Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Il regarde la flèche en argent qu'il tient serré dans sa main. Elle semble lui montrer une direction. Quelle
ironie...
Avec une vitesse incroyable, il se remémore la suite des évènements qui le conduisirent dans ces eaux
glacées avant de fermer les yeux sur sa vie.
Tout commença à Imrryr , la Cité Qui Rêve Capitale de l'Empire de Melniboné. Du monde.
Arech était chez lui, profitant de la chaleur de son palais, durement soumis à une tempête hivernale. Une
esclave annonça la venue inattendue du Seigneur des Cavernes des Dragons, Dyvim Tvar, Premier Prince-
Dragon et Commandant en chef des armées impériales. Il n'était pas venu seul.
Le Prince Héritier Elric de Melniboné s'était déplacé en personne.
Malgré son air maladif, son teint blafard, ses cheveux blancs et l'iris de ses yeux rouge sang, l'héritier au
Trône de Rubis semblait animé ce soir là par un élan irrésistible.
Quelques heures plus tard, la flèche menait effectivement le Prince Brâm jusqu'aux quais d'Imrryr où un
étrange navire paraissait l'attendre. C'était un bateau de bonne taille, tout entier façonné du même bois
sombre, aux formes baroques et insolites, avec des ponts élevés à l'avant et à l'arrière, et sans la moindre
apparence de sabords de nage. Ce n'était pas normal pour un navire conçu à Melniboné ou dans les Jeunes
Royaumes. Doté d'un seul mât, le bateau semblait éclairé d'une lueur rougeâtre. Lorsqu'Arech s'approcha
du vaisseau, deux étranges jumeaux en descendirent. Ressemblant à des Melnibonéens, celui qui paraissait
aveugle se présenta comme le Capitaine et son frère comme le timonier. Le Capitaine annonça être averti de
la quête d'Arech et lui proposa ses services.
Arech, sans même réfléchir, accepta la proposition du Capitaine et le suivit à bord. Le pont était
complètement désert. Le Capitaine lui servit un vin délicieusement chaud et épicé dans le but de l'aider à
supporter le voyage.
Arech sombra rapidement dans un sommeil agité d'une multitude infinie de fractions de rêves différents,
comme s'il partageait au même instant les songes de toutes les créatures du Multivers capables de rêver.
Lorsqu'il se réveilla, il était seul, en armure, sur une petite barque noire, perdue dans l'immensité d'un
océan. Il sentit qu'il tenait toujours la flèche en argent. Arech était extrêmement fatigué, incapable du
moindre mouvement et se rendormant régulièrement.
L'aube approchait. Mais je jour ne semblait pas vouloir se lever en dépit de l'ascension régulière du soleil.
Sa luminosité se limitait à une pâleur cadavérique; le soleil perdait toute son énergie. L'aurore persista
ainsi plusieurs heures durant, le ciel conservait une teinte violette fort intense. La mer quant à elle, voyait
sa surface agitée de vaguelettes se brisant les unes contre les autres comme si mille courants se disputaient
la maîtrise de l'océan. D'ailleurs la barque fut elle-même la proie de ces courants. Dans les airs, les vents
connaissaient les même perturbations et changeaient rapidement de direction et de force. Les nombreuses
mouettes volaient dans tous les sens, piaillant aux quatre coins de l'horizon.
Au fil de la matinée, les premiers symptômes d'une tempête s'accentuèrent. Vers midi, alors que le soleil
avait atteint le zénith, sa luminosité augmenta et le ciel s'éclaircit brusquement. L'astre solaire devint le
centre d'une spirale gigantesque occupant tout le ciel. Celle-ci se composait de nuages aux teintes vives,
dorées ou rougeoyantes, qui apparaissaient lentement dans les cieux. Plus tard, une fois constituée, la
spirale commença à tourner sur elle-même, très lentement. Les vents se firent de plus en plus fort. Aux cris
déchirants des mouettes se mêlèrent des bruits lointains, bruissements métalliques ou chants discordants
issus d'un chœur aux voix plus qu'aiguës. Ces vents, devenus chauds et secs, portaient une odeur inconnue
désagréable et acide. La mer se mit à bouillonner, alors que sa température était toujours aussi froide. Des
poissons, de toutes espèces, bondissaient hors des eaux.
Il devint de plus en plus difficile de diriger la malheureuse barque et une immense angoisse assaillait Arech
qui se laissait dériver.
Avant la tombée de la nuit, la tempête avait encore empiré. La spirale rouge et or emplissait tout le ciel et
tournait de plus en plus rapidement. Des rafales de pluie balayaient l'océan, alors que les vents avaient
acquis la force de tornade. L'odeur acide se renforçait, rendant l'air nauséabond. Les mouettes se laissaient
tomber dans les flots où elles disparaissaient, englouties, tandis que les poissons continuaient leur ballet
macabre jusqu'à l'épuisement. Les derniers rayons de lumière éclairaient une mer où flottaient une
multitude de poissons morts. Des épaves et des débris étranges remontaient à la surface.
Une grande tige forgée dans un métal étrange vint percer le fond de la barque qui se disloqua rapidement.
La dernière chose qu'Arech put distinguer avant le grand plongeon, fut, étincelant sous l'écume, une
gigantesque citadelle d'acier. Quelque chose heurta violemment le crâne du Melnibonéen qui perdit
connaissance.