Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
0
Écouter l'article
Guitariste et chanteur du groupe Hoba Hoba Spirit, podcasteur à succès (avec
Radio Maarif), chroniqueur à la radio ou encore dans la presse écrite… Réda
Allali a plus d’une corde à son arc. Il vient de publier son deuxième livre aux
éditions du Sirocco : Zakaria Boualem découvre l’histoire du Maroc. On y
retrouve son personnage fétiche, et un sujet qui le passionne, souvent abordé
dans son podcast : l’histoire du royaume avec un grand H. Rencontre avec
l’auteur (et son drôle de double).
C’est un personnage que j’ai créé en 2002 lorsque Ahmed Reda Benchemsi
(fondateur et ancien directeur de publication de TelQuel, ndlr) m’a demandé de
réaliser une chronique société hebdomadaire pour le magazine. À l’époque, je
n’écrivais que sur le sport et j’avais du mal avec cette image du chroniqueur rempli
de certitudes qui produit des opinions chaque semaine. Je trouvais ça dégoulinant
de prétention de venir dire : « moi, je pense que…”, d’autant que j’avais peu de
connaissances sur la politique marocaine. J’ai donc préféré inventer un personnage,
et c’est comme ça que Zakaria Boualem est né. Lui, au moins, pouvait se permettre
de ne pas tout comprendre, d’être excessif ou même parfois approximatif. Dans ma
chronique, qui continue d’ailleurs d’exister aujourd’hui, j’ai surtout voulu mettre en
scène sa démarche : celle d’un bonhomme très rigoureux, obstiné, qui essaie de
comprendre ce qui se passe autour de lui, de décortiquer l’actu, bien qu’il baigne
dans une forme d’absurde, propre à notre société.
Oui quelque part, la démarche est à peu près similaire, même si avec le temps
Zakaria Boualem est devenu moins naïf. Mais il n’est jamais dans le jugement, ce
n’est pas un militant ou alors seulement un militant de la logique. Ce qui lui
importe, c’est de comprendre, et dès qu’il a compris, il dort beaucoup mieux.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ce livre sur l’histoire du Maroc à
travers les yeuxde Zakaria Boualem et non pas de Réda Alali ?
Oui. Ce que j’explique, c’est que par exemple, en France, il y’a des BD,
comme Astérix et Obélix qui permettent très tôt, aux plus jeunes, de reconnaitre un
Romain ou un Gaulois. Chacun va utiliser son propre référentiel esthétique mais va
pouvoir identifier Jeanne d’Arc ou quelqu’un de l’époque de Louis XIV par
exemple, car énormément d’images ont été produites. Nous, au Maroc, nous
n’avons rien de tout cela : nos enfants vont connaitre Astérix (rires) ou pouvoir
reconnaitre un samouraï, mais aucune des figures de l’histoire marocaine. Sans
parler du fait que ces personnages qui ont fait notre histoire, on a tendance à les
décrire comme des ennemis en temps de guerre : des “barbares”, des “arriérés”, des
“sauvages”, des “fanatiques”… Personne ne sait à quoi ressemble un pirate de Salé,
alors qu’ils sont quand même allés jusqu’à attaquer l’Islande ! C’est terrible, je
trouve que c’est un réel gâchis.
Non, je ne suis pas dans une logique de patriotisme ou de fierté. Disons plutôt que
je refuse toute forme de mépris et que donc, je considère que personne ne doit être
méprisé.
Vous écrivez aussi “qu’aucune recherche complexe” n’a été réalisée
par Zakaria Boualem et qu’il s’est contenté “d’écouter les historiens
parler”…
C’est bien évidemment une pirouette. Le plus gros du travail de recherche a été fait
lors de la production des podcasts historiques de Radio Maarif. Mais c’est vrai que
j’ai surtout écouté les chercheurs me raconter ce qu’ils savaient. Je crois qu’on a
tellement été floués et embrigadés au niveau de notre apprentissage de l’histoire à
l’école, qu’on peut parfois avoir l’impression que celle racontée dans ce livre est
une sorte de dissidence. Mais ce n’est absolument pas le cas. Dès qu’on veut faire
l’effort d’essayer de comprendre véritablement notre passé, on découvre qu’il y’a
plein de sources. L’histoire du Maroc est loin de se cantonner à celle de l’islam et
des rois, comme on pourrait le croire. Au contraire, je trouve vraiment intéressant
d’aborder l’histoire culturelle du Maroc tout en la ramenant à sa dimension
humaine, sa mixité ethnique ou encore linguistique. L’heure est venue d’accepter
notre diversité. Dans le livre, j’avance d’ailleurs que redécouvrir l’histoire de son
pays produit sur Zakaria Boualem le même choc que s’il découvrait qu’il avait été
adopté : il revoit tout son parcours en changeant de perspective.