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Éloi LAURENT (OFCE/Sciences‐po, Stanford University)
eloi.laurent@sciences‐po.fr
LEM‐PCF
Paris, 2 mai 2011.
Problématiques
Les thèses du livre ;
La domination humaine sur Terre ;
Les illusions de la « courbe environnementale de Kuznets » ;
La pauvreté comme malédiction écologique ;
Les institutions de la soutenabilité ;
Inégalités et crises écologiques ;
L’ère des inégalités environnementales ;
L’ère des « catastrophes social‐écologiques » ;
Que faire ? Les mirages du despotisme vert ;
Que faire ? Quatre chemins politiques.
Social‐écologie : les thèses du livre
Conséquence analytique : les sciences sociales et les
humanités détiennent la clé des problèmes révélés par
les sciences dures ; la social‐écologie comme nouvelle
grille de lecture de notre monde précaire ;
Conséquence politique : c’est en encastrant les enjeux
écologiques dans les questions sociales que l’on
réconciliera les citoyens avec l’écologie et que l’on
évitera l’ illusion de l’arbitrage environnemental‐social ;
la social‐écologie comme nouvel horizon politique ;
Social‐écologie : les thèses du livre
Alternative : les questions de répartition, d’égalité ou de
démocratie sont secondes par rapport au développement
économique malsain de nos sociétés qui repose sur une
propension irrépressible à l’innovation et une économie
politique du capitalisme qui nous condamne à la
surexploitation écologique ;
Mais la technique ou le seul développement économique ne
sont ni la cause exclusive, ni la solution univoque à nos
problèmes : la clé est le principe de justice ;
Il ne faut pas seulement changer notre modèle technologique
ou de croissance mais notre modèle de société.
L’accélération du temps écologique
La Terre : 4,5 milliards d’années ;
La vie : 3,5 milliards d’années (origine extra‐terrestre) ;
Les hominidés : 7 millions règne des mammifères = Dinosaures
disparaissent il y a 65m d’années (autre cause extra‐terrestre !) ;
L’Homo Sapiens sapiens : 200 000 ans ;
L’agriculture et l’élevage : 12 000 ans ;
La révolution industrielle : 1820;
Depuis deux siècles : domination humaine
sur la Terre (géologie et biologie) ;
Depuis 1950 : « grande accélération » de la domination humaine.
1969, découverte de la Lune/découverte de la vulnérabilité de la
Terre ;
Population humaine
La domination
Nombre d’humains Usage des ressources naturelles
humaine sur les
écosystèmes
terrestres Activités humaines
Agriculture Industries/Services Loisirs/Tourisme Commerce international
Biochimie globale
Peter Vitousek et al. 1997 :
Transformation Additions et
“nous contrôlons la des terres
Altération du cycle du
destructions
carbone
majeure partie de la Terre Déforestation
biotiques
et nos activités affectent le Altération du cycle de
Invasion d’espèces
Forêts l’azote
reste ; nous changeons la
Chasse
Terre plus vite que nous ne Pâturage Altération du cycle de
l’eau
la comprenons.” Fertilisation Pêche
Pollutions chimiques
Crutzen and Stoermer,
2000 : passage de l’ère de
l’Holocène à l’ère de Changement Perte de diversité Dégradation des
+ 2°‐6°
climatique ‐30%
biologique 60%
écosystèmes
l’Anthropocène à partir
Effet de serre Extinction/mise en Dégradation des
de la fin du 18ème siècle. services éco‐
danger des espèces
Evènements systémiques
climatiques Diminution des Moindre résilience
extrêmes populations écologique
Biomes et “Anthromes”
En 1700, seuls 5% des terres de la
biosphère étaient accaparés par
des activités humaines intensives
(agriculture, villes), 45% étaient
dans un état semi‐naturel et 50%
totalement sauvages.
En 2000, 55% de la biosphère
étaient accaparés par des activités
humaines intensives, 20% étaient
dans un état semi‐naturel et 25%
sauvages
Le franchissement des “limites planétaires”
Source: Rockström J et al, “A safe operating space for humanity”, Nature. 2009 Sep 24 ;461(7263):472‐5.
Quelles solutions ?
Les illusions de la “courbe environnementale de Kuznets”
(1955, 1992)
Source: Criqui, 2006.
La pauvreté comme malédiction
écologique
Habitants des pays pauvres beaucoup plus dépendants des
ressources naturelles que les habitants des pays riches, celles‐ci
représentant une part bien plus considérable de leur richesse, de
leur croissance, de leur emploi. Les ressources naturelles
constituent en fait le véritable patrimoine de la majorité des
habitants des pays pauvres. Pauvreté mondiale rurale à 75% ;
La pauvreté accroît l’urgence de survivre, y compris au prix de
dégradations insoutenables du capital naturel qui dégradent le
bien‐être ;
Spirale sociale‐environnementale (Haïti, fours à bois défectueux).
donc baisse pauvreté fin en soi mais aussi moyen essentiel de
garantir la soutenabilité environnementale du développement ;
Les institutions de la soutenabilité
Plus fondamentalement : la question essentielle n’est pas celle du
« plus ou moins de développement économique » mais celle des
bonnes institutions, des bons principes de gouvernance
environnementale ;
E. Ostrom: on peut éviter la « tragédie des communs » (Hardin,
1968), mais ni par la privatisation, ni par l’étatisation ;
Système efficace de gouvernance environnementale = systèmes
social‐écologiques divers, centrés sur le principe de justice et
l’entretien de la confiance : 8 principes de gouvernance.
Les biens communs ne sont pas des choses mais des relations
sociales (A. Lipietz).
Déforestation dans
et autour du parc
indigène Xingu,
1994–2005.
Source: Ostrom et al,
2010.
Inégalités et crises écologiques
Boyce : « Sans les gagnants, les dégradations environnementales ne se
produiraient pas, sans les perdants, il n’y aurait pas de raison de s’en inquiéter ».
Comment « les gagnants » peuvent‐ils imposer le coût des dégradations
environnementales aux « perdants » ?
Pourquoi les perdants ne parviennent‐ils pas à se faire entendre ? Parce qu’ils ne
sont pas encore nés, parce qu’ils ignorent les conséquences de ces inégalités,
parce qu’ils n’ont pas assez de pouvoir pour les corriger.
Non seulement différents impacts écologiques selon niveau de revenu (les 20%
les plus riches polluent 2,5 fois que les 20 les plus pauvres en France) mais aussi
vision dynamique de l’inégalité : capacité des riches d’imposer les coûts
environnementaux de leurs actions aux pauvres (individus et pays) ;
Fausse vertu des riches : retournement de l’argument de Mancur Olson sur
« l’élite verte » qui serait écologiquement bénéfique pour tous parce qu’elle
aurait une préférence plus grande pour l’environnement.
En réalité, l’inégalité accroît l’irresponsabilité écologique des riches, la demande
de croissance du reste de la population et entrave la capacité de s’organiser
efficacement pour préserver le capital naturel.
L’ère des inégalités
environnementales
Justice environnementale : Etats‐Unis, 1987 ;
Rapport de 2007 : 9 millions de personnes vivant à moins de trois
kilomètres des 413 sites de déchets toxiques aux Etats‐Unis ;
La proportion de personnes de couleur est environ deux fois plus
importante et le taux de pauvreté une fois et demi plus important
que dans le reste du pays ;
Il existe différentes catégories d’inégalités environnementales
(inégalités d’accès, d’exposition au risque, etc.).
Les inégalités environnementales
à Montréal et Los Angeles
Déchets toxiques à Los Angeles
Accidents de la route à Montréal
Source: Morency et al, 2009 (DSPM).
Les inégalités environnementales à
dans le Nord‐Pas‐de‐Calais
Source: IFEN.
L’ère des catastrophes social‐
écologiques
"La colère des dieux n'existe pas": la fatalité naturelle joue un rôle limité dans
les catastrophes social‐écologiques dont l’impact dépend du degré de
démocratie et d’inégalité de la société qui les affronte ;
La tragédie japonaise illustre bien cette idée : à chaque étape de la spirale
désastreuse, le facteur inégalité‐démocratie a été décisif ;
Le tremblement de terre n'a fait "que" quelques dizaines de victimes grâce aux
normes parasismiques (celui de 1923 avait provoqué 150 000 morts, dont 40 000
dans l'incendie de bidonvilles, celui d'Haïti en janvier 2010, près de 300 000);
Facteur inégalités internationales. Depuis 1923, seulement 30 000 morts au
Japon alors que 190 séismes magnitude > 6 ;
Le tsunami a peut‐être tué jusqu'à 25 000 personnes (celui de 2004 en Asie a
coûté 250 000 vies) : les digues de protection, trop courtes de quelques mètres,
ont vraisemblablement sauvé des dizaines de milliers de vies en ralentissant de
quelques minutes la masse d'eau ;
Enfin, le risque nucléaire a été non seulement mal estimé, mais surtout caché à
la population : c'est une défaillance démocratique ;
L’ère des catastrophes social‐
écologiques
Rôle de la gouvernance : Comparaison Haïti et République
dominicaine sur la décennie 2000 ;
Le nombre de victimes, tuées ou affectées, pour des
désastres d’ampleur voisine, est seize fois plus important en
Haïti qu’en République dominicaine et le nombre de
personnes affectées trois fois plus grand ;
Rôle des inégalités dans les catastrophes touchant les pays
riches : canicule en France (2003) et Katrina (2005).
Que faire ? Les mirages du
despotisme vert
Argument développé depuis Jonas (1979) : la démocratie conduit à
la ruine écologique, il faut donc « se dispenser du consentement des
citoyens » si on veut sortir à temps des crises écologiques ;
Trois critiques de la démocratie : éthique (libéralisme),
institutionnelle (paralysie, court‐termisme), économique (paravent
du capitalisme) ;
En réalité, la démocratie est le régime de la vigilance écologique :
information, réactivité, savoir libre et partagé (gouvernement par la
discussion/ raisonnement public), hospitalité pour la « diversité
institutionnelle » (articulation locale‐nationale‐globale, « approche
polycentrique » Ostrom), lutte contre les inégalités ;
Exemples : URSS, Chine et Etats‐Unis + études empiriques
Que faire ? Quatre chemins politiques
Construire la résilience social‐écologique (adaptation
démocratique et non darwinienne aux crises écologiques :
construire les protections social‐écologiques collectives,
exemple du plan canicule en France après 2003) ;
Se mobiliser pour la justice environnementale : inventer un
Etats providence social‐écologique qui traite la question des
inégalités environnementales (précarité énergétique = 13% des
ménages ; 60% des personnes exposées au risque industriel en
ZUS) et conduisent des politiques social‐écologiques (fiscalité,
urbanisme, transports collectifs) ;
Enrichir l’économie verte : éco‐industries, économie
circulaire/fonctionnelle ; nouveaux indicateurs de
développement (Rapport Stiglitz‐Sen‐Fitoussi) ;
Défendre la solidarité globale ;
Climat et biodiversité depuis 40 ans
1,4
conférence de Stockholm, 1972 conférence de Rio, 1992
1,3
Indice empreinte carbone
1,2
1,1
0,8
0,7
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
Source: Laurent, 2011
Le succès du Protocole de Montréal
Consommation de gaz CFC, en tonnes, 1986‐2007
1000000
900000
800000
700000
600000
500000
400000
300000
200000
03
04
05
06
07
95
96
97
98
99
00
01
86
89
90
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20
19
19
19
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19
19
19
19
19
19
19
19
Source: Laurent, 2010, UNEP.
Les négociations climatiques mondiales :
état des lieux
Fin de Kyoto I
Source : Nations Unies.