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2. Alexis Dang Luu, vieillard de plus de 60 ans, père d'une nombreuse famille et chef de la confrérie
du Saint Rosaire, fut arrêté la 9e année du règne de Tu Duc, dans la même circonstance que le
précédent. Conduit au tribunal, après avoir répondu prudemment aux questions qui lui furent faites
touchant le prêtre Oai et le jeune fils du martyr Michel Hy, il supporta courageusement la torture. Il
fut condamné à la prison perpétuelle, à la capitale. Le 5e mois de l'année suivante, le mandarin
rendit contre lui une sentence nouvelle qui le condamnait à l'exil dans la province de Cao Bang.
Chargé aussitôt d'une lourde chaîne malgré son grand âge, il tomba malade assez gravement. Alors
il osa demander une faveur qui lui fut accordée, c'était de rester à perpétuité dans la prison de la
capitale : « Autrement, disait-il, je crains que mes forces ne me permettent pas d'arriver au lieu si
éloigné de mon exil ». Mais sa prison fut plus pénible qu'auparavant, jamais on ne lui enlevait sa
chaîne ; jamais il ne pouvait sortir, comme on l'accorde de temps en temps aux prisonniers
ordinaires. En 1861, quand vint la grande et dernière persécution, on le força à partir enfin pour cet
exil qu'il redoutait. Il n'y parvint que l'année suivante, malade et cassée de vieillesse. Cependant;
après quelques mois de cachot, les soldats manquant pour la défense et la garde des citadelles
menacées par les rebelles, il fut enrôlé pour ce service périlleux. Cinq jours après, il succombait à la
fatigue et à la maladie qui ne l'avait pas quitté. C'était le 11e mois de l'année 1862. Les prisonniers
chrétiens, soldats comme lui par nécessité, l'enterrèrent dans la citadelle où il était mort, mais sans
cercueil, n'ayant pu malgré leur désir s'en procurer.
3. Jacques Le Khue, âgé de près de 40 ans, avait femme et enfants ; il fut maire d'An Van
après Jean-Baptiste Cu. En 1856, il fut arrêté un peu après celui-ci et peur les mêmes raisons.
Amené devant le tribunal, il répondit, aux questions qui lui furent faites sur le prêtre Oai et sur le
fils du martyr Michel, qu'il ne savait rien. On voulut ensuite le contraindre par menaces et par
supplices à apostasier, ce fut en vain. Condamné d'abord à une réclusion perpétuelle dans la prison
de la capitale, il fut en 1857, sur un nouveau refus d'apostasie, condamné à l'exil dans la province de
Hung Hoa. Il partit après quelques mois de chaîne et de cachot, et arriva assez vite à la capitale de
cette province. Là, le premier mandarin lui désigna pour exil définitif un lieu plus éloigné, où il
parvint le 25 du dernier mois de la même année. Le mandarin, assez bien disposé pour les chrétiens,
lui ôta sa chaîne ; mais le captif était souvent malade ; en 1859, une dysenterie très forte vint
s'ajouter à ses autres infirmités. En même temps, tous les autres chrétiens exilés avec lui recevaient
ordre de revenir bien vite au chef-lieu de la province. Ils furent obligés de louer des païens pour y
rapporter aussi le pauvre malade, qui put y arriver, encore vivant, vers la fin de l'année. Là, il
retrouva la chaîne et le cachot ; de plus, la nuit, on le mettait aux ceps. Il languit dans ce triste état
jusqu'au 21 du 6e mois de l'année suivante, jour où il rendit l'esprit. Deux jours auparavant, sentant
venir sa fin, il avait appelé près de lui le caporal Thu et le caporal Han, tous deux chrétiens,
prisonniers pour Jésus-Christ, et leur avait dit : « Je me sens défaillir, je n'en reviendrai pas,
certainement; quant à mon âme, je la remets avec humilité et confiance entre les mains de Dieu,
dont je suis disposé à suivre en tout la sainte volonté ; pour ce qui est de mon corps, je vous prie,
mes frères, de l'enterrer convenablement, et de faire savoir à ma femme et à mes enfants comment
les choses se sont passées ; dans le cas où plus tard vous-mêmes retourneriez au pays, alors, je vous
en supplie, veuillez y emporter mes restes avec vous ». Ce furent presque ses derniers mots, Un
clerc veilla près de lui, récitant les prières des agonisants, et lui prodiguant les dernières
consolations jusqu'à sa mort. Les chrétiens, ses compagnons d'exil, prirent soin d'inhumer son corps
au lieu de son décès, et tous l'accompagnèrent religieusement jusqu'à la tombe.
II. — Chrétienté de Bau Dong.
4. Le lettré Philippe Dinh, né dans la chrétienté de Bau Dong, sous-préfecture de Huong Tra,
était fils du bourgeois Dan, maire de son village, et mort depuis longtemps. Sa mère, bien que
nouvellement convertie, n'en était pas moins une solide et fervente chrétienne ; il avait femme et
enfants. En 1846, il s'engagea dans l'état militaire, et grâce à sa rare intelligence, il ne tarda pas à
avancer rapidement. En 1848 et en 1852 sous Tu Duc, il fut promu à de nouveaux grades, de sorte
que bientôt, il compta parmi les lettrés comme parmi les militaires distingués. Employé d'abord
dans l'intérieur de la capitale même, il dut, à cause de sa qualité de chrétien, la quitter en 1859, pour
surveiller l'entretien des routes et des canaux. Le 5e mois, afin de l'éloigner encore plus, on l'envoya
remplir les mêmes fonctions dans la province de Quang Tri, Il ne tarda pas à être ramené au port de
la capitale, pour y partager le sort des soldats chrétiens qui alors, en haine de la foi, privés de toutes
les dignités, étaient exclusivement employés aux travaux les plus rudes, tels que terrassements,
curages, fortifications. Le 12e mois, il fut cité devant ses chefs et sommé de renoncer à sa religion ;
il n'hésita point, et refusa hardiment. Le 2e mois de l'année suivante, ayant comparu devant le
ministre des supplices, il refusa d'apostasier, puis fut renvoyé chargé de la cangue à la prison où il
était détenu et très maltraité depuis son premier interrogatoire. Peu de jours après, un autre ministre
fit une tentative aussi infructueuse que les précédentes pour le faire renier son Dieu, puis finit par le
faire reconduire à son cachot. Peu de temps après, Dinh confessa de nouveau sa foi, et enfin fut
marqué à la joue des caractères Ta Dao (Religion perverse). Le 29 du même mois, les mêmes
persécuteurs le mirent à la torture, mais ne purent vaincre son inébranlable constance. Chargé de la
chaîne, il attendit pendant 29 jours, dans la prison de la préfecture, sa sentence définitive. Cette
sentence fut rendue le 4e mois : le généreux confesseur était condamné à l'exil dans la province de
Nghe An. Là-bas, le mandarin le chargea d'une plus lourde cangue avec des clous de fer ; puis, au
bout de quatre à cinq jours, il l'envoya à Phu Dieu, à cieux jours de la ville principale, souffrir
jusqu'à la mort. Il était en effet continuellement à la cangue et à la chaîne : pendant la nuit, il avait
de plus les eps aux pieds. Le quinzième jour du 4e mois de l'année 1861, il fut attaqué du choléra.
D'une patience et d'une piété, admirables, au plus fort de sa maladie, il disait aux autres confesseurs
ses compagnons : « Je vous supplie, mes frères, de beaucoup prier pour moi, afin de m'obtenir de
Dieu une entière résignation à sa sainte volonté, soit qu'il me donne de vivre encore, soit qu'il me
fasse mourir ici ». Chaque jour il renouvelait plu_ sieurs fois cette même demande, et ne cessa de la
répéter avec humilité et grande componction, jusqu'à son dernier soupir. Les confesseurs se
relayèrent, quand ils virent que sa dernière heure était proche, pour l'exhorter et le consoler. Enfin,
le matin du troisième jour du 5e mois (1861), ce vaillant serviteur de Dieu s'endormit dans le
Seigneur. Le lendemain, les autres confesseurs l'ensevelirent et l'enterrèrent solennellement à Phu
Dieu. En 1862, quand parut l'édit royal permettant à tous les exilés chrétiens de rentrer dans leurs
foyers, le soldat Thong, son compatriote et son compagnon d'exil, rapporta les restes du lettré Dinh
à Bau Dong, leur pays. Là, sa pieuse mère et son frère, à peine de retour d'exil, et encore sans
maison, sans propriétés, ni ressource aucune, furent réduits à enterrer ces reliques dans le cimetière
commun du village de Bau Dong, en grande partie païen. Philippe Dinh était mort âgé d'une
trentaine d'années.
Mars Avril 1918, n° 120.
III. — Chrétienté de Son Qua.
5. Le soldat Paul Luu, né à Son Qua, était âgé d'environ 30 ans et nouvellement marié. Entré
dans la milice en 1854, il fit son service à la capitale.
En 1857, le 6 du 5e mois, il refusa d'apostasier devant ses chefs ; le lendemain, il refusa une
seconde fois devant le ministre des supplices. Il fut aussitôt lié et conduit en prison. Le 8 du 6e mois
de la même année, il fut enchaîné et reconduit au cachot, qu'il abandonna bientôt pour un autre plus
affreux, où il ne pouvait quitter sa chaîne un instant. Le 6e mois de l'année suivante, condamné à
l'exil dans la province de Hung Hoa, il s'embarqua le 20 au port de la capitale. Dix jours après, on le
débarquait dans la province de Nam Dinh, d'où il fit route à pied pour Hanoi ; de là, toujours à pied,
il traversa la province de Son Tay et arriva enfin, épuisé de fatigues, au chef-lieu de la province de
Hung Hoa. Le grand mandarin voulut d'abord l'envoyer seul dans un lieu séparé des autres chrétiens
; mais ceux-ci, par une charité dont nous retrouverons souvent l'exemple dans la suite, se cotisèrent,
et obtinrent à prix d'argent qu'il resterait avec eux, afin que tous ensemble ils pussent se soutenir
dans la foi, se consoler et s'assister mutuellement pendant la vie, et à la mort. Le mandarin l'envoya
donc, avec beaucoup d'autres confesseurs, à Sao Phong, à 27 jours de distance. Il y arriva le 2 du 9e
mois ; dix jours après, il fut attaqué du choléra, puis devint hydropique. Le 27 du 9e mois, il rendit
son âme à Dieu ; ses compagnons chrétiens l'assistèrent à ses derniers moments et prirent soin de
l'enterrer aussi convenablement que possible.
6. Sa jeune femme, Catherine Huong, qui l'avait voulu suivre dans son exil, fut en même
temps que lui attaquée du choléra. La mort de son mari acheva ce que la maladie avait commencé ;
elle ne put lui survivre qu'une semaine. Les autres exilés chrétiens, qui l'avaient aussi préparée à la
mort, inhumèrent son corps non loin du tombeau de son époux.
7. Le caporal Paul Thu, âgé de 50 ans, au service depuis longtemps, n'avait jamais quitté
Hué. En 1857, il refusa de renoncer à sa religion devant le tribunal du préfet, et deux jours après,
une seconde fois, devant le ministre des supplices. Sa peine fut d'abord la détention en diverses
prisons de la province ; ensuite, le sixième mois, la condamnation à l'exil dans la province de Hung
Hoa. Mis à la chaîne aussitôt, il dut rester au cachot sans en pouvoir sortir jamais, pour quoi que ce
fût, jusqu'au jour du départ. La barque qui l'emportait partit le 22 du 6e mois 1858 du port de la
capitale, et dix jours après le déposa à Nam Dinh, Il en partit à pied pour Hanoi, et de là, par la
province de Sontay, il arriva exténué à Hung Hoa. Après 77 jours de dur cachot, le mandarin songea
à l'exiler définitivement dans un endroit séparé des autres chrétiens prisonniers, Ceux-ci obtinrent,
avec un peu d'argent qu'ils purent trouver, qu'il n'en serait point ainsi. Le mandarin fléchit devant les
sapèques, et l'envoya avec beaucoup d'autres confesseurs à Bao Phong Tho, où ils arrivèrent après
29 jours de marche, le 2 du 11e mois de la même année. Là, le mandarin qui était bon, lui ôta sa
chaîne. Un an après, rappelé au chef-lieu de la province, il retrouva le cachot, la chaîne et les ceps
pendant la nuit: Il vécut ainsi deux années. Ensuite, il fut aux entraves le jour comme la nuit, malgré
sa faiblesse et sa maladie toujours croissantes. Le 3e mois de l'année 1852, il fut attaqué du
choléra ; malgré ses douleurs et ses réclamations, il ne fut rien changé à sa position, sinon deux
jours avant sa mort ; on eut alors l'humanité de le deliver des entraves. Avant d'expirer, il dit à ses
compagnons chrétiens : « Je vais mourir et vous quitter, je ne veux plus que me préparer à paraître
devant mon Juge : j'ai confiance en sa miséricorde et suis résigné à sa volonté sainte; seulement,
mes frères, je vous recommande mon jeune enfant, que je laisse avec vous, orphelin ». C'était le 3e
jour du 11e mois, 1852, Les confesseurs récitèrent dévotement les prières des agonisants, et puis,
quand tout fut fini, ils achetèrent un cercueil et enterrèrent le corps dans l'endroit même,
8. Le soldat Pierre Deu, de la garde urbaine, né à Son Qua, refusa d'apostasier une première
fois à la préfecture, et une seconde au ministère. Jeté immédiatement en prison, on lui signifia un
mois après (1850) sa sentence d'exil dans la province de Tuyen Quang; en même temps on lui passa
au cou et aux jambes une lourde chaîne. En attendant le départ, traîné de prison en prison, il y fut
continuellement gardé, lié et enchaîné. Le 22 du 6e mois 1851, il fut embarqué pour la province de
Nam Dinh ; ensuite pour celle de Hanoi. De là, il dut se rendre à pied, par les provinces de Sontay et
Hung Hoa, à celle de Tuyen Quang. Là, au cachot, à la chaîne et aux ceps, il supporta ses
souffrances avec patience. Au bout de deux ans, il eut la dysenterie, sans qu'on daignât adoucir en
rien sa triste position, et sans que personne pût le secourir, les autres confesseurs étant tous isolés et
attachés comme lui. Il mourut ainsi, dans le délaissement, après trois mois de maladie. Les
chrétiens, ses compagnons, ne le surent que plus tard, et en prévinrent le nouveau mandarin. Celui-
ci, assez favorable à la religion, leur remit le corps décomposé du défunt, avec permission de
l'enterrer près du nouveau marché, voisin du chef-lieu de la province.
9. Le soldat Dominique Duc, de la milice urbaine, né à Son Qua, âgé de 30 ans, refusa
plusieurs fois d'apostasier devant les tribunaux de la capitale. Condamné à la chaîne et à l'exil dans
la province de Thai Nguyen, il y arriva le 17 du 7e mois 1858. Après qu'on l'eut gardé 15 jours en
dehors de la citadelle, on l'envoya dans la sous-préfecture do Dong Hi, sur la frontière de la
province. Il était sans cesse à la chaîne et attentivement surveillé. Le 8e mois 1861, on le rappela à
la préfecture, et on le mit en prison pendant dix mois, avec l'ordinaire accompagnement, c'est-à-dire
chaîne au col et entraves aux pieds. Plus tard, le mandarin craignant qu'il ne se réunît aux rebelles
tonquinois, nombreux en ces parages, le fit entrer à l'intérieur des fortifications. Comme les soldats
n'étaient pas en nombre pour défendre et garder la ville, on arma les prisonniers, et Dominique Duc,
comme les autres. Celui-ci prit même part à cinq expéditions, qui eurent lieu les trois premiers mois
contre les rebelles; la victoire, souvent incertaine, était tantôt d'un côté, tantôt d'un autre. Enfin, les
rebelles eurent l'avantage, et s'emparèrent de la citadelle qu'ils ruinèrent entièrement. Alors
officiers, soldats, prisonniers, tous les vaincus prirent la fuite. Un clerc, qui se trouvait avec les
vainqueurs, faute d'endroit plus sûr, sauva la vie à notre soldat. Celui-ci, ne sachant comment faire,
se laissa mettre dans les rangs des rebelles qui venaient de l'épargner. Quelques jours après,
grièvement atteint d'un coup de lance, il put recevoir les sacrements, en toute connaissance, de la
main d'un prêtre qui, grâce à la rébellion, se trouvait libre, Cinq jours après, il mourut ; il fut
solennellement enterré près de l'église de Ca To.
(A suivre.)
Code: 1918/426-433
Document: 426-433
Année: 1918
https://archives.mepasie.org/fr/annales/confesseurs-de-la-foi-de-1848-a-1862-2-
suite
IV. — Chrétienté de Nhu Lam.
Ce que j'ai à dire de cette chrétienté peut ne pas paraître édifiant, mais je tiens à exposer les
faits dans leur vérité. Du reste, qui sait si au dernier moment, malgré les apparences, la contrition et
la miséricorde n'ont pas eu leur place ? Voici : le chrétien Joseph Luong suivait les exilés pour la
foi, dans la province de Ha Noi, où il est mort au bout d'un mois de maladie. Il n'avait jamais été
d'une conduite exemplaire; on ne pouvait guère louer en lui que son obligeance envers tout le
monde. Arrivé au lieu du bannissement, il y prit pour épouse une femme païenne. Vainement, les
autres chrétiens lui prodiguèrent-ils les exhortations jusqu'à la mort; il parut toujours ne rien
écouter. Son corps est enterré près des murs de la ville où il est décédé.
Les détails me manquent touchant le reste de ce premier district de la province royale.
1. Ann. M.-E, 1918, n° 120.
IIe DISTRICT
I. — Chrétienté de Phu Cam.
1. Mienne Loo, de Phu Cam, père de famille, âgé de 60 ans, auparavant soldat dans la garde
du roi Thieu Tri, depuis élevé au grade de capitaine, fut compromis dans l'affaire du martyr Michel
Ho-dinh-Hy. Comme on demandait au martyr affaibli par les plus cruelles tortures, si, parmi les
chrétiens, il y en avait d'autres que lui de la classe mandarine, il finit par nommer le capitaine
Etienne Loc. Des soldats furent aussitôt envoyés pour se saisir de celui-ci et l'amener devant le
tribunal, où il confessa avec une noble assurance sa qualité de chrétien. En conséquence, il fut
condamné à la prison pour le reste de ses jours. Néanmoins, on l'appela encore à plusieurs reprises,
pour le contraindre à l'apostasie par toutes sortes de menaces, de promesses et de tourments ; on ne
fut pas plus heureux que la première fois. Vint la persécution générale, le 3e mois de l'an 10 de Tu
Duc ; alors sa peine fut aggravée : on le condamna à l'exil dans la province éloignée de Tuyen
Quang. Sa sentence portée, il demeura à la chaîne et au cachot en attendant le départ ; la nuit, on le
mettait aux entraves. Le 8e mois, le chrétien Paul Huynh, aussi de Phu Cam, étant allé à la prison
visiter les nombreux confesseurs qui s'y trouvaient, fut pris et fouillé par les gardiens. Par malheur,
ils trouvèrent sur lui un paquet de lettres en caractères latins. De là, grande affaire ! Le chrétien
Paul, pour éviter de plus grands maux, crut devoir dire que ces lettres lui avaient été remises par le
capitaine Loc. Aussitôt, les mandarins, auxquels la chose avait été portée, firent comparaître ce
capitaine pour l'interroger à ce sujet. Lui, pour sauver le chrétien Paul et éviter des perquisitions qui
auraient amené de nouvelles calamités sur la masse des chrétiens, reconnut les lettres pour siennes.
Après quoi, il retourna à sa prison. Ce fut l'an 11 de Tu Duc, le 21 du 6e mois, qu'il partit pour
l'exil, en barque jusqu'à Nam Dinh, et à pied, par les provinces de Ha Noi Son Tay, Hung Hoa,
jusqu'à Tuyen Quang. Il y vécut encore deux ans, au cachot et à la chaîne sans interruption, et la
nuit aux ceps. Trois jours de dysenterie le mirent aux portes du tombeau. Les confesseurs,
nombreux autour de lui, l'assistèrent à ses derniers moments, et recueillement au milieu des larmes
son dernier soupir. Au plus fort de ses souffrances, on ne l'entendit jamais proférer la moindre
plainte, ni le moindre murmure ; mais invoquant Dieu, la Sainte Vierge et ses saints Patrons, il se
préparait de son mieux à entrer dans son éternité. Les confesseurs enterrèrent son corps, non sans
quelque solennité, tout près du marché de Tan An, voisin du chef-lieu de la province de Tuyen
Quang.
MAI JUIN 1918, N° 121
2. Le chrétien Mathieu Linh, ayant suivi pour les aider dans leurs besoins la troupe des
fidèles exilés dans la province de Ha Noi, y fut atteint de démence trois ou quatre jours après son
arrivée. Il ne tarda pas à mourir dans le même état. Les confesseurs prirent soin d'enterrer son corps
ait même lieu, tout près des murs de la citadelle.
3. Le chrétien Simon Phuoc, ayant suivi, pour les mêmes motifs que le précédent, les
confesseurs exilés dans la province de Bac Ninh, y mourut de maladie, un mois environ après son
arrivée. On s'accorde à louer sa douce gaieté et sa grande charité.
4. Le soldat Jacques Hoang, fils du médecin Chung renommé pour sa foi, était lui-même très
pieux dès sa première jeunesse. Devenu grand, il se maria et eut trois enfants, L'an 3 de Tu Duc, il
entra au service à la capitale. A l'époque de la persécution générale, la 10e année du même roi, il
refusa d'apostasier devant le tribunal du Préfet, et le lendemain devant le Ministre des supplices.
Incarcéré pour ce fait, sa sentence d'exil fut rendue le 8 du 6e mois, il reçut la chaîne et retourna en
prison ; seulement, il était continuellement enchaîné, et la huit il avait lès pieds serrés dans les
entraves. Le 20 du 6e mois, il partit en barque pour la province de Nam Dinh ; de là, à pied, par lés
provinces de Ha Noi, Son Tay ét Hung Hoa, il arriva à Tuyen Quang, lieu de son bannissement. Il y
resta deux ans prisonnier avec la chaîne au cou et les pieds aux ceps durant la nuit. Pendant ce laps
de temps, il refusa deux fois sa liberté qu'il aurait dû acheter au prix de sa foi. Enfin, attaqué du
choléra, il dit aux autres confesseurs ses compatriotes : « Je consens à prendre des médecines, mais
c'est inutile ; je sais que je dois mourir cette fois ; si plus tard vous retournez au pays, ne prenez pas
la peine d'y remporter mon corps, à moins que les supérieurs ecclésiastiques ne l'ordonnent ». Etant
donné les moeurs du pays, ces paroles sont une preuve de la plus profonde humilité. Pendant sa
maladie qui dura un mois entier, on ne l'entendit jamais se plaindre de ses souffrances, mais il priait
sans cesse et se recommandait aux prières des autres confesseurs. Après sa bienheureuse morte, son
corps fut très honorablement enterré par ses compagnons, près du nouveau marché de Tan An, non
loin de la ville de Tuyen Quang.
5. Anna Nan, plus que centenaire, veuve depuis trente ans, fut exilée pour la foi, avec sa
fille, dans le village de Tanh Lam. Elle se tenait toujours à la maison de détention, avec une petite
cangue, encore bien lourde pour sa faiblesse, et les pieds aux entraves. Après environ un an, elle y
mourut de faim et de vieillesse, le 10 du 7e mois, an 15 de Tu Duc, après avoir reçu dévotement les
derniers sacrements, Son corps a été rapporté et enterré à Phu Cam, sa patrie.
6. Paul Chan, âgé de 70 ans, veuf depuis longtemps, fut exilé avec ses enfants au village de
Phu Bai, le 7e mois de l'année 14 de Tu Duc. Il portait une cangue plus légère que les autres à cause
de son grand âge et de ses continuelles infirmités. Il mourut de faim et de vieillesse à la maison de
détention, lé 4e jour du 11e mois de la même année, Son corps fut enterré au dît village de Phu Bai,
mais sans cercueil, faute d'argent pour en acheter un.
7. La veuve Agnès Buu, femme très pieuse, âgée de 72 ans, fut envoyée avec ses enfants au
village de Tan Phu, le 8e mois de l'année 14 de Tu Duc. On lui épargna la cangue et les entraves, à
cause de son extrême faiblesse. Elle mourut de langueur un mois après, munie des sacrements de
l'Eglise, Son corps est enterré près de la maison de détention, lieu de sa mort.
8. Marie Loc, âgée de près de 70 ans, femme d'un des chefs de la chrétienté de Phu Cam
détenu en cette qualité dans les prisons de la préfecture à la capitale, fut elle-même exilée avec ses
enfants au village de Luong Van, le 8e mois de la 14e année de Tu Duc. Elle y mourut de misère et
y fut enterrée le 22 du même mois. Elle n'eut à souffrir ni la cangue, ni les ceps, à cause du
misérable état de sa santé.
9. Marie Hap, âgée de 5 ans, fille des époux Thanh, suivit ses parents lors de la dispersion au
village de Thanh Thuy ha, Sept mois après, elle y mourut, dans la maison de détention (3e mois, an
15 de Tu Duc). Son corps a été rapporté et inhumé à Phu Cam, son pays.
10. Agnès Phuoc, jeune femme dé 30 ans, fut envoyée avec son mari et ses enfants au
village de Da Le (an 14 de Tu Duc, 8e mois) ; elle était à la cangue par intervalles. Elle est morte
d'hydropisie (an 15 de Tu Duc, 6e mois) dans la maison de détention du dit village, où elle est aussi
enterrée.
Paul Chut, son dernier enfant, né depuis un mois seulement, mourut quelques jours après sa mère, et
fut enterré près d'elle, Il me Semble que ces petits enfants, nés et morts dans les prisons, ne doivent
pas être oubliés.
11. Pierre Minh, âgé d'environ 60 ans, veuf et sans enfants, très fervent catéchiste dans sa
chrétienté, fut exilé pour la foi au village de Da Le, le 8e mois de la 14e année de Tu Duc. Là, il
était souvent à la cangue et quelquefois aux Ceps. De plus, trois fois il fut frappé de coups de rotin
sain vouloir jamais se prêter à un semblant d'apostasie. La première fois, il reçut 13 coups ; la
deuxième, 20 ; et la troisième, 17. Quinze jours après ce dernier mauvais traitement, il devint
paralytique. Ses parents, voyant qu'ils allaient le perdre, le rapportèrent à Phu Cam, où il reçut avec
piété les derniers sacrements avant sa mort, arrivée e 15 du 7e mois de l'an 15 de Tu Duc. Son corps
est enterré dans son pays (Phu Cam), près des morts de sa far nille, faveur .insigne à laquelle les
Annamites tiennent par-dessus tout, et que tant d'autres hélas ! N’ont pu obtenir Heureux ceux,
assez peu nombreux, pour lesquels on a pu trouver un cercueil !
12. Etienne Tuong, de Phu Cam, âgé d'environ 40 ans, exilé quoique déjà très malade alors,
avec sa femme et ses enfants, au village de Da Le, y mourut deux mois après, dans la maison de
détention, et y fut enterré l'an 14 de Tu Duc 10e mois. Il ne fut mis ni à la cangue ni aux entraves à
cause de sa maladie qu'on jugeait mortelle.
13. Joseph Muu, fils des époux Thi, âgé de 30 ans, non encore marié, fut exilé avec ses
parents au village de Da Le, le 8e mois de l'année 14 de Tu Duc. La plupart du temps, il était à la
cangue ; et, parfois, la nuit on le mettait aux ceps. Un jour qu'il refusait obstinément de se rendre
aux raisons des païens qui voulaient le faire apostasier, ceux-ci se préparèrent à le frapper. Quand il
se vit attaché, il eut peur et fit signe qu'il se rendait, et cela même avant d'avoir reçu un seul coup.
Peu après, attaqué de la dysenterie, il se confessa avec une grande douleur et mourut dans la maison
de détention (6e mois, an 15 dé Tu Duc). Son corps est enterré au lieu de son décès.
14. La veuve Anna Tu, âgée de plus de 60 ans, fut à la même époque envoyée au même
village avec ses enfants. Elle eut la cangue, mais de temps à autre seulement. Plusieurs fois, les
païens par leurs discours tentèrent de la porter à renoncer à sa foi ; mais elle n'en fit jamais rien. Elle
mourut du choléra à la maison de détention, le 7e mois de l'année suivante (an 15 de Tu Duc). Son
corps est enterré au lieu de sa mort.
15. Ambroise Tri, âgé de 50 ans, bien que très gravement malade, fut envoyé avec sa femme
et ses enfants au village de Chan Chu, le 7e mois de la 14e année de Tu Duc. Sa maladie
s'aggravant de jour en jour, il ne quittait point la .maison de détention où on le laissait du reste assez
libre. Ordre ayant été donné de le transférer dans un autre lieu, il fallut l'y porter en filet, car il était
trop faible pour faire un seul pas. Il mourut dans cette nouvelle prison, le 11e mois de la même
année. Là comme ailleurs, les païens jugèrent que c'était assez dé sa maladie et ne lui firent subir
aucun tourment. Il est enterré à Van Duong.
16. Agnès Thanh, âgée de 40 ans, tille du premier catéchiste de Phu Cam, fut exilée avec
son mari à An Cuu, le village voisin. D'abord traitée avec quelques égards, elle eut ensuite à porter
la cangue très souvent. Elle mourut au bout de six mois, d'une maladie de coeur, après avoir reçu les
derniers sacrements (2e mois, an 15 de Tu Duc). Son corps est enterré au lieu de sa mort.
17. Pierre Bai, fils du sculpteur Su, pendant que son père était exilé pour la foi dans une
province lointaine du Tonkin, fut envoyé, avec sa mère, au village de Duong Xuan ; ensuite, on les
transféra au village de An Cuu. Là, Pierre mourut dans la maison de détention, à l'âge de quatre ans.
Son corps a été rapporté et enterré à Phu Cam (an 11 ou 15 de Tu Duc).
18. Lucie Beo, fille des époux Chan, fut exilée avec ses parents au village de Buong An,
ensuite, transférée au village de Cong Luong, enfin, à An Cuu, où elle est morte, après cinq mois de
détention, de la petite vérole, à l'âge de cinq ans, (ans 14 ou 15 de Tu Duc), Son corps a été rapporté
et enterré à Phu Cam par ses parents,
19. Pierre Tan, fils des époux Vien Tuong, âgé de 4 ans et exilé avec eux, mourut à la
maison de détention du village de Nguyet Bieu, le 15 du 3e mois, an 15 de Tu Duc. Son corps est
enterré au dit lieu.
20. Paul Dieu, fils des époux Van, âgé de 3 ans ; mort au même lieu et la même année que
pour le précédent.
21. Marie Gianh, âgée de 5 ans, fille des époux Thien, envoyée avec eux au village de Bao
Vang, y mourut et y fut enterrée le 10 mois de l'an 14 de Tu Duc.
22. Marie Du, âgée de plus de 80 ans, veuve après quelques mois de mariage et sans enfant,
fut avec son neveu exilée pour la foi au village de Nam Pho. Il fallut l'y porter en filet, à cause de
son grand âge et de ses infirmités ; elle y mourut peu après, le 10e mois de l'an 14 de Tu Duc. On
l'enterra dans les broussailles qui environnaient ce village.
23. La veuve Anna Chuong, âgée de 50 ans, fut d'abord envoyée au village de La Son,
ensuite transférée au village d'An Tach. Là, elle fut mise à la cangue, mais pas continuellement. Un
an après, quand les chrétiens purent retourner chacun à son village, elle était bien gravement
malade. Ses parents la rapportaient en filet quand elle mourut en route. Son corps a été le lendemain
enterré à Phu Cam (An 15).
24. Agnès Chiu, âgée de 12 ans, fut exilée pour sa foi avec ses parents, les époux Vinh au
village de Phu Mon ; ensuite, transférée au village de Phuoc Lam. Deux fois, le mandarin du lieu lui
offrit la liberté si elle se résignait à apostasier, et deux fois, elle refusa nettement. Plus tard, la
maison de détention pour les chrétiens fut transportée en dehors du village, afin qu'on pût plus
facilement se défaire d'eux sans danger, si l'autorité le commandait. L'air était malsain ; Agnès Chiu
tomba malade et mourut quelques jours après. Le mandarin vint pour constater son décès et permit
de l'enterrer près de là. On ne put lui procurer de cercueil. (Ans 14 ou 15 de Tu Duc).
25. Anna Toan, âgée de 25 ans et nouvellement mariée, fut envoyée avec son époux au
village de An Nong. Timide et malade, on fut obligé de la porter à bras jusqu'à ce lieu, où elle
mourut, résignée, après trois jours de grandes douleurs (8 mois, an 14 de Tu Duc). On l'enterra au
lieu de sa mort ; mais l'année suivante, ses parents ont rapporté ses restes à Phu Cam, et les ont
inhumés dans une propriété particulière à An Cuu.
26. La veuve Anna Nghiem, âgée de 50 ans, fut exilée pour la foi avec son fils au village de
An Nong, La plupart du temps elle était à la cangue. Bien des fois le gardien lui offrit la liberté si
elle voulait faire un semblant d'apostasie ; elle refusa constamment, Le 4e mois de l'année suivante,
elle mourut d'hydropisie dans la maison de détention. Le mandarin, ayant constaté sa mort, la fit
enterrer non loin de là, dans les broussailles.
27. Marie Tiep, âgée de 13 ans, née à Duong Son, mais alors habitant Phu Cam, fut exilée au
village de Than Phu. Sa jeunesse la sauva de la cangue. Elle est morte de maladie dans la prison, le
3e mois de l'année suivante (15e de Tu Duc).
Je crois à propos de dire quelques mots du passé et du présent de cette chrétienté de Phu
Cam, si intéressante à plus d'un titre pour les coeurs catholiques : La chrétienté de Phu Cam est
située dans un endroit très sain, sur un sol pierreux, ombragé seulement de quelques touffes de
bambous, sur la rive d'un beau cours d'eau qui va se perdre à une demi heure, plus bas, dans le
grand fleuve, en face des murs de Hu.
Autrefois elle était nombreuse et riche, comptant près de 1000 chrétiens, fervents et
industrieux. Elle a donné à l'Église de Dieu des martyrs, des confesseurs, des prêtres et des
religieuses, plus qu'aucune autre chrétienté du Vicariat apostolique, et aujourd'hui, malgré ses
malheurs, cet éloge peut encore lui être donné. Complètement bouleversée par la dernière
persécution, c'était pitié et joie tout ensemble de voir ses fidèles habitants, au retour de la
dispersion, refaire, en place de leurs maisons ruinées, de pauvres baraques en bambou ; en place de
leur belle église, un triste hangar trop étroit ; et puis, reprendre leur vie d'autrefois, faisant des
chapeaux pour gagner leur vie.
Malheureusement le choléra est venu, terrible plus qu'ailleurs ; le travail a manqué ; la
famine a sévi ; le commerce des chapeaux est tombé et la chrétienté a été obligée de se disperser
d'elle-même. Elle ne compte plus guère aujourd'hui que 600 âmes. Toutefois la ferveur ne semble
pas avoir diminué, la prière s'y récite très bien, et toujours en commun ; l'archiconfrérie du saint et
immaculé Coeur de Marie y. fleurit de plus en plus ; un couvent de vierges chrétiennes s'y abrite
pauvrement. Enfin, il est permis d'espérer que Phu Cam recouvrera peu à peu son ancienne
splendeur.
La chrétienté suivante n'est, à vrai dire, qu'une dépendance de la chrétienté de Phu Cam.
II. — Chrétienté de Van Duong.
1. Antoine Hot, enfant de deux ans, fils du capitaine Nhi, exilé avec ses parents
successivement en deux villages, mourut dans la maison de détention à Duong Xuan le 1er mois de
la 15e année de Tu Duc. Il est enterré à An Cuu.
2. Joachim Nho naquit et mourut cinq jours après, dans le même lieu que le précédent.
Ses parents les époux No, dispersés pour la fol, l'inhumèrent près du village de An Cuu.
3. Anna Tong, âgée de six ans, fille des époux Tinh, exilée avec eux au village de Nguyet
Bieu, y mourut de la petite vérole dans la maison de détention, le 9e mois de l'année 14 de Tu Duc.
Elle est enterrée au dit lieu.
III. — Chrétienté de Tho Duc.
1. La veuve Anna Huu, âgée de plus de 60 ans, fut détenue en haine de la religion, au village
de Van The, le 8e mois de la 14e année de Tu Duc. On ne la mit ni à la cangue, ni aux ceps, à cause
de son âge de venue avancé et de sa mauvaise santé. Le 9e mois de cette même année, étant
hydropique, elle mourut au bout de quinze jours de souffrances, dans la maison de détention, Elle
est enterrée près du même village de Van The.
2. La veuve Marie Loan, âgée de près de 60 ans, fut exilée avec son fils le même mois et la
même année que la précédente, au village de Nam Pho, sans la cangue, ni les ceps. Environ un mois
après, elle mourut de la fièvre, dans la maison de détention. Après que les autorités eurent constaté
le décès, son corps fut enterré près du dit village de Nam Pho.
3. Michel Qui, orphelin nouvellement baptisé, âgé de 25 ans, non encore marié, fut exilé, à
la même époque que les précédentes, au village de Nam Pho. Il était à la cangue, mais seulement de
temps en temps ; au bout d'un mois il est mort de la fièvre, dans la maison de détention, Après que
les autorités eurent constaté la mort, son corps fut inhumé dans les brousses, tout près de là.
4. La veuve Anne Thông, âgée d'environ 65 ans, distinguée par sa piété, fut envoyée, en
haine de la religion, en compagnie de ses enfants, au village de Su Lô (8e mois, an 14 de Tu Duc).
Elle n'était ni à la cangue, ni aux ceps ; seulement, plus d'une fois le village lui offrit sa liberté en
échange de l'apostasie; ce qu'elle refusa avec indignation. Elle est morte de la dysenterie dans la
maison de détention, le 9e mois de la même année. Son corps a été convenablement inhumé au lieu
de sépulture du village de Su Lô.
5. La femme Kha, âgée d'environ 30 ans, native de Phu Cam, belle fille de la précédente, fut
exilée au même lieu qu'elle et à la même époque. La cangue et les ceps lui furent aussi épargnés.
Comme sa belle-mère, elle refusa plusieurs fois la liberté que le village lui offrait, si elle consentait
à apostasier. Le 9e mois de la même année, elle mourut de la dysenterie, à la maison de détention.
Son corps est enterré au même lieu que celui de sa belle-mère.
6. Le catéchiste Pierre Mau, connu pour sa piété, âgé d'environ 60 ans, veuf depuis
longtemps, fut exilé pour la foi et détenu au village de Cao Hai (8e mois, 14e année). La plupart du
temps, il portait la cangue ; deux ou trois fois, on lui offrit sa liberté, s'il voulait abandonner sa
religion. Ce fut inutile. On eut alors recours au rotin pour vaincre sa constance. Au troisième coup,
il dit qu'il consentait à ce qu'on voudrait. Néanmoins, ramené en prison, il y est mort huit jours
après, de maladie et d'inanition. Avant sa mort, ses enfants, dispersés au même lieu et rassemblés
autour de lui, l'entendirent faire hautement des actes de repentir accompagnés de larmes, priant
Dieu de lui pardonner sa faute. Les autorités constatèrent son décès et le firent enterrer dans la
plaine, près du lieu de sa mort.
7. Barthélemy Hi, âgé de 27 ans, non marié, chrétien très fervent, fils des époux Tuyen tous
deux défunts, fut envoyé avec sa parenté au village de Van Duong (8e mois, an 14). Bien souvent, il
avait la cangue, moins souvent les ceps. Il refusa toujours d'apostasier en échange de la liberté que
le village voulait lui rendre à ce prix. Il est mort du choléra, le 12e mois de la même année, dans la
maison de détention. Avant sa mort, il reçut les sacrements ; son corps repose près de la rive nord
du fleuve qui passe près du village.
8. Agnès Quien, bonne chrétienne, âgée de 50 ans, fille des époux Khuong, non mariée
parce quelle n'avait point voulu quitter sa vieille mère aveugle, fut détenue au village de Van Duong
(8e mois, an 14). La plupart du temps, elle dut porter la cangue ; les tentatives qu'on fit pour la
contraindre à apostasier demeurèrent constamment inutiles. Elle finit par mourir du choléra, à la
maison de détention, le 1er mois de la 15e année du même règne, munie des derniers sacrements.
Son corps est enterré près de la rive nord de la rivière de l'endroit.
9. La veuve Agnès Khuong, excellente chrétienne, âgée de près de cent ans, aveugle et
infirme, mère de la précédente, fut exilée au même village et à la même époque. En considération
de sa vieillesse, elle y fut traitée avec beaucoup d'égards. Mais après la mort de sa fille, personne
n'étant là pour lui donner les soins particuliers que sa position demandait, elle s'éteignit dans la
maison de détention, le 2e mois de la 15e année de Tu Duc, après avoir reçu les derniers
sacrements. Son corps est enterré sur la rive droite de la rivière de Van Duong.
10. Michel Cay, nouvellement baptisé, orphelin, âgé d'environ 30 ans, marié depuis peu à
une femme chrétienne, fut détenu avec elle au village de Huynh An (8e mois, 14e année de Tu
Duc). La plupart du temps il portait la cangue. Après son arrivée, il fut mis aux ceps pendant deux
jours ; on voulut depuis l'y remettre encore une fois, s'il se refusait à apostasier ; au cas contraire, on
lui rendrait la liberté. Il tint ferme, sans hésitation aucune. Peu de temps après, il mourait d'une
maladie de foie, le 10e mois de la même année. Son corps est enterré au lieu de sépulture du susdit
village.
11. Anna Mui, enfant de 3 ans, fille des époux Thoi, fut exilée avec ses parents au village de
Xuan Hoa. Au bout de deux mois, elle y mourut de la petite vérole, dans la maison de détention.
Son corps fut rapporté et enterré à Tho Duc (10e mois, 15e année de Tu Duc).
12. Paul Huynh, père de famille âgé de 45 ans, fut détenu avec sa femme et ses enfants au
village de Bao Vang, le 25 du 7e mois, an 14 de Tu Duc. Il était souvent mis à la cangue, mais peu
de temps chaque fois au commencement ; plus tard, il y fut continuellement ; puis, de nouveau,
seulement par intervalles. Trois ou quatre fois, le village lui proposa en vain d'apostasier pour
recouvrer sa liberté. Le 2e mois de l'année suivante (an 15 de Tu Duc), le village le fit lier à un pieu
et frapper du rotin. Au dixième coup, il se rendit, promettant de renoncer à sa religion. Il fut
cependant reconduit en prison. Le 3e mois, la maison de détention ayant été transportée en dehors
du village, afin de se défaire plus aisément des prisonniers si l'ordre en était donné, il y fut transféré
comme les autres, avec la cangue nuit et jour. Le 4e mois, ramené à sa première prison, il y fut
attaqué de la dysenterie et mourut dans de bons sentiments, dit-on, le 5e mois de la même année. Il
est enterré au même lieu dans la partie sud du cimetière.
13. La veuve Anna Than, domiciliée près du marché de Kim Long, fut exilée aveu sa
parenté et détenue au village de Phu Xuan ; elle était âgé de 90 ans environ (8e mois, an 14 de Tu
Duc). Déjà malade depuis longtemps, elle y est morte au bout d'un mois environ. Après que
l'autorité eut constaté sa mort, son corps fut porté et inhumé à Phu Cam.
14. Anna Na, enfant de 4 ans, fille des époux Nhien ou Nhieu, exilée avec eux-mêmes au
village de Truong Giang, puis au village de Trieu Son Tay Giap, y mourut d'hydropisie dans la
maison de détention, le 7e mois de l'an 15e de Tu Duc. Elle y fut enterrée tout près de la grande
route. Depuis, on n'a pu retrouver son corps pour l'enterrer dans un autre lien.
15. Pierre Nhien, âgé de 40 ans, domicilié près du marché de Kim-long fut envoyé avec sa
femme et ses enfants au village de Phu Xuan, ensuite détenu à Trieu Son Tay Giap. Souvent à la
cangue ; il reçut, de plus, 17 coups de rotin, sans vouloir apostasier. Quand parut l'édit d'amnistie,
les mauvais traitements l'avaient rendu malade depuis près d'un mois. Il est mort en chemin, quand
ses proches le rapportaient à sa maison, le 7e mois, an 15 de Tu Duc. Il est enterré près des autres
défunts de sa famille.
16. André Quyen, père de famille, âgé d'environ 40 ans, vieux soldat de la marine royale,
apostasia d'abord devant le tribunal. De retour â sa maison, il fut cependant exilé avec sa femme et
ses enfants, et détenu au village de Duong Xuu ha (8e mois, an 14 de Tu Duc), et plus tard, transféré
à la prison de An Cuu. Il avait parfois la cangue et les ceps. C'est là qu'il est mort de maladie (6e
mois, an 15 de Tu duc), Près de mourir, il se repentit et témoigna extérieurement, devant ses
parents, un profond regret de sa faute antérieure, Son corps est enterré au cimetière du village où il
est mort.
17. Marie Ngoi, âgée d'un peu plus de 30 ans, née à Van Duong, depuis mariée à Tho Duc,
fut exilée pour la foi avec son époux, au village de Duong Xu-uu ha, le 8e mois, 14e année de Tu
Duc). Là, le sous-préfet la fit comparaître et frapper de six coups de rotin, pour l'obliger à renier sa
foi ; ce fut sans succès. Transférée un mois après à la prison de An Cuu elle y tomba gravement
malade. En ce temps là, elle reçut encore douze coups de rotin, sans que sa constance défaillit. Son
hydropisie s'aggravant de jour en jour, elle mourut saintement dans sa prison, le 27 du 11e mois de
la même année ; son corps fut rapporté peu après dans son pays natal où il restait encore quelques
chrétiens libres, elle y a été inhumée convenablement.
18. Anna Nu, enfant de trois ans, fille des époux Hao, les accornpagna a Duong Xu-uu ha,
puis à la prison de An Cuu où elle mourut le 1er mois de l'an 15 de Tu Duc. Sen corps est enterré
Tho Duc.
19. Michel Lien, enfant de trois ans, fils des époux Nhung, les suivit au même lieu que ci-
dessus. Transféré avec eux à la prison de An Cuu, il y fut attaqué par la petite vérole juste au
moment où paraissait l'édit du roi pour l'élargissement des chrétiens. Il rendit sa jeune lime à Dieu à
la maison paternelle et lut enterré dans le tombeau de sa famille (an 15). Laudate pueri Dominum !
Deux mots sur la chrétienté de Tho Duc :
La chrétienté de Tho Duc, ainsi nommée parce que jadis ses habitants étaient employés
presque tous aux fonderies royales, est agréablement située sur une petite éminence, près de la rive
gauche, en remontant le grand fleuve, à une demi-heure environ de la capitale assise sur la rive
opposée. C'est sans contredit une des plus anciennes chrétientés du royaume d'Annam ; elle a eu une
longue suite de beaux jours qui, hélas ! Semblent ne devoir pas revenir de sitôt. Elle a servi d'asile à
de nombreux missionnaires dont les restes précieux y reposent encore ; elle était le séjour des
officiers européens, quand les rois supportaient les étrangers par reconnaissance ou par besoin ; elle
avait une belle église et un couvent situés sur un site choisi. Elle vit plus d'une fois couler le sang
des martyrs, parmi lesquels il y a eu de ses enfants. La persécution l'a détruite. Maintenant, les
païens possèdent les beaux lieux consacrés par la prière et le sang des fidèles ; ceux-ci sont
relégués, au nombre d'environ 400, dans la partie la moins saine du village, où ils s'occupent à prier
Dieu et à travailler la soie, métier dans lequel ils ont la réputation d'exceller.
(A suivre.)
- Code 1918/469-479
- Document 469-479
- Année 1918
https://archives.mepasie.org/fr/annales/confesseurs-de-la-foi-de-1848-a-1862-3-
suite
IV. — Chrétienté de Ngoc Ho.
1. La veuve Marthe Sam, âgée de 72 ans, fut tout d'abord détenue pour la foi à la sous-
préfecture, en attendant qu'on voulût bien désigner le lieu où elle devait être exilée avec sa parenté.
Ce lieu fut le village de Lai Buong. Elle y mourut d'épuisement et de maladie, dans la prison, sept
jours après y être arrivée, le 9e mois de la 14e année de Tu Duc. Son corps est enterré en ce même
village, mais sans cercueil, personne n'ayant eu les moyens, sinon la volonté, de lui en procurer.
Ann. M.-E., 1918, n° 120 et 121.
2. Pierre Kieng, père de famille âgé de 40 ans, exilé en haine de la religion avec sa femme et
ses enfants, le 8e mois, an 14 de Tu Duc, fut d'abord détenu au village du Xuut Du pendant trois
mois, puis au village de La Khé, sans la cangue, ni les ceps. Plus tard, il dut passer dans une autre
sous-préfecture, et puis dans une troisième, sans que son sort fût décidé; le temps qu'il n'était pas en
voyage, il le passait en prison. Enfin, il fut définitivement exilé au village de Mi Xuyen ; ses parents
durent l'y porter, car ses infirmités ne lui permettaient pas de s'y rendre d'une autre manière. Là, le
gardien des détenus et les notables du village le sollicitèrent à l'apostasie, en le menaçant du rotin et
en lui promettant la liberté s'il se rendait à leurs conseils ; il tint ferme constamment malgré la
gravité de sa maladie. Il est enterré sans cercueil, au village de Mi Xuyen, tout près de la grande
route royale.
3. Joseph Dang, fils du précédent, naquit et mourut un mois après, dans la prison de Mi
Xuyen où ses parents étaient détenus. Son corps est enterré au même lieu, et de la même -manière
que Pierre Kieng.
4. Philippe Doan, âgé de 30 ans, fils du premier catéchiste de la chrétienté, fut d'abord
conduit et détenu à la sous préfecture, puis envoyé au village de Lai Thanh, seul ; ce ne fut que plus
tard que sa femme et ses enfants l'y vinrent rejoindre, traînés par les payens (8e mois, an 14 de Tu
Duc). Il était là le plus souvent à la cangue ; les efforts réitérés des notables du village pour le faire
apostasier échouèrent toujours. La maison de détention ayant depuis été transportée en dehors du
village, cela nuisit à la santé de Philippe Doan qui tomba gravement malade (3e mois, an 15 de Tu
Duc). Il mourut le 25 du même mois ; son corps est enterré au pied de la montagne voisine de Lai
Thanh.
5. Anna Than, fille du précédent, âgée de 2 ans, mourut de la petite vérole dans la prison où
son père était détenu, le 2 du 9e mois, an 14. Elle est enterrée dans les brousses du village de Lai
Thanh.
6. Philippe Chung, veuf âgé de 70 ans, natif d'An Van, mais habitant Ngoc Ho, fut enfermé
à la sous-préfecture, le 8e mois, année 14 de Tu Duc, en attendant la dispersion. Dix jours après, il
s'acheminait au village de Tay Thanh. A cause de sa vieillesse, il n'avait point la cangue, ni les
entraves. Plusieurs fois, les païens l'engagèrent à apostasier sans jamais y réussir. Il est mort
d'épuisement causé par la faim, dans la maison de détention dont il ne sortait jamais, le 11e mois de
la même année. Son corps est enterré au village de Tay Thanh.
7. Mari Tai, âgée de huit ans, fille unique des époux Huon, exilée avec eux au village de Tay
Thanh, le 8e mois de la 14e année de Tu Duc, mourut de faim dans la prison, le 11e mois de la
même année. Son corps est enterré convenablement au même lieu. On doute qu'elle ait eu l'usage de
la raison.
8. Marie Thin, âgée de 30 ans, d'abord détenue 20 jours à la sous préfecture (8e mois, an
14), fut ensuite envoyée au village de Buong, puis au village de Lai Thanh. A la cangue de temps à
autre et plus tard sans discontinuer, on ajouta les entraves pendant quelques nuits. Trois fois
menacée, et invitée à apostasier, elle refusa avec une noble fermeté. Transférée à la nouvelle maison
de détention en dehors du village, on eut recours au rotin, pour l'obliger à renier sa foi, sans plus de
succès que précédemment. Dix jours plus tard, elle fit semblant d'apostasier au 10e coup de rotin.
Le village la conduisit aussitôt à la sous préfecture, afin qu'elle fît la chose en règle sous les yeux du
mandarin. Elle eut le malheur de le faire. Ramenée malgré cela à la prison, elle y est morte trois
jours après, pleurant, sans doute sa faute. On se hâta de l'enterrer sans cercueil, au pied de la
montagne voisine.
9. Pierre Tu, âgé de 50 ans, marié à une païenne, voulut se faire passer lui aussi pour païen,
en plaçant dans sa maison un autel et des superstitions comme les gentils, et même en blasphémant
la religion chrétienne de toutes ses forces. Le mandarin ne s'y laissa point prendre et l'exila au
village de La Khé, où il demeura, sans cesse chargé de la cangue. De là, transféré un mois après au
village de Thu Le, il y apostasia deux fois, sur la simple invitation des païens, sans pour cela
recouvrer la liberté promise à sa lâcheté. Ce que voyant, bourrelé de remords, il dépérit eu quelques
jours et mourut sans apparence d'autre maladie. Il est enterré au même lieu (an 14 de Tu Duc). Il
paraît qu'il n'a pas donné de signe patent de conversion.
10. Marie Sau, enfant de six ans, fille des époux Nhuong, exilée avec ses parents au village
de La Y, le 9e mois de l'année 14, y est morte dans la prison, le 16 du 6e mois de l'année suivante
(an 15 de Tu Duc). Sou corps est enterré près des morts de sa famille à Thanh Loi.
V. — Chrétienté de Buong Tam.
1. Joseph Can, âgé de 26 ans, fils des époux Ti, fut avec eux exilé pour la foi au village de
Tien Non, le 15 du 7e mois de l'an 14 de Tu Duc. De temps à autre, il portait la cangue. Attaqué du
choléra, il en est mort dans la maison de détention, le 16 du 1e, mois de l'an 15, du même roi. Un an
après, ses restes ont été rapportés et inhumés à Buong Tam.
2. Joseph Dien, âgé de 80 ans, veuf, catéchiste de sa chrétienté, fut détenu avec ses enfants
au village à moitié chrétien de Kim Long, le 24 du 10e mois, 14e année du roi. Il y est mort de
maladie, le 14 du 2e mois de la 15e année de Tu Duc, Son corps, enterré d'abord au lieu de sa mort,
a été depuis rapporté par ses enfants et inhumé près des autres membres de sa famille, à Buong
Tam, son pays (16e année du règne). Cette petite chrétienté, la plus éloignée au pied des montagnes
peuplées de tigres, n'est guère qu'une dépendance de la suivante.
VI. — Chrétienté de Da Han.
1. Jacques Khoang, âgé de 63 ans, maire de l'endroit, fut d'abord en cette qualité détenu dix
jours à la sous-préfecture, ensuite exilé avec sa femme et ses enfants au village de An Hoa, (9e
mois, an 14 de Tu Duc) où, par intervalles, il dut porter la cangue. Il y est mort de la dysenterie à la
maison de détention, le 11e mois de la même année. Il est enterré dans la plaine, au sud de ce
village.
2. Marie Dat, âgée de 65 ans, fut envoyée avec son mari au village de An Bang (9e mois, an
14) ; de là, un mois après, transférée au village de An Hoa. Une fois, on lui offrit de la renvoyer
libre, si elle voulait apostasier, ce qu'elle refusa, Un mois après, elle fut encore transférée au village
de Xuun Hoa où elle eut la cangue, après avoir de nouveau refusé de renoncer à sa foi. Elle ne
sortait jamais de la maison de détention ; elle y est morte du choléra, le 9 du 2e mois, an 15 du
règne, munie des derniers sacrements. Après que l'autorité eut constaté son décès, on l'enterra à
Thanh Loi.
3. Elisabeth Nho naquit et mourut au bout de 3 mois dans la prison du village de Truoc Lam
où ses parents, les époux Thuan étaient détenus pour la foi (2e mois de la 150 année de Tu Duc).
Son petit corps a été rapporté et enterré près des défunts de la famille à Da Han.
4. Pierre Nghi, âgé de 55 ans, fut exilé avec sa femme et ses enfants au village de Qui Lai, et
mis à la cangue le jour et la nuit (8e mois, an 14). Il refusa de se libérer par l'apostasie comme on l'y
conviait. Le 3e mois de l'an 15, il fut transféré à la nouvelle prison en dehors du village, et la nuit,
outre la cangue, il eut les entraves aux pieds. Frappé de trois coups de rotin, il refusa derechef
l'apostasie et la délivrance qui devait s'ensuivre. Attaqué de la dysenterie, il mourut dans sa prison,
le 8 du Ge mois de la même année. Son corps a été rapporté et enterré à Da Han, son pays natal.
5. André Che, âgé de 16 ans, fils du précédent, détenu avec ses parents au village de Qui
Lai, fut à la cangue la plupart du temps, et mourut de la dysenterie dans la maison de détention, en
dehors du village (4e mois, an 15 de Tu Duc). Son décès constaté, il fut enterré, sans cercueil, au
même lieu, tout près du fleuve.
6. Paul Vinh fut envoyé avec sa femme et ses enfants au village de Qui Lai (8e mois, an 14).
Il avait 55 ans et dut porter la cangue jour et nuit jusqu'à sa mort. Transféré à la nouvelle prison en
dehors du village, il fut, de plus; aux entraves pendant la nuit. Le 14 du 50 mois de l'an 15, il eut la
faiblesse d'apostasier devant le chef de canton. Le 20, il fut pris d'un violent choléra. Quand parut
l'édit d'amnistie qui renvoyait chez eux les chrétiens dispersés, on le rapporta à Da Han où il mourut
six jours après, le 2 du 7e mois, même année. Près de mourir, il se repentit et reçut les derniers
sacrements dans les meilleures dispositions. Il est enterré au cimetière du village.
7. André Tuyen, âgé de 13 ans, fils du précédent, exilé au même village et à la même
époque, fut à la cangue seulement de temps en temps il est mort du choléra dans .la maison de
détention, en dehors du village (4e mois, an 15). Son décès constaté par les autorités, on l'enterra
près du fleuve voisin.
8. Joseph Chien, orphelin âgé de 29 ans, fut exilé le 9e mois, an 14 de Tu Duc, au village de
Qui Lai ; sans cesse à la cangue, transféré depuis à la nouvelle prison en dehors de ce village, il
avait de plus les pieds aux ceps pendant la nuit. Le 5e mois de l'an 15 du même roi, affligé d'un flux
de sang continuel, il fut conduit devant le sous-préfet pour apostasier, ce qu'il eut le malheur de
faire. Reconduit en prison malgré sa faiblesse, il y mourut et fut enterré près de là (3 du 6e mois,
même année). On dit qu'il s'est bien repenti.
9. Marie Dan, envoyée au même lieu et à la même époque que le précédent, y est morte du
choléra dans la maison de détention, le 19 du 10e mois de l'an 14 de Tu Duc, à l'âge de 27 ans. Son
décès une fois constaté par le mandarin, on la fit inhumer tout près du fleuve, sur la rive droite. Elle
n'eut à porter qu'une cangue très légère pendant qu'elle était en bonne santé.
10. Agnès Khanh, âgée de plus de 40 ans fut exilée avec son mari et ses enfants au village
de The Vinh, le 9e mois, an 14 de Tu Duc. Elle portait la cangue de temps en temps. Le 12e mois de
la même année, on la transféra à la maison de détention de Qui Lai où, engagée à apostasier, elle s'y
refusa énergiquement. Quand parut l'édit d'amnistie, elle se trouvait malade à la prison en dehors du
même village. On dut la rapporter tout doucement à sa maison de Da Han, où elle est morte
quelques jours après, fortifiée par les derniers sacrements (7e mois, an 15 de Tu Duc). Elle est
enterrée à côté des défunts de sa famille.
11. Pierre Phuong, enfant de quatre ans, fils d'Agnès Khanh, mourut danla maison de
détention de Qui Lai, le 4e mois, an 15 de Tu Duc. Son corps est enterré non loin de là, sur la rive
du fleuve.
12. La veuve Magdeleine The fut exilée avec ses enfants au village de Qui Lai (7e mois, an
14 de Tu Duc). Transférée depuis à la nouvelle prison en dehors de ce village, elle y tomba
gravement malade. Vint l'édit d'amnistie ; on dut la rapporter dans son pays et dans sa maison
désolée ; elle y est morte au bout de deux jours, après avoir reçu les derniers sacrements (6e mois,
an 15). Son corps repose à Da Han.
13. André Tinh, âgé de 12 ans, fils des époux Luong, fut exilé avec eux au village de Tien
Non ; puis, le 10e mois, an 14 de Tu Duc, transféré et détenu à Qui Lai. Il y mourut de la grippe un
mois après. Son décès dûment constaté par les autorités locales, son corps fut enterré sans cercueil
au nord du dit village. Ce village de Qui Lai s'est distingué par la dureté avec laquelle il a traité les
prisonniers chrétiens, et par les nombreuses propositions d'apostasie qu'il leur faisait.
14. Pierre Nghiem, enfant de 5 ans, exilé avec ses parents, les époux Phap, au village de Kun
ou Kuu Bong, y est mort d'hydropisie, dans la maison de détention, le 3e mois, an 15 de Tu Duc. Il
est enterré près du fleuve, à l'est de ce village.
15. La veuve Marie Mêe, âgée de 76 ans, fut envoyée avec ses enfants au village de Tien
Non (6e mois, an 14 de Tu Duc). On lui offrit la liberté en échange de l'apostasie, ce à quoi elle ne
voulut aucunement consentir. Transférée à une nouvelle prison, en dehors du susdit village, elle
refusa deux fois encore de renier sa foi pour obtenir son élargissement. Elle est morte de la
dysenterie, le 13 du 3e mois de l'an 15 de Tu Duc, après avoir reçu les derniers sacrements. Son
corps est enterré près de la rive droite du fleuve. Le choléra, la dysenterie et autres maladies dont les
chrétiens étaient si souvent victimes étaient, soit dit une fois pour toutes, provoqués par les mauvais
traitements dont on les accablait.
16. La veuve Marie Hien, âgée de 70 ans, fut exilée avec ses enfants au village de Lai An
(6e mois, an 14 de Tu Duc). Elle y est morte en prison, le 5e mois de l'an 15 du même roi. Son
corps est enterré à l'est de cet endroit.
17. Joseph Phuc, âgé de 8 ans, fils des époux Uon, exilé avec eux à Tien Non, y est mort
dans la prison, le 10e mois de l'année 14 de Tu Duc. Il est enterré à l'ouest, près du fleuve.
18. La veuve Elisabeth Hau, âgée de 82 ans, fut exilée avec ses enfants, détenue au village
de Co Vuu, le 28 du 66 mois, an 14 de Tu Duc. Deux mois après, elle fut transférée à la prison de
An Hoa, et depuis le 13 du 12e mois, au village de Mau Tai où elle est morte du choléra le 20 du
même mois, après avoir souffert toutes sortes de privations. Son corps a été dans la suite rapporté et
enterré convenablement à Da Han son pays.
19. Marie Hanh, âgée de 35 ans, fut à la même époque que la précédente détenue avec son
mari et ses enfants au village de Co Vuu ; de là, trois mois après, transférée à la prison de An Hoa ;
ensuite, le 12e mois, à celle du village de Mau Tai. Elle porta toujours la cangue, et quelquefois les
entraves pendant la nuit. La prison ayant été transférée pour la cause qu'on sait en dehors de ce
dernier village dans un lieu malsain, Marie Hanh tomba gravement malade. Malgré ses douleurs,
elle refusa d'apostasier pour obtenir sa délivrance. Le 6e mois, 15e année du roi, en vertu de l'édit
d'amnistie, ses parents la rapportèrent à Da Han, à l'endroit où avait été sa maison, C'est là qu'elle
est morte au bout de douze jours, munie des derniers sacrements qu'elle reçut avec la plus grande
ferveur. Son corps repose au cimetière de la chrétienté. Pendant la dispersion, les maladies étaient
presque toujours mortelles, à cause du manque de secours, de remèdes, de bon air et d'aliments.
20. Joseph Thang, enfant de 7 ans, fils des époux Li Chien ou Chieu, exilé avec eux à Co
Vuu, à An Hoa et à Mau Tai, comme les précédents, mourut de maladie dans là prison de ce dernier
village, le 6e mois, an 15 de Tu Duc. Ses restes ont été depuis rapportés etenterrés à Da Han son
pays.
21. Joseph Huon, âgé de 60 ans, fut détenu avec sa femme et ses enfants au village de Mau
Tai, le 12 du 9e mois, an 14 de Tu Duc. Le plus souvent, il avait la cangue. Deux fois, on lui promit
la liberté s'il voulait apostasier, ce dont il se garda bien. Il mourut de la dysenterie dans la prison, le
16 du 12e mois, même année. Son corps a été rapporté et inhumé à Da Han.
22. Magdeleine Chut, fille des époux Binh, naquit et mourut au bout de 4 mois (2e mois, an
15 de Tu Duc) dans la prison du village de Mau Tai, où étaient détenus ses parents. Ses restes ont
été rapportés et enterrés à Da Han.
23. Une autre Magdeleine Chut, fille des époux Luc, naquit et mourut au même lieu que la
précédente, après un mois seulement d'existence (3e mois, an 15 de Tu Duc). Son corps a été
rapporté et inhumé à Da Han par ses parents.
24. Françoise Loi, orpheline âgée de 17 ans, fut envoyée avec ses deux jeunes soeurs au
village de Mau Tai (7e mois, an 14 de Tu Duc), Ce village, la voyant pauvre, malade et délaissée,
ne voulut point l'accepter dans la prison. Elle resta donc abandonnée près du fleuve, ne sachant que
faire, ni où aller. Elle est morte de faim et de misère au bout de 5 jours. Son corps est enterré à la
place même où elle mourut.
25. La veuve Marthe Huyen, âgée de 62 ans, fut exilée et détenue au même village de Mau
Tai. Elle ne tarda pas à y mourir de maladie dans la maison de détention (8e mois, an 14 de Tu
Duc). Son corps a été dans la suite rapporté et inhumé à Da Han.
26. La veuve Françoise Yen, âgée de 78 ans, fut exilée avec ses petits-enfants au village de
Thai Lai, ensuite détenue à la sous-préfecture (7e mois, an 14 de Tu Duc), puis de nouveau exilée
au village de Hien Si. Une fois invitée à se libérer par l'apostasie, elle refusa net. Elle est morte du
choléra, le 17 du 1er mois, an 15 de Tu Duc. Plus tard, ses restes ont été apportés et enterrés dans la
chrétienté de Da Han.
27. Jacques Dong, âgé de 56 ans, fut envoyé avec sa femme et ses enfants au village de Bao
Mi (9e mois, an 14 de Tu Duc). La plupart du temps, il était à la cangue et parfois aux ceps. Il eut la
faiblesse d'écouter les gens du village qui le pressaient depuis longtemps de renoncer à sa religion.
Le 12e mois, transféré à la prison de Hien Si, il portalacangue continuellement et les entraves
pendant toutes les nuits. Là, plusieurs fois invité à apostasier, il refusa toujours énergiquement,
témoignant en public son repentir d'avoir faibli une première fois. Il est mort du choléra, en prison
(6 du 1er mois, an 15). Son corps a été depuis rapporté et enterré à Da Han.
28. La veuve Magdeleine Tuan, âgée de 30 ans, fut exilée au village de Thai Lai (7e mois,
an 14). Elle eut le plus souvent la cangue et moins souvent les entraves. Le 12e mois, on la transféra
à la prison du village de Hien Si, où elle refusa de se délivrer par une feinte d'apostasie que le
village lui demandait, Elle est morte en prison, de la dysenterie, le 21 du 1er mois, an 15 de Tu Duc.
Ses restes ont été rapportés et inhumés à Da Han.
29. La veuve Elisabeth Dieu, âgée de 50 ans, fut avec ses enfants exilée au village de Thai
Lai, où elle portait quelquefois la cangue (7e mois, an 14 de Tu Duc). Bien des fois, le village
voulut la forcer à apostasier, ce fut toujours sans y réussir. Plus tard, emprisonnée quelques jours à
la sous-préfecture, puis détenue au village de Hien Si, elle y refusa derechef plusieurs fois d'obtenir
sa liberté par l'apostasie. Elle mourut du choléra dans la prison, le 9 du 1er mois, an 15 du même
règne. Son corps est enterré au dit lieu, misérablement, sans cercueil.
30. Magdeleine Ua, âgée de 50 ans, détenue avec son mari au village de Hien Si, où elle est
morte du choléra (11 du 1er mois, an 15 de Tu Duc) dans la maison de détention. Ses restes ont plus
tard été rapportés et inhumés à Da Han.
31. Joseph Thau, âgé de 40 ans, nouvellement converti, baptisé, et marié à une chrétienne,
fut d'abord détenu à la sous-préfecture pendant un mois, puis envoyé avec son épouse au village de
Hien Si (10e mois, an 14). Il consentit à l'apostasie, après avoir fait quelques difficultés. On ne lui
rendit cependant point la liberté qu'on lui avait promise pour récompense de sa faiblesse. Il mourut
en prison, le 17 du 4e mois, an 15 de Tu Duc, on ne sait pas en quelles dispositions. Son corps a été
enterré au lieu de sa mort.
32. Jacques Ngai, âgé de 25 ans, fils des époux Huynh, exilé avec eux au village de Thanh
Can, y est mort dans la prison, le 2e mois, an 15 de Tu Duc. Il est enterré à l'est de ce village.
33. André Hao, âgé de 30 ans, et Marie Hao son épouse, âgée de 17 ans, tous deux
nouvellement convertis à la religion, furent exilés au village de Thanh Can (l1e mois, an 14). Ils
eurent pendant quelque temps la cangue et les ceps, trois fois le rotin, pour les amener à apostasier.
Les deux premières fois, ils tinrent ferme; mais la troisième, ils se rendirent après quelques coups.
Ils n'eurent pas pour cela leur liberté, mais furent gardés en prison; ils y tombèrent tous deux
malades du choléra dont ils moururent à cinq jours de distance, dans la contrition de leur faute (2e
mois, an 15). Ils sont enterrés ensemble non loin de là.
34. Pierre Phan, enfant de cinq ans, fils des époux Hao, mourut de maladie dans la prison, le
12e mois de l'an 14 de Tu Duc. Son corps est enterré au lieu de sa mort. S'il n'a pas empêché ses
parents d'apostasier, c'est lui sans doute qui leur aura obtenu la grâce du repentir.
35. La veuve Anna Tan, âgée d'environ 60 ans, fut exilée avec ses enfants au village de Tien
Non, le 16 du 7e mois, an 14 de Tu Duc ; ensuite, transférée au village de Mai Xuu. Deux fois, on
entreprit de lui persuader de renier sa foi, mais on n'y parvint pas. Depuis, elle fut de nouveau
transférée au village de Chanh Loc où elle est morte de la grippe, en prison (11 du 1er mois, an 15).
Après avoir constaté son décès, l'autorité fit enterrer son corps au lieu de sépulture ordinaire du
village.
36. Françoise Ut, orpheline âgée de 17 ans, avait été adoptée par Anna Tan ; elle
l'accompagna dans la dispersion à Tien Non et à Mai Xuuu où elle devint hydropique. Elle est
morte de cette maladie, dans la prison de Chanh Loc (12e mois, an 14 de Tu Duc). Son corps est
enterré au même lieu que celui de sa mère adoptive.
La chrétienté de Da Han, dont nous venons de voir tant de fidèles mourir dans les prisons,
est située au pied d'une haute montagne, près du point de jonction de deux grandes branches du
fleuve de Hué. Eloignée de la capitale, voisine des tigres, elle avait rarement reçu la visite d'un
missionnaire européen. De plus, placée non loin des tombeaux des rois d'Annam, et préposée à leur
garde une partie de l'année, elle avait pu difficilement se garder de certaines superstitions obligées
en pareil cas. Cependant, elle ne s'est montrée inférieure à nulle autre chrétienté : au temps de la
grande épreuve se sont révélés son courage et sa foi. Dieu en soit béni !
Voilà ce que j'ai pu recueillir touchant les chrétiens de la province royale de Thua Thien, Il y
a dans le 1er district de cette province trois grandes chrétientés : Kim Long, Duong Son, Ho Chuon,
dont il n'a pas été question. Cependant, nombre de leurs habitants sont partis pour un lointain exil,
après avoir confessé leur foi ; le reste a subi la commune dispersion ; mais par une particulière
protection de Dieu, je ne sache pas que personne ait succombé. Il y a encore dans cette province un
3e district, plus petit que les deux autres (Thanh Huong), sur lequel je n'ai pas eu de documents.
(A suivre).
- Code 1918/508-517
- Document 508-517
- Année 1918
PROVINCE DE QUANG TRI
PREMIER DISTRICT (DINH CAT)
https://archives.mepasie.org/fr/annales/confesseurs-de-la-foi-de-1848-a-1862-4-
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