utilise également à la forme négative
et dans le discours indirect.

1.2.1. yəõõāh ~ həyya : la première personne du pluriel


A la première personne de pluriel, on a une valeur de suggestion ou d’exhortation,
souvent renforcée par les interjections yəõõāh 20 ou həyya, qui prennent le sens de
« Allez, allons ! ».

20
yəõõāh est ressentie comme une interjection ; c’est, à la base, une locution interjective, qui débute par
l’interjection ya « ô » qui sert à apostropher :
yā-õõāh ! yā-εədnān !
ô-Dieu ô-Adnan

484
yəõõāh nəmšu !
allez nous allons
« Allez, allons-y ! »

həyya nəbdu !
allez nous commençons
« Allez, commençons ! »

1.2.2. La troisième personne


La troisième personne est utilisée dans l’expression des souhaits, des injures, des
remerciements et des salutations ; elle est également employée dans une construction
avec le verbe xəlli, xəllu « laisse, laissez ».

a) La valeur de souhait
On trouve une valeur de souhait, de jussif, exprimée au moyen de la conjugaison
préfixale.

yux°um εle ôōš-əh !


il passe sur maison-sa
« Qu’il passe par chez lui ! »

üās-əl-εədu yətdəgdəg !
tête-l’-ennemi il sera pilé
« Que la tête de l’ennemi soit fracassée ! »

kān yəbbi nāfəε, yžī-na hūwa !


si il veut Nafa il vient-nous lui
« Si Nafa le veut, qu’il vienne chez nous ! »

kān təbbi, tsāfər b-üūô-ha !


si elle veut elle voyage avec-âme-son
« Si elle le souhaite, qu’elle voyage seule ! »

On peut faire précéder les énoncés de la formule ’in šā’a õõāh ou īnšāõõāh « si Dieu le
veut ».

īnšāõõāh yəlgā-h gəddām-əh !


Si Dieu le veut il trouve-le devant-lui
« Si Dieu le veut, [le mal qu’il t’a souhaité] lui retombera dessus ! »

īnšāõõāh yənôüəg !
Si Dieu le veut il se brûle
« Si Dieu le veut, il se brûlera ! »

Les injures et les remerciements sont aussi des formes de souhaits, dont la réalisation
dépend du sujet sous-entendu C0 : əõõāh « Dieu ».

« Ô Dieu ! » « Ô Adnan ! »

485
yεənn 21 zəkk-əúú-əh !
il maudit chatte-mère-sa
« Qu’Il maudisse la chatte de sa mère ! »

yənεən 22 bū-k !
il maudit père-ton
« Qu’Il maudisse ton père ! »

- yəüôəm wāldē-k !
il accorde sa miséricorde parents-tes
- wāldē-na u wāldē-k !
parents-nos et parents-vos
« - Qu’Il accorde sa miséricorde à tes parents !
- A nos parents et à vos parents ! »

Dans les salutations et les remerciements, le sujet əõõāh « Dieu » (repère prédicatif) peut
également être exprimé.

əõõāh ybāüək fī-k !


Dieu il bénit PREP.-te
« Que Dieu te bénisse ! »

əõõāh y°əwwəl εumü-ək !


Dieu il allonge vie-ta
« Que Dieu t’accorde une longue vie ! »

b) Le discours indirect
On utilise également la conjugaison préfixale pour le discours indirect.

gāl l-hum yəbdu.


il a dit à-eux ils commencent
« Il leur a dit de commencer. »

gāl l-kum təwwa tžu.


il a dit à-vous maintenant vous venez
« Il vous a dit de venir tout de suite. »

c) xəlli, xəllu + conjugaison préfixale


La conjugaison préfixale nue peut être accompagnée de l’impératif xəlli, xəllu « laisse,
laissez », suffixé du pronom personnel cataphorique, qui correspond à la personne
conjuguée.

xəllī-h yəmši, kān yəbbi yəmši !


laisse-le il va si il veut il va
« Qu’il y aille, s’il veut y aller ! »

xəllī-h yži hne bāš nətfāhəm mεā-h !


laisse-le il vient ici pour que je me mette d’accord avec-lui
« Qu’il vienne ici pour que je me mette d’accord avec lui ! »

21
yεənn et yənεən < yəlεən (√lεn) « il maudit », après métathèse et assimilation du /l/ par le /n/.
22
Voir la note 13.

486
xəllī-hum yxuššu !
laisse-les ils entrent
« Qu’ils entrent ! »

2. L’impératif négatif : interdiction, prière, souhait


L’impératif négatif sert à marquer une interdiction, une prière ou un optatif négatif. Il ne
peut pas être marqué par une forme impérative ; il se forme, pour toutes les personnes,
au moyen de la conjugaison préfixale et du morphème discontinu de négation mā…š.

Suivant les personnes conjuguées, on trouve différentes valeurs. A la première personne


du pluriel, on trouve une valeur d’exhortation négative.

mā-nəbdū-š !
ne-nous commençons-pas
« Ne commençons pas ! »

mā-nəmšū-š !
ne-nous allons-pas
« N’y allons pas ! » 23

A la deuxième personne, cet impératif a une valeur d’interdiction.

mā-təftəô-š əl-bāb !
ne-tu ouvres-pas la-porte
« N’ouvre pas la porte ! »

mā-təktəb-š εəl l-wəüga hādi !


ne-tu écris-pas sur la-feuille celle-ci
« N’écris pas sur cette feuille ! »

mā-təmšū-š āādi !
ne-vous allez-pas là-bas
« N’allez pas là-bas ! »

mā-tžū-š lēn ngūl l-kum tεālu !


ne-vous venez-pas jusqu’à ce que je dis à-vous venez
« Ne venez pas tant que je ne vous ai pas dit : venez ! »

mā-təmšū-š lēn ngūl l-kum bəüüa !


ne-vous allez-pas jusqu’à ce que je dis à-vous allez
« N’y allez pas tant que je ne vous ai pas dit : allez ! »

A la troisième personne, on a une valeur de souhait ou de conseil, qui peut également


devenir un ordre dans des conditions solennelles.

kān mā-yəbbī-š yəmši mā-yəmšī-š !


si ne-il veut-pas il vient ne-il vient-pas
« S’il ne veut pas y aller, qu’il n’y aille pas ! »

23
Cet énoncé à également le sens de « nous n’irons pas ! », avec une valeur de refus. Il s’agit alors d’une
assertion assortie d’une relation inter-subjective de volonté forte (cf. en I., puis en 2., puis en 2.1.1.2.).

487
kān mā-təbbī-š tži mā-tžī-š !
si ne-elle veut-pas elle vient ne-elle vient-pas
« Si elle ne veut pas venir, qu’elle ne vienne pas ! »

Contrairement à ce qu’on trouve en arabe marocain, on n’emploie pas, à Tripoli, le


morphème de négation lā…š, avec lā comme première partie de la négation discontinue
(CAUBET 1993 II : 92).

3. Les locutions modales, marques d’injonctions négatives


On étudie la valeur d’injonction négative : l’interdiction-suggestion au moyen de la
préposition bla « sans » et de la préposition composée mən-āēü « sans » et une marque
d’injonction appréciative au moyen de l’adverbe yāsər « assez ».

3.1. bla, mən-āēü, marque d’interdiction-suggestion


Il s’agit d’une locution circonstancielle construite avec les prépositions bla « sans » et
mən-āēü « sans », qu’on fait suivre d’un nom d’action. Cette construction a une valeur
d’interdiction et est à rapprocher des modalités inter-subjectives.

bla îəôk !
sans rire
« Ne ris pas ! »

bla îəüb !
sans coup
« Ne (le) frappe pas ! »

bla žəri !
sans course
« Ne cours pas ! »

bla mənyīka !
sans moquerie
« Ne te moque pas ! »

bla flāôa !
sans idiotie
« Ne sois pas idiot ! »

bla kədb !
sans mensonge
« Ne mens pas ! »

mən-āēü žəri !
sans course
« Ne cours pas ! »

mən-āēü îəôk !
sans rire
« Ne ris pas ! »

488
3.2. yāsər « assez », marque d’injonction appréciative
On marque l’injonction appréciative au moyen de l’adverbe yāsər « assez » et du nom
d’action déterminé par l’article l- « le, la, les ». L’adverbe yāsər, de part son
sémantisme, ne peut s’appliquer qu’à des prédicats qui peuvent être quantifiés ; on a
ainsi affaire à une injonction qui permet de porter une appréciation sur la quantité du
procès. Le but est de faire cesser une activité, en arguant d’un trop plein (CAUBET
1993 II : 93). Il existe deux constructions possibles.

3.2.1. yāsər-C0 + nom d’action


Il s’agit d’une construction au moyen de l’adverbe yāsər, auquel on suffixe les pronoms
de deuxième ou de troisième personne, suivi d’un nom d’action déterminé au moyen de
l’article l-. L’adverbe yāsər est ainsi muni d’un indice de personne ; en adjoignant les
pronoms suffixes, on obtient le paradigme suivant :

SG. 2. yāsr-ək « Cesse de »


3.m. yāsr-a « Qu’il cesse de »
3.f. yāsər-ha « Qu’elle cesse de »
PL. 2. yāsər-kum « Cessez de »
3. yāsər-hum « Qu’ils, qu’elles cessent de »

On obtient ainsi un prédicat conjugué ; le C0 est repris par le pronom suffixe. Ceci est
un signe de verbalisation de cette tournure adverbiale, puisqu’on a un paradigme, avec
des indices de personnes (C0).

yāsr-ək əl-ləεb !
assez-toi le-jeu
« Cesse de jouer ! »

yāsr-a û-ûyāô !
assez-lui le-cri
« Qu’il cesse de crier ! »

yāsər-ha lə-bke !
assez-elle le-pleur
« Qu’elle cesse de pleurer ! »

yāsər-kum əl-žəri !
assez-vous la-course
« Cessez de courir ! »

yāsər-hum əl-ləεb !
assez-eux le-jeu
« Qu’ils cessent de jouer ! »

Cette construction est à rapprocher de bāüāka ma / bāüāka ūma + verbe, qu’on retrouve
en arabe marocain, où apparaît un indice de personne (CAUBET 1993 II : 93-94).

3.2.2. yāsər (-C0) + mən əl- + nom d’action


Il s’agit d’une locution adverbiale, au moyen de l’adverbe yāsər, suivi de la préposition
mən ou m- « de », de l’article l- et d’un nom d’action.

489
yāsər m-əû-ûyāô !
assez de le-cri
« Assez crié ! »

yāsər m-lə-bke !
assez de-le-pleur
« Assez pleuré ! »

yāsər m-ət-təxbī° !
assez de-le-tapotement
« Assez tapoté ! »

On peut rapprocher cette construction de bāüāka mən əl-, relevée au Maroc, où


n’apparaît pas l’indice de personne (CAUBET 1993 II : 93-94).

Cependant, avec cette construction, le prédicat yāsər peut avoir un C0 suffixé : un


pronom de première personne du singulier ou du pluriel.

SG. 1. yāsər-ni « J’en ai assez »


PL. 1. yāsər-na « Nous en avons assez »

Cette construction peut avoir une valeur de cohortatif. Le pronom suffixe rappelle le
sujet énonciateur (à la première personne) et marque son engagement dans le procès,
indiquant son souhait.

yāsər-ni m-ən-nəfx !
assez-moi de-la-prise de tête
« J’en ai assez de la prise de tête ! » (que j’en sois débarrassé)

yāsər-na m-əd-dəwša !
assez-nous de-le-bruit
« Nous en avons assez du bruit ! » (que nous en soyons débarrassés)

4. Le souhait marqué par yā-üēt « ah pourvu que »


Pour exprimer le souhait, on fait précéder le verbe à la conjugaison préfixale de la
locution interjective yā-üēt « ah pourvu que », composée de l’interjection yā- « ah » et
du verbe üēt « j’ai vu » à la conjugaison suffixale.

yā-rēt yži !
ah-pourvu il vient
« Ah pourvu qu’il vienne ! »

yā-üēt yəmšu !
ah-pourvu ils partent
« Ah pourvu qu’ils partent ! »

yā-üēt mā-nətlāgā-š mεā-h !


ah-pourvu ne-je rencontre-pas avec-lui
« Ah pourvu que je ne le rencontre pas ! »

490
yā-üēt tənžəô !
ah-pourvu tu réussis
« Ah pourvu que tu réussisses ! »

On peut suffixer les pronoms cataphoriques à yā-üēt, qui rappellent le sujet du verbe. On
obtient le paradigme suivant :

SG. 1. yā-üēt-ni « ah pourvu que je »


2. yā-üēt-ək « ah pourvu que tu »
3.m. yā-üēt-a « ah pourvu qu’il »
3.f. yā-üēt-ha « ah pourvu qu’elle »
PL. 1. yā-üēt-na « ah pourvu que nous »
2. ya-üēt-kum « ah pourvu que vous »
3. yā-üēt-hum « ah pourvu qu’ils, elles »

yā-rēt-a yži !
ah-pourvu-lui il vient
« Ah pourvu qu’il vienne ! »

yā-üēt-hum yəmšu !
ah-pourvu-eux ils partent
« Ah pourvu qu’ils partent ! »

yā-üēt-ni mā-nətlāgā-š mεā-h !


ah-pourvu-moi ne-je rencontre-pas avec-lui
« Ah pourvu que je ne le rencontre pas ! »

yā-üēt-ək tənžəô !
ah-pourvu-toi tu réussis
« Ah pourvu que tu réussisses ! »

5. Le regret
Le regret s’exprime dans des subordonnées introduites par la conjonction kān « si » et
au moyen de l’adverbe āēü « seulement », avec des verbes à la conjugaison préfixale ou
à la conjugaison suffixale. La conjugaison préfixale permet d’exprimer l’irréel du
présent ; la conjugaison suffixale permet l’expression de l’irréel du passé. On trouve
également des subordonnées à prédicat non-verbal.

5.1. kān āēü + conjugaison préfixale


On exprime le regret au moyen d’un verbe à la conjugaison préfixale dans une
subordonnée introduite par la conjonction kān « si », marquant l’irréel du présent. On
fait suivre la conjonction kān de l’adverbe āēü « seulement ».

kān āēü yšūfū-h !


si seulement ils voient-le
« Si seulement ils le voyaient ! »

kān āēü nkəmməl hā-l-xədma !


si seulement je finis ce-le-travail
« Si seulement je finissait ce travail ! »

491
kān āēü nəmšī mεā-k !
si seulement je vais avec-toi
« Si seulement j’allais avec toi ! »

On peut ajouter en fin d’énoncé l’adverbe bəss « seulement », qu’on peut ici gloser par
« au moins » et qui permet d’insister sur la valeur de regret.

kān āēü nəgdər nəmši mεā-k bəss !


si seulement je peux je vais avec-toi seulement
« Si seulement je pouvais aller avec toi, au moins ! »

kān āēü ndīr šwēya flūs bəss !


si seulement je fais un peu argent seulement
« Si seulement je gagnais un peu d’argent, au moins ! »

5.2. kān āēü + prédicat non-verbal


kān āēü « si seulement » peut s’employer dans des énoncés à prédicat non-verbal, avec
le situatif fi « il y a » et le prédicat de possession εənd, avec la valeur de regret.

kān āēü fi ôōš tāni !


si seulement il y a maison deuxième
« Si seulement il y avait une autre maison ! »

kān āēü εənd-hum flūs !


si seulement chez-eux argent
« Si seulement ils avaient de l’argent ! »

5.3. xûāüa āēü kān + conjugaison suffixale


Dans une subordonnée avec la conjonction kān « si » marquant l’irréel et un verbe à la
conjugaison suffixale, on exprime le regret que quelque chose n’ait pas eu lieu.
L’énoncé débute par l’adverbe xûāüa « dommage » exprimant le regret, suivi de
l’adverbe āēr « seulement ».

xûāüa āēü kān že !


dommage seulement si il est venu
« C’est dommage, si seulement il était venu ! »
« Quel dommage qu’il ne soit pas venu ! »

xûāüa āēü kān dār flūs !


dommage seulement si il a fait argent
« C’est dommage, si seulement il avait gagné de l’argent ! »
« Quel dommage qu’il n’ait pas gagné d’argent ! »

xûāüa āēü kān tlāga mεā-h !


dommage seulement si il a rencontré avec-lui
« C’est dommage, si seulement il l’avait rencontré ! »
« Quel dommage qu’il ne l’ait pas rencontré ! »

Conclusion
Le tableau suivant récapitule les marqueurs de l’injonction et les différentes valeurs que
prennent ces formes : à Tripoli, on a recours à l’impératif et la conjugaison préfixale.

492
Injonction
Forme impérative
2e pers. : valeur d’ordre
Conjugaison préfixale
Impératif 1e pers. (həyya ~ yəõõāh + cj. préf.) : valeur de suggestion, d’exhortation
3e pers. : valeur de souhait (remerciements, injures, salutations)
3e pers. : discours indirect
3e pers. : xəlli, xəllu + pronom suffixe + conjugaison préfixale
mā + conjugaison préfixale + š
Impératif 1e pers. pl. : exhortation négative
négatif 2e pers. : interdiction
3e pers. : souhait, conseil, ordre
Injonctions négatives
bla ~ mən-āēü + nom d’action : interdiction, suggestion
yāsər-C0 + nom d’action : « cesser de »
yāsər + mən əl- + nom d’action : « assez »
Locutions
yāsər + C0 (1e pers.) + mən əl- + nom d’action : cohortatif
modales
yā-üēt (+ pr. sfx.) + conjugaison préfixale : souhait
kān āēü + conjugaison préfixale (+ bəss)
kān āēü + prédicat non-verbal (fi, εənd) : regret
xûāüa āēü kān + conjugaison préfixale

IV. Les exclamatives


Les énoncés exclamatifs ne s’opposent pas, comme l’interrogation ou l’injonction, à
l’assertion ; ce sont des formes d’assertion, qu’on associe aux modalités appréciatives.
Du point de vue syntaxique, les exclamatives revêtent souvent une forme
d’interrogation ou d’injonction, bien qu’elles aient un statut à part au sein des assertions
(CULIOLI 1974 : 4 et CAUBET 1993 II : 95).

A Tripoli, on construit les exclamatives suivant plusieurs procédés : on peut utiliser un


schéma interrogatif, l’injonctif, ou bien thématiser un terme, inverser de l’ordre des
mots. L’intonation seule peut donner la valeur exclamative ; en effet, les phénomènes
suprasegmentaux (intonations) et paralinguistiques (gestes et mimiques) sont à prendre
en compte, dans l’analyse des énoncés exclamatifs.

L’exclamation peut, d’une part, porter sur le prédicat pris comme représentant de la
relation prédicative ; elle peut, d’autre part, porter sur l’un des termes de la relation.

1. L’exclamation porte sur le prédicat


L’exclamation porte sur le prédicat au moyen de la locution adverbiale gəddāš-ma, du
pronom exclamatif ma, du déterminant exclamatif əmma, de la locution interjective ôē-
εle ; on fait également porter l’exclamation sur le prédicat dans des énoncés où le
prédicat nominal est en tête ou où l’un des termes est thématisé.

1.1. L’utilisation de la locution adverbiale gəddāš-ma


gəddāš ma « combien (que) » est utilisé avec des prédicats verbaux et des prédicats non-
verbaux.

Il peut être utilisé avec des verbes à la conjugaison préfixale.

493
gəddāš-ma yəbki hā-l-wəld !
combien-que il pleure cet-l’-enfant
« Qu’est-ce qu’il pleure cet enfant ! »

gəddāš-ma tākəl !
combien-que tu manges
« Qu’est-ce que tu manges ! »

gəddāš-ma yərôi !
combien-que il moud
« Qu’est-ce qu’il bouffe ! »

gəddāš-ma yəlwi !
combien-que il courbe
« Qu’est-ce qu’il bouffe ! »

gəddāš-ma yəkdəb ə¢-¢əëë !


combien-que il ment la-bite
« Qu’est-ce qu’il ment, putain ! »

gəddāš-ma yləbbəz !
combien-que il déconne
« Qu’est-ce qu’il déconne ! »

gəddāš-ma yxəllə° !
combien-que il mélange
« Qu’est-ce qu’il se prend la tête, qu’est-ce qu’il rumine ! »

gəddāš-ma yεəžžən !
combien-que il pétrit
« Qu’est-ce qu’il se prend la tête, qu’est-ce qu’il rumine ! »

gəddāš-ma ykəddəs !
combien-que il entasse
« Qu’est-ce qu’il entasse (comme choses inutiles) ! »
« Qu’est-ce qu’il achète (comme choses qu’il n’utilisera pas) ! »

gəddāš-ma yəžri !
combien-que il court
« Qu’est-ce qu’il conduit vite ! »

Il peut également être utilisé avec des verbes à la conjugaison suffixale.

gəddāš-ma bkət !
combien-que elle a pleuré
« Qu’est-ce qu’elle a pleuré ! »

gəddāš-ma kbəü !
combien-que il a grandi
« Qu’est-ce qu’il a grandi ! »

494
gəddāš-ma žre !
combien-que il a couru
« Qu’est-ce qu’il a conduit vite ! »

gəddāš-ma lεəb !
combien-que il a joué
« Qu’est-ce qu’il a joué ! »

On l’emploi avec des prédicats adjectivaux.

gəddāš-ma kbīr !
combien-que grand
« Qu’est-ce qu’il est grand ! »

gəddāš-ma āālya !
combien-que chère
« Qu’est-ce qu’elle est chère ! »

gəddāš-ma kəddāb !
combien-que menteur
« Qu’est-ce qu’il est menteur ! »

gəddāš-ma bεīd ôōš-hum !


combien-que loin maison-leur
« Qu’est ce que c’est loin chez eux ! »

gəddāš-ma °wīla t-trīg


combien-que longue la-route
« Qu’est-ce qu’elle est longue la route ! »

Il est également utilisé avec des prédicats non-verbaux, notamment avec le situatif fi « il
y a » et le prédicat de possession εənd.

gəddāš-ma fi-h mən dyāü !


combien-que dans-lui de pièces
« Qu’est-ce qu’il y a comme pièce ! »

gəddāš-ma fī-h mən bnāwīt !


combien-que dans-lui de filles
« Qu’est-ce qu’il y a comme filles ! »

gəddāš-ma εənd-a mən xūt !


combien-que chez-lui de frères
« Qu’est-ce qu’il a comme frères et sœurs ! »

1.2. L’utilisation du pronom exclamatif ma


Le pronom exclamatif ma « que » est utilisé avec des prédicats nominaux.

ma ôlā-h !
que beauté-sa
« Qu’est-ce qu’il est mignon ! »

495
ma ôlā-ha !
que beauté-sa
« Qu’est-ce qu’elle est mignonne ! »

ma šnā-h !
que laideur-sa
« Qu’est-ce qu’il est laid ! »

ma °wəl-ha !
que taille-sa
« Qu’est-ce qu’elle est grande ! »

ma šnā-dīn-əmm-əh !
que laideur-religion-mère-sa
« Qu’est-ce qu’il est moche ! Il est moche sa mère ! »

ma šnā-°īnt-əh !
que laideur-cul-son
« Qu’est-ce qu’il est moche ! Il est moche comme un cul ! »

ma šnā-zəkk-əmm-əh !
que laideur-cul-mère-sa
« Qu’est-ce qu’il est moche ! Il est moche comme le cul de sa mère ! »

ma kəbü-a l-ôōš !
que grandeur-sa la-maison
« Qu’est ce qu’elle est grande la maison ! »

ma ûāəü-ha š-šəgga !
que petitesse-sa l’-appartement
« Qu’est-ce qu’il est petit l’appartement ! »

ma kəbü-a hā-d-dullāb !
que grandeur-sa cette-l’-armoire
« Qu’elle est grande cette armoire ! »

ma °wəl-ha u ma əüəgg ôbāl-ha ! 24


que longueur-sa et que plus fin cordes-sa
« Qu’est-ce que c’est compliqué ! »

ma bhā-k yā-məüt-bū-y əl-əwwla ! 25


que splendeur-ta oh-femme-père-mon la-première
« Qu’est-ce que je m’en veux ! »

1.3. L’utilisation du déterminant exclamatif əmma


Le déterminant exclamatif əmma « quel(s), quelles(s) » 26 s’emploie suivi de prédicats
nominaux.

24
Mot-à-mot « Qu’elle est longue et que ses cordes sont fines ! » ; se dit de quelque chose qui est difficile
et qui prend beaucoup de temps à être résolu.
25
Mot-à-mot « Qu’est-ce que tu es splendide, oh première femme de mon père ! » ; se dit quand on
regrette d’avoir fait quelque chose sur laquelle on ne peut pas revenir.
26
A ne pas confondre avec le déterminant interrogatif āma « quel(s), quelle(s) ».

496
əmma ôōs !
quel maison
« Quelle maison ! »

əmma səyyāüa !
quelle voiture
« Quelle voiture ! »

əmma məhbūl !
quel fou
« Quel taré ! »

əmma bəkkāy !
quel pleureur
« Qu’est-ce qu’il pleure ! »

əmma bnāwīt !
quelles filles
« Quelles nanas! »

əmma sərwāl šrēt !


quel pantalon tu as acheté
« Quel pantalon tu as acheté ! »

əmma səyyāüa εənd-hum !


quelle voiture chez-eux
« Quelle voiture ils ont ! »

On trouve, associé à la valeur exclamative, l’emploi de diminutifs des substantifs qui


sont en fonction prédicative. Au niveau modal, les diminutifs permettent d’apporter une
appréciation qualitative.

əmma ôwēš !
quelle petite maison
« Quelle jolie petite maison ! »

əmma bnēya !
quelle petite fille
« Quelle jolie petite fille ! »

əmma wlēd !
quel petit garçon
« Quel joli petit garçon ! »

1.4. L’utilisation de la locution interjective ôē-εle


Il s’agit d’une locution interjective composée de l’injonction ôe « eh, allez » et de la
préposition εle « sur ». ôē-εle 27 s’emploi suivi d’un substantif et se comporte comme un
déterminant nominal, qu’on peut gloser par « quel(s), quelle(s) ». Au niveau modal, cet
exclamatif permet d’apporter une appréciation sur un prédicat ; il marque le haut degré
exclamatif. Il est employé dans des contextes familiers.

27
ôē-εle est sous la forme ôē-εəl lorsque le nom qui suit est déterminé par l’article l- « le, la, les ».

497
ôē-εəl l-ləεb !
eh-sur le-jeu
« Quel (bon) jeu ! Qu’est-ce qu’il joue bien ! »

ôē-εəl l-mākla !
eh-sur la-nourriture
« Quelle (bonne) bouffe ! Qu’est-ce que c’est bon ! »

ôē-εəl lə-bke !
eh-sur le-pleur
« Quels pleurs ! Qu’est-ce qu’il chiale ! »

ôē-εəl lə-bnāwīt !
eh-sur les-filles
« Quelles nanas ! Qu’est-ce qu’elles sont bonnes ! »

ôē-εəl l-muhəndəs !
eh-sur l’-ingénieur
« Quel (bon) ingénieur ! »

ôē-εle ləεb-nāfəε !
eh-sur jeu-Nafa
« Quel (bon) jeu (que celui de Nafa) ! Qu’est-ce que Nafa joue bien ! »

ôē-εle ômāü !
eh-sur âne
« Oh, quel idiot ! »

1.5. La mise en tête du prédicat nominal


Dans les énoncés nominaux, il y a un renversement de l’ordre des mots ; en effet,
l’ordre des mots est généralement terme repéré-prédicat-terme repère, où le terme repéré
est en position de C0, alors que le terme repère est en fonction prédicative. On tiendra
compte ici des traits suprasegmentaux (intonation) et paralinguistiques (gestes,
mimiques).

Dans les énoncés suivants, le terme en fonction prédicative est un adjectif. Il est
caractérisé, dans une relation d’attribution, par l’absence de déterminant.

gnēyən ûāôb-ək !
mignon ami-ton
« Il est mignon, ton ami ! »

gnēynīn l-ūlād !
mignons les-enfants
« Ils sont mignons les enfants ! »

wāsīm ûāôb-ək !
gracieux ami-ton
« Il est élégant ton ami ! »

Dans les énoncés suivants, avec les pronoms démonstratifs, le terme en fonction
prédicative est déterminé par l’article l- « le, la, les », dans une relation d’identification.

498
lə-ômāü hāda !
l’-âne celui-ci
« Quel idiot celui-là ! »

əl-āəbi hāda !
l’-imbécile celui-ci
« Quel imbécile, celui-là ! »

əš-šuüba hādi !
la soupe celle-ci
« Ça, c’est une soupe (délicieuse) ! »

əl-gəhwa hādi !
le-café celle-ci
« Ça, c’est un café (délicieux) ! »

1.6. La thématisation de l’un des termes


Thématiser un terme signifie qu’on le choisit comme terme de départ dans la
construction de la relation prédicative, i.e. on choisit un repère constitutif, qui est repéré
par rapport aux coordonnées énonciatives, identifié, connu, donc fortement identifié, qui
sert de repère à la relation prédicative constituée (BOUSCAREN & CHUQUET 1987 : 12
et CAUBET 1993 II : 101).

La thématisation peut être réduite à la mise en tête du terme thématisé. Cependant, si le


repère constitutif est différent du repère prédicatif, on a recours à une focalisation avec
une relative.

1.6.1. Le repère constitutif est identifié au repère prédicatif


Dans le cas où le repère constitutif est identifié au repère prédicatif, la thématisation est
caractérisée par la mise en tête du terme thématisé, suivi d’une pause.

əl-wəld hāda, εənd-a flūs !


le-garçon celui-ci chez-lui argent
« Ce garçon, il en a de l’argent ! »

əl-ôōš hāda, fī-h dyāü !


la-maison celui-ci dans-lui pièces
« Cette maison, elle en a des pièces ! »

On peut cumuler thématisation et particule exclamative.

wəld-uxt-i, gəddāš-ma yəžri !


fils-soeur-ma combien il court
« Mon neveu, qu’est-ce qu’il court vite ! »

əl-ôōš hāda, gəddāš-ma fī-h mən dyāü !


la-maison celui-ci combien-que dans-lui de pièces
« Cette maison, qu’est-ce qu’elle a comme pièces ! »

əl-wəld hāda, gəddāš-ma εənd-a mən xūt !


le-garçon celui-ci combien-que chez-lui de frères
« Ce garçon, qu’est-ce qu’il a comme frères ! »

499
1.6.2. Le repère constitutif est différent du repère prédicatif
Si le repère constitutif est différent du repère prédicatif, on a recours à une focalisation
avec une relative. Dans ce cas, on ne marque pas de pause après le repère constitutif. Le
repère constitutif est déterminé.

hā-l-ôōš əlli εənd-hum !


cette-la-maison REL. chez-eux
« Cette maison qu’ils ont ! »

s-səyyāüa lli εənd-ha !


la-voiture REL. chez-elle
« La voiture qu’elle a ! »

s-sərwāl əlli šre !


le-pantalon REL. il a acheté
« Le pantalon qu’il a acheté ! »

On peut également cumuler thématisation et particule exclamative. Cependant, dans ce


type de construction, le repère constitutif n’est pas déterminé.

əmma ôōš əlli εənd-hum !


quelle maison REL. chez-eux
« Quelle maison ils ont ! »

əmma səyyāüa lli εənd-ha !


quelle voiture REL. chez-elle
« Quelle voiture elle a ! »

əmma sərwāl əlli šre !


quel pantalon REL. il a acheté
« Quel pantalon il a acheté ! »

2. L’exclamation porte sur l’un des termes de la relation


L’exclamation peut porter sur l’un des termes de la relation prédicative. Ici, la modalité
assertive et la modalité appréciative se rejoignent ; en effet, l’exclamation porte sur
l’élément qui exprime une appréciation sur l’un des termes de la relation.

Contrairement à ce qu’on trouve en arabe marocain, où l’exclamation peut porter sur la


détermination du C1, i.e. sur les quantificateurs wāôəd-əl- et ši- (CAUBET 1993 II : 102)
– qui sont également porteurs d’une modalité appréciative (CAUBET 1993 II : 121-
123) – à Tripoli, l’exclamation porte sur les marqueurs appréciatifs qui permettent de
prédiquer une propriété.

Au niveau modal, il faut tenir compte des phénomènes suprasegmentaux (forte


intonation) et paralinguistiques (gestes et mimiques) qui accompagnent ces énoncés et
qui marquent le haut degré exclamatif.

2.1. L’exclamation porte sur le terme en fonction prédicative


Dans une relation de différenciation à valeur d’attribution, on porte une appréciation sur
le terme en fonction prédicative, au moyen d’un nominal (adjectif ou substantif) ou

500
d’une locution adjectivale, qu’on place juste après lui et sur lequel porte l’accentuation
de l’énoncé.

hāda ôōš ûəôô !


celui-ci maison vérité
« C’est une très belle maison ! »

hādi bənt ûəôô !


celle-ci fille vérité
« C’est une vraie meuf ! »
« C’est une très jolie fille ! »

hāda xəyyā° tənnān !


celui-ci couturier louable
« C’est un couturier louable ! »
« C’est un très bon couturier ! »

hāda xəyyā° s°a !


celui-ci couturier professionnel
« C’est un couturier professionnel ! »
« C’est un très bon couturier ! »

hāda muhəndəs mlāεbi !


celui-ci ingénieur virtuose
« C’est un ingénieur virtuose ! »
« C’est un très bon ingénieur ! »

hādi mākla hbāl !


celle-ci nourriture folie
« Cette bouffe, trop bon, un truc de fous ! »
« C’est de la très bonne nourriture ! »

hāda ûəyyāî mlīô !


celui-ci chasseur bon
« C’est un très bon chasseur ! »

hāda kəddāb kbīr !


celui-ci menteur grand
« C’est un de ces menteurs ! »
« C’est un gros menteur ! »

On peut porter une appréciation au moyen d’une locution adjectivale.

hāda muhəndəs εle wûūl !


celui-ci ingénieur sur arrivage
« C’est un ingénieur en terre ferme ! »
« C’est un très bon ingénieur ! »

501
Dans un niveau de langue plus familier, on emploie la locution adjectivale wəld-əl-
gəôba « fils de pute », avec une valeur positive ou négative, selon le contexte 28.

hāda εəwwām wəld-əl-gəôba !


celui-ci nageur fils-la-pute
« C’est un putain de nageur ! »
« C’est un super bon nageur ! »

hāda kəddāb wəld-əl-gəôba !


celui-ci menteur fils-la-pute
« C’est un putain de menteur de merde ! »

Aussi, on peut utiliser la locution adverbiale familière suivante, avec une connotation
obscène, placée juste après le terme en fonction prédicative, qui permet d’insister sur la
valeur de haut degré.

hāda kəddāb kbīr l-ə¢-zəëë !


celui-ci menteur grand pour-la-bite
« C’est un de ces putain de menteurs ! »
« C’est un sale menteur de merde ! »

2.2. L’appréciation porte sur le C1


On porte une appréciation sur le C1 au moyen de nominaux (substantifs et adjectifs), de
locutions adjectivales, qu’on place juste après lui, en fin d’énoncé. On fait une pause
entre le C1. C’est sur le nominal en fin d’énoncé que porte l’exclamation.

klēt xubza, tāmām !


j’ai mangé pain excellent
« J’ai mangé un de ces pains, excellent ! »

klēt xubza, ûəôô !


j’ai mangé pain vérité
« J’ai mangé un de ces pains, un vrai pain ! »

küēna ôōš, ûəôô !


nous avons loué maison vérité
« Nous avons loué une de ces maisons, trop bien ! »

klēt xubza, mīya-mīya !


j’ai mangé pain cent-cent
« J’ai mangé un de ces pains, cent-pour-cent ! »

küēna ôōš, š-šēy li-llāh !


nous avons loué maison la-chose pour-Dieu
« Nous avons loué une de ces maisons, paradisiaque ! »

28
On peut comparer ces emplois de wəld-əl-gəôba, à ceux employés en espagnol, où on trouve aussi une
valeur positive de puta madre « sa mère la pute » (avec le sens de « super bien ») et une valeur négative
hijo de puta « fils de pute » (avec le sens de « quelqu’un de pas bien »).

502
šrēt bədla, šēy εžəb !
j’ai acheté costume, chose merveille
« J’ai acheté un de ces costumes, une merveille ! »

klēt xubza, məš εādīya !


j’ai mangé pain pas normal
« J’ai mangé un de ces pains, spécial ! »

On peut également porter une appréciation en employant des complétives, sur lesquelles
porte l’exclamation. Ces complétives ne sont pas introduites par un marqueur. On fait
une pause entre le C1 et la complétive.

šuft səyyāüa, tgəôôəb !


j’ai vu voiture elle fait la pute
« J’ai vu une de ces putains de voitures, trop belle ! »

šuft səyyāüa, thəbbəl !


j’ai vu voiture elle a fait perdre la raison
« J’ai vu une de ces voitures, elle m’a fait perdre la raison ! »

šuft səyyāüa, tžənnən !


j’ai vu voiture elle rend fou
« J’ai vu une de ces voitures, elle m’a rendu fou ! »

šuft səyyāüa, tnīk əž-žədd !


j’ai vu voiture elle nique le-grand-père
« J’ai vu une de voitures, elle nique sa mère ! »

šuft səyyāüa, tnīk lə-εgəl !


j’ai vu voiture elle nique la-raison
« J’ai vu une de ces voitures, elle m’a niqué le cerveau ! »

klēt xubza, təstāhəl fumm-uk !


j’ai mangé pain elle mérite bouche-ta
« J’ai mangé un de ces pains, tu en aurais eu l’eau à la bouche ! »

Conclusion

Les tableaux suivants récapitulent les différentes constructions des exclamatives, dans le
parler arabe de Tripoli, en distinguant les cas où l’exclamation porte sur le prédicat pris
comme représentant de toute la relation prédicative (tableau 1) et ceux où l’exclamation
porte sur un des termes de la relation (tableau 2).

503
L’exclamation porte sur le prédicat
+ conjugaison suffixale
+ conjugaison préfixale
Locution adverbiale gəddāš-ma
+ prédicat adjectival
+ prédicat non-verbal
Pronom exclamatif ma + prédicat nominal
Déterminant exclamatif əmma + prédicat substantival
Locution interjective ôē-εle + prédicat substantival
Mise en tête du prédicat nominal
Inversion de l’ordre des mots
Le C0 est en fonction prédicative
Thématisation 1 : Mise en tête du terme thématisé
le repère constitutif = le repère prédicatif C0 + pause (+ exclamatif) + prédicat + C1
Thématisation 2 : Focalisation + relative
le repère constitutif ≠ le repère prédicatif (exclamatif +) C1 + əlli + C0-prédicat

L’exclamation porte sur un des termes de la relation


Terme en fonction prédicative
Sur le terme en fonction prédicative
+ nominal ou locution adjectivale
C1 + pause + nominal, locution adjectivale
Sur le C1
C1 + pause + complétive

504
La modalité 2

La modalité 2, modalité épistémique, intervient au niveau de la relation entre


l’énonciateur et le contenu propositionnel représenté par la relation prédicative. Elle
permet d’évaluer quantitativement les chances de validation de la relation prédicative.
La quantification se manifeste dans le gradient des modalités épistémiques, qui tournent
autour du « certain affaibli » (CAUBET 1993 II : 65). Cela revient à construire des
degrés sur une échelle allant du vrai au faux, i.e. des degrés décroissant de probabilité
sur un gradient, tels que la quasi-certitude ou supputation, le probable, le possible,
l’éventuel, l’équi-probable, le certain que faux, le probable que faux, l’impossible. Cela
permet à l’énonciateur, qui ne peut pas se porter garant du contenu de la relation
prédicative, de moduler le degré d’approximation qu’il souhaite donner. Avec cette
modalité, on ne peut dire, à propos d’un événement énoncé, ni qu’il est vrai, ni qu’il est
faux, mais qu’il pourra se produire, qu’il est probable qu’il s’est produit 1.

Cette analyse se base sur l’étude effectuée par Dominique CAUBET pour l’arabe
marocain et se situe dans le cadre de la théorie des opérations énonciatives, élaborée par
Antoine CULIOLI. Dominique CAUBET a montré que la modalité épistémique, en arabe
marocain, est fortement grammaticalisée et qu’elle est rendue par des verbes de
modalité qui n’apparaissent qu’à une forme impersonnelle de troisième personne de la
conjugaison préfixale ou suffixale et par des adverbes. L’étude entreprise ici permettra
de montrer par quels moyens s’exprime, à Tripoli, la modalité épistémique, si elle est,
comme au Maroc, très grammaticalisée, ou plutôt lexicalisée.

Les valeurs modales étudiées sont : la conviction, la supputation ou quasi-certitude, la


probabilité logique, le possible (l’envisageable et le faisable), l’éventuel, le doute et
l’impossible.

1. La conviction
Dans le parler arabe de Tripoli, la conviction est marquée par des verbes ou des noms
verbaux qui, lexicalement, ont un sens modal :

– ôsəb « il a cru, considéré, pensé (que) », yəôsāb « il croit, il considère, il pense


(que) » ;
– mət’əkkəd « sûr, convaincu, persuadé (que) » ;
– εtəqəd « il a considéré, il a été persuadé, il a estimé (que) », yəεtəqəd « il considère, il
est persuadé, il estime (que) » 2.

Dans le cadre de la valeur de conviction, le verbe ôsəb (yəôsāb) et le verbe εtəqəd


(yəεtəqəd) se conjuguent à toutes les personnes et sont employés à la conjugaison
suffixale et à la conjugaison préfixale, alors que mət’əkkəd est toujours sous la forme
participiale, qui s’accorde en genre et en nombre (au féminin singulier mət’əkkda, au
masculin pluriel mət’əkkdīn, au féminin pluriel mət’əkkdāt).

1
Voir CULIOLI 1976 : 71-72, CULIOLI 1984 : 82-85, CAUBET 1993 II : 103-117, VANHOVE 1993 : 285-
312, VION 2001 : 215, BOUSCAREN et CHUQUET 1987 : 37.
2
Cette liste et celles qui suivront ne sont pas exhaustives ; il se peut, en effet, qu’il existe, dans le parler
arabe de Tripoli, d’autres marqueurs, qui ne sont pas apparus dans le corpus, ni pendant les enquêtes de
terrain, auprès des informateurs.

505
Les propositions subordonnées peuvent être introduites par la conjonction de
subordination ’ənn « que » à laquelle on suffixe un pronom cataphorique qui annonce
les sujets de ces dernières.

1.1. Constructions avec les participes actifs


Dans les énoncés suivants, le participe actif marque le concomitant avec le moment
d’énonciation.

ənti mət’əkkda ’ənn-hum məš žāyīn.


toi convaincue que-eux nég.-venants
« Tu es convaincue qu’ils ne viennent pas. »

ənta mət’əkkəd ’ənn-a üāyəô.


toi convaincu que-lui perdu
« Tu es convaincu qu’il est perdu. »

1.2. Constructions avec les verbes conjugués


On trouve les deux conjugaisons : la conjugaison suffixale et la conjugaison préfixale.

1.2.1. La conjugaison suffixale


Dans les énoncés suivants, les verbes des propositions complétives sont à la conjugaison
suffixale. La conjugaison suffixale a une valeur d’accompli général, d’aoriste :

āne mət’əkkəd ’ənn-i nsēt əl-flūs f-əl-fundug.


moi convaincu que-moi j’ai oublié l’-argent à-l’-hôtel
« Je suis convaincu que j’ai oublié l’argent à l’hôtel. »

ône mət’əkkdīn ’ənn-na šufnā-h əî-îuhü.


nous convaincus que-nous nous avons vu-le l’-après-midi
« Nous sommes convaincus que nous l’avons vu cet après-midi. »

āne mət’əkkəd ’ənn-a üāô.


moi convaincu que-lui il s’est perdu
« Je suis convaincu qu’il s’est perdu. »

mā-εtəqədt-š xū-y üəwwəô l-əl-ôōš.


nég.-j’ai cru-nég. frère-mon il est retourné à-la-maison
« Je ne crois pas que mon frère soit retourné à la maison. »

1.2.2. La conjugaison préfixale


1.2.2.1. La conjugaison préfixale nue
La conjugaison préfixale nue est employée en contexte de futur. Le contexte ou un
adverbe de temps permettent de situer l’action dans le futur.

hūwa mət’əkkəd ’ənn-hum mā-yžū-š.


lui convaincu que-eux nég.-ils viendront-nég.
« Il est convaincu qu’ils ne viendront pas. »

āne mət’əkkəd ’ənn-a āudwa mā-yžī-š.


moi convaincu que-lui demain nég.-il viendra-nég.
« Je suis convaincu qu’il ne viendra pas demain. »

506
mā-εtəqədt-š āudwa nži l-əl-ôəfla.
nég.-j’ai cru-nég. demain je viens à-la-fête
« Je ne crois pas que je viendrai demain à la fête. »

āne nəôsāb-a mā-yənžəô-š lākən nžəô.


moi je crois-lui nég.-il réussit-nég. mais il a réussi.
« Moi, je croyais qu’il ne réussirait pas mais il a réussi. »

1.2.2.2. Avec le préverbe ôā-


Le préverbe ôā- permet d’exprimer un futur proche.

ône mət’əkkdīn ’ənn-kum ôā-tənžôu.


nous convaincus que-vous fut.pr.-vous réussissez
« Nous sommes convaincus que vous allez réussir. »

humma mət’əkkdāt ’ənn-ha ôā-tži.


elles convaincues que-elle fut.pr.-elle veint
« Elles sont convaincues qu’elle va venir. »

āne mət’əkkəd ’ənn-hum məš ôā-yžu.


moi convaincu que-eux nég.-fut.pr.-ils viennent
« Je suis convaincu qu’ils ne vont pas venir. »

hīya mət’əkkda ’ənn-ha məš ôā-tənžəô.


elle convaincue que-elle nég.-fut.pr.-elle réussis
« Elle est convaincue qu’elle ne va pas réussir. »

1.2.2.3. Avec le préverbe b-


Le préverbe b- exprime le futur d’intention, de but.

ənta mət’əkkəd ’ənn-na məš bə-nžu.


toi convaincu que-nous nég.-fut.int.-nous venons
« Tu es convaincu que nous n’avons pas l’intention de venir. »

Dans les exemples suivants les verbes modaux sont en contexte de passé. Cela est
clairement indiqué par les verbes des propositions introduites par la conjonction de
coordination lākən « mais », qui sont à la conjugaison suffixale, avec une valeur
d’accompli. Dans les propositions complétives, la concordance des temps donne aux
verbes à la conjugaison préfixale (précédés du préverbe b-) une valeur de futur dans le
passé.

mā-ôsəbt-š ’ənn-kum bə-tžu lākən žētu.


nég.-j’ai cru-nég. que-vous fut.int.-vous venez mais vous êtes venus
« Je ne croyais pas que vous auriez l’intention de venir mais vous êtes venus. »

507
mā-nəôsābū-š-ši 3 b-yži lākən že.
nég.-nous croyons-lui-nég. fut.int.-il vient mais il est venu
« Nous ne croyions pas qu’il aurait l’intention de venir mais il est venu. »

mā-εtəqədt-š ’ənn-a b-yži lākən že.


nég.-j’ai cru-nég. que-lui fut.int.-il vient mais il est venu
« Je ne croyais pas qu’il aurait l’intention de venir mais il est venu. »

kunt mət’əkkəd ’ənn-a b-yži lākən mā-žā-š.


j’étais convaincu que-lui fut.int.-il vient mais nég.-il est venu-nég.
« J’étais convaincu qu’il aurait l’intention de venir mais il n’est pas venu. »

kān yəôsāb-ha bə-tži lākən mā-žət-š.


il était il croit-elle fut.int.-elle vient mais nég.-elle est venu-nég.
« Il croyait qu’elle aurait l’intention de venir mais elle n’est pas venue. »

mā-kānū-š yəôsābū-hum b-yžu lākən žu.


nég.-ils étaient-nég. ils croient-eux fut.int.-ils viennent mais ils sont venus
« Ils ne croyaient pas qu’ils auraient l’intention de venir mais ils sont venus. »

Dans les trois derniers exemples, le verbe kān « il a été » est à la conjugaison suffixale
en accord en genre et en nombre avec le sujet modal. Il situe l’énoncé en contexte de
passé : il marque le premier procès quant à l’aspect et donne une valeur d’action qui
dure dans le passé, d’imparfait.

2. La supputation ou quasi-certitude
La valeur de quasi-certitude ou de probabilité forte est marquée par une forme verbo-
nominale invariable : il s’agit du participe passif məfrūî « supposé, imposé » ; il est
indifféremment employé sous trois formes :

– mot nu, indéterminé : məfrūî


– déterminé par l’article əl- : əl-məfrūî
– dans le syntagme prépositionnel : mən-əl-məfrūî qui est réalisé [m-əl-məfrūî], avec
une forme abrégée de la préposition mən devant l’article défini əl- « le, las, les ».

On trouve cette forme suivie d’un prédicat non-verbal, d’un participe actif et d’un verbe
à la conjugaison suffixale. On ne trouve pas d’énoncés où cette forme est suivie d’un
verbe à la conjugaison préfixale ; en effet, « la valeur de supputation ne peut pas être
associée à la conjugaison préfixale du verbe » (CAUBET 1993 II : 106). Il n’y a pas non
plus de forme négative avec cette valeur épistémique, que la négation porte sur le
prédicat principal ou sur la forme verbo-nominale modale.

La forme verbo-nominale peut être suivie de la conjonction de subordination ’ənn


« que » suivi d’un pronom cataphorique suffixé qui rappelle le sujet modal et/ou du
verbe ykūn « il soit » conjugué en accord avec le sujet modal.

3
On observe, dans l’exemples ci-dessus, que lorsqu’on suffixe le pronom de troisième personne du
masculin singulier –h à un verbe qui se termine par une voyelle (étymologiquement longue) et que ce
verbe est entouré du morphème de négation mā– et –š, alors le –h est assimilé par le /š/, qui est réalisé
géminé [šš] ; on voit par ailleurs dans ce cas-là toujours apparaître le deuxième morphème de négation
sous la forme /ši/. Cf. également mā-nəbbī-š ši « je ne le veux pas » (< *mā-nəbbī-h-š).

508
2.1. məfrūî + prédicat non-verbal
Cette valeur modale s’emploie beaucoup avec la relation de localisation.

εədnān əl-məfrūî ykūn f-əû-ûəôüa tawwa.


Adnan le-supposé il soit dans-le-désert maintenant
« Adnan doit être dans le désert en ce moment. »

təbbi ôāža tānya ? lī’ənn-a lāzəm nəmši ;


tu veux chose deuxième parce que-lui nécessaire je vais
əl-məfrūî nkūn f-əl-xədma tawwa.
le-supposé je suis à-le-travail maintenant
« Veux-tu autre chose ? Parce que je dois partir ; je devrais être au travail en ce
moment. »

f-əl-wəgt hāda məfrūî ’ənn-ha f-əl-ôōš.


en-le-temps celui-ci supposé que-elle à-la-maison
« En ce moment, elle doit être à la maison. »

f-əl-wəgt hāda l-məfrūî ykūnu f-əl-xədma.


en-le-temps celui-ci le-supposé il soient à-le-travail
« En ce moment ils doivent être au travail. »

2.2. məfrūî + participe actif


Dans les énoncés suivants, le participe actif a une valeur d’actuel.

f-əl-wəgt hāda m-əl-məfrūî ’ənn-hum üāgdīn.


en-le-temps celui-ci prép.-le-supposé que-eux dormant
« En ce moment, ils doivent être en train de dormir. »

məfrūî ’ənn-hum ykūnu lāεbīn.


supposé que-eux ils soient jouant
« Ils doivent être en train de jouer. »

Il leur donne également une valeur de parfait :

əl-məfrūî tkūn müəggda wlād-ha.


le-supposé elle soit ayant couché enfants-ses
« Elle doit avoir couché ses enfants. »

La valeur épistémique n’est pas compatible avec la valeur de prospectif que peut
prendre le participe actif pour les verbes de mouvement. Les verbes de mouvement ont
une valeur d’actuel, de concomitant (CAUBET 1993 II : 106).

m-əl-məfrūî ’ənn-a msāfər.


supposé que-lui voyageant
« Il doit être en train de voyager. »

2.3. məfrūî + conjugaison suffixale


Dans les énoncés suivants, la conjugaison suffixale confère aux verbes la valeur de
parfait résultatif.

509
f-əl-wəgt hāda məfrūî mše lə-zwāüa.
en-le-temps celui-ci supposé il est allé à-Zouara
« En ce moment, il doit (déjà) être parti pour Zouara. »

əl-məfrūî ykūnu mšu l-əl-εəüs


supposé ils soient ils sont allés à-le-mariage
« Ils doivent (déjà) être allés au mariage. »

m-əl-məfrūî tkūn üəggdət wlād-ha.


prép.-le-supposé elle soit elle a fait dormir enfants-ses
« Elle doit (déjà) avoir fait dormir ses enfants. »

3. La probabilité logique
Dans le parler arabe de Tripoli, la probabilité logique s’exprime au moyen de la forme
verbo-nominale muôtaməl « probable », invariable en genre et en nombre, qui donne
une valeur de probabilité logique ou de déduction : l’énonciateur effectue un calcul sur
les chances de validation de la relation prédicative. On trouve cette forme suivie d’un
prédicat non-verbal, d’un participe actif et d’un verbe conjugué à la conjugaison
suffixale ou préfixale.

3.1. muôtaməl + prédicat non-verbal


On le trouve avec la valeur d’identification.

muôtaməl ’ənn-a xāləd mūdīr tawwa


probable que-lui Khaled directeur maintenant
« Il est probable que Khaled soit directeur maintenant. »
« Khaled doit être le directeur maintenant. »

La forme verbo-nominale peut être suivie de la conjonction de subordination ’ənn


« que » à laquelle on suffixe un pronom cataphorique qui annonce le sujet de la
proposition subordonnée.

On le trouve également avec la valeur de localisation.

wēn nafəε ? muôtamel f-əl-xədma.


où Nafa probable à-le-travail
« Où est Nafa ? Il est probable qu’il soit au travail. »
« Où est Nafa ? Il doit être au travail. »

εu°šān ! muôtaməl εənd-a úúēya f-əs-sīyāüa.


assoiffé probable chez-lui eau dans-la-voiture
« J’ai soif ! Il est probable qu’il ait de l’eau dans la voiture »
« J’ai soif ! Il doit avoir de l’eau dans la voiture. »

3.2. muôtaməl + participe actif


Le participe actif donne aux verbes suivants la valeur de parfait.

muôtaməl gāüī–hum tawwa.


probable lisant-les maintenant
« Il est probable qu’il les ait (déjà) lus. »
« Il doit les avoir (déjà) lus. »

510
L’auxiliaire ykūn « il soit » peut suivre la forme verbo-nominale ; il s’accorde en genre
et en nombre avec le sujet de la proposition complétive.

muôtaməl ykūn kātəb-ha.


probable il soit écrivant-la
« Il est probable qu’il l’ait (déjà) écrite. »
« Il doit l’avoir (déjà) écrite »

lī-ya wəgt °wīl mā-šəft-š yūsəf ;


pour-moi temps long nég.-j’ai vu-nég. Youcef ;
muôtaməl ykūn mətzəwwəž.
probable il soit marié
« Ça fait longtemps que je n’ai pas vu Youcef ! Il est probable qu’il se soit (déjà)
marié. »

Le participe actif donne également au verbe la valeur d’actuel :

muôtaməl üāgəd tawwa.


probable dormant maintenant
« Il est probable qu’il dorme maintenant. »
« Il doit dormir maintenant. »

3.3. muôtaməl + verbes conjugués


La valeur de déduction est compatible avec la conjugaison préfixale et suffixale.

3.3.1. La conjugaison suffixale


La conjugaison préfixale donne aux verbes une valeur de parfait :

lī-ya wəgt °wīl mā-šəft-š εədnān !


pour-moi temps long nég.-j’ai vu-nég. Adnan !
muôtaməl ’ənn-a tzəwwəž.
probable que-lui il s’est marié
« Ça fait longtemps que je n’ai pas vu Adnan ! Il est probable qu’il se soit (déjà)
marié. »
« Ça fait longtemps que je n’ai pas vu Adnan ! Il doit s’être (déjà) marié. »

muôtaməl güā-hum tawwa.


probable il a lu-les maintenant
« Il est probable qu’il les ai lus maintenant. »
« Il doit les avoir lus maintenant. »

muôtaməl ’ənn-hum mšu l-lə-εüəb.


probable que-eux ils sont allés à-la-campagne
« Il est probable qu’ils soient (déjà) allés à la campagne. »
« Ils doivent être (déjà) allés à la campagne. »

3.3.2. La conjugaison préfixale


La conjugaison préfixale donne aux verbes une valeur de prospectif.

511
kān nəmšu l-tāžūra tawwa
si nous allons à-Tajoura maintenant
muôtaməl nəlgu xāləd āādi.
probable nous trouvons Khaled là-bas
« Si nous allons à Tajoura maintenant, il est probable que nous y trouvions
Khaled. »
« Si nous allons à Tajoura maintenant, nous devrions y trouver Khaled. »

4. Le possible
La valeur de possible est complexe. Elle revient à poser l’existence d’au moins deux
valeurs : l’envisageable, i.e. ce qui n’est pas impossible, marqué en arabe de Tripoli par
l’adverbe mumkən « possible » ; mais il existe également la valeur de faisable, avec la
conjugaison préfixale du verbe ykūn « il est, il soit, il sera ».

4.1. L’envisageable
L’adverbe mumkən « possible » marque, à Tripoli, la valeur de possible, d’envisageable.
L’adverbe mumkən peut être suivi d’un prédicat non-verbal, d’un participe actif ou d’un
verbe conjugué à la conjugaison suffixale ou préfixale.

4.1.1. mumkən + prédicat non-verbal


On ne trouve la valeur d’envisageable qu’avec la relation de différentiation. Dans les
exemples suivants, on a une valeur de localisation.

mumkən ykūn f-əl-ôōš.


possible il soit à-la-maison
« Il est possible qu’il soit à la maison. »

mumkən hīya f-əl-xədma.


possible elle à-le-travail
« Il est possible qu’elle soit au travail. »

mumkən peut être suivi du verbe ykūn « il soit » conjugué en accord avec le sujet de la
proposition complétive, ou du pronom personnel indépendant qui annonce le sujet de la
proposition complétive.

4.1.2. mumkən + participe actif


Le participe actif donne aux verbes la valeur d’actuel.

mumkən ykūn üāgəd.


possible il soit dormant
« Il est possible qu’il soit en train de dormir. »

Il leur donne également la valeur de parfait.

mumkən ykūn mkəmməl.


possible il soit terminant
« Il est possible qu’il ait (déjà) terminé. »

mumkən ykūn bāni.


possible il soit construisant
« Il est possible qu’il ait (déjà) construit. »

512
4.1.3. mumkən + verbes conjugués
Cette forme se rencontre suivie des conjugaisons suffixale et préfixale.

4.1.3.1. La conjugaison suffixale


La conjugaison suffixale donne aux verbes une valeur de parfait résultatif.

mumkən kəmməl.
possible il a terminé
« Il est possible qu’il ait (déjà) terminé. »

mumkən wûəl.
possible il est arrivé
« Il est possible qu’il soit (déjà) arrivé. »

mumkən ykūn bne ôōš-a tawwa.


possible il soit il a construit maison-sa maintenant
« Il est possible qu’il ait construit sa maison maintenant. »

mumkən mā-wəllā-š.
possible nég.-il est revenu-nég.
« Il est possible qu’il ne soit (toujours) pas revenu. »

4.1.3.2. La conjugaison préfixale


La conjugaison préfixale donne aux verbes une valeur de prospectif.

mumkən nīzāü yži.


possible Nizar il vient
« Il est possible que Nizar vienne. »

mumkən mā-nəmšī-š lə-°üābləs.


possible nég.-je vais-nég. à-Trripoli
« Il est possible que je n’aille pas à Tripoli. »

üədd bāl-ək ! mumkən yxəbbš-ək.


tiens esprit-ton possible il griffe-te
« Fais attention ! Il est possible qu’il te griffe. »

4.2. La faisable
A Tripoli, la valeur de faisable est marquée par la forme préfixale ykūn « il est, il soit, il
sera ». On peut rendre cet emploi en français par « ça lui arrive d’être, il est
généralement ». La valeur de faisable permet de poser une alternative : quelque chose
peut se faire ou ne pas se faire.

əd-dzīrīya məüüāt ykūnu wāεrīn !


les-Algériens parfois ils sont méchants
« Les Algériens peuvent être méchants » !

Cette valeur est souvent renforcée par des locutions adverbiales allant dans le même
sens :

513
b-ûīfa εāmma d-dzīrīya ykūnu wāεrīn !
de-manière générale les-Algériens ils sont méchants
« D’une manière générale, les Algériens sont méchants ! »

4.2.1. ykūn + prédicat non-verbal


On trouve la valeur de faisable dans des relations de différenciation avec la valeur
d’attribution.

wəld-ha εāgəl lākən məüüāt ykūn wqəô !


fils-son sage mais parfois il est insolent
« Son fils est sage mais parfois il lui arrive d’être insolent ! »

°bīxt-a məüüa tkūn b-əl-ôūt


cuisson-sa parfois elle est avec-le-poisson
məüüa tkūn b-lôəm-lə-xrūf !
parfois elle est avec-viande-l’-agneau
« Sa cuisson peut parfois être avec du poisson ; il lui arrive parfois d’être avec
de la viande d’agneau. »

On la trouve également dans le cadre de la relation de localisation.

f-əl-wəgt hāda ykūn f-əl-xədma !


à-le-temps celui-ci il est à-le-travail
« A cette heure-ci il est généralement au travail. »

4.2.2. ykūn + participe actif


On trouve le participe actif avec une valeur de parfait.

ykūn lī-h šhəü msāfər !


il est pour-lui mois voyageant
« Ça fait (déjà) un mois qu’il voyage ! »

On le trouve aussi avec la valeur d’actuel.

f-əl-wəgt hāda ykūn üāgəd !


à-le-temps celui-ci il est dormant
« A cette heure-ci (en général) il dort ! »

On ne le trouve pas avec la valeur de prospectif.

4.2.3. ykūn + verbes conjugués


On le trouve suivi des deux types de conjugaison.

4.2.3.1. La conjugaison suffixale


La conjugaison suffixale a une valeur de parfait.

ykūn mše lī-h šhəü !


il est il est parti pour-lui mois
« Ça fait (déjà) un mois qu’il est parti ! »

514
4.2.3.2. La conjugaison préfixale
On l’emploie également avec la conjugaison préfixale, qui donne au verbe une valeur de
vérité générale.

f-əû-ûīf ləmma ykūnu fi hālba nās


en-l’-été lorsque ils sont prép. beaucoup gens
yžu lāzəm tšūf b gəddāš
ils viennent il faut que tu voies pour combien
yənbāεu lə-ôwāyəž hādu !
elles sont vendues les-affaires celles-ci
« L’été, quand il vient beaucoup de monde, tu devrais voir combien sont
vendues ces affaires ! »

5. L’éventuel
Les adverbes mumkən « peut-être » et bālək « peut-être » servent à marquer
l’éventualité. D’après Dominique CAUBET, « l’éventuel permet de poser deux valeurs
comme équiprobables : il se peut que / il se peut que ne pas ». Elle précise qu’ « il y a
une orientation qui tend plutôt du côté positif, si la relation prédicative est à la forme
affirmative, et plutôt du côté négatif, si la relation est à la forme négative, ce qui permet
une pondération » (CAUBET 1993 II : 112).

A Tripoli, on trouve, par exemple :

mumkən yži.
peut-être il vient
« Il se peut qu’il vienne. »

mumkən mā-yžī-š.
peut-être nég.-il vient-nég.
« Il se peut qu’il ne vienne pas. »

bālək že.
peut-être il est venu
« Peut-être qu’il est venu. »

bālək mā-žā-š.
peut-être nég.-il est venu-nég.
« Peut-être qu’il n’est pas venu. »

Comme le souligne Dominique CAUBET, « cette double série d’exemples montre à quel
point l’aspect exprimé par le verbe de la relation prédicative affecte la portée de la
modalité : si le prédicat est à la forme préfixale, on a une valeur d’éventualité ; par
contre, si le prédicat est à la forme suffixale, l’énonciateur émet un jugement sur la
probabilité que l’événement contenu dans le verbe se soit ou ne se soit pas produit »
(CAUBET 1993 II : 112).

5.1. Construction avec les prédicats non-verbaux


L’adverbe se place avant le prédicat non-verbal.

On trouve la valeur d’identification :

515
mumkən hūwa l-mūdīr.
peut-être lui le-directeur
« Peut-être bien que c’est lui le directeur. »

bālək ykūn əl-mūdīr.


peut-être il soit le-directeur
« Il est peut-être bien le directeur. »

On trouve aussi la valeur de localisation :

mumkən hūwa f-əl-ôōš.


peut-être lui à-la-maison
« Il est peut-être bien à la maison. »

bālək ykūn f-əl-ôōš.


peut-être il soit à-la-maison
« Il est peut-être bien à la maison. »

mumkən mā-ykūn-š f-əl-ôōš.


peut-être nég.-il soit-nég. à-la-maison
« Il n’est peut-être pas à la maison. »

On trouve également la valeur d’attribution :

mumkən ûəôô wəlla mumkən āəl°.


peut-être vrai ou peut-être faux
« Peut-être bien que c’est vrai ou peut-être bien que c’est faux. »

bālək məš ždīd.


peut-être nég.-neuf
« Il n’est peut-être pas neuf. »

mumkən mā-ykūn-š ždīd.


peut-être nég.-il soit-nég. neuf
« Il n’est peut-être pas neuf. »

5.2. Construction avec les participes actifs


On trouve la valeur d’actuel :

mumkən ykūn üāgəd tawwa


peut-être il soit endormi maintenant
« Il est peut-être bien en train de dormir maintenant. »

bālək üāgəd.
peut-être endormi
« Il est peut-être bien en train de dormir. »

On trouve aussi la valeur de parfait :

mumkən ykūn kātəb-ha


peut-être il soit écrivant-elle
« Il l’a peut-être bien (déjà) écrite. »

516
bālək ykūn gāüī-h lə-ktāb hāda.
peut-être il soit lisant-le le-livre celui-ci
« Il l’a peut-être bien (déjà) lu ce livre. »

Pour les verbes de mouvement, le participe actif prend la valeur de prospectif. Alors que
cette valeur était exclue des emplois avec les modaux épistémiques, il n’y a, avec les
adverbes, aucune contrainte d’emploi et cette valeur est possible ; en effet, la relation
prédicative n’est pas affectée (CAUBET 1993 II : 113-114).

bālək žāyīn āudwa.


peut-être venant demain
« Ils viendront peut-être bien demain. »

bālək msāfrīn āudwa.


peut-être voyageant demain
« Ils voyageront peut-être bien demain. »

bālək māšīyīn āudwa lə-tūnəs.


peut-être allant demain à-tunis
« Ils vont peut-être bien demain à Tunis. »

5.3. Construction avec les formes verbales conjuguées.


On trouve les deux types de conjugaison.

5.3.1. La conjugaison préfixale


La forme verbale à la conjugaison préfixale suit l’adverbe.

mumkən yži mumkən mā-yžī-š.


peut-être il vient peut-être nég.-il vient-nég.
« Peut-être bien qu’il viendra, peut-être bien qu’il ne viendra pas. »

mumkən tûubb əl-m°əü.


peut-être elle verse la-pluie
« Peut-être bien qu’il va pleuvoir. »

bālək yži.
peut-être il vient
« Il va peut-être bien venir. »

šīnu žāy nīzāü ?


quoi venant Nizar
mumkən ôā-yži.
peut-être fut.pr.-il vient
« Est-ce que Nizar viendra ? Il va peut-être bien venir. »

mumkən mā-nəgdəü-š nži āudwa l-əl-ôəfla.


peut-être nég.-je peux-nég. je viens demain à-la-fête.
« Je ne pourrai peut-être pas venir demain à la fête. »

L’auxiliaire ykūn peut être employé. Il suit l’adverbe et précède le verbe à la


conjugaison préfixale.

517
mumkən tkūn təεüəf-ha.
peut-être tu sois tu connais-la
« Peut-être bien que tu la connais. »

5.3.2. La conjugaison suffixale


La forme verbale a la conjugaison suffixale suit l’adverbe. La conjugaison suffixale
donne aux verbes une valeur de parfait.

bālək že.
peut-être il est venu
« Il est peut-être bien (déjà) venu. »

mumkən že mumkən mā-žā-š.


peut-être il est venu peut-être nég.-il est venu-nég.
« Peut-être bien qu’il (déjà) est venu, peut-être bien qu’il n’est pas (encore) venu. »

mumkən wûəl.
peut-être il est arrivé
« Il est peut-être bien (déjà) arrivé. »

bālək güēt-a u nsēt-əh.


peut-être j’ai lu-le et j’ai oublié-le
« Je l’ai peut-être bien (déjà) lu et je l’ai oublié. »

A la conjugaison suffixale, on peut également trouver des emplois de l’auxiliaire ykūn,


qui suit l’adverbe et précède le verbe à la forme suffixale.

mumkən ykūn že.


peut-être il soit il est venu
« Il est peut-être bien (déjà) venu. »

6. Le doute
Dans le parler arabe de Tripoli, l’expression du doute se réalise en employant, à la
forme négative, les verbes ôsəb (yəôsāb) « il a cru, il a pensé (il croit, il pense) », îənn
(yîənn) « il a pensé (il pense) » ou twəqqəε (yətwəqqəε) « il a compté sur, il s’est
attendu à, il a espéré (il compte sur, il s’attend à, il espère) ». Lexicalement, ces verbes
ont un sens modal et sont notamment utilisés pour exprimer la conviction, lorsqu’ils
sont utilisés à la forme affirmative ; lorsqu’ils sont employés à la forme négative, ils
permettent de mettre en doute le contenu de la relation prédicative. Du point de vue de
la forme des énoncés suivants, il s’agit d’une assertion négative, i.e. « une assertion où
la négation porte sur le prédicat, en tant que représentant de toute la relation prédicative
[…]. Il s’agit du cas où c’est la relation prédicative qui est niée en bloc ; le morphème
négatif est discontinu et il entoure le verbe » (CAUBET 1993 II : 67).

mā-nəôsāb-š üūô-i nži lə-lībya.


nég.-je crois-nég. âme-mon je vais en-Libye
« Je ne crois pas que j’irai en Libye. »

mā-nətwəqqəε-š yži mεā-na.


nég.-je crois-nég. il vient avec-nous
« Je ne crois pas qu’il viendra avec nous. »

518
mā-nətwəqqəε-š üūô-i nəmši lə-lībya.
nég.-je crois-nég. âme-mon je vais en-Libye
« Je ne crois pas que j’irai en Libye. »

mā-kunt-š nətwəqqəε üūô-i nži lə-lībya.


nég.-j’ai été-nég. je crois âme-mon je viens en-Libye
« Je ne pensais pas que je viendrais en Libye. »

- tžī li lībya s-sne ?


tu viens en Libye l’année
- mā-îənnēt-š.
nég.j’ai pensé-nég. je viens en-Libye
« - Tu viens en Libye cette année ?
- Je ne pense pas. »

- b-yži mεā-na lə-εšīya ?


fut.int.-il vient avec-nous le-soir
- mā-îənnēt-š yži mεā-na.
nég.-je pense-nég. il vient avec-nous
« - Il a l’intention de venir avec nous ce soir ?
- Je ne pense pas qu’il viendra avec nous. »

7. L’impossible
Pour exprimer l’impossible à Tripoli, on a recours aux formes verbo-nominales
mūstāôīl « impossible » et mūstāôīla « impossible », employées indifféremment 4. On
emploie également l’adverbe qui marque la possibilité et l’éventualité à la forme
négative : məš mumkən, précédé du morphème de négation non-verbale məš.

7.1. Construction avec les prédicats non-verbaux


On le rencontre avec la valeur d’identification.

mūstāôīl ykūn hūwa l-mūdīr.


impossible il soit lui le-directeur
« C’est impossible que ce soit lui le directeur. »

məš mumkən ykūn hūwa l-mūdīr.


nég.-possible il soit lui le-directeur
« Ce n’est pas possible que ce soit lui le directeur. »

On le trouve aussi avec la valeur de localisation.

mūstāôīla ykūn f-əl-ôōš tawwa.


impossible il soit à-la-maison maintenant
« C’est impossible qu’il soit à la maison maintenant. »

məš mumkən ykūnu f-əl-mədüsa.


nég.-possible ils soient à-l’-école
« Ce n’est pas possible qu’ils soient à l’école. »

4
Il ne s’agit pas, ici, d’une distinction entre le masculin et le féminin ; il s’agit de deux formes invariables
qui sont utilisées, sans distinction de genre.

519
On trouve également la valeur d’attribution.

mūstāôīl tkūn mrīîa.


impossible elle soit malade
« C’est impossible qu’elle soit malade. »

7.2. Construction avec les participes actifs


Le participe actif a la valeur d’actuel.

mūstāôīl ykūn üāgəd f-əl-wəgt hāda.


impossible il soit dormant en-le-moment celui-ci
« C’est impossible qu’il soit en train de dormir en ce moment. »

On le rencontre aussi avec la valeur de parfait.

f-əl-wəgt hāda məš mumkən ykūn °āləε mən ôōš-əh.


en-le-temps celui-ci nég.-possible il soit sortant de maison-sa
« A cette heure-ci ce n’est pas possible qu’il soit (déjà) sorti de chez lui. »

7.3. Construction avec les verbes conjugués


On trouve les deux conjugaisons.

7.3.1. Avec la conjugaison suffixale


La conjugaison suffixale suppose l’emploi de l’auxiliaire ykūn. La conjugaison suffixale
donne aux verbes la valeur de parfait.

mūstāôīl ykūn kəmməl.


impossible il soit il a terminé
« C’est impossible qu’il ait (déjà) terminé. »

mūstāôīla tkūn mšət.


impossible elle soit elle est partie
« C’est impossible qu’elle soit (déjà) partie. »

f-əl-wəgt hāda mūstāôīl ykūn že.


en-le-temps celui-ci impossible il soit il est venu
« A cette heure-ci c’est impossible qu’il soit (déjà) arrivé. »

məš mumkən ykūn wûəl.


nég.-possible il soit il est arrivé
« Ce n’est pas possible qu’il soit (déjà) arrivé. »

mūstāôīl ykūn že u mā-gāl l-ī-š.


impossible il soit il est venu et nég.-il a dit à-moi-nég
« C’est impossible qu’il soit (déjà) venu et qu’il ne me l’ai pas dit. »

7.3.2. Avec la conjugaison préfixale


Avec la conjugaison préfixale, la construction se fait directement sans l’emploi de
l’auxiliaire ykūn :

520
mūstāôīl yži u mā-ygūl l-nā-š.
impossible il vient et nég.-il dit à-nous-nég.
« C’est impossible qu’il vienne et qu’il ne nous le disent pas. »

8. Conclusion
Le tableau suivant récapitule les moyens d’exprimer la modalité épistémique à Tripoli
et les compare avec ceux utilisés au Maroc, d’après Dominique CAUBET (1993 II : 103-
117) :

Modalité épistémique Tripoli Maroc


Conviction verbes verbes :
ôsəb tyəqqən
εtəqəd nwa
mət’əkkəd > lexical
> lexical
Supputation / forme verbo-nominale : forme verbale impersonnelle :
Quasi-certitude məfrūî xəûû-u ykūn
əl-məfrūî > grammatical
m-əl-məfrūî
> lexical
Probabilité logique forme verbo-nominale : forme préfixale :
muôtaməl ykūn
> lexical > grammatical
Possible / Envisageable adverbe : forme impersonnelle :
mumkən yəgdər ykūn
> lexical > grammatical
Possible / Faisable forme préfixale : forme préfixale préverbée :
ykūn kā-ykūn
> grammatical > grammatical
Eventuel adverbes : forme verbale impersonnelle :
mumkən yəmkən
bālək > grammatical
> lexical adverbes :
wāqīla
təεyli
yəmkən
> lexical
Doute verbes (forme négative) : forme interrogative indirecte :
mā-yəôsāb-š mōôāl ši
mā-yîənn-š > lexical
mā-yətwəqqəε
> lexical
Impossible formes verbo-nominales : forme verbale impersonnelle
mūstāôīl (forme négative) :
mūstāôīla mā-yəmkən-š
> lexical > grammatical
adverbe (forme négative) :
məš mumkən

521
En arabe marocain, la modalité épistémique est fortement grammaticalisée et s’exprime
au moyen de verbes de modalité à une forme impersonnelle, ou par des adverbes.

A Tripoli, on a affaire à une modalité fortement lexicalisée, puisqu’on emploie des


verbes et des adverbes de modalité qui ont le sens de la valeur modale, à l’exception de
l’expression du faisable (4.2.) qui est grammaticalisée, au moyen de la forme préfixale
ykūn « il est, il sera, il soit ».

522
La modalité 3

Alors que la modalité 2 permet d’évaluer quantitativement les chances de validation de


la relation prédicative, la modalité 3 est l’expression d’une appréciation : elle permet à
l’énonciateur d’évaluer qualitativement le contenu de la relation prédicative, sans pour
cela affecter sa validation 1.

L’appréciation de l’énonciateur peut porter sur toute la relation prédicative, mais elle
peut ne porter que sur l’un de ses éléments. Elle peut, en effet, ne porter que sur le
prédicat verbal, au moyen d’adverbes ou de locutions adverbiales. Elle peut également
ne porter que sur le prédicat non-verbal, par l’intermédiaire d’adjectifs qualificatifs, de
locutions adjectivales, d’adverbes ou de substantifs. Elle peut, par ailleurs, ne porter que
sur l’un des arguments de la relation, au moyen d’adjectifs qualificatifs. Elle peut, aussi,
être contenue dans le déterminant nominal, au moyen de quantificateurs modaux. Enfin,
elle peut être exprimée en dehors du déterminant, au moyen d’adverbes, de locutions
adverbiales ou de verbes modaux.

1. La modalité porte sur la relation prédicative


L’appréciation porte sur la relation prédicative. A Tripoli, cette modalité est marquée
par un prédicat non-verbal appréciatif : un adjectif qui permet de qualifier une assertion
positive (ou une exclamative) ou une assertion négative.

1.1. Assertions positives


Dans les exemples suivants, la relation prédicative est constituée d’un adjectif
qualificatif qui porte une appréciation sur la relation prédicative et d’un prédicat verbal
dont le sujet grammatical est l’indice de personne qui est contenu dans la forme verbale
conjuguée.

bāhi lli žēt !


bien rel. tu es venu
« C’est bien que tu sois venu ! »

kwəyyəs əlli žət !


bien rel. elle est venue
« C’est bien qu’elle soit venue ! »

mlīô ’ənn-a že !
bien que-lui il est venu
« C’est bien qu’il soit venu ! »

kwəyyəs ’ənn-ha žāya !


bien que-elle venant
« C’est bien qu’elle vienne ! »

bāhi ’ənn-ək ôā-tži !


bien que-toi fut.pr.-tu viens
« C’est bien que tu viennes ! »

1
Voir CULIOLI 1976 : 72, CULIOLI 1984 : 85-86, CAUBET 1993 II : 117-126, BOUSCAREN et CHUQUET
1987 : 37.

523
1.2. Assertions négatives
Dans les exemples suivants, la relation prédicative est constituée d’un adjectif
qualificatif qui porte une appréciation sur la relation prédicative et d’un prédicat verbal
entouré du morphème discontinu de négation mā…š.

°ābīεi ’ənn-a mā-yži-š


naturel que-lui nég.-il vient-négation
bəεd əlli dərt-hū-l-əh !
après REL. tu as fait-le-à-lui
« C’est naturel qu’il ne vienne pas après ce que tu lui as fait ! »

āārība ’ənn-a mā-žā-š !


étrange que-lui nég.-il est venu-nég.
« C’est étrange qu’il ne soit pas venu ! »

εīb εlē-k kān mā-tžī-š !


honteux sur-toi si nég.-tu viens-nég.
« C’est honteux si tu ne viens pas ! »

εīb ’ənn-a mā-yžī-š !


honteux que-lui nég.-il vient-nég.
« C’est honteux qu’il ne vienne pas ! »

2. La modalité porte sur le prédicat


La modalité peut porter sur le verbe ou être contenue dans le prédicat non-verbal.

2.1. La modalité porte sur le verbe


La modalité permet d’apporter une appréciation sur le prédicat ou sur le contenu
propositionnel, et non pas sur une assertion. Au niveau des marqueurs, des adverbes ou
des locutions adverbiales permettent au sujet énonciateur de porter une appréciation sur
la façon dont est considéré le procès, ou sur la quantité ou la qualité de ce dernier.

Au niveau des marqueurs, on emploie des adverbes de quantité.

tži hālba lə-°üābləs !


tu viens beaucoup à-Tripoli
« Tu viens beaucoup à Tripoli ! »

klēt hālba !
j’ai mangé beaucoup
w āne klēt əktəü mənn-ək !
et moi j’ai mangé plus que-toi
« J’ai beaucoup mangé !
Et moi j’ai mangé plus que toi ! »

hūwa εəbbā-ha əktəü mən-na !


lui il a rempli-la plus que-nous
« Lui, il l’a remplie plus que nous (i.e. il a mangé plus que nous) ! »

Dans ce dernier exemple, la modalité appréciative est aussi contenue dans le sens du
prédicat verbal ; εəbbā-ha « il l’a remplie » a le sens métaphorique de « il s’est gavé ».

524
On emploie également des adverbes de manière.

təlbəs kwəyyəs !
elle s’habille bien
« Elle s’habille bien ! »

hūwa yə°üəô 2 kwəyyəs !


lui il se fringue bien
« Lui, il se fringue bien ! »

hūwa ysūg b-surεa !


lui il conduit vite
« Lui, il conduit vite. »

xū-k yəfhəm əôsən mənn-ək !


frère-ton il comprend mieux que-toi
« Ton frère comprend mieux que toi ! »

uxt-a tsūg xēü mənn-əh !


sœur-sa elle conduit mieux que-lui
« Sa sœur conduit mieux que lui ! »

εāyəš b-εəgl.
vivant avec-sagesse
« Il vit sagement. »

De même, une locution adverbiale familière exprimant le haut degré avec une
connotation obscène permet l’expression d’un point de vue et de porter une appréciation
sur le prédicat verbal. Il s’agit, à Tripoli, de la locution l-əz-zəbb, qui est articulé avec
une emphase expressive [ɫɑᵶːɑb̴ː], contenant le terme zəbb « bite », comme dans
l’énoncé qui suit. On peut traduire cette formule par « trop, grave, putain de » et la
comparer à l’expression « sa mère » qu’on trouve dans les parlers jeunes en France et
qui exprime aussi le haut degré.

žuεt l-əz-zəbb !
j’ai faim pour-la-bite
« J’ai une putain de faim (j’ai faim ma mère) ! »
« Je crève la dalle ! »

2.2. La modalité est contenue dans le prédicat non-verbal


Des adjectifs qualificatifs et des locutions adjectivales peuvent être prédicats d’énoncés
nominaux, marquant une relation d’attribution et portant, en même temps, une modalité
appréciative. Des substantifs sont également porteurs d’une modalité appréciative, à
travers leur sens métaphorique.

Au niveau des marqueurs, on trouve des adjectifs qualificatifs.

2
yə°üəô est utilisé, dans le parler des jeunes garçons de Tripoli avec le sens de « il se fringue » ; ce verbe
est fabriqué à partir du terme °əüôa « vêtement traditionnel ». On parle également, à Tripoli, de °əüôāği
« qui s’habille bien », avec le suffixe –ği, d’origine turque (-çe), qui entre dans la construction des noms
de métiers ou de qualités physiques et morales.

525
əl-lūāa l-εarabīya l-fuûôa ûəεba.
la-langue l’arabe la-classique difficile
« La langue arabe classique est difficile. »

əl-məs’ūl məskīn məš āəl°t-a hūwa ;


le-responsable pauvre pas-faute-sa lui
hūwa šəxû kwəyyəs !
lui individu bien
« Le responsable, le pauvre, ce n’est pas sa faute à lui ; c’est quelqu’un de
bien ! »

hāda ? hāda °wīl w əhbəl !


celui-ci celui-ci long et fou
« Celui-là ? Celui-là est grand et fou ! »

ûəôôt-a mətnəyyka !
santé-sa niquée
« Sa santé est foutue (il est en trop mauvaise santé) ! »

Dans l’exemple suivant, la modalité est contenue dans l’adjectif səhla « facile » et elle
se trouve renforcée par l’adverbe bukkull « complètement, tout à fait, très », qui apporte
une précision quant à la quantité du prédicat.

hādi səhla bukkull 3 !


celle-ci facile par-le-chaque
« C’est super facile ! »

La locution adverbiale familière l-ə¢-¢əëë, citée précédemment (2.1.) peut également


renforcer la modalité exprimée par l’adjectif.

lə-blād hāda bεīd l-ə¢-¢əëë.


le-pays celui-ci loin putain
« Ce pays, c’est loin sa mère (c’est grave loin). »

nāfəε gwi l-ə¢-¢əëë !


Nafa fort putain
« Nafa est trop fort ; Nafa est trop cool (c’est vraiment quelqu’un de bien) ! »

Dans l’énoncé suivant, la modalité est contenue dans la locution adjectivale, qui a une
valeur métaphorique.

hāda zēy əz-zəft.


celui-ci comme le-goudron
« C’est mauvais (comme le goudron). »

On utilise aussi, à Tripoli, une locution adjectivale familière, exprimant le haut degré,
zēy zəbb-i « comme ma bite », qui a aussi une valeur métaphorique, avec le sens de
« très mauvais, foutu ».

3
A Tripoli, on trouve la locution adverbiale *b-əl-kull lexicalisée dans le parler contemporain sous la
forme bukkull, où le /l/ est assimilé par le /k/ et on note également, dans cette locution, une harmonie
vocalique en [u].

526
ûəôôt-a zēy zəbb-i !
santé-sa comme bite-ma
« Sa santé est foutue (il est en trop mauvaise santé) ! »

Il faut également signaler le rôle modal que peuvent jouer les diminutifs, apportant
tantôt une nuance péjorative ou affective, tantôt un jugement sur la quantité.

šəkl-a gûəyyər, wəlla la ?!


apparence-son courtaud ou bien
gûəyyər u mnəyyək !
courtaud et niqué (tenace)
« Il est plutôt petit, ou bien ?!
Petit mais tenace ! »

gnēyna əl-bənt ā-hỵá !


mignonne la-fille celle-ci
« Elle est mignonne cette fille ! »

Les répétitions ont également une valeur appréciative, indiquant le haut degré :

lə-ôwāza mtāε-hum bεīda bεīda mən °üābləs !


la-ferme de-eux loin loin de Tripoli
« Leur ferme est très loin de Tripoli ! »

Certains substantifs sont, dans certains contextes, également porteurs d’une appréciation,
à travers leur sens métaphorique. Ils peuvent avoir une valeur dépréciative et sont
employés comme termes injurieux.

hāda mībūn !
celui-ci pédéraste passif 4
« C’est quelqu’un sans dignité, de méprisable ! »

hāda bāəl !
celui-ci mulet (fig. homosexuel)
« C’est quelqu’un dépourvu de valeur, de capacités ! »

hāda ômāü !
celui-ci âne
« C’est un idiot, quelqu’un de sot ! »

hāda bhīm !
celui-ci âne
« C’est un imbécile, quelqu’un de brusque et sans manières ! »

D’autres prennent une valeur appréciative.

4
Le terme mībūn ne semble pas avoir de sens premier. On retrouve, dans des textes datant de l’époque
anté-islamique, des explications quant à l’origine du terme mībūn. Il tirerait son origine du substantif
’ubna (
‫ « )أ‬prurit anal ». Ces textes précisent que les démangeaisons liées à ce trouble se soulageaient
de deux façons : soit par l’application de safran au niveau de l’anus, soit par la sodomie – ce qui
expliquerait le sens actuel de mībūn. Voir à ce sujet LAGRANGE Frédéric, « L’obscénité du Vizir »,
Arabica, Tome LIII-1, Leiden, Brill, 2006, pp. 54-107 (voir p. 78).

527
hādi həbüa !
celle-ci morceau de viande sans gras ni os
« C’est une très belle fille ! »
« C’est une très bonne affaire ! »

hādi kāŃāwīya 5 !
celle-ci phallique
« C’est trop bien / C’est super / Ça claque sa mère ! »

Sinon, un substantif, de par son sens, peut contenir une appréciation qualitative et
exprimer une modalité appréciative.

zəôma !
foule, encombrement
« Il y a beaucoup de gens ; il y a un embouteillage ! »

Il faut, de plus, tenir compte des phénomènes suprasegmentaux (intonation) et


paralinguistiques (gestes), qui jouent un rôle modal appréciatif, notamment dans des
énoncés comme ces derniers.

Enfin, dans les exemples qui vont suivre, le prédicat est un adjectif et il est nié. Le
morphème continu de négation məš 6 se place avant lui.

əd-dūwa hādi məš mə¢bū°a !


la-conversation celle-ci pas-correcte
« Cette conversation n’est pas correcte !
Ce que vous dites n’est pas correct ! »

hāda məš mə¢bū° !


celui-ci pas-correct
« Ce n’est pas correct ! »

hāda məš ûəôô !


celui-ci pas-vérité
« Ce n’est pas vrai ! »

3. La modalité porte sur l’un des arguments de la relation


Il s’agit d’introduire des propriétés différentielles qui qualifient des éléments nominaux,
c’est-à-dire des propriétés de non-symétrie, dans des relations de différenciation, où l’un
des termes sert obligatoirement de repère à un autre 7.

Dans les énoncés suivants, les marqueurs sont des adjectifs qualificatifs. L'adjectif
épithète s’accorde en genre, en nombre et en détermination avec le substantif qu’il
qualifie.

Si le substantif est déterminé par l’article l- 8, l’adjectif l’est également. De plus, dans
l’exemple suivant, le substantif est au féminin, ainsi que l’adjectif.

5
Cet adjectif est formé à partir de l’emprunt à l’italien kāŃu « bite ».
6
A Tripoli, la forme məš alterne avec la forme mūš.
7
Voir CAUBET 1993 II : 59.

528
əl-lūāa °-°üābəlsīya l-āûlīya !
la-langue la-tripolitaine l’-originale
« Le vrai parler de Tripoli ! »

Si le substantif est déterminé par l’article Ø, l’adjectif porte aussi l’article Ø.

ône εənd-na yōm-əž-žumεa ksād hālba !


nous chez-nous jour-le-vendredi ennui beaucoup !
tgūl tlāt-īyām lāsgāt fi bəεî !
elle dit trois-jours collés dans ensemble
« Nous, le vendredi nous nous ennuyons beaucoup !
On dit : trois jours collés ensemble ! »

°-°üābəlsīya εənd-hum ləhža xəûûa


les-Tripolitains chez-eux parler spéciale
lākən ləhžt-hum bdət tətāəyyər.
mais parler-leur elle a commencé elle change
« Les Tripolitains ont un parler spécial mais leur parler a commencé à
changer. »

š-šbāb fə-°üābləs bdu yədwu fi ləhža


les-jeunes à-Tripoli ils ont commencé ils parlent prép. parler
xəûûa bī-hum humma bəss
spéciale à-eux eux seulement
u mā-yəfhəm-ha ôədd āēü-hum.
et nég.-il comprend-la personne seulement-eux
« Les jeunes à Tripoli se sont mis à parler un parler spécial rien qu’entre eux et
personne ne le comprend excepté eux. »

tlāgēt mεa bənt mlīôa mu’addaba


j’ai rencontré avec fille bien polie
ôatta dūwət-ha yā-üāžəl b-üūô-ha.
même paroles-ses oh-homme avec-âme-son
« J’ai rencontré une fille bien, polie, mec, même sa façon de parler est
spéciale. »

gāl l-i ’ənna fi fīləm kwəyyəs əl-lēla.


il a dit à-moi que il y a film bon la-nuit
« Il m’a dit qu’il y avait un bon film ce soir. »

hāda fīləm mumtāz !


celui-ci film excellent
« C’est un excellent film ! »

Dans l’énoncé suivant, la modalité est contenue dans l’adjectif εāli « haut » et elle se
trouve renforcée par l’adverbe hālba « beaucoup », qui apporte une précision quant à la
quantité.

8
On trouve l’article l- également sous la forme əl- (en début d’énoncé ou lorsque le terme qui le précède
se termine par une consonne) ou lə- (lorsque le terme qu’il détermine commence par deux consonnes). De
plus, le /l/ de l’article est assimilé par les consonnes initiales solaires des termes qu’il détermine.

529
bnu məbna εāli hālba.
ils ont construit immeuble haut beaucoup
« Ils ont construit un immeuble très haut. »

Idem dans l’énoncé suivant, où l’adjectif āəbi « idiot » contient déjà la modalité et où
cette dernière est renforcée par mə¢bū°, utilisé comme adverbe, avec le sens
d’« exactement, précisément, carrément ».

ûāôb-a āəbi mə¢bū° !


ami-son idiot exactement
« Son ami est carrément idiot ! »

L’adjectif épithète s’accorde en nombre avec le substantif qu’il qualifie ; au pluriel,


dans l’énoncé suivant.

hne fi lībya mā-fī-š āflām ôəlwa.


ici en Libye ne-il y a-pas fims bons
« Ici en Libye il n’y a pas de bons films. »

On retrouve l’emploi des diminutifs appréciatifs, parmi les adjectifs épithètes.

tlāga mεa bənt gnēyna muεžəb bī-ha.


il a rencontré avec fille mignonne admirateur d’-elle
« Il a rencontré une jolie fille, qu’il admire. »

šbəôna zōz bnāwīt gnēynāt ftəôt fumm-i.


nous avons vu deux filles mignonnes j’ai ouvert bouche-ma
kān šəft-hum ənta ôā-təftəô fuúú-uk.
si tu as vu-les toi FUT-tu ouvres bouche-ta
« Nous avons vu deux filles mignonnes ; je suis resté bouche bée. Si tu les avais
vues, toi, tu serais resté bouche bée. »

4. La modalité fait partie de la détermination nominale


La modalité peut être contenue dans le déterminant nominal, notamment au moyen de
quantificateurs ; elle peut, d’autre part, être exprimée en dehors du déterminant, sous la
forme d’un marqueur spécifique servant à évaluer une quantité au moyen d’adverbes, de
locutions adverbiales ou de verbes modaux.

4.1. La modalité est contenue dans le déterminant nominal


Les marqueurs utilisés sont les quantificateurs hālba « beaucoup de, trop de » et šwēya
« peu de, pas assez de ». Ces quantificateurs permettent une définition subjective, donc
modale de la quantité, permettant à l’énonciateur d’apprécier cette quantité.

Il existe deux constructions possibles : le quantificateur peut être employé comme


déterminant et se place avant le nom, ou bien être utilisé comme adverbe postposé.
Dans les deux cas, le nom est toujours précédé de l’article Ø.

Tel que le précise Dominique CAUBET (1993 II : 123), « l’appréciation qui est donnée
par ces marqueurs est tout à fait subjective, puisqu’une même quantité extralinguistique
(20 objets, par exemple), peut, selon les circonstances, être qualifiée de "beaucoup", de
"trop", de "peu" ou de "pas assez" par un énonciateur ».

530
A Tripoli, il faut tenir compte de l’accentuation de l’énoncé. Lorsque le quantificateur
est placé avant le nom, il détermine ce dernier et n’est pas accentué ; c’est le nom
déterminé qui porte l’accent, au sein du syntagme. Dans ce cas, šwēya peut se gloser par
« peu de » et hālba par « beaucoup de ».

hālba nās.
beaucoup gens
« Beaucoup de gens. »

f lībya fi hālba səyyāüāt.


en Libye il y a beaucoup voitures
« En Libye, il y a beaucoup de voitures. »

fi l-məktba hādi fi hālba ktābāt.


dans la-bibliothèque celle-ci il y a beaucoup livres
« Dans cette bibliothèque, il y a beaucoup de livres. »

əε°ī-ni šwēya úúēya.


donne-moi peu eau
« Donne-moi un peu d’eau. »

dīr šwēya ôlīb f-əl-gəhwa.


mets peu lait dans-le-café
« Mets un peu de lait dans le café. »

Aussi, le quantificateur šwēya peut être employé à l’état construit : il précède le nom
qu’il détermine auquel il est lié par un état d’annexion ; on voit ainsi apparaître le -t
final de šwēya(t) qui n’apparaît que lorsqu’on lui annexe un mot.

mā-εəndī-š nīya nəmši l-εərs lī’ənna εənd-i


ne-chez-moi-pas intention je vais à-mariage parce que chez-moi
šwēyət-mšākəl.
peu-problèmes
« Je n’ai pas l’intention d’aller au mariage car j’ai quelques problèmes. »

nəbbi šwēyət-sukkur li š-šāhi mtāε-i.


je veux peu-sucre pour le-thé de-moi
« Je veux un peu de sucre pour mon thé. »

āne məôtāž bāš tsāεəd-ni ntəržəm šwēyət-žūməl.


moi ayant besoin pour que tu aides-me je traduis peu-phrases
« J’ai besoin que tu m’aides à traduire un peu de phrases. »

Par contre, lorsque le quantificateur est placé après le nom qu’il détermine, c’est ce
dernier qui prend l’accent, au sein du syntagme ; l’énonciateur insiste sur le
quantificateur plutôt que sur le nom que celui-ci détermine et on traduit les
quantificateurs, respectivement, par « trop de » et « pas assez de ».

úúēya hālba.
eau beaucoup
« Trop d’eau. »

531
f °üābləs fi səyyāüāt hālba.
à Tripoli il y a voitures beaucoup
« A Tripoli, il y a trop de voitures. »

ε°ā-ni flūs šwēya.


il a donné-me argent peu
« Il ne m’a pas donné assez d’argent. »

f-əl-žāmīεa hādi fi bnāwīt šwēya.


dans-l’-université celle-ci il y a filles pas assez
« Dans cette université, il n’y a pas assez de filles. »

La locution adverbiale familière à connotation obscène exprimant le haut degré l-ə¢-


¢əëë (déjà étudiée en 2.1. et en 2.2.) permet également de porter une appréciation sur un
substantif.

fi swīsra sāgāε l-ə¢-¢əëë !


en Suisse froid putain
« En Suisse, il caille sa mère (il fait un putain de froid) ! »

La locution adverbiale εle üās-əl-kāšīk « sur le bout de la cuillère » permet aussi de


porter une appréciation sur une quantité.

- təbbi sukkur ?
tu veux sucre
- εle üās-əl-kāšīk.
sur pointe-la-cuillère
« - Tu veux du sucre ?
- Un peu. »

- təεbān ?
fatigué
- εle üās-əl-kāšīk.
sur pointe-la-cuillère
« - Fatigué ?
- Un peu. »

4.2. La modalité est exprimée en dehors du déterminant


Certains marqueurs permettent de donner une approximation sur une quantité extraite 9,
identifiée à une échelle appréciative : des adverbes et des prédicats modaux.

a) Les adverbes
A Tripoli, des adverbes permettent de moduler une quantité extraite. Il s’agit, par
exemple, des adverbes təqrībən « à peu près », b-ə¢-¢əb° « précisément, exactement » et
yāsər « assez ».

yži li °üābləs məüüa fi l-εām təqrībən.


il vient à Tripoli une fois dans l’-année à peu près
« Il vient à Tripoli à peu près une fois par an. »

9
Pour une définition de la « quantité extraite », voir CAUBET 1983 : 111 et CAUBET 1993 II : 279.

532
b-yugεud fi bənāāzi ūsbūε təqrībən.
FUT.-il reste à Benghazi semaine à peu près
« Il a l’intention de rester à peu près une semaine à Benghazi. »

māzāl ydəkkər gəddāš kān ôəgg-ə°-°āksi b-ə¢-¢əb°.


encore il se souviens combien il a été prix-le-taxi précisément
« Il se souvient encore précisément quel a été le prix du taxi. »

ə°-°mā°əm hāda yāsər.


les-tomates celui-ci assez
« C’en est assez de tomates. »

b) Les verbes modaux


On trouve, à Tripoli, les emplois modaux du verbe ykūn.

gəddāš ykūn lī-h msāfər ?


combien il est pour-lui voyageant
« Ça fera à peu près combien de temps qu’il voyagera ? »

gəddāš ykūn εumü-a kān mā-māt-š ?


combien il est âge-son si ne-il est mort-pas
« Quel âge aurait-il, à peu près, s’il n’était pas mort ? »

A Tripoli, on retrouve également ces emplois modaux dans l’expression du « faisable »,


de la modalité 2. De même, pour l’arabe marocain, Dominique CAUBET précise que ces
emplois peuvent aussi être rapprochés de la modalité 2, où l’énonciateur évalue les
chances de validation de la relation prédicative (1993 II : 124).

On peut également utiliser des verbes modaux comme kfe (yəkfi) « il a suffit (il suffit) »
ou sədd (ysədd) « il a suffit (il suffit) », qu’on retrouve dans l’expression des modalités
inter-subjectives 10.

lī-ya āne yəkfī-ni.


pour-moi moi il suffit-me
« Pour moi, ça me suffit. »

əl-lôəm əlli žəbt-a ysədd-ək ?


la-viande que j’ai apporté-le il suffit-te
« La viande que j’ai apportée te suffit ? »

ə°-°mā°əm hāda ysədd-ni.


les-tomates celui-ci il suffit-me
« Ces tomates me suffisent. »

5. Conclusion
A Tripoli, les modalités appréciatives peuvent porter sur la relation prédicative toute
entière, ou bien sur n’importe quel élément de l’énoncé. Toutes ces modalités peuvent
être combinées pour moduler l’expression de l’appréciation. Comme l’a précisé Antoine
CULIOLI, bien que cette modalité appréciative puisse être partiellement liée à la
modalité 1 (modalité de l’assertion), à la modalité 2 (modalité épistémique), mais aussi
10
Voir à ce sujet CAUBET 1993 II : 126-148.

533
à la modalité 4 (modalité inter-subjective) – comme on l’a observé à travers cette
étude – elle forme véritablement « un domaine en soi » (CULIOLI 1985 : 86).

Les phénomènes suprasegmentaux (intonatifs) et paralinguistiques (gestes, mimiques)


jouent également un rôle modal appréciatif. On remarque notamment des montées de la
courbe intonative lorsqu’on prononce les marqueurs de cette modalité. En effet, une
étude intonative permettrait de compléter ces analyses. L’intonation semble être un
marqueur essentiel de cette modalité, comme dans les exemples qui suivent, où on va
prononcer le mot bənt « fille » en insérant une voyelle très longue (notée əəə) et où la
modalité n’apparaît qu’à travers l’intonation :

šuft bənəəət… əmma ôāza !


j’ai vu fille quelle chose
« J’ai vu une de ces filles, quelle affaire ! »

Ou, également, avec l’appui de locutions interjectives, comme dans :

w-õõāhi šuft bənəəət… !


par-Dieu j’ai vu fille
« Je te jure, j’ai vu une de ces filles… ! »

Les valeurs exprimées par ce type d’énoncé se rapprochent de celles présentes dans les
énoncés proposés par Dominique CAUBET pour l’arabe marocain, où la modalité est
contenue dans le déterminant nominal, dont les marqueurs, sont wāôəd-əl- et šī-
(CAUBET 1993 II : 121-123) – ces déterminants sont absents du parler arabe de Tripoli.
Ils permettent d’introduire des propriétés différentielles, déterminant qualitativement
des éléments.

On a, par ailleurs, rappelé le rôle des locutions adjectivales et des locutions adverbiales
dans l’expression de cette modalité, à Tripoli. On a vu qu’elles permettaient de qualifier
les prédicats verbaux, mais aussi les prédicats non-verbaux.

Il faut également tenir compte du choix du lexique employé par l’énonciateur. Certains
substantifs sont, dans certains contextes, porteurs d’une appréciation, à travers leur sens
métaphorique et leur sens figuré.

Enfin, un substantif, de par son sens propre, peut contenir une appréciation qualitative et
exprimer une modalité appréciative.

534
La modalité 4

La modalité 4, ou modalité inter-subjective 1, concerne les relations entre le sujet et le


prédicat, à l’intérieur de la relation prédicative. Elle peut par ailleurs concerner les
relations entre le sujet énonciateur 2 et le sujet de la relation prédicative 3.

Comme pour la modalité 3, la question de la validation de la relation prédicative ne se


pose pas non plus. Cette relation n’est pas à considérer dans une problématique de
vérité ; la validation de cette relation prédicative passe par les propriétés, la volonté du
sujet de l’énoncé ; elle peut également passer par la volonté, la pression, la demande que
l’énonciateur fait peser sur le sujet de l’énoncé (BOUSCAREN & CHUQUET 1987 : 37).

On trouve les valeurs déontiques de coercition, de causation, de devoir, d’ordre, de


permission, de suggestion. On peut également trouver les valeurs de volonté, de désir,
de besoin, de capacité, de pouvoir, lorsqu’il s’agit d’une relation du sujet à lui-même.

Les valeurs modales étudiées sont l’obligation, la capacité, la volonté et l’envie, le


besoin, ainsi que la négation et l’obligation, la négation et la capacité, la négation et
l’envie, ainsi que la négation et le besoin.

1. L’obligation
A Tripoli, pour exprimer l’obligation, on a recours à différents marqueurs : un verbe
modal, des adverbes et des locutions à prédicat non-verbal.

En ce qui concerne le verbe modal, il s’agit d’une forme impersonnelle de racine


trilitère √lzm : une forme invariable de participe actif au masculin singulier lāzəm
« impératif, indispensable, nécessaire, obligatoire ». On peut suffixer à cette forme les
pronoms qui rappellent le sujet de la complétive, le sujet de l’énoncé ; cela permet de
former une pseudo-conjugaison :

SG. 1. lāzəm-ni « Il faut que je… »


2. lāzm-ək « Il faut que tu… »
3.m. lāzm-a / -əh « Il faut qu’il… »
3.f. lāzəm-ha « Il faut qu’elle… »
PL. 1. lāzəm-na « Il faut que nous… »
2. lāzəm-kum « Il faut que vous… »
3. lāzəm-hum « Il faut qu’ils / elles… »

Quant aux adverbes, il s’agit de l’adverbe îāüūüi « nécessairement, impérativement » et


de la locution adverbiale lā-budda [pas-échappatoire], qui a pour sens
« obligatoirement, inévitablement ». Ces deux adverbes peuvent être suivis de la
conjonction de subordination ’ənn-, à laquelle on peut suffixer un pronom cataphorique,
qui rappelle le sujet de la complétive.

1
On parle également de modalité radicale (BOUSCAREN & CHUQUET 1987 : 37).
2
Voire « les circonstances, la société… », tel que le souligne Dominique CAUBET (1993 II : 126).
3
Voir CULIOLI 1976 : 71-74, CULIOLI 1985 : 94-97, BOUSCAREN & CHUQUET 1987 : 37, CAUBET
1993 II : 126-148 et VANHOVE 1993 : 285-286.

535
Enfin, on trouve à Tripoli les locution b-əs-sēf εla [avec l-épée sur] « de force » et
āəûbən εən(n) « contraint et forcé, contre le gré », auxquelles on suffixe les pronoms,
qui annoncent le sujet de la complétive.

Dans cette étude, on distingue une obligation imposée de l’extérieur et une obligation
venant du sujet.

1.1. L’obligation est imposée de l’extérieur


L’obligation peut être imposée de l’extérieur à X, par le sujet énonciateur, par un autre
sujet, par les événements, ou encore par un concept plus large, comme la société, la
religion ou la morale (CAUBET 1993 II : 127).

lāzəm tušüub ôlīb lī’ənna hāda mlīô l-ûəôôt-ək.


nécessaire tu bois lait parce que ça bon pour-santé-ta
« Il faut que tu boives du lait parce que c’est bon pour ta santé. »

mā-εəndī-š nīya nə°ləε. îāüūüi, b-əs-sēf


NEG-chez-moi-NEG intention je sors nécéssairement avec-l’-épée
εlē-ya, εənd-i mawεəd.
sur-moi chez-moi rendez-vous
« Je n’ai pas l’intention de sortir, mais je dois sortir ; il m’incombe de sortir, car
j’ai un rendez-vous. »

āəûbən εənn-a yəmši l-əl-mədüsa.


par contrainte malgré-lui il va à-l’-école
« Il est contraint d’aller à l’école. »

1.2. L’obligation vient du sujet


On peut affiner l’analyse de cette valeur en distinguant la valeur de condition
nécessaire, la valeur de déontique, la valeur de besoin impérieux, la valeur de condition
nécessaire non-réalisée et la valeur de manque (CAUBET 1993 II : 128-129).

a) La valeur de condition nécessaire


L’expression de la condition nécessaire se réalise dans la proposition principale,
introduite par un marqueur qui exprime l’obligation.

kān-ək təbbi tətεəlləm əl-ləhža l-lībīya, lā-budda


si-toi tu veux tu apprends le-parler le-libyen pas-échappatoire
’ənn-ək tətεəlləm əl-lūāa l-εarabīya l-fuûôa.
que-toi tu apprends la-langue l’arabe la-classique
« Si tu veux apprendre l’arabe libyen, il faut que tu apprennes l’arabe
classique. »

kān-ək təbbi tətεəlləm əl-ləhža l-lībīya, lāzəm


si-toi tu veux tu apprends le-parler le-libyen nécessaire
ma tugεud sətta šhūü fi lībya εəl-l-āqəll.
que tu restes six mois en Libye sur-le-moins
« Si tu veux apprendre l’arabe libyen, il faut que tu restes au moins six mois en
Libye. »

536
Dans ces exemples, les subordonnées sont introduites par la conjonction circonstancielle
kān « si ». Lorsqu’elle est associée, dans une subordonnée, à un verbe à la conjugaison
préfixale, la conjonction kān permet l’expression de l’irréel du présent.

Il peut également s’agir de subordonnées de but introduites par la conjonction


circonstancielle bāš « pour que ».

bāš tətεəlləm əl-ləhža l-lībīya, îāüūüi


pour que tu apprends le-parler le-libyen impératif
thədrəz mεa n-nās.
tu discutes avec les-gens
« Pour que tu apprennes l’arabe libyen, tu dois discuter avec les gens. »

lāzm-ək təšri qāmūs, bāš təfhəm


il faut que-toi tu achètes dictionnaire pour que tu comprends
mεānī-l-kālmāt əlli mūš fāhəm-ha.
sens-les-mots que pas comprenant-les
« Il faut que tu achètes un dictionnaire pour que tu comprennes les sens des mots
que tu ne comprends pas. »

Il peut aussi s’agir de deux propositions coordonnées par la conjonction u « et », qui


amène une conséquence.

guübət əl-ôəfla u îāüūüi nəšrī hdīya.


elle est proche la-fête et nécessaire j’achète cadeau
« La fête est proche ; je dois donc acheter un cadeau. »

b) La valeur de déontique
Cette valeur contient l’idée que c’est impossible autrement, qu’il n’y a pas
d’échappatoire.

ənta mətnəkkəd l-ə¢-¢əëë. îāüūüi təlga ôəll


toi ayant des ennuis putain obligatoirement tu trouves solution
bāš tə°ləε m-əl-ôāla əlli ənta fī-ha.
pour que tu sors de-la-situation laquelle toi dans-elle
« Tu t’es foutu dans une putain de merde ; il faut obligatoirement que tu trouves
une solution pour que tu sortes de la situation dans laquelle tu es. »

mā-təgdər-š tgūl mā-fī-š ôəll. li ’əyyi muškila


ne-tu peux-pas tu dis ne-il y a-pas solution pour n’importe quel problème
lāzəm fi ôəll.
il faut il y a solution
« Tu ne peux pas dire qu’il n’y a pas de solution ; pour n’importe quel problème
il faut obligatoirement qu’il y ait une solution. »

c) La valeur de besoin impérieux


Il s’agit d’exprimer le caractère de la nécessité, de l’impératif.

537
hūwa gāl l-üūô-a îāüūüi yətεəlləm əl-ləhža l-lībīya
lui il a dit à-âme-son impérativement il apprend le-parler le-libyen
bāš yətfāhəm mεa n-nās.
pour que il se comprend avec les-gens
« Il s’est dit qu’il devait impérativement apprendre l’arabe libyen pour qu’il soit
compris des gens. »

îāüūüi ôadd isāεd-ək f-təržəmt-kālīmāt-l-ūānīya.


impérativement quelqu’un il aide-te dans-traduction-paroles-la-chanson
« Quelqu’un doit impérativement t’aider à traduire les paroles de la chanson. »

îāüūüi ’ənn-ha twəlli l-ôōš-ha gəbl əl-lēl.


impératif qu’-elle elle retourne à-maison-sa avant la-nuit
« Elle doit impérativement rentrer chez elle avant la nuit. »

d) La valeur de condition nécessaire non-réalisée


Il s’agit d’exprimer le regret que quelque chose n’ait pas eu lieu ou ne soit pas.

hne fi lībya ksād hālba. kull yōm nəfs-əl-bəünāməž.


ici en Libye ennui beaucoup chaque jour même-le-programme
lāzəm nəlgu ôāžāt ndīrū-ha f-əl-εu°la.
nécessaire nous trouvons choses nous faisons-elle dans-le-congé
« Ici en Libye on s’ennuie beaucoup. C’est le même programme tous les jours. Il
faudrait que nous trouvions des choses à faire pendant les congés. »

e) La valeur de manque
Au moyen de la forme lāzəm on exprime ce qui est nécessaire à quelqu’un, donc ce qui
manque à quelqu’un.

lāzm-ək ôāža ?
nécessaire-te chose
« Il te manque quelque chose ? »

lāzm-a šwēya εəgl.


nécessaire-lui un peu raison, sagesse
« Il lui manque un peu de jugeote. »

La valeur de manque s’exprime également au moyen du verbe ngəû (yunguû) « il a fait


défaut à, il a manqué à (il fait défaut à, il manque à) » à la conjugaison suffixale et
préfixale. On trouve également la forme participiale nāgəû « faisant défaut à, manquant
à ».

nəgûāt-ək ôāža ?
elle a manqué-te chose
« T’a-t-il manqué quelque chose ? »

tungû-ək ôāža ?
elle manque-te chose
« Il te manque quelque chose ? »

538
nāgû-ək ôāža ?
manquant-te chose
« Il te manque quelque chose ? »

2. Négation et obligation
L’interdiction peut être imposée de l’extérieur ; elle peut aussi venir du sujet. Pour
exprimer l’interdiction, on fait précéder le marqueur d’obligation du morphème continu
de négation mūš ou məš ; on l’exprime également au moyen de locution prédicatives
construites avec la préposition bla « sans » ou la préposition composée mən-āēü
« sans » ; on peut aussi employer des termes qui contiennent le sens de la valeur modale
(cf. 2.2.a : məmnūε « interdit »)

2.1. L’interdiction est imposée de l’extérieur (l’interdiction-conseil)


Cette forme marque une interdiction de faire quelque chose, au nom d’une force
extérieure, comme la médecine ou le bon sens (CAUBET 1993 II : 130).

mūš îāüūüi ysəbbəs εlē-xā°əü mūš bāhi


pas nécessaire il fume parce que pas bon
l-rwārī-h.
pour-poumons-ses
« Il ne dois pas fumer parce que ce n’est pas bon pour ses poumons. »

Il peut aussi s’agir d’un simple conseil.

mūš lāzəm tušüub gəhwa bāš mā-tîuüü-š ûəôôt-ək.


pas nécessaire tu bois café pour que ne-tu nuis-pas santé-ta
« Tu ne devrais pas boire de café pour ne pas nuire à ta santé. »

mūš lāzəm təmši l-tūnəs ôā-tîəyyəε wəgt-ək.


pas nécessaire tu vas à-Tunis FUT.-tu perds temps-ton
« Tu ne devrais pas aller à Tunis ; tu vas perdre ton temps. »

2.2. L’interdiction vient du sujet


On distingue l’interdiction formelle, le manque d’obligation et l’absence de manque.

a) L’interdiction formelle (l’obligation de ne pas)


Il s’agit d’une obligation de ne pas faire quelque chose, c’est-à-dire une interdiction.

mūš îāüūüi təlεəb əl-kūra hne !


pas obligatoire tu joues le-ballon ici
« Tu ne dois pas jouer au ballon ici ! »

Dans cet énoncé, il s’agit d’une interdiction venant de l’énonciateur, qu’on peut gloser
par « je t’interdis de jouer au ballon ici ! »

Les exemples suivants marquent une interdiction que l’énonciateur se fait à lui-même,
c’est-à-dire qu’il s’oblige à ne pas faire quelque chose.

539
mūš lāzəm nεə°°əl bāš mā-tfūt-nī-š
pas obligatoire je m’attarde pour que ne-elle échappe-me-pas
ə°-°əyyāüa.
l’-avion
« Je ne dois pas m’attarder pour que je ne rate pas l’avion. »

mūš lāzəm nətôəššəm ; kān nətôəššəm məš ôā-nətkəlləm


pas obligatoire j’ai honte si j’ai honte pas-FUT.-je parle
εəübi kwəyyəs.
arabe bien
« Je ne dois pas avoir honte ; si j’ai honte je ne parlerai pas bien arabe. »

mūš lāzəm nži āudwa εlē-xā°əü hūwa mūš gāεəd !


pas obligatoire je viens demain parce que lui pas restant
« Je ne dois pas venir demain parce qu’il ne sera pas là ! »

L’obligation de ne pas s’exprime également au moyen des prépositions bla et mən-āēü


« sans », suivies du nom d’action. Cette construction a une valeur d’interdiction et est à
rapprocher de l’injonction négative (modalité 1).

bla îəôk !
sans rire
« Ne ris pas ! »
bla îəüb !
sans coup
« Ne (le) frappe pas ! »

bla žəri !
sans course
« Ne cours pas ! »

bla mənyīka !
sans moquerie
« Ne te moque pas ! »

bla flāôa !
sans idiotie
« Ne sois pas idiot ! »

bla kədb !
sans mensonge
« Ne mens pas ! »

mən-āēü žəri !
sans course
« Ne cours pas ! »

mən-āēü îəôk !
sans rire
« Ne ris pas ! »

540
L’interdiction s’exprime également au moyen de l’adjectif məmnūε « interdit » ;
məmnūε est le participe passif du verbe mnəε « il a interdit ». məmnūε se construit avec
la préposition εle « sur » suivie du sujet de la complétive (substantif ou pronom
cataphorique suffixé).

kān məmnūε εlē-h ’ənn-a yə°ləε m-əl-ôōš.


il a été interdit sur-lui que-lui il sort de-la-maison
« Il n’a pas pu sortir de la maison. »
« il n’a pas été autorisé à sortir de la maison. »

məmnūε εlē-k təlεəb əl-kūra hne !


interdit sur-toi tu joues le-ballon ici
« Il t’est interdit de jouer au ballon ici ! »
« Tu n’es pas autorisé à jouer au ballon ici ! »

məmnūε mən « de » peut être suivi d’un nom d’action.

kān məmnūε mən ə°-°lūε m-əl-ôōš.


il a été interdit de la-sortie de-la-maison
« Il n’a pas pu sortir de la maison (il n’a pas été autorisé à sortir de la maison) »

b) Le manque d’obligation (pas la peine de)


Cette valeur correspond à la négation de l’obligation, c’est-à-dire à une absence de
besoin. Ici aussi, le marqueur d’obligation est précédé du morphème continu de
négation mūš (ou məš).

mūš lāzəm nəmši mεā-k. kān təmši b-üūô-ək


pas nécessaire je vais avec-toi si tu vas avec-âme-ton
ôā-tūûəl əsüəε.
FUT-tu arrives plus vite
« Ce n’est pas nécessaire que j’aille avec toi ; si tu pars seul tu arriveras plus vite. »

mūš lāzəm tsūg b-surεa lī’ənna mumkən


pas nécessaire tu conduis avec-vitesse parce que peut-être
ndīru ôādət.
nous faisons accident
« Ce n’est pas la peine que tu conduises vite parce que nous pouvons avoir un
accident. »

mūš îāüūüi təžri !


pas nécessaire tu cours
« Ce n’est pas la peine de conduire si vite ! »

mūš îāüūüi t°əyyəb-ha. nəgdru nāklū-ha nəyya.


pas nécessaire tu cuises-la nous pouvons nous mangeons-la crue
« Ce n’est pas nécessaire que tu la cuises ; nous pouvons la manger crue. »

c) L’absence de manque
On exprime, à la forme négative, ce qui n’est pas nécessaire à quelqu’un, donc ce qui ne
manque pas à quelqu’un.

541
mūš lāzm-ək ôāža ?
pas nécessaire-te chose
« Il ne te manque rien ? »

mūš îāüūüi nžīb šēy ?


pas nécessaire j’apporte chose
« N’as-tu pas besoin que j’apporte quelque chose ? »

3. La capacité
A Tripoli, pour exprimer la capacité, on a recours au verbe gdər (yəgdər) « il a pu (il
peut, il pourra) ». Ce verbe permet l’expression des différentes valeurs de capacité, de
réalisation, de possibilité et de permission. De plus, on emploie le verbe εüəf (yəεüəf) « il
a su ; il a été capable (il sait, il saura ; il est, il sera capable) » pour exprimer la capacité
de pratiquer des activités réflexes.

3.1. La capacité
Au moyen du verbe yəgdər « il peut », conjugué à la conjugaison préfixale, marquant la
valeur de générique, on a la valeur modale de capacité qu’on peut gloser par « il peut, il
est capable de ».

nəgdər ngīm ə°-°əwla r-rzīna hādi.


je peux je soulève la-table la-lourde celle-ci
« Je suis capable de soulever cette lourde table. »

yəgdər yəžri b-surεa.


il peut il court avec-vitesse
« Il est capable de courir vite. »

Dominique CAUBET précise, pour l’arabe marocain, que la forme du participe actif
qādər permet de marquer un lien très fort avec le sujet énonciateur et que du point de
vue modal, cela donne une valeur de capacité, à laquelle il faut ajouter une idée de
polémique ; en effet, cette forme permet de marquer l’opposition de l’énonciateur à une
assertion ou une question posée antérieurement par le co-énonciateur (CAUBET 1993 II :
133).

Or, à Tripoli, la forme du participe actif n’est pas possible et il faut prendre en compte
les phénomènes suprasegmentaux et paralinguistiques. En effet, c’est la forme préfixale
yəgdər « il peut » qui donne cette valeur de capacité, avec une idée de polémique, mais
l’opposition de l’énonciateur à une assertion ou à une question posée antérieurement par
le co-énonciateur est également contenue dans l’intonation, les gestes et les mimiques ;
l’énonciateur emploie un ton insistant et il hausse le ton, comme dans les exemples
suivants :

542
- nəbbi nôəwwəl ə°-°əwla āādi.
je veux je déplace la-table là-bas
- mā-təgdər-š tôəwwəl-ha b-üūô-ək !
ne-tu peux-pas tu déplaces-la avec-âme-ton
- ngūl l-ək nəgdər nôəwwəl-ha b-üūô-i !!!
je dis à-toi je peux je déplace-la avec-âme-mon
« - Je veux déplacer cette table là-bas.
- Tu ne pourras pas déplacer cette table tout seul !
- Je te dis que je peux déplacer cette table tout seul !!! »

- b-nuîüb-uk !
FUT.-je frappe-te
- mā-təgdər-š !!
ne-tu peux-pas
- māzāl nəgdər nnīk l-ək wəžh-ək !!!
encore je peux je nique à-toi visage-ton
« - Je vais te frapper !
- Tu ne pourras pas !!
- Je peux encore te niquer ta gueule !!! »

3.2. La réalisation
On distingue la valeur de réalisation effective et celle de réalisation éventuelle.

a) La réalisation effective
A la conjugaison suffixale, le verbe gdər « il a pu » a une valeur de réalisation effective
du procès (CAUBET 1993 II : 132), avec l’idée que la réalisation a pu s’effectuer. On
peut gloser cette valeur par « réussir, parvenir à faire quelque chose ».

gədru yšūfū-hum.
ils ont pu ils voient-les
« Ils ont pu les voir ; ils ont réussi à les voir. »

gdərt tətlāga mεā-h ?


tu as pu tu rencontres avec-lui
« Est-ce que tu as pu le rencontrer ; est-ce que tu as réussi à le rencontrer ? »

gdərt nkəmməl hā-l-xədma.


j’ai pu je termine ce-le-travail
« Je suis parvenu à terminer ce travail. »

b) La réalisation éventuelle
La conjugaison préfixale donne aux verbes une valeur de réalisation éventuelle dans le
futur. A la conjugaison préfixale, le verbe yəgdər « il peut, il pourra » a une valeur de
réalisation éventuelle.

- nži mεā-k nsāεd-ək ?


je viens avec-toi j’aide-te
- la, nəgdər ngīm-ha b-üūô-i.
non je peux je soulève-la avec-âme-mon
« - Je t’accompagne et je t’aide ?
- Non, je pourrai la soulever seul. »

543
yəgdər yə°ləε.
il peut il sort
« Il pourra sortir. »

3.3. Les activités réflexes


Le verbe yəεüəf « il sait », à la conjugaison préfixale, permet d’exprimer la capacité,
mais, tel que le souligne Dominique CAUBET, ses emplois modaux sont restreints et
réservés à un certain nombre de prédicats marquant une activité réflexe acquise, tel que
la natation, la conduite, la pratique des langues, etc.

nəεüəf ndīr kull šēy.


je sais je fais chaque chose
« Je sais tout faire ; je suis capable de tout faire. »

təεüəf tεūm ?
tu sais tu nages
« Sais-tu nager ; es-tu capable de nager ? »

yəεüəf ysūg.
il sait il conduit
« Il sait conduire ; il est capable de conduire. »

təεüəf tətkəlləm füənsāwi ?


tu sais tu parles français
« Sais-tu parler français ; es-tu capable de parler français ? »

3.4. La possibilité
C’est la conjugaison préfixale du verbe yəgdər qui permet d’exprimer la possibilité. On
peut le traduire par « j’ai la possibilité de ».

εənd-a ûāôəb yəgdər ysāεd-ək bāš tāəyyər tədkərt-ək.


chez-lui ami il peut il aide-te pour que tu changes billet-ton
« Il a un ami qui a la possibilité de t’aider à modifier ton billet. »

təgdər tsāfər mən °üābləs l-bənāāzi b-üūô-ha kān


elle peut elle voyage de Tripoli à-Benghazi avec-âme-son si
təbbi.
elle veut
« Elle a la possibilité de voyager de Tripoli à Benghazi seule si elle veut. »

nəgdər nə°ləε m-əl-xədma fi ’əyyi sāεa.


je peux je sors de-le-travail à n’importe quelle heure
« J’ai la possibilité de sortir du travail à n’importe quelle heure. »

A la forme interrogative, lorsqu’on emploie la conjugaison préfixale à la deuxième


personne du verbe təgdər « tu peux » ou təgdru « vous pouvez », la question posée
prend la valeur de demande polie (CAUBET 1993 II : 142).

təgdər tsāεəd-ni law-samaôt ?


tu peux tu aides-me si-tu t’es montré indulgent
« Te serait-il possible de m’aider s’il te plaît ? »

544
təgdər tə°ləb mən xū-k ən-nəqqāl ?
tu peux tu demandes de frère-ton le-téléphone portable
« Te serait-il possible de demander le téléphone portable à ton frère ? »

3.5. La permission
On distingue la permission accordée et la proposition.

a) La permission accordée
Le verbe nəgdər, associé aux premières et aux deuxièmes personnes de la conjugaison
préfixale, permet l’expression de la permission accordée (CAUBET 1993 II : 132). On
peut le traduire par « j’ai la permission de ».

nəgdər nəmši mεā-k l-məwεd-ək ?


je peux je vais avec-toi à-endez-vous-ton
« Est-ce que je peux aller avec toi à ton rendez-vous ? »

nəgdru nsəyyrū-kum ?
nous pouvons nous suivons-vous
« Est-ce que nous pouvons vous suivre ? »

b) La proposition
Associé à la première personne, le verbe yəgdər, à la conjugaison préfixale, permet
d’exprimer une proposition.

āne nəgdər nsāεəd-ha kān təbbi !


moi je peux j’aide-la si elle veut
« Moi je peux l’aider si elle veut ! »

nəgdru nsāεdū-k ttəržəm əž-žūməl hādu.


nous pouvons nous aidons-te tu traduis les-phrases celles-ci
« Nous pouvons t’aider à traduire ces phrases. »

4. Négation et capacité
A Tripoli, pour exprimer la négation et la capacité, on utilise les marqueurs qui
permettent d’exprimer les valeurs de capacité (verbe gdər, yəgdər et verbe εüəf, yəεüəf),
mais à la forme négative, i.e. entourés du morphème discontinu de négation mā…š. De
plus, une locution à prédicat non-verbal permet d’exprimer le manque de capacité ; il
s’agit de mā-εənd-X-š žəhd « X n’a pas l’habilité, la capacité de ».

On distingue les valeurs de manque, d’absence de capacité, de négation de la


réalisation, de prédiction de non-réalisation et d’impossibilité.

4.1. Manque, absence de capacité


Le manque, l’absence de capacité s’exprime au moyen du verbe yəgdər à la conjugaison
préfixale et à la forme négative.

mā-yəgdər-š yəžri b-surεa.


ne-il peut-pas il court avec-vitesse
« Il ne peut pas courir vite. »

545
mā-nəgdər-š ngīm ə°-°əwla hādi b-üūô-i.
ne-je peux-pas je soulève la-table celle-ci avec-âme-mon
« Je ne peux pas soulever cette table tout seul. »

āne mrīî mā-nəgdər-š nākəl.


moi malade ne-je peux-pas je mange
« Je suis malade ; je ne peux pas manger. »

Dans l’énoncé suivant, le verbe nəgdər est en situation de dépendance de l’auxiliaire


εād (ici réalisé [εa]) qui est à la forme négative : mā-εād-š [mā-εā-š] « ne … plus », qui
indique, au niveau aspectuel, la rupture d’une continuité temporelle.

duxt. mā-εā-š nəgdər nətôəüüək.


j’ai la tête qui tourne ne-plus je peux je bouge
« J’ai la tête qui tourne. Je ne peux plus bouger. »

Pour indiquer l’absence de capacité de pratiquer une activité réflexe, on entoure le verbe
yəεüəf du morphème discontinu de négation.

mā-yəεüəf-š yεūm.
ne-il sait-pas il nage
« Il ne sait pas nager. »

La locution à prédicat non-verbal mā-εənd-X-š žəhd « X n’a pas l’habilité, la capacité


de » permet d’exprimer le manque de capacité. Elle se construit avec la préposition εənd
« chez » et avec son pronom suffixe (qui permettent d’exprimer la possession), entourés
du morphème discontinu de négation mā…š, suivis de žəhd « habilité », puis d’un verbe
à la conjugaison préfixale.

mā-εənd-ī-š žəhd nəžri ; āne təεbən bukkull.


ne-chez-moi-pas habilité je cours moi fatigué complètement
« Je ne suis pas capable de courir ; je suis trop fatigué. »

mā-εənd-ī-š žəhd nə°ləε mən əs-srīr.


ne-chez-moi-pas habilité je sors de le-lit
« Je ne suis pas capable de sortir de mon lit. »

4.2. Négation de la réalisation


On nie la réalisation en employant, entouré du morphème discontinu de négation mā…š,
le verbe gdər à la conjugaison suffixale. En effet, l’idée de réalisation est liée à la
conjugaison suffixale, qui a une valeur d’aoriste et permet l’expression des actions
achevées, réalisées.

mā-gdərt-š nkəmməl xədmt-i.


ne-j’ai pu-pas je termine travail-mon
« Je n’ai pas pu terminer mon travail. »

mā-gədrət-š txəyyə° sərwāl-əh.


ne-elle a pu-pas elle coud pantalon-son
« Elle n’a pas pu coudre son pantalon. »

546
mā-gədrū-š yəbnu ôōš.
ne-ils ont pu-pas ils construisent maison
« Ils n’ont pas pu construire une maison. »

4.3. Prédiction de non-réalisation


La conjugaison préfixale donne aux verbes la valeur de futur et permet l’expression
d’une prédiction. Ces verbes étant à la forme négative, entourés du morphème
discontinu de négation mā…š, c’est la prédiction de non réalisation qui est exprimée.

āudwa mā-nəgdər-š nətεəšša mεā-kum εlē-xā°əü εənd-i


demain ne-je peux-pas je dîne avec-vous parce que chez-moi
ma ndīr.
quoi je fais
« Demain je ne pourrai pas dîner avec vous parce que j’ai à faire. »

Dans la première réplique, le préverbe b- permet l’expression du futur d’intention.

- āne āudwa b-nəmši mεa muôôi li îəüna.


moi demain FUT-je vais avec Mouhi à derna
- la mā-yəgdər-š yəmši mεā-k ; εənd-a xədma hālba.
non ne-il peut-pas il va avec-toi chez-lui travail beaucoup
« - Moi, demain, j’ai l’intention d’aller à Derna avec Mouhi.
- Non, il ne pourra pas t’accompagner ; il a trop de travail. »

Le préverbe ôā- permet d’exprimer un futur proche. On utilise le morphème continu de


négation məš, pour nier une forme verbale préverbée. Cela permet, dans l’énoncé
suivant, de marquer la prédiction d’échec.

āne məš ôā-nəgdər ngīm ə°-°əwla hādi b-üūô-i.


moi NEG.-FUT.-je peux je soulève la-table celle-ci avec-âme-mon
« Moi, je ne vais pas pouvoir soulever cette table tout seul. »

4.4. L’impossibilité
A la forme négative, le verbe yəgdər, conjugué à la conjugaison préfixale, peut
également prendre la valeur d’impossibilité.

āne mā-nəgdər-š nxušš l-əl-fundug. tεāla l-i bəüüa.


moi ne-je peux-pas j’entre dans-l’-hôtel viens à-moi dehors
« Moi, je ne peux pas entrer dans l’hôtel ; rejoins-moi dehors (à moi, il m’est
impossible d’entrer dans l’hôtel, car je n’y suis pas autorisé ; cela m’est interdit). »

mā-təgdər-š təmši min °üābləs li bənāāzi b-üūô-ək


ne-tu peux-pas tu vas de Tripoli à Benghazi avec-âme-ton
ôətta ləw-kān εənd-ək nīya. lāzəm təε°ī-ni εəlm.
même si chez-toi envie nécessaire tu donnes-me savoir
« Tu ne peux pas aller seul de Tripoli à Benghazi même si tu en as envie. Il faut
que tu me le fasses savoir. »

5. La volonté, l’envie
On distingue la valeur de volonté, d’intention et celle d’envie, de désir, de souhait.

547
5.1. La volonté, l’intention
Pour exprimer la valeur de volonté, d’intention, on a recours à différents marqueurs : le
verbe yəbbi « il veut » à la conjugaison préfixale ; l’utilisation du verbe yənwi « il a
l’intention de », de la forme verbo-nominale de même racine nāwi « ayant l’intention
de » ou bien d’une locution à prédicat non-verbal à partir du nom d’action nīya
« intention » ; aussi, le préverbe b- permet d’exprimer le futur d’intention.

a) Dans le parler arabe de Tripoli, le verbe yəbbi « il veut », s’emploie avec une valeur
modale de volonté. Il n’est utilisé qu’à la conjugaison préfixale, à toutes les personnes ;
en effet, à Tripoli, il n’existe pas une conjugaison suffixale de ce verbe, ni de participes
construits à partir de cette racine 4.

Pour étudier la valeur modale de volonté, il faut tenir compte des différentes valeurs
aspectuelles que peut prendre la forme préfixale yəbbi ; en effet, les valeurs aspectuelles
influent sur les valeurs modales 5.

La forme préfixale, à l’inaccompli concomitant, donne un pseudo-performatif, qu’on


traduit en français par « je veux, je voudrais » (CAUBET 1993 II : 137).

əftəô əl-bāb nəbbi nə°ləε !


ouvre la-porte je veux sortir
« Ouvre la porte, je veux sortir ! »

stənna, nəbbi nži mεā-k !


attends je veux je viens avec-toi
« Attends, je veux venir avec toi ! »

nəbbi šwēyət-sukkuü li š-šāhi mtāε-i.


je veux un peu de-sucre pour le-thé de-moi
« Je voudrais un peu de sucre pour mon thé. »

La forme préfixale peut aussi être utilisée dans un contexte de passé, précédée du verbe
kān « il a été » à la conjugaison suffixale.

kunt nəbbi nəxdəm mεā-k.


j’ai été je veux je travaille avec-toi
« Je voulais travailler avec toi. »

yəbbī-ni nəmši mεā-h lākən mā-bēt-š.


il veut-me je vais avec-lui mais ne-j’ai voulu-pas
« Il voulait que j’aille avec lui, mais je n’ai pas voulu. »

nəbbī-h yži lākən mā-žā-š.


je veux-le il vient mais ne-il est venu-pas
« Je voulais qu’il vienne, mais il n’est pas venu. »

On trouve de nombreux exemples dans les hypothétiques.

4
A la forme suffixale, on peut utiliser le verbe üād « il a voulu ». On peut aussi utiliser la forme mā-bā-š
« il n’a pas voulu », mais uniquement à la forme négative.
5
A ce sujet, pour l’arabe marocain, voir CAUBET 1993 II : 137.

548
kān yəbbi yətεəlləm əl-ləhža l-lībīya
si il veut il apprend le-parler le-libyen
lāzəm yətkəlləm mεa n-nās.
il faut il parle avec les-gens
« S’il veut apprendre l’arabe libyen, il faut qu’il parle avec les gens. »

kān təbbi təmši l-əû-ûəôüa


si tu veux tu vas à-le-désert
gūl l-i nəmši mεā-k.
dis à-moi je vais avec-toi
« Si tu veux aller dans le désert, dis-moi et j’irai avec toi. »

b) A Tripoli, on emploie également le verbe yənwi « il a l’intention de, il veut » à la


conjugaison préfixale, ou à la forme participiale nāwi. Ils sont utilisés pour marquer la
volonté, l’intention.

On le trouve dans les hypothétiques.

kān yənwi yətεəlləm əs-swāga āne nsāεd-əh.


si il a l’intention de il apprend le-permis de conduire moi j’aide-le
« S’il a l’intention de passer le permis de conduire, moi je l’aiderai. »

On peut employer la forme participiale avec une valeur d’actuel.

nāwīyīn nəmšu nεūmu.


ayant pris la résolution nous allons nous nageons
« Nous avons envie d’aller nager. »

La forme participiale peut également avoir une valeur de parfait, qu’on peut gloser par
« ayant pris la résolution de ».

hūwa nāwi yətεəlləm əs-swāga s-sāna hādi.


lui ayant pris la résolution de il apprend le-permis de conduire l’année celle-ci
« Il a l’intention de passer le permis de conduire cette année (il a décidé de
passer le permis de conduire, il en a pris la décision. »

On emploie aussi le nom d’action nīya « dessein, intention, volonté », dans une forme à
prédicat non-verbal, au moyen de la préposition εənd « chez », qui permet d’exprimer la
possession.

εənd-a nīya ykəmməl əd-dōktōüa mtāε-a s-sāna hādi.


chez-lui intention il termine le-doctorat de-lui l’année celle-ci
« Il a l’intention de terminer son doctorat cette année. »

εənd-i nīya nži li lībya.


chez-moi intention je viens à Libye
« J’ai l’intention de venir en Libye. »

549
εənd-na nīya nεūmu u b-nəmšu bəεd
chez-nous intention nous negeons et INT.-nous allons après
yōmēn.
deux jours
« Nous avons envie de nager et nous avons l’intention d’y aller dans deux jours. »

c) A Tripoli, la volonté, l’intention se marquent au moyen de la conjugaison préfixale,


précédée du préverbe b- 6.

wāôəd əôwəl εənd-a εəûfūr əôwəl


quelqu’un qui louche chez-lui oiseau qui louche
b-yôu°°-a f-əl-gəfû ôə°°-a bəüüa
INT.-il met-lui dans-la-cage il a mis-le à l’extérieur
l-εəûfūr b-yuhüub xəšš əl-gəfû.
l’-oiseau INT.-il s’enfuie il est entré la-cage
« Quelqu’un qui louche a un oiseau qui louche (strabisme convergent)
il avait l’intention de le mettre dans la cage, il l’a mis à l’extérieur
l’oiseau, en voulant s’enfuir, est entré dans la cage. »

kunt b-nəmši l tūnəs,


j’ai été INT.-je vais à, vers Tunis
mšēt l māl°a.
je suis allé à, vers Malte
« J’avais l’intention d’aller à Tunis, (mais) je suis allé à Malte. »

kunt bə-nži li lībya šəhü-ābrīl hāda


j’ai été INT.-je viens à Libye mois-avril celui-ci
lākən mā-ôəûûəlt-š əl-vīza.
mais ne-j’ai obtenu-pas le-visa
« J’avais l’intention de venir en Libye en avril dernier,
mais je n’ai pas obtenu le visa. »

b-təmši l xədma āudwa ?


INT.-tu vas à travail demain
« Tu as l’intention d’aller travailler demain ? »

5.2. L’envie, le désir, le souhait


A Tripoli, le verbe yəbbi s’emploie également avec la valeur modale d’envie, de désir.
C’est au niveau aspectuel que s’opposent la valeur de volonté-intention et celle d’envie-
désir. De même, la valeur d’actuel que fournit la forme préfixale permet l’expression de
l’envie. En arabe marocain, l’expression de l’envie est liée à la valeur aspectuelle
d’actuel, tel que l’a indiqué Dominique CAUBET : « Le participe actif [bāāe] marque
une valeur aspectuelle d’actuel que l’on rendra en français par "j’ai envie de", "ça fait
longtemps que j’ai envie de" » (CAUBET 1993 II : 137).

6
En ce qui concerne les parlers du Fezzân, Dominique CAUBET (2004 : 89), en se basant sur le travail
de Philippe MARÇAIS (2001), précise qu’il y aurait un lien entre le préverbe b- et le verbe yəbbi : « le
futur se forme au moyen d’un préverbe b-/bī-, à rapprocher du verbe bª-ibí/ibbi ‘vouloir’ […]. Ce
préverbe marque aussi la volonté […]. Chez les Duwwāda […], le préverbe a aussi un sens final ».

550
āne nəbbi nəxdmu mεā-bəεî.
moi je veux nous travaillons ensemble
« Moi, j’ai envie que nous travaillions ensemble. »

āne fəddēt m-əl-xədma, ¢-¢əëë, nəbbi nə°ləε !


moi j’en ai eu marre de-le-travail putain je veux je sors
« Moi, j’en ai marre du travail, putain, j’ai envie de sortir ! »

yəbbi yəmši lə-füənsa ôətta kān mā-εənd-ā-š flūs.


il veut il va à-France même si ne-chez-lui-pas argent
« Il a envie d’aller en France même s’il n’a pas d’argent. »

āne nəbbi nsəyyəb əd-duxxān.


moi je veux je quitte le-tabac
« Moi, j’ai envie d’arrêter de fumer. »

zēy-ma təbbi.
comme-quoi tu veux
« Comme tu le souhaites. »

Lorsque le sujet de la complétive n’est pas celui de la principale, on suffixe un pronom


cataphorique au verbe modal, qui annonce le sujet de la complétive.

nəbbī-h yži.
je veux-le il vient
« J’ai envie qu’il vienne. »

yəbbī-ni nəmši mεā-h.


il veut-me je vais avec-lui
« Il a envie que j’aille avec lui. »

nəbbī-ha təxdəm mεā-y.


je veux-la elle travaille avec-moi
« J’ai envie qu’elle travaille avec moi. »

6. Négation et envie
On distingue l’expression de la négation et la volonté, puis l’expression de l’absence
d’envie.

6.1. Négation et volonté


Pour nier la volonté, on emploie le verbe yəbbi « il veut » à la forme négative. On peut
également employer le terme nīya « intention » dans des locutions à prédicat non-
verbal.

a) A Tripoli, pour exprimer une volonté négative, on emploie le verbe yəbbi, à la forme
négative, i.e. entouré du morphème discontinu de négation mā…š. Si le verbe est
employé dans un contexte de passé, c’est le verbe kān « il a été » – duquel dépend alors
le verbe yəbbi – qui est à la forme négative. De plus, il faut tenir compte des différentes
valeurs aspectuelles que peut prendre le verbe yəbbi, à la conjugaison préfixale, étant
donné que les valeurs aspectuelles influent sur les valeurs modales.

Dans les exemples suivant, le verbe est employé dans un contexte de passé.

551
mā-kunt-š nəbbi nži li lībya u ôətta ləw-kān
ne-j’ai été-pas je veux je viens à Libye et même si
mā-nəbbī-š nži îāüūüi ma nži.
ne-je veux-pas je viens impérativement que je viens
« Je ne voulais pas venir en Libye et même si je ne voulais pas venir, c’était
impératif que je vienne. »

Lorsque le sujet de la complétive n’est pas celui de la principale, on suffixe un pronom


cataphorique au verbe modal, qui annonce le sujet de la complétive.

mā-nəbbī-š-ši 7 yži lākən že.


ne-je veux-le-pas il vient mais il est venu
« Je ne voulais pas qu’il vienne, mais il est venu. »

b) De plus, pour nier la volonté, on emploie le terme nīya « intention » dans des
locutions à prédicat non-verbal : mā-εənd-X-š nīya « X n’a pas l’intention de » et mā-fī-
š nīya « il n’y a pas l’intention de ».

mā-εənd-hā-š nīya tsāfər.


ne-chez-elle-pas intention elle voyage
« Elle n’a pas l’intention de voyager. »

mā-εənd-ī-š nīya nuskun fi °üābləs.


ne-chez-moi-pas intention j’habite à Tripoli
« Je n’ai pas l’intention d’habiter à Tripoli. »

mā-kunt-š εənd-i nīya nži li lībya.


ne-j’ai été-pas chez-moi intention je viens à Libye
« Je n’avais pas l’intention de venir en Libye. »

mā-fī-š nīya l-əd-dūwa b-əl-εəübi.


ne-il y a-pas intention pour-la-conversation en-l’-arabe
« Il n’y a pas la volonté de parler en arabe. »

Aussi, l’énoncé nominal nīyt-X msəkkra « l’intention de X est fermée, X n’a pas
l’intention » contient la valeur modale de négation et envie.

āne klēt hālba f lə-āde mā-εənd-ī-š nīya


moi j’ai mangé trop à le-déjeuner ne-chez-mi-pas intention
nākəl ; nīyt-i msəkkra.
je mange volonté-ma fermée
« Moi, j’ai beaucoup mangé au déjeuner ; je n’ai pas l’intention de manger ; je
n’ai pas l’intention. »

6.2. L’absence d’envie


Pour marquer l’absence d’envie, à Tripoli, on a recours à différents marqueurs : on
emploie le verbe modal yəbbi à la conjugaison préfixale et à la forme négative (entouré

7
Lorsqu’on suffixe le pronom de troisième personne du masculin singulier –h à un verbe qui se termine
par une voyelle (étymologiquement longue) et que ce verbe est entouré des morphèmes de négation
mā…š, alors le –h est assimilé par le /š/, qui est réalisé géminé [šš] ; on voit par ailleurs dans ce cas-là
toujours apparaître le deuxième morphème de négation sous la forme /ši/.

552
du morphème discontinu de négation mā…š), mais aussi des locutions à prédicat non-
verbal.

a) L’expression du manque d’envie est liée à la valeur aspectuelle : la valeur d’actuel


que prend la forme préfixale à la forme négative permet d’exprimer l’absence d’envie.

mā-nəbbī-š nākəl.
ne-je veux-pas je mange
« Je n’ai pas envie de manger. »

hīya mā-təbbī-š tsāfər.


elle ne-elle veut-pas elle voyage
« Elle n’a pas envie de voyager. »

b) Pour exprimer le manque d’envie, on a recours à une locution à prédicat non-verbal,


employée à la forme négative, construite au moyen de la préposition εənd « chez » et du
substantif nəfs « âme, essence, individu, substance », qu’on peut traduire par « ne pas
avoir la tête à, ne pas être d’humeur à, ne pas avoir envie de ».

mā-εənd-ī-š nəfs nākəl.


ne-chez-moi-pas âme je mange
« Je n’ai pas envie de manger. »

c) Pour exprimer le manque d’envie, on utilise également une expression qui contient le
substantif xā°əü « esprit, idée, pensée ». Il s’agit d’une forme invariable de participe de
racine √x°ü, à laquelle on suffixe des pronoms et qu’on entoure du morphème discontinu
de négation mā…š. Cela permet de former une pseudo-conjugaison :

SG. 1. mā-xā°ü-ī-š « Je n’ai pas envie de »


2. mā-xā°ü-ək-š « Tu n’as pas envie de »
3.m. mā-xā°ü-ā-š « Il n’a pas envie de »
3.f. mā-xā°əü-hā-š « Elle n’a pas envie de »
PL. 1. mā-xā°əü-nā-š « Nous n’avons pas envie de »
2. mā-xā°əü-kum-š « Vous n’avez pas envie de »
3. mā-xā°ər-hum-š « Ils, elles n’ont pas envie de »

mā-xā°ü-ī-š nəmši l-əl-εərs.


ne-idée-mon-pas je vais à-le-mariage
« Je n’ai pas envie d’aller au mariage. »

mā-xā°əü-hā-š tsāfər.
ne-idée-son-pas elle voyage
« Elle n’a pas envie de voyager »

7. Le besoin
On distingue la valeur de besoin général, celle de besoin éventuel, celle de besoin actuel
et celle de besoin révolu.

553
7.1. Le besoin général
Le besoin général s’exprime au moyen du verbe yəôtāž « il a besoin », conjugué à la
conjugaison préfixale. En effet, la valeur de besoin général est associée à la conjugaison
préfixale et à la valeur aspectuelle de présent général.

nəôtāž nəxdəm ?
j’ai besoin je travaille
« Ai-je besoin de travailler ? »

On emploie également le verbe yəstôəgg « il a besoin » a la conjugaison préfixale.

təstôəgg flūs ?
tu as besoin argent
« As-tu besoin d’argent ? »

7.2. Le besoin éventuel


Le besoin éventuel s’exprime au moyen de la conjugaison préfixale qui a une valeur de
futur. On retrouve le verbe yəôtāž et le verbe yəstôəgg.

kān təbbi tuskun fi °üābləs, təôtāž təlga


si tu veux tu habites à Tripoli tu as besoin tu trouves
šəgga.
appartement
« Si tu veux habiter à Tripoli, tu auras besoin de trouver un appartement. »

kān tži tuskun fi lībya, təstôəgg təxdəm.


si tu viens tu habites à Libye tu as besoin tu travailles
« Si tu viens habiter à Tripoli, tu auras besoin de travailler. »

Dans ces énoncés, les verbes des subordonnées introduites par kān « si » sont à la
conjugaison préfixale et permettent l’expression de l’irréel du présent, alors que les
verbes des principales sont à la conjugaison préfixale et permettent l’expression d’une
éventualité dans le futur.

7.3. Le besoin actuel


Le besoin actuel s’exprime au moyen de la forme participiale məôtāž « ayant besoin »,
qui, au niveau aspectuel, a une valeur d’actuel.

āne məôtāž nəmši l-brī°ānya


moi ayant besoin je vais en-Grande-Bretagne
« J’ai besoin d’aller en Grande-Bretagne. »

āne məôtāž-ək tsāεəd-ni ntəržəm əž-žūməl hādu.


moi ayant besoin-te tu aides-me je traduis les-phrases celles-ci
« J’ai besoin que tu m’aides à traduire ces phrases. »

āne məôtāž nəšri šwēyət-ktābāt b-əl-εərbi.


moi ayant besoin j’achète un peu de-livres en-l’-arabe
« J’ai besoin d’acheter quelques livres en arabe. »

On peut également employer la forme participiale məstôəgg « ayant besoin ».

554
āne məstôəgg nəxdəm.
moi ayant besoin je travaille
« J’ai besoin de travailler. »

məstôəgg flūs ?
ayant besoin argent
« As-tu besoin d’argent ? »

7.4. Le besoin révolu


Le besoin révolu s’exprime au moyen de la conjugaison suffixale, qui, au niveau
aspectuel, donne au verbe une valeur d’aoriste.

āməs ôtāžt-ək lākən mā-lgēt-ək-š.


hier j’ai eu besoin-te mais ne-j’ai trouvé-te-pas
« Hier, j’ai eu besoin de toi, mais je ne t’ai pas trouvé. »

- ənta rfəεt nāfəε ?


toi tu as emmené Nafa
- ēh, stôəggēt-a yži mεā-y nəšri šəfra.
oui j’ai eu besoin-le il vient avec-moi j’achète puce
« - Tu as emmené Nafa ?
- Oui, J’ai eu besoin qu’il vienne avec moi acheter une puce. »

8. Négation et besoin
On distingue la négation et le besoin général, la négation et le besoin éventuel, la
négation et le besoin actuel, ainsi que la négation et le besoin révolu.

8.1. Négation et besoin général


Pour nier le syntagme verbal, ce dernier est entouré du morphème discontinu de
négation mā-…-š.

Le verbe à la forme préfixale a une valeur de présent général. On nie l’expression du


besoin général.

mā-nəôtāž-š nəxdəm.
ne-j’ai besoin-pas je travaille
« je n’ai pas besoin de travailler. »

mā-nəstôəgg-š nuügud hālba.


ne-j’ai besoin-pas je dors beaucoup
« je n’ai pas besoin de dormir beaucoup. »

8.2. Négation et besoin éventuel


La conjugaison préfixale peut également avoir une valeur de besoin éventuel dans le
futur. On nie l’expression du besoin éventuel. On trouve les deux verbes yəstôāž et
yəstôəgg, à la conjugaison préfixale et à la forme négative entourés du morphème
discontinu de négation mā…š.

kān nəübəô əl-məlyūn mā-nəôtāž-š nəxdəm.


si je gagne le-million ne-j’ai besoin-pas je travaille
« Si je gagne le million, je n’aurai plus besoin de travailler. »

555
kān nkəmməl mā-nəstôəgg-š nwəlli li lībya.
si je termine ne-j’ai besoin-pas je retourne en Libye
« Si je termine, je n’aurai pas besoin de retourner en Libye. »

Comme en 7.2., les verbes des subordonnées introduites par kān « si » permettent
d’exprimer l’irréel du présent. Les verbes des principales sont à la conjugaison préfixale
et ont une valeur de futur, qui permet l’expression d’un besoin éventuel. Cette
éventualité est niée ; les verbes étant entourés du morphème discontinu de négation
mā…š.

kān žēt b-səyyāüa, mā-nəstôəgg-š ət-tədkīra hādi.


si je suis venu en-voiture ne-j’ai besoin-pas le-billet celle-ci
« Si j’étais venu en voiture, je n’aurais pas eu besoin de ce billet. »

Dans cet exemple, le verbe de la subordonnée est à la conjugaison suffixale et exprime


l’irréel du passé. Le verbe de la principale est à la conjugaison préfixale, à la forme
négative, et exprime une action qui aurait pu ne pas être nécessaire, dans un futur
antérieur.

8.3. Négation et besoin actuel


La forme participiale a une valeur d’actuel. On nie l’expression du besoin actuel. Pour
nier la forme participiale, on fait précéder cette dernière du morphème continu de
négation məš ou mūš. On trouve les deux formes məôtāž et məstôəgg.

āne məš məôtāž flūs mənn-əh.


moi pas-ayant besoin argent de-lui
« Je n’ai pas besoin de son argent. »

āne məš məstôəgg mεāwənt-əh.


moi pas-ayant besoin aide-son
« Je n’ai pas besoin de son aide. »

8.4. Négation et besoin révolu


Le verbe à la forme suffixale a une valeur d’aoriste. On nie l’expression du besoin
révolu. On trouve les verbes ôtāž et stôəgg, à la conjugaison suffixale, à la forme
négative, entourés du morphème mā…š.

l-ôəmdu li-llāh ’ənn-ni mā-ôtāžt l-ā-š.


la-louange à-Dieu que-moi ne-j’ai eu besoin de-lui-pas
« Dieu soit loué, je n’ai pas eu besoin de lui. »

əl-ktāb əlli ε°ēt-hū-l-i mā-stôəggēt-ā-š fi bārīs.


le-livre que tu as donné-le-à-moi ne-j’ai eu besoin-pas à Paris
« A Paris, je n’ai pas eu besoin du livre que tu m’as donné. »

9. Conclusion
A Tripoli, pour exprimer les modalités inter-subjectives, on a, d’une manière plus
récurrente, recours à des verbes modaux et, dans une moindre mesure, on emploie des
adverbes, des locutions adverbiales et des locutions à prédicat non-verbal. On a ainsi
affaire à une modalité fortement grammaticalisée. On emploie notamment des formes

556
participiales invariables (lāzəm [1] et xā°ər [6.2.c]), à partir desquelles se sont
développées des pseudo-conugaisons, qui se construisent avec les pronoms suffixes.

Aussi, dans l’expression de cette modalité, on a tenu compte des différentes valeurs
aspectuelles que peuvent prendre les différentes formes verbales et participiales. En
effet, dans l’expression de cette modalité, à l’instar de ce qu’on a rencontré en étudiant
la modalité épistémique, une valeur modale peut être liée a une valeur aspectuelle.

Les tableaux suivants récapitulent les moyens d’exprimer la modalité inter-subjective à


Tripoli.

Modalité Valeurs Marqueurs


inter-subjective

Obligation Imposée de l’extérieur Verbe modal : lāzəm


Venant du sujet Adverbes : îāüūüi, lā-budda
Locutions à prédicat non-verbal :
b-sēf εlē-, āəûbən εən(n)-
Capacité Capacité Verbe modal : yəgdər
Réalisation effective Verbe modal : gdər
Réalisation éventuelle Verbe modal : yəgdər
Activités réflexes Verbe modal : yəεüəf
Possibilité Verbe modal : yəgdər
Permission accordée Verbe modal :
1ères pers. nəgdər, nəgdru
2èmes pers. təgdər, təgdru
Proposition Verbe modal : 3èmes pers. yəgdər, yəgdru
Volonté-Envie Volonté, intention Verbes modaux :
yəbbi, yənwi, nāwi
Préverbe b- + conjugaison préfixale
Locution à prédicat non-verbal :
εənd-X nīya
Envie, désir, souhait Verbe modal : yəbbi
Besoin Besoin général Verbes modaux : yəôtāž, yəstôəgg
Besoin éventuel Verbes modaux : yəôtāž, yəstôəgg
Besoin actuel Verbes modaux : məôtāž, məstôəgg
Besoin révolu Verbes modaux : ôtāž, stôəgg

557
Ce deuxième tableau récapitule les façons d’exprimer la négation des modalités.

Négation et Interdiction-conseil mūš lāzəm


obligation mūš îāüūüi
Interdiction formelle mūš lāzəm
mūš îāüūüi
məmnūε
bla ~ mən-āēü
Manque d’obligation mūš lāzəm
Absence de manque mūš îāüūüi
Négation et capacité Manque, absence de capacité mā-yəgdər-š
mā-yəεüəf-š
mā-εənd-X-š žəhd
Négation de réalisation mā-gdər-š
Prédiction de non-réalisation mā-yəgdər-š
mūš ôā-yəgdər
Impossibilité mā-yəgdər-š
Négation et envie Négation et volonté mā-yəbbī-š
mā-εənd-X-š nīya
nīyt-X msəkkra
Absence d’envie mā-yəbbī-š
mā-εənd-X-š nəfs
mā-xā°(ə)ü-X-š
Négation et besoin Négation et besoin général mā-yəôtāž-š
mā-yəstôəgg-š
Négation et besoin éventuel mā-yəôtāž-š
mā-yəstôəgg-š
Négation et besoin actuel mūš məôtāž
mūš məstôəgg
Négation et besoin révolu mā-ôtāž-š
mā-stôəgg-š

558
CONCLUSION

Dans l’introduction de cette thèse, j’ai indiqué combien il était urgent et important de
remettre l’arabe libyen à l’ordre du jour. A ma connaissance, personne d’autre ne
travaille sur le parler arabe de Tripoli contemporain et les travaux sur l’arabe libyen
manquent considérablement. Ces recherches sont importantes pour la communauté
scientifique, pour le développement des recherches dans le domaine de la dialectologie
arabe et pour la connaissance de l’arabe en général. Beaucoup de parlers arabes sont en
voie de disparition et il est urgent de les décrire ; surtout pour un pays comme la Libye,
où peu d’études ont été effectuées.

On sait que les données sociolinguistiques ont été très fortement bouleversées ces
dernières années. Au cours du 20e siècle, les parlers de Libye ont, en effet, connu une
évolution importante 1, en raison de l’accroissement de la population, du développement
des villes et des fortes migrations interrégionales. Les mouvements de population, de
par leur importance, ont produit un véritable brassage de la population, d’amplitude
variable selon les régions. Les villes de Tripoli, Benghazi et Sebha ont été les
principaux pôles d’attraction 2. C’est notamment depuis la découverte et l’exploitation
des gisements de pétrole, dans les années 1950, qu’on assiste à d’importants
mouvements de population et à de considérables changements liés à l’exode rural. Avec
la prospection du pétrole a commencé l’appel à la main d’œuvre salariée et, par
conséquent, la migration en masse des ruraux ; beaucoup de ruraux ont quitté le secteur
agricole et se sont installés dans les centres urbains 3. On sait précisément qu’entre 1964
et 1995, la population urbaine en Libye a été multipliée par quatre ; à Tripoli, la
population a crû de plus de 450 % 4.

Cette thèse de doctorat est ma contribution à l’avancée des connaissances linguistiques


de la Libye : j’ai réalisé une description actualisée du parler arabe de Tripoli, parler
arabe urbain en pleine mutation. J’ai décrit la phonologie, la morphologie et la
morphosyntaxe de ce parler et j’ai étudié l’aspect verbal et les modalités. Toutefois, ce
travail peut encore connaître des prolongements.

En ce qui concerne les catégories grammaticales, il me reste à approfondir l’étude de


l’aspect verbal et je souhaite aborder l’étude de la détermination, qui ne figure pas dans
cette thèse et qui fera l’objet d’un prochain travail.

Au niveau sociolinguistique, il faudrait enrichir cette étude avec des données recueillies
auprès de femmes et également s’intéresser aux éventuels parlers féminins ; en effet,
mes recherches pour cette thèse ont été effectuées avec des jeunes hommes. Cela n’a
pas été un choix ; en Libye, il est difficile pour un homme d’enquêter auprès de
femmes. J’ai cependant réussi à enregistrer la mère d’un de mes informateurs, ainsi
qu’une amie libyenne originaire de Benghazi, lorsqu’elle était de passage en France. A
partir du corpus que j’ai obtenu, je compte présenter une communication que je
présenterai lors des prochaines rencontres de l’Association Internationale de
Dialectologie Arabe qui se tiendront à Colchester, en Grande-Bretagne, en août 2008,

1
Au sujet de l’urbanisation et de l’évolution du parler arabe de Tripoli, voir PEREIRA 2007.
2
Voir BESSIS 1986 : 37.
3
Voir DJAZIRI 1996 : 52.
4
Voir FONTAINE 2004 : 167.

559
dans le cadre d’une recherche sur les parlers arabes féminins dirigée par Catherine
MILLER, Stephan PROCHAZCA et Angeles VICENTE.

En outre, ce travail de thèse ne comporte pas de glose morphématique ; sous chaque


énoncé, j’ai proposé une traduction mot à mot. Cependant, depuis 2006, je suis membre
du projet CORPAFROAS : Corpus Oral en Langues Afroasiatiques : Analyse
Prosodique et Morphosyntaxique, dirigé par Amina METTOUCHI, dans le cadre duquel
nous élaborons une liste de gloses des morphèmes, que j’utiliserai dans mes prochaines
publications pour gloser mes énoncés.

Par ailleurs, je souhaiterais élargir les recherches en Libye. Il serait profitable de


poursuivre la description de ses parlers arabes, parallèlement à des études socio-
historiques et démographiques. Je voudrais décrire le parler arabe de Benghazi
contemporain et travailler sur l’arabe parlé à Sebha ; comme je l’ai indiqué
précédemment, ces deux villes ont également connu un développement important au
cours du 20e siècle. Il serait aussi utile de décrire le parler des vieux centres urbains, tels
que Khoms et Misurata sur la côte tripolitaine, mais également Derna et El-Beïda en
Cyrénaïque. Les parlers arabes du Fezzân ont été étudiés par William et Philippe
MARÇAIS dans les années 1940, mais leur étude doit être actualisée. Ces descriptions
permettraient notamment de contribuer à établir une typologie des parlers arabes de
Libye, à l’instar des classifications effectuées par les dialectologues au 20e siècle, pour
le Maroc, l’Algérie et la Tunisie.

Il serait également intéressant de poursuivre des recherches sur les langues en contact en
Libye ; je pense notamment au contact entre l’arabe et le berbère, d’autant plus que les
parlers berbères de Libye sont en voie de disparition. Les berbérophones sont
concentrés en Tripolitaine, dans la ville côtière de Zouara, à l’intérieur des terres dans
des villes du Djebel Nefoussa et dans l’oasis de Ghadamès. Il n’y aurait plus de
berbérophones à Aoujila et à Al-Jaghboub, à l’Est de la Libye, depuis le début du 20ème
siècle. Certains auteurs indiquent l’existence de groupes berbérophones dans les oasis
de la Joufra : à Houn, Sokna et Waddan 5. Depuis 2004, je suis membre d’un Projet
d’Action Intégrée entre mon équipe de recherche, le CRÉAM-LACNAD, et l’Université
de Fès et nous travaillons sur le contact entre l’arabe marocain et le berbère (au niveau
de la phonétique, de la morphologie, de la syntaxe et du lexique), au Maroc, dans le
région de Fès-Sefrou-Boulemane. Il me semble important d’élargir ces recherches à
l’échelle maghrébine.

Depuis octobre 2000, date à laquelle j’ai initié mes recherches sur l’arabe libyen, je
m’investis dans le but de proposer à la communauté scientifique, aux linguistes et
arabisants, aux étudiants en arabe et au public intéressé une étude originale, nouvelle et
actualisée sur l’arabe de Tripoli. Mon but est de poursuivre ma carrière dans ce domaine
et de contribuer au développement des connaissances de l’arabe libyen, pour qu’il
puisse être enseigné, à la place qui lui revient, aux côtés de l’arabe marocain, algérien,
tunisien et de l’initiation à l’arabe mauritanien, au maltais et au judéo-arabe.

5
LARCHER 2001 : 46-48 et SOURIAU 1986 : 40

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TEXTES

Ωl-būrdīm

Ωl-būrdīm hādi ṭārīqa lli təṭyīb-Ωl-lḥəm w hāda nΩṭΩyybu fī-h f-Ωz-zrādi. kīf Ωl-
būrdīm ? yəḥfṛu ḥufṛa f-Ωṭ-ṭṛāb. Ωl-ḥufṛa hādi, šīn yḥuṭṭu fī-ha ? yḥuṭṭu fī-ha byāÜ.
yḥuṭṭu fī-ha lΩ-byāÜ. lΩ-fḥΩm, ngūlu lΩ-byāÜ ḥne ; ṭəbεən Ωl-lībīyīn mā-nḥΩbbū-š bəεÜ-
Ωl-kālmāt. yəεni kālmΩt-fḥΩm, kālma tžīb Ωl-kā’āba ; hākki ngūlu lī’ənn-a lōn-əh
’əswəd. fa kālmΩt-fḥΩm šwēya mΩš ḥəlwa. w lākΩn fḥΩm msΩmmyīn-əh lΩ-ṭṛābΩlsīyīn
msΩmmyīn-əh byāÜ mΩn lōn-əh ’əbyəÜ, mεā-’ənn-əh lōn-əh mūš ’əbyəÜ. zēy mātālān
εənd-na š-šəxṣ Ωl-’əεma mātālān ; u b-Ωl-εaṛabi l-fuṣḥa ygūl l-ha Ü-Üarīr ; u l-’əεma lli
hūwa mā-yešbəḥ-š. ḥne bΩ-ṭṛābΩlsi ngūlu l-əh lΩ-bṣīr ; lΩ-bṣīr məεnā-h Ωlli yšūf.
lākΩn ləmma ḥədd ygūl l-Ωk šəxṣ bṣīr Ωnta təfhΩm ’ənn-əh hūwa mā-yəšbəḥ-š zēy Ωl-
bΩṛṛād dīma ḥne εənd-na ḥəṛṛāṛa, dīma fi blād-na ləmma ngūlu suxxān u š-šēy s-sxūn
u l-ḥəṛṛāṛa hīya ’əṣlən šēy mā-nḥΩbbū-š-ši ḥne hālba lī’ənna ḥne žəww-na sxūn ’əṣlən
fa nsəmmu fī-h bΩṛṛād. fa εūmūmən ḥne nḥuṭṭu f-Ωl-byāÜ u nwΩllεu fī-ha n-nāṛ u
nsəkkṛu fī-ha. l-ḥufṛa hādīya nsəkkṛu fī-ha bi ṭəṛf-zīŋgu. u bəεdēn nḥuṭṭu fōg-əh Ωṭ-ṭṛāb
u nxəllu hā-n-nāṛ wālεa f-hādīkā-l-ḥufṛa, f-ūṣṭ-Ωl-ḥufṛa hādīkāy, f-ūṣṭ-Ωṭ-ṭṛāb l-ōṭa.
ḥufṛa εūmā-ha mtāε tΩsεīn sānti mtāε mītṛo u quṭṛ-ha yži nuṣṣ-mītṛo yəεni u məṛṛāt
’əktΩṛ yəεni. nḥuṭṭu fī-ha me u nxəllu fī-ha u bəεd mudda šīn yṣīṛ ? lΩ-byāÜ u ṛ-ṛmād u
kāda kull-əh yənzΩl l-ōṭa w ən-nāṛ tunṭfa b-ṛūḥ-ha lī’ənna msəkkaṛ εlē-ha. mā-fī-š
ōxōžīn yxušš l-ha. bəεd fətra tunṭfa lākΩn Ωl-ḥəṛṛāṛa lli f-ūṣṭ-Ωl-ḥufṛa hādi tkūn mūš
εādīya bukkull. Ωl-ḥəṛṛāṛa tugεud Ωl-dāxΩl f-ūṣṭ-Ωl-ḥufṛa. nāxdu f-lḥəm ḥətta hūwa
žāhΩz u mwətti bi Übāṛāt-əh bi-ḍbāyr-əh u kāda u yḥuṭṭu fī-h fi sīlvΩr. nḥuṭṭu fī-h f-Ωl-
wṛΩg hāda l-məεdāni. nḥuṭṭu f-Ωl-lḥam fī-h u nsəkkṛu fī-h. εlāš ? bΩss ġēṛ bāš mā-
yxušš l-ā-š Ωt-tṛāb. Ωl-būrdīm fī ḥətta lli mā-yḥuṭṭū-š fī-h f-ūṣṭ-Ωs-sīlvΩr. fi hālba
mūdīfkāt ndārΩt ždīda. fi hālba təεdīlāt hākki. l-qəsÜ kull-əh ’ənn-əh mā-yxušš l-ā-š Ωṭ-
ṭṛab. lākΩn yΩnḥəṭṭ u yΩndār. tΩnftəḥ əl-ḥufṛa ṭəbԑən ləmma tənftəḥ ṛudd bāl-Ωk təḥrg-
Ωk. u yəbda l-lḥəm hādūkāy mūžūd f-Ωs-sīlvΩr u ytləwwəh f-ūṣṭ-Ωl-ḥufṛa, l-lḥəm, u
ytsəkkΩṛ εlē-h tΩtsəkkΩṛ εlē-h ḥətta hīya u tsəkkΩṛ εlē-h b-Ωt-tṛab. w ənsā-h Ωl-lḥəm
hādāya bəṛṛa tzΩrrΩd əlεΩb nəggΩz əlεΩb Ωl-kāṛta. tεāla l-əh fi āxΩṛ-Ωn-nhāṛ bəεd-ma
ykūn lī-h sΩtta sāεāt ḥāža zēy hākki u ṭəllaε Ωl-lḥəm mΩn Ωl-ḥufṛa hādīkāy. u ’əḥlā-
lḥəm tākl-əh fi ḥyāt-Ωk Ωl-lḥəm hādākāy ṭāyΩb ŋgūlu ṭāyΩb εəs-s-ṣahd ṭāyΩb mΩn ġēr
nāṛ ṭāyΩb b-Ωl-ḥəṛṛāṛa bΩss lī’ənn-əh Ωl-ḥəṛṛāṛa tkūn mΩtžānsa ԑle l-lḥəm kull-əh fa
yṭīb ṭyāb mumtāz. Ωl-ḥəṛṛāṛa mā-tžī-š-ši mΩn žīha wāḥda ; təbda mΩn ğamīԑ-Ωl-žihād.
fa ykūn lādīd lādīd b-šəkl mūš ԑādi. yΩnsəll yṭīḥ ṭyāḥ m-lə-ԑÜām mtāԑ-əh mΩš lāsΩg f-
lə-ԑÜām u təbda tḥəwwΩl fī-h. yṭīḥ Ωl-lḥəm ṭyāḥ mΩ-lə-ԑÜām mtāԑ-əh tākl-əh zēy Ωz-
zΩbda. lākΩn Ωnta tΩnsā-h ԑādātən Ωnta ḥuṭṭ-əh u bəṛṛa. yəԑni mΩš ləmma tžūԑ tḥuṭṭ Ωl-

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būrdīm, əwwΩl-ma tΩmši n-nāṛ. təbda mwəttī-ha mΩn Ωl-fəžr u əwwΩl-ma tΩmši b-
tΩtzərrΩd ḥuṭṭ Ωl-lḥəm l-ōṭa u bəṛṛa kūl, əlԑəb, xūd ṛāḥt-Ωk. bəԑdēn fi āxΩṛ-Ωn-nhāṛ
ṭəllaԑ Ωl-būrdīm u kūl-əh. mā-ԑād-š tfΩkkΩṛ fī-h yəԑni. kān tugԑud tfəkkəṛ fī-h əmta
yṭīb ydΩṛṛΩh l-Ωk kədb-Ωk.

Le bourdim
« la viande cuite à l’étouffée dans un trou »

Le bourdim c’est une façon de cuire de la viande et nous le préparons lors de pique-
niques. Comment se prépare le bourdim ? Ils creusent un trou dans la terre. Ce trou,
que mettent-ils dedans ? Ils y mettent du charbon. Ils y mettent le charbon. Le
charbon, nous l’appelons « le blanc » ; en fait, nous les Libyens, nous n’aimons pas
certains mots. C’est-à-dire que le mot charbon est un mot qui pose problème ; c’est ce
que nous disons, parce qu’il est de couleur noire. Le mot charbon n’est pas un très joli
mot. Alors, les Tripolitains appellent le charbon « blanc », bien qu’il soit de couleur
noire. Par exemple, cela concerne également les personnes aveugles ; en arabe littéral,
nous disons qu’une personne est aveugle (ḍarīr) ; aveugle (’aԑmā), c’est celui qui ne
voit pas. Nous, en tripolitain, nous disons qu’il a une bonne vue ; ça veut dire qu’il
voit bien. Mais lorsque quelqu’un te dit de quelqu’un qui voit bien, toi tu comprends
que cette personne est aveugle. Comme pour la théière ; étant donné qu’il fait toujours
chaud dans notre pays, parler de chaleur, de choses chaudes, c’est quelque chose que
nous n’aimons pas beaucoup, parce que le climat est chaud, à la base, alors nous
appelons une théière une glacière. Alors, généralement, nous mettons le charbon, nous
y allumons un feu et nous le fermons. Ce trou, nous le fermons avec un morceau de
zinc. Et ensuite, nous le recouvrons de terre et nous laissons le feu allumé dans le trou,
à l’intérieur du trou, au fond avec la terre. C’est un trou qui a quatre-vingt-dix
centimètres de profondeur et cinquante centimètres de diamètre à peu près et parfois
plus. Nous y mettons de l’eau et nous le laissons et après un certain temps, que se
passe-t-il ? Le charbon, les cendres et tout cela descendent au fond du trou et le feu
s’éteint de lui-même parce que nous l’avons recouvert. Il n’y a pas d’oxygène qui y
pénètre. Après un certain temps, il s’éteint et cette chaleur qui reste dans le trou est
vraiment particulière. La chaleur reste à l’intérieur du trou. Nous prenons la viande qui
est prête, préparée, assaisonnée avec des épices et ils l’enveloppent avec de
l’aluminium. Nous la mettons dans du papier métallique. Nous mettons la viande
dedans et nous les fermons. Pourquoi ? Uniquement pour que la terre n’y entre pas. Le
bourdim, il y a même des gens qui ne l’enveloppe pas dans l’aluminium. Il y a
beaucoup de modifications qui ont été faites. Il y a eu beaucoup de changements
comme ça. Le but c’est qu’il n’y ait pas de terre qui entre. On le met et il se fait. Le

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trou est ouvert, d’accord, et lorsqu’il est ouvert, fais attention à ne pas te brûler. Cette
viande se trouve donc dans l’aluminium et elle est déposée dans le trou, la viande, et
on le referme lui aussi et on le recouvre de terre. Puis, oublie-la cette viande, va pique-
niquer, jouer, sauter, jouer aux cartes. Reviens en fin de journée, sept heures plus tard
à peu près et sors la viande du trou. Et la meilleure viande que tu as mangé de toute ta
vie, c’est cette viande cuite, comme nous disons, cuite à l’étouffée, cuite sans feu,
cuite avec la chaleur seulement parce que la chaleur se propage sur toute la viande et
elle cuit très bien. La chaleur ne vient pas d’un seul endroit ; elle vient de partout.
Alors elle est délicieuse, succulente. Elle se détache des os et elle tombe ; elle n’est
pas collée aux os et elle s’en détache. La viande se détache des os et tu la manges
comme si c’était du beurre. Mais d’habitude, tu l’oublies, tu le prépares et tu t’en vas.
C’est-à-dire, tu ne prépares pas le bourdim quand tu as faim, quand tu prépares le feu.
Tu le prépares dès l’aube et dès que tu vas pique-niquer, tu mets la viande au fond du
trou et tu vas manger, jouer, te reposer. Ensuite, en fin de journée, sors le bourdim et
mange-le. N’y pense pas. Si tu restes à y penser pendant qu’il cuit, tu en seras écœuré.

əl-
əl-bāzīn

təwwa b-nhədrzu εlē ḥāža stāḥəšnā-ha hālba l-ḥəgg. stāḥəšna l-bāzīn. muškila fi īíālya
mā-fī-š bāzīn. hādi mākla lībīya maεṛūfa u gdīma šwēya. əl-bāzīn mākla ; ’əḥla-mākla
f-əd-dənya l-ḥəgg. baεḍ-ən-nās, hākki, yḥussu fī-ha mākla hāmāžīya wəlla lī’ənna
nāklu fī-ha b-īdē-na mubāšaratan, lākən b-sārāḥa āne ləmma nuġsəl īdē-ya kwəyyes b-
əl-uṃṃwēya yəεni, b-yithayyā’i l-i mumkən ykūnu ’ənḍuf mən-əl-kwāšīk ā-hṃa wəlla
lə-ḥdīd hāda lli nāklu bī-h. əl-bāzīn íəbεan ’asās-əh dgīg-əš-šεīr. yāxdu f dgīg-əš-šεīr.
yíəyybu fī-h f-əl-uṃṃwēya u yεəṣṣdu fī-h u bəεdēn iíəyybu l-əh əl-məṛga mtāε-əh, əí-
íbīxa mtāε-əh w íbīxt-əh məṛṛa tkūn b-əl-ḥūt, məṛṛa tkūn bə-lḥəm-lə-xrūf. əòòāh ləmma
yəbda xrēyef kīf mədbūḥ əòòāh. εūmūmən u bəεdēn εādatan l-mākla hādi təndār fi
εzūma. mā-tkūn-š əl-ḥōš b-ṛūḥ-ha εādatan tkūn mεa l-εēla l-kbīra. yəεni mšēna l-ḥōš-
žədd-i mātālān w ltəmmu xāl-i u εəmm-i u malmūmīn mεā-bəεḍ fa nāklu mεā-bəεḍ
bāzīn. əl-bāzīn yətkəl f ḥāža smā-ha l-gəsεa. əl-gəsεa εādatan hīya təgdər tsəmmī-ha
ṣūnīya kbīra mtāε lōḥ, məṣnūεa m-əl-lōḥ w yənḥəíí əl-bāzīn fī-ha w əl-bāzīn εle fīkra
šəkl-əh ġārīb šwēya, šəkl-əh zēy əl-gubba w bəεdēn iṣubbu fōg-əh əl-məṛga mtāε-əh w
lāzəm tkūn íunžəṛt-əl-məṛga wəlla māεūn-əl-məṛga lāzəm tkūn bā-ḥdā-k lī’ənna məṛṛa
məṛṛa təbbi tzīd u íārīqt-mākəlt-əh ndīru f-ḥāža smā-ha r-rəfs nərfsu fī-h. íəbεən ər-
rəfs mūš nərfsu b-rəžlē-na. f-əl-fuṣḥa ləmma tgūl yərfəs εādatan ər-rəfs, əl-ḥāyāwānāt
tərfəs b-rəžlē-ha lākən hāda məεna tāni. əlli hūwa nāxdu f-əl-bāzīn əlli hūwa mən
’asās-əh dgīg-əš-šεīr u nugεdu nxəllíu fī-h b-īdē-na mεā-l-məṛga lī’ənna hūwa yušṛub
f-əl-məṛga fa hādi εāmālīyət-ər-rəfs. bəεdēn yəbda d-dgīg hāda ruíb u səhl mākəlt-əh u

563
nāklu u íəbεan təbda l-εēla məlmūma u nəbdu nhədrzu fi mwāḍīε εāmma u mwāḍīε
txušš əl-εēla u kāda ḥatta l-žəww mtāε mākəlt-əl-bāzīn gnēyən yəεni… āne yfəkkər fī-
ya bi žəww ḥəlu hākki : əl-ləmma, t-thədrīz, lə-bṣāṛa məṛṛa məṛṛa w lākən εlē fīkṛa
mūš kull-wāḥəd yəεṛəf yərfəs əl-bāzīn kwəyyes lākən l-əṣl fi mākəlt-əh ər-rəfs lāzəm
yəεni hādi l-εādi yəεni fi bəεḍ-ən-nās əlli mā-yəεṛfū-š yərfsu b-sārāḥa. la, hūwa mūš
səhl ər-rəfs. ər-rəfs fəεlən ṣəεb lī’ənna məṛṛāt ənta təbda tərfəs fi əlli yətfətərš mənn-əh
fi lli mā-yəgdər-š itsəyíəṛ εlē-h lākən b-ḥukm āne εāwədt εlē-h mən… εle wālədt-i ž-
žbālīya íəbεan mən ž-žbəl w əž-žbālīya maεṛūfīn b-əl-mākla hādi lli idīru f bāzīn
kwəyyes u nākəl fī-h mεa žədd-i lli hūwa bū-wālədt-i u žədd-i bū-wālədt-i ṛāžəl kbīr u
sía f-əl-bāzīn yəεni f-ər-rəfs məš εādi fa ləmma ywərri fī-ya yəεni ləmma kunna ṣġāṛ
kān žədd-i yərfəs l-i u bəεdēn bdēt nətεəlləm mənn-əh b-šwēya b-šwēya fa təwwa
nuεtabər u nərfəs f-əl-bāzīn kwəyyəs bəss εūmūmən hīya məš… əl-mākla l-lādīda u l-
mākla ḥəlwa u b-əl-’iḍāfa hādi əl-žəww əlli mεā-ha žəww-əl-ləmma mgəεmzīn mεā-
bəεḍ nāklu mgəεmzīn εəl-l-ōía mūš w ḥne mgəεmzīn εle kṛāsi wəlla ḥāža məṛṛa məṛṛa
yži l-īdām məṛṛa məṛṛa nhədrzu məṛṛa məṛṛa wāḥəd ygūl nukta fa bəεd-ma ytəmm əl-
bāzīn yənḥəíí əl-lḥəm mtāε-əh εādatan mā-yənḥəíí-š əl-lḥəm mεa l-bāzīn f nəfs-əl-
wəgt bəεd-ma ytəmm yənḥəíí əl-lḥəm bəεd-ma yəttāklu hādukāy-əl-lḥēmāt əl-bāhyāt
tḥəss ṛūḥ-ək bəín-ək mεəbbya təεbāya mūš εādīya fi ḥāža mumtāza f-əl-bāzīn εādatan
bəεdēn yəngām əl-bāzīn tənžāb əl-fākha nəbdu nāklu fi hā-t-təffāḥ u fi hā-lə-εnəb w
lə-εnəb íəbεən kān f-əṣ-ṣēf lə-εnəb w əd-dəllāε əòòāh hā-d-dəllāε xəllī-na m-əd-dəllāε
b-ṛūḥ-ha bəεdēn əd-dəllāε əl-lībi ḥətta hūwa ’əḥsən dəllāε fi-d-dənya ḥne mīzət-lībya
εənd-na fī-h əš-šəms əl-ḥāṛṛa əš-šəms əl-ḥāṛṛa txəlli f-əl-fākha ḥəlwa hālba lākən ḥne
íəbεən təwwa gult l-ək əwwəl-ma tkəmməl wāžbət-əl-bāzīn tḥəss ṛūḥ-ək mā-εād-š
tḥəss ṛūḥ-ək b-tuṛgud mā-εād-š εənd-ək wēn tḥuíí ḥāža bəín-ək mεəbbya maẓbūí lākən
əεíī-ha sāεa b-əl-ktīr u bəín-ək təfḍa məṛṛa tānya lī’ənna l-bāzīn mukawwināt-əh bāṣīta
dgīg-əš-šεīr. dgīg-əš-šεīr fi bəín b-surεa yətḥāwəl li glōkōz yətḥāwəl li sukkuṛ w b-
surεa yəmtəṣṣ-əh əl-ğism fa hīya mākla ṣəḥḥīya bəṛdo mən nāḥyət… mā-txəllī-š ma…
sāhlət-əl-həḍm mā-tíəεb-ək-š u baεdēn nwēmət-əl-gāyla. əl-lībīyīn yḥəbbu igəyylu
xūṣūṣən f-əṣ-ṣēf. žəww-na íəbεən ḥāṛṛ nəww hālba u šəms fa mεa s-sāεa tnīn mεa s-
sāεa wāḥəd ənta εādatan nətġəddu l-lībīyīn mεa s-sāεa wāḥəd mā-nətġəddū-š mεa s-
sāεa ínāš məṛṛāt mεa s-sāεa tnīn lākən mεa s-sāεa wāḥəd hāda í-íābīεi u íəbεən kān əl-
bāzīn že fi yōm-əž-žumεa fi yōm-əž-žumεa nṣəòòu f ṣòāt-əž-žumεa fa εādatan mεa s-
sāεa tnīn nkūnu ṛəwwəḥna mn-əṣ-ṣòe tnīn, tnīn u nuṣṣ fa nəbdu nətġəddu bəεd-əṣ-ṣòe fa
ləmma nətġəddu bəεd-əṣ-ṣòe yəεni dīma tnīn, tnīn u nuṣṣ. mεa tlāta u ṛubε, nkūnu
kəmməlna. ž-žumεa íəbεən εənd-na εuíla ḥne mā-nəxdmū-š fa fuṛṣa təltəmm əl-εēla
fuṛṣa l-əl-bāzīn bəεdēn ngəyylu u yḥəbbu ygayylu l-lībīyīn b-ḥukm-məwḍūε-ən-nəww
hāda, məwḍūε-əš-šəms əl-gāyla hīya ’ənn-əh nuṛgdu mtāε sāεa sāεa u nuṣṣ mūš lāzəm

564
nuṛgdu nōm… nōm məẓbūí yəεni ġēṛ mužərrəd ’ənn-ək ənta təstərxi muddət-sāεa bəεd
əl-mākla bəεd lə-ġde.

bazinee « la bouillie de farine d’orge »


Le bazin

Maintenant nous allons parler de quelque chose qui nous manque vraiment beaucoup.
La bouillie de farine d’orge nous manque. Le problème en Italie c’est qu’il n’y a pas
de bazine. C’est un plat libyen connu et un peu ancien. Le bazine est un plat ; le
meilleur plat au monde, vraiment. Certaines personnes trouvent que c’est un plat
primitif, car nous le mangeons directement avec les mains, mais honnêtement, moi,
lorsque je me lave bien les mains avec de l’eau, j’ai l’impression qu’elles sont plus
propres que ces cuillères-là, que ce métal avec lequel nous mangeons. Le bazine se fait
à partir de farine d’orge. Ils prennent de la farine d’orge. Ils la font cuire dans l’eau.
Ils la pétrissent et après ils lui préparent sa sauce. On le cuisine, soit avec du poisson,
soit avec de la viande d’agneau. Mon dieu lorsqu’on égorge le petit agneau, ah mon
dieu ! Bref. Ensuite, habituellement, on prépare ce plat quand on a des invités, pas à la
maison entre nous, mais plutôt avec les autres membres de la famille. Nous allons par
exemple chez mon grand-père. Mes oncles se réunissent et c’est tous ensemble que
nous mangeons la bouillie de farine d’orge. La bouillie de farine d’orge se mange dans
quelque chose qui s’appelle gəsԑa. La gəsԑa est un grand plat rond en bois. On met la
bouillie dedans. A propos, la façon avec laquelle on prépare la bouillie est un peu
étrange. On le dispose de telle sorte que ça ait la forme d’une coupole. Ensuite, on
verse la sauce dessus. Il faut que le récipient dans lequel se trouve la sauce soit placé à
côté de toi, parce que parfois tu veux en rajouter. Pour manger la bouillie, on a recours
à un procédé qui est le rΩfs (faire une boule de bouillie et la mélanger avec la sauce).
Ce n’est pas le même procédé qu’on utilise quand on parle des animaux. En arabe
littéral lorsqu’on emploie le mot rΩfs, on fait référence aux animaux qui ruent, qui
regimbent. Ici c’est un autre sens. Ici il s’agit de mélanger, avec les mains, la bouillie
avec la sauce, car la bouillie absorbe la sauce. C’est ça le rΩfs. Ensuite cette farine
devient malléable et est plus facile à manger. La famille est réunie et nous nous
mettons à discuter de choses en général ou bien sur un sujet qui concerne la famille.
Même l’ambiance liée au repas est sympathique. Moi ça me rappelle toujours des
ambiances agréables : la rencontre, les discussions, les plaisanteries parfois. Mais, à
propos, tout le monde ne sait pas bien s’y prendre pour manger la bouillie de farine
d’orge. A l’origine, pour le manger, on a recours au rΩfs. Honnêtement, il y a des gens
qui ne savent pas s’y prendre. Ce n’est pas facile. Tu commences par t’entraîner avec
les petits morceaux, mais tu n’y arrives pas. Mais en ce qui me concerne, c’est avec
mon grand-père, le père de ma mère, un vieil homme, que j’ai appris. C’est un

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montagnard (un Berbère) et les montagnards ont la réputation de bien préparer ce plat.
Je le mange avec mon grand-père et lui c’est un professionnel du bazine. Lorsque nous
étions petits, il nous montrait. C’était lui qui faisait la boule de bazine pour nous et
c’est lui qui nous a appris petit à petit et maintenant on considère que je sais bien
manger le bazine. C’est un plat délicieux, c’est de la bonne nourriture, et l’ambiance
qui va avec, l’ambiance de la rencontre. On s’assoit ensemble et on mange assis
parterre. On ne s’assoit pas sur des chaises. Tantôt on apporte la sauce, tantôt on
discute, parfois il y en a un qui raconte une blague. Une fois la bouillie terminée, on
apporte la viande. Habituellement, on n’apporte pas la viande en même temps que la
bouillie. Une fois la bouillie terminée, on apporte ces petits morceaux de viande
succulents. Tu sens ton ventre plus que rempli. Il y a une chose excellente avec la
bazine, après que la bouillie est enlevée, on apporte les fruits et on se met à manger
ces pommes, ces raisins… Si c’est l’été, les raisins et les pastèques. Mon dieu ces
pastèques. Même les pastèques libyennes sont les meilleures pastèques au monde. Une
de nos caractéristiques en Libye, c’est notre soleil chaud. Le soleil chaud donne un
bon goût aux fruits. Mais nous, comme je viens de te le dire, avant que tu ne finisses
le repas tu sens que t’en peux plus, tu as envie de dormir, tu n'as plus de place. Ton
ventre est bien plein. Mais, laisse-lui au maximum une heure et ton ventre se videra à
nouveau, car les composants de la bouillie sont simples : c’est fait à partir de farine
d’orge et la farine d’orge dans le ventre se transforme très vite en glucose, se
transforme en sucre et l’organisme l’absorbe très rapidement. C’est de la nourriture
saine, facile à digérer. Ensuite c’est l’heure de la sieste. Les Libyens aiment faire la
sieste surtout en été. Il fait très chaud et très lourd. Nous les Libyens, nous déjeunons
à une heure. Nous ne déjeunons pas à midi. Parfois nous déjeunons à deux heures.
Mais l’habitude c’est de déjeuner à une heure. Si le repas de bouillie de farine d’orge
tombe un vendredi, le vendredi nous prions la prière du vendredi. Normalement, à
deux heures nous sommes de retour de la prière, à deux heures, deux heures et demie.
Nous déjeunons après la prière, toujours vers deux heures, deux heures et demie. A
trois heures et quart, nous avons fini. Le vendredi nous sommes en congé, nous ne
travaillons pas et c’est une occasion pour que la famille se réunisse autour d’un plat de
bouillie de farine d’orge. Ensuite, nous faisons une sieste. Les Libyens aiment faire la
sieste du fait de cette chaleur, pendant une heure, une heure et demi. Pas besoin de
dormir beaucoup. Il suffit que tu te relaxes pendant une heure, après le repas, après le
déjeuner.

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582
TABLE DES MATIERES

DEDICACE

REMERCIEMENTS

MEMBRES DU JURY

SIGLES ET ABREVIATIONS

INTRODUCTION 1

PHONOLOGIE ET PHONETIQUE 9
I. Les voyelles 9
1. Les voyelles brèves 9
1.1. Paires minimales 11
1.2. Le phonème /u/ 11
1.2.1. La voyelle pré-fermée mi-postérieure arrondie [ʊ] 11
1.2.2. La voyelle moyenne supérieure postérieure arrondie [o] 11
1.2.3. La voyelle fermée centrale arrondie [ʉ] 12
1.3. Le phonème /ə/ 12
1.3.1. La voyelle basse supérieure centrale [ɐ] 12
1.3.2. La voyelle basse antérieure non-arrondie [a] 12
1.3.3. La voyelle basse postérieure non-arrondie [ɑ] 13
1.3.4. La voyelle moyenne centrale [ə] 13
1.3.5. La voyelle pré-fermée mi-postérieure arrondie [ʊ] 13
1.3.6. La voyelle moyenne supérieure postérieure arrondie [o] 14
1.3.7. La voyelle fermée centrale arrondie [ʉ] 14
1.3.8. La voyelle pré-fermée inférieure antérieure non-arrondie [ɪ] 14
1.3.9. La voyelle fermée centrale non-arrondie [ɨ] 14
1.4. Synthèse 15
2. Les voyelles longues 15
2.1. Paires minimales 15
2.2. Le phonème /ī/ 16
2.2.1. La voyelle pré-fermée inférieure antérieure non-arrondie [ɪː] 16
2.2.2. La voyelle fermée centrale non-arrondie [ɨː] 16
2.3. Le phonème /ū/ 16
2.3.1. La voyelle pré-fermée mi-postérieure arrondie [ʊː] 17
2.3.2. La voyelle moyenne supérieure postérieure [oː] 17
2.3.3. La voyelle fermée centrale arrondie [ʉ] 17
2.4. Le phonème /ā/ 17
2.4.1. La voyelle basse supérieure centrale [ɐː] 17
2.4.2. La voyelle basse antérieure non-arrondie [aː] 18
2.4.3. La voyelle basse postérieure non-arrondie [ɑː] 18
2.4.4. Imāla – la voyelle mi-ouverte antérieure non-arrondie [e] 18

583
3. Le phonème /ē/ 20
3.1. L’ancienne diphtongue *ay 20
3.2. Emprunts 20
4. Le phonème /ō/ 20
4.1. L’ancienne diphtongue *aw 20
4.2. Emprunts 21
5. Synthèse 21
5.1. Voyelles longues 21
5.2. Réalisations vocaliques 21
6. Oppositions de quantité vocaliques 22
II. Les consonnes 24
1. Les labiales 24
1.1. Les bilabiales 24
1.1.1. Le phonème /b/ 25
a) L’occlusive bilabiale sonore [b] 25
b) Emphatisation 25
c) Assourdissement 26
d) Emprunts 26
1.1.2. Le phonème /ḅ/ 27
a) L’occlusive bilabiale sonore emphatique [b̴] 27
b) Emprunts 29
1.1.3. Le phonème /m/ 29
a) La bilabiale sonore nasale [m] 29
b) Emphatisation 30
1.1.4. Le phonème /ṃ/ 30
a) La bilabiale sonore nasale emphatique [ᵯ] 30
b) Emprunts 31
1.1.5. Le phonème /w/ 31
a) La semi-consonne bilabiale sonore [w] 31
b) Emphatisation 32
1.1.6. Synthèse 32
1.2. Labiodentales 32
1.2.1. Le phonème /f/ 32
a) La spirante labiodentale sourde [f] 32
b) Sonorisation 33
c) Emphatisation 33
1.2.2. Le phonème /v/ 33
a) La spirante labiodentale sonore [v] 33
b) Emprunts 34
1.2.3. Synthèse 34
1.3. Vélarisation des labiales 34
2. Dentales (et anciennes interdentales) 36
2.1. Les anciennes interdentales 36
2.2. Paires minimales 37
2.3. Le phonème /t/ 39
a) La dentale occlusive sourde [t] 39
b) Sonorisation 39
c) Emphatisation 40
2.4. Le phonème /d/ 40

584
a) La dentale occlusive sonore [d] 40
b) Assourdissement 41
c) Emphatisation 41
2.5. Le phonème /ṭ/ 41
a) La dentale sourde occlusive emphatique [ᵵ] 41
b) Sonorisation 41
c) Désemphatisation 42
2.6. Le phonème /ḍ/ 42
a) La dentale sonore occlusive emphatique [d̴] 42
b) Assourdissement 43
2.7. Le phonème /Ń/ 43
2.8. Le phonème /n/ 43
a) La dentale sonore nasale [n] 43
b) Emphase 44
c) Vélarisation 44
d) Assimilations 45
2.9. Synthèse 46
3. Sifflantes et chuintantes 46
3.1. Alvéolaires 47
3.1.1. Le phonème /s/ 47
a) L’alvéolaire spirante sourde [s] 47
b) Emphatisation 48
3.1.2. Le phonème /ṣ/ 48
a) L’alvéolaire spirante sourde emphatique [ᵴ] 48
3.1.3. Le phonème /z/ 49
a) /z/ est une alvéolaire spirante sonore 49
b) Emphatisation 49
3.1.4. Le phonème /ẓ/ 50
a) /¢/ est une alvéolaire spirante sonore emphatique 50
3.1.5. Synthèse 51
3.2. Prépalatales 51
3.2.1. Le phonème /š/ 52
a) /š/ est une prépalatale spirante sourde [ʃ] 52
b) Sonorisation 52
3.2.2. Le phonème /ž/ 53
a) /ž/ est une prépalatale spirante sonore 53
b) Assourdissement 53
c) Assimilation 53
d) Consonne solaire : une exception 54
3.2.3. Le phonème /č/ 55
a) La prépalatale affriquée sourde à appendice chuintant [t͡ʃ] 55
3.2.4. Le phonème /ğ/ 55
a) La prépalatale affriquée sonore à appendice chuintant [d͡ʒ] 55
b) Suffixe -ği 55
3.2.5. Synthèse 56
3.3. Altérations conditionnées des chuintantes et des sifflantes 56
3.3.1. Perte de chuintement par assimilation et métathèse 57

585
a) Assimilations 57
b) Dissimilation 57
c) Métathèse 58
3.3.2. Evolution 58
4. Les prépalatales liquides 59
4.1. Le phonème /l/ 60
4.1.1. La prépalatale liquide latérale /l/ 60
4.1.2. Emphatisation 60
4.1.3. Dissimilations 61
4.1.4. Assimilations 61
4.2. Les phonèmes /r/ et /ṛ/ 62
4.3. Le phonème /y/ 63
4.3.1. La semi-consonne prépalatale sonore [j] 63
4.3.2. Emphatisation 65
4.4. Synthèse 65
5. Postpalatales et uvulaire 65
5.1. Paires minimales 66
5.2. Le phonème /k/ 66
5.2.1. La postpalatale occlusive sourde [k] 66
5.2.2. Sonorisation 67
5.2.3. Emphatisation 67
5.3. Le phonème /g/ et le phonème /q/ 67
5.3.1. Le phonème /g/ 68
a) La postpalatale occlusive sonore [g] 68
b) Assourdissement 68
c) Emphatisation 69
5.3.2. Le phonème /q/ 69
a) L’uvulaire sourde occlusive [q] 69
5.4. Synthèse 69
6. Vélaires 69
6.1. Le phonème /ā/ 70
6.1.1. La vélaire fricative sonore [ɣ] 70
6.1.2. Assourdissement 70
6.2. Le phonème /x/ 70
6.2.1. La vélaire fricative sourde [x] 70
6.3. Synthèse 71
7. Pharyngales 71
7.1. Le phonème /ḥ/ 71
7.1.1. La pharyngale fricative sourde [ħ] 71
7.2. Le phonème /ε/ 72
7.2.1. La pharyngale fricative sonore [ʕ] 72
7.2.2. Assourdissement 72
7.3. Synthèse 73
8. Laryngales 73
8.1. Le phonème /h/ 73
8.1.1. La laryngale fricative sonore [h] 73
8.2. Le phonème /’/ 74
8.2.1. La laryngale occlusive sourde [ʔ] 74
8.3. Synthèse 75

586
9. Conclusion 75

STRUCTURE SYLLABIQUE ET ACCENT 77


I. Structure syllabique 77
1. Syllabes ouvertes 77
2. Syllabes fermées 78
3. Modifications syllabiques 80
3.1. Mots monosyllabiques 80
3.2. Mots plurisyllabiques 81
4. Schème C1əC2C3 82
4.1. C1 est une pharyngale /ε/ 82
4.2. C1 est une semi-consonne /w/ 82
4.3. C2 est une liquide /l/, /n/, /r/ ou /ṛ/ 82
4.4. C2 est une labiale /m/, /b/ ou /f/ 83
4.5. C2 est une consonne forte 83
4.6. C3 est une semi-consonne /w/ ou /y/ 84
4.7. Noms verbaux 84
5. Conclusion 84
II. Accent 84
1. L’accent porte sur la syllabe finale 84
2. L’accent est sur la pénultième 85
3. Imāla 86
4. Conclusion 86

MORPHOLOGIE VERBALE 87
1. Les verbes de racine trilitère 91
1.1. La première forme 91
1.1.1. Le verbe sain 91
1.1.2. Le verbe sourd 92
1.1.3. Le verbe assimilé 93
1.1.4. Le verbe concave 94
1.1.5. Le verbe défectueux 96
1.2. Les formes dérivées 97
1.2.1. La 2e forme 98
1.2.1.1. Le verbe sain 99
1.2.1.2. Le verbe sourd 100
1.2.1.3. Le verbe assimilé 100
1.2.1.4. Le verbe concave 100
1.2.1.5. Le verbe défectueux 101
1.2.2. La 3e forme 101
1.2.2.1. Le verbe sain 102
1.2.2.2. Le verbe assimilé 102
1.2.2.3. Le verbe concave 102
1.2.2.4. Le verbe défectueux 103
1.2.3. La 5e forme 103
1.2.3.1. Le verbe sain 104
1.2.3.2. Le verbe sourd 105
1.2.3.3. Le verbe assimilé 105
1.2.3.4. Le verbe concave 105
1.2.3.5. Le verbe défectueux 106

587
1.2.4. La 6e forme 106
1.2.4.1. Le verbe sain 107
1.2.4.2. Le verbe sourd 107
1.2.4.3. Le verbe assimilé 107
1.2.4.4. Le verbe concave 108
1.2.4.5. Le verbe défectueux 108
1.2.5. La 7e forme 109
1.2.5.1. Le verbe sain 109
1.2.5.2. Le verbe sourd 109
1.2.5.3. Le verbe assimilé 110
1.2.5.4. Le verbe concave 110
1.2.5.5. Le verbe défectueux 110
1.2.6. La 8e forme 111
1.2.6.1. Le verbe sain 111
1.2.6.2. Le verbe sourd 111
1.2.6.3. Le verbe assimilé 112
1.2.6.4. Le verbe concave 112
1.2.6.5. Le verbe défectueux 113
1.2.7. La 9e forme 113
1.2.8. La 10e forme 114
1.2.8.1. Le verbe sain 115
1.2.8.2. Le verbe sourd 115
1.2.8.3. Le verbe assimilé 115
1.2.8.5. Le verbe concave 116
1.2.8.6. Le verbe défectueux 117
2. Les verbes de racine quadrilitère 117
1.3.1. Icones onomatopéiques (C1əC2C3əC4, où C1=C3 et C2=C4) 118
1.3.2. Verbe quadrilitère sain 118
1.3.3. Forme quadrilitère dérivée 119
3. Les verbes irréguliers 119
3.1. Verbes anciennement hamzés 119
3.1.1. L’ancienne racine √’kl 119
3.1.1.1. La 1e forme 120
3.1.1.2. La 8e forme 120
3.1.2. L’ancienne racine √’xñ 121
3.1.3. L’ancienne racine √’hl 121
3.1.4. L’ancienne racine √’ns 122
3.1.5. Les verbes bilitères 122
3.1.5.1. L’ancienne racine √’by 122
3.1.5.2. L’ancienne racine √r’y 124
3.1.5.3. L’ancienne racine √žy’ 124
3.2. Formes doublement dérivées 125
3.2.1. Croisement de la huitième et de la deuxième forme 125
3.2.1.1. btəssəm « il a souri » (√bsm) 125
3.2.1.2. ttəûûəl « il est entré en communication » (√wûl) 126
3.2.2. Croisement de la dixième et de la deuxième forme 126
3.2.2.1. strəyyəô « il s’est reposé » (√ryô) 126
3.2.2.2. stənna « il a attendu » (ancienne racine √’ny) 127
4. Conclusion 127

588
MORPHOLOGIE NOMINALE 129
1. Le genre 129
1.1. Les nominaux féminins sans marque 129
1.2. Les substantifs féminins caractérisés par le suffixe -a(t) 130
1.2.1. Le féminin par opposition au masculin 130
1.2.2. Les noms d’unités 131
1.2.3. Valeur diminutive 131
1.2.4. Noms d’action 132
1.2.5. Singulatif 132
1.2.6. Pluriels de certains masculins 132
2. Le singulier 132
2.1. Les schèmes bilitères 133
2.1.1. Le schème C1v 133
2.1.2. Le schème C1vC2 133
2.1.3. Le schème C1C2a(t) 133
2.1.4. Le schème v̄C2 133
2.1.5. Le schème vC1C2 133
2.2. Les noms trilitères 133
2.2.1. Les schèmes réguliers à voyelle brève unique 133
2.2.1.1. La voyelle brève est entre C1 et C2 134
2.2.1.1.1. Le schème régulier C1əC2C3 134
2.2.1.1.2. Le schème régulier C1uC2C3 136
2.2.1.1.3. Le schème sourd C1əC2C3 137
2.2.1.1.4. Le schème sourd C1uC2C3 137
2.2.1.2. La voyelle brève est après C2 137
2.2.1.2.1. Le schème régulier C1C2əC3 138
2.2.1.2.2. Le schème régulier C1C2uC3 138
2.2.1.3. Le schème régulier à voyelle brève et à suffixe -a(t) 139
2.2.1.3.1. Le schème régulier C1əC2C3a(t) 139
2.2.1.3.2. Le schème régulier C1uC2C3a(t) 140
2.2.1.3.3. Le schème sourd C1əC2C3a(t) 140
2.2.1.3.4. Le schème sourd C1uC2C3a(t) 141
2.2.1.4. Les schèmes concaves 141
2.2.1.4.1. Le schème concave C1āC3 141
2.2.1.4.2. Le schème concave C1īC3 142
2.2.1.4.3. Le schème concave C1ūC3 142
2.2.1.4.4. Le schème concave C1ēC3 142
2.2.1.4.5. Le schème concave C1ōC3 143
2.2.1.5. Les schèmes concaves suffixés en -a(t) 144
2.2.1.5.1. Le schème concave C1āC3a(t) 144
2.2.1.5.2. Le schème concave C1īC3a(t) 144
2.2.1.5.3. Le schème concave C1ūC3a(t) 145
2.2.1.5.4. Le schème concave C1ēC3a(t) 145
2.2.1.5.5. Le schème concave C1ōC3a(t) 145
2.2.1.6. Les schèmes défectueux 146
2.2.1.6.1. Le schème défectueux C1C2a 146
2.2.1.6.2. Le schème défectueux C1C2e 147
2.2.1.6.3. Le schème défectueux C1C2i 147
2.2.1.6.4. Les schèmes défectueux à suffixe -a(t) : C1C2īya(t) 148
2.3. Les formes dérivées par adjonction 148

589
2.3.1. Les schèmes formés par adjonction d’une voyelle longue après C1 148
2.3.1.1. Les schèmes non suffixés 148
2.3.1.1.1. Le schème C1āC2əC3 148
2.3.1.1.2. Le schème C1ūC2əC3 149
2.3.1.1.3. Le schème C1ōC2əC3 149
2.3.1.1.4. Le schème C1īC2əC3 149
2.3.1.1.5. Le schème sourd C1āC2C3 149
2.3.1.1.6. Le schème concave C1āyəC3 149
2.3.1.1.7. Le schème défectueux C1āC2i 150
2.3.1.2. Les schèmes suffixés en -a(t) 150
2.3.1.2.1. Le schème C1āC2C3a(t) 150
2.3.1.2.2. Le schème C1īC2C3a(t) 150
2.3.1.2.3. Le schème C1ūC2C3a(t) 151
2.3.1.2.4. Le schème C1ōC2C3a(t) 151
2.3.1.2.5. Le schème sourd C1āC2C3a(t) 151
2.3.1.2.6. Le schème concave C1āyC3a(t) 151
2.3.1.2.7. Le schème défectueux C1āC2ya(t) 151
2.3.2. Les schèmes formés par adjonction d’une voyelle longue après C2 152
2.3.2.1. Les schèmes non suffixés 152
2.3.2.1.1. Le schème C1C2āC3 152
2.3.2.1.2. Le schème C1C2īC3 153
2.3.2.1.3. Le schème C1C2ūC3 153
2.3.2.1.4. Le schème concave C1yāC3 154
2.3.2.2. Les schèmes suffixés en -a(t) 154
2.3.2.2.1. Le schème C1C2āC3a(t) 154
2.3.2.2.2. Le schème C1C2īC3a(t) 155
2.3.2.2.3. Le schème C1C2ūC3a(t) 155
2.3.2.2.4. Le schème concave C1wāC3a(t) 156
2.3.2.2.5. Le schème concave C1yāC3a(t) 156
2.3.3. Schèmes formés par gémination de C2 156
2.3.3.1. Les schèmes formés par gémination de C2 156
2.3.3.1.1. Les schèmes non suffixés 156
2.3.3.1.1.1. Le schème C1əC2C2əC3 157
2.3.3.1.1.2. Le schème C1uC2C2uC3 157
2.3.3.1.2. Le schème suffixé en -a(t) 157
2.3.3.1.2.1. Le schème C1əC2C2C3a(t) 157
2.3.3.2. Les schèmes formés par gémination de C2 et adjonction d’une voyelle longue
entre C2 et C3 157
2.3.3.2.1. Les schèmes non suffixés 157
2.3.3.2.1.1. Le schème C1əC2C2āC3 157
2.3.3.2.1.2. Le schème C1əC2C2īC3 158
2.3.3.2.1.3. Le schème C1əC2C2ūC3 158
2.3.3.2.1.4. Le schème C1uC2C2āC3 158
2.3.3.2.2. Les schèmes suffixés en -a(t) 159
2.3.3.2.2.1. Le schème C1əC2C2āC3a(t) 159
2.3.3.2.2.2. Le schème C1əC2C2īC3a(t) 160
2.3.3.2.2.3. Le schème C1əC2C2ūC3a(t) 160
2.3.3.2.2.4. Le schème C1uC2C2āC3a(t) 160
2.3.4. Les schèmes à adjonction de deux voyelles longues 160
2.3.4.1. Les schèmes non suffixés 161

590
2.3.4.1.1. Le schème C1āC2āC3 161
2.3.4.1.2. Le schème C1āC2īC3 161
2.3.4.1.3. Le schème C1āC2ūC3 162
2.3.4.1.4. Le schème C1īC2āC3 162
2.3.4.1.5. Le schème C1ēC2āC3 162
2.3.4.1.6. Le schème C1īC2ūC3 162
2.3.4.1.7. Le schème C1ēC2ūC3 162
2.3.4.1.8. Le schème C1ūC2āC3 162
2.3.4.2. Les schèmes suffixés en -a(t) 163
2.3.4.2.1. Le schème C1āC2āC3a(t) 163
2.3.4.2.2. Le schème C1āC2īC3a(t) 163
2.3.4.2.3. Le schème C1āC2ūC3a(t) 163
2.3.4.2.4. Le schème C1īC2āC3a(t) 163
2.3.4.2.5. Le schème C1īC2īC3a(t) 163
2.3.4.2.6. Le schème C1ēC2ūC3a(t) 163
2.3.4.2.7. Le schème C1ūC2āC3a(t) 164
2.3.4.2.8. Le schème C1ūC2īC3a(t) 164
2.3.4.2.9. Le schème C1ūC2ūC3a(t) 164
2.4. Les noms quadrilitères 164
2.4.1. Schème à une voyelle brève 164
2.4.1.1. Le schème C1C2uC3C4 164
2.4.1.2. Le schème C1vC2C3i 164
2.4.2. Les schèmes à deux voyelles brèves 164
2.4.2.1. Les schèmes non suffixés 164
2.4.2.1.1. Le schème C1əC2C3əC4 165
2.4.2.1.2. Le schème C1uC2C3uC4 165
2.4.2.1.3. Le schème C1C2əC3C4 165
2.4.2.2. Les schèmes suffixés en -a(t) 165
2.4.2.2.1. Le schème C1əC2C3C4a(t) 165
2.4.2.2.2. Le schème C1uC2C3C4a(t) 165
2.4.2.2.3. Le schème C1C2əC3C4a(t) 166
2.4.3. Schème à voyelle longue entre C1 et C2 et entre C3 et C4 166
2.4.3.2.1. Le schème C1ūC2C3īC4 166
2.4.3.2.2. Le schème C1āC2C3ēC4 166
2.4.4. Les schèmes à une voyelle longue entre C3 et C4 166
2.4.4.1. Les schèmes non suffixés 166
2.4.4.1.1. Le schème C1əC2C3āC4 166
2.4.4.1.2. Le schème C1uC2C3āC4 166
2.4.4.1.3. Le schème C1əC2C3ūC4 167
2.4.4.1.4. Le schème C1əC2C3īC4 167
2.4.4.1.5. Le schème C1uC2C3āC4 167
2.4.4.1.6. Le schème C1uC2C3īC4 167
2.4.4.2. Les schèmes suffixés en -a(t) 168
2.4.4.2.1. Le schème C1əC2C3āC4a(t) 168
2.4.4.2.2. Le schème C1əC2C3ūC4a(t) 168
2.4.4.2.3. Le schème C1əC2C3īC4a(t) 168
2.5. Les préfixes 169
2.5.1. Le préfixe ə- 169
2.5.1.1. Le schème əC1C2əC3 169
2.5.1.2. Le schème əC1C2a 169

591
2.5.2. Le préfixe m- 169
2.5.2.1. Les schèmes non suffixés 170
2.5.2.1.1. Le schème mvC1C2əC3 170
2.5.2.1.2. Le schème mC1əC2C3 170
2.5.2.1.3. Le schème mC1āC3 170
2.5.2.1.4. Le schème mC1āC2əC3 170
2.5.2.1.5. Le schème mC1āC2a 171
2.5.2.1.6. Le schème mvC1C2āC3 171
2.5.2.1.7. Le schème məC1C2īC3 171
2.5.2.1.8. Le schème məC1C2ūC3 171
2.5.2.2. Les schèmes suffixés en -a(t) 172
2.5.2.2.1. Le schème mvC1C2C3a(t) 172
2.5.2.2.2. Le schème mC1əC2C3a(t) 172
2.5.2.2.3. Le schème mC1āC3a(t) 172
2.5.2.2.4. Le schème məC1C2āC3a(t) 172
2.5.2.2.5. Le schème məC1C2īC3a(t) 173
2.5.2.2.6. Le schème məC1C2ūC3a(t) 173
2.5.2.2.7. Le schème mC1āC2C3a(t) 173
2.5.3. Le préfixe t- 173
2.5.3.1. Le schème təC1C2īC3 173
2.5.3.2. Le schème təC1C2īC3a(t) 174
2.5.3.3. Le schème tC1əC2e 174
2.5.3.4. Le schème tC1əC2C3īC4 174
2.6. Les suffixes 175
2.6.1. Le suffixe -i 175
2.6.2. Le suffixe -īya(t) 176
2.6.3. Le suffixe -āni 177
2.6.4. Le suffixe -ānīya(t) 177
2.6.5. Le suffixe -āwi 177
2.6.6. Le suffixe -āwīya(t) 178
2.6.7. Le suffixe -ān 178
2.6.8. Le suffixe -āna(t) 178
2.6.9. -ži / -ği 179
3. Le nombre 180
3.1. Le duel 180
3.2. Le pluriel 181
3.2.1. Les pluriels externes 181
3.2.1.1. Le suffixe -īn 181
3.2.1.2. Le suffixe -ēn 182
3.2.1.3. Le suffixe -a(t) 182
3.2.1.4. Le suffixe -āt 183
3.2.1.5. Le suffixe -ān 184
3.2.1.6. Le suffixe -t 184
3.2.2. Les pluriels internes 184
3.2.2.1. Les schèmes trilitères 184
3.2.2.1.1. Pluriels internes à vocalisme bref 184
3.2.2.1.1.1. Le schème C1C2vC3 185
3.2.2.1.1.2. C1C2a 185
3.2.2.1.1.3. C1C2i 185
3.2.2.1.1.4. C1əC2i 185

592
3.2.2.1.1.5. C1ūC3 185
3.2.2.1.1.6. C1īC3 185
3.2.2.1.2. Pluriels internes à vocalisme long 185
3.2.2.1.2.1. C1ūC2əC3 185
3.2.2.1.2.2. C1C2āC3 186
3.2.2.1.2.3. C1wāC3 et C1C1āC3 186
3.2.2.1.2.4. C1yāC3 186
3.2.2.1.2.5. C1C2ūC3 187
3.2.2.1.2.6. C1yūC3 187
3.2.2.1.2.7. C1C2īC3 187
3.2.2.1.2.8. C1C2āC3i 187
3.2.2.1.2.9. C1wāC3i 188
3.2.2.1.2.10. C1yāC3i 188
3.2.2.1.3. Pluriel à redoublement de C2 188
3.2.2.1.3.1. C1vC2C2āC3 188
3.2.2.1.3.1. C1wəC2C2i 188
3.2.2.2. Les schèmes de pluriel quadrilitères 188
3.2.2.2.1. C1C2āwəC3 188
3.2.2.2.2. C1C2āyəC3 189
3.2.2.2.3. C1wāC2əC3 189
3.2.2.2.4. C1wāyəC3 189
3.2.2.2.5. C1C2āC3əC4 189
3.2.2.2.6. C1C2āC3īC4 189
3.2.2.2.7. C1C2āwīC4 190
3.2.2.2.8. C1C2āyīC4 190
3.2.2.2.9. C1wāC3īC4 et C1C1āC2īC3 190
3.2.2.2.10. C1yāC3īC4 190
3.3.3 Les pluriels mixtes 190
3.3.3.1. Les pluriels mixtes à suffixe -a(t) 190
3.3.3.1.1. Le schème C1vC2C3a(t) 190
3.3.3.1.2. Le schème C1C2vC3C3a(t) 191
3.3.3.1.3. Le schème C1C3āC3a(t) 191
3.3.3.1.4. Le schème C1wāC3a(t) 191
3.3.3.1.5. Le schème C1yāC3a(t) 191
3.3.3.1.6. C1C2ūC3a(t) 191
3.3.3.1.7. Le schème quadrilitère C1C2āC3C4a(t) 191
3.3.3.2. Les pluriels mixtes à suffixe -āt 191
3.3.3.3. Les pluriels mixtes à suffixe -ān 192
3.3.3.3.1. C1vC2C3ān 192
3.3.3.3.2. C1īC3ān 192
3.3.3.4. Le pluriel mixte à préfixe m- 192
3.3.3.4.1.1. mC1āC2əC3 192
3.3.3.4.1.2. mC1əC2C3əC3 192
3.3.3.4.1.3. mC1əC2C2C3a(t) 192
3.3.3.4.1.4. māC1īC3 193
4. Les degrés de comparaison 194
4.1. Les comparatifs 194
4.1.1. Le schème de comparatif 194
4.1.1.1. Les adjectifs en C1əC2C3[a(t)] 194
4.1.1.2. Les adjectifs en C1C2īC3[a(t)] et C1āC2īC3[a(t)] 194

593
4.1.1.3. L’adjectif en C1C2ūC3[a(t)] 195
4.1.1.4. Les adjectifs en C1āC2(ə)C3[a(t)] 195
4.1.1.4. Les adjectifs en C1əC2C2(ə)C3[a(t)] 195
4.1.1.5. Les adjectifs de racine sourde 195
4.1.1.6. Les adjectifs de racine concave 196
4.1.1.7. Les adjectifs de racine défectueuse 196
4.1.1.8. Le changement lexical 197
4.1.2. La construction analytique 197
4.2. Le superlatifs 198
4.2.1. Premier terme d’une annexion 198
4.2.2. ma + comparatif + pronom suffixe 199
4.3. Les diminutifs 199
4.3.1. Les diminutifs de trilitères 199
4.3.1.1. Le schème C1C2ēC3 199
4.3.1.2. Le schème C1C2ēC3a(t) 200
4.3.1.3. Le schème C1C2ēyəC3 201
4.3.1.4. Le schème C1C2ēyC3a(t) 201
4.3.1.5. Le schème C1wēC3 202
4.3.1.6. Le schème C1wēC3a(t) 202
4.3.1.7. Le schème C1wēC2əC3 202
4.3.1.8. Le schème C1wēC2C3a(t) 202
4.3.2. Les diminutifs de quadrilitères 202
4.3.2.1. C1C2ēC3əC4 203
4.3.2.2. C1C2ēC3C4a(t) 203
4.3.2.3. C1C2ēC3īC4 203
4.3.2.4. C1C2ēC3īC4a(t) 203
4.3.2.5. C1wēC3əC4 204
4.3.2.6. C1wēC3īC4 204
4.3.2.7. C1wēC3īC4a(t) 204
4.3.2.8. C1C2ēC3i 204
4.3.2.9. C1wēC3i 204
4.3.3. Les schèmes ‘irréguliers’ 204
4.3.3.1. īC1ēC2əC3 204
4.3.3.2. Les noms de parenté 205
4.3.4. Les suffixes -əš / -ək 205
5. Les noms de nombre 206
5.1. Les cardinaux 206
5.1.1. L’état absolu 206
5.1.1.1. Les nombres de 1 à 10 206
5.1.1.2. Les nombres de 11 à 19 206
5.1.1.3. Les dizaines 207
5.1.1.4. Les centaines 207
5.1.1.5. Les milliers 208
5.1.1.6. Les millions 210
5.1.1.7. Les milliards 212
5.1.2. L’état construit 214
5.1.2.1. Le nombre 1 214
5.1.2.2. Le nombre 2 214
5.1.2.2.1. Le duel 214
5.1.2.2.2. zōz « deux » + pluriel 215

594
5.1.2.3. Les nombres de 3 à 10 216
5.1.2.4. Les nombres de 11 à 20 216
5.1.2.5. Les nombres de 20 à 99 219
5.1.2.6. Les nombres de 100 à 999 219
5.1.2.7. Les milliers 220
5.1.2.8. Les millions 222
5.1.2.9. Les milliards 224
5.2. Les ordinaux 225
5.2.1. Les ordinaux de 1 à 11 226
5.2.2. Les ordinaux à partir de 11 227
5.3. Les fractions 228
5.4. Les pourcentages 229
5.5. L’heure 230
5.6. Les jours de la semaine 232
5.7. Datation 232

PRONOMS PERSONNELS 235


1. Les pronoms personnels indépendants 235
1.1. Les pronoms utilisés isolément 235
1.2. Les pronoms utilisés en combinaison 235
2. Les pronoms suffixes 236
2.1. Les pronoms suffixés aux verbes 236
2.1.1. Suffixation aux terminaisons en consonnes 237
a) Adjonction d’un suffixe consonantique 237
b) Adjonction d’un suffixe vocalique 238
2.1.2. Suffixation aux formes verbales à terminaison vocalique 239
2.1.3. Le pronom suffixe -hu 241
2.2. Les pronoms suffixés aux substantifs 242
2.2.1. Les schèmes à terminaison consonantique 242
2.2.2. Les schèmes suffixés en -a(t) 243
2.2.3. Les schèmes à terminaison vocalique 244
a) Les schèmes à terminaison -a et -u 244
b) Les schèmes à terminaison -e et -i 244
c) Les schèmes pluriels à terminaison -ēn et -i. 245
2.2.4. Une forme renforcée 246
2.3. Les pronoms suffixés aux prépositions 246
2.3.1. Les prépositions à terminaison consonantique 246
2.3.2. Les prépositions à terminaison vocalique 247
a) Les prépositions se terminant par -a 247
b) Les prépositions se terminant par -e et -i 248
2.4. Les pronoms suffixés aux particules 248
2.4.1. Les particules üa- et hā- ~ ā- 248
a) La particule üā- 248
b) La particule hā- ~ ā- 249
2.4.2. Les marqueurs de la relation de possession 249
a) εənd + pronom suffixe 249
b) mtāε + pronom suffixe 249
2.5. La négation 250
2.5.1. mā-…-š 251
2.5.2 lā-… lā-… 251

595
2.6. Les pronoms réfléchis 251

LES DEMONSTRATIFS 253


1. Les déterminants nominaux 253
1.1. L’espace lié à l’énonciateur, l’ici 253
1.1.1. La forme invariable 253
1.1.2. Le masculin singulier 254
1.1.3. Le féminin singulier 255
1.1.4. Le pluriel 255
1.2. L’espace lié à l’énonciateur et aux co-énonciateurs 257
1.2.1. Le masculin singulier 257
1.2.2. Le féminin singulier 257
1.2.3. Le pluriel 258
2. Les pronoms 259
2.1. L’espace lié à l’énonciateur, l’ici 259
2.1.1. Le masculin singulier 259
2.1.2. Le féminin singulier 259
2.1.3. Le pluriel 260
2.2. L’espace lié à l’énonciateur et aux co-énonciateurs 260
2.2.1. Le masculin singulier 261
2.2.2. Le féminin singulier 261
2.2.3. Le pluriel 261

INTERROGATIFS 263
1. āš, ses composés et ses dérivés 263
1.1. Les adverbes interrogatifs circonstanciels composés de āš 263
1.1.1. b-āš « avec quoi, au moyen de quoi » 263
1.1.2. f-āš « dans quoi, en quoi » 264
1.1.3. εl-āš « sur quoi, pourquoi » 264
1.1.4. l-āš « à quoi, pour quoi » 264
1.1.5. mn-āš « de quoi, à partir de quoi » 265
1.1.6. gədd-āš « comme quoi (taille), combien » 265
1.2. Les pronoms interrogatifs šīn, šīnu, šīni 266
1.3. Les adverbes interrogatifs circonstanciels composés de šīn 267
1.3.1. f-šīn « dans quoi, en quoi » 267
1.3.2. εlē-šīn « sur quoi, pourquoi » 267
1.3.3. fōg-šīn « sur quoi » 267
1.3.4. təôt-šīn « sous quoi » 267
1.3.5. gəddām-šīn « devant quoi » 268
1.3.6. wüā-šīn « derrière quoi » 268
1.3.7. zēy-šīn « comme quoi » 268
1.4. Le pronom interrogatif škūn « qui » 268
1.5. Les composés de škūn 269
1.5.1. lī-škūn « à qui, pour qui » 269
1.5.2. εənd-škūn « chez qui » 269
1.5.3. mtāε-škūn « à qui, de qui » 269
1.5.4. ôdā-škūn « à côté de qui » 269
1.5.5. gəddām-škūn « devant qui » 270
1.5.6. gədd-škūn « comme qui (taille) » 270
2. mən et les composés de mən 270

596
2.1. mən, mənu, məni « qui » 270
2.2. Les composés de mən 271
2.2.1. mεā-mən « avec qui » 271
2.2.2. lī-mən « à qui, pour qui » 271
2.2.3. εənd-mən « chez qui » 272
2.2.4. mtāε-mən « à qui, de qui » 272
2.2.5. εlē-mən « sur qui, de qui » 272
2.2.6. ôdā-mən « à côté de qui » 272
2.2.7. gəddām-mən « devant qui » 272
2.2.8. gədd-mən « comme qui (taille) » 273
2.2.9. mən-εənd-mən « de chez qui, de la part de qui » 273
2.2.10. zēy-mən « comme qui » 273
3. wēn « où » et les composés de *ayn 274
3.1. wēn « où » 274
3.2. Les composés de *ayn 274
3.2.1. mn-īn ~ mən-wēn « d’où » 274
3.2.2. l-ēn « jusqu’à ce que » 275
4. L’interrogatif āmta ~ əmta et son composé 275
4.1. L’interrogatif āmta « quand » 275
4.2. Le composé d’āmta : l-āmta « jusqu’à quand » 275
5. L’interrogatif kīf « comment » 276
6. L’interrogatif āma et son composé 276
6.1. L’interrogatif āma « quel(s), quelle(s) » 276
6.2. Le composé d’āma : f-āma « à quel(s), à quelle(s), dans quel(s), dans quelle(s) » 277
7. xēü + pronom personnel suffixe 277

RELATIFS 279
I. Les pronoms relatifs simples 279
1. Le relatif Ø 279
1.1. Ø relatif 279
1.2. Ø à antécédent circonstanciel 279
2. Le pronom relatif əlli 280
2.1. əlli pronom relatif 281
2.2. əlli antécédent et relatif 282
2.3. əlli à antécédent circonstanciel 283
3. Le pronom relatif ma 284
4. Le pronom relatif mən (ainsi que les formes mənu et məni) 284
5. Le pronom škūn 285
6. Le pronom relatif šən (ainsi que les formes šīnu et šīni) 286
7. Synthèse 286
II. Les pronoms relatifs composés 286
1. Préposition + əlli 287
2. Préposition + šən 288
3. Synthèse 288

INDEFINIS 289
1. Existence indépendante de toute considération d’ordre quantitatif 289
1.1. Admission de l’existence pure et simple 289
1.1.1. Pour les êtres 289
1.1.1.1. bnādəm 289

597
1.1.1.2. əl-bnādəm 289
1.1.1.3. l-ənsān 290
1.1.1.4. əl-wāḥəd 290
1.1.1.5. 1e personne du pluriel 290
1.1.1.6. La 3e personne du pluriel 290
1.1.2. Pour les choses : šēy 291
1.1.3. Conclusion 291
1.2. Considération de l’éventualité d’une existence 291
1.2.1. Pour les êtres 291
1.2.1.1. əyyī-wāḥəd 292
1.2.1.2. əlli 292
1.2.1.3. əllī-hūwa, əllī-hīya, əllī-humma 292
1.2.1.4. mən 293
1.2.1.5. kull-mən 293
1.2.1.6. kull-əlli 293
1.2.2. Pour les choses 294
1.2.2.1. əyyī-ḥāža 294
1.2.2.3. məhma 294
1.2.2.6. əllī-hūwa ; əllī-hīya ; əllī-humma 294
1.2.2.7. kull-əlli 295
1.2.2.7. Synthèse 295
2. Notion quantitative 295
2.1. Unicité 296
2.1.1. Affirmée 296
2.1.1.1. Pour les êtres 296
2.1.1.1.1. ḥədd 296
2.1.1.1.2. wāḥəd 296
2.1.1.1.3 flān 297
2.1.1.1.4. ən-nās 298
2.1.1.2. Pour les choses 298
2.1.1.3. Synthèse 298
2.1.2. Niée 299
2.1.2.1. Pour les êtres 299
2.1.2.1.1. ḥədd 299
2.1.2.1.2. ḥəttā-wāḥəd 299
2.1.2.2. Pour les choses 300
2.1.2.3. Conclusion 300
2.2. Pluralité 301
2.2.1. Paucité 301
2.2.2. Partie indéterminée d’un ensemble 301
2.2.3. Abondance quantitative 302
2.2.4. Totalité et intégralité 302
2.2.4.1. kull-əl- + nom 302
2.2.4.2. kull- + pronom suffixe 302
2.2.4.3. bukkull 303
2.2.4.4. kāməl 304
2.2.5. Totalité distributive 305
2.2.6. Conclusion 306

598
3. Différence 306
3.1. tāni « deuxième, autre » 307
3.1.1. Se distinguer de quelqu’un ou de quelque chose par la nature et les qualités 307
3.1.2. Venir s’ajouter en surplus 307
3.3. Conclusion 308
4. Identité 308
4.1. nəfs- 308
4.2. Conclusion 309
5. Isolement : b-ṛūḥ 309
5.1. L’absence de compagnie 309
5.2. L’exclusivité 310
5.3. L’absence d’aide 310
5.4. En construction paronomasique 311
5.5. Conclusion 311
6. Réciprocité 311
6.1. fī-bəεḍ 311
6.2. mεā-bəεḍ 312
6.3. Conclusion 312

PREPOSITIONS 314
1. Les prépositions simples 314
1.1. f- / fi « dans, en, à » 314
1.2. b- / bi « par, au moyen de » 317
1.3. l- / li « à, vers, pour » 318
1.3.1. l- « à, vers, pour » 318
1.3.2. li ~ la « à, vers, pour » 319
a) La forme li 319
b) La forme la 320
1.4. mən « de » 321
1.5. mεa « avec » 323
1.6. εle « sur » 325
1.7. fōg « sur, au dessus de » 328
1.8. təôt « sous, au dessous de » 328
1.9. εənd « chez, auprès de » 329
1.10. bēn « entre » 330
1.11. gəbl « avant » 330
1.12. bəεd « après » 331
1.13. wüa « derrière » 332
1.14. gəddām « devant » 333
1.15. gbālt « en face de » 334
1.16. mgābəl « en face de » 334
1.17. žīht « du côté de » 335
1.18. zēy « comme » 335
1.19. bla « sans » 337
1.20. əlla « sauf, excepté » 338
1.21. ḍədd ~ ḍudd« contre » 338
1.22. gəlb « à l’intérieur de, au cœur de » 339
1.23. bədl « au lieu de, à la place de » 339
1.24. mkān « au lieu de, à la place de » 340

599
2. Les formes composées 340
2.1. Les locutions composées de mən 340
2.1.1. Les combinaisons de prépositions 340
a) mən-εənd « de chez, de la part de » 340
b) mən-gəddām « de devant, par devant » 341
c) mən-fōg « d’en haut (de), d’au-dessus de, sur » 341
d) mən-gəlb « de l’intérieur de » 341
e) mən-bəεd « depuis » 341
f) mən-ôda « d’à côté de » 341
g) mən-bə-ôda « d’à côté de » 342
h) mən-āēü « sans » 342
i) fōg-mən « au-dessus de, en haut de, sur » 343
j) təôt-mən « sous » 343
2.2. Les locutions composées de lā- 343
2.2.1. Les combinaisons de prépositions 344
a) lā-εənd « vers chez » 344
b) lā-gəlb « à / vers l’intérieur de » 344
2.3. Les locutions composées de f- 344
2.3.1. Les combinaisons de prépositions 344
a) f-gəlb « à l’intérieur de, en plein, au milieu de » 344
2.3.2. Les locutions introduites par f- 345
a) f-mkān « à la place de, au lieu de » 345
b) f-εūî « à la place de, au lieu de » 345
c) f-wəžh « à la place de, en face de, en présence de » 345
d) f-üūô-umm « à l’intérieur de, en plein, au milieu de » 345
2.4. Les locutions composées de b- 346
2.4.1. Les combinaisons de prépositions 346
a) bə-ôda « à côté de » 346
2.4.2. Les locutions introduites par b- 346
a) b-sābāb ~ b-sbəb(b) « en raison de, par la faute de, à cause de » 346
b) b-nəsba lī- « selon, d’après, en ce qui concerne, quant à » 347
2.5. Les locutions composées de εle 347
a) εlē-xā°əü « à cause de, en raison de, pour, par égard pour » 347
b) εlē-εyūn « à cause de, en raison de, pour » 347
c) εlē-sābāb « à cause de » 347

ADVERBES 349
I. Les adverbes de lieu 349
1. Les adverbes simples 349
1.1. Les déictiques 349
1.1.1. L’espace lié au sujet énonciateur 349
1.1.2. L’espace renvoyant aux limites de la vision 349
1.2. Les adjectifs utilisés comme adverbes 350
1.2.1. grīb « près » 350
1.2.2. bεīd « loin » 351
1.3. Les substantifs utilisés comme adverbes 351
1.3.1. °ūl « tout droit, directement » 351
1.3.2. bəüüa « dehors, vers l’extérieur » 351
1.4. Les prépositions utilisées comme adverbes 352
2. Les adverbes composés 352

600
2.1. Au moyen de la préposition l- 352
2.1.1. l(ə)- + adverbes 352
a) lə-hne « vers ici, par ici » 352
b) l-āādi ~ lā-āādi « vers là, jusque là » 352
c) l-āādīka ~ lā-āādīka « vers là-bas » 353
2.1.2. l- + préposition 353
a) l-fōg « en haut, vers le haut » 353
b) l-təôt « en bas, vers le bas » 353
c) l-gəddām « devant, à l’avant, vers l’avant » 354
2.1.3. l- + nominaux 354
a) l-dāxəl « dedans, à l’intérieur, vers l’intérieur » 354
b) l-bəüüa « à l’extérieur, vers l’extérieur » 355
c) l-tāli « derrière, vers l’arrière » 355
d) l-ō°a « en bas, au rez-de-chaussée » 355
2.1.4. l-əl- + nominal 356
a) l-əl-wəs° « vers le milieu » 356
b) l-əž-žənb « vers le côté, de côté » 356
c) l-əl-gəddām « vers l’avant » 356
2.2. Au moyen de la préposition f- « dans » 356
2.2.1. f-əl-wəs° « au milieu » 357
2.2.2. f-əž-žənb « sur le côté, du côté » 357
2.3. Au moyen de la préposition mən « de » 357
2.3.1. mən + adverbe 357
a) mən-hne « à partir d’ici » 357
b) mən-āādi « à partir de là, par là » 357
c) mən-āādīka « à partir de là-bas » 358
2.3.2. mən + l’adjectif tāli 358
2.3.3. mən + əl- + nominal žənb 358
2.3.4. mən + l-ō°a 358
2.4. Au moyen de la préposition εle « sur » 359
2.4.1. εlē-bəüüa « dehors, à l’extérieur » 359
2.4.2. εlē-ž-žənb ~ εəž-ž-žənb « sur le côté, de côté » 359
2.4.3. εəl-l-īmīn « à droite, sur la droite » 360
2.4.4. εəl-l-īûāü « à gauche, sur la gauche » 360
2.4.5. εəl-l-ôāšya « sur le bord » 360
2.4.6. εlē-l-wəs° « vers le centre » 360
2.4.7. εəl-l-ū°a « sur le sol, par terre » 361
II. Les adverbes de temps 362
1. Les adverbes simples 362
1.1. təwwa « maintenant » 362
1.2. gəbl « avant » 362
1.3. bəkri « tout à l’heure (passé) ; tôt, de bonne heure » 362
1.4. dīma « toujours, tout le temps » 362
1.5. āāliban « souvent, fréquemment » 363
1.6. glīləš « rarement » 363
1.7. āudwa « demain » 363
1.8. āməs « hier » 363
1.9. zmān « avant, jadis » 363
1.10. kīf « juste, à peine » 364
1.11. εāwəd « à nouveau » 364

601
1.12. məüüāt « de temps en temps, parfois » 364
1.13. bəεdēn « après, tout à l’heure (futur) » 364
1.14. bəεtāli « après, tout à l’heure (futur) » 364
1.15. ābādān « jamais » 364
2. Les adverbes composés 364
2.1. Déterminant + nominal 365
2.1.1. L’article əl- 365
a) əl-yōm « aujourd’hui » 365
b) əl-bāüəô « hier soir » 365
c) əl-lēla « ce soir » 365
d) s-sne « cette année » 365
2.1.2. Les démonstratifs 365
a) hā-l-lēla ~ l-lēla hādi « cette nuit » 366
b) l-məüüa hādi « cette fois-ci » 366
c) s-sne / s-sāna hādi ~ s-sne / s-sāna ā-hỵa « cette année » 366
d) l-εām hāda ~ l-εām ā-hẉa « cette année » 366
e) (f-)hādākā-l-wəgt « à ce moment-là » 366
f) (f-)hādīkā-l-məüüa ~ l-məüüa hādīka « cette fois-là » 366
g) (f-)hādākā-l-εām ~ l-εām hādāka « cette année-là » 367
h) (f-)hādīkā-s-sāna ~ s-sāna hādīka « cette année-là » 367
i) (f-)hādīkā-l-lēla ~ l-lēla hādīka « cette nuit-là » 367
j) (f-)hādākā-l-yōm ~ l-yōm hādāka « ce jour-là » 367
2.1.3. Les pronoms personnels suffixes 367
2.2. Les locutions adverbiales 368
2.2.1. A partir de la préposition mən « de » 368
a) mən-bəεd « après, ensuite » 368
b) mən-gəbl « depuis longtemps » 369
c) mən bəkri ~ m-bəkri « ça fait un moment, depuis un (bon) moment » 369
d) mən-āədwīt-ha « le lendemain » 369
e) mən-ždīd « de nouveau » 369
f) mən hne u bəüüa « dorénavant, désormais » 370
2.2.2. A partir de la préposition f- « dans » 370
a) f-əl-āāləb « souvent » 370
b) f-əl-gəddām « dorénavant, désormais » 370
c) f-əl-lēl « la nuit » 370
d) f-ər-rbīε « au printemps » 370
e) f-əû-ûēf « en été » 371
f) f-əl-xrīf « en automne » 371
g) f-əš-šte « en hiver » 371
h) f- + mois de l’année 371
2.2.3. A partir de la préposition b- « avec, par » 371
a) b-əl-mεāwəd « à nouveau » 372
2.2.4. A partir de la préposition bəεd « après » 372
a) bəεd-āudwa « après demain » 372
b) bəεd-āudwtēn « après après-demain » 372
2.2.5. yā-õõāh « juste, à peine » 373
2.3. Les redoublements d’adverbes 373
2.3.1. fī-sāε fī-sāε « vite, tout de suite » 373
2.3.2. b-surεa b-surεa « vite, tout de suite » 373
2.3.3. məüüa məüüa « de temps en temps, parfois » 373

602
2.4. La conjonction de deux adverbes différents 373
2.4.1. təwwa kīf « tout juste, à l’instant même » 373
2.4.2. εāwəd tāni « à nouveau, encore une fois » 374
2.4.3.šwēya tānya « dans un instant » 374
2.4.4. bəkri šwēya « tout à l’heure, il y a très peu de temps » 374
2.5. L’état construit 375
2.5.1. muεîəm-lə-wgāt « la plupart du temps » 375
2.5.2. f-əāləb-lə-wgāt « la plupart du temps » 375
2.5.3. f-nəfs-əl-ləôîa « au même moment » 375
2.5.4. f-nəfs-əl-wəgt « au même moment, en même temps » 375
2.5.5. wūl-āməs « avant-hier » 375
2.5.6. wūl-āməstēn « avant avant-hier » 375
2.5.7. εām-n-əwwəl « l’année dernière » 376
2.5.8. yōm-l-əwwəl « le premier jour » 376
2.5.9. Saisons 376
2.6. L’utilisation de verbes comme adverbes temporels 377
2.6.1. gāεəd « encore / pas encore, toujours pas » 377
2.6.2. māzāl « encore / pas encore, toujours pas » 378
2.6.3. mā-εād-š « ne…plus » 379
III. Les adverbes de quantité / qualité 381
1. Les adverbes simples 381
1.1. hālba « beaucoup, trop » 381
1.2. šwēya « peu, pas assez, trop peu » 381
1.3. yāsər « assez » 382
1.4. ôətta « même, aussi ; non plus » 382
2. Les adjectifs utilisés comme adverbes 382
2.1. glīl « moins, peu » 382
2.2. məgtūl « précisément, exactement » 382
3. swa-swa « de le même façon, pareil » 383
4. bukkull « entièrement, totalement ; pas du tout » 383
IV. Les adverbes de manière 384
1. Les adverbes simples 384
1.1. Les formes nominales adverbialisées 384
1.1.1. mumkən « peut-être, éventuellement, vraisemblablement » 384
1.1.2. muôtaməl « éventuellement, probablement » 384
1.1.3. ’iôtimāl « probablement » 384
1.1.4. buntu « exprès » 384
1.2. Les articulations du discours 385
1.2.1. ôəgga « justement » 385
1.2.2. bəss « à peine, seulement » 385
1.2.3. xālāû « assez, ça suffit » 385
1.3. Le déictique 385
1.4. La suffixation en -ən / -ān 386
1.4.1. təqrībən « à peu près » 386
1.4.2. xūûūûən « surtout » 386
1.4.3. xûēûən « spécialement » 386
1.4.4. εūmūmən « généralement » 386
1.4.5. °əbεən « bien sûr, naturellement » 387
1.4.6. εādātān « habituellement, généralement » 387
1.4.7. mātālān « par exemple » 387

603
2. Les formes composées 387
2.1. Les locutions en b- 387
2.1.1. b-šwēya « doucement » 387
2.1.2. b-žəddīyāt « sérieusement » 388
2.1.3. b-ûāüāôa « franchement » 388
2.1.4. b-əl-ôəgg « vraiment, véritablement » 388
2.1.5. b-əl-blāš « gratuitement » 388
2.1.6. b-əl-εəks « au contraire » 388
2.1.7. b-əs-sēf « de force » 389
2.1.8. b-ə¢-¢əb° « précisément » 389
2.1.9. b-əd-dərga « en cachette » 389
2.1.10. b-əl-εāni « exprès » 390
2.1.11. b-üūô- ~ b-nəfs- « (tout) seul » 390
2.2. Autres syntagmes prépositionnels 390
2.2.1. εəl-l-āqəll « au moins » 390
2.2.2. εle kull ôāl « de toute façon, de toute manière, quoi qu’il en soit » 390
2.2.3. īlāx « et cætera » 391
2.2.4. f-əl-āxīr ~ f-əl-’āxər « finalement, en fin de compte » 391
2.2.5. zēy təwwa « par exemple » 391
2.3. Expressions nominales 391
2.3.1. bāl-ək ~ bāl-ək ši « peut-être » 392
2.3.2. lā-budda « obligatoirement, absolument » 392
2.3.3. wullāhi « en fait » 392
2.3.4. w-əs-sālām « et puis c’est tout, c’est fini, ça suffit » 392
V. Les adverbes d’affirmation et de négation 394
1. L’affirmation 394
1.1. La réponse positive à une question 394
1.1.1. L’adverbe 394
1.1.2. La forme verbale 394
1.2. La réponse à un appel 394
1.2.1. L’adverbe nεām 394
1.2.2. L’adverbe āywa 394
1.2.3. L’adverbe āh 394
1.3. La marque de l’accord 395
1.3.1. bāhi « oui, d’accord » 395
1.3.2. māši « oui, d’accord » 395
1.3.3. ōké « oui, d’accord » 395
1.3.4. bāh 395
2. La mise en doute et la confirmation 396
2.1. La mise en doute 396
2.2. La confirmation 397
3. La négation 397
3.1. L’adverbe 397
3.2. La forme verbale 397
4. La contradiction 398
5. La quantité nulle : la wāla yōk 398

CONJONCTIONS 399
I. La coordination 399
1. La conjonction u ~ w « et » 399

604
2. La conjonction fa « et, alors » 401
3. La conjonction wīyā- « et, avec » 402
4. La conjonction wəlla / āw « ou, ou bien » 403
5. La conjonction lākən « mais, or » 403
6. La conjonction bəss « mais, cependant » 404
7. La conjonction əúúāla « alors, dans ce cas » 404
8. La conjonction īdən « donc » 405
9. La conjonction ôāsīlu « bref, en résumé, finalement » 405
10. La conjonction multiple ya…ya « soit…soit » 405
11. La conjonction multiple yəmma…yəmma « soit…soit » 406
12. La conjonction multiple la…la « ni…ni » 406
13. La conjonction multiple la…wāla « ni…ni » 406
14. La conjonction multiple məüüa…məüüa ~ məüüāt…məüüāt « tantôt…tantôt,
parfois…parfois » 407
15. La locution conjonctive məεnā-ha « donc » 407
16. La locution conjonctive b-əl-εəks « au contraire » 408
17. La locution conjonctive f-əl-ôāqīqa « mais en fait » 408
18. La locution conjonctive f-əl-wāqəε « mais en réalité » 408
Conclusion 409
II. La subordination 409
1. La subordination directe 409
1.1. Le discours indirect 410
1.2. La subjonction complétive 410
1.3. La finale 410
2. Les conjonctions simples 410
2.1. La subjonction complétive 410
2.1.1. ’ənna ~ ’ənn- « que » 411
2.1.2. əlli « que » 411
2.2. La subjonction circonstancielle 411
2.2.1. lēn « jusqu’à ce que, tant que » 411
2.2.2. ləmma « quand, lorsque » 412
2.2.3. mnīn « depuis que » 413
2.2.4. lī’ənna ~ lī’ənn- « parce que, puisque, étant donné que » 413
2.2.5. mādām « tant que, puisque » 413
2.2.6. lākən « alors que » 414
2.2.7. bāš « pour que » 414
2.3. La subjonction hypothétique 414
2.4. Le souhait 415
Conclusion 415
3. Les conjonctions composées 415
3.1. Préposition, nominal, adverbe relatif + relatif 415
3.1.1. Préposition, nominal, adverbe + relatif ma 416
a) Les conjonctions circonstancielles de temps 416
a.1. gəbl-ma « avant que » 416
a.2. bəεd-ma « après que » 416
a.3. gədd-ma « tant que, autant que » 416
a.4. əwwəl-ma « dès que » 416
a.5. kull-ma « chaque fois que, bien que » 417
a.6. εlē-ma « tant que, autant que » 417
a.7. wəgt-ma « quand, lorsque » 417

605
a.8. fōg-ma « après tout ce que » 418
b) Les subjonctions circonstancielles de manière 418
b.1. f-εūî-ma « au lieu de » 418
b.2. mən-āēü-ma « sans que » 418
b.3. blā-ma « sans que » 419
b.4. εlē-ôəsb-ma « d’après ce que, selon ce que » 419
b.5. zēy-ma « comme, ainsi que, de la même façon que » 419
Conclusion 419
3.1.2. Préposition + əlli 420
a) b-əlli « que » 420
b) m-əlli « depuis que ; auprès de celui qui » 420
c) zēy-əlli « comme celui qui » 421
Conclusion 421
3.2. Interrogatif + relatif ma 421
3.2.1. āš-ma « quoi que ce soit que » 421
3.2.2. kīf-ma « comme, ainsi que » 421
3.2.3. wēn-ma « où que, où que ce soit que » 422
3.2.4. əmta-ma « quel que soit le moment où, quand » 422
3.2.5. gəddāš-ma « quelle que soit la quantité que » 422
3.2.6. b-āš-ma « quel(le) que, quoi que » 422
3.2.7. mnīn-ma « d’où, à l’endroit où, où que ce soit que » 423
3.2.8. εənd-mən-ma « chez qui que ce soit que » 423
3.2.9 mεā-mən-ma « avec qui que ce soit » 423
3.3. Des locutions conjonctives 423
3.3.1. āēü bāš « seulement pour que, uniquement pour que, rien que pour que » 424
3.3.2. εlē-xā°əü « parce que » 424
3.3.3. ôətta ləw « même si » 424

LA POSSESSION 425
1. L’annexion directe : la construction synthétique (état construit) 425
1.1. L’annexion directe d’un nom déterminé 425
1.2. L’annexion directe d’un nom propre 425
1.3. L’annexion directe d’un nom indéterminé 426
1.4. L’annexion directe d’un pronom suffixe 426
1.5. Formes renforcées 427
1.6. L’annexion directe de plusieurs termes 427
1.7. Traitement de la finale -a(t) 428
1.8. Conclusion 428
2. La construction analytique (annexion indirecte) 429
2.1. mtāε + nom 429
2.2. mtāε + pronom suffixe 430
2.3. Au féminin mtāεt et mtāεāt 430
2.4. Remarques 430
2.5. Conclusion 431
3. Au moyen de prépositions 431
3.1. εənd 431
3.2. l- et lī- 432

LE SYSTEME ASPECTUEL 433


1. Emplois non modaux 437

606
1.1. Inaccompli 437
1.1.1. Non concomitant 437
1.1.1.1. Vérités générales 437
1.1.1.2. Habitudes 438
1.1.1.3. En contexte de futur 438
1.1.1.4. En contexte de passé 439
1.1.2. Concomitant 440
1.1.2.1. Actuel 440
1.1.2.1.1. Progressif 440
1.1.2.1.2. Participe actif 441
1.1.2.1.3. gāεəd + conjugaison préfixale 441
1.1.2.2. Duratif / Intensif 442
1.1.2.2.1. Verbes téliques 442
1.1.2.2.2. gāεəd + conjugaison préfixale + fi 442
1.1.2.3. Prospectif 443
1.2. Accompli 444
1.2.1. Non concomitance 444
1.2.1.1. Aoriste 444
1.2.2. Concomitance 444
1.2.2.1. Conjugaison suffixale 445
1.2.2.2. Participe actif 445
1.2.2.3. Passé proche 445
1.2.2.4. Passé immédiat 446
2. Emplois modaux 446
2.1. Conjugaison préfixale 447
2.1.1. Verbes en situation de dépendance d’un autre verbe 447
2.1.1.1. Dépendant d’un verbe à la conjugaison préfixale 447
2.1.1.2. Dépendant d’un verbe à la conjugaison suffixale 447
2.1.2. Verbes en situation de dépendance d’un auxiliaire 448
2.1.3. Verbes en dépendance dans les subordonnées 448
2.1.3.1. Le discours rapporté 448
2.1.3.2. Les complétives 448
2.1.3.3. Les finales 448
2.1.3.4. Les subordonnées finales introduites par bāš « pour que » 449
2.1.3.5. Les circonstancielles introduites par lēn « jusqu’à ce que » 449
2.1.3.6. Les circonstancielles introduites par ləmma « lorsque, quand » 450
2.1.3.7. Les relatives introduites par ma 450
2.1.3.8. Les circonstancielles introduites par les composés de ma 450
2.1.3.9. Irréel du présent 451
2.1.4. Futurs 451
2.1.4.1. Mode volitif 451
2.1.4.2. préverbe b- 451
2.1.4.3. Préverbe ôā- 452
2.1.4.4. Futur imminent 452
2.2. Conjugaison suffixale 453
2.2.1. Subordonnée introduite par ləmma « lorsque, quand » 453
2.2.2. En situation de dépendance 453
2.2.2.1. En situation de dépendance d’un auxiliaire 453
2.2.2.2. Irréel du passé 453
3. Conclusion 453

607
MODALITES 455
La modalité 1 457
I. L’assertion 457
1. L’assertion positive 457
1.1. Enoncé verbal 457
1.2. Enoncé nominal 458
2. L’assertion négative 458
2.1. L’assertion négative dans les énoncés verbaux 458
2.1.1. Le morphème réduit mā…š 458
a) Dans l’assertion directe 458
b) Dans une réponse non-polémique à une question 459
2.1.2. Le morphème mā…šēy 460
2.1.3. La morphème continu mūš ~ məš 460
2.2. L’assertion négative dans les énoncés nominaux 461
2.2.1. Le morphème mūš ~ məš 461
2.2.2. Le morphème mā…š 463
2.2.3. Le morphème mā…šēy 464
Conclusion 464
2.3. La négation porte sur un élément de la relation 465
2.3.1. La négation porte sur le repère prédicatif (C0) 465
2.3.2. La négation porte sur le sur le deuxième terme (C1) 466
2.3.3. La négation porte sur les circonstants 467
2.3.4. La négation porte sur une relation prédicative pré-assertée 467
Conclusion 467
II. L’interrogation 468
1. Vraie question : l’interrogation – demande de réponses 468
1.1. Le pronom interrogatif šīnu 468
1.1.1. Le repérage direct 468
1.1.2. Le choix d’un repère prédicatif 469
a) Repérage d’une relation prédicative 469
b) Choix du repère prédicatif 470
1.2. L’intonation seule 470
1.2.1. Le repérage direct de la relation prédicative 470
1.2.2. Le choix du premier argument comme repère prédicatif 471
1.2.3. Le choix du prédicat comme repère prédicatif 472
1.3. La particule interrogative ū 472
1.3.1. Le repérage direct 472
1.3.2. Le choix du premier argument comme repère prédicatif 472
1.4. La question équi-polente 473
1.4.1. La deuxième partie de la question 473
1.4.2. La première partie de la question 474
2. Questions biaisées 476
2.1. Question biaisée : l’interrogation – demande de confirmation 476
2.1.1. L’intonation seule 476
a) Le repérage direct 476
b) Le choix d’un repère prédicatif 477
2.1.2. ûəôô (wəlla la) ? 478
a) Le repérage direct 478
b) Le choix d’un repère prédicatif 478

608
2.2. Question biaisée : l’interrogation – réaction de surprise 479
2.2.1. L’intonation seule 479
a) Le repérage direct 479
b) Le choix d’un repère prédicatif 480
2.2.2. Le pronom interrogatif šīnu 480
a) Le repérage direct 480
b) Le choix d’un repère prédicatif 481
Conclusion 481
III. L’injonction 482
1. L’impératif, marque de l’ordre 482
1.1. La 2e personne : la forme impérative 482
1.2. Les autres personnes : la conjugaison préfixale 484
1.2.1. yəõõāh ~ həyya : la première personne du pluriel 484
1.2.2. La troisième personne 485
a) La valeur de souhait 485
b) Le discours indirect 486
c) xəlli, xəllu + conjugaison préfixale 486
2. L’impératif négatif : interdiction, prière, souhait 487
3. Les locutions modales, marques d’injonctions négatives 488
3.1. bla, mən-āēü, marque d’interdiction-suggestion 488
3.2. yāsər « assez », marque d’injonction appréciative 489
3.2.1. yāsər-C0 + nom d’action 489
3.2.2. yāsər (-C0) + mən əl- + nom d’action 489
4. Le souhait marqué par yā-üēt « ah pourvu que » 490
5. Le regret 490
5.1. kān āēü + conjugaison préfixale 491
5.2. kān āēü + prédicat non-verbal 492
5.3. xûāüa āēü kān + conjugaison suffixale 492
Conclusion 492
IV. Les exclamatives 493
1. L’exclamation porte sur le prédicat 493
1.1. L’utilisation de la locution adverbiale gəddāš-ma 493
1.2. L’utilisation du pronom exclamatif ma 495
1.3. L’utilisation du déterminant exclamatif əmma 496
1.4. L’utilisation de la locution interjective ôē-εle 497
1.5. La mise en tête du prédicat nominal 498
1.6. La thématisation de l’un des termes 499
1.6.1. Le repère constitutif est identifié au repère prédicatif 499
1.6.2. Le repère constitutif est différent du repère prédicatif 500
2. L’exclamation porte sur l’un des termes de la relation 500
2.1. L’exclamation porte sur le terme en fonction prédicative 500
2.2. L’appréciation porte sur le C1 502
Conclusion 503
La modalité 2 505
1. La conviction 505
1.1. Constructions avec les participes actifs 506
1.2. Constructions avec les verbes conjugués 506
1.2.1. La conjugaison suffixale 506
1.2.2. La conjugaison préfixale 506
1.2.2.1. La conjugaison préfixale nue 506

609
1.2.2.2. Avec le préverbe ôā- 507
1.2.2.3. Avec le préverbe b- 507
2. La supputation ou quasi-certitude 508
2.1. məfrūî + prédicat non-verbal 509
2.2. məfrūî + participe actif 509
2.3. məfrūî + conjugaison suffixale 509
3. La probabilité logique 510
3.1. muôtaməl + prédicat non-verbal 510
3.2. muôtaməl + participe actif 510
3.3. muôtaməl + verbes conjugués 511
3.3.1. La conjugaison suffixale 511
3.3.2. La conjugaison préfixale 511
4. Le possible 512
4.1. L’envisageable 512
4.1.1. mumkən + prédicat non-verbal 512
4.1.2. mumkən + participe actif 512
4.1.3. mumkən + verbes conjugués 513
4.1.3.1. La conjugaison suffixale 513
4.1.3.2. La conjugaison préfixale 513
4.2. La faisable 513
4.2.1. ykūn + prédicat non-verbal 514
4.2.2. ykūn + participe actif 514
4.2.3. ykūn + verbes conjugués 514
4.2.3.1. La conjugaison suffixale 514
4.2.3.2. La conjugaison préfixale 515
5. L’éventuel 515
5.1. Construction avec les prédicats non-verbaux 515
5.2. Construction avec les participes actifs 516
5.3. Construction avec les formes verbales conjuguées. 517
5.3.1. La conjugaison préfixale 517
5.3.2. La conjugaison suffixale 518
6. Le doute 518
7. L’impossible 519
7.1. Construction avec les prédicats non-verbaux 519
7.2. Construction avec les participes actifs 520
7.3. Construction avec les verbes conjugués 520
7.3.1. Avec la conjugaison suffixale 520
7.3.2. Avec la conjugaison préfixale 520
8. Conclusion 521
La modalité 3 523
1. La modalité porte sur la relation prédicative 523
1.1. Assertions positives 523
1.2. Assertions négatives 524
2. La modalité porte sur le prédicat 524
2.1. La modalité porte sur le verbe 524
2.2. La modalité est contenue dans le prédicat non-verbal 525
3. La modalité porte sur l’un des arguments de la relation 528
4. La modalité fait partie de la détermination nominale 530
4.1. La modalité est contenue dans le déterminant nominal 530
4.2. La modalité est exprimée en dehors du déterminant 532

610
a) Les adverbes 532
b) Les verbes modaux 533
5. Conclusion 533
La modalité 4 535
1. L’obligation 535
1.1. L’obligation est imposée de l’extérieur 536
1.2. L’obligation vient du sujet 536
a) La valeur de condition nécessaire 536
b) La valeur de déontique 537
c) La valeur de besoin impérieux 537
d) La valeur de condition nécessaire non-réalisée 538
e) La valeur de manque 538
2. Négation et obligation 539
2.1. L’interdiction est imposée de l’extérieur (l’interdiction-conseil) 539
2.2. L’interdiction vient du sujet 539
a) L’interdiction formelle (l’obligation de ne pas) 539
b) Le manque d’obligation (pas la peine de) 541
c) L’absence de manque 541
3. La capacité 542
3.1. La capacité 542
3.2. La réalisation 543
a) La réalisation effective 543
b) La réalisation éventuelle 543
3.3. Les activités réflexes 544
3.4. La possibilité 544
3.5. La permission 545
a) La permission accordée 545
b) La proposition 545
4. Négation et capacité 545
4.1. Manque, absence de capacité 545
4.2. Négation de la réalisation 546
4.3. Prédiction de non-réalisation 547
4.4. L’impossibilité 547
5. La volonté, l’envie 547
5.1. La volonté, l’intention 548
5.2. L’envie, le désir, le souhait 550
6. Négation et envie 551
6.1. Négation et volonté 551
6.2. L’absence d’envie 552
7. Le besoin 553
7.1. Le besoin général 554
7.2. Le besoin éventuel 554
7.3. Le besoin actuel 554
7.4. Le besoin révolu 555
8. Négation et besoin 555
8.1. Négation et besoin général 555
8.2. Négation et besoin éventuel 555
8.3. Négation et besoin actuel 556
8.4. Négation et besoin révolu 556
9. Conclusion 556

611
CONCLUSION 559

TEXTES 561

BIBLIOGRAPHIE 567

TABLE DES MATIERES 583

612
INDEX DE MOTS

’ənna, 399, 410, 411,


411 415, 420, 447, b-āš-ma, 422
529, 531, 536, 541 bə-, 45, 264, 267, 268, 275, 276, 393,
ā-, 248,
248 249, 354 414, 447, 451, 452, 461, 507, 508,
ābādān, 364 550
āh, 394 bəṛṛa, 26, 296, 321, 322, 324, 351,
51 352,
ā-huṃá, 85, 256,
256 260 354, 355, 357, 359, 370, 419, 422,
ā-hẉá, 85, 254,
254 255,
255 259,
259 260 451, 482, 483, 487, 547, 550
ā-hỵá, 85, 255,
255 256,
256 259,
259 260,
260 527 b-əẓ-ẓəbṭ, 50, 389,
389 532, 533
āma, 263, 276, 277 bə-ḥda, 272, 346
āməs, 48, 282, 283, 284, 338, 363,
363 375, b-əd-dərga, 389
401, 402, 429, 555 bədl, 339,
339 391
āmta, 263, 275 bəkri, 99, 362,
362 363, 369, 374, 375
āš, 263,
263 264, 265, 267, 277 bəkri šwēya, 374
āš-ma, 421 b-əl-ḥəgg, 388,
388 396
āw, 352, 403,
403 409 b-əl-blāš, 388
āywa, 394 b-əlli, 420,
420 421
b(ə)-, b-əl-mԑāwəd, 372
préposition : 317,
317 346, 359, 371, b-əl-ԑāni, 390
383, 384, 387, 390, b-əl-ԑəks, 388,
388 389, 408, 409, 462
futur : 45, 264, 267, 268, 275, 276, bēn, 24, 246, 247, 297, 330
323, 326, 359, 393, 414, 448, 451,
451 bəss, 47, 293, 299, 330, 353, 385,
385 404,
452,
452 458, 460, 461, 465, 507,
507 508, 409, 424, 467, 492, 493, 529
519, 543, 547, 548, 550, 557 b-əs-sēf, 290, 389,
389 536
b-ṣāṛāḥa, 388 bəԑd, 38, 331,
331 332, 341, 360, 368, 369,
b-ṛūḥ, 280, 306, 309, 310, 390,
390 310, 372, 376, 401, 416, 420, 448, 450,
311, 413, 485, 529, 541, 543, 544, 451, 524, 550
546, 547 bəԑdēn, 40, 364,
364 387, 389, 399, 400,
bāh, 395 402, 427, 430, 440, 448, 453
bāhi, 74, 150, 181, 197, 270, 273, 386, bəԑd-ġudwa, 372
395,
395 411, 422, 423, 424, 523, 539 bəԑd-ġudwtēn, 372
bāl-ək, 251, 252, 392, 513 bəԑd-ma, 360, 416,
416 420, 450, 451
bāl-ək ši, 392 bəԑtāli, 364
bāš, 298, 301, 328, 385, 390, 414,
414 415, bi, 280, 294, 317,
317 397, 425, 426
449, 450, 486, 531, 537, 538, 540, bī-, 39, 43, 280, 283, 294, 299, 317,
317
544 318, 337, 424, 529, 530
b-āš, 263,
263 264, 422

613
bla, 283, 292, 322, 337,
337 342, 364, 373, əl- … hādūmāya, 256
388, 401, 419, 488, 493, 539, 540, əl-bāṛəḥ, 46, 322, 365,
365 392, 401
558 əl-bnādəm, 289,
289 291
blā-ma, 419,
419 420 əlla, 61, 99, 231, 232, 303, 338,
338 423
bnādəm, 289,
289 291 əl-lēla, 316, 365,
365 366, 464, 529
b-nəfs-, 390 (ə)lli, 267,
267 268, 271, 279, 280,
280 281,
b-nəsba lī-, 347 282, 283, 284, 285, 286, 287, 288,
b-sābāb, 346 291, 292, 293, 294, 295, 410, 411,
b-sbəb, 346 415, 420, 421, 468, 504, 523, 524,
b-sbəbb, 346 533, 537, 556
b-sēf ԑlē-, 557 əllī-hīya, 292,
292 294
b-surԑa b-surԑa, 373 əllī-humma, 292,
292 293, 294, 295
b-šwēya, 356, 359, 387,
387 388, 402 əllī-hūwa, 292,
292 294, 295, 432
bukkull, 62, 303, 304,
304 306, 381, 383,
383 əl-wāḥəd, 290,
290 291
439, 526, 546 əl-yōm, 233, 281, 283, 365,
365 367, 374,
buntu, 384,
384 385 405, 408
b-žəddīyāt, 388,
388 396, 397, 479, 480, əmta, 275,
275 374, 422
481 əmta-ma, 422
bԑīd, 16, 322, 350,
350 351, 495, 526 ən-nās, 198, 281, 294, 296, 298,
298 299,
ḍədd, ḍudd, 283, 338,
338 339 301, 302, 303, 338, 371, 438, 447
dīma, 290, 294, 316, 324, 362,
362 363, -əš, 199, 205
371, 401 əwwəl-ma, 416,
416 417, 420, 426, 450
əṃṃāla, 391, 404,
404 405, 409 əyyī-ḥāža, 294,
294 295
ēh, 394,
394 396, 405, 555 əyyī-wāḥəd, 292,
292 295
-ək, 199, 205 f(ə)-, 81, 195, 196, 198, 199, 228, 229,
əl- … ā-huṃá, 256 253, 261, 264, 267, 268, 269, 277,
əl- … ā-hẉá, 256 278, 282, 283, 287, 290, 291, 293,
əl- … ā-hỵá, 256 294, 296, 299, 301, 304, 307, 308,
əl- … hāda, 256 309, 314,
314 315, 316, 317, 325, 337,
əl- … hādāka, 259 341, 343, 344, 345, 346, 347, 349,
əl- … hādākāya, 259 350, 352, 354, 356, 357, 361, 363,
əl- … hādi, 256 366, 367, 368, 369, 370, 371, 372,
əl- … hādīka, 259 373, 374, 375, 376, 377, 378, 379,
əl- … hādīkāya, 259 380, 382, 384, 385, 386, 387, 389,
əl- … hādu, 256 390, 391, 396, 399, 400, 402, 404,
əl- … hādūka, 259 405, 408, 409, 411, 413, 414, 418,
əl- … hādūkāya, 259 419, 420, 421, 422, 431, 439, 451,
əl- … hādūma, 256 459, 466, 506, 509, 510, 512, 514,

614
515, 516, 519, 520, 529, 531, 532, f-nəfs-əl-wəgt, 309, 375
538, 550 fōg, 177, 267, 287, 288, 303, 328,
328 341,
f-ṛūḥ-umm, 345,
345 346 343, 353, 399, 418, 420, 443
fa, 401,
401 402, 404, 409 fōg-ma, 303, 418,
418 420
f-āma, 277 fōg-mən, 343
f-āš, 264 fōg-šīn, 267
f-əṣ-ṣēf, 371, 386 f-šīn, 267
f-əġləb-lə-wgāt, 198, 375 f-wəžh, 345
f-əl-ḥāqīqa, 408, 409 f-ԑūḍ, 345
f-əl-’āxər, 391 f-ԑūḍ-ma, 418,
18 420
f-əl-āxīr, 391 ġādi, 265, 310, 349,
349 350, 352, 357,
f-əl-ġāləb, 361, 370 362, 402, 441, 487, 512, 543
f-əl-gəddām, 370 ġādīkāy, 350
f-əl-lēl, 370 ġādīkāya, 350
f-əl-wāqəԑ, 408, 409 ġāliban, 363
f-əl-wəs°, 357 gāԑəd, 272, 314, 322, 351, 363, 377,
377
f-əl-xrīf, 371 378, 379, 382, 401, 402, 417, 418,
f-ər-rbīԑ, 370 424, 440, 441,
441 442, 443, 454, 461,
f-əš-šte, 371 540
f-əž-žənb, 357 gāԑdīn, 182
f-gəlb, 307, 344 gāԑəd, 182
fi, 198, 239, 248, 254, 259, 273, 274, gbālt, 334
334
279, 280, 281, 284, 290, 296, 297, gdər, 542, 543, 545, 546, 557, 558
299, 300, 301, 302, 305, 307, 308, ġēṛ bāš, 424
309, 314,
314 315, 316, 325, 327, 349, ġəṣbən ԑən(n), 536, 557
350, 360, 363, 364, 373, 381, 382, gəbl, 59, 325, 330,
330 331, 332, 362,
362 369,
384, 387, 390, 398, 400, 401, 404, 373, 416, 420, 473, 538
414, 421, 425, 438, 442, 443, 447, gəbl-ma, 325, 373, 416,
416 420, 473
448, 449, 450, 454, 461, 462, 463, gəddām, 268, 270, 272, 273, 322, 327,
464, 465, 466, 469, 471, 473, 474, 333,
333 334, 341, 351, 352, 354, 356,
475, 492, 493, 495, 515, 529, 530, 375, 444, 445, 485
531, 532, 533, 536, 537, 538, 544, gəddām-mən, 272,
272 273
552, 554, 556 gəddām-šīn, 268
fī-bəԑḍ, 311,
311 312, 313 gəddām-škūn, 270
fī-sāԑ fī-sāԑ, 373 gədd-āš, 265,
265 266
flān, 152, 296, 297,
297 298, 299 gəddāš-ma, 422,
422 427, 432, 493, 494,
f-mkān, 345 495, 499, 504
f-nəfs-əl-ləḥḍa, 309, 375 gədd-ma, 416,
416 420, 430

615
gədd-mən, 273 388, 399, 400, 406, 425, 427, 429,
gədd-škūn, 270 430, 431, 444, 458, 459, 460, 461,
gəlb, 66, 135, 187, 200, 339,
339 341, 344 462, 479, 487, 499, 501, 526, 528,
-ği, 55, 175, 179,
179 181, 215, 400 531, 532, 542, 546, 547, 549, 556
glīl, 205, 382 hādīka, 258,
258 261, 262
glīləš, 205, 363 hādīkā-l-, 258,
258 259, 309, 366, 367, 399
grīb, 153, 350 hādīkā-l-lēla, 367
ġudwa, 318, 362, 363,
363 372, 388, 395, hādīkā-l-məṛṛa, 309, 366
405, 408, 424, 439, 443, 452, 506, hādīkā-s-sāna, 367
507, 517, 540, 547, 550 hādīkāy, 261,
261 262
hā-, 248,
248 249, 253,
253 254, 255, 256 hādīkāya, 258,
258 259, 261, 262
ḥā, 294, 428, 452 hādīkāyā-l-, 258,
258 259
hāda, 194, 195, 196, 228, 249, 253,
253 hādī-l-, 255,
255 256, 403
254, 259, 260, 266, 268, 269, 270, hādīya, 259,
259 260, 399, 426
272, 273, 275, 276, 278, 281, 286, hādu, 255,
255 256, 260, 277, 281, 430,
300, 317, 320, 322, 326, 328, 336, 469, 515, 545, 554
368, 369, 372, 382, 389, 392, 399, hādūka, 258,
258 259, 261, 262, 359
400, 403, 406, 408, 411, 426, 428, hādūkā-l-, 258,
258 259
429, 431, 432, 439, 460, 462, 463, hādūkāy, 261,
261 262
466, 471, 499, 501, 502, 509, 510, hādūkāya, 258,
258 259, 261, 262
514, 517, 520, 526, 527, 528, 529, hādūkāyā-l-, 258,
258 259
533, 536, 550 hādūkumma, 261,261 262
hādāka, 198, 257,
257 261, 262, 308, 358, hādū-l-, 255,
255 256
367, 380 hādūma, 255,
255 256, 260
hādākā-l-, 257,
257 259, 366, 367 hādūmā-l-, 255,
255 256
hādākā-l-wəgt, 366 hādūmāya, 255255, 256, 260
hādākā-l-yōm, 367 hādūmāyā-l-, 255,
255 256
hādākā-l-ԑām, 367 hāk, 262
hādākāy, 261,
261 262, 308 hākki, 262,
262 270, 273, 278, 331, 385
hādākāya, 257,
257 261, 262 hā-l-, 249, 253,
253 254, 255, 256, 294,
hādākāyā-l-, 257,
257 259 326, 366, 389, 459, 491, 494, 500,
hādā-l-, 254,
254 256 543
hādāya, 259,
259 260 hālba, 269, 273, 297, 302, 305, 306,
hādi, 194, 195, 196, 249, 253,
253 255, 309, 312, 350, 362, 363, 365, 370,
259, 260, 265, 269, 271, 272, 273, 371, 381,
381 386, 400, 412, 414, 445,
275, 281, 287, 291, 299, 300, 302, 515, 524, 529, 530, 531, 532, 538,
303, 304, 316, 322, 323, 333, 341, 547, 552, 555
349, 351, 358, 363, 366, 376, 386, hā-l-lēla, 366

616
ḥədd, 283, 293, 296,
296 298, 299, 300, 305 294, 295, 296, 297, 300, 301, 302,
hēkke, 262,
262 385, 386 303, 305, 307, 309, 310, 311, 312,
ḥəttā-wāḥəd, 299,
299 300 318,
318 319, 320, 322, 324, 325, 326,
həyya, 317, 326, 413, 414, 484,
484 485, 330, 331, 332, 333, 334, 338, 341,
493 345, 346, 347, 351, 352, 353, 354,
hnāk, 350 355, 356, 357, 358, 359, 360, 361,
hne, 19, 104, 147, 195, 253, 258, 288, 362, 363, 364, 365, 366, 367, 369,
292, 293, 305, 309, 321, 322, 349,
349 370, 371, 372, 376, 377, 382, 383,
350, 352, 357, 370, 373, 406, 416, 386, 387, 388, 389, 390, 391, 392,
432, 446, 486, 530, 538, 539, 541 399, 400, 401, 402, 403, 404, 405,
īdən, 405,
405 407, 409 406, 407, 408, 410, 411, 413, 414,
īlāx, 391 415, 416, 417, 418, 419, 420, 421,
kāməl, 148, 181, 302, 304,
304 306 422, 424, 425, 426, 428, 429, 430,
kān, 18, 51, 261, 308, 310, 312, 331, 431, 432, 437, 438, 439, 440, 441,
345, 355, 362, 363, 370, 371, 373, 443, 444, 445, 446, 447, 449, 450,
395, 402, 414,
414 415, 429, 439, 440, 451, 452, 453, 459, 460, 461, 466,
446, 451,
451 453,
453 485, 486, 487, 488, 467, 470, 471, 472, 478, 479, 480,
491, 492, 493, 508, 512, 524, 530, 481, 483, 484, 486, 487, 489, 496,
533, 536, 537, 540, 541, 544, 545, 497, 498, 502, 506, 507, 509, 510,
548, 549, 551, 554, 555, 556 511, 512, 516, 517, 519, 520, 521,
kāna, 414,
414 415, 453 524, 525, 526, 528, 529, 531, 532,
kīf, 256, 263, 276,
276 289, 291, 364,
364 373, 536, 537, 538, 539, 543, 544, 545,
374, 421, 422, 446, 454 547, 549, 550, 552, 553, 554, 556
kīf-ma, 421,
421 422 la ~ lā
kull-, 11, 293, 294, 295, 302,
302 303, 305, préposition : 319,
319 320
306, 317, 338, 401, 402, 417, 418, négation : 250
420 la wāla yōk, 65, 398
kull-əl-, 302,
302 306 la…la, 406,
406 409
kull-əlli, 293,
293 294, 295 lā…lā, 251
kull-ma, 417,
417 420 la…wāla, 407,
407 409
kull-mən, 293,
293 295 lā-budda, 392,
392 535, 536, 557
l(ə)-, 7, 29, 37, 50, 54, 61, 99, 114, lā-ġādi, 352,
352 353
124, 176, 177, 196, 198, 217, 218, lā-ġādīka, 353
226, 227, 230, 232, 239, 241, 246, lā-gəlb, 344
252, 253, 254, 255, 256, 257, 258, lākən, 290, 302, 366, 389, 403,
403 404,
259, 260, 261, 264, 265, 271, 272, 409, 414,
414 415, 428, 467, 507, 508,
275, 276, 277, 278, 281, 282, 283, 514, 529, 548, 550, 552, 555
284, 287, 288, 290, 291, 292, 293, l-āmta, 275,
275 276

617
l-āš, 264,
264 265 lī-mən, 271
lāzəm, 49, 148, 292, 309, 310, 414, lī-škūn, 269
423, 424, 447, 449, 509, 515, 535,
535 l-lēla hādi, 366
536, 537, 538, 539, 540, 541, 547, l-lēla hādīka, 367
549, 557, 558 l-məṛṛa hādi, 366
lā-ԑənd, 344 l-məṛṛa hādīka, 366
l-bəṛṛa, 355 l-ō°a, 355,
355 356, 358, 359, 361
l-dāxəl, 177, 354,
354 355 l-tāli, 355
lə-hne, 352,
352 403 l-təḥt, 353
l-əl-gəddām, 356 l-yōm hādāka, 367
l-əl-wəs°, 356 l-ԑām ā-hẉa, 366
ləmma, 12, 54, 296, 312, 325, 329, l-ԑām hāda, 366
334, 339, 351, 367, 371, 390, 391, l-ԑām hādāka, 367
401, 402, 412,
412 415, 450, 453, 515 ma
lēn, 16, 20, 239, 275, 276, 411,
411 412, relatif : 284
415, 449, 450, 487 mā…š, 250, 251, 458,
458 459, 460, 461,
461
l-ēn, 275 463, 464, 465, 467, 468, 475, 487,
l-ənsān, 290,
290 291 524, 545, 546, 547, 551, 552, 553,
ləw-kān, 547,
547 552 555, 556
l-əž-žənb, 356 mā…šēy, 458, 460, 461, 463,
463 464, 465
l-fōg, 176, 353 mādām, 413,
413 414, 415
l-ġādi, 352 mātālān, 387
l-ġādīka, 353 māzāl, 303, 347, 378,
378 379, 418, 445,
l-gəddām, 354 474, 475, 476, 533, 543
li, 5, 6, 7, 22, 70, 102, 126, 201, 214, mā-ԑād-š, 308, 370, 378,
378 379, 380, 414,
250, 253, 254, 257, 259, 265, 267, 546
269, 271, 276, 280, 281, 283, 292, m-bəkri, 369
301, 315, 318,
318 319, 320, 328, 329, məṛṛa məṛṛa, 373
332, 339, 341, 343, 347, 352, 359, məṛṛa…məṛṛa, 407,
407 409
364, 365, 368, 369, 372, 398, 399, məṛṛāt, 364,
364 407, 409, 459, 513, 514
400, 414, 417, 420, 425, 427, 431, məṛṛāt…məṛṛāt, 407, 409
432, 449, 459, 466, 473, 502, 517, məḥtāž, 301, 531, 554, 556, 557, 558
519, 531, 532, 537, 547, 548, 549, məgtūl, 382
550, 552, 556 məhma, 294,
294 295
lī, 59, 269, 271, 301, 302, 303, 310, m-əlli, 287, 288, 420,
420 421
319,
319 347, 386, 399, 402, 412, 413, mən
415, 425, 431, 432, 438, 447, 509, préposition : 320
511, 514, 531, 533, 536, 541 interrogatif : 270

618
relatif : 284 mn-āš, 265
mən bəkri, 369 mnīn, 413,
413 415, 423
mən əž-žənb, 358 mn-īn, 274
mən hne u bəṛṛa, 370 mnīn-ma, 423
mən-ḥda, 341 mtāԑāt, 250, 430
mən-bə-ḥda, 342 mtāԑ-mən, 269,
269 272
mən-bəԑd, 341,
341 368 mtāԑ-škūn, 269
mən-fōg, 341 mtāԑt, 250, 430
mən-ġādi, 357, 358 mtāԑ, 196, 425, 429
mən-ġādīka, 352, 358 muḥtaməl, 384, 510, 511, 512, 521
mən-ġēṛ, 45, 275, 342,
342 418, 419, 420, mumkən, 30, 366, 384, 512, 513, 515,
488, 493, 539, 540, 558 516, 517, 518, 519, 520, 521, 541
mən-ġēṛ-ma, 418,
418 419, 420 mūš, 293, 304, 305, 310, 330, 403, 408,
mən-gəbl, 369 424, 425, 427, 428, 447, 460,
460 461,
mən-gəddām, 341 462, 465, 466, 467, 468, 475, 479,
mən-ġədwīt-ha, 369,
369 376 528, 537, 539, 540, 541, 542, 556,
mən-gəlb, 341 558
mən-hne, 352, 353, 357 muԑḍəm-lə-wgāt, 375
məni, 266, 270,
270 271, 274, 284,
284 285, mԑa, 247, 268, 271, 279, 280, 287, 297,
286, 431 298, 310, 312, 315, 323,
323 324, 325,
mənu, 266, 270,
270 271, 284,
284 285, 286, 326, 363, 376, 387, 395, 401, 416,
319, 320, 431, 432 423, 438, 440, 447, 529, 530, 537,
mən-wēn, 274,
274 275 538, 547, 549
mən-ždīd, 369 mԑā-bəԑḍ, 312,
312 313
mən-ԑənd, 273, 340 mԑā-mən, 271,
271 423
mən-ԑənd-mən, 273 mԑā-mən-ma, 423
məš, 92, 113, 166, 171, 258, 294, 305, nāwi, 548,
548 549, 557
320, 336, 350, 371, 385, 404, 411, nəfs-, 261, 305, 307, 308,
308 309, 336,
418, 421, 426, 428, 432, 460,
460 461, 366, 538
462, 463, 465, 466, 467, 468, 475, nəgdər, 280, 310, 397, 424, 461, 492,
479, 503, 506, 507, 516, 519, 520, 542, 543, 544, 545, 546, 547, 557
521, 526, 528, 539, 540, 541, 547, nəgdru, 541, 545, 557
556 nīya, 298, 301, 369, 389, 412, 431,
məstḥəgg, 554, 555, 556, 557, 558 531, 536, 547, 548, 549,
549 550, 551,
məԑnā-ha, 407,
407 408, 409 552, 557, 558
mgābəl, 334,
334 335 nԑām, 394
mkān, 152, 170, 283, 284, 307, 340,
340 Ø
345, 392, 480, 481 indéfini : 214

619
relatif : 279,
279 280, 286 404, 412, 445, 446, 452, 454, 465,
ōké, 395 486
ṣəḥḥ, 500,
500 501, 502, 503 təwwa kīf, 373
šən, 22, 44, 52, 279, 286,
286 288, 308, 403 u, 399
šēy, 291,
291 300, 301, 306, 381, 387, 388, ū, 472
424, 447, 460, 463, 464, 502, 503, w(ə), 399
542, 544 wṛa, 24, 268, 332,
332 333, 361
šīn, 54, 116, 263, 266,
266 267, 268, 290, wṛā-šīn, 268
291, 360, 363, 367, 385, 389, 396, wāḥəd, 182, 198, 206, 207, 208, 210,
405, 445 212, 214, 219, 221, 226, 227, 229,
šīni, 233, 266,
266 267, 268, 286 230, 231, 233, 290,
290 291, 292, 295,
šīnu, 266,
266 267, 286, 319, 330, 364, 387, 296,
296 297, 299, 300, 305, 306
394, 397, 428, 453, 468, 469, 470, wəgt-ma, 417,
417 418, 420
474, 475, 480, 481, 482, 517 wəlla, 26, 99, 318, 321, 331, 332, 337,
škūn, 263, 268, 269,
269 270, 271, 279, 350, 372, 386, 403,
403 409, 428, 432,
285, 286 445, 472, 473, 474, 475, 476, 478,
s-sāna ā-hỵa, 366 479, 482, 516, 527
s-sāna hādi, 366 wēn, 24, 46, 263, 268, 274,
274 275, 279,
s-sāna hādīka, 367 280, 350, 354, 355, 365, 384, 398,
s-sne, 226, 331, 365,
365 366, 371, 519 422, 466, 467, 510
stḥəgg, 555, 556, 557, 558 wēn-ma, 422
swa-swa, 383 w-əs-sālām, 392,
392 393
šwēya, 268, 301, 306, 325, 333, 347, wīyā-, 235, 236, 399, 402,
402 403, 409
355, 359, 360, 374, 381,
381 387, 399, wūl-āməs, 375,
375 376
492, 530, 531, 532, 538 wūl-āməstēn, 375,
375 376
šwēya tānya, 374 wullāhi, 326, 392,
392 405, 408, 414, 466,
tāni, 39, 150, 227,
227 228, 306,
306 307, 308, 468
353, 374, 492 xṣēṣən, 386
təḥt, 267, 268, 328,
328 329, 343, 353, 466, xālāṣ, 385,
385 395
554 xēṛ-, 277,
277 278, 290, 310, 356, 359, 388,
təḥt-mən, 343 390
təḥt-šīn, 267,
267 268 xəlli, 278, 290, 485,
485 486, 493
təgdər, 280, 282, 310, 417, 537, 543, xəllu, 485,
485 486, 493
544, 545, 547, 557 xūṣūṣən, 386
təgdru, 544, 557 yā-õõāh, 373,
373 484
təqrībən, 386,
386 532, 533 ya…ya, 405,
405 409
təwwa, 267, 278, 292, 293, 362,
362 373, yāsər, 382, 488, 489, 490, 493, 532,
374, 380, 382, 386, 391, 395, 402, 533

620
yəḥtāž, 554, 557, 558 ԑəl-l-ḥāšya, 327, 360
yəbbi, 60, 122, 123, 124, 266, 283, ԑəl-l-āqəll, 390,
390 536
286, 291, 297, 306, 337, 342, 406, ԑəl-l-īṣāṛ, 360
447, 485, 486, 548, 549, 550, 551, ԑəl-l-īmīn, 360,
360 389
552, 557 ԑəl-l-ū°a, 312, 361,
361 370
yəgdər, 282, 285, 286, 521, 542, 543, ԑənd, 44, 249, 261, 268, 269, 272, 279,
544, 545, 547, 557, 558 284, 287, 288, 290, 296, 298, 300,
yəgdru, 557 301, 303, 312, 329,
329 336, 340, 344,
yəmma…yəmma, 406, 406 409 359, 365, 369, 376, 389, 398, 405,
yənwi, 548, 549, 557 407, 408, 412, 416, 423, 424, 425,
yəstḥəgg, 554, 555, 557, 558 431, 432, 450, 451, 463, 464, 465,
yəԑṛəf, 305, 447, 542, 544, 545, 546, 469, 471, 473, 474, 475, 492, 493,
557, 558 495, 497, 499, 500, 510, 529, 531,
yōm-l-əwwəl, 369, 376 536, 544, 545, 546, 547, 549, 550,
zēy, 268, 273, 276, 287, 288, 335,
335 336, 551, 552, 553, 557, 558
337, 339, 379, 387, 390, 391, 416, ԑənd-mən, 272
417, 419, 420, 421, 426, 430, 450, ԑənd-mən-ma, 423
453, 458, 459, 462, 526, 527, 551 ԑənd-škūn, 269
zēy təwwa, 339, 391 ԑəž-ž-žənb, 359
zēy-əlli, 287, 288, 421 ԑl-āš, 264
zēy-ma, 288, 419,
419 420, 551 ԑle, 325
zēy-mən, 273 ԑle kull ḥāl, 390,
390 391, 404
zēy-šīn, 268 ԑlē-ḥəsb-ma, 419,
419 420
-ži, 56,
56 175, 179,
179 182, 183, 215 ԑlē-bəṛṛa, 359
žīht, 335 ԑlē-l-wəs°, 360
zmān, 47, 152, 293, 312, 363,
363 379, 440 ԑlē-ma, 417,
417 420
zōz, 57, 59, 180, 181, 206, 207, 210, ԑlē-mən, 272
213, 214, 215, 216, 219, 220, 222, ԑlē-sābāb, 347,
347 348
223, 224, 225, 229, 277, 386, 530 ԑlē-šīn, 267
ԑādātān, 387,
387 401 ԑlē-xā°əṛ, 347,
347 424,
424 467, 539, 540, 547
ԑām-n-əwwəl, 376 ԑlē-ž-žənb, 359
ԑāwəd, 18, 102, 364,
364 374, 414, 415 ԑlē-ԑyūn, 347
ԑāwəd tāni, 374 ԑūmūmən, 305, 386,
386 404

621

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