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Sabine Salhab
© Centre d'études et de recherches sur le Proche-Orient | Téléchargé le 20/09/2021 sur www.cairn.info (IP: 84.167.43.14)
ISSN 0767-6468
DOI 10.3917/lcdlo.119.0103
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-l-orient-2015-3-page-103.htm
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héroïque : traumatisme et déni dans
les cinémas sioniste et israélien
par Sabine Salhab*
L
1. Le premier
film muet syrien e Moyen-Orient sous domination ottomane découvre
L’accusé innocent
(al Muttaham al le cinéma au début du vingtième siècle avec l’implan-
bari’) est tourné en tation des premières salles de projection mais ce n’est
1928. Le premier qu’après la Première voire la Seconde Guerre mondiale et
film libanais Les
aventures d’Elias la fin de la période des mandats que naissent la majorité
Mabrouk (Mou- des cinémas nationaux1. Le cinéma égyptien qui démarre en
ghamarat Elias
Mabrouk) est 1917 fait figure d’exception. Son véritable essor a cependant
réalisé en 1929. lieu avec l’avènement du parlant à partir des années 1930.
Le cinéma muet
iranien se déve-
Il connaît alors un immense succès commercial et s’exporte
loppe également dans tout le Moyen-Orient. Ce rayonnement empêche
durant les années l’émergence des autres cinémas de la région, dont le marché
1920. Ce n’est
qu’en 1935 qu’ont est noyé sous le flot des productions égyptiennes. La Seconde
lieu les premières Guerre mondiale est également un frein à l’essor des cinémas
tentatives ciné-
matographiques
palestiniennes. Le
film bédouin Fitan * Docteur en Arts et sciences de l’art de l’Université Paris I où elle a enseigné entre 2008
wa Hassan (Fitan et 2010, Sabine Salhab travaille sur les cinémas du Proche et du Moyen-Orient. Elle a
et Hassan) réalisé notamment participé à La caricature au risque des autorités politiques et religieuses dirigé par
en 1953 est le pre- Dominique Avon (Presses Universitaires de Rennes, 2010) ; au Dictionnaire du Moyen-Orient
mier long métrage dirigé par Antoine Sfeir (Bayard, 2011) ainsi qu’à Images de guerre, guerre des images, paix
authentiquement en images : la guerre dans l’art, l’art de la guerre (Presses universitaires de Perpignan, 2013).
irakien. Elle est actuellement coordinatrice d’antenne pour la chaîne arabophone de France 24.
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plus préoccupantes pour ses habitants. Les affrontements de
plus en plus nombreux entre Juifs et Arabes en Palestine
mandataire se transforment en conflit ouvert au moment du
retrait britannique et de la proclamation d’indépendance de
l’État d’Israël, en mai 1948. La première guerre israélo-arabe
(1948-1949) a pour conséquence l’exil de centaines de mil-
liers de Palestiniens. La « Nakba » (catastrophe), événement
fondateur de la mémoire palestinienne, affecte durablement
les imaginaires nationaux ainsi que les représentations du
conflit dans les cinémas arabes.
Mais qu’en est-il du cinéma israélien ? On pourrait s’at-
tendre à retrouver, dans le cinéma israélien, une représenta-
tion en miroir. L’immigration juive en Palestine depuis la fin
du XIXe siècle est alimentée, dans une large mesure, par la
montée de l’antisémitisme européen. Les organisations sio-
nistes en font d’ailleurs état dans leur argumentaire en faveur
des départs. Il n’aurait donc pas été étonnant que le nouvel
État, né après la tragédie de la Shoah, intègre la destruction
des juifs d’Europe à son cinéma national.
Et pourtant loin de s’intéresser à l’Europe et à la Seconde
Guerre mondiale, le cinéma israélien a une autre priorité :
construire des figures nationales. Occultant la mise en images
des souffrances de la guerre, les cinéastes exaltent la renais-
sance juive par le retour à la terre, le culte du corps et la créa-
tion d’un nouveau héros archétypique, le Sabra invincible. Ce
personnage né sur la Terre promise n’a plus aucun lien avec le
juif d’Europe et les persécutions dont il est victime, des per-
sécutions totalement occultées dans les représentations ciné-
matographiques israéliennes des années 1940 et 1950. Ces
représentations idéalisées ne peuvent être comprises sans leur
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La Palestine est encore une province ottomane lorsque
Yaacov Ben Dov, propriétaire d’un magasin d’appareils photo,
enregistre en 1918 la visite de Churchill ainsi que l’inaugu-
ration de l’université hébraïque de Jérusalem. Les conditions
de tournage sont très précaires, il n’y a pas encore de labo-
ratoires professionnels. Les apprentis cinéastes utilisent donc
la lumière du soleil pour développer des pellicules ainsi que
2. SHWEITZER leurs baignoires comme bac de rinçage et de séchage2. Ben
Ariel, Le cinéma
israélien de la
Dov documente la vie quotidienne des pionniers et crée en
modernité, L’Har- 1919 sa propre société de production qu’il nomme Menorah.
mattan, Paris, Elle ne survivra qu’un an en raison du manque de moyens.
1997, p. 51.
La trentaine de films qu’il tourne à cette époque est conservée
dans les archives du film juif à Jérusalem. D’autres précur-
seurs tournent également des films à la même époque. Leurs
thèmes sont similaires. Ils exaltent la renaissance du peuple
juif par le retour à la terre. Leurs titres sont éloquents : Le
réveil d’Eretz Israël (Eretz Israël hamitoreret, 1923) et Une
décennie de travail et de construction (Eser shnot avoda uvinian,
1927) de Ben Dov ; Sabra (Tzabar) d’Alexander Ford et Oded
l’errant (Oded hanoded) de Halachimi en 1933 ; Nouvelle vie
(Khayim Khadachim) de Leo Herman en 1934 ou encore Terre
(Adama) de Lersky en 1947. La totalité des œuvres décline le
thème de la renaissance. Il s’agit de créer un nouvel homme
juif inspiré du modèle européen, voire d’un certain idéal grec.
Les réalisateurs israéliens ont à cœur de détruire les clichés
antisémites, mais ce faisant ils vont également à l’encontre de
la tradition juive elle-même, qu’elle soit religieuse ou intellec-
tuelle. Ils produisent ainsi des films exaltant le corps, la jeu-
nesse, la beauté physique, la force. Le bouleversement est de
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Le personnage principal filmé par Lerski est bel et bien la
terre palestinienne, ses cactus filmés en gros plan, ses col-
lines balayées par de longs panoramiques ainsi que ses pal-
miers filmés en contre-plongée. L’allégorie culmine dans la
séquence de forage afin de trouver l’eau nécessaire à l’irriga-
tion des sols. La foreuse s’enfonce à plusieurs reprises dans
la terre, filmée en gros plan, jusqu’au jaillissement de l’eau,
consommant ainsi l’union du pionnier avec son nouveau
territoire.
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Ils sont aussi utilisés dans certaines institutions israéliennes
comme l’armée ou les organisations ouvrières, sans oublier
les centres d’étude de l’hébreu ou les camps des nouveaux
immigrants.
Ces films visent donc à justifier et promouvoir l’entre-
prise sioniste à travers la construction de motifs mythiques
récurrents. De nombreuses séquences sont ainsi tournées
afin d’appuyer la thèse d’une « terre sans peuple pour un
peuple sans terre » et plus globalement d’élaborer une nou-
velle image du peuple juif. La profusion d’images du pion-
nier travaillant la terre, labourant et semant pour vaincre
une nature hostile, finissent par modifier l’image de l’intel-
5. Cette tradition lectuel juif5 : le héros individuel est progressivement aban-
culturelle, décriée donné au profit de l’exaltation du collectivisme, à grands
par la propagande
antisémite, est renforts de plans généraux montrant les efforts du groupe
écartée dans les rythmés par des gros plans sur des personnages anonymes,
représentations
cinématogra- autant d’incarnations interchangeables de l’utopie sioniste.
phiques véhicu- Afin de veiller sur le respect et la mise en valeur de l’idéo-
lant le message
sioniste au profit
logie sioniste l’État nomme un censeur principal : Joseph
d’une imagerie Burenstein. Crédité au générique, il est responsable des
incarnant la force films produits pour la Histadrouth entre 1953 et 1968,
et le volontarisme
pionniers. période durant laquelle il supervise la production de plus de
soixante-dix films. Parallèlement à cette production locale,
de nombreux courts et moyens métrages sont produits par
des juifs américains. Même s’ils exaltent aussi ce retour à
une terre promise idéalisée, ils dénoncent d’abord les souf-
frances vécues par les juifs européens en diffusant notam-
ment des images des camps de concentration, des charniers
et des rescapés de la Shoah.
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du film Juif (Steven Speilberg Jewish Film Archive6). Parmi ces 7. Cette organi-
sation fusionne
organisations, on peut citer la United Jewish Appeal, l’Ameri- en 1999 avec la
can Jewish Joint Distribution Comittee et la United Palestine United Jewish
Appeal qui fusionnent dès 1939 au sein de la United Jewish Appeal ainsi que
le Council of
Appeal for Refugees and Overseas Needs, ou encore la United Jewish Federa-
Israel Appeal7, la Haddassah8 et Americans for Haganah9. Le tions au sein de
l’United Jewish
but de ces courts et moyens métrages est clairement énoncé Communities.
par les auteurs au moyen d’un carton de début ou de fin,
par une voix off ou encore par le discours d’un acteur. Ainsi
L’envol vers la liberté (Filght to freedom), un court métrage de 8. Organisation
sioniste fémi-
14 minutes réalisé en 1949, s’achève-t-il par un texte détail- nine américaine
lant les objectifs de l’organisation qui le finance : (Women’s Zionist
Organization of
« La United Israël Appeal collecte des fonds au moyen de cam- America)
pagnes internationales [...] Elle apporte son soutien financier à
l’immigration israélienne, aux programmes d’installation et de
construction poursuivis par ces agences et aide à renforcer et à 9. La Haganah
(défense en
défendre la fondation d’Israël10. » Hébreu) est une
Dans Pas un seul ne mourra (Not One Shall Die), une fic- organisation
sioniste clandes-
tion réalisée en 1957 pour dénoncer la piètre situation des tine paramilitaire
rescapés de la Shoah confinés dans un abri de réfugiés, l’ac- créée en 1920 et
trice hollywoodienne à la renommée internationale Agnès intégrée depuis
1948 à Tsahal,
Moorehead11, qui tient l’un des rôles principaux, fait un l’armée israé-
vibrant appel aux dons à la fin du film. lienne. L’organi-
sation Americans
Les productions dénoncent l’antisémitisme européen for Haganah créée
ainsi que les projets d’extermination nazis dès 1939. Après en 1947 œuvre
1945 ils font le bilan des personnes déplacées et détaillent le afin d’obtenir le
soutien du peuple
sort réservés aux rescapés qui attendent un avenir meilleur américain à une
dans des camps de réfugiés. Plusieurs films suivent également immigration libre
et sans restriction
l’itinéraire de ces réfugiés vers la Palestine, représentée de aucune des Juifs
manière extrêmement codifiée comme une terre aride, vers la Palestine.
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10. The United qui renaît grâce au travail des agriculteurs sionistes. Dans
Israel Appeal L’Humanité nous appelle (Humanity Calls), un court métrage
raises its funds
through world- d’une dizaine de minutes, la voix off explique :
wide campaigns. « Une patrie est née de la solitude et de la désolation de
The United Israel
Appeal comprises Palestine, des villes ont émergé du sable, des champs fertiles et des
the Jewish Agen- jardins fleuris du désert aride12. »
cy, the Palestine La plupart de ces films ont un montage similaire qui révèle
Fondation Fund
(Keren Hayesod), en premier lieu les atrocités nazies et les souffrances endu-
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The Jewish Natio- rées par les juifs d’Europe pour ensuite présenter la Palestine
nal Fund and
Youth Aliyah. It comme une terre promise idéalisée qui permet une véritable
provides financial renaissance du peuple juif grâce au travail des colons. Nous
support for Israel’s
immigration,
découvrons dans Construction à partir du chaos (Construction
resettlement and from Chaos) réalisé en 1948 le camp de Belsen-Bergen, trans-
upbuilding pro- formé en école après la guerre. Ce même camp est filmé dans
gram carried out
by these agencies Aventure en liberté (Adventure in Freedom) en 1952. Au début
and helps to de Camps de personnes déplacées en Allemagne, Autriche et
strengthen and
defend the foun- Prague (DP Camps in Germany, Austria and Prague, 1946),
dation of Israel. c’est le camp de Dachau qui est montré en noir et blanc, alors
que le reste du film est en couleur. La première séquence de
11. Elle a notam- Chemin vers la liberté (Road to Liberty) produit par la 20th
ment tenu des
rôles dans Citizen Century Fox en 1946 montre le camp d’Auschwitz. Dans Les
Kane et La Splen- enfants oubliés (The Forgotten Children, 1946) on peut voir
deur des Amberson
(The Magnificent
des charniers, filmés également dans In Thy blood Live qui
Ambersons) d’Or- montre même les chambres à gaz. Où est-ce que vous débar-
son Welles. quez ? (Where do you get off ?, 1948) comporte des images des
fours crématoires.
12. « From the
desolate waste of À ces images d’horreur difficilement supportables par les
Palestine has risen spectateurs, les réalisateurs accolent des séquences d’espoir en
a homeland, out
of the sand cities
utilisant plusieurs motifs récurrents : La Hora, ronde d’origine
have grown, out of roumaine qui se danse les bras entrelacés, devient ainsi l’un des
the barren desert symboles de la nouvelle vie en Palestine. Nous la voyons dans
fertile blooming
gardens and Habricha (1947) mais aussi dans Saraphend (années 1940)
fields. » ou encore dans Ce sont les gens (These are the people, 1946).
L’hymne national israélien13 est un autre motif sonore récur-
rent que l’on trouve dans ce film à deux reprises. La première
au sein de la diégèse (in), chanté par les participants lors d’un
congrès sioniste, la seconde en musique extra-diégétique (off)
sur des images d’agriculture et d’élevage en Palestine. Chemin
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vers la liberté (Road to Liberty, 1946) s’achève également par la 13. Hatikva
(l’espoir) a été
Hatikva. Dans Les Illegaux (The Illegals, 1948) l’hymne natio- adopté comme
nal est suivi par une séquence de mise au monde d’un bébé, hymne officiel du
allégorie de la naissance du nouvel État. La métaphore est sionisme en 1933,
au 18e congrès
également filée dans bon nombre de films avec d’autres motifs sioniste mondial.
allégoriques comme la plantation d’arbres ou encore les dra- Il est devenu
l’hymne national
peaux israéliens flottant au vent. israélien à la
création de l’État
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en 1948.
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projet sioniste. Ainsi dans La colline 24 ne répond plus (Giv’a
Eina Ona, 1955) l’ennemi égyptien est-il mis en relation avec
les nazis par le biais de l’un des personnages, combattant sous
l’uniforme égyptien, dont on s’aperçoit par la suite qu’il est
un ancien nazi. Les deux identités se superposent donc visuel-
lement et l’analogie est manifeste. Cependant ces films ne
veulent pas s’appesantir sur la Seconde Guerre mondiale et
la Shoah en est totalement absente. Les personnages repré-
sentés ne sont pas des victimes mais de courageux combat-
tants prêts à mourir pour la patrie. Le film s’ouvre sur une
carte d’Israël assiégé par les États arabes voisins et suit par
différents flashbacks le parcours de quatre combattants pour
l’indépendance : un Irlandais au service de l’occupant britan-
nique qui tombe amoureux d’une Sabra et finit par se joindre
aux combattants juifs, un touriste juif américain agressé par
un Arabe et qui rejoint le même combat, un Sabra qui com-
bat sur le front égyptien et enfin une Israélienne d’origine
yéménite. Tous se sacrifient pour conquérir la colline 24,
comme le montre la dernière séquence du film. On est le 18
juillet 1948, date du cessez-le-feu. Un panoramique découvre
un paysage calme et champêtre. Une jeep des Nations Unies
s’avance vers la caméra. Elle transporte des officiels de l’orga-
nisation qui se rendent sur la colline 24 pour constater l’issue
des combats et attribuer la colline au vainqueur. Deux fonc-
tionnaires de l’ONU accompagnent un commandant pales-
tinien et un Israélien. Le sacrifice des combattants israéliens
est mis en valeur par des plans successifs des soldats tombés
durant le combat. L’un d’eux tient le drapeau israélien témoin
de l’heureuse issue des combats. Le représentant des Nations
Unies attribue la colline à Israël. Son annonce est suivie de
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1940 et 1950, ce cinéma commercial israélien occulte tota-
lement le passé douloureux des juifs européens. En ces temps
de consolidation étatique, les dirigeants sionistes utilisent tous
les moyens à leur disposition pour asseoir les icônes autour
desquelles se cristallise l’imaginaire national. Le soldat diaspo-
rique des premiers temps va rapidement être remplacé par le
Sabra, personnification de la renaissance juive et de son inté-
gration au territoire. Avant 1948, le Sabra était le vecteur d’ap-
plication de l’idéologie sioniste socialiste, le nouvel homme
juif qui sortait son peuple de la tradition purement intellec-
tuelle et religieuse par son retour à la terre. Il devient après la
guerre d’indépendance le garant de la sécurité du jeune État.
Le terme Sabra est issu du mot Tzabar qui désigne le fruit
d’une variété de cactus. Cet arbuste, introduit en Palestine il y
a environ deux siècles, s’est parfaitement acclimaté au territoire
et fait désormais partie du paysage. Il métaphorise les qualités
des Israéliens, « durs à l’extérieur mais tendres à l’intérieur ».
Tout comme ce fruit, les jeunes Sabras sont issus de cette terre :
de purs produits locaux. Le Sabra désigne non seulement les
Juifs nés en Palestine à partir des années 1920 et 1930, mais
aussi les jeunes immigrants qui se sont parfaitement intégrés
aux institutions israéliennes, une génération modelée par les
institutions sionistes. Les Sabras parlent hébreu, fréquentent
des écoles affiliées au parti travailliste ou financées par l’Agence
Juive, font partie d’un mouvement de jeunesse, travaillent
bénévolement dans les kibboutz, se battent au sein de la
Haganah ou du Palmach15. Cet archétype culturel est relayé 15. Force armée
de la Haganah.
par la presse, la littérature et le cinéma.
C’est ce citoyen idéal que l’on retrouve comme per-
sonnage principal du film Il marchait dans les champs (Hu
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sémites. Le jeune homme, le plus souvent filmé en contre
plongée, est l’exemple de cette individualisation du héros
qui caractérise le cinéma fictionnel israélien des années 1950
et 1960.
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bibliographie
ALMOG OZ, The Sabra : the creation of the new Jew (Le Sabra :
la création du nouveau Juif ), University of California Press,
Berkley, Los Angeles, London, 2000.
SHOHAT Ella, Israéli cinema, University of Texas, Austin, 1989.
SHWEITZER Ariel, Le cinéma israélien de la modernité,
L’Harmattan, Paris, 1997
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filmographie
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