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CECILE LACOMBE

MILIEU PHYSIQUE, VIE QUOTIDIENNE ET


IDÉAUX SOCIOCULTURELS
Structuration du cadre de développement des enfants dans les
garderies québécoises

Thèse présentée
à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval
dans le cadre du programme de doctorat sur mesure en architecture
pour l’obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.)

DÉPARTEMENT D’ARCHITECTURE
FACULTÉ D’AMÉNAGEMENT, D’ARCHITECTURE ET DES ARTS VISUELS
UNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC

2006

© Cécile Lacombe, 2006


Résumé
Cette thèse examine comment le milieu physique et les pratiques spatiotemporelles
quotidiennes en garderie participent à la structuration du contexte de développement des
enfants. Sur fond de récentes transformations du système de garde au Québec, elle montre
aussi comment le contexte socioculturel se reflète dans le cadre de vie en garderie. Fondée
sur un cadre théorique innovant qui intègre la psychologie développementale, la
psychologie environnementale et l’architecture, trois études à trois échelles
différentes (province, établissements, salles de jeu) et utilisant des méthodes quantitatives
et qualitatives ont été conduites. Ces études illustrent comment l’environnement physique,
la gestion temporelle de l’espace et des ressources matérielles, ainsi que la régulation des
comportements spatiaux interagissent pour façonner le cadre de vie des enfants. Elles
montrent aussi que les pressions du contexte socioculturel uniformisent les garderies, leur
conférant un caractère institutionnel qui rappelle un environnement scolaire toutefois
adouci de traits plus domestiques.
ii

Résumé
Cette thèse examine comment le milieu physique et les pratiques spatiotemporelles
quotidiennes en garderie participent à la structuration du contexte de développement des
enfants. Sur fond de récentes transformations du système de garde au Québec, elle montre
aussi comment le contexte socioculturel se reflète dans le cadre de vie en garderie. Fondée
sur un cadre théorique innovant qui intègre la psychologie développementale, la
psychologie environnementale et l’architecture, trois études à trois échelles
différentes (province, établissements, salles de jeu) et utilisant des méthodes quantitatives
et qualitatives ont été conduites. La première étude vise l’évolution du parc immobilier
québécois en lien avec l’évolution des idéaux socioculturels. L’analyse de 86 plans de
Centres de la Petite Enfance a montré que les bâtiments récents sont uniformes. Ils
présentent quelques aspects domestiques, mais affichent surtout un design institutionnel axé
sur la fonctionnalité et la sécurité. La seconde étude a examiné la vie quotidienne dans cinq
bâtiments architecturalement différents. Les observations de neuf groupes de 4-5 ans dans
ces bâtiments durant des journées typiques ont relevé partout de nombreuses similarités
(emploi du temps, activités, locaux utilisés). Par exemple, les groupes passaient tous
environ 75% du temps dans leur salle de jeu. Cela suggère l’existence d’un modèle
organisationnel dominant. Des stratégies d’adaptation variées étaient utilisées pour
compenser l’inadéquation des bâtiments anciens afin de se conformer à ce modèle. La
troisième étude s’est placée à l’échelle des salles de jeu, examinant les configurations
spatiales qui se succèdent durant les journées des 4-5 ans. Elle a relevé des ressemblances
dans les aménagements mobiliers, les règles de vie, et la gestion de l’espace et des
ressources matérielles de toutes les salles. Le cadre de vie reflète partout les mêmes idéaux
socioculturels et éducatifs: stimulation des enfants, apprentissage de l’autonomie, ordre et
organisation, calme et sécurité, gestion des conflits. Cette thèse illustre comment
l’environnement physique, la gestion temporelle de l’espace et des ressources matérielles,
ainsi que la régulation des comportements spatiaux interagissent pour façonner le cadre de
vie des enfants. Elle montre aussi que les pressions du contexte socioculturel uniformisent
les garderies, leur conférant un caractère institutionnel qui rappelle l’environnement
scolaire, toutefois adouci de traits domestiques.
iii

Abstract
This dissertation examines how the physical environment and everyday spatiotemporal
practices in daycare centers help to structure the context of children’s development. Against
the background of recent changes in Québec’s childcare system, it also illustrates how the
sociocultural context is reflected in the everyday settings in daycare centers. Based on a
new theoretical framework that incorporates developmental psychology, environmental
psychology, architecture, three studies at three different scales (provincial, building,
playroom) using both quantitative and qualitative methods were conducted. The studies
illustrate how the physical environment, the management of space and material resources,
and the regulation of spatial behaviors interact to shape the children’s daycare setting. The
studies also show that the pressures of the sociocultural context standardize the daycare
centers, giving them an institutional character that resembles a domestic-flavored school-
like environment.
iv

Abstract
This dissertation examines how the physical environment and everyday spatiotemporal
practices in daycare centers help to structure the context of children’s development. Against
the background of recent changes in Québec’s childcare system, it also illustrates how the
sociocultural context is reflected in the everyday settings in daycare centers. Based on a
new theoretical framework that incorporates developmental psychology, environmental
psychology, architecture, three studies at three different scales (provincial, building,
playroom) using both quantitative and qualitative methods were conducted. The first study
focused on the evolution of the building stock in Québec in relation to the evolution of
sociocultural ideals. Analyses of 86 architectural plans of Centres de la Petite Enfance
showed that more recent buildings have become more uniform. The newer buildings have
some domestic elements but mainly an institutional design based on functionality and
security. The second study examined the everyday life in five architecturally different
buildings. Observations of nine groups of 4-5 year olds in the five buildings on typical days
revealed many similarities across the groups (routines, activities, use of rooms). For
example all the children spend 75% of their time in their playroom. This suggests the
existence of a dominant organizational model. Various adaptation strategies to overcome
the physical inadequacies of the older buildings were observed; these were aimed at
conforming to this model. The third study moved to the playroom scale to describe the
successive spatial configurations that occur during the 4-5 year-olds’ days. It revealed
similarities in the furniture arrangements, the regulations, the management of space and
material resources of all the playrooms. The playroom settings reflect similar sociocultural
and educational ideals: stimulation of children, autonomy training, order and organization,
calm and security, conflict management. The dissertation illustrates how the physical
environment, the management of space and material resources, and the regulation of spatial
behaviors interact to shape the children’s daycare setting. It also shows that the pressures of
the sociocultural context tend to standardize the daycare centers, giving them an
institutional character that resembles a domestic-flavored school-like environment.
Avant-propos
Une thèse est une aventure dans laquelle l’étudiant s’investit totalement. C’est parfois une
aventure solitaire, mais qu’on ne s’y trompe pas : sur le chemin, l’étudiant fait de
nombreuses rencontres, des personnes sans lesquelles l’aventure n’aurait pas abouti.

Tout d’abord, ma directrice de thèse, Denise Piché, professeure à l’École d’architecture de


l’université Laval m’a apporté un soutien continu au cours de toutes les étapes de la
recherche et je tiens à l’en remercier. Elle m’a fait découvrir un univers passionnant, a su
m’ouvrir des pistes et stimuler mes réflexions. Nous avons opté ensemble pour un mode de
rédaction par articles. Les chapitres 3, 4 et 5 de cette thèse correspondent à ces articles dont
je suis la seule auteure. Sous la supervision de Denise Piché, j’ai personnellement élaboré
tous les détails des études, collecté et analysé toutes les données et enfin rédigé
personnellement chacun des articles. Ceux-ci vont bientôt être soumis à des revues
scientifiques. Pour les besoins de la thèse, ils ont été modifiés afin d’éviter les sources de
redondances et afin d’intégrer un argumentaire qui fasse les liens entre eux. Comme une
des revues de publication est anglophone, un des articles est rédigé en anglais. Les
modifications qui le concernent ont été apportées dans cette langue.

Mon co-directeur Pierre Pagé, professeur à la faculté des sciences de l’éducation de


l’Université Laval, m’a soutenue pour les parties liées aux deux derniers articles. Ses
conseils m’ont été précieux. De plus, les membres de mon comité de thèse Marie Jacques et
Madeleine Baillargeon, toutes deux spécialistes de la petite enfance, ont contribué à
l’avancement des travaux par leurs discussions enrichissantes et par leurs conseils judicieux
dans l’élaboration de la recherche et de la rédaction. Tous m’ont accueillie et apporté leur
appui à la fois personnel et académique

Je tiens aussi à remercier les organismes qui, en acceptant de m’ouvrir leurs portes, m’ont
soutenue dans ma démarche de recherche: le Ministère de la Famille et de l’Enfance
(aujourd’hui Ministère de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine) ainsi que
toutes les garderies qui m’ont accueillie. Ils ont rendu possible ma collecte de données et
ont répondu à mes multiples questions tout au cours des analyses. Je remercie aussi le
vi

regroupement des Centres de la Petite Enfance de la région de Québec qui a été une source
importante d’informations.

L’aventure passionnante du doctorat nécessite aussi (et même parfois assez souvent) le
soutien de la famille et des amis. Je remercie tous ceux qui m’ont aidé par leur présence,
leur réconfort, leur énergie, et leur expertise (Carole, Geneviève, Tania, Sébastien, je suis
sûre que vous vous reconnaissez. Je ne peux nommer tout le monde malheureusement, mais
le cœur y est). Venant d’au delà de l’Atlantique, le support moral de mes parents a été très
important. Un grand merci à Robert Gifford qui, en plus de tout cela, a eu l’extrême
patience de corriger tous mes textes en anglais, et ce, tout en m’aiguillant sur les pistes de
la rédaction scientifique. Enfin, une pensée toute particulière pour mon fils Romain qui a
accepté stoïquement les nombreuses heures de rédaction qui lui volaient sa maman. Son
humour, sa présence et ses encouragements ont été un grand soutien.

J’ai bénéficié d’une bourse au cours de ces années de recherche. Merci au Fonds pour la
Formation des Chercheurs et l’Aide à la Recherche (FCAR).

Merci enfin à l’École d’architecture de l’Université Laval, qui m’a accueillie dans ses
locaux, et m’a permis d’enseigner tout au long de ces années, ce qui a été un support
financier appréciable, mais aussi une aventure magnifique.
Table des matières
Résumé - court .........................................................................................................................i
Résumé - long ........................................................................................................................ ii
Abstract - short...................................................................................................................... iii
Abstract - long .......................................................................................................................iv
Avant-propos ..........................................................................................................................v

Introduction.............................................................................................................................1
Références...........................................................................................................................6

Chapitre 1 Développement et milieu physique des établissements de garde :


Problématique et modèle intégratif......................................................................7
1.1 Le milieu physique et le développement dans un contexte global ...........................8
1.1.1 Comprendre le contexte de développement des enfants : un modèle global .....9
1.1.2 Un contexte de développement régulé et enculturé ..........................................16
1.1.3 En somme .........................................................................................................21
1.2 L’interface enfant-environnement physique en garderie .........................................22
1.2.1 L’étude des effets stimulants du milieu physique.............................................22
1.2.2 Les multiples effets du milieu physique en garderie ........................................24
1.2.3 L’affordance et le potentiel fonctionnel de l’environnement ...........................27
1.2.4 En somme .........................................................................................................29
1.3 L’environnement physique : un cadre de vie...........................................................29
1.3.1 Concevoir et décrire la réalité du cadre de vie..................................................30
1.3.2 Processus de structuration du cadre de vie .......................................................35
1.3.3 En somme .........................................................................................................38
1.4 Le milieu physique : un reflet et un choix de société ..............................................39
1.4.1 Le reflet d’un contexte socio-historique, politique et culturel..........................39
1.4.2 Le reflet d’une dynamique sociale et d’idéaux socioculturels..........................43
1.4.3 En somme .........................................................................................................45
1.5 Retour sur le milieu physique et la structuration du contexte de vie en garderie ....46
1.6 Comprendre les milieux de vie des enfants : un modèle intégratif..........................47
1.6.1 Les quatre dimensions liées au milieu physique des microsystèmes................49
1.6.2 Liens entre les dimensions et hypothèses internes au microsystème................51
1.6.3 Influences des systèmes externes et hypothèses sur les processus de
structuration des microsystèmes ...................................................................................53
Références.........................................................................................................................55

Chapitre 2 Contexte et démarche de la recherche................................................................61


2.1 Contexte de la recherche..........................................................................................61
2.2 Démarche de recherche............................................................................................66
2.2.1 L’échelle du parc immobilier provincial ..........................................................67
2.2.2 L’échelle des établissements.............................................................................68
2.2.3 L’échelle des salles de jeu ................................................................................70
2.3 En somme ................................................................................................................72
Références.........................................................................................................................73
viii

Chapitre 3 Daycare center spatial characteristics, sociocultural ideals and practices :


The provincial scale ...........................................................................................74
3.1 Introduction..............................................................................................................76
3.1.1 Understanding building plans ...........................................................................77
3.1.2 Residential spatial structure ..............................................................................78
3.1.3 Institutional spatial structure.............................................................................79
3.1.4 Daycare center spatial structure........................................................................80
3.1.5 Research questions and hypotheses of the study ..............................................81
3.2 Method .....................................................................................................................83
3.2.1 Sample ..............................................................................................................83
3.2.2 Variables ...........................................................................................................83
3.2.3 Analyses............................................................................................................87
3.3 Results......................................................................................................................88
3.3.1 Means and standard deviations .........................................................................88
3.3.2 Distinguishing the daycare types ......................................................................91
3.4 Discussion................................................................................................................93
3.4.1 Spatial structure and sociospatial dynamics of daycare-microsystems ...............94
3.4.2 The structuring of daycare microsystems : Emergence of a new architectural
daycare type and reflection of current sociocultural ideals ...............................103
3.5 Conclusion .............................................................................................................106
References.......................................................................................................................108

Chapitre 4 Environnement physique et vie quotidienne dans cinq garderies :


Échelle des établissements...............................................................................110
4.1 Introduction...............................................................................................................111
4.1.1 Environnement physique et organisation du quotidien dans les établissements
éducatifs ..........................................................................................................112
4.1.2 Environnement socioculturel et organisation du quotidien dans les
établissements éducatifs..................................................................................116
4.1.3 Hypothèses générales......................................................................................118
4.2 Méthode .................................................................................................................120
4.2.1 Les groupes observés dans les garderies.........................................................120
4.2.2 Techniques de collecte et données relevées....................................................121
4.2.3 Déroulement de la collecte des données .........................................................123
4.2.4 Analyse ...........................................................................................................127
4.3. Le cadre physique des garderies ..............................................................................127
4.4 L’organisation du quotidien dans les cinq garderies .............................................136
4.4.1 Les types d’activités........................................................................................136
4.4.2 Le nombre et l’enchaînement des activités.....................................................138
4.4.3 Le temps alloué aux activités..........................................................................140
4.4.4 Les types de locaux utilisés ............................................................................143
4.4.5 Le temps passé dans les locaux.......................................................................144
4.5 Discussion..............................................................................................................148
4.6 Conclusion .............................................................................................................155
Références.......................................................................................................................157
ix

Chapitre 5 Environnement physique et vie quotidienne dans cinq garderies :


Échelle des salles de jeu...................................................................................160
5.1 Introduction............................................................................................................161
5.1.1 Les influences du cadre de vie au sein des salles de jeu.................................162
5.1.2 Les influences des pressions externes sur les salles de jeu.............................165
5.1.3 Démarche ........................................................................................................167
5.2 Méthode .................................................................................................................168
5.3 Résultats.................................................................................................................171
5.3.1 Le cadre physique des salles de jeu ................................................................171
5.3.2 Règles générales de vie dans les salles de jeu ................................................175
5.3.3 Utilisation de l’espace et régulation selon les activités ..................................176
5.3.4 Gestion temporelle de l’espace et du matériel ................................................184
5.3.5 Le cadre de vie : reflet d’une vision sociale et éducative ...............................187
5.4 Discussion..............................................................................................................190
5.4.1 La structuration du cadre de vie dans les salles de jeu ...................................191
5.4.2 Le poids des pressions externes ......................................................................194
5.4.3 Les implications du cadre de vie dans les salles de jeu ..................................196
5.5 Conclusion .............................................................................................................198
Références.......................................................................................................................200

Conclusion ..........................................................................................................................202
Références.......................................................................................................................217

Annexe 1 Corrélations entre les caractéristiques physiques des 86 garderies étudiées au


chapitre 3............................................................................................................218
Annexe 2 Plans des cinq garderies étudiées aux chapitres 4 et 5 .......................................220
Annexe 3 Protocole d’observation en garderie : critères de reconnaissance pour les
changements d’épisodes ....................................................................................229
Annexe 4 Guides d’entretien ..............................................................................................231
Annexe 5 Plans des neuf salles étudiées au chapitre 5 ......................................................240
Liste des tableaux
Tableau1. Differences in spatial characterisitics for each building type ..............................89
Tableau 2. Test of equality of group means..........................................................................91
Tableau 3. Classification Results..........................................................................................92
Tableau 4. Structure Matrix. .................................................................................................93
Tableau 5. Informations factuelles sur les cinq garderies de l’étude..................................128
Tableau 6. Caractéristiques physiques des cinq garderies en regard des moyennes et
écart-types de l’échantillon provincial. .....................................................................128
Tableau 7. Comparaison du temps passé aux différents types d’activités..........................141
Tableau 8. Comparaison du temps d’utilisation des locaux. ..............................................145
Tableau 9. Gestion temporelle des coins d’activités: Pourcentage de temps passé dans les
coins d’activités par rapport au temps total passé dans chaque salle de jeu............185
Liste des figures
Figure 1. Interprétation graphique du modèle écologique de Bronfenbrenner.....................11
Figure 2. Interprétation graphique du modèle de Valsiner. ..................................................17
Figure 3. La garderie et son environnement physique selon le modèle intégratif. ...............48
Figure 4. Évolution du nombre de places en Centre de la petite enfance entre 1997 et 2004.
......................................................................................................................................62
Figure 5. Le modèle intégratif utilisé à l’échelle du parc immobilier de la Province. .........67
Figure 6. Le modèle intégratif utilisé à l’échelle de l’organisation des journées dans un
établissement.................................................................................................................69
Figure 7. Le modèle intégratif utilisé à l’échelle d’une salle de jeu.....................................71
Figure 8. Principles and examples of depth and integration scores......................................84
Figure 9.Illustration of ringuiness and distribution scores. ..................................................85
Figure 10. Playroom-bathroom spatial organization. ...........................................................86
Figure 11. All-groups scatter plot. ........................................................................................92
Figure 12. Examples of depth and public-private hierarchy for each type of daycare. ........96
Figure 13. Structuring the microsystem in recent purpose-built daycare centers : The
expression of external systems in the physical and human dimensions (built
environment and sociospatial dynamics)....................................................................103
Figure 14. Exemple d’une fiche de collecte de données pour l’épisode 325......................124
Figure 15. Graphe de la garderie de type bâtiment spécifique neuf #1. .............................130
Figure 16. Graphe de la garderie de type bâtiment spécifique neuf #3. .............................130
Figure 17. Graphe de la garderie de type bâtiment spécifique ancienne #2. ......................132
Figure 18. Graphe de la garderie de type ancienne maison #4...........................................133
Figure 19. Graphe de la garderie de type bâtiment institutionnel #5..................................135
Figure 20. Une journée en garderie : enchaînements et horaires des activités. ..................139
Figure 21. Système en équilibre. ........................................................................................153
Figure 22. Système en déséquilibre et processus de re-équilibration. ................................154
Figure 23. Plan d’une salle montrant un aménagement en coins d’activités. Salle A1. .....172
Figure 24. Exemples de spatialisation des repas dans deux salles de jeux.........................177
Figure 25. Structuration du microsystème dans les salles de jeu : principaux résultats
communs à toutes les salles. .......................................................................................191
xii

Liste des photos

Photo 1. Garderie neuve de type bâtiment spécifique similaire à celle de l’étude. ...........129
Photo 2. Garderie de type ancienne maison similaire à celle de l’étude. ...........................133
Photo 3. Garderie de type bâtiment institutionnel similaire à celle de l’étude. ..................134
Photo 4. Exemple d’aménagement en coins d’activités avec mobilier bas. Salle 1 A. ......172
Photo 5. Présence d’un matériel abondant dans les salles de jeu. Salle 2D........................173
Photo 6. Accès aux ressources facilité par des étagères basses. Salle 4H. .........................173
Photo 7. Accès facilité aux équipements. Marchepied pour lavabo. Salle 1A. ..................173
Photo 8. Exemple d’équipement standardisé. Bac jeux d’eaux. Salle I5............................173
Photo 9. Exemple d’un repas en sous-groupes. Groupe G4. ..............................................176
Photo 10. Éducatrice manipulant tables et chaises pour faire de la place. Groupe D2.......181
Introduction

Le cadre physique et la vie quotidienne en garderie sont au cœur de cette thèse. Bâtiments,
mobilier, matériel, horaires et habitudes de vie y sont examinés au regard de la façon dont
ils participent à la structuration du contexte de développement des enfants.

Si on considère qu’un nombre croissant de jeunes enfants fréquentent les garderies huit
heures par jour, cinq jours par semaine, on comprend aisément l'importance de ces lieux en
tant qu’éléments du contexte de développement. Les spécialistes du développement (e.g.
Bronfenbrenner 1979 ; Valsiner,1987) insistent sur l’intérêt d’étudier le contexte global
dans lequel évoluent les enfants. Pourtant, même s’ils reconnaissent théoriquement
l’environnement physique comme partie de ce contexte global, ils ne l’examinent pas
vraiment et ne donnent pas d’outils pour le faire. De même, le côté pratique du quotidien,
celui qui consiste par exemple à organiser la vie dans le bâtiment ou à gérer le matériel et
les horaires, reste dans l’ombre. En fait, l’environnement physique et la vie quotidienne
sont le plus souvent tenus pour acquis. On accepte leur existence, mais on s’interroge peu
sur leur importance. On devine néanmoins aisément qu’ils participent à la structuration du
contexte de développement des jeunes enfants. Par ailleurs, la réalité quotidienne physique,
matérielle et pratique que la garderie offre aux enfants ne surgit pas dans un vacuum. Elle
est ancrée dans une autre réalité socioculturelle, économique et politique qui joue sans
doute un rôle dans le modelage de l’environnement vécu. Dès lors, le cadre physique de la
garderie et la vie quotidienne qu’il supporte prennent une dimension qui dépasse celle
d’une réalité statique et neutre. Ils peuvent refléter en partie les idéaux et les attentes d’une
société à l’égard de la garde d’enfants. Ils prennent dès lors un sens qui est susceptible
d’orienter le développement.

Comment l’environnement physique des garderies contribue-t-il à la structuration du


contexte de développement des enfants ? En quoi est-il lié au déroulement de la vie
2

quotidienne ? Quel rôle joue la réalité du contexte socioculturel à cet égard ? Quel sens
prend, en fin de compte, le cadre de vie offert aux enfants ?

Le sujet de l’environnement des enfants n’est pas inédit, mais les regards qui ont été portés
sur l’univers physique et quotidien des garderies ont en général rendu compte d’une réalité
fragmentée et partielle. Mettant seulement l’accent sur certains aspects du cadre de vie, ils
ont tendance à le réduire à une somme d’éléments qui ne reflètent pas la complexité du
milieu vécu. Ils isolent aussi le cadre de vie du contexte global dans lequel il émerge et sur
lequel les spécialistes du développement insistent pourtant aujourd’hui.

Ainsi, le domaine des relations enfants-environnement se limite souvent aux effets de


certaines caractéristiques physiques (e.g., bruit) sur les enfants (e.g., comportements),
résumant l’environnement à une réalité matérielle dissociée du déroulement de la vie
quotidienne et sans aucun lien avec le contexte social, culturel ou politique. De leur côté,
les programmes éducatifs et les outils d’évaluation des milieux de garde (e.g., Harms, Cryer
& Clifford, 1998a, 1998b; Institut de la Statistique du Québec, 2003) ont aussi une vision
partielle du cadre de vie. L’environnement physique y est en général considéré comme un
élément fonctionnel qui doit supporter le travail des éducatrices1 et les activités des enfants,
le tout en restant sécuritaire et hygiénique. Il est regardé pour ses caractéristiques utilitaires
et en termes de ressource quantifiable. Certaines approches plus architecturales examinent
le cadre bâti en intégrant, certes, les liens avec le contexte socioculturel, éducatif ou
politique, mais en laissant de côté la réalité de la vie dans les établissements. Enfin, il
n’existe à peu près aucune approche à l’étude de la vie quotidienne concrète en garderie en
lien avec le cadre physique. Dans les programmes éducatifs et outils d’évaluation de la
qualité, on note bien des recommandations d’applications pour des activités éducatives qui
s’appuient sur du matériel, des notions de «rythmes souples», ou «d’horaires repérants»,
mais on trouve très peu de travaux sur leur mise en œuvre pratique.

1
Les membres du personnel étant majoritairement de sexe féminin dans les garderies, le terme éducatrice sera
emloyé tout au long de la thèse pour refléter cette réalité, ceci sans aucune discrimination envers les hommes
ou les femmes.
3

Bien comprendre la façon dont se structure le cadre de vie peut enrichir les connaissances
sur le contexte de développement des enfants, plus particulièrement le rôle joué par le
milieu physique, le côté pratique du quotidien ainsi que leurs liens avec le contexte
socioculturel et politique. Cette thèse tente de raccrocher entre elles les multiples approches
à l’étude de l’environnement des enfants tout en comblant certains aspects sous-étudiés de
leur cadre de vie.

Sur le plan théorique, l’approche adoptée emprunte à plusieurs disciplines, ce qui enrichit le
questionnement mais oblige à un travail parfois difficile pour intégrer des connaissances
jusque-là cloisonnées. La première étape de cette thèse vise à bien cerner les multiples
points de vue pertinents pour l’étude du cadre de vie des garderies et ce, en tenant toujours
compte du contexte global de développement. L’objectif premier est de mettre au point un
modèle théorique qui d’un côté respecte la complexité de l’objet d’étude et qui, de l’autre
coté, soit aussi opérationnalisable. Sur le plan méthodologique, l’objectif est de mettre en
place une démarche qui réponde aux questionnements soulevés par le cadre théorique en
leur conservant tout leur relief. Il s’agit d’éviter la sur-simplification qui réduit souvent les
cadres théoriques complexes à des études minimalistes qui aplatissent l’appréhension de la
complexité du réel.

En s’appuyant sur le contexte des Centres de la Petite Enfance au Québec, les étapes
subséquentes de la thèse examinent donc le cadre de vie offert aux enfants sous différents
angles et à différentes échelles, étudiant soigneusement la façon dont il se structure ainsi
que ses liens avec le contexte social et culturel dans lequel il s’insère. Les bâtiments font
tout d’abord l’objet d’un examen approfondi. Quelles sont les caractéristiques
architecturales des garderies ? Peut-on dire que l’évolution des valeurs sociales et des
politiques de garde va avec celle du cadre bâti offert aux enfants ? Quelles pratiques
spatiales et quelles visions de la garde d’enfants se reflètent dans l’architecture de
différentes générations de bâtiments ? Ce premier questionnement aide à comprendre
comment le cadre bâti se structure en réponse à une demande sociale et il ouvre une porte
pour discuter des implications au regard des pratiques spatiales des usagers. Par la suite,
l’accent est mis sur ces pratiques spatiales et sur la vie quotidienne concrète dans les
4

bâtiments. Comment utilise-t-on les locaux ? Combien de temps passe-t-on dans les
différentes salles ? Quelles sont les activités offertes aux enfants ? À quel rythme se
déroulent-elles ? Les façons de faire diffèrent-elles selon les caractéristiques
architecturales des bâtiments ? Quel rôle jouent les idéaux socioculturels, les programmes
éducatifs et les usages prescrits dans la mise en place de cette vie quotidienne ? Ce second
questionnement se rapproche de la réalité vécue dans les garderies. Il met en tension le rôle
du cadre bâti et celui du contexte socioculturel dans la mise en place du quotidien des
enfants. Enfin, l’environnement proximal des enfants est examiné à travers l’utilisation fine
des salles de jeu. L’utilisation du matériel et du mobilier prend ici le pas sur celle du cadre
bâti. Comment ces salles sont-elles aménagées ? Comment y gère-t-on le cadre physique et
matériel ? Certaines ressources sont-elles plus utilisées que d’autres ? Existe-t-il des règles
qui contrôlent les façons de faire des enfants ? Quel rôle joue le contexte social et culturel
au regard de l’aménagement de ces salles et au regard de leur utilisation ? En se
rapprochant au plus près de l’univers vécu des enfants, ce dernier questionnement éclaire la
mise en œuvre pratique des activités de la vie quotidienne. Il discute de ce que le cadre
matériel et la vie pratique dans les salles véhiculent auprès des enfants.

Cette recherche sur l’environnement physique des garderies privilégie une approche sous
l’angle du cadre de vie et tisse les liens avec le contexte social et culturel. Elle adopte une
optique qui reconnecte l’univers de la garderie avec sa propre complexité afin de se
rapprocher au plus près de la réalité vécue. En tentant de comprendre comment se structure
l’univers quotidien des enfants, elle vise à lui donner un sens. Sur le plan pratique, une
bonne connaissance du cadre de vie des enfants peut aider les instances officielles à prendre
des décisions ou à effectuer des réajustements qui répondent au mieux aux attentes sociales,
aux besoins du personnel et à ceux des enfants. Plus spécifiquement, en offrant une image
claire de la situation au Québec, cette thèse offre aux instances locales la possibilité de
cibler les facteurs ou les processus les plus pertinents. Par ailleurs, une bonne connaissance
des liens entre le cadre matériel et l’organisation de la vie quotidienne peut aussi soutenir
les éducatrices dans leur travail auprès des enfants.
5

La thèse se divise en cinq chapitres.

Le premier chapitre expose le cadre théorique sur lequel repose la thèse. Celui-ci est
construit à partir de trois paradigmes scientifiques : la psychologie développementale, la
psychologie environnementale (relations personnes-milieux) et les sciences de
l’architecture (étude du cadre bâti). La première partie du chapitre discute des approches
théoriques et des résultats de la recherche empirique. La seconde partie du chapitre propose
un modèle conceptuel des processus de structuration du cadre de vie des enfants. Ce
modèle sera utilisé et raffiné tout au long de la thèse

Le second chapitre présente le contexte de la recherche (les centres de la petite enfance au


Québec) ainsi que la démarche opératoire adoptée. Celle-ci conclut à la nécessité de trois
études empiriques avec des méthodologies adaptées à chacune et qui s’appuient sur des
croisements d’approches quantitatives et qualitatives.

Les chapitres 3, 4 et 5 présentent chacun une étude empirique. Le chapitre 32 examine le


parc immobilier des garderies au Québec, le chapitre 4 met l’accent sur l’organisation de la
vie quotidienne dans différents types de bâtiments et le chapitre 5 vise la vie dans les salles
de jeu. Chaque étude est présentée de façon distincte3 . Elles s’appuient sur le cadre
théorique de la thèse et le complètent des connaissances empiriques nécessaires au
traitement de la question spécifique à l’étude. Elles présentent aussi leurs propres
méthodes, leurs résultats, une discussion et une conclusion.

Enfin, une conclusion générale fait la synthèse des constats tirés de cette recherche et
tentera d’apporter un éclairage supplémentaire sur la question, ouvrant des pistes de
réflexions suggérées par les résultats de l’ensemble des trois études.

2
Pour besoins de publication dans une revue scientifique anglophone, ce chapitre est rédigé en anglais.
3
Ce choix découle du mode de rédaction de la thèse par articles. Les articles ont toutefois été modifiés pour
éviter les redondances, pour lier les chapitres avec le cadre théorique général de la thèse et pour permettre une
argumenttion suivie.
6

Références

Bronfenbrenner, Y. (1979). The ecology of human development : experiments by nature


and design. Cambridge: Harvard University Press.
Harms, T., Cryer, D., & Clifford, R. M. (1998a). Echelle d’évaluation; environnement des
nourissons et des tout petits (A. Pomerleau, N. Bigras, R. Séguin & G. Malcut,
Traduction). Québec: Presses de l’Université du Québec.
Harms, T., Cryer, D., & Clifford, R. M. (1998b). Echelle d’évaluation de l’environnement
préscolaire (M. Baillargeon & H. Larouche,Traduction). Québec: Presses de
l’Université du Québec.
Institut de la Statistique du Québec. (2003). Grandir en qualité. Enquête québécoise sur la
qualité des services de garde éducatifs. Québec, Canada: Institut de la Statistique du
Québec.
Valsiner, J. (1987). Culture and the development of the children’s action, a cultural-
historical theory of developmental psychology. New York: John Wiley & sons.
Chapitre 1

Développement et milieu physique


des établissements de garde :

Problématique et modèle intégratif

L’expérience de la garderie permet aux enfants de vivre en société dans un univers


spécialement conçu pour leur développement. Les activités, l’organisation spatiale, les
ressources matérielles, l’encadrement sont spécifiquement adaptés aux besoins des petits
entre 0 et 5 ans. À la fois lieu de développement pour les enfants et univers physique
supportant de multiples activités, la garderie est un espace de découverte sensorielle, un
support d’enseignement pour les éducatrices, un cadre de vie pour petits et grands. Lieu de
stimulation, d’apprentissage, de soutien, elle est aussi un lieu de socialisation et d’échange.
Elle est enfin un bâtiment réel et signifiant. La complexité de la situation laisse quelque peu
dans l’expectative. Comment comprendre le rôle de l’environnement physique dans la
structuration du cadre de vie des enfants en garderie ? Quels liens entretient-il avec la vie
quotidienne ? Comment intégrer le cadre de vie dans un contexte global de développement
qui tienne compte de l’échelle culturelle et sociale ? Dans ce chapitre, différentes approches
issues de la psychologie développementale, de la psychologie environnementale et des
sciences de l’architecture ouvrent des pistes pour comprendre le cadre de vie en garderie.
Chacune soulève à sa façon la question de la structuration de l’univers des enfants en
soulignant plus ou moins fortement le rôle joué par l’environnement physique et les
pratiques spatiales. Est-il possible de construire un modèle intégratif qui tienne compte de
tous ces points de vue ? Pas à pas, ce premier chapitre examine différentes théories et
connaissances empiriques pour évaluer leur potentiel à cet égard. Ces apports théoriques et
empiriques portent sur le contexte global de développement des enfants, sur les relations
entre enfants et environnement physique en garderie, sur l’environnement physique comme
8

cadre de vie et enfin sur l’architecture de la petite enfance en lien avec le contexte social.
La première étape de ce chapitre vise à comprendre ce que l’on entend par contexte global
de développement tout en exposant comment certains modèles sur le sujet permettent d’y
intégrer la question du milieu physique et des pratiques spatiales quotidiennes. Par la suite,
les approches spécifiquement axées sur le milieu physique sont examinées pour finalement
aboutir au premier objectif de cette thèse : la construction d’un modèle opérationnalisable
qui reflète la structuration du cadre de vie des enfants en garderie.

1.1 Le milieu physique et le développement dans un contexte


global

La première partie de ce chapitre discute des apports de la psychologie du développement,


notamment des modèles qui suggèrent que le cadre de vie des enfants fait partie d’un
contexte global de développement. Même s’ils ne sont pas spécifiquement axés sur
l’environnement physique, ces modèles soulèvent en filigrane un certain nombre de
facteurs importants à considérer si l’on veut comprendre l’environnement de l’enfant en
garderie au regard du milieu physique et de la vie quotidienne.

Jusqu'à assez récemment, les psychologues du développement et plus particulièrement ceux


qui s’intéressaient au développement de la pensée étudiaient principalement les processus
internes de la construction du savoir, renvoyant notamment aux théories de Piaget (Piaget
& Inhelder, 1947; Piaget & Inhelder, 1967). En ce qui concerne la notion d’espace, ce
courant de pensée se focalisait surtout sur le développement de l’intégration de couples de
repères comme le haut et le bas, la droite et la gauche, sur l’intégration du schéma corporel,
sur la reconnaissance des formes ainsi que sur les phénomènes de perception (e.g., Lurçat,
1979). La notion de contexte global de développement ainsi que ses liens possibles avec le
milieu physique dans lequel évolue l’enfant n’a fait son apparition que plus tard. Dépassant
la seule construction interne du savoir, Vygotsky (1935/1985) avait bien commencé à
considérer le développement de l’enfant dans un contexte global en approfondissant une
dimension sociale. Les travaux de Vygotsky écrits en russe sont restés longtemps
9

inaccessibles. Compte tenu de son décès précoce sous le régime stalinien, son travail n’a été
connu en Occident que tardivement, mais lors des deux dernières décades, sa psychologie,
qui intègre la notion de contexte de développement, est devenue très influente. Elle est à
l’origine de modèles récents qui seront abordés ultérieurement. Selon Vygotsky, il est
nécessaire de comprendre les antécédents historiques et culturels des enfants comme une
des bases du développement, chacun réagissant selon ce qu'il est mais aussi selon sa propre
histoire. Pour lui, les échanges humains sont fondamentaux, et c’est grâce à l’aide des
adultes et des pairs, aux encouragements et à l’héritage culturel transmis que les enfants
intègrent les règles de vie de la société à laquelle ils appartiennent. Les enfants ont un
potentiel de développement immédiat que Vygotsky nomme zone de développement
proximal4 (concept central de son travail). Cette zone définit des fonctions qui ne sont pas
encore mûres mais en voie de maturation. Elle représente la distance entre le niveau de
développement acquis et le niveau de développement potentiel que l’on peut évaluer, par
exemple, à travers les tâches que l’enfant réalise avec le support des adultes ou de pairs
plus avancés. C’est en connaissant le potentiel de développement d’un enfant qu’un adulte
ou un aîné peut orienter sa pédagogie. Selon Vygotsky, « un enseignement orienté vers un
stade déjà acquis est inefficace [...et] le seul bon enseignement est celui qui précède le
développement » (Vygotsky, 1935/1985, p.110). La notion de contexte de développement
fait son chemin. Elle reste ici encore ancrée dans le contexte social, mais la voie est ouverte
pour intégrer d’autres dimensions qui font partie de l’univers quotidien des enfants.

1.1.1 Comprendre le contexte de développement des enfants : un modèle


global
Continuant dans la même lignée que Vygotsky, et s’inspirant des travaux de Lewin (1951)5,
Bronfenbrenner (1979) a proposé une théorie et un modèle pour expliquer le

4
Traduction libre de Zone of Proximal Development (ZPD).
5
Lewin (1890-1947) a été au fondement de tout un courant de pensée qui a eu de forts retentissements en
psychologie sociale, mais aussi en psychologie du développement et en psychologie de l’environnement. Une
des principales contributions de Lewin est la théorie des champs de forces basée sur 1) les concepts de limites
et contraintes qui orientent les comportements, et sur 2) le rôle conjoint des caractères environnementaux et
individuels sur les comportements avec la célèbre formule B=f(PE) où B=behavior, P=person et
E=environment
10

développement cognitif des enfants dans leur contexte global. L’intérêt de ce modèle est
que le milieu fréquenté par les enfants devient, dans sa globalité, un élément structurant du
développement. Dès lors, et bien que Bronfenbrenner mette l’accent sur le milieu social
(e.g., les relations interpersonnelles), son modèle ouvre des pistes, tout au moins
conceptuelles, pour approcher la complexité des garderies au regard de leur dimension
physique. Ce modèle, qu’il est donc important de décrire, a eu un important retentissement
dans le domaine scientifique (environ 2400 citations dans la presse scientifique pour le livre
de 1979 depuis sa parution). Il a été utilisé pour des applications pédagogiques et pour
interpréter certains contextes de vie des enfants, notamment les milieux défavorisés ou la
maltraitance (Jacques & Baillargeon, 1997; Chamberland & Beaudry, 1989). Compte tenu
de l’orientation sociale du modèle, l’intégration du milieu physique et des pratiques
spatiales y reste au stade embryonnaire.

Bronfenbrenner adopte une position différente des approches classiques. Plutôt que de se
pencher sur des processus particuliers du développement cognitif (e.g., mémoire à court
terme, encodage, attention sélective), il préfère comprendre en quoi le contexte global joue
un rôle dans l'initiation de tous les processus de ce développement. Pour lui, le
développement cognitif ne se limite pas à un processus intellectuel isolé, il est une façon
d'intégrer conceptuellement le monde qui nous entoure, et ce, grâce aux multiples
expériences et interactions issues de sa fréquentation. Pour Bronfenbrenner, l’enfant évolue
dans un large système où s’expriment de nombreuses influences qui viennent toutes
orienter son développement. Ces influences proviennent aussi bien du milieu proximal que
des sphères éloignées liées aux contextes politique, social, culturel, ou historique qui
affectent ce milieu proximal. Le modèle de Bronfenbrenner (voir Figure 1) interprète le
contexte global de développement des enfants comme un ensemble de quatre systèmes
dynamiques, emboîtés et interdépendants, en perpétuelle interaction et se réajustant sans
cesse.

Ces quatre systèmes s’organisent en fonction de l’immédiateté de la relation entretenue


avec la personne en développement. Ce modèle offre un cadre conceptuel pour analyser
l’environnement des enfants.
11

« [it is] a conceptual framework for analyzing the developmental


environment as a system of nested, interdependant, dynamic structures
ranging from the proximal, consisting of immediate face-to-face settings, to
the most distal, comprising broader social contexts such as classes and
cultures.» (Bronfenbrenner, 1993, p.4).

Figure 1. Interprétation graphique du modèle écologique de Bronfenbrenner

Les quatre systèmes du modèle de Bronfenbrenner et leur application à la


compréhension des garderies

Les quatre systèmes du modèle de Bronfenbrenner structurent le contexte de


développement. Il est tout à fait possible d’y intégrer la problématique des garderies
comme le montrent les paragraphes qui suivent.
12

Le microsystème correspond à une relation immédiate dans un cadre défini et unique.

« A microsystem is a pattern of activities, roles, and interpersonal relations


experienced by the developing person in a given face-to-face setting with
particular physical, social, and symbolic features that invite, permit, or
inhibit, engagement in sustained, progressively more complex interaction
with, and activity in, the immediate environment » (Bronfenbrenner, 1993 ,
p.15)

Il permet une compréhension immédiate du milieu fréquenté par l’enfant au regard du


développement. Une garderie peut être considérée comme un microsystème. Elle est
fréquentée par les enfants qui peuvent interagir directement avec son environnement
physique et humain tout en suivant les règles qui y sont attachées. La façon d’aborder la
question du milieu physique dans les microsystèmes reste cependant en suspend dans le
modèle de Bronfenbrenner qui n’y fait que de brèves allusions. Cette question sera donc à
approfondir.

Le mésosystème est l’ensemble des microsystèmes fréquentés par l’enfant. Il n’est pas une
collection de microsystèmes isolés, mais il tient compte de leurs interrelations. Un manque
de cohérence entre les microsystèmes crée un mésosystème chaotique qui peut avoir des
effets négatifs sur le développement (Bronfenbrenner & Evans, 2000).

Par exemple, on peut considérer que la maison et la garderie, qui sont les deux principaux
milieux fréquentés par les jeunes enfants, forment un mésosystème. La bonne gestion des
liens entre la maison et la garderie est d’ailleurs un critère de qualité des services de garde
pour le bien être des enfants (e.g, Harms, Cryer & Clifford, 1998a, 1998b ; Bradbard,
Brown & Bischoff, 1992). Étudier en profondeur un mésosystème nécessite l’étude de tous
les microsystèmes différents fréquentés par un même enfant. Toutefois, l’étude d’un seul
des microsystèmes peut offrir des indications sur les efforts qui y sont faits, par exemple en
s’appuyant sur le milieu physique (e.g., proposer des espaces pour accueillir les parents) et
les pratiques spatiales (e.g, privilégier l’utilisation des espaces en petits groupes), pour
soutenir la cohérence du mésosystème.
13

L’exosystème n’a pas de relation immédiate avec les enfants, mais il a de fortes
répercussions sur les milieux qu’ils fréquentent. L’exosystème comprend les cadres de
décisions officielles et les médias qu’ils utilisent.

Dans le cas des écoles et garderies, les décisions politiques et institutionnelles, les
programmes éducatifs, les divers usages prescrits font partie de l’exosystème. On peut
penser qu’ils affectent la vie dans les microsystèmes à travers leurs effets sur le cadre
physique (e.g., superficies réglementaires des salles qui peuvent affecter le nombre de
personnes par pièce) et les pratiques spatiales (e.g., recommandations sur la façon de
procéder pour certaines activités, regroupements dans les locaux selon les ratios adultes-
enfants obligatoires). En étudiant le cadre de vie des enfants on peut repérer les zones
d’influences de l’exosystème et évaluer les implications pour le contexte de
développement.

Le macrosystème n’entretient pas non plus de relations immédiates avec les enfants, mais il
a des répercussions à long terme sur les milieux qu’ils fréquentent. Il comprend notamment
le contexte historique et socioculturel avec ses croyances, ses valeurs et ses idéologies, qui
affectent la vie dans le microsystème.

Dans le cas des écoles et garderies, on peut ainsi référer aux valeurs éducatives, à l’image
sociale liée à la garde d’enfant et à la garderie comme milieu de travail. Ces idéaux et
valeurs se répercutent souvent dans les lois, règlements et programmes de l’exosystème. Ils
peuvent aussi se relayer directement dans le microsystème par l’intermédiaire des individus
en charge des enfants. La façon dont le macrosystème affecte le milieu physique et les
pratiques spatiales reste encore à explorer mais on peut déjà ouvrir des pistes de réflexion.
Les aménagements des salles ou la répartition des groupes dans les bâtiments pourraient par
exemple renvoyer à une certaine façon de voir l’éducation des jeunes enfants.

Pour réintégrer la personne dans cet univers systémique, Bronfenbrenner a développé plus
récemment, un modèle bioécologique (Bronfenbrenner & Ceci 1994, Bronfenbrenner &
Morris 1998) sur les processus fins de développement, ou proximal process, au sein des
microsystèmes. Le concept de proximal process est compris comme l’ensemble des
14

processus initiateurs de l’évolution personnelle. Une définition concise de ce concept est


donnée dans un article ultérieur rédigé par Bronfenbrenner et Evans (2000):

« A proximal process involves a tranfer of energy between the developing


human being and the persons, objects, and symbols in the immediate
environment. The transfer may be in either direction or both; that is, from the
developing person to features of the environment, from features of the
environment to the developing person, or in both directions, separately or
simultaneously. » (p.118).

Ce modèle pointe vers l’importance de l’environnement physique, social et culturel dans


lequel a lieu le processus de développement ; il pointe aussi vers l’importance des activités
des enfants (qu’elles soient dirigées ou non) ainsi que vers l’importance de leur exposition6
à divers contextes (durée, fréquence, interruptions, opportunité du moment et intensité des
différentes expériences). Bronfenbrenner reconnaît la portée théorique de la dimension
physique des microsystèmes (Bronfenbrenner 1999). Il indique ainsi, en s’appuyant sur les
recherches écologiques de Wachs et Purdue (1979), que certaines caractéristiques du milieu
physique (bruit, jouets plus ou moins stimulants, densité d’occupation des locaux) peuvent
affecter le développement cognitif et intellectuel des très jeunes enfants7. Il note aussi que,
le milieu physique pourrait être utilisé pour compenser le coté impersonnel et normalisé des
institutions pour enfants.

« The developmental retarding effects of institutionnalization can be averted


or reverted by placing the child in an environment that includes the
following features : a physical setting that offers opportunities for
locomotion and contains objects that the child can utilize in spontaneous
activity […]. » (Bronfenbrenner, 1979 ; hypothèse 17, p 144)

Malgré une approche qui vise à comprendre globalement le contexte de développement de


l’enfant, Bronfenbrenner n’approfondit pas la question de l’environnement physique et
quand il en parle, son regard reste surtout ancré à l’échelle de l’interface enfant-
environnement proximal. Ce faisant, il s’éloigne un peu de ce qui fait la force de son

6
Exposition : traduction libre du concept d’exposure
7
Niveau de développement mesuré pour huit échelles du Infant Psychological Development Scale.
15

modèle, c’est-à-dire la vision globale des multiples influences issues des macrosystèmes et
exosystèmes affectant ce contexte proximal ainsi que la participation du milieu physique à
la cohérence des mésosystèmes. L’environnement physique est un peu considéré comme
une dimension isolée qui n’est pas mise en lien avec les autres systèmes du modèle ni avec
d’autres dimensions des microsystèmes. Par exemple, Bronfenbrenner et Ceci (1994)
reconnaissent l’importance de la dimension temporelle des microsystèmes dans le concept
d’exposition mais ne font pas le lien avec le cadre physique. Bronfenbrenner a en fait
surtout développé la notion de temps à travers le concept de chronosystème8
(Bronfenbrenner, 1986 ; 1995) mais celui-ci se situe à une échelle relativement large basée
sur le cycle de vie plutôt que sur les fluctuations de la vie quotidienne. Dans les garderies,
la notion de temps pourrait se lire, par exemple, dans l’organisation du déroulement des
journées. La régularité et la prédictibilité de l’emploi du temps et des lieux d’activité est
d’ailleurs recommandée pour favoriser le développement des jeunes enfants (e.g., Gareau &
Kennedy, 1991; Wachs, 1978). Pour autant, le modèle de Bronfenbrenner n’insiste pas sur
la gestion temporelle de l’espace au sein des microsystèmes. Cette question serait
intéressante à approfondir, le temps et l’espace étant souvent étroitement liés.

Le modèle de Bronfenbrenner offre la possibilité de comprendre un environnement dans sa


complexité. Il construit efficacement des liens entre l’univers proche des enfants et des
contextes extérieurs qui renvoient à l’échelle sociale, mais il reste toutefois limité quant à la
description des microsystèmes au regard de leur cadre physique et de la vie quotidienne
pratique. On pourrait donc utiliser ce modèle comme un modèle-cadre mais il serait
nécessaire de mieux cerner la façon d’aborder les microsystèmes. D’autres modèles
développementaux ouvrent des pistes à cet égard.

8
Le chronosystème intègre la notion de temps et de développement en dépassant l’habituel découpage en âge
ou stades.
[The chronosystem] «makes possible examining the influence on the person's development of
changes (and continuities) over time in the environments in which the person is living […]. The
simplest form of chronosystem focuses around a life transition. Two types of transition are usefully
distinguished: normative (school entry, puberty, entering the labor force, marriage, retirement) and
non normative (a death or severe illness in the family, divorce, moving, winning the sweepstakes).
Such transitions occur throughout the life span and often serve as a direct impetus for developmental
change.» (Bronfenbrenner, 1986, p.724)
16

1.1.2 Un contexte de développement régulé et enculturé


Le modèle développemental de Valsiner (1987) offre une possibilité intéressante pour
intégrer le milieu physique au contexte de développement. Selon Valsiner, l’enfant évolue
dans un environnement physique et social régulé, lui-même dépendant de la culture dans
laquelle il s’insère. Pour Valsiner, les choix esthétiques, l’organisation des ressources
physiques et spatiales ainsi que les règles de vie et les interdits qui s’y attachent se fondent
sur une culture et posent un cadre à la vie quotidienne des enfants. L’environnement
devient porteur d’un sens qui peut orienter l’enfant dans son évolution. Au delà des
apprentissages fondamentaux comme le langage ou la motricité, les enfants intègrent alors
une culture. À cet égard, les adultes jouent un rôle fondamental car « la mise en place
d’objectifs par ceux qui décident des relations entre l’enfant et son environnement est
assujettie aux antécédents culturels de [ces] individus.» (Valsiner, cité et traduit par
Thomas, 1994). Se référant à Lewin (tout comme Bronfenbrenner), Valsiner avance que
l’enfant évolue au quotidien dans un réseau de contraintes9 qui canalisent son
développement dans une direction socialement et culturellement acceptée. Ces contraintes
se divisent en contraintes environnementales (extérieures à l’enfant) et en contraintes
personnelles (physiologiques et psychologiques) qui sont propres à chacun. Les contraintes
environnementales qui nous intéressent comportent une dimension physique (e.g. matériel
éducatif, mobilier, bâtiments) et une dimension psychologique10 (e.g., règlements, interdits,
usages). Elles ne sont pas statiques mais fluctuantes et souvent directement établies par les
adultes en charge des enfants, par exemple selon certains objectifs éducatifs et selon les
valeurs sociales en vigueur. La théorie de Valsiner est intéressante pour la question qui
nous occupe car elle permet de faire des liens entre l’environnement proche des enfants
(notamment l’environnement physique et les règles qui lui sont associées) et le contexte
socioculturel, ce qui n’est pas sans rappeler le lien entre microsystème et macrosystème du
modèle de Bronfenbrenner (1979). Valsiner a, lui aussi, développé un modèle (voir Figure
2) qui prend ses racines chez Lewin et Vygotsky.

9
Les contraintes sont prises au sens lewinien du terme. Elles ne sont pas forcément négatives, mais
représentent un ensemble de limites qui canalisent les comportements dans une direction donnée.
10
Le terme est celui employé par Valsiner. Même si les règles et interdits peuvent avoir un fondement social,
Valsiner fait ici référence au phénomène d’intégration mentale de la règle par l’enfant.
17

Figure 2. Interprétation graphique du modèle de Valsiner.


18

Ce modèle permet de caractériser l’environnement de l’enfant (et donc un microsystème)


par ses aspects physiques (e.g., lieux, ressources matérielles), les règles et significations
qu’il supporte (e.g., interdits, usages, images), les actions et encouragements des adultes
qui connaissent les possibilités de l’enfant.

Selon Valsiner, chaque contexte différent vécu par l’enfant (e.g., un repas, un cours en
classe) comprend trois zones11 en interaction.

La première zone, ou zone de mouvements libres12, représente en quelque sorte le cadre


général de l’action de l’enfant. Elle correspond à l’ensemble des contraintes13
environnementales physiques et psychologiques vécues par l’enfant dans un contexte donné
(e.g., le repas). Dans cette zone, l’enfant est libre d’agir dans son environnement (e.g., il
peut aller où bon lui semble et faire ce qu’il veut). Il doit néanmoins respecter certaines
limites physiques (e.g., ne pas sortir de la salle), certaines règles (e.g., ne pas ouvrir les
placards), et certaines façons de se comporter (e.g., ne pas agresser les autres). Nombre de
contraintes finissent par être intégrées par l’enfant et il devient alors inutile, pour les
adultes, de les répéter. Elles restent néanmoins présentes et maintiennent toujours l’enfant
dans une zone régulée et signifiante. La zone de mouvements libres ne signifie pas que tout
est permis, mais elle pose un cadre à la marge de liberté laissée aux enfants. Il faut
comprendre que ce cadre n’est pas le même lors du repas, de la sieste ou lors du jeu libre.

La deuxième zone, ou zone d’actions encouragées14, représente l’ensemble des actions


encouragées ou exigées par les éducateurs au sein de la zone de mouvements libres. La
zone d’actions encouragées peut être plus ou moins directive. Les adultes peuvent utiliser
des consignes ou incitations verbales, ils peuvent aussi s’appuyer sur du matériel éducatif
(e.g., couverts plastiques ergonomiques lors des repas pour encourager à manger seul) ou

11
Le terme de zone peut porter à confusion et renvoyer à tort à une idée de zone exclusivement circonscrite
dans un espace physique. Même s’il est possible, comme nous le verrons ultérieurement, de spatialiser les
deux premières de ces zones, Valsiner les comprend plutôt comme des champs conceptuels du contexte de
développement. Malgré cette confusion possible, la terminologie de l’auteur a été conservée.
12
Traduction libre de Zone of Free Movement (ZFM).
13
Rappelons que les contraintes sont prises au sens lewinien du terme.
14
Traduction libre de Zone of Promoted Action (ZPA).
19

sur des aménagements incitatifs. Dans cette zone, le cadre matériel peut être utilisé comme
outil pédagogique.

La zone de mouvements libres et la zone d’actions encouragées sont partiellement


superposées. La zone de mouvements libres peut être plus vaste que la zone des actions
encouragées, auquel cas l’enfant aura le choix ou non d’agir selon les attentes de
l’entourage car il aura une certaine marge de liberté. À l’extrême, s’il n’y a aucune attente
dans une vaste zone de mouvements libres, on aura affaire à une éducation permissive et
même laxiste. Ce pourrait aussi être le cas d’une activité libre sans surveillance.
Inversement, une zone de mouvements libres peut se rétrécir sous le poids des attentes de
l’adulte, ce qui laissera moins de marge de manœuvre à l’enfant. Dans une situation
extrême, il pourrait s’agir d’un univers militarisé et très dirigé. Plus simplement, il pourrait
aussi s’agir d’une activité très encadrée. Les interactions entre ces deux zones peuvent
varier selon le contexte, une activité de jeu libre et un repas en groupe ne présentent pas le
même profil.

La troisième zone, ou zone de développement proximal, est directement inspirée du


concept de Vygotsky. Elle renvoie au potentiel de développement qui est prêt à s’exprimer
chez l’enfant. Cette zone se reflète, par exemple, dans l’ensemble des actions que l’enfant
ne peut accomplir qu’avec l’aide d’une tierce personne, pair ou adulte. C’est en connaissant
cette zone que les adultes peuvent évaluer correctement les compétences de l’enfant et
mettre en place les deux autres zones (zone de mouvements libres et zone d’actions
encouragées).

Même si Valsiner ne met pas expressément l’accent sur la dimension physique du milieu,
privilégiant plutôt l’aspect social, on peut très bien faire porter l’éclairage sur l’aspect
physique. Son modèle peut alors s’avérer utile à l’étude de la vie en garderie en montrant
comment les adultes se servent du cadre bâti et des ressources matérielles pour fixer des
limites, indiquer des règles et encourager certaines actions au sein des microsystèmes. Si la
zone de développement proximal n’est pas directement transposable dans l’environnement
physique ou dans les pratiques spatiales, les deux autres zones le sont et l’on peut en effet
aisément lier les zones de mouvements libres et les zones d’actions encouragées à une
20

dimension physique (e.g., les limites physiques d’une salle, le matériel éducatif destiné à
promouvoir certaines actions). Cette approche ouvre donc une piste pour décrire de façon
opérationnelle une succession de contextes (e.g., le repas, le jeu libre) vécus au quotidien
par les enfants dans les microsystèmes.

D’autre part, pour chacun de ces contextes, il existe nombre de phénomènes observables,
tant au niveau du cadre matériel, des pratiques spatiales, des règles posées par les adultes et
des façons de faire encouragées, que l’on peut intégrer à un contexte global de
développement en considérant leurs liens avec le contexte socioculturel. Par exemple, lors
du repas chez le jeune enfant occidental, Valsiner a pu observer que les zones de
mouvements libres se réduisent souvent à des chaises hautes utilisées pour poser des limites
physiques. En réduisant la zone de mouvements libres, il note que l’on met l’accent sur
l’aspect éducatif : apprendre à manger est une compétence encouragée par de la vaisselle
colorée, parfois ludique, spécifiquement destinée aux petits. L’enfant apprend une certaine
façon de se tenir à table qui fait partie de sa culture.

Le modèle de Valsiner a ouvert la porte à l’intégration de concepts issus de la psychologie


environnementale qui mettent spécifiquement l’accent sur la dimension physique du milieu.
Ainsi, conjuguant le modèle de Valsiner au concept d’affordance de Gibson (1979, un
psychologue de l’environnement dont le concept-clé est décrit à la section 1.2.3), Reed
(1993) a proposé un cadre conceptuel pour comprendre les bases du développement
cognitif des enfants en rapport avec leur environnement physique. Il allègue que
l’environnement a un sens que les enfants intègrent peu à peu par le biais des mécanismes
de la perception. Il soutient que chaque objet, chaque aménagement, chaque lieu est perçu
par l’enfant dans sa dimension fonctionnelle (ce qu’il peut faire dans un lieu ou avec un
objet) et sociale (qui peut faire quoi, avec quoi et dans quelle limite). Pour Reed comme
pour Valsiner, l’environnement véhicule une dimension culturelle (tel environnement ou
objet s’utilise de telle façon selon telle culture).

Reed et surtout Valsiner mettent l’accent sur le côté régulé et enculturé de l’environnement.
Le côté régulé comprend toutes les limites et les autorisations, parfois même les
suggestions et les encouragements, qui sont véhiculés par le milieu physique. Vu sous cet
21

angle, celui-ci acquiert une dimension qui dépasse celle de la simple présence matérielle et
qui renvoie en quelque sorte au rôle du cadre physique comme support pour des normes
sociales, des valeurs éducatives et des façons de faire issues d’une culture donnée. Ce
faisant, l’environnement devient signifiant. En approchant le milieu physique sous l’angle
du sens qu’il véhicule et que les enfants intègrent et en abordant la question de la
régulation, les visions de Reed et de Valsiner permettent d’approfondir la façon de
concevoir l’univers des microsystèmes. Cependant, pour Reed, l’accent est mis plutôt sur
les processus de perception-expérimentation-intégration en lien avec le contexte que sur le
contexte lui-même. Pour Valsiner aussi, la vision est surtout axée sur le milieu vécu
individuellement. Ces visions offrent un intérêt indéniable pour étudier l’environnement à
une échelle fine, proche de l’enfant (comme, par exemple, les aménagements d’une salle de
jeu et les objets utilisés). Toutefois, à cause de cette échelle centrée sur l’environnement
immédiat de l’enfant, elles ne comportent pas tous les outils pour comprendre le cadre de
vie dans le microsystème-garderie.

1.1.3 En somme
Bien que les modèles développementaux de Bronfenbrenner (1979) et Valsiner (1987) ne
s’appliquent pas spécifiquement au milieu physique ni aux garderies, ils ouvrent des pistes
intéressantes pour leur étude. Le premier offre une vision générale du contexte de
développement, le second une ouverture pour y intégrer le milieu physique. Outre la
dimension sociale sur laquelle tous deux se fondent, ils mentionnent aussi l’importance tout
au moins théorique d’autres dimensions qui peuvent participer à la structuration du
contexte de développement des enfants : la dimension physique, la dimension temporelle
(Bronfenbrenner & Ceci, 1994) et la dimension des régulations liées au cadre matériel
(Valsiner, 1987 ; Reed,1993). Ces dimensions sont sans doute très présentes en garderie.
Ces deux modèles pointent aussi vers l’importance des influences du contexte socioculturel
sur l’environnement immédiat de l’enfant. Ils demeurent cependant assez silencieux sur
l’articulation entre le milieu physique, les pratiques spatiales et la structuration du quotidien
des enfants. Il est donc important de bien cerner ces articulations en examinant d’autres
22

points de vue issus de disciplines spécialisées dans le milieu physique comme la


psychologie de l’environnement ou les sciences de l’architecture.

1.2 L’interface enfant-environnement physique en garderie

De nombreux travaux issus de la psychologie de l’environnement ont apporté des


éclairages variés sur le cadre de vie des milieux éducatifs15. L’approche la plus répandue
s’intéresse à l’interface entre les enfants et leur environnement physique. Le plus souvent,
le milieu physique est vu sous l’angle de sa dimension éducative, c’est-à-dire comme un
facilitateur des efforts des enfants ou comme un incitateur que les adultes peuvent utiliser
dans le cadre de leurs interventions pédagogiques. C’est une avenue que les psychologues
de l’environnement ont exploitée jusque vers le milieu des années 80, moment où un autre
type de compréhension plus sociale du milieu physique a été développé (voir section 1.2.2).

L’interface entre les enfants et leur milieu physique couvre plusieurs thèmes qui sont
développés dans les sections suivantes. Le premier s’inscrit dans une lignée behavioriste et
se penche sur l’étude des effets stimulants de certaines caractéristiques de l’environnement
physique sur les enfants. Le second adopte sur une vision plus écologique et considère les
effets combinés de multiples variables environnementales sur les interactions entre les
enfants et sur leurs façons de se comporter. Enfin, le dernier thème est plus orienté sur la
perception de l’environnement à travers ses caractéristiques fonctionnelles.

1.2.1 L’étude des effets stimulants du milieu physique


Les plus anciennes approches aux relations enfants-environnement considéraient l’espace
scolaire comme un «cadre matériel stimulant exerçant une influence sur les usagers»
(Derouet-Besson, 1998). Ces influences étaient en général étudiées en isolant des variables
qui étaient mises en relation avec les comportements ou les performances des enfants.

15
La plupart des études sur les relations enfants-environnement éducatif concernent plutôt le milieu scolaire
que le milieu préscolaire pour lequel la quantité de travaux est bien moindre.
23

Par exemple, dans les aires de jeu ou les classes, on a montré que des facteurs comme la
lumière, la couleur, la hauteur du plafond ou le bruit agissent sur les possibilités
d’apprentissage des enfants. La quantité de lumière naturelle est ainsi liée aux bonnes
performances en lecture et en mathématique (performances mesurées chez plus de 21 000
élèves dans plus de 2 000 classes selon des tests standardisés ; Heschong Mahone Group,
1999). La couleur des murs et la hauteur du plafond peuvent déterminer des espaces sur-
stimulants, sous-stimulants ou équilibrés, ces derniers étant liés à de meilleurs
comportements coopératifs lors de périodes de jeu (effets de la transformation du milieu
physique selon des mesures comportementales de l’Oregon Preschool Test of
Interpersonnal Cooperation ; Read, Sugawara, & Brandt, 1999). Le bruit a été une des
variables environnementales les plus étudiées et l’on peut maintenant affirmer que les
environnements bruyants nuisent aux performances scolaires (Bronzaft & McCarthy,
1975). Il apparaît que c’est l’effet de bruits chroniques sur la concentration qui affecte les
performances (Cohen, Krantz, Evans & Stokols, 1980). Pour la lecture, l’écriture et le
langage, c’est la faible capacité de discrimination auditive des enfants due au bruit ambiant
qui affecte les possibilités d'imitation verbale (Moch-Sinoby, 1981; Wachs & Gruen, 1982).
Les niveaux sonores élevés affectent aussi les performances dans une tâche de recherche
visuelle tout comme une forte densité de population (Heft, 1979).

Malgré les apports de ces travaux, le découpage de l’univers physique des milieux éducatifs
en une collection de variables fragmentées ne représente pas bien la réalité vécue par
l’enfant. La distinction entre stimulation de fond (background, e.g., bruit de fond) et
stimulation focale (e.g., bruit ponctuel et reconnaissable ; Heft, 1979) a ouvert une voie
pour décrire - quoique très simplement encore - l’environnement dans sa complexité. En se
basant sur des travaux plus récents, la notion de bruit acquiert, par exemple, une subtilité
qu’elle n’avait pas auparavant. On peut affirmer aujourd’hui que certains problèmes
d'apprentissage de la lecture sont dus à des bruits chroniques qui perturbent la perception
que les enfants ont du langage (Evans & Maxwell, 1997). Plus généralement, les plus
récentes recherches sur le bruit tendent à le considérer comme un facteur susceptible
d'altérer les conditions nécessaires au bon développement des compétences des enfants et
non plus comme un facteur de stimulation négative (Maxwell & Evans, 2000).
24

Le courant de recherche qui se préoccupait surtout du milieu physique en tant que stimulant
positif ou négatif s’est peu à peu essoufflé, tout au moins en ce qui concerne les
environnements éducatifs : le gros de la recherche s’oriente aujourd’hui sur les effets des
variables environnementales sur la santé des enfants. Il a pourtant laissé derrière lui une
sorte de banque de données répertoriant les multiples relations de cause à effet entre
variables environnementales discrètes et comportements ou performances des enfants. On
peut dire qu’il y a eu des retombées intéressantes sur le plan architectural comme, par
exemple, les interventions visant à diminuer le bruit dans les locaux. Malgré les méthodes
quasi expérimentales qui ont l’avantage d’observer l’environnement naturel des enfants
(e.g., la classe), et malgré les nuances qui ont été apportées au fil du temps, ce type
d’approche ne permet pas d’appréhender la complexité d’un milieu de vie tel que celui de
l’école ou de la garderie.

1.2.2 Les multiples effets du milieu physique en garderie


Les approches écologiques, comme celle de Vayer (Vayer & April, 1997; Vayer, Duval &
Roncin, 1991) pour le milieu scolaire ou celle de Smith et Connolly (1980) pour les
garderies sont venues compléter les études de variables discrètes. Elles considèrent les
multiples influences qui orientent les relations entre individu et milieu physique. Le milieu
physique ne se réduit plus à une seule de ses caractéristiques, mais comporte de multiples
facteurs qui peuvent conjointement affecter les comportements des enfants. Souvent une
dimension sociale est intégrée.

C’est la recherche sur l’écologie du comportement préscolaire de Smith et Connolly (1980)


qui a sans doute le mieux posé les premiers jalons pour appréhender la dimension
écologique de l’architecture des milieux de garde. Smith et Connolly ont cherché à
démontrer que les comportements supportant divers aspects du développement sont
fonction à la fois de facteurs physiques (e.g., superficie, quantité et qualité des ressources),
de facteurs reliés à la taille des groupes d’enfants, au ratio adultes/enfants et au type
d’activités (libres ou dirigées).
25

À partir d’une taxonomie de 114 comportements types16, ils ont établi les multiples
influences entre tous ces facteurs mettant en lumière le rôle de l’environnement physique
en tant que support potentiel du développement. Par exemple, certains comportements
moteurs sont plus présents lorsque la surface est importante et, dans les grands espaces, les
enfants courent ou chahutent plus volontiers. Dans les petits espaces, ils utilisent plutôt les
équipements de psychomotricité pour grimper et glisser. Ces petits espaces supportent aussi
plus de contacts physiques entre les enfants sans accentuer de façon marquante les
comportements agressifs, sauf si la superficie libre est très restreinte (2,3m2 par enfant est
une superficie critique). La quantité d’équipements n’a pas une grande influence sur un
groupe déjà formé et, lorsque cette quantité diminue raisonnablement, les enfants se
retournent vers des jouets moins populaires sans pour autant qu’il y ait de changement dans
leurs interactions. En fait, la variation du nombre d’enfants dans un groupe (e.g., nouveaux
venus) semble avoir plus d’importance sur les comportements agressifs qu’une variation
(limitée) des ressources sur un groupe invariant. La diminution de la quantité de jouets ou
la modification de leur qualité entraîne des changements dans le type d’activité des enfants,
qui peuvent par exemple passer d’une activité de manipulation à une activité motrice. Ces
exemples montrent comment l’environnement bâti (e.g., superficie d’une salle) peut
affecter les zones de mouvements libres des enfants décrites par Valsiner (1987). Ils
montrent aussi que les ressources matérielles, choisies ou non par les adultes, peuvent
encourager l’expression du potentiel de développement des enfants en orientant leur
motivation.

Cela dit, le rôle de l’environnement physique peut se révéler encore plus complexe en
agissant indirectement : en influençant un type de comportement, il peut en influencer
d’autres. Ainsi, en cherchant à réduire les comportements compétitifs chez les enfants en
leur proposant plus de jouets, on peut entraîner une réduction des activités motrices et une
réduction de la taille des sous-groupes.

16
Outre les catégories qui rendent compte du nombre et de la nature des compagnons, du choix de l’activité
ou du jouet, les types comportementaux sont regroupés en : activités faciales, vocales ou visuelles ; activités
de contact physique avec les autres ; postures ; activités locomotrices ; mode d’utilisation des objets ; activités
agonistiques ; et en activités de manipulation.
26

Les travaux de Smith et Connolly dans ce domaine sont d’une ampleur encore inégalée. Ils
ont produit d’autres résultats notamment au niveau du ratio adultes/enfants mais ceux-ci ne
sont pas directement concernés par l’environnement physique. La voie ouverte par Smith et
Connolly est encore suivie par quelques chercheurs qui étudient les aires de jeux en
garderie. L’aménagement des aires de jeu en coins d’activités (e.g., coin lecture avec livres,
coin blocs avec cubes et figurines, coin arts avec papier, crayons et peinture, coin imitation
avec déguisements, dînettes et poupées) a fait l’objet d’une attention soutenue. Ainsi, il est
maintenant admis que l’organisation des salles en coins d’activités est adaptée pour
soutenir les comportements de découverte et les relations sociales entre pairs, tout au moins
dans nos cultures occidentales (Campos-de-Carvalho & Mingorance, 1996; Campos-de-
Carvalho & Rossetti-Ferreira, 1993 ; Casey & Lippman, 1991; Gareau & Kennedy, 1991).
Dans ces coins d’activités, les enfants peuvent jouer, manipuler, échanger, mais aussi se
reposer ou s’isoler. La performance de ce type d’aménagement est très reliée au climat
social de l’aire de jeu et aux multiples interactions entre tous les usagers, enfants ou
adultes. Ainsi, on a pu constater que ce type d’aménagement supporte mieux les
interactions sociales ou les comportements coopératifs (Legendre, 1987). Les coins choisis
dépendent beaucoup de l’accès visuel à l’adulte et des relations existantes entre les enfants
qui se regroupent par affinité (Legendre, 1997). Enfin, la quantité excessive de ressources
dans un lieu, en conséquence encombré et où l’adulte a une forte présence, semble entraîner
une diminution des relations interpersonnelles au profit d’activités solitaires (Legendre,
2003), ce qui semble confirmer les résultats de Smith et Connolly.

Les travaux qui ont examiné les aires de jeu dans les garderies combinent plusieurs
variables, ce qui tend à les rapprocher de la réalité vécue. Bien souvent, ils s’appuient sur
des données collectées au moyen de vidéos. Comparé aux travaux qui examinent les effets
de variables discrètes, les méthodes utilisées s’appuient moins sur des résultats de tests de
performance : elles sont plus complexes et se basent plutôt sur des taxonomies ou
cartographies comportementales avec relevés à intervalles réguliers. Cela est peu
surprenant surtout en milieu préscolaire où les chercheurs visent à repérer l’émergence de
comportements liés à diverses facettes du développement. Sur le plan pratique, de telles
études peuvent aider à des prises de décision comme l’ajustement des superficies par
27

rapport au nombre d’enfants dans les salles. Elles peuvent aussi aider à confirmer (ou non)
les effets de certains choix d’aménagement et de matériel sur l’émergence de
comportements souhaités (e.g., engagement dans les activités de découverte). Ce type
d’approche facilite une bonne compréhension des interactions complexes entre les enfants
et leur environnement immédiat. Notons qu’une telle façon de voir le milieu physique
ajoute une dimension fonctionnelle à la dimension stimulante du milieu physique : c’est ce
que l’environnement permet de faire qui affecte les comportements.

1.2.3 L’affordance et le potentiel fonctionnel de l’environnement


Sur le plan théorique, une telle vision fonctionnaliste peut se rapprocher de celle de Gibson
(1979) qui, bien que déjà ancienne, offre un potentiel non négligeable pour comprendre les
liens entre milieu physique et développement (Reed, 1993). À l’origine, Gibson abordait
l’environnement par le biais de l’éthologie : l’individu est un être biologique qui cherche
les endroits les plus adaptés selon ses besoins. Cette approche a donné naissance, dans un
premier temps, au concept de niche écologique auquel succède très vite le
concept d’affordance, lié à la perception visuelle de l’univers qui nous entoure. Pour
Gibson, l’affordance est une information environnementale qui nous renseigne sur la façon
dont nous pouvons agir dans l’environnement. Il s’agit d’un concept relié à la perception
directe, presque inconsciente, du milieu de vie. Un environnement peut par exemple
afforder (suggérer et permettre) le repos car il apparaît calme, confortable et sécuritaire. Ce
concept a été développé au-delà d’affordances de niveau primaire, pour traiter de niveaux
plus complexes comme les affordances culturelles qui tiennent compte du fait que la
signification de l’environnement peut changer en fonction de la culture. Le concept
d’affordance permet une description fonctionnelle de l’environnement où «les objets
prennent une valeur spécifique en fonction des conduites qu'ils suscitent» (Klaue,1991).
Théoriquement, selon Heft (1988), l’affordance offre une vision signifiante de
l'environnement des enfants qui met l'accent sur la fonction plutôt que sur la forme. Elle
permet de mieux conceptualiser un environnement écologique. Par exemple, Heft propose
une taxonomie d’affordances des aires de jeu extérieures où chaque élément est considéré
selon la possibilité d’interaction qu'il offre aux enfants (e.g., certains aménagements
28

peuvent être grimpables - un arbre ; asseyables – un banc). Pour chaque enfant, les actions
suggérées par l’environnement peuvent alors être sources d’opportunités
développementales variées.

Comprendre l’environnement physique en fonction des actions qu’il autorise ouvre donc
une piste intéressante pour examiner la réalité de la vie en garderie. Cependant, une telle
approche reste assez descriptive et se bute peut-être à l’écueil des taxonomies infinies
tendant à décrire le potentiel des multiples composantes des environnements. Notons
toutefois une étude récente de Kytta (2004) qui s’appuie sur le modèle de Reed (1993) et
qui tend à contourner le problème en synthétisant les affordances d’environnements urbains
complexes en regard du degré de mobilité offert aux enfants. L’environnement est qualifié
par une affordance principale en regard de la question étudiée et non pas par une somme
d’affordances propre à chacune de ses composantes. Cette étude ouvre une piste pour
comprendre globalement le potentiel d’un environnement au regard de certains besoins des
enfants mais ne concerne toutefois pas les garderies.

À des fins pratiques, la vision fonctionnelle de l’environnement est souvent reprise dans les
ouvrages de recommandations pour les aménagements extérieurs (e.g., Moore, Goltsman &
Iacofano, 1992; Ministère de la Famille et de l'Enfance, 2003) ou intérieurs des garderies
(e.g., Moore & Lackney, 1994; Moore, Lane, Hill, Cohen & McGinty, 1994 ; Ministère de
la Famille et de l’Enfance, 1998). On y trouve des listes d’aménagements suggérés en
fonction des actions qu’ils autorisent et des axes développementaux qu’ils sont sensés
soutenir. Citons par exemple le soutien au développement du langage, de l’écriture et de la
lecture par l’aménagement de coins lecture pourvus de livre variés, le soutien de la
représentation créative par l’aménagement de coins pourvus de matériel d’imitation, le
soutien au développement intellectuel par les dispositifs qui facilitent naturellement la
classification (e.g., pictogrammes sur les étagères ) ou la reconnaissance des espaces (e.g.,
délimitations claires, coloris ou formes différenciées), enfin le soutien au développement
moteur par l’aménagement de salles suffisamment spacieuses et facilitant le mouvement.
29

1.2.4 En somme
Les travaux qui ont regardé l’aspect éducatif de l’environnement ont mis l’accent sur
l’influence de variables discrètes sur les comportements et les performances. Visant à se
rapprocher de la réalité, ils ont aussi envisagé les interactions entre de nombreuses
variables. Grâce aux affordances, il a été possible de qualifier l’environnement au regard de
son potentiel à soutenir des actions et des activités pour de possibles applications liées au
développement. Le tout offre un portrait intéressant de l’aspect physique des
microsystèmes. Notons cependant que cette approche ne vise que le potentiel absolu d’un
environnement (les actions qu’il suscite si tout est permis) mais qu’elle ne tient pas
vraiment compte de l’aspect régulé qui, selon Valsiner (1987) et Reed (1993), pourrait
considérablement affecter ce potentiel. D’autre part, les travaux qui ont étudié
l’environnement sous son aspect éducatif examinent l’interface entre l’individu et son
milieu, éludant l’aspect collectif de la vie en garderie et le rôle du milieu physique à cet
égard. Ces travaux sont souvent limités à un seul lieu (e.g., une salle dont on modifie par
exemple les aménagements) et à une durée relativement limitée (en général pendant les
périodes de jeu libre, ce qui permet de contrôler le rôle des adultes). Ce type d’approche
permet d’étudier les phénomènes en profondeur, mais limite la représentation de la réalité
quotidienne en garderie.

1.3 L’environnement physique : un cadre de vie

Considérer le milieu physique comme cadre de vie permet de s’affranchir de cette vision
limitée aux interactions directes entre l’enfant et son milieu physique. C’est élargir le
regard à l’échelle d’un milieu. Approcher la question de l’environnement physique comme
cadre de vie n’est toutefois pas si simple qu’il y paraît. En effet, un peu comme le milieu
physique, la vie quotidienne est tenue pour acquise et on se questionne peu sur ce qui
semble aller de soi, sur les raisons et les implications des pratiques courantes de la journée
qui constituent pourtant une large part de l’univers des enfants.
30

Quelques approches théoriques (e.g., Barker, 1968 ; Moos, 1976) se sont intéressées à la
complexité de l’environnement en tant que cadre de vie. Ces approches déjà anciennes
remontent aux fondements de la psychologie de l’environnement, l’objectif étant à l’époque
de se détacher des limites des expériences behavioristes en laboratoire pour explorer la vie
réelle dans son milieu naturel (Wicker, 2002). Elles ne visent pas particulièrement la
problématique des environnements pour enfants et n’intègrent pas de considérations en lien
avec le développement mais peuvent s’avérer très utiles pour appréhender la façon de
comprendre et décrire les microsystèmes.

L’approche socio-écologique de Moos (1976) considère le milieu physique comme


indissociable des pratiques qu’il supporte, le tout formant un système en perpétuelle
adaptation, adaptation qui s’établit entre les individus, la société et l’environnement
physique. Son modèle inclut la notion globale de climat social. L’intérêt d’une telle
approche vient de ce qu’elle met l’accent sur l’adaptation des individus à leur
environnement, ce qui, comme nous le verrons, peut être un processus important dans la
structuration de l’univers quotidien des enfants. Toutefois, une telle approche reste très
large et trop théorique pour permettre une description efficace de l’environnement en tant
que cadre de vie. L’approche la plus importante à cet égard est sans doute celle de Barker
(1968).

1.3.1 Concevoir et décrire la réalité du cadre de vie


Barker (1968), un des fondateurs de la psychologie environnementale17, a une vision
intéressante de la question car elle permet de conceptualiser, et même de décrire, le milieu
de vie des enfants en garderie de façon plus proche de la réalité quotidienne. Barker a
étudié de nombreux types de milieux comme les institutions, les boutiques, les entreprises,
mais aussi les écoles plus proches de l’objet de cette thèse. Il cherche à décrire la réalité
avec une perspective écologique, la laissant intacte et en étant donc le moins intrusif
possible dans ses observations. Son approche, comme celle de Moos, conjugue étroitement

17
Barker était un élève de Lewin. Notons que Lewin est en quelque sorte le dénominateur commun des
théories tant développementales qu’environnementales abordées dans cette thèse.
31

le milieu physique et les pratiques qu’il supporte. C’est une position qui est le
dénominateur commun de ceux qui voient l’environnement comme cadre de vie. Mais,
alors que Moos met plutôt l’accent sur les individus, Barker se concentre sur les groupes
sociaux. Ce changement dans l’unité d’analyse permet d’avoir une vision élargie de la vie
quotidienne dans son cadre physique. Il note que la réalité peut être découpée en unités
environnementales supportant des comportements de groupes cohérents (pris
individuellement, les comportements peuvent différer) qui s’appuient sur un cadre matériel
arrangé en conséquence (on dit alors que le milieu est synomorphique18 au comportement
du groupe). Pour désigner ces unités socio-environnementales, Barker propose le concept
de behavior setting (ou cadre comportemental). Ce concept phare de la psychologie
environnementale fait encore référence aujourd’hui. Un behavior setting se caractérise par
les comportements de groupes qu’il supporte (e.g., les comportements liés au repas) dans
un lieu (e.g., la salle de jeu et ses caractéristiques physiques) et un temps donné (e.g., de
midi à midi trente).

Le behavior setting a plusieurs propriétés :

• Il s’inscrit dans un lieu géographique, c’est-à-dire qu’il comprend des frontières


physiques qui circonscrivent le comportement du groupe.

• Il se construit autour d’un ensemble d’actions cohérentes, orientées vers un objectif


commun. Les comportements individuels ont peu d’importance et les individus
peuvent changer sans pour autant affecter le comportement du groupe.

• Il s’appuie sur un système de pressions plus ou moins fortes qui visent à faire entrer
les individus dans l’action du groupe ainsi qu’à les faire participer à cette action.
Les pressions dépendent de la structure sociale des participants et du pouvoir qu’un
ou plusieurs d’entre eux peuvent exercer sur les autres. Barker nomme cette
propriété la dimension de pénétration. Par exemple, dans un behavior setting

18
Synomorphique signifie morphologiquement (morpho) similaire (syno). La forme et les aménagements du
milieu physique sont adaptés au comportement du groupe. Par exemple, les rangées de chaises dans une église
et l’autel central sont adaptés au comportement d’un groupe social lors d’une messe.
32

«classe», un enseignant a plus de pouvoir qu’un élève pour maintenir la cohérence


du behavior setting et la dimension de pénétration est plus forte que dans un
behavior setting «café» où les participants décident d’eux-mêmes de rester ou non.
Dans le cas des environnements pour jeunes enfants, cette propriété des behavior
settings est évidente car les adultes sont clairement en position d’autorité. Cette
propriété conduit naturellement à voir comment les adultes maintiennent la
cohérence du behavior setting. Ce faisant, on se rapproche du rôle important de la
régulation du milieu décrite par Valsiner (1987).

• Il s’inscrit dans une dimension temporelle. Il a une durée, des limites qui en
marquent le début et la fin ainsi qu’un rythme d’occurrence (il apparaît de façon
plus ou moins régulière par exemple au cours d’une journée ou d’une semaine).
Relevons, à cet égard, que Barker est un des seuls chercheurs dans le domaine des
rapports personnes-milieux a avoir conceptualisé la notion d’espace-temps. Stokols
(1987) a ultérieurement rappelé l’importance des notions de temps et d’espace dans
un milieu de vie, mais en les traitant comme des entités séparées, le temps d’un côté
et l’espace de l’autre. Wicker (2002) a récemment mentionné qu’un même
environnement physique ne supportait pas toujours les mêmes activités et qu’il
pouvait donc être étudié longitudinalement. Enfin, Wapner et Demick (2002) ont
avancé qu’on pouvait considérer la vie quotidienne comme une succession d’unités
discrètes (e.g., se lever, prendre son déjeuner), unités qui comportent chacune une
dimension spatiale et temporelle. Ces remarques restent théoriques mais confirment
qu’il serait plausible de considérer la notion d’espace-temps dans l’univers des
enfants en découpant les journées en successions de behavior settings. Comme
Bronfenbrenner et Ceci (1994) ont déjà montré l’importance du temps dans le
développement, cette qualité temporelle des behavior settings est tout à fait
intéressante.

Un des avantages de l’approche de Barker vient de ce qu’elle est adaptée à l’étude des
milieux structurés en termes de groupes, d’activités, d’espace et de temps comme le sont,
par exemple, les institutions. En revanche, elle est moins facile à utiliser pour des milieux
33

domestiques, plus centrés sur les individus, où les actions sont plus spontanées et où les
différents behavior settings qui se succèdent sont plus difficiles à reconnaître (Prescott,
1987). On devine donc facilement l’intérêt des behavior settings pour l’étude des garderies
où la vie en groupe est en général clairement organisée selon des règles et des emplois du
temps pré-établis. Un autre avantage d’une telle approche est qu’elle se situe à une échelle
médiane, entre celle des comportements individuels et celle de larges milieux sociaux. Elle
permet de déterminer des épisodes de comportements19, ce qui ouvre une piste inédite pour
étudier les environnements pour enfants sur un mode diachronique. En considérant une
succession de behavior settings au cours de journées complètes, chacun correspondant à un
épisode différent, on peut se rapprocher d’une description réaliste du contexte de vie des
enfants au quotidien en garderie. Barker et Wright (1951) avaient d’ailleurs ouvert la voie à
ce type de travail avec une étude classique intitulée One boy’s day, étude décrivant
quasiment minute par minute les activités d’un petit garçon pendant une journée. Malgré le
grand retentissement théorique des travaux de Barker20, ceux-ci n’ont généré qu’assez peu
d’études empiriques. En effet, on reproche aux études de ce type d’être laborieuses, très
gourmandes en temps et en énergie (Wicker, 2002). Elles nécessitent de longues heures
d’observation, des descriptions détaillées des différents behavior settings, des traitements
relativement complexes. Cela représente une des limites de l’approche de Barker.

Empiriquement, le concept de behavior setting a donc plutôt été utilisé sur un mode
synchronique, sans considération pour le déroulement du temps, et plutôt pour découper un
même lieu en sous-unités comportementales. Moore (1986) s’intéresse par exemple aux
limites physiques des différents behavior settings des salles de jeu (les sous-espaces
supportant différents types d’activités) selon leur degré de définition (limites plus ou moins
claires entres les différentes zones de jeu avec, par exemple, étagères basses ou marquages
au sol) et note que les interactions sociales entre enfants sont plus fortes dans des behavior
settings aux frontières bien définies. Prescott (1987) décrit les nombreuses caractéristiques

19
Épisode de comportements : traduction libre de behavior episodes. Les behavior settings qui se succèdent
au cours d’un journée peuvent être considérés comme une succession d’épisodes de comportements.
20
Selon Wicker (2002), Barker a notamment reçu le Kurt Lewin Award de la Society for the Psychological
Study of Social Issues, le Research Contribution Award de l’American Psychological Association, et le G.
Stanley Hall Award de la Division of Developmental Psychology de l’American Psychological Association.
34

physiques des différents sous-espaces des salles de jeu (e.g., la clarté des limites physiques,
la complexité et le type des équipements contenus) mais accorde peu d’importance à la
dimension temporelle qui fait pourtant partie du quotidien des enfants et qui est une des
constituantes du behavior setting. Compte tenu des progrès de la technologie (e.g.,
cueillette, stockage et traitement informatique des données), les limites posées par
l’utilisation des behavior settings pourraient être contournées. On leur reproche aussi leur
côté trop descriptif et leur manque de capacité à capturer le contexte social et culturel
(Kaminski, 1989). Cela pourrait isoler l’environnement en regard du contexte global de
développement et poser problème pour l’intégration d’un tel concept dans un modèle tel
que celui de Bronfenbrenner (1979). Une telle limite peut toutefois être contournée en
considérant le behavior setting comme un moyen de décrire un microsystème et non pas
comme une fin en soi. Ce faisant, on autorise ensuite les liens avec les autres niveaux du
contexte global de développement.

Notons aussi que la description des microsystèmes par les behavior settings peut être
enrichie grâce à leur compatibilité avec les concepts de zones d’actions21 de Valsiner
(1987). Tous deux visent des contextes comportementaux, ils intègrent une dimension
physique, tiennent compte du rôle des adultes dans le maintien des comportements, et
enfin, ils permettent d’intégrer une dimension temporelle pour peu que l’on considère une
succession de contextes différents (e.g., l’arrivée en garderie, puis les premières activités,
puis le repas). Si le behavior setting met l’accent sur la description des comportements de
groupes sociaux dans leur milieu physique et reste un peu fermé sur lui-même, le concept
de zones d’actions lui offre une ouverture sur le contexte socioculturel tout en apportant
une dimension expressément liée au développement. La combinaison des behavior settings
et des zones d’actions pourrait donc se révéler un outil très puissant pour décrire la réalité
de la vie en garderie, permettant par exemple de comparer différents milieux, allant vers
une réconciliation des différents niveaux d’analyse individu-groupe. Malgré tout son
potentiel, l’aspect très descriptif des behavior setting ne permet cependant pas vraiment de
comprendre tous les processus qui entrent en jeu dans la structuration du cadre de vie des
35

enfants. Quels sont ces processus ? Que reflète en définitive le cadre de vie ? Quelles
influences sont en jeu ?

1.3.2 Processus de structuration du cadre de vie


L’approche classique de Rivlin et Wolfe (1985) ouvre une piste très prometteuse pour
traiter ces questions. Même si elles n’utilisent pas explicitement le concept de behavior
setting, Rivlin et Wolfe montrent comment on peut étudier le cadre de vie des enfants sans
l’isoler du contexte social, politique et économique. Elles étudient les institutions pour
enfants (hôpitaux psychiatriques, écoles et garderies) qui, selon elles, reflètent les
principaux objectifs de la société à travers les programmes, les environnements et les
interventions du personnel clairement édictées par les politiques locales ou fédérales. Ce
faisant, elles font des liens entre différents niveaux du contexte global de développement,
ce qui facilite les liens avec la vision de Bronfenbrenner (1979).

Comme Barker (1968), elles considèrent le milieu physique en tant que cadre de vie, mais,
alors que Barker se penche surtout sur la façon de décrire l’environnement, Rivlin et Wolfe
se penchent sur la façon dont il structure l’univers quotidien des institutions, lui conférant
un sens que les enfants intègrent. À cet égard, Rivlin et Wolfe se rapprochent aussi de la
vision développementale de Valsiner (1987) qui mettait en avant la culture transmise aux
enfants via l’environnement régulé. Leur position principale soutient que l’environnement
institutionnel pour enfants est un véhicule pour l’intégration des normes sociales. Selon
elles, le système institutionnel et ses objectifs implicites se reflètent dans la vie quotidienne
des enfants à travers la structure du bâti et c’est par la pratique du lieu que les enfants se
confrontent aux normes de la société.

Par exemple, Wolfe et Rivlin (1987) relèvent que, dans les institutions pour enfants,
l’apparence physique des bâtiments (e.g., chaud et accueillant, froid et impersonnel) et des

21
Zones d’actions : comprend les zones de mouvements libres et les zones d’actions encouragées qui sont les
deux zones spatialisables du modèle de Valsiner (voir section 1.1.2).
36

aménagements intérieurs (e.g., très organisé ou chaotique, vide ou encombré) véhiculent un


message qui laisse deviner quelle attention est portée à l’éducation. Elles relèvent que la vie
quotidienne des enfants en institution est en général très routinière et prévisible et que des
pratiques spatiales comme la mise en rang dénotent un souci de contrôle que les enfants
intègrent comme une des bases du fonctionnement social des institutions. L’organisation
quotidienne, principalement fonctionnelle, apprend aux enfants qu’il y a une place et un
temps pour chaque chose. Enfin, selon Rivlin et Wolfe, le principal message véhiculé par
les pratiques en institution est de se conformer aux comportements admis selon le moment
et le lieu. Il est prudent de noter que leur position n’est pas neutre. Les institutions sont
plutôt considérées comme négatives, brimant la liberté et la créativité des enfants.
Rappelons toutefois que l’image des institutions pour enfants a évolué depuis l’époque de
leurs travaux.

Ces travaux représentent quasiment une exception dans l’étude des environnements pour
enfants, à la fois par leur ampleur et par le point de vue adopté. Rivlin et Wolfe se basent
sur des études de cas et sur leurs interventions dans les milieux étudiés (e.g., conseil,
soutien au design participatif pour rénover des bâtiments). Elles ont recueilli une quantité
importante de données par le biais d’entrevues avec le personnel et d’observations
extensives de pratiques de groupes et de comportements individuels durant leur présence
dans les institutions. Leurs analyses sont qualitatives, disséquant à la fois le milieu
physique, les pratiques et les points de vue des adultes en charge des enfants. Elles ne
portent toutefois pas une grande attention à la dimension temporelle si ce n’est à travers
l’aspect routinier du quotidien. Leurs longues immersions dans les milieux22, qui pourraient
représenter une limite importante pour de nombreux chercheurs, leur ont permis d’en avoir
une connaissance approfondie. Le point de vue adopté par Rivlin et Wolfe a un avantage
indéniable. En montrant que le milieu physique et les pratiques spatiales relaient des
objectifs implicites du système institutionnel et participent à l’intégration d’une norme

22
Nous parlons ici de durées de plusieurs mois et même parfois plusieurs années. Ces immersions sont
facilitées par le fait qu’elles interviennent aussi au sein des milieux et à leurs demandes. Dans de telles
conditions, on peut mettre à profit le temps d’intervention pour faire aussi des observations et des entrevues.
37

sociale, elles mettent en lumière un des processus de la structuration du contexte de


développement des enfants dans les microsystèmes.

Le processus relevé par Rivlin et Wolfe n’est toutefois pas le seul possible. Si elles
accordent une grande importance aux idéaux socioculturels véhiculés par le milieu
physique et par la façon dont les adultes organisent la vie des enfants, elles accordent moins
d’importance au fait que les adultes structurent aussi le milieu de vie en fonction de leurs
propres besoins, objectifs et possibilités. D’autres chercheurs se sont intéressés à ce thème,
relevant un autre processus, lié à l’adaptation des acteurs à leur environnement, qu’il
semble important de considérer dans la structuration du quotidien des enfants même si, à
première vue, il ne fait pas référence au contexte de développement. La vision est ici plus
sociale, rejoignant l’approche socio-écologique de Moos (1976). Partant du principe que
l’on doit bien souvent faire avec un milieu physique existant, Moos pointe l’importance des
phénomènes d’adaptation entre les individus et leur environnement. Pour lui, ce sont les
individus qui agissent en dernier ressort. Ce sont eux qui modifient leur environnement ou
qui s'y adaptent. Notons par exemple ce qui se passe dans les milieux éducatifs lorsqu’il est
nécessaire de s’adapter à des environnements inappropriés.

Il faut tout d’abord comprendre que la réalité des pratiques quotidiennes doit bien souvent
s’accommoder des locaux disponibles. Comme « la durée des usages [est] toujours plus
courte que celle des murs » (Derouet-Besson, 1998, p.127), on doit parfois s’adapter à des
espaces issus de générations passées. Même les locaux dernier cri ne sont parfois pas
adaptés aux pratiques éducatives des enseignants et au fonctionnement des groupes sociaux
qui les occupent. L’exemple extrême des écoles à aire ouvertes des années 1970 aux États-
Unis est très parlant à cet égard. Les concepts pédagogiques de cette époque, dits
«ouverts», avaient été retranscrits architecturalement en écoles à «aires ouvertes». L’espace
scolaire avait été conçu comme un élément dynamique et modulable avec cloisons mobiles
et écrans visuels que les enseignants pouvaient adapter à leurs besoins. Cette expérience
s’est soldée par un échec car le cadre physique s’est révélé trop inadapté. Le non-
cloisonnement engendrait des échanges sociaux de mauvaise qualité (Conners, 1983), des
problèmes acoustiques (Evans & Lowell, 1979) et un manque d’espaces privés (Rivlin &
38

Rothenberg, 1976). De plus, comme elles répondaient mal aux préférences des enseignants
pour des pièces séparées facilitant la surveillance et les interventions auprès des enfants, les
aires ouvertes ont fini par être sous-utilisées alors que les salles fermées devenaient sur-
utilisées (Ader, 1975). Cet exemple illustre la difficulté à traduire des programmes
éducatifs en espace physique. Il montre aussi le pouvoir de la pression personnelle des
enseignants sur la structuration de leur milieu de travail, et donc, par ricochet, sur le cadre
de vie des enfants. La façon dont les enseignants s’adaptent, par exemple dans le cas
d’environnements obsolètes, pourrait en dire long sur leurs idéaux à l’égard de la garderie
comme milieu de travail. Derouet-Besson relève à ce sujet l’importance du phénomène de
«la territorialisation de certaines salles [de classe]» (Derouet-Besson, 1998, p.163) et des
tensions qui peuvent, par exemple, résulter de changements de locaux ou de la
redistribution des mètres carrés. De tels phénomènes d’adaptation entre individus et milieu
physique existent-ils dans les garderies ? Observe-t-on une territorialisation des espaces ?
Si oui, en quoi affecte-t-elle le cadre de vie des enfants ?

1.3.3 En somme
Synthétiser les différentes approches considérant le milieu physique comme cadre de vie
offre d’indéniables avantages pour la compréhension du contexte global de développement.
Tout d’abord, le concept de behavior setting a le pouvoir de décrire efficacement la réalité
de la vie en garderie en tenant compte de différentes dimensions (e.g., temps, espace,
comportements, pénétration) que l’on peut enrichir pour tenir compte du développement.
Ensuite, ce type d’approche ouvre des pistes pour observer des processus qui entrent en jeu
dans la structuration du contexte de vie des enfants en garderie. Parmi eux notons :

• Les influences de pressions extérieures (e.g., idéaux socioculturels, usages prescrits,


programmes éducatifs) qui transitent par le milieu physique et les pratiques spatio-
temporelles.

• Les pressions personnelles des éducatrices qui adaptent leur mode de vie aux
contraintes du milieu bâti selon leurs propres préférences et idéaux.
39

Ces approches centrées sur le cadre de vie pourraient soutenir la mise au point d’une
description opérationnelle qui reste proche de la réalité. Elles ouvrent aussi vers une
meilleure compréhension des processus impliqués dans la structuration de l’environnement
des enfants. Elles laissent toutefois quelques vides en ce qui concerne la compréhension du
milieu physique des garderies. Par exemple, la dimension physique examinée reste centrée
sur l’environnement directement en contact avec les individus (pièces, aménagements,
matériel). La dimension architecturale des établissements reste sous-étudiée. Il semble
pourtant nécessaire d’intégrer la question du cadre bâti pour bien comprendre
l’environnement proposé aux enfants en garderies. Les approches architecturales ouvrent
des pistes et offrent des outils pour étudier la question.

1.4 Le milieu physique : un reflet et un choix de société

1.4.1 Le reflet d’un contexte socio-historique, politique et culturel


Les approches architecturales tiennent compte des caractères esthétiques et morphologiques
du bâti. Elles s’intéressent notamment à la description et à la classification des bâtiments.
En faisant des liens entre les caractères physiques et le contexte socio-historique, politique
et culturel, certaines considèrent le milieu architectural comme choix et reflet d‘une société.
Une telle façon de voir est tout à fait compatible avec le modèle de développement de
Bronfenbrenner (1979) puisqu’elle fait en quelque sorte le lien entre une des dimensions
des microsystèmes (le cadre bâti d’un établissement) et les macro et exosystèmes. Voici
comment on peut comprendre ces liens.

L’architecture des établissements éducatifs possède la particularité d’être conçue en partie


selon les attentes d’une autorité supérieure (e.g., gouvernement, Église). Ces bâtiments se
révèlent donc en lien étroit avec les orientations officielles de la société. Dans le milieu
éducatif, on note que la forme, l’esthétique et l’organisation intérieure des bâtiments
reflètent bien souvent les idéaux liés à la garde d’enfant, les règlements et les programmes
pédagogiques ainsi que les modes architecturales qui étaient en vigueur au moment de leur
construction. Différentes époques et différentes philosophies éducatives sont donc liées à
des types architecturaux bien particuliers (Dudek, 2000), chacun offrant des possibilités
40

pour organiser au mieux la vie quotidienne des enfants selon les idéaux du moment. Par
exemple, au XIXe siècle, les salles d’asile françaises étaient souvent conçues avec de
grandes pièces pouvant accueillir parfois jusqu’à 300 enfants23 (Narjoux, 1995). Il n’était
pas question d’aménagements éducatifs, la philosophie de l’époque visant surtout à
procurer un abri et des soins d’hygiène aux enfants. Par contraste, de nos jours, dans les
écoles américaines, Yanagisawa (2000) montre que la philosophie qu’il peut lire dans les
plans de 54 écoles est beaucoup plus souple. Le principe est plutôt de faciliter les échanges
entre enseignants en proposant des espaces de rencontre et de favoriser le travail en groupe
en regroupant les salles autour de petits noyaux partageables. Ces caractères physiques
reflètent des idéaux très éloignés de ceux du XIXe siècle. Le cadre physique et, par
extension, l’univers quotidien des enfants présentent un profil très différent.

Les idéaux d’une époque sont véhiculés par différents vecteurs dans le cadre bâti des
microsystèmes-garderies. À cet égard, on peut penser que les programmes éducatifs font
partie des vecteurs par lesquels transitent ces idéaux. Dans un ouvrage français classique,
Georges Mesmin (1973) envisageait d’ailleurs la conception architecturale des locaux
scolaires comme la traduction en volumes du programme éducatif dans un site. Cette
conception était assez déterministe (tel programme engendre telle forme). Sans être aussi
catégorique, il n’en reste pas moins que les informations contenues dans les divers
programmes éducatifs sont bien souvent utilisées lors de la conception des bâtiments, et
participent donc à la structuration de l’univers physique des enfants. Dans de nombreux
pays occidentaux, les politiques de garde s’appuient aujourd’hui sur des programmes
éducatifs officiels (Boocock, 1995; Cochran, 1993) et on peut donc aisément imaginer que
ceux-ci affectent d’une façon ou d’une autre le milieu bâti. Malheureusement, compte tenu

23
Les archives compilées dans l’ouvrage électronique de Narjoux (1995) décrivent l’organisation des locaux
des salles d’asile. On y lit assez clairement les valeurs sociales liées à la petite enfance. Voici l’exemple de la
salle de Saint Étienne, en France.
« À l’entrée, un vestibule, où les mères attendent leurs enfants sans pénétrer à l’intérieur, afin
d’éviter de leur part des réclamations incessantes et souvent fâcheuses ; le cabinet de la supérieure,
pour l’inscription et la réception des jeunes enfants, puis la cuisine dans laquelle se prépare le repas
de ceux qui ne quittent pas l’asile pendant le jour. […] Les deux grandes salles sont de même
surface […]. La hauteur sous plancher est de 5 mètres pour la salle : cette hauteur n’est pas excessive
quand on sait que 300 enfants peuvent s’y trouver réunis en même temps ; des lavabos, placés sous
41

de l’avènement récent des programmes éducatifs dans les garderies, c’est en se tournant
vers les écoles primaires et maternelles que l’on trouve la plupart des exemples montrant
comment des édifices peuvent découler d’un programme éducatif. L’exemple des écoles
Steiner, pour n’en citer qu’un, est très parlant à ce sujet. Dans les années 1920, Rudolph
Steiner, qu’on peut considérer comme un précurseur, a créé son propre programme éducatif
et a participé à la construction de nombreuses écoles privées qui portent encore son nom
(Raab & Klingborg,1983). Projet pédagogique et bâtiment allaient de pair, visant à faciliter
l’apprentissage de l'autonomie, à favoriser la relation à l’environnement naturel et à
soutenir la créativité chez les enfants. Les bâtiments étaient ouverts sur la nature et
comportaient des ateliers d’expression artistique ainsi que des lieux de rencontre favorisant
les relations sociales.

On comprend bien que les programmes éducatifs ne sont pas seuls en cause. Les idéaux
socioculturels transitent aussi dans de nombreux règlements officiels qui ont en général une
vision assez fonctionnelle de l’environnement physique des enfants, définissant des
standards notamment en termes de superficies et de sécurité. Comme on l’imagine, ces
standards ont tendance à uniformiser le cadre bâti. Modérant cette uniformisation, la
participation des enseignants est aujourd’hui plus importante dans le processus de
conception, ouvrant la porte aux particularités locales, pour peu qu’elles ne contredisent pas
le consensus général de la société sur l’éducation des enfants (Derouet-Besson, 1998).
L’expérience et la culture des différents acteurs ont donc une chance de s’exprimer aussi
dans le cadre bâti, ce qui peut éviter certaines erreurs comme celle des écoles à aires
ouvertes. On constate que les bâtiments éducatifs actuels se veulent plutôt un compromis
entre les règlements, les programmes pédagogiques en vigueur et les pratiques éducatives
des enseignants. Au delà des influences officielles, le cadre bâti des garderies intègre-t-il lui
aussi certains des idéaux des éducatrices ?

Enfin, les bâtiments éducatifs sont aussi liés au macrosystème par le biais de la culture
artistique et architecturale du moment, notamment les images que les architectes se font des

des galeries latérales qui conduisent aux cabinets, servent à la toilette faite à l’arrivée et au départ de
tout ce petit monde que trois sœurs suffisent à gouverner. » (Narjoux, 1995)
42

bâtiments pour la petite enfance (Dudek, 2000). Ces images renvoient parfois à leurs
propres expériences enfantines. Par exemple, l’architecte F.L Wright (1867-1959) manipule
les formes cubiques des jouets pour les transcrire dans l’architecture (voir Dudek, 2000).
Ces images renvoient parfois, chez d’autres architectes, à un univers utopique comme celui
de la petite école de Le Corbusier, perchée au sommet d’une cité radieuse24 (immeuble
d’habitation) et où les enfants « peuvent jouir de la splendeur du spectacle : ciel, monts,
îles ». (Le Corbusier, 1968 p.57). En Occident, l’esthétique de nombreuses garderies et
jardins d’enfants se base aujourd’hui sur une architecture stimulante aux couleurs vives,
aux formes parfois complexes, métaphoriques (e.g., un bateau) ou organiques (e.g., formes
courbes, murs incrustés de coquillages ; Dudek, 2000). Les bâtiments sont de petite taille et
intègrent les pratiques des utilisateurs dès la conception. Ces bâtiments exemplaires
reflètent une vision actuelle de ce qu’est « l’architecture pour jeunes enfants » : un univers
stimulant et fonctionnel, qui tient compte de pratiques éducatives diverses, et de
l’imaginaire enfantin.

Considérer les liens entre l’architecture et le contexte socio-historique, politique et culturel


permet d’avoir une bonne image d’ensemble des bâtiments éducatifs et de leur évolution.
Cela permet aussi de comprendre que le cadre bâti n’est pas neutre mais qu’il reflète les
choix et les orientations d’une société, ce qui peut potentiellement affecter la vie dans les
microsystèmes. Cependant, cette approche a tendance à envisager l’architecture par son
aspect visuellement perceptible, sa dimension esthétique ou son « style ». Elle tend à se
concentrer sur la description des différentes typologies bâties mais accorde peu
d’importance aux implications d’un tel cadre bâti sur la vie des utilisateurs.

24
Terme consacré pour les unités d’habitation de Le Corbusier. Ces immeubles étaient basés sur le concept de
la ville verticale. Perchés sur pilotis, ils contiennent un grand nombre de logements (environ 400), des
commerces et des restaurants aux étages intermédiaires, un gymnase, une école et une piscine sur le toit. Ce
concept semble classique aujourd’hui, mais il était très innovant à l’époque de la construction des premières
citées radieuses (Marseille, immeuble conçu pour 1600 habitants en 1947 ; Nantes, 1953 ; Briey-la–forêt,
1963 ; Firminy, 1964).
43

1.4.2 Le reflet d’une dynamique sociale et d’idéaux socioculturels


La théorie de Hillier et Hanson (1984) a sans doute le mieux posé les jalons pour faire le
lien entre la forme architecturale (et non plus les aspects esthétiques ou fonctionnels), la
dynamique sociale (déplacements et interactions) à l’intérieur du bâti et les idéaux
socioculturels. Le tout s’accompagne d’outils opérationnels pour analyser la forme
physique à partir de graphes (voir méthode section 3.2). Le cadre bâti d’un microsystème se
comprend donc à travers la structure sociale qu’il supporte et qui reflète certains idéaux liés
au fonctionnement interne des garderies.

Cette théorie postule qu’il existe un lien entre l’organisation spatiale des bâtiments et
l’organisation sociale des usagers (Hillier & Hanson, 1984). Se basant sur certains
principes anthropologiques (l’espace maintient la cohésion du groupe et reflète une partie
de son fonctionnement), sémiologiques (l’espace est signifiant pour les individus) et
psychologiques (territorialité, marquage du territoire), Hillier et Hanson considèrent
l’espace (architectural et urbain) comme un système se générant et évoluant sous l’effet
conjugué du hasard et de règles sociales spatialisantes qui comprennent les relations des
habitants avec l’extérieur et les étrangers25, ainsi que les relations des habitants les uns par
rapport aux autres26. Ils avancent que le degré d’investissement d’une société dans
l’ordonnancement spatial peut être traduit par de plus ou moins grandes restrictions sur un
ordonnancement qui serait complètement dû au hasard. Selon la méthode d’analyse
syntaxique (voir section 3.2) mise au point par Hillier et Hanson, il est alors possible
d’établir un modèle mathématique reliant les structures spatiales (e.g. l’organisation en
plan, la position des pièces) à la dynamique sociale dans le bâti (e.g., contrôle plus ou
moins grand à l’égard des visiteurs). Cette méthode vise exclusivement l’organisation
spatiale mais il est pertinent de considérer aussi les caractéristiques métriques des locaux

25
Les étrangers sont compris comme ceux qui ne font pas partie de la collectivité vivant dans le milieu étudié.
Les étrangers à un bâtiment sont les visiteurs ou les passants qui peuvent avoir un contact (e.g., visuel) avec
l’intérieur du bâti et donc avec l’intimité des habitants. Le cadre bâti est en partie organisé de façon à gérer
l’accès des étrangers dans le bâtiment.
26
Les relations entre habitants peuvent par exemple concerner les relations des parents par rapport aux
enfants dans une maison (e.g., position les espaces réservés aux parents par rapport à ceux réservés aux
enfants), les relations du patron avec les employés dans un milieu de travail (e.g. position des bureaux de
direction par rapport aux bureaux des subalternes).
44

(e.g., superficies des pièces) qui sont d’autres indicateurs du fonctionnement social des
occupants (e.g., un bureau de direction est souvent plus grand qu’un bureau de technicien)
et de la valeur qu’ils accordent à certains espaces (Brown & Steadman, 1991).

Selon la théorie de Hillier et Hanson, l’ordonnancement des pièces (e.g., regroupement ou


dispersion de salles), leur position (e.g., proche de l’autorité hiérarchique, proche de
l’entrée), leur accessibilité (e.g., salle facilement ou difficilement accessible), les types de
circulation (e.g., large hall central par opposition à de longs corridors étroits) sont autant
d’empreintes physiques d’une dynamique sociale qui passe, par exemple, par le contrôle du
niveau d’intimité (e.g., distinction entre les espaces publics et les espaces privés dans un
bâtiment ) ou le statut et le rôle des habitants (e.g., ségrégation des espaces selon le rôle de
chacun). Une telle approche a été surtout utilisée pour l’étude des logements en lien avec
l’évolution d’une culture et des façons de vivre qui lui sont associées (e.g., Hanson, 1998),
mais aussi pour l’étude de bâtiments complexes tels les musées afin de modéliser les types
de déplacements et de rencontres entre visiteurs (e.g., Choi, 1997).

En ce qui concerne plus particulièrement les environnements éducatifs, quelques travaux,


bien que peu nombreux, renseignent sur la façon dont les microsystèmes-écoles ou
microsystèmes-garderies se structurent en fonction, non seulement d’idéaux socioculturels
et de programmes éducatifs, mais aussi d’une dynamique sociale qui en découle. Markus
(1993) a étudié les liens entre ce qu’il nomme le pouvoir et la façon dont celui-ci s’exprime
dans le bâti. Il montre qu’au XIXe siècle, en Angleterre, nombre d’écoles s’organisaient sur
un principe assez rigide, basé sur un concept de surveillance et d’obéissance au maître, où
l’autorité était de mise. L’organisation morphologique des espaces (étudiés selon les
principes d’analyse syntaxique) était un moyen de contrôler les individus et d’affirmer un
pouvoir en place, privilégiant la supériorité du statut d’enseignant qui se matérialisait dans
le bâti par une distanciation d’avec les enfants (e.g., entrées séparées dans les écoles et dans
les classes). Les bureaux et autres espaces de l’autorité étaient situés à des points
stratégiques de surveillance mais aussi dans les zones nobles du bâtiment, en général près
des entrées ou au dessus de celles-ci. Markus (1993) note aussi la classique ségrégation
sociospatiale selon les sexes qui se matérialise par la séparation de zones (ou de classes)
45

pour les filles et pour les garçons, chaque zone ayant son entrée séparée. Il illustre donc que
le cadre physique des enfants est structuré pour soutenir un fonctionnement social en
accord avec les idéaux socioculturels du moment.

Du côté des garderies, Hemsworth (1996) a sans doute été la seule personne à utiliser cette
approche. Elle a recherché quels idéaux socioculturels se reflétaient dans la morphologie de
récentes garderies australiennes. Ici, ce n’est plus le statut d’autorité qui semble important.
Elle note un fonctionnement social visant à protéger les enfants des intrus (e.g., bureau et
cuisine avec vue sur l’entrée) et des possibles abus de la part des adultes (e.g., salles de jeu
visibles depuis d’autres locaux). Ces garderies sont souvent organisées autour d’un foyer
central et l’accès aux locaux est spatialement très contrôlé (halls et foyers sont des remparts
pour protéger l’accès aux salles de jeu). Par l’analyse de l’organisation en plan, on devine
le fonctionnement social de l’établissement. Par exemple, les petites salles séparées les
unes des autres indiquent que les enfants sont répartis en petits groupes. Le hall et le foyer
qu’il faut successivement traverser sous la surveillance du bureau et de la cuisine pour se
rendre dans les salles de jeu confèrent un rôle de surveillant au personnel de service et au
personnel administratif. On devine aussi qu’une certaine image de la petite enfance se
dégage de cette organisation spatiale. Ici, il s’agit d’une image de l’enfant hautement
vulnérable et fragile. La structure sociospatiale est faite pour protéger et entourer l’enfant
plutôt que pour le dominer comme Markus (1993) le relevait dans les écoles du XIXe
siècle. La forme architecturale joue un rôle à cet égard, rôle qui pourrait avoir des
conséquences importantes sur la structuration du cadre de vie des enfants.

1.4.3 En somme
Prendre en considération le rôle de l’architecture comme reflet d’un fonctionnement social
et comme choix d’une société est loin des approches sur la stimulation ou la fonctionnalité
du milieu physique. Toutefois, pour comprendre la structuration des microsystèmes, il
semble important de voir comment une société se projette dans les espaces qu’elle offre aux
enfants. De quelles caractéristiques sociospatiales les garderies sont–elles porteuses ? Quels
idéaux se révèlent dans le cadre bâti des garderies dont se dote une société ? De quelle
évolution les bâtiments issus de générations passées sont-ils révélateurs ? Des thèmes tels
46

que celui de l’autorité, du contrôle et de la sécurité sont-ils encore présents dans les
garderies d’aujourd’hui ?

1.5 Retour sur le milieu physique et la structuration du


contexte de vie en garderie

À ce stade, il semble important de faire un retour sur la façon dont les différentes approches
permettent de comprendre la structuration du contexte de développement des enfants en
regard du milieu physique en garderie.

Les approches développementales mettent l’accent sur l’importance du contexte global qui
comprend aussi bien le milieu directement en contact avec les enfants que les influences
éloignées du contexte socioculturel (e.g., Bronfenbrenner, 1979; Valsiner, 1987). À cet
égard, elles pointent bien vers l’importance du milieu physique mais sans pour autant en
faire une dimension centrale du contexte de développement : les modèles restent centrés sur
la dimension sociale et les relations interpersonnelles. Ces approches pointent aussi vers
l’importance de la dimension temporelle (Bronfenbrenner et Ceci, 1994) ou de la
dimension régulée (Valsiner, 1987 ; Reed, 1993) qui peuvent être facilement liées à la
dimension physique et qui devraient donc être prises en considération.

On connaît depuis longtemps les liens entre enfants et environnement physique, tout au
moins dans l’optique des approches traditionnelles qui considèrent l’interface enfant–
environnement. Ces approches voient dans les différentes composantes du milieu physique
un stimulant pour les enfants ou un outil fonctionnel pour diverses pratiques pédagogiques.
Elles n’offrent cependant pas vraiment d’outils pour approcher la réalité de la vie en
garderie ou pour intégrer les dimensions temporelles et régulées. Elles montrent toutefois
comment le cadre matériel stimule les sens, facilite, incite ou inhibe l’émergence de
certains comportements qui peuvent être considérés comme désirables pour le
développement. Pratiquement, elles montrent aussi que l’on peut sciemment s’appuyer sur
le cadre matériel en l’utilisant comme un support à la pédagogie.
47

La théorie de Barker (1968) ouvre une piste pour comprendre la réalité en lien avec son
cadre matériel. Cette approche permet non seulement de décrire les microsystèmes dans
leur dimension physique, mais aussi d’intégrer une dimension temporelle et humaine (les
pratiques spatiales, les comportements dans l’espace) ainsi qu’un début de régulation (la
dimension de pénétration). Dès lors, le milieu physique devient bien plus qu’un simple
stimulant. Il peut être vu comme un cadre de vie pour les habitants de la garderie, avec une
organisation quotidienne des activités, des lieux et des horaires. L’approche de Barker n’est
toutefois pas centrée sur le développement et reste très descriptive. D’autres travaux
illustrent certains processus qui pourraient intervenir dans la structuration du cadre de vie
en garderie, notamment l’influence d’objectifs institutionnels et d’idéaux socioculturels
dans le cadre physique et les pratiques spatiales (Rivlin & Wolfe, 1985) ainsi que
l’adaptation des adultes à leur milieu physique (Moos 1976, Derouet-Besson, 1998).

Enfin, les approches architecturales indiquent plus particulièrement que la structuration du


cadre bâti des établissements éducatifs dépend des choix d’une société (en lien avec le
contexte historique, les courants éducatifs et artistiques), ce qui peut aussi être lié au
fonctionnement sociospatial des habitants (Hillier & Hanson, 1984). L’organisation des
milieux éducatifs n’est donc pas due au hasard mais reflète une façon de fonctionner des
habitants, ce qui structure et définit l’univers vécu des enfants (Markus, 1993 ;
Hemsworth, 1996).

1.6 Comprendre les milieux de vie des enfants : un modèle


intégratif

À partir des constats précédents, il est possible de construire un modèle intégratif (voir
Figure 3) qui reflète la réalité du cadre de vie quotidien des microsystèmes-garderies ainsi
que les processus qui entrent en jeu dans sa structuration. Il vise à illustrer comment le tout
fait partie du contexte global de développement des enfants. Ce modèle intégratif a été
construit en réarticulant les modèles développementaux de Bronfenbrenner (1979) et
Valsiner (1987) avec des approches environnementales et architecturales.
48

Figure 3. La garderie et son environnement physique selon le modèle intégratif.

Comme dans le système de Bronfenbrenner, le modèle comporte des systèmes externes qui
peuvent influencer indirectement l’univers des enfants en garderie :

Un macrosystème qui correspond au contexte historique, social et culturel du moment. Le


macrosystème comprend notamment les idéaux socioculturels liés à la garde d’enfants et à
l’éducation ainsi que les idéaux socioculturels liés à la garderie comme milieu de travail.
49

Un exosystème avec les programmes éducatifs, les usages prescrits, les règlements divers
et le financement.

Un mésosystème qui correspond à l’ensemble des microsystèmes fréquentés par l’enfant et


qui comporte plus particulièrement les liens (cohérents ou non) entre la maison et la
garderie.

Le chronosystème fait référence aux changements des systèmes dans le temps, ce qui
permet par exemple de tenir compte de l’évolution des idéaux et valeurs qui se répercutent
par des changements dans l’environnement proche de l’enfant.

Compte tenu du vide qui existe à l’heure actuelle dans la description et la conceptualisation
des microsystèmes au regard du milieu physique, il fallait trouver un moyen de le combler.
Pour ce faire, il semblait indispensable de conserver la problématique du développement
tout en y intégrant celle de l’environnement physique. C’est à partir du modèle de Valsiner
(1987), du concept de behavior setting de Barker (1968), des approches sur les relations
enfants-environnement et des approches architecturales que ce vide a été comblé. Le regard
posé sur le milieu physique ne vise pas l’interface enfant-environnement comme dans les
approches traditionnelles mais l’environnement physique du microsystème est plutôt vu
sous l’angle du cadre de vie et du reflet de société. Ce choix vise à proposer une image qui
soit la plus proche possible de la réalité des microsystèmes-garderies tout en assurant la
connexion entre les différents niveaux du modèle. Un tel choix offre la possibilité de
comprendre le sens des environnements offerts aux enfants.

1.6.1 Les quatre dimensions liées au milieu physique des microsystèmes


Dans ce modèle intégratif, le microsystème-garderie comprend quatre dimensions qui ont
toutes un lien avec l’environnement physique : la dimension physique proprement dite, la
dimension humaine, la dimension organisationnelle et la dimension régulée. Ces
dimensions sont liées les unes aux autres au sein du microsystème et ne sont séparées
qu’artificiellement pour rendre le modèle opératoire.
50

La dimension physique comprend le cadre bâti, les aménagements, le mobilier ainsi que le
matériel éducatif et usuel. Sa dissociation d’avec les autres dimensions permet de mettre
l’accent sur le milieu physique, et, au besoin, de l’étudier plus en profondeur, ce que l’on
retrouve dans les approches architecturales comme celle de Hillier et Hanson (1987). Par
exemple, l’analyse de l’organisation spatiale des espaces serait une façon d’approcher la
structuration du cadre de vie des enfants.

La dimension humaine tient compte des habitants. Elle comprend les dynamiques
sociospatiales ainsi que les comportements et pratiques en lien avec le milieu physique.
C’est une dimension qui tient compte de l’espace habité, qu’il s’agisse de la façon dont les
habitants s’organisent dans l’espace (Hillier & Hanson, 1987), des comportements de
groupe au sein des behavior settings (Barker, 1968), ou des comportements spatiaux qui ont
une certaine importance dans la structuration du cadre de vie comme ceux qui sont relevés
par Rivlin et Wolfe (1985).

La dimension organisationnelle renvoie au fonctionnement global d’une garderie ou d’un


groupe. Cette dimension comprend les activités génériques ainsi que l’emploi du temps et
de l’espace au cours de la journée. La dimension organisationnelle intègre la notion de
temps que Bronfenbrenner et Ceci (1994) avaient soulevée comme importante pour le
développement. Cette dimension organisationnelle est aussi directement inspirée des
behavior settings de Barker (1968). C’est une dimension qui offre une compréhension
immédiate du contexte général de vie en garderie à partir d’un ensemble de behavior
settings (ou épisodes) successifs.

La dimension régulée comprend les règles de vie, les encouragements, les interdits divers
posés par les adultes envers les enfants. Par exemple, dans cette dimension, on note les
limites physiques que les enfants ne peuvent pas dépasser au cours d’une activité donnée,
les jouets qu’ils sont encouragés à utiliser et ceux qui, au contraire, ne sont pas autorisés,
les comportements spatiaux que l’on accepte et ceux que l’on décourage, la plus ou moins
forte pression pour que les enfants participent à l’activité en cours. Compte tenu du rôle
important des adultes dans la mise en place des règles, cette dimension renvoie à la
dimension de pénétration de Barker (1968), mais elle est surtout fortement inspirée par le
51

modèle de Valsiner (1987), notamment par les zones de mouvements libres et les zones
d’actions encouragées. C’est une dimension qui met en relief ce que Valsiner appelle les
contraintes psychologiques de l’environnement.

1.6.2 Liens entre les dimensions et hypothèses internes au microsystème


Comme ces dimensions sont interreliées, c’est conjointement qu’elles participent à la
structuration de l’univers quotidien des enfants dans le microsystème. À cet égard, voici six
exemples d’hypothèses et de questionnements issus des associations binaires entre les
quatre dimensions et qui montrent les processus qui entrent en jeu à l’intérieur d’un
microsystème.

• La dimension organisationnelle peut dépendre de la dimension physique. Par


exemple, l’allocation des locaux pour les activités peut dépendre de caractéristiques
physiques de ces locaux. L’emploi du temps et des activités des enfants, le choix
des locaux dans lesquels on s’installe pourrait donc différer selon les
caractéristiques du cadre bâti. Quel rôle jouent les caractéristiques physiques de
l’environnement sur l’organisation de la vie quotidienne en garderie ?

• La dimension physique peut affecter la dimension humaine du microsystème et


inversement. En effet, nous avons vu qu’il existe une perpétuelle adaptation entre le
milieu physique et les habitants (Moos, 1976). Par exemple l’étroitesse de certaines
salles peut conduire à des comportements destinés à compenser le manque de place.
À cet égard, ce sont les affordances primaires du cadre physique (ce qu’il suggère et
permet ou non de faire) qui peuvent être en cause. Nous avons par exemple vu que
les enfants réagissent aux espaces étriqués (Smith & Connolly, 1980). On connaît
cependant moins bien comment les éducatrices réagissent dans des environnements
contraignants ou inadéquats. Transforment-elles le cadre de vie des enfants ? En
quoi ? Quel nouveau cadre de vie en résulte ?

• La dimension physique peut aussi affecter la dimension régulée du microsystème.


Par exemple, on peut penser que dans un milieu physique dangereux les règles
seront plus strictes. Inversement, le milieu physique peut-être organisé pour que
52

certaines règles puissent être mieux respectée. Réduire l’espace à une chaise haute
comme le mentionne Valsiner (1987) est indéniablement un moyen de faire
respecter une règle limitant les déplacements. Les liens entre cadre physique et
régulation peuvent se traduire par des transformations des possibilités – des
affordances - offertes par l’environnement. De quelles régulations les garderies
sont–elles porteuses et en quoi sont-elles liées au milieu physique ?

• La dimension organisationnelle est liée à la dimension humaine. Cette relation


renvoie à la définition même des behavior settings (Barker, 1968) et à la cohérence
des comportements en leur sein. Par exemple, les comportements des groupes seront
sans doute liés aux types d’activités (e.g., repas, sieste) qui se succèdent au cours de
la journée.

• La dimension organisationnelle peut être liée à la dimension régulée. La relation


de ces deux dimensions renvoie au lien entre les behavior settings et les zones
d’actions (Valsiner, 1987). Par exemple, les règles de vie, les limites, les actions
encouragées ne seront pas les mêmes selon le behavior setting en cours. Quelles
sont les règles qui affectent les différents behavior settings ?

• La dimension humaine est liée à la dimension régulée. Ainsi, les comportements


des groupes et des individus à l’égard du milieu physique pourraient différer selon
les règles de vie. Par exemple, le groupe d’enfants ne se comportera pas de la même
façon dans une pièce selon les règles qui y sont posées. Cette hypothèse renvoie à la
théorie de Valsiner (1987) selon laquelle la régulation pourrait largement affecter le
contexte de vie offert aux enfants. Cela pourrait remettre en question certains choix
d’aménagements et certains choix architecturaux qui pourraient s’avérer
complètement inappropriés en raison de règles qui limitent (ou sur-encouragent)
l’accès à certains espaces et certaines ressources. Quelles sont les régulations
spatiales en garderie et en quoi affectent-elles les pratiques spatiales ? Que
montrent-elles quant à la pertinence des choix visant le cadre physique et matériel ?
53

Le modèle est relativement souple. Au delà de ces hypothèses binaires (qui représentent un
premier cadre de questionnement), il permet aussi de poser des hypothèses qui regroupent
toutes les dimensions. Par exemple, l’hypothèse précédente peut aussi considérer les
dimensions organisationnelle et physique. Elle devient alors : un groupe ne se comportera
pas de la même façon dans une pièce (dimension humaine) selon les règles et actions
encouragées (dimension régulée), selon l’activité en cours à cette heure de la journée
(dimension organisationnelle), et selon les caractéristiques physiques du milieu
(dimension physique).

Regarder les interactions entre les différentes dimensions renseigne sur ce qui se passe dans
un microsystème. Cela permet de voir en détail les processus internes en jeu dans
l’élaboration du contexte de vie des enfants.

1.6.3 Influences des systèmes externes et hypothèses sur les processus de


structuration des microsystèmes
Le microsystème n’est pas un système fermé et l’on ne peut donc pas s’arrêter aux
processus internes. Il tisse des liens avec d’autres microsystèmes, ce qui renvoie au concept
de mésosystème maison-garderie dont Bronfenbrenner et Evans (2000) ont soulevé
l’importance. À cet égard, on peut penser que certains dispositifs physiques, que certaines
pratiques spatiales ou que certaines régulations soutiennent (ou contrarient) la cohérence du
mésosystème maison-garderie. Retrouve-t-on par exemple des similarités entre le cadre de
vie domestique et celui des garderies ? L’environnement physique de la garderie favorise-t-
il (ou non) les échanges avec les familles ?

D’autre part, respectant les processus du modèle de Bronfenbrenner, les différentes


dimensions du microsystème évoluent aussi sous les pressions multiples du contexte
socioculturel, des valeurs et images sociales liées à l’éducation (macrosystème), sous les
pressions des règlements et programmes éducatifs par lesquels ils transitent parfois
(exosystème) ainsi que sous les pressions des usagers qui relaient le tout. Nous avons vu
que certains des travaux mentionnés précédemment (e.g. Rivlin & Wolfe, 1985; Wolfe &
Rivlin, 1987; Derouet-Besson, 1998) soulèvent des processus plausibles à cet égard. Que
54

lit-on dans les dimensions physiques, humaines, organisationnelles et régulées qui relève de
ces processus ?

On peut penser que les quatre dimensions ne sont pas toutes également réactives aux
influences des systèmes externes. Par exemple, comme le suggère Derouet-Besson (1998),
on peut penser que la dimension physique (tout au moins en ce qui concerne le cadre bâti)
est certainement beaucoup plus résistante au changement que les trois autres. Il est plus
facile de changer un emploi du temps, une règle de vie ou une pratique spatiale que de
déplacer les murs. De nombreux établissements doivent donc faire avec des locaux anciens.
Que se passe-t-il quand le cadre bâti n’est plus adapté aux idéaux du moment ? Les
dimensions humaines, organisationnelles et régulées compensent-elles alors la rigidité de la
dimension physique comme le laissent supposer les approches de Moos (1976) ou encore
les travaux de Derouet-Besson (1998) ?

On peut enfin penser que les multiples pressions tant internes qu’externes qui s’exercent sur
les microsystèmes véhiculent un sens que les enfants intègrent. Quel type de milieu les
garderies génèrent-elles pour les enfants ? Que peuvent-ils intégrer à la fréquentation de ces
microsystèmes ?

L’objectif de la thèse est de répondre, tout au moins partiellement, à certaines de ces


questions en utilisant le modèle pour examiner le cas des garderies québécoises. Cet
exercice est par la même occasion une illustration du fonctionnement du modèle.
55

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61

Chapitre 2

Contexte et démarche de la recherche

2.1 Contexte de la recherche

La recherche s’inscrit dans le contexte de la mutation du système de garde québécois. Ce


contexte représente une opportunité inespérée pour étudier l’évolution conjointe des
milieux de garde et de l’environnement physique. Que se passe-t-il en effet quand une
société décide de transformer son système de garde ? En quoi le microsystème-garderie
relaie-t-il ces changements ? Par quels processus ? Qu’est-ce qui s’en trouve affecté dans la
vie quotidienne des enfants ?

Le Québec développe aujourd’hui une politique visant à satisfaire les besoins pressants de
la population en matière de garde d’enfants. Dans ce dessein, plusieurs actions ont été
mises en place progressivement au niveau institutionnel et se poursuivent encore
aujourd’hui. La refonte complète de la structure des milieux de garde existants et la
création d’un réseau provincial a débuté en 1997, avec pour objectifs d’augmenter
considérablement les capacités d’accueil et de rendre les services de garde financièrement
accessibles à la majorité de la population. La principale innovation a été la mise en place
d’un réseau de Centres de la petite enfance ou CPE27. Ces structures subventionnées

27
Pour faciliter la lecture du texte de la thèse en évitant les acronymes, la terminologie “garderie” sera
employée ultérieurement. Cependant la terminologie officielle pour les garderies subventionnées étudiées
dans cette thèse est Centre de la Petite Enfance. Si les CPE sont majoritaires au Québec, ils ne constituent pas
la seule forme de service de garde. Il existe toujours un petit parc de garderies privées qui ne font pas l’objet
de cette étude.
62

(neuves ou souvent issues d’anciennes garderies qui faisaient partie du réseau pré-existant à
1997), fournissent des services de garde éducatifs et coordonnent, surveillent et contrôlent
de tels services en milieu familial sur un territoire donné. Chaque Centre de la petite
enfance regroupe des services de garde dits « en installation » et des services de garde dits
« en milieu familial » sur un territoire qui lui est attribué. Les milieux en installation
(étudiés dans cette thèse) accueillent les enfants dans des bâtiments prévus à cet effet alors
que les services en milieu familial accueillent les enfants au domicile de familles28. Les
CPE soutiennent les services de garde en milieu familial. Ils fournissent, par exemple, du
matériel et proposent des sessions de soutien et de formation pour les éducatrices à
domicile (dites responsables de services de garde ou RSG). Ce rôle des CPE suppose des
locaux adaptés.

Grâce à une politique de soutien financier et de subventions, le réseau a pu se développer et


le nombre de places dans les Centres de la petite enfance a augmenté de façon
impressionnante (voir Figure 4), passant de 36 606 en 1997-1998 à 68 274 en 2003-2004
dans les installations. Cette augmentation couvre presque 90 % des objectifs visés pour
2006 (Ministère de l'Emploi de la Solidarité Sociale et de la Famille, 2004).

Figure 4. Évolution du nombre de places en Centre de la petite enfance entre 1997 et 2004.
90000

80000

70000

60000

50000
Installations
Milieu familial
40000

30000

20000

10000

0
1997-1998 1998-1999 1999-2000 2000-2001 2001-2002 2002-2003 2003-2004

Source : Statistiques du Ministère de l'Emploi, de la Solidarité Sociale et de la Famille.

28
Les services de garde en milieu familial peuvent accueillir au maximum six enfants au domicile d’une
personne, neuf enfants si cette personne est assistée d’un autre adulte.
63

Du côté des utilisateurs, l’implantation progressive d’un système de garde à 5$ par jour29 a
permis à un grand nombre de familles de bénéficier des services offerts par le réseau des
Centres de la petite enfance. Par comparaison, les tarifs en 1997 variaient de 13 à 30$ par
jour avec une moyenne de 21,85$. (Ministère de la Famille et de l'Enfance, 1998a).

Ce changement dans le système d’accueil de la petite enfance nécessite des infrastructures


matérielles et plus particulièrement des locaux d’accueil adaptés. Compte tenu des
transformations majeures en cours et compte tenu du déficit en locaux disponibles, il était
devenu inévitable de renforcer et restructurer le parc existant. Pour soutenir cet effort, les
services existants se sont agrandis et rénovés afin d’accueillir de plus en plus d’enfants.
Parallèlement, on a observé la construction de très nombreux bâtiments neufs qui ont
souvent des capacités d’accueil supérieures à celles des bâtiments plus anciens. En fait, les
règlements ministériels autorisent aujourd’hui des installations de 80 places30
(anciennement 60 places) qui peuvent être regroupées sur un même site, y compris dans un
même bâtiment, pour peu qu’elles respectent des règles assez complexes visant à limiter la
sur-densité en séparant clairement les entités. Les subventions et les autorisations
d’exploitation des services de garde sont liées au respect de certains règlements (Ministère
de la Famille et de l'Enfance, 2002). Par exemple, le ratio de surface par enfant dans l’aire
de jeu31 doit être de 4m2 pour les moins de 18 mois et de 2,75m2 pour les 18 mois à 5 ans.
D’autres obligations visent la présence d’une cuisine ou cuisinette, de toilettes (1 pour 15
personnes), de rangements fermés et sécuritaires ainsi que d’un bureau quand la capacité
d’accueil dépasse 20 enfants. Un souci très net pour la sécurité se lit dans l’obligation de
contrôler l’accès à certains espaces (e.g., cuisine) ainsi que dans les aménagements (e.g.,
trousses de premiers soins, téléphones avec numéros d’urgence, matériaux souples et non

29
Le tarif mentionné est celui en vigueur en 2002. Ce tarif est passé à 7 $ par jour le 1er janvier 2004.
30
« Un permis de centre ne peut autoriser le titulaire à recevoir dans l'ensemble de ses installations plus de
240 enfants et dans chacune de celles-ci plus de 80 enfants »(Ministère de la famille et de l’enfance, 2002, D.
1069-97, a. 4.; D. 904-99, a. 2.)
31
La dénomination aire de jeu est la dénomination officielle. Les aires de jeu correspondent à tous les espaces
destinés à l’usage exclusif des enfants durant les heures d’ouverture du Centre de la petite enfance. Leur
surface détermine la capacité d’accueil du Centre de la petite enfance. La dénomination salle de jeu est la
dénomination usuelle employée dans les Centre de la petite enfance. Une telle dénomination fait référence à
une salle bien particulière (en général la salle d’un groupe, que l’on appelle aussi couramment le local) alors
que la dénomination officielle réfère à l’ensemble des locaux destinés aux enfants dans le bâtiment.
64

allergènes). Malgré les constructions de garderies neuves, l’ancien parc immobilier a été
conservé et adapté aux règlements en vigueur. Parallèlement aux bâtiments flambant neufs,
on observe donc une relative variété architecturale. Certaines garderies sont toujours
installées dans d’anciennes maisons, d’autres dans d’anciennes écoles ou bâtiments
institutionnels (e.g., centres communautaires, immeubles de bureaux), d’autres dans des
locaux datant d’une vingtaine d’années et qui ne correspondent plus vraiment aux standards
du moment.

Quelles sont les caractéristiques qui différencient les anciennes garderies des nouvelles ?
Quels idéaux socioculturels et quels types de fonctionnement social et éducatif se lisent
dans les nouveaux et les anciens bâtiments ? Dans quelle direction s’oriente le cadre bâti ?

D’autre part, les valeurs liées à la garde d’enfants ont évolué. Par le passé, avant 1997, les
garderies étaient surtout des organismes très autonomes souvent gérés par les parents. Ils
avaient moins de contraintes et de soutien gouvernemental qu’aujourd’hui. Il n’y avait pas
de programme éducatif officiel. Les approches éducatives étaient diversifiées et chaque
garderie faisait valider son propre programme auprès des autorités. Aujourd’hui, un
programme éducatif prescrit par le gouvernement et spécifiquement élaboré pour les
Centres de la petite enfance (Ministère de la Famille et de l’Enfance, 1997) est en
application depuis le 1er septembre 1997.

En parallèle, un autre programme appelé Jouer c’est magique (Ministère de la Famille et de


l’Enfance, 1998b), déjà connu et partiellement diffusé dans le milieu avant l’adoption du
programme éducatif, est présenté comme un exemple d’application plus détaillée du
programme éducatif dont la teneur correspond plutôt à celle d’un programme cadre. Ce
programme d’application Jouer c’est magique est une adaptation du programme américain
High/Scope Educational Approach32 (Hohman, Banet & Weikart, 1979). Le programme
éducatif s’est généralisé dans de très nombreux centres et il fait même l’objet d’une

32
Le programme américain Hight/Scope a été développé dans les années 70 pour les centres préscolaires en
milieux défavorisés. Basé sur un principe de pédagogie active, ce programme se caractérisait par des
interventions à la fois auprès des enfants fréquentant les milieux préscolaires à mi-temps et auprès des parents
lors de visites à domiciles.
65

formation auprès des éducatrices (Association des Centres de la Petite Enfance de Québec,
communication personnelle, 5 sept. 2002). Il vise à assurer la «cohérence de l’offre de
service» (Ministère de la Famille et de l’Enfance, 1997. p. 13) et recommande des
interventions pour assurer le développement global des enfants (dimensions intellectuelle,
socio-affective et morale, langagière, physique et motrice). Pour ce faire, il préconise la
structuration des lieux, des activités et des modes d’intervention du personnel auprès des
enfants. Il recommande un environnement physique adapté aux besoins des enfants (p.21-
22) et un emploi du temps régulier (p.23). Il met l’accent sur le développement par le jeu et
propose aussi des activités spécifiques comme des ateliers où les enfants sont libres de
choisir parmi une série d’activités qui visent toutes à développer un certain nombre de
compétences.

Compte tenu des attentes officielles, comment s’organise la vie dans les locaux des
garderies ? Le cadre bâti est-il influent à cet égard et que se passe-t-il si les bâtiments sont
issus de générations passées ? Les autres dimensions du microsystème compensent-elles
l’inadaptation des locaux anciens ? Si oui, les stratégies d’adaptation mettent-elles en relief
des idéaux et attitudes importantes des milieux de garde ?

Les principales recommandations spatiales sont détaillées dans le programme d’application


Jouer c’est Magique. Elles concernent l’aménagement de différents coins d’activités dans
les salles de jeu pour permettre à l’enfant « de vivre l’ensemble des expériences clé » (p.9).
Les coins suggérés sont le coin blocs, le coin jeux symboliques, le coin expression
plastique, le coin de manipulation, le coin lecture, le coin musique et mouvement, le coin
menuiserie, le coin eau et sable, le coin sciences. Ces coins d’activités sont notamment
destinés à soutenir les ateliers. Les recommandations considèrent principalement l’espace
de l’aire de jeu en tant que support de pratiques pédagogiques et elles mettent l’accent sur
la quantité et le type de matériel à utiliser. Compte tenu de la grande quantité
d’informations détaillées sur l’aménagement et le matériel des coins d’activités qui sont
mentionnées par le programme d’application (environ 21 pages), on peut anticiper une forte
influence sur les aménagements des salles de jeu dans la réalité de la vie quotidienne.
Toutefois, nulle part, il n’est fait mention d’une problématique qui toucherait la totalité du
66

milieu bâti, l’organisation générale des locaux et les valeurs qu’ils supportent. En fait, la
plupart des aménagements proposés laissent libre cours à l’adaptation et l’interprétation de
chacun des milieux, selon les contraintes du bâti et les préférences des éducatrices, pour
peu que le tout respecte les normes et règlements en vigueur.

Les aires de jeux sont les espaces les plus détaillés dans les recommandations officielles.
Quel rôle jouent ces aires de jeu et leurs aménagements ? Quelle place prennent-elles dans
le quotidien des enfants ? Quels idéaux socioculturels et éducatifs s’expriment dans la
façon de les utiliser ?

Enfin, dans un tel contexte en mutation, peut-on dire que la structuration du cadre de vie en
garderie est cohérente à toutes les échelles auxquelles on peut l’observer ? Les processus se
renforcent-ils mutuellement à l’échelle du parc immobilier provincial, à l’échelle du
fonctionnement interne des milieux de garde, à l’échelle de l’utilisation des salles de jeu et
des espaces directement en contact avec les enfants ? Si oui, quels sont ceux qui semblent
avoir le plus de poids et quel type de milieu engendrent-ils pour les enfants ? Si non, où se
situent les incohérences ?

2.2 Démarche de recherche

La récente transformation du réseau des garderies du Québec peut mettre en relief les
processus de structuration du cadre de vie dans les microsystèmes. Elle permet d’examiner
le rôle joué par différentes générations de milieux physiques et de voir comment ils
supportent les pratiques spatiales dans la vie quotidienne des enfants en garderie. Une
période de changement peut aussi mettre en relief les processus d’adaptation ainsi que les
valeurs et images sociales qui s’expriment dans le cadre de vie.

Un des défis de la thèse est de trouver une démarche de recherche qui permette de bien
observer les différents processus tant internes qu’externes aux microsystèmes qui entrent
dans la structuration du cadre de vie des enfants. À partir du modèle théorique et des
niveaux de questionnement soulevés par le contexte québécois, nous proposons d’examiner
67

les microsystèmes-garderies et leur cadre physique à trois échelles différentes (l’échelle du


parc immobilier de la province, l’échelle des établissements et l’échelle des salles de jeu
avec leur aménagement mobilier). Certaines des quatre dimensions des microsystèmes sont
plus saillantes à certaines échelles qu’à d’autres. À grande échelle, l’accent est mis
principalement sur la dimension physique. Les autres dimensions sont peu à peu intégrées
au fur et à mesure que le regard se resserre sur la vie dans les établissements et sur les
détails des processus internes. Une démarche qui regarde la même réalité à trois échelles
différentes peut apporter une compréhension enrichie des processus par lesquels le milieu
physique participe à la structuration du contexte de développement des enfants. Elle peut
aussi mettre en évidence un éventuel renforcement de certains processus à différentes
échelles.

2.2.1 L’échelle du parc immobilier provincial


Un des premiers objectifs est de comprendre l’évolution conjointe du milieu bâti et des
idéaux socioculturels à l’échelle de la province. À cette échelle, nous avons vu que les
influences les plus éloignées (comme les changements de valeurs, de politique, de
programmes éducatifs) peuvent s’inscrire dans la réalité physique des bâtiments. Le modèle
n’est ici utilisé que partiellement (voir Figure 5) en mettant l’accent sur les liens entre la
dimension physique, la dimension humaine (tout au moins prise partiellement) et les
systèmes externes.

Figure 5. Le modèle intégratif utilisé à l’échelle du parc immobilier de la Province.


68

La dimension physique se comprend ici par des caractéristiques architecturales comme


celles qui sont soulevées par Hillier et Hanson (1984) et que l’on peut compléter de
caractéristiques métriques comme le suggèrent Brown et Steadman (1991). À cet égard, les
données peuvent être obtenues à partir de plans, puis traitées statistiquement (voir méthode
section 3.2). La dimension physique peut être mise en relation avec les pratiques
sociospatiales et les idéaux qui se reflètent dans le bâti. En comparant les anciennes et les
nouvelles garderies, on peut alors repérer si certains caractères physiques ont pris de
l’ampleur et si d’autres sont en perte de vitesse. On peut aussi espérer reconnaître à quel
type de milieu (e.g domestique, institutionnel) renvoient les caractéristiques physiques et
les pratiques sociospatiales qui se reflètent dans les garderies nouvellement bâties.

Sur le plan théorique une telle étude illustre comment le cadre physique des microsystèmes
est lié aux systèmes externes et plus particulièrement aux idéaux socioculturels, ce qui
ouvre une première porte sur la compréhension des processus de structuration des
microsystèmes. Sur le plan empirique, connaître l’impact de ses choix sur les
caractéristiques de son parc immobilier pourrait offrir à une société les informations
nécessaires à des réajustements. D’éventuelles incompatibilités entre les attentes officielles
et leur transcription spatiale pourraient être détectées.

2.2.2 L’échelle des établissements


Comprendre les idéaux et pratiques sociales que reflète l’architecture est un premier pas
mais il ne permet pas de savoir vraiment ce qui se passe dans les établissements. Le second
objectif est donc d’avoir une bonne image de l’organisation quotidienne des garderies au
sein de leurs locaux en comparant notamment ce qui se passe dans les locaux neufs et
anciens. Cela permettrait d’éclairer les liens entre le milieu bâti, les systèmes externes et
l’organisation du quotidien.

Pour ce faire, le regard se place à l’intérieur des murs et une dimension supplémentaire du
modèle (voir Figure 6), la dimension organisationnelle, doit donc être rajoutée. Ce sont
alors les processus internes (les liens entre les trois dimensions concernées) et les processus
externes (les liens avec les systèmes externes) qui sont examinés selon le modèle et les
69

hypothèses qu’il supporte. Les dimensions physiques et humaines prennent ici un relief
différent, plus proche de la réalité vécue. On peut par exemple intégrer des détails
d’aménagements intérieurs et de réels comportements de groupe. Ce faisant, on se situe à
une échelle intermédiaire proche de celle de Barker (1968) et qui vise le cadre général de la
vie dans un établissement. Se pencher sur trois dimensions rend difficile l’étude d’un grand
nombre de milieux car il est nécessaire d’obtenir des informations détaillées sur chacun
d’eux. Des études de cas seront donc plus appropriées. Même si elles ne permettent pas de
généralisation, elle apportent une bonne compréhension des processus en jeu.

Figure 6. Le modèle intégratif utilisé à l’échelle de l’organisation des journées dans un


établissement.

En mettant l’accent sur l’organisation des journées, et en intégrant la notion de temps, il est
possible de combiner analyses quantitatives (e.g., les durées accordées à chaque activité ou
le temps passé dans les locaux) et analyses qualitatives (e.g., la façon d’utiliser les locaux).
Toutefois, les rares travaux qui décrivent la vie quotidienne en garderie (e.g. Rivlin &
Wolfe, 1985) et dans les écoles (e.g., Derouet-Besson 1998) restent très qualitatifs et
70

n’attribuent pas de réel poids à la notion de temps. Le défi reste donc à relever dans cette
thèse (voir Chapitres 4 et 5). Sur le plan théorique, ce type d’étude comparative pourrait
apprendre beaucoup sur les processus par lesquels les pressions externes et le milieu
physique participent à la structuration des journées dans les microsystèmes. Cela pourrait
aussi mettre en relief l’importance de la dimension organisationnelle qui reste pour l’instant
sous-étudiée dans les garderies. Sur le plan pratique, les garderies (ou les organismes
décisionnaires) pourraient mesurer l’adéquation de leur organisation interne avec leurs
idéaux et leur philosophie éducative et mesurer les contraintes imposées par leur milieu
physique. Des ajustements pourraient alors être envisagés. La connaissance des liens entre
dimension humaine, organisationnelle et milieu physique pourrait soutenir le travail de
conception des architectes.

2.2.3 L’échelle des salles de jeu


Enfin, compte tenu de l’importance accordée aux aires de jeu dans le programme éducatif
et dans les recommandations officielles, un troisième objectif est de resserrer encore le
regard pour comprendre en détail le rôle que ces salles de jeu jouent dans la structuration du
quotidien des enfants. La comparaison des garderies anciennes et nouvelles peut ici aussi se
révéler utile pour mettre en lumière, à une échelle fine, la façon dont les systèmes externes
(exo et macrosystème) s’expriment dans l’utilisation des salles. À cette échelle, toutes les
dimensions du modèle sont utilisées (voir Figure 7).

La dimension régulée est donc examinée car elle peut être un véhicule important par lequel
transite une culture (Valsiner, 1987). On peut supposer que certaines règles sont très
présentes, reflétant les idéaux socioculturels les plus importants. Les trois autres
dimensions s’affinent. À cette échelle, c’est de moins en moins le plan total d’une garderie,
mais plutôt les qualités spatiales d’une salle unique ou même du mobilier qui interfèrent
avec les pratiques. D’autre part, la dimension humaine peut renvoyer à la façon dont les
éducatrices, elles-mêmes influencées par le contexte socioculturel, s'appuient sur le milieu
physique pour organiser et réguler le quotidien. Enfin, la dimension organisationnelle peut
aussi s’affiner en visant uniquement la succession des activités dans les aires de jeu.
71

Figure 7. Le modèle intégratif utilisé à l’échelle d’une salle de jeu.

Examiner les quatre dimensions du modèle suppose un grand nombre de données


descriptives, notamment en ce qui concerne les règles de vie et la façon dont les actions
sont encouragées (ou empêchées). Les analyses qualitatives semblent donc mieux
appropriées à un tel type d’étude. C’est d’ailleurs la position adoptée par Rivlin et Wolfe
(1985). Toutefois, il est quand même possible d’intégrer quelques analyses quantitatives
relatives à la notion de temps (e.g., durée d’utilisation de certains coins d’activités). Un tel
type d’étude est bien loin des études traditionnelles sur le milieu physique des garderies qui
sont centrées sur des occurrences de comportements ou sur des cartes comportementales en
lien avec des caractéristiques physiques (voir Chapitre 1, section 1.2.2). Cela représente un
défi que cette thèse tente de relever au chapitre 5 où les méthodes utilisées seront
expliquées. Sur le plan théorique, cette troisième étude complète la connaissance des
processus entrant dans la structuration du contexte de vie des enfants en intégrant
notamment la notion de régulation en lien avec le milieu physique, qui au même titre que la
dimension organisationnelle reste largement sous-étudiée. Sur le plan pratique, connaître
les façons de faire en contradiction avec les idéaux éducatifs pourrait aider les garderies à
effectuer des réajustements. Connaître les différentes façons dont on se sert de l’espace
72

physique pour faire passer des consignes, des règles ou pour encourager les enfants pourrait
aussi soutenir le travail des éducatrices.

2.3 En somme

Ces trois façons d’utiliser le modèle et les trois études qui en découlent ne sont pas les
seules possibles mais elles prennent la mesure de la complexité du problème et tentent de
s’adapter à la problématique du contexte québécois. Les études proposées ici pourraient
être menées indépendamment les unes des autres. Toutefois, en choisissant une approche
multiscalaire, c’est-à-dire en menant conjointement les trois études dans les mêmes locaux
eux-mêmes examinés à trois échelles différentes, cette thèse vise aussi à apporter un
éclairage supplémentaire concernant le renforcement possible des processus de
structuration des microsystèmes “garderies“ que des études séparées ne pourraient pas
traiter.

Les trois prochains chapitres présentent chacun une de ces études, passant de l’échelle du
parc immobilier, à celle des établissements et enfin à celle de salles de jeu. Chaque étude
est présentée de façon autonome. Tout en s’appuyant largement sur le cadre théorique de la
thèse, elles le complètent d’études empiriques nécessaires à une bonne compréhension des
questions spécifiques à chacune. Les méthodes sont expliquées au fur et à mesure et chaque
étude comprend aussi ses résultats et une discussion. La conclusion générale de la thèse
viendra par la suite faire la synthèse des trois études.
73

Références

Barker, R. G. (1968). Ecological psychology. Stanford: Stanford University Press.


Brown, F. E., & Steadman, J. P. (1991). The morphology of British housing: an empirical
basis for policy and research. Part I: Functional and dimensional characteristics.
Environment and Planning B: Planning and Design, 18, 277-299.
Derouet-Besson, M. C. (1998). Les murs de l'école, éléments de réflexion sur l'espace
scolaire. Paris: Métailié.
Hillier, B., & Hanson, J. (1984). The social logic of space. Cambridge, UK: Cambridge
University Press.
Hohman, M., Banet, B., & Weikart, D. (1979). Young children in action. Ypsilanti:
High/Scope Press.
Ministère de la Famille et de l’Enfance. (1997). Programme éducatif des Centres de la
petite enfance. Sainte Foy: Publications du Québec, Canada.
Ministère de la Famille et de l'Enfance. (1998a). Situation des garderies au Québec en
1997. Québec: Gouvernement du Québec, Canada.
Ministère de la Famille et de l’Enfance. (1998b). Jouer, c’est magique. Programme
favorisant le développement global des enfants. Sainte Foy: Publications du
Québec, Canada.
Ministère de la Famille et de l’Enfance. (2002). Loi sur les Centres de la petite enfance et
autres services de garde à l'enfance. Règlement sur les garderies. (Mise à jour 26
novembre 2002). Québec: Gouvernement du Québec, Canada.
Ministère de l'Emploi de la Solidarité Sociale et de la Famille. (2004). Statistiques.
http://www.mfe.gouv.qc.ca/serv_garde/statistiques/ [2004, 29 mars]. Gouvernement
du Québec, Canada.
Rivlin, L. G., & Wolfe, M. (1985). Institutional settings in children's lives. New-York:
John Wiley & Sons, Inc.
Valsiner, J. (1987). Culture and the development of the children’s action, a cultural-
historical theory of developmental psychology. New York: John Wiley & Sons, Inc.
Chapitre 3

Daycare center spatial characteristics,


sociocultural ideals and practices :

The provincial scale

Abstract

This study aims at understanding the evolution of the Québec daycare building stock with
the evolution of sociocultural ideals. The model suggests that the influences of external
systems (macro and exo systems) can shape the physical reality of buildings. Their spatial
organization reflects the social organization of the inhabitants and, by extension, the way
they envision the structuring of the settings for children. By comparing the built
environment of recent daycare centers (purpose-built buildings) with two other types of
older daycare centers that still exist in Québec (former houses and former institutional
buildings), one can read the evolution of the sociospatial organization of these settings with
the evolution of certain sociocultural ideals. The method is based on syntax analysis
(analysis of spatial organization) and analyses of other physical characteristics (room area,
number of rooms, arrangements) of 86 plans of Centres de la Petite Enfance. Analyses of
variance and discriminant analysis were used to identify the variables that most strongly
distinguish the daycare types. Results show that the purpose-built daycare centers (the
newer buildings) have both domestic and institutional physical characterisitics, perhaps a
hybrid inheritance from the two other types. They also have new characteristics that reflect
a concern for functionality and security as well as an efficient and homogeneous design.
The sociocultural ideals underlining the design of these builings and sociospatial practices
reflected in them are discussed. This study illustrates how microsystems are linked to
75

external systems, especially sociocultural ideals. It represents a first step toward


understanding the process of structuring microsystems in terms of their physical
environment.

Résumé

Cette étude vise à comprendre l’évolution du parc immobilier québécois en lien avec
l’évolution des idéaux socioculturels. Le modèle théorique utilisé suggère que les
influences de systèmes externes (macro et exo systèmes) peuvent s’inscrire dans la réalité
physique des bâtiments. Leur organisation spatiale reflète l’organisation sociale des
habitants et, par extension, la façon dont ils envisagent la structuration du cadre de vie des
enfants. En comparant le cadre bâti des garderies les plus récentes (bâtiments construits
spécifiquement pour servir de garderies) avec celui de deux autres types de garderies plus
anciens (garderies dans d’anciennes habitations et dans d’anciens bâtiments institutionnels),
on peut lire l’évolution de l’organisation sociospatiale de ces milieux en lien avec les
idéaux qui s’y expriment. La méthode utilisée s’appuie sur l’analyse syntaxique (analyse de
l’organisation spatiale) et sur l’analyse d’autres caractéristiques physiques (superficies,
nombre de pièces, aménagements) de 86 plans de Centres de la petite enfance. Des analyses
de variance et une analyse discriminante ont été conduites pour identifier les caractères
physiques qui distinguent le mieux les types de garderies. Les résultats montrent que les
garderies spécifiques ont des caractéristiques physiques à la fois domestiques et
institutionnelles, peut-être un héritage hybride des deux autres types. Elles ont aussi des
caractéristiques nouvelles telles qu’un design fonctionnel et des espaces très hiérarchisés
qui reflètent un souci d’efficacité et de sécurité. Les idéaux socioculturels qui sous-tendent
le design de ces bâtiments ainsi que les pratiques sociales qui s’y reflètent sont discutés.
Cette étude ouvre une première porte pour la compréhension des processus de structuration
des microsystèmes par le biais de leur cadre physique.
76

3.1 Introduction

This first study aims at understanding the evolution of the architecture and sociospatial
organization of daycare centers in Québec in relation to the recent evolution of
sociocultural ideals and policies (see Chapter 2, section 2.2.1). This study is a first step
toward illustrating, at the provincial scale, how the physical environment contributes to the
structuring of the context of life in the daycare-microsystems.

According to one of the external processes in the model, the physical dimension of a
daycare-microsystem reflects the influences of other external systems, including the
exosystem (e.g., the government regulations and educational programs) and the
macrosystem (e.g., the sociocultural values and ideal toward child care, education and work
environment). The model suggests that the built environment is designed according to a
particular vision of the way children and adults should live in these settings. Government
regulations often are merely functional or mainly consider the physical environment as a
danger. Daycare centers are primarily designed based on considerations such as minimum
required areas, accident prevention, minimum number of rooms, or equipment needs.
Educational programs usually suggest sets of physical arrangements (e.g., spatial
organization of classes and rooms) to support current approved educational practices that
embody sociocultural ideals. The educators, themselves influenced by the sociocultural
ideals, attempt to make the building as suitable as possible for their own use as well as for
the comfort and development of the children. When the political and social context
changes, which has recently been the case in Québec, the physical dimension of daycare-
microsystems may also evolve.

In turn, inside the microsystem, the physical dimension, and especially the spatial
organization of buildings, may affect (and reflect) the sociospatial dynamics of the
77

inhabitants (Hillier & Hanson, 1984). This means that changing the space according to new
sociocultural ideals also involves changing spatial practices, and thus changing the context
of development for children.

Architectural plans are useful tools for understanding this process. For example, spatial
characteristics such as size, spatial organization and arrangements of building plans can
reflect a set of government rules and sociocultural ideals, as well as sociospatial dynamics
inside the building. By comparing plans of recent and older types of daycare centers in
Québec, it should be possible to determine the evolution of their physical character as well
as the evolution of the sociospacial dynamics and sociocultural ideals that underlie these
buildings. But first, it is important to learn how one can understand building plans.

3.1.1 Understanding building plans


According to space syntax theory (Hillier & Hanson, 1984), spatial organization is
connected with the social structure and “the ordering of space in buildings is really the
ordering of relations between people” (Hillier & Hanson, 1984, p. 2). Thus, in each
microsystem experienced by children, social relations33 are mapped into the physical
organization of the building, and the spatial configuration of the rooms has significant
social connotations. Physical boundaries are a way to control both the access to different
parts of the building and the penetration of visitors from the outside. For example, open
interior space and easy accessibility to the rooms suggest an informal social life and shared
territories for caregivers and children. “Deep” buildings that require visitors to pass through
many rooms, or rooms with few entrances, suggest more control of users’ movement and
defense of private territories. In sum, the configured-space (Bafna, 2003), reflects a public-
private dimension and supports the control exerted by the inhabitants over the different
parts of the building.

However, understanding spatial organization alone is not enough to understand a building.


It is also possible to consider the number of different rooms in the building (Altman &

33
Social relations here are understood to be at the scale of the daycare – group level.
78

Chemers, 1980) and to consider the metric characteristics such as buildings’ dimensions,
areas and volumes (Brown & Steadman, 1991), all of which have significant social
connotations. Thus, when one wants to study the physical dimension of microsystems
based on their plans, it seems important to consider a combination of all these attributes.
This is attempted in this study, in which the combination of a building’s spatial
organization with its metric and functional features may be called its spatial structure. By
considering the size of rooms, their location within the building, the presence or absence of
certain rooms (or their over- or under-representation), their proximity to other rooms, as
well as connections between them, much can be learned about the life of those who use the
building and their sociocultural ideals.

Next, different types of building spatial structure that are important for this study will be
examined. Before considering spatial structure of daycare centers directly, it is worth
observing that many young children experience two main types of environment on a daily
basis: their residence and the daycare center. Later, they will also attend school, an
institutional educational environment. The topology of these three building types (home,
institution and purpose-built daycare centers) is often very different. As will be seen, their
spatial structures and characteristics are related to various sociocultural dimensions. For
that reason, research on the spatial structure of each type will be considered next.

3.1.2 Residential spatial structure


Altman and Chemers (1980) characterized houses based on their differentiation versus
homogeneity. Differentiated houses have many rooms, each with a different function.
Homogeneous houses have fewer rooms and many functions or activities can occur in each
one. Differentiation is connected with wealth (larger houses have more rooms) and has an
important impact on the daily behaviors and social relations of the inhabitants. For
example, in houses, the locations and relations between receiving, eating and cooking
activities are important indicators of the socio-economic level of the owners and of the
dominant sociocultural model at the time of the building’s construction (Trigueiro, 1997).
One central room, the kitchen, is a very important domestic space that organizes a large
part of the social life in the household.
79

The public-private dimension, a main characteristic of residential space, describes the


control of access to the familial and individual intimate life. Hanson (1998) decoded
residences based on space syntax theory and showed that near versus distant accessibility to
the rooms from the main entrance (depth) was related to the openness versus closedness to
outsiders. The central location (or not) and easy accessibility (or not) of rooms (termed
“integration”) are indicators of their collective versus individual nature in the household.
The fluidity of circulation inside the residence (termed “ringuiness”) is also related to
freedom versus control of movement. For example, some residences with rooms that are
open to multiple other rooms have more ringuiness and therefore offer more freedom of
movement to their inhabitants. However, that reduces the privacy of some rooms.

3.1.3 Institutional spatial structure


Robinson (2001) characterized the public-private dimension of institutions (e.g., hospitals,
nursing homes, boarding schools) versus houses in terms of territorial gradient, that is, the
topology of spatial organization leading from more public spaces (e.g., street, front yard) to
more intimate spaces (e.g., bedrooms, private offices). Although they are usually smaller,
with smaller rooms, houses usually have a complete territorial gradient, but many
institutions lack transitions between public and intimate spaces. In institutions, large public
areas (e.g., lobby, entrance hall) usually serve distribution areas (corridors) and intimate
spaces (e.g., hotel bedrooms, offices, hospital bedrooms), but it is rare to find private
transitional spaces (e.g., inner hall) controlled by the inhabitants. According to Fischer
(1997), institutional and office buildings are often characterized by their rational spatial
organization. The amount of space, the location of functions, the allocation of space to
people, and the connections among the rooms all serve specific programs. Spatial
distribution organizes the hierarchical relations between people based on the number of
inhabitants, the available space, the function of each room and the location of authority
symbols (e.g., the director’s office).

As for institutional educational environments, much research has been conducted on school
physical environments in relation to children’s development and performance. In a classic
study, Barker and Gump (1964) examined school size, measured as number of behavior
80

settings, in relation to children’s social engagement. They showed that smaller schools are
related to active social engagement in the community and that their size influences the
experience of students, the degree of bureaucracy, the access to services and resources as
well as the capacity of students to comprehend the building. In the late 1970s, open-plan
classrooms were associated with stress (Evans & Lowell, 1979) and lack of privacy (Rivlin
& Rothenberg, 1976).

Many studies have examined classroom design in relation to children and teacher behaviors
(e.g., Küller, 1992; Nash, 1981; Olds, 1979; Sommer, 1980; Weinstein, 1982). For
example, in one recent study, classroom spatial arrangements were found to both reflect
and constrain the practices of teachers (Horne Martin, 2002).

However, fewer studies have considered overall school spatial organization. Based on
topological and metric approaches, some researchers interpret school environments in
relation to sociocultural ideals, practices and educational programs. For example, Markus
(1993) demonstrated that 18th- and 19th- century English school plans were based on
control of students and status hierarchy. The plans segregated girls and boys as well as
adults and children. The large size of some classrooms indicated the very high number of
children taught in those rooms. Yanagisawa (2000) examined 54 US school plans based on
their design patterns and size. He showed that they were designed to support cooperation
among the classrooms. The more recent designs reflected a new educational philosophy and
method based on small groups, staff communication, and links to the community. The
classroom patterns reflected a shift toward individual (versus collective) education.

3.1.4 Daycare center spatial structure


Fewer studies of daycare center architecture than of school architecture have been reported.
Most studies of daycare centers consider playroom design in relation to children’s
performance or behaviors (e.g., Campos-de-Carvalho & Mingorance, 1996; Legendre,
1999, 2003). However, in other studies, attempts have been made to understand the links
between programs, social vision and design (Moore, Lane, Hill, Cohen & McGinty, 1994).
Considering the educational context, and from behavioral studies, Moore and Lackney
81

(1994) developed design recommendations for childcare centers with design patterns and
metric considerations. Very few studies of daycares based on architecture and plan
examination have been conducted. In one notable exception, Dudek (2000) distinguished
many kindergartens based on qualitative architectural dimensions such as functionality,
security and symbolism, and proposed architectural types such as metaphoric, didactic,
organic and late modernist. Hemsworth (1996) was among the first to examine daycare
spatial structure in relation to educational programs and sociocultural practices and ideals.
Using space syntax methods to study Australian daycare centers, she noticed that
playrooms are usually the most private (deeper) rooms, that children and adults are
spatially segregated, and that “an unstated concern for protecting children from possible
abuse [was] a major generator for spatial relations” (p. 304). This concern was particularly
evident in designs that allocated gatekeeper functions to offices and kitchens. Changes in
political and sociocultural ideals were reflected in this spatial organization.

3.1.5 Research questions and hypotheses of the study


Recent political changes in Québec may also have influenced the spatial structure of its
daycares. Many new daycares were built in the last several years. Their designs followed
governmental guidelines and interpretations of the new province-wide educational program
(Ministère de la Famille et de l’Enfance, 1997). But, of course, older daycare buildings still
exist in the province, mainly in converted residences34 (we will call them former-house
daycare centers) as well as converted institutional and office buildings (institutional-
building daycare centers). The paragraphs above show that houses and institutions have
different spatial structures. Thus, former-house daycare centers, institutional-building
daycare centers (as well as purpose-built daycare centers) probably also have different
spatial structures. Although the function of the first two types of daycare has changed from
house or institution to daycare, these buildings typically are still largely configured
according to their original spatial structure. The sociocultural ideals and practices
incorporated into the three types of buildings certainly are not the same. Because most

34
Most are in converted houses, but some are in converted apartments.
82

purpose-built daycare centers were mainly constructed after the recent political changes,
they presumably reflect the current sociocultural ideals and practices in Québec.

Former-house daycare centers presumably offer a more homelike daily life based on a
domestic scale, with a few small rooms, an emblematic domestic room such as the kitchen,
and a full public-private territorial gradient. However, it is reasonable to hypothesize that
the transformation from a residence into a daycare perturbed the original design, resulting
in non-optimal distribution of space, heterogeneous areas for similar functions (e.g.,
playrooms) and alterations to the public-private gradient.

Institutional-building daycare centers might be hypothesized to promote a more


institutional way of life because they are located in bigger buildings with larger rooms and
larger circulation areas, shorter public-private gradients, and designs rationalized for
institutional functions. Because these institutional buildings (e.g., schools) were not
originally designed as daycares, some transformations presumably have modified the initial
functions of the space (e.g., a classroom changed into a playroom), but many institutional
characteristics may still appear in the plans.

Purpose-built daycare centers might be hypothesized to present a different spatial structure,


based on the new educational program, strict application of governmental regulations, and
the previous experience of caregivers. For example, the new administrative role of daycares
and the greater number of children presumably results in more offices and playrooms, and
to new functions for the offices (e.g., gatekeeper, control and reception of visitors). The
new universal educational program might be expected to result in more uniform designs in
the purpose-built daycare centers (e.g., similar areas for the same functions, systematic
organization of the rooms). The design input of the caregivers, based on their previous
experiences might well have promoted more functional designs (e.g., more closets, efficient
location of the bathrooms) to facilitate their everyday work.

In summary, these considerations lead to the following questions: What are the main
characteristics of each kind of daycare? Are the purpose-built daycare centers different
from the others? Which sociocultural ideals and practices do they reflect?
83

3.2 Method

3.2.1 Sample
Eighty-six daycares eligible for government subsidies35 were selected (27 former-house
daycare centers36, 29 purpose-built daycare centers, and 30 institutional-building daycare
centers). They are located in many parts of Québec (cities, villages and rural areas). The
Ministère de la famille et de l’enfance of Québec stores plans for all subsidized daycares in
its archives. Every tenth daycare in the archive was selected. In the daycares, children range
from three months to five years of age. Some daycares serve infants (three to nine months)
and some do not. Most daycares offer between 40 and 75 places to children (m = 55, sd =
18; house daycare centers : m = 56, sd = 16; purpose-built daycare centers : m = 61, sd =
18; institutional-building daycare centers : m = 51, sd = 16). Although some buildings were
constructed before 1979, all the buildings examined were authorized as daycares between
1979 and 2001.

3.2.2 Variables
One goal was to identify the main characteristics of each kind of daycare in terms of spatial
variables. All the plans were examined based on their spatial organization, their metric
dimensions, the number of rooms, and certain specific design patterns and arrangements.
Some variables were derived from space syntax analysis, and others from objective
measurements and observation of the plans. Nineteen variables were considered in all.

Spatial-organization variables.
Based on space syntax analysis of the plans (Hillier & Hanson, 1984), the public-private
axis from the outside and the fluidity of circulation inside the building were examined. The
plans were examined from a summer perspective when many egresses to outdoors are also

35
Not all daycares in Québec receive government subsidies. Some for-profit are entirely private. Only the
Centres de la Petite Enfance in installations were examined.
36
The 27 house-daycare centers included 26 renovated houses and 1 apartment daycare center.
84

used as entrances by parents and children. In the winter, egresses are more limited because
of the snow, but many of them are still used37. The space syntax method transforms
architectural plans into justified graphs (see Figure 8, Figure 9 and Appendix 1) that
represent the accessibility of the rooms from a reference point (usually the exterior or the
main entrance) and the interconnectedness of the rooms. This yields scores for these two
aspects of building organization: integration and distribution.

Figure 8. Principles and examples of depth and integration scores.

wc. wc s.r. s.r. p.r. wc depth 6

p.r. p.r. p.r. nurs. kit. p.r. laund. depth 5

cor. wc cloa. stor. cor. depth 4


s.r s.r. p.r. hall… cloa. off. depth 3
stor. cloa. p.r. off. wc p.r. p.r nurs. p.r kit. wc cor. cor. cloa. depth 2

Cor Hall Vest. Cor. depth 1

Low depth Justified graph of Justified graph of Height depth


Maximum integration Daycare 54 Daycare 66 Minimum integration
Fan graph Integration score 1,757 Integration score 0,786 Linear graph

Low depth and low integration scores suggest a more equal accessibility to the rooms from the outside, and a short
public-private gradient. Large depth and large integration scores suggest different accessibility to rooms, and a
longer public-private gradient.

Symbol key
stor :storage cloa :cloakroom p.r :playroom hall :hall w.c :toilets
cor :corridor vest :vestibule off :office laund :laundry nurs :nursery
kit :kitchen s.r :sleeping room :exterior space

37
How to consider outdoor space may be a difficulty in space syntax analysis because daycare centers have
many egresses. One must choose between granting the same or different status to all the outdoor spaces. The
playground might be considered a kind of internal space (a “special room”) or as an external space (a space
that people use to access the building). The second solution was chosen because, in Québec daycare centers,
the playgrounds are usually used by visitors (the parents), especially in summer, when they come to pick up,
or drop off the children. It is important to treat all the buildings the same way (which was done). As a result of
this choice, the graphs appear less deep and they are slightly more complex than if the playgrounds had been
considered to be “rooms” but this choice better represents the reality of how the space is used. To retain
information about the different egresses, more than one “outdoor point" sometimes appears on the graphs
even though they are all given the same ”referent outdoor space” status.
85

The integration score indexes the homogeneity of access to the rooms. For example, high
integration scores means that the rooms are equally accessible from a given reference point
(see the fan graph in Figure 8). In this case, the public-private axis is short, with few (or
even no) control points between the outside and the most private rooms. Low integration
scores means that some rooms are easily accessible, whereas others must be reached
through several doors (see the linear graph in Figure 8). In this case, the public-private axis
is deeper, with many control points between the outside and the most private rooms.

The distribution score refers to the fluidity of circulation inside the building. Because
distribution is represented by rings on the graphs (see Figure 9), it also refers to the
ringuiness of the plans.

Figure 9.Illustration of ringuiness and distribution scores.


Depth 2
2 3 4 5
2 3 4 5

1 Depth 1
1

Justified graph
No rings / low distribution score: only one way to go to each room.

Depth 2
2 3 4 5
2 3 4 5

1 1 Depth 1

Justified graph

Multiple rings / high distribution score: more than one circulation pattern
between rooms.

A ring is a circulation path that takes a person to the same point in the building without
going through the same door. Plans with low distribution scores have many rooms with
only one entrance (no or few rings). In these cases, movement through the building is
strongly controlled. Plans with high distribution scores have many rooms with multiple
86

entrances (many rings). In these cases, the buildings allow more circulation possibilities,
and movement through the buildings is less controlled.

Two further spatial organization variables were examined. The justified graphs assign a
depth-from-the-outside level to every space in the building. A depth-3 space is an
arrangement such that a person must pass through two interior doors to enter a third room.
Depth-3 is related to the public-private gradient. Because preliminary examination of the
plans showed that depth-3 was very common, a spatial-organization variable was created to
consider the proportion of depth-3 spaces in the daycare.

Preliminary examination of the plans showed that many daycares have a particular
arrangement of the bathrooms in relation to the playrooms. That is, the bathroom is placed
between two playrooms and is accessible from both (see Figure 10). In contrast, other
daycares place the bathrooms in the corridor, or the bathrooms are accessible from only one
playroom. Thus, a bathroom-playroom variable was created based on this distinction.

Figure 10. Playroom-bathroom spatial organization.

Playr oom Playr oom

Bat hro om

Co rr i do r

This specific and unusual arrangement occurs


in some daycare centers and not in others.

Area variables.
The areas of all the spaces in the 86 plans were measured. Special attention was paid to
playrooms and to circulation areas that represent the main spaces in the daycares. Six area
variables were examined: total area of each daycare, average and largest area of the
playrooms for children over nine months of age (infants were not present in all the
87

daycares), average and largest circulation areas, and homogeneity of playroom size (that is,
the difference between the largest and the smallest playroom in each daycare).

Number-of-rooms variables.
The number of rooms is often related to the size of the daycare. However, it is also related
to the differentiation and the rationalization of the functions inside the building. Because
plan examination showed that the number of staircases (which were considered as rooms in
the study) was quite different among the three kinds of daycares, a variable for this was
created. In all, six variables were examined: number of playrooms, bathrooms, offices, staff
rooms, staircases, and total number of rooms.

Design-of-the-interior variables.
Based on the hypotheses about a possible gatekeeper role of offices in new daycares, on the
emblematic role of the kitchen in houses, and on the possibility that purpose-built daycare
centers are more functional, three variables based on the design of the interior were
examined: a) offices with a window view of the main entrance (or not), b) enclosed
kitchens that are not visible from the playrooms or kitchens visible from the playrooms
(through windows or counters), and c) closets (in all, more than half, or less than half of the
playrooms).

3.2.3 Analyses
The analytical goal of this study was to determine whether it is possible to distinguish the
three types of daycares based on their physical characteristics. These spatial analyses were
aimed at understanding the trends in Québec’s new stock of purpose-built daycare center
buildings compared to the older stock and at determining whether it is possible to clearly
discriminate whether a new building type had emerged during the last few years.

Analyses of variance and discriminant analysis were used to identify the variables that most
strongly distinguish the daycare types.
88

3.3 Results

3.3.1 Differences in spatial characteristics for each building type


Table 1 shows the means, standard deviations and the results of the oneway ANOVAs of
all the variables examined for the three types of buildings. The major similarities and
differences will be described next, by type of variable. Differences to be noted are all
significant at the p < .05 level of significance in the oneway ANOVAs. Differences
between individual building types where an overall significant difference was found were
tested with Duncan's multiple range test. This allows to see which type of building differs
from the others.

Among the spatial organization variables, the integration and distribution scores were
similar for the three kinds of daycares. The proportion-of-depth-3 spaces and playroom-
bathroom spatial organization scores were larger for the purpose-built daycare centers than
for the other two kinds of daycares.

Concerning area variables, the purpose-built daycare centers are the largest buildings,
although the institutional-building daycare centers have the largest rooms (playrooms and
circulations). The former-house daycare centers are the smallest on all the area variables.
The purpose-built daycare centers are the most homogeneous (i.e., they have the smallest
range of playroom sizes)

In term of the number-of-rooms variables, the former-house daycare centers have far more
staircases than the other two types. The purpose-built daycare centers have the most
number of rooms (total number of rooms and total number of playrooms).

Finally, in terms of the design of interior variables, the purpose-built daycare centers have
more playrooms with closets or storage-rooms and they also show a trend toward more
offices with a view of the main entrance. Finally, former-house daycare centers have more
open-plan kitchens than the other two types of daycares.
Table 1. Differences in spatial characterisitics for each building type.

Institutional & offices


Former house (N=27) Purpose built (N=29) buildings- (N=30)
M S.D. M S.D. M S.D.
Spatial organization
Integration score 1.53 0.37 1.52 0.27 1.45 0.35 F(2,83) = 0.47
Distribution score 0.10 0.05 0.11 0.04 0.10 0.07 F(2,83) = 0.07
a b a
Proportion of depth-3 spaces 0.30 0.11 0.41 0.07 0.30 0.14 F(2,83) = 8.95***
a a
Playroom-bathroom spatial organization 0.22 0.42 0.59 b 0.50 0.10 0.31 F(2,83) = 10.77***
Area
2
Total building area (m ) 334.03 122.73 413.78 207.91 321.51 174.85 F(2,83) = 2.42
2 a a b
Mean playroom area (m ) 27.51 8.39 27.66 6.04 34.61 12.69 F(2,83) = 5.31**
2 a ab b
Smallest playroom (m ) 17.37 6.97 21.09 5.47 25.26 12.26 F(2,83) = 5.69**
2 a a b
Mean circulation area (m ) 8.04 2.10 9.61 2.80 17.97 15.25 F(2,83) = 9.72***
2 a a b
Largest circulation area (m ) 11.41 7.64 14.82 9.07 27.89 29.40 F(2,83) = 6.31**
2 a b a
Range of playroom size (m ) 25.30 12.29 15.45 10.88 23.82 15.52 F(2,83) = 4.69*
Number of rooms
a b c
Total number of spaces 25.41 7.87 30.97 12.42 19.47 8.30 F(2,83) = 10.21***
ab a b
Number of bathrooms 3.81 1.66 4.55 2.65 2.80 1.47 F(2,83) = 5.71**
a b a
Number of offices 1.15 0.36 1.79 1.47 1.20 1.00 F(2,83) = 3.29*
a a b
Number of playrooms 6.19 1.64 6.28 2.22 4.63 1.73 F(2,83) = 7.04**
Number of staff rooms 0.63 0.49 0.79 0.49 0.50 0.51 F(2,83) = 2.56
a b a
Number of staircases 1.63 0.88 1.17 0.89 0.33 0.76 F(2,83) = 17.45***
Design of interior
Office with view 0.22 0.42 0.48 0.51 0.23 0.43 F(2,83) = 2.99
Open plan kitchen 0.74 0.45 0.69 0.47 0.53 0.51 F(2,83) = 1.48
a b a
Closets 0.74 0.59 1.41 0.73 0.57 0.77 F(2,83) = 11.64***
*p < 0.05. **p < 0.01. ***p < 0.001.
Within each row, means with different subscripts differ significantly (p < .05) by Duncan’s multiple range test
89
Table 1. (continued)

Note.
Spatial organization variables
Integration score see method section.
Distribution score see method section.
Proportion of depth-3 spaces number of depth 3 spaces /total number of spaces.
Playroom-toilet spatial organization 0=no specific arrangement, 1= at least one specific arrangement with bathroom between two playrooms (see Figure 10).
Area variables
2
Mean playroom area (m ) Mean area of the playrooms (for children over 9 months of age) in the building.
2
Smallest playroom (m ) Area of the smallest playroom.
2
Mean circulation area (m ) Mean of all the circulation area in the building: staircases, corridors, halls, vestibules.
2
Maximum circulation area (m ) Area of the largest circulation in the building.
2
Range of playroom sizes (m ) Difference between the largest and the smallest playroom.
Number-of-rooms variables
Total number of spaces
Playroom, Nursery, Sleeping room, Cloakroom, Bathroom, Kitchen, Storage, Utility room, Library, Meeting room, Dining
room, Staff room, Staircase, Entrance Hall, Hall, Vestibule, Corridor, Laundry, Office, Multipurpose room, exterior space.
Number of playrooms For children over 9 months of age.
Design-of-interior variables
Office with view 0=no view, 1=view on the main entrance.
Open plan kitchen 0= classic kitchen with doors , 1= kichen open to the playroom (large windows or counter).
Closets 0= no closet or storage in the playrooms; 1=closet or storage in half or less of the playrooms ; 2=closet or storage in more
than half of the playrooms.
90
91

3.3.2 Distinguishing the daycare types


A discriminant analysis was conducted to determine the optimal set of variables for
distinguishing the three kinds of daycares. First, a series of oneway ANOVAs was
conducted on all 19 examined variables to select significant ones for use in the discriminant
analysis. Thirteen variables significantly distinguished the daycare types (p < .05), and six
did not (see Table 1).

A next goal was to discover the strongest model for distinguishing between house-daycare
centers, purpose-built daycare centers and institutionnal-daycare centers. Because each
category of variables (spatial organization, areas, number of rooms, design of the interior)
represents one aspect of building design, another goal, based on the hypotheses, was to give
each category an opportunity to participate in the model.

Although thirteen variables were significant in the ANOVA, it was inefficient to retain all
thirteen in the discriminant model because some were redundant. Thus, the second step was
to eliminate redundant variables (see correlations in Appendix 1). For example, most
number-of-rooms variables were correlated. Thus, only the most powerful of the number-
of-rooms variables was retained : number of staircases.

In the final set that meets the two goals above, seven variables were used to discriminate
the daycare types: proportion of depth-3 spaces, playroom-bathroom spatial organization,
mean playroom area (m2), largest circulation area (m2), range of playroom size (m2),
number of staircases, and prevalence of closets. Wilks’ lambda was used to test the null
hypothesis that the weighted group means (or group centroids) were equal (see Table 2).

Table 2. Test of equality of group means.

Wilks' Lambda
Test of Function(s) Wilks' Lambda Chi-square df p<
1 through 2 0.290 98.997 14 .001
2 0.640 35.744 6 .001
92

The two discriminant functions were significant, χ2 (14) = 98.99 and χ2 (6) = 35.74, p <
.001 ; Wilks’ lambda = .29 and .64. The analysis correctly classified 80.2% or 69 of the 86
daycares (see Table 3 and Figure 11).

Table 3. Classification Results.

Predicted Group Membership Total


Building type 1 2 3
Original Count 1 21 3 3 27
2 5 22 2 29
3 2 2 26 30
% 1 77.78 11.11 11.11 100
2 17.24 75.86 6.90 100
3 6.67 6.67 86.67 100
80.2% of original grouped cases correctly classified.

Figure 11. All-groups scatter plot.

Canonical Discriminant
Canonical Discriminant Functions
Functions
4

1
3 2

0 Building
Building typeType

1 GroupCentroids
Group Centroid
-1
Function 2

3 Institutional-building
3 Institutionnal-
daycare centers
-2 2daycares
Purpose-built
2 purpose-built
daycare centers
daycares
1 Former-house
-3 1House-daycares
daycare centers
-4 -3 -2 -1 0 1 2 3
Function 1
93

By arbitrary convention, loadings in excess of .30 in the structure matrix are considered
eligible for interpretation (Tabachnick & Fidell, 2001). Five of the seven variable loadings
exceed .30 and two are close to .30. The latter two variables are less powerful for
distinguishing among the three types of daycare centers. However, without them, only 76%
would be correctly classified. The structure matrix of the discriminant analysis (see Table
4) show that function one discriminates the daycare types most strongly on spatial
organization and design-of-interior variables and function two discriminates them mostly
on number of rooms and area variables.

Table 4. Structure Matrix.

Function
1 2
Closets 0.47 * 0.18
Playroom-bathroom spatial organization 0.45 * 0.14
Proportion of depth-3 spaces 0.38 * 0.27
2
Mean playroom area (m ) -0.27 * 0.26
2
Range of playroom size (m ) -0.25 * -0.25
Number of staircases 0.36 -0.69 *
2
Largest circulation area (m ) -0.26 0.36 *

Pooled within-groups correlations between discriminating variables and standardized canonical discriminant functions.
Variables ordered by absolute size of correlation within function.
* Largest absolute correlation between each variable and any discriminant function

3.4 Discussion

The goals of this study were to discriminate among three types of daycare buildings based
on their physical characteristics, and to identify the trends in the newer purpose-built
daycare center type compared to the two older types. In the course of examining 86 plans,
19 variables were considered. Thirteen showed significant differences between the daycare
types and, of those, seven were found to be useful for clearly distinguishing the three types
of daycares. The vast majority of the 86 cases were correctly classified with the seven
94

variables. The others did not further improve the success of classification, but they did
assist in the understanding of the characteristics of each type of daycare center. It is
important to bear in mind that the physical characteristics of the daycare centers
investigated in this study are not socially neutral. They reflect multiple sociocultural ideals
that affect the structuring of the sociospatial dynamics inside the daycare-microsystems.

3.4.1 Spatial structure and sociospatial dynamics of daycare-


microsystems
It is necessary to clearly understand the physical characterisitics of the three different
building types as they were revealed in the results of the study and to discuss their
sociospatial implications.

3.4.1.1 Spatial organization

The public–private axis


The purpose-built daycare centers have more depth-3 rooms (41 percent) than other depths.
That is not the case for the two other kinds of daycare: depth-2 is the most common room
type for former-house daycare centers (33 percent) and institutional-building daycare
centers (38 percent). Depth-2 and depth-3 rooms are mainly playrooms or offices, that is,
private spaces allocated to one administrator or a small group (a caregiver and her group of
8-10 children). This result reveals an important difference among the daycare types in their
public-private pattern: purpose-built daycare centers have an extra level of rooms before the
more private rooms (see Figure 12), usually an entrance hall or a main circulation space.
This reflects a spatial hierarchy that differentiates between reception spaces, distribution
spaces, and playrooms, such as in hotels or the institutions examined by Robinson (2001).
As for social dynamics, this design trend allows for control of access from the outside and
more efficient placement of the children in the daycare center. This could affect relations
with visitors to the daycare and especially with parents, as will be seen later.

In the non-purpose-built daycare centers, that hierarchy is less present because of their
smaller size and their original purpose. Their sociospatial dynamics appear different:
visitors have less need to pass through a formal reception room and a main circulation
95

space to enter into the playrooms. Instead, they pass almost directly from the most public
space (the street) to the private space (the playroom) with only one transitional space (a
corridor) between them. In fact, the transformation from houses or institutional buildings to
daycares changed their usual public-private gradient, mainly because the function of the
original rooms changed. Today, as a kind of hybrid between former and current uses, the
resulting gradients in former-house daycare centers and institutional-building daycare
centers are rather similar. However, although the new purpose-built daycare centers have a
more hierarchical distribution of space, all three daycare center types are closer to an
institutional public-private gradient than to a purely domestic (residential) gradient
(Robinson, 2001). As a result, one can expect that in all three types of daycare centers, the
children, their caregivers, visitors and parents will behave more as they would in an
institutional setting. The new purpose-built daycare centers facilitate these sociospatial
dynamics when they offer these efficient and hierarchically organized distributed spaces.
This is illustrated in Figure 12.

Playroom-bathroom arrangement.
The other significant spatial organization variable that was useful in discriminating the
purpose-built daycare centers from the others was the playroom-bathroom arrangement,
that is, two playrooms connected by a bathroom. There are no explicit government
regulations specifying that arrangement. It seems likely that this arrangement stemmed
from the caregivers’ previous experiences and from an interpretation of the educational
program that calls for “dyadic organization” (i.e., two same-age groups in two adjacent
rooms). This bathroom-playroom arrangement is very functional; it was designed to
facilitate the children’s autonomy in toilet-training, and the supervision by caregivers. The
unusual position of the bathrooms in the purpose-built daycare centers is neither domestic
nor institutional: shared accessibility from the main private rooms is very unusual in houses
or institutions where bathrooms are usually accessible from circulation areas. Based on an
efficient design that clusters the age groups, the systematic location of bathrooms between
two playrooms creates autonomous sub-territories that have the basic facilities.
96

Figure 4. Examples of depth and public-private hierarchy for each type of daycare.

SR SR PR PR DR K

N PR O PR PR ST L WC S WC

C EH
One distribution level
CL
before the main private
rooms

Typical justified graph for a former-house daycare center


(plan number 89)
214 m2 - 39 children (6 toddlers)

K O S L WC

C ST S PR

WC H CL C PR WC WC CL SR

PR SC PR N
One distribution level before
the main private rooms

Typical justified graph for an institutional-building daycare center


(plan number 63)
428m2 - 60 children (10 toddlers)

WC

T PR PR S SR S

WC S S PR PR S ST WC O CL C L N K PR

PR H C C C SR

Two distribution levels before


PR SC V V N the main private rooms

Typical justified graph for a purpose-built daycare center


(plan number 72)
385 m2 - 60 children (11 toddlers)

Most of the main rooms in former-house and institutional-building daycare centers are
located at depth-2, after a single level of distribution such as a corridor or a staircase.
Purpose-built daycares present a different spatial hierarchy. Most of their main rooms are
located at depth-3, after two levels of distribution, such as a vestibule plus a corridor.
Symbol Key.
SR :Sleeping room N : Nursery WC : Toilets SC : Stair case H : Hall
PR : Playroom O : Office S : storage C : Corridor EH : Entrance Hall
DR : Dining room ST : Staff room CL : Cloakroom V : Vestibule X : Exterior space
K : Kitchen L : Laundry
97

This suggest that the group and the caregiver could develop a stong sense of territoriality in
these very well-defined and segregated room clusters. By allowing an easy control from the
caregivers, this spatial arrangement may also allow more freedom to the children who can
use the bathroom as they wish. This particular arrangement also suggests that the two
groups that share the bathroom can be closer one to each other, sharing their common
territory and perhaps some of their activities. The bathroom could acquire an unusual role
of transitional space between the two playrooms.

In sum. The main design pattern of purpose-built daycare centers appears to be based on
concerns about the hierarchy of the internal distribution of space and on functional
elements such as the playroom-bathroom arrangement. The sociospatial dynamics inside
these buildings seem to be rather well organized with a firm control over the movements of
inhabitants and visitors. In contrast, former-house daycare centers and institution-daycares
are less well organized because of the transformation from their previous purpose. One can
expect that the sociospatial dynamic of groups inside these buildings will also be less well
organized, with more informal use of space.

3.4.1.2 Areas
Two area variables (largest-circulation area and mean playroom area) were useful for
distinguishing the institutional-building daycare centers from the former-house daycare
centers. The institutional-building daycare centers have the largest circulation spaces as
well as the largest playrooms because they were public buildings previously designed for a
large number of visitors and workers. Their large playrooms were usually former
classrooms or meeting rooms. Such large areas may allow many children per playroom as
well as many different kinds of activities, comprising especially motor activities. The large
circulation areas may ease movements inside the building. In contrast, former-house
daycare centers have the smallest areas because of their previous domestic design. This
may lead to fewer children per room, but also to some crowding problems and, therefore,
strategies aimed at compensating for the lack of room inside the building (e.g. the use of
other spaces such as outside playground).
98

For these two variables, the purpose-built daycare centers fall between the other two
daycare types. Although the purpose-built daycare centers are larger (m = 413m2, sd = 207)
than the former-house daycare centers (m = 334 m2, sd = 207) and the institutional-building
daycare centers (m = 321 m2, sd = 174), the interior circulation and playroom areas are
closer to domestic than institutional scale. However, despite the tendency to give domestic
scale to the rooms, the purpose-built daycare centers were carefully designed for a large
number of children. Circulation areas are interesting for their sociospatial implications
because, in Québec, dressing-undressing activities take much space and time in the
corridors, especially in winter. Although the circulation areas are not very large in the
purpose-built daycare centers, they are paired with efficiently located cloakrooms (usually
alcoves) designed to ease congestion in the corridors. This arrangement does not exist in
the former-house daycare centers, where very small circulation areas double as cloakrooms.
In the institutional-building daycare centers, circulation and cloakroom areas are not an
issue because they are already large enough.

However, the over-sized circulation areas of the institutional-building daycare centers were
not introduced into the purpose-built daycare centers. The results show that purpose-built
daycare centers tend to have a more efficient circulation ratio, and that they also tend to
have a more domestic atmosphere with smaller rooms, each allocated to one group of
children.

One of the hypotheses was that purpose-built daycare centers would be more uniform in
their design. The results show that they are more uniform in playroom size than the other
two kinds of daycares. In the purpose-built daycare centers, the size of each playroom is
convenient for a group of 8 or 10 children with one adult, depending on the age of the
group. This uniformity is a result of multiple influences, including approval by the
government of the plans and the playroom sizes before the daycare is constructed, official
educator-child ratio and m2-per-child ratio, preferences of the caregivers for separated
playrooms, and interpretation of playroom design recommendations in the new educational
program. This uniformity does not exist in the other kinds of daycare, in which daily life is
organized based on the opportunities and constraints offered by buildings that were not
99

designed as daycares: some groups of children have large rooms and some have small ones
in the same building. Because each group must adapt to different-sized playrooms, their
daily activities may be less homogeneous. In the purpose-built daycare centers, the daily
activities may be more uniform.

In sum. The pattern of room areas in the new purpose-built daycare centers reflects a design
trend that is characterized by larger buildings, more efficient circulation areas with only the
minimally required number of square meters, middle-sized playrooms close to a domestic
scale, and uniform playroom size. Such a design indicates the intention to standardize the
number of children per room and make it suitable for one caregiver. The efficient size of
the circulation areas reinforces the role of spatial organization toward control of movement
and prevention of congestion inside the building.

3.4.1.3 Number of rooms


The purpose-built daycare centers have the largest number of rooms, except for the number
of staircases. Surprisingly, the number of staircases was the most powerful variable for
distinguishing the former-house daycare centers from the two other kinds of daycare.
Although all the daycares in the sample have between zero and three staircases, on average,
former-house daycare centers have more than the two other kinds. Although many former-
house daycare centers are two-storey buildings (necessitating more staircases), the results
also suggest they have less efficient designs because of multiple renovations and
extensions. In contrast, purpose-built and institutional-building daycare centers have more
efficient designs with only the required number of staircases.

Some other significant distinguishing variables are interesting even if they were less useful
in the discriminant model. The total number of rooms in the purpose-built daycare centers
was significant by larger than in the other two types. This large number of rooms is linked
to the large number of children and to the larger size of the new buildings. Based on the
ideas of Altman and Chemers (1980), this indicates greater segregation of the spaces and
the functions, with each room devoted to one (or a few) exclusive functions. The large
number of offices in the purpose-built daycare centers suggests an evolution in the
100

approach to childcare: they have evolved from community-based organizations to more


administrative and worker-oriented ones. The large number of rooms reinforces the effects
of their hierarchical distribution. This suggests a strong segregation among the users,
depending on their status and their function in the daycare.

In sum. The number-of-rooms results show that former-house daycare centers have fewer
rooms and less efficient designs, characterized by their larger number of staircases. In
contrast, institutional and purpose-built daycare centers have more rooms and are more
efficient in their staircase design. Purpose-built daycare centers include certain additional
characteristics such as a larger number of offices, which reflects an evolution in the
approach to daycares toward an emphasis on administrative functions.

3.4.1.4 Design of the interior


Three variables in this category were examined: closets, offices with views of the main
entrance, and open plan kitchens. The most powerful of them for discriminating among the
three types of daycares was the prevalence of closets or storage areas in the playrooms.
Because the new educational program recommends many different kinds of toys and
materials to support all the educational activities, the purpose-built daycare centers have
more closets and storage areas than the two other kinds of daycares. This also encourages
autonomy among groups of children: each has its own educational equipment in its
playroom. Sharing and negotiation for toys and equipment is less necessary for each
caregiver and her group. Further studies could be conducted to confirm (or disconfirm) this
interpretation. However, this raises the question of whether this design leads to more
individualistic than collective functioning, as Yanagisawa (2000) found in the US schools
he studied.

The number of offices with a view of the main entrance was not significantly different
among the three daycare types, but that is because many old buildings recently added a
window to their offices. However, the purpose-built daycare centers do have more office
windows than the other two types. The reception office with visual access to the main
entrance seems to have become a common design element for all the daycares, whether
101

through renovation or new construction. This also appears to suggest an increased


administrative/institutional orientation in the daycares, with the strategic location of an
authority symbol (the office) as a means of control of the main entrance. As in
Hemsworth’s (1996) study, it would also seem to indicate an increase in vigilance and child
protection, creating a gatekeeping role for the office to screen visitors.

Although there were more visual accessible kitchens in the former-house daycare centers,
the difference was not significant among the three kinds of buildings. As hypothesized,
daily life seems to be more kitchen-centered in former-house daycare centers, but the
similarities among the groups are mostly due to the new purpose-built daycare centers that
tend to reproduce this domestic dimension in the new constructions. However, in former-
house daycare centers, the kitchen often has a visual connection to one playroom whereas,
in purpose-built daycare centers, the kitchen has often a visual connection to a main
circulation area (e.g., entrance corridor) but not to a playroom. For the children, the relation
to the kitchen is different. In the former-house daycare centers, they can follow the meal
preparation during the morning whereas, in the purpose-built daycare centers they have a
contact with the kitchen mainly when they enter or exit the daycare center with their
parents. This could be an interesting experience (e.g., parents and children having a glance
at the kitchen and sometimes exchanging a few words with the cook) but, even if it tends to
be friendly, the social dynamic involved is not a domestic one. The kitchens with visual
accessibility to the entrance may also play a gatekeeper role in the purpose-built daycare
centers, but this role is less evident than that of the offices.

In sum. Examination of the daycare interior designs shows that purpose-built daycare
centers tend to be more functional, with a larger number of closets in their playrooms.
Beside the functionality, such an arrangement suggests a group-autonomy dynamic that
avoids negotiation for educational material with other groups. Security and control are
important issues, reflected in the fact that the older daycares have added offices with views
so that there are no longer differences between the three types. Many of the purpose-built
daycare centers tend to preserve a domestic atmosphere by providing visual accessibility to
the kitchen, even though kitchens are no longer in close contact with the playrooms.
102

3.4.1.5 Specificities of the daycare types


Next, a short synthesis will summarize the main differences among the daycare types and
the sociospatial implications of those differences.

The former-house daycare centers are the smallest. Their rooms remain on a domestic
scale. The usual public-private territorial gradient of classic houses has been altered to a
more institutional gradient, with fewer control levels between public and private spaces.
Their playroom sizes are more heterogeneous, their designs are less efficient (too many
staircases), and they are less functional (fewer closets and storage areas, fewer efficient
bathroom-playroom arrangements, and smaller circulation areas). Because of this
heterogeneity, this lack of functionality, and their small size, the life inside such a type of
building may be rather informal. Some problems could also arise, especially if the number
of children increases or if the daycare centers’ philosophy changes and they do not accept
territory-sharing as willingly.

The institutional-building daycare centers have larger rooms and larger circulation areas.
However, their rooms are less homogeneous. As in the former-house daycare centers, some
children have large playrooms and some have smaller ones. These daycares tend to have
more traditional institutional short public-private gradients, with larger circulation areas.
They have fewer efficient bathroom-playroom arrangements and fewer functional elements
such as closets. However, the larger size of their rooms helps to compensate for their lack
of functionality. Because of their large rooms and circulation areas, the atmosphere may be
less cosy than in former-house daycare centers, but less crowded too. These buildings may
allow many possibilities for a variety of activities, and the large rooms could even allow
large motor activities, which could be beneficial for the children, especially in winter.

The purpose-built daycare centers differ from the other two types in several important
ways. Their interior space is hierarchically organized from public to private. They are the
largest buildings and contain more rooms. Their circulation areas are more efficient in size.
Their more uniform playroom sizing is more appropriate for groups of about 8-10 children
and one caregiver. Most purpose-built daycare centers have an efficient playroom-
bathroom pattern that is much less common in the other two daycare types, and they have
103

more offices and more functional elements such as closets. Because of this efficient and
functionnal design, daily life should be very well organized. Groups are encouraged to
function in pairs and children’s zones are well segregated from services and administration.
The design allows for the control of movement and congestion inside the building, and it
prevents from the necessity of going outside the playroom territory.

3.4.2 The structuring of daycare microsystems : Emergence of a new


architectural daycare type and reflection of current sociocultural ideals
Besides knowledge about the characteristics of three main architectural types of daycare
centers, and according to the theoretical model of the dissertation, this study illustrates that
the physical environment of daycare-microsystems evolved with the changes in policies
and ideals in Québec. It reflects current ideas about how society envisions the structuring of
the daycare-microsystem. Figure 13 shows how the results illustrate this in the case of
recent purpose-built daycare centers.

Figure 5. Structuring the microsystem in recent purpose-built daycare centers : The


expression of external systems in the physical and human dimensions (built environment
and sociospatial dynamics).
Sociocultural concerns reflected in the new daycare-microsystems
- Security (building environment helps to insure physical security of children)
- Order (environment as a support for well organized life).
- Education (environment as a support for the application of the educationnal program).
- Maintaining coherence in the children’s mesosystem (daycare environment provides some
domestic features. image of a large house).
- Working place : daycare environment should support staff, service workers and caregivers’ work

Macrosystem Sociospatial dynamics related


to the physical environment
of new buildings
Exosystem - Control of visitors and
children movement. Avoid
Mesosystem congestion.
- Hierarchically organized - Segregation of inhabitants
buildings : public-private axis depending on status (child-
- Playroom-bathroom pattern Daycare center adult) and function
and paired playrooms Microsystem - Facilitation of paired group
- Large buildings activities
- Uniform playroom size for - Facilitation of group
8 to 10 children Physical Human functionnal autonomy and
- Efficient circulation areas Dimension Dimension Organizational Regulated independance from other
- Many rooms especially Dimension Dimension groups
many playrooms, bathrooms Spatial organization Socio-spatial - Institutional socio-spatial
and offices dynamic paired with some
Room areas dynamics
- Offices with view on main components of close to
entrance Nnumber of rooms
domestic sociospatial
- Many closets Special arrangements
dynamic
104

In this section, the evolution of sociocultural ideals and practices as reflected in the
evolution of daycare center architecture is discussed.

The newer purpose-built daycare type is different from the two older types of daycare. New
sociocultural ideals and practices appear to have influenced the emergence of this specific
type of educational building for young children. The former model of community-based
daycare centers located in renovated houses or renovated institutional buildings has
changed to a more formal model located in buildings specifically constructed for early
childhood education. In the span of only a few years, daycares have become larger, with a
more uniform and efficient design.

The generalized (government-mandated) educational program and new governmental


regulations have influenced the approach to early childcare education and have been
incorporated into the new design pattern of the purpose-built daycare centers. Functionality,
security and autonomy of the groups seem to be the most important issues. The designs
tend to facilitate the caregiver’s daily work (e.g., easy supervision of the children going to
the bathroom, many nearby closets), encourage appropriation of small territories for the
caregivers and their groups (e.g., autonomous playrooms with all the facilities), and help
prevent children from possible abuses, by screening visitors (offices with a view of the
main entrance), and through the extra control space between the main entrance and the
private areas.

These control measures, however, do not mean that parents are not allowed to enter the
daycare when they wish. The Québec educational program specifically promotes the
welcoming of parents (Ministère de la Famille et de l’Enfance,1997 p. 28). It appears that
the efforts toward control are aimed at strangers or other visitors, who may represent a
danger to the children or otherwise disturb life in the daycare center. In this case, a spatial
organization that includes a extra formal space tends to stop visitors before they can enter
the playrooms. This interpretation is confirmed by the increasing number of offices with a
view of the main entrance in all three building types. We may infer that there is an
increased desire to know who is entering the building and, if necessary, to intercept
indesirable persons. It also appears that the creation of a strong spatial hierarchy between
105

the street and the playrooms has the goal of preventing young children from leaving the
building. With this spatial hierarchy, it is easier for the children to recognize their spatial
limits and for the staff to control their movements. This trend toward the protection of
children is similar to that observed by Hemsworth (1996) in new Australian daycare
centers.

The purpose-built daycare centers combine some characteristics of both residences and
institutions. For example, there is a tendency toward domestic scale (small circulation areas
and medium-size playrooms) but, at the same time, a very institutional-like design to
conform to the new educational program (e.g., cluster playrooms organized by age group,
bathrooms to facilitate toilet-training). On one hand, the segregation of inhabitants
according to status (child, adult) and function (e.g., play-zones, administation and service)
suggests an intention to avoid disturbances among the inhabitants and to avoid intrusions
from outsiders, which resembles small school dynamics more than residential dynamics.
On the other hand, because of their very young age, offering the children an environment
that resembles a large house also seems desirable. According to Bronfenbrenner and Evans
(2000) it is important to maintain a certain coherence in the mesosystem, and a domestic
atmosphere can be a design solution that minimizes the gap between the two main
microsystems experienced by these young children (their house and the daycare center).

However, the increasing number of children in daycares and the implementation of an


official educational program has led to efficient organization and increased functionality in
the daycare centers. Building efficiency is crucial for their functioning. The result is a
rather uniform hybrid domestic-institutional building. This kind of building tends to
integrate two images of early childhood: the member of a familial and protective household
and the future pupil who learn to behave in large groups and in a pre-school environment.

Children could have the opportunity to experience a transitional physical setting before
attending school and this may be beneficial for them. However, the rather uniform design
of the purpose-built daycare centers raises the question whether this is the best solution at
the provincial scale. This architectural solution is adapted to the current socioclotural ideals
but could not be suitable to further changes.
106

3.5 Conclusion

As an illustration of the proposed theoretical model, the aim of this study was to understand
the evolution of the physical dimension of daycare center-microsystems with the evolution
of the external systems (macro and exosystems). Four categories of design variables were
used to examine and distinguish 86 daycare center plans. The study successfully
distinguished the spatial characteristics of three types of daycares, classifying over 80
percent of them correctly. The examination of plans using both morphologic and metric
attributes is a powerful tool for understanding building plans. Adding metric attributes to
the morphologic method of Hillier and Hanson (1984) permitted the discovery of trends in
new buildings, such as the standardization of playroom size in concern with a segregation
by small groups with one caregiver. Metric variables were also useful for distinguishing
institutional versus domestic characteristics.

The foregoing interpretation suggests that the characteristics of the newer purpose-built
daycare centers, compared to the other types may indicate an evolution in sociocultural
ideals and practices. It shows which sociocultural ideals and regulations are powerful
enough to transform a whole architectural type. The passage from community-based
autonomous organization under the control of an official authority, the application of a
uniform educational philosophy and the evolution of the image of child care seem to have
resulted in a consensus about best or proper physical design for daycare buildings. In
Québec, this evolution seems to lead toward an institutionalisation of the daycare centers’
physical environment balanced by quasi-domestic characteristics useful for maintaining the
coherence of the mesosystem. Although this study did not examine the role of architects or
contractors, one can assume that they participated in the emergence of this new building
type by reproducing the architectural models that satisfied the government and daycare
administrations. This may be an important intermediary process that facilitates the
expression of the macro and exosystems in the physical dimension of microsystems.
107

Limits of the study


Like every study, this one has its limits. The sampling choice is one limitation.38 The
conclusions can only be generalized to Québec daycare centers, not those in the rest of
Canada or the world. Furthermore, the study was limited to subsidized daycare buildings.
However the vast majority of daycare centers in Québec are now subsidized.

The physical characteristics of the buildings examined in this study are not the only ones
possible and this represents another limitation of the study. It might have been interesting to
investigate the evolution of sociocultural ideals through the external environment of the
building (e.g., playgrounds, relation with the urban environment); as well as through
aesthetics (e.g., facade, colors, decoration). However, the data for this kind of study, such
as site plans for considering the larger building context and photos for considering
aesthetics were not available.

Further studies
Despite the limitations, it is reasonable to speculate that building types as examined in this
study may have implications for behaviors and activities inside the daycare center. They
may affect the microsystems experienced by children. The examination of plans suggest
much, but they are not as powerful as observation in real settings. How do groups and
inhabitants use the different types of building? For example, which rooms are used most?
Do groups in the small and heterogeneous former-house daycare centers use more rooms
than groups in the new purpose-built buildings ? It would be useful as a next step to
observe the daily life and behavior of children and caregivers in the three types of daycare
centers. This would help to further elucidate how the physical structure of daycare centers
participate to the stucturation of the microsystems. These questions are the theme of the
next two chapters.

38
Other kinds of daycare centers exist in Québec that are not included in this study. Only subsidized daycare
buildings (called Centres de la petite enfance en installations) were examined, but not the subsidized
“familial daycares” located in private houses (with a maximum of nine children), and not the for-profit
daycare centers. These private for-profit daycare centers are not very numerous. The spatial characteristics of
these other types (single-family houses or private buildings based on different educational programs may, of
course, differ from those in this study. Thus, even though, the trend is toward a new and uniform purpose-
built buildings, the global architectural portrait of daycares in Québec is not completely uniform.
108

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110

Chapitre 4

Environnement physique et
vie quotidienne dans cinq garderies :

Échelle des établissements

Résumé

Cette étude illustre comment le milieu physique et les idéaux socioculturels participent à la
structuration des microsystèmes en affectant l’organisation des activités dans l’espace et le
temps. Les cas de cinq garderies architecturalement différentes sont étudiés. Les activités,
leurs horaires, les locaux utilisés et les pratiques spatiales des groupes de 4-5 ans au cours
de journées typiques ont été analysés qualitativement et quantitativement à partir de
statistiques descriptives. Les résultats montrent que si le milieu physique (superficie des
pièces, fonctionnalité et organisation spatiale) est lié à certaines différences dans
l’organisation du quotidien, son rôle n’est pas déterminant. Il existe de très importantes
similarités entre les garderies, qui pointent vers la forte influence de pressions externes qui
uniformisent les milieux. Quel que soit le type architectural, la vie est très routinière, les
groupes participent aux mêmes types d’activités, ils sont répartis de la même façon dans les
locaux, les utilisent de manière similaire, passant environ les trois quarts de leur temps dans
une même salle de jeu. Ces résultats suggèrent qu’il existe partout un même modèle de
fonctionnement qui reflète les idéaux des milieux de garde. Il est raisonnable de conclure à
une possible institutionnalisation des garderies, toutefois tempérée par des caractéristiques
plus domestiques. L’architecture récente renforce l’expression du modèle de
fonctionnemement adopté par tous les milieux alors que les locaux anciens nécessitent des
stratégies d’adaptation pour pouvoir s’y conformer. Ce dernier point fait l’objet d’un
développement visant à compléter le modèle théorique sur lequel se base cette thèse.
111

4.1 Introduction

Cette seconde étude poursuit la réflexion sur les processus de structuration des
microsystèmes (Bronfenbrenner, 1979) en lien avec leur cadre physique (voir modèle
intégratif, Chapitre 1, section 1.6). Elle se penche sur le cas de cinq garderies et met
l’accent sur la dimension organisationnelle des microsystèmes, plus particulièrement sur
l’organisation des activités dans l’espace et le temps (voir démarche de recherche, Chapitre
2, section 2.2.2). L’étude précédente a examiné deux dimensions des microsystèmes
(physique et humaine) et a mis en évidence les idéaux socioculturels et les dynamiques
sociospatiales qui se reflètent dans les plans de différents types architecturaux de garderies.
Elle ne permet toutefois pas d’affirmer avec certitude ce qui se passe dans les bâtiments. En
se positionnant à l’échelle des établissements et en introduisant la dimension
organisationnelle, cette étude aborde donc une partie de la question. Des architectures très
différentes génèrent-elles différentes façons d’organiser les activités dans l’espace et le
temps ? Au contraire, l’évolution des idéaux liés à la garde d’enfants au Québec
uniformise-t-elle les façons de faire ? À cet égard, les différentes architectures offrent-elles
les mêmes facilités pour l’implantation de nouvelles pratiques ? Si non, comment
l’architecture et la vie quotidienne s’adaptent-elles l’une à l’autre ? En définitive, quels
types d’environnements en résultent pour les enfants et quels idéaux véhiculent-ils ? Ces
questionnements conservent la vision du milieu physique comme reflet de société sous-
tendue au chapitre précédent. Ils ajoutent du relief au rôle du milieu physique comme cadre
de vie. Ce ne sont plus seulement les caractéristiques physiques qui sont observées pour
elles-mêmes mais aussi la façon dont elles participent à l’organisation de la vie dans les
établissements.
112

Pour aborder ces questions, deux types de processus en jeu dans la structuration des
microsystèmes garderies sont examinés (voir modèle théorique, Chapitre 1 section 1.6) :
Tout d’abord, les processus internes aux garderies où le milieu bâti (dimension physique)
pourrait affecter l’organisation des activités dans l’espace et le temps (dimension
organisationnelle) ainsi que les pratiques spatiales qui y sont associées (dimension
humaine, e.g., façon d’utiliser le cadre bâti); ensuite, les processus externes où le contexte
socioculturel et historique (macrosystème), passant parfois par les règlements et
programmes éducatifs (exosystème), pourrait aussi affecter l’organisation des journées en
garderie.

Avant de poursuivre plus avant, il est important de comprendre comment le milieu


physique peut affecter la dimension organisationnelle et les pratiques spatiales dans un
établissement éducatif. D’autre part, il est aussi nécessaire de comprendre en quoi les
influences du contexte socioculturel peuvent affecter la façon dont les établissements
éducatifs organisent leur quotidien dans l’espace et le temps. Si très peu de travaux ont été
effectués sur les garderies, nombre d’exemples empiriques proviennent de milieux
scolaires.

4.1.1 Environnement physique et organisation du quotidien dans les


établissements éducatifs
On sait que le milieu physique des établissements éducatifs peut affecter les comportements
des individus. Par exemple, on sait que, dans les écoles, le bruit (Maxwell & Evans, 2000),
la lumière (Heschong Mahone Group,1999) et la présence ou l’absence de fenêtres (Küller
& Lindstein,1992) influencent les performances et les comportements des enfants. On sait
aussi que, dans les garderies, l’aménagement des salles de jeu (Campos-de-Carvalho &
Mingorance, 1993; 1996; Casey & Lippman, 1991; Gareau & Kennedy, 1991; Legendre,
1987; 1997) affectent les comportements sociaux des enfants39. Toutefois, les
connaissances sont plus lacunaires dès qu’on aborde les liens entre le milieu physique et

39
Voir Chapitre 1, sections 1.2.1 et 1.2.2
113

l’organisation des journées ou les pratiques spatiales dans les milieux de garde. Le
quotidien semble aller de soi. Il est par conséquent peu étudié.

Pourtant, au-delà des influences sur les enfants (et parfois à cause d’elles), le cadre
physique peut aussi affecter le quotidien. Le cas des écoles à aires ouvertes des années 70,
brièvement mentionné dans le chapitre d’introduction (voir Chapitre 1, section 1.3.2), reste
exemplaire à cet égard. Les aménagements dits ouverts ont eu des conséquences non
négligeables sur la vie des classes. Ainsi, les pratiques spatiales y étaient moins formelles
que dans les écoles traditionnelles, les manipulations du mobilier plus fréquentes, les
déplacements des élèves aussi (Derouet-Besson, 1998). Toutefois, les mauvaises qualités
acoustiques couplées au non-cloisonnement des espaces et, par conséquent, la faible
capacité du milieu à respecter l’identité et l’intimité des habitants ont participé à réorienter
le fonctionnement initial de ces établissements. Par exemple, nombre de groupes avaient
tendance à se repositionner dans le bâti pour échapper au bruit ambiant en se regroupant
dans des espaces plus cloisonnés (Rivlin, & Rothenberg,1976), modifiant de ce fait le type
de locaux utilisés au cours de la journée et le temps passé dans les locaux ouverts.

Sans être aussi déterminants, l’organisation spatiale, la superficie des pièces, leur nombre et
leurs aménagements peuvent aussi affecter l’organisation des activités dans l’espace et le
temps. On sait que l’organisation en plan des bâtiments reflète et soutient une certaine
dynamique sociospatiale des individus et des groupes dans le bâti (Hillier & Hanson, 1984).
En conséquence, certains espaces faciliteront tel ou tel type de fonctionnement. Notons par
exemple les salles positionnées pour faciliter la ségrégation spatiales filles-garçons et
enfants-enseignants (Markus,1993) dans les écoles du XIXe siècle40 ou, à l’opposé, le
regroupement des salles de classes en sous-unités facilitant les relations entre les groupes et
offrant des opportunités pour un travail concerté entre enseignants dans les récentes écoles
nord-américaines (Yanagisawa, 2000)41. La proximité et la visibilité des pièces peuvent
aussi être des facteurs influents dans la vie des garderies, car elles facilitent (ou non) les
contacts sociaux et la surveillance des enfants (Moore & Lackney, 1994). En fait, l’accès

40
Voir Chapitre 1, section 1.4.2
41
Voir Chapitre 1, section 1.4.1
114

visuel à certains espaces peut orienter toute une partie de la vie sociale d’un établissement
ainsi que les lieux choisis pour les activités. On a vu que les cuisines de nombreuses
garderies australiennes ont une position très centrale (Hemsworth, 1996)42. Leur visibilité et
leur facilité d’accès sont aussi des facteurs physiques importants qui orientent la vie autour
de la préparation des repas. Au contraire, les cuisines des garderies new-yorkaises visitées
par Rivlin et Wolfe (1985) sont en sous-sols et inaccessibles. Aucune activité n’y a lieu, ce
qui supprime l’atmosphère domestique liée à la préparation des repas et confère un aspect
institutionnel aux garderies.

La superficie des locaux est connue depuis déjà plusieurs années comme un des principaux
facteurs affectant le comportement des enfants. Ainsi, en garderie, les salles très petites
(moins de 2,3m2/enfant) ont tendance à provoquer des conflits (Smith & Connolly, 1980).
Un tel phénomène pourrait affecter par ricochet l’organisation des journées en accroissant
l’énergie (et peut-être le temps) allouée par les éducatrices aux périodes de régulation de
groupe (Crosser, 1992). On ne sait en fait pas comment les faibles superficies affectent
réellement la dimension organisationnelle des garderies, mais il est plausible que des
phénomènes présents dans les milieux de travail s’y appliquent. Par exemple, on pourrait y
retrouver une jouissance ponctuelle43 de certains locaux à heures prédéterminées selon les
tâches des individus et des groupes (Fischer, 1997).

On sait très peu de choses sur les liens entre la fonctionnalité des locaux (e.g., points d’eau
ou placards dans les salles) et l’organisation de la vie en garderie. Dudek (2000) mentionne
pourtant que la fonctionnalité est revendiquée par les milieux de garde et qu’elle est à
considérer dès la conception architecturale. On peut en effet facilement imaginer que
l’accessibilité des toilettes et la présence (ou non) de rangements pourraient avoir des
incidences non négligeables sur la dynamique globale d’un établissement en facilitant (ou
en contraignant) l’autonomie des enfants et le travail des éducatrices.

42
Voir Chapitre 1, section 1.4.2
43
Terme de l’auteur
115

Si on veut examiner la dimension organisationnelle des garderies, la notion de temps est à


considérer, et ce d’autant plus qu’elle fait partie intégrante du contexte de développement
des enfants (Bronfenbrenner & Evans, 2000). Le temps alloué à certaines activités ou à la
fréquentation des locaux pourrait varier selon le cadre bâti et affecter le type
d’environnement offert en définitive aux enfants. Par exemple, les enfants passent-ils plus
de temps dans la cour lorsque la garderie est petite ? Le temps passé dans les salles de jeu
est-il lié aux aménagements de celle-ci ? À leur superficie ?

Il existe malheureusement peu de travaux qui examinent la vie quotidienne des enfants en
tenant compte explicitement de la notion de temps et d’espace. En fait, hormis l’étude de
Barker et Wright (1951) qui décrit la journée d’un enfant en relevant les activités et
l’environnement toutes les deux minutes et, hormis l’étude de Prescott (1987) qui compare
la vie en garderie et à la maison, il n’a pas été possible de trouver de travaux qui examinent
le déroulement des activités au cours de journées complètes et en lien avec le cadre
physique. Pourtant, en s’appuyant sur le concept de behavior setting44 (Barker, 1968), ces
travaux avaient ouvert des pistes intéressantes. En effet, considérer l’environnement de la
garderie comme un cadre de vie comportant une succession de behavior settings peut se
révéler utile puisque ce concept est le seul à vraiment intégrer la notion de temps et
d’espace. Utilisant ce concept, Moore et Lackney (1994) notaient que les groupes passaient
moins de temps aux tâches éducatives dans les behavior settings aux frontières physiques
peu définies (classes aménagées en aires ouvertes) que dans les environnements
traditionnels et bien délimités. Toutefois, ces travaux considèrent la notion de temps
comme un outil de mesure détaché du concept d’espace et sans réelle conséquence sur le
cadre de développement des enfants. La question de l’espace-temps vécu par les enfants au
quotidien reste donc à investiguer et ce d’autant plus qu’elle représente un vide dans les
connaissances sur les milieux de garde.

En somme, nous avons vu que la dimension organisationnelle d’un établissement éducatif


peut être affectée par le cadre bâti. À ce titre, l’organisation spatiale, la superficie des
locaux, l’accès visuel aux salles et leur fonctionnalité sont des caractères physiques qui
116

peuvent jouer un rôle. La notion de temps (e.g., durée de fréquentation des locaux) est un
point important à considérer dans ses liens avec le cadre bâti. Le concept de behavior
setting, bien que sous-exploité dans les études empiriques, peut se révéler d’une aide
précieuse pour aborder la question.

4.1.2 Environnement socioculturel et organisation du quotidien dans les


établissements éducatifs
La structuration du microsystème n’est pas un processus refermé sur la garderie. Selon le
modèle utilisé dans cette thèse (voir Chapitre 1, section 1.6), les influences externes liées
aux valeurs, à la culture et aux règles d’une société (le macro et l’exosystème) entrent aussi
en jeu.

Différentes conceptions de la garde d’enfants peuvent influencer le déroulement des


activités dans l’espace et le temps. Par exemple, Prescott (1987) montre que l’on peut
reconnaître les différences entre un milieu de type domestique et un milieu de type
institutionnel en examinant les enchaînements entre les behavior settings au cours de la
journée. Un milieu institutionnel se caractérise par des enfants qui agissent en groupe (e.g.,
ils changent d’activité tous en même temps) et par des frontières temporelles et physiques
clairement définies entre les behavior settings successifs (e.g., le début et la fin des activités
sont nets et celles-ci ont lieu dans des espaces bien délimités). Dans un milieu domestique,
les changements d’activités sont plutôt individuels45, les frontières spatiales et temporelles
entre les activités successives sont beaucoup plus difficiles à repérer.

Le rythme des journées, le type et le nombre d’activités, le lieu dans lequel elles se
déroulent et le nombre d’enfants dans les salles peuvent refléter les idéaux socioculturels
d’une époque donnée. Le plaidoyer d’un député français en 1840 (Edom, 1840) nous en
offre une image saisissante. Selon lui, les objectifs de son temps visaient à «moraliser»46 les
classes dites inférieures tout en offrant des soins alimentaires et d’hygiène aux enfants de

44
Voir Chapitre 1, section 1.3.1
45
Par exemple, certains enfants peuvent jouer dans le salon et d’autres discuter avec l’éducatrice dans la
cuisine pendant qu’elle prépare le repas. Ils peuvent changer librement de pièce ou de jeu.
46
Expression de l’auteur
117

familles démunies. En conséquence, les salles d’asiles n’étaient pas organisées pour le
développement des enfants mais plutôt pour permettre un accueil de masse. On y constatait
souvent le « mélange des filles et des garçons, à quelque âge que ce soit», eux-mêmes bien
souvent condamnés « sous peine d'un insupportable désordre, à un silence et à une
immobilité contraires à [leur] nature ». Le rythme des journées se résumait à de « longues
heures […] perdues pour l'instruction comme pour l'amusement. ».

Certaines orientations éducatives peuvent aussi être directement liées à la façon dont les
établissements s’organisent dans le bâtiment. Par exemple, il semble évident que des
philosophies basées sur un fonctionnement en groupes multi-âge par opposition aux
philosophies basées sur un fonctionnement en groupes d’âge, ou encore les philosophies
basées sur un fonctionnement en duo (deux groupes d’enfants et leurs éducatrices) par
opposition à celles qui préfèrent un fonctionnement en groupes isolés sont déterminantes
pour la répartition des enfants dans les locaux. D’autre part, la philosophie liée à l’hygiène
des jeunes enfants - c’est un point important en préscolaire où les enfants apprennent la
propreté - peut se refléter dans l’architecture des bâtiments (blocs-toilettes communs par
opposition à des toilettes réparties dans les salles) mais aussi dans la façon d’utiliser les
locaux (e.g., hygiène en groupe ou hygiène individuelle ; Dudek, 2000).

Rivlin et Wolfe (1985) sont parmi les seules à avoir scientifiquement montré les influences
du contexte socioculturel sur la vie quotidienne des enfants dans plusieurs garderies new-
yorkaises architecturalement différentes. À partir d’observations extensives47, elles ont
montré que les influences d’un modèle institutionnel se reflétaient dans des activités très
routinières, offrant peu d’opportunités pour la fréquentation d’espaces privés et intimes.
Elles constataient que le programme éducatif de l’époque avait tendance à uniformiser la
vie quotidienne des enfants dans tous les établissements, la rapprochant d’un modèle
scolaire.

Bien que Rivlin et Wolfe montrent comment le quotidien se structure selon les objectifs
institutionnels, elles n’accordent pas vraiment d’importance au rôle des éducatrices à cet

47
Voir Chapitre 1, section 1.3.2
118

égard. Il faut pourtant reconnaître que de nombreux idéaux socioculturels n’affectent pas
directement la dimension organisationnelle des garderies, mais transitent par les adultes en
charge des enfants. Selon l’approche socio-écologique de Moos (1976), le cadre de vie
dépend en effet d’un équilibre entre l’environnement physique, les individus et la société,
entraînant de multiples phénomènes d’adaptation qui peuvent affecter l’organisation du
quotidien. En garderie, des phénomènes d’adaptation pourraient être très saillants dans les
locaux anciens, qui ne répondent plus aux façons de faire du moment. De tels phénomènes
pourraient être révélateurs de la façon dont les adultes conçoivent leur milieu de travail au
regard de l’utilisation du cadre bâti. On pourrait par exemple relever des phénomènes de
territorialisation (Altman, 1975), tels ceux notés par Derouet-Besson (1998) dans les écoles
dès lors que l’on redistribue les espaces ou que l’on change les habitudes. Ces phénomènes
pourraient se traduire par la sur-utilisation des salles fermées comme cela a été le cas dans
les écoles à aires ouvertes (Ader, 1975).

En somme, diverses variables liées à la dimension organisationnelle des garderies, comme


les types d’activités, le rythme des journées, les modes et les durées d’utilisation des
locaux, ou encore la distribution des enfants dans le bâtiment, peuvent être affectées par les
diverses pressions socioculturelles et politiques du moment. Les pressions personnelles des
éducatrices reflètent aussi un système de valeurs, moins officiel que celui qui passe par les
programmes éducatifs et les règlements, mais qui est néanmoins très présent et qui pourrait
aussi participer à la structuration du cadre de vie.

4.1.3 Hypothèses générales


Comme toutes les garderies québécoises subissent aujourd’hui les influences des récents
changements de la politique de garde, il devient possible de comparer comment on organise
la vie quotidienne des enfants dans des bâtiments différents et dont certains ne répondent
plus aux standards du moment. Dès lors, on peut examiner les deux types de processus
intervenant dans la structuration des microsystèmes.
119

1) Processus interne au microsystème : Pressions exercées par le cadre bâti sur


l’organisation de la vie quotidienne dans les établissements

• Hypothèse 1:
Si le milieu bâti exerce des pressions importantes, on devrait observer des
différences dans le fonctionnement du quotidien (la dimension organisationnelle) et
dans les pratiques spatiales (dimension humaine) selon l’architecture des garderies.
Par exemple :
• La superficie des salles ou la disponibilité de certains équipements
pourraient affecter le lieu choisi pour les activités et le temps que
l’on y passe.
• L’organisation du bâti pourrait affecter la durée, le nombre ou le
rythme de certaines activités.
• L’organisation des bâtiments, leur taille et la superficie des salles
pourraient affecter la distribution des groupes dans le bâti et le
nombre d’enfants par salle.

2) Processus externe au microsystème : Pressions extérieures (e.g., idéaux socioculturels,


usages prescrits, programmes éducatifs) exercées sur l’organisation de la vie quotidienne
dans les établissements.

• Hypothèse 2
Si les pressions extérieures sont très puissantes, et comme elles sont les mêmes pour
toutes les garderies, on devrait observer des organisations quotidiennes relativement
uniformes, et ce quel que soit le cadre bâti.
Par exemple :
• Le type d’activités et leur nombre devraient se ressembler dans tous
les types de garderies.
• Les horaires et le rythme des journées devraient être similaires.
• Les locaux utilisés et le temps que l’on y passe devraient aussi être
très similaires.

En résultante, certaines différences relevées dans l’organisation du quotidien des enfants


pourraient pointer vers les zones d’influence du milieu physique. Les similarités dans
l’organisation du quotidien pourraient indiquer quelles sont les façons de faire qui
constituent un modèle communément accepté reflétant les idéaux socioculturels du
moment. Compte tenu du poids des différents processus en jeu, peut-on alors parler d’une
variété ou au contraire d’une uniformisation des services de garde ? S’il y a uniformisation,
comment se caractérise-t-elle ? Ces dernières questions feront l’objet d’une discussion.
120

4.2 Méthode

Cinq garderies issues des trois types architecturaux étudiés au chapitre précédent ont été
choisies (numérotées de 1 à 5). Elles sont situées dans une agglomération urbaine du
Québec et décrites ultérieurement à la section 4.3. Les trois premières garderies sont du
type bâtiment spécifique48 (deux bâtiments neufs et un plus ancien), la quatrième est du
type ancienne maison49 et la cinquième est du type bâtiment institutionnel50 (ancienne
école). L’organisation du quotidien des enfants a été observée dans plusieurs bâtiments-
spécifiques pour vérifier si l’architecture récente supporte effectivement une même façon
de faire et pour mieux mettre en relief les tendances actuelles. Les données se basent sur un
large ensemble de descriptions de la vie quotidienne, d’entrevues et de données visuelles
telles que des photos et des plans (voir Annexe 2 pour les plans). Cette large base de
données a servi à plusieurs études (voir Chapitre 5). Les paragraphes suivants précisent les
groupes d’enfants qui ont été observés dans les garderies, ils décrivent les techniques de
collecte et les données relevées, ils expliquent le déroulement de la collecte finale, puis ils
s’attachent plus spécifiquement aux analyses effectuées dans cette étude.

4.2.1 Les groupes observés dans les garderies


Pour comprendre la structuration des microsystèmes, l’objectif était de se placer au plus
près de la réalité vécue par les enfants et ce, en portant un regard détaillé sur leur quotidien.
Compte tenu de l’importante capacité d’accueil des établissements, il n’était pas possible
d’observer en détail la vie de tous les groupes d’enfants. Il a donc fallu faire un choix et
seuls les 4-5 ans ont été observés dans chacune des garderies. Plusieurs raisons motivent ce
choix. Tout d’abord, choisir des enfants d’un même groupe d’âge permettait de comparer
les garderies entre elles. D’autre part, le groupe d’âge des 4-5 ans est le plus représenté
dans toutes les garderies de la province (Ministère de l'Emploi, de la Solidarité Sociale et
de la Famille, 2005). Ces enfants sont relativement autonomes et les contraintes liées à leur

48
Traduction du type purpose-built daycare center
49
Traduction du type former-house daycare center
50
Traduction du type Institutional-building daycare center
121

niveau de développement physique sont moins présentes. Cela permettait de donner plus de
relief aux pratiques spatiales dans le bâti que si le choix s’était porté sur des enfants plus
jeunes et physiquement limités dans leurs déplacements. Enfin, observer deux groupes par
garderie était un bon moyen pour discerner ce qui relève d’un modèle organisationnel
commun à tous les groupes de ce qui relève des particularités propres à chacun.

Les cinq garderies accueillaient chacune deux groupes de neuf à onze enfants âgés de 4 à 5
ans. Ce sont donc ceux qui ont été observés. Pour cause de refus de participation d’une des
éducatrices de la garderie 5, seulement neuf groupes au lieu de dix ont été observés au total.
Les groupes sont repérés par une lettre de A à I, suivie du numéro de la garderie auquel ils
appartiennent (e. g., E3 = groupe E de la garderie 3).

4.2.2 Techniques de collecte et données relevées


Les données relevées s’appuient sur plusieurs techniques.

Données relevées par observation de la vie quotidienne


La principale technique utilisée pour recueillir les données a été l’observation non
participante (Dépelteau, 1998). C’est un mode d’investigation qui permet à l’observateur
d’être au cœur de l’action sans pour autant interférer sur ce qui se passe. Cette technique
était adaptée pour obtenir un grand nombre d’informations sur la réalité vécue dans son
cadre physique naturel. Elle est d’ailleurs très utilisée dans le domaine des relations
individu/milieu (Zeisel, 1984).

Pour décrire la dimension organisationnelle, les journées ont été découpées par
l’observateur en une succession d’épisodes, chacun correspondant à un behavior setting. Ce
concept est reconnu pour sa capacité à décrire les journées des individus en lien avec leur
milieu physique (Craik, 2000). Le concept de behavior setting a été peu utilisé sur le mode
diachronique (épisodes successifs) mais cette façon de faire ne contredit en rien l’approche
de Barker (1968) et permet d’intégrer la notion d’espace-temps à l’étude. Chaque épisode,
ou behavior setting, correspond à une unité d’observation et comprend les données
suivantes : 1) une activité (e. g., le repas) où le comportement du groupe est pré-établi, 2)
un lieu avec ses frontières physiques (e. g., une salle de jeu), et 3) des bornes temporelles
122

(début et fin de l’activité). Ce découpage suit le rythme naturel de la journée des enfants.
Pour chaque épisode, l’observateur notait aussi : le nombre de groupes présents (e.g., un
groupe, plusieurs groupes, groupes mixtes) ainsi que le nombre d’enfants, la présence de
visiteurs (e.g., lors des arrivées, départs, distribution des repas), les sorties des enfants à
l’extérieur des salles (e.g. sortie d’un ou plusieurs enfants vers les vestiaires) et, le cas
échéant, l’état du groupe (e.g., calme ou agité). Pour chaque épisode, l’observateur
décrivait les pratiques spatiales des éducatrices (e.g. «l’éducatrice installe les tables pour le
repas») et du groupe d’enfants (e.g., «les enfants s’habillent assis au sol»)51. Parallèlement
l’observateur prenait des notes analytiques soulevées par les observations comme les liens
entre le cadre physique et les façons de l’utiliser. La durée de chaque épisode relevé varie
de cinq minutes (e. g., habillage) à une heure trente (e. g., sieste). Les mêmes critères
rigoureux ont été utilisés dans toutes les garderies pour définir le passage d’un épisode à
l’autre (voir Annexe 3).

Entretiens
Parallèlement aux mesures et descriptions de la vie quotidienne qui constituent le gros des
données, des entretiens centrés (Grawitz, 1990) ont été menés avec les éducatrices (voir
Annexe 4). Ces entretiens ont permis d’éclairer les raisons de certaines pratiques observées,
les préférences face aux locaux et les liens entre programme éducatif et activités
quotidiennes. D’autres entretiens avec les responsables des services de garde (voir Annexe
4) étaient destinés à recueillir des informations factuelles (e. g., capacité d’accueil, date
d’ouverture), des informations sur l’historique de la garderie (e.g., rénovations
successives), les changements dans le mode de vie en lien avec la récente évolution de la
politique de garde.

Relevés du cadre physique


Les données liées au cadre physique ont été obtenues à partir des plans des bâtiments et des
descriptions écrites du cadre bâti. Nous avons plus particulièrement examiné les

51
D’autres données ont été relevées pour chacun des épisodes observés mais elles ne font pas l’objet des
présentes analyses (voir Chapitre 5).
123

caractéristiques susceptibles d’influencer l’organisation de la vie quotidienne soit : les


superficies des garderies et des salles, les aménagements (e.g., présence de placards ou de
toilettes dans les salles) et l’organisation spatiale (e.g., proximité entre les pièces) à partir
des plans et des graphes effectués lors de l’étude précédente (voir Chapitre 3). Selon les
circonstances, des schémas étaient dessinés à la main sur des fonds de plan pour compléter
les informations écrites. Ils permettaient de relever précisément comment certains espaces
étaient utilisés. Des photos ont été utilisées comme aide-mémoire et comme illustration.

4.2.3 Déroulement de la collecte des données

Tests préliminaires : mise au point de l’outil d’observation


Pour aboutir au protocole final d’observation, il a fallu d’abord se baser sur des tests dans
des garderies non participantes. Les données pour chaque épisode étaient relevées sur une
fiche (voir Figure 14) comportant des zones précodées et trois colonnes pour les
descriptions (éducatrices, enfants, remarques et notes), ce qui facilitait le classement des
données par la suite.

Les tests préliminaires ont montré qu’un grand nombre d’informations devaient être entrées
parfois en peu de temps. C’est une des difficulté techniques de l’observation in situ sur
laquelle les chercheurs s’accordent (Poupart & al., 1997). La fiche d’observation a été
calculée pour permettre une prise rapide et efficace des données tant factuelles que
descriptives. Son ergonomie a été modifiée plusieurs fois pour rendre l’utilisation plus
facile.

Enfin, pour accélérer la retranscription des données, celles-ci ont été recueillies directement
sur ordinateur portable. L’attitude de l’observateur devait rester la moins intrusive possible
et l’utilisation d’un ordinateur pouvait poser problème en détournant l’attention des enfants.
Toutefois, en utilisant la technique du refus poli, les tests ont montré que l’utilisation de
l’ordinateur était tout à fait possible. Suivant cette technique, l’observateur restait
discrètement en contact visuel avec le groupe et refusait poliment les interactions avec les
enfants qui se recentraient rapidement sur leurs activités.
Figure 6. Exemple d’une fiche de collecte de données pour l’épisode 325.

Nbre RÉPARTITION LIEU ACTIVITÉ(S) HEURE # EPISODE


PERSONNES PRESENTS VISITEURS GROUPES POUR ACTIVITÉ
GARDERIE 4
EDUC HABIT 1 0 1 à5 5+ 1 GROUPE X GRD GROUP
EDUCATRICE G SOUS GROUP
AUTRE EDUC 0 1 à5 5+ 2 GROUPES X At e lie rs 1 0 h 15
Salle d e je u 325
9 AVRIL 2 0 0 2 PERS SERVICE 0 1 à5 5+ +GROUPES SS GR + IND
1 1 h1 0
METEO PARENTS 0 1 à5 5+ MIXTE INDIVIDUEL
OK plu ie neige tempê te / t rès froid ENFANTS 9
LIMITES PHYSIQUES EDUCATRICE ENFANTS NOTES

La s alle. Porte s alle voisine et cuisine Organise l’espa ce : Déplac e les m eu bles (t ables, ch aises , S’ins tallent aux coins indiqués par l’éd uc a trice. La zone utilisée : coin blocs e t tables so nt regr oup és en un
ouvert e ét agère s ) pour faire de s c oins de jeu . se ul coin car la bib lioth èq ue qui les s ép are e s t poussée.
2 au c oin blocs ave c des coquillage s, 4 a c oin table avec
Pos e les ress ou rces sur les tables des c oins e t inst alle les b ate aux e t 2 bas sines d’eau. 3 à une au tre t able ave c de Impo rt an ce d e la mo bilité du mo bilier .
enfa n ts d ans l’espa ce avec le mat ériel. l’argile
DEPLACEMENTS Des bacs en plas tique sont posé s s ur les tables.
Va che rcher des tabliers dans la salle voisine e t une nappe Enf ants cen trés sur leur s tâ ch es.
Les 1 0 premières minut es, l’éd uc atrice passe beauco up de
plas tiq ue d an s les toilet t es pou r inst aller le coin argile.
Aucun obligés co n trô lé s Libres Com me nce n t à jouer ave c ce qui es t à leur dispo sition t emps à donner du m atériel et à ins taller les enfa n ts.
Aide à en filer les tabliers p enda nt que l’éd uc atrice appo rte les ress ou rce s
Appren tissage de s rè gles spatiale s ?
SORTIES sup plément aires (eau dans des ba ssines ou des bout eilles ).
Fini d’inst aller les enfa nts : appo rt e de l’eau , inst alle des
Parfois be aucoup de br uit (d e ce gr ou pe e t du grou pe
nap pe s en plas tiq ue (m onte sur ch aise pour les at tr aper en Ceux de l’argile so nt bea ucoup au p oint d’eau pour se laver voisin ). En plus, on e nt end de s br uits de pas d epu is l’é tage
Aucune 1 À 5 fo is Plus de 5 ha ut de l’arm oire du coin eau ). les m ains puis aband on nent vit e le coin pour dé am bu ler dans
su périeur . Gênant.
la salle et voir ce que fon t les au tres gr oup es.
Échange quelq ue s mot s avec l ’éd uc atrice voisine au coin
Vers : Toile t t es de la salle Les enfa n ts de l a salle voisine se laven t les mains d ans
eau près de la p orte . Mais cela amène trop de m onde à un grou pe (6 ) - conflits
ce t te salle (n’ont pas de p oint d’eau d an s la leu r).
Pro pose de faire de l’argile ave c des enfa n ts pour r e vitaliser Les en fant s s’ass oien t peu su r les ch aises e t son t bea u coup
Dét our nem en t du coin blocs : u tilisation pour un atelier à
le coin abando nné : s’ass oit au coin argile e t 1 p uis 2 d ebo u t près des tables. Ils ont repou ssé p eu à peu les ch aise s
une table.
enfa n ts vien nent la re joindre. avec leu rs ge no ux.
ZONES UTILISÉES Pas d e p oint d’e au à la h aut eur des adultes.
Régule compo rt eme nts à la t able de s poissons : « on ne 2 finissent par re venir s’inst aller au coin argile quand ils voien t
joue pas dan s l’eau ». l’éduc a trice qui y es t aus si Il n’y a pas de prise à l’emp lacem ent de l’ordinat eur – es t- il
Coins tables e t coin blocs utilisé ? qu an d ?
Disc u te avec les enfa nts tou t au long de l’épiso de. Les enfa nt s ne jouent pas s euls mais certains von t voir ce qui
se passe au c oin voisin et re viennent ou d écident d e ch ange r.
Régule la po sition des enfa nts : re st er à la table de s
poisson s se uleme nt si on joue a ve c les poissons . Certains ont tend ance à jouer ave c les bout eilles d’eau e t
s’arrê tent après rég ulation
Logis tique ave c les aut res édu ca trices qui p ass en t au fond
RESSOURCES
de la salle. Les enfa n ts ne réa giss ent pas à la visite rapide des autres
éduc a trices de t emp s en tem ps car elles re s ten t tou jours
Au cune Impo sées Choi x Choix Aide les enfa n ts à se laver les mains , aide aux toilet t es.
d an s la « zone de passage ». Ils parlent un peu à l’éduc atrice
pa rtie l t o t al Dem ande s’ils ont bes oin d’aide, su pervise e t s timu le dans de la salle voisine s’il ad vient qu ’ils se tro uven t en même
leu r jeux. t emps qu ’elle au point d’ea u.
LISTE
Vers la fin de la sé ance, il y a beauco up plus de va e t vien t
entre les coins . Certains vont voir l’éduc a trice ou les autres
Table coin blocs: Poiss on s plas t ique +
coins . Les en fant s de la salle voisine en trent e t so rten t pour
bac s coquillages + bassine d’ea u.
u tiliser le point d’e au (h ygièn e, lavage des m ains ) mais
Table près zo ne de passag e : ar gile +
re s tent au lavabo à co té de la po rte. Pas d ’int er actions .
bo ut eilles d’eau.
Table près fen ê tre : Bat eaux plas tiques + Fin de sé anc e de plus en plus cha otiqu e : les enfa n ts
figu rines e t bas sine d’e au . s’orient ent vers d’autres jeux, punaisent des co quillages au
Sa von, es suie tou t. mur , tran sva se d e l’eau d an s l es bas sine s.
124
125

Tests préliminaires : durée d’observation par groupe et évaluation du niveau de


saturation
Il était important de définir combien de temps il fallait observer la vie des enfants dans
chaque groupe pour avoir une image fidèle du déroulement des journées types, mais aussi
pour bien cerner les demandes à faire auprès des milieux de garde. L’objectif était d’arriver
à un point où les observations se répétaient et n’apportaient rien de vraiment nouveau. Une
telle façon de faire permettait d’arriver à saturation et d’assurer une bonne représentativité
des données (Poupart & al., 1997 ; Dépelteau, 1998). Dans les garderies non participantes,
les tests d’observations préliminaires complétés de discussions avec le personnel de garde
ont montré que les journées avaient tendance à être répétitives. Des événements
exceptionnels avaient lieu environ une fois par mois (e.g., carnaval, cabane à sucre) mais la
vie était en général assez régulière52. Toujours selon le personnel de ces garderies, des
observations sur deux journées par groupe semblaient largement suffisantes pour arriver à
saturation, le tout en maintenant un niveau de présence de l’observateur acceptable par les
milieux de garde. Ces journées seraient toutefois recoupées en quatre demi-journées non
consécutives (deux matins et deux après-midi) afin d’alléger le fardeau lié à la présence de
l’observateur et afin d’accroître la représentativité des observations. La période de sieste
représenterait la coupure entre matin et après-midi. Les périodes d’endormissement et de
réveil seraient observées mais pas les moments où les enfants dorment.

La collecte finale
La collecte finale a eu lieu en hiver (février à avril 2002)53. Préalablement aux observations,
une rencontre avec la direction et une visite du bâtiment ont permis de se familiariser avec
le milieu, de prendre des photos du bâti, de se présenter aux enfants, de relever des plans de
détail. Les formulaires de consentements ont été signés par la direction et par les
éducatrices. Pour chaque groupe, les observations ont eu lieu de 8h30 à 17h00. La coupure

52
Selon les éducatrices les périodes estivales sont organisées de façon sensiblement différente au regard de
l’usage des locaux (plus souvent à l’extérieur) mais elles ont assuré que la vie était, là aussi, très régulière.
Les données ne reflètent que les périodes hivernales.
53
Les conditions météorologiques étaients prises en notes car elles pouvaient influencer les sorties à
l’extérieur.
126

de la sieste permettait à l’observateur de dîner et de s’entretenir avec les éducatrices en


pause (une remplaçante était alors avec les enfants endormis).

Les dates d’observation ont été choisies en accord avec la direction et les éducatrices afin
d’être le plus représentatives possible des journées typiques (e.g., pas d’événement
particulier comme une sortie au carnaval). La pertinence du choix des deux journées pour
arriver à saturation dans chaque groupe a été confirmée par les redondances très
importantes observées dès la deuxième journée. D’autre part, étant donné les grandes
similarités dans la vie des garderies (voir résultats), les neufs groupes ont été largement
suffisants pour arriver à une saturation sur l’ensemble des établissements. La durée
cumulée des observations pour les neuf groupes représente 148 heures.

Retranscription des données


Compte tenu de la teneur des données, celles-ci ont été retranscrites dans deux bases de
données, ce qui a permis de coupler analyses d’ordre quantitatif et d’ordre qualitatif. Dans
Excel©, chaque épisode a été codé selon l’activité, le lieu et les données temporelles (e.g.
début et fin des activités, durée) en vue de traitements statistiques simples. Les données
descriptives ainsi que les entrevues ont été retranscrites dans le programme QSR-Nudist©.
Dans cette thèse, QSR-Nudist© a été utilisé afin de compulser rapidement les relevés. Les
objectifs de cette thèse ne visant pas l’étude détaillée de textes ou discours (utilisation
traditionnelle de ce logiciel) mais plutôt l’étude de situations de vie, il n’était pas
souhaitable de désagréger les descriptions en sous-unités d’analyses trop fines qui leur
feraient perdre leur sens et éloigneraient le chercheur de ses données. La stratégie a donc
été plutôt une utilisation en découpage assez large (e.g., ce que font les éducatrices pendant
un épisode) afin de pouvoir effectuer des croisements sans perdre contact avec le sens du
quotidien (e.g. comparer les pratiques spatiales de tous les groupes lors des périodes
d’habillage-déshabillage).
127

4.2.4 Analyse

Pour cette étude, les analyses sont principalement d’ordre qualitatif, mais s’appuient aussi
sur quelques statistiques descriptives. L’objectif consistait à faire émerger les différences et
les similarités dans la vie quotidienne des garderies tout en les interprétant en regard du
milieu physique et des idéaux socioculturels.

Quatre cent vingt-trois épisodes successifs ont été collectés dans les neuf groupes des cinq
garderies étudiées. Dans un premier temps, les 423 épisodes ont été catégorisés selon les
activités. Les types d’activités ont été comparés dans les différents groupes et garderies. Le
nombre des épisodes successifs par journée typique a été calculé puis comparé de même
que leur enchaînement. Cette comparaison est basée sur l’analyse qualitative de profils
quotidiens illustrés sous forme de graphique selon la méthode de Horne Martin (2002). Le
pourcentage de temps alloué pour chaque type d’activité au cours des deux journées a été
calculé puis comparé dans les groupes et garderies. Tous les locaux utilisés ont été
répertoriés, catégorisés puis comparés. Enfin, le pourcentage de temps passé dans chacun
des locaux au cours des quatre demi-journées a été calculé puis comparé entre les groupes.

En parallèle de ces analyses, les plans et descriptions du cadre bâti ont été consultés
fréquemment ainsi que les descriptions des pratiques spatiales des éducatrices et des
enfants, les notes analytiques et les entrevues. Cette partie de l’analyse est plus inductive et
a fait émerger les liens entre les façons de faire et le cadre bâti (e.g., lien entre le temps
passé dans les salles et leur surface) ou entre les façons de faire et les pressions externes
(e.g., lien entre les activités proposées et le programme éducatif).

4.3. Le cadre physique des garderies

Les garderies choisies pour effectuer les observations étaient spatialement différentes. Cela
laissait donc espérer des variations dans l’organisation des activités dans l’espace et le
temps en lien avec le cadre bâti. Leur capacité d’accueil variait de 34 à 105 enfants répartis
en quatre à douze groupes. Les tableaux ci-dessous présentent les informations factuelles
128

pour chacune des garderies (voir Tableau 5) et la façon dont elles se positionnent dans
l’échantillon provincial de l’étude précédente (voir Tableau 6).

Tableau 5. Informations factuelles sur les cinq garderies de l’étude.

Tableau 6. Caractéristiques physiques des cinq garderies en regard des moyennes et écart-
types de l’échantillon provincial.
129

Les deux garderies neuves de type bâtiment spécifique (numérotées 1 et 3) que nous avons
visitées étaient situées dans des quartiers de proche banlieue. Leur architecture reflétait bien
la récente évolution du parc immobilier de la Province (voir Photo 1). Ces garderies ont une
superficie confortable, ce qui les situe dans la limite supérieure de l’échantillon pour les
variables de superficie. La garderie 1 se situe aussi dans la limite supérieure de
l’échantillon pour le nombre de pièces.

Photo 1. Garderie neuve de type bâtiment spécifique similaire à celle de l’étude.54

Concernant le design intérieur, les séparations étaient clairement établies entre les zones
réservées aux enfants et celles réservées aux adultes. Les espaces de services (e.g., cuisine)
se situaient à l’écart des zones fréquentées par les enfants. L’attribution des espaces se
basait sur l’âge: les plus jeunes au rez-de-chaussée, les plus âgés aux étages. Les
circulations étaient très hiérarchisées, ce que l’on reconnaît sur les graphes (voir Figures 15

54
Pour des raisons de confidentialité, toutes les photos extérieures ont été remplacées par des photos de
garderies similaires ne participant pas à l’étude.
130

et 16) par les deux niveaux de distribution nécessaires pour desservir les salles de jeu. Les
salles étaient toutes traitées sur un pied égalitaire. Elles avaient toutes accès de la même
façon au reste du bâti (forme du graphe en éventail).

Figure 15. Graphe de la garderie de type bâtiment spécifique neuf #1.

Figure 7. Graphe de la garderie de type bâtiment spécifique neuf #3.


131

Toutes les salles avaient des vestiaires à proximité et des superficies similaires établies en
fonction de l’âge et du nombre des enfants (e.g., m = 47,66m2, écart-type = 4,4 pour les 4-5
ans). Elles étaient aussi toutes pourvues de grands placards. Trois des quatre groupes
observés étaient installés dans des salles de jeu disposées en duo avec des toilettes
partagées (arrangements facilement repérables sur les graphes55). La salle du quatrième
groupe (1A) avait ses propres toilettes. Enfin, ces deux garderies étaient les seules à être
pourvues de grandes salles polyvalentes.

Malgré leur différence de superficie totale, ces deux garderies se ressemblaient


spatialement et cela laissait imaginer des similarités importantes dans l’organisation
quotidienne des activités dans l’espace et le temps. Par exemple, les salles en duo
pourraient facilement supporter des activités communes ou des échanges fréquents entre les
groupes d’enfants. L’éloignement des zones de service pourrait faire que certaines pièces
comme la cuisine ou les bureaux ne seraient pas (ou très peu) visitées par les enfants. Les
circulations très rationnelles ainsi que les vestiaires soigneusement positionnés laissent
imaginer un fonctionnement très organisé au niveau des accueils, des départs, des sorties
dans la cour et des déplacements dans le bâti. L’aménagement fonctionnel des salles
pourrait peut-être limiter les nécessités de se déplacer dans le bâtiment pour accéder aux
ressources. Enfin, dans les deux garderies, les grandes salles polyvalentes pourraient être
des ressources largement exploitées par exemple en cas de mauvais temps ou pour de
multiples activités communes. La ressemblance entre les garderies laisse donc espérer
qu’on pourrait y observer un modèle de fonctionnement propre à ce type d’établissement.
Ce modèle reflèterait sans doute les idéaux du moment, l’architecture jouant un rôle de
facilitateur pour l’implantation des nouvelles façons de faire.

La garderie ancienne de type bâtiment spécifique (2) était située dans un quartier de
banlieue. Elle reflétait une étape antérieure de l’évolution du parc immobilier. Elle se situait
dans les limites inférieures de l’échantillon des garderies de ce type pour la superficie de la
plus petite des salles de jeu et pour le score de distribution (peu de boucles, donc des pièces
moins connectées les unes avec les autres) mais dans les limites supérieures pour les

55
Ce type d’organisation spatiale est appelée playroom-bathroom spatial organization au chapitre précédent.
132

différences de superficies entre les salles et pour le nombre total de salles. Comme dans les
deux autres garderies de ce type, le rez-de-chaussée était réservé aux plus jeunes et les
étages (sous-sol et étage) aux plus âgés ainsi qu’aux locaux de services (bureaux, cuisine).
Toutefois, à cause de multiples agrandissements, les locaux de cette garderie étaient peu
rationnels, les salles étaient de différentes dimensions comme en témoigne la valeur
importante de cette variable (hétérogénéité des salles de jeu) en regard du reste de
l’échantillon, les corridors étaient étroits et compliqués, les vestiaires étriqués, les toilettes
parfois dans les salles parfois dans les corridors. On peut reconnaître cela sur le graphe
nettement moins hiérarchisé que ceux des garderies neuves (voir Figure 17). Compte tenu
de ces caractéristiques physiques, on pouvait anticiper un fonctionnement différent. Des
stratégies d’adaptation pourraient affecter le déroulement du quotidien. Elles pourraient être
liés aux déplacements rendus difficiles dans le bâtiment ou à des tentatives pour compenser
l’étroitesse de certaines salles.

Figure 8. Graphe de la garderie de type bâtiment spécifique ancienne #2.

La garderie du type ancienne maison (4), très petite, était située en centre ville au coin de
deux rues résidentielles (voir Photo 2). Très petite, elle se situe dans la limite inférieure de
l’échantillon en ce qui concerne la superficie totale du bâtiment, la présence (ou plutôt
l’absence) de placards ainsi que les superficies des circulations et celle de la plus petite des
salles de jeu. Contrairement aux autres garderies, elle accueillait les plus jeunes à l’étage et
les deux groupes plus âgés (que nous avons observés) dans deux seules salles au rez-de-
chaussée. Toutes les salles avaient des agencements et des superficies très hétéroclites.
133

Photo 2. Garderie de type ancienne maison similaire à celle de l’étude.

La destination anciennement domestique de ce bâtiment se reconnaît sur le graphe très


différent des autres (voir Figure 18). Il est nettement plus petit, il affiche un très faible
niveau de distribution interne par rapport à la moyenne de l’échantillon (les salles n’ont
qu’une seule entrée). La distribution vers les salles de jeu ne se fait pas systématiquement
en épi (forme en éventail) comme dans les garderies neuves mais plutôt de façon linéaire,
l’accès à certaines salles étant contrôlé par d’autres salles.

Figure 9. Graphe de la garderie de type ancienne maison #4.

L’une d’elles (celle du groupe H4) était minuscule et accessible uniquement par la salle de
l’autre groupe. La cuisine ouvrait directement sur ces deux salles et n’avait pas d’autre
134

accès indépendant. Le vestiaire étriqué était situé dans la zone de passage entre les salles du
rez-de-chaussée, le premier étage, l’extérieur et le bureau qui avait été rajouté près de
l’entrée quelques années auparavant.

On comprend bien que ce type d’organisation avait été pensé pour un usage résidentiel et
non pour un bâtiment éducatif. Comme cette garderie était très différente des deux
garderies neuves, cela laissait penser que son agencement poserait problème. Il y aurait
peut-être des difficultés à s’adapter aux nouvelles façons de faire dans ce bâti d’une autre
époque. Le mode de vie devrait être moins organisé que dans les garderies neuves, les
salles commandées56 pouvant entraîner des vagabondages, des dérangements entre les
groupes. L’étroitesse des vestiaires et la position inhabituelle de la cuisine pourraient avoir
des conséquences sur l’organisation du quotidien

Enfin, la cinquième garderie (5), de type bâtiment institutionnel, était située en centre-ville.
Il s’agissait d’une école rénovée (voir Photo 3). Les plus jeunes étaient au rez-de-chaussée,
ainsi que la cuisine et le bureau d’accueil. Un groupe d’enfants et un club de l’âge d’or
occupaient deux salles du premier étage (elles étaient éloignées et clairement séparées). Les
enfants les plus âgés que nous avons observés étaient au dernier. Leur salle communiquait
directement avec celle d’un autre groupe ainsi qu’avec des toilettes par une petite portion
de corridor.

Photo 3. Garderie de type bâtiment institutionnel similaire à celle de l’étude.


135

Malgré une grande superficie qui la place dans la partie supérieure de l’échantillon des
garderies de ce type pour les variables de superficie ainsi que pour le nombre de toilettes,
de bureaux et d’escaliers, elle était organisée assez simplement, ce que le graphe reflète par
un faible nombre de pièces et par des connexions relativement bien organisées (voir Figure
19). Les salles de jeu et les toilettes ouvraient presque toutes sur les corridors. Quelques
toilettes avaient été rajoutées a posteriori dans certaines salles.

Figure 19. Graphe de la garderie de type bâtiment institutionnel #5.

Les salles de jeu (anciennes classes) étaient très grandes et pouvaient facilement être
utilisées par au moins une vingtaine d’enfants. Comme la capacité d’accueil était assez
faible (60 enfants), la garderie offrait beaucoup d’espace57 et donc de grandes possibilités
laissant la porte ouverte à toutes sortes d’organisations possibles. On pouvait par exemple
imaginer que les enfants et les éducatrices profiteraient des vastes salles pour des activités
physiques. Les salles communicantes pouvaient facilement être utilisées en duo, l’une
servant pour la motricité, l’autre pour les activités calmes, les enfants ayant le loisir de
passer de l’une à l’autre. Les très larges circulations offraient aussi un potentiel comme
espaces d’activités supplémentaires (e.g., pour des jeux de groupe par mauvais temps).

La présentation de ces cinq garderies proposait de faire rapidement le tour de leurs


caractéristiques physiques et de leurs éventuelles conséquences sur l’organisation du

56
Salles commandées : terme architectural. Une salle commandée n’a pas d’accès indépendant depuis un
espace de distribution (e.g., corridor, hall). Il faut passer par une autre salle pour s’y rendre.
57
Le ratio du bâtiment était d’environ 14,56 m2 habitables/enfant. En comparaison les autres garderies
avaient un ratio de respectivement 1 = 10,9m2 ; 2 = 5,9m2 ; 3 = 8,3m2 ; 4 = 6,1m2.
136

quotidien. Les observations sont venues confirmer de quelle façon toutes ces garderies
étaient réellement utilisées.

4.4 L’organisation du quotidien dans les cinq garderies


Cette section présente les principaux résultats de l’étude. Les types d’activités, leur nombre
et leur enchaînement, le temps qui leur est alloué, les types de locaux utilisés et le temps
passés dans les locaux sont présentés et comparés. Les pressions exercées par le milieu
physique des garderies et celles exercées par les usages prescrits et idéaux du moment sont
mises en évidence.

4.4.1 Les types d’activités


Que faisaient les enfants au quotidien ? Existait-t-il de grandes différences dans les activités
offertes d’une garderie à l’autre ? Pas vraiment. En fait, les activités proposées étaient très
similaires et la catégorisation des 423 épisodes a fait émerger quatre grandes catégories
qu’on retrouve partout : les routines, les activités principales, les transitions et les activités
mixtes. Voici comment chaque catégorie peut être décrite.

Les routines sont quotidiennes, obligatoires, et reviennent parfois plusieurs fois par jour.
Elles ont des horaires fixes et prévisibles (Malenfant, 2002). Dans cette étude, elles
comprennent les repas, les périodes d’hygiène obligatoire, la sieste, et l’histoire rituelle
avant la sieste.

Les activités principales visent spécifiquement à offrir différentes opportunités de


développement aux enfants. Elles sont organisées par les éducatrices pour un ou plusieurs
groupes, et sont parfois animées par du personnel externe (e. g., spectacle de marionnettes,
dans la garderie 1)58. Ces activités comportent les jeux extérieurs, les ateliers, les activités

58
Pour alléger le texte, les références aux données seront, par la suite, uniquement mentionnées selon le
numéro de la garderie dans laquelle le phénomène a été observé (e.g., 1 = observé dans la garderie 1) ou selon
le numéro du groupe dans laquelle le phénomène a été observé (e.g., E3 = observé dans le groupe E de la
garderie 3).
137

motrices dirigées (e. g., gymnastique) ou les activités calmes dirigées (e. g., bricolage,
vidéo).

Les transitions sont de courtes durées et ont lieu selon les besoins du moment. Elles
comportent les habillages/déshabillages/déplacements, les rassemblements (e.g.,
planification, régulation lorsque le groupe est difficile à gérer, attentes avant de sortir) et le
rangement.

Enfin, les activités mixtes sont basées sur des jeux libres et calmes à portée éducative (e. g.,
blocs, casse-tête, dessin) en général couplés à une composante logistique (e. g., préparation
des matelas pour la sieste, installation des tables pour la collation) et à des routines
d’hygiène que les enfants effectuent à leur rythme (e. g., brossage des dents après le
repas). Ces activités mixtes sont offertes au moment de l’arrivée, du départ, de la
préparation à la sieste et de la période de réveil.

Les types d’activités proposées se ressemblaient beaucoup d’une garderie à l’autre, mais
l’analyse a montré qu’il existait quand même des différences entre les garderies. Celles-ci
concernent surtout les activités principales (e. g., ateliers observés dans la garderie1;
gymnastique dans 2, 3 et 4; musique dans 5). En fait, chaque établissement était libre de
choisir une programmation hebdomadaire et les éducatrices saisissent parfois les
opportunités du moment, ce qui explique les quelques variations observées. Étrangement, le
milieu physique ne semblait pas être déterminant pour le type d’activités proposées. Même
dans la plus petite des salles (celle du groupe H4, 16m2, ancienne maison), le cours
hebdomadaire de gymnastique avait lieu. Toutefois, l’analyse des descriptions des pratiques
spatiales montre clairement que certains locaux facilitaient les choses (e. g., dans les
grandes salles des groupes A1 et I5 il suffisait d’utiliser un coin libre de la salle, en
poussant éventuellement un meuble sur roulettes) alors que d’autres étaient plus
contraignants. Ainsi, dans les petites salles (D2 et H4), on a pu observer que les éducatrices
dépensaient beaucoup d’énergie à réorganiser l’espace (e.g., elles poussaient les meubles,
empilaient les chaises, les remettaient en place), et ce afin de proposer la diversité des
activités recommandées par le programme éducatif (Ministère de la Famille et de
l’Enfance,1997. p.23-26).
138

4.4.2 Le nombre et l’enchaînement des activités


Les activités se ressemblaient mais étaient-elles pour autant en même nombre et avaient-
elles lieu dans le même ordre ? Et bien oui…ou presque. L’analyse montre qu’il n’y a pas
de différences significatives dans le nombre d’épisodes relevés au cours d’une journée
typique (m = 21,7 écart-type = 2 ; χ2(17) = 3,13, p > .1 ). Malgré les variations inévitables,
leur enchaînement est relativement similaire d’une garderie à l’autre (voir Figure 20).

Les journées débutent toutes par une période d’accueil suivie d’une série de routines
(hygiène, collation), entrecoupées ou non de quelques transitions (e.g., rangements,
rassemblements). Le milieu de la matinée est réservé à une ou plusieurs activités
principales, elles aussi entrecoupées de transitions. Juste avant midi, une série très stable de
routines et d’activités mixtes s’installe jusqu’au soir : hygiène, repas, préparation à la
sieste, histoire, sieste, réveil, hygiène, collation, départ. Selon l’heure de réveil des enfants,
une activité principale était parfois organisée en après-midi. Les variations entre les
groupes se situent surtout en milieu de matinée (de 9h30 à 11h30) et parfois en milieu
d’après-midi après la collation (e.g., les groupes C2 et D2 ont organisé une activité
principale), lors de créneaux horaires qui ne gênent pas la bonne marche de la garderie.

L’analyse du milieu physique ne démontre pas de rôle déterminant sur l’enchaînement et le


nombre des activités, sauf en ce qui concerne certains déplacements inévitables dans le
bâtiment. En fait, la succession des activités est très rattachée à une logique de gestion
d’établissement, à des usages prescrits (i.e., deux collations plus un repas par jour,
Ministère de la Famille et de l'Enfance, 2003), et aux orientations éducatives qui visent à
« établir des horaires réguliers [pour permettre aux] enfants d’acquérir des repères [et d’]
anticiper les évènements » (Ministère de la Famille et de l’Enfance,1997. p.23).

Au cours des entrevues, certaines éducatrices renforçaient les orientations officielles et


revendiquaient, elles aussi, les bienfaits d’un rythme régulier et repérant.

« Avant, y’avait les cloches de l’église qui sonnaient : ça aidait beaucoup,


surtout pour midi. » (Entrevue éducatrice A1)
Figure 10. Une journée en garderie : enchaînements et horaires des activités.

Groupe 8H30 9H00 9H30 10H00 10H30 11H00 11H30 12H00 12H30 13H00 13H30 14H00 14H30 15H00 15H30 16H00 16H30 17H00
A1 12 11 1 5 6 9 5 ext. 5 ext. 9 2 1 12 4 3 12 5 1 11 12

B1 12 9 5 ext. 9 5.int 10 11 6 2 1 12 4 3 12 10 1 12

C2 12 1 5 int. 7 9 5 ext. 1 12 4 3 12 2 1 5 int. 7 12 9

D2 12 1 8 9 5 ext. 2 1 12 11 4 3 12 2 1 6 11

E3 12 2 1 9 5 ext. 10 10 2 1 10 1 2 4 3 12 2 1 12 11 12

F3 12 11 1 9 5 ext. 9 10 2 1 12 11 4 3 12 2 1 12 11

G4 12 11 2 1 10 9 5 ext. 8 2 1 12 11 4 3 12 1 12

H4 12 1 5 int. 7 5 int. 9 5 ext. 9 2 1 12 9 2 4 3 12 2 9 1 12

I5 12 2 1 7 9 5 ext. 9 2 10 1 12 11 4 3 12 2 1 12 11 12

LEGENDE
ROUTINES ACTIVITÉ PRINCIPALES TRANSITIONS ACTIVITES MIXTES
1 Repas 5 Jeux libres (interieurs ou exterieurs) 9 Habillage deshabillage /déplacement 12
2 Hygiène Obligatoire 6 Ateliers 10 Rassemblement
3 Sieste 7 Activités dirigées motrices 11 Rangement
4 Histoire 8 Activités dirigées calmes

La La fi gure
figure ill ustre
illustre une journˇ
une journée e particuli
particulière pour pour chaque
¸r echaque groupe. Chacune Chacune
groupe. de de ces
ces journées particulières particuli
journˇe sreflète ¸r es
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l’organisation deslÕorganisation
journées
des journˇ es typiques pour chaque groupe, avec des pˇr iodes stables (routines, activi tˇ s mixtes) et des pˇ riodes dÕ acti vit ˇs
typiques pour chaque groupe, avec des périodes stables (routines, activités mixtes) et des périodes d’activités variées qui se situent généralement
variˇe s qui se sit uent gˇnˇ ralement entre 9h30 et 11h30,
entre 9h30 et 11h30, et parfois en après midi, après la collation. et parfois en apr¸s mi di, apr¸ s la colla tion.
139
140

En fin de compte, la notion de temps était toujours très présente tout au long des
observations, y compris dans le cadre matériel avec des pendules dans les salles de jeu.
L’enchaînement des activités était assez facile à repérer dans toutes les garderies, les
transitions entre les différents épisodes étant assez nettes. Il y avait des transitions plus
souples que d’autres mais même ces périodes étaient clairement identifiables. Dans tous les
établissements, le temps était vécu de façon linéaire, en s’appuyant sur un rythme quotidien
très stable et prévisible : une chose après l’autre, dans un ordre pré-determiné et connu des
enfants. Il n’y avait pas de temps morts (certains diraient temps perdu). On peut dire qu’il
existait un cadre temporel commun à toutes les garderies comportant quelques variations
minimes principalement en milieu de matinée et d’après-midi.

4.4.3 Le temps alloué aux activités


Au fur et à mesure des observations et des analyses, nous constations que les cinq garderies
offraient sensiblement les mêmes activités dans le même ordre. Peut-être que le temps
alloué aux activités ferait une différence (voir Tableau 7). En fait, sur deux journées
d’observation, les analyses ont montré qu’il existe peu de différences significatives à ce
sujet.

Les différences constatées concernaient surtout les activités principales. Ainsi, certaines
activités étaient présentes et d’autres non (ateliers : χ2 (8) = 20.22, p < .01 ; activités
dirigées mobiles : χ2 (8) = 16.87, p < .05 ; activités dirigées calmes : χ2 (8) =20.40, p <
.01). Pourtant, ces variations restent à prendre avec grande prudence à cause du faible
nombre de journées observées. En effet, certaines variations étaient tout simplement dues
aux programmations hebdomadaires, ce que nous avons pu retracer grâce aux entrevues
avec les éducatrices (e.g., les ateliers non observés étaient programmés un autre jour de la
semaine). D’autres variations étaient dues à des opportunités saisies par les éducatrices. Les
analyses ne montrent toutefois pas de différence significative dans la durée de ces activités
principales lorsqu’elles sont présentes (ateliers : χ2 (5) = 1.45, p > .10 ; activités
dirigées mobiles : χ2 (5) = 5.88, p > .10 ; activités dirigées calmes : χ2 (5) = 4.17, p > .10 ).
Tableau 7. Comparaison du temps passé aux différents types d’activités.
141
142

L’analyse détaillée du temps alloué aux activités de transition révèle des phénomènes
intéressants. Étrangement, des variations antagonistes existent entre les groupes de mêmes
établissements. Par exemple, on a pu observer que le groupe G4 (ancienne maison) passe
très peu de temps en habillage/déshabillage/déplacement alors que son voisin, le groupe
H4, en passe beaucoup. En fait, à l’analyse, on s’aperçoit vite que ce fonctionnement est
principalement dû à la structure spatiale du bâtiment devenue complètement obsolète. À
cause de l’étroitesse des locaux, du manque de fonctionnalité et des salles commandées, les
deux groupes avaient adopté une stratégie de rotation pour l’utilisation des vestiaires et du
point d’eau, chacun passant à son tour, allongeant ou raccourcissant alors la durée des
activités de transition afin d’éviter de se croiser dans les mêmes locaux. Cette stratégie
montre l’importance accordée à la gestion des interférences avec d’autres groupes au
moment des transitions. Elle souligne aussi les caractères physiques contraignants à cet
égard.

La plupart des variations dans la durée des activités ne sont pas liées au milieu physique,
loin s’en faut. Par exemple, si on a pu observer que le groupe A1 passe beaucoup de temps
en déplacements dans le bâtiment, l’entrevue avec l’éducatrice indique que c’est parce
qu’elle choisit délibérément de varier les environnements des enfants. C’est la façon dont
elle conçoit l’éducation et la façon dont elle interprète le programme éducatif qui affecte ici
le quotidien. Les durées des rassemblements et des activités mixtes semblent plutôt liées à
de multiples facteurs. On peut invoquer le style de l’éducatrice (e. g, on a pu observer que
les éducatrices des groupes E3 et B1 privilégient les transitions longues et formelles alors
que celle du groupe A1 préfère de courtes transitions informelles), la logistique générale de
la garderie (e. g., les activés mixtes s’adaptaient souvent aux horaires de la cuisine) et l’état
du groupe (e.g., de longues périodes d’hygiène ont été observées pour le groupe E3 où les
enfants étaient très difficiles à gérer). Enfin, de mauvaises conditions météorologiques
étaient évidemment déterminantes pour la durée des jeux libres extérieurs (e.g., les groupes
B1, C2 ne sont pas restés longtemps dehors à cause du mauvais temps).

En somme, nous pouvons dire que la durée allouée à chaque activité varie quelque peu
entre les groupes, et ce pour de multiples raisons. Toutefois, le tout reste dans les limites
143

d’un cadre temporel très semblable pour toutes les garderies. Selon le type de garderie, la
façon dont les éducatrices s’adaptent à des milieux difficiles peut affecter la durée de
certains épisodes de transition.

4.4.4 Les types de locaux utilisés


Comme les bâtiments des garderies étaient très différents, des pratiques spatiales
diversifiées auraient pu contrebalancer les grandes similarités relevées dans le déroulement
des journées

En fait, à l’exception des salles polyvalentes qui n’existaient que dans les deux garderies
neuves, les pièces utilisées par les groupes étaient les mêmes dans toutes les garderies
observées. La catégorisation des 423 épisodes selon les locaux utilisés a fait émerger
seulement cinq types d’espaces fréquentés par les enfants: la salle de jeu du groupe, les
salles de jeu des autres groupes, la cour, les espaces de transition (vestiaires, corridors,
escaliers), la salle polyvalente (lorsqu’il y en a une). Nous n’avons vu aucun autre type de
local (e.g. salle de peinture, salle à manger, foyer) utilisé par les groupes d’enfants au cours
de journées typiques59. D’autre part, dans toutes les garderies, on a pu observer que les
salles de jeu étaient attribuées de la même façon, c’est-à-dire par groupe d’âge selon le ratio
adultes/enfants officiel (1 pour 10). Chaque groupe avait sa propre salle, même lorsqu’elle
était très petite (la salle du groupe H4 fait 16m2 pour 9 enfants et une éducatrice). Nulle
part on n’a pu voir de groupes d’âges mixtes ou de grande salle partagée par plusieurs
groupes et ce, même dans la grande garderie 5 qui l’aurait aisément permis. En fait, cette
similarité dans l’usage des lieux est une tendance relativement récente. En effet, les
entrevues indiquent que des salles partagées existaient antérieurement dans deux des
garderies (4 et 5 ouvertes respectivement en 1990 et 1989) mais que ce modèle a été
abandonné à cause de la complexité à gérer plusieurs groupes dans une même salle. En fait,
même quand le milieu physique est contraignant, les éducatrices affichent une préférence
pour avoir leur propre salle, ce qui n’est pas sans rappeler ce qui s’est passé dans les écoles

59
Toutefois, on a pu observer que les enfants ont un accès individuel à d’autres salles sur accord de
l’éducatrice (e. g, un enfant du groupe F3 est allé chercher la collation à la salle du personnel). Les enfants ont
aussi accès librement aux toilettes. Il leur faut demander si celles-ci sont situées dans le corridor.
144

à aires ouvertes (Ader, 1975 ; Derouet-Besson, 1998). Compte tenu de la nouveauté de ces
changements, on peut aisément penser qu’ils vont de pair avec une nouvelle façon de
concevoir la vie en garderie.

«Avant on fonctionnait sur les deux salles : une semaine chaque. Mais ça
perturbait. C’est mieux chacun sa salle, même si elle est petite ». (Entrevue
éducatrice H4)

Enfin, on constate partout que certains locaux ne sont jamais utilisés par les groupes (e. g.,
jamais au cours des observations les groupes n’ont fréquenté la cuisine, la salle du
personnel, les bureaux, ou les locaux de service). Dans les deux garderies neuves, certains
aspects domestiques de la vie quotidienne, comme la préparation des repas, étaient
complètement évacués par un éloignement physique de la cuisine (i.e., au sous-sol dans la
garderie 1). Celle-ci perd son statut d’espace domestique pour acquérir celui d’espace
technique, réservé au personnel qualifié. Dans les garderies anciennes, lorsqu’on ne pouvait
pas déplacer la cuisine, on en empêchait l’accès aux enfants, suivant ainsi les usages
officiellement prescrits (Ministère de la Famille et de l'Enfance, 2002. Article 36). Cette
ségrégation présente dans les textes réglementaires se justifie sans doute avant tout pour des
raisons de sécurité (Ministère de la Famille et de l'Enfance, 2002. Sections V-73, V-82, V-
88); elle confère aux garderies une caractéristique qui les éloignent des milieux
domestiques (Prescott, 1987) les rapprochant des institutions (Rivlin & Wolfe, 1985).

4.4.5 Le temps passé dans les locaux


À l’analyse, le temps passé dans les locaux (voir Tableau 8) s’est révélé sans doute la
variable la plus efficace pour repérer quelques différences fines dans l’organisation du
quotidien des enfants. Voici quelles sont les différences les plus remarquables.

Tout d’abord, seuls les groupes des garderies neuves (1 et 3) passaient une partie de leur
temps dans une salle polyvalente. Au cours des observations, nous avons toutefois noté que
l’utilisation de cette salle était de faible durée, assez occasionnelle, sur réservation et jamais
avec d’autres groupes. L’analyse du milieu physique a aussi révélé un contraste important
entre les salles polyvalentes et les autres salles de jeu. Contrairement aux salles de jeu qui
145

étaient très largement décorées, les salles polyvalentes n’étaient ni décorées ni aménagées.
Elles étaient en retrait et peu visibles. L’une d’elles (garderie 3), située au-dessus de la
pouponnière, était difficile à utiliser à cause du bruit, et l’autre, au sous-sol (garderie 1),
était peu accessible. Ces constats mettent en lumière le peu d’importance accordée aux
locaux communs en regard de l’importance accordée aux locaux des groupes.

Tableau 8. Comparaison du temps d’utilisation des locaux.

Des différences significatives existaient entre les groupes pour l’utilisation de leur propre
salle de jeu (χ2 (8) = 31,05, p < .001) ainsi que pour celle des autres groupes (χ2 (8) =
124,47, p < .001). À ce titre, deux groupes se distinguent (A1 et H4). Ces deux groupes
passaient la totalité de la sieste dans les salles des autres groupes (donc sans pour autant
faire l’expérience d’un milieu différent), et ils fréquentaient les autres salles pour des
ateliers (A1) ou les périodes d’hygiène (H4). Pour la quasi-totalité des groupes, ce sont
surtout les périodes d’arrivée et départ qui étaient l’occasion de fréquenter les autres salles.
146

À l’exception du groupe H4, qui devait compenser l’étroitesse et le manque de


fonctionnalité de sa salle de jeu (il n’y avait pas de lavabo), la fréquentation des salles des
autres groupes ne semblait pas directement liée à l’aménagement des locaux, mais plutôt à
des considérations logistiques (e.g., les enfants changeaient de salle selon les horaires de
pause des éducatrices) ou pédagogiques (ateliers multi-groupes utilisant deux salles à la
fois).

Les analyses montrent que le temps passé dans les vestiaires n’est pas significativement
différent entre les groupes. Toutefois, il est intéressant de noter que l’utilisation des
vestiaires n’était pas systématique lors des séances d’habillage. Certains groupes
s’habillaient dans leur propre vestiaire (A1, B1, I5) mais d’autres s’habillaient parfois dans
leur salle (dans les groupes C2, D2, E3, F3 l’éducatrice allait parfois chercher les vêtements
aux vestiaires pour les rapporter dans la salle puis demandait aux enfants de s’habiller par
terre). Enfin, d’autres groupes fonctionnaient par rotation en se partageant le même
vestiaire (G4 et H4). L’analyse du milieu physique montre que les superficies et
délimitations claires des vestiaires sont importantes dans la façon dont les éducatrices
organisent les séances d’habillage. On constatait des stratégies d’évitement (chacun chez
soi) et de rotation (chacun son tour) lorsque les vestiaires sont trop étroits (c’est le cas des
garderies 2 et 4) ou mal délimités (dans le corridor; garderie 3). Les espaces de transition
semblent importants dans le fonctionnement général des établissements : dès que les
enfants sortent de leur salle, il faut négocier avec les ressources offertes par le bâti et avec
la présence éventuelle des autres groupes. Ce rôle est renforcé en hiver lors des longues
séances d’habillage/déshabillage (parfois supérieures au temps passé dehors). Si l’analyse
du temps alloué aux habillages/déshabillages (section 4.3.3) amenait déjà à constater une
gestion soigneusement contrôlée des interférences avec les autres groupes, les stratégies
spatiales qui sont utilisées renforcent ce constat. Ces stratégies révèlent où se situent les
caractéristiques physiques qui posent problèmes. Elles révèlent aussi un souci pour l’ordre
et l’autonomie des groupes qui est partagé par les milieux de garde.

Les différences dans les pratiques spatiales n’effacent toutefois pas l’existence d’une très
importante similarité observée dans tous les groupes des cinq garderies: les enfants passent
147

nettement plus de temps dans leur propre salle de jeu (m = 70%, écart-type = 17%) que
dans les autres locaux, et ce, quel que soit le type architectural de la garderie. Ces longues
périodes passées dans la salle de jeu suggèrent une préférence pour un repli sur le groupe,
dans un espace délimité, sous contrôle d’un adulte. L’analyse montre que la structure du
milieu physique a été pensée pour favoriser ce repli dans les salles de jeu: six salles (celles
des groupes A1, B1, C2, E3, F3, I5) sur les neuf observées sont complètement autonomes
grâce à des équipements fonctionnels (e. g., placards, points d’eau, toilettes) et éducatifs
(multiples coins d’activités, matériel abondant) qui suppriment toute nécessité de
déplacement dans les corridors. Dès lors, ces salles assurent à elles seules de multiples
fonctions (repas, sieste, jeux, hygiène). Si les garderies neuves ont été conçues a priori pour
cette autonomie, les entretiens avec les responsables des services de garde ont montré que
deux salles (C2 et I5) des garderies anciennes ont aussi été transformées pour satisfaire
cette exigence. Cette fonctionnalité semble refléter les recommandations du programme
éducatif (Ministère de la Famille et de l’Enfance, 1997) et du programme d’application
Jouer c’est Magique (Ministère de la Famille et de l’Enfance,1998) qui mettent l’emphase
sur un aménagement destiné à répondre à tous les besoins des enfants. Le repli sur les salles
peut aussi refléter une tendance plus profonde liée aux préférences des éducatrices. En
s’allouant une salle, les éducatrices et leurs groupes ne dépendent plus les uns des autres
pour l’usage des locaux, pour la répartition du matériel ou pour la gestion des activités.
L’importance accordée à la salle de jeu révèle un phénomène de territorialisation (Altman,
1975). En effet, les éducatrices et leurs groupes marquent leur territoire (i.e., dessin,
décorations, portes fermées) et contrôlent l’accès à leur intimité en se repliant dans des
salles de jeu pour la plus grande partie de la journée, l’hyperfonctionnalité de certaines
salles favorisant ce repli. L’importance accordée au territoire par les éducatrices se révèle
d’ailleurs dans leur discours. Elles parlent de leur local, de leur matériel.

« Côté intimité, j’aime ça être dans mes affaires. Je peux faire ce que je
veux. » (entrevue éducatrice B1)

Quel que soit le type architectural de la garderie, le repli sur la salle de jeu est un des
résultats saillants de cette étude. On peut dire que le microsystème dont les enfants font
l’expérience repose quasiment sur cette salle. La possession d’un espace contrôlable et
148

appropriable par l’éducatrice et son groupe semble donc s’affirmer comme un point
fondamental du fonctionnement de toutes les garderies. On peut dire qu’il existe une
sédentarisation dans les façons de pratiquer le bâti.

4.5 Discussion
Les résultats illustrent comment s’organise le quotidien des enfants dans différents types
architecturaux de garderies au Québec. Nous avons vu que l’organisation des activités dans
l’espace et le temps se structure en partie selon le cadre bâti. Cela tend à confirmer son
importance en tant qu’élément susceptible d’orienter le contexte de vie dans un
microsystème. Toutefois, la zone d’influence du cadre bâti est assez limitée et l’on est loin
de pouvoir affirmer qu’il joue à lui seul un rôle déterminant. L’hypothèse 1 (voir section
4.1.3) se trouve donc confirmée en partie seulement. En fait, les résultats indiquent surtout
que l’organisation du quotidien des garderies est très similaire, et ce quel que soit le type
architectural auquel elles appartiennent. En fait c’est surtout l’hypothèse 2 qui se trouve
largement confirmée : les pressions externes uniformisent les façons de faire dans tous les
types d’établissements. Conformément aux résultats de Rivlin et Wolfe (1985), ceux de
cette étude suggèrent aussi que le poids des pressions externes (programme éducatif, usages
prescrits, idéaux socioculturels) est très important et qu’il a tendance à transcender les
différences du milieu physique ainsi que les différences personnelles des éducatrices.

Les processus de structuration : vers une uniformisation de l’environnement offert


aux enfants en garderie
À l’échelle de l’organisation du quotidien dans les établissements, les résultats de cette
étude suggèrent que le type d’environnement proposé aux enfants dans les cinq garderies
est très similaire. On peut reconnaître partout un même modèle organisationnel basé sur un
fonctionnement très routinier, des transitions relativement claires entre les différents
épisodes de la journée, une uniformisation des activités, un usage ordonné des espaces
(e.g., selon les groupes, selon les horaires ou les activités), l’attribution d’un territoire
fermé à chaque groupe – leur salle de jeu - ainsi que la sur-utilisation de cette salle de jeu
au détriment des espaces extérieurs ou des espaces intérieurs communs comme la salle
polyvalente. Nombre de ces caractéristiques avaient déjà été mentionnées par Wolfe et
149

Rivlin (1987) comme étant typiques des institutions pour enfants. L’exclusion des cuisines
de la vie quotidienne des enfants que l’on retrouve partout dans cette étude est aussi un
caractère qui renforce l’aspect institutionnel des garderies (Rivlin et Wolfe, 1985). La
succession des behavior settings est, elle aussi, nettement plus proche du modèle
institutionnel que du modèle domestique (Prescott, 1987). On retrouve aussi partout, dans
l’organisation du quotidien en garderie, des caractéristiques qu’on pourrait qualifier de
scolaires. Citons par exemple l’utilisation des salles sur le modèle «un groupe-une salle-une
éducatrice» qui rappelle celui de la «classe» décrit par Tarr (2001) dans les maternelles
canadiennes où le repli du groupe sur sa classe est de mise. Sur le plan éducatif, le rythme
assez soutenu des journées, les multiples activités proposées dans un ordre pré-établi
(parfois même en dépit de locaux inadaptés) suggèrent aussi un modèle scolaire où l’on
privilégie la stimulation des enfants. Les horaires très routiniers et les activités répétitives
observées partout reflètent elles aussi une culture liée à la gestion d’établissements scolaires
où la planification - synonyme d’ordre - devient aussi nécessaire que la structuration d’un
contexte repérant pour les enfants (Wien, 1996). Malgré des garderies de taille très
différentes, les enfants vivent partout un nombre semblable d’épisodes (behavior settings)
par jour. Les types d’activités proposées sont elles aussi relativement semblables. En fait,
on se retrouve face à l’équivalent de ce que Barker et Gump (1964) qualifiaient de school
size illusion : les écoles (ici les garderies) varient moins en termes de nombre et variété de
behavior settings qu’en termes de superficie et de capacité d’accueil. La présence d’un
programme éducatif généralisé ainsi que les multiples usages requis par le gouvernement ne
sont certainement pas étrangers à ce fait, uniformisant les activités quotidiennes et leur
organisation dans l’espace et le temps. On pourrait donc comparer les garderies à de petites
écoles bien que cette comparaison soit à effectuer avec grande prudence. En effet, même si
de nombreuses caractéristiques du quotidien sont proches du modèle institutionnel et
scolaire, quelques nuances de taille en atténuent le poids. Tout d’abord, le nombre d’enfants
par salle de jeu (9 à 11) est bien moindre que celui de classes traditionnelles (15 à 20).
D’autre part, le repli des groupes sur le territoire souvent autosuffisant de la salle de jeu
renvoie aussi à un modèle plus intime et qui offre une certaine liberté face à l’institution et
au cadre rigide qu’elle génère. Cette recherche d’intimité pourrait favoriser une ambiance
plutôt domestique où les enfants et les adultes partagent les expériences quotidiennes dans
150

un territoire connu et sécurisant. Une telle façon de faire peut renforcer la cohérence du
mésosystème maison-garderie des jeunes enfants. On peut y retrouver l’influence d’une
certaine image de la petite enfance que l’on doit protéger et rassurer grâce à l’univers
douillet de la salle de jeu. Ce faisant, ce type d’environnement aurait tendance à limiter les
possibilités d’activités motrices, ce tendrait donc à favoriser les enfants naturellement
calmes.

D’autre part, le repli sur les salles de jeu pourrait aussi renvoyer à la façon dont les
éducatrices envisagent leur lieu de travail en accord avec leurs idéaux : un espace
indépendant, contrôlable et appropriable.

En somme, une première interprétation de cette étude montre que la puissance des pressions
externes dans la structuration du quotidien en garderie dépasse de loin celles des pressions
internes liées au cadre physique. Ces pressions externes ne semblent pas venir uniquement
des instances officielles (e.g., programme éducatif, usages requis). Certaines sont liées à
des images et valeurs sociales comme, par exemple, l’image que l’on se fait de la petite
enfance ou l’image que les éducatrices se font de leur milieu de travail. L’univers en
définitive proposé aux enfants dans toutes les garderies de l’étude semble s’affirmer partout
comme un compromis entre celui de la maison et celui de l’institution scolaire. Cet univers
négocie entre les nécessités d’une vie communautaire réglée autour d’objectifs éducatifs, la
volonté d’offrir un noyau intime et familier aux enfants et la satisfaction des besoins des
éducatrices face à leur milieu de travail.

Les processus internes de structuration liés au cadre physique et aux individus.

Les processus externes ont un poids important mais les processus internes de structuration
du cadre de vie ne sont pas inexistants. L’organisation du quotidien varie selon chacun des
milieux. Ce sont en fait surtout les caractéristiques temporelles qui changent selon les
garderies. Ainsi, la durée des épisodes vécus par les enfants au cours des journées typiques
varie selon les groupes et les garderies, même si leur nombre, le type d’activité et les types
de locaux utilisés varient peu. Un tel constat indique tout d’abord la pertinence qu’il y a à
considérer la notion de temps pour comprendre la structure du contexte de développement
151

des enfants en garderie. C’est elle qui fait la plus grande différence. D’autre part, plus
théoriquement, ce constat vient éclairer l’importance de la caractéristique temporelle du
concept de behavior setting utilisé comme base pour découper les journées, caractéristique
qui a été bien souvent sous-exploitée par les chercheurs au profit d’approches synchrones
moins lourdes à manipuler.

Dans les garderies, si le rôle du cadre bâti est quelque peu effacé par le fonctionnement
uniformisé dû aux pressions externes, il existe pourtant bel et bien. Ainsi, la durée des
activités et le temps que les enfants passent dans les locaux sont parfois liés à la taille des
espaces, à leur fonctionnalité (e.g., présence ou non de toilettes ou de point d’eau), aux
connexions entre les pièces. Les salles polyvalentes des locaux neufs représentent une
innovation dont les enfants profitent (quoique sur de courts laps de temps). Certains types
architecturaux se sont révélés plus adaptés à l’application du modèle organisationnel
commun qui découle des idéaux du moment alors que d’autres types architecturaux
entraînaient des processus d’adaptation complexes affectant l’organisation de la vie
quotidienne, notamment le temps alloué aux activités et le temps passé dans les locaux.
C’est dans cette optique que l’on peut comprendre le rôle de la dimension physique dans la
structuration des microsystèmes, tout au moins à l’échelle d’approche utilisée dans cette
étude.

Nous avons vu que la garderie 5 de type bâtiment institutionnel et les deux garderies
récentes de type bâtiment spécifique ne posent pas vraiment de problèmes : larges salles,
circulations clairement hiérarchisées, zones enfants-adultes bien délimitées, fonctionnalité
et enfin appropriation aisée des salles de jeux semblent faciliter l’implantation des
nouvelles façons de faire. Si cela n’est pas étonnant pour les deux garderies neuves, ce l’est
un peu plus pour une garderie ancienne (5). Comme il s’agit d’une ancienne école, on
s’explique mieux cette bonne adaptation du cadre bâti à un modèle organisationnel qui tient
lui-même partiellement de l’institution scolaire. Les caractéristiques spatiales qui semblent
les plus contraignantes, celles qui supportent le moins l’implantation des nouvelles façons
de faire des services de garde, sont liées à l’étroitesse extrême des salles (H4, C2), aux
salles commandées (H4 et G4), à l’étroitesse des circulations et des vestiaires (H4, G4, C2,
152

D2). Les résultats ont montré que les garderies 2 et 4 étaient celles qui posaient le plus de
problèmes. Toutes deux issues de générations passées, construites selon d’anciennes
visions de la garderie, elles permettent difficilement aux groupes d’avoir un territoire et une
autonomie en accord avec les attentes du moment. Les déplacements et
habillages/déshabillages y sont difficiles, les éducatrices y manipulent constamment le
mobilier pour pouvoir offrir la variété d’activités suggérée par le programme éducatif.
L’analyse des plans de ces garderies laissait déjà supposer des problèmes (voir section
4.1.4). Cette étude met en lumière certaines des stratégies utilisées pour s’adapter à ces
espaces obsolètes. On peut dire que nombre des stratégies que les éducatrices utilisent
tendent à rapprocher la vie dans les établissements anciens de celle que l’on observe dans
les établissements neufs. Ainsi, les évitements et rotations pour l’utilisation des espaces de
transition et vestiaires permettent d’éviter le chaos tout en restant en contrôle du groupe, ce
que les circulations larges et très structurées des garderies neuves autorisent facilement. Les
rotations complexes de salles permettent de maintenir un certain niveau d’autonomie des
groupes les uns par rapport aux autres. Cette stratégie offre par exemple une échappatoire
temporaire à des salles trop étriquées (e.g. H4) tout en les conservant comme territoire
principal du groupe. Dans les bâtiments neufs, les larges salles évitent le recours à ce type
d’échappatoire et, si on note effectivement des changements de salle, nous avons vu que les
raisons ne sont pas liées aux problèmes posés par le cadre bâti.

En somme, dans cette étude, les processus internes de structuration des microsytèmes-
garderies visant les liens entre cadre bâti et organisation du quotidien se sont révélés surtout
dans les liens entre le cadre bâti et le temps alloué aux activités ainsi que dans les liens
entre le cadre bâti et le temps passé dans les locaux. Plus particulièrement, ce sont les
activités de milieu de matinée ainsi que les activités de transition qui changent le plus selon
le cadre bâti. Les différences architecturales avaient peu d’effet sur le type d’activité, leur
nombre et leur enchaînement. D’autre part, les processus internes de structuration des
microsystèmes passent beaucoup par les stratégies d’adaptation utilisées par les éducatrices.
Ce processus renvoie au nécessaire équilibre entre les individus, la société et
l’environnement physique (Moos, 1976). Un tel constat permet d’affiner le modèle
théorique de cette thèse. La section suivante explique comment.
153

Revisiter le modèle de structuration des microsystèmes : processus fins


d’équilibration
Deux propositions illustrent comment le microsystème se structure en lien avec le cadre
physique. Selon le modèle théorique de cette thèse, les pressions externes des macro et
exosystèmes affectent les différentes dimensions d’un microsystème, dont sa dimension
physique. Les résultats de cette étude montrent que ces pressions externes sont très
puissantes. Elles ont tendance à uniformiser les microsystèmes et sont donc à considérer
comme des facteurs d’influences majeurs.

Proposition 1 : Lorsque les pressions externes peuvent s’exprimer dans toutes les
dimensions du microsystème, y compris le cadre bâti (e.g., cas des bâtiments neufs), le
microsystème est alors en équilibre (Voir figure 21). Toutes les dimensions sont cohérentes
les unes envers les autres. L’énergie nécessaire aux adaptations est minime. Les valeurs et
idéaux du moment sont présents partout, ce qui renforce leur poids dans la vie quotidienne
des enfants.

Figure 21. Système en équilibre.

Pressions des
Systèmes externes

Dimension Dimension Dimension


Physique Humaine Organisationnelle
Cadre bâti Pratiques spatiales Organisation des activités dans
Aménagements Dynamique socio-spatiale le temps et l’espace

Microsystème Garderie
Système en équilibre
Les pressions externes s’expriment dans toutes les dimensions. Le système est cohérent. Le cadre
bâti jouant un rôle de facilitateur et de renforcateur, le microsystème qui en résulte véhicule très
fortement les idéaux socioculturels du moment auprès des enfants.
154

Ce premier cas n’est pas toujours possible. En effet, les pressions externes des macro et
exosystèmes ne peuvent pas toujours s’exprimer dans le cadre bâti car celui-ci oppose une
forte résistance au changement. Les idéaux, les programmes éducatifs et les règlements
évoluent en effet plus vite que les murs (Derouet-Besson, 1998) et les garderies doivent
souvent s’accommoder de locaux anciens et inadéquats, ce qui était le cas des garderies 2 et
4 de cette étude.

Proposition 2 : Lorsque les pressions des systèmes externes ne peuvent pas s’exprimer
dans le cadre bâti, le microsystème fait alors face à une incohérence (Voir Figure 22). Dès
lors, les autres dimensions tentent de compenser l’incohérence du système et d’y rétablir un
équilibre. On adapte les pratiques spatiales (dimension humaine) et l’organisation du
quotidien (dimension organisationnelle) dans la garderie afin de se conformer le plus
possible au système de valeurs et au modèle commun en vigueur. Ces phénomènes sont
ceux qui ont été observés dans les garderies 2 et 4.

Figure 11. Système en déséquilibre et processus de rééquilibration.

Pressions des
Systèmes ext ernes

Dimension Dimension Dimension


Physique Humaine Organi sationnelle
Cadre bâti Pratiques spatiales Organisation des activités dans
Aménagements Dynamique socio -spatiale le temps et l’espace

Microsyst ème Garderie

Les pressions exte rnes ne peuvent pas (ou très peu) s’exprimer dan s le cadre bâti. Le système
est incohéren t. Le cadre bâti est contra ignant et exerce des pressions sur les autres dimens ions.
Celles-ci doive nt s’adapter pour que le microsystème reste confor me idéaux sociocul turels du
moment.

Grâce à ce processus d’équilibration, la structure finale du micosystème n’est peut-être pas


aussi cohérente que dans les locaux neufs, mais elle devient acceptable. On peut même
penser qu’un parc immobilier varié et où s’exerceraient de multiples processus de ré-
155

equilibration serait le garant d’une certaine diversité dans le réseau des services de garde
d’une société. Il permettrait peut-être aussi de mieux absorber les changements à venir.
Toutefois, lorsque les processus d’équilibration demandent trop d’énergie et qu’il devient
impossible aux autres dimensions de compenser l’inadaptation du bâti, il existera sans
doute une crise majeure dans le microsystème pouvant aller jusqu'à la destruction et la
reconstruction des locaux. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à la garderie de type ancienne
maison 4. Devenue trop inadaptée, elle a été détruite peu après la collecte des données et
reconstruite sur le même modèle que les garderies de type bâtiment spécifique. Dès lors, la
cohérence entre le microsystème et les macro et exosystèmes redevenait possible, facilitant
l’implantation du modèle organisationnel propre aux milieux de garde…mais renforçant
aussi par la même occasion leur uniformisation.

4.6 Conclusion

Les résultats de cette étude ont offert une image fidèle de l’organisation de la vie
quotidienne à l’échelle des établissements de garde. Ils pointent vers la forte influence des
pressions externes sur la structuration des microsystèmes-garderies qui se traduit par un
modèle organisationnel commun à tous les services de gardes observés. Ce modèle tient à
la fois de l’institution et, dans une moindre mesure, du milieu domestique. Les résultats ont
aussi permis d’indiquer quelles caractéristiques physiques entravent ou soutiennent le
mieux l’implantation du modèle en vigueur. Enfin, dans le cas de bâtiments obsolètes, les
résultats suggèrent l’importance des processus d’adaptation entre milieu physique,
individus et idéaux socioculturels. Ce faisant, un processus fin du modèle théorique
intégratif qui n’avait été qu’effleuré a pu être approfondi et décrit.

Bien évidemment, comme toute étude, celle-ci comporte ses limites. Tout d’abord, les
études de cas n’intègrent qu’un nombre limité de garderies, ce qui rend difficile toute
généralisation à l’échelle de la province. Les tests effectués dans les garderies non
participantes suggèrent toutefois que les résultats pourraient être similaires dans d’autres
établissements. D’autre part, comme la chercheuse était seule, il n’y a pas eu de procédure
156

interjuge. Il faut donc rester prudent quant à la représentativité des données et des résultats.
Comme la plupart des observations étaient basées sur des événements objectifs, la
représentativité devrait toutefois être convenable. Une autre limite vient de ce que les
données ont été relevées en hiver. Cela ne permet pas de généraliser les résultats à
l’ensemble de l’année. On peut déjà supposer qu’en été, le temps passé dans les salles de
jeu sera nettement diminué au profit du temps passé dehors. Un modèle organisationnel
estival différent pourrait émerger, conférant des structurations saisonnières aux garderies
québécoises, ce qui serait somme toute en accord avec les habitudes culturelles des climats
nordiques. Il serait donc intéressant de reproduire l’étude pour vérifier comment s’organise
la vie quotidienne en période estivale. Enfin, l’échelle adoptée pour cette étude a surtout
mis l’accent sur l’organisation des activités dans le temps et l’espace. Pour décrire la
dimension organisationnelle des garderies, le concept de behavior setting a été utilisé de
façon un peu inhabituelle, s’appuyant largement sur des propriétés temporelles mais en
éludant les pressions qu’ils exercent sur les comportements des individus. En adoptant ce
point de vue, une dimension fine des microsystèmes a été laissée de côté : la dimension
régulée. En effet, on n’a pas mentionné dans le détail comment les éducatrices et les enfants
utilisaient leur cadre matériel lors des différentes activités, quelles règles de vie explicites
ou implicites pouvaient affecter son utilisation et comment le tout participait aussi à la
structuration fine du microsystème proposé aux enfants. Le modèle théorique de la thèse
suggère que la régulation a un pouvoir d’encadrement qui pourrait avoir des conséquences
importantes sur l’univers vécu par les enfants. La régulation pourrait par exemple
transformer complètement les possibilités offertes par une salle, orienter les façons de s’y
comporter. Quand on considère le temps passé par les enfants dans leur salle de jeu, on ne
peut que se questionner sur la façon dont celle-ci est utilisée. Quel rôle joue cette salle et les
régulations spatiales qui y ont cours dans la structuration du quotidien des enfants ?
Permettent-elles d’échapper ou non aux pressions externes ? Quels idéaux socioculturels
s’y reflètent alors ? Une étude supplémentaire à une échelle plus fine pourrait aider à
répondre à ces questions. Elle permettrait d’affiner encore la connaissance sur les processus
de structuration des microsystèmes. Cette étude représente le dernier volet de cette thèse et
est présentée au chapitre suivant.
157

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160

Chapitre 5

Environnement physique et
vie quotidienne dans cinq garderies :

Échelle des salles de jeu

Résumé

Cette troisième étude examine comment se structure la vie quotidienne dans les salles de
jeu des cinq garderies décrites au chapitre précédent. Elle examine les processus internes
(liens entre cadre physique, régulations, pratiques spatiales et organisation des activités
dans l’espace et le temps) et les processus externes de structuration (influences des idéaux
socioculturels et éducatifs) en adoptant un point de vue dynamique (intégration du
déroulement du temps) et en mettant l’accent sur la régulation qui n’avait pas encore été
examinée dans cette thèse. Dans neuf salles utilisées par les groupes de 4-5 ans, la méthode
est basée sur l’analyse qualitative détaillée 1) du cadre matériel et des aménagements des
salles, 2) des règles générales de vie dans les salles, 3) des pratiques spatiales et des
régulations propres à chaque activité de la journée, 4) de la gestion temporelle de l’espace
et du matériel, et 5) des idéaux socioculturels qui affectent la vie dans les salles de jeu. Les
résultats indiquent que la structuration du cadre de vie dans les salles de jeu relève
d’interactions complexes entre leurs différentes dimensions. Les effets attendus du cadre
matériel y sont largement modulés par les régulations et par la gestion du temps. Malgré les
différences architecturales entre les salles, leur cadre de vie présente des ressemblances
importantes qui indiquent une forte influence de pressions externes uniformisantes. Les
divers processus en jeu dans la structuration du cadre de vie ainsi que les implications de
l’univers offert aux enfants sont discutés.
161

5.1 Introduction

Cette étude met l’accent sur la vie quotidienne dans les salles de jeu. Nous avons vu que les
enfants passent presque les trois quarts de leur temps dans ces salles et que les programmes
éducatifs (Ministère de la Famille et de l’Enfance, 1997; 1998) y accordent beaucoup
d’importance. Elles sont donc certainement les espaces les plus influents des garderies, un
des microsystèmes (Bronfenbrenner, 1979) les plus présents dans la vie des jeunes enfants.
S’appuyant sur le concept de behavior setting (Barker, 1968)60, l’étude précédente se
concentrait sur l’organisation du quotidien à l’échelle de cinq établissements, mais laissait
dans l’ombre les détails de ce qu’il advenait une fois les groupes repliés pour de longues
heures dans leurs salles.

Cette étude se propose donc d’aborder la question à partir du modèle théorique développé
au chapitre 1 (Voir Chapitre 1, section 1.6). En se concentrant sur un seul lieu, il devient
plus facile de faire les liens entre les quatre dimensions du modèle, rajoutant la dimension
régulée qui n’avait pas encore été abordée dans cette thèse (voir Chapitre 2, section 2.2.3).
L’ajout de cette dimension permet d’intégrer la pression exercée par les behavior settings
sur les comportements des enfants et elle met aussi en relief les contraintes61
psychologiques (Valsiner, 1987) de l’environnement en faisant référence à ce qui est
autorisé, interdit et encouragé dans les salles de jeu. Dans cette étude, la dimension
physique du microsystème vise les qualités spatiales des salles avec leur superficie, leur
mobilier, leurs aménagements ainsi que leur matériel éducatif. La dimension
organisationnelle s’appuie sur la succession des activités ainsi que sur la gestion temporelle
de l’espace et des ressources. Enfin, la dimension humaine vise les pratiques spatiales et

60
Voir Chapitre 1, section 1.3.1 et Chapitre 4
162

plus particulièrement la façon dont les éducatrices s’appuient sur le milieu physique pour
organiser et réguler le quotidien des enfants. En accord avec le modèle, cette étude
considère aussi les pressions externes qui participent à la structuration du cadre de vie des
enfants. Elle recherche donc quels idéaux et valeurs se reflètent en fin de compte dans les
salles de jeu.

Les paragraphes suivants font spécifiquement le point sur les dimensions internes des salles
de jeu puis traitent des liens avec le contexte socioculturel, soulevant au fur et à mesure les
questionnements spécifiques de cette étude.

5.1.1 Les influences du cadre de vie au sein des salles de jeu


La structuration du cadre de vie des enfants passe par l’environnement physique, une des
dimensions des salles de jeu. Les études sur l’environnement physique des salles de jeu en
préscolaire62 sont traditionnellement assez fonctionnalistes. Celui-ci est bien souvent décrit
selon les actions qu’il supporte, par exemple grâce au concept d’affordance (Gibson, 1979).
Ces études intègrent parfois aussi une dimension développementale et l’on considère alors
les multiples opportunités que le cadre physique offre aux enfants (e.g., Trancik & Evans,
1995). À ce sujet, la plupart des travaux se sont penchés sur les types d’aménagements ou
de matériel qui soutiennent le mieux le développement, tout au moins tel qu’on le conçoit
en Occident. Une telle approche est par exemple celle adoptée par l’enquête Grandir en
qualité sur les services de garde québécois (Institut de la Statistique du Québec, 2003) où, à
côté des traditionnelles préoccupations pour la sécurité, le cadre matériel des salles a été
évalué en lien avec les axes développementaux suggérés par le programme éducatif
(Ministère de la Famille et de l’Enfance, 1997). Les aménagements de qualité comprennent
la présence de ressources sensées soutenir tous ces axes de développement. Dans la
communauté scientifique, les aménagements des salles de jeux dits en coins d’activités font
aujourd’hui quasiment l’unanimité puisqu’on a pu montrer qu’ils favorisaient de multiples
comportements de découverte et de socialisation (Campos-de-Carvalho & Mingorance,

61
Rappelons encore une fois que le mot contrainte représente un ensemble de limites et n’est pas forcément à
considérer comme négatif (voir note 4, chapitre 1, section 1.1.2)
62
Ces salles ont été étudiées pour les garderies ou les maternelles.
163

1996; Campos-de-Carvalho & Rossetti-Ferreira, 1993; Casey & Lippman, 1991; Gareau &
Kennedy, 1991). Côté matériel éducatif, les chercheurs se sont penchés sur les jouets
offerts aux enfants dans les salles. On a ainsi montré que les larges espaces et les gros
jouets y favorisaient les activités motrices alors que les petits espaces et les petits jouets y
favorisaient les activités de manipulation (Smith & Connolly, 1980). Toutes ces études
ouvrent des pistes pour questionner l’environnement physique des salles de jeu et en tirer
les premiers enseignements sur la façon dont il participe à la structuration du cadre de
développement. Comment les salles sont-elles aménagées ? Que dire du matériel qu’elles
contiennent ? De sa quantité ? Quel type de comportements tend-il à promouvoir ?

Toutefois, ce type de questionnement considère le cadre physique des salles de jeu comme
un élément statique. On sait en fait peu de choses sur la façon dont il est réellement utilisé
par les individus et les groupes (dimension humaine) au quotidien et ce, même si nombre
d’ouvrages d’applications éducatives en préscolaire, dont le programme Jouer c’est
magique (Ministère de la Famille et de l’Enfance, 1998), suggèrent de multiples façons de
faire63. L’ouvrage de Nicole Malenfant (2002) recommande bien diverses façons de gérer
humainement et matériellement les périodes de routines et de transitions dans le milieu
québécois, approchant un aspect sous-étudié de la vie quotidienne, mais il ne comporte pas
d’analyses systématiques des pratiques liées au cadre matériel. Comment l’espace des salles
est-il réellement utilisé au quotidien ? Comment les éducatrices gèrent-elles vraiment le
cadre matériel pour le groupe ? Dans les salles de jeu, les caractéristiques architecturales
jouent-t-elle encore un rôle en lien avec les façons de faire ? Ces questions restent à
explorer.

À cet égard, le modèle théorique de la thèse suggère que l’organisation des activités dans
l’espace et le temps (dimension organisationnelle) est essentielle pour qui veut étudier la

63
Par exemple, le programme Jouer c’est magique comprend 28 pages de suggestions d’activités visant
diverses facettes du développement et qui s’appuient toutes sur l’utilisation du cadre matériel : «Aménager un
coin lecture avec une variété de livres», p.29 ; « Fournir différents objets à partir desquels l’enfant peut
peindre», p.32 ; «Dans le coin expression plastique, fournir des formes à tracer», p.43. Le programme Jouer
c’est magique comprend aussi 38 pages décrivant le cadre physique et le matériel, suggérant parfois comment
l’utiliser. e.g., «l’aménagement en coins permet [..] d’offrir d’autres situations de jeu à ceux qui ne désirent
pas participer», p.100.
164

vie quotidienne en garderie. Bronfenbrenner et Ceci (1994) avaient d’ailleurs indiqué


l’importance de la notion de temps dans le développement des enfants, la durée et la
répétition des expériences pouvant s’avérer fondamentales. À notre connaissance, cette
réflexion n’a pas été appliquée à l’utilisation du cadre matériel de la vie quotidienne en
milieu préscolaire. Pourtant, au fil des heures et selon les activités, cela pourrait très bien
renforcer (ou limiter) certaines interactions avec l’environnement, orientant de ce fait le
développement. Nous avons vu au chapitre précédent que les salles de jeu accueillent de
longues successions d’activités quotidiennes de durées variables (e.g., repas, sieste,
ateliers). Comment ces activités sont-elles organisées dans l’espace de la salle ? Certaines
zones, certaines ressources sont-elles plus utilisées que d’autres et si oui lesquelles ? On
peut tout aussi bien supposer que tout est accessible en tout temps et de façon homogène ou
que certains sous-espaces ou objets sont nettement plus utilisés que d’autres. Quel que soit
le cas, les implications sur le cadre de vie offert aux enfants pourraient être importantes et
cette piste est donc aussi à explorer.

Selon le modèle théorique, la structuration du cadre de vie dépend aussi de la régulation


(dimension régulée du microsystème) car celle-ci pourrait affecter l’accès aux ressources et
aux espaces tout comme les façons de s’y comporter. Cet aspect qui demande une étude
fine des multiples situations de la vie quotidienne n’a pas encore été traité dans la thèse. Le
concept de behavior setting (Barker, 1968) utilisé au chapitre précédent intégrait bien la
notion des règles implicites présentes dans l’environnement mais à une échelle relativement
large et plus utile pour décrire le quotidien des établissements que pour analyser les
régulations détaillées du contexte de développement des enfants. Ce thème est par contre au
centre des travaux théoriques de Valsiner (1987). Pour lui, le contexte de développement
s’appuie largement sur les limites, les règles de vie et les incitations mises en place par des
adultes, eux-mêmes influencés par leur propre culture. Valsiner a développé un modèle
(Voir Chapitre 1, section 1.1.2) surtout orienté sur le contexte social mais qui est tout à fait
exploitable dans le cadre de cette étude. Pour Valsiner, chaque situation64 vécue par les
enfants (e.g., un repas) comprend une zone de mouvements libres et une zone d’actions
165

encouragées65. La zone de mouvements libres reflète l’ensemble des contraintes


psychologiques de l’environnement. Elle représente en quelque sorte le cadre général de
l’action avec les limites physiques à ne pas dépasser, avec ce qui est autorisé et interdit tant
au niveau de l’usage du cadre matériel que des comportements. La zone d’actions
encouragées représente l’ensemble des actions encouragées ou exigées par les éducateurs.
Pour suggérer comment, où, et avec quoi les enfants doivent agir, les adultes peuvent
utiliser des moyens verbaux (incitations, consignes), mais peuvent aussi s’appuyer sur le
milieu physique, par exemple en renouvellant le matériel pour susciter de nouveaux intérêts
(Doctoroff, 2001). Le modèle de Valsiner peut se révéler d’une aide précieuse pour intégrer
la dimension régulée à l’étude fine du cadre de vie dans les salles de jeu. Il suggère un
questionnement approfondi qui fait des liens entre règles de vie, cadre physique, pratiques
spatiales, organisation des activités dans l’espace et le temps. Quelles sont les règles qui
s’appliquent dans les garderies ? En quoi affectent-elles l’usage de la salle de jeu et du
matériel éducatif ? Quelles sont les limites physiques posées aux enfants lors des
différentes activités ? Quel est le matériel autorisé, encouragé ou interdit ? Les éducatrices
s’appuient-elles sur le cadre physique pour faire passer certaines règles ? En mettant
l’accent sur la régulation au quotidien, la présente étude tente de combler un aspect sous-
étudié de l’environnement préscolaire.

5.1.2 Les influences des pressions externes sur les salles de jeu
Si le cadre de vie au sein des salles de jeu se structure sans doute autour du milieu
physique, des pratiques spatiales, des activités et de leurs durées ainsi que des régulations et
incitations (processus internes de structuration), nous avons vu qu’il peut aussi dépendre
d’influences externes (processus externes de structuration). En effet, le cadre de vie se
fonde sur des idéaux et valeurs sociales, parfois relayées dans les règlements et
programmes officiels. Seules de rares études ont abordé spécifiquement cette question dans

64
Chaque situation peut être comprise comme un des behavior settings (ou épisodes) qui se succèdent au
quotidien.
65
Le modèle de Valsiner comporte en fait trois zones, mais seules les zones de mouvements libres et la zone
d’actions encouragées peuvent être opérationnalisées en termes d’environnement physique et de pratiques
166

les salles de jeu en préscolaire. Notons l’étude de Tarr (2001) qui compare les salles de
maternelles à Reggio Emilia (Italie) et au Canada. À partir d’observations in situ, elle
suggère que les premières reflètent des idéaux éducatifs orientés vers une sensibilisation à
l’art, au raffinement et aux liens avec l’extérieur (e.g, vases de fleurs réelles, vaisselle,
buffets et tables en bois, objets décoratifs et historiques) alors que les secondes reflètent
plutôt des idéaux qui privilégient la préparation «pour le monde futur du travail»66 en
s’appuyant sur des formes visuelles issues des objets de consommation de masse67 (e.g.,
multiples posters et calendriers aux images stéréotypées, mobilier et matériel en plastique
de couleurs primaires vives) et «protégeant l’enfant du monde extérieur» dans des salles
closes. Les travaux de Tarr ne considèrent toutefois que l’aspect esthétique, et restent donc
ancrés dans une approche statique. Les classiques travaux de Rivlin et Wolfe (1985) sont
parmi les seuls à avoir étudié la question à partir de l’aspect dynamique du cadre de vie, en
considérant plusieurs dimensions des salles de jeu qui nous préoccupent dans cette étude.
Dans trois garderies new-yorkaises, elles ont examiné le milieu physique, les pratiques
spatiales et même quelques règles de vie tout en montrant comment le tout reflétait et
relayait les objectifs implicites d’un système institutionnel. Ainsi, elles ont montré que,
malgré d’importantes différences architecturales, les salles de jeu étaient toutes aménagées
sur un modèle scolaire avec de nombreuses petites tables et chaises au centre, des tableaux
noirs et des bureaux pour les éducateurs, des étagères et espaces de jeu sur les pourtours
comprenant des livres, blocs et jouets d’imitation. D’autre part, les enfants étaient très
souvent regroupés près de la porte autour de l’adulte, ce qui reflétait selon elles des
caractéristiques institutionnelles comme le besoin de contrôler les sorties et les
mouvements des enfants. Les salles étaient utilisées pour les repas et les siestes auxquelles
les enfants devaient participer même s’ils n’avaient pas sommeil. Enfin, les enfants étaient
surtout impliqués dans des activités individuelles aux tables, reflétant l’image du «travail en
classe». Selon Rivlin et Wolfe, le cadre de vie dans les garderies new-yorkaises était très
institutionnalisé et intégrait clairement des tendances scolaires, préparant les enfants à

spatiales dans cette étude. La troisième zone, ou zone de développement proximal, fait référence au niveau de
développement des enfants et ne peut être opérationnalisée en regard du cadre de vie examiné ici.
66
Traduction libre de l’expression de l’auteur «preparation for the futur world of work».
67
Tarr parle de «mass marketing and craft-store culture»
167

devenir de futurs écoliers et leur apprenant à respecter des règles rigoureuses de vie en
communauté. Bien que les résultats avancés par Rivlin et Wolfe soient anciens et limités à
de courtes descriptions68, ils ouvrent des pistes très intéressantes pour examiner les liens
entre les salles de jeu québécoises et les idéaux qui s’y reflètent.

L’étude que nous avons menée au chapitre 4 suggérait que les pressions externes des
idéaux socioculturels et éducatifs étaient très influentes et avaient tendance à uniformiser
l’organisation des journées des enfants dans les cinq établissements de notre échantillon et
ce, quel que soit le type architectural. Cela est-il encore vrai une fois que les enfants sont à
l’intérieur des salles de jeu ? Si cela était, on devrait retrouver partout les mêmes façons de
faire et les mêmes règles des vie conformes aux idéaux du moment. Au contraire, on peut
poser l’hypothèse que le repli des groupes dans leurs salles est un moyen de s’affranchir
des pressions externes uniformisantes. Auquel cas nous devrions trouver des différences
importantes dans les façons de faire. La vie dans les salles de jeu reflète-t-elle la présence
de presssions uniformisantes ? Si oui, quels sont les idéaux socioculturels et éducatifs qui
s’expriment partout ?

5.1.3 Démarche
Dans un premier temps, cette étude se propose d’examiner les différentes dimensions des
neuf salles de jeu des 4-5 ans dans les cinq garderies de notre étude de cas. Des
comparaisons entre les salles permettront de mieux cerner les processus internes de
structuration du cadre de vie. Dans un second temps, l’étude vise à repérer quels idéaux
socioculturels et éducatifs s’expriment dans ces salles. Cette deuxième partie renseigne sur
les processus externes de structuration et permet de voir dans quelle mesure on peut y
repérer une tendance (ou non) à l’uniformisation.

68
Leurs travaux sur les hopitaux psychatriques pour enfants et sur les écoles primaire sont nettement plus
développés.
168

5.2 Méthode

La méthode utilisée pour cette étude reprend en partie celle du chapitre 4. Toutefois, les
données analysées concernent uniquement les salles de jeu (328 épisodes d’une durée de 5
minutes à 1h30 sur 423 épisodes relevés au total, soit 125 heures d’observation). L’accent
est mis sur les données descriptives, particulièrement sur celles qui concernent la
régulation. Les entretiens avec les éducatrices et les directions d’établissements ont été
utilisés pour éclairer les raisons de certaines pratiques observées. La teneur des données et
les questionnements liés à cette étude ont conduit à adopter une démarche d’analyse
qualitative. Ce choix avait déjà été adopté par Rivlin et Wolfe (1985) et par Tarr (2001).

Les données
Pour chaque épisode observé, en plus des données mentionnées au chapitre 4 et que nous
avons conservées, d’autres données avaient été relevées pour les fins de cette troisième
étude69.

Ces données supplémentaires sont :

Données pré-codées liées à l’usage du cadre physique


• Répartition des enfants lors de l’épisode observé (grand groupe, sous-
groupes, individuel). Ces données renseignent sur la façon dont les salles
sont utilisées par le groupe et sur le niveau d’encadrement spatial des
activités.
• Sous-espaces (e.g., coin blocs, tables centrales) ainsi que le matériel (e.g.,
voiturettes, poupées) utilisés dans les salles. Ces données indiquent l’usage
réel du cadre matériel. Elles vont donc au-delà de sa simple présence.

Données descriptives liées à la régulation du cadre de vie :


• Interventions des éducatrices telles que les consignes données au groupe
(e.g., «dans cinq minutes on range») ; les limites (e.g., «l’éducatrice
repositionne les enfants qui chahutent»; «interdit de jouer à la cabane») et

69
La Figure 14 «Exemple d’une fiche de collecte de données pour l’épisode 325» au Chapitre 4 montre ces
données.
169

encouragements (e.g., «l’éducatrice incite un enfant à s’installer à une


table»).

Données liées au cadre physique.


• Plans des salles de jeu avec leur mobilier ont été relevés quelques jours
avant le début des observations. Ces données ont été complétées de
descriptions et de photos des salles de jeu.

Analyses
Les analyses se sont penchées dans un premier temps sur les dimensions internes aux salles
de jeu pour s’attacher ensuite aux idéaux socioculturels et éducatifs qui s’y inscrivent.

La dimension physique des neuf salles a d’abord été analysée. Les points communs et les
différences dans les aménagements et le matériel ont été mis en évidence. Cette analyse
permet de repérer quels sont les types d’aménagements privilégiés. Elle offre aussi une
première compréhension de ce que le cadre matériel tend à favoriser (ou non) sur le plan
développemental.

La dimension régulée a été analysée indépendamment en extrayant des 328 épisodes toutes
les données liées aux règles de vie. Nous avons ensuite recherché si certaines règles étaient
présentes partout. Cela indiquait les façons de faire partagées par les services de garde et
suggérait leurs préoccupations les plus importantes. Nous avons aussi recherché les liens
entre ces règles, le cadre physique et les pratiques des éducatrices.

Le cadre de vie régulé a ensuite été analysé de façon plus complexe en utilisant le modèle
de Valsiner (1987). Pour chaque type d’activité, les zones de mouvement libre et les zones
d’actions encouragées ont été examinées. Des comparaisons ont été effectuées entre les
groupes. Cette analyse complexe donne un sens aux différentes situations auxquelles les
enfants sont confrontés au cours de la journée. Elle offre une description signifiante du
cadre de vie qui permet de comparer la spatialisation des activités et les façons de faire des
groupes sur des bases similaires.

Les zones de mouvements libres ont été établies à partir des éléments suivants :

• Les aménagements physiques particuliers à l’activité (e.g., «les tables sont


rassemblées au centre de la salle» ; «les matelas sont au fond de la salle et
n’encombrent pas la zone de jeu de ceux qui sont réveillés»),
170

• Les limites maximum de l’espace autorisé aux enfants (e.g., limites


restrictives : « l’éducatrice interdit de jouer à la cabane » ; ou limites
étendues : relevés des sorties de la salle).
• Les limites des comportements autorisés dans l’espace (e.g., «l’éducatrice
régule la course70», « l’éducatrice régule les comportements : rester assis à
sa place»).

Les zones d’actions encouragées ont été établies à partir des éléments suivants :

• Les zones de la salle suggérée par l’adulte (e.g., «rassemblement au coin


lecture» ; «l’éducatrice indique une table où jouer»).
• Le matériel incitatif (matériel utilisé).
• Les manipulations du milieu physique utilisées comme signaux (e.g.,
«l’éducatrice éteint la lumière pour inciter au calme»),
• Des incitations à utiliser l’espace ou les ressources d’une certaine façon
(e.g ; «l’éducatrice propose un autre jeu plus calme»).

Des recoupements avec les autres dimensions du cadre de vie ont été effectués au fur et à
mesure de cette analyse. Citons par exemple les liens avec les caractéristiques physiques
des salles, avec les aménagements mobiliers ou encore avec la façon dont les éducatrices et
les enfants utilisent le cadre matériel.

La gestion temporelle de l’espace et du matériel a ensuite été examinée pour vérifier si


certaines ressources étaient plus utilisées que d’autres. L’analyse menée est la seule de cette
étude à s’appuyer en partie sur des données quantitatives. Pour chaque salle, un
pourcentage d’occupation des coins d’activités a été calculé en regard du temps total passé
dans la salle. Des recoupements ont ensuite été effectués avec d’autres dimensions du cadre
de vie (e.g., caractéristiques des salles, régulations).

Cette première série d’analyses a mis l’accent sur l’aspect régulé du cadre de vie quotidien
tout en faisant émerger peu à peu des liens avec les autres dimensions des salles de jeu. Elle
a mis en lumière les récurrences que l’on retrouve dans tous les groupes au fil des heures et
activités, ouvrant la porte à la deuxième partie de l’analyse sur les processus externes de
structuration des microsystèmes. Cette deuxième partie de l’analyse est plus inductive et se

70
Note prise à chaque fois que l’éducatrice avait à réguler les comportements liés aux enfants qui courent
dans les salles.
171

base sur un principe de théorie ancrée (Strauss & Corbin, 1990). Le principe repose sur la
construction d’hypothèses fondées (ancrées) sur les données. Au lieu de chercher à
corroborer ou réfuter une hypothèse formulée à priori (approche hypothético-déductive), il
s’agit de dégager le sens des évènements au regard de la problématique étudiée, et ce, par
une structuration progressive des thèmes que renferment les données. Au fur et à mesure
des analyses précédentes, des hypothèses ont été peu à peu développées quant aux idéaux et
valeurs qui s’exprimaient au sein des salles de jeu. Des thèmes ont émergé et ceux-ci ont
finalement été dégagés sous leur forme finale à partir des multiples faisceaux d’indices
concordants (e.g., caractéristiques du cadre matériel, régulations, durées d’utilisation des
espaces et du matériel ou pratiques spatiales qui reflètent toutes une même préoccupation)
qui seront décrits dans les résultats.

5.3 Résultats
5.3.1 Le cadre physique des salles de jeu
La première étape de l’analyse a été d’examiner l’environnement physique des salles. À des
fins pratiques, les salles ont été repérées selon la garderie et le groupe auquel elles
appartiennent (e.g. E3 = salle du groupe E de la garderie 3). Leurs plans et leurs
aménagements sont en Annexe 5.

Dans les garderies neuves (salles A1, B1, E3, F3), les superficies des salles étaient
confortables et assez uniformes (m = 47,5m2, écart-type = 2,2), conformément aux
garderies de ce type (voir Chapitre 3, section 3.4.1.2). Dans les garderies anciennes, les
salles étaient moins uniformes. Celle de la garderie 5 située dans une ancienne école était
très grande (I5 : 70m2), reflétant les superficies élevées des garderies de type bâtiments-
institutionnels. Dans les deux autres garderies anciennes (2 et 4), deux salles sur les quatre
observées étaient très petites (H4 : 15,9m2 et D2 : 31,15m2 ). L’une d’entre elles (H4- dans
la garderie de type ancienne maison) n’avait pas d’accès indépendant et il fallait traverser
une autre salle (G4) pour s’y rendre. Ces caractéristiques pouvaient affecter les choix
d’aménagements, les pratiques spatiales et les règles de vie posées aux enfants.
172

Reflétant l’évolution actuelle du bâti, six salles sur neuf étaient équipées de toilettes (dont
toutes celles des garderies neuves), communiquaient directement avec d’autres salles et
étaient situées à proximité des vestiaires. De telles caractéristiques pouvaient offrir de
larges champs d’action aux enfants, leur laissant la possibilité de passer seuls d’une pièce à
l’autre pour visiter les groupes voisins tout en restant sous la supervision des adultes.

Malgré les différents types architecturaux et les superficies variées, la première chose qui
frappait à la visite des salles de jeu était l’utilisation systématique des aménagements en
coins d’activités (voir Photo 4 et Figure 23) ainsi que l’abondance de matériel partout.

Photo 4. Exemple d’aménagement en coins Figure 12. Plan d’une salle montrant un
d’activités avec mobilier bas. Salle 1A. aménagement en coins d’activités. Salle 1A.

Le moins que l’on puisse dire c’est que l’espace n’était pas vide. Il était même assez
encombré, surtout dans les plus petites salles (voir Photo 5). Les coins étaient séparés par
des étagères basses et contenaient du matériel éducatif (e.g., blocs, figurines, autos au coin
blocs ; poupées et déguisements au coin imitation). Partout, le mobilier était à l’échelle des
enfants et conçu pour faciliter l’accès aux ressources (voir Photo 6) et aux équipements
(voir Photo 7). Les recommandations d’aménagement des programmes éducatifs (Ministère
de la Famille et de l’Enfance,1997, 1998) semblaient avoir été interprétées quasiment à la
lettre. De nombreux équipements étaient standardisés, depuis le mobilier en passant par les
bacs pour les jeux d’eau (voir Photo 8), ou les pochettes pour ranger les objets personnels
173

des enfants, le tout en général issu des catalogues des mêmes fournisseurs. Même les
décorations sensées personnaliser l’espace de la salle de jeu étaient relativement
semblables. Enfin, les aménagements en coins d’activités offraient des possibilités pour
bien organiser l’espace et, en dehors des heures de jeu, le matériel était partout
soigneusement rangé, laissant une impression d’ordre : chaque chose à sa place.

Photo 5. Présence d’un matériel abondant Photo 6. Accès aux ressources facilité par des
dans les salles de jeu. Salle 2D. étagères basses. Salle 4H.

Photo 7. Accès facilité aux équipements. Photo 8. Exemple d’équipement standardisé.


Marchepied pour lavabo. Salle 1A. Bac jeux d’eaux. Salle I5.
174

D’autres dispositifs physiques présents partout dans les salles de jeu étaient ceux destinés à
assurer la sécurité des enfants (e.g., portes équipées de boudins en mousse). Dans une des
garderies neuves (3), les rebords de fenêtres étaient même inclinés pour éviter que les
enfants y grimpent. Les aménagements sécuritaires sont imposés par les règlements (e.g.,
Ministère de la Famille et de l’Enfance, 2002) et laissent supposer que la sécurité des
enfants est un souci important (et bien légitime) qui pourrait s’exprimer ailleurs que dans le
cadre matériel, par exemple dans les règles de vie et les pratiques spatiales.

En dépit d’un principe d’aménagement assez uniformisé, les salles n’étaient toutefois pas
complètement semblables. Certains coins d’activités étaient présents partout et d’autres
non. La zone centrale avec les tables, le coin blocs; le coin imitation, le coin lecture et le
coin lavabo étaient des incontournables. Seule la petite salle H4 n’avait pas de lavabo, ce
que l’éducatrice déplorait largement. Selon la superficie disponible ou les préférences des
éducatrices, des coins ordinateur (A1, C2, D2, F3), poupées (A1), menuiserie (C2),
sciences (E3), art (I5, E3, B1) et bac pour jeux d’eau (A1, 21, E3, F3, I5) étaient aussi
présents. L’aménagement en coins prenant beaucoup de place, on peut s’expliquer
l’absence d'équipements de motricité encombrants. Étonnamment, la grande salle I5 qui
offrait pourtant beaucoup de place, n’en possédait pas. En fait, l’aménagement des salles de
jeu semblait partout supporter des activités plutôt calmes, créatives, imitatives, ainsi que
des activités de manipulation, ce qui donne de premières indications sur ce qu’on y
privilégie.

En somme, l’environnement de toutes les salles de jeu présentait un bon nombre de


similitudes dans les aménagements, et ce quel que soit le type de bâtiment. Cela laissait
supposer des façons de faire semblables. La superficie des salles paraît toutefois être un
facteur influent sur les choix d’aménagements et elle pourrait aussi affecter le déroulement
de la vie quotidienne. Les prochains paragraphes décrivent les pratiques spatiales et les
régulations liées à la vie dans les salles de jeu.
175

5.3.2 Règles générales de vie dans les salles de jeu


En commençant à observer la vie dans les salles, on notait un foisonnement d’activités. Les
enfants s’amusaient, prenaient et reposaient les jeux, passaient d’un coin d’activités à
l’autre, discutaient, s’installaient sur des tapis, couraient parfois. Le taux de stimulation
pour l’observateur était très élevé. Pourtant, on se rendait vite compte qu’il existait des
règles plus ou moins explicites qui organisaient la façon d’utiliser les salles et il devenait
évident que tout n’était pas permis. Qui plus est, il est vite apparu que certaines règles
étaient présentes partout, quels que soient les groupes, les caractéristiques physiques des
salles, l’éducatrice ou l’activité en cours. Voici donc les règles et principes qui forment le
cadre régulé de toutes les salles de jeu.

Une des règles fondamentales était de ne pas sortir de la salle sans avertir l’éducatrice. Pour
assurer la surveillance, les éducatrices recouraient parfois au cadre physique. Par exemple,
elles fermaient la porte ou adoptaient des positions stratégiques (en général aux tables, dans
la zone centrale de la salle) qui offraient une vue à la fois sur l’entrée de la salle et sur les
différents coins d’activités. Les éducatrices pouvaient ainsi contrôler toute sortie – ou
intrusion – dans le territoire de la salle.

«L’important est de bien s’installer. Il ne faut jamais tourner le dos et bien se


placer dans le local». (entrevue éducatrice C2 )

Une autre règle pourrait s’appeler «la règle des petits groupes». Les enfants savaient qu’une
fois dans la salle de jeu, et sauf exception décidée par l’éducatrice, ils étaient encouragés à
se regrouper en nombre limité dans les coins d’activités (en général cinq maximum). Les
enfants connaissaient cette règle qui était parfois rappelée par des pictogrammes affichés
sur le mobilier, mais aussi par les interventions fréquentes des éducatrices

«Je pense qu’il y a assez d’amis au coin blocs, attends un peu». (intervention
éducatrice G4)

Enfin, certaines règles souvent transgressées par les jeunes enfants pleins d’énergie se sont
révélées à la lumière des régulations constantes qui ont été observées : éviter de chahuter,
de courir, ou de crier dans la salle (258 épisodes comportaient ces régulations sur les 328
176

observés). Pour ce faire, les consignes verbales et les repositionnements des enfants étaient
très utilisés. Une éducatrice s’appuyait même explicitement sur le milieu physique pour
renforcer le poids des consignes :

«J’ai rajouté une table pour éviter que les enfants courent et pour refermer
les coins». (entrevue éducatrice E3 )

Ces règles sont les plus évidentes et apparaissent indépendamment d’une analyse poussée
de la vie dans les salles. Elles semblent surtout viser la sécurité des enfants et le maintien
d’un certain calme. Cela suggère que les règles de vie renforcent le rôle déjà pressenti du
cadre physique face à l’ordre et la sécurité. C’est au sein de ce cadre régulé que se
déroulent les différentes activités quotidiennes décrites dans les prochains paragraphes.

5.3.3 Utilisation de l’espace et régulation selon les activités

Les repas
Nous avons vu lors de l’étude précédente que tous les enfants prennent leur repas dans les
salles de jeu. Sur 53 repas observés (deux collations et un repas principal par jour), trois
types ont émergé. Les éducatrices rassemblaient les tables en « type grand groupe » (30
cas), les dispersaient en « type restaurant » (petits groupes – 22 cas. Voir Photo 9), ou
s’installaient exceptionnellement au sol en « type pique-nique » (deux cas – C2, I5).

«J’aimerais avoir une table de plus, comme ça je déménage pas les tables
tout le temps». (entrevue éducatrice E3)

Photo 9. Exemple d’un repas en sous-groupes. Groupe G4.


177

Certaines éducatrices (A1, C2, I5) avaient une nette préférence pour le type « grand
groupe » et son atmosphère familiale. D’autres (F3) préféraient le type «restaurant»
qui répartissait les enfants selon leurs affinités. Toutefois, nombre d’éducatrices (B1, D2,
E3, G4, H4) passaient d’un type à l’autre, y compris au cours d’une même journée. Quelle
que soit la façon de faire, toutes les éducatrices manipulaient régulièrement tables et chaises
pour mettre en place le cadre physique de l’action, ce qui semblait parfois poser problème.

Malgré les différents types d’organisation, il existait nombre de similarités durant le repas.
Dans tous les cas, les déplacements étaient peu autorisés et la zone de mouvement libre
correspondait quasiment à la zone de l’action requise par l’éducatrice (voir Figure 24).

Figure 13. Exemples de spatialisation des repas dans deux salles de jeux.

TABLE

Zone de mouvement Zone d’action suggérée par


libre pour les enfants l’éducatrice

Un repas en sous-groupes (restaurant). Salle B1 Un repas en grand groupe. Salle C2.

Les tables et les chaises ont été Les tables et les chaises ont été rassemblées au
dispersées au centre de la salle. centre de la salle.
Peu de déplacements sont acceptés, Peu de déplacements sont acceptés, sauf pour les
sauf pour les besoins du repas. besoins du repas.
178

Toutes les éducatrices régulaient le positionnement des enfants et insistaient pour qu’ils
restent assis et calmes (41 repas sur 53). Ces interventions avaient surtout lieu en cas de
chahut ou de conflits. D’autre part, une fois les enfants installés et calmés, le repas était
généralement l’occasion d’apprentissages (e.g., connaître et sérier les aliments). Il était
aussi l’occasion de promouvoir la responsabilisation (e.g., service à table à tour de rôle,
rapporter la vaisselle), et certaines façons de faire (e.g., s’asseoir face à la table, manger
avec la cuillère, manger proprement).

L’hygiène et le rangement
Les périodes d’hygiène (e.g., lavage des mains avant les repas) et le rangement étaient
souvent simultanées. Lors de ces périodes, nombres de consignes étaient d’ordre pratique
ou visaient l’adoption de comportements sécuritaires (e.g., ne pas se déplacer en se brossant
les dents, A1 ; ne pas monter sur la chaise pour attraper le matériel, C2).

À l’analyse, on distinguait nettement deux catégories d’hygiène, la première très souple (81
cas) et la seconde très encadrée (9 cas). Dans le premier cas, la période d’hygiène était en
général couplée au rangement de la salle, parfois à l’habillage/déshabillage dans le corridor.
Le rangement était rapide, s’appuyant largement sur le milieu physique (e.g., étagères
basses, étiquetages, crochets, bacs en plastique) et sur les encouragements verbaux des
éducatrices. Les enfants avaient une certaine liberté de mouvement pour entrer et sortir de
la salle pendant les courtes durées allouées à ces activités. Les éducatrices ouvraient
souvent la porte comme un signal incitatif indiquant l’extension de la zone de mouvement
libre. Cette façon de faire très utilisée tient compte du rythme des enfants et permet à
l’adulte de gérer le coté pratique du moment (e.g., remettre les tables en place) ou
d’intervenir individuellement auprès de chacun. Dans le second cas, la période d’hygiène
était nettement séparée de toute autre activité. Par exemple, les enfants passaient en grand
groupe au lavabo avant d’aller s’asseoir à table (e.g., A1, deux cas), ou bien ils étaient
regroupés (e.g., à table, parfois avec un livre) en attendant leur tour pour passer sous la
supervision de l’adulte (e, g., E3, quatre cas). Dans ce cas, la zone de mouvement libre était
réduite. L’éducatrice E3 choisissait ce style pour gérer un groupe très agité.
179

Les façons de faire étaient parfois liées à l’organisation du bâtiment. Par exemple, lorsque
les toilettes étaient extérieures à la salle de jeu, l’éducatrice n’avait pas d’autre choix que
d’étendre la zone de mouvement libre des enfants. Lorsque la salle de jeu était petite et que
les enfants ne fréquentaient pas d’autres lieux (D2), ils profitaient en conséquence de
l’espace supplémentaire pour se défouler. La visibilité des corridors et vestiaires depuis la
salle de jeu était une condition importante pour laisser facilement sortir les enfants.

L’histoire et les rassemblements


L’histoire et les rassemblements (e.g., planification des journées ou des ateliers, régulation
de groupe) étaient toutes des activités calmes. Leur spatialisation était basée sur des
principes similaires. En général, les enfants étaient regroupés autour de l’éducatrice (e.g., à
table ou au sol pour les rassemblements ; au sol ou sur des sièges pour l’histoire). Ils
savaient parfaitement où se regrouper (e.g., coin blocs pour les rassemblements, coin
lecture pour l’histoire) et l’organisation de la salle en coins d’activités était un repère très
important. À ce titre, une éducatrice (F3) avait choisi de changer de place, ce qui a fait
l’objet de nombreux commentaires de la part des enfants. Seuls deux groupes avaient une
façon de faire différente pour l’histoire : les enfants étaient installés individuellement sur
leurs matelas (I5 et G4) au lieu d’être regroupés autour de l’éducatrice. Si les façons de
s’installer différaient légèrement, les consignes se ressemblaient dans tous les groupes. Les
enfants étaient invités à rester assis (avec leurs doudous s’ils le désiraient, surtout pour
l’histoire). Ils étaient souvent aussi invités à participer à une discussion. Toutes les
éducatrices s’appuyaient sur le milieu physique pour supporter l’activité : rideaux tirés et
porte fermée induisant une atmosphère calme pour l’histoire, tableaux muraux ou
pictogrammes amovibles supportaient les planifications.

La sieste
Rapidement après l’histoire, les enfants s’installaient pour la sieste. Trois groupes (A1, G4,
H4) faisaient la sieste dans une autre salle que la leur, mais un seul type d’organisation
existait, quelle que soit la salle choisie : tous les matelas étaient installés au sol et, si
possible, les meubles bas étaient utilisés comme séparations, formant de petites alcôves
pour deux ou trois enfants. La position des matelas semblait revêtir une grande importance :
180

elle était en général pré-déterminée et connue des enfants. Un plan était même affiché dans
la salle E3. Les enfants des groupes C2 et D2 avaient aussi l’habitude de se positionner
tête-bêche pour éviter les discussions. On voit ici très nettement l’importance de l’espace
régulé qui préside à la position attribuée à chaque enfant. Spatialement, il est intéressant de
constater que même si les enfants dorment, la sieste est une activité qui prend beaucoup de
place à cause de l’étalement des matelas. À ce titre, les petites salles (H4, D2) posaient
problème et affichaient clairement une relation directe entre les caractéristiques du cadre
bâti et les pratiques spatiales des enfants et des éducatrices. Le groupe H4 avait trouvé une
solution en s’exilant dans une autre salle. Le groupe de la salle D2 n’avait pas cette
opportunité et vivait en conséquence une réelle confusion à cause de la promiscuité des
matelas qui n’incitait pas au sommeil et à cause de l’encombrement incroyable provoqué
lors des périodes qui précédaient et suivaient la sieste. Cette situation conduisait
l’éducatrice à pousser le mobilier pour trouver un peu d’espace libre mais elle avait beau
faire, les enfants piétinaient quand même sur les matelas, cherchant le peu de place
disponible pour jouer.

Les activités motrices


Compte tenu des règles de vie générales dans les salles de jeu (e.g., ne pas courir, ni
chahuter), les activités motrices (gymnastique, jeux de groupe) avaient lieu sous contrôle de
l’éducatrice. Elles étaient relativement peu nombreuses (sept cas) et de courte durée, la
motricité étant principalement réservée aux jeux extérieurs, ou aux salles polyvalentes. Si la
superficie des salles n’était pas forcément liée à l’occurrence des activités motrices, elle
était liée à leur déroulement, affectant l’énergie allouée à la préparation de la salle et
affectant les choix de mouvements autorisés aux enfants.

Dans la petite salle (H4), les enfants effectuaient des mouvements sur place, alors que dans
la plus grande (I5) l’éducatrice pouvait utiliser un grand parachute et autorisait de
nombreux déplacements. Comme pour bien des activités, les éducatrices manipulaient le
milieu physique (voir Photo 10). Parfois aidées des enfants, elles poussaient ou empilaient
les meubles pour faire de la place, installaient des tapis. La préparation de la salle était
parfois un moment de défoulement pour les enfants. Durant ce type d’activité, et bien qu’ils
181

puissent bouger, les enfants avaient un assez faible degré de liberté. Par exemple, il n’était
pas question de se comporter comme dans l’aire de jeu extérieure et de courir partout.

Photo 10. Éducatrice manipulant tables et chaises pour faire de la place. Groupe D2.

Les ateliers
Les périodes d’atelier tant décrites dans le programme d’application Jouer c’est Magique
(Ministère de la Famille et de l’Enfance, 1998) avaient tout naturellement soulevé notre
curiosité. Rappelons que les ateliers visent à offrir une série d’expériences clés par de
multiples interactions entre l’enfant et son environnement. Les ateliers avaient lieu deux à
trois fois par semaine, ils débutaient par des séances de planification, et se basaient sur une
rotation des enfants dans les coins d’activités, chacun offrant des expériences différentes et
nouvelles. Sur le plan matériel, toutes les séances d’atelier observées s’appuyaient sur une
abondance de ressources spécialement réparties dans les salles à cet effet (e.g., blocs,
figurines basées sur un thème éducatif, dessin sec ou peinture, sable, eau, livres nouveaux,
jeux symboliques et d’imitation, ordinateur, bricolage, matériel spécifique de science et
découverte). Les éducatrices anticipaient l’activité en installant du matériel supplémentaire
182

à celui habituellement disponible dans la salle et en organisant tables et chaises. Alors que
l’on pouvait s’attendre à des larges champs de liberté, laissant les enfants libres d’essayer
telle ou telle activité, il était frappant de constater que la régulation venait en fait largement
orienter la façon d’utiliser espace et matériel. En général, tous les coins d’activités étaient
ouverts mais les possibilités de passer librement d’une activité à l’autre étaient limitées,
tout au moins en début de séance. Les enfants devaient en choisir une et s’y tenir. D’autre
part, l’espace alloué à chaque activité était délimité, et largement matérialisé par les
partitions en coins présentes dans toutes les salles. Les régulations pour le positionnement
des enfants étaient d’ailleurs très fréquentes (huit ateliers sur les huit observés) parce que
certains avaient tendance à s’étaler sur le territoire des autres, débordant largement des
limites de leur coin. Les fins de séances étaient nettement plus libres et les régulations
moins nombreuses. À l’observation, il était intéressant de constater que malgré l’abondance
matérielle des ateliers, certains enfants étaient parfois désœuvrés, déambulant de coin en
coin, observant les autres, chahutant au milieu de la salle. Dans ce cas, les éducatrices (A1,
B1, C2, E3) proposaient alors des jeux supplémentaires ou des livres, rajoutant encore du
matériel pour compenser le désoeuvrement.

Parmi les huit séances d’atelier observées, il existait deux façons d’utiliser le cadre bâti :
dans une seule salle (B1, C2, D2, E3, G4) ou dans deux salles (forme en duo avec deux
groupes - A1). Cette forme n’existe que si l’architecture le permet, c’est-à-dire si deux
salles au moins communiquent. Malgré six salles communicantes sur les neuf observées,
les ateliers en duo étaient nettement minoritaires. En fait, les salles communicantes
n’étaient pas utilisées dans un but éducatif, mais plutôt dans un but pratique (surveillance
du groupe voisin quand une éducatrice s’absentait, échange de matériel).

«On peut échanger des jeux, mais on ne partage pas vraiment les locaux. Les
enfants, ça leur suffit». (entrevue éducatrice B1)

Comme les ateliers prenaient beaucoup de place, l’étroitesse et l’encombrement de


certaines salles posaient problème. Dans la salle D2, l’éducatrice repositionnait sans cesse
le mobilier, y compris en milieu de séance. Dans la salle G4, qui avait l’inconvénient d’être
une zone de passage, l’éducatrice était limitée. Elle détournait alors certains coins
183

d’activités pour offrir des expériences nouvelles. Par exemple, le coin blocs devenait pour
un temps un coin argile, et à défaut de coin calme, une nappe sur la table offrait un espace
intime pour se retirer dessous.

Les activités mixtes et les jeux libres


Les activités mixtes et les jeux libres représentaient environ le tiers du temps passé dans les
salles de jeu (m = 30%, écart-type = 5%). Ils se répartissent principalement sur quatre
moments de la journée (accueil matinal, avant et après la sieste, départ). Ce type d’activité
offrait une large zone de liberté aux enfants. Ils avaient parfois la possibilité de sortir de la
salle de jeu (sous surveillance) pour se rendre aux toilettes ou pour aller chercher des objets
personnels aux vestiaires. Toutefois, malgré le large degré de liberté offert, ces activités
n’autorisaient pas tout, loin s’en faut, et les règles venaient largement affecter l’usage des
espaces et du matériel.

Dans sept groupes sur neuf, seulement une partie des salles et des ressources étaient
autorisées pendant les jeux libres. Dans ce cas, seuls les coins tables, blocs, et lecture
étaient généralement ouverts et les enfants connaissaient les jeux auxquels ils avaient droit
(habituellement : jeux de table, dessin sec, blocs et figurines, livres). Dans les deux autres
groupes (G4, H4), toute la salle et toutes les ressources non salissantes étaient autorisées,
notamment les jeux d’imitation. La majorité des éducatrices choisissaient d’ouvrir
seulement une partie des coins d’activités en invoquant de meilleures possibilités pour
gérer les ressources dans le temps. Par exemple, cela permettait d’ouvrir d’autres coins si
nécessaire afin d’ « offrir du nouveau matériel stimulant aux enfants » (entrevue éducatrice
E3). Elles invoquaient aussi le désordre généré par trop de coins ouverts, les difficultés à
ranger et même « l’image négative que les parents pourraient avoir [à cause du désordre]
quand ils accompagnent ou viennent chercher les enfants » (entrevue éducatrice 2C). Les
deux autres éducatrices qui préféraient ouvrir tous les coins invoquaient des raisons
différentes. Pour l’une (H4), c’était à cause de l’extrême étroitesse de la salle (15,9 m2).

«J’arrive à me débrouiller, mais faut qu’on accepte qu’ils [les enfants] jouent
partout sur le sol, et puis faut aussi déplacer les meubles au moins trois à
quatre fois par jour». (entrevue éducatrice H4)
184

L’autre (G4) invoquait plutôt ses préférences dans les façons de faire avec les enfants. «En
ce moment, c’est la mode des déguisements. Je les laisse faire» (entrevue éducatrice G4).
Quelles que soient les façons de faire, les enfants étaient très souvent incités à rester
occupés et ils étaient souvent invités à se choisir une activité, de préférence un jeu calme ou
un jeu de table. L’observation de la vie quotidienne montre que la notion de «jeux libres»
est somme toute très relative et que, si les enfants ont une marge de liberté supérieure à
celle des autres activités, l’encadrement et l’orientation des choix est toutefois très présente,

«Tu t’installes s’il te plaît, il reste encore 20 minutes, tu as le temps de te


trouver un beau jeu». (intervention de l’éducatrice C2)

5.3.4 Gestion temporelle de l’espace et du matériel


Les activités et les règles de vie venaient largement moduler la façon d’utiliser le cadre
matériel. L’hypothèse selon laquelle certains coins d’activités et certaines ressources étaient
plus souvent accessibles que d’autres a été examinée (voir Tableau 9). C’était la gestion
temporelle de l’espace et du matériel qui était ici en jeu. Nous avons donc calculé le temps
passé dans les coins d’activités et, par extension, la durée d’accès aux ressources qu’ils
contiennent. Il ressort que les neuf groupes utilisent nettement plus certains coins
d’activités que d’autres. Les salles et les ressources ne sont donc pas utilisées de façon
homogène. D’autre part, hormis certaines exceptions que nous expliquerons, les coins les
plus utilisés sont les mêmes partout. La zone centrale avec les tables est de loin la plus
utilisée par tous les groupes (m = 74% du temps, écart-type = 12%,). Par exemple la
différence avec celle des coins blocs, qui viennent en second pour le temps d’utilisation, a
été testée avec le Repeated Measures ANOVA et elle est significative F(1,8) = 114.5, p <
.001. Cette sur-utilisation des tables semble normale : les tables sont polyvalentes. Elles
servent à la fois aux repas, aux rassemblements, planifications, ateliers, et jeux divers (e.g.,
casse-tête, dessin). Le coin blocs (blocs, figurines, manipulations) est, lui aussi, très
fréquemment utilisé (m = 30%, écart-type = 13%), bien que son utilisation soit moins
évidente dans les plus petites salles (D2 et H4). Ces petites salles avaient tendance à une
utilisation plus indifférenciée de l’espace : les enfants s’étalaient avec les blocs au centre de
la salle plutôt que de rester dans les coins trop étriqués ou mal définis.
Tableau 9. Gestion temporelle des coins d’activités: Pourcentage de temps passé dans les coins d’activités par rapport au temps total
passé dans chaque salle de jeu (sauf sieste).

Coin
Tables Coin Blocs Lavabo Imitation Coin Lecture Coin Art Ordinateur Jeux d'eau Autre Indéfini Espace libre

Garderie 1 Salle A1 68% 38% 22% 0% 2% 21% 0% - 29% 14% 2%


Bât. spécifique neuf Salle B1 86% 36% 17% 9% 23% - - 0% - 0% 0%

Garderie 2 Salle C2 58% 33% 10% 2% 25% 0% 10% 6% 11% 9% 9%


Bât. spécifique ancien
Salle D2 71% 9% 12% 5% 17% 0% 0% - - 21% 0%

Garderie 3 Salle E3 80% 22% 23% 9% 10% 0% - 9% 4% 8% 0%


Bât. spécifique neuf Salle F3 79% 44% 18% 30% 12% 2% 9% 0% 14% 14% 0%

Garderie 4 Salle G4 93% 47% 11% 34% 3% - - 0% - 1% 3%


Ancienne maison Salle H4 61% 14% - 0% - - - - - 26% 11%

Garderie 5 Salle I5 70% 28% 8% 0% 3% 0% - 11% 7% 8% 35%


Ancienne institution

Moyenne 74% 30% 15% 11% 12% 4% 5% 4% 13% 11% 7%


Écart-type 12% 13% 6% 13% 9% 8% 5% 5% 10% 9% 11%

Notes :
• Le pourcentage du temps alloué à chaque coin d’activité est calculé à partir du cumul de la durée des épisodes pendant lesquels ces coins ont été ouverts et utilisés. Par exemple : un repas de 20
minutes correspond à l'utilisation des tables pendant 20 minutes. Un épisode d'atelier de 30 minutes correspond, à 30 minutes aux tables, au coin blocs et au coin lecture si tous ces coins ont été ouverts
et utilisés par les enfants. Le total des pourcentages par groupe est supérieur à 100% car plusieurs coins d’activités peuvent être utilisés en même temps.
• Tables : Usage des tables et de l’espace autour des tables. Les tables sont polyvalentes : dessin, jeux, repas, manipulation, rassemblements, etc.
• Coin Blocs : Usage du coin blocs.
• Lavabos : usage du lavabo ou des points d’eau de la salle de jeu. Ne concerne pas l’utilisation comme coins “jeux d’eau” pour des activités éducatives.
• Coin art : usage du coin art installé à demeure dans la salle de jeu. Seules six salles en sont équipées. En général il s'agit d'un panneau mural avec des emplacements pour peinture et pinceaux. Pour la
salle 1A, il s'agit d'une table installée en permanence avec matériel pour dessin à sec.
• Jeux d'eau : Usage du bac à eau ou du lavabo pour des jeux d'eau. S'observe généralement lors des périodes d'atelier.
• Autre : Usage des autres coins de la salle de jeu (1A : poupées-manipulations, 2C : menuiserie et coin rassemblement, E3 : science/manipulation, F3 : science/rassemblement, I5 : alcôve).
• Indéfini : Usage indéfini de l'espace lorsque toute la salle est utilisée indifféremment, par exemple lors des rangements, ou lorsque les enfants jouent sans qu'il y ait de limites identifiables pour les
zones de jeu.
• Espace libre : Usage du plus grand espace de la salle qui soit libre de mobilier
185
186

Le coin lavabo se révèle un aménagement important dans une salle et il est assez utilisé (m
= 15%, écart-type = 6%). Que ce soit lors des routines d’hygiène ou lors des autres
activités, il y avait très souvent un enfant qui se lavait les mains, rinçait un objet ou jouait
sur le marchepied.

Le coin lecture servait parfois aux activités solitaires, mais il était surtout utilisé pour des
activités de groupe comme l’histoire et les rassemblements. Il était plus occupé dans deux
salles où il servait aussi pour des jeux de manipulation (B1) ou pour les câlins et
discussions individuelles avec l’éducatrice (C2). Les coins jeux d’eau, art (peinture) et
ordinateur se sont révélés peu utilisés. Les jeux d’eau et la peinture (souvent un chevalet
mural avec des gobelets de peinture) avaient en général lieu durant les ateliers. Ces activités
de courte durée demandaient une installation et un contrôle particulier, ce qui peut
expliquer pourquoi elles ne sont pas toujours autorisées.

Le seul coin art utilisé régulièrement (A1) était aménagé pour le dessin à sec et ne
demandait pas un surcroît de surveillance. Lorsqu’ils étaient présents dans les salles, les
ordinateurs semblaient être considérés comme source de conflits (chacun voulait son tour)
et de désœuvrement.

« Rester à l’ordinateur derrière les autres, c’est du temps perdu, choisissez


vous un autre jeu». (Intervention de l’éducatrice F3)

Enfin, les chiffres confirment les observations sur la sous-utilisation des coins imitation
dans toutes les salles, sauf deux. La différence d’utilisation entre le coin imitation et la zone
des tables a été testée avec le Repeated Measures ANOVA et elle est significative (F(1,8) =
495.8, p < .001). Le coin imitation est nettement moins utilisé. De même le temps passé au
coin imitation est significativement inférieur au temps passé dans le coin blocs (F(1,8) =
29,9, p < .001). Au fil des heures, la gestion de l’espace et des ressources ainsi que les
règles de vie se conjuguaient et renforçaient donc certaines interactions des enfants avec
leur environnement.
187

5.3.5 Le cadre de vie : reflet d’une vision sociale et éducative


La dernière partie de l’analyse visait les processus externes de structuration du cadre de vie
dans les salles de jeu, c’est-à-dire la pression des idéaux socioculturels et éducatifs du
moment qui affectent le milieu physique, la régulation, les façons de faire, et la gestion
temporelle de l’espace et des ressources. Cette partie de l’analyse pointe vers les grandes
orientations que reflète l’univers des enfants. Les analyses suggèrent cinq thèmes qui sont
présentés dans les paragraphes suivants.

La stimulation
Plusieurs constats convergent, indiquant que la stimulation des enfants est un thème
important dans le fonctionnement des garderies. Tout d’abord, le milieu physique est
partout pensé pour soutenir une grande variété d’activités. L’aménagement des salles et le
matériel abondant sont autant d’incitatifs destinés à «favoriser l’émergence de différents
types de jeu» (Ministère de la Famille et de l’Enfance, 1998, p.10). Certaines éducatrices
choisissent le renouvellement fréquent du matériel plutôt que la mise à disposition
permanente mais quelle que soit la façon de faire, le matériel éducatif abondant suggère un
environnement très stimulant et se révèle être une des caractéristiques des garderies.
D’autre part, dans tous les groupes, les aménagements varient au fil des heures, les coins
d’activités sont ouverts ou fermés, ce qui transforme radicalement le champ d’action des
enfants. La stimulation est ainsi toujours renouvelée au cours de la journée. Enfin, si
l’environnement physique, le matériel et le rythme des changements sont des stimulants, les
adultes encouragent aussi les enfants à rester actifs. Nous avons vu que le désœuvrement
est souvent perçu comme du temps perdu. Les éducatrices les tolèrent plus ou moins
longtemps, mais finissent toujours par encourager les enfants à se trouver quelque chose de
concret à faire. Par opposition, cela met aussi en relief ce qui n’est pas encouragé comme
les rêveries, les déambulations pour observer les autres ou les activités qui ne s’appuient
pas sur du matériel pédagogique orienté.

Dans toutes les salles de jeu observées, tout concourt donc à offrir de multiples possibilités
d’expériences aux enfants. Ce type d’environnement contraste largement avec la passivité
des salles d’asile du XIXe siècle où les enfants restaient assis à ne rien faire pendant des
188

heures dans des environnements quasiment vides (Edom, 1840). Dans la salle de jeu, on lit
clairement l’expression de la vision officielle de l’éducation qui vise à favoriser un
apprentissage actif et basé sur le jeu (Ministère de la Famille et de l’Enfance, 1997, 1998)
et qui s’exprime dans des activités nombreuses et dans un cadre physique riche et abondant.

L’apprentissage de l’autonomie
Nous avons vu que toutes les salles étaient aménagées pour que les enfants puissent agir
seuls. À cet égard, le rôle du milieu physique était très net lors des périodes de rangement et
d’hygiène. Par exemple, l’organisation du milieu facilitait le repérage et le classement des
objets, les marchepieds, le mobilier bas, les toilettes directement accessibles depuis la salle
de jeu évitaient le recours incessant à l’adulte. Côté régulation, les incitations des
éducatrices appuyaient aussi l’apprentissage de l’autonomie. Au-delà des responsabilités
proposées aux enfants, ils avaient aussi un champ de liberté élargi, tout au moins à certains
moments de la journée. Lorsque le cadre bâti autorisait une surveillance aisée, les enfants
pouvaient sortir pour de courts instants dans les corridors. Ils étaient donc autorisés à se
prendre en charge, ayant l’illusion de l’aventure tout en restant sous la surveillance discrète
de l’adulte. Le soutien à l’autonomie des enfants est mentionné par le programme
pédagogique qui recommande que «l’aménagement [leur permette] de s’organiser de façon
autonome» (Ministère de la Famille et de l’Enfance, 1997 p.22). C’est un idéal éducatif qui
s’exprime assurément dans les salles de jeu en s’appuyant largement sur le cadre matériel.

L’ordre et l’organisation
Un vaste faisceau d’indices suggère que l’ordre et l’organisation sont des valeurs qui
s’expriment dans la vie quotidienne des garderies. Tout d’abord, le milieu physique est très
organisé : on note clairement qu’il y a une salle pour chaque groupe, un coin pour chaque
activité, une place pour chaque objet. Cet ordre spatial se reflète aussi dans les dynamiques
quotidiennes. Ainsi, la spatialisation des activités est souvent pré-déterminée, basée sur
quelques façons de faire assez répétitives. Les enfants utilisent les places qui leur sont
assignées et l’ordonnancement est soutenu par les planifications quotidiennes ainsi que les
régulations fréquentes du positionnement des enfants, qu’il s’agisse de l’endroit où ils
peuvent jouer, s’asseoir ou dormir. Enfin, les choix des coins d’activités rendus accessibles
189

(ou non) reflètent aussi un souci pour l’ordre. Nous avons vu que les coins les plus utilisés
(tables, coins blocs) soutiennent des activités calmes, peu salissantes et qui s’appuient sur
du matériel facile à ranger. Les activités créatives qui impliquent du désordre (e.g.,
peinture, bricolage, jeux de rôle) sont régulées et contrôlées. Il leur faut un cadre physique
et un moment approprié. Le programme éducatif ne mentionne pas de restrictions quant à
l’usage du matériel dit salissant, mais les références au rangement et à un environnement
organisé sont explicites dans le programme Jouer c’est magique (Ministère de la Famille et
de l’Enfance, 1998) : «Un environnement physique organisé est essentiel pour soutenir
l’apprentissage actif» (p.3). Dans les salles de jeu, le cadre physique, les régulations et les
façons de faire encouragent partout l’ordre et l’organisation.

Le calme et la sécurité
La sécurité des enfants est une valeur qui s’exprime très fortement dans toutes les salles de
jeu. Les règlements officiels (e.g., Ministère de la Famille et de l’Enfance, 2002) sont très
pointus sur la sécurité des locaux et du matériel. Le programme éducatif n’y fait pas
explicitement référence dans sa version de 1997 mais il a intégré la notion de sécurité dans
une toute récente version electronique qui mentionne que «les activités peuvent varier […]
en veillant toujours à la santé, à la sécurité et au bien-être des enfants.» (Ministère de la
Famille, des Aînés et de la Condition féminine, 2005). Cette notion semble devenir de plus
en plus visible dans les textes et il n’est donc pas étonnant qu’au delà des dispositifs
physiques de protection présents partout, le souci de sécurité se lise aussi dans les
régulations et les façons de faire. Les différentes dimensions du cadre de vie se renforcent
donc mutuellement pour éviter tout accident. Les coins d’activités sont des moyens très
utilisés par les éducatrices pour répartir les enfants et éviter le chahut bruyant et dangereux.
À cet égard, le mobilier bas est très pratique pour compartimenter l’espace tout en lui
conservant une bonne visibilité permettant à l’adulte d’intervenir en tout temps si
nécessaire. Le positionnement des éducatrices dans les salles tend aussi à assurer une
surveillance la plus efficace possible. Côté régulation, les limites comportementales posées
aux enfants visent à éviter tout accident. Non seulement les régulations pour calmer la
course et le chahut sont-elles très fréquentes, mais on ne compte pas non plus les consignes
190

pour agir de façon sécuritaire. Tout dans l’environnement des salles de jeu favorise donc les
activités calmes et considérées comme non dangereuses.

La gestion des conflits


L’apprentissage de la gestion des confits est abordée par le programme éducatif : «Les
centres constituent un lieu par excellence pour le développement des habiletés sociales.
[…] L’enfant y apprend à résoudre des conflits sociaux» (Ministère de la Famille et de
l’Enfance, 1997; p.17). Il n’est pas pour autant fait mention de les éviter. L’évitement des
conflits est pourtant apparu comme un des thèmes qui sous-tendent la structuration du cadre
de vie dans tous les milieux de garde observés. Il s’exprime à la fois dans le cadre
physique, les régulations et les pratiques spatiales. Les conflits sont inévitables et la vie
dans un milieu confiné peut représenter un environnement propice aux disputes. Elles ont
généralement lieu pour la possession des ressources ou pour le contrôle d’un territoire
individuel (Erwing, Alimaras & Price, 1999). Dans les salles de jeu, la grande quantité de
ressources permettait à chaque enfant d’avoir un jouet en tout temps, ce qui pouvait
prévenir les disputes. L’aménagement en coins d’activités séparait naturellement les enfants
en sous-groupes aux affinités compatibles. Certaines règles d’usage des coins d’activités
(e.g., nombre maximum d’enfants par coin) renforçaient le rôle du milieu physique. Enfin,
les fréquentes interventions pour l’accès aux ressources (e.g., détourner l’envie pour un jeu
déjà utilisé en suggérant de choisir autre chose) ou pour le positionnement des enfants (e.g.,
ne pas empiéter sur le territoire des autres lors des ateliers) posaient des limites
comportementales qui facilitaient aussi la prévention des conflits. Dans toutes les garderies,
le milieu physique régulé supportait les éducatrices dans leurs interventions pour limiter les
conflits.

5.4 Discussion
Les interprétations des observations de cette étude sont possibles à plusieurs niveaux, tout
d’abord au niveau des processus de structuration du cadre de vie au sein même des salles,
ensuite au niveau de la pression exercée par les idéaux qui y sont véhiculés, et enfin au
niveau des implications que la fréquentation des salles de jeu peut avoir pour les enfants.
191

Les principaux résultats de cette étude sont synthétisés sur la Figure 25. Elle les replace
dans le modèle théorique global de la thèse.

Figure 14. Structuration du microsystème dans les salles de jeu : principaux résultats
communs à toutes les salles.

Idéaux socioculturels et éducatifs reflétés dans toutes les salles de jeu des garderies examinées :
- Stimulation des enfants - Apprentissage de l’autonomie - Ordre et organisation - Calme et gestion des conflits
Vision de la garderie comme une institution ayant une cohérence dans l’offre de service
Vision du jeune enfant comme futur écolier, mais aussi comme un être fragile à protéger

Macrosystème
Deux niveaux de régulations :
Exosystème - Régulations générales :
Limites : ne pas courir,
Mésosystème chahuter ni crier,
- Généralisation des aménagements ne pas sortir sans demander
en coins d’activité. jouer en petits groupes
- Coins tables, lecture, imitation, Microsystème
Encouragements :
blocs et lavabo présents partout. garderie S’investir dans les activités
- Sous représentation des coins
Adopter des comportements
ordinateurs, menuiserie,
Dimension Dimension Dimension Dimension sécuritaitres
poupées, sciences.
Physique Humaine organisationnelle régulée Ranger en fin de jeu
- Surabondance matérielle
Rester actif
Petites salles difficiles à - Caractérisitiques - Comportements Gestion temporelle - Règles de vie
physiques des salles spatiaux d’un groupe des activités, du - Limites et interdits - Régulations particulières :
aménager et à mobiliser.
- Aménagements - Manipulations de cadre physique et - Actions e.g., selon les caractéristiques
Faibles superficies et absence de
- Matériel mobilier et de des ressources encouragées physiques des salles, les
toilettes affectent la structuration du
horaires ou l’activité en cours.
microsystème matériel

Enfants répartis dans les coins sauf


consigne inverse
Educatrices :
- Manipulent le mobilier pour mettre en place les activités. -Espaces et ressources les plus utilisées : coins tables
- S’appuient sur les coins pour gérer les activités et le groupe avec jeux de tables et dessin à sec ;
- Utilisent le cadre physique comme signal ou comme incitatif pour coins blocs avec blocs et figurines.
orienter les comportements des enfants. Sous-utilisation des coins imitation dans 7 cas sur 9.

5.4.1 La structuration du cadre de vie dans les salles de jeu


Cette étude montre tout d’abord que le cadre de vie se structure de façon complexe autour
des différentes dimensions des salles de jeu. Un premier constat indique que le cadre de vie
évolue au cours de la journée. Pour chacune des activités qui se succèdent au quotidien, il
existe une ou plusieurs façons d’utiliser l’espace et les ressources. Au fil des heures, les
192

limites physiques, les règles, les attentes des adultes, les aménagements et le matériel
changent, tout au moins en partie. Alors que les longues heures passées dans les salles de
jeu (environ 75% de la journée) laissaient craindre un univers monotone, peu stimulant et
sans changement, ce premier constat suggère d’ores et déjà que l’univers des enfants est
loin d’être statique. En fait, la structuration du cadre de vie est très dynamique et c’est un
point à retenir pour bien comprendre le contexte de développement des enfants.

Approcher la structuration du cadre de vie sous un angle dynamique a ainsi permis de


constater que la simple présence du matériel et des équipements n’était pas forcément une
assurance de leur utilisation par les enfants. La régulation (dimension régulée) joue en effet
un rôle très puissant qui module les possibilités d’interaction offertes par l’environnement.
Ainsi, nous avons vu que certaines règles renforcent les affordances (Gibson, 1979)
naturelles du cadre physique (e.g., les facultés naturelles des coins d’activités à répartir les
enfants en petits groupes étaient largement renforcées par les consignes) alors que d’autres
règles, au contraire, les atténuent (e.g., les régulations diminuaient les capacités naturelles
des grandes salles à supporter la motricité spontanée des enfants). D’autre part, régulations
et gestion temporelle des activités dans l’espace (dimension organisationnelle) renforcent
aussi les interactions avec certains types de matériels (e.g., les jeux de table, le dessin à sec,
les blocs et figurines) au détriment d’autres (e.g., déguisements, jouets d’imitation,
peinture). Dès lors, les résultats de cette étude suggèrent qu’il existe une pondération dans
l’utilisation des ressources qui peut modifier les effets pressentis du cadre matériel sur le
développement des enfants. Par exemple, alors que l’enquête nationale sur les services de
garde québécois (Institut de la Statistique du Québec, 2003) accordait des points positifs71
pour la présence fréquente de mobilier et matériel soutenant «spécifiquement» la créativité
et la dimension socioaffective du développement72, la présente étude indique que le

71
«[…] la créativité des enfants ainsi que leur développement socioaffectif [sont] soutenus par un mobilier et
un matériel dont la qualité est évaluée comme étant de niveau élevé à cet égard avec des estimations
comprises entre 3,00 et 3,49.» (Institut de la Statistique du Québec, 2003, p.167)
72
Le matériel destiné à «favoriser spécifiquement la créativité» est défini dans l’échelle d’observation de cette
étude comme : matériel de bricolage (e.g., laine, carton, bâtonnets), éléments naturels (e.g., feuilles,
coquillages), instruments de musique, crayons, peinture, encre, pâte à modeler, imprimantes, etc. Le matériel
destiné à «favoriser spécifiquement la dimension socioaffective» comprend les déguisements, matériel
193

matériel réellement utilisé pour soutenir ces deux dimensions est très orienté sur ce qui est
facile à ranger, peu salissant et peu encombrant. Le point de vue dynamique adopté dans
cette étude a en fait permis de voir que les salles de jeu offrent plus de possibilités
d’interactions avec le matériel de manipulation et les jeux de tables qu’avec le reste du
matériel pourtant présent.

Les résultats indiquent aussi que les salles de jeu supportent deux niveaux de régulation.
Certaines règles sont présentes partout et en tout temps (voir section 5.3.2). Elles ont une
réalité indépendante des autres dimensions internes aux salles de jeu, ce qui suggère
qu’elles proviennent de pressions externes. Ces règles reposent sur des codes de conduite
principaux et incontournables. Elles assurent aussi une certaine stabilité de l’environnement
au cours de la journée. Toutefois, d’autres régulations fluctuent selon la gestion temporelle
du cadre de vie (dimension organisationnelle). Ces règles fluctuantes peuvent par exemple
dépendre des activités en cours (e.g., les limites sont plus strictes lors du repas que lors du
jeu libre), de leur durée ou de l’heure de la journée (e.g., s’il reste 5 minutes, on ne peut pas
sortir les jeux). Ces règles sont aussi parfois liées à la dimension physique des salles,
notamment leurs superficies (e.g., les enfants étaient plus facilement autorisés à déborder
des coins d’activité lorsque l’espace était limité). À ce sujet, la superficie des salles ainsi
que la présence de toilettes sont sans doute les caractéristiques architecturales les plus
influentes sur la structuration du cadre de vie dans les salles. Cela explique sans doute
pourquoi l’évolution de l’architecture des garderies québécoises s’appuie largement sur les
améliorations de ces deux caractéristiques.

Les résultats montrent aussi que le cadre de vie dans les salles se structure largement par la
façon dont les éducatrices utilisent le mobilier ou les dispositifs physiques. L’utilisation
planifiée du cadre matériel est d’ailleurs un moyen recommandé pour bien gérer un groupe
et maintenir l’ordre dans une salle (Crosser, 1992). À cet égard l’organisation systématique
des salles en coins d’activité s’est révélée un support efficace et largement employé pour
faire passer nombre de régulations (e.g., il facilite la compréhension des limites physiques).

d’imitation, modèles réduits (e.g., fermes, garages), poussettes, poupées, etc. (Ministère de l'Emploi de la
Solidarité Sociale et de la Famille, 2004, p.22)
194

Cet aménagement est aussi un support appréciable pour la structuration dynamique du


cadre de vie des enfants grâce à la mobilisation (ou non) des sous-espaces au fur et à
mesure des heures et des activités. Toutefois, les coins d’activités n’ont pas que des
avantages car ils prennent beaucoup de place. Sur le plan architectural, on peut se
questionner sur l’aménagement des salles dans lesquelles on installe des coins assez
encombrants, peu flexible (e.g. coin imitation avec «cuisinettes» ou «épiceries», ordinateur,
bac à jeux d’eau) et sous-utilisés. On pourrait craindre un gaspillage d’espace ou, pour le
moins, une inadaptation de certains aménagements aux usages réels. Les larges salles des
garderies neuves et des garderies en bâtiments institutionnels autorisent facilement ce luxe
mais les petites salles des garderies anciennes ou de type ancienne maison ont plus de
problèmes. Les résultats montrent en effet que ces salles sont très encombrées et difficiles à
mobiliser au cours de la journée, obligeant à des manipulations fréquentes du mobilier
dérangeantes pour les enfants.

En somme, les résultats suggèrent qu’au sein des salles de jeu, le quotidien des enfants se
structure largement autour du milieu physique, celui-ci jouant un rôle d’ancrage pour de
multiples autres dimensions du cadre de vie. On ne peut donc qu’encourager les chercheurs
à considérer ces autres dimensions, notamment la régulation et la gestion temporelle des
lieux et du matériel qui permettent de comprendre l’environnement des enfants de façon
dynamique. Une telle façon de faire offre des informations pratiques pour adapter au mieux
les aménagements et les usages dans les salles.

5.4.2 Le poids des pressions externes


La structuration du cadre de vie des enfants ne dépend pas seulement des dimensions
internes aux salles de jeu, loin s’en faut. Dans toutes les garderies observées, les résultats
indiquent une quantité importante de similitudes dans les aménagements, dans les
régulations, dans la spatialisation des activités ainsi que dans les usages temporels de
l’espace et du matériel. À partir du modèle théorique, on pourrait dire que l’influence des
pressions externes sur chacune des dimensions des salles s’exprime dans cette étude par la
présence très importante de «noyaux durs» qui ne font aucune concession aux autres
dimensions de l’environnement.
195

En conséquence, il existe une certaine uniformité du cadre de vie dans les salles, et ce, quel
que soit le type architectural de la garderie ou quelle que soit l’éducatrice. Ces résultats
vont donc dans le sens de ceux relevés par Rivlin et Wolfe (1985) dans les garderies new-
yorkaises qu’elles comparent à des petites écoles. Toutefois, les salles de jeu québécoises
sont quelque peu différentes. On n’y retrouve pas les tables alignées ou les tableaux noirs
qu’elles avaient observés. Par ailleurs, les activités ont plutôt lieu en petits groupes que sur
un mode individuel. Avec son foisonnement de matériel coloré et d’aménagements
stéréotypes, l’environnement des salles de jeu est en fait plutôt similaire, tout au moins
physiquement, à celui observé par Tarr (2001) dans les classes maternelles canadiennes
d’aujourd’hui.

Les fortes pressions externes font que, même si on note des différences dans les façons de
faire au quotidien, celles-ci ne semblent pas être fondamentales. Elles paraissent plutôt tenir
de variations dans la façon de mobiliser les ressources à partir d’un système de valeurs et de
pratiques en vigueur. Si les éducatrices peuvent apporter leur note personnelle dans la
structuration du cadre de vie de leur groupe, les pressions externes uniformisantes sont là et
bien là, assurant «la cohérence de l’offre de service» recommandée par le gouvernement
(Ministère de la Famille et de l’Enfance, 1997, p.13). L’hypothèse selon laquelle le repli
sur les salles de jeu serait une façon d’y échapper ne tient donc pas. Au contraire, il semble
en fait très difficile, sinon impossible de s’affranchir de ces pressions externes à moins
d’agir à l’encontre des idéaux socioculturels, des règlements et programmes éducatifs qui
dessinent les façons de faire dans les salles. Dès lors, on peut supposer qu’un enfant ne
serait pas complètement dépaysé s’il changeait de groupe ou de garderie en cours d’année.
L’environnement humain serait bien évidemment différent (et cela est sans doute très
important) mais les aménagements intérieurs, les régulations, la spatialisation des activités
et sans doute nombre de pratiques spatiales devraient rester relativement semblables,
garantissant une certaine continuité entre les milieux.

En somme, les pressions externes ont un poids très important sur la structuration du cadre
de vie des enfants dans les salles de jeu. Elles ont tendance à l’uniformiser. Celui-ci répond
dès lors plutôt aux attentes et valeurs d’une échelle sociétale qu’à celles d’une échelle
196

locale ou même à celles des individus en charge des enfants. Même si les particularités
existent, elles le font dans un cadre généralisé commun à toutes les garderies. Ce
phénomène fait penser à celui d’une institutionnalisation où les répercussions des attentes
et valeurs sociales s’exprimeraient jusque derrière les portes fermées des salles de jeu, dans
les détails du cadre matériel, des pratiques spatiales et des régulations.

5.4.3 Les implications du cadre de vie dans les salles de jeu


Les idéaux socioculturels et éducatifs qui se reflètent dans les salles (stimulation,
apprentissage de l’autonomie, ordre et organisation, calme et sécurité, gestion des conflits)
leur confèrent un sens qui est susceptible d’orienter ce que les enfants intègrent. Compte
tenu des fortes similitudes entre les garderies, celles-ci véhiculent toutes en grande partie
les mêmes messages.

Nous avons vu que partout on encourage le calme, l’ordre, la sécurité et l’évitement des
conflits. Cela suggère que les enfants s’habituent à vivre dans un environnement sécuritaire
et relativement pacifique qui facilite la centration sur les activités calmes, qui valorise la
négociation plutôt que la confrontation. L’environnement de la salle de jeu permet à chacun
de vaquer à ses occupations sans être dérangé, et ce dans un univers replié autour des
membres du groupe et où l’on sent peu la présence des nombreux autres enfants de la
garderie. Vivre dans un univers où l’on valorise le calme et la sécurité suppose toutefois un
contrôle des comportements naturellement remuants des enfants. Ce faisant, une des
implications négatives importantes de la fréquentation des salles de jeu pendant de longues
heures est sans doute la faible possibilité de pratiquer des activités motrices spontanées
(e.g., course, saut, bagarres factices, escalade). Naturellement, l’environnement favorise la
sédentarité des enfants. Seules les activités motrices encadrées sont acceptées sur de courtes
durées. Il est vrai que les aires de jeu extérieures sont faites pour accueillir l’activité
physique des enfants mais, en hiver, le temps qu’ils y passent est très limité. Les enfants
intègrent sans doute au fil des jours que les comportements qu’on pourrait qualifier
d’«agités» sont considérés comme dangereux et dérangeants, qu’ils sont en fait très peu
acceptés et en tout cas pas à l’intérieur des bâtiments. Ce contrôle du chahut et du
mouvement est sans doute une des premières confrontations des enfants avec
197

l’environnement de type institutionnel où l’ordre et la discipline sont très présents (Wolfe


& Rivlin, 1987).

Les résultats montrent aussi que, dans toutes les salles de jeu, le cadre de vie vise à la fois à
stimuler et occuper les enfants, le tout en s’appuyant sur de nombreuses activités ainsi que
sur un cadre de matériel abondant et sans cesse renouvelé. De tels constats suggèrent deux
choses. Premièrement, les enfants se confrontent à des dynamiques du «rester actif», du
«être productif» qui ne sont pas loin des attentes du milieu scolaire où la passivité n’est pas
reconnue. Deuxièmement, ces constats suggèrent aussi que les enfants s’ancrent dès leur
plus jeune âge dans une culture matérielle qui est, somme toute, le propre des sociétés
occidentales actuelles. Ils s’habituent à avoir un très grand nombre de jeux et
d’équipements pour chacun et en tout temps. La très grande quantité de matériel dans les
salles pourrait toutefois avoir des effets secondaires et engendrer par exemple l’acquisition
de comportements solitaires et individualistes (Legendre, 2003) qui éludent les nécessités
de négociations entre enfants pour le partage des ressources. Tout le monde ne partage pas
le même point de vue sur la surabondance matérielle dans les salles de jeu. Ainsi, l’enquête
Grandir en qualité (Institut de la Statistique du Québec, 2003) donne des notes négatives
pour les quantités insuffisantes de matériel susceptible de supporter les axes de
développement recommandés par le programme éducatif73. On s’explique mal les
divergences entre la présente étude et les résultats de l’enquête québécoise, si ce n’est, peut-
être par une propension à concevoir le matériel pour des utilisations plutôt exclusives,
chaque objet devant stimuler spécifiquement tel axe de développement dans un coin réservé
à cet effet. Vu sous cet angle, le sur-équipement paraît alors nécessaire pour combler tous
les aspects du développement et, au vu de l’abondance matérielle observée, c’est sans doute
une position qui a été adoptée par l’ensemble des services garde de cette étude. Cette façon
de concevoir le cadre matériel tient toutefois peu compte des multiples usages détournés
que les jeunes enfants peuvent faire des objets parfois les plus anodins.

73
«[…] si dans bien des cas le matériel est en quantité suffisante et de qualité satisfaisante pour répondre à
certains besoins de développement des enfants, celui-ci n’est généralement pas assez nombreux pour
correspondre à toutes les dimensions du développement à la fois.» (p.181). «Il est par ailleurs utile de
souligner que, selon les données, les faibles résultats obtenus concernant le matériel disponible mettent en
cause la quantité généralement insuffisante de celui-ci» (p.430).
198

En fin de compte, le cadre de vie offert aux enfants dans les neuf salles de jeu de l’étude
suggère nettement une préparation douce au système scolaire. Les enfants s’y confrontent
avec les premières règles de vie en communauté qui se rapprochent de ce qui existe dans les
écoles. Toutefois l’environnement assure une certaine cohérence entre les deux principaux
microsystèmes fréquentés par les enfants : maison et garderie. Les groupes de petite taille,
la souplesse de certaines transitions, la partition des salles en coins d’activités engendrant
des petites pièces comme «à la maison» rappellent aussi une atmosphère quelque peu
domestique parfois accentuée par les repas de type familial pris en groupe.

5.5 Conclusion
En somme, cette étude suggère que la structuration du cadre de vie dans les salles de jeu
relève d’interactions complexes entre leurs différentes dimensions. Les effets attendus du
cadre matériel peuvent être largement modulés par les régulations et par la gestion du
temps. Malgré les différences architecturales, les cadres de vie examinés dans les neuf
salles de jeu de cette étude présentent des ressemblances importantes qui indiquent une
forte influence des pressions externes uniformisantes (idéaux socioculturels et éducatifs ou
usages prescrits).

Les résultats de cette étude sont à prendre avec leurs limites. Tout d’abord la courte période
d’observation (deux journées pour chaque salle) permet difficilement de généraliser les
observations à l’ensemble de l’année, notamment à la période estivale. Les études de cas ne
permettent pas non plus de généraliser à l’ensemble de la province. Pour la gestion de
l’espace et des ressources, les calculs de durées offrent une description générale suffisante
pour cette étude. Il serait sans doute intéressant d’utiliser des méthodes plus pointues
comme la cartographie comportementale pour suivre chaque enfant et traiter
statistiquement les résultats. Plus largement, concernant la procédure, même si les
événements décrits sont objectifs, les données sont issues en grande partie de descriptions
qui pourraient contenir une certaine part de subjectivité et ce malgré toutes les précautions
adoptées pour rester fidèle à la réalité. Le séquençage des journées en épisodes et les
inventaires des éléments à observer pour chacun des épisodes ont permis de structurer les
observations pour minimiser cette part de subjectivité. Les croisements avec les données
199

purement objectives (e.g., cadre physique, durées) renforcent aussi la fiabilité des résultats.
Ce faisant, malgré la limité énoncée, la procédure utilisée rend possible la reproductibilité
des données.

Enfin, cette étude repliée sur les salles de jeu a peu tenu compte de l’architecture globale
des garderies, et pour cause ! À cette échelle d’analyse, l’aménagement mobilier prend une
importance qui efface quelque peu les effets du bâtiment mais qui reflète peut-être mieux ce
à quoi les enfants sont directement confrontés. Il serait toutefois intéressant de prendre un
peu de recul et de faire le point sur le rôle global du cadre physique dans la structuration
des microsystèmes. Pour ce faire, le dernier chapitre met en perspective les résultats tant
théoriques qu’empiriques des trois échelles du milieu physique étudiées dans cette thèse.
200

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Conclusion

L’objectif général de la thèse était d’expliquer puis d’illustrer par quels processus
l’environnement physique participe à la structuration du contexte de développement des
enfants en garderie. Il s’agissait aussi d’en tirer des conclusions pour le contexte québécois.
Pour ce faire, il semblait nécessaire de conserver toute sa complexité à l’objet d’étude (la
garderie) afin de ne pas le réduire à une coquille matérielle inerte et vide de sens. Il fallait
donc dépasser les habituelles approches «atomisantes» et fonctionnalistes du cadre
physique pour lui rendre sa place dans un contexte socioculturel en évolution ainsi que dans
celui de la quotidienneté qui, en fin de compte, représente la réalité vécue par les enfants.
En conséquence, l’approche de l’environnement sous l’angle du reflet de société et sous
l’angle du cadre de vie quotidienne nous a semblé très pertinente pour rester au plus proche
de l’univers réel et complexe de la garderie.

Pour atteindre l’objectif de la thèse, il a fallu, dans un premier temps, mettre au point un
modèle théorique qui, d’un côté, tienne compte de la complexité de la garderie et qui, de
l’autre coté soit opérationnalisable, ce qui représentait en soi un défi. Le modèle proposé
dans cette thèse est une réponse qui n’est sans doute pas la seule possible mais qui s’est
révélée efficace. Ce modèle original suggère que le cadre de vie se structure selon deux
processus essentiels : 1) les processus internes qui passent par les caractéristiques et les
interrelations de quatre dimensions propres à chaque garderie (dimensions physique,
humaine, organisationnelle et régulation); ainsi que 2) les processus externes qui passent
203

par les influences du contexte socioculturel et des réglementations officielles (macro et


exosystèmes). Nous discuterons ultérieurement des avantages et des limites du modèle.

Il a aussi fallu adopter une démarche de recherche qui aborde les multiples facettes
suggérées par le modèle et qui réponde peu à peu à la question de la structuration du cadre
de vie des enfants tout en soulignant les particularités du contexte québécois. La démarche
devait éviter les pièges du réductionnisme qui, pour caricaturer quelque peu, transforme
souvent les cadres théoriques les plus complexes en études minimalistes. Pour garder pied
dans cette complexité tout en la rendant abordable, nous avons donc opté pour un examen
des garderies à trois échelles gigognes et nous avons peu à peu intégré les dimensions les
plus fines du modèle au fur et à mesure que le regard se resserrait sur l’objet d’étude. Nous
sommes donc passés 1) d’une large analyse du parc immobilier à l’échelle provinciale, à 2)
l’organisation de la vie dans cinq établissements, pour finir enfin avec 3) l’utilisation des
salles de jeu.

Selon l’échelle d’analyse, nous avons fait appel à des conjugaisons de méthodes
quantitatives et qualitatives, privilégiant le quantitatif à l’échelle la plus large puis le
qualitatif au fur et à mesure que l’on s’en allait vers l’examen détaillé des processus de
structuration des microsystèmes et que l’on intégrait des dimensions du modèle peu
quantifiables (e.g., régulation).

Les principaux résultats de ces études ont montré que :

Le parc immobilier des garderies québécoises a évolué avec les changements de politique
de garde, d’idéaux et de valeurs sociales. Le cadre physique offert aujourd’hui aux enfants
n’est plus le même qu’il y a huit ans, moment où le réseau a commencé sa restructuration.
L’analyse de 86 plans de garderies a montré que les bâtiments récents ont évolué vers une
organisation rationnelle et hiérarchique des locaux, que ces derniers sont désormais conçus
pour être très fonctionnels et qu’ils allient des caractéristiques à la fois institutionnelles et
domestiques. Ces résultats suggèrent l’émergence d’un type architectural à l’échelle de la
province. Celui-ci est assez uniforme et spécifiquement destiné à la garde des jeunes
enfants.
204

Dans les cinq bâtiments choisis pour les études de cas, on note une uniformisation de
l’organisation de la vie quotidienne. Quelles que soient les différences architecturales -
pourtant importantes - la vie quotidienne est très routinière, les groupes participent aux
mêmes types d’activité, utilisent les mêmes types de pièces, passant environ les trois quarts
de leur temps dans la même salle de jeu. Cette uniformisation est liée aux pressions
externes des macro et exosystèmes. Dans deux des établissements examinés, le cadre bâti
était inadéquat pour supporter les nouvelles façons de faire. Des stratégies d’adaptation
étaient alors mises en place pour rendre l’organisation du quotidien conforme aux idéaux et
valeurs du moment. L’inadéquation du bâti venait surtout des petites salles, des corridors
étriqués, des salles commandées ou de leur manque de fonctionnalité.

Dans les salles de jeu, la vie s’organise autour de multiples configurations spatiales qui se
succédent au fil des heures et des activités, les interactions changeantes entre les
dimensions du microsystème modifiant la conformation de l’environnement vécu selon un
rythme quotidien. Au-delà de ces fluctuations rythmiques, les aménagements mobiliers, le
matériel, les règles de vie ainsi que la gestion de l’espace et des ressources présentent
partout de fortes ressemblances dans les garderies. Les longues heures passées dans les
salles de jeu ne sont donc pas un moyen d’échapper aux pressions externes uniformisantes
et le cadre de vie reflète partout des idéaux socioculturels et éducatifs similaires :
stimulation des enfants, apprentissage de l’autonomie, ordre et organisation, calme et
sécurité, gestion des conflits.

Nous avons discuté des résultats de chacune des études mais il reste à faire le point sur ce
qu’elles impliquent dans leur ensemble. Nous ferons ensuite le point sur la démarche
méthodologique utilisée et enfin sur le cadre théorique de la thèse.

Processus d’enculturation du cadre de vie


L’ensemble des trois études suggère qu’il existe un processus d’enculturation du cadre de
vie des enfants. Les études confirment l’une après l’autre la puissance des pressions
externes des macros et exosystèmes (idéaux socioculturels, programme éducatif,
règlements et usages prescrits) qui ont tendance à uniformiser le cadre de vie des milieux
205

de garde. Non seulement le parc immobilier réagit-il très fortement à l’évolution du


contexte socioculturel et politique (bâtiments neufs aux caractéristiques uniformisées,
rénovations tendant à adopter les caractéristiques des bâtiments neufs), mais la vie
quotidienne dans tous les établissements étudiés se conforme, elle aussi, aux idéaux et
valeurs du moment. Les différences architecturales n’ont en fait que peu d’impact sur
l’organisation de la vie quotidienne des enfants74, jouant surtout le rôle de facilitateur pour
l’expression de ces valeurs et idéaux (ou de contrainte entraînant des phénomènes
d’adaptation), mais sans jamais être déterminantes au point d'inciter à des modes de vie
radicalement différents. La puissance des idéaux socioculturels et des règlements officiels à
modeler la cadre de vie des enfants est rendue d’autant plus évidente dans cette recherche
que les efforts du gouvernement pour restructurer le réseau ont été (et restent toujours)
importants. Les décisions officielles ont été clairement médiatisées auprès des services de
garde (e.g., éducatrices formées au programme éducatif) et les moyens financiers mis en
œuvre pour soutenir les transformations matérielles ont été conséquents. Le moment choisi
pour examiner ce processus - quelque temps après une période de changement - était donc
très pertinent.

Les trois études prises dans leur ensemble montrent aussi que les idéaux et valeurs du
moment ne ciblent pas seulement un niveau unique du réseau des services de garde. Ils se
véhiculent à toutes les échelles et dans toutes les dimensions des microsystèmes étudiés. Il
existe donc un processus de renforcement qui passe par une sorte de surimpression des
mêmes messages exprimés de différentes façons dans tous les aspects examinés du cadre de
vie des enfants. C’est par cette répétition cohérente, ce renforcement, que les milieux de
garde acquièrent en fin de compte leurs traits dominants. Nous avons pu déterminer quels
étaient les traits dominants des garderies étudiées et ceux-ci suggèrent fortement une
institutionnalisation des milieux de garde avec une nette orientation pour l’éducation, la
sécurité des enfants et, dans une moindre mesure, le maintien d’une atmosphère cohérente

74
Rappelons que certaines caractéristiques environnementales comme l’air ou le bruit jouent un rôle
important sur la santé des enfants et sur leurs possibilités de développement. Ces caractéristiques ont été très
largement étudiées (voir Chapitre 1). Elles relèvent de ce que l’on nomme les ambiances physiques et non pas
des caractéristiques morphologiques et matérielles sur lesquelles cette recherche mettait l’accent.
206

avec celle de la maison. Cette dernière tendance renvoie aux relations que l’enfant peut
faire entre l’univers de la garderie et celui de la maison. Elle relève pour partie de
l’attention portée au mésosystème, mais se place toutefois quelque peu en filigrane. Au
niveau du cadre physique, la cohésion du mésosystème ne semble pas prendre le devant de
la scène mais s’exprime plutôt par petites touches ici et là dans l’environnement des
enfants, par exemple dans les efforts faits pour minimiser l’échelle des locaux (e.g.,
circulations) ou pour offrir un territoire privilégié au groupe, un peu comme un territoire
familial.

Compte tenu de la forte représentation des idéaux socioculturels dans les services de garde,
les trois études suggèrent que le rôle du cadre de vie se situe bien au-delà de celui d’une
coquille neutre supportant les activités diverses des enfants ou celles des établissements. La
puissance des pressions externes qui s’y expriment lui confère un rôle symbolique.
Soutenant partout très fortement les valeurs, les objectifs éducatifs et les habitudes de vie
de la société, le cadre de vie de la garderie peut en conséquence jouer le rôle d’un puissant
véhicule de sens et contribuer à la socialisation (Rivlin & Wolfe, 1985) et à l’enculturation
(Valsiner, 1987) des enfants. L’examen attentif du cadre de la vie quotidienne et de ses
traits dominants nous a donné des indications importantes sur le type d’environnement
auquel les enfants sont confrontés et ce que les enfants sont susceptibles d’intégrer dans les
garderies québécoises. Par exemple, ils sont susceptibles d’intégrer des règles de vie en
communauté qui sont liées à l’utilisation des espaces et qui renforcent les attitudes
favorables aux comportements territoriaux exclusifs (la salle de jeu appartient
exclusivement à un groupe, les coins d’activité sont utilisés exclusivement pour les jouets
qu’ils contiennent et on n’empiète pas sur le territoire du voisin). Ces règles de
fonctionnement spatial peuvent aussi faire intégrer aux enfants la notion d’utilisation
planifiée et en groupe de locaux qui ressemble à celle dont ils feront l’expérience par la
suite à l’école (par opposition à une utilisation domestique plus souple et plus
individualisée). Les enfants sont aussi susceptibles d’intégrer que les comportements
dangereux et bruyants n’ont pas leur place dans le contexte de groupe de la garderie. Enfin,
ils sont suceptibles d’intégrer une culture du «rester actif mais calme» qui privilégie
l’utilisation d’objets éducatifs nombreux, orientés vers les jeux calmes et apparemment
207

choisis pour leur facilité de rangement. L’environnement mis en lumière dans ces études
suggère que les garderies supportent une préparation douce au milieu scolaire et qu’elles en
véhiculent aussi partiellement la culture.

Institutionnalisation et réplication des modèles


Le processus d’enculturation du cadre de vie tel que nous l’avons mis en lumière dans cette
thèse semble conférer des caractéristiques institutionnelles aux garderies et ce, à tous les
niveaux de l’analyse et dans nombre de dimensions examinées. Le terme
d’institutionnalisation peut faire réagir. Il est souvent associé à une image négative qui
prend ses racines dans les salles d’asiles ou autres orphelinats d’une époque révolue.
Pourtant, une institution est «un ensemble de règles établies en vue de la satisfaction
d’intérêts collectifs [ainsi que les] organismes visant à les maintenir» (Dictionnaire petit
Larousse, 1995. p.555). Répondant à une demande sociale qui visait à la base à soutenir les
enfants des milieux les plus démunis, l’institutionnalisation des structures de la petite
enfance n’est donc pas forcément négative pour autant qu’on en mesure tous les avantages
et inconvénients afin de gérer au mieux les intérêts des utilisateurs (enfants, personnel,
parents) et de la société. On comprend aisément les avantages qu’il y a à diffuser les
moyens, les programmes et les règlements sous contrôle d’une seule et même autorité afin
de développer et soutenir efficacement un réseau en pleine expansion. L’accroissement
majeur du nombre de places en garderie au cours des dernières années est là pour en
témoigner. Pourtant, cela pourrait entraîner des effets non espérés. Par exemple,
l’institutionnalisation va souvent de pair avec la reproduction des mêmes modèles à
l’échelle d’une société. Les éventuelles erreurs ou dérives liées à ces modèles prennent une
ampleur en conséquence. Il faut donc rester vigilant et prendre bien conscience des modèles
qui s’implantent, parfois à l’insu même des acteurs. Certains résultats de cette recherche qui
sont liés aux caractérisitiques architecturales des garderies, au déroulement de la vie
quotidienne et aux idéaux véhiculés dans le cadre de vie sont à regarder sous cet angle. Ils
soulèvent des pistes de réflexion pour les différents acteurs du réseau des services de garde.

Sur le plan architectural, les nouveaux bâtiments sont bien adaptés aux tendances actuelles
mais leur relative uniformité pose la question de l’adaptation à de futurs changements.
208

Nous ne pouvons que recommander de surveiller la flexibilité de ces nouvelles


constructions. Par exemple, l’éclatement des toilettes dans les salles est certes intéressant
sur le plan pratique mais reste très peu flexible. La construction d’un parc immobilier étant
un investissement important pour la société, il faut veiller à sa pérennité.

Sur le plan de la vie quotidienne, le repli des groupes sur les salles de jeu, le manque
d’activité physique, la sur-utilisation des blocs et jeux de table au détriment du reste du
matériel présent dans les salles font partie des caractéristiques principales des garderies
étudiées. Ces résultats font état d’un déséquilibre, d’une surreprésentation de certains
aspects de la vie quotidienne qu’il serait judicieux de questionner à une large échelle.

Le modèle socioculturel véhiculé par les garderies suggère une préparation à l’école, ce qui
peut se comprendre, au moins en partie, étant donné l’âge des enfants observés. Nous avons
vu que le cadre physique, la vie quotidienne et les règles de vie comportent des
caractéristiques scolaires, même si elles sont quelque peu tempérées pour maintenir une
atmosphère domestique. Ce modèle correspond-il aux souhaits de la société ? Veut-on le
développer à l’échelle du Québec, si ce n’est déjà fait ? À cet égard, le cadre de la vie
quotidienne en garderie tel qu’il a été mis en lumière dans ces études renvoie au débat
entourant la scolarisation précoce des enfants. Deux conceptions s’opposent sur ce sujet.
Les farouches partisants y voient un instrument de socialisation et de développement
intellectuel qui donne toutes ses chances à l’enfant pour l’avenir. Inversement, les
détracteurs convaincus pensent que la scolarisation précoce fait sauter des étapes
importantes aux enfants et engendre des effets négatifs comme le stress dû au non respect
des rythmes naturels de développement. De par ses caractéristiques à la fois
institutionnelles et moindrement domestiques, l’environnement des garderies semble
afficher un souci de recherche d’équilibre entre ces deux extrêmes, et ce même si le modèle
institutionnel à tendance scolaire semble prendre le dessus. C’est peut-être ce glissement
qu’il serait sage de questionner. Ici aussi, la porte pour une réflexion à plus large échelle est
ouverte.
209

Gestion du cadre de la vie quotidienne


Les résultats de la recherche soulèvent aussi des pistes de réflexion sur la gestion du cadre
de la vie quotidienne dans les services de garde. Ils confirment que la vie quotidienne des
enfants s’appuie grandement sur la gestion des espaces et du matériel éducatif, sur la
gestion des aménagements mobiliers ainsi que sur l’ouverture ou la fermeture des coins
d’activité. Cibler ces points spécifiques serait un moyen (sans doute pas le seul) à
considérer par les services de garde pour effectuer, au besoin, des réajustements éducatifs.
Par exemple, le type et la quantité de matériel seraient à examiner sous l’angle de ce qu’ils
véhiculent auprès des enfants. Côté gestion temporelle, le temps passé dans les locaux ou le
temps alloué à l’usage des ressources matérielles seraient aussi des points à considérer. La
régulation, quant à elle, a le pouvoir d’affecter les possibilités offertes par l’environnement.
Il semble donc important d’avoir conscience des règles de vie mises en place ainsi que des
effets qu’elles peuvent avoir sur les interactions des enfants avec leur environnement.
Porter attention à la façon dont les locaux et le matériel sont utilisés serait sans doute
bénéfique pour les enfants comme pour les services de garde. Cela permettrait par exemple
de rentabiliser au meilleur intérêt de tous des espaces sous-utilisés, comme les salles
polyvalentes ou les immenses corridors communs. Cela permettrait aussi de questionner
l’utilité ou la répartition dans les salles de certains aménagements et matériels encombrants.

D’autre part, l’importance de la gestion de l’espace et du matériel dans la structuration du


cadre de vie des enfants vient mettre en lumière le rôle des éducatrices à cet égard. Alors
que la recherche en petite enfance a toujours porté une grande attention aux interventions
des éducatrices auprès des enfants, leur rôle en tant que gestionnaires du cadre matériel est
resté dans l’ombre. Lorsqu’on étudiait les interactions entre les éducatrices et le cadre
physique, c’était surtout en termes d’ergonomie, et avec une approche orientée vers la santé
et sécurité du travail (e.g., Markon & Le Beau, 1994). Cette recherche a mis en lumière que
c’est en grande partie grâce à l’énergie constante que les éducatrices allouent à la
manipulation du matériel, aux transformations des salles et au contrôle des pratiques
spatiales que se structure le cadre de vie signifiant dans lequel vivent les enfants. Porter un
regard sur la gestion du cadre matériel par les éducatrices c’est dépasser la traditionnelle
210

vision sanitaire et reconnaître une part importante de leur travail. C’est aussi reconnaître
leur pouvoir d’intervention sur la structuration de l’univers matériel quotidien des enfants.

Bien informer le personnel des services de garde sur les implications liées à la manipulation
des différentes dimensions du cadre de vie pourrait être une façon de les supporter dans leur
travail auprès des enfants. La recherche apporte des éléments utiles à la formation initiale et
continue des éducatrices, de même qu’à celle du personnel de direction. Tout d’abord, la
formation initiale pourrait insister sur l’importance de l’étape d’organisation matérielle lors
de la prise en charge d’un groupe. Au delà de la façon d’appliquer le programme en
s’aidant des coins d’activité et du matériel éducatif, il serait important d’insister aussi sur
l’utilisation des locaux disponibles dans les bâtiments. Cela permettrait par exemple de
souligner les alternatives offertes par le cadre bâti dans le but de compenser le manque
d’activité physique dans les salles. Les formations initiales pourraient aussi mettre l’accent
sur la gestion temporelle et sur la régulation liée au cadre physique car ils se sont révélés
être des éléments structurants et signifiants du contexte de développement. Par ailleurs, les
formations continues pourraient aider les éducatrices et le personnel de direction à prendre
du recul sur la gestion du cadre matériel, qu’il s’agisse des manipulations, des régulations,
de la gestion temporelle ou plus largement de l’utilisation de l’espace dans le bâti. Ce
faisant, il serait possible de rechercher et proposer des solutions pour alléger les
manipulations excessives s’il y a lieu, ou pour améliorer le cadre de vie afin qu’il s’adapte
au mieux aux particularités des groupes d’enfants et aux besoins de l’établissement.

Retour sur la méthode


Nous pensons que la démarche multiscalaire et le glissement des méthodes d’ordre
quantitatif vers les méthodes d’ordre qualitatif selon l’échelle d’étude a été efficace pour
rencontrer les objectifs de la thèse. Elles permettaient de prendre en compte le cadre de vie
dans toute sa complexité tout en s’adaptant aux problématiques propres à chaque niveau
d’analyse. Nous ne reviendrons pas sur les limites propres à chaque étude puisque nous les
avons déjà abordées dans les chapitres concernés mais il semble important ici de faire le
point sur les avantages et inconvénients de la démarche méthodologique dans son
ensemble.
211

Alors que la première étude se basait sur un large échantillon, les deux études suivantes ne
s’appuyaient que sur cinq garderies. Les contraintes inhérentes à l’analyse en profondeur
des processus de structuration de la vie quotidienne expliquent ce choix de réduire
l’échantillon pour passer à des études de cas. En conséquence, la démarche que nous avons
utilisée limite toute généralisation de l’ensemble des résultats de la thèse. Seuls ceux de la
première étude le sont75 et nous avons toujours veillé à présenter et discuter les résultats des
études de cas avec modestie et en mettant l’accent sur les processus à l’œuvre.

La démarche méthodologique globale ne limite pas pour autant la portée des résultats. Les
données sur le cadre de vie représentent un matériel considérable qui a été analysé à partir
d’une multiplicité de sources (cadre physique, narration, entrevues) afin de rendre compte
des différents niveaux d’influence qui s’exercent dans la construction de l’univers quotidien
des enfants. L’approche était assez large pour permettre l’exploration des processus à trois
échelles différentes et assez précise pour s’adapter finement à chacun des niveaux étudiés.

Chaque échelle d’analyse nécessitait de s’appuyer sur des outils particuliers dont certains
ont dû être créés de toutes pièces. À cet égard, outre la conception de la démarche globale
de recherche, l’opérationnalisation de la vie quotidienne a été un des plus gros défis
méthodologiques de cette thèse. Dans la littérature, il était très difficile de trouver des outils
de mesure de la vie quotidienne qui intègrent le milieu physique et la notion de temps. Il
était encore plus difficile de trouver des outils y intégrant en plus une dimension liée au
développement des enfants. Pour traiter la question, le déroulement séquencé de la vie
quotidienne en une succession de behavior settings s’est peu à peu imposé comme étant
l’approche la plus adaptée. Nous pensons que ce découpage des journées nous a permis de
quantifier la durée des événements tout en leur conservant leur unité de sens et en les
rattachant au matériau brut nécessaire aux analyses qualitatives.

Un des inconvénients de la démarche méthodologique est sans doute la richesse même de


l’approche. Conserver pied dans la complexité, approcher un objet d’étude à diverses

75
Rappelons que les résultats ne sont généralisables qu’à l’ensemble des Centres de la Petite Enfance en
Installation de la province de Québec et non pas aux autres types de garderies comme les garderies en milieux
familiaux ou les garderies à but lucratif.
212

échelles et sous divers angles, utiliser des techniques d’analyses multiples représentent un
processus compliqué qui nécessite beaucoup d’énergie et de vigilance. Malgré ses limites,
nous pensons que la démarche méthodologique choisie était adaptée pour opérationnaliser
un modèle complexe.

Retour sur le modèle théorique


Cette recherche s’appuyait sur les apports de trois paradigmes : la psychologie
développementale, la psychologie environnementale (rapports personnes-milieux) et les
sciences de l’architecture (étude du cadre bâti). À partir de ce triple apport, l’objectif était
de construire un cadre qui rende compte de l’univers physique et quotidien de la garderie en
regard des multiples pressions qui s’y exerce et en ne perdant pas de vue les implications
sur le développement des enfants. Le modèle de Bronfenbrenner (1979, 1995) offrait une
première piste mais sa vocation sociale le rendait inexploitable tel quel pour notre objet
d’étude. Par ailleurs, nombre d’autres approches que nous avons mentionnées offraient
elles aussi des pistes intéressantes, mais aucune n’était directement exploitable.

Un des points forts de la thèse est sans doute d’avoir réussi à intégrer entre eux d’anciens
modèles de ces trois disciplines pour rendre compte d’un environnement dans toute sa
complexité, créant un modèle original qui a été conçu en considérant à tout moment les
possibilités d’opérationnalisation. Les résultats des études de la thèse viennent alimenter la
réflexion sur divers points théoriques du modèle.

Nous avions choisi d’intégrer largement la notion de temps au modèle, et cela sous deux
formes. Une première forme qui renvoie au déroulement historique des événements, à
l’évolution des systèmes externes. Cette forme, somme toute classique, correspond au
chronosystème tel que le conçoit Bronfenbrenner (1995) et reflète les changements de
politiques de garde et l’évolution des valeurs et idéaux. Une deuxième forme d’intégration
du temps était incluse dans la dimension organisationnelle du modèle et correspondait au
déroulement des événements au quotidien. Cette façon de voir est plus originale et était
laissée pour compte dans la recherche sur les relations enfants-environnement. Cette
recherche a montré qu’il était tout à fait justifié d’intégrer cette vision du temps pour
213

l’étude des garderies. L’évidence veut que le rythme et le déroulement des journées
puissent affecter directement les comportements ou la santé des enfants, mais les résultats
suggèrent que le temps est un facteur qui contribue aussi à donner un sens au cadre de vie.
En effet, dans la vie quotidienne des enfants, le temps est un média privilégié pour
l’expression des pressions externes au microsystème. Au quotidien, la gestion temporelle
des activités, de l’espace et des ressources matérielles structurent l’environnement en
reflétant les idéaux et valeurs du moment. D’autre part, le temps (e.g., durée de
fréquentation des salles) est aussi un facteur structurant de la vie quotidienne (sans être le
seul) sur lequel agissent les pressions liées au cadre bâti. C’est notamment le cas de locaux
inadéquats qui entraînent des stratégies d’adaptations liées à la durée de fréquentation des
locaux.

À partir des apports théoriques de Valsiner (1987) et Barker (1968), la régulation liée au
cadre physique nous avait semblé un des autres éléments structurant de la vie en garderie et
nous avons donc insisté sur la nécessité de l’intégrer au modèle. La dernière étude de cette
thèse a fait sortir de l’ombre une dimension souvent laissée pour compte dans les études
enfants-environnement. En général, pour contrôler les effets contaminants des régulations
sur les interactions entre le cadre physique et les enfants, on les faisait justement disparaître
en examinant des situations de jeu libre. Cette recherche suggère qu’il est temps de
réhabiliter la régulation comme un des constituants théoriques essentiels de la structuration
du cadre de vie car :

La régulation est un des médias essentiels par lequel les valeurs et idéaux du
moment structurent le cadre de vie des enfants. Au quotidien, les pressions externes
transitent dans le microsystème par les règles et encouragements liés à l’usage de
l’espace et du matériel.

La régulation module fortement les possibilités offertes par le cadre physique et


peut aller jusqu’à modifier les effets attendus de celui-ci en tant qu’élément du
contexte de développement. Les implications pour les enfants peuvent alors être
importantes.
214

Cette recherche confirme qu’intégrer les notions de temps et de régulation à l’étude du


cadre de vie est une solution théorique pour se rapprocher de la réalité vécue par les enfants
en garderie.

Malgré tous ses avantages, le modèle que nous avons mis au point et raffiné au long de la
thèse a ses limites. Il omet par exemple de mentionner explicitement les influences dues
aux caractéristiques individuelles (celles qui sont complètement indépendantes du
macrosystème comme, par exemple, la personnalité des éducatrices) sur la structuration du
cadre de vie des enfants. Même si, dans notre étude, les influences personnelles s’avèrent
largement dominées par les pressions externes, elles sont quand même présentes. Pour
compléter le modèle, il serait donc nécessaire d’ajouter à la dimension humaine un élément
qui tiendrait explicitement compte de ces caractéristiques personnelles.

Malgré cette limite, ce modèle a été très utile pour structurer la réflexion tout au long du
développement de la recherche. Un de ses intérêts majeurs est qu’il permet à tout moment
de replacer les composantes des milieux de garde dans un contexte global, ou à contrario de
repérer les effets du contexte global sur chacune des composantes. L’orientation systémique
du modèle facilite ainsi la mise en tension des facteurs structurants du cadre de vie,
organise les niveaux d’interactions. Les rouages s’emboîtent sous les pressions qui
s’exercent de l’intérieur comme de l’extérieur.

Pistes futures
La recherche empirique sur les facteurs qui participent à la structuration du cadre de vie
nous apparaît essentielle pour enrichir les connaissances sur le contexte de développement
des enfants, notamment le rôle joué par les pressions externes comme les idéaux
socioculturels, le rôle du cadre physique, de la régulation ainsi que le rôle de la gestion
temporelle de l’espace et des ressources matérielles. Sur le plan pratique, ce type de
recherche peut largement soutenir les instances décisionnelles et les milieux de garde dans
la mise en place d’un cadre de vie qui s’ajuste au mieux aux attentes de la société, aux
besoins du personnel des établissements et, bien sûr, à ceux des enfants.
215

Les limites de cette thèse soulèvent des pistes pour d’autres recherches qui viendraient
enrichir les connaissances déjà acquises. À la fin de chaque chapitre, nous avons déjà
mentionné quelques pistes liées à des limitations méthodologiques ou à des manques
inhérents au niveau d’analyse choisi.

Plus largement, la limitation du contexte de l’étude aux centres de la petite enfance en


installation du Québec ouvre naturellement une piste pour élargir la recherche à d’autres
types de services de garde en particulier dans d’autres provinces. L’extension des réseaux
de garde est à l’ordre du jour à l’échelle pancanadienne. Le budget fédéral voté en mai
2005 réservait un montant important (700 millions de dollars) pour la «garde et
l’apprentissage de la petite enfance [ce qui représente] une étape solide dans la création du
système national que le peuple attend» (Fédération canadienne des services de garde à
l'enfance, 2005). L’intérêt que la garde d’enfant suscite actuellement au niveau fédéral
ainsi que les débats qui existent pour implanter des réseaux de garde structurés à l’échelle
du pays présentent un contexte pertinent pour ce type de recherche. Elle offrirait un portrait
élargi de la situation canadienne qui viendrait soutenir les prises de décision. Le cadre bâti
dans les autres provinces est-il différent de celui des garderies québécoises ? Quelles
images reflètent ces garderies ? Comment la vie quotidienne s’y organise-t-elle ? Le poids
des pressions externes est-il aussi fort qu’au Québec ? Les processus sont-il similaires
même si les résultats diffèrent ? Sur le plan théorique, une recherche comparative sur
plusieurs provinces serait riche d’enseignements sur le poids et les caractéristiques des
processus internes et externes de structuration.

Des études comparatives entre le cadre de vie des garderies et celui des écoles seraient
aussi bienvenues. Un des intérêts de la recherche sur le développement du jeune enfant tient
au franchissement du cap important de la scolarisation. Quels sont les points communs et
les différences entre le cadre de la vie quotidienne en garderie et celui de la première année
d’école ? Quelles implications peut-on en tirer pour l’adaptation des enfants ? Les réponses
à ces questions seraient essentielles afin d’assurer une transition de qualité entre la garderie
et l’école.
216

D’autre part, des comparaisons entre le cadre de vie quotidienne en garderie et celui de la
maison viendraient apporter des informations quant à la cohérence du mésosystème vécu
par les jeunes enfants.

Dans un tout autre registre, les travaux de cette thèse ouvrent des portes intéressantes pour
l’application du modèle théorique à d’autres domaines d’étude, par exemple, les
environnements pour personnes âgées. Comme les enfants, les aînés subissent les effets
accélérés d’un développement qu’on pourrait malheureusement qualifier de «à rebours».
Les phases avancées de la vie sont sans doute très dépendantes des contraintes liées au
contexte global et au cadre de vie en particulier. La recherche sur l’environnement des
aînés est, de nos jours, extrêmement active et pourrait bénéficier, avec quelques adaptations
mineures, du modèle développé dans cette thèse. Utiliser le modèle dans d’autres domaines
de recherche pourrait aider à le raffiner, l’enrichir et tester sa faculté à expliquer la
structuration de notre environnement quotidien.
217

Références

Barker, R. G. (1968). Ecological psychology. Stanford: Stanford University Press.


Bronfenbrenner, Y. (1979). The ecology of human development : experiments by nature
and design. Cambridge: Harvard University Press.
Bronfenbrenner, U. (1995). The bioecological model from a life course perspective. In P.
Moden, G. H. Elder & K. Luscher (Eds.), Examining lives in context (pp. 599-618).
Washington, DC : American Psychological Association
Dictionnaire petit Larousse. (1995). Paris: Larousse.
Fédération canadienne des services de garde à l'enfance. (2005). Le remarquable budget
fédéral tient les promesses faites lors du discours du trône envers la création d’un
système national de garde et d’apprentissage de la petite enfance. Communiqué de
presse du 23 février. http://www.cccf-fcsge.ca/pressroom/fed-budget_feb23_fr.htm
[Mai, 2005].
Markon, P., & Le Beau, D. (1994). Health and safety at work for day-care educators.
Chicoutimi: Université du Québec à Chicoutimi.
Rivlin, L. G., & Wolfe, M. (1985). Institutional settings in children's lives. New-York:
John Wiley & Sons.
Valsiner, J. (1987). Culture and the development of the children’s action, a cultural-
historical theory of developmental psychology. New York: John Wiley & sons.
ANNEXE 1
Corrélations entre les caractéristiques
physiques des 86 garderies étudiées au
chapitre 3
Correlations among all investigated variables in Chapter 3. N=86 daycare centers
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18
1 Integration score
2 Distribution score 0.30 **
3 Proportion of depth-3 spaces -0.05 -0.10
4 Playroom-bathroom spatial organization 0.03 0.03 0.13
5 Total building area 0.34 ** 0.10 0.22 * 0.30 **
6 Mean playroom area (m2) 0.08 0.00 0.11 -0.13 0.45 **
7 Smallest playroom (m2) 0.07 -0.07 0.03 -0.07 0.34 ** 0.82 **
8 Mean circulation area (m2) 0.10 0.13 0.00 -0.15 0.23 * 0.45 ** 0.40 **
9 Largest circulation area (m2) 0.16 0.04 0.05 -0.10 0.42 ** 0.59 ** 0.59 ** 0.86 **
10 Range of playroom size (m2) 0.08 0.07 0.16 -0.18 0.24 * 0.44 ** -0.08 0.15 0.13
11 Total number of spaces 0.32 ** 0.05 0.26 * 0.48 ** 0.85 ** 0.04 0.01 -0.08 0.07 0.02
12 Number of bathrooms 0.31 ** 0.04 0.19 0.42 ** 0.79 ** 0.13 0.08 -0.03 0.10 0.07 0.85 **
13 Number of offices 0.25 * 0.01 0.16 0.31 ** 0.72 ** 0.18 0.18 0.04 0.15 0.02 0.77 ** 0.63 **
14 Number of playrooms 0.33 ** 0.14 0.16 0.25 * 0.67 ** -0.14 -0.20 -0.05 0.07 0.07 0.73 ** 0.66 ** 0.43 **
15 Number of staff rooms 0.17 -0.07 0.28 ** 0.07 0.42 ** -0.03 0.02 -0.02 0.11 -0.07 0.49 ** 0.50 ** 0.21 0.44 **
16 Number of staircases 0.05 0.01 0.13 0.24 * 0.49 ** -0.03 -0.14 -0.25 * -0.14 0.13 0.60 ** 0.56 ** 0.43 ** 0.54 ** 0.25 *
17 Office with view 0.12 -0.13 0.07 0.21 * 0.20 -0.03 0.05 -0.11 -0.03 -0.08 0.27 ** 0.23 * 0.18 0.05 0.09 0.03
18 Open plan kitchen -0.06 -0.05 -0.05 0.06 -0.25 * -0.25 * -0.26 * -0.03 -0.20 -0.07 -0.16 -0.07 -0.08 -0.17 -0.04 -0.11 -0.08
19 Closets 0.08 -0.07 0.14 0.30 ** 0.25 * 0.00 -0.01 -0.07 0.00 -0.12 0.31 ** 0.33 ** 0.15 0.22 * 0.15 0.08 0.27 ** -0.12

** Correlation is significant at the 0.01 level (2-tailed).


* Correlation is significant at the 0.05 level (2-tailed).
219
ANNEXE 2
Plans des cinq garderies étudiées aux
chapitres 4 et 5
221

Plans de la garderie 1. Type Bâtiment spécifique neuf


Toutes les salles des groupes observés sont marquées d’une étoile

Groupe B1
Salle de jeu
Salle de jeu 4 ans Groupe A1
4-5 ans
Salle de jeu
4-5 ans
Aire de jeu
extérieure
vestiaire vestiaire Vest.

Etage Rez de Sous


C sol

Salle de jeu Salle de jeu


3-4 ans 3-4 ans
5m
r
Extérieur

Rue et stationnement
ÉTAGE

Salle
de jeu Salle de jeu Salle de jeu
18 mois 2 –3 ans 2 –3 ans

Bébés
Aire de jeu
extérieure
vestiaire vestiaire

Bureau

Salle
de jeu
18 mois Salle Salle
de jeu de jeu
2 ans 2 ans
5m

Entrée
principale
Rue et stationnement REZ DE CHAUSSÉE
222

Plans de la garderie 1 (suite)

Rgt.
Bureau Tech. Bureau
Salle
du
personnel
Rgt.. Jouets

Aire de jeu Rgt. Salle


extérieure Rgt.. polyvalente
Jouets
Rgt.

Bureau

Cuisine
Bureau Bureau
5m

Rue et stationnement
SOUS SOL
223

Plans de la garderie 2. Type bâtiment spécifique ancien


Toutes les salles des groupes observés sont marquées d’une étoile

Rue et stationnement

Rgt. Rgt. Buand. Groupe C2

Salle de jeu
4-5 ans

Cuisine

Corridor - vestiaires

Salle de jeu
4 ans Groupe D2
Salle de
Aire de jeu jeu Aire de jeu
extérieure 4-5 ans extérieure

Rgt. SOUS SOL

Entrée principale
Rue et stationnement

Vestiaire
Sieste Sieste

Salle de jeu
2 ans
Bébés Rgt.

Vestiaire

Salle de jeu
2 ans

Aire de jeu Aire de jeu


extérieure extérieure
18 mois

5m
REZ DE CHAUSSÉE
224

Plans de la garderie 2 (suite)

Rue et stationnement

Salle de jeu Salle du Bureau


2-3 ans personnel

WC

Salle de jeu
2-3 ans WC Bureau

Salle de jeu Salle de jeu


3-4ans 3 –4 ans

Aire de jeu Salle de jeu Aire de jeu


extérieure 3-4 ans extérieure

ÉTAGE

5m
225

Plans de la garderie 3 Type bâtiment spécifique neuf

Toutes les salles des groupes observés sont marquées d’une étoile

Groupe F3
Groupe E3
Salle de jeu Salle de jeu Bureau
4-5 ans 4-5 ans
Salle
du
personnel
Aire de jeu
extérieure
Salle de
Bureau motricité
Salle de jeu Salle de jeu
3-4 ans 3-4 ans

Rue et stationnement
ÉTAGE

Salle de jeu Salle de jeu


2-3 ans 2-3 ans Sieste

Bébés Sieste
Aire de jeu
extérieure

Sieste
Salle de jeu Salle de jeu Cuisine
18 mois 18 mois Bébés

Rue et stationnement

REZ DE CHAUSSÉE

5m
226

Plans de la garderie 4. Type ancienne maison

Toutes les salles des groupes observés sont marquées d’une étoile

Salle de jeu
Aire de jeu 3-4 ans
extérieure
Salle Rue
de jeu

Salle de
jeu
18 mois

5m
Rue ETAGE

Salle de Groupe H4
jeu
Aire de jeu 4-5 ans
extérieure
Rue

Salle de Groupe G4
jeu
4-5 ans

Rue
REZ DE CHAUSSÉE
227

Plans de la garderie 5. Type bâtiment institutionnel (ancienne école)

Toutes les salles des groupes observés sont marquées d’une étoile

Aire de jeu extérieure


Groupe I5
Salle de jeu4-
5 ans
bureau bureau

Salle de jeu
4-5 ans
Salle du Rue
Rue personnel

Vestiaire-circulation

Rue
5m ÉTAGE 2

Aire de jeu extérieure

Salle de jeu Rue


2-3 ans
Salle de jeu2-
Rue 3 ans
Club âge d’or

Vestiaire-circulation

Rue ETAGE 1
228

Plans de la garderie 5

Aire de jeu extérieure

Bébés

Rue
Rue
Vestiaire
Cuisine Salle de jeu
1-2 ans

bureau

5m
Rue Entrée principale

REZ DE CHAUSSÉE
ANNEXE 3
Protocole d’observation en garderie :
critères de reconnaissance pour les
changements d’épisodes
230

Critères de reconnaissance pour les changements


d’épisodes

Dans les garderies, chaque épisode observé correspondait à un behavior setting. Les
changements entre les épisodes successifs observés au cours d’une journée s’appuyaient sur
une série de critères. Il était important d’utiliser toujours les mêmes pour que les données
relevées puissent être comparables d’une garderie (ou d’un groupe) à l’autre.

Les changements se reconnaissent aux critères suivants :

1. Un changement de l’activité globale du groupe

2. Un changement net dans l’organisation spatiale des enfants en lien avec un objectif
précis. Ce changement peut être un changement de lieu, mais il peut aussi avoir lieu
dans la même pièce. (e.g., regroupements des enfants pour une nouvelle activité).

Pendant les épisodes de déplacements, les enfants peuvent traverser plusieurs lieux
différents (e.g., les enfants passent par les corridors et escaliers pour se rendre dans
la cour). On ne compte qu’un seul épisode car les règles de spatialisation de
l’activité sont identiques tout au long du déplacement.

3. Une (ou plusieurs) consigne(s) donnée(s) par l’éducatrice avant le début de


l’épisode (en général, elle annonce un changement d’activité pour le groupe,
demande aux enfants de « faire » quelque chose de différent de ce qu’ils sont en
train de faire)

Dans le doute, il est préférable de scinder les épisodes. On peut toujours les regrouper après
coup lors de l’analyse, mais on conserve quand même l’information détaillée. Ce principe
s’applique tout particulièrement aux épisodes très rapides de transition. Les épisodes
extrêmement courts (moins de cinq minutes) sont alors agglomérés entre eux en un épisode
plus large qui fait sens. Pour permettre les comparaisons, la durée des épisodes est traitée
comme un multiple de cinq minutes.
ANNEXE 4
Guides d’entretien
232

Cette annexe a pour but d’expliquer le déroulement des entretiens avec les différents
acteurs des garderies. Elle mentionne les principes généraux adoptés ainsi que les questions
types utilisées avec les éducatrices et avec la direction.

Principes généraux

Les entretiens avec les éducatrices et avec la direction avaient pour but de recueillir des
informations sur la façon d’utiliser l’espace et de réguler la vie en garderie. Il fallait aussi
recueillir des informations sur la façon dont le programme éducatif et les usages prescrits
influençaient le quotidien. Enfin les entretiens visaient aussi à obtenir des renseignements
plus factuels sur l’année d’ouverture du milieu de garde, le nombre d’enfants ou le nombre
et la fréquence des activités exceptionnelles.

Ces entretiens étaient des entretiens centrés. La liste des points à aborder était fixée mais
pas l’ordre des questions. D’autre part, les participants avaient une certaine liberté pour
aborder des points supplémentaires qui leur semblaient intéressants. Ceci permettait
d’intégrer des aspects qui n’étaient pas couverts par les guides d’entretiens mais qui
pouvaient être d’importance.

Comme il n’était pas nécessaire d’avoir effectué les observations pour les entretiens avec la
direction, ceux-ci avaient préférablement lieu avant le début des observations. En effet, cela
permettait à la chercheuse de se présenter et de se familiariser avec le milieu.

Les entretiens avec les éducatrices avaient lieu après la fin des observations. On pouvait
ainsi valider le fait que les journées observées étaient bien représentatives de journées
typiques en garderie. Cela permettait aussi à la chercheuse d’aborder des points particuliers
soulevés par les observations. À la demande des éducatrices, les entretiens devaient
s’intégrer à leur journée de travail et avaient donc généralement lieu durant leur heure de
pause, pendant la sieste. La durée des entretiens était d’environ 30 minutes. Ils ont été
enregistrés sur cassette audio et accompagnés de prises de notes.
233

Guide d’entretien avec les éducatrices

Étapes générales
L’entretien se base sur les principes généraux déjà mentionnés.
L’enquêteur doit être attentif à suivre les étapes suivantes :
• Mettre en marche le magnétophone avant de commencer.
• Remercier, expliquer le déroulement et les objectifs de l’entretien.
• Commencer par les questions factuelles.
• Aborder les thèmes les uns après les autres. Laisser des ouvertures à la discussion.
Laisser la répondante76 aborder les problèmes librement pour autant que les thèmes
sont couverts. Approfondir les réponses qui semblent intéressantes.
• Terminer par des questions de clôture et remercier la participante.
• Proposer les comptes-rendus de l’étude.

Introduction de l’entrevue
J’ai beaucoup apprécié les quatre jours passés avec le groupe. Je sais que votre emploi du
temps est très chargé, et je vous remercie de m’aider à compléter mes observations en
répondant aux quelques questions que je vais vous poser. Voici comment l’entretien va se
dérouler et voici quels en sont les objectifs.
• Recueillir des éléments d’information sur les règles de vie et les habitudes au regard
du milieu physique.
• Recueillir des éléments d’information sur l’évolution des tendances de la vie en
garderie qui se reflètent dans les transformations du milieu physique, notamment à
la suite des récents changements de politique.
• Recueillir des éléments d’information sur le pourquoi de certaines pratiques
observées au cours des jours précédents.
• Je vais vous demander de signer le formulaire de consentement.

Informations factuelles
• Nombre habituel d’enfants dans votre groupe :
• Âge des enfants du groupe
• Y a-t-il des enfants nécessitant une attention particulière ?
Si oui, combien ?
Quels problèmes ?
J’ai besoin de valider certaines de mes observations pour vérifier si ce que j’ai vu reflète
la réalité de votre vie dans la garderie.

76
Toutes les personnes qui ont participé étaient de sexe féminin.
234

• Globalement, l’horaire du déroulement de vos journées est-il sensiblement le même


tous les jours ou y a t-il des variations ? Si oui, lesquelles et pourquoi ?
• Globalement, utilisez-vous les locaux de la même façon régulièrement ou changez-
vous de local ?
• Avez-vous des activités exceptionnelles (e.g., sorties au parc, visites des pompiers,
pique-nique…) ?
- Une fois par semaine Lesquelles ?
- Une fois par quinze jour Lesquelles ?
- Une fois par mois Lesquelles ?
- Moins d’une fois par mois Lesquelles ?
• Selon les saisons, y a t-il des différences dans vos horaires ?
• Selon les saisons, y a t-il des différences dans l’utilisation des lieux ?
• Pouvez-vous dire que les quatre demi-journées passées en votre compagnie reflètent
bien des journées typiques ?

Questions ouvertes
(utiliser le guide ci-dessous pour couvrir les thèmes à traiter)

Environnement physique
• Pouvez-vous me parler de l’ambiance dans la garderie
(Ambiance physique, confort, aspect des lieux, aménagements)
• Avez-vous des choses à dire à propos de la superficie dans la salle de jeu ?
• Avez-vous des choses à dire à propos de la superficie dans le bâtiment ?
• Comment pouvez-vous modifier une situation quand vous avez besoin de plus de
place ?
• Y a t-il une ou plusieurs pièces supplémentaires que vous aimeriez avoir dans le
bâtiment ?
• Trouvez-vous que certaines pièces ou certaines issues sont mal situées (e.g., trop
près, trop loin, inutilisables, difficiles d’accès) ? Pourquoi ?
• Trouvez-vous que certaines pièces ou certaines sorties sont bien situées?
Pourquoi ?
• Que pouvez-vous dire de l’emplacement des toilettes ?
• Votre salle de jeu communique (ou ne communique pas) avec la salle voisine,
que pensez-vous de cette formule ?
• Pouvez-vous lister quelques points forts de votre environnement ?
• Pouvez-vous lister quelques points faibles de votre environnement ?
• Avez-vous d’autres choses à dire sur votre environnement ? Pour vous-même ?
Pour les enfants ?

Éducation et cadre matériel


Programme éducatif et Jouer c'est magique
• Jouer c'est magique est-il implanté dans le CPE ?
235

• Selon-vous, cela implique-t-il un aménagement particulier de la salle de jeu ?


• Cela a-t-il des avantages ? lesquels ?
• Cela pose-t-il des problèmes ? lesquels ?
• Pouvez-vous me parler de la mise en place des ateliers ?
• Avez-vous des choses à rajouter sur l’application au quotidien du Jouer c’est
magique ?

Le matériel à disposition
• Que dire de la quantité de matériel à votre disposition ?
• Pouvez-vous lister les différents types de ressources matérielles que vous utilisez
pour les enfants
• Pensez-vous que le matériel de jeu est adapté pour les enfants de votre groupe
• Avez-vous des problèmes pour ranger le matériel ?
• Qui choisit le matériel à mettre dans la salle de jeu ?

Régulation
• J’ai remarqué qu’il y a des règles que les enfants connaissent pour l’utilisation
des jouets et des lieux. Pouvez-vous m’expliquer comment cela se passe ?
• J’ai remarqué qu’à certains moments les enfants sortent librement de la salle de
jeu et qu’à d’autres ils restent dans la salle. Pouvez-vous m’expliquer quelles sont
les règles à ce sujet ?

Territorialisation
• Je vois que, dans la garderie, chaque éducatrice a un groupe dans une salle. Que
pensez-vous de cette formule ?
Ou
• Vous partagez une salle avec un autre groupe. Que pensez-vous de cette
formule ?
• Quels sont les lieux où vous vous sentez chez-vous à la garderie ?

Transformations comme indicateur de tendances


• Avez-vous observé des transformations dans votre environnement physique
depuis que vous travaillez ici ?
Ou
• Vous avez des locaux neufs, quelles sont, selon vous les principales différences
d’avec l’ancien local ?
• Qui a décidé de ces changements ? Avez-vous été consultée ?
• Pouvez-vous mentionner quelques transformations qui représentent de vraies
améliorations pour vous ou les enfants
• Pouvez-vous mentionner quelques transformations qui sont plutôt des échecs
pour vous ou les enfants

Politique de garde
236

• Y a t-il eu des changements dans la politique (e.g., règlements, organisation,


façons de faire) qui ont eu une incidence pour vous ou pour les enfants ?
• Que pensez-vous de l’augmentation du nombre d’enfants dans les CPE ?

Sécurité
• Pouvez-vous lister quelques façons de faire qui facilitent votre travail pour
assurer la sécurité des enfants ?
• Pouvez-vous lister quelques éléments de votre environnement qui facilitent votre
travail pour assurer la sécurité des enfants ?
• Quelles sont les choses qui vous posent problème pour assurer la sécurité des
enfants ?
• Avez-vous des choses à ajouter à ce sujet ?

Questions de clôture
• Avez-vous d’autres choses à dire sur ce que je n’aurais pas pu voir au cours de
ces quatre jours passés avec vous ?
• Avez-vous des choses à dire qui vous semblent importantes pour compléter cet
entretien ?
• Avez-vous des questions sur le contenu de l’entretien ?
• Pour terminer, pouvez-vous me dire, comment vous avez trouvé le sujet abordé ?

Remerciements
237

Guide d’entretien avec la direction des garderies

Étapes générales
L’entretien se base sur les principes généraux déjà mentionnés. Il s’agit d’aborder les
thèmes les uns après les autres. Les questions sont indicatives et l’enquêteur doit laisser
ouvert à la discussion. Le répondant peut aborder les problèmes librement pour autant que
les thèmes sont couverts. L’enquêteur peut approfondir les réponses qui semblent
intéressantes.
L’enquêteur doit être attentif à suivre les étapes suivantes :
• Mettre en marche le magnétophone avant de commencer.
• Remercier, expliquer le déroulement et les objectifs de l’entretien.
• Commencer par les questions factuelles.
• Aborder les thèmes les uns après les autres. Approfondir les réponses qui
semblent intéressantes.
• Terminer par des questions de clôture et remercier la participante.
• Proposer les comptes-rendus de l’étude une fois celle-ci terminée.

Introduction de l’entrevue
Je vous remercie de m’accorder de votre temps pour répondre aux questions que je vais
vous poser. Voici comment l’entretien va se dérouler : je vais commencer par des questions
factuelles puis continuer par des questions ouvertes. Voici quels sont les objectifs de notre
entrevue.
• Recueillir des informations factuelles sur la garderie.
• Recueillir des éléments d’information sur les règles de vie et les habitudes
générales dans la garderie au regard du milieu physique.
• Recueillir des éléments d’information sur l’évolution des tendances de la vie en
garderie qui se reflètent dans les transformations du milieu physique.

Informations factuelles
• Nom de la garderie
• Année d’ouverture
• Nombre d’agrandissements successifs du bâtiment
• Nombre total d'enfants dans le Centre de la Petite Enfance aujourd’hui (2002)
• Nombre d’enfants dans le CPE
- En 2001
- En 2000
• Mode de fonctionnement
- Groupes par classe d'âge
- Groupes multi-âge
238

- Autre : précisez
• Nombre de groupes par salle de jeu
- Un groupe / une éducatrice
- Deux groupes / deux éducatrices
- Autre : précisez
• Nombre de groupes dans le CPE et nombre d'enfants par groupe
- Poupons
- 1-2 ans
- 2-3 ans
- 3-4 ans
- 4-5 ans
• Nombre de personnes travaillant dans le CPE
- Responsables
- Personnel de service
- Secrétaires
- Conseillères pédagogiques
- Cuisinières
- Éducatrices
- Éducatrices remplaçantes
- Autre (précisez)
• Jouer c'est magique est-il appliqué dans le CPE
• Si non, quelle autre pédagogie est appliquée

Questions ouvertes
(utiliser le guide ci-dessous pour couvrir les thèmes à traiter)

Vie quotidienne dans la garderie


• Comment se déroule globalement le quotidien dans les locaux de la garderie
depuis l’ouverture à la fermeture ?

Transformations du bâti
• Avez-vous effectué des travaux de transformation ces deux dernières années ?
Pourquoi ?
Ou
• Vous avez des locaux neufs, quelles sont les principales raisons qui vous ont
poussé à construire du neuf ?
• Qui a décidé de ces transformations ? Qui a été impliqué ? Avez-vous fait appel à
des spécialistes pour vous aider dans vos choix ?

Modes de vie
• Selon vous, en quoi ces transformations ont-elles changé la vie dans la garderie
pour les enfants et les adultes ?
• Pouvez-vous dire si les locaux actuels sont bien adaptés à la vie quotidienne des
adultes et des enfants ? Pourquoi ?
239

Politique de garde
• Les changements de politique du ministère ont-ils eu des conséquences sur votre
façon de fonctionner ? Lesquelles ?

Questions de clôture
• Avez-vous des choses à dire qui vous semblent importantes pour compléter cet
entretien ?
• Avez-vous des questions sur le contenu de l’entretien ?
• Pour terminer, pouvez-vous me dire, comment vous avez trouvé le sujet abordé ?

Remerciements
ANNEXE 5
Plans des neuf salles étudiées au
chapitre 5
241

Plan de la salle A1. Groupe A, garderie 1. Type Bâtiment spécifique neuf

60 36
32
etagère musique
h=80 19

0,18m2

36
75
19
COIN BLOCS 0,54m2

COIN (Blocs, table enfant

MANIPULATIONS 0,54m2
table
voitures)
h=53

(poupées, figurines)
enfant

h=58
64

90
COIN IMITATION
(dinette,
MAISON DE POUPEES 27
0,5M2
60

déguisements)
1,12m2

étagère joujoux
80 type
29 h = 77
etagère 157
h=40
ou h=102
0,24m2
45

157
étagère joujoux

COIN type
h = 77

LECTURE espace libre


maximum :
environ 6,5m2
marche
80
placard bas 29 120
h=102
0,24m2 Tabl e enfant
marche
H=56
bloc evier
0,7 m2 60 h+90
100
Mobilier fixe 1,38m2
37 185

sofa enfant
h=40
COIN DESSIN
0,24m2 (à sec)
1,37

COIN
ORDINATEUR
110

etagère
h=102 34
0,33m2

BUREAU TOILETTES : 3,78M2

20 EDUCATRICE
31
154
33

placard
h=100

5m

Nombre d’enfants : 9 Superficie : 53,89m2 Ratio m2/enfant : 5,71m2


Coins d’activités présents Équipements fonctionnels
• Tables • Art • Toilettes
• Blocs • Ordinateur • 1 Point d’eau
• Lavabo • Autre (poupées-figurines, maisonnette )
• Imitation • Espace libre : 6,5m2 environ

Aspect et organisation
• Très vaste salle située au dernier étage de la garderie
• Bonne visibilité sur le corridor et les vestiaires du groupe (ouvre en bout de corridor).
• Ne communique pas avec d’autres salles
242

Plan de la salle B1. Groupe B, garderie 1,. Type Bâtiment spécifique neuf

JEUX
Jeux d’eau
0,9m2

COIN BLOCS D’EAU

66

étagère joujoux
type
h = 77
157

40
étagère joujoux
type
bloc 3 h = 77
tiroirs 157
0,16m2
12 h=70
30

Bac à dessins
0,18m2
Table 0,76x0,76

1,37

Table 0,76x0,76

COIN LECTURE
BUREAU
EDUCATRICE ZONE
CENTRALE
espace libre & TABLES
maximum :
environ 6m2 support pour livres

étagère joujoux
Table 0,76x0,76 type
h = 77
157
40

table
0,3m2

CORRIDOR
marche

bloc evier
h+90 marche

1,38m2 0,25m2
Mobilier fixe
185
0,4m2

COIN
IMITATION 45

30

poussette 40
plastique 76
jouet mini CHAISE HAUTE
23 cuisinette O,15m2
0,13m2 h=60
0,26m2

SALLE VOISINE

5m

Nombre d’enfants : 9 Superficie : 43,51m2 Ratio m2/enfant : 4,46m2


Coins d’activités présents Équipements fonctionnels
• Tables • Imitation • Toilettes
• Blocs • Jeux d’eau • 2 Point d’eau (dont jeux
• Lavabo • Espace libre : 6m2 d’eau)

Aspect et organisation
• Vaste salle au dernier étage de la garderie
• Ouvre en bout de corridor. Mauvaise visibilité sur le corridor car la porte est en coin.
• Communique avec une autre salle par une porte et par les toilettes
243

Plan de la salle C2. Groupe C, garderie 2. Type bâtiment spécifique ancien

30 134

poussette mini

COIN plastique cuisinette


h=60
jouet
23 8 0,47m2

LECTURE 0,13m2

MATELAS
110*100
1,1M2
COIN COIN BLOCS
RASSEMBLEMENT Table 0,6x0,6

0,4m2

COIN
ORDINATEUR panier à
linge
panier à
linge
0,30m2 0,30m2

COIN SYMBOLIQUE 40 40

120

0,54m2

table
enfant
h=60 LITERIE

60
TABLE
diam 90
0,65m2

ZONE
CENTRALE & COIN ARTS
TABLES
33 16
bac
plastique Etabli
plastique
37 h=28

COIN
0,1m2
37 0,30m2

120 120 MENUISERIE


0,54m2 0,54m2

82 82 table table
enfant enfant

étagère 5 niveaux
h=60 h=60
EH
joujoux placard joujoux
h = 140 h = 150
0,3m2 0,3m2
60 60

BANCS ET CASIERS DES VESTIAIRES

CORRIDOR - VESTIAIRE ESCALIERS


VERS
SORTIE

SALLE VOISINE D2 5m

Nombre d’enfants : 11 Superficie : 46,2m2 Ratio m2/enfant : 4,04m2


Coins d’activités présents Équipements fonctionnels
• Toilettes
• Tables • Art
• Blocs • Ordinateur • 2 Point d’eau
• Lavabo • Jeux d’eau
• Imitation • Autre :menuiserie - rassemblements
• Espace libre : 6m2
Aspect et organisation
• Vaste salle au sous-sol.
• Visibilité moyenne sur le corridor.
• Ne communique pas avec d’autres salles
244

Plan de la salle D2. Groupe D, garderie 2. Type bâtiment spécifique ancien

32 134
Tableau à dessin plastique
fauteuil mini
plastique cuisinette
enfant h=60
Gros
coussi 10 8 0,47m2
Gros Gros
coussin n
coussin 60*60
60*60 60*60

COIN
COIN LECTURE SYMBOLIQUE 92
56
table
enfant
3

COIN
h=58

0,57m2

ORDINATEUR
étagère joujoux

157

espace libre COIN BLOCS


maximum :
environ 5m2
Bac à
blocs
ETAGÈRE ø 55 11
BASSE 0,24m2
0,3M2 h=43

SALLE
VOISINE

40

92

table
enfant
3
h=58

ZONE 0,57m2

CENTRALE &
TABLES

40

bloc 3
tiroirs
0,16m2
12 h=70

62

COIN
BAZAR
0,36M2 COIN ARTS 33 16
bac
plastique

120 h=28
0,1m2
18 chevalet à peinture
suspendu 0,46m2

45

CORRIDOR - VESTIAIRE

SALLE TOILETTES
VOISINE C2
5m

Nombre d’enfants : 9 Superficie : 31,15 Ratio m2/enfant : 3,37 m2


Coins d’activités présents Équipements fonctionnels
• Pas de toilettes
• Tables • Art
• Blocs • Ordinateur • 1 Point d’eau
• Lavabo • Imitation
• Espace libre :5m2
Aspect et organisation
• Petite salle au sous-sol
• Bonne visibilité sur le corridor.
• Ne communique pas avec d’autres salles.
245

Plan de la salle E3. Groupe E, garderie 3. Type bâtiment spécifique neuf

30

CORRIDOR - VESTIAIRE JEUX


bureau poubelle
hauteur enfants h=50
h+65 bloc évier 0,1m2
hauteur enfants

D’EAU
0,5 m2 h+70
0,8 m2
128 Jeux d’eau
82 0,9m2

66

TOILETTES 38

COIN
Table
1,2 x0,6
0,7m2
Table pique-nique
h= 60
ARTS
0,6m2

ZONE CENTRALE
& TABLES 85

Table 0,6x0,6
Étagère
0,4m2
Blocs et figurines h= 102
0,4m2 Placard fermé
120 h= 102
0,5m2

COIN 90

LECTURE
SALLE
VOISINE
F3
Gros Gros
coussi coussi
n n
60*60 60*60

38
Table de jeu
RANGEMEN T Étagère-bac
h= 102
0,4m2
98

COIN 45

SCIENCES COIN IMITATION


48

COIN BLOCS 30

Bac 40 Table
chaise
Table 0,6x0,6 plastique 2 enfant 0,55x0,55
0,4m2 0,35 x0 ,35 0,16m20,3m2
0,1m2
Miroir
40

5m

Nombre d’enfants : 10 Superficie : 46,5m2 Ratio m2/enfant : 4,48m2


Coins d’activités présents Équipements fonctionnels
• Toilettes
• Tables • Art
• Blocs • Jeux d’eau • 2 Points d’eau (dont un
jeu d’eau)
• Lavabo • Autre (manipulation, calme,
• Imitation maisonnette)
• Espace libre :12m2
Aspect et organisation :
• Vaste salle bien éclairée à l’étage
• Ouvre en bout de corridor avec une visibilité moyenne sur les vestiaires
• Communique avec une autre salle par les toilettes et un rangement.
246

Plan de la salle F3. Groupe F, garderie 3. Type bâtiment spécifique neuf

CORRIDOR- VESTIAIRE

Gros Gros 40
coussin coussin bloc évier
0,3m2 0,3m2 hauteur enfants
h+70
0,8 m2
128

Table 0,5x0,6 COIN LECTURE


0,3m2
TOILETTES

Déguisementts

Bloc tiroirs
40 x40
0,2m2
Table
1,2 x0,6
0,7m2
COIN IMITATION 38

SALLE
VOISINE
E3
Table 0,6x0,6

48
0,4m2
ZONE CENTRALE
mini cuisinette
102 & TABLES
Étagère
Blocs et figurines h= 102 0,4m2 h=60

PLACARD
0,4m2
120

144
Table 0,6x0,6
0,4m2

JEUX D’EAU RANGEMENT

COIN
COIN BLOCS ORDINATEUR

COIN
RASSEMBLEMENT

5m

Nombre d’enfants : 10 Superficie : 42,76m2 Ratio m2/enfant : 4,51m2


Coins d’activités présents Équipements fonctionnels
• Tables • Ordinateur • Toilettes
• 2 Points d’eau (dont 1 jeux
• Blocs • Jeux d’eau
d’eau)
• Lavabo • Autre (rassemblements -
• Imitation table manipulations)
• Art • Espace libre : 4m2

Aspect et organisation :
• Vaste salle à l’étage.
• Ouvre au milieu d’un corridor avec une bonne visibilité.
• Communique avec une autre salle par les toilettes et un rangement.
247

Plan de la salle G4. Groupe G, garderie 4. Type ancienne maison

CUISINE
SALLE VOISINE H4

PLACARD
ARMOIRE HAUTE S
0,4M2
H=190CM env.

124 BALAI
62 S

POUBELL
LAVABO BAS E
0,6 M2
ETAGÈRE BASSE H=50CM env.
0,5M2 H=80CM 70
122 MIROI
R

ETAGÈRE BASSE
0,5M2 H=80CM 122
COIN IMITATION
ZONE CENTRALE
& TABLES ETAGÈRE HAUTE
0,3M2 H=170CM env.

CHATEAU PLASTIQUE 81
0,4M2

VESTIAIRE 87 ETAGÈRE HAUTE


0,3M2 H=170CM env.
espace libre 40 40
81

BANC COFFRE
maximum : 40
chaise
2 enfant

0,5M2 H=40CM
122
environ 5m2 0,16m2

40

COIN BLOCS 40 40
(blocs, voitures,
rassemblements) TABLE ENFANT
0,8M2 H=40CM

122
chaise TBLE
adulte H=80CM
0,25m2 0,5M2
106
40

COIN LECTURE
ETAGÈRE
BASSE
0,2M2 147 BERCEAU 147
H=80CM 47 BANC SUR CALORIFÈRE 0,1M2 BANC SUR CALORIFÈRE
0,35M2 H=30CM H=20CM
55 0,35M2 H=30CM

5m

Nombre d’enfants : 9 Superficie : 43,51m2 Ratio m2/enfant : 4,46m2


Coins d’activités présents Équipements fonctionnels
• Tables • Lavabo - Jeux d’eau
• Blocs • Espace libre : 5m2 • Toilettes
• Imitati • 1 Point d’eau
on
Aspect et Organisation :
• Vaste salle au rez de chaussée. Visibilité sur le vestiaire.
• Communique avec la cuisine et une autre salle. La partie haute de la salle sert de circulation
pour accéder à la cuisine ou à la salle voisine.
248

Plan de la salle H4. Groupe H, garderie 4. Type ancienne maison

PLACARD ET ÉTAGÈRES
MURAUX
1,1M2

COIN IMITATION

40 ZONE
40 CENTRALE
& TABLES
chaise
2 enfant
0,16m2

40

CUISINE POUBELLE
0,5*0,5
chaise
2 enfant
0,16m2
0,25M2

COIN BLOCS

TOILETTES

SALLE VOISINE G4

5m

Nombre d’enfants : 9 Superficie : 15,9m2 Ratio m2/enfant : 1,64m2


Coins d’activités présents Équipements fonctionnels

• Tables • Espace libre : 3m2 Pas de toilettes ni de point d’eau


• Blocs Il faut aller dans la salle voisine
Aspect et organisation :
• Très petite salle au rez de chaussée
• Communique avec la cuisine par un passe-plat
• Salle commandée : on doit passer par une autre salle pour y accéder
249

Plan de la salle I5. Groupe I, garderie 5. Type bâtiment institutionnel (ancienne école)

étagère
Bac
bac blocs plastique
basse
45 60 0,35 x0 ,35
40* 85
0,25m2 0,1m2 H=70
,34m2
rangement
plastique
,33 * ,66
IMITATION
H= ,7
,2m2

COIN BLOCS
Bac
plastique
0,35 x0 ,35
0,1m2
ZONE CENTRALE & TABLES
Bac
plastique
0,35 x0 ,35 Table
0,1m2 1,2 x0,6
0,7m2

COIN ARTS
armoire matelas
,73 * 1,72
1,2m2

espace libre Bac


maximum : plastique
0,35 x0 ,35
environ 20 m2 0,1m2

Bac
plastique
0,35 x0 ,35

COIN LECTURE 0,1m2

SALLE DE JEU
Bac
plastique VOISINE
0,35 x0 ,35
0,1m2

biblliothèque PLACARD
130 * 64 VESTIAIRE
0,8M2 EDUCATRIC
H=130 E

TOILETTES

table
92*12
5
1,1m2

144

COIN EAU

PLACARD 78 8
66
0,5M2

VESTIAIRE
CORRIDOR

5m

Nombre d’enfants : 10 Superficie : 70m2 Ratio m2/enfant : 6,35m2


Coins d’activités présents Équipements fonctionnels
• Tables • Jeux d’eau
• Blocs • Art • Pas de toilettes
• Lavabo • Autre • 2 points d’eau (dont un jeux
d’eau)
• Imitation • Espace libre : 20m2
Aspect et Organisation :
• Très grande salle au deuxième étage.
• Communique avec la salle voisine
• Mauvaise visibilité sur les vestiaires mais visibilité correcte sur les toilettes.

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