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L’HISTOIRE DU MAROC

VUE PAR LE BOUALEM:


RÉDA ALLALI NOUS FAIT
RIRE… ET NOUS
INSTRUIT!
par ANAÏS FA

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Guitariste et chanteur du groupe Hoba Hoba Spirit, podcasteur à succès (avec
Radio Maarif), chroniqueur à la radio ou encore dans la presse écrite… Réda
Allali a plus d’une corde à son arc. Il vient de publier son deuxième livre aux
éditions du Sirocco : Zakaria Boualem découvre l’histoire du Maroc. On y
retrouve son personnage fétiche, et un sujet qui le passionne, souvent abordé
dans son podcast : l’histoire du royaume avec un grand H. Rencontre avec
l’auteur (et son drôle de double). 

Zakaria Boualem découvre l’histoire du Maroc : un titre qui sonne comme un sacré


programme. Surtout pour ceux qui connaissent l’énergumène Boualem dont ils
suivent les pérégrinations dans les pages de TelQuel chaque semaine. Quant aux
autres, ils seront agréablement surpris par l’opiniâtreté de ce personnage, un
ingénieur qui “a suivi avec abnégation les enseignements de l’école des années
80” avant de développer, au fil des ans, un véritable esprit critique… saupoudré
d’une bonne dose de second degré, s’exerçant sur ce qu’il appelle le
“MarocModerne SA” et ses habitants. Et c’est par volonté de comprendre qui il est
et d’où il vient (et plus largement, qui sont et d’où viennent les Marocains) que le
Boualem “qui n’a aucun compte à régler” avec personne, a “entrepris de remonter
notre parcours collectif”. Verdict ? La plume acérée (et passionnée) de Réda Allali
nous livre un récit instructif (et désopilant) d’évènements et de destins hors norme
qui ont fait, ou participé, à l’histoire du Maroc. 

Pouvez-vous revenir – pour nos lecteurs qui ne le connaitraient pas –


sur la genèse de votre personnage, Zakaria Boualem ? 

C’est un personnage que j’ai créé en 2002 lorsque Ahmed Reda Benchemsi
(fondateur et ancien directeur de publication de TelQuel, ndlr) m’a demandé de
réaliser une chronique société hebdomadaire pour le magazine. À l’époque, je
n’écrivais que sur le sport et j’avais du mal avec cette image du chroniqueur rempli
de certitudes qui produit des opinions chaque semaine. Je trouvais ça dégoulinant
de prétention de venir dire : « moi, je pense que…”, d’autant que j’avais peu de
connaissances sur la politique marocaine. J’ai donc préféré inventer un personnage,
et c’est comme ça que Zakaria Boualem est né. Lui, au moins, pouvait se permettre
de ne pas tout comprendre, d’être excessif ou même parfois approximatif. Dans ma
chronique, qui continue d’ailleurs d’exister aujourd’hui, j’ai surtout voulu mettre en
scène sa démarche : celle d’un bonhomme très rigoureux, obstiné, qui essaie de
comprendre ce qui se passe autour de lui, de décortiquer l’actu, bien qu’il baigne
dans une forme d’absurde, propre à notre société. 

Une sorte de Candide marocain, en somme ? 

Oui quelque part, la démarche est à peu près similaire, même si avec le temps
Zakaria Boualem est devenu moins naïf. Mais il n’est jamais dans le jugement, ce
n’est pas un militant ou alors seulement un militant de la logique. Ce qui lui
importe, c’est de comprendre, et dès qu’il a compris, il dort beaucoup mieux. 

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ce livre sur l’histoire du Maroc à
travers les yeuxde Zakaria Boualem et non pas de Réda Alali ?

Il y a 3 ou 4 ans, avec mon associé Hamza Chioua, on a démarré le projet de


Radio Maarif, dans lequel nous produisons un podcast sur l’histoire du Maroc. Ce
podcast nous a amené à interviewer une centaine d’historiens, car nous voulions
comprendre ce qui nous était arrivé : il nous semblait y avoir comme un grand trou
noir au niveau de notre passé. On a mis ça en ligne et ça a super bien marché. En
informant les gens, on s’informait nous-mêmes et nous étions quelque part les
premiers bénéficiaires de ce travail : ça nous a véritablement passionnés. Ce livre
n’est donc pas un ouvrage “historique”, c’est plutôt l’histoire d’un type qui
enquête sur l’histoire du Maroc. Utiliser Zakaria Boualem m’a permis de mettre en
scène son étonnement par rapport à ce qu’il croyait savoir, à son référentiel, à ce
qu’il reconnait ou non. Zakaria Boualem découvre l’histoire du Maroc parle de
nous, les Marocains, tels que nous sommes aujourd’hui et de notre rapport à notre
propre histoire.
Vous évoquez justement ce manque de référentiel en avertissant le
lecteur au début du livre : “Notre passé est un grand trou noir d’où
aucune image ne surgit”. Faire surgir des images, est-ce une des
raisons qui vous a poussé à écrire ce livre ? 

Oui. Ce que j’explique, c’est que par exemple, en France, il y’a des BD,
comme Astérix et Obélix qui permettent très tôt, aux plus jeunes, de reconnaitre un
Romain ou un Gaulois. Chacun va utiliser son propre référentiel esthétique mais va
pouvoir identifier Jeanne d’Arc ou quelqu’un de l’époque de Louis XIV par
exemple, car énormément d’images ont été produites. Nous, au Maroc, nous
n’avons rien de tout cela : nos enfants vont connaitre Astérix (rires) ou pouvoir
reconnaitre un samouraï, mais aucune des figures de l’histoire marocaine. Sans
parler du fait que ces personnages qui ont fait notre histoire, on a tendance à les
décrire comme des ennemis en temps de guerre : des “barbares”, des “arriérés”, des
“sauvages”, des “fanatiques”… Personne ne sait à quoi ressemble un pirate de Salé,
alors qu’ils sont quand même allés jusqu’à attaquer l’Islande ! C’est terrible, je
trouve que c’est un réel gâchis. 

Voir aussi : LIVRE 2021 : POURQUOI ON KIFFE LE TEMPS TRAVERSÉ


D’AHLAM CHAIERI

 Il y a donc la volonté de réhabiliter des figures marocaines oubliées ou


dénigrées ? 

Non, je ne suis pas dans une logique de patriotisme ou de fierté. Disons plutôt que
je refuse toute forme de mépris et que donc, je considère que personne ne doit être
méprisé. 
Vous écrivez aussi “qu’aucune recherche complexe” n’a été réalisée
par Zakaria Boualem et qu’il s’est contenté “d’écouter les historiens
parler”…

C’est bien évidemment une pirouette. Le plus gros du travail de recherche a été fait
lors de la production des podcasts historiques de Radio Maarif. Mais c’est vrai que
j’ai surtout écouté les chercheurs me raconter ce qu’ils savaient. Je crois qu’on a
tellement été floués et embrigadés au niveau de notre apprentissage de l’histoire à
l’école, qu’on peut parfois avoir l’impression que celle racontée dans ce livre est
une sorte de dissidence. Mais ce n’est absolument pas le cas. Dès qu’on veut faire
l’effort d’essayer de comprendre véritablement notre passé, on découvre qu’il y’a
plein de sources. L’histoire du Maroc est loin de se cantonner à celle de l’islam et
des rois, comme on pourrait le croire. Au contraire, je trouve vraiment intéressant
d’aborder l’histoire culturelle du Maroc tout en la ramenant à sa dimension
humaine, sa mixité ethnique ou encore linguistique. L’heure est venue d’accepter
notre diversité. Dans le livre, j’avance d’ailleurs que redécouvrir l’histoire de son
pays produit sur Zakaria Boualem le même choc que s’il découvrait qu’il avait été
adopté : il revoit tout son parcours en changeant de perspective.

TAGS: AUTEUR MAROCAIN, RÉDA ALLALI, ZAKARIA BOUALEM

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