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Le Guide du consommateur

de chocolat et de thé, suivi


de conseils pour préparer du
café parfait, par Perron,...

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Perron (fabricant de chocolat). Le Guide du consommateur de
chocolat et de thé, suivi de conseils pour préparer du café parfait,
par Perron,.... 1844.

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F 1844 '
1
DU CONSOMMATEUR

CHOCOLAT THE.
DE ET DE

durai îtr conotit»


POUR PRÉPARER DU CAFÉ PARFAIT,
PAR PERRON, FABRICANT.
Utile dulci.

PARIS,
CHEZ L'AUTEUR, 14, RUE VIVIENNE,
ET CHEZ LES DÉPOSITAIRES DE TOUTES LES VILLES.

184h.
M GUIDE
DU CONSOMMATEUR DE CHOCOLAT ET DE TIIÉ9

En venant offrir au public le résultat d'ex- des Indes, mais encore en Europe et même en
périences consciencieuses et réitérées , nous France (1).
nous présentons avec le sentiment que nous Des naturalistes ont trouvé que le cacaoyer
donne la droiture de nos intentions, l'utilité ressemblait beaucoup à un de nos grands ceri-
du but que nous nous sommes proposé, et la siers avec la feuille du noyer. Il eût été plus
conviction de l'avoir atteint: aussi serons nous exact de dire que le cacaoyer a une analogie
sobres de cette érudition d'emprunt dont le frappante avec le citronnier, que l'on cultive
charlatanisme de tous les étages décore ses depuis le Var jusqu'au golfe de la Spezzia.
nombreuses productions. La vérité n'a nulle- Comme le citronnier, dont il a générale-
ment besoin des ressources du style pour être ment la taille, le cacaoyer est recouvert d'une
comprise, et nous serons aussi précis qu'intel- écorce tirant sur le jaune ; comme le citron-
ligibles dans l'exposition de nos procédés pour nier, ses rameaux nombreux sont garnis d'un
améliorer la fabrication d'une substance ali- épais feuillage dont la forme est lancéolée ;
mentaire devenue de première nécessité. On les feuilles de ces deux arbres ont de la res-
nous croira, parce que nos efforts ont eu pour semblance, non-seulement quand elles sont
but d'obtenir des produits plus parfaits et arrivées à leur entier développement, mais
beaucoup moins coûteux ; car nous savons encore dans toutes les phases de leur crois-
qu'en économie domestique il n'y a pas de sance : sortant des bourgeons avec une couleur
véritable perfectionnement, pas de progrès, rose purpurine, elles se nuancent ensuite d'un
sans la diminution des prix. vert pâle pour arriver au vert foncé qui est
IN ousneprétendons point faire
un cours d'his- leur couleur normale ; la seule différence qui
toire naturelle à propos du chocolat ; nous ne existe entre les feuilles de ces deux arbres
dirons du végétal qui en fait la base que ce qui également précieux, c'est que celles du ca-
sera sttictement nécessaire pour arriver natu- caoyer atteignent souvent une longueur de 15
rellement à ses propriétés et à son usage. Nous à 20 pouces, tandis que celles du citronnier
n'écrivons pas cette notice pour fournir des lu- n'arrivent au plus qu'à 8 ou 40; ce qui est
mières au planteur ou au commerçant,qui n'ont encore en rapport avec la belle végétation de
nullement besoin des nôtres, mais pour le pu- la zônetorride.
blic consommateur, qu'on ne peut espérer de Il y a encore des ressemblances entre les
captiver qu'en lui présentant des résultats fleurs du citronnier et celles du cacaoyer, en
positifs. ce qu'elles ont à peu près la même forme et
les mêmes nuances.
De même qu'on voit le citronnier des côtes
DU CACAO. de la Méditerranée fleurir toutes les saisons.
et par conséquent porter à la fois des fleurs et
CHAPITRE PREMIER. — DESCRIPTION DU
des fruits de toutes les grosseurs jusqu'aux
dernières limites de leur développement, on
CACAOYER.
trouve toujours sur le cacaoyer et des boutons,
Du Cacaoyer. et des fleurs, et des fruits de toutes les dimen-
sions ; ce qui prouve que cet arbre fleurit aussi
Tout le monde sait que l'arbre qui porte toutes les saisons.
l'amande appelée cacao est originaire de l'A- Quantau fruit du cacaoyer, il a encore bien
mérique centrale, où il croît et prospère de de la ressemblance avec le gros citron, ou plu-
préférence à tous les autres climats. On a tôt avec les cédrats; l'extérieur a la même
assigné pour bornes à la culture de cet arbre analogie : il contient également une pulpe
précieux la zônetorride, et l'on a été jusqu'à acide et des graines améres plus ou moins
dire qu'on ne peut plus le cultiver au-delà du nombreuses.
22° degré de latitude nord et sud, comme si
en dehors de cette ligne de démarcation il ne (1) Il y atrente am, on voyait encore dans un jardin d"
se rencontrait plus de climat ni de situation la principauté de Monaco, faisant alors partie du départe-
propres au développement du cacaoyer. Heu- meut français des Alpes-Maritimes, un vieux cacaoyer,
produit probablement par quelqu'amande perdue sur ce
reusement il n'en est pas ainsi, et l'on a pu terrain, et qui était parvenu sans aucun loin à une hau-
acclimater cet arbre, non-seulement dans teur presqu'égale à celle des citronniers qu'on cultive avec
d'autres latitudes élevées de l'Amérique et tant de soins dans cet heureux climat. Nul doute que de«
plantions n puissent y réussir.
Mais l'enveloppe de cette pulpe pstbien dif- tés de vins. Il serait donc aussi difficile que
férente quant à sa contexture: chez le ca- fastidieux de chercher à faire connaître toutes
caoyer, cette enveloppe, qui porte le nom de ces innombrables variétés; il nous suffira de
cabosse, se durcit tellement dès que le fruit dire que le commerce les connaît d'abord par
arrive à l'état de maturité, qu'il faut la briser les lieux de provenances, et il dit : cacao de
comme celle de ia noix pour en tirer la pulpe, Gllatimala, de Colombie, du Brésil, des An-
la graine ou cacao. Cette cabosse, d'un vert tilles, auxquels il ajoute les espèces provenant
trés-fin dans sa première croissance, pâlit et des îles d'Afrique.
finit par prendre une teinte jaune prononcée, Nous dirons seulement que le vrai cacao de
parfois mélangée de rouge.quand elle est arri- Soconusco, que l'on regarde assez générale-
vée au point où on la cueille ; à cette époque, ment comme le meilleur, est extrêmement
l'enveloppe ou la cosse du fruit du cacaoyer rare non-seulement en Europe, mais même
est très-dure, rugueuse, sillonnée dans toute dans les lieux de production : nous ajouterons,
sa longueur de traces profondes qui la divisent sans crainte d'être démentis par les fabricants
en autant de compartiments ou côtes pareilles consciencieux, qu'il en entre très peu ou pas
à celles des melons, et dont quelques-unes dans la fabrication du chocolat en France.
s'entr'ouvrent parfois et laissent échapper leurs Au reste, les fabricants n'ont pas à déplorer
grains. Dans le pays où la végétation du ca- la disette de Soconusco; ils le remplacent
coyer est très -active, la cabosse acquiert quel- avec avantage par celui de Caraccas (d), dont
quefois jusqu'à 12 pouces de longueur sur 4 l'importation est aussi immense que la con-
il 5 pouces de diamètre, mais généralement sommation.
elle ne dépasse pas 6 à 7 pouces. Le cacao de cette contrée a toutes les qua-
lités et les formes qui caractérisent celui de
De la graine du Cacaoyer oïl dit Cacao. Soconusco : comme celui-ci, les grains en
sont généralement bien mûrs, et c'est là une
En brisant le fruit du Cacaoyer, on trouve, des première:, conditions qui font les bonnes
sous la dure enveloppe que nous venons de qualités : les amandes du caraque sont aussi
décrire et dont l'épaisseur varie de 4 à 5 lignes, bien nourries que celles du Soconusco, bien
une pulpe rosée, gélatineuse et d'un goût gonflées; seulement elles sont un peu plus
aigrelet ; la cabosse en est presque toute rem- petites et leur forme ovale régulière est quel-
plie. Cette pulpe se fond par la succion, et quefois pointue. On reconnaît le bon caraque
fournit un rafraîchissement précieux pour les à sa pellicule un peu épaisse, souvent couverte
habitants du climat brûlant de la zône torride. d'une terre adhérente micacée provenant du
En mêlant du sucre au jus exprimé de cette terrage qu'il a subi. Quand on casse les fèves,
pulpe acide, on fait une boisson délicieuse elles développent un parfum agréable. La
dont les dames du nouveau monde sont très- couleur de la pâte qu'elles donnent est comme
friandes. C'est une espèce de limonade. celle du Soconusco, d'un beau brun très-clair ;
Au milieu de cette pulpe, divisée elle même la saveur en est exquise, l'arome délicieux et
en cinq compartiments, se trouvent, dans la même de beaucoup supérieur à celui du So-
circonférence de la cabosse, cinq rangées de conusco. Cette première qualité de caraque
graines de la forme d'une petite amande cha- nous arrive des pays compris entre Coro et
cune, irrégulièrement contournées. Chacune Cumana.
de ces cinq rangées contient un nombre plus La vaste contrée connue aujourd'hui sous
ou moins grand de ces graines, toutes superpo- le nom de Colombie nous fournit encore plu-
sées les unes sur les autres dans la longueur du sieurs autres qualités de cacao, soit de Mara-
fruit : le nombre varie depuis cinquante jus- caibo, soit d'Ocana, soit d'autres parties de
qu'à dix graines; il y a même des cabosses qui cet immense continent ; mais ces qualités sont
n'en renferment que cinq. généralement moins estimées.,
Ces grandes différences dans la production Dans la seconde espèce de cacao que nous
de diverses espèces de cacaoyers, et même employons se trouve celui de Maragnon
parmi les cabosses provenant du même arbre, (Brésil), dont les grains, quand ils sont bien
trouvent leur explication simple et naturelle mûrs, sont d'une forme assez ordinairement
dans le sol, le c!imat, les circonstances d'ari- ronde vers le germe, un peu plate et assez
dité ou d'humidité et d'intempériesauxquelles large ; la pellicule de ce cacao est grise ou
Jes plantations sont soumises, autant qu'à la rougeâtre et un peu adhérente. Sa chair est
plus ou moins grande quantité de sève que assez belle et la pâte qu'elle produit est d'une
chaque branche a pu fournir à ies fruits; delà saveur douce, qualité généralementcommune
résulte la plus ou moins bonne qualité des au cacao du Brésil et du Mexique. Le Mara-
récoltes d'une même plantation. gnon est très léger et par conséquent facile à
Figurons-nous ensuite qu'il y a en Amé- digérer.
rique et aux Anlillesautant dequalitésde cacao Telles sont les seules espèces de cacao qu'il
qu'il y a de plantations; que chaque nature nous paraît nécessaire de faire connaître. Nous
de terrain donne des produits différents encore pensons qu'aux yeux du consommateur, tout
entre eux parla culture, par l'exposition, et doit se résumer en deux qualités spéciales.
par mille circonstancesaccidentelles, au point Le cacao de Caraccas, pour sa légèreté, la
qu'on peut dire qu'il y a réellementautant de finesse de son arome, et pour son goût exquis
qualités de cacao dans les divers pays de pro-
duction, que nous avons en Europe de quali. '1; En français, Caraque.
et délicieux. Celui de Maragnon (Brésil), pour soumises à la cour de Madrid. Au bout de
la douceur et la légèreté qui le distinguent quelques années, cette seule préparation fai-
des autres sortes. Le reste ne produit relati- sait consommer dans le Nouveau-Monde 12
vement que des qualités inférieures. millions pesant de sucre, ce qui indiquait que
Tous les cacaos contiennent diverses parties la consommation du cacao par les seuls Euro.
que la chimie a reconnues. Chaque amande péens s'élevait au moins à une égale quantité.
se compose d'amidon, de gomme et d'une On prenait du chocolat le matin, avant la
partie huileuse, appelée beurre de cacao. Mais siesta, même le soir ; des chocolaterias s'éta-
si cette partie butyreuse appartient à toutes blircnt partout et en aussi grand nombie que
les espèces d'amandes, elle est loin de se trou- nos cafés ; des femmes vendaient aussi, dans
ver en même quantité dans toutes les sortes. des échoppes placées au milieu des marchés
l'ar exemple, le fin caraque en est beaucoup et dans des lieux de réunion, du chocolat de
moins pourvu que les diverses autres espèces; toutes qualités, aromatisé de cent manières.
il en de même du Maragnon relativement aux Il y avait donc des chocolaterias pour les ri-
cacaos des Antilles. Les autres qualités con- ches comme pour les pauvres; car toutes les
tiennent encore une espèce de tannin, auquel classes d'habitants de ces vastes contrées en
on attribue le goût désagréable et la propriété faisaient leur principale nourriture, et l'ai.
astringente que l'on reconnaît à tous les cho. maient par-dessus tous les autres alimenta.
colats ordinaires. Les femmes, surtout les créoles, se distin-
guaient par leur passion pour le chocolat, et
Usage du Chocolat tant chez les peuples de il est à remarquer que ce fuient lesreligieuses,
l'Amérique que chez ceux de l' Europe. les nonnes, qui travaillèrent avec le plus de
succès au perfectionnement de cette prépa-
Quand les Espagnols se rendirent maîtres ration.
de l'empire du faible Montézuma, l'usage des Cependant les conquérants de l'Amérique
boissons ou des aliments tirés de l'amande du se montrèrent aussi égoïstes dans la décou.
cacaoyer, infusée, broyée, mixtionnée de di. verte du cacao que dans la possession du Nou-
verses manières, existait au Mexique de temps veau-Monde. Sans songer aux avantages qu'ils
immémorial. Cet aliment portait déjà le nom auraient pu tirer de l'adoption de cet aliment
Chocolatte, que le peuple lui avait donné au par les Européens, ils ne pensèrent qu'à eux.
moyen d'un mot composé du bruit que faisait Ils craignaient sans doute que l'usage du cho.
cet aliment quand il moussait, exprimé en colat dans l'ancien continent n'épuisât les
langue du pays par le mot de choco (bruit) sources de leur jouissance ; car ils étaient loin
et de l'eau (latte) qui entrait dans cette pré- de réfléchir que plus la consommation en se-
paration. rait grande, plus la culture du cacaoyer s'é-
Quoiqu'il en soit de celte étymologie, tou- tendrait et fournirait de richesses inépuisables
jours est-il vrai que le chocolat des peuples aux planteurs. Au lieu donc de chercher à
du Nouveau-Monde différait beaucoup de donner un grand développement à celte cul-
celui dont il sefaitun grand usage en Europe. ture, et par conséquent au commerce du pays.
D'après les Encyclopédistes, les Indiens pré- ils se montrèrent aussi stupides qu'avares, et
paraient cet aliment d'une manière fort sim- furent même jusqu'à défendre toute exporta-
ple : ils rôtissaient le cacao dans des pots de tion du fruit du cacaoyer, qui n'arriva d'a-
terre, le mondaient, le broyaient entre deux bord aux Antilles, en Lspagne même, que par
pierres, ledélayaient ensuite dans l'eau chaude contrebande.
et l'assaisonnaient avec le piment. Ceux qui y Ce ne fut donc que quarante ans après la
faisaient un peu plus de façon, ajoutent ces conquête du Mexique (1520) que l'usage du
mêmes Encyclopédistes,y ajoutaient l'achiotte chocolat, modifié suivant les goûts et les
ou le rocou pour lui donner de la couleur, et lieux, se propagea hors du continent de l'A-
Vatolle pour en augmenter le volume. Tout mérique. La Jamaïque, Saint-Domingue,l'Ile
cela joint ensemble donnait à cette composi- de Cuba et les autres Anti les furent les pre-
tion un air si rebutant et un goût si sauvage, miers pays où cet usage prit racine, et ce fut
que même les soldats de Fernand Cortez la avec autant de passion qu'au Mexique même.
repoussèrent long temps. Héduits à boire de Suivant l'abbé Grégoire, il fut importé en
l'eau, et n'ayant aucune boisson qui pût les 4660 à la Martinique, par le juif Benjamin
réconforter dans ces climats ardents, ils fini- d'A costa.
rent cependant par se convaincre que cette Des Antilles, le fruit du cacaoyer se répan-
boisson rustique était un aliment salutaire : dit sans obstacles dans toutes les parties de
aussi s'étudièrent-ils à en corriger les désa- l'Europe. D'abord en Espagne, où il ne tarda
gréments par l'addition du sucre, de quelques pas à devenir l'objet d'un immense besoin ;
aromates de l'Orient et de plusieurs drogues puis en Italie, où il fut aussitôt classé parmi
dont il ne reste que le nom, la vanille et la les aliments de première nécessité ; et enfin il
canelle seules étant parvenues jusqu'à nous. prit ses lettres de naturalisation en France (1).
En corrigeant ainsi l'amertume du cacao, les Les peuples d'Espagne et d'Italie adoptè-
Européens arrivèrent à apprécier sa qualité rent ce nouvel aliment avec toute l'ardeur de
stomachique et à priser son arôme. Les domi. leur caractère (2). Le perfectionnement du
nateurs des Mexicains s'adonnèrent bientôt
(1) Suivant l'abbé Grégoire, 1, cacao fut importé en
au chocolat, et le goût s'en répandit promp- France pour la première Cois en1661.
tement dans tontes les contrées de l'Amérique à
2* Ou faithonneur un Italien du nom d'Antonio Car.
chocolat, la bonification et le choix des aro.
mates qui concouraient à le parfumer, ou des Des différentes propriétés dll chocolat, et de
drogues qui modifiaient l'amertume native du son usage e1l Fi ance.
cacao, furent dans ces contrées l'objet d'un
grand nombre de dissertations, et de graves au. Nous ne parlerons pas ici des propriétés né.
teurs ne craignirent pas de ravaler leur plume gatives ou même dangereuses des mauvais
en traitant ex professa de cette amande, qu'ils chocolats, les bonnes qualités sontseules bien-
regardaient à juste titre comme un des dons faisantes; aussi, nous nous bornerons à certifier
les plus précieux de la bienfaisante nature (1). que, si quelques médecins ont reconnu à cer-
tn France, l'usage du chocolat s'introduisit tains chocolats le défaut d'être lourds à digé-
plus lentement, et fut mème assez longtemps rer ou échauffants (1), c'est parce qu'ils avaient
a se naturaliser. Vigneu! de Marville nous été fabriqués avec des espèces de cacao trop
apprend que le cardinal de Lyon, Alphonse butyreuses, ou parce que l'on avait gâté les
de Richelieu, fut le premier qui usa de cette propriétés bienfaisantes de cet aliment par des
drogue : J'ai oul dire à l'un de ses domes- mélanges de farineux, de drogues ou d'aro-
tiques, rapporte-t-il, que le cardinal s'en ser- mates, plus propres à flatter le goût des palais
vait pour modérer les vapeurs de sa rate, et blasés, qu'à satisfaire les besoins de l'esto-
qu'il tenait ce secret de quelques religieux mac, ou enfin, parce qu'on n'avait pas apporté
espagnols. - D'autres auteurs assurent que le dans la fabrication les connaissances et les
chocolatfutintroduitenFrancepar des cadeaux soins sans lesquels on court le risque d'enle-
que des moines espagnols firent à des moines ver au cacao toutes les propriétés salutaires
français. Ce qu'il y a de positif, c'est que ce qui en font un aliment exquis et substantiel.
furent les nobles et les riches qui commencè- Après les pernicieuses expériences du gi-
rent à en prendre, attendu que les. droits sur rofle, du piment, etc., on s'est rejeté sur la
le cacao ne permettaient pas de mettre cet canelle et la vanille, dont on aromatisait for-
aliment à la portée de toutes les bourses tement les bonscomme les mauvais chocolats;
,
comme cela est arrivé de nos jours. on ne fabriquait plus que du chocolat à la
Quoiqu'il en soit de cette introduction, demi-vanille, à une vanille, à deux, à trois
nous devons constater qu'un grand nombre vanilles. « Mais, nous disent les Encyclopé-
de voyageurs, de naturalistes, de savants et de distes, une longue expérience ayant appris
médecins français nous ont donné, soit des des- qu'elle échauffait considérablement, l'usage en
criptions du cacaoyer et de sa fève, soit des est devenu moins fréquent, et toutes les per-
traités sur la culture de cet arbre précieux, sonnes qui préfèrent le soin de leur santé au
soit d'utiles renseignements sur la fabrication plaisir de leur sens s'en abstiennent mainte-
du chocolat, soit enfin de consciencieuses dis- nant. - Il ne faut pas oublier, qu'outre l'in-
sertations sur ses propriétés (2). convénient grave d'irriter, l'addition d'aro-
Nous nous bornerons à rappeler succincte- mates aussi puissants que la vanille et la can-
ment ce qui a été dit par les hommes compé- nelle avait encore un autre résultat désas-
tents sur les diverses propriétés reconnues au treux pour le bon chocolat, celui de lui enle-
fruit du cacaoyer et aux différentes espèces de ver l'arome exquis, le parfum délicieux des
chocolats que les fabricants ont jusqu'à ce jour bons cacaos qui ne sauraient être remplacés.
livrées au public, et nous arriverons ainsi à D'autres fabricants gâtent toutes les bonnes
l'objet qui nousoccupe,lemode de fabrication et agréables qualités du cacao en le faisant
que nous avons adopté pour obtenir des pro- rôtir, sans se douter que par cette inepte opé-
duits meilleurs et moins chers. ration , non-seulement on lui enlève son
arome et son parfum, mais encore qu'au lieu
letti de l'introduction du chocolat en Italie. Il l'y apporta d'un aliment pectoral et substantiel, il ne
d'Espagne, où il avait séjourné auprès d'Anne d'Autriche,
tillede Philippe Il. produit plus qu'une matière amère ou âcre,
(1) Premier Traité sur le chocolat, par le cardinal Bra- fortement astringente et dépourvue de toutes
uncio. Un Traité sur la fabrication par Vincenzzo Caradn, ses qualités salutaires.
et un autre du docteur Félicie. Le chocolat fnt encore Enfin, des spéculateurs sans conscience
l'objet d'une grande dispute théologique entre les ca.
suistes. tant italiens qu'espagnols, dont les uns prétendaient osent donner le nom de chocolat à une pré-
que cet aliment rompait le jeûne commandé par l'Eglise paration dans laquelle ils substituent des ger-
catholique, tandis que les autres soutenaient le contraire.
Les docteurs décidèrent que, pris au lait, il rompait effec- mes et autres résidus torréfiés, de la fécule, à
tivement le jeûne, mais qu'en le prenant à l'eau, on n'en- la pâte du cacao, et des matières grasses ani-
freignait nullement ses commandements. Les scrupules males ou végétales, à la partie butyreuse de
religieux furent ainsi levés sans priver les fidèles d'une
nourriture aussi propre à flatter leur palais qu'à susten- cette fève. C'est, comme on le voit, ne con-
ter leur estomac. server que le nom de l'aliment qui fait les
(2, Au premier rang des naturalisles,des savants
ou des délices d'une grande partie du globe.
voyageurs qui nous ont appris à connaître le cocaoyer et ses 11 ne faut donc plus s'étonner si les proprié-
produits, nous devons placer Linnée, Raynal. le père Labat,
Humbold, Bo nipian ; parmi les botanistes ou médecins qui tés bienfaisantes du chocolat ont été quelque-
ont traité des propriétés du chocolat, nous nous bornerons fois méconnues; cela devait être, puisqu'on ne
à citer Richard, Nancy, Valmont d. Romare, Parmentier, s'étudiait qu'à altérer l'essence du cacao, soit
Cadet de Gassicourt, Chevalier, Ali~hert, etc.; enfin,
nous
possédons d'excellents articles sur le chocolat ou sa fabri- par ces additions détestables, soit par les mau-
cation, soit dans l'ancienne Encyclopédie, soit dans celle
dite moderne, de M. Courtin, soit dans le Dictionnaire des (1) (! 'est encore là le principal
Sciences naturelles, artirle d. Macquart, soit en lin dans défaut des chocolats qui
celui des Sciences médicales, article de M. Cadet de Gas- nous des
arrivent Pyré née s, d'Espagne H d'Italie ils irritent
considérablement l'estomac par h-s aromates qu'ils con-
iireiirt. Pllt.
tiennent
vais procédés employés dons la fabrication parlait que comme un aliment destiné seule.
elle-même. ment aux vieillards, aux convalescents, aux
Grâce aux avis de la science médicale, à
l'expérience des consommateurs, aux essais personnes épuisées par le travail ou par des
excès. Cela devait être, car la cherté du ca-
multipliés de nouveaux fabricants et au désir cao, les droits énormes dont il était frappé à
de rendre le chocolat à sa pureté native, on
abandonne aujourd'hui les fausses routes où la son entrée en France, autant que la longueur
des procédés de fabrication rendaient le cho-
fabrication se fourvoyait. colat un pur objet de luxe, qui n'étaient abor-
Dépouillé de toutes ses altérations et fabri- dable que pour les classes riches ou pour ceux
qué avec les soins qu'il exige, le chocolat qui qui en avaient un indispensable besoin.
sort aujourd'hui de notre fabrique a repris tout Aujourd'hui il n'en est plus ainsi : le choco-
son arome, tout son parfum, toutes ses quali- lat est devenu en France ce qu'il est depuis
tés. C'est maintenant qu'on peut dire, avec les longtemps en Amérique, en Espagne et en Ita-
savants auteurs de l'Encyclopédie, du Diction- lie, un objet de première nécessité pour tous.
naire des Sciences naturelles et celui des Tout le monde a senti la supériorité d'un ali.
Sciences médicales : ment aussi salubre, aussi nourrissant ; les per-
— « Le chocolat bien préparé est d'un par- sonnes qui ont des occupations journalières
fum exquis et d'une grande délicatesse de goût; de cabinet ou de bureau en ont bientôt appré.
il est d'ailleurs trés-léger sur l'estomac et ne cié tout l'avantage, et se sont empressées de
laisse aucun résidu ni dans la chocolatière ni l'adopter. Mais le triomphe du chocolat en
dans les tasses (1). » France ne scia complet que lorsque, par la
— « Il y a longtemps qu'on appelle le diminution de son prix, il sera devenu l'ali-
chocolat le lait des vieillards: on le regarde
ment de tous, de l'ouvrier même qui y trou-
comme très-nourrissant et comme tres-propre vera économie de temps, d'argent et de soins,
à réveiller les forces languissantes de l'esto-
en même temps qu'une nourriture saine, agréa-
mac (2). » ble, substantielle, propre à lui permettre d'at-
— « Le chocolat est très-nourrissant, parce tendre sans impatience et sans fatigue l'heure
que les fruits du cacaoyer le sont beaucoup eux- du dîner.
mêmes. Il fortifie l'estomac, ranime les esprits, C'est à cet heureux résultat que nous aspi-
contribue à réparer d'une manière très-prompte
les forces abattues ; c'est pourquoi il est d'une rons; c'est à ce but utile que nous avons fait
tendre tous nos efforts, toutes nos expériences,
grande utilité à ceux qui se sont épuisés avec toute notre ambition ; on en sera facilement
les femmes, qui sont en bon train de conva- convaincu, quand nous aurons dit que toutdans
lescence, ou qui se livrent à des travaux ou à
des exercices violents (3). » notre manière d'opérer a été dirigé vers une
économie de temps, de main-d'œuvre et de
— « On croit encore que le chocolat est capitaux qui doit réaliser le but que nous pour-
très bon pour la poitrine; on en recommande suivons. Nous pensons donc qu'en offrant aux
l'usage aux phthisiques. Ayant soin de le cou-
consommateurs, à trois sous la tasse, un cho-
per avec du lait (4), il adoucit l'acrimonie des colat parfait, nous avons déjà fait un pas vers
humeurs et forme un excellent déjeûner pour
ce but, et qu'il nous est permis, sans illusion,
a
Jes personnes attaquées de consomption. Ler-
visde Tabidorf connu un enfant de trois ans,
abandonné des médecins, que sa mére a réta-
d'espérer l'atteindre.

bli en lui donnant du chocolat à petites doses, De la fabrication du chocolat etdesmudications


mais fréquemment répétées (5). » qu'elle a subies.
-- Si le véritable chocolat est un aliment
«
aussi nourrissant que léger à l'estomac, il faut
Il y a sans doute bien loin de la fabrication
simple et rustique du chocolat par les anciens
se méfier de toutes ces préparations par les- peuples du Mexique à l'emploi de ces superbes
quelles des ignorants ou des fourbes en cor- machines inventées récemment pour perfec-
rompent, en altèrent, en vicient toutes les tionner cette fabrication. Mais aujourd'hui que
bonnes qualités. Les médecins éclairés ne doi-
vent jamais conseiller l'usage de ces prépara- nous avons reconnu l'inutilité parfaite, totale
tions nuisibles ; c'est à eux seuls à prescrire les
de ces machines quant à ce but. nous tendons
additions qu'ils peuvent juger nécessaires, et à nous rapprocher de la simplicité primitive,
dans les proportions qu'ils croiront convena- tout en perfectionnant réellement.
bles, etc. (6). Dès que le fruit du cacaoyer parut en Eu-
Telles sont les qualités que l'on reconnais. rope, précédé de sa réputation, on s'étudia,
sait il y a soixante, trente ou vingt ans au bon tant en Espagne qu'en Italie, à perfectionner
chocolat ; mais il est facile de voir qu'on n'en la fabrication du chocolat, sur laquelle on pu-
blia maints traités. On s'arrêta longtemps à un
mode qui consistait à dépouiller les amandes
(1) Encyclope die ancienne. déjà mondées; on les pelait, on les rôtissait
(2) Ancienne Encyclopédie. dans une bassine sur un feu modéré ; on les pi-
(3) Dictionnaire Jes Sciences naturelles, article de M. lait ensuite dans un mortier bien chaud ; quand
Macquart.
V Nous ferons observer que le chocolat est plus léger on les avait réduites en une pâte liquide, on y
ùl'eau pure. ajoutait la quantité desucre convenable, et l'on
5 Dictionnaire des Sciences naturelles, article de M. soumettait ie tout à l'action d'un rouleau ou cy-
Macquart.
,(i) Dictionnaire des Sciences médicales, article de M. lindre en fer, qui agissait sur une pierre plate
Cadet de 1,
aussi chauffée et qui l'amenait à la finesse con-
venable. Cette pâte, encore chaude, était mise ne doive agir insensblemer.t de manière,
dans des moules de fer-blanc, où elle prenait que de la moins :dure il doit se détacher,
la forme de tablettes. à la longue une grande quantité de par-
Nous ne nous arrêterons pas à toutes les ,
celles ferrugineuses qui nécessairementrestent
imperfections de cette manière de fabriquer, dans le chocolat fabriqué, et ne peuvent man-
parce qu'elle n'est plus guère en usage que quer d'en altérer la pureté.
chez certains marchands qui ne font de cet ar- Mais ce ne sont là que les reproches les plus
ticle qu'un accessoire, et auquel ils sont, quant généraux, il est un autre point de vue sous
aux soins qu'il réclame, tout-à-fait étrangers. lequel nous devons envisager l'emploi de ces
Nous arriverons aux premières machines que machines.
cette industrie en enfance a saluées comme un Nous avons dit que nous ne reconnaissons
progrès. de véritables perfectionnements qu'autant
De ce nombre sont celles que nous voyons qu'ils ont pour résultat une diminution dans
fonctionner encore aujourd'hui au moyen des l'es prix de l'objet fabrique ; eh bien ! nous ne
bras d'un homme; une pression plus forte, craignons pas de trouver un seul opposant lors.
plus régulière, voilà l'amélioration dont on les que nous affirmons que, loin d'obtenir ce but,
glorifie ; quant à l'économie de main-d'œuvre, les machines dont nous venons de parler aug-
loin d'y atteindre, elles l'augmentent au con- mentent les frais dans une effrayante propor-
traire ; et encore est-ce là leur moindre incon- tion, surtout si l'on considère le prix énorme
vénient: l'usage pernicieux du mortier chauffé de leur achat et celui plus lourd encore de
leur est-il toujours indispensable? car ces ma- leur entretien. Elles ne sont donc réellement
chines ne peuvent fonctionner qu'après celte qu'un obstacle à la diminution du prix du cho-
préparation ruineuse des bienfaisantes qualités colat, et jusqu'à ce qu'on nous démontre par
du cacao. des chiffres et mieux encore par des faits, que
Cet inconvénient était trop grave pour ne les produits de ces machines peuvent être li-
pas chercher à s'y soustraire ; aussi de riches vrés à un prix plus modéré que celui établi
fabricants, des négociants mêmes étrangers à avant leur usage, nous nous croirons toujours -
cette fabrication prêtèrent l'oreille à des idées autorisés à proclamer que leur emploi n'a
conçues par d'habiles mécaniciens, et dotèrent point avancé la fabrication qui nous occupe, et
cette industrie de ces brillantes machines que qu'au contraire il l'entrave.
nous voyons fonctionner aujourd'hui entourées
d'amateurs. De noire propre fabrication.
Par ces machines, la fabrication a-t-elle fait
un pas vers son but? non; le mécanicien seul La première et la plus importante de nos
a droit aux éloges pour l'exécution et le fini de opérations,après le choix scrupuleux du cacao,
son ouvrage, mais le public n'a rien à gagner est celle si improprement appelée de brûler le
à acheter du chocolat ainsi fabriqué; nous di- cacao. Cette opération exige l'expérience la
sons rien, car cette fabrication est infiniment plus consommée et les soins les plus suivis.
plus chère, et la qualité de ses produits est On avait adopté en France l'usage importé
loin d'en être augmentée. Beaucoup de ces d'Italie de briller le cacao, et on le brûlait ef-
machines conservent encore hors des yeux du fectivement si bien, qu'on le réduisait à un
public l'usage déplorable du mortier ; quel- état de carbonisation complet. Cependant le
ques fabricants l'ont remplacé par des moulins simple bon sens indiquait assez qu'en faisant
à paie, c'est-à-dire qu'ils réduisent le cacao rôtir l'amande, on lui enlevait toute sa partie
qu'on leur donne en grains en une pâte assez nutritive, et qu'au lieu d'un aliment exquis,
liquide pour recevoir le sucre; c'est sans doute substantiel, parfumé, on ne devait plus obtenir
une amélioration notable, mais qui n'est pas du cacao, ainsi dénature, qu'une substance
complète. amère, rebutante et difficile à digérer, puisque
En effet, ne retrouve-t-on pas une partie ses principes doux et onctueux avaient dis-
des anciens inconvénients dans la table en paru, pour ne laisser qu'un résidu sans aucune
fonte de beaucoup de ces machines : l'énorme propriété nutritive , et n'ayant plus qu'une
pression à laquelle se trouve soumise cette saveur âcre et brûlée.
pâte, lorsqu'elle a été sucrée, le frottement C'est pourtant là le procédé qu'on employa
continuel sur le fer chauffé ne lui commu- longtemps pour faire du bon chocolat; c'était
nique t-il pas déjà un goût étranger à la finesse à qui brûlerait l'amande du cacaoyer. On
de son arôme, et sa partie huileuse ne souffre-t- n'attachait aucune importance à lui conserver
elle passensiblementd'un contact aussi échauffé ses précieuses qualités. On s'exerçait à qui
et aussi puissant ? Ceci est incontestable et a mieux lui enlèverait son arôme, son parfum
été senti par plusieurs fabricants,qui ont rem- naturel, pour le remplacer par des ingrédients
placé les rouleaux ou la table en fonte par des de haut goût. Un pareil aliment devait être si
tables on des rouleaux en marbre ; ce n'est rebutant et si malfaisant, qu'on a lieu de s'éton-
faire disparaître l'inconvénient qu'à moitié, ner que l'usage du chocolat n'ait pas été en-
car il reste toujours l'énormité de la pression, tièrement rejeté.
et par là, le contact obligé d'une grande cha- Heureusement, il y avait dansl'amande du
leur pour la partie huileuse si délicate dans le cacao des principes trop appréciés pour être
cacao. entièrement méconnus. Beaucoup d'efforts
D'un autre côté, on ne peut se dissimuler furent faits pour abandonner les procédés
que le frottement de ces parties métalliques vicieux employés par l'aveugle routine. Ani-
niés du désir d'améliorer, des fabricants stu- pression ou de frottement quelconque, quel-
dieux travaillèrent à sortir des vieilles or- ques tours sur une machine de trois rouleaux
nières, et le résultat de leurs combinaisons en granit suffisent pour compléter l'alliance
nous amena à l'application de la vapeur pour intime entre la pâte de l'amande et le sucre.
la torréfaction du cacao. C'est par cette absence totale de chaleur et
C'était une grande amélioration que celle de frottement que nous conservons à nos cho-
qui nous débarrassait de l'action dévorante du colats cette belle couleur claire, ce goût franc
feu, toujours si difficile à diriger et à mainte- et pur, cet arome délicat et naturel qu'on y
nir à un même degré de chaleur. Mais les per- trouve et qu'on chercherait en vain dans des
sonnes familiarisées avec la fabrication du produits plus vantés.
chocolat ne tardèrent pas à s'apercevoirque,si Nous avons dû nous abstenir de tous mé-
la vapeur ne manquait pas d'agir fort réguliè- langes, de toutes aromatisations étrangères,
rement, son action était trop lentement efli- telles que celle de la vanille, de la cannelle,
cace, et qu'on retombait dans le défaut con- du girofle, de l'ambre, etc., etc.; les unes au
traire à celui de la-torréfaction par le feu nu. moins inutiles ou destructives de l'arome du
Le procédé de dessiccation par la vapeur étant cacao, les autres enfin, nuisibles et même dan-
d'ailleurs très-long, rendait ce moyen impra- gereuses, comme échauffantes, astringentes ou
ticable. irritables.
C'est donc à l'air chaud que nous avons de- Le chocolat ainsi fabriqué est, sans contre-
mandé ce qu'on n'avait pu obtenir ni du feu dit, un aliment nourrissant, tonique et le plus
nu, ni de la vapeur, et le succès a été com- léger que l'on puisse trouver dans le regne
plet. Par cette manière de préparer le cacao végétal ; nous sommes heureux de pouvoir
pour sa réduction en pâte, nous avons obtenu ajouter qu'il est aussi aujourd'hui un des moins
les produits les plus parfaits qu'on ait encore coûteux, pour ne pas dire le plus économique,
offerts aux consommateurs. Le chocolat que eu égard à ses propriétés nutritives. Nous ne
nous fabriquons par notre procédé tne perd doutons pas qu'il ne devienne insensiblement
rien de son parfum, de sa finesse, de ses la nourriture du riche comme du pauvre, de
bonnes qualités; il n'a jamais ni âcreté, ni l'homme de bureau comme de l'homme oc-
verdeur, on en savoure l'arome vrai, naturel; cupé de travaux manuels.
en un mot, c'est la fève du cacaoyer dégagée Nous terminerons cette notice par quelques
de tout ce qui lui est étranger, et dont les réflexions sur toutes ces espèces de chocolat
principes purs et sans altération aucune sont que nous voyons pompeusement annoncer
mets à s'unir à telles substances qu'exige la chaque jour, comme analeptique, auti-spas-
fabrication du chocolat. modique, etc., etc. Nous n'aurons besoin,
On vient de voir quelle importance nous at- pour faire ressortir les inconvénients de toutes
tachons à la qualité du cacao, au choix auquel ces préparations hétérogènes, que de donner
il doit être soumis et surtout à la première ici un extrait de l'opinion consciencieuse
préparation qu'il doit subir; cette opération émise. il y a 25 ans, par une de nos célébrités
étant à nos yeux Ja base essentielle de toute pharmaceutiques.
bonne fabrication, nous partirons de ce point Le charlatanisme, qui corrompt nos ali-
«
pour faire connaître à nos lecteurs la simpli- ments comme nos remèdes, dit M. Cadet de
cité de nos procédés; ils concevront alors Gassicourt, dans son article Chocolat, du Dic-
comment nous pouvons livrer des chocolats tionnaire des Sciences médicales, prône beau-
fins et parfaits à des prix de près de moitié coup dans Paris une préparation, sous le nom
moins élevés que ceux établis chez d'autres de chocolat analeptique au tapioka ou au sa-
fabricants; nous laissons à la sagesse et à la gou, etc., etc. On peut avoir la fantaisie ou la
délicatesse du goût des consommateurs le soin curiosité de goûter de pareilles préparations,
de juger la bonne foi de notre annonce et le mais des médecins éclairés n'en conseillent
résultat de notre fabrication. jamais l'usage ; si le bon, le véritable choco-
Après la torréfaction exécutée au moyen de lat leur parait trop léger, ils y associent, sui-
l'air chaud, nous soumettons notre cacao à vant le cas, quelques substances nutritives,
l'action d'une machine, dont les deux piéces dont ils indiqusnt eux-mêmes la proportion et
principales sont deux meules en granit, polies, qu'ils jugent appropriée à l'élat du malade.»
taillées et placées de façon à ne laisser échap- M. Cadet de Gassicourt avait raison de flé-
per la matière que lorsqu'elle est tellement trir toutes ces spéculations, car les qualités to-
réduite en pâte, qu'elle file pour ainsi dire niques, rafraîchissantes et nourrissantes que
comme le ferait une huile de quelque consis- l'on veut donner au chocolat par ces préten-
tance. De cette manière, nous obtenons une dues additions, il les possède déjà naturelle-
pâte parfaitement liquide, régulière et propre ment dans sa pureté, et l'on ne peut espérer
à recevoir le sucre, qui lui-même se trouve rien de mieux de ces mixtions avec lesquelles
on prétend faire de cet aliment une ridicule
panacée universelle.
Nous pensons, au reste, comme ce savant
chimiste, que si les médecins jugent à propos
d'ajouter quelque substance au chocolat pur,
c'est à eux seuls il prescrire la qualité et la
quantité, afin de l'approprier à l'état du ma-
lade; que s'il ne b'agit que d'une affaire de goût
et de caprice pour les personnes en bonne argent ou eu cuivre bien étamé (!), le nom-
santé, alors c'est à elles qu'il appartient de bre de tablettes de chocolat, cassées par mor-
mêlerà leur chocolat tel aromate, tel parfum,
telle substance qui peut flatter leur sens.
ceaux, que l'on désire préparer; on y ajoute
une petite quantité d'eau pour le fondre, on
l'agite, afin de le bien délayer ; aussitôt qu'il
est parvenu à ce point, on verse la quantilé
De la préparation du Chocolat. d'eau ou de lait nécessaire, et on le laisse
bouillir quelques minutes seulement. Si l'on
Nous avons vu comment les peuples de l'A- désire le prendre mousseux, il faut, lorsque
mérique centrale préparaient leur chocolat. l'écume monte, agiter dans tous les sens afin
Les Espagnols continuèrent longtemps à em- de le faire mousser ; servi ainsi tout chaud
ployer le même procédé ; ils travaillèrent seu- dans les tasses, il est léger et moëlleux.
lement à corriger le goût de cet aliment sa- Ces proportions d'un douzième de livre
lutaire, en mêlant à la partie du cacao le sucre qu'indique chaque tablette sont le plus ordi-
de canne, la vanille et autres aromates plus nairement employées ; cependant on peut
échauffants qu'utiles. augmenter la quantité d'eau ou de lait, si l'on
veut prendre son chocolat plus léger, et la
Aux Antilles, on se borna à faire des pains diminuer si on le veut plus fort ; mais on ne
de cacao pur et sans aucune addition, qu'on doit pas perdre de vue que, pris de celle der-
ratissait avec une râpe, quand on voulait pré- nière manière,on le digérerait moins aisément.
parer la boisson ; on y ajoutait ensuite du su- Le consommateur suppléera de lui-même à
cre en poudre passé au tamis de soie, de la l'insufiisance de nos indications ; mais ce qu'il
cannelle ou dela vanille, et l'on jetait ce mé- lui importe desavoir, c'est que, secondés aussi
lange dans la chocolatière avec un œuf frais. par une grande diminution sur les droits
On mêlait ensuite le tout avec un moulinet, d'entrée des cacaos, nous sommes en me-
jusqu'à ce qu'il fût réduit à la consistance du sure de lui offrir, à trois francs le demi kilog,
miel liquide, sur quoi l'on versait la liqueur le chocolat fabriqué avec le pur, le vrai cacao
bouillante (eau ou lait), pendant qu'on faisait de Caraccas, et à deux francs celui fait avec
rouler le moulinet avec force pour bien in- le cacao du Brésil, appelé Maragnon. Ce ré-
corporer le tout ensemble. On servait le cho- sultat est sans doute celui auquel on ajoutera
colat quand il moussait bien. Les gourmets moins de foi; mais, nous le répétons, nous
y ajoutaient encore de l'eau de fleur d'oran- ne réclamons l'indulgence du consommateur
ger, et même quelques gouttes d'ambre. Ce que pour notre style ; quand à son jugement
chocolat, ainsi préparé, ne laissait pas d'ètre sur nos produits, nous acceptons sa sévérité,
fortement du goùt des créoles. et c'est avec confiance que nous t'attendons.
En France, nous prenons généralement le On devra toujours trouver chaque tablette
chocolat au lait ; nous devons dire que la ma- revêtue de notre nom.
nière la plus simple et la plus saine, c'est de

..
le préparer à l'eau pure. (1) faut éviter de faire bouillir le chocolat dans des
11
ustensiles dt. fer-blanc, parce qu'il j pourrait eu contracter
Cette préparation n'exige aucun de ces longs le goût. Ou doit aussi, pour le bien delayer cl au besoin
soins que l'on employait autrefois. Il suffit le faire mousser, se servir d'un moulinet ou moussoir en
racine de huis; cet ustensile h très-simple abrége la
pour cela de mettre dans une chocolatière en ration etdonne au résultat une homogénéité parfaite.

DU CAFÉ.

O mortels trop heureux, qui de cette liqueur non moins important de préparer le café et
Avez souvent goûte le parfum enchanteur, de l'obtenir parfait. Les recherches auxquelles
Vous chassez loin de vous la lourde somnolence; nous avons du nous livrer pour la torréfaction
La vigueur de vos sens remplace l'indolence du cacao et pour rendre au chocolat ses qua.
Vous sentez poindre en vous des aiguillons nouveaux, lités aussi bienfaisantes que délicieuses, nous
Pour vous livrer gaîment à d'utiles travaux. ont conduit à adoptera peu près les mêmes
Diligemmentdu jour vous devancez l'aurore, principes à l'égard de la fève du caféyer, et
Tandis que dans leur lit d'uulres dorment encore.
nous croyons aussi être parvenus à pouvoir
De MERRy. offrir au consommateur un café torréfié sus-
Nous ne regarderions pas comme complètes ceptih'e de se garder longtemps dans toute
les notions que nous venons de donner sur la sa pureté.
préparation du chocolat, si nous ne les fai- Nous ne prétendons point retracer ici
sions suivre d'une courte dissertation sur l'art- l'histoire de la dccQuvcr'e du café, non plus
que de sa culture, de son introduction en Après lecafé Moka vient pour notre usage
Europe, des phases diversesqu'il a éprouvées, celui de l'île Bourbon. Quoiqu'importé d'Ara-
soit dans les prohibitions dont il a été l'objet, bie et cultivé sous le même climat, le café
soit dans son immense importation dans les Boni bon ne présente pas, à notre avis, toute
contrées ou il est aujourd'hui un objet de la supériorité que certains auteurs se sont plus
première nécessité; tout cela est loin de nous à lui donner; on a été jusqu'à dire qu'il éga-
et intéresse trop peu le consommateur pour y lait parfois les meilleurs cafés Moka. Nous
revenir aujourd'hui ; homme d'expérience et avons répété de fréquentes expériences sur
de pratique sur sa consommation, c'est avec des cafés de Bourbon appelés jaunes dorés;
empressement que nous nous sommes livré à la on sait que cette sorte passe pour la meilleure
recherche des moyens de conserver au fruit du de celle !Ie; eh bien! nous avons toujours
cafêyer, dont la réputation universelle ne reconnu que, malgré un parfum assez suave, il
trouve plus de contradicteurs, toutes les ver- est vrai, ces cafés ne possèdent qu'une force
tus que les vices de sa préparation ne lui en- incomparablement moindre. Quant aux Bour-
lèvent que trop souvent. bons verts, comme ils sont inférieurs aux
Le café vert, c'est-à-dire non torréfié, tel jaunes, nous ne nous y arrêterons pas ; nous
que le commerce le reçoit des lieux de pro- conseillerons seulement de ne faire usage de
duction, nous arrive de toutes les contrées où ces diverses sortes qu'à défaut de Moka, dont
le soleil darde ses rayons, mais particulière- le prix n'est guère plus élevé.
ment de l'Arabie, des îles de la mer Asiatique Le café de la Martinique tient le premier
et de celles de l'Océan Atlantique. Chaque rang parmi ceux des Antilles; si son arome est
pays a sa qualité particulière, mais comme il moins délicat que celui d'Arabie, en revanche,
serait trop long de les énumérer, nous nous il a l'avantage d'être infiniment plus fort. Sa
bornerons à ne parler que des espèces le plus fève est aussi beaucoup plus grosse et plus
en usage et surtout les meilleures. longue : elle est d'un beau vert, recouverte
le
En première ligne nous placerons café pro- d'une pellicule argentée. Dans cet état, on
venant des bords delà mer Rouge,connu dans l'appelle Martinique fin vert; en vieillissant
le commerce sous le nom de café Moka. C'est il blanchit, mais cette transformation, au lieu
sans contredit le plus riche, le plus agréable, de nuire à sa qualité, ne fait souvent que faire
le plus exquis en parfums et en principes vola. perdre le goût de vert qu'il a conservé quel.,
tils ; son délicieux bouquet se savoure long- quefois et le rend ainsi meilleur que lorsqu'il
temps encore après l'avoir pris. C'est à tort est nouveau.
que l'on croit que l'Europe et la France en Le café de la Guadeloupe a la fève d'un
particulier ne reçoivent presque pas de café beau vert luisant, d'un œil plus ou moins
moka ; cela pouvait être vrai pour des temps plombé; elle est forte et oblongue ; sa qualité
déjà éloignés de nous, mais aujourd'hui tous ne diffère pas essentiellement de celle du café
nos marchés sont abondamment pourvus de ce Martinique, et il est souvent confondu parles
café d'Arabie, et le prix eu.est diminué sen- consommateurs et même par le commerce
siblement, avec ce dernier café.
Le café du Levant, d'Ouden ou de Moka se il en est de même de ceux de Marie-Ga-
vend indistinctement sous celte dernière dé- lande (1).
nomination : la féve en est jaune, quelque peu Hors des espèces que nous venons de men-
verdâtre, recouverte d'une pellicule dorée ; tionner, il n'est plus permis de chercher des
la forme est courte arrondie, le grain petit qualités propres à fournir une boisson salubre,
ettrés-sec; l'odeur en, est très agréable, même agréable, et moins encore aussi franche, aussi
avant d'être torréfié. En somme, il a plus d'a. délicate que celle des cafés Moka, Bourbon,
rome, plus de finesse que les cafés verts des Martinique. etc. Les cafés de Kio, Porto,
Antilles ; mais il a moins de force que ces Java, Ceylan, Manille, Guyara, St-Domingue,
derniers. etc., ne sont guère employés que par les per-
Le choix du café Moka, pour être heu- sonnes pour qui l'économie est le premier
reux, doit être fait avec une scrupuleuse at- besoin, ou comme mélange par des spécula-
tention. Il faut se méfier de ces cafés dont les teurs plus avides de gain que jaloux des qua-
grains présentent généralement une forme lités.
très bien arrondie, une propreté parfaite. Ce Si le consommateur doit apporter un grand
sont des grains triés dans toutes les sortes, soin dans l'achat de son café, il n'en doit pas
mais presque toujours dans les cafés Bour- donner moins aux diverses préparations qu'il
bon, et c'est souvent dans les plus mauvaises exige, et qui sont plus difficiles qu'on ne le pense
espèces que certains marchands vont chercher généralement.
les moyens, non de satisfaire le palais, niais de La torréfaction est de toutes ces opérations
tromper l'œil du consommateur de bonne la plus importante, car si le café est brûlé et
foi. Mieux vaudrait faire usage du café Moka non convenablement torréfié, au lieu d'offrir
tel qu'il nous arrive quelquefois, c'est-à-dire, une boisson délicate, d'un arome fin, d'un
assez souvent surchargé de pierres, de pous. goût agréable, il ne donne plus qu'un breu-
sière, de grains noirs et en coques. Celui-ci au vage épais, amer, rebutant, et dont toutes les
moins, quelle que soit l'irrégularité de sa
forme, et quoique moins bon que celui de (1)Nous devons néanmoins faire observer que ces cafés
choix, est encore fort agréable ; l'odeur en est ne donnant pas toujours, étant j>ris seuls, une boisson
parfaite et l'usage satisfaisant. agréable, il devient nécessaire de les mélanger avec des
traies d'Arabie ou de Bourbou.
qualités douces, bienfaisantes ont été détruites on le grille. Quant à l'usage du brûloir ou
par la dissipation des parties volatiles qu'il cylindre en fer, l'expérience nous a démontré
renfermait: son huile essentielle a contracté qu'on réussit difficilement à bien torréfiier le
un goût de brûlé et d'amertume capable de café, quand on n'a pas l'habitude de s'en servir.
causer de graves inconvénients. Pénétrés de toutes ces difficultés, de toutes
Voilà cependant à quoi sont exposés jour- ces imperfections, nous nous sommes mis à la
nellement les trois quarts au moins des con- recherche des moyens d'offrir au consomma-
sommateurs qui s'approvisionnent chez des teur du café exempt de tous ces défauts et
marchands épiciers, dont les soins pour la pré- susceptibles de se conserver longtemps sans
paration de cet article si important ne s'éten- altération, soit en crains, soit en poudre.
dent pas bien loin. Ne voyons-nous pas tous On sait quelles difficultés présente la bonne
les jours cette opération se faire par des torréfaction et quels avantages on en retire,
jeunes gens sans expérience, et souvent inca- lorsque cette opération est bien faite. De sa-
pables d'être pénétrés de ce qu'ils font? leur vants praticiens ont signalé cette difficulté,
incurie ne se révèle-t-elle pas aussi par les mais aucun d'eux n'a donné de moyens précis
moyens qu'ils emploient? Nous les voyons pour la vaincre ; quelques uns ont donné, sur
d'abord alimenter un feu très-irrégulierpar de sa préparation, des recettes impraticablesdans
mauvais bois, de vieilles planches, et presque un ménage ; tous ont dit : C'est une prépara-
toujours par des débris de tonnes à huile. tion délicate; difficile. 11 faut que le café Moka
Croit-on que l'odeur infecte que développe soit moins brûlé que le Martinique qui contient
ce combustible n'iuflue pas sensiblement sur encore une sève végétale qui le rend vert;
le parfum si délicat du café? leur est-il per- mais aucun de ces messieurs n'est venu fixer
mis d'offrir par ces moyens deux fois le café l'indécision du consommateur ni lui montrer
torréfié au même degré ? Non, nous remar- un moyen certain de reconnaître le degré con-
quons souvent à leur porte des cafés presque venable à chaque espèce.
noirs, et dont toute l'huile essentielle qu'ils C'est cette lacune que nous venons com-
contenaient a été perdue, dévorée par ce brû- bler, non en instruisant le public des moyens
lement désastreux : croit-on qu'il soit possible d'y parvenir, ceci est notre secret, notre pro-
encore d'obtenir quelque chose de bon après priété, mais en lui offrant un café qui réunit
une telle manière de procéder? tous les avantages qu'un véritable amateur a
Nous ne sommes cependant encore qu'a la le droit d'y chercher. Toutefois, pour qu'on
première opération, et si nous examinons en- ne pense pas que nous reculons devant le
suite les moyens qu'ils emploient pour conser- besoin d'exposer nos principes, nous allons
ver leur café torréfié, nous ne manquerons entrer dans quelques développements, et si
pas de reconnaître bien d'autres causes de dé- nous ne les présentons pas avec le talent d'un
térioration. Nous verrons souvent le café expo- rhétoricien, du moins sommes-nous sûr qu'on
sé à tout air, pendant 42 à 15 jours, ou en- y reconnaîtra l'homme de pratique et d'expé-
fermé dans des caisses de bois de sapin ; et rience, qui sait, quand il le faut, raisonner sa
enfin, lorsqu'il est nécessaire de le moudre, matière.
un grand nombre ont l'habitude d'y ajouter, On a dit que le café Martinique demandait
au su de tout le inonde, jusqu'à deux cent à être plus torréfié que celui d'Arabie : cela
cinquante grammes de chicorée par kilo de est vrai, parce que ce café contient encore
café (1). 10ilà cependant les ingrédients que une humidité inhérente à sa nature, et dont il
prennent journellement les trois quaits des faut chercher àle débarrasser; mais au lieu
consommateurs! Doit-on s'étonner, après ces d'essayer à y parvenir par une première pré-
faits dévoilés, qu'il y ait un si grand nombre de paration, on se borne à le faire griller ou plus
personnes incommodées par cette boisson qui, longtemps, ou a un feu plus vif; et parlà, on
prise dans sa pureté, et préparée avec les croit obvier à l'inconvénient que présente
soins qu'elle exige, est sans contredit salutaire, cette partie aqueuse, sans réfléchir qu'on l'in-
bienfaisante autant qu'igréable ? Nun, on doit corpore ainsi davantage, en forçant la pulpe
même l'être de ce qu'il n'y a pas encore plus du café à absorber une eau qu'il fallait lui
de migraines, d'insomnies, d'irritations. faire rejeter. Et comme cette eau n'a pu s'y
Le consommateur qui achète son café sans maintenir qu'aux dépens du parfum, il est
être brûlé est-il exempt de tous ses inconvé- évident que le café ainsi préparé ne doit plus
nients? Nous ne le pensons pas non plus, parce offrir qu'un goût amer et désagréable; car en
que la plupart des personnes qui font ainsi, procédant ainsi on fait justement le contraire
n'en sont pas moins obligées de confier la tor- de ce que l'expérience nous indique pour lais-
réfaction à des domestiques inexpérimentés, ser au café toute sa pureté, tout son atome,
dont beaucoup se contentent d'un poêlon en toute sa saveur et sa finesse.
terre vernissée, pour faire rôtir le café. Nous C'est cependant là la méthode générale-
devons dire qu'on ne saurait rien obtenir de ment employée pour toutes les espèces de café ;
bon par de semblables moyens. Il faut, avant ainsi, par exemple, on emploie le même pro-
tout, ne jamais laisser le café découvert quand cédé pour enlever le vert du café Martinique
que pour détruire la poussière du café Moka.
(1) Quelques personnes regardent l'addition de la chico- 11 est facile de concevoir l'inefficacité de ce
rée comme utile, dans le café au lail surtout. Nous de. moyen, et c'est parce que nous en sommes COIl-
vons les assurer que cette drogue .*. d'autres qualités vaincu depuis longtemps, que nous sommes
que d" donner une infusion boueuse et noire tt d'altérer arrivé à enlever l'humidité du café Marti'
les principes toniques du calé.
tique et la poussière du café Moka parun pro- café dans des boites d'une pareille matière.
cédé approprié à chaque espèce. Ce procédé On fera très bien de les remplacer par des
est aussi simple qu'infaillible. vases de porcelaine, de faïence ou même de
Aptes avoir évité l'inconvénient que nous terre vernissée, afin de bien conserverie café
venons de signaler, nous nous sommes appli- torréfié. Quant aux cafetières qui sont les
qué à conserver au café torréfié tout son plus convenables pour préparer la boisson,
arome et toute sa force. Ce moyen, nous l'a- nous pensons qu'il faut encore éviter avec
vons trouvé par des expériencesincessamment plus de soin celles en fer-blanc; rien n'est plus
répétées; et nous pouvons mettre sous les désastreux pour le parfum du café que ces
yeux du consommateur du café torréfié de- sortes de cafetières; nous croyons qu'on ga-
puis plusieurs mois, qui n'a rien perdu de son gagnera beaucoup à se servir de celles en
parfum ni de ses qualités. Nous avons dû aussi terre de S3ireguemines , que nous regardons
porter notre attention sur l'usage de réduire comme les plus appropriées à cette infusion.
le café torréfié en poudre, au moyen d'un On en trouvera dans notre magasin d'une ex-
moulin. Ce procédé, qui peut être commode, trême simplicité et d'un prix très-modéré.
ne donne qu'un résultat fort imparfait, car la Nous terminerons par quelques considéra-
poudre plus ou moins fine qu'on en obtient tions sur la manière de préparer la boisson,
est toujours tres-irrégulière et ne cède à l'in- et en cela notre opinion est tellement opposée
fusion qu'une partie incomplète de ses prin- à l'usage actuel, que nous n'espérons la faire
cipes. Nous avons souvent comparé le même prévaloir que lorsque le temps et l'expérience
café étant moulu ou pilé, et nous devons dire seront arrivés à notre aide.
que l'avantage du parfum, de la force est tou- On est généralement dans l'habitude de
jours resté à celui pilé, ce qu'indique, du préparer le café ou par ébullition, ou en ver-
reste suffisamment l'état de finesse de la poudre sant de l'eau bouillante sur le café réduit en
que donne l'action puissante du pilon. C'est poudre, que l'on place sur un filtre destiné à
donc à ce dernier moyen que nous recourons le passer et à le dégager de toutes ses parties
pour les cafés qui nous sont demandés en les plus épaisses. Ces deux méthodes, dans
poudre. lesquelles l'eau bouillante joue le rôle princi-
Nous ne croyons pas devoir parler ici de pal, sont également vicieuses Vi).
toutes ces méthodes de torréfaction, que cer- En effet, nos expériences nous ont con-
taines personnes tiennent comme un secret, vaincu que l'eau bouillante détruisait ou alté-
et dont le mérite saillant est de colorer et de rait sensiblement les parties volatiles si pré-
réparer le déchet que subit le café. Tout le cieuses du café, en dissolvant celles qui sont
monde sait que c'est par l'addition de matières âcres et nuisibles. On ne doit donc se servir
sirupeuses qu'on obtient ce résultat insépa- que d'eau chauffée seulement au point de ne
rable, du reste, d'une altération complète de pouvoir y endurer le doigt ; c'est-à dire à 40
la délicatesse du café. ou 50 degrés tout au plus.
Il existe à Paris une maison qui vend des Mais ce qu'on croira difficilement, tant que
cafés ainsi préparés et qui jouit d'une certaine la routine l'emportera sur l'expérience, c'est
vogue. Nous avouons ne pas comprendre cette que la meilleure manière de préparer cette
faveur. Comment desproduits qu'on dissimule, précieuse boisson est celle qui n'admet que
qu'on n'oserait pas vendre en grains peuvent- l'emploi de l'eau froide. Cette méthode est si
ils mériter une telle préférence ? et quand peu dans nos habitudes, que nous nous atten-
on songe que tout cela est dit à une infusion dons à trouver beaucoup de consommateurs
boueuse, noire, amère, Acre, trés-irritante, d'abord incrédules; mais comme l'experience
sans parfum réel du café, on déplore la per- n'est pas difficile à faire, nous espérons qu'on
version de goût ou l'ignorance de tant de con. finira parte rendre à l'évidence. On reconnai-
sommateurs. Le temps fera justice de cette tra alors que le café préparé à l'eau froide
erreur. est non-seulement plus aromatisé, plus fin,
plus substantiel, mais encore beaucoup plus
De la conservation du café torréfié. fort que celui provenant de l'emploi de l'eau
chaude ; on peut s'en convaincre par le caféo-
Beaucoup de personnes renferment leur mètre inventé par M. Cadet de Cassicourt.
café torréfié dans des vases de fer-blanc qu'ils L'infusion à froid enlève au café et com-
bouchent hermétiquement ; c'est un moyen munique à l'eau toutes ses qualités aroma-
désastreux dont nous devons signaler les fu- tiques et ne détache que peu ou point d'acide
nestes effets. On sait que le café contient un gallique ; par conséquent, le produit de cette
acide gallique qui a la propriété de dissoudre infusion est bien moins amer que celui prove-
le fer; or, il est certain qu'en enfermant du nant de l'eau bouillante, dont l'action violente
café dans unes de ces boîtes., cet acide agit agit jusque sur les parties les plus intrinsèques.
sur elles de manière que, tout en dissolvant ce Le café ainsi préparé est d'une belle cou-
fer, le café en prend non-seulement le goût leur brun clair capucin; il exige bien moins
détestable, mais encore la couleur. Pour s'en de sucre et infiniment moins de soins; car il
convaincre, il sulïit de laisser refroidir du café suffit de placer la poudre sur le filtre, d'y
dans un de ces vases, et on le trouvera bientôt
d'une couleur noire et exhalant un goût désa- (1) Dans l'opinion que nous émettons ici, nous avons
gréable. pour nous M. Cadet de Gassicour t et 51. Goubard d'Aul-
Il faut donc éviter avec soin de mettre du nay, qui a publié il y a quelques anuées une monographie
du café fort étendue,
verser quelques gouttes d'eau, d'agiter, afin rait plusrien en obtenir de bon ou. d'utile ;
d'humecter la poudre, trop fine, quand elle toutes ses propriétés lui ayant été enlevées
est pilée pour se laisser pénétrer entièrement par la première infusion, il pe ;peut dès lors
sans celle précaution. Ceci fail, onversealors fournir qu'un goût amer et désagréable.
la quantité d'eau restante à employer. La fil- Nous croyons avoir indiqué les moyens de
tration s'opère assez activement, et étant ter-
-
faire subir les premières préparations au café
minée, il convient, pour extraire toutes les par- et ceux à employer pour obtenir une liqueur
ties utiles contenues dans la poudre pilée. de parfaite. Nous pouvons assurer le consomma-
faire passer une seconde fois; on verse de, qu'il trouvera une immense bonification dans
nouveau le résultat obtenu sur la poudre, et le résultat de nos procédés. Quant au café tor-
cette deuxième fillration étant moins active réfié et pilé que nous lui offrons, ses qualités
que la première, donne alors un produit si fin, ressortiront toujours, de quelque manière
si délicat, si parfumé, que ceux qui l'ont goûté qu'on le prépare.
l'adoptent sans retour. Mous n'aurions pas atteint notre but, si nos
Lorsqu'on fait chaufferie café, ilfaut éviter diverses opérations avaient dû nous entraîner
l'ébullition et observer, autant que possible, à une augmentation de prix. Heureusement,
que les vases que l'on présente au feu soient il n'en est pas ainsi : nous livrerons, à 2 francs
toujours pleins. C'est ici le lieu de dire que le 40 centimes le 4/2 kilogramme, un excellent
café réchauffé est toujours préférable à celui café torréfié, et pilé, ce qui n'est que le prix
pris à l'instant de sa préparation ; si l'on a eu auquel on vend tous les jours des cafés mal
le soin d'éviter l'ébullition , même le fré- préparés, mélangés, et souvent de qualités
missement, et de tenir toujours les vases bien très-inférieures. Nous avons foi dans les lu-
bouchés. Nous ajouterons qu'il ne faut jamais mières du consommateur, et nous attendons
se servir du marc de café infusé, comme le sans anxiété le jugement qu'il portera sur nos
font encore beacoup de personnes ; on ne sau- produits.

Nous pensons que nos lecteurs liront ici avec bonheur les conseils aussi ingénieux qu'admira-
blement exprimès, qu'on trouve dans le poème de M. de Merry. pour goûter le Café.

Pour faire le café s'il est un art heureux, Étonne le palais par sa brusque chaleur.
Il est pour le goûter un soin ingénieux. Par cet heureux essai, son essence épurée
Lors donc que vous verrez une vapeur limpide Répand dans notre corps sa force élaborée :
Du vase s'échapper, à la flamme rapide Son suc vivifiant, si fécond en esprits
Ravissez le soudain ; lorsque le résidu Des sources de la vie arrose les conduits.
Sera jusques au fond en masse descendu, Du liquide souvent la brûlante fumée
Qu'un élan indiscret de votre impatience Se dilate dans l'air en sphère diaprée,
N'absorbe pas d'un trait toute votre constance, Et l'avide odorat, du goût avant-coureur,
Modérez vos transports, humez-le lentement, De l'arome bouillant interceptant l'odeur.
D'un plaisir réfléchi prisez le sentiment; Porte dans les canaux de son subtil organe
Par de légers repos charmez la jouissance. Du moka parfumé l'essence diaphane.
Savourez du moka l'aromatique essence, DE MERRY.
Et qu'à diverses fois le feu de la liqueur Poème publié en 1837.

DU THÉ,
DE SON USAGE ET DE SA PREPARATION.

En faisant suivre les quelques observations tudes pour l'usage du thé, et nous nous gar-
que nous allons présenter sur le thé de celles derons bien de le lui montrer d'abord sopori-
qu'on a lues sur le chocolat et le café, nons ne fique. Nous laisserons à ses observations
voulons point discuter le mérite réciproque de personnelles le soin de décider lequel il doit
ces végétaux. Nous pourrions multiplier à l'in- préférer, ou plutôt si ces trois végétaux ne
fini les louanges exagérées comme les dénigre- doivent pas trouver place dans une bonne
ments injustes dont le thé fut l'objet. Mais hygiène, dans une alimentation salutaire et
nous croyons parfaitement inutile de fatiguer agréable. Nous ne nous occuperons donc que
l'attention de notre lecteur par des détails d'une manièretrès-succinte des diverses pbases
démesurés, aussi nuls d'intérêt qu'ennuyeux de l'introduction du thé dans le régime ali-
pour lui ; nous voulons conquérir ses habi- mentaire, non plus que de sa culture, de son
origine, des relations qu'il a prorniées aux J)
tient dans une juste fluidité, pn brisant les
diverses nations qui l'ont accueilli et de l'ave. J)
matières grossières qui faisaient obstacle à
nir plus grand encore que les derniers événe- .. son mouvement.
Enfin. ses parties huileuses
ments politiques semblent lui promettre. Il et
balsamiques étant charriées en différens
Tout le monde sait que le thé provient »
endroits du corps, absorbent et embarrassent
d'un arbrisseau rameux, toujonrs vert, qui » les sels acres et picotants qu'elles trouvent à
croît à la hauteur de deux mètres environ; »
leur passage. »
que pour développer toutes ses qualités il doit •
Cependant, malgré des qualités si pré-
être exposé au midi et planté dans un sol pier- cieuses et aujourd'hui reconnues, malgré
reux ; qu'il est originaire de la Chine; que sa l'exemple encourageant que nous en donnent
feuille est un des principaux aliments ou bois- presque tous les peuples d'Europe, de l'Asie
son de ce vaste pays, comme aussi le plus im- et de l'Amérique, la consommation de cette
portant objet de son commerce avec lesautres précieuse feuille reste chez nous dans une
cations, " infériorité déplorable.
On sait aussi que son introduction dans les » Pendant long-temps le thé ne fut regardé
états européens date de 1650 à peu près; que en France que comme un médicament, et l'on
ce furent les Hollandais qui les premiers l'ap- n'avait recours à son usage qu'au cas de mala.
portèrent parmi nous, que, comme tous les die ou d'indisposition. Quels que soient les
aliments nouveaux,ileut ses enthousiastespar- bienfaits qu'il procurait, alors relégué au fond
tisans comme ses aveugles et acharnés détrac- des pharmacies, promptement altéré par l'ab-
teurs; que la victoire lui est enfin restée et qu'il sence de tous soins, presque toujours so-
lève tribut aujourd'hui sur les trois quarts des phistiqué par la cupidité, à cause de l'avantage
peuples du monde. que procurait le haut prix où on le maintenait,
On sait aussi quelle puissance, quelle ri- ses éminentes qualités fuient presque toujours
chesse il a apportées à ceux qui l'ont le plus méconnues et rarement invoquées. Ajoutons
grandement adopté. L'Angleterre, par exem- qu'au premier pas que cette consommation
ple, n'a-t-elle pas trouvé dans l'usage de cette voulut faire vers le régime alimentaire, elle
feuille, que divers de ses écrivains ont avec rencontra un nouvel obstacle longtemps insur-
raison nommée divine (elle l'a été pour leur montable. D'un débit presque nul, réservée
pays) un accroissement de puissance incontes- pour la fortune et le caprice, cette feuille fut
table? N'est-ce pas elle qui leur a ouvert ces taxée d'un bénéfice énorme par de3 marchands
gigantesques murailles où ses produits vont fort peu soucieux de son succès ou des jouis-
bientôt acquérir droit de cité ? N'a-t-elle pas sances de leurs acheteurs. On la vit alors
été l'élément le plus lucratif et le plus sûr de vendue à des prix incroyables, deux, trois et
leur active et intelligente marine? N'est ce quatre fois même sa valeur primitive. Un tel
pas le manque de consommation parmi nous obstacle devait sinon annuler, du moins, retar-
de cette feuille chinoise qui paralysera et ren- der considérablement son triomphe. En effet,
dra nulles longtemps encore les tentatives de d'autres habitudes s'étaient formées, le café
notre commerce sur la Chine? Mais laissons là d'abord a paru se nationaliser parmi nous, et
des considérations trop puissantes pour nos tandis que nos voisins sacrifiaient au thé, nous
faibles forces. Nous devons parler du thé semblions, nous, par opposition de nationalité,
comme boisson, comme aliment ; le lecteur sacrifier au café. Mais des temps plus calmes
nous attend, entrons en matière. et plus heureux étant survenus, la civilisation
reprit enfin sa marche, et avec de nouveaux
Des propriétés du thé et de soit usage. hôtes, de nouvelles habitudes se formèrent;
Comme boisson alimentaire, le thé en est une ce3 nouvelles habitudesfurent encore dévelop-
des plus précieuses que l'usage ait sanctionnées pées par un fleau de funeste mémoire. Le cho-
parmi nous. En effet, la douce quiétude qu'elle léra, dans sou invasion aussi terrible que rapide,
procure, la suave chaleur qu'elle répand, sa trouva un puissant antidote dans l'usage du
tonicité vivifiante, son action diurétique, thé; la peur chez beaucoup la maladie chez
,
absorbante, récréative, légèrement stimulante quelques uns, les jouissances chez d'autres
ne sauraient ètre contestées. firent alors rechercher cette boisson, et la
Voici comment en parle Lemery, dans son cause passée , l'usage en resta par les bons ef-
traité des aliments. fets qu'il avait produits; delà, peut-être, le
«
La boisson du thé est généralement esti. progrés le plus sensible de l'usage du thé
. mée fort salutaire,et avec raison, puisqu'elle parmi nous. Sa consommation plus active, ses
. produit beaucoup de bons effets et très peu bienfaits plus répandus, mieux appréciés exci-
» de mauvais. On voit des personnes qui tèrent l'émulation; les marchands, leur intérêt
»
boivent jusqu'à dix ou douze tasses de thé aidant, devinrent connaisseurs; ils furent at-
1) par jour, sans en ressentir aucune incom- tentifs aux soins minutieux exigés pour la
» modité.
Il récrée les esprits, il abat les va. conservation du thé, et la concurrence, ce puis.
» peurs,
il ôte le mal de tête, il empêche l'as- sant levier de l'industrie, amena bientôt des prix
1)
soupissement, il hâte la digestion, il purifie plus vrais et plus en harmonie avec les besoins
Il
le sang et il excite l'urine. La plupart de ses des consommateurs. Ce nouvel étai de choses
»
bons effets proviennent de ses principes vo. fut un bien, mais il n'est pas complet, et il est
» latils, et de plus par quelques particules temps d'éclairer le consommateur, de guider
»
absorbantes, que son astriction et sa petite sûrement son goût, d'en faire enfin ce qu'il
» amertume nous
dénotent qu'il contient. Il doit toujours être, lejugecompétent, impartial,
»
purifie la niasse du sang, parce qu'il l'entre- impeccable de toutes et en toutes chose-!.
' Ces derniers temps ont vu paraître des trai- ger duvet soyeux à l'œil. Il est le plus léger
tés, dés monographies, des instructions sur le des thés, comme il en est le plus délicat et le
thé, qui pouvaient être destinés au public, mais plus fin. Son odeur est très-suave, son infu-
qui assurément ne lui sont ni parvenus ni con- sion d'une eau couleur paille et très claire.
nus, et dont il n'a pas et ne pouvait profiter: Quelque mérite qu'on lui reconnaisse à l'œil,
et d'abord : (j'excepte bien certainement le c'est à la tasse seulement qu'il doit être ap-
public savant ou scientifique), quelle impor- précié.
tance, quelle utilité voulez-vous qu'il trouve Orange Pékao.
dans toutes ces statistiques plus ou moins
exactes, dans ces dénominations plus 011 moins Sa feuille est petite, menue, d'une couleur
vraies, mais toujours pour lui fastidueuses ; noire, très-odorante, qualité qu'elle tire d'une
dans ces fables, ingénieuses peut-être, mais aromatisation factice. Cette sorte, très-infé-
pour lui fort peu attrayantes ? Croyez-vous rieure à la précédente, s'emploie rarement
conquérir par cette prétentieuse érudition, seule, elle se mélange avec avantage au Sou.
j'allais dire compilation, beaucoup de consom- chong ou au Congo.
mateurs à la feuille que vous célébrez ? à mon
avis, non ; votre but n'a pu être d'exciter à la Congo
culture du thé, en en montrant la manipulation
ou les secrets ; vous n'avez voulu faire con- Sa feuille est courte, mince, d'une nuance
naître cette précieuse feuille que pour lui noire, grisâtre; son infusion active et agréable,
trouver des consommateurs, et vous mettez d'une consommation restreinte en France,
vos enseignements à haut prix, et le public mais fort étendue et appréciée en Angleterre.
qui ne vous lit guère et qui vous ignore,
demeure privé des jouissances que vous lui Pouchong.
promettez, et vous du bénéfice que vous en
espérez. C'est ainsi que de fausses bases con- Sa feuille est large, longue, peu roulée, sa
duisent à des résultats négatifs. nuance d'un brnn verdâtre. Son odeur suave,
Pour nous, qui ne voulons inculqueraucune délicate, son infusion légère et d'une eau très-
science, mais seulement conseiller pour bien claire. Il s'apporte toujours en paquet de 150
choisir, bien préparer, bien consommer la à 300 grammes.
feuille qui nous occupe, nous dirons : n'ajou- Cette sorte est l'amie des personnes déli-
tez aucune foi, aucune valeur auxgrandsprix; cates ou énervées.
si l'exception quelquefois les justifie, la règle
les exclut ; presque toujours ils sont un impôt Souchong.
prélevé sur l'ignorance ou la paresse de l'ache-
teur. Pour le thé, pas de fabrication, pas de Sa feuille est grande, d'une couleur bru-
manipulation, par conséquent, pas de secrets, nâtre souvent mêlée d'un peu de violet. Son
pas de perfectionnements, pour tous la même odeur suave; c'est le plus fort des thés noirs
marchandise et pour tous les mêmes prix (1). et celui dont la consommation est la plus
étendue. Son infusion est d'une eau bien do-
rée légèrement foncée. Il s'allie parfaitement
au Pélao et forme ainsi une excellente bois-
DES DIFFÉRENTES SORTES DE THE. son.
On ne distingue en général que deux sortes
de thé : le thé vert et le thé noir. Et encore
est-on généralement d'accord pour admettre DES THÉS VERTS.
que c'est le même arbrisseau qui .les produit.
L'époque de la récolte, les préparations,la tor. Thé Chulan.
réfaction surtout, paraissent être les seuls
moyens de production de toutes les variétés Son aspect, sa feuille peuvent le faire con-
que nous en connaissons. Nous en décrirons fondre avec le Ilyson de première qualité
ici les principales.
dont nous parlerons tout à l'heure, mais son
parfum l'en distingue essentiellement. Le
DES THÉS NOIRS. Chulan est le plus délicat, le plus agréable et
)e plus aromatique des thés verts.
Thé Pckao.
Thé Hyson.
Sa feuille est allongée, recouverte d'un lé.
Sa feuille est longue,entière, bien roulée en
(1Il est bon de faire connaître tti que tous les thés ai-. spirale, sa couleur d'un vert agentin. Son in-
rivant on France et même ou Angleterre sont goûtés par
des préposés ad hoc puis classés par série, le plus souvent fusion est d'une eau claire légèrement colo-
vendus à la criée, et qu'un dispositif authentique de la rée, un peu âpre au goût ; son odeur est
vente est rédigé et envoyé à tous ceux qui n'occupent de agréable.
c» t article avec quelque importance. Pour tous alors mêmes
indications, mêmes renseignements; et comme générale.
ment les séries ont de l'importance, elles ne sont jamais Thé perlé.
traitées pRr des détailleurs, mais bien par des négociants
qui les revendent alors aux intermédiairesde la cosom-
mation. C'est la feuille du Hyson plus jeune et plus
fortement roulée; sa couleur est d'un vert cependant nous dispenser de mênlionner un
argenté assez vif. Son infusion doit être plus mélange que nous préparons dans les propor-
longue que celle du lIyson. Ses qualités sont tions suivantes, qui nous semble réunir les plus
d'être moins âcres que le précédent et plus parfaites qualités de convenance et d'écono-
actif. mie. Ce mélange, qui ne revient qu'au prix
de 7 fr. le demi-kilo, ou trois centimes la
Thé poudre à canon. tasse, se compose de :
Ainsi nommé à cause de la grosseur de ses Souchong 466 gram.
feuilles, fortement roulées en forme de grains. Pouchong 166
Sa préparation est la même que celle du perlé, llyson 168
seulement il est le produit des plus jeunes
feuilles. Son infusion est d'une belle eau et Nous pourrions indiquer ici une foule d'au.
trèsactive, son goût agréable et assez doux. tres proportions qui n'auraient peut être que
le mérite de jeter l'incertitude dans le choix
Thé Tonkai et Thé Byson-Skin. du consommateur. Nous croyons devoir laisser
ce soin à son goût; nous lui avons dit que les
Ces deux sortes sont les plus communes thés verts étaient les plus actifs, qu'en santé
dans les thés qui nous sont apportés, ils sont l'usage en étail sinon dangereux, du moins
généralement vendus sous le titre de thés peu avantageux; nous lui dirons aussi que les
verts; ils servent spécialement à l'expédition thés noirs, au contraire, pi is seuls sont toujours
en province. Leur qualité est nulle, quant au agréables; qu'en Hollande, en Angleterre, la
parfum et à l'agrément du palais. médecine les ordonne en état de maladie ou
Telles sont à peu prés les seules sortes de de convalescence, soit comme boisson (ti-
thé qui entrent dans la consommation en sane), soit comme aliment léger, cependant
France et même en Europe. On comprend nutritif, la préparation et les qualités étant
que nous avons dû épargner au lecteur une bien entendu modifiées suivant les cas.
plus longue nomenclature, regardant comme Sans espérer prochainement pour la feuille
fort inutile pour lui les noms de thés d'ailleurs qui nous occupe un pareil succès, nous expri.
inférieurs qui ne sont ou jamais importés, ou merons cependant le regret que la science
fort accidentellement offerts à sa consomma- n'ait pas encore expérimenté, vérifié par des
tion. faits pratiques les vertus, les mérites que
presque partout on attribue, on retire de l'u-
Dit mélange des diverses sortes de thé. sage du thé. Nous savons bien que des ana-
lyses chimiques très-consciencieuses ont été
Après avoir indiqué les propriétés relatives faites, que le résultat satisfaisant en a été pu-
ou particulières à chaque espèce, nousdevons publié, mais pourquoi laisser ces faits dans le
dire au consommateur les mélanges les plus domaine de la science, et pourquoi messieurs
heureux qu'il puisse faire, soit sous le rapport les médecins ne les vérifient ils pas dans leur
de l'hygiène, soit sous le rapport de la satis- pratique? c'est ainsi qu'ils arriveraient à popu.
faction du goût. lariser, s'ils le croyaient vrai toutefois, ce re-
Pendant aussi longtemps que le thé n'a été mède à la fois curatif et prophilactique, qui
considéré que comme un antidote aux cas d'in- peut recevoir d'eux seuls une impulsion qu'il
digestion, on a dû préférer les thés verts aux ne saurait obtenir sans leur concours.
noirs, mais l'expérience a bien vite démontré 11 nous reste, avant d'indiquer au consom.
les vices de celte habitude. Si les thés verts en mateur les moyens de préparer la boisson dont
cas d'indisposition donnent par leur puissance nous venons de l'entretenir, à répondre un
un agent médical plus actif, cet agent devient mot à quelques personnes qui nous disent : la
nuisible dans le régime alimentaire, et il con- France u'augmentera que peu ou pas sa con-
vient alors de le mitiger par l'addition d'une sommation de thés. Ses habitudes, ses goûts
notable quantité de thés noirs. L'expérience la portent vers l'usage du café et du chocolat,
m'a toujours démontré les bons effets qu'on et ces deux végétaux, d'ailleurs si précieux, lui
obtenait des compositions suivantes : suffisent.
Quelque spécieuse que soit cette réflexion,
Un tiers thé Souchong. 1 Chulan 125. elle ne saurait résister au plus léger examen.
Un tiers Pékao. 1
Souchong 125, Et d'abord :
Un tiers Hyson. 1 l'ékao 250. Le thé peut-il absolument remplacer le
chocolat et le café, ou peut-il remplacer l'un
Sans doute on peut se montrer exigeant et ou l'autre ?
ne vouloir se contenter que dit thé Pékao, Poser cette question, c'est la résoudre pour
surtout à cause de l'extrême finesse de son tous ceux qui connaissent l'usage de ces di-
arome et de la légèreté précieuse de son infu- verses substances. Le thé ne remplacera ni le
sion, mais il nous suffira d'avoir indiqué comme café. ni le chocolat, mais il les complétera
base des proportions toujours satisfaisantes. dans une alimentation saine et agréable, et au
Le consommateur y fera telle addition que la besoin il les suppléera.
délicatesse de sou goût exigera. Si le chocolat est préféré comme alimenta-
Sans vouloir prescrire ici ou imposer en tion plus nutritive, plus balsamique, plus pec-
aucune manière notre goût, nous ne pouvons torale, le café, à cause de sa vertu principale et
toute particulière d'exciter le cerveau, d'éga- dépend souvent la finesse, le goût, la force
yer l'ame, ln thé le sera par son action éminem- d'un bon thé. Cette précaution est d'ailleurs
ment diurétique et absorbante. économique, on le comprendra sans explica-
Loin donc de voir un obstacle à l'usage plus tion. Cela dit : on aura soin, au moment de la
répandu du thé dans l'habitude du café et du préparation, de verser de l'eau bouillante dans
chocolat, nous y voyons au contraire un signe la théière, de l'y maintenir quelques secondes
certain de faveur, lorsqu'offert au consomma- afin de bien l'échauffer , surtout si la théière
teur à un prix normal, il pourra, sans imposer est en porcelaine. Après avoir jeté cette eau
trop de charges au chef, compléter l'alimenta- dans les tasses pour le même motif, on égoutte
tion et les jouissances de la famille. Puisse ce la théière, on y jette la quantité de thé que
résultat être bientôt obtenu et procurer alors à l'on veut employer (trois grammes pour une
notre commerce, à notre marine, tous les tasse, deux grammes et demi seulement par
avantages que l'usage plus répandu de cette tasse, si l'on en prépare une plus grande quan-
substance exotique et lointaine amènerait tité), puis on verse l'eau bouillante jusqu'à
avec lui. concurrence de la moitié ; on laisse infuser cinq
à six minutes. Ce temps écoulé, on ajoute la
quantité d'eau toujours bouillante qui reste à
DE LA PRÉPARATION DU THÉ employer on laisse infuser de nouveau une
,
deux minutes place le sucre dans les
ET DES VASES PROPRES A SA CONSERVATION. ou , on
tasses qui ont été débarassées ;de l'eau chaude
Il est bon d'observer d'abord que les vases qu'on y avait d'abord versée, on le couvre de
servant à la préparation du thé doivent être cette infusion, on agite et puis on remplit.
spéciaux et ne servir aucunement à d'autres Les meilleures théières sont celles dont la
usages; que les bouilloires destinées à chauffer matière conserve le mieux le calorique ; celles
l'eau devront toujours être pleines lorqu'on les connues sous le nom de métal anglais
présentera au feu ; qu'on ne saurait être trop paraissent jouir avec raison de la préférence
scrupuleux pour la qualité de l'eau,c'est à dire. des consommateurs; nous croyons que la base
n'employer à Paris que de l'eau filtrée, en de ce métal est l'étain.
province de l'eau de rivière, de préférence à Les vases le plus généralement adoptés
celle de sources. L'eau dont on se servira pour la conservation du thé en feuilles sont les
devra toujours être portée à la plus haute boîtes en ferblanc , en plomb, ou même en
ébullition, car du plus ou du moins de chaleur bois doublées de métal.
CHOCOLATS.

demi kil. demi kil.


1 De Santé au Maragnan.. fr. C. 1 Pastilles de Sauté fr. c.
2 Au pur Caraque 2 anCaraque....
Lesmêmes,vanille,50 c.
1)

3 3 Au Lait d'amandes.....
en plus
Pralines et Pistaches...
..
4 T .. d.1, amandes....
Au Lait amand
4
vanillées
5 ». d'ânesse 5 '
6 Ferrugineux. 6 Imitations

THÉS.

Hyson Congo
Chulan Souchong.
Perlé Pouchong
Impérial. Pékao orange
Poudre à canon Pékao pointes blanches...

CAFÉS TORRÉFIÉS ET PILES.

EN GRAINS. PILÉ.

Martinique. Martùùpe.. ..
Moka.
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Moka ........... -

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