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Analyse de documents Thierry Lentz et Lionel Jospin Antoine Decubber

L'époque napoléonienne a inconstestablement laissé un héritage majeur en France mais fait


aujourd'hui l'objet de nombreux débats autour du personnage de Napoléon Bonaparte,
notamment dans le cadre de la célébration du bicentenaire de la mort de Napoléon.
Nous analyserons comment les deux documents proposés sont opposés sur la façon de
considérer l'héritage de l'époque Napoléonienne. Le premier document est un extrait d'un
article du Figaro mettant à l'écrit un entretien entre Aziliz Le Corre, journaliste au Figaro, et
Thierry Lentz, écrivain et historien français, spécialiste de l'histoire du Consulat et du Premier
Empire. Cet entretien a lieu à l'occasion de la publication de son livre intitulé Pour Napoléon le
11/03/2021 et du bicentenaire de la mort de ce dernier. Thierry Lentz va s'attarder sur l'héritage
positif de Napoléon. En premier lieu, nous aborderons les critiques de Lentz envers les
détracteurs contemporains de Napoléon qui étudient sa période sous le prisme de notre société
actuelle et sa crainte que leurs idées s'imposent. Dans un second temps, nous décrirons en quoi
selon Lentz l'héritage positif laissé par Napoléon est volontairement oublié pour ne laisser place
qu'aux conséquences négatives du règne du Premier Empereur.
Le second document est également un extrait d'un entretien entre Laurent Joffrin, journaliste
français qui collabore à l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur, et Lionel Jospin, figure du parti
socialiste et ancien premier ministre sous Jacques Chirac. Cet entretien a lieu à l'occasion de la
publication de son livre Le mal napoléonien en 2014. A travers cet entretien, Lionel Jospin va
justifier sa critique envers Napoléon et son héritage. Nous aborderons en premier lieu le bilan
de Napoléon, désastreux selon les dires de l'ancien premier ministre. Puis, nous verrons
pourquoi, selon Jospin, Bonaparte aurait du s'arreter en 1807 et comment son avidité de gloire
et de pouvoir l'a conduit à sa perte et à celle de la France.

Dans l'entretien entre Aziliz Le Corre et Thierry Lentz, ce dernier souligne dans un premier
temps l'attitude des opposants de Napoléon qui s'emploient à saisir toutes occasions de
critiquer celui-ci sans aucune constructivité «Je note une fois de plus que le bicentenaire est
l’occasion de malmener Napoléon en lui accolant n’importe quel adjectif pourvu qu’il soit
péjoratif». L'extrait ne mentionne pas si Lentz partage les reproches sur les points négatifs de
l'empereur mais il critique ses détracteurs, précisant que ceux-ci analysent l'histoire sans
remettre la période napoléonienne dans son contexte historique, social et religieux de l'époque.
Il expose également sa crainte de voir leurs idées, leur vision s'imposer faute de soutien de la
classe politique sur l'apport positif de l'héritage de Napoléon « Ce que je redoute c'est que, par
faiblesse, pour ne pas dire lâcheté, on leur laisse imposer leurs idées», « mais ils sont soutenus
et défendus par les politiques et par une idéologie qui se réclame du "progressisme"».

Ensuite, il dénonce le discours qui ne retient que les points négatifs de la période
napoléonienne, oubliant tout l'apport de cette période à la France. Thierry Lentz insiste ainsi sur
le fait qu'on ne peut pas mettre en avant certains points de l'histoire qui nous conviennent et en
oublier le reste, il dit que cela reviendrait à « négliger ce qui fait la culture française, ses
traditions et son histoire », que tous les événements à l'origine de débats seraient à leur tour
oubliés et que ce serait oublier l'histoire de France « comme si la Révolution, le Consulat puis
l’Empire n’avaient été que des mirages aperçus pendant un siècle dans des manuels scolaires ».

Enfin, il fait part de l'importance de continuer à glorifier les personnages et les périodes fastes
de l'histoire de France afin de réunir les français autour d'un récit national qui pourra les rendra
fiers.

A l'opposé, dans l'entretien entre Laurent Joffrin et Lionel Jospin, ce dernier se montre très
critique à l'égard de Napoléon et de son oeuvre. En effet, il va tout d'abord souligner les
conséquences négatives qu'ont eu le Consulat et l'Empire sur l'état de la France et l'Europe : il
mentionne que Napoléon a laissé la France avec une population stagnante, une puissance
affaiblie par les nombreuses guerres et un territoire amputé du fait de sa chute. Il ajoute aussi
qu'à l'issue du règne de Napoléon, la France est détestée dans toute l'Europe, que la
reconstruction sera difficile, les ennemis de la France triomphant alors que le peuple français
sort en soufflant d'un règne très autoritaire.

Jospin va cependant concéder que la première phase du régime du premier Empire est
populaire et s'appuie sur de nobles causes. Il précise toutefois que Napoléon « n’a nul besoin
d’être despotique » à ce moment-là, mais qu'il l'est devenu par la suite. Il affirme qu'il n'a eu de
cesse de se mettre tout le monde à dos, notamment en prélevant des sommes « colossales » au
peuple, puis en refusant de soutenir les patriotes de différents pays qui partageaient pourtant
les idéaux de la Révolution ou voulaient l'affranchissement de la nation. Il a voulu s'allier avec
les monarchies les plus arriérées et il a changé constamment d'alliés ce qui a finalement
rassemblé tout le monde contre lui. Enfin, Lionel Jospin va insister sur le fait que Napoléon
aurait pu s'arrêter dans son désir de conquêtes, mais que aveuglé par son avidité de pouvoir, il a
continué sa stratégie d'expansion, en particulier sur des territoires comme la Russie qui allaient
finalement devenir des cimetières pour l'armée de Napoléon « Or, une fois vainqueur, Napoléon
ne limite jamais ses ambitions ». Il finit son argumentation en disant « Ce pragmatique se fixe
des buts irréalistes. Pourquoi ? Parce qu’il est mû par la poursuite de sa propre gloire et non par
la recherche des intérêts à long terme de la France » signifiant que Napoléon a privilégié ses
conquêtes dans le but d'accroitre sa gloire et son pouvoir, plutôt que de se soucier des
conséquences pour son pays. Lionel Jospin insiste sur les parts sombres de l'Empereur et sur les
drames de sa période, il essaie de désacraliser le mythe. Les propos de Jospin, figure du parti
socialiste français, s'inscrivent dans la tradition humaniste du socialisme français très attaché au
souci de la condition humaine. Il insiste donc beeaucoup sur les guerres, les pertes de pouvoir
et de richesses des français au terme du règne de Napoléon. Il est également très critique sur
les privilèges que peuvent s'octroyer les personnes de pouvoir, mentionnant l'attribution de
droits et de privilèges abusifs a l'entourage de Napoléon « Il installait à la tête des pays conquis
des membres de sa famille ».

Les deux documents font donc état de deux points de vue différents et diamétralement
opposés sur l'héritage laissé par Napoléon Bonaparte à la France. L'ouvrage de Lentz vise à
magnifier l'héritage de Napoléon, sans toutefois le détailler, dans la construction de la France et
des français alors que celui de Jospin cherche à critiquer le mythe autour de Napoléon, de
remettre en perspective ses faits de gloire et à insister sur le bilan catastrophique pour la France
au sortir de son règne. Cette nette différence entre ces deux opinions illustre toute la difficulté
de la recherche du consensus dans l'étude de l'Histoire et que les opinions se construisent
souvent sur une pensée personnelle et politique de chacun.

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