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Concours national 2013-2014

Promotion de l’Ethique Professionnelle


coorganisé par les Districts français du Rotary
et la Conférence des Grandes Ecoles

De l’éthique du vendeur
à sa performance commerciale

JB759
De l’éthique du vendeur à sa performance commerciale

Angle d’approche

Ethique. Cette notion soulève à elle seule une multitude de questions à l’aube de ma
dernière année de Grande Ecole de Commerce. A quoi correspond réellement l’éthique ?
Est-il envisageable ou seulement utopique de la mettre en pratique dans le monde
professionnel ? Et si une éthique commerciale existe, comment la cultiver ? Enfin, quelles en
sont les bénéfices pour l’entreprise et ses parties prenantes ? Autant de questions qui
m’amènent aujourd’hui à cette réflexion sur le rôle de l’éthique dans le monde professionnel.
Actuellement en année de césure au sein de la division professionnelle d’une célèbre
entreprise innovante d’électroménager, je suis à la fois en relation directe avec la
Responsable Marketing, la Chargée de Prescription, les Responsables Comptes Clés et la
force de vente. La diversité des interlocuteurs et des missions au cours de mon stage
m’offrent la formidable opportunité de découvrir, d’apprendre et de sans cesse m’interroger
sur l’une des activités les plus vieilles du monde : le commerce.
Alors que les vendeurs, ces commerciaux, ces Chargés, Ingénieurs et Responsables
d’Affaires sont très souvent perçus comme agissant à l’encontre de l’éthique pour obtenir
une vente par tous les moyens, j’ai souhaité en savoir davantage sur les liens possibles
entre ces métiers de la force de vente et l’éthique. L’objectif de mon essai est donc d’ouvrir
des axes de réflexion sur le rôle de l’éthique du vendeur dans sa performance commerciale.
Futur diplômé en Marketing et Développement Commercial, je vais devoir rapidement
démontrer des qualités professionnelles et personnelles pour être performant et surtout
perdurer dans le monde des affaires. Cet essai sur l’éthique professionnelle du vendeur
prend alors tout son sens pour ceux, qui comme moi, se dirigent vers des fonctions
commerciales.

Résumé

Ethique, vente et performance commerciale constituent le cœur de mon essai intitulé


« De l’éthique du vendeur à sa performance commerciale ».
Toute réflexion se doit de débuter par une bonne définition des termes et de leur
possible lien. Partant du postulat que l’éthique et la vente sont deux concepts opposés, la
première partie de l’essai traite d’une possible mise en parallèle des concepts pour définir le
vendeur éthique. Une fois ce rapprochement établi, il convient d’étudier en seconde partie
les caractéristiques du vendeur éthique, de son comportement individuel au climat éthique
crée par l’entreprise et l’organisation.
Enfin, après avoir bien défini les concepts et développer la transformation du simple
vendeur en vendeur éthique, la dernière partie de l’essai expose les différentes mesures de
la performance du vendeur éthique mais aussi sa fragilité.

Bibliographie indicative

DEMAREST H., Site internet Actu PME, article « La vente relationnelle, un type de marketing
en plein essor », http://www.actu-pme.ch/le-dossier/468-lesprit-dentreprise-a-letat-
pur.html, 2011
LAVORATA L., BINNINGER A.S., PARGUEL B., ROBERT I., VERNIER M.F., 50 fiches sur
le marketing durable, Bréal, 2010
LENDREVIE J., LEVY J., LINDON D., Mercator 9e édition, Dunod, 2013
MAILLET T., Le marketing et son histoire ou le mythe de Sisyphe réinventé, Agora Pocket,
2010
NILLES J.J., « Ethique et performance : une approche innovante du management des forces
de vente », Tome 2, laboratoire de recherche en économie et gestion des
organisations, 1998

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De l’éthique du vendeur à sa performance commerciale

Introduction

« Le commerce est école de tromperie ». Cette affirmation du moraliste français du


XVIIIe siècle Vauvenargues illustre bien l’image négative que peuvent avoir le commerce et
la vente : de la persuasion à la conquête du client en passant par la part variable de la
rémunération du vendeur, les diverses techniques de vente sont souvent considérées
comme douteuses aux yeux du client. La vente et le marketing, dont « le rôle est de créer de
la valeur économique pour l’entreprise en créant de la valeur perçue par les clients »1, sont
souvent assimilés à deux outils de manipulation depuis l’émergence du capitalisme. Les
différentes activités marketing vont ainsi chercher à conquérir, fidéliser le consommateur
dans le but de le persuader et d’acheter les produits. La vente, dernier acte de ce processus
de séduction du client, a pour finalité de maximiser le profit de l’entreprise sans forcément
augmenter le bien-être du consommateur.
Mais depuis une cinquantaine d’années, nous assistons à une recrudescence des
réflexions et des débats relatifs à l’éthique professionnelle. C’est avec l’ouvrage Social
Responsibilities of the Businessman écrit en 1953 par l’un des pères fondateurs de la
Responsabilité Sociale des Entreprises (RES), Howard Rothmann Bowen, que ces débats
autour d’un nouvel espace d’actions des entreprises et de ses membres ont commencé à
prendre forme. La plupart des entreprises ont aujourd’hui adopté ces objectifs éthiques. Les
Firmes Multinationales (FMN) affichent même fièrement les codes de conduite et chartes
éthiques de leurs groupes sur leurs sites internet ; le but étant évidemment de véhiculer une
image positive de l’entreprise auprès des clients et de les inviter à supprimer l’image
négative et souvent anéthique2 de la vente. Mais qu’en est-il de l’éthique des vendeurs ?
Peut-on réellement tendre vers des forces de vente totalement éthiques et performantes ?
L’essai « De l’éthique du vendeur à sa performance commerciale » a ainsi pour but de
répondre progressivement à cette problématique de l’éthique professionnelle du bon
vendeur.
***

I. L’éthique et la vente : un rapprochement est-il possible ?

Dans le roman de Robert Saviano, Gomorra : dans l’empire de la camorra,3 la


philosophie mafieuse définit l’éthique comme « le frein des perdants, la protection des
vaincus, la justification morale de ceux qui n’ont pas su tout miser et tout rafler ». Cette
définition extrémiste d’une éthique des faibles pourrait également être celle d’un vendeur
obnubilé par la vente malhonnête et l’irrespect du client, une sorte de vendeur mafieux.
Commençons par bien délimiter le sujet avec une définition cohérente des termes dans une
optique éthique.

1. Ethique et vente : la contradiction des concepts

A l’origine étymologique du terme éthique se trouvent les notions grecques ethikos et


ethos, signifiant respectivement la morale et les mœurs. Souvent confondue avec la morale,
l’éthique peut être définie comme une discipline cherchant à « énoncer des propositions
universellement valables sur l’action juste et bonne »4. Là où la morale commande un
ensemble de règles jugeant du Bien et du Mal d’un point de vue universel, l’éthique s’attache
quant à elle aux règles de conduite et aux actions des individus. C’est donc bien le terme
d’éthique qui est employé dans cet essai traitant du vendeur.

1 e
Définition du marketing selon le Mercator, 9 édition, Dunod, 2013
2
Le terme anéthique, qui signifie sans éthique, a été établi par Laure Lavorata dans ses travaux de recherche
liés à l’Influence des caractéristiques organisationnelles et individuelles du vendeur
3
SAVIANO R., Gomorra : dans l’empire de la camorra, Gallimard, 2007
4
Définition tirée du Petit dictionnaire d’éthique d’Otfried Höffe, Edition du cerf, 1994

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De l’éthique du vendeur à sa performance commerciale

La vente est, quant à elle, traditionnellement associée à une transaction entre un


vendeur et un acheteur et se définit comme « une convention par laquelle l’un s’oblige à
livrer la chose et l’autre à la payer » selon les articles 1582 et 1583 du Code Civil. L’acte
même de la vente est ainsi déclaré lorsque la chose et le prix ont été convenus par le
vendeur et l’acheteur. Vouloir rapprocher les concepts d’éthique et de vente n’est pas chose
simple et évidente tant le processus de vente peut paraître complexe et surtout dénué de
toute éthique. En effet, au-delà des simples définitions, l’éthique se doit d’être mise en place
dans le cadre de la vente. Or, cela semble être quasi-impossible compte tenu de l’aspect
souvent conflictuel entre le vendeur et l’acheteur. Les objectifs des deux parties n’étant
jamais semblables – le vendeur souhaite toujours vendre plus et au prix le plus élevé
possible là où l’acheteur négocie pour atteindre son prix d’équilibre – la vente est plutôt
considérée comme une bataille, un duel où deux clans s’affrontent à armes inégales puisque
le vendeur, représentant de l’entreprise mais séparé physiquement et socialement de ses
supérieurs hiérarchiques lors de ce duel, a libre cours à différentes techniques de persuasion
souvent jugées comme anéthiques.
Partant de cette opposition de l’essence même de l’éthique et de l’acte de vente, il
est intéressant de s’interroger sur la vente faite par un possible vendeur éthique. L’oxymore
entre éthique et vente pourrait-il ainsi s’estomper ?

2. Vendeur éthique : une définition délicate

Parce qu’Hermès est en même temps le Dieu grec des vendeurs et des voleurs, le
terme de vendeur voleur serait plus facile à définir que celui de vendeur éthique, apparu bien
plus tard que la simple image négative du vendeur. Définie précédemment comme
l’interaction entre un client qui a des besoins d’acheter tel ou tel produit et un vendeur qui
cherche à placer le produit de son entreprise et à maximiser ses intérêts propres, la vente, et
a fortiori le vendeur, ne sont pas éthiques par essence.
Lorsque le vendeur se rend en rendez-vous commercial, on assiste à une réelle
interaction verbale et gestuelle avec le potentiel acheteur. Cette pratique de la vente et de la
négociation, souvent apprise théoriquement sur les bancs des écoles de commerce et des
différentes formations commerciales, est bel et bien un savoir-faire qui se développe avec
les expériences professionnelles, voire personnelles pour atteindre l’état suprême de
contrôle de l’esprit du prospect. Le Graal de tout bon vendeur est alors de réussir à vendre le
plus de produits possible au client en le persuadant qu’il a besoin de ce qu’il désire, et qu’il
désire ce dont il a besoin.5
La définition du vendeur éthique s’avère donc délicate au vue des nombreux
obstacles de la relation souvent biaisée entre le vendeur et l’acheteur. Des techniques de
vente telles des formules clé en main sont même utilisées par le vendeur pour influencer
favorablement le client vers l’achat. Il s’agit par exemple de la méthode AIDA (Attention,
Intérêt, Désir, Action)6 également utilisée en marketing. Attirer l’œil du prospect, susciter son
intérêt par des explications et prouesses techniques du produit pour créer le désir et enfin
amener le client à acheter : cette méthode AIDA, d’une simplicité et d’une efficacité
extrêmes, peut rapidement être connotée négativement par tout individu consommateur. La
fidélité peut même venir fermer cette boucle du vendeur qui n’aura, dans ce cas, même plus
besoin de négocier ou de réitérer les premières étapes de la méthode. Cet aspect de
fidélisation du client, qui devient presque un acheteur aveugle car conquis, est aujourd’hui de
plus en plus présent sur le marché des hautes technologies qui ont su s’épauler d’un
marketing redoutable, remplaçant presque le travail des vendeurs en amont.

La vente correspond finalement à un état d’esprit associé à des outils et à des


pratiques qui dépendent à la fois du comportement du vendeur et des formations acquises

5
GOLDMAN H.M., L’art de vendre, Delachaux et Niestlé, 1981
6
STRONG E.K., « Theories of Selling », Journal of Applied Psychology, 1925

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De l’éthique du vendeur à sa performance commerciale

au cours de ses expériences. Celui qui comprend que sa prospérité et sa longévité dans le
monde des affaires dépend avant tout du nombre de clients ayant obtenu ce dont ils avaient
besoin et ce dans le respect d’un échange honnête et équilibré, est un vendeur que l’on peut
qualifier d’éthique. Toutefois, le vendeur n’étant pas éthique par nature, il convient d’étudier
et d’exposer les comportements et le climat d’entreprise favorables à ce vendeur éthique tant
recherché.
***

II. Comment transformer un simple vendeur en vendeur éthique ?

Pour Saint Thomas d’Aquin, « le commerce comporte toujours une certaine


malhonnêteté ». La première partie de cet essai a fait état de cet aspect négatif de la vente
et du vendeur en ouvrant finalement la porte à l’existence d’un vendeur éthique, soucieux du
bien-être de ses clients et de l’honnêteté de la transaction. Quels sont les procédés à
adopter pour faire de tout vendeur un vendeur éthique ?

1. Vers une vente relationnelle : l’importance du comportement du vendeur

Avant toute chose, il est essentiel de comprendre l’importance de la responsabilité


individuelle du vendeur qui se veut éthique. Le chercheur français Jean-Jacques Nillès7 a
étudié ce comportement éthique du vendeur. Il commence par citer l’historien et philosophe
français Léon Robin8 qui nomme vertu la faculté de mettre en œuvre la disposition à agir en
vue du bien d’autrui, c’est-à-dire de manière éthique. Cinq vertus principales issues de la
pensée philosophique seraient ainsi essentielles au bon développement du vendeur
éthique : l’altruisme, la justice, le courage, la prudence et la tempérance. Ces différentes
vertus à la base de l’éthique du vendeur doivent se transformer en réels comportements et
actions lors des situations en clientèle comme les rendez-vous commerciaux ou les
campagnes de prospection.
Afin d’être éthique, le vendeur doit donc faire preuve d’altruisme en cherchant tout
d’abord à considérer de la même manière tous ses clients dans leur dimension humaine tout
en cherchant à satisfaire leurs besoins et intérêts. Pour tenir ses engagements et traiter
équitablement avec un client plus faible, le vendeur doit aussi faire preuve de justice et ne
doit pas essayer de défendre ses propres intérêts, à savoir vendre davantage en position de
force. Ne pas mentir, c’est-à-dire donner des informations exactes au client, reconnaître et
répondre sincèrement aux possibles objections : le vendeur doit aussi avoir comme vertu la
prudence. Le courage va, quant à lui, permettre au vendeur de conserver son indépendance
d’esprit et conclure une vente que si celle-ci est juste et estimable. Enfin, la tempérance
correspond à la dernière des vertus nécessaires à tout vendeur souhaitant être éthique. En
effet, il ne s’agit pas là de ne plus utiliser sa force de persuasion et de négociation,
représentant la pierre angulaire du métier de commercial, mais tout simplement de ne pas en
abuser et de laisser le temps et la décision finale au client, au risque de ne pas transformer
l’essai en vente.
Au cœur de ce système de vertus qui symbolise le comportement éthique du vendeur
se trouve la notion de juste vente. Pour se faire et atteindre une démarche commerciale dite
« gagnante-gagnante » aussi bien pour le vendeur que pour le client acheteur, une confiance
mutuelle doit se construire en amont de la négociation et de la vente à proprement parler.
Les comportements du vendeur deviennent alors primordiaux pour créer une bonne relation
avec le client et développer la vente relationnelle. Ce système découle du marketing
relationnel9 qui place le client au centre de la politique commerciale et non plus le produit. Le

7
NILLES J.J., « Ethique et performance : une approche innovante du management des forces de vente », in
e
actes du 9 congrès de l’ACRH, Laboratoire de Recherche en économie et gestions des organisations, 1998
8
ROBIN L., La morale antique, PUF, 1947
9
Article du site internet Actu PME, « La vente relationnelle, un type de marketing en plein essor »,
http://www.actu-pme.ch/le-dossier/468-lesprit-dentreprise-a-letat-pur.html

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De l’éthique du vendeur à sa performance commerciale

consommateur, le vendeur mais aussi l’entreprise en ressortent aguerris : une confiance,


une sérénité, voire une fidélité s’établissent, et ce notamment grâce à la forte pression
concurrentielle.
Au-delà de la place centrale du comportement du vendeur pour être éthique et pour
s’engager vers la voie de la vente relationnelle, l’entreprise et les responsables commerciaux
ont également un rôle à jouer dans cette quête éthique.

2. Créer un climat éthique : le rôle de l’entreprise et de l’organisation

Même si l’éthique est du domaine du particulier, l’entreprise se doit de définir un cadre


éthique pour établir une certaine « éthique organisationnelle »10 propice aux bons
comportements de ses salariés et plus particulièrement de sa force de vente qui n’est pas
physiquement et socialement présente dans les locaux de l’entreprise. Différents niveaux de
formalisation de l’éthique au sein des entreprises jouent un rôle prépondérant sur le
comportement éthique du vendeur.
Avant toute chose, il est essentiel que l’entreprise porte une attention particulière à
l’éthique. Cela passe par exemple par le développement de chartes de bonne conduite ou
par la création de postes de déontologues, obligatoires pour les sociétés financières
françaises depuis 1998. Perçu comme un contenu formel mais aussi comme des pratiques à
appliquer, le climat éthique a pour objectif d’instaurer le respect, des règles et avant tout une
certaine responsabilité et indépendance aux employés qui se doivent d’agir dans l’intérêt de
tous, donc de manière éthique. De par la présence de cette structure de l’entreprise, le
vendeur, même en dehors des murs de sa société, agira sous l’influence des codes
éthiques. Le commercial sera d’autant plus à l’écoute de ce climat éthique si son supérieur
hiérarchique direct, le responsable commercial, sait mettre en application les valeurs
éthiques de la société.11
Les rôles du dirigeant d’entreprise et du responsable commercial influent en grande
majorité sur le comportement éthique du vendeur, très sensible aux actions de sa hiérarchie
qui lui montre l’exemple à suivre, ou du moins celui à ne pas emprunter. En effet, le vendeur
va rapidement interpréter la non-action de ses supérieurs d’un point de vue éthique comme
l’approbation de pratiques de vente douteuses, voire même d’une certaine passivité de la
direction. Pour transformer un simple vendeur en vendeur éthique, il y a donc tout un cadre à
respecter au-delà de son comportement individuel, et cela passe par les comportements
éthiques de ses supérieurs. L’objectif de « la vente avant tout » ne doit, par exemple, pas
être le principal but de la politique commerciale et du responsable commercial. L’intérêt du
client doit être au centre des préoccupations de la force de vente mais aussi de sa
hiérarchie. Enfin, le plan de rémunération a également son importance sur le comportement
éthique souhaité du vendeur : plus il y a de primes, de challenges et d’actions de motivation
de vente, en anglais incentives, moins le vendeur adoptera un comportement éthique face à
ses clients, alors considérés comme de simples défis à relever pour obtenir son dû.

Le vendeur éthique est donc un vendeur qui interagit au sein d’une entreprise
soucieuse de mettre en place un réel climat éthique avec des codes dont les managers se
doivent d’en être des acteurs au quotidien. Ainsi, le vendeur éthique découle d’une
entreprise éthique dont la direction commerciale en est le pilote. Mais est-il réaliste et
envisageable de concilier l’éthique du vendeur à une performance commerciale optimale ?

***

10
Terme employé par Mercier (2004) comme « la manière dont l’entreprise intègre ses valeurs clefs dans ses
politiques, pratiques et processus de décision ».
11
WOTRUBA, T.R., A comprehensive framework for the analysis of ethical behavior, 1990

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De l’éthique du vendeur à sa performance commerciale

III. Tendre vers la performance commerciale du vendeur éthique : utopie ou


réalité ?

L’éthique du vendeur, si elle est bien construite grâce à son comportement et au


climat de l’entreprise, peut directement avoir un effet positif sur la décision d’achat du client
qui se sent plus en confiance car écouté et compris. C’est pourquoi l’éthique est de plus en
plus intégrée dans la définition de la performance commerciale du vendeur qui n’est plus
seulement jugé sur des facteurs quantitatifs. L’éthique serait-elle la recette miracle de la
performance commerciale du vendeur, voire de l’entreprise ?

1. Savoir mesurer la performance du vendeur éthique

La performance commerciale du vendeur correspond à sa contribution à l’atteinte


des objectifs de la force de vente, et donc directement à ceux de l’entreprise.
D’abord traduite par des résultats quantitatifs, la performance commerciale se veut a
priori suivre une logique orientée résultats. Le nombre de ventes réalisées, le chiffre
d’affaires ou encore l’atteinte ou non des objectifs sont des variables clés pour juger de la
performance commerciale du vendeur. Cet aspect quantitatif est purement analytique et ne
contrôle pas les stratégies du vendeur ni même sa connaissance technique du produit. Et
pourtant, selon une étude menée par des professeurs de marketing de l’Arizona State
University12, 80% des entreprises ont recours à la méthode de l’analyse des ventes pures
pour définir la performance du vendeur, c’est-à-dire sans aucune attention portée aux
techniques de vente. C’est souvent par manque de temps et de moyens que cette mesure
de la performance du vendeur est majoritairement retenue par le responsable commercial.
L’avantage certain de cette méthode est son objectivité. Mais son inconvénient est
indéniablement l’oubli du comportement éthique du vendeur comme sa stratégie de vente
par exemple.
L’aspect qualitatif est donc tout aussi important pour juger de la performance
commerciale du vendeur éthique. Ces données, plus fines à analyser, peuvent différer de la
réalité du volume d’affaires. Contrairement aux données purement quantitatives, les données
qualitatives telles que la progression du vendeur en technique et négociation ou encore ses
démarches de fidélisation de clients sont sources de difficultés d’évaluation dues à la
subjectivité de jugement du responsable commercial.
Evidemment, de plus en plus d’entreprises combinent ces deux méthodes
d’évaluation de la performance commerciale et créent ainsi une grille hybride jugeant à la
fois de la quantité des ventes effectuées par le vendeur mais aussi de la qualité de sa
démarche. Cette juste balance est très certainement la clé pour tendre vers la performance
commerciale d’un vendeur éthique. L’aboutissement d’une telle mesure est d’arriver à une
triple satisfaction : celle de l’entreprise, du vendeur et du client.

Il est finalement intéressant de se rendre compte que l’éthique est de plus en plus
omniprésente dans la performance globale du vendeur et que l’optimisation des ventes
passe parfois après le soutien du développement des clients. La Division Produits
Professionnels du Groupe L’Oréal a par exemple interrogé en 2012 plus de 350 managers
commerciaux à travers le monde pour réaliser une étude13 sur leurs profils : près de 54%
d’entre eux jugeaient le soutien du développement du client comme le rôle premier du
vendeur, devant les ventes (46%) et la représentation de la marque (30%). Les compétences
analytiques ont également été classées après les vertus relationnelles du vendeur comme
l’empathie et l’honnêteté.

12
JACKSON J.R., KEITH J., SCHLACTER K., “Evaluation of selling performance : A study of current practices”,
Journal of personal selling and sales management, Volume 3, 1983
13
Article internet LSA, 2012, http://www.lsa-conso.fr/les-representants-commerciaux-des-professionnels-
methodiques-de-la-relation-clients-selon-une-etude,128807

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De l’éthique du vendeur à sa performance commerciale

2. La performance du vendeur éthique : une fragilité à consolider sans cesse

Henry Ford, l’un des industriels les plus emblématiques de la première moitié du XIXe
siècle avec sa firme de construction automobile et son propre mode de production, a déclaré
que « les deux choses les plus importantes n'apparaissent pas au bilan de l'entreprise : sa
réputation et ses hommes ». Deux siècles après les paroles du père du fordisme, le système
capitaliste accorde toujours une place centrale aux ventes et profits réalisés, mettant
l’éthique d’un système « gagnant-gagnant » au second plan des préoccupations de
l’entreprise. Le vendeur, et plus particulièrement le jeune vendeur nouvellement diplômé de
son école de commerce ou de sa formation commerciale, ne doit pas se laisser influencer
par l’appel puissant d’une performance uniquement chiffrée et mesurable. Il doit être capable
de se mettre à la place du client et se demander : « Quelle est la meilleure action que je
puisse réaliser en tant que vendeur pour satisfaire à la fois la demande de mon client et
l’atteinte de mes propres objectifs? ». Sa formation aura eu pour but de lui inculquer de
fortes valeurs éthiques afin d’être un vendeur accompli, qui place les vertus et l’attention du
client au centre de ses préoccupations mais aussi ses objectifs en termes de vente et de
chiffres d’affaires. Mais la performance du vendeur éthique n’est pas une science exacte et,
tel un enfant en pleine éducation des bonnes règles de vie, le vendeur doit sans cesse être
aidé et guidé vers le chemin de l’éthique de vente.
Qu’il s’agisse de formations spécifiques à la bonne stratégie commerciale à adopter
en rendez-vous, de séminaires dédiés aux techniques soucieuses de l’intérêt du client ou
encore de points réguliers concernant la mise en pratique quotidienne de l’éthique
professionnelle, le vendeur a besoin d'être épaulé par son responsable commercial. Pour
emprunter la voie de l’éthique, il faut que le vendeur en découvre le chemin. Le but ultime
étant de ne plus seulement répondre à la question « Comment faire ? » qui marque le
monde des affaires mais aussi à « Que faire ? » 14 qui symbolise davantage le comportement
éthique.
Au-delà des chartes et règles éthiques instaurées au sein des entreprises, de
multiples groupes de réflexion éthique permettent aussi de rappeler le rôle que doit jouer
l’éthique au sein du processus de vente comme l’APM (Association Progrès du
Management) ou le réseau DCF (Dirigeants Commerciaux de France).15 Les Grandes Ecoles
de Commerce, au travers des formations dispensées, des engagements pédagogiques, des
labels, et multiples conférences sur l’éthique des affaires, jouent également un rôle non
négligeable dans la consolidation de la coexistence de l’éthique et de la performance du
vendeur.

***

Conclusion

Ethique. Vendeur. Performance commerciale. Ce cercle vertueux de la vente est


difficile à imaginer et d’autant plus délicat à mettre en œuvre dans le monde professionnel où
le capitalisme est roi. Mais loin d’être une pure utopie, une telle relation s’introduit
progressivement dans les mœurs et dans les problématiques managériales de la force de
vente.
Le simple vendeur n’existe plus. Le vendeur éthique est, lui, en éternelle construction.
A nous, futurs acteurs du monde des affaires, de continuer à bâtir l’éthique d’aujourd’hui et
de demain.

Longueur de l’essai : 6 pages, 19 891 caractères

14
Article Les Echos.fr, « Ethique des managers : quelle formation ? », Denis Critol, 2009,
http://lecercle.lesechos.fr/entreprises-marches/management/221130216/ethique-des-managers-quelle-formation
15
Article Action Commerciale.fr, « L’éthique est indispensable dans la fonction commerciale », 2008,
http://www.actionco.fr/Action-Commerciale/Article/-L-ethique-est-indispensable-dans-la-fonction-commerciale--
25757-1.htm

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