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L’alliance intelligente de la gastronomie et 

de l’hôtellerie : un formidable levier de création de valeur

la plus sérieuse. La proximité géographique aidant, le choix de sortir de ses murs pour
la première fois s’est imposé comme un modèle de croissance qui se veut mesuré,
pragmatique et patient.

Anne-Sophie Pic
Anne-Sophie  Pic a brillamment développé ciper à une telle ouverture. J’ai pu faire
une école de cuisine, une gamme de produits évoluer certains d’entre eux, dont plusieurs
et du consulting. Puis en 2009, elle a ouvert personnes clés de mon équipe de Valence,

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un nouveau restaurant sous sa signature, vers de nouvelles responsabilités aux postes
de chef de cuisine, sous-chef et directeur
aujourd’hui deux étoiles au Guide Michelin,
de salle à Lausanne. C’est une formidable
au sein de l’Hôtel Beau-Rivage Palace à
source de projection vers l’avenir, de
Lausanne. motivation, pour mes équipes, de pouvoir
«  Quels enseignements tirez-vous de proposer des expériences comme celle-ci.
cette première grande expérience hors de Mes collaborateurs ont grandi grâce à cette
vos murs ? collaboration : le modèle social du Beau-
– La capacité à avoir su « Rivage est très intéressant, de
Cette expérience leur participation à un comité
s’adapter à un environnement
inconnu pour nous, avec des
m’a enrichie  de direction en passant par »
une ouverture d’esprit sur le
objectifs précis et des attentes
monde des palaces et complémentaire de
de la part du Beau Rivage. Après 3 ans, il
l’entreprise familiale.
s’avère que cette collaboration est un véri-
table succès de part et d’autres. Enfin pour moi, cela a été une expé-
rience merveilleuse. Après la naissance
Ma grande satisfaction est d’avoir pu de mon fils, c’est le second événement qui
également garder des collaborateurs de a fait que j’ai dû apprendre à davantage
l’ancienne équipe et su les motiver. Nous déléguer et m’organiser. Aujourd’hui, je
avons en effet réussi à créer une identité Pic peux me consacrer à la création, ce que
dans une culture Beau-Rivage. j’aime. Cette expérience au Beau-Rivage
Quant à mes collaborateurs, ils ont m’a enrichie de nouveaux contacts, de
eu et ont toujours un grand plaisir à parti- nouvelles méthodes, de belles rencontres. »

L’expérience d’Anne-Sophie Pic est un cas d’école, qui souligne notamment la rapidité


de la sollicitation, parfois grisante, que reçoivent les chefs récompensés par les diffé-
rents guides. La maison Pic a su gérer avec une forme de prudence et de modestie
ces sollicitations. Cet exemple illustre en outre parfaitement l’intérêt pour un chef de
sortir de son établissement et aller à la rencontre d’autres problématiques humaines,
commerciales ou culinaires.

Enfin, les hommes et les femmes sont au cœur de notre problématique : pour les colla-
borateurs fidèles à un chef et à sa culture, ce type de sollicitation est une formidable
opportunité de créer un projet d’entreprise qui dépasse le turnover en cuisine et en
© Groupe Eyrolles

salle propre à ces métiers. Ce développement vers d’autres maisons a largement été
rodé par Alain Ducasse ou Joël Robuchon. On peut être fidèle et évoluer. C’est l’une
des grandes révolutions que la restauration gastronomique ait connue ces dernières
années.

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Partie 2

ENJEUX
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STRATÉGIQUES
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Chapitre 1

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gastronomique
Les quatre approches
culturelles du restaurant
Enjeux stratégiques

Le positionnement du restaurant gastronomique d’un hôtel est tout aussi lié à la culture
de l’hôtelier et à son identité, qu’à sa stratégie marketing à proprement parler. Dans ce
marketing de l’offre, l’hôtelier positionne son restaurant par rapport au marché, à la
compétition, mais aussi par rapport à ses actionnaires, sa culture d’entreprise et enfin
sa politique générale.

Dans ce chapitre, nous allons tenter — exercice risqué mais qui a le mérite d’illus-
trer le propos — de segmenter les approches marketing du restaurant gastronomique
de chacun des quatre types d’hôteliers existants, qui diffèrent notamment selon leur

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culture d’entreprise.

L’aubergiste
L’aubergiste entretient la tradition séculaire de l’hôtelier, celui qui offre le gîte et le
couvert. Traditionnellement, le couvert est une fonction utilitaire qui n’a pas de voca-
tion à créer une différence. Cela dit, l’aubergiste perpétue également la grande tradi-
tion hôtelière des palaces, évoquée au début de cet ouvrage. Pour lui, le restaurant est
un service, à la fois utile et indispensable, historiquement dédié à la clientèle de l’hôtel,
et non pas tant aux clients extérieurs. Cela ne l’empêche pas pour autant, en termes
de décoration, de luxe, de vaisselle et autres arts de la table, de jouer la carte du luxe,
voire de l’ostentatoire dans certains cas.

Cette culture de l’hôtelier aubergiste, née au cœur de l’Europe, en Suisse en parti­


culier, a donc perduré. Des générations d’hôteliers ont été formées selon ce modèle
« culturel ». Encore aujourd’hui, dans la très grande majorité des écoles hôtelières — y
compris certaines prestigieuses — on constate un manque d’enseignement approfondi
(et donc de connaissances à la sortie de l’école) lorsqu’il s’agit des problématiques
liées à la marque ou au produit pour la restauration à proprement parler, et gastro-
nomique en particulier. Dans quelques rares écoles, en France ou aux États-Unis, le
marketing de la restauration, les enjeux des grands « chefs célébrités » et les tendances
de la gastronomie sont davantage abordés, sous forme de conférences, d’échanges,
de lectures. Parmi ses différents objectifs, cet ouvrage vise justement à encourager
l’étude plus approfondie de ces questions dans les écoles…

La culture de l’hôtelier aubergiste étant celle de la grande hôtellerie traditionnelle,


souvent issue des palaces, son management exécutif est lui aussi issu de l’hôtellerie. Il
peut être exercé par un ancien responsable de l’hébergement ou un directeur d’hôtel.
Et si certains ont travaillé à un moment donné dans la restauration gastronomique,
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c’était souvent au sein d’hôtels, non dans un restaurant gastronomique indépendant !

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Les quatre approches culturelles du restaurant gastronomique

L’exemple de Four Seasons


Le groupe hôtelier de luxe canadien Four Seasons est le « chef de file » de la grande tradition
hôtelière des aubergistes, en particulier dans leur approche de la gastronomie. Le parcours
professionnel du management exécutif du groupe l’illustre bien.
Ainsi, après des études d’architecture, Isadore Sharp, son président et fondateur (en 1960)
a travaillé aux côtés de son père, Max Sharp, dans la construction avant de se lancer dans
l’hôtellerie. Kathleen Taylor, le P-DG du groupe, a fait des études de droit en même tant qu’un
MBA. Jim  FitzGibbon, le directeur des opérations monde (jusqu’en décembre  2011), y a
commencé comme « front office manager », avant de gravir chaque échelon : directeur d’hôtel,

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puis Regional Vice President, enfin Executive Vice President. Pour sa part, Antoine Corinthios,
président Europe, Moyen-Orient et Afrique, a étudié l’économie à l’Université York à Toronto,
avant de devenir Hotel Manager pour Four Seasons, puis directeur d’hôtel, vice-président et
enfin président.
Aucune de ces quatre personnes, clés de l’organisation de Four Seasons, n’a donc travaillé
intensivement dans la gastronomie ou la restauration, ou en tout cas n’en fait état dans sa
communication officielle (communiqué de presse, site Internet, conférences, etc.).

Comme nous l’avons dit plus haut, le restaurant de l’aubergiste n’est pas de modeste
facture. Au contraire, il fait souvent l’objet d’investissements importants et d’une atten-
tion toute particulière de la part du directeur de l’hôtel. Cependant, en dépit de son
éventuelle bonne réputation, ce restaurant s’adresse essentiellement à la clientèle de
l’hôtel ; il reçoit rarement plus de 50 % de clients non résidents.

L’anecdote suivante illustre l’état d’esprit de l’aubergiste : un directeur de la restaura-


tion qui n’avait jamais connu, tout comme le directeur général de l’hôtel, que l’hôtel-
lerie traditionnelle, ni travaillé dans un restaurant gastronomique indépendant, a un
jour refusé de rencontrer l’un des grands et brillants talents culinaires de sa région, qui
postulait pour rejoindre l’équipe du restaurant. Ce refus a beaucoup surpris le comité
exécutif de cette chaîne d’hôtels. Le motif de sa décision ? Ce chef n’avait jamais
travaillé dans l’hôtellerie avant !

Enfin, pour illustrer que l’emploi de ces dénominations n’est pas sémantique, mais
« conceptuel », rappelons que Marc Veyrat, Jean Bardet, voire Alain Ducasse aiment
parfois se qualifier d’« aubergiste ». Comme s’il était à la mode de revenir aux fonde-
ments d’un métier d’accueil, sans forcément chercher à impressionner. Est-ce de la
fausse modestie ? Ou vraiment sincère ? Ou encore une forme d’hospitalité plus
chaleureuse et traditionnelle ? Peut-être un peu des trois…
© Groupe Eyrolles

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Enjeux stratégiques

Le restaurateur
Ce modèle s’oppose fortement à celui du découvreur, présenté juste après. Comme
l’aubergiste, le « restaurateur » est avant tout hôtelier. Pour lui, servir le couvert lui
revient de droit, voire est son devoir ! Il porte donc une attention toute particulière à
créer, à gérer et à développer lui-même sa restauration, y compris gastronomique. La
similitude avec l’aubergiste s’arrête toutefois ici. En effet, si pour le premier le restau-
rant est un service, pour le second, c’est un produit et un métier.

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Pour le restaurateur, créer un restaurant, qu’il soit dans ou en dehors de l’hôtel, suit le
même processus. C’est pourquoi on parle dans son cas de « restaurant destination »
et non de restaurant d’hôtel. La restauration est son métier et fait partie intégrante de
sa culture. Loin d’être une contrainte, c’est même un facteur différenciant essentiel à
trois niveaux : tout d’abord, vis-à-vis des autres groupes hôteliers (facteur important
pour ce qui est de la fidélité à la marque, du recrutement, de la culture d’entreprise) ;
mais aussi vis-à-vis de la clientèle extérieure qui fréquente ce restaurant avec un pour-
centage très supérieur à celle de l’hôtel ; enfin pour la clientèle de l’hôtel qui va au
restaurant non pas uniquement parce que c’est pratique ou privé, mais également en
raison de sa gastronomie qualitative et innovante.

Des cadres exécutifs issus de la gastronomie


Sans généraliser, soulignons que nombre de dirigeants exécutifs des hôtels de «  restaura-
teurs » sont issus de la gastronomie traditionnelle, hors hôtellerie. L’un des exemples les plus
connus et fameux est celui de l’Allemand Bernd  Chorengel, qui a commencé sa carrière
comme apprenti dans le café d’une gare, non loin de Hambourg, avant de devenir l’un des
dirigeants les plus reconnus de l’hôtellerie. Il a forgé pour Hyatt International une réputation
incontestable de « restaurateur » et développé la marque de manière exponentielle. Pour leur
part, Rakesh Sarna, directeur des opérations monde du groupe, et Charles Floyd, directeur des
opérations pour l’Amérique du Nord, ont tous deux occupé des postes à responsabilité chez
Hyatt au niveau de la restauration.

Chez le restaurateur, la création d’un restaurant se fait la plupart du temps en interne,


avec le concours de spécialistes de la restauration, autre fait culturel important, dont
l’influence dépasse celle des dirigeants de la partie hébergement. Dans ces établisse-
ments, la gastronomie n’est pas trop codée ou « intouchable ». Le but du restaurateur
est d’ouvrir un lieu qui attire de la clientèle, même si le ticket moyen sera très élevé.
Des codes traditionnels (service à table, ultraprésent et soigné, carte très réduite avec
un menu gastronomique, sommellerie technique, forte présence de produits nobles,
etc.) peuvent être parfois remis en cause, voire ignorés. Il s’agit d’une gastronomie
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décomplexée, innovante, qui plaît.

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Les quatre approches culturelles du restaurant gastronomique

Frank Ansel
Universitaire américain et diplômé de l’École avons fidélisés, motivés et promus grâce à
hôtelière de Lausanne (EHL), ancien vice- notre développement international.
président pour la restauration de Hyatt dans La troisième raison de cette reconnais-
le monde entier jusqu’au milieu des années sance est le fait que, après les États-Unis, où
2000, Frank Ansel a œuvré pour le groupe nous avions dans les années 1970 la meil-
pendant près de quarante ans. Aujourd’hui leure restauration d’hôtel des États-Unis, je
retiré des affaires, il est propriétaire viticolesuis parti à Sydney, puis à Singapour avec
un ensemble de standards et de procédures
en Argentine.

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opérationnels très précis, lesquels, tout en
devenant notre socle, ont laissé suffisam-
«  Comment expliquer que Hyatt soit
ment de place à la créativité.
reconnu comme une référence en matière
de restauration dans le monde de l’hôtel- Enfin, nous avons adopté une philo-
lerie internationale ? sophie  : agir comme si nous étions des
restaurateurs indépendants, investir dans
– Cela s’explique tout d’abord par la
des designers spécialistes et différents de
présence de personnalités passionnées
ceux employés par l’hôtel lui-même, ce en
et exigeantes qui ont dirigé la restau-
quoi nous avons été de vrais
ration dans le groupe. De
Dennis  Berkowitz, vice-
président restauration, qui
«Hyatt a développé
précurseurs.
Cette philosophie se traduit
la philosophie
a donné le “ton” à Hyatt aussi par des exigences hors
d’un restaurateur
pour les décennies à venir,
à Andreas  Stalder, tous ont
indépendant 
normes dans la conception et
la construction de nos cuisines : »
développé une forte culture tout le personnel doit être irré-
restauration, tout en étant capables de la prochable au niveau de l’organisation et de
transmettre. l’hygiène, au point de devenir transparent.
Hyatt a osé gérer en interne avec passion
En outre, nous avons su investir dans des
et créativité des restaurants d’hôtels tradition-
ressources internes, en identifiant de jeunes
nellement délégués à la sous-traitance exté-
collaborateurs à haut potentiel, que nous
rieure dans certains pays. »

Pour certains restaurateurs, la restauration est, devant les chambres, le point de diffé-
renciation principal pour un hôtel de luxe ! En témoigne le groupe allemand Althoff,
basé à Cologne et fondé par Thomas H. Althoff. En 2002, alors qu’il possède quatorze
hôtels, principalement en Allemagne, mais aussi en France, en Suisse et en Angleterre,
le groupe décide d’avoir au moins une étoile au Guide Michelin dans chacun de ses
établissements. Il crée la « Althoff Gourmet Collection », avec des restaurants comme le
Vendôme, qui a reçu trois étoiles au Guide Michelin et a été noté 19,5 au Gault & Millau.
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Enjeux stratégiques

Le découvreur
Sans être restaurateur de métier, le découvreur est un aubergiste qui a cassé le cadre
de l’hôtellerie traditionnelle haut de gamme. Pour lui, le restaurant est un produit,
voire une marque. Face à la concurrence effrénée que connaît l’hôtellerie cinq étoiles
et plus, le découvreur choisit de faire de la restauration un facteur différenciant essen-
tiel, comme il pourrait le faire avec d’autres produits.

Issu de l’hôtellerie traditionnelle, le découvreur cultive l’innovation, le luxe et les

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marques. Les cadres dirigeants de cette catégorie sortent des sentiers « battus » de l’hô-
tellerie traditionnelle. Ils sont toujours à l’affût des nouveautés, fréquentent le monde
de la mode et établissent les tendances.

Dans l’hôtel du découvreur, le restaurant est un restaurant de destination. Pour se


donner les moyens de réussir, et vite, il prend le meilleur là où il est, notamment à
l’extérieur, au risque de ne pas développer en interne les équipes et les talents estam-
pillés « restauration ». La croissance, la prise de parts de marché et la communication
sur l’image qui les accompagnent sont toutefois à ce prix.

Deux exemples de découvreurs au sein du groupe Dorchester


François Delahaye, directeur des opérations de la Dorchester Collection et directeur du Plaza
Athénée, l’un des hôtels de luxe du groupe, à Paris, est un exemple type de découvreur vision-
naire. À son actif dans cet établissement, la rénovation de la restauration, en particulier avec
le restaurant d’Alain Ducasse (trois étoiles au Guide Michelin) et l’un des bars les plus sélectifs
et rentables de Paris, l’ouverture du premier spa Dior, en collaboration avec la grande maison,
située de l’autre côté de l’avenue Montaigne.
Enfin, Franka  Holtmann, directeur général du Meurice, lui aussi l’un des fleurons de la
Dorchester Collection, a été élue Hôtelier de l’année en 2008. Sa rénovation incroyable du
Meurice a permis au restaurant, dont le chef est Yannick  Alleno, d’obtenir trois étoiles au
Guide Michelin. Pour mener ce travail de rénovation à bien, Franka Holtmann s’est notamment
entourée du designer Philippe Starck et a choisi pour le spa la marque de cosmétiques suisse
haut de gamme Valmont.

Le découvreur fait en général venir un chef « signature », une célébrité, ou parfois


développe un concept déjà existant qui a fait ses preuves. Ce type de propriétaire ou
d’opérateur hôtelier est un assembleur de talents, qu’il sait attirer, motiver, puis enca-
drer. Sa sensibilité aux marques le conduit à appliquer la même stratégie aux autres
offres de son établissement (soins de beauté, spa, etc.).
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Tableau 7 – Les quatre approches culturelles du restaurant gastronomique


L’aubergiste Le restaurateur Le découvreur Le pragmatique
Le restaurant est un service, une Le restaurant est un produit et la Le restaurant est une marque Le restaurant n’est pas la priorité par
forme d’utilitaire qui n’exclut par restauration un métier. et un facteur de différenciation rapport aux chambres ; d’une contrainte,
pour autant une dimension luxe La culture de l’hôtelier est important. il est devenu un service, parfois
forte. aussi celle d’un restaurateur Issu de l’hôtellerie traditionnelle, minimum, même s’il peut être de qualité.
La culture de l’hôtelier aubergiste qui considère le restaurant le découvreur a une culture Le top management a connu un
est celle de la grande hôtellerie comme une partie intégrante de l’innovation, du luxe et des grand succès au moment de la
traditionnelle, souvent issue des de sa culture, non comme une marques. structuration des grands groupes
palaces. contrainte. Le top management sort des hôteliers, notamment pendant les
Le top management est issu de Le top management, à l’image sentiers battus de l’hôtellerie Trente Glorieuses. Aujourd’hui, ces
l’hôtellerie (ancien responsable de Hyatt, vient de la restauration traditionnelle, il est à l’affût, établissements cinq étoiles ne sont pour
hébergement, directeur d’hôtel). (directeur de la restauration, voire fréquente le monde de la mode, autant ni des palaces, ni des hôtels
Le restaurant est développé en chef de cuisine). établit les tendances. boutiques de luxe, encore moins de
général en interne, avec faste et Le restaurant est un produit sur Ce n’est surtout pas un restaurant grands établissements traditionnels.
luxe la plupart du temps, mais mesure pour l’hôtel, développé d’hôtel, mais de destination. Ces hôtels ou groupes hôteliers en
répond avant tout à une utilité en interne, sans faire appel à Il prend le meilleur là où il est, pleine restructuration, changement
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quasi obligatoire. une marque extérieure ou à des notamment à l’extérieur. d’actionnaires, sont souvent soumis à
Le restaurant est avant tout créé consultants. Il privilégie ce qui « marche » et des contraintes budgétaires et à des
pour la clientèle de l’hôtel : en Le restaurant est conçu pour une qui est « tendance », moderne plans de restructuration. Ils recherchent
ce sens, il est typiquement un clientèle extérieure avant tout, et et innovant. Cette démarche une marge efficace et une forte
restaurant d’hôtel, même s’il peut indirectement pour la clientèle de s’applique à d’autres produits ou rentabilité, donc valorisent avant tout les
avoir une bonne réputation auprès l’hôtel. services de l’hôtel comme le spa. chambres et les conférences.
de la clientèle extérieure. Ils peinent à retrouver un souffle pour
leur hôtel, mais surtout pour leur
restauration, vue comme une obligation
nécessaire, sans être ni une signature, ni
faire l’objet d’une attention particulière.
Si l’aubergiste peut faire de la
gastronomie et des restaurants haut
de gamme, le pragmatique n’est plus
dans la course aux récompenses et à la
communication.
Les quatre approches culturelles du restaurant gastronomique

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Enjeux stratégiques

Le pragmatique
Le pragmatique est souvent un ancien aubergiste ou un restaurateur. Il a œuvré au
sein de restaurants gastronomiques réputés et récompensés, ayant remporté beau-
coup de succès, auprès de la clientèle de l’hôtel comme extérieure.

Pour le pragmatique, le restaurant gastronomique n’est pas une priorité. Comme pour
l’aubergiste, le restaurant offre un service, sans toutefois rechercher de positionne-
ment haut de gamme. La véritable priorité du pragmatique se situe au niveau des

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chambres, là où se niche la rentabilité. Or, la restauration est un service, même de
qualité. Le pragmatique ne recherche ni récompense, ni clientèle extérieure à tout prix.
Souvent, son restaurant couvre les trois repas de la journée. Efficace et de qualité, il ne
cherche pas à devenir un restaurant de destination.

Les hôtels où officient les cadres exécutifs pragmatiques ont connu beaucoup de
succès, notamment pendant les Trente Glorieuses, au moment où les grands groupes
hôteliers se sont structurés. De nos jours, ces établissements cinq étoiles ne sont ni des
palaces, ni des « hôtels boutiques de luxe », encore moins de grands établissements
traditionnels cherchant à faire de la restauration un élément différenciant. Ce sont des
hôtels ou des groupes hôteliers en pleine restructuration, soumis à des changements
d’actionnaires, subissant souvent des contraintes budgétaires et des plans de restruc-
turation, à la recherche d’une marge efficace et d’une rentabilité importante. Résultat :
ils concentrent donc leurs efforts avant tout sur les chambres et les séminaires. Peinant
à retrouver un souffle pour son hôtel, mais surtout pour sa restauration, le pragma-
tique considère celle-ci comme une obligation incontournable, sans être une signa-
ture, ni faire l’objet d’une attention particulière.

Si un groupe entre dans la catégorie des pragmatiques, il n’en demeure pas moins que
certains de ses établissements peuvent être gérés par des découvreurs, des restau-
rateurs ou des aubergistes de talent. En revanche, c’est la stratégie générale, à un
moment donné, qui donne cette caractéristique à l’ensemble du réseau.

Si l’aubergiste peut aimer la gastronomie et les restaurants « haut de gamme », le


pragmatique n’est pas dans la course aux récompenses et à la communication. Les
fonctions transverses liées à la restauration de son hôtel ne sont pas essentielles ici.
Le personnel de restauration n’exerce pas de réelle influence au sein des comités
exé­cutifs, ni ne souhaite faire carrière à tout prix dans l’un de ces établissements,
même si certains ont joui d’une remarquable réputation à une époque ou ont une
adresse prestigieuse.
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Les quatre approches culturelles du restaurant gastronomique

Sofitel et Le Méridien : deux grandes marques recherchant une identité


gastronomique
Sofitel, chaîne développée en 1964 par Accor, elle a également construit sa réputation sur
sa restauration. Au milieu des années 2000, la marque s’est fortement développée, certains
établissements ayant travaillé ou collaborant avec des chefs renommés comme Joël Robuchon,
Alain Ducasse, Antoine  Westermann ou encore Albert  Roux… Le concept «  café de chef  »
a même été déployé pour développer des signatures françaises à l’étranger, sous forme de
restaurant signé.
Cependant, au milieu des années 2000, certains hôtels ne correspondaient plus au standard

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du « cinq étoiles luxe » voulu par Accor. Les exigences des actionnaires se faisant plus pres-
santes, Accor aurait envisagé de se séparer de Sofitel. Finalement, une structure indépendante
a été mise en place, suivie d’une nouvelle stratégie déployée en 2007, avec une nouvelle
équipe et le déclassement de nombreux établissements en Pullman ou Mercure, pour n’en
garder qu’une petite centaine, les meilleurs.
La restauration se positionne sur la qualité, avec une attention particulière apportée aux
éléments typiquement « français » : le pain, les croissants, le chocolat, les macarons, etc. Finie
la course aux étoiles ou aux grandes signatures, prônée par l’équipe précédente ! Ce virage
pris par Sofitel devrait permettre à cet ancien pragmatique de redevenir un aubergiste (à
l’image de Sofitel Legend), voire pour certains un découvreur.
Gilles Pélisson, P-DG du groupe Accor jusqu’en novembre 2010, nous avait confié quelques
semaines avant son remplacement décidé par les actionnaires en faveur de Denis Hennequin,
que l’offre restauration chez Sofitel était «  en ligne avec notre positionnement, qui décline
l’élégance à la française, en harmonie avec le meilleur de la culture de chaque pays. Si nous
avons quelques grandes tables à travers le monde, à Lyon, Hanoï ou encore Amsterdam, nous
cherchons avant tout à proposer à nos clients une offre de restauration de qualité, sans parti-
ciper à la course effrénée aux récompenses gastronomiques. On retrouve dans tous nos hôtels
Sofitel quelques rituels très français, comme le petit déjeuner avec croissants et baguette, ou
encore le chariot de pâtisseries, le plateau de fromages, un choix de vins étendu… Autant de
standards très “French touch”, qui font notre différence ».
La restauration devait donc prendre une tournure plus classique, certes peut-être modeste, mais
de qualité. Sous la direction de Gilles Pélisson et ses équipes, Sofitel avait pris la direction des
aubergistes. Avec Denis Hennequin, homme de marque et de marketing, peut-être assistera-t-on
à un changement de stratégie, capitalisant sur le potentiel de restaurateur de la marque, voire
de découvreur ? Rendez-vous en 2015 pour le découvrir.
Quant au groupe d’hôtellerie de luxe Le Méridien, qui comporte plus de cent vingt hôtels dans
le monde, il a été créé en 1972 par le groupe Air France. La restauration était alors l’un des
éléments différenciants de cette firme, qui s’affiche toujours comme la représentante d’un « art
de vivre européen à l’accent français ». Reprise en 2005 par le groupe hôtelier américain
Starwood Hotels & Resorts, l’enseigne a, au fil des ans, vu sa notoriété se réduire fortement
au niveau de sa restauration en particulier. L’Autrichienne Eva Ziegler, senior vice president de
W Hotels Worldwide et de la chaîne Le Méridien au sein du groupe Starwood Hotels, spécia-
liste du marketing axé sur l’expérience client, a lancé en 2005 la rénovation de l’enseigne.
Ce travail pourrait faire passer la marque de « pragmatique » à « découvreuse ». Comme la
marque W, Le Méridien pourrait être « axé sur le design », comme l’annonce le site Web de
Starwood Hotels, et l’expérience, avec une place pour la restauration qui est encore à démon-
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trer dans un vaste parc d’hôtels.

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Enjeux stratégiques

En conclusion, si vous être passionné par la restauration et faites partie d’un grand
groupe hôtelier ou souhaitez en rejoindre un, ne vous contentez pas de regarder le
seul portefeuille d’établissements, mais analysez aussi la culture d’entreprise, l’iden-
tité de ses dirigeants. Quel pouvoir d’influence exerce-t-il sur la conception, le design
ou encore le positionnement de vos restaurants ? Quelles sont la culture gastrono-
mique et l’éducation de vos collègues ou cadres exécutifs ? Ont-ils déjà travaillé dans
la restauration « indépendante » ? Viennent-ils de disciplines liées à la création ou
au marketing ? Ont-ils gravi tous les échelons, dont la restauration d’hôtel comme

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passage obligé ? En fonction de la réponse, vous aurez une idée plus précise du type
de culture auquel adhère votre employeur.

Si vous faites partie du comité exécutif d’un établissement indépendant, interrogez-


vous sur votre parcours, votre éducation, votre culture, et voyez comment cela influe
sur la stratégie de votre restauration.

Enfin, si vous êtes étudiant, chef, directeur de salle, sommelier ou pâtissier et souhaitez
rejoindre un établissement ou un groupe hôtelier, interrogez-vous sur la culture
« restauration » de l’entreprise en question.

Si l’on ne peut réduire chaque établissement à la culture générale de l’entreprise


auquel il appartient, la connaître ainsi que celle de ses cadres exécutifs s’avère fonda-
mental… Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise gastronomie. Juste une gastronomie
cohérente avec l’identité de l’hôtel, qui contribue positivement à la satisfaction du
client, qui sait ce qu’il est venu chercher.

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92
Chapitre 2

Les principaux
éléments commerciaux

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et contractuels
de la relation entre l’hôtel
et son « prestataire
gastronomie »
© Groupe Eyrolles
Enjeux stratégiques

Autant les enjeux économiques entre un propriétaire et un hôtelier sont relativement


connus de tous, autant ceux concernant la gastronomie restent plutôt… secrets ou
inexpliqués pour le plus grand nombre. Au-delà de la simple intuition d’un hôtelier de
s’entourer de spécialistes, à commencer peut-être par un chef, comment doit-on s’y
prendre ? Quels sont les enjeux ? Que peut-on réellement attendre ? Combien cela
coûte-t-il ? Quid de l’indépendance ? Etc.

De plus, dès l’obtention d’une première ou d’une deuxième étoile au Guide Michelin
ou la publication d’un premier livre de recettes, un certain nombre de restaurateurs

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ou de chefs, fascinés par Gordon Ramsay, Wolfgang Puck ou encore Joël Robuchon,
commencent à s’interroger : « Et si j’ouvrais un autre restaurant plus bistrot ? Et si je propo-
sais mes services ? L’hôtellerie ne serait-elle pas un développement possible ? »

Dans ce chapitre, nous allons faire l’inventaire de ces questions et tenter d’y répondre.
Nous pourrons par la même occasion analyser et préciser des notions aussi impor-
tantes que la définition d’un concept de restaurant, les droits d’auteurs ou encore les
responsabilités des différents acteurs.

Des contrats de plus en plus complexes


Un contexte et des raisons précises expliquent la complexification croissante des
contrats régissant les rapports entre les hôteliers et les acteurs de la gastronomie.

■■ L’inflation des ressources extérieures

De plus en plus, des experts extérieurs à l’hôtel ou au groupe hôtelier sont sollicités
pour s’occuper de la gastronomie. Ceci entraîne naturellement une problématique
contractuelle et commerciale. Dans la concurrence que se livrent les hôtels de nos
jours, il semble que ceux qui sauront définir précisément leur offre restauration et
s’entourer des bons partenaires pourront prétendre à plus de réussite. Cet ouvrage
souligne l’importance de la restauration en tant que l’un des éléments principaux
constitutifs du succès d’un hôtel, de sa différenciation.

Il faut toutefois faire vite : en effet, le nombre de chefs multiétoilés et suffisamment


structurés1 pour intervenir efficacement dans un hôtel est limité. Il faut donc prendre
ses marques rapidement, en particulier sur les marchés où la concurrence est forte (par
exemple dans les grandes capitales).
© Groupe Eyrolles

1. C’est-à-dire doté d’une structure ou d’une organisation pour l’accompagner (directeur du dévelop-
pement, responsables des arts de la table, de la pâtisserie, des vins, chefs de projet, etc.). À l’instar
d’Alain Ducasse, le chef se concentre ainsi sur le culinaire et la communication. Il sait donc déléguer
d’autres tâches qui ne sont pas a priori sa spécialité.

94
Les principaux éléments commerciaux et contractuels de la relation entre l’hôtel et son « prestataire gastronomie »

Élaborer des clauses d’exclusivité, s’adjoindre les services d’un chef qui se consacre à
un nombre limité de projets ou encore avoir un impact fort et efficace sur la commu-
nication, nécessite de déterminer précisément les relations commerciales gouvernant
cette « association ».

■■ Une inflation favorisée par la crise


Outre ce phénomène de fonds, un élément conjoncturel a paradoxalement favorisé

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l’appel à des expertises extérieures : l’une des conséquences concrètes de la crise
financière amorcée en 2008 a été la nécessaire restructuration des grands groupes
hôteliers, dès 2009 pour les plus prévoyants. Ces derniers ont en effet compris que la
crise allait être plus importante et moins cyclique qu’habituellement.

Ce mouvement a évidemment eu des répercussions sur les fonctions dites « corpo-


rate ». Chez Sofitel, les postes Senior Vice President Food and Beverage et Corporate
chef Worldwide ont ainsi été supprimés. Chez Hyatt aussi, de nombreux postes corpo-
rate sont passés à la trappe depuis le début de la crise financière mondiale en 2008.

La crise a soulevé la question de l’importance ou de l’utilité des postes corporate en


F&B1. Elle souligne en outre l’importance de faire appel à des prestataires extérieurs,
des experts, que ce soit au niveau corporate ou local de l’hôtel.

Par ailleurs, si d’un côté, l’hôtellerie s’est fortement développée, industrialisée, voire
standardisée ces dernières décennies, la gastronomie, elle, s’est considérablement
professionnalisée depuis les années 2000 seulement, rendant la problématique de sa
relation avec les professionnels de l’hôtellerie d’autant plus nouvelle.

■■ Des exigences contractuelles en hausse


La crise a produit un autre effet sur les relations contractuelles entre l’hôtellerie et les
chefs consultants. En effet, pendant les « grandes » années, témoins de la course au
chef multiétoilé, la rentabilité n’était pas au centre des préoccupations. La communica-
tion, la qualité et le nom suffisaient. Avec la crise financière, l’exigence de rentabilité a
été placée sous les feux de la rampe. On ne peut plus se permettre d’avoir une « star »
aux fourneaux si les décisions et le coût que cette dernière représente grèvent forte-
ment la rentabilité éventuelle de la restauration !

De plus, et c’est un changement plus structurel, les actionnaires sont devenus de plus
en plus exigeants, considérant chaque point de vente comme un centre de profits.
Quand le propriétaire et l’opérateur hôtelier étaient une seule et même personne,
© Groupe Eyrolles

avoir un restaurant gastronomique perdant de l’argent pouvait présenter un sens


stratégique (communication, image, conservation des talents, etc.). Désormais, les

1. Food and beverage.

95
Enjeux stratégiques

­ ropriétaires ayant de plus en plus séparé la propriété du métier d’opérateur hôtelier


p
exigent davantage de transparence et de rentabilité de la part de chaque département
d’un hôtel, et donc naturellement des restaurants gastronomiques.

Les contrats rédigés ces dernières années incluent majoritairement des clauses sur la
rentabilité de l’opération. La rémunération du chef ou du chef consultant est désor-
mais presque toujours indexée non seulement sur la progression du chiffre d’affaires,
mais aussi — fait plus nouveau —, sur la rentabilité. Les contrats prévoyant l’appel à
un opérateur hôtelier spécialisé en gastronomie s’alignent peu à peu sur les contrats

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régissant la sollicitation d’un opérateur hôtelier classique, particulièrement au niveau
financier : le budget est annexé au contrat, les possibilités de sortie en cas de manque
de profit sont envisagées, la rémunération est davantage variable que fixe, les résul-
tats et le cash sont d’abord affectés au remboursement des investissements avant de
concerner le chef consultant, etc.

■■ Une précision contractuelle croissante

Les évolutions que nous venons de décrire, couplées à des enjeux stratégiques
majeurs, conduisent à la formalisation plus importante et précise des relations entre
contractants : entre un chef et un hôtel, entre un chef consultant et un groupe hôtelier
ou entre une marque reconnue et un hôtel.

Les professionnels du secteur de l’hôtellerie ne semblent cependant pas encore détenir


tous les outils et clés nécessaires à la bonne gestion des prestataires extérieurs, en
particulier les chefs. Il existe en effet une « jungle » de possibilités pour contracter :
de la simple mission de consulting culinaire au contrat complet de management, en
passant par l’utilisation d’une marque ou d’une licence…

Si au début des années 2000, le contrat type entre un chef consultant, y compris
multiétoilé, et un hôtel pour lequel il faisait du consulting ou signait la carte du restau-
rant, tenait en deux ou trois pages, ce type de contrat en fait au moins dix fois plus
en 2012 ! Désormais, les prestations attendues des chefs consultants et autres experts
externes sont décrites très précisément dans le contrat les liant à un hôtelier.

Ceci va dans le sens de ce que cet ouvrage tente de démontrer : l’hôtellerie a d’une
certaine façon contribué à professionnaliser les relations commerciales entre les diffé-
rents acteurs de la gastronomie.
© Groupe Eyrolles

96
Les principaux éléments commerciaux et contractuels de la relation entre l’hôtel et son « prestataire gastronomie »

Comment faire appel


à un prestataire extérieur ?
Propice à la personnalisation, adepte de l’importance de la parole donnée, la gastro-
nomie dans l’hôtellerie se traduisait historiquement par un rapport très personnel
entre le directeur d’un établissement et le chef consultant. Les deux ou trois pages du
contrat les liant, quand il existait, ne servaient qu’à justifier la facturation. Compte tenu
de la personnalisation de cette relation, les attentes du directeur de l’hôtel et du chef

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consultant étaient très claires pour les deux parties.

Au fil du temps, les chefs de cuisine, comme nous l’avons vu plus haut, sont pour
certains devenus des marques, voire des chefs d’entreprise. Les directeurs d’hôtel, eux,
ont perdu une forme d’indépendance dans la gestion de leur établissement, dès lors
qu’ils se sont rattachés à un groupe hôtelier (exigences plus fortes en termes de repor-
ting de l’information, moins de facilité pour contractualiser certaines relations). Pour
travailler dans l’hôtellerie, le chef consultant (ou tout autre prestataire de services) a
donc été contraint de professionnaliser son approche du métier.

L’idée de faire appel à un chef consultant n’est évidemment pas nouvelle ! Cela peut
toutefois être paradoxal pour l’opérateur hôtelier dont le contrat de management avec
le propriétaire garantit une expertise et ne simplifie donc pas le « passage à l’acte ». Si
l’hôtelier reconnaît parfois qu’une expertise ou une marque extérieure apporte un réel
avantage à son établissement, les enjeux financiers et commerciaux à la clé ne vont
pas toujours dans ce sens.

Cela étant dit, l’opérateur hôtelier qui souhaite s’engager dans cette voie trouvera
ici quelques clés pour comprendre les enjeux et l’étendue des possibilités. Outre les
hôteliers, plusieurs types de « publics » sont susceptibles d’être intéressés par ce que
nous allons développer. Il peut s’agir de chefs désireux de se développer à l’image
de Thomas Keller ou de Jean-Georges Vongerichten, mais ne sachant pas comment
s’y prendre ni qu’apporter. Ce peut également être des professionnels expérimentés
soudainement devenus indépendants (à cause de la crise ou par envie après avoir
« bourlingué » à travers la planète). Enfin, les étudiants seront sans doute intéressés de
décoder l’envers du décor.

On distingue cinq types de fonctionnement entre la restauration et l’hôtellerie, allant


du moins au plus dépendant d’un partenaire externe :

— Gestion totalement interne de la gastronomie : aucune prestation externe majeure


ou de consulting n’est requise.
© Groupe Eyrolles

— Consulting ou prestations externes en réponse à des besoins ponctuels ou récurrents


de l’opérateur hôtelier, contre une rémunération souvent fixe, sous forme d’honoraires.

— Apport d’une licence, d’un nom ou d’une marque reconnue, parfois sans aucune
contrainte particulière et avec une relative liberté, mais souvent en échange du suivi

97
Enjeux stratégiques

rigoureux du cahier des charges. L’hôtelier est responsable de la gestion et du risque


opérationnel et commercial. Il verse une rémunération sous forme de royalties au
propriétaire de la marque.

— Gestion de la restauration externalisée par un contrat de management, pour le


compte de l’hôtel. Le compte de résultat est géré par un tiers, mais la rentabilité doit
être assurée par l’hôtel. Si le prestataire est motivé sur les résultats, il ne prend en
général pas de risque financier. Il est soumis à un cahier des charges et à un certain
nombre d’obligations devant permettre à l’hôtel de maîtriser le niveau de la prestation.

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— Gestion totale de la restauration, contre un loyer la plupart du temps. Ici, l’opérateur
hôtelier supporte le risque opérationnel et financier. Il perçoit, en principe, un loyer,
voire une variable selon la rentabilité et/ou le volume de l’opération. Il n’a pas ou peu
de droit de regard sur la qualité de la prestation du chef consultant.

■■ Gestion totalement interne de la gastronomie


Pour un hôtelier, la solution la plus simple consiste parfois à ce qu’il gère lui-même
indépendamment l’ensemble de sa restauration. Dans ce cas, il ne fait appel à aucun
prestataire extérieur. Ce schéma est très répandu au sein des établissements Relais &
Châteaux. Le directeur de l’établissement en est souvent le propriétaire et un ancien
chef. Il supervise lui-même la restauration, du recrutement de la brigade aux opéra-
tions commerciales et s’avoue sceptique quant au développement exponentiel des
« marques » et autres « chefs célébrités ». Il considère que le restaurant, au même titre
que les chambres, fait entièrement partie du métier d’hôtelier ; pour lui, c’est presque
génétique. Selon lui, livrer sa restauration à un chef extérieur ou à une marque
reconnue revient à perdre son âme d’hôtelier.

Si cette façon d’envisager la restauration dans un hôtel est souvent propre aux
établissements indépendants, on la retrouve aussi au sein de certains groupes hôte-
liers, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent. L’un des exemples les plus
marquants est probablement celui de l’Américain Hyatt, qui a largement favorisé le
développement interne de ses expertises en gastronomie, et fait peu ou pas appel à
des « chefs célébrités » ou à des restaurateurs extérieurs.

■■ Consulting et prestations externes


Certains hôtels ont des besoins, ponctuels ou récurrents, en termes de consulting et
de prestations externes : par exemple, faire appel à un chef consultant (pas forcément
© Groupe Eyrolles

très connu) pour renouveler les menus ; confier à un expert le renouvellement de


l’ensemble des arts de la table, ou la formation du personnel de salle et de cuisine à
de nouvelles méthodes de management (contrôle des coûts, ventes additionnelles,
accord mets et vins, etc.).

98
Les principaux éléments commerciaux et contractuels de la relation entre l’hôtel et son « prestataire gastronomie »

D’un point de vue commercial, ces prestations sont dans la majorité des cas produites
contre une rémunération fixe sous forme d’honoraires : soit à la prestation si elle est ponc-
tuelle, soit périodique (mensuelle, trimestrielle) lorsqu’elle s’étend sur une année ou plus.

Dans des cas plus rares, et uniquement pour une prestation récurrente, la rémunéra-
tion peut être calculée sur un pourcentage des ventes du restaurant.

■■ Contrat de licence ou de marque

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Certains hôtels, souvent en plus ou en complément d’une prestation technique (renou-
vellement des menus ou formation continue), décident de communiquer en externe
sur une marque. Ils veulent ainsi bénéficier de la notoriété de tel ou tel chef par
exemple. L’hôtelier reste ici maître de son compte de résultat comme de ses investisse-
ments, mais doit respecter un cahier des charges (imposé parfois par le prestataire ou
le chef) pour bénéficier des avantages liés à une licence de marque.

Dans ce cas, la rémunération du consultant externe est souvent constituée de deux


éléments : un droit d’entrée fixe et des royalties souvent variables (un pourcentage du
chiffre d’affaires et parfois du profit).

Dans le cas d’une création notamment, le prestataire extérieur touche en général une
rémunération variable, à condition qu’elle ne descende pas sous un minimum fixé
contractuellement.

Quel contrat choisir ?


On répertorie trois types de contrats différents. Dans un contrat de location d’espace commer-
cial, le chef consultant supporte à 100 % le risque commercial, paye un loyer à l’hôtelier et
est indépendant. Dans un contrat de licence, le chef consultant vend à l’hôtelier son nom et
son concept et intervient plus ou moins selon les modalités du contrat ; le risque financier et les
opérations sont toutefois contrôlés par l’hôtel. Enfin, dans le contrat de management, le chef
consultant gère le restaurant pour le compte de l’hôtel, qui conserve lui le risque financier, mais
ne contrôle plus les opérations.
Selon Robert Schlup, avocat international spécialiste de ces questions, dont le cabinet officie
en Suisse, les hôtels faisant appel à son cabinet préfèrent en très grande majorité la deuxième
option, car ils y trouvent l’avantage d’une marque et d’une expertise, tout en gardant le contrôle
du restaurant et des opérations (lire plus loin).

L’expérience montre que dans un hôtel qui a d’autres points de restauration (room-
service, banquet, etc.) en plus d’un restaurant gastronomique, il est souvent difficile
de séparer et d’identifier qui fait quoi, en particulier tout ce qui peut être commun
© Groupe Eyrolles

(boulangerie, nettoyage, ventes, etc.). En termes de rémunération et de montage


commercial, c’est toujours le propriétaire de l’hôtel qui verse à la fois le droit d’entrée
(« entrance fee »), puis les royalties. C’est pourquoi il est toujours impliqué dans le choix
du restaurateur ou du prestataire, car in fine, c’est lui qui paye.

99
Enjeux stratégiques

Robert Schlup
L’avocat Robert  Schlup, ancien partenaire C’est là une très forte tendance interna-
du cabinet international SNR Denton, tionale, non limitée à la seule Europe. La
professeur visitant à l’EHL et auteur d’une demande de “chefs célébrités” est faite par
thèse sur les contrats de management hôte- les hôtels elles-mêmes, afin d’asseoir leur
image. Ils doivent bien sûr recevoir l’accord
liers, se trouve au cœur des relations
des propriétaires, au regard des sommes
commerciales entre les propriétaires d’hô-
impliquées. Parfois, ce sont les propriétaires
tels, les opérateurs et les « chefs célébrités ». eux-mêmes qui demandent
«

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La demande de “chefs à l’opérateur hôtelier de
« Comment les rela- recourir à un chef extérieur
célébrités” s’accroît
tions entre hôtels et chefs
consultants ont-elles évolué internationalement 
afin notamment de valo-
riser leur propriété. Quant »
ces dernières années ? aux enjeux financiers, ils
– Au début des années 2000, c’était sont importants  ; souvent, la rémunération
surtout les hôtels de type “boutique” qui de l’opérateur hôtelier se superpose à celle
faisaient appel à des “chefs célébrités”, du chef consultant ou de l’expert extérieur.
surtout en raison de leur absence de Les propriétaires portent donc une attention
marque connue et de la nécessité de se de plus en plus forte à ce type d’accord. Les
distinguer de la concurrence des établisse- contrats que notre cabinet élabore le plus
ments cinq étoiles disposant de marques sont ceux où le chef consultant ou le pres-
internationalement reconnues. En 2012, tataire extérieur propose son nom et son
les plus grandes marques d’hôtels font en concept, intervient plus ou moins dans les
majorité appel à des “chefs célébrités”, opérations quotidiennes, mais où le risque
alors qu’il y a encore moins de dix ans, financier et l’opérationnel restent contrôlés
elles géraient la restauration eux-mêmes. par l’opérateur hôtelier. »

■■ Contrat de management

Ici, le prestataire extérieur signe un contrat de gestion avec l’opérateur hôtelier, qui
représente dans ce cas le propriétaire (le contrat de management est aussi le type
de contrat que signe un opérateur hôtelier avec un propriétaire). Ce contrat prévoit
toujours un budget en annexe et décrit précisément les droits et obligations de chacun.
Le compte de résultat du restaurant de l’hôtel est donc géré par un tiers, mais la renta-
bilité et les investissements reviennent à l’hôtel. En d’autres termes, en cas de pertes
— comme de profits — c’est le propriétaire qui les subit, ou les engrange. Le prestataire
est souvent financièrement motivé à voir l’opération se rentabiliser, mais il ne prend
ici aucun risque financier.

■■ Externalisation totale du point de restauration


© Groupe Eyrolles

La dernière forme de collaboration entre un hôtel et un prestataire extérieur est la


gestion totalement externalisée du restaurant. En échange d’un loyer perçu par l’hôtel
ou son représentant, le prestataire gère entièrement le restaurant, parfois faisant

100
Les principaux éléments commerciaux et contractuels de la relation entre l’hôtel et son « prestataire gastronomie »

lui‑même l’ensemble des investissements. L’hôtel fournit les murs, le droit d’exploita-
tion, et parfois certains éléments constitutifs du bâtiment : accès, fluides (eau, électri-
cité, etc.), machinerie, etc. Ce type de collaboration se fait plutôt rare dans l’hôtellerie
haut de gamme, car l’hôtel ne maîtrise pas le prestataire, dont l’image peut déteindre
parfois négativement sur lui.

Les types de services attendus par un hôtel

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■■ Bien définir les besoins et compétences nécessaires

La bonne compréhension des enjeux et du cahier des charges est une condition de
succès non seulement pour la rédaction adéquate d’un contrat, mais aussi et surtout
pour assurer la qualité de la relation avec le prestataire choisi. Trop souvent, un contrat
type est employé comme base de départ. Or il faut que l’opérateur hôtelier commence
par définir ses besoins, puis les formule précisément par écrit. En identifiant correcte-
ment ses besoins, l’éventuelle relation commerciale se déroulera sous de meilleurs
auspices. Cette étape ne peut être négligée et le contrat type ne suffit donc pas en
général.

Les compétences du prestataire extérieur doivent être parfaitement connues de l’opé-


rateur hôtelier ou du propriétaire. Un prestataire qui se lance sur ce marché n’a aucun
intérêt à surévaluer sa capacité à délivrer un plan de cuisine, à recruter du personnel
ou encore à communiquer sur le restaurant. Par ailleurs, sous-évaluer le temps néces-
saire à l’accomplissement d’une mission est également un facteur de risque pour le
chef consultant, qui pourrait négliger sa maison principale (et peut-être perdre très
vite par une volonté de croissance non maîtrisée sa réputation naissante) ou ne pas
respecter ses nouvelles obligations vis-à-vis de son client.

■■ Les prestations envisageables pour l’ouverture


d’un restaurant

Le concept

Avant toute chose, qu’est-ce qu’un concept ? Cette notion n’est pas forcément claire
pour tous et engendre parfois des malentendus ou des déceptions. Il existe en effet
une différence entre l’expression d’un concept en une phrase, aussi percutante soit-
© Groupe Eyrolles

elle, et une bible de cent pages décrivant le produit, du style de service au graphisme,
en passant par les arts de la table et les recettes à produire. Il convient donc probable-
ment de distinguer un concept existant (l’Atelier de Joël Robuchon, Nobu, Zuma, etc.)
d’une création pure.

101
Enjeux stratégiques

Dans le premier cas, le cahier des charges est souvent attaché en annexe du contrat,
et le client sait déjà à quoi s’attendre. L’éventualité d’une déception ou d’un malen-
tendu s’affaiblit donc et permet de conclure, sous forme de lapalissade, qu’un concept
bien expliqué et bien conçu est la première condition de réussite de l’association entre
un hôtel et un prestataire extérieur.

Dans le second cas, on parle de personnalisation, de projet unique. Nous sommes


dans le domaine de l’exclusif, si bien que, lors de la signature du contrat, le premier
document livrable vise à décrire, même sommairement, le concept. Le côté exclusif et

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unique est parfois pris comme prétexte pour improviser et réaliser au fur et à mesure
(une tentation liée au luxe, n’est-ce pas ?). C’est évidemment une mauvaise excuse et
une pratique à éviter absolument.

De nombreuses possibilités de présentation de concept existent, dont voici un exemple.

Les principaux éléments descriptifs d’un concept


Vision pour le restaurant : idéalement en une phrase !
Positionnement et principaux éléments de différenciation.
Localisation dans l’hôtel et éventuelles interactions avec l’hôtel.
Opérations (capacité : nombre de places, éventuelles tables privées ; éléments principaux de
services ; horaires d’ouvertures ; politique enfants ; code vestimentaire ; politique de gratuité ;
divertissements, etc.).
Cuisine (organisation de la production, idée du nombre de mètres carrés, éléments partagés ou
pas avec les autres points de production de l’hôtel, principaux équipements, etc.).
Mets (identité culinaire, idée de la structure du menu, éventuels exemples de plats, principaux
ingrédients utilisés, référence à une cuisine existante, une région ou un style, etc.).
Boissons (philosophie des cartes des vins et boissons, lien avec les mets, type de service, etc.).
Direction prise pour la décoration et pour l’ambiance.
Arts de la table et petits équipements (direction générale, exemple de fabricants, tables
nappées ou pas, style proposé pour verres, assiettes, etc.)
Service (style, éléments : console, stations, paiement, etc.).
Uniformes (direction générale, confort, style, élément différenciant, inspiration, etc.).
Identité visuelle (présentation des menus, souhait pour la charte graphique, exemples, etc.)

L’ouverture d’un restaurant prend de six mois à trente-six mois selon l’importance du
projet et les contraintes existantes. Il convient donc à ce stade de fixer les grandes
lignes du projet, avant d’entrer dans les détails. Lorsqu’un concept de restaurant est
créé, il faut commencer par donner des indications sur la vision, le positionnement,
l’interaction et la localisation dans l’hôtel, la dimension de la salle et l’outil technique
© Groupe Eyrolles

ou la cuisine, la direction culinaire et décorative, ainsi que le style de service.

Ces éléments sont prioritaires dans la mesure où ils déterminent l’organisation de


l’espace et rendent certains éléments immuables. Le reste (uniformes, identité visuelle,

102
Les principaux éléments commerciaux et contractuels de la relation entre l’hôtel et son « prestataire gastronomie »

mets et boissons, arts de la table, style de service) ne nécessite pas à ce stade d’être
précisé dans les moindres détails.
Pour préciser encore davantage le concept, des photos ou des « moodboards » (littérale-
ment « panneaux d’humeur ») sont aussi très utiles. Ils permettent aux décisionnaires,
comme aux autres partenaires du projet (décorateur d’intérieur, architecte, graphiste,
etc.) de comprendre le concept par le biais de visuels. Quant à la cuisine proprement
dite, de nombreuses sources d’information permettent d’illustrer l’esprit souhaité, à
commencer par celle où le chef consultant officie habituellement.

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Attention : l’inspiration pour élaborer un concept ne se limite pas à la décoration et à
la cuisine ; c’est souvent l’expression d’une émotion, d’une envie, d’un moment que
l’on capte. À ce titre, les magazines de mode, les brochures touristiques, même certains
objets peuvent favoriser l’explication d’un concept, à condition d’être bien choisis.
Pour ma part, j’évoque souvent la musique, un plat, une séquence de service, dans
les briefs que j’élabore pour commenter un concept, car elle apporte une émotion
souvent forte et simple qui inspire un créateur.
Faire une veille de la concurrence ou se rendre chez des confrères aide aussi à faire du
benchmarking et à découvrir des expériences intéressantes. On peut ainsi s’inspirer de
choses concrètes ou au contraire exprimer ce que l’on n’aime pas. Établir des compa-
raisons avec d’autres professionnels est une excellente manière de définir sa vision.
En général, la définition du concept, y compris si elle est faite en interne, est très lourde
de conséquences sur la suite des opérations. Cette phase préparatoire survit parfois
aux hommes et aux femmes qui suivent le projet. Essentielle, elle est souvent le fonde-
ment auquel se référer en cas de difficulté.

Les partenaires et prestataires


Il s’agit en général du concepteur de cuisine, du designer, de l’architecte, de la société
en charge de l’éclairage, des fournisseurs principaux d’arts de la table, de l’agence
chargée de réaliser la charte graphique, de la société de relations publiques qui lancera
le restaurant, ou même du concepteur des logiciels de gestion du restaurant et du
fichier clients. Le contrat signé avec ces prestataires doit être le plus précis possible.
Certains partenaires, comme le décorateur notamment, sont parfois mentionnés dans
le contrat signé avec le chef consultant et déterminent le concept. Par exemple, on
compte au moins quatre scénarios possibles pour un contrat avec un décorateur :
• le propriétaire ou l’opérateur hôtelier décide seul unilatéralement ;
• le consultant ou le chef peut proposer quelqu’un ou assister le propriétaire dans
son choix ;
© Groupe Eyrolles

• chacune des parties a un droit de veto, avec une règle pour sortir d’une éventuelle
situation de blocage ;
• le décorateur est imposé par le consultant ou le chef, car il fait partie intégrante du concept
(dans ce cas, son nom, ses références, voire ses honoraires doivent être mentionnés).

103
Enjeux stratégiques

Gare aux mots !


Attention au choix des termes employés dans un contrat, car ils peuvent décupler la responsa-
bilité d’un chef consultant ou d’un autre prestataire. Voici différentes formulations induisant une
responsabilité très différente selon les cas :
––Le chef consultant émettra un avis consultatif sur les plans proposés par le spécialiste cuisines.
––Le consultant assiste le propriétaire ou son représentant dans la validation des plans des
cuisines.
––Le consultant travaille en étroite collaboration avec le consultant spécialisé cuisines, mandaté
par le propriétaire, afin de réaliser des plans de cuisines conformes au concept souhaité, et

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de s’assurer de leur conformité avec les règles en usage.
––Le consultant fournit les plans des cuisines dans un format qui permettra de les confier à
l’entrepreneur pour les réaliser.
On passe d’une obligation de moyens légère dans le premier cas à une obligation de résultat
très forte dans le dernier cas, avec parfois même des notions de responsabilité que le chef
consultant ne peut assumer (connaît-il les normes HACCP de tel pays, les normes incendie et
sécurité, etc. ?). Être un excellent chef triplement étoilé ne signifie pas nécessairement être en
mesure de mener une prestation de consulting lors de la création d’une cuisine.

Le personnel clé

Typiquement, on parle du chef des cuisines dans la majorité des contrats. Il est
aujourd’hui demandé au prestataire de participer à la sélection, voire de sélectionner
également le directeur du restaurant, le chef pâtissier, le sommelier, et parfois le
second de cuisine.

La proposition se fait souvent dans le cadre d’une enveloppe financière, fixée par
l’opérateur hôtelier. Pour éviter que cette étape se prolonge trop longtemps, on peut
prévoir de limiter le nombre de propositions du chef des cuisines et du directeur du
restaurant à trois maximum. Le propriétaire ne peut donc refuser plus de deux fois.

La date d’arrivée de ces personnes clés au restaurant peut également être prévue par
le contrat, car c’est souvent un facteur de succès, parfois sous-estimé par les proprié-
taires. Dans la plupart des contrats signés dans le cadre d’un concept fort, lié à une
marque ou à un chef, les personnes clés restent en place durant toute la durée du
contrat (elles sont le cas échéant remplacées).

Il peut en revanche arriver que les parties souhaitent mettre en place des brigades
avec du personnel choisi par le chef consultant au départ seulement, pour ensuite
laisser du personnel local, par exemple, prendre le poste. Dans ce cas, on parle de
« durée préliminaire » pour mettre en place, former le personnel, puis déléguer la
gestion. La formation devient alors un élément crucial du contrat.
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104
Les principaux éléments commerciaux et contractuels de la relation entre l’hôtel et son « prestataire gastronomie »

La formation initiale

Pour que le restaurant soit autonome et qu’il respecte les normes de qualité exigées,
la formation du personnel s’avère incontournable. Le contenu de cette formation et
ses conséquences budgétaires doivent être détaillés dans le contrat. Parfois, la forma-
tion représente un coût non négligeable (séjour de trois mois d’un second à Londres
chez un chef étoilé, déplacements de chefs corporate, contrôle qualité, etc.) et certains
opérateurs hôteliers ont tendance à la réduire ou à la négliger à terme. Le contrat
passé avec le chef consultant permet donc de préciser le nombre de jours de forma-

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tion, ou encore les conditions de déplacements (fréquence, durée, classe d’avion, type
d’hôtel, frais de vie, etc.).

La formation initiale, surtout si le nombre de personnes clés est faible, est un élément
absolument crucial du contrat. Acquérir des compétences, un style de cuisine et
de service prend du temps. Cessons de croire ces « chefs VRP » qui prétendent que
quelques semaines passées chez eux et de magnifiques recettes fournies au rythme
d’un métronome suffisent à assurer la formation initiale. La pédagogie, surtout hors
de ses propres cuisines et loin de ses repères, est bien évidemment un facteur de
succès. Pour un grand chef ou son second, s’adapter à des produits nouveaux, une
autre langue ou un outil différent n’est pas chose facile. Commencer par instaurer des
échanges dans la maison mère du chef consultant, avant de continuer le temps néces-
saire à la formation dans la ville du futur établissement peut s’avérer utile.

Les documents livrables de la formation initiale, qui ne se limite pas uniquement à la


présence physique, doivent être précisés. Il s’agit des recettes, des fiches techniques,
de l’organisation des cuisines avec parfois les plannings, des photos, des propositions
d’arts de la table, l’organisation de la cave avec la cave d’ouverture, des pistes pour le
premier renouvellement des menus et des cartes des vins, le dressage des tables, etc.

La formation initiale peut également concerner l’utilisation des outils de gestion


(encaissement, facturation, clients — type CRM). Dans ce cas, le nombre de jours de
formation, le coût des logiciels, voire du support informatique (encaissement portatif,
serveur, etc.) doivent aussi être précisés pour éviter tout malentendu et identifier les
facteurs clés de succès de l’ouverture. Certains concepts de restaurant prévoient aussi
la formation à des outils d’impression de menus spécifiques, selon les supports et
façons d’actualiser, en particulier sur des supports de grand format ou électroniques
(tablettes par exemple).

La cuisine
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Il s’agit ici de la cuisine en tant qu’outil. Plusieurs scénarios sont envisageables selon
que le restaurant ouvre sur la base d’une cuisine existante, d’une cuisine à améliorer,
ou d’une cuisine à construire de toutes pièces. Là aussi, ce point doit être traité dès la
signature du contrat pour éviter tout malentendu a posteriori.

105
Enjeux stratégiques

La prestation de chef consultant peut couvrir le design de la cuisine, notamment pour


déterminer le layout (plan d’ensemble) et le zoning (détermination des principales zones
de la cuisine). Elle peut aussi être plus opérationnelle (conseil sur les équipements) et
parfois encore plus précise (conseil sur les ustensiles à acheter).

Cette étape de conception de la cuisine est essentielle. Bien avant de parler de recettes,
le chef consultant ou le prestataire doit définir avec les différentes parties prenantes,
dont le concepteur de cuisine, l’organisation et le zoning.

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Parfois, une cuisine centrale est utilisée pour toute la production (réception des
matières premières, contrôle, pesée, nettoyage, stockage ; préparation des légumes,
viandes ou poissons ; stockage intermédiaire ; puis livraison à la cuisine de finition). La
prestation de conseil porte alors sur la cuisine de finition. Elle peut aussi concerner la
préparation et certaines cuissons. En effet, beaucoup d’hôtels, en particulier en centre-
ville, souhaitent trouver des synergies et économiser l’espace en s’organisant autour
d’une cuisine centrale, souvent accompagnée d’une pâtisserie et d’une boulangerie.
Dans ce cas, ce sont les cuisines « satellites » ou de finition qui « envoient » les plats.

La salle

Comme pour la cuisine, la prestation du chef consultant ou de l’expert externe peut


comporter plusieurs volets : créer le design de la salle, aider à la détermination du
layout, du zoning, parfois participer à la décoration. La prestation peut se faire plus
opérationnelle : conseils sur les éléments de service (consoles, réception), parfois très
précis (spécifications pour la console : profondeur de tiroir, nombre de tiroirs, façon de
stocker les menus, etc.), et les « éléments clients » (chaises, tables, etc.). Enfin, il fait des
recommandations sur les petits équipements (POS1, plateaux, chariots, etc.).

Les menus

Nous avons vu plus haut que dans tout concept, l’esprit de la cuisine devait être défini.
Elle peut être par exemple ethnique, locale, internationale, fondée sur des modes de
cuisson, des façons de présenter et servir, ou encore sur les ingrédients utilisés. Une
fois cet esprit explicité, le chef consultant propose les menus d’ouverture, pour la
cuisine comme la pâtisserie, auxquels s’ajoutent souvent le menu pour l’inauguration
du restaurant, le menu pour la presse, le menu pour les concierges2, et parfois une
direction pour le renouvellement de ce premier menu. Autant d’opportunités de tester,
valider, puis affiner le concept et le produit.

1. Point of sales (éléments d’encaissement).


2. Il est très important de s’attirer la sympathie des autres concierges de la ville, car ils conseillent aux
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clients de leur hôtel d’aller dans tel ou tel restaurant. Il faut donc les « séduire » en les invitant par
exemple avant l’inauguration à un dîner concocté spécifiquement pour eux. Les journalistes ainsi
que le personnel de l’hôtel où se situe le restaurant gastronomique peuvent avoir droit au même
traitement. Le lancement du restaurant s’étale ainsi sur plusieurs jours avant l’ouverture officielle au
grand public.

106
Les principaux éléments commerciaux et contractuels de la relation entre l’hôtel et son « prestataire gastronomie »

Le livrable « menu » doit être clairement décrit dans le contrat : outre la mise en place
des menus pour l’ouverture et pour la carte principale, les menus spéciaux (type VIP,
fêtes, etc.), la carte des vins, ainsi que la carte des desserts doivent être spécifiés.

Le graphisme ou l’identité visuelle

Le logo, le support physique de la carte, les cartes de visites, le papier à en-tête, le site
Web, les boîtes d’allumettes, ainsi que la signalétique extérieure et intérieure dans
l’hôtel sont tous des outils de marketing opérationnel. La liste, à préciser dans un

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contrat, est longue.

Dans le cas d’une création de concept, le contrat doit préciser qui fait le choix du pres-
tataire qui réalisera l’identité visuelle et quel est le rôle du chef consultant et de l’opé-
rateur hôtelier. Du nom au logo, en passant par la palette chromatique, l’hôtel peut
demander à exercer un contrôle total et demander au chef consultant uniquement de
l’assister. Dans d’autres cas, le consultant peut être chargé de superviser le processus,
l’opérateur hôtelier gardant un droit de veto sur les éléments clés.

En revanche, si le concept de restaurant existe déjà, la liste des outils de communi-


cation graphique étant fournie en annexe du contrat, l’hôtel sait à quoi s’attendre.
Parfois, le prix de chaque outil est indiqué à titre indicatif.

Le marketing et la promotion

Comme nous l’avons vu plus haut, certains chefs sont devenus des marques, tandis
que des concepts s’affirment aussi désormais comme des marques. De plus, la restau-
ration est devenue un élément de différenciation fort pour les hôtels, en particulier en
termes de communication externe. L’appel à un chef externe en tant que consultant,
ou l’installation d’un concept existant et reconnu induit donc forcément des règles
d’intervention précises, mentionnées dans le contrat.

Il en va ainsi de la présence du chef consultant, lors du lancement du restaurant, ainsi


qu’à d’autres moments clés de la vie de l’établissement. Typiquement, le contrat peut
prévoir une présence du chef chiffrée en nombre de jours sur l’année (par exemple
une dizaine de jours), dont un minimum de jours consécutifs (pour être efficace), un
maximum de jours consécutifs (pour que le chef revienne plusieurs fois), enfin pour
accueillir la presse. Il précise aussi la classe d’avion autorisée, les modalités d’héberge-
ment, les éventuelles personnes (conjoint, collaborateurs, etc.) qui peuvent l’accompa-
gner. Souvent, le chef profite de sa présence à l’hôtel pour faire de la communication
et bien entendu travailler avec les équipes sur les autres éléments du contrat (testing,
motivation des équipes, validation des menus, etc.).
© Groupe Eyrolles

Lorsqu’un chef consultant a un attaché de presse ou un bureau local, l’hôtel doit


adopter une approche proactive. La stratégie de communication est alors déterminée
de concert avec le chef consultant et l’hôtel. Le coût des achats d’espace, des invitations

107
Enjeux stratégiques

ou des déplacements — ce sont des charges d’exploitation — pour des opérations ponc-
tuelles est rarement supporté par le chef consultant. En revanche, ce dernier supervise
l’organisation et la conduite des rendez-vous par du personnel qu’il rémunère direc-
tement ou emploie. Lors d’un lancement de restaurant ou de concept, une société de
relations publiques locale est souvent recrutée pour renforcer l’impact de l’opération.
Le coût de cette intervention est supporté par le budget du restaurant « préouverture ».

À défaut de connaître au jour de la signature du contrat le montant de telle ou telle


opération de communication, il faut y spécifier que ces éventuelles opérations doivent

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être couvertes par une somme préétablie.

Par ailleurs, le contrat doit également préciser qui finance ces opérations. En effet, si un
hôtel fait appel à une « signature » connue, justement en raison de sa renommée et de
la couverture internationale médiatique qu’elle apporte, il peut estimer que certaines
dépenses, par exemple le coût de la prestation d’une agence de relations publiques,
doivent être financées par le chef consultant. En revanche, si le chef consultant ne
dispose pas des outils pour couvrir l’événement, le contrat doit préciser qu’une agence
sera choisie, par quelle partie (ou en codécision), et qui finance cette dépense.

Parfois, certaines opérations de marketing opérationnel (carte de vœux de fin d’année,


promotion d’un livre écrit par le chef, etc.) nécessitent la participation financière de
l’hôtel. Ces éventualités peuvent être incluses dans le contrat, en précisant le nombre
d’opérations, ainsi que les modalités de participation des différents acteurs.

Enfin, le contrat doit traiter de la question du droit à l’image lors de prises de vue réali-
sées à l’occasion de chaque événement de communication, dès l’ouverture et après.

Le « sourcing » des produits

Le « sourcing » concerne les fournisseurs de manière générale, avec une assistance plus
ou moins intensive (voir le tableau 3, page 64). Comme nous l’avons vu plus haut dans
les tableaux 1 et 2 montrant la prestation du chef consultant quant aux achats de
produits alimentaires et non alimentaires a beaucoup évolué au fil des ans. Le contrat
avec l’hôtel doit définir le niveau d’implication du chef consultant dans le choix des
produits et des matières premières.

Très souvent, le chef consultant doit trouver et sélectionner les produits correspondant
au concept, en particulier pour les restaurants situés dans des régions soumises à un
climat particulier ou à des contraintes d’importation difficiles.

Les standards et procédures


© Groupe Eyrolles

Les standards et procédures désignent le style de service (prise de commande, langue,


présentation des plats, etc.), l’organisation (brigades, description de poste, etc.) ou
encore la réalisation des plats (fiches techniques de recettes, méthodes, etc.).

108
Les principaux éléments commerciaux et contractuels de la relation entre l’hôtel et son « prestataire gastronomie »

Le format informatique ou le support adopté peut être précisé dans le contrat (base
de données, Web, etc.)

De nos jours, les standards et procédures liés à une séquence de service ou à une
recette sont couplés à des programmes de formation qui peuvent être également
fournis à l’hôtel par le prestataire.

Le budget

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Le contrat doit préciser la participation budgétaire du chef consultant. Il peut s’agir
de l’enveloppe budgétaire des arts de la table, des produits alimentaires ou des bois-
sons. Mieux vaut prévoir un budget annuel, d’autant plus que la rémunération du chef
consultant est parfois liée à la rentabilité du restaurant.

Au début des années 2000, le chef consultant n’était jamais ou seulement rarement
impliqué dans les questions budgétaires. De nos jours, la professionnalisation du
métier de la gastronomie, la recherche de profit par les actionnaires y compris dans
les restaurants haut de gamme, la plus grande transparence exigée dans le contrôle
de gestion et la possibilité d’analyser chaque point de vente, ou encore la responsa-
bilisation des chefs sur les coûts et des directeurs de salle sur les recettes, ont changé
la donne. Aussi est-il devenu courant que le contrat précise les investissements et les
enveloppes prévus pour les achats d’OS&E et FF&E.

Le non-respect du budget (par exemple chiffre d’affaires inférieur de 30 % à la prévi-


sion) peut autoriser l’hôtel à rompre le contrat de manière anticipée.

■■ Les prestations envisageables après l’ouverture


du restaurant ou dans un restaurant déjà ouvert

Assistance aux personnes clés

Une fois le restaurant ouvert, l’une des premières missions du chef consultant consiste
à prêter assistance aux personnes qu’il a amenées avec lui et/ou formées dans la mise
au point des recettes, des procédures de services. Il peut aussi être amené à donner
son avis sur le recrutement d’un profil en particulier.

Lorsque le personnel a été choisi par le chef consultant, la communication entre eux
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se fait assez naturellement. En revanche, si le personnel formé ne provient pas des


brigades du chef consultant, d’éventuelles difficultés de communication se produisent,
dont la qualité de la prestation pâtit parfois. Ce cas de figure appelle donc une vigi-
lance très appuyée.

109
Enjeux stratégiques

Qui est responsable de quoi ?


Le contrat de consulting avec licence, le plus employé des contrats liant chef consultant et
hôtel, nécessite souvent dans la pratique de clarifier qui fait quoi entre les deux parties. Même
en interne, au sein de l’hôtel, le personnel ne sait pas toujours qui est responsable de quoi.
La notoriété de certains chefs consultants est parfois telle que certains membres du personnel
pensent que c’est le restaurant du chef, pas le leur ; ou le chef consultant considère effective-
ment qu’il s’agit bien de son restaurant. Or dans les faits, il n’est « que » consultant et l’hôtel
est entièrement responsable de la gestion du restaurant. Tentons d’expliquer plus pragmatique-
ment cette relation.

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Pour la carte, le contrôle qualité ou la formation, le personnel reporte d’abord et directement
au chef consultant, qui exerce donc ici une forme de responsabilité opérationnelle, en accord
avec l’hôtel.
En ce qui concerne le budget, l’organisation des plannings, les réunions, les promotions ou la
commercialisation, le personnel reporte à la structure interne de l’hôtel (finances, ressources
humaines, ventes, etc.).
L’équilibre entre ces deux niveaux de responsabilité fait le succès d’un restaurant sous le contrat
de consulting et licence ; l’abandon par l’hôtel de la gestion du restaurant au profit du chef
consultant constitue un risque d’échec, comme une volonté de tout contrôler sans laisser le chef
consultant s’exprimer sur ce qu’il maîtrise le mieux.

Évolution du personnel clé

En cas de démission ou de faute grave d’une personne clé qu’il a contribué à recruter
et dont le profil est précisé dans un contrat, le chef consultant s’engage à la remplacer,
selon des modalités à définir (à partir de la fin de la période d’essai ou pas, avec un
coût supplémentaire ou pas, si oui, par exemple sur la base d’un forfait ou en pour-
centage du salaire annuel, etc.).

Sans attendre un tel événement, le chef consultant peut, et cela fait généralement
partie de sa gestion, faire évoluer les personnes clés qu’il gère et suit. En effet, dans la
restauration, le personnel clé change souvent de poste au bout de deux à trois ans :
aussi, ce remplacement s’anticipe-t-il.

Parfois, le personnel de l’hôtel — un commis, un chef de partie ou un second — peut


évoluer au contact du chef de cuisines mis en place par le chef consultant, au point
de vouloir un jour rejoindre un autre restaurant de ce même chef consultant. Mais il
peut aussi devenir chef à son tour, ou être promu dans le restaurant de ce même hôtel,
ou un autre restaurant de ce dernier, faisant ainsi preuve de loyauté, même s’il a été
formé par le chef consultant. Cette gestion quotidienne des talents doit faire partie des
relations saines et naturelles entre un chef consultant et son hôtel client.
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Renouvellement des cartes et des menus

Ce renouvellement s’avère un élément essentiel du contrat entre un chef consultant


et un hôtel.

110
Les principaux éléments commerciaux et contractuels de la relation entre l’hôtel et son « prestataire gastronomie »

Souvent, le contrat précise le nombre de changements par an. Il s’agit en général de


quatre renouvellements principaux, pour suivre les saisons, et de quelques menus
spécifiques pour des moments ou des événements connus à l’avance : réveillon, anni-
versaire de l’hôtel, lancement d’un nouveau produit dans l’établissement, etc.

Préciser le nombre de renouvellements n’est pas si anecdotique que cela. Il convient


en effet de bien apprécier les coûts cachés que cela peut engendrer si le chef consul-
tant doit à chaque fois faire un testing, une fiche technique, etc.

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De nos jours, le chef consultant dispose de bons outils (palmarès des plats les mieux
vendus, retour clients, LQA ou autre audit externe, etc.) afin de l’aider à s’adapter et faire
évoluer ses cartes en fonction des goûts du jour, tout en tenant compte des contraintes
opérationnelles (nombre d’employés, politique d’ouverture, etc.) et budgétaires (niveau
des coûts matières par rapport aux recettes budgétées, versus ce qui est réalisé).

Contrôle qualité

Le contrat peut préciser combien de visites le chef consultant doit effectuer pour véri-
fier que les standards et normes de qualité en vigueur sont bien respectés. Des audits
indépendants peuvent être également diligentés, dont le coût devra être prévu.

Le contrôle qualité distingue l’aspect purement culinaire des opérations en général.


Des standards de suivi qualité peuvent en outre être établis (audit indépendant, nota-
tion, etc.). Ici, le suivi des matières premières et du « sourcing » est essentiel. Cela vaut
pour les produits alimentaires comme non alimentaires (par exemple, renouvellement
d’une ligne de vaisselle, changement du support des menus, d’un élément de cuisson
tombé en panne, etc.).

Des actions correctives doivent être proposées par le chef consultant en cas de défaut,
par exemple une rupture dans la chaîne de livraison. Cela est d’autant plus important
si le chef consultant oblige par exemple l’hôtel dans son cahier des charges à acheter
tel produit semi-fini chez un fournisseur. En cas de défaut de ce dernier, le chef consul-
tant doit proposer une alternative.

Marketing, promotion et communication

Le marketing opérationnel pour un restaurant couvre notamment la création de son


site Internet, des brochures et menus, jusqu’à des éléments comme les cartes de visites
ou la signalétique.

Concernant la présence sur la Toile et le marketing relationnel, il importe que des liens
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directs soient créés ou pas d’un site à l’autre (hôtel, groupe hôtelier auquel appartient
l’hôtel, restaurant de l’hôtel, site du chef consultant). Le contrat peut par exemple
prévoir l’obligation pour le chef consultant de mentionner l’hôtel sur son site, et pour
l’hôtel de présenter le restaurant sur son propre site, avec l’aval du chef consultant.

111
Enjeux stratégiques

L’inscription et l’animation sur les réseaux sociaux sont également devenues des
éléments essentiels, au point qu’il est de plus en plus clairement précisé qui de l’hôtel
ou du chef consultant en a la responsabilité.

Quand un chef consultant ou sa marque ouvre d’autres restaurants, se pose la ques-


tion des « cross-selling1 » ou « cross-promotion ». Dans la pratique, les modalités de vali-
dation sont souvent sources de conflits : il est donc conseillé de les préciser dans le
contrat (utilisation des images, photos, textes, citations, etc.).

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L’emploi dans le contrat de phrases comme « toute communication écrite fera l’objet d’un
accord formel des parties » est courant. Cela vaut tant pour le chef consultant que pour
la marque hôtelière.

Budget

L’implication du chef consultant dans la question du budget dépend du type de contrat


passé avec l’hôtel.

Concernant le coût des recettes, le chef consultant est presque toujours mis à contri-
bution. Le contrat de management le rend même responsable de la gestion de l’en-
semble du compte de résultat. De plus, comme nous le verrons un peu plus loin, la
rémunération du consultant intégrant de plus en plus une partie variable, le suivi des
budgets et la transparence des comptes sont requis.

De plus, le chef consultant doit connaître certains des indicateurs de performance


définis par l’hôtel et exercer son métier dans ce cadre budgétaire défini au moins une
fois par an. Les actions spécifiques qu’il recommande doivent être prévues dans ce
budget. Par exemple, en cas d’opération particulière comme un événement promo-
tionnel ou une décoration particulière à mettre dans le restaurant, ou encore un « wine
dinner », ce type de promotion doit souvent faire l’objet d’un compte de résultat prévi-
sionnel pour s’assurer de sa rentabilité, ou à défaut de la maîtrise de son coût.

Toutefois, certains propriétaires ou opérateurs hôteliers préfèrent limiter les informa-


tions données à l’extérieur et donc ne donner aucune information financière au chef
consultant, en le cantonnant à la seule prestation de conseil, culinaire par exemple.

Concept

Le chef consultant est chargé de faire vivre et évoluer le concept, dont il doit être le
gardien. Ainsi, il doit alerter l’hôtel en cas de problèmes qui pourraient être liés au
personnel, à la qualité des ingrédients, ou même à des difficultés externes (ferme-
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ture de l’un de ses autres établissements, perte d’une étoile, etc.). Si la licence ou le

1. Action de marketing visant à inciter les clients d’une entreprise à acheter d’autres références de
produits afin d’accroître la part de clients (in Lendrevie, J., Lévy, J., Lindon, D., Mercator, Dunod,
2009, 9e éd.).

112
Les principaux éléments commerciaux et contractuels de la relation entre l’hôtel et son « prestataire gastronomie »

concept est déjà existant, le chef consultant doit informer l’hôtel des autres ouvertures
et ­initiatives liées. Enfin, en cas de difficulté de déploiement du concept, le chef consul-
tant doit le repenser ou le réajuster.

Rupture du contrat

Le contrat doit également préciser les éléments de la prestation qui peuvent ou non
survivre à la rupture éventuelle du contrat.

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Par exemple, en cas de rupture d’un contrat signé dans le cadre de la création d’un
concept, l’hôtel doit être autorisé à dire que le concept a bien été créé par le chef
consultant, même à l’issue de leur collaboration. En revanche, les preuves visibles de
cette collaboration désormais achevée doivent disparaître (mention sur les menus,
photos sur le site Web, etc.).

Un contrat peut prévoir que certains éléments spécifiques à un concept (arts de la


table, charte graphique, signalétique, uniformes, etc.) et créés par le chef consultant,
disparaissent en cas de rupture. Il va donc de l’intérêt du chef consultant de bien les
lister dans le contrat et d’en confirmer la propriété. Et il est donc de l’intérêt de l’opé-
rateur hôtelier ou du propriétaire cocontractant de confirmer explicitement que tout
ce qui relève d’OS&E ou de FF&E, voire les standards et les procédures, resteront utili-
sables par le restaurant de l’hôtel en cas de rupture du contrat avec le chef consultant.

La question du fichier clients peut parfois être négligée lors de la rédaction du contrat.
En effet, le chef consultant n’est pas censé accéder au fichier des clients de l’hôtel.
Toutefois, il apporte parfois son propre fichier et des méthodes de suivi des clients. La
question n’est donc pas facile… César Ritz, déjà à son époque, ne manquait pas de
profiter des coordonnées des clients acquises via d’autres expériences pour, aussitôt
une nouvelle ouverture de palace ou restaurant en vue, en faire profiter en exclusivité
ces anciens clients-là. De nos jours, il arrive plutôt qu’on suive un chef, quitte à se
montrer infidèle à un hôtel…

La rémunération
Pour résumer, la rémunération du chef consultant se divise en deux modes, l’un n’ex-
cluant pas forcément l’autre : une rémunération fixe ou variable. Cette rémunération
dépend aussi de deux types principaux d’intervention : la phase précédant l’ouver-
ture et la phase suivant l’ouverture, la date d’ouverture officielle du restaurant étant
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souvent la base.

113
Enjeux stratégiques

■■ La rémunération fixe
Dans ce cas, le consultant reçoit un montant fixe, qui ne dépend d’aucune variable
particulière si ce n’est l’évaluation forfaitaire de son temps passé. Ce type de rémuné-
ration est surtout valable pour la phase de préouverture, qui couvre le travail effectué
depuis la date de la signature du contrat jusqu’à l’ouverture du restaurant.

Ce peut être par exemple une rémunération forfaitaire de 4 000 euros mensuels


plafonnée ou pas. Plus pragmatique, une rémunération fixe permet de couvrir l’en-

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semble de la période : par exemple, 40 000 euros pour la période de préouverture.

En principe, cette rémunération satisfait le chef consultant. Pour pallier le retard


éventuel de l’ouverture, le contrat peut prévoir une date butoir au-delà de laquelle le
consultant sera en droit de percevoir une indemnité calculée en fonction du nombre
de mois supplémentaires jusqu’à l’ouverture.

Inversement, si pour une raison extérieure ou indépendante de sa volonté, le restau-


rant venait finalement à ne pas ouvrir, le propriétaire ou l’opérateur hôtelier peut ne
pas régler la totalité de la rémunération fixe prévue.

Quant aux modalités de règlement, particulièrement importantes dans ce contexte, on


considère en général qu’un premier montant (de 10 à 50 %) est dû à la signature, une
partie en milieu de contrat, et le solde le jour de l’ouverture.

Si le contrat prévoit également une licence pour l’utilisation par exemple d’une signa-
ture « by chef Auguste », ou d’une marque enregistrée du type « Chez Auguste », il inclut
généralement le montant de l’obtention de cette licence dans les frais. Il peut s’avérer
judicieux d’isoler le montant de la rémunération liée à la licence.

Une fois le restaurant ouvert, le chef consultant peut facturer régulièrement (au mois,
au trimestre, etc.), indépendamment de la performance de l’établissement. Ce mode
de fonctionnement, très répandu au début des années 2000, reste très apprécié de
certains chefs, car il leur assure une rémunération régulière. Il est aussi avantageux
pour certains opérateurs hôteliers, dans la mesure où il leur évite de devoir dévoiler
leurs comptes au chef consultant et se justifier de telle ou telle entrée.

■■ La rémunération variable
Dans la majorité des cas, elle est liée à l’exploitation du restaurant.

Sur le chiffre d’affaires


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Le plus souvent, il s’agit d’un pourcentage du chiffre d’affaires. Dans certains cas,
mieux vaut cependant que le chef consultant s’assure une rémunération minimale,
par exemple 5 % du chiffre d’affaires hors taxes du restaurant, avec un minimum de
40 000 euros par an.

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Les principaux éléments commerciaux et contractuels de la relation entre l’hôtel et son « prestataire gastronomie »

À l’instar des contrats signés entre un propriétaire et la société de management hôte-


lier, la rémunération peut également évoluer en fonction de certains paliers de chiffre
d’affaires : par exemple 5 % du chiffre d’affaires pour des revenus de 0 à 1 million
d’euros, 6 % pour 1 à 2 millions, et 7 % au-delà de 2 millions de chiffre d’affaires
annuel.

La définition du chiffre d’affaires est particulièrement importante, en particulier en


raison des enjeux de marque : celle-ci peut en effet bénéficier à d’autres prestations
que celle du restaurant. Par exemple, vendre hors du restaurant un macaron estam-

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pillé du nom de son célèbre créateur pâtissier produit un impact fort dans la fixation
du prix dudit macaron et augmente la probabilité d’en vendre plus.

Il en va de même pour la livraison de repas à l’extérieur (« catering ») en exploitant


l’image, les recettes, ou encore le savoir-faire du chef consultant ; la livraison de repas
room-service ; ou encore la livraison de certains plats lors d’un banquet.

Par conséquent, les cocontractants doivent définir précisément le chiffre d’affaires en


y incluant ou excluant ce qui concerne les prestations annexes. De plus en plus, là
encore sur le modèle des contrats hôteliers, le chef consultant touche une rémunéra-
tion variable selon les résultats.

Sur la rentabilité du restaurant

Côté opérateur hôtelier ou propriétaire, le chef consultant doit non seulement être
rémunéré sur le chiffre d’affaires, mais aussi sur la profitabilité de l’opération. Lors des
négociations commerciales, cette demande de l’hôtelier de responsabiliser le consul-
tant sur le profit est de moins en moins réfutable, en particulier pour les contrats
prévoyant un nombre de prestations élevé. En effet, pour un simple contrat de conseil
culinaire, le chef consultant n’a aucun intérêt ni raison d’être directement concerné
par la rentabilité du restaurant.

En revanche, si le chef consultant intervient (comme le montrent nos tableaux sur


l’évolution des prestations présentés plus haut) sur les recettes et leurs coûts, le
personnel et leurs salaires, les opérations de marketing, etc., il devient légitime pour
lui d’être motivé à suivre la rentabilité.

La rémunération sur la rentabilité du restaurant se calcule généralement avec un pour-


centage du résultat brut d’exploitation, dit RBE ou « Gross Operating Profit » en anglais
(lire l’encadré suivant). Cela peut être par exemple 10 % du RBE. On peut également le
doubler d’une structure en paliers de rentabilité.
© Groupe Eyrolles

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Enjeux stratégiques

Par exemple, le chef consultant ne touche rien si le RBE se situe entre 0 et 100 000 euros
(ou entre 10 et 30 % du chiffre d’affaires1), 5 % si le RBE se chiffre entre 101 000 et
200 000 euros, 10 % au-delà, etc. En conclusion, il n’y a pas de limites à la créativité
en matière de rémunération variable.

Les éléments de calcul de la rémunération variable sur la base du RBE


Le RBE désigne le chiffre d’affaires minoré de toutes les dépenses spécifiques au restaurant :
––coûts matières ;

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––coûts liés au personnel directement employé par le restaurant ;
––coûts opérationnels directs (décoration florale, musique, nettoyage, etc.).
Il exclut les éléments suivants :
––rémunérations fixe et variable du chef consultant ;
––taxes et assurances ;
––refacturation des services généraux par l’hôtel (il s’agit des seules dépenses directes et iden-
tifiables comme telles ; ainsi, la participation aux frais du concierge est exclue, en revanche,
l’électricité consommée par le restaurant, si l’on peut la mesurer, est incluse) ;
––frais de rénovation ou modernisation (investissement régulier dans l’entretien de l’outil, c’est-
à-dire la cuisine, la salle, les équipements, etc.) ; c’est souvent un pourcentage de la dotation
initiale ou plus simplement un pourcentage du chiffre d’affaires2 ;
––frais de comptabilité et juridiques ;
––amortissements, frais financiers et intérêts.

La propriété intellectuelle
■■ « On m’a volé ma recette ! »
Il arrive souvent qu’un chef se plaigne de plagiat quand un confrère ouvre un restau-
rant avec une carte proche de la sienne ou avec des plats du premier que le second
s’attribue — et surtout si cela lui vaut un article de presse vantant son inventivité !
De même, certains propriétaires et opérateurs hôteliers font appel à des prestataires
(consultants, groupes de restauration ou chefs) dans le cadre d’une consultation infor-
melle, d’un appel d’offres ou d’un contrat d’assistance, et en profitent, selon lesdits
prestataires, pour piller les idées, contacts, sources, etc., de ces derniers.

Or les restaurateurs mettent souvent des années à élaborer un concept qui peut
paraître simple dans sa définition (ce sont souvent les meilleurs concepts !), ce qui
le rend encore plus facile à copier, en apparence. La frustration que peuvent alors
ressentir ces créateurs est plus que légitime.

1. Fixer la rémunération en fonction du chiffre d’affaires est une méthode intéressante pour l’opéra-
© Groupe Eyrolles

teur hôtelier, car il dispose lui-même de ce type de clause dans son propre contrat. De plus, il n’y a
pas à rentrer dans plus de détails avec son prestataire quant au compte de résultat.
2. Ces frais sont contractuellement fixés selon des modalités intégrant un pourcentage du chiffre
d’affaires pour leurs montants qui augmente graduellement avant d’être stabilisé en fonction de
l’ancienneté de l’outil.

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