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Loïc Rochard

LES MOTS DE BRASSENS


Petit dictionnaire d’un orfèvre du langage

C o l l e c t io n B r a ss e n s d ’a b o r d
dirigée par Jean^Paul LIÉGEOIS

le
cherche
midi
DU MEME AUTEUR
AU CHERCHE MIDI

Brassens par Brassens y2005.

© le cherche midi, 2009


23, rue du Cherche-Midi, 75006 Paris.
Vous pouvez consulter notre catalogue général et l’annonce
de nos prochaines parutions sur notre site Internet :
cherche-midi.com
Car le mot, qu'on le sache, est un être vivant.
Victor Hugo, Les Contemplations

Nommer un objet, c'est supprimer trois quarts de la puissance d'un


poème qui est faite du bonheur de deviner peu à peu ; le suggérer,
voilà le rêve.
Stéphane Mallarmé, Enquête sur l’évolution littéraire

L'on peut en une sorte d'écrits hasarder de certaines expressions,


user de termes transposés et qui peignent vivement, et plaindre ceux
qui ne sentent pas le plaisir qu'il y aà s'en servir ou à les entendre.
Jean de La Bruyère, Les Caractères -
Des ouvrages de l’esprit

Entre toutes les différentes expressions qui peuvent rendre une seule
de nos pensées, il n'y en a qu'une qui soit la bonne. On ne la
rencontre pas toujours en parlant ou en écrivant ; il est vrai néan­
moins quelle existe, que tout ce qui ne l'est point est faible et ne
satisfait point un homme d'esprit qui veut se faire entendre.
Jean de La Bruyère, Les Caractères -
Des ouvrages de l’esprit

La langue française est si fine et si nuancée que l'on peut s'en émer­
veiller presque à propos de chaque mot.
Jacqueline de Romilly, Dans le jardin des mots
Georges Brassens, cet orfèvre des mots...

G efeorges Brassens semble devoir s’installer durablement dans


la postérité. C ’est peut-être parce que, au-delà de son talent, un
large public a aussi perçu en lui une permanence dans son style de
vie, une fidélité à ses convictions comme à ses incertitudes, une
constance dans ses amitiés et ses révoltes, une absolue fidélité à
lui-même dans un détachement total des attributs habituels des
vedettes ordinaires. Mais, surtout, ily ala magie de ses chansons.
« On n’entre pas dans mes chansons comme dans un
moulin», se plaisait à dire Georges Brassens. Il s’est, sans
conteste, employé à ce que l’on n’y entre pas ainsi. Si nombre
d’entre nous ne nous lassons pas de réécouter à l’infini ses chan­
sons, c’est qu’elles résistent vaillamment aux outrages du temps.
Une attention soutenue et une écoute renouvelée permettent en
effet d’y déceler petit à petit ce que son auteur a dissimulé à l’audi­
teur inattentif. Et l’on va de surprises en découvertes.
Les strophes supprimées, les versions multiples, les remanie­
ments incessants de ses textes, comme de ses musiques, prouvent à
l’envi l’exigence dans laquelle il se plaçait. Ne pas céder à la faci­
lité était, pour Brassens, une marque de respect envers son public.
Désireux que ses chansons ne soient pas trop éphémères, il pouvait
renoncer en dernière minute à présenter au public une nouvelle
chanson qui ne le satisfaisait pas pleinement et dont, cependant,
l’état d’achèvement en aurait contenté plus d’un.
Certains critiques et quelques biempensants avaient cru bon de
s’arrêter à sa verdeur de langage. La censure s’en était mêlée.
Imperméables à la poésie et à l’humour, ceux-là ne soupçonnaient
pas que Brassens s’était « abîmé » - selon sa propre expression -
dans la lecture et que, sa vie durant, il se nourrirait de nos
auteurs classiques et de nos poètes. Illustration de cet appétit
inassouvi pour les belles'lettres : il se mit ainsi, vers l’âge de
45 ans, à réapprendre le latin pour pouvoir lire Ovide dans le
texte! Hélas désormais dispersée, la bibliothèque qu’il s’était
constituée, abondamment annotée de sa main, aurait pu attester
de son désir permanent de découvrir, d’apprendre et d’explorer des
domaines très divers. Brassens s’était forgé luLmême une culture
très étendue, littéraire et surtout poétique. Il n’est que de prêter
attention aux références mythologiques, historiques ou poétiques,
qui abondent dans ses chansons pour réaliser la multitude des
influences dont il se réclamait.
Son éclectisme en la matière explique la variété et la richesse
du vocabulaire ' dont il s’est servi pour écrire ses chansons. Il est
manifeste qu’un grand nombre toujours croissant d’expressions,
de mots inhabituels, de personnages mythologiques ou historiques
lui a très jeune trotté dans la tête. Ce capital linguistique s’enri'
chissait au fil de ses lectures. Georges Brassens n’apprenait
pas par cœur, il retenait les textes comme les musiques. Dès que
le passage d’un livre ou d’une pièce de théâtre (il lisait aussi
1. Souligné par l’auteur.
beaucoup de ces dernières) lui plaisait, il était capable, bien des
années après, de le citer de mémoire, quasiment mot pour mot.
Bien que doté d’une mémoire peu commune, Brassens noircissait
de ses trouvailles de petits carnets dans lesquels il pouvait puiser à
loisir, allant jusqu’à recopier des passages entiers d’œuvres qui
avaient particulièrement retenu son attention.
Un des grands talents de Georges Brassens fut que, grâce
à lui, l’homme de la rue chante Villon, Lamartine, Hugo et bien
d’autres encore. Magie de l’adéquation du mot, de la musique et
du rythme. Son goût notoire pour la poésie fut si communicatif
que nombreux sont ses admirateurs qui sont allés, sous son
influence, à la rencontre d’auteurs méconnus ou sont retournés
vers les auteurs classiques quelque peu délaissés. Ne mésestimons
donc pas cet art si particulier qui consiste à associer harmonieuse'
ment les mots et les notes. Brassens y excellait. Qui, sans lui,
aurait eu connaissance d’Hégésippe Moreau ou d’Antoine Paul 1
Ce sont pourtant deux poètes qu’il mit en musique, comme il le fit
avec des poésies de Théodore de Banville, de Jean Richepin, ou
d’autres encore.
Mais il a aussi créé son propre style en mettant au service de
son imagination débordante un vocabulaire choisi judicieusement.
Il n’a pas craint, par ailleurs, de mêler dans un même vers
construction raffinée et expression populaire, tournure précieuse et
mot argotique, versification classique et vocables familiers. Ce
mélange original et plus recherché qu’il n’y paraît donne toute sa
finesse et sa vigueur à la phrase poétique et confère à l’œuvre
de Georges Brassens un caractère inimitable. Cette juxtaposition
inattendue de vocables tombés en désuétude et de mots familiers
provoque des artachronismes qui confinent à l’intemporalité et,
poT'là même, à l’universalité. Il en est de même de l’emploi de noms
mythologiques, de références historiques qui renvoient à la
mémoire collective et suggèrent les caractères qui y sont associés.
Toujours la suggestion. Mais qu’est-ce donc d’autre que l’image
poétique sinon la suggestion dont le pouvoir évocateur est plus
puissant qu’une description lapidaire î L’auditeur qui a ses propres
références peut ainsi et plus aisément laisser libre cours à son
imagination.
Dire moins que l’on ne pense mais dans une langue maîtrisée
renforce le discours ; la litote est souvent plus efficace que de longs
développements. L’hyperbole peut être réservée à l’humour et
Brassens, dans ce registre, ne s’en est pas privé.
La recherche du mot juste ‘, même si elle peut parfois être
influencée par le cadre très structuré de la forme versifiée (cette
chaîne volontaire !), suppose chez l’auteur une rigueur qui le
préserve d’un sens approximativement exprimé. Il est aussi loisible
d’imaginer que la contrainte de la versification ait pu parfois
entraîner Georges Brassens à modifier, voire délaisser, une idée au
profit d’une autre ; cela pour conserver un terme, une expression
dont la puissance évocatrice satisfaisait mieux son goût des mots et
son désir de suggestion.
Si Charles Baudelaire a dit : « Parce que la forme est contrai­
gnante, l’idée jaillit plus intense^ », Paul Valéry est allé plus
loin à propos de Vassujettissement aux règles qui, selon lui,
« appelle de très loin une multitude de pensées qui ne s’atten­
daient pas d’être conçues \ »

1. Souligné par l’auteur.


2. In Lettre à Armand Fraisse (18 février 1860).
3. In Au sujet d*Adonis - Variété (1920).
Dans cet esprit, Brassens remit au goût du jour des archaXsmes,
des boutions désuètes. Il détestait les néologismes et, chez lui, les
mots étrangers étaient tout autant exceptionnels. Dans tel ou tel
vers, nous pourrions parfois supposer qu’il eût eu le choix d’un
autre mot. Mais, par exemple, Brassens donnait toujours la préfé'
rence aux noms anciens pour désigner des objets dont l’évolution
technique avait modifié leur dénomination au fil du temps (phono'
graphe plutôt que toume'disque, calèche ou char à bancs plutôt
qu’automobib, chaumine plutôt que maison, etc.)
Loin du calembour qu’il abhorrait, il ne se priva pas du plaisir
de transformer de nombreuses expressions et de glisser, çà et
là dans ses chansons, des phrases ou des vers empruntés à des
auteurs illustres. Il lutta à sa façon contre b déshérence de b
bngue française, jetant un pont entre classicisme et modernité,
tant au pbn du vocabulaire que des règles de versification.
Tout aussi bien et dans bon nombre de ses chansons, le cocasse
le dispute au pathétique, le frivole au dramatique. Mébnge des
genres 1 Non, mais contrepoint. Le moindre des paradoxes
n’est'il pas non plus d’associer b désuétude de mots quasiment
oubliés à b verdeur de certains mots familiers, b préciosité du
bngage à l’incongruité des situations, b mythologie à des tour­
nures populaires ?
Satires, sarcasmes, dérision, métaphores ironiques, sont chez
Brassens souvent tempérés par l’humour. De nombreuses interjec­
tions, des onomatopées, des excbmations, renforcent l’atmosphère,
b vivifient, mais toujours de manière très synthétique. Cette
atmosphère, si particulière à ses chansons, tient en partie à l’em­
ploi d’archaïsmes qui évoquent un temps passé mais indéterminé.
Son choix de locutions adverbiales ou d’adverbes temporels
imprécis (jadis, naguère, du temps jadis, d’antan, etc.) marque
son rejet du temps présent et sa prédilection pour le temps passé.
Le ton nostalgicjue parfois employé place définitivement Georges
Brassens en dehors d’un temps présent bien défini.
De la même façon, l’argot induit les bas'fonds sans qu’il
soit besoin de les décrire ni de les situer dans le temps. Assez
éloigné de la nature, Georges Brassens ne dédaigne pas pour
autant les images liées à celle-ci, non par lyrisme mais pour une
évocation symbolique et pour planter le décor dans lequel évoluent
ses personnages.
Quelques vers, voire quelques mots, suffisent à décrire la
scène ; l’imagination de l’auditeur fait le reste. Le cadre évoqué,
l’atmosphère créée ne sont là que pour renforcer les traits des
personnages dont Brassens nous dresse le portrait. Il dénonce, en
quelques strophes, certains travers de ses semblables, vilipende
des agissements, fustige quelques comportements, stigmatise les
dérives des ordres établis, déplore la nocivité des dogmes quels
qu’ils soient et, enfin, regrette l’intolérance en tous temps et
en tous lieux. A l’inverse et dans un vaste mélange social, son
petit théâtre personnel met aussi en scène des personnages emplis
d’humanité.
De ce cadre, souvent pittoresque et apparemment restreint
que dépeint Georges Brassens, découlent tout naturellement
une généralité, une morale. Il renoue en cela avec la tradition des
fabulistes. Les termes abordés sont universels et extratemporels.
La couleur locale, plus suggestive que précise, est utilisée comme
principe esthétique. Car il s’agit bien chez lui de jouer avant tout
avec les mots et avec les notes. L’idée serait, selon lui, venue en
prime. À voir.
Adepte du second degré, il répandit subrepticement des idées
très en avance sur l’époque qui le vit les exprimer. Mais être
en avance sur son temps ne consiste-t-il pas plus dans les idées
suggérées que dans l’emploi d’un vocabulaire d’avant-garde ?
Et r originalité de la prise de position n’est-elle pas plus facilement
admise quand elle se pare de vocables inattendus ? Permanence des
thèmes, puissance du parti pris sont mieux servis si le langage
employé donne au texte un caractère intemporel. Et puis le trait
d’humour, tout en feignant d’atténuer le propos, renforce étrange­
ment la pensée.
Brassens ne jouait pas la corde sensible ; s’il fait appel à nos
émotions, c’est indirectement. La propagande de contrebande fut
sa ligne de conduite ; cela correspondait plus à sa pudeur naturelle.
Il ne voulait pas faire pleurer dans les chaumières mais réveiller
les consciences, toujours en jouant avec les mots. Et c’est en se
servant des mots (et il en avait beaucoup à sa disposition) qu’il
nous surprend, nous secoue. L’irrespect, que notre bonne éduca­
tion refoule, trouve un exutoire par Brassens interposé. Au-delà
de la farce, le clown est souvent triste et la vérité parfois doulou­
reuse. Et si Brassens nous fait rire, nous émeut, nous provoque,
nous attendrit, il nous fait aussi réfléchir.
Selon Paul Valéry, « pour agir par le langage, le poète agit
sur le langage' ». Indéniablement, Georges Brassens a exploité
toutes les ressources du langage et utilisé à bon escient les effets
des différentes figures de rhétorique. Au-delà de cette habileté à
manier la langue, il a employé un lexique d’une originalité et d’une
précision très inhabituelles dans la chanson. Brassens qui voulait
suggérer plutôt que d’asséner se refusait pour autant à tomber

1. Cf. Les droits du poète sur la langue in Pièces sur l'art, NRF Gallimard,
dans résotérisme. Même si nombre de mots éveillent la curiosité,
Brassens n’est jamais obscur. Il est compris et apprécié par le plus
grand nombre en dépit de (ou grâce à) ce vocabulaire si étonnant
et si varié.
Parmi les chansons enregistrées par Georges Brassens, seules
six d’entre elles (Bonhomme - La mauvaise herbe - Les amou'
veux des bancs publics - Maman, Papa - Marinette - Rien
à jeter) ne recèlent, à mon point de vue, aucun vocable qui
justifie une définition ou une explication particulière. Parmi ces
chansons, il est intéressant de noter que Maman, Papa est une
œuvre de prime jeunesse et que Bonhomme fut achevée lorsque
Brassens, âgé de 22 ans, était en Allemagne au titre du Service du
travail obligatoire. Georges Brassens déclarait par ailleurs que
Marinette avait été écrite en une heure.
En revanche, le reste de son œuvre renvoie l’auditeur un peu
curieux à un usage immodéré de dictionnaires de différentes
natures, de différentes époques. En effet, la perception approxima­
tive de la signification de certains de ses mots, comme de l’origine
ou du sens véritable de ses expressions, nous prive d’un plaisir
supplémentaire. Aussi, l’approfondissement du vocabulaire, si
étendu chez Brassens, autorise une plus grande appréciation des
références, des allusions, des suggestions que recèlent ses chansons.
Pour pallier ma propre inculture, je me suis donc appliqué à
définir tout ce sur quoi je butais dans ses textes, ou tout ce qu’à
l’impromptu j’étais incapable d’expliquer clairement, précisément
et en toute certitude. A mieux saisir les nuances subtiles, les clins
d’œil malicieux, les sous-entendus, on mesure mieux, je crois, la
dimension du personnage et on éprouve un plaisir accru à l’écoute
de Georges Brassens, cet orfèvre des mots et des notes.
Loïc R o c h a r d
LES MOTS DE BRASSENS
A
« Avec, à la lèvre, un doux chant... »'

* In Pauvre Martin.
ABÉLARD (LE SUPPLICE D’) [in Le mécréant]*.
Philosophe et théologien français du XlP siècle, Abélard
vécut une grande passion pour Héloïse avec qui il s’était
marié secrètement. Séparée de lui, Héloïse entra au couvent
d’où elle entretint une correspondance enflammée avec
Abélard. Ce dernier fut émasculé ; ce fut son supplice.
ABJURER [in Mourir pour des idées].
Abandonner, par une déclaration formelle et solennelle,
une croyance, souvent religieuse, ou, dans le cas présent,
renoncer à sa croyance habituelle.
À BON DROIT [in Révérence parler].
Cette locution a vieilli. Elle relève directement du parler
juridique et signifie : légitimement, à juste titre.
* Pour chaque mot ou expression de ce dictionnaire, le lecteur est renvoyé
à la chanson ou aux chansons dans laquelle ou dans lesquelles Georges Brassens
l’a employé. 11 pourra ainsi s’y reporter facilement, soit en écoutant les
enregistrements du Sétois, soit en consultant les Œuvres complètes de
Georges Brassens (le cherche midi).
ACABIT [in Le testament].
Si l’origine de ce mot est douteuse, on en trouve néan­
moins la trace dans la langue d’oc, en Provence, avec les
verbes acabir (obtenir), acabar (achever, au sens de bonne
affaire) et l’adjectif cabit (pourvu). C’est au XVIF siècle que
acabit désigne la qualité bonne ou mauvaise d’une chose puis,
par extension, d’une personne.

ACCESSIT [in La guerre de 14-18].


Du latin accedere (s’approcher), l'accessit est la distinction,
quelquefois assortie d’une récompense, qui est décernée aux
élèves qui se sont le plus approchés de la première place.

ACQUÊTS [in Bécassine].


Biens possédés et notamment ceux qui, acquis durant le
mariage, tombent dans la communauté. Synonyme vieilli de
acquisition qui peut également signifier : profit ou gain, bien
matériel ou immatériel.

ADAGE [in L’arc-en-ciel d’un quart d’heure - Loin des


yeux, loin du cœur - Stances à un cambrioleur].
Formulation ancienne qui qualifie une vérité admise,
un principe d’action éprouvé par l’expérience. Proche de
sentence, dire populaire, proverbe, maxime, un adage peut
parfois contenir un principe juridique.

ADONIS [in L’ombre au tableau].


Personnage mythologique, ce jeune homme, moins musclé
qu’Apollon mais plus érotique, est le symbole de la beauté et
le dieu du printemps (dieu de la végétation en Syrie, mourant
et renaissant chaque année). Très jeune, il fut l’objet de la
convoitise d’Aphrodite et de Perséphone, déesse des Enfers.
Il fut blessé mortellement par un sanglier qu’un jaloux lâcha
sur lui. Par extension, un Adonis est un jeune homme coquet,
pourvu des grâces de la nature et qui ne peut s’empêcher de
faire le beau.
AGUICHER [in Oncle Archibald].
Vient de guiche (lien d’osier, courroie, puis accroche-
cœur) et signifie : allécher avec une connotation galante,
exciter la curiosité par des manœuvres ostentatoires, cher­
cher à séduire par des manières coquettes, voire provocantes.
Jean Richepin qualifie de guiche le monde des souteneurs
dans La chanson des gueux.
ALCÔVE [in Celle pour qui j'en pince - La nympho­
mane - Le revenant - Les casseuses].
Vient de l’arabe al-qubba (petite maison), via l’espagnol
alcoba (coupole). C’est une pièce de réception proche d’une
chambre. Elle s’est rétrécie au fil des siècles pour ne devenir
qu’un simple enfoncement dans le mur d’une chambre où
l’on place un lit. Par extension, c’est le lieu privilégié des
ébats amoureux.
ALGUAZI [in Uépitaphe de Corne d*Aurochs].
Sans doute pour les besoins de la rime, le l final du mot
alguazil a disparu dans cette chanson. Ce mot vient de l’arabe
al'Wazir, via l’espagnol alguacil (officier subalterne de police
espagnol). De façon ironique ou méprisante, on désignait
ainsi au XK*" siècle les agents de police et plus spécifiquement
ceux chargés des arrestations.
Boris Vian (in Bamwm’s digest :A queue alternative, 1948) :
« Dans certaines baraques de foires
Remplies d’alguazils péruviens...»
ALOI (BON) [in La ronde des jurons].
Aloi vient de l’ancien verbe aloier (allier) et désignait dans
un premier temps un titre de valeur dans lequel la proportion
de métal précieux est fixe (monnaie). Une personne peut
être de bon ou de mauvais aloi : tout dépend de son comporte­
ment, de son apparence et non plus de la qualité de l’alliage.
ALTER EQO [in Auprès de mon arbre].
Locution latine (autre moi-même). Désigne la personne
en qui l’on a toute confiance, celle à qui vous conférez les
pleins pouvoirs pour agir en votre nom.
AMBAGES (SANS) [in Qrand Dieu merci - La mar^
guerite - Le mouton de Panurge].
Une ambage est un détour, une sinuosité de [angage, une
circonlocution. Lambage désigne la difficulté à s’exprimer,
soit par embarras, soit par manœuvre. Mais seule a subsisté
l’expression sans ambages.
AMBIGU [in Uépitaphe de Corne d’AurocKsj.
Ce nom commun, disparu de l’usage courant, ne doit pas
être confondu avec l’adjectif ambigu. Un ambigu est un repas
au cours duquel tant la viande que les fruits, et éventuelle­
ment d’autres mets, sont servis en même temps ; ce n’est donc
ni un souper ni une collation. Au figuré, un ambigu est un
mélange de choses différentes, voire opposées.
AME EN PEINE [in Je suis un voyou - Les sabots
d’Hélène - Le vingt-deux septembre].
C’est la notion de purgatoire. Le défunt qui n’aurait pas
trouvé le repos après la mort aurait son âme en peine. Se dit
par extension de ceux que l’inquiétude ronge ou à qui il
semble toujours manquer quelque chose pour être heureux.
AMPHITRYON [in Le cocu].
Petit-fils de Persée, Amphitryon épousa Alcmène et s’en
fut pour la guerre. Zeus en profita, en prenant les traits
d’Amphitryon, pour séduire la belle. De cette union adultère
naquit Héraclès.
Molière rendit Amphitryon célèbre par sa pièce éponyme
(1668), mais s’était peut-être inspiré des vers de Jean de
Rotrou qui, le premier et dans sa pièce Les Deux Sosies
( 1636), érigea Amphitryon en symbole de l’hôte généreux à la
table copieuse.
ANDROPAUSE [in L’andropause].
C’est la diminution de l’activité génitale masculine. Elle
est hélas inéluctable avec les années.
ÂNE BÂTÉ [in Ceux qui ne pensent pas comme nous].
Le bât est l’hamachement fixé au dos des bêtes à qui l’on
fait porter une charge. L’expression âne bâté, que l’on trouve
chez Molière, provient peut-être d’une autre expression : fier
comme un âne qui a bât neuf. Le qualificatif d’âne est ainsi
renforcé pour désigner un ignorant, un homme à l’esprit
lourd et entêté.
ANGES DU GUET [in Le moyenâgeux].
Les archers du guet constituaient un corps de police
chargé de la surveillance nocturne des villes. Chef de la
compagnie du guet, le chevalier du guet se devait d’être particu­
lièrement aux aguets. Point d’ange dans cette soldatesque.
Mais le moyenâgeux de Brassens méritait bien l’escorte
d’anges du guet puisqu’il s’agissait d’être conduit sur le gibet.
ANGES QUI SOUPIRENT [in C'était un peu leste
- Je bivouaque au pays de Cocagne - La religieuse -
Le bulletin de santé - Quatre-vingt-quinze pour cent -
Retouches à un roman d'amour de quatre sous].
Se dit à propos d’un acte qu’en général la morale réprouve.
Faute de pouvoir se cacher les yeux, les anges soupirent, sans
doute de dépit ! Car le soupir est la respiration profonde
qu’on laisse échapper sous le coup d’une émotion, d’une
douleur. Ce peut être aussi un chant plaintif ; c’est bien la
raison pour laquelle cette expression est utilisée à propos de
l’orgasme féminin.
AN QUARANTE [in La guerre de 14- 18].
Si Georges Brassens évoque bien la Seconde Guerre
mondiale dans cette chanson, il le fait au moyen d’une
expression qui n’a rien à voir avec ce conflit. Ce sont en effet
les royalistes qui évoquaient ce futur, très improbable à leurs
yeux, de la jeune république, certains qu’elle ne durerait pas
si longtemps.
ANTAN [in Bonjour, mon p’tit village - Clochers
d^automne - Dansons, mes fillettes - Elégie à un rat de
cave - Le moyenâgeux - Le passéiste - Les amours d^antan
- Les funérailles d*antan - Les ricochets - Le temps ne fait
rien à V affaire - Le vieux Léon - QuHl te souvienne].
Antan vient du latin anteannum et signifie donc l’année
qui précède celle en cours. Georges Brassens reprend un
emploi très ancien de ce mot, lui donnant un sens plus
large : celui de jadis, d'autrefois. Il fait, là, référence à un
de ses auteurs favoris, François Villon, et décline à partir de
neiges d’antan plusieurs locutions : dames d’antan, funérailles
d’antan.
ANTIENNE [in Fernande].
Du latin ecclésiastique d’origine grecque antiphona (chant
en réponse). L’antienne est le passage de l’Écriture que l’on
chante en tout ou partie avant un psaume et que l’on répète
en entier à la fin de celui-ci.
C’est ce caractère répétitif que retient Brassens, l’antienne
devenant un refrain, un propos que l’on ressasse jusqu’à la
lassitude.
ANTRE [in Entre la rue Didot et la rue de Vanves -
Le mécréant repenti].
L’antre est à l’origine une caverne, excavation naturelle
servant d’abri aux hommes comme aux animaux. Par exten­
sion, c’est un logement sombre, délabré et inconfortable.
Mais ce lieu sordide et redoutable n’a pas toujours ce sens
péjoratif puisque c’est aussi le lieu intime et silencieux
propice au repos, à la réflexion et au travail.
APANAGE [in Le blason - Révérence parler].
Ce fut tout d’abord un fief concédé à un prince du sang en
compensation de ce que, seul, l’aîné héritait de la couronne.
Ce fut ensuite la donation faite aux fils puînés en échange de
leur renonciation à la succession paternelle. Présent dans le
langage juridique jusqu’au XV' siècle, le mot apanage (du latin
médiéval apanare : nourrir, donner son pain) prend, à partir
de la Renaissance, le sens figuré de privilège.
APARTÉ (EN) [in Mourir pour des idées].
La locution adverbiale en aparté exprime les paroles
échangées à l’écart d’un groupe, de telle sorte qu’elles ne
soient entendues que par la ou les personnes à qui elles sont
destinées. L’aparté (nom masculin) est souvent utilisé à tort à
la place d’incise (nom féminin) ou de parenthèse.
APHASIE [in Le passéiste].
C’est l’altération plus ou moins accentuée de la fonction
du langage bien que l’organe de la voix ne soit pas lui-même
affecté. Ce mutisme est dû à la lésion de centres nerveux.
APHRODITE [in Je bivouaque au pays de Cocagne -
Le grand Pan - Sauf le respect que je vous dois].
Cette déesse grecque de la beauté et de l’amour est née, dit-
on, de l’écume de la mer. Elle passe pour être la fille d’Ouranos
dont Kronos avait tranché les organes sexuels avant de les
jeter à la mer. Aphrodite aurait alors été engendrée par l’écume
qui se rassembla autour des attributs virils de son père.
De ses amours avec Dionysos naquit Priape, le dieu
phallique, et son union avec Hermès lui valut d’être la mère
d’Hermaphrodite. Outre quelques dieux, Aphrodite aima
aussi nombre de mortels. Infidèle et irréfléchie, telle était sa
réputation. Elle égarait même la raison de Zeus. Aphrodite
symbolise l’amour physique et les forces irrépressibles du
désir. Avec elle, nul besoin d’aphrodisiaque !
APOLLON [in Uinestimable sceau].
Dieu de la mythologie grecque, Apollon est le fils de Zeus
et de Léto. À sa naissance, la déesse Thémis le nourrit exclu-
sivement de nectar et d’ambroisie, ce qui lui valut d’atteindre
la taille adulte en quelques jours.
Éternellement jeune, dieu de la lumière civilisatrice et
de la poésie, Apollon devint le parangon de la beauté athlé­
tique. C’est pourquoi les sculpteurs grecs le statufièrent si
souvent. Si les poètes s’en inspirèrent et si autant de temples
furent érigés en son honneur, c’est que ses amours le ren­
dirent célèbre.
Également dieu des arts et plus particulièrement de la
musique, on lui devrait l’invention du luth ; mais son instru­
ment favori était la lyre que lui offrit Hermès, son demi-frère.
APPAS [in Je bivouaque au pays de Cocagne - La fille à
cent sous - La Légion d*honneur - Le bistrot - Le mécréant
- Le vieux fossile - L’ombre au tableau - Une jolie fleur -
Une petite Eve en trop].
Toujours au pluriel, ce mot serait l’ancienne forme du
pluriel de appas (pâture servant à attirer les animaux pour
les attraper) qui devint appât. Les appas sont les attraits
extérieurs d’une femme qui suscitent le désir et, en par­
ticulier la gorge féminine. Le mot appas se distingue du
mot charme en ce sens qu’il ne désigne que les seules
grâces physiques.
AQUILON [in Le chapeau de Mireille].
C’est le vent du Nord, représenté par des enfants joufflus
qui soufflent avec vigueur. L’aquilon désigne plus générale­
ment tout vent violent froid et orageux.
ARBRE DE JUDÉE [in Auprès de mon arbre].
C’est le gainier commun ou Cercis süiquastrum. Cet arbre à
fleurs roses tire son nom de la légende selon laquelle Judas se
serait pendu à un arbre de cette espèce.
ARGOUSIN [in Corne d’AurocKsj.
A l’origine, ce mot désignait les surveillants embarqués à
bord des galères. Par extension, il désigna ensuite une
personne chargée de surveiller, d’enquêter. Il prit enfin un
sens péjoratif, puisque argousin devint le synonyme d’agent de
police. Son emploi s’est toutefois raréfié.
Honoré de Balzac (in L’Initié, 1848) :
« Népomucène, qui flaira des agents de police, crut qu'on allait
arrêter le vieillard...
- SauveZ'Vous, Monsieur ! Tenez, voyez'vous ces argousins ? »
ATTENDEZ-MOI SOUS L’ORME [in Ceux qui ne
pensent pas comme nous].
Pour se développer harmonieusement, l’orme a besoin
d’espace. Son implantation un peu isolée fit que les juges
ruraux le privilégièrent pour rendre la justice sous son
ombrage. Mais certains justiciables, redoutant la sentence.
omettaient de se rendre à l’audience ! Ainsi, dire : « Attendez'
moi sous l’orme » revient à donner un rendez-vous auquel on
n’a nulle intention de se rendre.
ATTIGER [in Misogynie à part].
Ce verbe argotique apparaît au début du xix*^ siècle et ne
se rencontre guère que dans le langage parlé. Ainsi a-t-il deux
orthographes admises : avec un ou deux t ; atiger ou attiger.
Son sens propre signifie : abîmer, blesser, meurtrir. Dans cette
chanson, c’est le sens figuré (c’est-à-dire exagérer) qu’utilise
Georges Brassens.
ATTILA [in Les lilas - Les voisins].
Un peuple nomade turco-mongol, avec à sa tête le prince
Attila, était installé près du Danuhe au milieu du V'= siècle.
Après moult péripéties et batailles, Attila attaque les Gallo-
Romains, franchit le Rhin et détruit Metz. Mais Paris et Lyon
furent épargnés. Si l’imaginaire populaire a conservé de ce
souverain guerrier nomade le souvenir d’un barbare cruel, il
faut savoir que, élevé dans l’aréopage de l’empereur romain
d’Orient, Attila avait une cour qui passait pour une des plus
raffinées de l’époque. Son surnom de Fléau de Dieu lui est
resté, même s’il demeure très populaire en Hongrie où le
prénom Attila est très répandu.
AUBADE [in II suffit de passer le pont].
Du [atin alba, substantif féminin de l’adjectif albus (blanc).
L’aubade est le concert matinal (à l’aube blanche) donné en
plein air et, généralement, sous les fenêtres de celui ou celle à
qui l’on souhaite rendre hommage.
AUBUSSON [in Histoire de faussaire].
Aubusson est une ville de la Creuse où des tisserands
flamands s’installèrent au XVF siècle. Une manufacture royale
y fut établie en 1665. Les tapisseries fabriquées dans ces
ateliers sont à ce point célèbres dans le monde qu’Aubusson
est devenu un nom générique.
AUROCHS [in Corne d’Aurochs].
L’aurochs est un boeuf sauvage de grande taille. Bien que
répandue autrefois dans toute l’Europe, cette espèce est en
voie d’extinction. Aurochs est invariable et prend toujours
un s.
C’est Émile Miramont, un de ses amis d’enfance, qui fut
affublé du surnom de Corne d’aurochs par Georges Brassens.
Ce dernier était surnommé à l’époque Œil de mammouth.
Avec André Larue (surnommé Plésiosaure indécis), les deux
amis avaient en effet créé le Parti préhistorique qui ne
compta jamais que trois membres !
AUTAN [in Uamandier - Le chapeau de Mireille].
Fort vent chaud et sec soufflant du sud-est dans la région
du haut Languedoc et à l’ouest de la Montagne Noire et des
Corbières. Ce mot d’origine provençale désigne ce vent venu
de la haute mer. Au pluriel, les autans prennent un caractère
orageux.
Curieusement, en poésie, les autans sont considérés comme
des vents froids, notamment par Guillaume Apollinaire
(in Casanova) :
« Mais bientôt les autans
Glaceront nos amours... »
Uautan noir est beaucoup plus rare, plus éphémère et plus
humide que l’autan blanc.
AVANIE [in Le blason].
Avanie viendrait du mot arabe hawân (traître). Pour
confisquer les biens des chrétiens, les Turcs leur faisaient
subir des vexations de toute sorte, les traitant notamment de
hawân. L’usage du mot avanie s’est étendu pour signifier désor­
mais un traitement humiliant, un affront public, une vexation.
AVECQUE - AVECQUES (D’) [in Auprès de mon arbre
- Le blason - Les bacchantes - Tempête dans un bénitier].
Ancienne forme poétique de la préposition avec que
Georges Brassens remet au goût du jour dans la rédaction de
ces trois textes. Ce clin d’œil n’est perçu que difficilement par
l’auditeur. Mais cette licence orthographique se justifie par la
contrainte du décompte syllabique.
Cette forme vieillie se rencontre fréquemment en poésie
jusqu’au XVll'^ siècle. Avecque s’emploie normalement devant
un mot dont la première lettre est une consonne et avecques
devant un mot commençant par une voyelle. La locution
prépositive d’avecque marque la différence ou la séparation.
B
« Bonnes fées, sauvegardez-nous !

In À rombre du cœur de ma mie.


BABA [in Le bulletin de santé].
En être baba, en rester baba, c’est être vraiment étonné au
point d’en rester bouche bée. C’est le doublement du radical
du verbe bayer (être ouvert, avoir la bouche ouverte) qui a
donné cette expression. Ce même verbe, devenu bâiller en
français moderne, a donné l’adjectif ébahi.

BACCHANALE [in Le mouton de Panurge].


Au singulier, une bacchanale n’est autre qu’une danse
tumultueuse, une réunion tapageuse. Les bacchanales (au
pluriel), célébrées dans la Rome antique, étaient des fêtes
bruyantes vouées au culte de Bacchus qui ont dégénéré au
point d’être interdites à partir de 186 avant J.-C. ; elles
demeurèrent toutefois bien vivantes dans la mémoire des
Romains.
A l’instar des bacchantes, prêtresses de Bacchus, les femmes
y étaient court-vêtues et parées de peaux de faon et de
panthère. Elles y chantaient et dansaient en brandissant des
torches, des serpents et des grappes de raisin.
Par extension, les bacchanales sont devenues synonymes
d’orgies, de débauches où les moeurs habituellement admises
sont publiquement bafouées.
BACCHANTES [in Les bacchantes].
Les bacchantes (les femmes de Bacchus) est un des noms
donné aux ménades, ces femmes possédées qui faisaient partie
du cortège de Dionysos. On dit aussi d’une femme emportée
qu’elle est une bacchante, une furie.
La pièce d’Euripide, Les Bacchantes, relate l’affronte­
ment entre Dionysos et son cousin Penthée.
BACCHUS [in Le grand Pan - Uépave].
11est l’équivalent romain de Dionysos, dieu grec de la vigne
et du vin, fils de Zeus et de Sémélé. Souvent accompagné des
silènes et des satyres, Bacchus compte parmi ses plus fervents
adeptes les ménades (femmes possédées).
BACHELIER [in Les quatre bacheliers].
Ceux qui réussissent les épreuves du baccalauréat deviennent
des bacheliers, mais connaissent-ils l’origine de ce mot ?
Emprunté au latin médiéval baccallaris, le mot bachelier
(bacheler, en ancien français) désigne d’abord, dans le système
féodal, le jeune gentilhomme qui aspire à devenir chevalier.
Dès le XIV‘=siècle, est bachelier celui qui, dans une faculté, est
promu au premier des grades universitaires.
Outre le clin d’œil au titre du roman d’Albert Marchon,
Le Bachelier sans vergogne, Georges Brassens fait ici natu­
rellement référence aux étudiants. Cela à la différence de
Victor Hugo qui, dans La légende de la nonne, évoque bien
le sens d’aspirant chevalier... dans cette strophe non reprise
par Brassens quand il a mis le poème de Hugo en musique :
« Pour un mot d’une belle bouche,
Pour un signe de deux beaux yeux,
On sait qu’il n’est rien que ne fassent
Les seigneurs et les bacheliers...»
BADINAGE [in Révérence parler].
Badin, badinage, badiner, ces trois vocables viennent du mot
badaud (à l’origine : celui qui demeure bouche bée). Un badin a
perdu son sens de sot pour devenir une personne enjouée, qui
fait aisément rire et prend les choses avec légèreté. Mais le mot
badin ne se rencontre plus que sous sa forme adjective (un
ton badin, un style, un esprit badin). Badiner, c’est s’amuser à des
bagatelles. Et le badinage peut être une plaisanterie, une atti-
tude de galanterie ou, encore, un manque de prise au sérieux.
BÂFREUR [in Le petit-fils d’Œdipe].
Dans la langue du XVI*^ siècle, on rencontre baufreur,
substantif synonyme de glouton, de vorace. Si le féminin de
bâfreur ne s’emploie que rarement, c’est que sans doute la
femme a toujours été plus attentive à sa ligne. En langage
populaire, un bâfreur est celui qui a pour habitude de manger
avec excès et de manière gloutonne.
BAGATELLE [in Le fidèle absolu - Le grand Pan -
Uomhre au tableau - Pénélope - Sale petit bonhomme -
S’faire enculer].
Une bagatelle est un acte, une parole, un écrit de peu de
valeur et, plus généralement, toute chose frivole. Ce mot vient
de l’italien bagateüa et, dans un premier temps, désignait des
galanteries, des amourettes ; puis, dans le langage familier,
les préliminaires de l’amour, voire les ébats amoureux.
Bien que ce sens premier ait été conservé, une bagatelle est
aussi une somme d’argent dérisoire, un objet futile ou encore
un propos oiseux, une chose sans importance ni nécessité.
S’amuser à des bagatelles, c’est tout autant perdre son
temps à des riens que lutiner une belle.
BAILLER BELLE [in Uépave].
Bailler eut très longtemps le sens de donner, remettre.
La location immobilière est du reste toujours régie par un
bail. Bailler belle, c’est tenter de faire croire (accroire, aurait
dit Brassens), abuser de la crédulité de quelqu’un, se jouer
de lui.
On rencontre plus rarement vous me la baillez bonne, vous
m’en baillez d’une belle.
BALANCELLE [in Je rejoindrai ma belle].
Il s’agit d’une embarcation dont la proue et la poupe sont
pointues, gréée d’une voile latine et armée d’une dizaine de
paires d’avirons. La balancelle était surtout utilisée dans la
région de Naples pour la pêche ou le cabotage. Ce mot vien­
drait à la fois du génois balanzella et du napolitain paranzello.
BALIVERNE [in Le cauchemar].
D’origine obscure, ce mot est quelquefois attribué au
provençal bainvemo qui signifie étincelle, donc sans durée.
Une baliverne est un propos futile, un discours frivole ou sans
fondement. Sornette et billevesée en sont des synonymes.
Assez proche de bagatelle, baliverne n’en a toutefois pas la
nuance amoureuse.
BALLOT [in Brave Margot - Vendetta].
Vient de balot, petite balle de marchandises. Ce mot appa­
raît avec deux l dans le dictionnaire de Furetière et prend
son sens familier à la fin du X1X'= siècle : « Au bout du quai les
ballots, à l’écart les imbéciles ! »
Un ballot est un personnage lourdaud, idiot, sot, au choix.
BALOURD [in Ceux qui ne pensent pas comme nous -
La femme d^Hector].
Ce n’est pas pour rien qu’en mécanique un balourd est
le déséquilibre d’une pièce tournante dont le centre de
gravité ne se situe pas sur l’axe de rotation. Balourd vient
de l’italien balordo. Grossier, stupide, le balourd souffre d’un
esprit obtus.
BARBON [in Les ricochets].
De l’italien barbone : grande barbe. Terme péjoratif pour
désigner un homme âgé, un vieux beau. Faire déjà le barbon se
dit de celui qui est trop sérieux pour son âge.
Victor Hugo (in Ruy Bios, acte IV, scène 4) :
« La dame, mariée à quelque vieux barbon... »
BAROUD [in Les châteaux de sable].
Ce mot familier vient de l’arabe barud et signifie en
argot militaire : combat. La locution baroud d’honneur est
souvent utilisée pour désigner un combat désespéré livré pour
l’honneur.
BARQUE FATALE [in Révérence parler].
C’est à bord de la barque fatale menée par Caron que l’âme
des morts franchissait l’Achéron, ce fleuve qui conduisait aux
Enfers (royaume des morts sur lequel régnait Hadès). Cette
barque est donc celle de la dernière traversée.

BASSINER LE LIT [in C’était un peu leste].


C’est réchauffer un [it, déshumidifier les draps avec une
bassinoire, récipient en cuivre au couvercle ajouré, rempli de
braises et tenu au bout d’un long manche.

BASTE ! [in Jamais contente - Le mérinos].


Guère plus utilisée, sauf localement, cette interjection
vient de l’italien basta ! (Il suffit ! Assez !). En se francisant,
le sens de baste s’est modifié puisqu’il exprime, plutôt que
l’extrême lassitude, le dédain ou l’indifférence pour une
personne, ses propos ou même ses menaces.

BASTION [in Les châteaux de sable].


Vient de [’itaiien bastione qui a donné également bastide
et bastille. Le bastion est une construction militaire de carac­
tère défensif. Ouvrage de fortification souvent pentagonal,
il s’intégre dans l’enceinte d’une place forte.

BASTRINGUE [in Le vieux Léon].


Machine à imprimer les toiles, le bastringue était particu­
lièrement bruyant. Bien qu’on lui attribue des sens variés
tels que mécanique démantibulée ou machine hétéroclite et
sonore, le bastringue désigne plus généralement un orchestre
composé en majorité de cuivres. C’est souvent ainsi qu’étaient
surnommés les bals de guinguette.

BATIFOLER [in Paris s’est endormi].


Ce verbe proviendrait, selon certains, du mot italien batif
folle (grande artère où les jeunes gens se retrouvaient et
s’amusaient). Batifoler suppose d’avoir l’humeur primesautière
qui prédispose aux jeux frivoles, aux propos légers, aux galan­
teries enjouées.

BATTRE LA BRELOQUE [in Le vingt'deux septembre].


Cette locution figurée est très proche de battre la campagne
et signifie : divaguer, ne pas savoir où donner de la tête,
délirer.
Dans cette chanson, Georges Brassens l’utilise au sens
propre de battre le tambour, puisque la breloque (ancienne­
ment berloque) désignait une batterie de tambours.

BATTRE LA CAMPAGNE [in Auprès de mon arbre -


La fessée - Pénélope].
Battre la campagne, c’est la parcourir pour chasser,
organiser une battue ou l’explorer à la recherche de quel­
qu’un ou de quelque chose. Quand l’esprit se met à battre
la campagne, il divague et s’évade vers un imaginaire peu
probable.
La Fontaine nous l’avait bien dit (in Fables, livre VII,
fable 10 : La laitière et le pot au lait) :
« Quel esprit ne bat la campagne 1
Qui ne fait châteaux en Espagne ? »
BATTRE SA COULPE [in Le sceptique].
Du latin culpa : culpabilité, faute. Battre sa coulpe, c’est se
frapper la poitrine comme les chrétiens qui répètent : « Mea
culpa, mea culpa, mea maxima culpa. » C’est plus largement
manifester un regret, un repentir, se reconnaître coupable.
Pour obtenir la rémission de leurs péchés, les pénitents du
Moyen Âge devaient franchir trois étapes : la contrition, la
confession et la satisfaction (autopunition). Symboliquement,
ils se frappaient trois fois la poitrine.

BÉCASSINE [in Bécassine],


C’est en 1905 qu’apparaît, dans le journal La semaine de
Suzette, le personnage de Bécassine dessinée par Joseph
Pinchon. À partir de 1910, les scénarios seront de la plume
de Maurice Languereau (sous le pseudonyme de Caumery).
Première héroïne de la bande dessinée moderne. Bécassine
est une servante bretonne fraîchement débarquée à Paris au
service d’une aristocrate. Un peu godiche, assez ignorante et
passablement naïve. Bécassine commet moult bévues. Il n’est
donc pas étonnant que les Bretons prisent assez peu ce
personnage qu’ils considèrent comme une caricature. Pour la
même raison, ce prénom qu’utilise Brassens dans cette
chanson n’est plus du tout au goût du jour.

BEC DANS UE AU [in Comme une sœur].


Par allusion au héron, cet oiseau qui, le bec dans l’eau,
attend le passage des poissons, cette locution tenir quel'
qu’un le bec dans l’eau signifie : le faire patienter dans une
attente qui ne doit rien produire. Au figuré, c’est être dans
l’attente inutile, dans l’incertitude. Souvent confondue à tort
avec cette autre locution : faire chou blanc qui exprime le
ratage, l’échec.

BEC ENFARINÉ [in Les ricochets].


Avoir le bec enfariné, c’est être sottement content de soi,
trop confiant, voire hypocrite. On en trouve un bon exemple
dans la fable de La Fontaine, Le chat et un vieux rat (livre III,
fable 18). Désormais, l’on rencontre plus fréquemment la
locution gueule enfarinée.

BEC FIN [in Le bistrot].


Sens identique à fine bouche. Dans cette chanson, cette
expression est uti[isée au sens propre : être exigeant quant à la
qualité du vin. Au figuré, un bec fin est quelqu’un de dédai­
gneux. On rencontre parfois fin bec.

BEDEAU [in Brave Margot - Tempête dans un


bénitier].
Le bedeau est cet employé laïc qui, dans une église,
est notamment chargé du service d’ordre durant les offices
et de précéder les membres du clergé dans les proces­
sions, leur ouvrant un passage au milieu des fidèles.
11 guide également ces derniers pour les faire s’agenouiller,
se lever, etc.

BÉGUEULE [in Oui et non].


Une bégueule s’étonne et s’offusque de tout ; c’est une
prude affectée. Ce substantif se rapproche de la locution
bouche bée ; en effet, il est constitué du participe passé du
verbe béer (ouvrir) et de gueule.
BÉGUIN [in C’est un petit béguin - La file indienne -
Souvenirs de parvenue].
Le premier couvent de Béguines aurait été fondé à Liège
au Xll*^ siècle par Lambert le Bègue. Rutebeuf malmène cet
ordre religieux, au comportement pas toujours édifiant, dans
Le dit des Béguines.
La coiffe de fine toile blanche portée par ces religieuses fut
naturellement appelée béguine. Etre embéguiné, c’est dans une
certaine mesure être coiffé par quelqu’un et, par là, ne plus
avoir toute sa tête. Avoir le béguin pour quelqu’un signifie :
s’enticher de lui, en être amoureux.
BÉLÎTRE [in Cetix qui ne pensent pas comme nous -
Uinestimable sceau].
On parlait autrefois des quatre ordres des bélîtres pour
évoquer les quatre ordres religieux dits quatre ordres des
mendiants (Augustins, Carmes, Dominicains, Franciscains).
Mais le bélître est plus qu’un gueux ou qu’un mendiant, c’est
un sot importun. Au XVIF siècle, traiter quelqu’un de bélître
constituait une injure.
Victor Hugo (encore lui, mais Brassens l’a beaucoup lu)
fait dire (in Ruy Bios) à Don César s’adressant au laquais :
« Va te soûler, bélître ! »
BELLÂTRE [in Uinestimable sceau].
Celui qui, pas très beau, prend néanmoins des airs avanta-
geux, fait le beau, le joli cœur, est un bellâtre.
Rabelais dans son Tiers Livre : « Les lacquais de court par
les degrez, entre les huys, fabouloient sa femme à plaisir, laquelle
était assez bellastre... »

BELLE LLfRETTE [in Clairette et la fourmi - Les illu'


sions perdues].
La lurette viendrait de heurette, diminutif d’heure et valant
une demi-heure. Il y a belle heurette signifiait donc : il y a une
bonne demi-heure. Puis cette expression se transforma non
seulement dans sa forme, heurette devenant lurette, mais aussi
clans son sens puisqu’elle signifie maintenant : il y a bien
kaigtemps.

BÉOTIEN [in Jeanne Martin - Montélimar].


La Béotie était une région de la Grèce antique située au
nord d’Athènes. Les Béotiens avaient la fâcheuse réputation
d’être incultes et sans esprit. Cela devait être largement
immérité, puisque Plutarque et Pindare, entre autres, étaient
originaires de Béotie.

BICETRE [in Boulevard du temps qui passe -


Uancêtre].
Situé aux portes de Paris, cet établissement fut à la fois
un hôpital, un asile et une prison. Des mendiants, des vaga­
bonds, des débauchés, des indésirables et des fous s’y côtoyaient
dans la plus grande confusion. Sa célébrité tient également
aux quarante ans durant lesquels, au début du XIX'^ siècle, des
bagnards y transitèrent avant leur départ pour Brest, Rochefort
ou Toulon.
Bicêtre tient son nom de l’altération de Winchester, nom de
l’évêque à qui appartenaient les terrains sur lesquels les bâti­
ments furent érigés sous Louis Xlll.
BIGOT (BIGOTE) [in Je suis un voyou - Lèche-cocu -
Le mécréant repenti].
Homme affecté d’une dévotion superstitieuse et excessive,
et qui est très attaché aux manifestations rituelles. On ne
compte pas moins de bigotes que de bigots, voire plus !
BIGRE ! [in La ronde des jurons].
Forme atténuée de l’interjection bougre ! [voir plus loin]
que les bourgeois de la fin du XIX'= siècle n’osaient prononcer.
BILLEVESÉE [in Le sceptique].
Niaiserie, baiiveme, faribole, sornette... Les synonymes de
billevesée ne manquent pas pour qualifier un propos ou un écrit
vide de sens et souvent erroné. 11 peut s’agir aussi d’une idée
chimérique ou, plus rarement, d’un comportement frivole.
BINETTE [in La religieuse].
Binet, le perruquier de Louis XIV, créa en 1662 la célèbre
perruque que le roi porta pour la première fois quand il joua
Phoebus. Les imposantes perruques bouclées furent vite très
en faveur à la Cour. Ces binettes donnaient à ceux qui les
portaient une drôle de tête, une drôle de binette !
BINIOU [in Élégie à un rat de cave - Le vieux Léon].
Ce mot d’origine bretonne désigne la cornemuse, cet
instrument à vent composé d’une outre et de tuyaux à
anches. Dans la musique bretonne, le biniou est souvent
accompagné de la bombarde. Mais le biniou est devenu un
terme générique pour désigner familièrement tout instrument
de musique.
BIRIBI [in Oui et non].
Aller à Biribi, ce n’est pas se rendre dans un lieu quel­
conque mais être envoyé dans les Bat’ d’Af. Ces bataillons
disciplinaires d’Afrique du Nord, qui subsistèrent jusqu’au
début du XX*" siècle, rassemblaient des réfractaires, des
condamnés pénaux, des insoumis. Ces soldats y subissaient
une discipline de fer et effectuaient des travaux de force
quand il ne s’agissait pas de casser des cailloux. Au reste, il
est possible que ce nom provienne d’un jeu pratiqué en
Algérie consistant à casser des coquilles de noix. Aristide
Bruant y consacra une chanson : A Biribi, et Albert Londres
\

un livre : Dante n’avait rien vu (Albin Michel, 1924).


BISTRO/BISTROT [in Le bistrot].
Si l’on rencontre les deux orthographes, c’est qu’il est
attribué plusieurs origines à ce mot qui désigne un établisse­
ment modeste qui, outre des boissons, sert des repas simples
et rapides.
En 1814, les Cosaques investirent la région parisienne et,
bien que ne devant pas fréquenter les estaminets, s’y précipi­
taient en criant : Bistro ! Bistro ! (Vite ! Vite !)
Ce pourrait être aussi l’aboutissement des déformations
.successives du mot d’origine picarde mastroquet (marchand de
vin au détail, débit de boissons) qui donna troquet, bistroquet,
ou bien encore un dérivé de bistraud (petit domestique).
BLANC-BEC [in Le sein de chair et le sein de bois -
Le temps ne fait rien à Vaffaire].
Pareil à l’oisillon donc le bec est encore blanc, le jeune
homme inexpérimenté mais déjà prétentieux est un blanc-bec.
Ignorant et fat, le blanc'bec n’a pas encore la lèvre assombrie
par une moustache.
BLANCHECAILLE [in Les amours d’antan].
Nombre de blanchisseuses étaient réputées avoir des moeurs
légères. L’imagination populaire les surnomma blanchecailles :
blanc pour le métier qu’elles exerçaient, caille par analogie à
l’oiseau de passage. En tête à tête avec une blartchecaille, rien
n’interdit de l’appeler ma petite caille !
BLANCHI SOUS LE HARNAIS [in Trotnpe-la-mort].
Se dit d’un homme mûr qui a vieilli dans son métier et en
a acquis une grande expérience, tel l’animal de trait dont le
poil est blanchi par le harnais qu’il porte.
BLASE [in Entre la rue Didot et la rue de Vdnves].
Terme argotique, souvent orthographié avec un z, qui
trouve son origine dans le mot blason et qui signifie : nom.
BLASON [in Le blason - Le petit joueur de flûteau -
Vénus callipyge].
Le blason que redoute de porter le petit jouer de flûteau
est la représentation des armoiries de noblesse sur un écu,
ce bouclier des chevaliers. Le blason dit à la louange de
la Vénus callipyge est tout autre : c’est une pièce de vers
à rimes plates, très en vogue au XVP siècle, écrite pour
f'fiire l’éloge d’une personne. Ce poème descriptif et louangeur
est moins sophistiqué que le madrigal. C’est donc un blason
que dédie Brassens au corps de la femme, imitant ainsi de
Marot l’élégant badinage. En effet, dans ses Epigrammes
(1535), Clément Marot avait publié Le blason du beau
tétin. C’est à son initiative qu’une année plus tard furent
publiés Les Blasons anatomiques du corps féminin.
Ces « inventions de plusieurs poètes françois contemporains »
chantent les louanges de différentes parties du corps féminin
(la bouche, l’œil, la main, la cuisse, l’oreille, le sourcil, la
chevelure blonde, etc.).
BLEU (P’TIT/GROS) [in Le bistrot - Le vieux Léon -
Le vin].
Au début du XIX'= siècle on appelait ainsi le vin léger tiré
des vignes de Suresnes. Puis on finit par surnommer de la
sorte les vins rouges ordinaires dont la couleur violacée tirait
sur le bleu.
Paul Verlaine (in Jadis et naguère : L’auberge) :
« Vin bleu, pain tendre, et pas besoin de passeport... »
BOBÈCHE [in La femme d’Hector].
Fils d’un tapissier du faubourg Saint-Antoine, Antoine
Mandelart naquit en 1791. Il s’associa avec Auguste Guérin
pour se produire sur les scènes parisiennes sous les pseudo­
nymes de Bobèche et Galimafre. Mandelart, alias Bobèche,
revêtu d’un costume aux couleurs criardes, portait un
lampion sur la tête. Il était célèbre pour ses farces et ses
pitreries. Sa notoriété fut telle que bobèche est encore un
synonyme, quoique inusité, de niais et de sot.
Paul Verlaine (in Jadis et naguère : Le clown) :
« Bobèche, adieu ! bonsoir, Paillasse ! arrière Gille ! »
Une bobèche est aussi un disque placé à la base d’une
bougie pour en recueillir la cire. Compte tenu de son couvre-
chef, on comprend mieux son choix de pseudonyme que fit
ce fantaisiste.
BOIRE À LA POMPE [in Le bricoleur].
Il y eut le temps des fontaines et des puits, avant celui de
l’eau courante à domicile. Entre les deux, on allait s’approvi­
sionner ou se désaltérer aux pompes qui étaient installées dans
les villes et les villages. Pour éviter tout gaspillage, ces pompes
s’actionnaient à l’aide d’un levier, d’un volant ou encore d’un
bouton poussoir.
BOÎTE À DOMINOS [in Les quatYarts].
Par allusion aux osselets blancs contenus dans une boîte
assez souvent noire, la boîte à dominos est le terme argotique
imagé pour désigner un cercueil.
BON APÔTRE [in Qrand'père - Le pluriel - Mourir
pour des idées].
Cette expression vient sans doute des escroqueries et
trahisons commises par les faux prêcheurs de bonne parole.
Le bon apôtre, sous des dehors d’honnêteté et de bonté, dissi­
mule ses mauvaises intentions, imitant l’homme de bien qui
se consacre à une cause édifiante.
BON TRAIN [in Le vieux Léon].
Rapidement, mais moins vite qu’à fond de train.
Les mots de Brassens

BOUGE [in Le bistrot].


A l’origine, un bouge était une pièce de forme arrondie,
servant de débarras, mais dont les dimensions réduites ne
permettaient guère d’y placer plus qu’un lit. Désormais, on
qualifie de bouge un logement misérable, obscur, malpropre
et, par extension, un café, un cabaret mal famé.
BOUGNAT [in Brave Margot - Le nombril des femmes
d^agents].
Les Auvergnats venus s’installer dans la capitale s’étaient
fait une spécialité de tenir un commerce de bois et charbon
contigu à leur bistrot. La verve parisienne les affubla du mot
pseudo-auvergnat charbougna (charbonnier) qui devint
bougnat.
Dans Chanson pour VAuvergrmt, Georges Brassens fait une
référence implicite au bougnat avec « ses quatre bouts de bois ».
BOUGRE, BOUGRESSE [in À Vombre des maris -
Jeanne Martin - La fessée - La nymphomane - La rotule
des jurons - Le blason - LècKe-cocu - Le grand chêne
- Uépave - Q^and les cons sont braves - Quatre-vingt'
quinze pour cent - Révérence parler].
Vient du latin médiéval bulgarus : hérétique, sodomite
(habitant de Sodome). Au XV siècle, bougre est synonyme
de gaillard. Utilisé comme substantif, bougre désigne un
homme méprisable et, par extension réductrice, un homme
quelconque. Au fil du temps, bougre a pris un tour moins
dévalorisant.
L’interjection bougre ! marque un sentiment de vive
surprise, de dépit et même de colère.
BOUILLONS [in Le bulletin de santé].
En ternie d’imprimerie, de presse, les bouillons sont les exem­
plaires impropres à la vente du fait de leur malfaçon (maculage,
déchirure) ou les invendus qui font l’objet d’un retour.
BOUILLON D ’ONZE HEURES [in Sauf le respect
que je vous dois].
Breuvage empoisonné. Longtemps, on a administré des
remèdes en les mélangeant dans des bouillons. Donner le
bouillon signifiait déjà empoisonner. La précision horaire
renforce l’expression ; onze heures pouvant être considéré
comme la dernière heure avant minuit, moment fatal.
BOUTEFEU [in Mourir pour des idées].
Pour mettre à feu un canon, les artilleurs utilisaient un
bâton à l’extrémité duquel était fixée une mèche et que l’on
nommait boutefeu. Maintenant que les canons partent tout
seul, un boutefeu est celui qui initie des disputes, exacerbe des
querelles.
BOXON [in Les quat’z^arts].
Plus récent que le mot bordel (petite maison, cabane en
planches) qui est attesté depuis le XlP siècle, le boxon désigne
également une maison de prostitution. Boxon, dérivé du mot
anglais box (boîte), est apparu au XlX'^ siècle. Une appellation
récente donc pour un lieu qui remonte à la nuit des temps.
BRANLE-BAS [in À l'ombre du cœur de ma mie].
Le couchage des matelots, avant de s’appeler hamac, portait
le nom de branle, agité qu’il était par le roulis. Suspendus dans
les ponts réservés aux batteries de canon, les branles devaient
être mis à bas, rangés après usage et surtout lors des pré-
parations au combat. Le branle-bas désigne désormais une
agitation extrême suscitée par l’imminence ou la survenance
d’un événement, et qui requiert une action.
BRANLER DU CHEF [in La religieuse].
Branler du chef, c’est secouer la tête. En effet, jusqu’au
xvi‘ siècle, le chef n’était autre que la tête que l’on pouvait
coiffer d’un couvre-chef.
BRANQUE [in Entre la rue Didot et la rue de Vdnves].
Terme argotique pour imbécile, jobard. Le branque se laisse
scntement berner par les hommes du milieu ou par les filles.
BRAVACHE [in Lépave].
En italien, une personne arrogante est un bravaccio.
Le bravache exhibe avec forfanterie son pseudo-courage et
affecte la bravoure.
BRETZEL [in Tant quHl y a des Pyrénées].
Orthographiée brezel en allemand avec une prononciation
identique, cette pâtisserie saupoudrée de gros sel a une forme
de bras entrelacés ; pas étonnant alors que ce mot vienne du
latin bracchium (bras). C’est en réalité une espèce de pain
plus répandue en Alsace et en Allemagne.
BRICK [in Lèche-cocu].
De l’anglais brig, ce mot étant lui-même une abréviation
de brigantin, ce dernier étant également un navire mais plus
petit que le brick. Celui-ci est gréé de deux mâts, le plus petit
devant (mât de misaine) et celui de l’arrière (grand mât),
parfois incliné, porte la brigantine, voile quadrangulaire
enverguée sur une borne et un pic.
BROCARDER [in Chansonnette à celle qui reste
pucelle].
Vient du latin médiéval brocardas, mot qui serait lui-
même dérivé du nom propre Burchardus, évêque du XP siècle
et auteur d’un recueil de droit canonique. Peut-être cet évêque
méritait-il d’être raillé ?Toujours est-il que brocarder, c’est, de
nos jours, se moquer de façon offensante, proférer des paroles
mordantes, des traits piquants.
BRUIT DANS LANDERNEAU [in À Vombre du cœur
de ma mie].
Dans cette chanson, Georges Brassens associe [a locution
brarde'bas [voir plus haut] à la ville de Landerneau située près
de Brest, faisant ainsi une référence implicite à cette autre
locution : faire du bruit dans Landerneau. L’agitation du branle-
bas est en effet souvent bruyante.
C’est en 1796 qu’Alexandre Duval créa Les Héritiers.
Cette pièce de théâtre, dont l’action se déroulait à
Landerneau, voit le retour d’un officier de marine que ses
proches croyaient mort et dont le valet exprime ainsi sa
surprise : « Oh ! Le bon tour ! Je ne dirai rien, mais cela fera du
bruit dans Landerneau. »
Cette expression fit florès et qualifie une affaire, un
événement dont le dévoilement va engendrer un grand
retentissement.
BUCOLIQUE [in Dieu, s'il existe - Le pomographe].
Une bucolique est une poésie pastorale qui dépeint avec
amour la vie champêtre et met en scène sous un jour idyllique
la vie des bergers et des bouviers. Les plus célèbres bucoliques
sont celles du poète latin Virgile.
BULL (JOHN) [in Les deux oncles].
Au tout début du XVllF siècle, John Arbuthnot écrivit un
pamphlet, Le Procès sans fin ou l'Histoire de John Bull ; il
y raillait sans retenue le duc de Marlborough. Des caricatures
de presse représentèrent John Bull en bourgeois ventripotent,
dont le gilet est aux couleurs de l’Union Jack. John Bull
symbolise l’Angleterre comme l’Oncle Sam symbolise les
Etats-Unis.
BUTOR [in La collision].
« Fi ! Peste soit du butor ! » Voilà ce que Molière fait dire à
Scapin (in Les Fourberies de Scapin, 1671). Le sens figuré
de butor apparaît au XVir siècle et désigne un personnage
aussi stupide que grossier, un malappris. Mais, au sens propre,
un butor est un échassier nichant dans les marécages et
dont le cri du mâle rappelle le mugissement du taureau ; on
comprend ainsi l’origine de ce mot qui vient du latin popu­
laire buti'taurus, formé de butio (butor) et de taurus (taureau).
« Comptez plus sur oncle Archibald... »

In Oncle Archibald.
CABOT/CABOTIN [in Uarc'en-ciel d'un quart d'heure
- Entre la rue Didot et la rue de Yanves].
Sous Louis XIII, un comédien nommé Cabotin, quelque
peu charlatan et directeur d’une troupe de théâtre ambulant,
utilisait sa verve pompeuse pour vanter les mérites de ses
élixirs.
On traite désormais de cabot, ou de cabotin, celui qui
manque de naturel et dont les manières étudiées et les atti'
tudes théâtrales visent à recueillir les suffrages d’un public.
CADUC [in Chansonnette à celle qui reste pucelle -
Le temps ne fait rien à l'affaire].
L’emploi de cet adjectif, caduc, qualifie une personne ou une
chose destinée à disparaître, tombée en désuétude, devenue
surannée soit du fait de l’évolution naturelle, soit du fait des
événements.
CAFARD [in Oncle ArcKibald].
De l’arabe kafara : incroyant. Un cafard affecte les dehors de
la dévotion, les apparences de la vertu. Il a pour synonymes :
bigot, cagot, tartuffe. Par extension et en s’éloignant du sens
premier, on traite de cafard un délateur ou un sournois.
CAFÉ DU PAUVRE [in Ce n'est pas tout d'être mon
père].
Trousser sa femme en guise de digestif, voilà ce qu’est le
café du pauvre ! Cette locution argotique est une des innom­
brables qui désignent l’acte sexuel. Le Café du pauvre est
aussi le titre d’un roman d’Alphonse Boudard (Editions de la
Table Ronde, 1983).
CALENDES [in Mourir pour des idées].
C’est le premier jour du mois chez les Romains. Renvoyer
aux calendes grecques, c’est reporter à un temps si éloigné qu’il
est plus qu’improbable qu’il advienne : les Grecs en effet
n’avaient pas de calendes !
CALLIPYGE [in Entre la rue Didot et la rue de Vanves
- Misogynie à part - Révérence parler - Vénus callipyge].
Du grec kallipugos, composé de kallos (beauté) etpugé (fesse).
Littéra[ement : qui a de belles fesses, harmonieusement rebon­
dies. Ce qualificatif flatteur avait été donné à Aphrodite par
les Anciens. De nombreuses statues de Vénus (pendant latin
d’Aphrodite) sont des statues callipyges, notamment à Syracuse.
Une autre statue de Vénus callipyge est exposée à l’Académie
de Naples. « Voir votre académie, Madame, et puis mourir... »
CALOTIN [in Le mécréant repenti - Tempête dans un
bénitier].
Si les prêtres ne la portent plus, le pape, les évêques et
cardinaux continuent de porter la calotte. Le terme péjoratif
de calotin vient de cette coiffure et désigne les hommes
d’Eglise et, par extension, les séides du clergé qui, partisans
du cléricalisme, sont dans la stricte observance des prescrip-
fions religieuses.
CAMARDE [in La ballade des cimetières -Mourir pour
des idées - Supplique pour être enterré à la plage de Sètc].
L’adjectif cornard (e) signifie : qui a le nez plat et écrasé et,
à l’extrême, qui est sans nez (tel un crâne humain). Un nez
camus a la même forme.
Si l’on rencontre rarement le mot camuse pour évoquer la
mort, celui de camarde est plus fréquemment employé.
L’imagerie symbolique de la mort lui donne une apparence
humaine sous forme d’un squelette armé d’une faux ; par le
fait, son sexe demeure indéterminé.
CANAILLE [in Don Juan - UAntéchrist - Le bricoleur
- Le temps passé].
Ce mot est emprunté à [’italien caruxglia (de cane : chien,
avec le substantif péjoratif aglia). En ancien français, on
rencontre chienaille, chenaille. La canaille est la partie la plus
vile du peuple, considérée comme méprisable de par ses idées,
ses goûts, ses actes. Individuellement, une canaille est un
malhonnête, un homme sans scrupule.
La culture anarchiste de Brassens laisse supposer que, en
employant ce mot, il avait en tête la chanson La canaille.
('elle-ci, écrite en 1863 par Alexis Bouvier et mise en
musique par Joseph Darcier, était souvent chantée durant la
Q)mmune. Venant clore chaque couplet, cette épanode est
restée célèbre : « C'est la canaille ! Eh bien ! j’en suis ! »
CARABIN [in Uancêtre - Le revenant - Mêlante -
Révérence parler].
Ce mot viendrait de escarrabin (ensevelissent de pestiférés),
lui-même venant de escarbot (insecte coléoptère fouillant la
terre et le fumier). Par ironie métaphorique, on surnomma
ainsi les garçons chirurgiens qui exerçaient leur talent sur les
cadavres. Et, comme souvent, l’emploi s’est étendu, puisque
sont surnommés carabins les étudiants en médecine et les
médecins eux-mêmes.
CARON [in Le grand Pan].
Orthographié également Charon, Caron est le personnage
mythologique qui faisait passer le fleuve Styx aux défunts à
destination du royaume d’Hadès, roi des Enfers. C’est pour­
quoi il fut surnommé le nocher des morts ou le nocher des
enfers (nocher étant un terme poétique qui désigne le pilote
d’un petit navire).
Décrit comme un vieillard sale et irritable, il réclamait à ses
passagers une obole. Aussi les Grecs avaient-ils pour habitude
de placer une pièce de monnaie dans la bouche de leurs morts.
CAROUSSE (FAIRE) [in Le grand Pan].
Carousse est un mot ancien, orthographié parfois avec
deux r, qui signifiait grande chère. On retrouve ce mot dans
la langue anglaise avec le verbe to carouse (faire la fête). Faire
carousse, c’est participer à un excès collectif de chère et de
boisson.
CARTE DU TENDRE [in Entre VEspagne et Vîtalie -
Les ricochets].
Dans les volumes de la Clélie, Madeleine de Scudéry
(1607-1701) retrace les aventures de son entourage qu’elle
travestit sous des noms romains. C’est dans cet ouvrage
que se trouve la carte du Tendre, pays imaginaire dont les
différents lieux sont la représentation topographique des
différentes phases du sentiment amoureux. On y découvre la
mer d’inimitié, le lac d’indifférence, le fleuve Inclination,
les rivières Reconnaissance et Estime... La carte du Tendre est
une allégorie de l’idéal amoureux.
CASSER SA PIPE [in Le temps passé].
Aller au cassc'pipe, c’est partir à la guerre. A la foire, on
tire sur des pipes. Du temps de Mazarin déjà, casser sa pipe, son
tuyau, signifiait : mourir.
Mercier, acteur de boulevard, fut saisi d’une attaque
alors qu’il jouait le personnage de Jean Bart. Il laissa
tomber la pipe qu’il tenait à la bouche et celle-ci se cassa.
L’acteur mourut en scène. Cela ne manqua pas de raviver
l’expression.
CASTOR ET POLLUX [in Les copains d^abord].
Fils de Zeus et de Léda, Castor et Pollux, les « jumeaux
célestes », sont appelés également les Dioscures. Ce sont les
dieux protecteurs des marins et, à ce titre, ils sont invoqués
lors des navigations périlleuses. Une étoile brille au-dessus de
leur tête et la réapparition de ces étoiles annonce la fin de la
tempête. Zeus les avait en effet placées dans le ciel pour
constituer la constellation des Gémeaux.
Castor et Pollux envahirent l’Attique et prirent part
à l’expédition des Argonautes. Ne se séparant jamais
bien longtemps, ils symbolisent la fraternité, l’amitié sans
faille.
CATIMINI (EN) [in L’épitaphe de Corne d’Aurochs].
Cette locution adverbiale est d’origine incertaine ; ce qui
n’est pas tout à fait étonnant puisqu’elle qualifie les actions
camouflées, les démarches subreptices, les interventions
secrètes.
CÉANS [in Histoire de faussaire].
Cet adverbe de lieu, dont l’antonyme est élans, signifie :
ici, à l’intérieur d’un lieu, surtout en évoquant la maison où
l’on se trouve. La maîtresse de céans, ou maîtresse du logis, est
celle qui occupe une maison et la dirige.
CE QUE C’EST QUE DE NOUS ! [in La fessée].
Pauvre de nous ! Ce que c’est que de nous ! Ces exprès-
sions exclamatives soulignent le caractère dérisoire d’un
acte commis, la gravité d’un événement subi ou à venir,
ou, encore, la faiblesse de la nature humaine, la tristesse
de son sort et son impuissance face au destin et à l’issue
fatale.
CERF SUR LA TÊTE (AVOIR DU) [in Le cocu].
Le cerf, ce ruminant, a la tête ornée de bois qui se
déploient en ramure au fil du temps. Cette croissance des bois
permet de donner un âge au cerf qui les porte. Un « dix cors »
est, par exemple, un cerf dans sa septième année. Le bois du
cerf, à la différence d’une corne, croît par l’extrémité.
Néanmoins, cette analogie avec des cornes rend cette expres­
sion limpide. Avoir du cerf sur la tête, c’est tout simplement
être cocu. Le marquis de Montespan, cocu célèbre s’il en fut,
avait du reste fait placer une ramure de cerf sur le dessus de
son carrosse. Mais, à l’instar du cervidé, le cocu voit-il ses
cornes se multiplier avec l’âge ?
CHAGRINE [in Ah ! Revoir Paris ! - Jeanne - La prin^
cesse et le croque-notes].
Utilisé comme adjectif, chagrin (e) signifie ; de fâcheuse,
de méchante humeur. Ce peut être une affliction momen­
tanée qui rend chagrin par insatisfaction, mécontentement
ou déplaisir. Quand c’est une humeur habituelle, c’est plus
grave : chagrin devient alors synonyme de morose, irritable et
volontiers critique.
CHALAND [in Stances à un cambrioleur].
Un chaland est un acheteur potentiel, un éventuel client.
Ce n’est pas le décompte syllabique, identique, qui a déterminé
(aeorges Brassens à privilégier chaland au détriment de client.
La rime eût même été plus riche. Mais le terme de chaland a
une consonance surannée plus en harmonie avec son style.
CHAMARRER [in La Légion d^honneur].
En espagnol, le mot zamarra désigne un vêtement de
herger ; au XV= siècle, une chamarre (mot français lui-même
dérivé de samarre) était une espèce de robe. De là vient le
verbe chamarrer qui signifie : garnir un vêtement, un tissu,
d’ornements aux couleurs éclatantes, de dorures. Au figuré,
chamarrer quelqu’un, c’est le décorer.
CHAMP D ’AZUR [in Histoire de faussaire].
À trois fleurs de lys d’or sur champ d’azur : telle est
la description héraldique du blason du roi de France.
Cette image du champ d’azur s’emploie encore pour désigner
le ciel bleu.

CHAMP DE NAVETS [in Le revenant - Les quat’z'arts


- Le vieux Léon].
C’est le champ de la mort, du repos, un cimetière.
Le navet, ce légume commun, symbolise la médiocrité et
c’est sans doute là qu’il faut rechercher l’origine de cette
locution qui désignait la fosse commune, misérable et insi­
gnifiante.
Paradoxe : les taoïstes considèrent les graines de navet
comme une nourriture d’immortalité. Tout cela n’est peut-
être pas incompatible.

CHAMPS ÉLYSÉES [in Le grand Pan].


Dans la mythologie, seule une minorité de morts qui
séjournaient dans la plaine des Asphodèles était admise dans les
îles des Bienheureux ou Élysée pour y goûter les joies divines
de l’éternité. Antithèse des Enfers, les champs Élysées sont le
symbole du paradis auquel sont censés accéder les justes,
après leur mort.

CHANDELLE (TENIR LA) [in Le grand Pan].


Autres temps, autres mœurs ! Les soubrettes et [es valets
de pied n’étaient-ils pas conviés à tenir la chandelle durant les
ébats amoureux de leurs maîtres ? À l’heure de l’électricité,
tenir la chandelle, c’est favoriser les entreprises galantes de
quelqu’un, servir de tiers complaisant à une aventure amou­
reuse sans toutefois y participer.
CHANDELLE (NE PAS EN VALOIR LA) [in
L’Antéchrist - Le mouton de Panurge].
Bien avant toute crise de l’énergie, la chandelle (de suif ou,
mieux encore, de cire) était un produit courant mais onéreux.
Q)mme tout un chacun, les joueurs s’éclairaient à la chandelle.
Hélas, la plupart du temps, les gains suffisaient à peine à payer
la chandelle qui éclairait le lieu ! Le jeu n’en valait donc pas la
chandelle. Cette expression a perduré pour qualifier une affaire
insuffisamment intéressante pour la peine qu’elle suppose.
CHANT DU CYGNE [in Le blason - Révérence
parler].
La croyance antique voulait que le cygne, juste avant sa
mort, fît entendre un chant d’une grande beauté. Par analogie,
c’est l’œuvre ultime et la plus accomplie d’un poète, d’un
musicien, d’un artiste.
CHANTRE [in Sauf le respect que je vous dois].
Le chantre est celui qui célèbre, par le chant ou la poésie,
quelqu’un ou quelque chose. Plus prosaïquement, c’est être le
laudateur d’une cause, d’un événement, d’un pays.
CHARLATAN [in Oncle ArcKibaW].
Le charlatan était un marchand ambuiant qui, grâce à sa
faconde et ses boniments, vendait des drogues et des remèdes
prétendument miraculeux dans les foires et sur les places
publiques.
Par extension péjorative, un charlatan est devenu un
guérisseur habile qui trompe sur ses dons réels en abusant de
la crédulité d’autrui, un médecin incapable et sans scrupule.
CHARNIER DES INNOCENTS [in Le moyenâgeux].
Dès le début du XIF siècle dans ce qui allait devenir le
quartier des Halles, un cimetière jouxtait l’église des SaintS'
Innocents dont il prit le nom. Particulièrement insalubre,
ce cimetière était malgré tout très fréquenté et notamment
par les cochons qui fouillaient les tombes. Pour y mettre
bon ordre, Philippe Auguste fit construire en 1186 un mur
d’enceinte. Puis des galeries furent édifiées à l’intérieur de
ce mur. Parmi les tombes, des libraires, des marchands, des
scrihes disposaient leurs étals. Des femmes y vendaient leurs
charmes. Des rôdeurs étaient toujours à l’affût de quelque
larcin. Au fur et à mesure, les squelettes étaient déterrés et
empilés sous les toits des galeries. Ces charniers subsistèrent
en dépit d’importants problèmes sanitaires jusqu’en 1786, un
an avant que l’église ne soit détruite.
CHÂTEAUX EN ESPAGNE [in Les châteaux de
sable].
Pour reprendre les mots de Montaigne, les châteaux en
Espagne sont des rêveries sans corps et sans sujet. Cette
expression remonte à l’époque des chansons de geste relatant
la dure conquête des fiefs attribués aux chevaliers d’Henri de
Bourgogne (XB siècle) en terre sarrasine et que les infidèles
ne voulaient pas lâcher. La noblesse française, issue de ces
chevaliers, évoquant des projets ou des rêves chimériques,
parlait de bâtir des châteaux en Espagne.
CHAT ÉCHAUDÉ [in Jeanne].
Toute expérience malheureuse doit servir de leçon.
C’est à la fin du XIX" siècle que semble apparaître pour
la première fois l’expression chat échaudé craint l’eau
froide, dans l’ouvrage de Theuriet, La Maison des deux
barbeaux.
Tout ce qui nous rappelle ce qui nous a fait mal nous
effraie et nous met sur nos gardes. C’est pourquoi le chat
échaudé se cache et que donner son adresse à Jeanne est un
cadeau rare.

CHATS FOURRÉS [in Celui qui a mal tourné].


Dans son Cinquième Livre, Rabelais raconte les pérégri-
nations de ces célèbres voyageurs qui, après une escale à l’Ile
sonnante (Rome), débarquent chez les chats fourrés que dirige
tirippeminaud. C’est en réalité une satire des juges qui sont
.soupçonnés de corruption.
Les juges et notamment ceux de la cour d’appel arboraient
en effet des manteaux ornés de fourrure d’hermine. Ce surnom
leur est resté.

CHAUSSETTES À CLOUS [in Le pêcheur].


C’est un soulier ferré que portaient militaires, gendarmes
et policiers, de même que les montagnards. Cela avant que
ne fleurissent les semelles synthétiques antidérapantes.
I.e.s têtes des clous enfoncés dans les semelles en cuir de ces
chaussures montantes renforçaient la longévité de celles-ci
cr prévenaient de toute glissade intempestive. Par extension
métonymique, les policiers et les gendarmes étaient
surnommés : les chaussettes à clous. Et Boris Vian dédia une
chan,son à ces bons vieux godillots : La java des chaussettes
à clous (1954).
CHEMIN DE DAMAS [in Uépave].
Allusion à Saül, le futur saint Paul, qui en chemin
pour Damas fut converti miraculeusement à l’appari­
tion du Seigneur, non sans avoir été soumis à un jeûne
préalable.
Trouver son chemin de Damas, c’est se repentir, s’amender,
découvrir la vérité après avoir subi une épreuve, trouver
sa voie.

CHENUE (TÊTE) [in Uassassinat - Le temps ne fait


rien à ^affaire].
Du latin canus : blanc. Celui qui a subi l’outrage des ans a
la tête chenue car ses cheveux sont devenus blancs, couverts
de neige. Si tant est que les ans conduisent à la sagesse, une
tête chenue peut être un homme d’expérience ; à l’inverse, ce
peut être un vieux con.

CHERCHER NOISE [in La guerre de 14-18].


Noise est un mot tombé en totale désuétude en dehors de
cette locution. Il signifiait bruit (comme noise en anglais),
tapage, puis enfin querelle. Chercher noise à quelqu’un, c’est
vraiment tout faire pour qu’une dispute éclate.

CHEVAUX DE RETOUR [in La princesse et le croque-


notes].
Le cheval de retour que, souvent, l’on qualifie de vieux est
un ancien forçat, un récidiviste. Mais le sens premier dési­
gnait ainsi les vieux chevaux que l’on destinait, dans les relais
de poste, au retour des équipages.
CHIEN DE COMMISSAIRE [in La rose, la bouteille
et la poignée de main - Le fantôme].
Il ne s’agit pas d’un chien policier mais d’un agent attaché
au service d’un commissaire de police. Le commissaire ne
(.lédaignait pas de confier à son subalterne des besognes telles
qu’aller dans les rues du quartier en agitant une clochette
pcuir inciter les boutiquiers à balayer devant leur échoppe, ou
encore assister les condamnés à mort dans leurs derniers
instants.
Jacques Prévert (in 21 Chansons : Inventaire, Editions Enoch,
1946):
«[...] une expédition coloniale un cordon sanitaire trois cordons
ombilicaux
un chien de commissaire
un jour de gloire... »

CHOU BLANC (FAIRE) [in La file indienne].


En berrichon, coup se prononce choup. Au jeu de quilles,
un coup blanc survenait lorsqu’un des joueurs n’en faisait
tomber aucune. Faire chou blanc, c’est échouer dans une
entreprise, une démarche, une tentative.

CILICE [in Le pince-fesses].


Du latin cilicium, pièce d’étoffe en poil de chèvre
venant de Cilicie (province romaine située dans la moitié
orientale du sud de l’Asie Mineure, en Turquie). Le cilice est
une ceinture de grosse étoffe rugueuse ou de crin, éventuel­
lement garnie de pointes de fer, que l’on portait à même
la chair par mortification. Au figuré : ce qui est la cause de
tourments.
CLEF DES CHAMPS [in Une jolie fleur].
Prendre la clef des champs, c’est partir, se sauver, s’évader ou,
plus simplement, se promener en toute liberté. Les deux oncles
prennent quant à eux la clef des deux ! Il s’agit là d’un détour­
nement d’expression dont Georges Brassens était coutumier.
CLIQUE [in Le pluriel - Les patriotes].
Ensemble de personnes qui s’unissent pour constituer une
cabale, se coalisent pour intriguer et nuire par des moyens
malhonnêtes. On dit aussi une coterie. Mais la clique, c’est
aussi le groupe de militaires jouant de la trompette et du
clairon en tête d’un défilé. Dans ses deux acceptions, le mot
clique vient de l’ancien verbe cliquer (faire du bruit).
CLOUER AU PILORI [in Vendetta].
Le pilori était un poteau, pivotant sur lui-même, auquel on
attachait les criminels non sans leur avoir au préalable fixé
un carcan autour du cou. Ce supplice consistait à exposer le
condamné à la vue du peuple qui, la nature humaine étant ce
qu’elle est, ne manquait jamais un tel spectacle.
Cette expression signifie de nos jours : dénoncer quelqu’un
à l’indignation générale, l’exposer à la vindicte populaire, le
livrer au mépris du public, le diffamer.
COCAGNE (MÂT DE) [in Auprès de mon arbre].
Aux XVF et XVir siècles, se déroulaient en pays napolitain
des fêtes populaires au cours desquelles, d’une sorte de
montagne figurant le Vésuve, jaillissaient en abondance
viandes, saucisses et vins. Cette festivité portait le nom de
Cuccagna (Cocagne).
Vers la fin du XV!!*^ siècle, le duc de Guise, revenant
J’italie, introduisit le mot en France. La fausse montagne
SC transforma en un poteau lisse et enduit de suif, fiché
en terre, auquel on devait grimper pour atteindre bouteilles
et cochonnailles.
COCAGNE (PAYS DE) [in Je bivouaque au pays de
Cocagne - Le fidèle absolu - Révérence parler],
C'’est un pays imaginaire où tout ce que l’on peut souhaiter
SC trouve en abondance, où la vie est facile et agréable. C’est,
en quelque sorte, une terre promise.
CODICILLE [in Supplique pour être enterré à la plage
de Sète],
Du latin classique codicillus (tablette d’écriture) qui prit en
latin impérial son sens actuel. Le codicille est une disposition
testamentaire de dernière minute, lorsque l’on souhaite
modifier ou compléter un testament. Il est soumis aux mêmes
règles que celui-ci.
CŒUR D ’AMADOU [in J ’ai rendez-vous avec vous].
L’amadou est une substance spongieuse et inflammable,
d’une couleur brun foncé, que produisent différentes espèces
de champignons (le polypore amadouvier, entre autres).
Cdest avec l’amadou que l’on fabriquait les mèches des
anciens briquets. En provençal, un amadou est un amoureux.
A l’inverse, c’est sans doute au caractère malléable de
l’amadou que l’on doit le verbe amadouer. Avoir un cœur
d’amadou, c’est la certitude de tomber facilement amoureux,
de s’enflammer aisément.
CŒUR D'ARTICHAUT [in Embrasse'les tous-Entre
VEspagne et l’Italie].
Quelle meilleure explication donner à cette expression
que celle contenue dans le vers : « Cœur d’artichaut, tu donn’
un’ feuille à tout l’ monde... » ? C’est le cœur inconstant et
quelque peu collectionneur.

COGNE [in Hécatombe - Oui et non].


Ce nom masculin est le déverbal de cogner. Bel
antagonisme entre le brave pandore et le cogne, pourtant
ces deux termes désignent également un gendarme.
L’extorsion d’aveux par des arguments frappants n’étant
pas l’apanage de la maréchaussée, cogne est devenu un
terme générique pour désigner les forces de l’ordre en
général.

COHORTE [in Les châteaux de sable].


La légion romaine était formée de plusieurs cohortes ;
chacune d’entre elles était forte de six cents hommes.
Désormais, une cohorte n’est plus qu’une troupe de combat'
tants au nombre variable ou même, encore plus simplement,
un groupe de personnes qu’anime un but commun et qui agit
de manière plus ou moins concertée.

COI (RESTER) [in La mauvaise réputation].


Du latin quietus qui a donné le mot quiétude. Coi
n’est désormais utilisé que dans les locutions : rester coi,
demeurer coi, se tenir coi. C’est rester tranquille, demeurer
silencieux.
COLIN-TAMPON (STN SOUCIER COMME DE)
[in Jeanne - Le vent].
N’avoir pas le moindre souci d’une chose, c’est s’en moquer
comme d’un tambour. Cette expression fait en effet allusion à
une ancienne batterie de tambours des régiments suisses qui
portait le nom de colin-tampon.
C’est encore ne faire aucun cas d’une chose, ne pas s’en
préoccuper, n’y prêter aucune attention.
COLLET MONTÉ [in Uombre au tableau].
A l’époque de Marie de Médicis et de Henri IV, la mode
voulait que l’on portât un haut col que soutenait une arma­
ture. Ce parement passait même pour un signe de pruderie.
Ainsi, quelqu’un de collet monté est une personne à cheval sur
les principes, un peu guindée, manquant de fantaisie.
COMPTE D’APOTHICAIRE [in Le temps passé].
L’apothicaire, ancêtre du pharmacien, préparait des médi­
cations à l’aide de nombreux composants dont tout le détail
était précisé sur sa note. La corporation des apothicaires avait
la fâcheuse réputation de présenter un décompte un peu
compliqué et, quelquefois, d’en profiter pour alourdir l’addi­
tion. Des comptes compliqués, aux multiples méandres, et
dans lesquels l’on a les pires difficultés à s’y retrouver sont des
comptes d’apothicaires.
CONCUPISCENT [in Le pomographe].
La concupiscence est le fait de ressentir une inclination,
d’avoir un penchant à jouir des biens terrestres et plus parti­
culièrement des plaisirs sensuels même, et peut-être surtout,
illicites. On ne peut se méprendre sur ce qui suscite un regard
concupiscent.
CONNAÎTRE BIBLIQUEMENT [in Le petit-fils
d’Œdipe].
En hébreu de L’Ancien Testament, le verbe connaître
désigne aussi l’acte sexuel. Au reste et sans doute par pudi­
bonderie, les textes de la religion catholique utilisent cette
ambiguïté de sens : Adam connut Eve...
Ainsi, en ajoutant l’adverbe bibUquement au verbe connaître
(qui n’a plus aujourd’hui ce double sens), on dispose d’une
expression évoquant l’acte sexuel, cela en toute distinction
hypocrite.
CONSÉQUENCE [in Supplique pour être enterré à la
plage de Sète].
Au XVP siècle, le mot conséquence avait une acception
supplémentaire à celle que l’on connaît mais dont l’usage
s’est perdu : c’était celle de l’importance d’une chose ou d’une
action. Ainsi, une affaire de la dernière conséquence est tout à
fait importante. Une chose plus ou moins importante est de
petite ou de grande conséquence. Un homme sans conséquence
est insignifiant.
CONTER FLEURETTE [in Clairette et la fourmi -
Cupidon s’en fout - Qrand Dieu merci - Les patriotes -
Le testament].
Durant des siècles, plus poétiques que le nôtre, le roucou­
lement des amoureux était associé aux fleurs, au printemps.
Les jeunes gens n’allaient-ils pas en bande dans les bois.
les prés et les champs, cueillir des fleurs pour en tresser
des couronnes ? Le printemps aidant, on imagine ce que le
langage des fleurs pouvait inspirer aux amoureux.
Conter fleurette, c’est donc tenir des propos galants, faire
la cour.
CONTREVENT [in La visite].
Ce grand panneau de bois couvrait les fenêtres et se fermait
de l’extérieur. Plus pratiques et offrant un meilleur obstacle
aux effractions, les volets et les persiennes ont remplacé les
contrevents.
COQUIN [in Uassassinat - Le bricoleur - Les deux
oncles].
Cet adjectif qualifie une personne à la moralité douteuse,
sans scrupule. Dans le milieu, c’est l’amant de cœur d’une
prostituée que l’on appelait ainsi ; substantif qui s’est généra­
lisé dans le langage populaire pour désigner un amant. Dans
la chanson Les deux oncles, l’heureux coquin est tout simple­
ment un chanceux, un veinard.
COQUIN DE SORT ! [in Entre VEspagne et Vltalie -
La guerre - Les copains d’abord - Oncle Archibaldj.
Cette interjection, un peu désuète et utilisée principa­
lement dans le sud de la France, marque l’étonnement, la
surprise, l’indignation.
CORBILLARD [in Qrand-père - Les funérailles d’antan
- Les quat’z’tirts].
Corbeil est une ville au confluent de l’Essonne et de la
Seine. Au XVP siècle, la liaison avec la capitale se faisait par
voie fluviale à bord d’un corbeillard, bateau dont la coque
était peinte en noir. Ce nom subit des évolutions diverses
(corbillaz, corbillac, corbillat) avant de revêtir sa forme
actuelle. Ce n’est que vers la fin du XVlll'-' siècle que corbillard
désigna le char mortuaire qui transporte les cercueils au
cimetière.
CORDE DE PENDU [in Celui qui a mal tourné -
Les deux oncles - Les quatre bacheliers].
Quand les pendaisons se déroulaient en place publique, les
spectateurs étaient nombreux. Disposer d’un bout de la corde
des pendus constituait, dans la tradition populaire, un porte-
bonheur sans égal...
CORDONS DU POÊLE [in La collision - Les
quatYarts].
En latin, le pallium est un manteau et un poêle (issu de
pallium) est ce drap mortuaire dont on recouvre les cercueils
lors des cérémonies funèbres. Ce drap funéraire était il y a
quelque temps encore agrémenté de cordons cousus aux
quatre coins ou sur les bords. Et ce sont ces cordons que
tenaient les proches du défunt lors du déplacement du
cercueil.
CORNARD [in II n*y a d^honnête que le bonheur -
La traîtresse - Les radis].
Surtout en vogue aux XIIF et XIV*" siècles, ce mot désigne à
la fois un niais et un cocu. Le mari trompé, c’est bien connu,
porte des cornes ; or, c’est bien avec des cornes d’animaux que
l’on fabrique des trompes !
CORNEGIDOUILLE ! [in La ronde des jurons}.
Cette exclamation est utilisée par Alfred Jarry dans son
Uhu roi, pièce écrite à la fin du XIX'^ siècle. Gidouille est un
synonyme de bedaine.
CORNES AU CUL (AVOIR DES) [in Uche^cocu].
La corne est l’attribut symbolique qui exprime la dérision,
la honte. En avoir de si mal placées, c’est à coup sûr être
cocu.
CORYDON [in Dieu, s'il existe].
Virgile, poète latin, commence sa deuxième Bucolique
par ce vers : « Formusum pastoral Corydon ardebat Alexim
(Le berger Corydon s’enflammait pour le bel Alexis). » Molière
lionne en 1667 la première représentation de La Pastorale
comique, comédie burlesque mettant en scène notamment le
berger Corydon. Beaucoup plus tard, en 1911, André Gide
publie clandestinement à Bruges une apologie de l’homo­
sexualité sous le titre Corydon. La réputation de ce dernier
était définitivement établie.
Pétrone dans son Satiricon créa un autre personnage litté­
raire dans le même registre : Citon.
COSTAUD DE LA VILLETTE [in Uinestimable
sceau].
C’est à la Villette, un quartier nord de Paris, que se situa
longtemps le marché national de la viande. Les ouvriers qui
portaient les quartiers de bœuf se devaient d’avoir les épaules
larges. L’expression était née. Les costauds de la Villette
étaient-ils plus solides que les forts des Halles ?
COTART [in La Légion d'honneur].
Jehan Cotart fut chapelain à Notre-Dame, puis procureur
en cour d’Église. Néanmoins ivrogne, il subit de nombreux
procès avant de mourir en 1461.
François Villon (in Testament V) lui dédie une oraison et fait
l’éloge de son compagnon de beuverie :
« Bref, on n’eût su en ce monde chercher
Meilleur pion pour boire tôt ou tard... »
Et lui manifeste discrètement son amitié :
« Nobles .seigneurs, ne souffrez empêcher
L'âme du bon feu maître Jehan Cotart... »
COTILLON [in Dans Veau de la claire fontaine -
La chasse aux papillons - Le moyenâgeux - Les amours
d'antan - Une petite Eve en trop].
C’est le diminutif de cotte qui était une jupe de dessous, un
jupon, que portaient notamment les femmes du peuple et les
paysannes.
COUDÉES FRANCHES [in Le Père Noël et la petite fille].
Il n’est pas fait référence dans cette expression à la coudée,
cette ancienne mesure de longueur d’environ cinquante
centimètres. Avoir les coudées franches, c’est, au sens propre,
avoir ses aises à table, c’est-à-dire être suffisamment séparé de
ses voisins pour ne pas être gêné et se cogner les coudes. Au
figuré, c’est ne subir aucune contrainte dans ses entreprises.
COUP DE UÉTRIER [in LW être].
C’est le dernier verre que l’on boit avant de quitter les
lieux, par allusion à celui que buvaient les cavaliers sur le
départ, prêts à enfourcher leur monture, c’est'à-dire un pied
déjà à l’étrier.

COUP DE TRAFALGAR [in Les copains d’abord].


Par cette locution, on qualifie une issue imprévue et désaS'
rreuse, par référence à la bataille navale que remportèrent les
Britanniques en 1805 sur la flotte franco-espagnole. La flotte
de Sa Majesté était commandée par l’amiral Nelson qui fut
mortellement blessé par un boulet de canon. Cette défaite
subie près du cap de Trafalgar, au sud de l’Espagne, mit un
terme au rêve de Napoléon de conquérir l’Angleterre.

COUP DU PÈRE FRANÇOIS [in Qrand^père].


Cette expression évoque un type de traquenard au cours
duquel un des complices distraie et bouscule la victime tandis
que l’autre la détrousse. Aristide Bruant l’utilisa dans une de
ses chansons :
« Et puis c’est l'heure des rendez'Vous
Des purotins et des filous
Et des escarpes et des marbus
Qu’ont pas de besogne
Et qui s'en vont toujours par trois
Derrière ces vieux sabuds de bourgeois
Leur faire le coup du père François
Au bois de Boulogne. »

COUPE-GORGE [in Je bivouaque au pays de Cocagne].


On ferait mieux de ne pas se risquer dans ce lieu sombre
et écarté. Lieu dangereux fréquenté par des malfaiteurs, le
coupC'gorge est le lieu idéal pour monter un traquenard.
COURROUX [in Uinestimable sceau].
Plus utilisé en poésie qu’en prose, le mot courroux désigne
surtout l’agitation violente des éléments, leur colère. Ce peut
être aussi l’irritation véhémente d’une divinité, d’une personne
occupant un rang hiérarchique considéré comme élevé.
COURTINE [in Les châteaux de sable].
Ce terme d’architecture médiévale désigne la partie de
rempart située entre deux tours ou deux bastions.
COUSETTE [in La femme d’Hector - Les amours
d’antan].
Du latin populaire cosere (coudre). Une cousette est une
jeune ouvrière dans les métiers de la couture. C’est aussi le
nom donné au nécessaire à couture destiné aux voyageurs ou
aux soldats, habituellement tourné dans un morceau de buis
et contenant fil, aiguilles...
COÛTE QUE COÛTE [in La marche nuptiale].
Quoi qu’il puisse advenir, quel qu’en soit le prix.
CRÉNOM DE NOM ! [in L’ancêtre - La ronde des
jurons - Le pluriel - Oui et non].
Crénom est une abréviation de sacré nom (de Dieu). Par la
répétition de nom, on atténue le blasphème.
CRÉSUS [in La file indienne - Les ricochets].
Un crésus est littéralement un homme fabuleuse­
ment riche. Quelque cinq cents ans avant J.-C., un grec
d’Asie, à la fortune fabuleuse et exerçant sa tyrannie sur les
côtes de la mer Ionienne, portait ce nom. Mais le vrai Crésus,
tout aussi riche, était le roi de Lydie et vivait au Vl'" siècle
avant J.-C.
CRÊTES DE COQ lin Le bulletin de santé].
Cette locution recouvre deux sens. C’est d’une part le
symbole de la fierté, l’emblème de ce qui prédomine chez un
être. Erigées au-dessus de la tête, les crêtes de coq extériorisent
l’effort déployé pour se placer au-dessus de sa condition.
C’est d’autre part un terme médical qui désigne les bour­
souflures des parties génitales atteintes d’une gonococcie
chronique.
Brassens utilise le double sens de cette locution, car laisser
quelques fois des plumes à la bataille n’est-ce pas un peu une
blessure d’amour-propre comme d’avoir des gonocoques ?
CRISTI ! [in La ronde des jurons].
En vogue dans la seconde moitié du XK*" siècle et abrévia­
tion de sacristi, ce juron n’est plus guère employé.
CROCHE (PATTE) [in Entre la rue Didot et la rue de
Vanves - La fille du passeur - Le pince-fesses].
Cet adjectif est vieilli mais son emploi subsiste au Québec.
Une patte croche est une main recourbée, en forme de crochet.
Quelqu’un de croche est d’un naturel rapace. Mais en aucun
cas la patte croche ne peut servir à faire un croche-patte.
CRODC BLANCHE (MARQUER D’UNE) [in Les lilas].
L’expression usuelle est marquer d’une pierre blanche, et
celle-ci s’emploie à propos d’un événement mémorable qui
ponctuera ainsi le calendrier. Pourquoi une pierre blanche ?
Le blanc et le noir sont en opposition, le blanc symbolisant
la lumière, le bonheur et le noir, l’ombre et le malheur.
C’est ainsi que dans l’Antiquité les jurys déposaient devant
un accusé un caillou blanc ou noir selon qu’ils le jugeaient
innocent ou coupable. Brassens, comme souvent, a pris
quelque liberté avec l’usage et utilise une croix plutôt qu’une
pierre. Il est vrai qu’il est plus facile de porter une croix sur
un calendrier que d’y déposer un caillou.
CROQUANT [in Brave Margot - Chanson pour
VAuvergnat - Les croquants].
Georges Brassens utilise cette épithète injurieuse pour
fustiger le petit-bourgeois bien installé dans ses certitudes et
ses idées préconçues.
Les croquants : ainsi étaient désignés les paysans du
Limousin, du Périgord et du Quercy qui, sous Henri IV et
Louis XIII, se révoltèrent. Si durant un temps croquant était
synonyme de paysan, son emploi fut étendu aux personnes
sans consistance ou méprisables.
CROQUE-MORT [in Celui qui a mal tourné -
Chanson pour ^Auvergnat - La ballade des cimetières -
Le nombril des femmes d’agents - Les croque^morts amé­
liorés - Le testament].
Croquer signifie aussi faire disparaître. Et c’est peut-être
là la raison de ce surnom donné aux employés des pompes
funèbres qui transportent les morts au cimetière et les mettent
en terre. Peut-être ont-ils dû par le passé croquer leurs clients
(en leur mordant le pouce) pour bien s’assurer de leur état ?
CROQUE-NOTES [in Élégie à un rat de cave - La prin'
cesse et le croque-notes - Le petit joueur de flûteau].
Ce terme de dénigrement désigne un pauvre musicien sans
grand talent. S’il est assez habile pour croquer les notes, il n’a
cependant guère d’autres mérites car son jeu est sans grande
expression.
CROQUIGNOL [in Hécatombe].
En pâtisserie, une croquignole est un petit gâteau sec et
croquant. En argot, une croquignole est une chiquenaude
donnée sur [a tête ou [e nez et croquignolet veut dire mignon,
gentil.
L’adjectif croquignol employé de façon ironique est syno­
nyme de bizarre, extraordinaire.
Avec Filochard et Ribouldingue, Croquignol est un des
trois personnages des Pieds Nickelés (bande dessinée créée
par Louis Forton en 1908).
Croquignole (1906) est aussi le titre d’un roman de
Charles-Louis Philippe, un des écrivains préférés de Georges
Brassens.
CUL COUSU D’OR [in Les croquants].
Un cul cousu d’or est un personnage très riche, un crésus.
C^ette locution vient-elle de la coutume romaine qui voulait
ciLie les débiteurs insolvables se frappassent trois fois le cul sur
la pierre du scandale devant le portail du Capitole ? On était
sûr ainsi qu’ils ne dissimulaient aucune pièce d’or sur eux.
Cette coutume fut reprise un temps à Montpellier où ceux
qui avaient fait banqueroute devaient montrer leur cul devant
l’église Saint-Firmin.
CUL'TERREUX [in La mauvaise réputation].
Une cul'tarru était au XIX*^ siècle une riche héritière qui,
dans sa dot, recelait beaucoup de terres ; un beau parti en
quelque sorte. Ce mot est passé dans le langage populaire
pour ne plus désigner qu’un paysan ou un rustre.
CUPIDON [in Bécassine - Cupidon s*en fout - Entre
VEspagne et l’Italie - Histoire de faussaire - La non-
demande en mariage - Le fantôme - Le mécréant -
Les amours d’antan - Sauf le respect que je vous dois].
Divinité romaine de l’amour, fils de Vénus. Comme Bros,
son équivalent grec, Cupidon est représenté en enfant ailé
armé d’un arc et d’un carquois aux flèches dont les pointes
étaient recouvertes d’un peu d’or.
Cupidon tomba amoureux de Psyché dont Vénus était
jalouse. Prenant une apparence humaine, il fit promettre à
Psyché de ne pas chercher à connaître sa véritable identité.
Celle-ci désobéit et devint par punition l’esclave de Vénus.
Mais tout s’arrangea puisque, après bien des épreuves.
Psyché put épouser Cupidon. Leur mariage fut célébré par tous
les dieux. De cette union naquit une fille au doux nom
de Volupté.
CURE (N’AVOIR) [in La marguerite - Les ricocKets].
Vient du latin cura (soin, traitement d’une maladie). N ’avoir
cure de quelqu’un ou de quelque chose, c’est ne pas y prêter
attention, ne pas s’en préoccuper, ne pas en prendre soin.
CYTHÈRE (EMBARQUER, PARTIR POUR) [in
Je bivouaque au pays de Cocagne - Uandropause - Le bulletin
de santé - Les amours d^antan - Quatre'vingt'quinze pour
cent - S’faire enculer].
Cythère est une île grecque située entre le Péloponnèse et
la Crète, et qui abrite le sanctuaire d’Aphrodite. Cette déesse,
selon Hésiode, y serait parvenue sur une conque marine.
C^ette île enchanteresse devint ainsi la patrie allégorique de
l’amour.
UEmbarquement pour Cythère, célèbre peinture de
Watteau, représente des amoureux en partance pour l’île
d’Aphrodite, entourés d’amours ailées.
D
Dieu reconnaîtra le sien !

In Embrasse4es tous.
DALILA [in L'ancêtre].
Cette héroïne biblique, fort jolie femme au demeurant,
était l’épouse de Samson, champion d’Israël à la force légen­
daire. Par la ruse, elle put découvrir que le secret de la vigueur
de son mari résidait dans sa longue chevelure. Elle le rasa
subrepticement et le livra aux Philistins. Pour beaucoup,
Dalila représente l’étemel féminin.

DAME ! [in La Légion d'honneur - Le fantôme].


Dame, oui! Dame, non! Voilà une affirmation et une
négation renforcées par l’interjection dame ! En invoquant
ainsi et de manière abrégée Notre-Dame, autrement dit la
Vierge Marie, on sous-entend que toute objection est super­
flue. Les interjections ah dame ! ou dame ! peuvent être
remplacées par la locution bien sûr.

DAME D’ATOUR [in Vénus calUpyge].


Les atours sont les parures et les toilettes de la noblesse
féminine. La dame d’atour présidait à l’habillage de la reine
ou de princesses. Hiérarchie oblige, la femme d’atour n’avait
que la charge d’entretenir la garde-robe de ces aristocrates.
Dans cette locution, le mot atour ne s’emploie qu’au singulier
à la différence de la locution revêtir ses plus beaux atours.
Le verbe atoumer a disparu et le participe atourné(e) est rare­
ment utilisé.

DANSE DE SAINT-GUY [in La ligne brisée].


Sous ce nom plutôt festif se cache une maladie dégéné­
rative héréditaire. Au Moyen Âge, ceux qui en souffraient
étaient voués au bûcher au prétexte qu’ils auraient été
« possédés ». Cette affection génétique entraîne des lésions
cérébrales et affecte certains neurones liés à la motricité. Les
malades sont agités constamment par des gestes incontrôlés,
des mouvements maladroits et désordonnés ; puis un déficit
mental s’installe.

DANSE MACABRE [in Mourir pour des idées].


La danse macabre (anciennement macabré) est une repré­
sentation imagée de la mort qui entraîne dans sa ronde des
personnages de toutes conditions. Le pape, le roi, le clerc
y côtoient le paysan, le marchand, l’officier ; chacun ayant
revêtu les attributs sociaux de son état. Des fresques illustrant
cette danse étaient peintes sur le mur des charniers, tel celui
des Innocents à Paris. Ce rite plus satanique que liturgique
illustre l’égalité devant la mort et la vanité des hiérarchies
temporelles. Le dit des trois morts et des trois vifs est un
poème du XIIP siècle écrit par Baudouin de Condé et qui
s’apparente à une danse macabre.
PANSER DEVANT LE BUFFET [in La femme d'Hector
- Le pêcheur],
À défaut de prendre part au banquet, on danse devant le
buffet. Cette expression concerne ceux qui ne mangent pas à
leur faim.
DARE-DARE [in Les trompettes de la renommée].
Locution adverbiale dont l’origine reste obscure, même si
on peut la rapprocher du verbe dialectal se darer (s’élancer).
Dare-dare s’orthographie avec ou sans trait d’union et signifie :
sans le moindre délai, sur-le-champ, à toute vitesse.
DÉBLATÉRER [in Discours des fleurs].
Du latin deblaterare (dire en bavardant à tort et à travers).
Déblatérer, c’est parler avec véhémence et sans retenue en
dénigrant quelqu’un ou quelque chose.
DÉBONNAIRE [in Uépave - Les ricochets].
De bonne aire, c’est-à-dire de bonne race, de bonne
souche. Être débonnaire, c’est être d’une grande bonté jusqu’à
la faiblesse et se montrer secourable à autrui. Plus péjorati­
vement, c’est se montrer complaisant jusqu’à l’excès, par
faiblesse de caractère.
DÉCROCHEZ-MOI-ÇA [in La Légion d'honneur].
Cette ancienne locution populaire désigne une friperie,
boutique dans laquelle les vêtements étaient pendus au
plafond sur des cintres. Une solderie avant l’heure.
Roland Dorgelès (in Bouquet de Bohème) :
« Tout le décrochez-moi-ça des magasins de confection... »
DÉDUIT [in Uandropause - Le fantôme].
Le déduit est un divertissement agréable, une occupation
procurant de la satisfaction. On peut en déduire que le plaisir
amoureux est le plus grand des déduits.
Paul Verlaine (in Poèmes saturniens) :
« Même au fort du déduit parfois, vois-tu, l’amante
Doit avoir l’abandon paisible de la sœur... »
DÉESSE AUX CENT BOUCHES [in Les trompettes
de la renommée].
C’est une déformation (à l’initiative de Brassens et proba-
blement due à l’exigence de la rime) de la déesse aux cent voix,
divinité mythologique qui n’était autre que la déesse de la
renommée (Fama chez Ovide, et Phêmê, la messagère de Zeus).
DÉFÉRENCE GARDÉE [in Jeanne Martin - Supplique
pour être enterré à la plage de Sète].
Cette locution semble être une adaptation de révérence
parler et qui manifeste, dans ces deux chansons, l’estime dans
laquelle Georges Brassens tenait Victor Hugo et Paul Valéry.
Dans les deux cas, il s’agit d’une forme vieillie de précaution
oratoire marquant le respect et s’excusant par avance de
propos qui pourraient déplaire ou blesser.
DÉFRAYER LA CHRONIQUE [in Les trompettes de
la renommée].
C’est faire parler de soi en abondance et constituer l’objet
essentiel de la conversation, souvent pour de mauvaises
raisons. C’est aussi être l’unique sujet, ou tout au moins le
sujet majeur, développé par la presse.
Au XVll^^ siècle, on défrayait la compagnie, c’est-à-dire que,
dans les tavernes et autres estaminets, on payait la dépense en
faisant rire l’assemblée présente par des bons mots et des plai­
santeries. Par une substitution de mots, cette expression s’est
transformée en défrayer la conversation, à l’époque où les bruits et
les réputations se colportaient de bouche à oreille. Désormais,
avec le développement de la presse, on défraie la chronique
bien que la notion de défraiement n’ait plus sa raison d’être.
DEHORS [in Le cocu - Le fantôme].
Ce substantif masculin s’emploie pour décrire l’apparence,
la partie tangible d’une chose ou d’une personne et pour
dénoncer le paraître, le faux-semblant. Dehors peut être
précédé de la préposition sous ou suivi d’un adjectif dépré­
ciatif. La description des dehors d’un individu vient en
opposition implicite de son véritable caractère.
DÉLICES DE CAPOUE [in Le fantôme].
A Capoue, très belle ville d’Italie, la douceur de vivre était
extrême. Hannibal, chef de l’armée carthaginoise, vit ses
troupes défaites par l’armée romaine ; ses soldats avaient en
effet cédé sans attendre aux délices que procurait cette ville.
Les satisfactions immédiates qui font manquer de grands
projets sont des délices de Capoue. Oisiveté, plaisir, amour,
enfin tout ce qui altère la volonté, en sont également.
DERECHEF [in Le bulletin de santé - Tonton Nestor].
L’origine de cet adverbe serait anglaise. On en trouve les
premières traces dans des textes du Xir' siècle. Derechef signifie :
une seconde fois, de nouveau, encore une fois.
DIABLE VAUVERT (AU) [in La ballade des gens qui
sont nés quelque part - Les funérailles d*antan\.
Au diable vauvert : on ne sait où, nulle part ou, en tout cas,
très loin dans un endroit peu agréable, voire périlleux. Dans
la partie ouest de ce qu’est aujourd’hui le jardin du Luxembourg,
à Paris, et près d’une impasse, un château était prétendument
hanté par des esprits. Ce château Vauvert aurait été construit
vers l’an 1000 par le fils de Hugues Capet, Robert II, qui fut
plus tard excommunié. En 1257, Saint Louis fit don de ce
château à l’ordre des Chartreux (qui auraient pour ce faire
simulé des apparitions diaboliques). Ceux-ci en firent un
grand monastère dont l’entrée se situait rue de l’Enfer (de là à
ce que le diable y soit !), à l’emplacement du n° 64 de l’actuel
boulevard Saint-Germain.
DIANTRE ! [in La fessée - La marguerite - La ronde
des jurons].
Diantre ! Encore un coup du diable ! Cette exclamation
provient d’une altération euphémique du mot diable, ceci
pour en atténuer la résonance satanique. Diantre exprime
l’étonnement, la surprise, l’admiration. Le diable, comme
Dieu, est souvent désigné par des substituts euphémiques
provenant de dialectes régionaux. Ainsi peut-on rencontrer :
diatre dans le Poitou, diaque dans le Lyonnais, diache
dans l’Est.
DIEU RECONNAÎTRA LE(S) SIEN(S) [inEmbrosse-
les tous].
Peut-être sommes-nous ici en présence d’un faux mot
historique, tout au moins si l’on en croit ce que rapporte le
moine allemand Césaire de Heisterbach dans son Dialogus
miraculorum.
Toujours est'il qu’en 1209 Béziers était le centre de « l’héré­
sie » albigeoise ; fuyant la persécution, de nombreux Albigeois
s’y étaient en effet réfugiés. Légat du pape Innocent III,
Arnauld Amalric, abbé de Cîteaux, dirigeait l’armée des
croisés venus faire le siège de Béziers. Mais la difficulté était
Je reconnaître les Albigeois des Bitterois catholiques.
Amalric se serait alors exclamé: « Massacrez-les, car le
Seigneur connaît ceux qui sont à lui ! » Il y aurait eu plus de
20000 victimes... Mais il se défendit toujours d’avoir donné
un ordre aussi barbare.
DIEUX ONT TOUJOURS SOIF (LES) [in Mourir
pour des idées].
Pour retenir cette expression, Georges Brassens fut sans
doute inspiré par Les dieux ont soif, l’ouvrage d’Anatole
France. Ce roman désabusé dépeint un bref moment de la
(Convention et stigmatise cette période agitée et sanglante
au cours de laquelle la démonstration était encore faite que les
idées ne changent pas le monde. Sujet de l’intrigue qui lie
les événements, Évariste Gamelin est juré d’un tribunal révo­
lutionnaire et, au nom d’un futur idéal, envoie allègrement
les prévenus à la guillotine.
DISCRÉTION (À) [in La ballade des cimetières].
La locution à discrétion signifie l’abondance : à profusion, à
volonté, à son gré, à gogo. C’est dire si, dans cette chanson,
Georges Brassens dispose d’autant de sépultures qu’il peut en
souhaiter.
DIT (LE) [in Le modeste].
Il veut pas que ce soit le dit : voilà une expression sétoise
par excellence. Dans cette chanson, le modeste ne tient pas
à ce que ce qui le concerne soit dévoilé. Par le biais de
cette expression et pour ne pas divulguer ses sentiments,
ce pudique est résolu à nier l’évidence, à dénier la réalité.
Le dit est le participe passé substantivé du verbe dire ;
c’était au Xir siècle un propos, une maxime, une sentence.
Au Moyen Age, le dit est un petit poème narratif non chanté
(chose rare à l’époque). Dans le genre, les Dits de Rutebeuf
sont les plus célèbres.
DON JUAN [in Don Juan].
Fondé sur un personnage réel, ce séducteur mythique
apparaît en 1630 sous la plume de l’écrivain espagnol Tïrso
de Molina (in El burlador de Sevilla y convidado de
piedra). Molière reprit ce thème en 1665 (Dom Juan), puis
ce furent Da Ponte et Mozart en 1787 (Don Qiovanni) et
bien d’autres : Prosper Mérimée (Les Ames du purgatoire,
1834), Charles Baudelaire (Les Fleurs du mal : Don Juan
aux Enfers, 1861), etc.
Tour à tour, selon les auteurs, rétif aux codes moraux, aris­
tocrate libertin et athée, épicurien impénitent, séducteur
roué. Don Juan personnalise la sensualité souveraine et la
puissance du désir érotique. Au fil du temps et des œuvres,
il devint moins cynique et plus romantique.
DONNER SON BILLET [in Dépave - Saturne].
Un billet est un bref message écrit attestant un fait ou un
droit. Je vous en donne (je vous en fiche, flanque, fous) mon
billet veut dire : je vous l’assure, j’en atteste, je vous le certifie.
PONZELLE [in La Légion d’honneur - Le mauvais
sujet repenti].
Une donzeïle est une demoiselle d’honneur, une femme de
distinction. Ce mot vient du provençal donzella et se rencontre
beaucoup plus rarement sous le genre masculin, donzelon.
Toutefois donzeïle a fini par prendre un sens péjoratif : fille
ou femme aux mœurs légères, à la tenue équivoque. Ce mot
est également employé familièrement pour dénigrer une fille
ou une femme prétentieuse et un peu ridicule.
DORMIR COMME UN LOIR lin Les trompettes de la
renommée].
C’est dormir profondément et paisiblement tel le loir, ce
petit rongeur qui hiberne.
De nombreuses locutions expriment la même chose :
dormir comme une marmotte, comme une souche ; dormir à
poings fermés, d’un sommeil de plomb, du sommeil du juste ; ou
encore dormir comme un bienheureux. Bonne nuit !
DORMIR SUR SES LAURIERS [in Les trompettes de
la renommée].
Se reposer après un succès éciatant, se satisfaire de ce
triomphe et interrompre ainsi un avenir présumé brillant,
c’est s’endormir sur ses lauriers (en référence à la couronne
tressée de lauriers, emblème de la gloire chez les Romains et
symbole d’immortalité).
DRAGON DE VERTU [in À Vombre des maris].
C’est une femme farouche et intraitable dont la vertu
constitue une forteresse imprenable, comme si un dragon en
défendait l’accès.
Dans la préface de Mademoiselle de Maupin, Théophile
Gautier ; «• Puis quand je pense que j’ai rencontré sous la table,
et même ailleurs, un assez grand nombre de ces dragons de vertu,
je reviens à une meilleure opinion de moLmême... »
DUC DE BORDEAUX [in Vénus callipyge].
En 1871, Henri de Bourbon, duc de Bordeaux, prétendit
au trône de France sous le nom d’Henri V. Une chanson
satyrique fit alors le bonheur de ses détracteurs :
or Le duc de Bordeaux
Ressemble à son père.
Son père à son frère
Et son frère à mon cul.
De là je conclus
Q ue le duc de Bordeaux
Ressemble à mon cul
Comme deux gouttes d'eau. »
Ce fut sans doute un plaisir pour Georges Brassens que
d’en tirer un nouveau jeu de mots.
DUCAT/DUCATON [in La légende de la tour
Marguerite - La route aux quatre chansons].
Le ducaton est un ducat d’argent, dont i[ est un diminutif, et
qui vaut la moitié du ducat d’or, soit cinq à six francs or.
On parlait de ducats et de ducatons. Cette ancienne monnaie
avait cours dans d’autres pays, notamment en Hollande et en
Italie, mais sous des valeurs différentes.
DUR À CUIRE [in Je me suis fait tout petit].
Cette locution relève du vocabulaire militaire et désigne
un vieux briscard aguerri qui ne se laisse pas facilement
ébranler. Par extension, un dur à cuire est un homme très
lésistant, au physique comme au moral. Il est en général
rrès volontaire.
Est'il encore debout, le chêne ?

In Le testament.
EAU DE BOUDIN [in Tempête dans un bénitier].
L’eau qui sert à laver les tripes ne peut bien sûr être utilisée
à nouveau. Une affaire qui tourne en eau de boudin est celle
tiui tourne court, ne parvient pas à aboutir et finit par échouer.
ÉCHAUFFOURÉE [in Hécatombe].
C’est un petit combat isolé qui se déroule au cours d’une
guerre. Plus largement, Véchauffourée est une algarade spon­
tanée, une bagarre imprévue.
ÉCHOIR [in Le gorille].
Du latin classique excidere (tomber, sortir de). Ce qui échoit
est ce qui advient, ce qui est dévolu par le seul fait du hasard
ou qui doit se produire à une certaine date fixée à l’avance
(un de ces quatre jours, en l’occurrence). Le verbe échoir a
notamment donné la locution adverbiale le cas échéant, ou
encore le mot échéance.
ÉCORNIFLEUR [in Le cocu],
L’écornifleur est celui qui profite d’une situation pour
s’approprier à bon compte quelque chose qui ne lui
appartient pas. Parasite, tricheur sont des synonymes
d’écornifleur.
En 1882, Jules Renard a écrit UEcornifleur dont un des
personnages n’est pas sans faire songer à celui que créa
Georges Brassens dans Le cocu.
EDILE [in Jeanne Martin].
Du latin aedilio. Sous la Rome antique, quatre édiles
étaient chargés de l’entretien des bâtiments, de la voirie, de
la police, de l’approvisionnement de la ville et de l’organisa­
tion des jeux. Ils avaient rang de magistrat. Par analogie de
fonction (les jeux du cirque en moins peut-être ; quoique...),
on désigne ainsi les élus d’une ville.
ELEGIE [in Elégie à un rat de cave - Personne ne saura].
Du grec elegos (chant de deuil, triste par essence). Chez les
Grecs, comme chez les Romains, l’élégie était une pièce de vers
composée d’hexamètres et de pentamètres. Dans la métrique
ancienne, le pentamètre couplé à l’hexamètre formait le
distique ; on parle de distique élégiaque.
Mais l’élégie revêtit plus tard une forme plus libre en deve­
nant un poème lyrique qui chantait les douleurs et les plaintes,
les amours contrariées, la séparation ou la mort.
EMBRASSER FANNY [in Vénus calUpyge].
Au début du XX'= siècle, les terrains de boule étaient agré­
mentés d’un panneau de bois sur lequel était peinte une
femme exhibant ses fesses. Celui qui, lors d’une partie, ne
marquait aucun point devait déposer un baiser sur le posté­
rieur de la belle, surnommée Fanny. Si l’on ignore cela, on ne
peut goûter pleinement le vers ; En embrassant Fanny, je ne
jyense qu’à vous...»
ÉMOI [in Dansons, mes fillettes - Vandropause -
Le fossoyeur - Le sein de chair et le sein de bois - Les rico­
chets - Les voisirts - Quand sur les yeux - Qu’il te souvienne
- Un soir, une nuit].
Du bas latin exmagare (priver de ses forces) qui donna
esmaier (effrayer, troubler) en ancien français. L’émoi peut être
tout aussi bien physique (trouble, agitation, effervescence
due à la surprise ou à la peur) qu’affectif (inquiétude, tristesse
ou trouble sur le mode sensuel ou esthétique).
EMPANACHÉ [in Vandropause].
On pourrait dire qu’Henri IV (« Ralliez-vous à son panache
blanc ! ») était un empanaché puisqu’il était paré d’un panache,
ce faisceau de plumes en forme de bouquet qui ornait son
couvre-chef.
EMPAPAOUTÉ [in La collision].
Ce substantif vient-il du verbe occitan empapautar (arna­
quer, rouler) ou d’une origine plus obscure ? S’il est double,
son sens est néanmoins clair. Se faire empapaouter, ce peut être
effectivement se faire avoir, mais c’est aussi se faire sodomiser.
Ce vocable argotique rime dans cette chanson avec députés !
De là à traiter Brassens d’antiparlementarisme primaire...
EMPLATRE [in Les croque-morts améliorés].
Ce mot vient du grec emplastron (application sur). Cette
médication sans huile (à la différence de l’onguent) est faite
d’une pâte molle constituée de végétaux puis étalée et modelée
sur la partie du corps à soigner. Au figuré, un emplâtre est un
homme sans caractère, indolent et incapable d’agir comme il
conviendrait.
Le mot emplâtre vient parfois se substituer à celui de cautère
dans l’expression un emplâtre sur une jambe de bois qui signifie
une solution inefficace, un remède inutile.
ENCHIFRENÉ [in Tonton Nestor].
Etre enchifrené, c’est souffrir d’un embarras des muqueuses
nasales consécutif à un rhume de cerveau. Or, enchifrené est
une altération de chanfreiné : taillé en biseau. Cela suffit à
expliquer que l’on dise : avoir le nez pris (comme dans un
biseau).
ENFER DE CERVANTÈS/ENFER DE DANTE
[in Entre l'Espagne et l'Italie].
Ces deux écrivains furent non seulement excommuniés
mais connurent en plus l’exil pour Dante et la captivité pour
Cervantes ; des sortes d'enfer en quelque sorte. Et puis Dante,
dans sa Divine Comédie, ne parcourt-il pas les neuf cercles
concentriques de l’enfer !
ENGEANCE [in Ceux qui ne pensent pas comme nous
- Le gorille - Les voisins - Montélimar].
On parle d’engeance lorsqu’on évoque des races d’animaux
domestiques : l’engeance canine. Par extension qui induit une
nuance péjorative, engeance s’emploie également pour dési­
gner une catégorie d’individus ou même, parfois, un sujet
isolé que l’on méprise : Ah ! Quelle engeance !
ENJUPONNER (S’) [in Le testament].
Ce verbe est utilisé familièrement en substitution du verbe
s’éprendre. C’est s’attacher à un jupon, s’éprendre d’une
femme au point d’en perdre une partie de sa liberté. Quand
c’est une femme qui enjuponne, elle met un homme sous sa
dépendance.
ENTOUR [in Uandropause - Vénus callipyge].
C’est la forme vieillie d’entourage. Les gens de votre entour
sont ceux qui vivent dans un cercle proche de vous, dans
votre familiarité.
ENTREFAITES [in Le mécréant].
Participe passé substantivé du verbe de l’ancien français
entrefaire (faire dans l’intervalle). On ne rencontre plus guère
ce mot que dans la locution adverbiale sur ces entrefaites
qui signifie : à ce moment'là, à partir de ce moment, alors,
au moment précis où une action se passe, où un événement
se produit.
ENTREPONT [in Je rejoindrai ma belle].
Tout espace compris entre deux ponts d’un navire s’appelle
un entrepont. Mais en particulier, l’entrepont est l’espace
qui se situe entre ce que l’on appelle le faux pont et le
premier pont.
ENTRER EN LICE [in Trompe-la-mort].
C’est à partir de la Renaissance que les tournois se dispu­
tèrent dans des champs clos. Les deux couloirs que séparait
une barrière centrale étaient appelés lices. Entrer en lice, c’est
à l’instar des chevaliers s’apprêter au combat ; même s’il en
est de plus ou moins belliqueux.
EN VOICI BIEN D’UNE AUTRE [in La religieuse].
Cette locution familière souligne le caractère surprenant,
inattendu, singulier, de ce que l’on est en train d’exprimer.
EOLE [in Le chapeau de Mireille - Perpendiculairement].
Marin mythologique mais d’expérience, Éole avait inventé
les voiles des navires et possédait l’art, qui n’était pas encore
une science, de la prévision du temps. Apprécié de Zeus, il
reçut le contrôle des vents qu’il tenait enfermés dans une
grotte. Il les libérait, avec plus ou moins de force, à la demande
des dieux ou à sa propre initiative.
Bienveillant, il donna à Ulysse une outre de cuir qui
renfermait tous les vents, à l’exception du zéphyr.
ÉPEE DANS L’EAU (PLANTER SON) [in La guerre
de 14-18].
Le sens figuré de cette expression exprime l’inutilité d’un
effort important, car manier une épée suppose une grande
énergie. Cet effort demeure infructueux et ne donne pas les
résultats escomptés.
ÉPICURE [in Uandropause].
Né à Athènes en 341 avant J.-C., Epicure était un philo­
sophe grec qui développa une théorie de la connaissance,
en retenant la sensation comme critère principal. Pour lui,
le plaisir lié aux sensations constitue la fin et le principe
du bonheur.
Il sélectionnait les plaisirs pour ne retenir que ceux du corps
et il considérait les croyances religieuses comme un obstacle
dressé entre l’homme et le bonheur. Bien qu’exigeante, sa
philosophie fut unanimement combattue par les autres philo­
sophes grecs.
C’est à Epicure que l’on doit la maxime : « Pour vivre
heureux, vivons cachés. »
ÉROS [in Le grand Pan].
Éros est le dieu grec de l’amour. Selon le poète grec Hésiode,
Bros serait né de Chaos (le Vide) en même temps que Gaia
(la Terre) ; pour d’autres, il serait le fils d’Aphrodite et d’Arès.
Un temps considéré comme le protecteur des amours
homosexuelles, il devint, grâce au romantisme de la littéra­
ture hellénistique, le mythe que l’on connaît aujourd’hui :
celui du désir passionnel.
ESCULAPE [in Le bulletin de santé - Le sein de chair
et le sein de bois].
Aesculapius (Esculape) fut le dieu romain de la médecine,
comme Asclépios le fut pour les Grecs. Apollon, son père, le
confia à Chiron qui l’éleva et lui enseigna l’art de la médecine.
Esculape se réincarna en serpent après que Zeus l’eut
foudroyé. C’est sous cette forme qu’il arriva à Rome, venant
d’Épidaure. Placé dans le firmament par Apollon, on lui doit
donc la constellation du Serpentaire.
ESTOURBIR [in Celui qui a mal tourné].
Estourbir viendrait du verbe allemand sterben (mourir) ;
c’est pourquoi on rencontre ce verbe au début de son
apparition dans le patois de l’est de la France. 11 signifie :
assommer, tuer, avec ses poings ou à l’aide d’un objet
contondant.
ÉTÉ DE LA SAINT-MARTIN [in Boulevard du temps
qui passe - Saturne].
C’est notre été indien (en réalité, été des Indiens en
Amérique du Nord). On nomme ainsi les derniers jours
de l’automne dont le climat est souvent très agréable.
Cependant, le dicton météorologique veut que l’été de la
Saint-Martin dure trois jours et un brin. C’est ce même sursaut
automnal qui vaut à cette locution d’exprimer également le
regain de jeunesse que connaissent de façon éphémère les
hommes mûrs.
Saint Martin, évêque de Tours au iv*^siècle, était très popu­
laire et son culte était honoré par des processions que cette
belle arrière-saison favorisait.
ÉTIQUE [in Le sein de chair et le sein de bois].
Du grec hektikos (habituel, continu) et du latin hecticus
(habituel), l’adjectif étique qualifie une personne ou un
animal atteints d’étisie (également orthographié hectisie),
c’est-à-dire de consomption, ou encore d’amaigrissement
progressif et de dépérissement extrême.
ÊTRE EN BUTTE [in La collision - Le grand chêne -
S’faire enculer].
Cette [ocution verbale signifie que l’on subit quelque
chose de pénible ; c’est être opposé à quelqu’un ou exposé à
quelque chose.
EXCUSEZ-MOI DU PEU [in Les amours d’antan].
Familière et ironique, cette locution s’emploie ordinai­
rement au figuré pour marquer son étonnement face à une
attitude excessive, à une impertinence, un comportement
outrancier, mais également et à l’opposé pour souligner son
admiration quand on cite, par exemple, les titres de gloire
d’une personne. Dans sa chanson, Brassens utilise cette
locution au sens propre, comme pour s’excuser de ne pas
avoir des amours plus nobles.
« Faute de fleur de lis,
On eut la pâquerette... »

In Les amours d^antan.


FÂCHEUX [in Ceux qui ne pensent pas comme nous -
Le vent].
Un fâcheux est une personne importune, difficile à
contenter. C’est l’opposé du galant homme ou de l’honnête
homme dans leur acception du XVII'' siècle.
FAIRE EEU DES DEUX FUSEAUX [in Le gorille].
Georges Brassens regrettait d’avoir employé cette expression
dont il n’était pas satisfait car imprécise à ses yeux. Il n’avait pas
tort ! C’est plutôt le cheval qui fait feu des quatre fers lorsqu’il
galope et que ses sabots ferrés font des étincelles sur quelques
pavés. Mais que peut-il en être d’une belle qui court avec ses
deux jambes fines comme des fuseaux ?A moins qu’elle ne porte
des fers à ses talons hauts ! Cette locution a toutefois le mérite
de constituer une belle allitération et rappelle l’expression
Ihquer des deux qui signifie : lancer son cheval au galop.
FAIRE FLÈCHE DE TOUT BOIS [in Les amours
d’antan].
C’est utiliser tous les moyens possibles et n’importe lesquels,
de même que l’archer qui a épuisé sa réserve de flèches s’en
fabrique d’autres avec les branches qui lui tombent sous la
main. On dit également faire feu de tout bois.
FAIRE MOUCHE [in Le fantôme].
Lors des tournois, les archers tiraient dans des cibles dont
la zone centrale blanche avait un point noir au milieu,
semblable en cela aux mouches dont, par coquetterie, les
femmes ornaient leur visage. L’emplacement de ces mouches
correspondait du reste à un code.
Faire mouche, c’est toucher exactement sa cihle, atteindre
précisément son but.
FANDANGO [in Le roi - Supplique pour être enterré à
la plage de Sète].
Danse très populaire chez les Espagnols qui l’ont introduite
en Europe, le fandango, souvent accompagné de guitares et de
castagnettes, peut également être chanté. Cette danse appa-
raît au XVII' siècle et s’exécute sur un rythme ternaire avec un
tempo assez rapide. Ce mot, d’origine incertaine, désigne à la
fois la danse et, par métonymie, l’air sur lequel elle se pratique.
FANFRELUCHE [in La religieuse].
C’est un petit ornement de peu de vaieur, mais cependant
voyant, de [a toiktte féminine. Les fanfreluches peuvent être
des nœuds, des voiants, de [a dentelle, des broderies.
FARIDONDAINE/FARIDONDON [in La ligne brisée].
Cn retrouve ces deux onomatopées formées sur le même
radical en finale répétitive de chaque strophe de certaines
chansons (La Faridondaine ou la Conspiration des chansons.
Pierre-Jean de Béranger, 1820) et, plus spécifiquement, des
chansons à boire. Elles étaient également utilisées, au début du
xviir siècle, dans certains vaudevilles ponctués de fredons
(airs connus sur lesquels on écrivait de nouvelles paroles).
L’étymologie en est controversée.
FAUNE [in La princesse et le croque-notes - Le vieux
fossile].
Ces dieux champêtres étaient, pour les Romains, les
protecteurs des troupeaux. On prêtait également aux faunes
des dons de prophétie. Barbus, vêtus de peaux de chèvre et
portant une corne d’abondance, ils furent un temps identifiés
au dieu grec Pan. Mais leur image se transforma puisqu’ils
furent, par la suite, affublés de petites cornes sur la tête, d’une
queue et de pieds de bouc. Les faunes sont à rapprocher des
satyres de la mythologie grecque. On désigne désormais par
le mot faune l’ensemble des espèces animales d’une région,
d’une contrée, d’un pays. Par extension péjorative, la faune
est aussi un groupe de personnes assez inquiétantes qui
fréquentent habituellement un lieu.
FAUX-JETON [in Histoire de faussaire].
Sous l’Ancien Régime, le système monétaire ne relevait
pas du système décimal. Les opérations n’étaient donc pas
commodes et, pour les faciliter, l’habitude fut prise d’utiliser
des jetons. Ceux-ci, sans valeur propre, avaient toutefois
l’aspect de pièces de monnaie. Il faut croire que la ressem­
blance était suffisante pour que certains, que n’étouffaient
pas les scrupules, les utilisassent comme monnaie courante.
O’où l’expression : faux comme un jeton.
FESSE-MATHIEU [in La femme ^Hector].
Usurier sordide, un fesse-mathieu est un homme avare qui
prête sur gages. Matthieu, apôtre du Christ et évangéliste,
aurait été avant sa conversion prêteur sur gages. Mais fallait-il
le fesser pour qu’il vous prêtât quelque argent ?
Dans U Avare, acte 111, scène 1, Molière fait dire à maître
Jacques, s’adressant à Harpagon : « Vous êtes la fable et la risée
de tout le monde, et jamais on ne parle de vous que sous les noms
d'avare, de ladre, de vilain et de fesse-mathieu. »
FESTON [in La religieuse].
Un feston est une broderie en forme d’arcs accolés qui est
réalisée avec le point de feston, ou point bouclé. Cette décou­
pure venait ornementer les extrémités des vêtements féminins.
FÊTES GALANTES lin Trompe-la-mort].
A l’aube du xvill' siècle, Watteau peignit des scènes
de divertissements amoureux dans des décors bucoliques.
Marivaux s’inscrivit dans le même registre pour décrire les
atermoiements amoureux sur un ton léger et badin propre à
ce siècle. Plus tard, Paul Verlaine emprunta ce titre à Watteau
pour son recueil de poésies. Les Fêtes galantes, à l’inspiration
tendre et voluptueuse que n’aurait pas reniée le X V IIF siècle.
Quand les fêtes galantes sont terminées, adieu le badinage !
FEU GRÉGEOIS [in Honte à qui peut chanter].
Pour constituer leurs lignes de défense lors de leurs
batailles navales, les Grecs utilisaient un mélange de salpêtre
et de bitume. Cette composition incendiaire avait la caracté­
ristique de brûler même en contact avec l’eau. L’adjectif
liégeois, qui n’est plus utilisé que dans la locution feu grégeois,
désignait autrefois le peuple grec.

FEU SACRÉ [in Cupidon s’en fout].


Vestale, déesse du feu, était adorée dans un temple
circulaire au centre duquel les vestales entretenaient le feu
sacré. La locution avoir le feu sacré s’utilise à propos d’un indi'
vidu plein d’ardeur et animé d’une passion inextinguible, que
nul obstacle ne rebute, qu’aucune difficulté n’arrête dans la
poursuite d’un but, la défense d’une cause, la réalisation d’une
ambition.

FEU SUR LES TEMPES [in Le fantôme].


Depuis toujours la passion amoureuse a été illustrée par
l’imagerie du feu. Parmi quelques exemples : les sens en feu,
déclarer sa flamme, brûler d’amour, le feu du désir...

FEUX FOLLETS [in Le fantôme - Le vieux Léon].


Dans les zones marécageuses et dans les cimetières, la
décomposition des matières organiques produit des émana­
tions gazeuses. Parfois, ces gaz s’enflamment spontanément et
produisent des flammes erratiques et de courte durée.

FI (FAIRE) [in Le vieux Léon - Oncle Archibald - Sauf


le respect que je vous dois].
En employant les interjections fi ! ou fi donc !, on manifeste
son dédain ou son doute vis-à-vis d’une idée, d’une attitude.
Faire fi de, c’est considérer que ce qui suit cette locution n’a
aucune espèce d’importance à nos yeux, c’est le mépriser.
FICHTRE ! [in La guerre de 14-18 —La ronde des jurons].
C’est le croisement entre ficher (planter) et foutre (faire)
qui a donné fichtre ! Selon son emploi, c’est soit une réponse
exclamative aux propos de quelqu’un (fichtre non !), soit une
interjection qui exprime l’étonnement, l’admiration ou le
mécontentement.
FIEFFÉ [in Ce n’est pas tout d’être mon père - Les trom­
pettes de la renommée - Tonton Nestor].
Accolé à un adjectif, le participe passé fieffé le renforce, à
l’image du fief qui conférait à son possesseur de la puissance.
Fieffé est plus souvent employé pour accentuer le caractère
négatif d’un travers.
FIÈVRE DE BERCY [in L’ancêtre].
Situé au sud-est de Paris et sur la rive droite de la Seine,
Bercy était un quartier qui tenait sa célébrité de ses grands
entrepôts où le vin stocké échappait à l’octroi. Avant de
devenir un quartier du 12'^ arrondissement quand cette
commune fut annexée en 1860, Bercy abritait de nombreux
cabarets où les Parisiens venaient boire à bon compte. Avoir
la fièvre de Bercy, c’est avoir une propension à boire plus que
de raison.
FIL À RETORDRE [in Vénus callipyge].
Causer de l’embarras, susciter des ennuis ou des difficultés,
être rétif, c’est donner du fil à retordre à quelqu’un. Cette
expression remonte à l’époque des tisserands qui devaient
tourner le fil sur lui-même avant de l’assembler à d’autres,
cela pour obtenir un fil d’un diamètre plus important. Cette
opération manuelle demandait un certain doigté.
FIL D’ARIANE [in Le vieux Normand].
Fille de Minos, roi de Crète, et de Pasiphaé, Ariane
tomba amoureuse de Thésée qui aborda en Crète pour tuer
le Minotaure. Pour qu’il ne se perdît point dans le labyrinthe
où le monstre était caché, Ariane donna un fil à Thésée
qui, le déroulant, put ainsi aisément revenir sur ses pas et
trouver la sortie.
Le fil d’Ariane est un fil conducteur, un moyen utilisé pour
s’y retrouver dans une affaire compliquée, se sortir d’une
situation difficile.
À la mort d’Ariane, Dionysos plaça sa guirlande nuptiale
dans le firmament et en fit une constellation : la couronne
boréale.

FINE FLEUR [in Uancêtre - La princesse et le croque^


notes],
La farine fleur est celle produite essentiellement à partir de
l’amande de grains sélectionnés ; alors très onctueuse, cette
farine laisse sur les mains une fine poussière appelée la fleur.
De qualité remarquable et au pouvoir levant supérieur, la
farine est alors appelée fine fleur. Par extension, la fine fleur
est ce que l’on peut trouver de mieux au sein d’une espèce,
d’une catégorie.

FINE MOUCHE [in Je me suis fait tout petit].


Autrefois, un espion se nommait une mouche et cela dès le
xv‘ siècle. Du reste, le mot mouchard tient là son origine. Par
extension, on appela également des mouches les policiers
chargés de filature.
Une fine mouche se dit d’une personne habile à attraper
les autres et, plus généralement, de quelqu’un de subtil et de
clairvoyant.

FLAGORNER [in A Vombre des maris - Lèche'cocu],


Ce verbe exprime l’action de flatter quelqu’un de manière
exagérée et répétitive, ce qui n’est jamais totalement désinté­
ressé. L’origine de flagorner est sujette à caution, mais le sens
premier était; parler à l’oreille (messes basses qui intro­
duisent toujours une certaine connivence). Et quand ensemble
on se flagorne, la complicité n’est pas loin non plus.

FLEUR DE LIS (LYS) [in Dans Veau de la claire fontaine


- Les amours d’antan].
Le lis blanc est symbole de pureté, de virginité, d’inno­
cence. Cela fait suite au culte de la Vierge Marie. C’est sous
la protection de celle-ci que la royauté française voulut
se placer en prenant la fleur de lis comme emblème, affi­
chant ainsi ce symbole marial. [Voir précédemment champ
d’azur],

FLEUR D ’ORANGER [in Chansonnette à celle qui


reste pucelle - Dans Veau de la claire fontaine].
Dans la Chine ancienne, offrir des oranges à une jeune fille
valait demande en mariage. Au Viêt Nam, des oranges étaient
offertes aux jeunes mariés. L’orange est en effet symbole de
fécondité. Les jeunes mariées ont longtemps porté des couronrtes
constituées de fleurs d’oranger (naturelles puis artificielles),
symbole d’innocence et de virginité.
FLEUR DES POIS [in À l’ombre des maris].
C’est ce qu’il y a vraiment de plus élégant et de plus
recherché. Une femme remarquable par son agrément ou sa
position est qualifiée de fleur des pois. Cela bien sûr par allu­
sion à la belle fleur qu’est le pois de senteur. Ne pas confondre
la fleur des pois et la fleur des bois !
FLUCTUAT N E C MERQITUR [in Les copains
d’abord].
L’emblème de Paris est une nef dont la voile est gonflée
par le vent. Ce qui n’est pas étonnant : Paris fut en effet un
port fluvial important où la batellerie était très développée.
C’est au Xlll*^ siècle que les marchands d’eau adoptèrent la
devise latine Fluctuât nec mergitur. Cette devise s’accordait si
bien avec l’emblème de la ville qu’elle y fut très vite associée.
(L)mme chacun sait, ce navire, battu par les flots, flotte mais
ne sombre pas.
FOI DU CHARBONNIER [in Le mécréant].
Une foi inébranlable mais naïve, car sans fondement véri­
table par absence de culture et de réflexion, est qualifiée de
foi de charbonnier.
Un grammairien du XVIF siècle prétendait que cette
expression provenait d’un conte dans lequel Satan, déguisé
en ermite, demandait à un charbonnier ce en quoi il croyait ;
ce dernier lui aurait répondu :
« - Je crois ce que croit la sainte Eglise.
- Et que croit la sainte Eglise ?
- Elle croit ce que je crois. »
Peut-on être plus convaincant ?
FOIN DE [in Le fantôme].
Cette interjection littéraire et vieillie marque le dédain,
la répulsion, le dégoût. « Foin du loup et de sa race », disait
La Fontaine ( in Fables : Le loup, la chèvre et le chevreau,
livre IV, fable 15). Foin de se place devant le nom d’une
personne ou de la chose que l’on rejette.

FOIRE À UENCAN [in Les croquants].


On trouve le mot encan en vieux provençal, mais son
origine remonte à la locution adverbiale latine in quantum
(pour combien ?). La foire à l’encan n’est autre qu’une vente
aux enchères publiques. On peut mettre, acheter, vendre
quelque chose à l’encan. C’est la loi du plus offrant.

FOISON (À) [in Uorage - Méchante avec de jolis seins -


Misogynie à part - TrompC'Ui'mort].
C’est le substantif féminin du latin/ttsio (action de diffuser,
de répandre). Le mot foison exprime une grande quantité de
quelque chose. La locution adverbiale à foison signifie en
extrême abondance, plus qu’à satiété.

FOLLES ENCHÈRES [in Dieu, s’il existe].


Il arrive que celui qui a remporté des enchères s’avère inca-
pable de régler le prix de l’adjudication. Il est alors question
de folles enchères et de fol enchérisseur ; et le bien est remis en
vente avec pour conséquence que, si le prix atteint lors de
ces nouvelles enchères est inférieur à la première vente, le
premier acquéreur défaillant devra régler la différence. Celui-
ci est alors victime de sa folle imprudence.
FOLLICULAIRE [in Les trompettes de la renommée].
Ce terme de dénigrement, vieilli et à l’origine obscure,
s’emploie comme synonyme de journaliste sans talent ni scru-
pules. C’est Voltaire qui semble avoir été le premier à traiter
les journalistes de la sorte : « Les aboyeurs folliculaires. » Souvent
pris à tort pour un diminutif de folium (feuille), folliculaire
viendrait du latin/oUis (sac).
FONTAINE WALLACE [in Le bistrot].
Né en Angleterre en 1818, sir Richard Wallace était marié
à une Française. 11utilisa sa fortune pour enrichir sa collection
d’œuvres d’art et devint un grand philanthrope. En 1872, il fit
installer à Paris et à ses frais une centaine de petites fontaines d’eau
potable. La légende rapporte que l’idée lui en vint après qu’on lui
eut refusé à plusieurs reprises de lui servir un verre d’eau. Dessi­
nées par le sculpteur Lebourg, ces fontaines se reconnaissent à
leur dôme, à écailles de dragon, supporté par des cariatides.
FORBAN [in Je rejoindrai ma belle].
Un forban n’est autre qu’un pirate, un écumeur des mers.
II s’agit en effet d’un marin qui s’empare, pour son propre
compte, de la cargaison des navires qu’il attaque. Le suffixe
ban viendrait de bannissement. Le forban est bien différent du
corsaire qui, lui, n’opérait que pour le compte d’un souverain
ou d’un gouvernement.
On peut qualifier de forban toute personne dénuée de scru­
pules, rétif à toute loi et qui s’enrichit par la force.
FORCER [in Le moyenâgeux].
Plutôt que d’employer le verbe actuel de violer, Georges
Brassens utilise le verbe forcer qui était en usage à l’époque
que décrit cette chanson. Le viol se disait forcement. Si l’acte
ignoble subsiste sous un autre vocable, désormais seules les
serrures font l’objet d’un forcement.
FOURBE [in La ballade des cimetières - Le progrès -
Le vieux fossile].
Avant que le sens de ce mot ne s’atténue, un fourbe était
un voleur. C’est désormais un sournois, un hypocrite qui, par
des ruses aussi perfides qu’odieuses, trompe autrui.
FOURBI [in Sale petit bonhomme].
Guère employé qu’au singulier, ce participe passé vient du
verbe fourbir (nettoyer, faire briller). Le fourbi désignait à
l’origine tout l’équipement porté par les soldats qui passaient
du temps à l’astiquer. Par extension, un fourbi est un amas
d’objets disparates.
FOURNEAU [in Le temps ne fait rien à Vaffaire].
Cette injure désigne un vieil homme. Aussi la locution vieux
fourneau constitue-t-elle un pléonasme. Celui qui l’emploie
méprise non seulement la vieillesse de celui qu’il invective
ainsi mais le juge en plus un peu imbécile.
FOUTRE [in La ronde des jurons].
Directement dérivé du latin/ucitere, le verbe foutre désigne
la pratique de l’acte sexuel. Jusqu’à la fin du XlX'^ siècle et
avant qu’une multitude d’expressions ne le remplacent au
point d’en faire oublier le sens premier, le verbe foutre était le
vocable tabou par excellence. Il n’est donc pas étonnant qu’il
figure en bonne place dans La ronde des jurons.
FOUTRIQUET [in La femme d^Hector].
Dérivé de foutre, ce terme est très péjoratif. Le foutriquet
est un homme chétif et insignifiant ; très remuant, il est de taille
disproportionnée par rapport à l’audace de ses entreprises.
FRANCHES REPUES [in Le moyenâgeux].
Au XIV^ siècle, nourriture se disait repeuture. Si le verbe
repaître apparaît dès la fin du XlP siècle, repue ne semble voir
le jour qu’au xv^ siècle. Une franche repue est un repas que
l’on prend sans bourse délier (l’adjectif/ranc/ie étant utilisé
dans son sens de gratuit, exonéré de droits).
FRAPPER D’ALIGNEMENT [in Le grand Pan].
Chez Georges Brassens, ce sont les deux qui le sont ; mais,
ilans la réalité, ce sont les bâtiments ou les terrains qui peuvent
être frappés d’alignement. Pour ses besoins d’urbanisme, une
municipalité peut récupérer de l’espace jusqu’alors privatif.
De l’alignement peuvent venir la conformité, l’uniformité.
FREDAINES (FAIRE DES) [in Embrasse-les tous -
Le bulletin de santé].
L’adjectif provençai fredain signifiait : scélérat, celui qui a
renié son serment. Devenant un substantif féminin, son sens
s’est adouci, puisque des fredaines ne sont que des écarts de
conduite, somme toute assez légers, que suscitent la jeunesse
et le tempérament. Ces fredaines relèvent, la plupart du temps,
du domaine sentimental ou sexuel.
FRETIN [in Le pêcheur].
Le participe passé de l’ancien verbe freindre (briser) est fret
(débris) et a toujours un sens collectif. Ainsi le fretin du
pêcheur : de petits poissons habituellement rejetés à l’eau du
fait de leur taille. Le fretin et, a fortiori, le menu fretin désignent
aussi des personnes de peu d’intérêt, sans grande importance.
FRIMOUSSE [in Le parapluie].
Le sens premier de frime était : mine, air. Frimousse est un
mot populaire par lequel on désigne le visage et souvent celui
d’un enfant ou d’une personne jeune et agréable à regarder.
FRIPON [in Uamandier - Le diable s*est logé dans ma
bourse - Le vent].
Ce terme dont l’usage se raréfie qualifiait une personne
dont les malhonnêtetés se paraient de ruses. Son sens,
comme souvent, s’est atténué avec le temps. Un fripon n’est
plus qu’un enfant espiègle ou une personne délurée, portée à
des attitudes ou à des propos un peu lestes.
Dans Uamandier, fripon relève plus du verbe populaire
friper (manger goulûment).
FRIVOLITÉ [in La religieuse].
Dans cette chanson, frivolité n’est pas le mot usuel mais le
nom de la petite fleur brodée qui sert d’élément de décora­
tion sur une toilette féminine.
FROU-FROU [in J’ai rendez-vous avec vous - Uancêtre
- Une petite Eve en trop].
Paul Verlaine (in Romances sans paroles VI) :
« Place ! En sa longue robe bleue
Tout en satin qui fait frou-frou... »
Cette onomatopée rappelle le froissement des étoffes et
plus particulièrement celles de soie ou de satin.
C’est à Lucien Delormel que l’on doit la célèbre chanson
Frou'frou (1890) sur une musique d’Henri Chatau. Initia-
lement intitulée La fête du souffleur, elle ne dut son succès
qu’à un aller et retour à Vienne où un Allemand, séduit par la
mélodie, l’avait fait connaître sous le titre de BeimSupper.
Revenue en France avec ce nouveau titre de Frou-frou, elle
y rencontra le triomphe que l’on sait.
FUNESTE [in C*était un peu leste - L’orage - Une jolie
fleur].
Du latin classique funestus (malheureux dans le deuil).
Antoine Furetière, illustre dictionnariste du X V ll' siècle,
définit cet adjectif ainsi : ce qui cause la mort ou qui en
menace.
Cet adjectif a une forte connotation négative puisqu’il
rend compte du peu de maîtrise d’un être sur le cours des
événements qu’il subit. Un mal funeste est triste et doulou­
reux car il annonce souvent la mort probable et imminente.
Quelque chose de funeste répand le malheur et la désolation.
FURIBOND [in Le vent].
Du latin classique furibundus (délirant, égaré). Quand
on est furibond, on est sujet à de grands emportements ;
animé d’une impétuosité excessive, on laisse exploser une
colère d’une virulence outrancière.
FURIE [in Hécatombe - Je me suis fait tout petit -
Les radis].
Mégère, Alecto et Tisiphoné étaient les trois Furies de la
mythologie romaine. Filles de la nuit et du temps, elles étaient
les déesses de la vengeance et avaient pour fonction de main­
tenir le monde dans l’ordre normal des choses. Armées de
fouets et de torches, des serpents noués dans leur chevelure,
elles étaient terrifiantes.
Les Grecs avaient les leurs : les Érinyes qu’ils nommaient,
par antiphrase et pour se concilier leurs faveurs, les Euménides
(les Bienveillantes).
Qrand branle-bas dans Landerneau...*

* In A Vombre du cœur de ma mie.


GABELLE [in Saturne].
Sous l’Ancien Régime, les impôts indirects existaient
déjà. Ils étaient prélevés sur les marchandises de la produc­
tion manufacturière ou agricole. L’un de ces impôts s’appelait
la gabelle. Monopole d’État, le sel était également taxé bien
qu’indispensable notamment pour la conservation des
viandes. La gabelle, prélevée sur le sel, était particulièrement
impopulaire.
Et l’on ne peut qu’être pantois devant l’habileté de Georges
Brassens qui lie par le sens deux métaphores : la gabelle illus­
trant la rançon du temps et le sel, les cheveux blancs.
GAILLARDE [in Hécatombe].
Ce substantif aurait une double racine : gallo-romaine
(galia: force) et irlandaise (gai: bravoure). Une gaillarde est
une femme pleine de vigueur et de hardiesse, mais également
celle que les scrupules n’étouffent pas ou encore une femme
aux propos lestes, grivois.
GALIEN [voir HIPPOCRATE].
GALOCHE [in II suffit de passer le pont].
Vient du latin gallicula (petite chaussure gauloise). A la
différence du sabot qui est tout en bois, une galoche a le dessus
en cuir (parfois en carton bouilli) et seule sa semelle est en
bois ; on l’enfile ordinairement sur des chaussons. Par exten'
sion : vieille chaussure grossière.
GALOPIN [in Les croque-morts améliorés].
Dérivé du verbe galoper, le galopin désigne dès le XII‘=siècle
un messager, sans doute assez jeune, car il fallait courir vite.
Puis ses fonctions se sont étendues, et le gabpin est devenu
aussi un coursier portant des paquets. Un galopin est désormais
un jeune garçon turbulent, espiègle, quelque peu indocile et
qui court les rues.
GAMBADE [in II suffit de passer le pont].
Le mot gamba (jambe) vient du bas latin et a donné beau­
coup de mots dérivés ; notamment en ancien provençal :
cambo, gambo (jambe). Une gambade (cambado, gambado en
provençal) est un saut vif et joyeux, désordonné mais plein
d’entrain. L’esprit de René Fallet gambadait-il quand il a
composé en 1957, avec Guy Béart, La gambille (interprétée
par Philippe Clay) :
« Viens à la gambille,
Tu verras des filles
Q ui frétillent des gambettes.
Viens danser au bal musette. »

GANDIN [in La Légion d’honneur].


Lieu de rencontre des élégants de l’époque, l’actuel
boulevard des Italiens à Paris portait précédemment le
nom de boulevard de Gand. Est-ce pour cette raison que
Théodore Barrière, dans sa pièce Les Parisiens de la déca^
dence, nomma un de ses personnages Robert Gandin, figure de
dandy ridicule ? Par ailleurs, coïncidence curieuse, au début
du XIX' siècle, un gandin désignait dans le sud-est de la France
un homme un peu niais et ridicule.
GARGOTIÈRE [in J’ai rendez-vous avec vous].
En ancien français, la gargote désignait la gorge, le gosier.
De nos jours, une gargote est un petit restaurant bon marché
où les plats servis sont de qualité médiocre. Une gargotière est
la femme qui tient ce genre d’établissement où tant la cuisine
que l’hygiène laissent à désirer.
GAUDRIOLE [in Stances à un cambrioleur].
Du croisement de gaudir (railler) et de cabriole. Propos gai
et licencieux touchant à l’érotisme. Une gaudriole a pour
synonymes : gaillardise, gauloiserie, grivoiserie, polissonnerie.
GAVROCHE [in Honte à qui peut chanter - Supplique
pour être enterré à la plage de Sète].
Gavroche est un des personnages que Victor Hugo met en
scène dans Les Misérables. Fils de la Thénardier, Gavroche
symbolise le gamin de Paris. Dans ces deux chansons, Georges
Brassens réunit Gavroche et Mimi Pinson [voir plus loin],
deux figures emblématiques du Paris du XIX' siècle.
GENDARMICIDE [in Hécatombe].
C’est un des rares néologismes qu’utilise Georges Brassens.
11 avait les mots nouveaux en horreur. La consonance
savoureuse de gendarmicide n’a pas dû lui échapper. Le suffixe
eide vient du verbe latin caedere (tuer).

GÉNITOIRES [in Uandropause - Vépave].


Toujours utilisé au pluriel, ce mot apparaît quelquefois
sous la forme génétoires et vient du latin genitalia (organes
sexuels). Génitoires n’est pas un vocable argotique et désigne
les parties génitales du mâle. Qu’elles soient humbles, comme
dans cette chanson, ou arrogantes, cela relève d’une autre
question !

GENTILLÂTRE [in Bécassine].


Dérivé de gentil avec le suffixe péjoratif âtre. Il s’agit d’un
gentilhomme pauvre ou de petite noblesse, un nobliau en
quelque sorte.

GNON [in Hécatombe - Souvenirs de parvenue].


Pour réduire l’enflure provoquée par un coup, cer­
taines habitudes faisaient placer un oignon sur l’ecchymose.
Cette même enflure peut évoquer cette plante potagère.
Deux bonnes raisons pour que gnon, aphérèse du mot
oignon, signifie dans le langage populaire un coup donné
ou reçu.

GOGUENARD [in Boulevard du temps qui passe].


En ancien français, une gogue était une réjouissance, une
liesse, mais aussi un propos ironique. Outre goguenard,
goguette en est également dérivé. Un air, un regard, un sourire
goguenard extériorisent la moquerie, la raillerie.
GORGERETTE [in Clairette et la fourmi].
C’est une petite gorgère, c’est-à-dire une collerette que
portaient autrefois les femmes pour dissimuler aux regards
concupiscents une partie de leur poitrine.

GOTON [in Dieu, s’il existe].


Abréviation du prénom Margoton, goton fut utilisé dès la
moitié du xvr siècle comme surnom d’une femme aux moeurs
légères. 11 désignait également une fille de ferme, une cui­
sinière ou une servante dont les manières négligées leur
valaient cette appellation péjorative. Évidemment, ce terme
a beaucoup vieilli.

GOUALANTE/GOUAILLEUR [in Entre la rue Didot


et la rue de Vanves - Oncle ArcKibald].
Goualante est le participe présent substantivé du verbe
goualer (chanter). Une racine commune pour: gouaille,
gouaillerie, gouailleur, goualeuse, engouement.
Une goualante est bien sûr une chanson, comme celle que
chantait Edith Piaf : La goualante du pauvre Jean.
Un ton gouailleur est adopté par celui qui plaisante sans
aucune délicatesse et se moquant.

GOUJAT [in Trompe-la-mort].


Un goujat fut d’abord un valet d’armée, puis de façon
plus générale la personne qui se mettait au service d’une
autre. Si les valets se sont raréfiés, les goujats subsistent !
Ce sont en effet ceux dont les manières sont grossières et
offensantes.
GOURGANDINE [in Le pêcheur].
Si gordine désignait au XIF siècle une femme galante, on-
gine de gourgandine demeure toutefois incertaine. Son sens
l’est beaucoup moins : fille légère, dévergondée.
GRÂCES [in Les amours d'antan].
Le p[us souvent au nombre de trois et accompagnant de
temps à autre Aphrodite, les Grâces ([es Charités en grec, [es
Gratiae en latin) sont des divinités mineures passant pour
être les filles de Zeus et d’Eurynomé. Connues sous beau­
coup de noms différents (mais notamment: Aglaé, Thalie,
Euphrosyne), elles personnifient la beauté, le charme, la
douceur et l’amitié ; elles avaient en effet pour mission
la gaieté des festins, l’harmonie des fêtes.
GRAISSER LA PATTE [in II suffit de passer le pont -
Uépitaphe de Corne d^Aurochs].
Il y a bien longtemps, se tenait sur le parvis de Notre-
Dame une foire aux jambons. L’église percevait sa dîme sur
les ventes effectuées. Les contrôleurs en charge de la collecte
se laissaient soudoyer en acceptant des morceaux de lard, gras
à souhait, que les marchands leur glissaient subrepticement
dans la main. L’expression populaire graisser la patte, synonyme
de corrompre, soudoyer, était née.
GREDIN [in Bécassine].
Ce mot nous vient de l’ancien néerlandais gredich (avide).
Au sens propre, ce fut longtemps un gueux, un mendiant. Au
figuré, un gredin est celui qui ne mérite aucune considéra­
tion car il est dénué de toute valeur morale. Par extension.
mais avec une petite nuance de sympathie, ce peut être un
mauvais garçon.

GRÊLER SUR LE PERSIL [in Dieu, sHl existe].


Cette locution a pour ainsi dire totalement disparu. Grêler
sur le persil, c’est abuser de son pouvoir ou de son influence à
l’encontre de personnes faibles. C’est aussi émettre des
critiques ou manifester sa désapprobation à propos de choses
insignifiantes et sans conséquence.

GRIGOU [in Comme une sœur - Uassassinat].


Il n’est guère fréquentable car, mesquin et sordide, le
grigou n’est qu’un misérable, un filou.

GRILLON DU FOYER [in Pénélope - Une petite Ève


en trop].
Une espèce de grillon, cet insecte sauteur, manifeste une
prédilection pour les cuisines et les boulangeries, lieux chauds
par excellence. L’analogie avec la femme n’est pas nécessaire-
ment péjorative puisqu’elle sous-entend les qualités ménagères
de celle qui tient bien son foyer, cette fée du logis. En outre, le
grillon était pour les Chinois le symbole de la vie, de la mort
et de la résurrection.
Le Qrillon du foyer est le titre d’un roman de Charles
Dickens publié en 1845.

GRIMAUD [in Le modeste].


Ce qualificatif était autrefois attribué aux élèves les plus
médiocres qui n’avaient pas assimilé l’enseignement dispensé.
Par extension, on peut traiter de grimaud un écrivain sans
talent mais néanmoins pédant.
GRIMOIRE [in Le passéiste].
Il s’agit d’une forme altérée de gramoire, mot utilisé au
Moyen Age pour désigner spécifiquement la grammaire latine
que ne comprenaient que les érudits. Tout ancien texte obscur
ou compliqué était, pour le commun des mortels, un grimoire.
C’est pour cette raison que les livres de magie et de sorcel­
lerie, aux formules mystérieuses, s’appelaient également ainsi.
GRISETTE [in Les amours d’antan - Supplique pour
être enterré à la plage de Sète].
Très répandue au XVII'^ siècle, une étoffe commune de
couleur grise portait le nom de grisette. Très vite, on nomma
ainsi les ouvrières qui travaillaient ce tissu. Jeunes et de
condition modeste, certaines d’entre elles se laissaient facile­
ment courtiser.
GRISON [in Le temps ne fait rien à ^affaire].
Avant de devenir blancs, les cheveux grisonnent. Un grison
est donc un homme mûr, moins âgé cependant qu’une tête
chenue ou qu’un barbon.
GROGNASSE [in Oui et non].
Au XIX*" siècle, apparaît le verbe grognasser, dérivé de
grogner. La grognasse manifeste son mécontentement perma­
nent par des grognements. On mesure le caractère péjoratif
de cette appellation quand on sait que grogner vient du
mot groin.
GROLLES [in La complainte des filles de joie].
La grolla, en latin populaire, est une chaussure. En argot,
des grolles sont aussi des chaussures.
GROS BONNET [in Bécassine].
Terme ironique et péjoratif qui désigne un personnage
influent, une personne aux pouvoirs étendus.
GUERRIERS DE SPARTE lin La guerre de 14-18].
Au IX'= siècle avant J.-C., quatre villages doriens se regrou­
pèrent pour former Sparte, un état oligarchique et militaire.
Puissante cité du Péloponnèse, Sparte sortit victorieuse de la
longue guerre qui l’opposait à Athènes et cela grâce à ses
valeureux guerriers.
Les coutumes de Sparte, austères et rigoureuses, étaient si
connues que l’adjectif Spartiate vient de là.
GUEULE DE BOIS [in Le vin].
L’abus de boisson finit par dessécher la bouche et épaissir
la langue ; tout cela prend alors la consistance du bois.
GUEUX/GUEUSE [in Uancêtre - Le moyenâgeux -
Le petit-fils d*Œdipe - Oui et non - Sauf le respect que je
vous dois].
Un gueux est un mendiant sans autre activité dont Jean
Richepin se fit le chantre (in La Chanson des gueux, 1876).
On trouve déjà le mot gueux, dont gueuse est le féminin, dans
les Ballades en jargon de François Villon. Une gueuse est
une fille facile. Courir la gueuse, c’est assouvir ses besoins
sexuels auprès de filles qui ne demandent que cela.
GUIBOLES [in La complainte des filles de joie].
Le mot argotique guibole (jambe) est probablement une
altération de guibon, guibonne (cuisse, jambe, en normand),
ces mots venant de l’ancien verbe giber (gigoter). Jouer des
guiboles, c’est à la fois danser et s’enfuir en courant.
GUIGNE [in Bécassine].
Cette petite cerise rouge foncé, à longue queue, a une
chair ferme et sucrée. Elle s’apparente au bigarreau, en plus
petit. Cette métaphore vante la beauté de Bécassine. On ne
peut donc confondre cette gMigne-là avec la guigne dérivée de
guignon [voir ci-après].
GUIGNOL [in Hécatombe].
Littéralement, un guignol est celui qui guigne, c’est-à-dire qui
regarde de travers ou à la dérobée. Guignol est, sans doute pour
cette raison, le nom du personnage principal du théâtre lyon­
nais de marionnettes inventé en 1808 par Laurent Mourguet.
Un guignol est aussi un pitre ou quelqu’un de ridicule qu’on ne
peut pas prendre au sérieux. Pourquoi les gendarmes furent-
ils affublés du surnom de guignols ? Pour leurs regards furtifs
qu’ils jettent de tout côté ?
GUIGNON [in La femme d’Hector],
Mot qui, dès le Xll*^ siècle, signifie : la malchance qui nous
poursuit, au jeu ou dans la vie. C’est un dérivé de guigner qui,
avant son sens actuel de regarder avec envie, voulait dire :
faire signe de l’œil, loucher, regarder de travers, avoir le
mauvais œil. La notion de malchance vient de la superstition
très répandue liée au mauvais œil.
En 1855, Charles Baudelaire intitulait la poésie XI des
Fleurs du mal : Le guignon. Portant le même titre, une
poésie de Stéphane Mallarmé datée de 1898 figure dans son
recueil Poésies. Dans cette dernière, les mendieurs d’azur de
Mallarmé ont peut-être inspiré Jean Richepin et ses assoiffés
d’azur (in Les oiseaux de passage, mis en musique par
Georges Brassens).
GUI UAN NEUF (AU) [in La cane de Jeanne].
Le calendrier celte, très particulier, comportait en
novembre une fête rituelle au cours de laquelle on coupait du
gui avec beaucoup de cérémonie. Deux taureaux blancs
étaient sacrifiés lors de cette même fête qui marquait le début
de l’année celte. Cette exclamation issue des traditions drui­
diques équivalait à notre bonne année ! actuelle.
GUILLEDOU [in Embrasse-les tous].
Certains attribuent l’origine de guilledou au mot Scan­
dinave kveldulfr qui signifie : loup du soir, autrement dit
loup-garou. Courir le guilledou voudrait alors dire : aller la nuit
venue à la rencontre du loup-garou et, par extension, se
rendre dans les lieux de ribauderie.
D’autres pensent que guilledou vient de l’association du
verbe de l’ancien français guiler (duper, attraper par surprise)
et de l’adjectif doux.
Même si son sens semble s’être atténué au fil du temps,
l’expression courir le guilledou était le fait de ceux qui, au
xvil'-" siècle, se livraient à la débauche.
Scarron :
« Car souvent, moins sage que fou,
Il va courir le guilledou. »
GUILLERET (ETTE) [in Clairette et la fourmi - Il suffit
de passer le pont - Le pomographe - Trompe-la-mort].
Est guilleret celui qui, badin et insouciant, d’une humeur
légère et joyeuse, manifeste une franche gaieté. Cet adjectif
apparaît au xv= siècle et viendrait de l’ancien verbe guiller qui
a donné guiüeri (chant du moineau). Il est amusant de noter
que guiller signifiait à la fois tromper ( « Tel croit guiller Guillot
que Guillot guille ») et séduire.
GUIPURE [in La religieuse].
Cette dentelle faite de fils de coton ou de soie, sans
support de fond, ornait les vêtements féminins. Il existait
aussi des rideaux confectionnés en guipure.
H
Histoire d’endormir le temps...

* In Trompe-la-mort.
HARANGUE [in Le vin].
De l’italien arringa (discours public). C’est un discours
solennel, souvent long et emphatique, qui peut être prononcé
devant une personne seule (auquel cas, ce peut aussi être une
réprimande) mais également devant une assemblée nombreuse
(tels les généraux avant la bataille). Une harangue répond à
des règles de stratégie oratoire qui permettent d’en escompter
un résultat.
HARENGÈRE [in La ronde des jurons].
En dépit de l’homophonie de la racine de ces deux mots,
il ne faut pas croire qu’une harengère prononce des harangues.
En réalité, les poissonnières (vendeuses de harengs, entre
autres espèces) avaient la réputation d’attirer le chaland par
leur langage vert et imagé. Par extension, une harengère est
une femme aux manières et au langage grossiers.
HARO SUR LE BAUDET ! [in Don Juan].
Popularisée par La Fontaine dans sa fable Les animaux
malades de la peste, cette locution apparaissait déjà dans
l’œuvre de Clément Marot.
Haro viendrait du vieux français hara (ici, de ce côté) qui a
donné le verbe harasser. Crier haro sur quelqu’un, c’est le dési­
gner à la vindicte publique et réclamer un châtiment à son
encontre. Haro était en fait un cri pour rallier des personnes à
la rescousse des forces de loi.
Haro sur le baudet ! Cette manifestation bruyante d’hosti­
lité envers quelqu’un est souvent le fait d’un groupe qui se
satisfait d’avoir trouvé un bouc émissaire ou la victime idéale
et quelquefois innocente (le discernement étant rarement
l’apanage du groupe).
HAUTE FUTAIE (DE) [in Auprès de mon arbre].
Le fût d’un arbre est la partie de son tronc située entre le
sol et les premières ramures. Un certain nombre d’arbres
aux fûts rectilignes et très élancés constitue une futaie. La
demi'futaie rassemble des arbres de 40 à 60 ans. Dans une
jeune futaie, la majorité des arbres atteint déjà un âge respec­
table, entre 80 et 120 ans. De haute futaie se dit d’une forêt
dont la plupart des arbres sont âgés de 120 à 200 ans. Cela lui
confère un aspect majestueux. A l’opposé d’un vulgaire
taillis, la haute futaie est donc le nec plus ultra en matière de
forêt. Car, après, c’est hélas le déclin d’une vieille futaie qu’on
qualifie de haute futaie sur le retour.
HERBES DE LA SAINT-JEAN [in Une jolie fleur].
Certaines herbes, cueillies la veille et portées le jour de la
Saint-Jean, étaient censées guérir de bien des maux puisqu’on
leur attribuait des pouvoirs magiques. Parmi d’autres plantes,
on comptait le lis blanc, le fenouil, le millepertuis, le lierre,
le pourpier sauvage...
Utiliser les herbes de la Saint-Jean, c’est se donner tous les
moyens de la guérison, de la réussite.

HERCULE [in Le modeste].


Hercule n’est autre que l’équivalent romain (en moins
violent) de Héraclès, ce héros grec parmi les plus célèbres et
les plus populaires de la mythologie. Fils de Zeus, il est volon­
taire et doué d’une vigueur et d’une endurance qui firent sa
légende, d’autant qu’il les mit au service des plus faibles.
Alors que sa filiation divine le prédestinait à devenir roi,
il fut l’esclave d’Eurysthée. D’un caractère violent. Hercule
commit plusieurs meurtres qu’il dut expier en effectuant ses
célèbres travaux.

HÉRODE [in Comme une sœur].


C’est le nom de plusieurs rois de Palestine qui, de la même
famille, se succédèrent sur le trône durant les deux siècles qui
entourèrent la naissance de Jésus-Christ. Aucun d’entre eux
ne vécut assez longtemps pour justifier la locution vieux
comme Hérode. Il fallait toutefois remonter loin dans le temps
pour se souvenir de l’époque durant laquelle régna le premier
de cette dynastie des Hérode.

HEUR [in Cupidon s*en fout - Le myosotis].


Vient de l’ancien français aür, eür, qui signifie bonne
fortune et qui a donné l’adjectif heureux. On trouve dans
Chrétien de Troyes a boen eür (heureusement). La locution
à la bonne heure est toujours utilisée de nos jours et n’a rien
à voir avec la ponctualité.
Heur signifie bonne fortune, destin favorable. Avoir l’heur
de : avoir le plaisir de, être assez heureux de.

HEURE DU BERGER [in Je rejoindrai ma belle].


De par son éclat remarquable, la planète Vénus est le
premier astre visible et ce dès le coucher du soleil. Cet astre
est surnommé l’étoile du Berger, car son apparition indique
qu’il est temps de mettre le troupeau à l’abri des prédateurs
nocturnes. C’est bien l’heure du berger.
C’est aussi l’heure propice à l’amour, le moment privilégié
des amoureux. Cette locution constitue le titre d’un des
Poèmes saturniens de Paul Verlaine ; La Fontaine l’a égale­
ment utilisée.

HIPPOCRATE/GALIEN [in Le bulletin de santé].


Médecins grecs et sans doute [es plus grands de
l’Antiquité, Hippocrate et Galien sont à l’origine de théories
qui subsistèrent jusqu’au XVIP siècle. C’est à un auteur drama­
tique de ce même siècle, Jean-François Regnard, que l’on
doit la formule célèbre : « Hippocrate dit oui, Galien dit
non. » Par ce trait ironique, il soulignait les contradictions
médicales.

HOBEREAU [in Bécassine].


Un hobereau est un gentilhomme de petite noblesse et
campagnard car vivant sur ses terres. Un hobereau, c’est aussi
le nom d’un rapace migrateur plus petit que le faucon. A-t-on
déjà vu un hobereau, adepte de fauconnerie, chasser avec un
hobereau ?
HOMÈRE [in Les châteaux de sable - La guerre de
I4'18l
Même si la réalité de son existence fut l’objet de contro­
verses, Homère est ce poète grec qui vécut au IX*" siècle
avant J.-C. Auteur, dans sa jeunesse, de l’Iliade, il est aussi
celui de l’Odyssée, oeuvre beaucoup plus tardive.
Traditionnellement représenté en vieillard aveugle qui
erre tout en déclamant ses vers, Homère est souvent considéré
comme un des pères de la mythologie grecque.
HORDE [in Les châteaux de sable].
On trouve le mot orda dans la langue tatare et dans le
latin médiéval. On rencontre le mot ordu en turc et en
mongol. Chacun de ces deux vocables désigne un camp mili­
taire. Il faut croire que ces camps abritaient provisoirement
des bandes plus ou moins disciplinées, comme les nomades
d’Asie centrale, car c’est sans doute le mauvais souvenir de
leur violence et de leurs pillages qui explique le sens actuel
de horde. Tout groupe de personnes ou d’animaux errant et
provoquant le désordre et la terreur est qualifié de horde.
HOTTENTOT [in Entre la rue Didot et la rue de
Vanves - Jamais contente - Les voisins].
Bergers nomades du sud de la Namibie, les Hottentots se
révoltèrent contre les colons allemands en 1904. Ce sont les
Hollandais qui auraient donné leur nom aux Hottentots du
fait que ces derniers accompagnaient leurs danses d’un chant
limité aux seuls sons hot, hot, hot.
Dans le roman de Georges Brassens, La Tour des miracles
(in Œuvres complètes, 2007), on rencontre une «Vénus
hottentote, sculpturale nymphe d’ébène ». Avant de rencontrer
le succès, Brassens arpentait les rues de Paris et peut-être
avait-il fait un tour au musée de l’Homme où sont conservés
le squelette et le moulage d’une femme hottentote. Cette femme
est décrite comme étant stéatopyge (développement exagéré
du tissu adipeux des fesses) ; sans doute eût-il mieux valu
qu’elle fût callipyge ! Jouer les Vénus chez les Hottentots est
l’apanage de celles dont le volume fessier est impressionnant.
HUCHE [in Chanson pour VAuvergnat].
Ce mot viendrait du latin hutica (coffre). Une huche est un
coffre de bois rectangulaire, à couvercle plat, qui servait à la
conservation des miches de pain. Certains moulins en utili­
saient pour y recueillir la farine. Puis son usage s’est étendu
au rangement des provisions et sans doute de bien d’autres
choses.
HUIS [in Les voisins - Uorage - Vendetta].
Encore une origine latine (ostium) pour ce mot qui signifie :
porte d’entrée. De là viennent huisserie, huissier, huis clos.
HUSSARD (À LA HUSSARDE) [in La ronde des
jurons - Révérence parler].
Du Xll'^ jusqu’au début du XX' siècle, les hussards furent ces
soldats qui constituaient des régiments de cavalerie légère.
Ils avaient emprunté aux Hongrois leur nom (huszar) et leur
uniforme (le shako, le dolman et le mantelet porté sur une
épaule).
Il faut croire que le langage de ces militaires était parti­
culièrement relâché et leurs mœurs assez grossières pour que
l’usage populaire retienne ce mot destiné à qualifier des
propos hardis, des attitudes désinvoltes, des comportements
impétueux et sans-gêne.
HYMEN [in La traîtresse - Oncle Archibald].
Dans la mythologie grecque. Hymen était la divinité qui
présidait aux noces. Son nom viendrait du chant des invités à
un mariage. Ce jeune et bel Athénien était cependant trop
pauvre pour épouser celle qu’il aimait. Prisonnier en même
temps que sa belle et d’autres Athéniennes, il tua les pirates
qui les avaient enlevés et put libérer tout le monde. Cela lui
valut de pouvoir enfin convoler, ayant acquis ainsi quelque
mérite aux yeux de son futur beau-père.
C’est notamment au XVII‘' siècle que le mot hymen fut
utilisé comme synonyme de mariage, puisque l’hymen désigne
aussi la membrane qui, chez les femmes encore vierges,
obstrue l’ouverture du vagin.
Il est des jours où Cupidon s’en fout...

In Cupidon s*en fout.


ICARE [in Le vingt-deux septembre].
Minos enferma dans le labyrinthe du Minotaure
Dédale, artisan célèbre dont le nom est synonyme d’ingé­
nieux, et son fils Icare. Pour s’en échapper. Dédale pensa à
s’envoler et, pour ce faire, fabriqua deux paires d’ailes avec
des plumes et de la cire. Dédale conseilla alors à Icare de ne
voler ni trop haut de peur que le soleil ne fît fondre la cire, ni
trop bas pour éviter que les embruns ne mouillassent les
plumes.
Emporté par son enthousiasme, Icare s’envola si haut que,
la cire fondant, il s’abîma dans les flots. Dédale atterrit alors
sur l’île d’ikaria où il ensevelit le corps d’Icare. Ne pas pouvoir
voler et s’élever au rang des dieux, voilà quel est le complexe
d’Icare.
IGNOMINIE [in Le cocu].
Du latin ignominia (déshonneur, honte). L’ignominie est
l’état de celui qui, par une action infamante ou une vilénie
morale, a perdu son honneur et subit un jugement social,
formel ou implicite, de déchéance.
INCARNAT [in Bécassine].
Cet adjectif vient de l’italien incarnato et bien sûr du
latin caro (chair). Incarnat désigne une couleur rouge vif qui
rappelle la couleur chair. On peut également l’utiliser comme
substantif : l’incarnat du teint.
Dans son œuvre de jeunesse, Les Amoureux qui écrivent
sur Veau (in Œuvres complètes, 2007), Georges Brassens
donne la parole au coq Brahmapoutre :
« Tous les cocoricos des alentours
Sont nés de ma gorge tonnante,
Tous les coquelicots de ma crête incarnat. »

INCONTINENT [in Tonton Nestor].


Cet adverbe de temps vient de la locution adverbiale latine
in continenti (dans ce qui est contigu, attenant). L’emploi
d’incontinent s’est raréfié mais signifie : sans aucun délai, sans
retard, tout de suite, maintenant.
INFLUENZA [in Le passéiste].
Ce mot italien, emprunté au latin médiéval influentia, se
rencontre dès le XIV' siècle, même si c’est la grande épidémie
du XVlir' siècle qui en renforça l’usage. En effet, une grippe
venue d’Italie en 1743 se répandit en Europe et fit de nom­
breuses victimes... C’est donc bien une grippe dont il s’agit.
INGÉNU [in Ceux qui ne pensent pas comme nous
- Dans Veau de la claire fontaine - EmbrasseTes tous -
Uassassinat - Les ricochets].
Le droit romain voulait qu’un ingénu, c’est-à-dire né de
parents libres, demeure libre lui-même de par ses origines.
Sa condition était notablement différente de celle d’un
esclave affranchi. Dans le langage courant, un ingénu est celui
qui, faisant preuve d’une franchise totale, laisse transparaître
ses sentiments.

IN NATURALIBUS [in Le sein de chair et le sein de bois


- Les trompettes de la renommée].
Cette locution latine signifie que l’on est dans le plus
simple appareil ou nu comme un ver, au choix !

IN PETTO [in Ceux qui ne pensent pas comme nous -


Quatre-vingt-quinze pour cent].
Autre locution latine qui se traduit littéralement par :
dans la poitrine. Elle était notamment employée lorsqu’un
pape nommait un cardinal sans le proclamer, ni l’instituer.
Chanter in petto est finalement assez égoïste car c’est le
faire en secret, de manière personnelle, intérieurement, à
part soi.

INTERLOPE [in Pénélope].


Le mot anglais interlope se traduit par intrus. C’est bien
d’intrusion dont il s’agit à propos des navires marchands qui
trafiquaient avec les pays en état de blocus ou avec ceux que
des concessions liaient de façon exclusive à des compagnies.
Ces voiliers étaient appelés des interlopes.
Par extension, cet adjectif qualifie des lieux louches où se
déroulent des trafics en tout genre ou des jeux clandestins.
Les pensées que Georges Brassens prête à Pénélope dans
la chanson éponyme ne sont qu’équivoques.
ITOU [in Ce n’est pas tout d’être mon père - Misogynie
à part}.
Itou est l’association de deux mots de l’ancien français : hel
(tel, semblable) et atout (avec). Son usage a vieilli, mais itou
peut remplacer : aussi, pareillement, de même, également.
J’quitterai la vie à reculons... »

* In Le testament.
JADIS [in Élégie à un rat de cave - La guerre de 14'18 -
La princesse et le croque-notes - Le fantôme - Le modeste].
Cet adverbe de temps vient de l’ancien français ja a dis
(il y a déjà des jours) et exprime le passé lointain.
JAIS [in Trompe'la'mort].
D’après Pline, une ville et un fleuve de Lycie (région du
sud'Ouest de l’Asie Mineure) portaient le nom de Gages
et tenaient leur renommée de la pierre de Gages (gagates en
latin). Communément appelée jais, cette pierre est du charbon
fossilisé, très dure et d’un noir profond (un noir de jais).
Si certains font la confusion avec le geai, c’est que, outre
l’homophonie avec jais, cet oiseau ressemble fort à la corneille
qui, elle, est toute noire.
JARGON [in Ceux qui ne pensent pas comme nous -
Entre un ciel de printemps - Le moyenâgeux - Révérence
parler - S’faire enculer],
À Dijon, en 1455, eut lieu le procès des Coquillards (bande
secrète de malfaiteurs) qui permit d’identifier le jargon de la
Coquille dans lequel avaient été écrites les six Ballades en
jargon de François Villon.
Le jargon désigne un langage conventionnel adopté par un
groupe, suscité par des besoins de précision technique ou par
un désir de secret.
JARNIBLEU ! [in La ronde des jurons].
Souvent utilisé par Henri IV, ce jurement est une altéra­
tion de je renie Dieu. 11 est en outre considéré comme moins
blasphématoire que jarnidieu, plus explicite. Dans la même
veine, on rencontre jamigoi etjamigué.
JARNICOTON ! [in La ronde des jurons].
Henri IV, on l’aura compris, affectionnait les blasphèmes.
Mais ce travers était trop prononcé au goût de son confesseur,
le père Coton. Aussi ce dernier enjoignit-il à son souverain
de remplacer jarnidieu / par jamicoton ! (je renie Coton).
JARNIDIEU ! [in La ronde des jurons].
11 s’agit de la première altération du blasphème je renie
Dieu. Le jurement originel était au nom de Dieu. Jarnidieu !
et toutes ses déclinaisons peuvent être interprétés ainsi :
que je renie Dieu si je mens, car, si ce que j’affirme est un
mensonge, ma foi en est un également. Il est à supposer
que, bien vite, l’intention s’est simplifiée pour ne devenir
qu’exclamatoire.
JEAN-FOUTRE [in Le vent].
Cette appellation est pour le moins injurieuse et péjo­
rative. Celui qui se fait appeler ainsi est considéré comme
ne prenant rien au sérieux et surtout pas ce qu’il fait, un
incapable sur qui l’on ne saurait pouvoir compter.

JÉRÉMIE [in La mauvaise réputation],


Georges Brassens ne pouvait mieux choisir l’oracle qu’il
est inutile de solliciter pour deviner le sort qui lui est promis
dans cette chanson. Jérémie passe en effet pour être le
prophète du malheur. Le livre de Jérémie en a fait le plus
grand prophète biblique. Les Lamentations de celui-ci ont,
par analogie allusive, donné le sens du mot jérémiade, cette
plainte continue et lassante.

JOBARD [in La ballade des gens qui sont nés quelque


part].
Quoique son origine soit incertaine, jobard pourrait bien
venir de job qui, au XV^ siècle, est un niais et un naïf. Un
jobard est celui qui se laisse aisément duper ; sa crédulité le
dispute à sa naïveté.

JOB ASTRE [in Quand les cons sont braves].


Ce mot est une altération dialectale de jobard,

JOCRISSE [in Le nombril des femmes d^agents].


En 1587, Nicolas de Cholières publie Les Après'Disnées,
recueil dans la lignée de Rabelais dans lequel il écrit : « C’est
dommage que vous n’ayez nom Jocrisse, je crois qu’il vous ferait
fort bon voir mener les poules pisser,,. » Cela suffirait presque à
définir ce qu’est un jocrisse, ce niais qui se laisse si facilement
gouverner qu’il en est ridicule. Il arrive même que ce nigaud
se livre à des tâches réputées féminines ; de là à penser que le
jocrisse se laisse mener par le bout du nez...
JOUG [in Martin s’en va trimer aux champs].
Issu du latin jugum, le joug est cette pièce en bois, posée
sur le coup des bœufs et d’autres animaux de trait, à laquelle
l’on fixait une charrue ou une charrette.
Les Romains, en guise d’opprobre, faisaient passer leurs
ennemis sous une pique horizontale (le jugum) tenue en l’air
par deux autres piques fichées en terre (à ne pas confondre
avec les fourches Caudines). De là vient le sens figuré de
joug : contrainte de la servitude, de la sujétion.
JUPITER [in La marche nuptiale - Uorage].
Assimilé à Zeus, divinité grecque, Jupiter est le grand dieu
du panthéon romain. Les légendes dont il est le personnage
central sont celles attribuées à Zeus. Jupiter est le dieu du ciel,
de la lumière, du temps qu’il fait et donc de la foudre et du
tonnerre. Il symbolise enfin l’ordre autoritaire : par Jupiter !
JUS D’OCTOBRE [in Le vin].
Parmi de nombreuses poésies burlesques, Scarron enchanta
son entourage avec quelques chansons à boire, dont Au grand
flotte dans laquelle on trouve les vers suivants :
« Que béni soit le jus d'octobre,
Ce jus qui rougit tant de nez -•• »
Cette périphrase est une des nombreuses qui émaillent
le vocabulaire vinicole. Pressé en octobre, le vin ne peut
être que du bon lait d’automne, du jus d’octobre, la liqueur de
la treille.
JUSTE MILIEU [in Pénélope].
Ni noir, ni blanc, le juste milieu est gris. Cette attitude
conciliatrice et modérée consiste à se tenir à l’écart des
extrêmes. C’est sur ce principe que la monarchie de Juillet
préconisait le mode de gouvernement pour la France,
érigeant en dogme la locution latine : in medio stat virtus
(la vertu se tient au milieu).
« La suite serait délectable... »

* In Le gorille.
LÂCHER LA BONDE [in La route aux quatre chati'
sons - Trompe-la-mort].
Dérivé du gaulois banda, une bonde est la pièce de bois qui
obture le trou d’une douve de tonneau ou celle en caout­
chouc qui bouche le trou d’un évier. Lâcher la bonde, c’est
l’action de laisser s’écouler.

LAMPISTE [in Quand les cons sont braves].


Cet employé subalterne était autrefois chargé de l’entre­
tien des lampes et des lanternes publiques. Il devint et
demeure la figure emblématique de celui qui endosse une
faute commise par ses supérieurs hiérarchiques.

LANTERNE [in Celui qui a mal tourné - Concurrence


déloyale - Fernande].
Lorsque, à certaines époques, les pendaisons se succé­
daient à un rythme rapide, il n’était plus question de
perdre du temps à dresser un gibet. Aussi les lanternes des
rues de Paris, ancêtres des réverbères, en firent-elles office.
Le célèbre chant révolutionnaire immortalisa cette funeste
pratique :
«Ah / Ça ira, ça ira,
Les aristocrates à la lanterne... »
Cependant, Georges Brassens, dans Concurrence déloyale,
évoque une autre espèce de lanterne, car il y fait allusion à la
petite lanterne rouge, discrète mais caractéristique, qui servait
d’enseigne aux bordels. Et dans Fernande, lanterne est utilisé
à bon escient, car c’est par ce mot que l’on désigne l’ensemble
du dispositif rotatif et lumineux sur lequel tout gardien de
phare se doit de veiller.
LASCAR [in Le grand vicaire].
Ce mot vient de l’arabe askar, via le mot persan laskar
(soldat). Son sens s’est étendu et un lascar est un individu
malin, hardi et qui ne s’encombre pas de remords pour se tirer
habilement d’affaire. On le qualifie souvent : un drôle de
lascar, un sacré lascar.
LAVER LE CHIGNON [in Uombre au tableau].
Cette pratique remonte à la plus haute Antiquité, époque
durant laquelle le coupable de quelque méfait devait obtenir
le pardon des dieux. Pour ce faire, il allait, sur ordre ou de sa
propre initiative, se laver la tête. L’eau de mer était réputée
comme la plus efficace ; à défaut, l’eau des fleuves et même
celle des fontaines pouvaient suffire.
Mais nous sommes ici en présence d’une expression fami­
lière qui exprime une dispute entre femmes (qui se prennent
aux cheveux ou qui se crêpent le chignon). C’est aussi ternir la
réputation d’une femme que de lui laver le chignon.
LAZZI [in Le grand chêne].
Du fait de son origine italienne, même si elle est obscure,
ce mot ne prend pas de s au pluriel. Dans le théâtre ancien,
les lazzi désignaient une suite de bouffonneries. Par exten-
sion, ce mot est désormais synonyme de propos moqueurs, de
mauvaises plaisanteries.

LÈCHEFRITE [in La non-demande en mariage].


Cet ustensile de cuisine apparaît dès le XIF siècle et servait
à recueillir la graisse et le jus qui s’écoulaient d’une viande
rôtie à la broche.

LÈVE'NEZ [in La maîtresse d'école].


Dans le vocabulaire imagé de la marine à voile,
un lève-nez (qui se disait également hale-breu) est un petit
cordage utilisé pour relever ou soulever des parties de
gréement pas trop lourdes. Dans cette chanson, Georges
Brassens n’est pas allé puiser dans les vocables maritimes,
aussi pittoresques soient-ils. Le lève-nez est bien celui qui,
tête en l’air, se met à rêvasser à tout moment. C’est le
cancre en quelque sorte, toujours l’esprit ailleurs, bayant
aux corneilles et qui ne se penche que rarement sur son
travail.
Le roman La lune écoute aux portes (in Œuvres
complètes, 2007) fut initialement publié - en 1947 - à
compte d’auteur par Georges Brassens qui fit imprimer sur
la couverture le nom prestigieux d’un prétendu éditeur :
Gallimard. Pour parfaire l’illusion, ce nom était suivi de la
mention Bibliothèque du lève-nez !
LEVER MATIN [in Les ricochets].
C’est se lever de bonne heure comme le dit si bien Pierre
de Ronsard (in Amours de Marie XIX) :
« Vous tient d'un doux sommeil encor les yeux cillés
Ç à ! Ç à ! Q ue je les baise et votre beau tétin
C ent fois, pour vous apprendre à vous lever m atin... »
Bel exemple d’archaïsme comme les aimait Georges
Brassens.

LIBATION [in Vancêtre - Le revenant].


Pour rendre honneur aux divinités de l’Antiquité, on
n’hésitait pas à répandre du vin et des liqueurs. Se livrer à
des libations, c’est boire sans modération ni retenue.

LIGNE BLEUE DES VOSGES [in Les patriotes].


Jules Ferry est né à Saint-Dié dans les Vosges en 1832.
Célèbre pour son passage au ministère de l’Instruction
publique, il fut également deux fois président du Conseil.
Peu de temps avant de mourir en 1893, il rédigea ses
dernières volontés : «Je désire reposer dans la même tombe que
mon père et ma sœur, en face de cette ligne bleue des Vosges d’où
monte jusqu’à mon cœur fidèle la plainte des vaincus. »

LIGUE (VIVE LA) [in Le pluriel - Oncle Archibald].


La Ligue fut un mouvement révolutionnaire catholique au
temps des guerres de religion. Cette ligue se constitua pour
empêcher l’avènement sur le trône d’un prince protestant,
Henri de Navarre. Les catholiques se rallièrent quand Henri
de Navarre, devenu Henri IV, abjura en 1593 pour se convertir
au catholicisme. Ce n’est que cinq ans plus tard que les
derniers irréductibles, des Bretons, se soumirent.
Cet événement est évoqué par La Fontaine dans sa fable
La chauve-souris et les deux belettes :
« Le sage dit, selon les gens,
Vive le Roi ! Vive la Ligue ! »
C’est à cette prise de parti évoluant selon son propre intérêt
que fait allusion Georges Brassens dans Oncle Archibald.
Dans Le pluriel, il n’utilise le mot ligue que pour désigner les
gens qui se rassemblent pour défendre des intérêts corpora-
tistes ou lutter contre ce qu’ils jugent des abus.
LORS [in Celui qui a mal tourné - Concurrence déloyale
- Discours des fleurs - Don Juan - Il suffit de passer le
pont - La fille du passeur - Le gorille - Le mauvais sujet
repenti - Le passéiste - Le pêcheur - Le vieux Normand -
Oncle Archibald].
Goût des archaïsmes ou contrainte du nombre de syllabes ?
Il est tout de même frappant de constater que, dans onze de
ses chansons, Georges Brassens a délibérément choisi cet
adverbe de temps sous sa forme vieillie. Lors vient du latin ilia
hora (à cette heure) ; sa forme actuelle, alors, n’est apparue
qu’au XV-' siècle.
LOUCHE AU VALSEUR [in La Légion d'honneur].
En argot, le valseur n’est autre que le postérieur féminin,
sans doute du fait du balancement harmonieux de celui-ci
lorsque sa propriétaire se déplace. La louche, c’est la main
{serrer la louche en est un bon exemple). La louche au valseur est
donc ce geste incongru et déplacé de mettre la main aux fesses.
LOUP DE RENCONTRE [in Sauf le respect que je
vous dois].
Pour une jeune fille, avoir vu le loup, c’est avoir perdu sa
virginité. C’est notamment le fait de celles qui, le soir venu,
vont à la rencontre du loup-garou. On dit encore qu’elles
courent le guilledou. Un loup de rencontre est donc un séduc­
teur de proies faciles.
LOUSTIC [in La/lie indienne].
Le mot allemand lustig se traduit par : gai, jovial. Le lustig
était affecté dans les régiments suisses avec pour fonction de
maintenir, par ses facéties, le moral des troupes. A l’instar du
lustig, le loustic fut un temps un plaisant de caserne puis, plus
généralement, un individu facétieux, un bouffon, un farceur.
LUCRE [in Le mouton de Panurge].
Lucrum en latin signifie : gain, profit, avantage. Mais le
lucre, tel qu’on l’entend désormais, est le profit plus ou moins
licite que l’on recherche avec avidité.
LURON [in Le gorille].
Dans le centre de la France, un hélier porte le nom de
lureau. C’est peut-être là l’origine de luron, ce substantif syno­
nyme de hon vivant, hardi en amour et dont le comportement
moral laisse à désirer. C’est donc fort à propos que Georges
Brassens, dans Le bulletin de santé, se compare au hélier !
LUSTRE/LUSTRALE [in Uancêtre - Uarc'en’ciel
d’un quart d’heure - Le grand Pan].
Tous les cinq ans, les Romains organisaient une cérémonie
de purification ; c’était le lustre. Au cours de celle-ci, la foule
était aspergée d’eau dans laquelle un tison en provenance du
foyer des sacrifices avait été préalablement plongé. C’était
l’eau lustrale qui purifiait non seulement les personnes mais
également les lieux et les objets frappés d’impureté.
Donner du lustre, c’est rehausser, faire valoir, donner du
brillant. Mais cela ne dure pas toujours des lustres !
M
« Moi qui balance entre deux âges...

In Le temps ne fait rien à Vaffaire.


MACCHABÉE [in Hécatombe - La collision - Le reve­
nant - Les funérailles d’antan - Les quatYarts - Trompe^
la^mort].
En 167 avant J.-C. au royaume grec de Syrie, les Juifs
se révoltèrent pour défendre la pratique de leur culte alors
qu’Antiochos IV voulait leur imposer les dieux de l’Olympe.
Un prêtre hébreu mena cette révolte un an et mourut.
Ses cinq frères prirent la relève dont Judas, surnommé
Macchabée (le désigné). Et bientôt on appela Macchabées
non seulement ses frères mais aussi leurs familles et tous
leurs partisans.
Les étudiants en médecine firent, plus tard, un rappro­
chement (d’ailleurs intempestif!) entre les cadavres qu’ils
disséquaient et les corps mutilés des Macchabées.
MACHINALE [in Corne d^Aurochs].
Est machinal celui qui agit par habitude sans que sa
volonté ni sa réflexion interviennent. C’est faire peu
de cas de l’âme de Corne d’Aurochs que de la qualifier de
machinale.
MADRIGAL [in Méchante avec de jolis seins].
Nicolas Boileau (in Art poétique, chant II) définit le
madrigal ainsi :
« Le madrigal, plus simple et plus noble en son tour,
Respire la douceur, la tendresse et l’am our... »
Très en vogue entre le XV!*" et le XVIF siècle, le madrigal est
une pièce de poésie composée de quelques vers de forme
libre. Sans accompagnement musical, le madrigal exprime
avec finesse une pensée galante.
MAÎTRESSE QUEUX [in La non'demande en mariage].
Le qualificatif maître désigne l’artisan qui possède parfai­
tement son métier. Le vieux mot queux a longtemps désigné
un cuisinier ; il venait du latin coquus (cuisinier) qui a éga­
lement donné maître coq, surtout utilisé dans la marine.
Féminisant la fonction, Georges Brassens envoie pourtant ses
représentantes au diable ! Sans doute regrettait-il de ne pas
les voir se cantonner dans un rôle de maîtresse tout court,
de séductrice.
MALEPESTE ! [in Le blason - Révérence parler].
Cette interjection exprime la malédiction, la surprise ou
l’irritation et s’orthographie indifféremment en un ou deux
mots. Elle vient de l’association de male (mauvais) et de peste.
Molière (in L’Etourdi ou les Contre-temps, acte II, scène 4) :
Malepeste du sot que je suis aujourd'hui ! »

MAL FAMÉ [in Au bois de mon cœur].


Cette expression s’écrit également en un seul mot. En
latin/ama et en ancien français/ame signifiaient : renommée.
réputation ; le mot anglais famous vient de là. Fréquenté par
des individus louches, cet endroit est malfamé : il a mauvaise
réputation.
MALOTRU [in La Légion d^honneur].
Adjectif ou substantif, malotru vient du latin populaire
male astrucus (né sous un mauvais astre). Un malotru est quel-
qu’un aux mœurs et aux manières grossières.
MANANT [in Bécassine].
Ce mot a une origine commune avec manoir au travers
du verbe latin manere (demeurer). Le manant, sous le droit
féodal, est le roturier qui habite dans la circonscription d’une
paroisse et dépend de la juridiction seigneuriale. 11 n’a pas
le statut de vassal, mais ce n’est pas non plus un bourgeois.
C’est un homme considéré de condition inférieure.
MANCHE (C’ÉTAIT DANS LA) [in Les amours
d’antan].
Afin de décourager les voleurs et autres détrousseurs, les
manches des pourpoints étaient taillées assez larges pour qu’on
pût y placer sa bourse. Portée plus précisément sous l’aisselle,
dans la manche gauche, la bourse pouvait contenir, outre
quelques ducats, bien des choses précieuses.
Avoir quelque chose dans la manche, c’est l’avoir à sa dispo­
sition. C’est dans la manche signifie qu’un marché est passé,
qu’une affaire est conclue.
MANDRAGORE [in Uandropause - Le moyenâgeux].
Cette plante à laquelle étaient attribuées des vertus
magiques se nommait, en ancien français : mandegloire (main
de gloire). La forme de sa racine peut faire songer à un corps
humain. On lui prête des propriétés sédatives, narcotiques et
aphrodisiaques.
La légende rapporte que la mandragore se cueillait sous
les potences car elle était ensemencée par le sperme des
pendus. Un cri épouvantable retentissait quand on la déter­
rait. Elément essentiel de l’attirail magique, cette plante
thaumaturge portait remède, disait-on, contre la stérilité et
les sortilèges amoureux.
MÂNES [in Celle pour qui i’en pince - La nymphomane].
Les mânes sont les âmes des défunts qui sont aux Enfers.
Les Romains leur vouaient un grand culte. Ils pensaient que
l’âme immortelle de leurs aïeux quittait leur tombeau
quelques jours en février. Afin de s’attirer leurs bonnes grâces,
ils les invoquaient régulièrement et les apaisaient par des
offrandes.
MANGER DU POÈTE [in Je bivouaque au pays de
Cocagne].
Manger du poète, bouffer du curé... Ce cannibalisme, c’est
être violemment hostile à cette personne et la digérer par
le verbe.
MANITOU [in Le pomographe].
Les Algonquins constituaient une tribu d’indiens du nord-
est de l’Amérique du Nord (leurs descendants survivent dans
des « réserves » que leur ont concédées le Canada et le
Québec). Ils vénéraient une divinité dont le nom, Manitu,
signifie grand esprit. Le Grand Manitou est l’être suprême qui
régit toute la création. Par extension, c’est un personnage
important dont l’autorité et l’influence sont unanimement
reconnues.
MANON LESCAUT [in Uancêtre - Concurrence
déloyale].
Cette femme est l’héroïne du célèbre roman que l’abbé
Prévost écrivit en 1731 sous le titre Histoire du chevalier des
Qrieux et de Manon Lescaut. Ce personnage de Manon est
devenu un mythe. Courtisane légère et inconséquente ( « une
catin », disait d’elle Montesquieu), Manon Lescaut a toutefois
la lucidité de considérer qu’on ne peut vivre d’amour et d’eau
fraîche.
A la fois naïve et perfide, Manon Lescaut participe à la
déchéance du chevalier des Grieux en le détournant de son
droit chemin.
MAQUERELLE [in Souvenirs de parvenue].
La maquereUe est [e pendant féminin du maquereau, ce
dernier n’ayant strictement rien à voir avec le poisson du même
nom. En flamand, un makelaar est un courtier, un intermédiaire.
Or que font les maquereaux, les proxénètes et les souteneurs ?
Ils vivent de la prostitution des femmes. La maquerelle ne fait
rien d’autre, mais en tenant une maison de tolérance, un
hôtel de passe, un bordel en quelque sorte. Une apposition
fréquente a donné la locution familière de mère maquerelle.
MARABOUT [in Le mécréant repenti - Le pomographe].
Au premier temps, le marabout était un moine soldat
musulman qui défendait contre les infidèles les couvents
fortifiés de l’ancien Empire arabe. Par la suite, il est devenu
celui qui se consacre à l’enseignement et à la pratique de la
religion musulmane. De ce fait, il est vénéré tant de son
vivant qu’après sa mort.
Par extension abusive, on traite de marabout un sorcier ou
un prêtre d’une religion fétichiste.
Le marabout étant par ailleurs un gros oiseau, un échassier
gris et blanc de plumage, pourrait-on en déduire que les
sorciers, prêtres et autres marabouts sont de drôles d’oiseaux ?
MARAUD [in La traîtresse - Le vent].
Un marault était un artisan itinérant qui fabriquait princi­
palement des coffrets en bois. Son vagabondage incessant
lui valut d’être déconsidéré. Dans le langage populaire du
XVI' siècle, un maraud est un homme grossier et brutal. Maraud
s’emploie pour mépriser un homme de rang social inférieur à
celui de son interlocuteur. Alors qu’en dire s’il s’agit d’un
couple de marauds ! Déjà inusité, ce substantif se rencontre
encore plus rarement sous la forme adjective. Mais si, rivali­
sant de tares, quelque maraud se livre à force maraudes, il
devient ipso facto un maraudeur.
MARCHÉ DE DUPES [in La fille à cent sous].
Un marché de dupes, c’est une convention dans laquelle
l’une des deux parties se fait abuser, duper. C’est un contrat
particulièrement déséquilibré qui favorise injustement celui
qui en est à l’origine, un contrat léonin en quelque sorte.
MARITORNE [in Le pêcheur].
Dans le Don Quichotte de Cervantès, une servante
d’auberge assez repoussante - « Large de face, plate du chignon.
camuse du nez, borgne d’un œil et peu saine de l’autre... » -
porte le nom de Maritome. De là vient qu’une maritome soit
devenue dans le langage populaire une femme sans grâce et
peu soignée, une espèce de souillon.
MARIVAUDAGE [in Méchante avec de jolis seins].
C’est une sorte de discours amoureux qui se caractérise par
le raffinement des sentiments et la préciosité du style dans
lequel ils sont exprimés. C’est un badinage à la manière de
Marivaux, c’est-à-dire une fine analyse des sentiments et une
expression recherchée et délicate.
MARJOLAINE [in La route aux quatre chansons].
Connue aussi sous le nom d’origan, la marjolaine est une
plante aromatique aux vertus stimulantes. Dans cette chanson.
Marjolaine est un prénom, peut-être dérivé de Marguerite...
Les compagnons de la Marjolaine est le titre d’une chanson
folklorique : il vient d’une locution qui s’utilisait pour dési­
gner une bande de joyeux drilles.
MARMITEUX [in Le bistrot].
Ce substantif est dérivé de l’ancien français marmite
(hypocrite). Un marmiteux, au sens le plus généralement
admis, est un homme dont l’infortune et la maladie sont
telles qu’il en est misérable et qu’à bon droit il s’en plaint.
Affligé et souffreteux, le marmiteux n’est guère enviable.
MARMOT [in Je suis un voyou - Le pomographe].
Jusqu’au XIV‘=siècle environ, un marmot est un singe.
Le marmot désigne aussi les petits visages grotesques
qui sont représentés sur les heurtoirs de porte. Mais un
marmot, c’est beaucoup plus généralement un petit enfant,
un bambin.
MAROUFLE [in Comme une sœur].
Il s’agit là d’une autre forme de maraud. Du reste, pour
fabriquer ses coffrets en bois, peut-être le maraud utilisait-il
la technique du marouflage et cela pourrait expliquer le lien
avéré entre ces deux mots. Le maroufle n’est pas plus fréquen­
table pour autant, puisqu’il est un personnage grossier et
déshonnête. C’est un fripon, un vaurien.
MARQUIS (E) DE CAR AB AS [in Histoire de faussaire
- La ballade des cimetières].
Le marquis de Carabas est le protégé du Chat botté dans le
fameux Conte de Charles Perrault. D’une noblesse douteuse
et se vantant de posséder beaucoup de biens, ce personnage
inspira le poète et chansonnier Pierre Béranger qui en fit le
stéréotype de l’émigré de l’Ancien Régime.
Comme il le fit dans Les amoureux qui écrivent sur
Veau (in Œuvres complètes, 2007), Georges Brassens trans­
forme le marquis de Carabas en marquise dans La ballade des
cimetières.
MARRON [in Les funérailles d*antan].
Cet adjectif populaire s’emploie à propos de la victime
d’un espoir déçu ou d’une duperie. L’expression originelle
était être fait marron qui signifiait : être pris sur le vif, être
arrêté. Une autre expression, totalement désuète celle-ci : être
paumé marron (être appréhendé comme un fugitif).
MARS [in La guerre de 14-18].
Au temps du polythéisme, ce dieu romain de la guerre
symbolisait la passion et la violence. Principal protecteur de
l’Etat juste après Jupiter, Mars était particulièrement vénéré
par l’armée romaine. Les soldats lui dédièrent un champ sur
lequel ils s’exerçaient : ce fut le champ de Mars.
Et cette propension à l’agressivité que les astrologues asso­
cient à cet astre vient sans doute de sa lumière rougeâtre,
ardente comme une flamme.
MATAMORE [in Quand les cons sont braves].
Matamores était un personnage de la comédie espagnole
qui se vantait de ses exploits contre les Maures (Mores).
Matamore signifie littéralement : qui tue les Maures. Le geste
large, le verbe généreux. Matamore est aussi un personnage de
L’Illusion comique, pièce de Pierre Corneille.
Faire le matamore est le fait d’un faux brave qui relate ses
prétendues épopées d’une façon qui prête à rire. Colérique et
quelque peu mégalomane, le matamore ne résiste cependant
pas bien longtemps à un trait d’esprit ou encore à une réplique
cinglante qui le démonte rapidement.
MATHUSALEM [in Mourir pour des idées].
Parmi les patriarches, Mathusalem détient le record
de longévité. Le livre de la Qenèse lui attribue en effet
969 ans ! Fallait-il être béni des dieux pour en arriver là...
Cet âge vénérable lui valut de passer à la postérité.
MÂTINE [in La fille du passeur].
Ah ! la mâtine ! Cette exclamation s’adresse à une fille ou
une femme délurée et pétulante. Un mâtin est, quant à lui, un
costaud à la carrure impressionnante, sans doute du fait que,
au XlF siècle, on désignait ainsi les molosses. On ne rencontre
plus guère l’interjection mâtin ! qui exprime la surprise,
l’étonnement, l’admiration.
MATINES [in II suffit de passer le pont - La route aux
quatre chansons].
Quasiment toujours au pluriel, ce mot vient du latin clas­
sique matutinus qui se traduit par du matin, de matutinae en
latin d’ecclésiaste, dont Pierre Mac Orlan s’est servi pour
titrer son roman A bord de Vétoile Matutine. Dans la
liturgie catholique, les matines constituent la première partie
de l’office divin et c’est une prière qui se récite au point du
jour. Les fidèles y sont conviés par une sonnerie spécifique
de cloches, «r Sonne? les matines, ding, ding, don », disait la
chanson traditionnelle. Coutumier des inversions, Georges
Brassens en a fait : « Ding, ding, dong, les matines sonnent. »
MATOIS (SE) [in La fille du passeur].
Un matois est, littéralement, un enfant de la mate (place
des exécutions), donc un voleur. Les temps ont adouci le sens
de ce mot et un matois est un individu rusé qui cache son jeu.
Matois est aussi un adjectif. Au féminin, tant le substantif que
l’adjectif ont beaucoup vieilli.
MAUSOLÉE [in La ballade des cimetières].
Mausole était un roi d’Asie Mineure qui mourut environ
quatre cents ans avant J.-C. Sa femme, Artémise 11, fit ériger
un tombeau en son honneur à Halicamasse. Haut de quarante-
deux mètres, ce monument funéraire nécessita l’intervention
d au moins cinq artistes grecs pour son ornementation.
Colonnes, sculptures, char triomphal placé à son sommet, tout
y était pour qu’il devînt l’une des sept merveilles du monde.
Par analogie, un mausolée est un monument funéraire dont
la taille grandiose et la décoration somptueuse le destinent à
recevoir la dépouille d’un personnage important.
MAZETTE ! [in Ce n’est pas tout d’être mon père -
La ballade des gens qui sont nés quelque part].
Cette interjection manifeste l’étonnement, l’admiration.
Elle serait peut-être un diminutif de mase (fourmi, en patois
du centre de la France). On dit bien punaise ! Pourquoi ne
dirait-on pas fourmi ?
Toutefois, la pauvre mazette que chevauche le minus dans
Ce n’est pas tout d’être mon père n’est pas un insecte mais
une femme malhabile et sans grande envergure. Au sens
propre, une mazette est un cheval dont personne ne veut,
car il n’obéit ni au fouet ni à l’éperon.
MÉCHEF [in Tonton Nestor].
L’ancien verbe meschever signifiait notamment l’action de
mal faire, de fabriquer avec des défauts. Méchef s’orthogra­
phiait meschief à l’époque de Chrétien de Troyes. Un méchef
est une mésaventure, un événement fâcheux, une calamité.
Inutile de préciser que ce mot a quitté le langage courant !
MEGERE [in Entre l’Espagne et l’Italie - Hécatombe -
La ronde des jurons - Le grand chêne].
Alecto (l’implacable). Mégère (la malfaisante) et Tisiphoné
(la vengeresse du meurtre) étaient les trois Furies, divinités
qui tourmentaient les méchants. Les sœurs Érinyes avaient
les cheveux retenus par des serpents ; armées de torches et de
fouets, elles exécutaient la vengeance des dieux et harce­
laient jusqu’à la folie les auteurs de crimes familiaux. Leur
rôle s’est amplifié avec le temps puisque, désormais, les furies
harcèlent même les innocents !
Des trois Furies, seule la mégère a subsisté. Elle est devenue
synonyme de femme emportée, hargneuse, acariâtre ; celle
dont on peut rêver !
MÉLOPÉE [in Les trompettes de la renommée].
Les Grecs de l’Antiquité avaient théorisé sous ce nom de
mélopée la composition du chant, heureux mélange d’har­
monique et de rythmopée qui permettaient de configurer la
mélodie. On attribue souvent à ce chant rythmé et mono­
tone un caractère mélancolique.
MÉLUSINE [in La non'demande en mariage].
Elle est le personnage central du roman UHistoire de
Mélusine, écrit en 1392 par Jean d’Arras. Cette divinité
agraire était, tous les samedis, métamorphosée partiellement
en serpent pour expier le meurtre de son père. Surprise par
son mari, elle ne rejoignait plus le domicile conjugal que
nuitamment pour nourrir ses petits. C’est la fée nourricière.
D’une grande beauté, Mélusine est représentée sur les
blasons mi-femme, mi-serpent. Elle symbolise le déclin de
l’amour par manque de confiance.
MENUET [in La route aux quatre chansons].
En ancien français, menuet est synonyme de fin, de
délicat ; cela a donné l’adjectif menu. De là vient le nom
de cette danse aux petits pas qui s’effectue sur une musique
grave à trois temps. Elle fut surtout en vogue aux XVIF et
XVlir siècles.

MERCANTI [in Comme une sœur - Qrand Dieu merci].


Cet ancien marchand d’Orient ou d’Afrique devint celui
qui suivait les armées en campagne. Mercanti est le terme
péjoratif qui désigne un marchand ou un commerçant âpre au
gain, parfois malhonnête et que seul le profit intéresse.
MERCURE [in Stances à un cambrioleur].
Dieu du paganisme romain, Mercure est l’équivalent de
l’Hermès grec. Toujours en mouvement, des ailes aux pieds,
coiffé d’un chapeau ailé. Mercure est le messager céleste, ce
qui en fit le dieu de l’éloquence et le protecteur des voyageurs
pour qui il dépierre la chaussée.
11 est également celui qui conduit l’âme des morts aux
Enfers. 11 passe enfin pour être le dieu des filous et des
voleurs. Les poètes rapportent que, dès après sa naissance.
Mercure avait volé le troupeau d’Apollon avant de lui
dérober son carquois et son épée.
MERLE BLANC [in Embrassedes tous].
C’est l’oiseau rare par excellence, la personne unique aux
qualités exceptionnelles, comme le merle qui, ordinairement
noir, devient blanc. De plus, dans cette chanson, Georges
Brassens évoque un vrai merle blanc, ce qui accentue sa rareté.
MÉTEMPSYCOSE [in La nymphomane].
D’après le dogme fondamental du brahmanisme, la métem­
psycose est le passage de l’âme d’un humain dans le corps d’un
autre et ses incarnations successives. Cette transmutation ne
se fait pas au profit exclusif d’un autre corps humain, puisque
l’âme peut tout aussi bien se retrouver dans le corps d’un
animal ou même dans un végétal.

MIDINETTE [in Ah J Revoir Paris ! -L a file indienne].


Littéralement, une midinette est celle qui fait la dînette
à midi. Mais c’est surtout la jeune ouvrière parisienne
qui travaille dans les métiers de la mode. La midinette est
réputée pour son sentimentalisme naïf et son caractère
frivole.

MIMI PINSON [in Honte à qui peut chanter - Supplique


pour être enterré à la plage de Sète].
C’est le titre d’un conte que publia Alfred de Musset en
1845 : Mimi Pinson. 11 y peint ce personnage d’ouvrière pari­
sienne honnête mais délurée. Mimi Pinson devint une figure
emblématique du petit peuple parisien, au même titre que
Gavroche. Ce n’est donc pas sans raison que Georges Brassens
les associe dans ces deux chansons.

MINOTAURE [in Uandropause].


Enfermé dans le labyrinthe par Minos et nourri du sacri­
fice de sept jeunes hommes et sept jeunes filles, ce monstre
avait un corps d’homme et une tête de taureau. Il tenait cet
aspect de Pasiphaé, sa mère qui, transformée en vache grâce
à l’ingéniosité de Dédale, avait été fécondée par un taureau.
Le Minotaure fut tué par Thésée. Il symbolise le combat spiri­
tuel contre le refoulement.
MIRLITON [in Le grand chêne - Les quat*z*arts].
Un mirliton est une flûte réalisée dans un tube de roseau
fermé aux deux extrémités par une fine pellicule de baudruche
ou une peau d’oignon et percé sur sa longueur. Parfois, on
enroulait autour une spirale de papier sur laquelle s’inscrivait
un rébus ou quelques vers. Ainsi étaient nés les vers de mirliton,
de qualité médiocre.
Le Mirliton fut le titre du journal qui publia les œuvres
d’Aristide Bruant. C’était aussi le nom de la salle, située
boulevard Rochechouart à Paris, dans laquelle il chantait.

MITRON [in Le pince-fesses].


Avant d’omer la tête de l’évêque, la mitre couvrait la tête
d’anciennes peuplades d’Asie à qui les Romains l’emprun­
tèrent. La mitre fut également ce que portaient les condamnés
à mort de l’inquisition espagnole. Plus proches de nous, les
apprentis boulanger ou pâtissier étaient qualifiés de mitrons
de par la mitre en papier qu’ils portaient dans l’exercice de leur
futur métier.

MNÉMOSYNE [in Oui et non].


Fille de Gaia et d’Ouranos, Mnémos^ne est une des six
Titanides (les sœurs des six Titans). On lui attribue l’inven­
tion des mots et du langage, mais elle est surtout la déesse
de la mémoire. Elle est, à ce titre, quelquefois représentée
sous les traits d’une femme tenant une de ses oreilles dans
sa main.
Neuf nuits de suite, elle accueillit Zeus dans sa couche ;
ce qui lui valut d’enfanter les neuf Muses;
MONÔME [in Le pluriel].
Le monôme est un terme algébrique libellé sans signe et
composé d’une ou plusieurs variables. Ainsi l’expression
algébrique ab est un monôme. Les polytechniciens virent là
l’occasion d’un bon jeu de mot en n’oubliant pas que le
préfixe grec monos signifie seul, âme se rapprochant phonéti­
quement de homme. Comme un seul homme, ils se mirent
alors en file indienne, se tenant par les épaules. C’est ce
caractère ininterrompu qui a inspiré les étudiants dont les
défilés joyeux ou contestataires sont désignés par ce vocable.
MONTAIGNE ET LA BOÉTIE [in Les copains
d’abord].
De trois ans plus âgé, La Boétie forma Montaigne au stoï­
cisme. De là naquit une amitié indéfectible à propos de
laquelle Montaigne écrira : <•<Si l’on me presse de dire pourquoi
je l’aimais, je sens que cela ne peut s’exprimer qu’en répondant :
parce que c’était lui, parce que c’était moi. »
MONTCUQ [in La ballade des gens qui sont nés quelque
part].
Cette petite ville est le chef-lieu d’un canton du Lot où se
situent des ruines féodales. Le q de Montcuq se prononce et
l’on évite ainsi toute confusion inopportune dont Georges
Brassens ne s’est pas privé, jouant d’une homophonie qui a
toute sa saveur dans le contexte de cette chanson.
MONT DE VÉNUS [in Les trompettes de la rerumimée].
Cette locution aussi imagée que poétique désigne le pénil,
éminence charnue située au-devant du pubis féminin.
On peut admirer ce mont particulièrement rebondi sur
les statues de Venus, les plus dénudées parmi les sculptures
antiques.
MONTE-EN-L’AIR [in Stances à un cambrioleur].
Pour s’introduire dans les lieux de son forfait, un cambrio­
leur doit parfois se livrer à une escalade. De l’allusion est née
la locution.
MONTER LE COU (SE) [in La ballade des gens qui
sont nés quelque part].
Se monter le cou, ou bien la tête, ou bien encore le bourri'
chon, c’est s’exalter pour peu de chose, se faire des illusions
sur soi-même et s’en nourrir.
MONTER SUR SES GRANDS CHEVAUX [in Oncle
Archibald].
Les chevaliers du Moyen Age chevauchaient ordinaire­
ment des petits chevaux (palefrois) et, pour combattre, ils
changeaient de montures et enfourchaient de grands chevaux
(destriers) plus robustes pour supporter le poids des armes et
des armures.
Monter sur ses grands chevaux, c’est se fâcher, s’indigner et
prendre les choses avec une ferme résolution.
MONTFAUCON [in Le moyenâgeux].
Un des gibets permanents de Paris était dressé sur ce lieu
situé près de l’actuelle rue de la Grange-aux-Belles et de la
cité Jacob. Erigé en 1328, il était communément appelé
Grand Gibet ou Gibet de Montfaucon. 11 fut détruit en 1760.
MONTRER PATTE BLANCHE [in Jeanne].
Cette expression a été popularisée par La Fontaine dans
sa fable Le loup, la chèvre et le chevreau. Montrer patte
blanche, c’est donner des garanties, démontrer que l’on est
digne d’être admis.
MORBLEU ! [in La cane de Jeanne - La ronde des
jurons - Mourir pour des idées - Tempête dans un bénitier].
Ce blasphème invoque la mort de Dieu en garantie de la
vérité de ce que l’on proclame. Il peut également exprimer
la colère mêlée d’impatience ou d’indignation.
Ce juron est l’altération de mordieu ! Le substitut euphé­
mique (dieu remplacé par bleu) en atténue la portée.
MORT AUX VACHES ! [in Hécatombe - Uépave].
Durant la guerre de 1914-1918, la frontière franco-alle­
mande était bordée de guérites sur lesquelles était peint le
mot allemand Wache (garde). Les sentinelles, peu amènes,
devinrent immanquablement la cible de quolibets. Mort aux
waches ! se transforma bien vite en mort aux vaches !
Cette locution interjective vit rapidement son emploi
s’étendre à destination de toute forme d’autorité et de force
publique.
MOUCHE DU COCHE [in Cupidon s’en fout].
La Fontaine, que Georges Brassens lisait et relisait sans
cesse, nous conte dans sa fable Le coche et la mouche l’his­
toire de cet insecte qui, à force de harceler les chevaux par
ses bourdonnements, s’attribua le mérite de ce que la dili­
gence parvînt à gravir une forte pente.
Jouer la (les) mouche(s) du coche, c’est s’agiter beaucoup
sans pour autant être efficace et réclamer tout le mérite d’une
action.
MOUISE [in Oui et non].
Au XIX'^ siècle, une « soupe de pauvre » s’appelait une
mouise dans l’est de la France. Ce mot vient de mues (qui a
donné müesli en Suisse alémanique), une forme dialectale
de l’Allemagne du Sud-Ouest pour mus (bouillie, purée).
Le langage populaire lui donna bien vite le sens plus général
de misère, d’embarras d’argent, de dèche.
MOUTIER [in La messe au pendu].
Moutier, comme moustier, vient du latin monasterium. Ce
vieux mot désigne donc un monastère. Abbayes, prieurés, en
grand nombre dans le Paris du XV*"siècle, sont des moustiers que
les fidèles fréquentent tout autant que les églises paroissiales.
François Villon (in Ballade pour prier Notre-Dame) :
« A u moutier vois, dont suis paroissienne
Paradis peint, où sont harpes et luths,
Et un enfer où damnés sont houllus... »

MUSE [in La Légion d’honneur - Le mérinos - Mourir


pour des idées - Révérence parler - Sauf le respect que je
vous dois].
Filles de Zeus et de Mnémosyne (déesse de la mémoire),
les Muses ne furent tout d’abord qu’au nombre de trois dans la
mythologie grecque (Mélété, Mnémé, Aœdé). Puis le poète
Hésiode (vilF siècle avant J.-C.) en compta neuf et les nomma :
- Calliope (à la voix harmonieuse) : mttse de l’éloquence
et de la poésie épique ;
- Clio (célébrée) : muse de l’histoire ;
- Erato (aimable) : muse de la poésie élégiaque et de la
lyrique chorale ;
- Euterpe (gaieté) : muse de la musique ;
- Melpomène (chanteuse) : muse du chant et de la tragédie ;
- Polymnie (plusieurs chants) : muse de la poésie sacrée et
de la pantomime ;
- Terpsichore (joie de la danse) : muse de la danse et des
chants choraux ;
- Thalie (abondance) : muse de la comédie ;
- Uranie (céleste) : muse de l’astronomie et de la géométrie.
Apollon était leur maître et les Muses dansaient en sa
compagnie sur l’Olympe pour célébrer les dieux. Les poètes
et les artistes les invoquent pour stimuler leur inspiration.
N
N ’en déplaise aux jeteurs de sort...

* In Les copains abord.


NABAB [in Le myosotis].
Ce mot est emprunté à l’hindoustani nawwàb, lui-même
dérivé de l’arabe. Ce titre était donné aux princes qui gouver­
naient un district ou une province de l’Inde musulmane. Par
extension, on traite de nabab celui qui jouit d’une richesse
considérable à l’instar des Anglais qui s’étaient enrichis en
commerçant avec l’Inde, cela parfois grâce aux hautes fonc­
tions qu’ils occupaient.
NACELLE [in La fille du passeur].
Le mot nacelle est issu de navicella (petit bateau), mot latin
lui-même diminutif de navis (navire). Cette embarcation légère
ne possède ni mât ni voile, c’est le type même d’un frêle esquif.
NARCISSE [in Uépitaphe de Corne d^Aurochs].
Alors que Narcisse n’était encore qu’un enfant, un devin
prédit à sa mère qu’il vivrait vieux s’il ne se regardait pas.
Devenu adulte, Narcisse était si beau que nombre de jeunes
filles et aussi de garçons tombaient sous son charme. Cruel
envers une nymphe amoureuse de lui, Narcisse fut condamné
à se contempler dans une source au-dessus de laquelle il
passait ses journées, penché en extase sur l’onde. La prédic­
tion s’accomplit et Narcisse fut transformé en la fleur qui
porte son nom.
NAVRANCE [in Entre la rue Didot et la rue de Vanves].
Bien que quelques auteurs du KIK"-' siècle aient tenté de
rendre familier l’usage de navrance, ce mot reste d’un emploi
peu fréquent et strictement littéraire. La navrance est un état
d’affliction, de profonde tristesse.
NÉCROLOGUE [in Le bulletin de santé].
A l’origine, un nécrologue était un registre sur lequel on
inscrivait les noms des morts d’une communauté religieuse
avec leur date de décès. À partir du XVI1I‘=siècle, les gazettes se
mirent à publier des articles biographiques, la plupart du
temps élogieux, consacrés à des personnages morts récem­
ment ; les nécrologies étaient nées. On appelle désormais
nécrologue le journaliste auteur de ce genre d’articles, souvent
très documentés car préparés bien longtemps avant le décès
du sujet de l’article. En jargon de la presse, ces nécrologies
rédigées à l’avance sont appelées des viandes froides.
NÉCROPOLE [in La ballade des cimetières].
Dans l’Antiquité et notamment en Egypte, des sépultures
souvent monumentales étaient regroupées dans des excava­
tions souterraines et même, parfois, à ciel ouvert. De nos
jours, une nécropole est un important regroupement de
tombes. C’est ainsi que l’on peut nommer nos plus grands
cimetières urbains.
NECTAR [in La rose, la bouteille et la poignée de main
- Le bistrot - Le grand Pan].
C’est le breuvage des dieux par excellence. Cette liqueur
agréable, à base de miel, est un privilège de l’Olympe au même
titre que l’ambroisie, nourriture qui conférait l’immortalité.
Si l’origine étymologique du mot nectar est obscure, son
emploi métaphorique laisse à penser qu’il était du meilleur
cru. C’est pourquoi l’on désigne ainsi un breuvage exquis, un
vin de très grande qualité.
NENNI [in Le moyenâgeux].
Cette négation s’oppose à l’affirmation oil. Nenni est formé
de nen (forme dérivée de non) et du pronom il. Cette forme
verbale signifiant : il n’est, il n’a. On trouve aussi l’expression
que nenni. Et un doux nenni est un refus plutôt engageant !
NEPTUNE [in Supplique pour être enterré à la plage
de Sète].
Neptune est l’un des douze grands dieux du polythéisme
romain. Grand, barbu, armé d’un trident (qui servait à pêcher
le thon), il préside aux océans ainsi que le faisait Poséidon
pour les Grecs. Mais plus que celui de la mer calme, Neptune
est le dieu de la tempête et symbolise la puissance des flots
en fureur.
L’imaginaire lié à Neptune se perpétue lors du baptême de
ceux qui, à bord des navires, franchissent pour la première
fois la ligne imaginaire de l’équateur.
NESTOR [in Comme une sœur].
Ce guerrier est un des personnages que dépeint Homère
dans l’Iliade. Héros de la guerre de Troie, Nestor avait
remporté dans sa jeunesse de nombreuses épreuves spor­
tives. Il était écouté respectueusement car son expérience
était considérable ; n’avait-il pas connu en effet trois âges
d’homme ? Ce qui le fit sans doute, sur la fin, radoter un peu.
NICODÈME [in Ceux qui ne pensent pas comme nous].
C’est le nom d’un Juif pharisien qui, d’après saint Jean,
avait quelque difficulté à comprendre la parole du Christ.
Aussi allait-il nuitamment consulter ce dernier en lui posant
des questions naïves.
Beaucoup joué au Moyen Âge, Le Mystère de la Passion
rendit célèbre le personnage de Nicodème dont le nom propre
est devenu commun pour désigner un homme simple, un peu
borné ou niais. Cela a donné par déformation : Nigaudème,
puis nigaud.
NIMBUS [in Le grand Pan].
Le professeur Nimbus est le héros d’une bande dessinée
d’André Daix que publia pour la première fois le quotidien
Le Journal en 1934. Sa tête ne portait qu’un seul cheveu
dressé en forme de point d’interrogation.
NIPPÉ(E) [in Uombre au tableau].
Ce participe passé vient du verbe nipper, mot islandais
d’origine Scandinave. Des nippes sont de vieux vêtements
usagés, des hardes, des frusques ou des guenilles (ce dernier
mot venant lui-même de guenipe). Paradoxalement, au début
du XVIP siècle, les nippes constituaient l’ensemble des objets
de toilette et de parure. Etre nippé, c’est être habillé n’importe
comment et avec n’importe quoi.
NIQUE (FAIRE LA) [in Le petit-fils d’Œdipe],
Cette locution vient du mot niquet (signe ou inclination
de la tête). Faire la nique à quelqu’un, c’est manifester à son
encontre de la moquerie, de l’ironie ou encore de la défiance,
en hochant la tête verticalement et à plusieurs reprises ; cela,
selon l’expression en cours au X lir siècle : dire nie (se moquer).
NOM D’UNE PIPE ! [in Auprès de mon arbre - La ronde
des jurons].
Ce blasphème est très atténué puisque pipe vient remplacer
D ieu dont le nom échappe ainsi à la profanation par cet arti-
fice de substitution bien hypocrite.
NON AVENU [in Le temps passé].
En ancien français, le verbe avenir signifie : arriver, mais
aussi convenir. Au début du X V llP siècle, son sens évolue :
approcher de, être comparable. Non avenu se dit de quelque
chose que l’on doit considérer comme inexistant. L’expression
la plus usitée de nos jours est : nul et non avenu.
NONNE/NONNAIN/NONETTE [in Uancêtre -
La marguerite - Le mauvais sujet repenti - Le moyenâgeux
- Souvenirs de parvenue].
Une nonne, dont le synonyme est moniale, est une religieuse
qui vit dans un couvent. Une nonnain n’est que le synonyme
vieilli et familier de nonne. Mais pour mieux définir nonnain,
laissons la parole à Pierre de Ronsard (in Les Amours de
Cassandre : Les meslanges, 1555) :
« Pourquoy donque quand je veux
O u mordre tes beaux cheveux,
O u baiser ta bouche aimée,
O u toucher à ton beau sein,
ContrefaiS'tu la nonnain
Dedans un cloître enfermée ? »
Quant à la nonette, c’est une jeune nonne, tout simplement.
NOTER D’INFAMIE [in La traîtresse].
Quand la loi ou l’opinion publique inflige une flétrissure à
la réputation ou à l’honneur de quelqu’un, cette personne est
notée d’infamie.
Georges Bernanos (in Les Qrands Cimetières sous la lune,
1938);
« [...] exaltant la dignité de l’argent comme en notant d’infamie la
pauvreté... »

NOUBA [in Uancêtre].


Ce mot vient de [’arabe ciassique nouba et se dit nuha en
arabe maghrébin. La nouba est la musique populaire que
jouaient les régiments de tirailleurs nord-africains. En traver­
sant la Méditerranée, ce mot a pris le sens de fête bruyante.
On dit faire la nouba comme on dit familièrement : faire la
noce, la java, la bringue.
NYMPHES DE RUISSEAU [in Les amours d*antan].
Divinités subalternes du polythéisme, les nymphes régnaient
sur la nature, les fleuves, les bois, les montagnes, les vallées,
les mers, etc. Les Dryades étaient les nymphes des arbres, les
Oréades, celles des montagnes, les Naïades régnaient sur
les sources et les Néréides sur les mers. Représentées court-
vêtues par la mythologie, elles connurent de nombreuses
aventures tant divines qu’humaines.
Au xviir' siècle, une inflation euphémique de langage fit
baptiser nymphes les prostituées du Palais-Royal à Paris. En
poésie, une jeune fille belle et bien faite est appelée ainsi.
Pour souligner la simplicité de celle qu’il évoque dans cette
chanson, Georges Brassens la traite de nymphe de ruisseau
comme s’il s’agissait d’une nymphe de seconde catégorie.
O
O vous, les arracheurs de dents...

* In Oncle Archibald.
OCCIRE [in Comme une sœur - Les patriotes].
Ce pur archaïsme vient du latin classique occidere (faire
périr, abattre en frappant). Pourquoi la déchéance d’un tel
verbe ? On peut supposer que, difficile à conjuguer, le verbe
occire a été délaissé au profit du verbe tuer, pourtant moins
précis, par facilité d’usage.
ODALISQUE [in Uandropause].
Vient du turc odalik. Cette esclave, choisie pour sa beauté,
était placée au service des femmes du sultan et demeurait au
barem.
ŒDIPE [in Le petit-fils d’Œdipe].
Le sphinx était un monstre qui terrifiait la ville de Thèbes
et mangeait ceux qui ne parvenaient pas à résoudre son
énigme : « Quelle créature marche à quatre pattes le matin, à deux
pattes à midi et à trois le soir et est la plus faible quand elle en utilise
le plus ? »
Œdipe fut ce prince de Thèbes qui parvint à résoudre cette
énigme. Mais Georges Brassens fait dans cette chanson plus
allusion au complexe d’Œdipe ou, tout au moins, à une partie de
celui-ci... en sautant une génération ! Se reporter à Sigmund
Freud pour de plus amples renseignements !
OLIBRIUS [in Le cauchemar].
Olybrius, empereur d’Occident et gouverneur des Gaules,
fut envoyé à Rome par Léon I" ; il y régna trois mois à la fin
du siècle. Incapable, il laissa le souvenir d’un souverain
fantoche et extravagant.
En dépit d’un règne très bref, son nom - sous la forme
olibrius - est passé dans le langage commun puisqu’il désigne
désormais un individu certes excentrique et original mais
également inconséquent et importun.
OMBRE AU TABLEAU [in Uomhre au tableau -
Supplique pour être enterré à la plage de Sète].
Cette locution décrit une situation qui comporte un
élément d’inquiétude. Une difficulté ou un inconvénient
noircit le tableau, en quelque sorte, et empêche que ce soit
parfait.
ONANISTE [in S’faire enculer].
L’onanisme est l’ensemble des pratiques d’auto-érotisme
qui permet de parvenir à l’orgasme sans partenaire. L’onaniste
est le disciple d’Onan, ce personnage biblique qui se complai­
sait dans la recherche solitaire du plaisir sexuel.
ORESTE ET PYLADE [in À l’ombre des maris].
Après que son père eut été assassiné, Oreste, fils
d’Agamemnon, fut recueilli par son oncle Strophios qui
l’éleva avec son fils Pylade. Les deux cousins devinrent
inséparables et leur amitié légendaire. Ils devinrent même
beaux-frères, Pylade épousant Electre, la sœur d’Oreste. Oreste
et Pylade symbolisent l’amitié indéfectible.
ORIPEAUX [in C’était un peu leste].
Ce mot vient de oripel, fine feuille de laiton ou de cuivre
qui donne l’illusion de l’or et vient enrichir un vêtement en
l’ornementant. Un oripeau était une étoffe, un habit décoré
d’oripels. Par dérision, des oripeaux sont des vêtements défraî­
chis et démodés mais qui conservent néanmoins un reste de
splendeur par leur aspect quelque peu théâtral.
OSTROGOTH [in Les croquants].
Les Ostrogoths, peuplade de l’ancienne Germanie, habi­
taient la partie orientale fost) de la Gothie, Au III^ siècle,
les Goths et les Ostrogoths envahirent les provinces gallo-
romaines. Leur violence et leur rapacité marquèrent les
esprits à un point tel que désormais un ostrogoth est, au figuré,
un homme qui ignore tout de la bienséance et des usages,
et qui n’est pas sans rappeler les manières d’un barbare.
OUÏR [in Lèche-cocu - Le grand chêne - Le mécréant
repenti - Le parapluie - Les patriotes].
Ce verbe signifie non seulement entendre mais égale­
ment : prêter attention, écouter favorablement, recevoir une
déposition. Il ne s’emploie plus guère qu’à l’infinitif, au parti­
cipe passé et dans la locution ouEdire, Sans doute, là encore,
une conjugaison laborieuse a dû contribuer à en réduire
l’usage ; qu’on en juge : J’ois, j’oyais, j’ouïs, j’oirrai (ou j’orrai),
quej’oye, que j’ouïsse,,, Oyant, oyez, oui,,.
Par le chemin des écoliers...

* In Le testament.
PACIFISTE BÊLANT [in Lèche-cocu].
Avant la guerre de 1914-1918, les pacifistes voulaient
déclarer la guerre à la guerre ; ils furent les adeptes du « paci'
fisme hurlant». Après la boucherie de la Première Guerre
mondiale, le discours unanime fut : « Plus jamais ça ! » Le
pacifisme bêlant prit le pas sur son prédécesseur. C’est sans
doute aux moutons qui vont aveuglément à l’abattoir en
bêlant que ces pacifistes doivent ce qualificatif. C’est ainsi
qu’Aristide Briand fut surnommé par ses détracteurs alors
que, entre ces deux conflits, il lança l’idée d’une fédération
européenne et prononça même en 1929 le mot de « marché
commun », prouvant qu’il n’était pas qu’un utopiste.
PAIMPOLAISE (LA) [in Mélanie].
La Paimpolaise est le titre d’une des chansons les
plus célèbres que composa en 1893 Théodore Botrel,
chansonnier d’origine bretonne qui connut la célébrité à
Montmartre. 11 se trouve que la ville de Paimpol est à proxi­
mité de Lézardrieux où Georges Brassens posséda une maison
du nom de Kerflandry. Paimpol était un grand port morutier
d’où appareillaient les bateaux pour aller pêcher sur les grands
bancs de Terre-Neuve.

PAIN SUR LA PLANCHE (AVOIR DU) [in Le Père


Noël et la petite fille],
A une époque où le pain se conservait longtemps et consti­
tuait un aliment de base, le fait d’en avoir sur la planche (sur
laquelle on le stockait) atténuait l’inquiétude du lendemain.
Mais le sens de cette expression populaire a évolué, semble-
t-il au début du XX'^ siècle, pour signifier dorénavant : avoir
un long travail devant soi, une tâche difficile ou fastidieuse à
accomplir.

PAIRE (SE EAIRE LA) [in La route aux quatre chan­


sons].
Cette expression argotique et populaire signifie : s’enfuir,
s’en aller en toute hâte. Il s’agit en réalité de l’abréviation de
la locution se faire la paire de jambes,

PALSAMBLEU ! [in La ronde des jurons].


On jure par Dieu mais aussi par son corps, par son sang et
par sa mort. Par le sang de Dieu perd de sa force et de son
caractère blasphématoire quand Dieu est remplacé par bku,
ce qui donne palsambleu ! On rencontre également : Par la
sambuy ! Par la sang guieu ! Palsangué ! Par la sambleu !

PALTOQUET [in La femme d'Hector].


Ce substantif est dérivé de paltoke, palletoc, formes anciennes
de paletot (vêtement attribué aux gens de basse condition).
Un paltoquet est un homme rustre et grossier, mais aussi inso-
lent et prétentieux.
PAN [in Le grand Pan].
Pan est le dieu grec des bergers qui a vu, grâce aux poètes
et aux philosophes, son royaume s’étendre à toute la nature.
Il est considéré par les stoïciens comme l’incarnation de
l’univers. Faisant partie du cortège de Dionysos, Pan dirigeait
avec sa célèbre flûte les danses des nymphes. D’une ardeur
sexuelle jamais assouvie, il les poursuivait inlassablement
pour satisfaire ses élans lubriques. Représenté comme un
homme à pattes de bouc avec de petites cornes sur la tête, il
inspira le faune des Romains.
Passant pour troubler violemment les esprits, il donna
naissance au mot grec panikos (panique).
PAN (LE GRAND PAN EST MORT) [in Le grand
PanJ.
L’époque mythologique révolue, adieu la verdeur païenne
et une forme particulière de l’art et de la poésie. Cette exprès-
sion illustre en effet la fracture que constitue le passage de
l’ère mythologique à Père biblique.
Plutarque (in Œuvres morales/Moralia : Le déclin des
oracles/De defectu oraculorum) nous raconte que, sous le
règne de Tibère, un navire longeait une côte sauvage grecque
au large de Paxos ; ses passagers terrifiés entendirent soudain
un cri s’élevant d’une foule invisible : « Le grand Pan est mort ! »
Obscur pour les païens, ce message n’avait pas d’ambiguïté
pour les chrétiens ; les dieux du paganisme clamaient leur
propre disparition.
PANDORE [in Hécatombe - La collision].
Prométhée ayant volé le feu du ciel, Jupiter voulut punir
les hommes et leur envoya Pandore. Il avait préalablement
remis à cette femme une cassette scellée qui contenait tous
les maux devant affliger l’humanité. Dévorée par la curiosité,
Pandore ne put s’empêcher de l’ouvrir et tous les maux s’en
échappèrent ; seule l’espérance demeura au fond. La boîte de
Pandore entrait dans la célébrité.
En 1857, Gustave Nadaud composa la chanson Pandore
ou les deux gendarmes. Originaire de Roubaix, Nadaud ne
devait pas ignorer le mot hollandais pandoer qui désigne
un gendarme. Et quoi de plus commun que la curiosité d’un
gendarme et celle de la femme dont Jupiter fit l’instrument
de sa vengeance ? Le bon sens populaire s’illustre dans ce
surnom dont les gendarmes sont affublés.
PANIER DE MADAME DE SÉVIGNÉ [in Bécassine -
Le cocu].
«Je vous donne avec plaisir le dessus de tous les paniers, c’est-à-
dire la fleur de mon esprit, de ma tête, de mes yeux, de ma plume,
de mon écritoire... » Ainsi s’exprimait Madame de Sévigné
(1626'1696) dans une de ses nombreuses lettres adressées à
sa fille.
Le dessus du panier est ce qu’il y a de plus beau, placé
ostensiblement au-dessus du reste, non moins pour dissimuler
le dessous que pour faire valoir le dessus.
PANTIN [in La femme d'Hector - S'faire enculer].
Outre le personnage de carton colorié que l’on fait se
mouvoir à l’aide de fils, un pantin est celui qui, sans volonté.
change sans cesse d’opinion et, de ce fait, ne peut être pris
au sérieux.
PANTOIS [in Les illusions perdues].
A l’époque de Rabelais, cet adjectif avait une nette
connotation médicale puisqu’il exprimait les effets d’une
difficulté respiratoire. Pantois était alors synonyme de
suffoqué, haletant, oppressé. Seul son emploi figuré subsiste
de nos jours et signifie : déconcerté, interdit, stupéfait.
PANURGE [in Chansonnette à celle qui reste pucelle -
Le numton de Panurge].
La multitude est moutonnière et chacun, ou presque, fait
comme les autres. Le mouton de Panurge est celui qui ne peut
s’empêcher de suivre les autres, même dans la pire des
impasses. C’est dans le Quart Livre que l’épisode fameux
des moutons de Panurge nous est conté par Rabelais. Quand
Panurge se rend avec Pantagruel au pays des Lanternes, il se
querelle avec Dindenault, un marchand de moutons. Pour
s’en venger, Panurge lui en achète un qu’il jette à la mer et le
troupeau suit...
Et Brassens inventa la Vénus de Panurge !
PAPELARD [in Le mécréant].
L’origine de papelard est controversée, mais on peut raison­
nablement l’attribuer au verbe de l’ancien français paper
(manger goulûment) et au mot latin lardum (lard). Le pape­
lard qui mangeait du lard en cachette durant les périodes de
jeûne était un hypocrite, un faux dévot à l’apparence douce­
reuse. Même s’ils ne mangent pas toujours du lard, les faux
dévots existent toujours.
PÂQUES FLEURIES [in II suffit de passer le pont].
Pâques fleuries, c’est le dimanche des Rameaux ; comme
Pâques closes est le dimanche de Quasimodo. Pourquoi Pâques
fleuries ? Sans doute parce que c’est la saison des pâquerettes.
PARANGON [in Révérence parler].
Ce mot apparaît dès le XV' siècle et vient du mot grec
parakoné (pierre à aiguiser) via l’italien paragone (pierre de
touche). Par extension, un parangon est devenu un modèle,
un archétype, un point de comparaison. Un temps fut utilisé
le verbe parangonner qui signifiait comparer.
PARBLEU ! [in La file indienne - La ronde des jurons].
Ce juron exclamatoire précède ou suit une proposition
pour en souligner l’évidence. C’est encore une altéra­
tion euphémique de par Dieu ! pour susciter l’approbation,
l’assentiment.
PAR-DESSUS LE MOULIN (DE LA GALETTE) [in
Les amours d’antanj.
La métaphore originale dont s’inspira Georges Brassens est
jeter son bonnet par-dessus les moulins dont l’origine est obscure,
mais que l’on retrouve toutefois chez La Fontaine et Madame
de Sévigné. Elle signifiait alors le renoncement à poursuivre
une idée pour n’en faire finalement qu’à sa tête. Au fil du
temps, une nuance de badinage semble s’être introduite dans
cette locution et la parure simplette a remplacé chez Brassens
le bonnet. Pour une jeune fille, jeter son bonnet par-dessus les
moulins, c’est défier l’opinion en renonçant aux règles de la
bienséance. Le bonnet n’a en effet pas toujours eu le sens
restrictif de couvre-chef mais également celui de lingerie
féminine. Le Moulin de la Galette était quant à lui un célèbre
cabaret parisien situé à Montmartre.
PARDI 1/PARDIEU ! [in Ceux qui ne pensent pas
comme nous - La ronde des jurons - Le fidèle absolu -
Le modeste - Le parapluie].
Ce jurement renforce une déclaration et marque l’évidence,
la logique de ce que l’on affirme. On invoque la garantie de
Dieu qui devient ainsi le garant de notre bonne foi, quitte à
s’exposer à sa colère dans le cas contraire. Utilisé en Picardie,
Di est une forme dialectale de Dieu, mais pardi ! a vite dépassé
les frontières du nord de la France.
PARQUE [in Le pêcheur].
Clotho, Lachésis et Atropos étaient les trois Parques,
déesses qui filaient, dévidaient et coupaient le fil de la vie des
hommes. Elles en personnifiaient ainsi le destin. Clotho
tenait la quenouille, Lachésis le fuseau et Atropos le ciseau.
Le nom de Parque vient du latin parcere (épargner), nom
ironique s’il en est car les trois Parques, gardiennes des destins
individuels, n’épargnaient personne !
En poésie, la Parque est utilisée comme symbole de la
destinée et de la mort.
PART DU FEU [in Sale petit bonhomme].
Faire la part du feu est un choix cruel, car il s’agit de sacri­
fier ce qui ne peut être préservé des flammes pour mieux
sauver le reste. Par extension, c’est abandonner une partie de
ce que l’on possède afin de mettre le reste à l’abri. On peut
aussi faire la part des choses, c’est du discernement. On peut
encore faire la part belle à quelqu’un, c’est alots une forme
d’injustice.
PAS D’ARGENT, PAS DE... [in Qrand^père].
Au XVF siècle, Odet de Foix, vicomte de Lautrec et lieu­
tenant général du roi de France en Italie, avait parmi ses
troupes des mercenaires suisses placés sous l’autorité d’Albert
de la Pierre. La mère de François I", Louise de Savoie, détourna
l’argent destiné à payer la solde de ces mercenaires. Refusant
de combattre, les soldats suisses contribuèrent ainsi à ce que
la bataille de la Bicoque fût perdue. Le vicomte de Lautrec
dut alors quitter l’Italie et sa mésaventure resta célèbre sous
l’expression : « Point d’argent, point de Suisses ! »
Dans sa pièce Les Plaideurs, Racine reprit cette expres­
sion littéralement. Brassens, qui n’avait pas manqué de lire
Racine, la détourna (par les assonances suisse/épices/cuisse) au
profit de ses vers et pour notre plus grand plaisir.
PASQUEDIEU ! [in La ronde des jurons].
Louis XI avait son juron de prédilection : par la pâque
Dieu ! Interjection en vogue à la fin du XV siècle, pasquedieu !
s’écrivait également pâque Dieu ! Le mot latin pascua signifie :
nourriture.
PASSER À TABAC [in Les casseuses].
Au XVIF siècle, la forme la plus répandue du tabac était
celui à priser que l’on offrait sur le dos de la main où tout un
chacun venait s’approvisionner. Recevoir un coup ou priser,
dans les deux cas le nez est chatouillé par la main de l’autre !
Deux siècles plus tard, quand Vidocq était chef de la Sûreté,
les forces de l’ordre ne répugnaient pas à utiliser des arguments
frappants pour soutirer des aveux. Quand ils y parvenaient,
une prime sous forme de pcujuet de tabac venait récompenser
leurs efforts...
Il n’en fallut pas plus pour que l’expression passer à tabac
entrât dans le langage courant pour illustrer l’avalanche de
coups que reçoit une personne sans beaucoup de défenses.
PASTOURELLE [in Dieu, s’il existe].
La pastourelle est le genre lyrique propre au Moyen Âge
dans lequel une bergère (une pastourelle, féminin de pastre et
de pastorel) dialogue avec un chevalier. Ce dernier tente de la
courtiser et se trouve, c’est selon, bien accueilli ou éconduit
grâce au paysan épris de cette bergère (comme dans
La pastourelle écrite par Jean de Brienne).
Plus répandu en langue d’oil (au nord de la Loire), ce
lyrisme courtois était voué à un bel avenir, les bergères rêvant
pour longtemps encore d’épouser un roi.
PATIBULAIRE [in Le moyenâgeux].
Ainsi peut'On qualifier l’aspect d’un individu louche et
inquiétant, somme toute peu recommandable. D’ici à ce qu’il
soit digne du patibulum, il n’y a qu’un pas. Le patibulum, mot
duquel provient l’adjectif patibulaire, était un support en bois sur
lequel on étendait les esclaves pour les battre à coups de verge.
PATRAQUE [in Les patriotes].
Cet adjectif familier pourrait être dérivé de l’italien patracca
(monnaie de peu de valeur). Si l’on se sent patraque, il est
temps d’aller consulter, car on est alors en mauvaise santé,
faible et sans ressort.
PAVANE [in La route aux quatre chansons].
C’est au rythme lent et majestueux de la pavane que
l’Europe des x v r et XVll® siècles dansait. Une danse plus vive
lui succédait : la gaillarde. Probablement venue d’Italie et plus
précisément de Padoue, la pavane tient son nom de l’italien
pavana (altération de padovana) qui a donné pavana en espa'
gnol et le verbe se pavaner en français.
PAYER GUÈRE DE MINE [in Les amours d’antan].
Bien qu’il ne faille pas se fier aux apparences, une tour­
nure avenante, une apparence agréable peuvent parfois
donner le change. Au XVIP siècle, payer de signifiait faire
preuve de. Avoir un extérieur peu engageant, c’est payer guère
de mine. Cette locution toujours en usage exprime le peu de
confiance que l’on peut placer dans un personnage, un
établissement, un matériel, du fait de la première impression
défavorable qu’ils suscitent.
PAYER LES VIOLONS [in Oncle Archibald].
Lorsque [’on paye les violons du bal, on assume les frais
d’une réjouissance dont seuls les autres profitent. C’est faire
les frais, c’est avoir toute la peine d’une chose et les autres,
le plaisir.
PÉCHÉ MIGNON [in Uombre au tableau].
C’est le péché que l’on se plaît à commettre et dont on ne
peut ou ne veut se corriger. C’est un petit travers qui fait que
l’on aime à l’excès quelque chose dont on abuse volontiers.
Conscient de ce penchant, l’on ne souhaite pourtant pas s’en
défaire.
PECORE [in A l'ombre des maris - La complainte des
✓ V

filles de joie - Le myosotis - L'enterrement de Paul Fort -


Les radis].
On trouve dans ce substantif la racine latine pecus (trou-
peau) et son dérivé pecunia (pécune), à une époque où bétail
et argent allaient de pair. Pecora signifie brebis en italien et
bête à laine en espagnol. Pourquoi cet amalgame entre la
bêtise du mouton et celle qui le possède ? Toujours est-il
qu’une pécore est une femme sotte et prétentieuse.
PÉGASE [in Le blason - Révérence parler],
Pégase naquit du sang de la gorgone Méduse quand Persée
coupa la tête de celle-ci. Cheval ailé de la mythologie, Pégase
fit jaillir d’un coup de pied la fontaine Hippocrène, inspira­
trice des poètes. Ces derniers, entourés des Muses, venaient
y puiser de l’eau. Pégase symbolise l’inspiration poétique,
l’imagination.
PÉNATES [in La route aux quatre chansons -
Le fantôme].
Les pénates étaient considérés par les Romains comme
les dieux domestiques, ceux du garde-manger (penus).
Protecteurs de la nation tout entière, les pénates furent placés
dans le temple de Vesta (déesse romaine du foyer), sur le
Forum. Deux guerriers assis, armés d’une lance, les représen­
taient. Au figuré, les pénates (toujours au pluriel) signifient
la maison où l’on habite, celle où l’on se sent bien et à
l’abri de tout.
PENAUD [in Le pêcheur].
Pris en défaut, coupable d’une maladresse, victime d’une
déconvenue, on peut être embarrassé, confus, interdit ou
honteux. En de telles circonstances, on est à coup sûr penaud
(littéralement : qui est en peine).
PENDARD [in Le moyenâgeux].
Lors d’un dîner. Voltaire plongeait son regard dans le
généreux décolleté de sa voisine qui lui dit : « Mais, monsieur,
je vois que vous lorgnez sur ces petits coquins ! » Voltaire répliqua
alors : « Petits coquins ! Madame, dites plutôt que ce sont de grands
pendards ! » Ce qui était assez discourtois, puisqu’un pendard
ne vaut rien du tout, il est digne d’être pendu.
PÉNÉLOPE [in La nymphomane - Les trompettes de la
renommée - Pénélope].
Héroïne de la mythologie grecque, Pénélope était la fille
d’icarios, l’épouse d’Ulysse et la mère de Télémaque. Elle est
le symbole de la fidélité conjugale, car elle sut résister aux
prétendants qui l’assaillaient durant le long voyage de son
mari. Pour tenir sa promesse de ne point se remarier avant
d’avoir achevé le tissage d’un grand linceul, elle défaisait
la nuit le travail effectué durant la journée. Elle put ainsi
différer sine die le moment fatidique.
Sa vertueuse patience fut récompensée par le retour
d’Ulysse, vingt ans après son départ. 11 était temps ! Pénélope
ne savait plus de quel artifice user pour repousser les assauts
de ses admirateurs.
PÈRE PEINARD [in Les copains d^abord].
Si dans Agrippa d’Aubigné (1552-1630), un pénard (selon
l’ancienne orthographe) est un vieillard usé et grincheux,
c’est au xix*= siècle que l’adjectifpeiruird prend, par antiphrase,
son sens moderne de sans peine. Un père peinard est un homme
d’un certain âge, paisible, qui se ménage et cherche à éviter
les fatigues et les risques ; il est tranquille et sans souci.
Le Père Peinard fut aussi le titre d’un hebdomadaire
d’inspiration anarchiste et évoluant vers le syndicalisme,
fondé en 1899 par Emile Pouget qui en sera quasiment le seul
rédacteur. Ce journal virulent, à la verve populaire émaillé
d’argot, fera l’objet de nombreuses poursuites entraînant des
interruptions dans sa publication qui prendra fin en 1902.
PÉRIL EN LA DEMEURE [in Concurrence déloyale -
Uarc-en'ciel d’un quart d’heure - Mourir pour des idées].
Demeure doit, dans cette locution, être compris au sens de
retard, de délai et non au sens de maison. Il y a péril en la
demeure : il y a donc urgence, puisque le moindre retard peut
causer un préjudice.
PÉTAUD/PÉTAUDIÈRE [in Le vieux Normand -
Quand les cons sont braves].
Pétaud, personnage légendaire, était un roi dont la cour
était célèbre par le désordre et la confusion qui y régnaient.
Il faut savoir que le roi Pétaud avait été élu par la confrérie des
mendiants, aussi sa cour n’était-elle fréquentée que par
des gueux et des bons à rien. Ce lieu de désordre où chacun
voulait demeurer son propre maître prit naturellement le
nom de pétaudière.
Dumas père écrivit en 1829 La Cour du roi Pétaud en
pastichant sa propre pièce Henri III et sa cour.
PÉTRARQUES (LES) [in Le mérinos].
La poésie de Francesco Pétrarque (1304'1374), premier
des grands humanistes de la Renaissance, revêt parfois une
forme certes ingénieuse mais quelque peu artificielle. L’essentiel
de la gloire et de l’influence de ce poète toscan provint du
succès de son Canzoniere dédié à sa muse, Laure de Noves,
qu’il aima passionnément. Ses disciples italiens rivaliseront
de préciosité et si Joachim Du Bellay fut un temps séduit par
l’usage de multiples figures de rhétorique, il en fit la satire en
publiant, en 1553, Contre les pétrarquistes.
Georges Brassens désigne par les pétrarques ceux dont
la forme poétique relève du pétrarquisme que pratiquèrent
notamment les poètes de la Pléiade.
PEUCHÈRE ! [in Discours des fleurs - La marguerite
- Uancêtre - Quatre-vingt-quinze pour cent].
Cette exclamation d’origine méridionale, sans doute
même provençale, marque la surprise ou la surenchère. Ce
juron dialectal viendrait de pecaïre (pêcheur, en provençal)
et pourrait se traduire (mais est-ce bien utile ?) par pauvre
pêcheur, car peuchère ! exprime aussi la commisération.
PEU OU PROU [in Jamais contente - La ballade des
cimetières - La femme d^Hector - Le grand chêne].
Via l’ancien français prod et preu, prou vient du latin popu­
laire prode (profit, abondance). Puis ce mot se transforma en
l’adverbe beaucoup. Cette locution littéraire, qui signifie peu
ou beaucoup, se trouve aussi sous la forme négative ni peu, ni
prou. Elle est également utilisée dans le sens de plus ou moins.
PHENIX [in Quand les cons sont braves].
C’est un personnage supérieur, unique en son genre, tel
l’oiseau mythologique d’origine éthiopienne qui symbolise
l’immortalité. Seul de son espèce, le phénix était d’une Ion-
gévité peu commune : quand il sentait sa fin proche, il se
confectionnait un nid de plantes odorantes dans lequel il
s’immolait avant que de renaître de ses cendres.
PHRYGIEN (BONNET) [in La tondue].
Les esclaves affranchis de la Rome antique portaient ce
bonnet rouge qui devint durant la Révolution française le
symbole de la liberté républicaine. Ce bonnet, à la pointe qui
retombe sur l’avant lui donnant cette forme si particulière,
aurait vu le jour en Phrygie, région située à l’ouest de l’Asie
Mineure.
Notre Marianne, figure allégorique de la République fran­
çaise, en est toujours coiffée.
PIE/IMPIE [in Le pornographe - Misogynie à part].
Pie, du latin pius, a donné le mot piété et leur nom à une
douzaine de papes. L’adjectif pie ne s’emploie guère que dans
la locution oeuvre pie. A l’inverse, une chose impie est sacrilège
et, contraire à la religion, elle est condamnée par celle-ci.
Une personne impie manque à ses devoirs de piété.
PIED DE GRUE [in La complainte des filles de joie].
C’est une allusion à l’oiseau qui se tient des heures durant
sur une de ses pattes. Parmi tous les surnoms dont sont affublées
les filles de joie, on trouve notamment celui de grue, de par la
position qu’elles adoptent. Faire le pied de grue, c’est attendre
longtemps à la même place. Curieusement, c’est de pied de
grue qu’est dérivé le mot anglais pedigree.
Mathurin Régnier (inSatire III) :
« Faire sus l’un des pieds en la salle la grue. »
PIGNON SUR RUE (AVOIR, PRENDRE) [in Stances
à un cambrioleur].
Terme d’architecture, le pignon désigne la partie supérieure
et triangulaire d’un mur qui supporte la poutre faîtière. Du
Moyen Age jusqu’au XVIP siècle, un des pignons des maisons
donnait sur les rues. Leurs propriétaires les décoraient pour
afficher leur aisance. Le bon sens populaire eut tôt fait de
créer l’expression qui signifie : être propriétaire et jouir d’une
notoriété certaine, avoir un commerce prospère en ville,
être solvable. Prendre pignon sur rue, c’est donc ouvrir un
commerce.
PIMBECHE [in A Vombre des maris - La femme d'Hector
- L'inestimable sceau].
Cette femme impertinente et prétentieuse fait des manières
et se donne des airs de hauteur pour regarder les autres avec
mépris. L’origine de ce mot est obscure.
PINACLE (ÉLEVER AU) [in Le nombril des femmes
d'agents].
Le pinacle (du latin pinaculum : faîte) était la partie la plus
élevée du temple de Jérusalem, bâti par Salomon, où Jésus fut
transporté quand il fut tenté par le démon. Élever ou porter
quelqu’un au pinacle n’a rien de satanique ; c’est tout au
contraire placer cette personne sur un piédestal, dans une
position très élevée, la considérer au-dessus de toutes les
autres. C’est encore louer quelqu’un de façon exceptionnelle.
PIPELETS [in Vendetta].
Au singulier. Pipelet est le patronyme d’un personnage
créé par Eugène Sue dans Les Mystères de Paris. Pipelet est
devenu le terme générique qui désigne, de manière familière,
un concierge. Les membres de cette profession sont réputés
pour être particulièrement cancaniers. Une pipelette est une
bavarde impénitente.
PIQUETTE [in Le grand Pan].
La piquette est un vin aigrelet et de mauvaise qualité. C’est
aussi la boisson que l’on obtient en versant de l’eau sur des
fruits sucrés ou du marc de raisin et qu’on laisse fermenter ;
cette boisson de ménage n’est que faiblement alcoolisée.
PLUTON [in Le grand Pan].
Pluton, ce prince des ténèbres, est le dieu des Enfers et des
richesses du sous-sol. C’est un des nombreux surnoms donnés
à Hadès, souverain du royaume souterrain des Enfers, car la
seule prononciation du nom de Hadès constituait un mauvais
augure.
POCHARD [in Le grand Pan].
Le substantif de pochard est dérivé de poche (sac) complété
par le suffixe péjoratif ard. Littéralement rempli comme une
poche, le pochard n’est qu’un sac à vin ! Cet individu a une
tenue et un aspect tels qu’on ne peut se méprendre sur son
goût pour la boisson.
POISSARD [in La ronde des jurons - Révérence parler].
Des œuvres littéraires de la seconde moitié du XVIIP siècle
étaient qualifiées de poissardes parce qu’elles traitaient de sujets
réalistes dans un style imitant le parler populaire. D’après
Antoine Furetière, lexicographe reconnu du X V ir siècle,
poissarde était l’invective préférée des harengères. Si une poiS'
sarde est une femme à la langue bien pendue, l’adjectif poissard
qualifie ce qui imite les mœurs et le langage qui sont généra-
lement attribués au « bas peuple ».
POLISSON [in La chasse aux papillons - Le fantôme -
Le pêcheur - Le pornographe].
Dans l’argot de la cour des miracles, un polisson est moitié
voleur, moitié mendiant, et il vagabonde sans chemise sous
son pourpoint. Si polir signifie en effet voler, c’est en tant que
synonyme de fourbir (nettoyer), ce dernier verbe formant un
calembour avec le verbe fourber (tromper).
Mais le polisson a perdu de sa force avec le temps, puisqu’il
n’est plus qu’un enfant espiègle ou un homme qui, dénué de
tout sens moral, se complaît dans les propos ou les actes que
les bonnes mœurs réprouvent.
POMME DE PIN (TROU DE LA) [in Le moyenâgeux].
Le trou signifiait à l’époque médiévale un tripot. La Pomme
de pin était une taverne, tenue par Robin Turgis, située
rue de la Juiverie dans l’île de la Cité à Paris. François Villon
venait souvent y boire à crédit en compagnie de son ami
Jehan Cotart. Les vins qui y étaient servis, fréquemment
coupés d’eau, provenaient des coteaux de la périphérie de
Paris (Vanves, Issy, Clamart, Meudon), plus réputés que ceux
de Conflans ou de Vitry.
POMPE (GRANDE) [in La première fille].
Du latin pompa (procession, cortège). C’est un déploiement
de faste et de décorum pour constituer un cortège solennel et
somptueux. Les pompes ne sont donc pas nécessairement
funèbres. La grande pompe est mise en place quand on veut
donner à une cérémonie un éclat particulier et prestigieux.
POPULACE [in Le bistrot].
Ce terme très péjoratif est emprunté à l’italien popolaccio
(plèbe) qui vient lui-même de popolo (peuple) avec le suffixe
péjoratif accio. La populace est la partie la plus défavorisée
d’une population, économiquement, socialement et culturel­
lement. On prête à ce groupe, capable de tous les excès, la
plupart des tares dont une société peut souffrir.
POTACHE [in Brave Margot - Élégie à un rat de cave].
D’aucuns expliquent l’origine de ce mot par l’homophonie
avec pot'à'chien, locution qui surnommait le chapeau rond et
haut des pensionnaires et qui servait d’injure à leur encontre.
Un potache est ce collégien et plus particulièrement l’interne
qui n’est pas avare de farces. Ceux qui ont conservé de leur
enfance le goût des blagues demeurent des potaches.
POTRON'MINET [in Le revenant].
C’est le petit matin, le point du jour (dès que le jour
point). L’expression dès potromminet viendrait elle-même de
dès le potron'jacquet, c’est-à-dire lorsque l’écureuil montre son
derrière. Patron est dérivé, via pointron, du bas-latin posterio
(cul). Jacquet est le nom normand de l’écureuil, animal très
matinal. Se levant de bon matin également, le chat (minet) a
remplacé le jacquet.
POUDRE AUX MOINEAUX [in La guerre de 14'18].
De par leur taille, les moineaux sont des oiseaux parti­
culièrement difficiles à atteindre au fusil. Tirer sa poudre aux
moineaux, c’est, par excellence, le geste inutile, l’effort en
pure perte.
POUDRE AUX YEUX [in Trompe-la-mort].
Dans cette locution, le mot poudre est utilisé pour son
ancienne signification de poussière, comme celle qui était
soulevée par les pieds des coureurs ou les sabots des chevaux,
et qui venait malencontreusement dans les yeux de leurs pour­
suivants.
Jeter de la poudre aux yeux, c’est tenter d’éblouir autrui,
l’impressionner par un éclat aussi éphémère qu’illusoire.
POULPIQUET [in Jeanne].
A l’impasse Florimont, où vécut Georges Brassens chez
Jeanne Le Bonniec, les chats se succédaient ; l’un d’entre eux
était dénommé Poulpiquet. Pas étonnant quand on sait que
Jeanne était native des Côtes-d’Armor et que le mot poulpL
quel est parfois utilisé comme synonyme de korrigan, de
farfadet ou de lutin. La signification de poulpiquet est limpide :
enfant en bas âge, bambin. Mais son origine est plus obscure ;
ce mot viendrait de la francisation du mot composé breton
poul'piked (littéralement: mare aux pies). Quelques familles
en Bretagne, et notamment dans le Finistère, portent le patro­
nyme de Poulpiquet précédé de la particule de.
POURRAS (ABBESSE DE) [in Le moyenâgeux].
11 s’agit de Huguette du Hamel, abbesse du monastère de
Pourras (appellation familière de Port-Royal) où elle reçut
fort bien François Villon en 1456. Après son élection qui
lui confiait la charge de l’abbaye, on apprit que la virginité
de cette religieuse ne devait être qu’un lointain souvenir.
Néanmoins, elle sut redonner quelque activité religieuse
à cette abbaye un temps désertée. La mauvaise réputation
de l’abbesse de Pourras lui valut d’être emprisonnée à l’abbaye de
Pont-aux-Dames, près de Meaux ; elle passait en effet pour être
un pilier de toutes les fêtes galantes. Après un nouveau séjour
à Pourras, elle dut quitter définitivement sa charge. Le scan­
dale prit ainsi fin avec le départ de l’abbesse qui ne manqua
pas d’emmener, outre son amant Baude Le Maître, procureur
de l’abbaye, les archives et trésors de la communauté.
POUSSER DU COL (SE) [in La file indienne].
Se pousser du col, c’est se croire important, faire l’avanta­
geux et se faire valoir.
POUSSER LE TOUPET [in Une petite Ève en trop].
Les bravi italiens cachaient sous leur chapeau une longue
mèche de cheveux, toupet, qu’ils rabattaient sur leur visage
pour n’être point reconnus lors de leurs méfaits. Pousser le
toupet, ou avoir du toupet, c’est avoir le front, l’audace de
commettre une action ou de soutenir un propos.
PRÉTENTAINE [in Embrasse-les tous].
La locution verbale courir la prétentaine (qui s’orthographie
également prétantaine) se rapproche de courir le guilledou et
de faire des fredaines. Son origine est incertaine, mais son sens
ne l’est pas : la recherche et la multiplication des aventures
galantes en courant de-ci, de-là.

PRIAPE [in Uandropause].


Fils de Dionysos et d’Aphrodite qui l’ahandonna,
Priape était doté d’un petit corps tordu et grotesque. Mais
ce physique particulièrement disgracieux était assorti d’un
phallus énorme. Amoureux de la nymphe Lotis, Priape
s’approcha d’elle subrepticement quand un âne se mit à
braire. Réveillée, la nymphe s’enfuit et fut transformée en
lotus par les dieux pris de pitié.
Représenté le sexe en érection, Priape symbolise la
fécondité et donc la continuité de la vie. Dieu des jardins,
il était également honoré par les cultivateurs et les bergers
qui s’assuraient ainsi de la fertilité de leurs champs et de
leurs troupeaux.

PRIME [in La fille du passeur - Uépitaphe de Corne


d’Aurochs - Les amours d’antan - Supplique pour être
enterré à la plage de Sètej.
Cet ancien adjectif, qui veut dire premier, ne se rencontre
guère plus que dans les locutions de prime abord (en premier
lieu) et prime jeunesse. Georges Brassens manifeste encore
son goût des archaïsmes dans sa Supplique pour être enterré
à la plage de Sète en évoquant sa prime amourette. Prime a
également donné primesautier.
PROBE [in Le mauvais sujet repenti - Le vent].
Est probe celui qui fait preuve d’une honnêteté scrupuleuse
et qui a soin de respecter le bien d’autrui. La probité signifie
aussi la rigoureuse observation des devoirs de la vie civile et
notamment ceux de la justice.
PROPOS BYZANTINS [in Discours des fleursj.
Alors que les remparts de leur ville étaient assiégés, les
moines de Byzance continuaient de discourir à propos de
théologie. C’est à ces moines du siècle que l’on attribue
l’origine de cette expression. Tenir des propos byzantins, c’est
avoir des discussions oiseuses à force de subtilité.
PSYCHÉ [in La religieuse - Le pomographe - Les amours
d’antan].
Eros tomba amoureux de Psyché, jeune fille d’une grande
beauté. Il la rejoignait chaque nuit, mais Psyché ne devait en
aucun cas voir son visage. Naturellement, elle ne put s’empê'
cher d’enfreindre l’interdit et Bros dut s’enfuir. Après bien
des épreuves et une longue séparation, les amants se retrou­
vèrent et, de leur union, naquit une fille du nom de Volupté.
Psyché est également le nom donné au grand miroir ovale
et orientable dans lequel on peut se voir des pieds à la tête.
Ce serait le Journal des Dames qui, en 1812, donna ce nom
à cette sorte de miroir.
Q
Quand je vais chez la fleuriste...

In Les lilas.
QUADRUMANE [in Le gorille].
Le singe est le quadrumane par excellence, car ce substantif
désigne les animaux dont les quatre membres sont munis d’un
organe de préhension identique à la main de l’homme.
QUARTIERS DE NOBLESSE [in Les trompettes de la
renommée].
Dans la généalogie d’une famille noble, chaque degré de
descendance s’appelle un quartier de noblesse. L’intronisation
dans certains ordres ou l’entrée dans certains collèges ne
pouvaient se faire qu’en justifiant, actes à l’appui, d’un certain
nombre de quartiers de noblesse. Ainsi en fallait-il huit pour
entrer dans l’ordre de Malte. Aucune allusion à l’héraldisme
dans cette chanson mais un facétieux jeu de mots.
QUAT’Z’ARTS [in Les quatYarts].
En référence au quadrivium qui désignait dans l’université
du Moyen Age les arts supérieurs (arithmétique, géométrie,
musique, astronomie), les quat’z'arts résument les disciplines
artistiques dispensées par l’École des beaux-arts : architecture,
peinture, sculpture, gravure.
Célèbre par son bal annuel et sa non moins célèbre fanfare,
cette école était aussi réputée par les canulars de ses étudiants
qui, dans de grandioses chahuts funéraires, parodiaient la mort.
QUENOUILLE [in La chasse aux papillons].
C’est une tige de bois et plus souvent de roseau qui est
entourée d’une touffe de matière textile (laine, chanvre, soie,
lin, coton). Associée au fuseau ou au rouet, la quenouille était
l’outil indispensable pour fabriquer le fil.
QUERELLE D’ALLEMAND [in Les deux oncles].
Au Moyen Age, la « race » germanique avait la fâcheuse
réputation d’être particulièrement colérique. Les souverains
de nombreux petits Etats, qui constituaient l’Empire germa'
nique, entraient en conflit avec leurs voisins sous les prétextes
les plus anodins. De là vient qu’une dispute sans raison valable
ou pour une cause futile est appelée querelle d’Allemand.
QUÉRIR [in Qrand’père - La rose, la bouteille et la
poignée de main - Uassassinat - Le myosotis - Le petit-fils
d’Œdipe].
Voilà encore un choix délibéré de Georges Brassens pour
un archaïsme. En effet, ce verbe n’était déjà plus conjugué
dès le X V IF siècle. Il ne s’emploie plus qu’à l’infinitif avec les
verbes aller, venir, envoyer. Du latin quaerere qui deviendra
plus tard querre, quérir signifie : chercher mais avec une
mission de rapporter, de ramener.
R
Refusant d’acquitter la rançon de la gloire...

In Les trompettes de la renommée.


RACAILLE [in U Antéchrist].
Ce terme injurieux qui désigne le rebut de la société se
rencontre déjà dans Les Evangiles. Du latin populaire rasicare
(gratter, racler), le mot racaille est formé de ce verbe et du suffixe
péjoratif aille. Longtemps déconsidérée, la partie la plus pauvre
du peuple raclait les plats, tellement la faim était omniprésente.
RATATOUILLE [in Le mauvais sujet repenti, dans un
couplet non enregistré par Brassens].
Avant que ce plat n’acquière ses lettres de noblesse, une
ratatouille n’était qu’un ragoût grossier. Mais, au figuré,
une ratatouille est une volée de coups, une raclée. Ce mot est
formé du croisement des verbes tatouiller (remuer, renverser
dans la boue) et ratouiller (troubler l’eau, salir). Chez les
anciens conscrits, la contraction rata constitue un souvenir
pour le moins mitigé !
RAT DE CAVE [in Élégie à un rat de cave].
Celui qui fréquente un lieu avec une assiduité excessive
est surnommé un rat {rat de bibliothèque, par exemple).
Certains commis des contributions indirectes avaient pour
charge de contrôler les négociants en alcool et, pour ce faire,
descendaient dans leurs caves bougie à la main. Ils furent
bien vite surnommés rats de cave.
Cette expression fut remise au goût du jour dans l’immé­
diat après-guerre, à la grande époque de Saint-Germain-des-
Prés. Plusieurs caves, notamment Le Tabou, connurent leur
heure de gloire avec Boris Vian, Claude Luter, Sidney Bechet,
Juliette Gréco et tant d’autres. Les rats de cave de cette épcx}ue
étaient des passionnés de jazz.
Mais un cave, qui n’est pas un rat, est un niais qui se laisse
abuser facilement ou, dans l’argot du milieu, celui qui n’en
fait pas partie.
RATICHON [in La messe au pendu - Le mécréant
repenti].
Ce terme argotique désigne un prêtre ou un curé. C’est
le diminutif de rat avec le suffixe péjoratif ichon que l’on
rencontre de temps en temps en argot.
RAZZIA [in La visite].
Les mots gazwa (arabe classique) etgaziya (arabe maghrébin)
signifient tous deux : expédition militaire, incursion furtive,
attaque rapide en territoire ennemi. Mais ces raids de pillards
ont un but : voler les troupeaux, ravir les récoltes ou autre
butin. Un rezzou est la razzia des Touaregs.
REMUE-MÉNAGE [in La chasse aux papillons].
C’est le déplacement de meubles, d’objets que l’on
bouge. Mais cette agitation, ces mouvements quelquefois
confus et désordonnés ne se font pas sans dérangement pour
les autres.
RENCHÉRI(E) [in Jeanne Martin].
Employé comme substantif, le participe passé du verbe
renchérir désigne curieusement une personne dédaigneuse et
qui fait la difficile.
RESTER DE PIERRE [in Le vingt-deux septembre].
Cette expression est moins usitée que rester de glace ou
rester de marbre. Toutes expriment la froideur, l’impassibilité.
RÉTIF [in Le blason - Les trompettes de la renommée].
Est rétif celui qui, résistant à toute contrainte, refuse d’obéir,
est difficile à persuader, à diriger. Un homme peut se montrer
rétif, tout autant qu’un cheval ou même qu’une chose.
RETOUR DE PRINTEMPS [in L’assassinat].
C’est [e retour furtif de la jeunesse qui atteint momen­
tanément une personne d’un âge déjà avancé et lui donne,
hélas pas très longtemps, les pouvoirs de ses jeunes années.
C’est un peu l’été indien de l’homme.
RÉVÉRENCE PARLER [in Uandropause - Les deux
oncles - Révérence parler].
Cette formule de politesse est une excuse que l’on emploie
lorsque ce que l’on dit est susceptible de déplaire, de blesser ou
de sembler contraire aux convenances. Dans Parallèlement,
qui fait suite à Jadis et naguère, Paul Verlaine intitule
Révérence parler une suite de sept poèmes.
On peut aussi rencontrer, quoique plus rarement, révérence
garder.

RHUBARBE ET SÉNÉ [in Lèche-cocu].


« Passe'moi la rhubarbe, je te passerai le séné! » Cette
expression ironique signifie que l’on s’adresse mutuellement
des compliments, qu’on se flagorne. C’est se rendre mutuelle­
ment service, se renvoyer l’ascenseur, mais c’est surtout flatter
quelqu’un pour être flatté en retour.
Accessoirement, le séné comme la rhubarbe ont des vertus
purgatives et pouvaient se remplacer mutuellement selon la
thérapeutique en vigueur au XVll*' siècle.

RIBAMBELLE [in Montélimar].


Une ribambelle est une longue suite de choses, un grand
nombre de personnes qui se suivent. Ce mot vient probable­
ment de riban (ancienne forme de ruban) et de bamballer qui,
dans l’est de la France, signifie : balancer.

RIBAUD(E) [in Le moyenâgetix].


Le dit des ribauds de Qrève, écrit par Rutebeuf
(1230-1285), est un petit poème érotique et plein de bien­
veillance à l’égard des vagabonds qui hantaient la place de
Grève, située à Paris, à l’emplacement de l’actuel Hôtel
de Ville.
Ce mot vient du verbe de l’ancien français riber (se livrer à
la débauche). Un ribaud est un débauché. Une ribaude n’est
rien moins qu’une femme impudique qui s’adonne à la
paillardise et à la lubricité. Tout un programme !
RIGODON [in La ligne brisée - La route aux quatre
chansons].
D’origine provençale, le rigodon était une danse très en
vogue sous Louis XV. Pratiquée en couple et sur un rythme
2/2 ou 2/4, c’était une danse assez vive fort répandue en
Provence et en Languedoc. Jean'Jacques Rousseau en attribue
la paternité au maître à danser parisien du XVII'' siècle, Rigaud,
mais peut-être n’est-ce là qu’une supposition due à l’homo-
phonie des deux noms.
RINCER LA DALLE (SE) [in La rose, Ut bouteille et la
poignée de main].
Au temps où les rues, avec leur caniveau central, tenaient
lieu d’égouts à ciel ouvert, une mesure d’hygiène indispen­
sable nécessitait que l’on rinçât abondamment les dalles de
pierre formant la chaussée.
L’argot dans son foisonnement imaginatif avait remplacé
par dalle les mots gorge, gosier. Et se rincer la dalle, c’est d’évi­
dence boire abondamment.
RITOURNELLE [in Ceux qui ne pensent pas comme
nous - Fernande - Honte à qui peut chanter].
Une ritournelle est une courte phrase musicale qui précède,
ou suit, de manière un peu répétitive, chaque strophe d’un
morceau. Ce motif instrumental peut tenir lieu de refrain.
Ce mot vient de l’italien ritomello (petit retour).
ROBIN [in Bécassine].
La littérature médiévale vit fleurir ce diminutif familier du
prénom Robert. Par dénigrement, un robin désigne un paysan
aussi sot que prétentieux. Laissons, pour l’illustrer, la parole à
Paul Verlaine (in Romances sans paroles VI) :
« Arrière, robin crotté ! Place ! »
ROGATON [in Dieu, s'il existe].
On désigne ainsi les vestiges d’un repas ou le plat composé
d’aliments ayant déjà été servis. Bon appétit !
ROMBIÈRE [in Concurrence déloyale].
Cette femme, en général une bourgeoise d’un certain âge,
est un peu ridicule et prétentieuse. Sans être un dragon de
vertu, la rombière est à cheval sur quelques principes ; mais
pas tous, ainsi qu’on le comprend dans cette chanson.
ROSALIE [in Les patriotes].
Les vaillants poilus de 14-18 avaient l’habitude d’appeler
ainsi leur baïonnette, attribut inséparable du fantassin.
La Rosalie était une baïonnette cruciforme qui équipait le
fusil Lebel. Théodore Botrel composa une chanson éponyme
à la gloire de cet engin épouvantable.
ROSETTE [in La Légion d'honneur - La tondue].
Plus discrète qu’une croix pendant au bout d’un ruban, la
rosette est un petit insigne rouge de boutonnière que ceux qui
ont été décorés de la Légion d’honneur peuvent porter au
quotidien au revers d’une veste ou d’un veston.
ROULURE [in La nymphomane].
Cette prostituée est du plus bas étage qui soit ! Évidem­
ment, ce terme est tout à fait injurieux.
RUSTRE [in Tonton Nestor].
Dérivé du latin rusticus (de la campagne), le substantif
rustre n’a pas toujours eu le sens péjoratif qu’on lui connaît
aujourd’hui. A l’origine homme de la campagne, le rustre est
de nos jours ce grossier qui manque de pas mal de choses :
finesse, éducation, savoir-vivre.
« Sans vergogne... »

* In Les quatre bacheliers.


SABBAT [in Je bivouaque au pays de Cocagne -
La marguerite - Les bacchantes].
Dérivé de l’hébreu shabbath (arrêt, repos), le sabbat est par
extension une réunion licencieuse, voire orgiaque.
En occultisme, c’est l’assemblée nocturne dédiée au diable
et à son culte qui réunit sorciers et sorcières. Le sabbat se tient
dans un lieu écarté, bien sûr, mais également élevé. Les danses
et les orgies qui y sont de rigueur ne sont pas sans rappeler
l’antiquité païenne.
SABINES (L’ENLÈVEMENT DES) [in Les châteaux
de sable].
Après avoir fondé Rome, Romulus considéra que cette
nouvelle ville manquait cruellement de femmes. Aussi invita-
t-il les Sabins, ainsi que d’autres peuplades des alentours, à des
jeux solennels. Une fois dans l’enceinte de Rome, les Sabines
furent retenues de force et leurs hommes chassés par les
Romains. Ainsi débuta la guerre entre Romains et Sabins
qui ne tardèrent pas à se réconcilier, grâce à l’intervention
pacifique des Sabines.
SACREBLEU ! [in La ronde des jurons - Le pluriel].
Par le même artifice que l’on retrouve dans morbleu,
palsambleu, ventrebleu, le blasphème sacrebleu est atténué par
la substitution de Dieu par bleu. Comme la plupart du temps,
ce juron renforce une affirmation qui ne souffre pas la discus­
sion ou, encore, exprime l’étonnement, l’impatience.
SACRISTI ! [in La ronde des jurons].
Ce juron semble n’apparaître qu’à la fin du XVIII'-' siècle.
Il est formé de la juxtaposition de sacré et de Christ. Il peut
extérioriser nombre d’émotions qui vous mettent le juron à
la bouche : surprise, contrariété, impatience...
SAFRAN [in Uandropause - Le cocu].
La couleur jaune qui évoque le soufre luciférien symbo­
lise l’infamie et le déshonneur. Elle est de ce fait associée à
l’adultère même si, à l’origine, le jaune était l’attribut du
trompeur et non celui du trompé. Une coutume voulait
même que l’on teignît de safran la porte de ceux qui avaient
fait banqueroute.
La fleur portée par cette plante bulbeuse qu’est le safran
est à la fois bleue et rouge. Réduite en poudre, elle teinte en
jaune grâce à ses stigmates jaunes aussi colorés qu’odorants.
Accommoder au safran est une expression qui, si elle peut
avoir trait à l’art culinaire, s’emploie à propos de l’infidélité
conjugale. Aujourd’hui tombée en désuétude, elle n’a cepen­
dant pas échappé à Georges Brassens qui, fidèle à son
habitude, la transforma pour nous livrer : couvrir de safran et
rouler dans la farine de safran (cette dernière locution reve­
nant à être doublement trompé !).
SAINT JEAN BOUCHE D’OR [in Le sceptique -
Mourir pour des idées].
Né à Antioche au siècle, saint Jean Chrysostome est
considéré comme le père de l’Eglise grecque. Il ne faut pas le
confondre avec cet autre saint Jean qui fut l’apôtre du Christ.
En dépit de plusieurs années de retraite solitaire passées à
étudier les textes, il était doué d’une grande éloquence. Aussi
fut-il surnommé Chrysostome qui se traduit par bouche d’or.
Les éloquents, les charmeurs d’auditoire sont des Chrysostome
en puissance, des saint Jean Bouche d’or.
SALIGAUD [in Auprès de mon arbre].
Venant du bas allemand salik (sale) et du francique salo, ce
substantif est un synonyme populaire de salaud. Il ne s’emploie
guère qu’au masculin, le féminin saligaude ne se rencontrant
que rarement. Un saligaud est un homme répugnant tant au
physique qu’au moral. Il est déloyal et malhonnête et, pour
tout dire, infréquentable.
SAMARITAINE [in Le progrès].
La Samarie était une contrée de l’ancienne Palestine,
située dans l’actuelle Syrie. La Samaritaine est la femme à qui
le Christ demanda à boire près du puits de Jacob. Lui révélant
qu’il était le Messie, il lui promit l’eau vive de la vie étemelle.
(>omme substantif, une samaritaine est une femme empreinte
de dévouement et de charité désintéressée.
SANG BLEU [in Le petit joueur de flûteau].
Cette locution n’a aucun rapport, même lointain, avec le
juron palsambleu [voir précédemment]. Un sang bleu est une
personne d’origine noble. Rien de différent dans ses veines
mais une peau non tannée par les travaux extérieurs qui
demeure, de ce fait, plus translucide et laisse transparaître
les veines bleutées. La noblesse espagnole se targuait d’avoir
el sangre azul (le sang bleu), c’est-à-dire sans ascendance
maure.

SANS AVEU [in Le grand chêne].


Au Moyen Age, le vassal devait faire l’aveu de ses terres
à son suzerain qui le prenait ainsi sous sa protection.
L’homme sans aveu est celui qui ne se voue à personne ;
ne possédant rien, il n’a rien à avouer et n’est donc le vassal
d’aucun souverain. Il ne reconnaît aucune autorité et, n’ayant
pas de moyens de subsistance, il n’est en retour reconnu par
personne.
Par extension, l’homme sans aveu de nos jours est capable
de tout et sans scrupule.

SANS FEU NI LIEU [in Jeanne].


Dans cette très ancienne [ocution, le mot feu est pris au
sens de foyer, de maison ; et le mot lieu, au sens ancien de
famille. L’homme sans feu ni lieu est donc désespérément seul :
sans parents, sans logis, sans rien.

SAPERLIPOPETTE ! [in La Légion d’honneur -


La ronde des jurons].
Voici un juron familier très atténué qui vient de saperlotte,
lui-même dérivé de sacré. On rencontre aussi sacrelotte et
saprelotte.
SAPERLOTTE ! [in La ronde des jurons].
C’est une variante de saquerlotte qui, lui, est dérivé de
sacrelotte. Le fait de remplacer sacre par saper atténue le carac-
tère blasphématoire.
SAPRISTI ! [in La ronde des jurons].
Il faut croire que la vengeance divine était redoutée
superstitieusement pour que nos aïeux s’ingénient à dissimuler
les blasphèmes sous des formes aussi diverses que variées. Sapré
vient ici atténuer sacré. Sapristi est un dérivé de sacristi, les
deux étant une contraction de sacré Christ ; le suffixe pristi,
se substituant à Cristi, atténue la référence au Christ.
SARABANDE [in Boulevard du temps qui passe].
Cette ronde populaire a son origine en Catalogne et
peut-être près de la Cerdagne, région des Pyrénées. Créée
au XVF siècle, la sarabande est une danse traditionnelle où
hommes et femmes forment un cercle en se tenant par la
main. C’est aussi le nom de la musique sur laquelle ce style de
ronde est dansé.
SATISFECIT [in La guerre de 14-18].
Ce mot vieilli est emprunté à la troisième personne du
singulier du parfait de l’indicatif du verbe latin satisfacere
(satisfaire). Quand un élève était une source de conten­
tement pour son maître (ce qui arrive encore), ce dernier lui
donnait un billet de satisfaction, un satisfecit.
SATURNE [in Saturne].
Divinité romaine, Saturne est l’équivalent du Kronos
grec. Ce dieu, orthographié également Cronos, est souvent
confondu avec le mot chronos qui signifie : temps (confusion
somme toute naturelle puisque l’un et l’autre dévorent !
Cronos avalait en effet ses enfants pour éviter qu’ils ne le
détrônassent). Saturne est considéré aussi comme le dieu
boiteux du temps.
Les fêtes qui étaient consacrées à Saturne, les saturnales,
abolissaient un temps la distance entre esclaves et hommes
libres.
Une tradition astrologique veut que Saturne soit d’humeur
sombre et mélancolique. Georges Brassens était donc fondé à
le trouver morne et taciturne.
SATYRE [in Jamais contente - La princesse et le
croquemotes - Le bulletin de santé].
Frères des Oréades, les satyres étaient ces créatures qui
personnifiaient la fertilité de la nature. Affublés de cornes
et d’oreilles pointues de bouc, et de jambes et de sabots
de cheval, les satyres poursuivaient les nymphes de leurs
assiduités. Ils sont les figures triviales de la mythologie, déver­
gondées et lubriques à l’appétit sexuel toujours inassouvi.
C’est dire ce que recouvre le qualificatif de satyre.
SAUGRENU [in La rose, la bouteille et la poignée de
main - Les illusions perdues - Uorphelin].
Au temps de Rabelais, une saugrenée était une fricassée de
pois et de fèves. Ce nom était la juxtaposition de deux mots :
sau (forme dialectale de sel) et grain. L’adjectif dérivé, saugrC'
neux, qualifiait un mets salé ou piquant.
Mais quelque chose ou quelqu’un de saugrenu est : absurde,
ridicule, étrange ou, encore, inattendu.
SBIRE [in Entre la rue Didot et la rue de Vanves -
Je bivouaque au pays de Cocagne].
La police romaine de l’Antiquité s’était dotée d’archers
dont l’uniforme était à dominante rouge. Or en latin, birrus
veut dire rouge. Du Moyen Age à la Renaissance, la police
italienne était notamment composée de sbires (sbirro). Ces
sbires étaient chargés de l’exécution des sentences judiciaires.
Par extension péjorative, un sbire est celui qui est au service
d’un particulier ou d’un pouvoir répressif. 11 est recruté pour
accomplir secrètement les basses besognes. C’est un homme
de main sans scrupule.
SCROGNEUGNEU ! [in La ronde des jurons].
C’est une interjection que l’on prête volontiers aux vieux
militaires bougons. C’est une forme altérée de sacré nom de
Dieu ! qui apparaît dans Les Aventures du colonel Ronchonot
(un vieux ronchon, celui-là), ouvrage écrit par Gustave Frison
en 1884.
SÉGUEDILLE [in Entre VEspagne et Vltalie].
La séguedille est une danse populaire andalouse. A trois
temps, son rythme très vif est marqué par les castagnettes et
ce durant quatre mesures entre les couplets chantés. «J’entends
les airs de fandangos et séguedilles... », chantait Rina Ketty dans
Sombreros et mantilles.
SÉMIRAMIS [in Bécassine].
C’est à cette reine assyrienne légendaire que la tradition
grecque attribue la fondation de la ville de Babylone et de ses
fameux jardins suspendus. Abandonnée dans le désert et
nourrie par des colombes, Sémiramis dut à sa beauté d’épouser
N inos, roi des Assyriens. Fougueuse et guerrière, elle mènera
des campagnes en Egypte, en Ethiopie et jusqu’en Inde.
X y

SENTIR LE FAGOT [in Lèche-cocu - Le mécréant


repenti].
En ancien français, l’odeur est l’impression qu’une personne
peut produire sur d’autres ; c’est aussi la réputation bonne ou
mauvaise (XVF siècle) ou, encore, le pressentiment d’un
événement (XVII‘^siècle). De nos jours subsiste l’expression
être ou ne pas être en odeur de sainteté.
En des temps de grande intolérance, sentir le soufre ou
sentir le fagot, c’était être suspect d’hérésie, ce qui était puni
par le bûcher qu’alimentaient des fagots. Si le supplice a
disparu, l’expression subsiste et est employée à propos de ceux
qui inspirent la méfiance, ont quelque chance de tomber sur
le coup de la justice ou sont susceptibles de déchaîner un
scandale.
SEPTIÈME CIEL [in Histoire de faussaire -
La complainte des filles de joie - Uandropause - La première
fille - Le cocu - Le mouton de Panurge - Les illusions
perdues - Sauf le respect que je vous dois].
Nos anciens considéraient la Terre comme étant au centre
de sept sphères concentriques et cristallines. Chacune de ces
sphères était un ciel qui correspondait à chaque astre ou
planète connue à l’époque (dans l’ordre : Lune, Mercure,
Vénus, Soleil, Mars, Jupiter, Saturne). On a d’abord dit :
être ravi au troisième ciel, celui de Vénus évidemment. Puis,
par une inflation de langage, on est parvenu au septième ciel.
Ce septième ciel est celui du comble du plaisir, du ravissement ;
il symbolise l’orgasme.
SÉPULCRES BLANCHIS [in Boulevard du temps qui
passe - Le revenant].
C’est Jésus lui-même qui traita les pharisiens de sépulcres
blanchis, dénonçant ainsi leur belle apparence qui dissimulait
la pourriture intérieure. C’est Matthieu qui rapporte dans son
Evangile (XXIIl'27) ces paroles du Christ. La tradition juive
voulait que les tombes, considérées comme impures, soient
blanchies à la chaux afin que, repérables de loin, on ne les
approchât point.
Un sépulcre blanchi est un hypocrite, un homme d’appa-
rence, de faux-semblants.
SÉRAIL (LES MUETS DU) [in Le mécréant].
Ce mot vient du turc sera], via l’italien serraglio (fermeture,
clôture). Dans l’ancienne Turquie, le sérail était le palais
du sultan ottoman, celui de l’empereur, celui des princes.
On confond souvent ce mot avec harem qui n’est qu’une
partie d’un palais où étaient enfermées les femmes. Seuls les
eunuques, les muets du sérail, pouvaient pénétrer dans le
harem dont ils avaient la garde. En effet, la suppression de
leurs attributs virils non seulement transformait leur voix
mais les rendait inoffensifs.
SÉRAPHIN [in La fessée].
Le mot hébreu seraph est associé au serpent brûlant envoyé
par Dieu. Ce caractère monstrueux s’est estompé avec le
temps et les séraphins constituent la première catégorie des
anges. L’adjectif séraphique (synonyme de délicat, d’éthéré)
qualifie un chant que produit une voix pure et émouvante,
une voix d’ange.
Les séraphins sont représentés sur les tableaux des primitifs
italiens en musiciens célestes. La voix douce des séraphins est
celle que l’on attribue généralement aux enfants.
SILÈNE [in Le grand Pan].
Dans la mythologie grecque. Silène serait le fils de Pan ou
d’Hermès et d’une nymphe. Il passe pour avoir été le père
nourricier de Dionysos et est à l’ivresse ce que Bacchus est au
vin. 11 est représenté en vieillard chauve, le nez camus et des
oreilles de cheval, ventru et toujours ivre, souvent à dos
d’âne. Hormis son goût pour la bouteille. Silène était réputé
aussi pour son esprit pratique et ses pouvoirs prophétiques.
SINÉCURE [in Auprès de mon arbre - L'Antéchrist].
Du latin sine cura (sans soin). Une sinécure est une fonc­
tion bien rétribuée mais qui ne nécessite ni grand effort, ni
grand travail. La locution ce n'est pas une sinécure signifie
que, contrairement à ce que l’on peut croire, telle chose est
pénible, fastidieuse et demande un effort considérable.
SIX-QUATRE-DEUX [in La Légion d'honneur].
Cette [ocution aurait son origine dans les Alpes du Nord.
En moins de six coups, en moins de quatre coups et même en
moins de deux ! C’est dire si cela exprime l’extrême rapidité ;
or on le sait bien : quand va trop vite, le résultat s’en ressent.
A la six^quatre'deux, c’est faire quelque chose à la diable et
de travers.
SODOME ET GOMORRHE [in Les copains d^abord -
S’faire enculer].
Sodome et Gomorrhe étaient deux villes situées au sud de la
mer Morte. Célèbres pour la débauche à laquelle se livraient
leurs habitants, elles furent détruites par un cataclysme que
décrit le livre de la Qenèse. Yahvé, pour se venger de ces villes
maudites, y aurait fait tomber une pluie de feu et de soufre.
SORNETTE [in La religieuse].
11 y a tout lieu de croire qu’il est d’usage courant d’en
raconter si l’on considère le nombre de synonymes au mot
sornette : bagatelle, baliverne, billevesée, calembredaine,
chanson, conte, fadaise, faribole, foutaise, plaisanterie, etc.
En tout état de cause, une sornette est une chose insignifiante,
un discours ou un écrit dénué de tout intérêt, une affirmation
sans fondement.
S.O.S. [in Les copains d^abord].
Acronyme anglophone de save our soûls ! (sauvez nos
âmes !) ou encore de save our ship ! (sauvez notre navire !).
Cette forme conventionnelle d’appel de détresse en langage
morse remonte au tout début du XX*" siècle. La télégraphie
était alors le seul moyen de communication des navires, soit
entre eux, soit avec une station terrestre. S’il ne fut pas le
premier à lancer cet appel au secours, c’est le Titanic qui,
coulant en 1912, contribua à rendre le S.O.S. universel.
SOUDARD [in Uépitaphe de Corne d^Aurochs].
Ce mercenaire de l’époque des croisades faisait tout pour
entretenir sa mauvaise réputation ; libations, pillages, viols.
La grossièreté n’étant pas l’apanage des soldats, un grossier
personnage peut se faire traiter de soudard, ou de reître.
En échange de ses méfaits, le soudard recevait une solde.
Les mots soldat et soudard (souldart) tirent leur origine de
l’ancien verbe soudoier.
SOURDRE [in Le bulletin de santé].
Ce verbe intransitif est défectif, c’est'à-dire qu’il ne
s’emploie pas à tous les temps et guère qu’à l’infinitif et à la
troisième personne (singulier ou pluriel) de l’indicatif présent
ou imparfait. C’est au verbe latin surgere (s’élever) que l’on
doit le verbe sourdre dont le participe passé, sours, désormais
inusité a donné le mot source. Surgir et surgeon ont la même
étymologie. Sourdre signifie sortir de terre, jaillir et si, à l’ori­
gine, seule l’eau était concernée, par extension un bruit, une
lumière, peuvent aussi sourdre.
SOUS COULEUR DE [in La nymphomane - Les trom'
pettes de la renommée].
Très souvent employée par nos grands auteurs classiques,
cette locution ne laisse augurer rien de bon quant à celui qui
agit sous couleur de. En effet, cette action est souvent empreinte
de tromperie par le fait d’un faux prétexte, d’une attitude
feinte, d’une simulation.
SOU VENTES FOIS [in Uorphelin].
Orthographiée en un seul mot au Xll“ siècle, cette locution
adverbiale a beaucoup vieilli et après lui avoir substitué maintes
fois, on utilise désormais l’adverbe souvent ou les locutions
la plupart du temps, d’ordinaire.
Les mots de Brassens

SPADASSIN [in La visite].


En italien, un spadaccino est celui qui met facilement la
main à l’épée et donc prompt à se battre. Le spadassin, comme
le bretteur, était un homme de main très adroit dans les duels
et dont on louait les services pour assurer sa protection ou
celle d’un autre. Certains ne se privaient pas d’engager des
spadassins comme tueur à gages.
STANCE [in Stances à un cambrioleur].
Une stance est un poème, chanté ou récité, composé d’un
nombre déterminé de vers dont la structure est régulière et
homogène. À partir du XVF siècle, le singulier devient pluriel
et les stances sont alors des pièces poétiques du genre lyrique et
d’inspiration morale, religieuse ou élégiaque.
STUPRE [in Les trompettes de la rerurmmée].
Le mot latin stuprum peut se traduire par : relations adulté­
rines, attentat à la pudeur, acte de lubricité, débauche honteuse.
Le mot stupre n’en dit pas plus, mais ce n’est déjà pas mal !
SUCCUBE [in Si seulement elle était jolie].
Ce mot masculin vient du latin succuba (concubine).
Un succube est une femme démon qui, la nuit, vient séduire
les hommes et en abuser. À l’inverse, on trouve des incubes
(du latin incubus : cauchemar) qui sont des démons qui
abusent des femmes durant leur sommeil.
Honoré de Balzac s’était employé à faire revivre la verve
rabelaisienne dans ses Contes drolatiques. Ils sont écrits
dans la langue de son ancien confrère et l’un deux s’intitule
Le succube.
SUS (COURIR) [in La file indienne - Oncle Archibald].
L’ancien adverbe sus signifie : en haut. De là vient dessus,
puis pardessus. Au Moyen Age, mettre sus était un des termes
officiels utilisés pour dire lever l’impôt. Sans doute à cette
époque devait-on déjà prêter aux collecteurs d’impôt des
intentions hostiles. Courir sus à quelqu’un, c’est le poursuivre,
se précipiter sur lui, se ruer à l’attaque.
SYCOPHANTE [in Les quatre bacheliers].
Une loi athénienne interdisait l’exportation des figues de
l’Attique. Une forte récompense était promise aux dénoncia­
teurs des fraudes éventuelles. Ces délateurs portaient le nom
de sukophantes. Par extension, les sycophantes sont non seu­
lement des mouchards mais également des calomniateurs
hypocrites et fourbes.
Toi qui m’as donné du feu quand...

* In Chanson pour ^Auvergnat.


TABELLION [in Supplique pour être enterré à la plage
de Sète].
Ce mot vient du latin tabella (tablette) qui a donné en
latin impérial tabellio (notaire). Le tabellio était un officier
public chargé de la rédaction des contrats et des actes publics.
Au Moyen Âge, un tabellion tenait le rôle de notaire dans les
juridictions subalternes. Sous l’Ancien Régime, il était un fonc­
tionnaire chargé de mettre en grosse (terme notarial: copie
exécutoire) les actes dont les minutes (terme notarial :
original d’un acte) étaient rédigées par les notaires eux-mêmes.
Ce terme a aujourd’hui disparu si ce n’est pour désigner un
notaire de façon péjorative.
TABLE RASE (FAIRE) [in Sale petit bonhomme].
Pour certains anciens métiers, une table signifiait une
planche de bois ; pour ces corporations, une planche non
peinte était une table rase.
Faire table rase, c’est renoncer au passé, aux idées reçues, aux
a priori et se tourner résolument vers l’avenir. En faisant table
rase, on abolit les anciennes institutions, les vieilles habitudes.
TABLIER DE SAPEUR [in La fessée].
Un tablier de peau venait compléter l’uniforme des sapeurs
de l’infanterie du XW*" siècle dont la barbe était tout aussi
célèbre. La langue argotique, toujours imagée, avait surnommé
ainsi la toison spécifiquement féminine. Quand il se met en
scène dans cette chanson, Georges Brassens s’insurge donc à
bon droit que sa moustache soit confondue avec cet attribut.
TABOU [in Le pomographe].
C’est grâce au capitaine James Cook, célèbre découvreur
britannique, que ce mot nous vient du polynésien tabu ou
tapu, qui a donné taboo en anglais. Un tabou est une règle
d’interdiction d’ordre religieux ou culturel et qui influe sur le
comportement et les moeurs. Respecté par une collectivité,
le tabou n’est pas enfreint impunément par un individu.
TALON D’ACHILLE [in Le blason - Révérence parler].
La déesse Thétis, tenant son fils Achille par le talon, le trempa
dans le Styx, le fleuve des Enfers, pour le protéger des blessures
et le rendre invulnérable. Guerrier courageux, Achille périt
néanmoins d’une flèche que lui tira Pâris au talon.
Depuis ce trépas mythologique, le talon d’Achille est le point
faible, l’endroit de vulnérabilité.
TANTALE [in Le vin].
Au-dessous des Enfers, se trouvait le noir Tartare où les
méchants étaient relégués dans la nuit éternelle. Sisyphe,
les Danaïdes y firent un séjour, de même que les Titans gardés
par les Géants aux cent bras. C’est là que se trouvait Tantale
après qu’il eut offensé les dieux. Il y fut condamné par Zeus
à souffrir de la faim et de la soif. Ligoté à un arbre fruitier
au milieu d’un lac dont l’eau affleurait son cou sans qu’il pût
l’atteindre, il tentait en vain d’attraper les fruits d’une branche
qui s’éloignait à chacun de ses mouvements. Le supplice de
Tantale est le symbole du désir toujours inassouvi.
TAPIN [in Concurrence déloyale - Uépave].
Adjectif en vogue au Xll'' siècle, tapin signifiait : qui se
dissimule ; nous en est restée la locution en tapinois. Mais la
locution verbale faire le tapin n’apparaît qu’au XW*" siècle et
vient de taper, verbe populaire qui veut dire : demander de
l’argent. A l’époque, on se tapait dans la main pour conclure
un marché, ce n’est pas pour autant que les femmes de petite
vertu faisaient de même. Mot substantivé, tapin est un des
nombreux synonymes de prostituée.
TAQUINER LA MUSE [in Le mérinos - Sauf le respect
que je vous dois],
Mnémosyne, déesse de la mémoire, passa neuf nuits consé­
cutives avec Zeus. Elle donna naissance aux neuf Muses à qui
Apollon, les rencontrant sur le mont Parnasse, attribua leur
rôle respectif. Celles que l’on taquine sont surtout : Melpomène
la tragique, Calliope l’héroïque ou Erato la lyrique.
Celui qui taquine la muse est celui qui, sans être tout à fait
poète, s’essaye à écrire des vers.
TARENTELLE [in Entre VEspagne et l’Italie - Il suffit
de passer le pont - La route aux quatre chansons - Supplique
pour être enterré à la plage de Sète].
La ville de Tarente fut fondée au Vlll' siècle avant J.-C.
dans la région des Pouilles, au sud de l’Italie. C’est là que fut
inventée la danse de Tarente, cette danse au rythme très rapide
sur une cadence en 6/8 marquée par le tambour. Ce n’est
qu’au XlX*" siècle qu’elle prit le nom de tarentola qui signifie
également tarentule. Anecdotiquement, la musique accompa­
gnant la tarentelle était, paraît-il, bénéfique à ceux qu’une
tarentule avait mordus.
TEMPS DES CERISES [in Bécassine - Boulevard du
temps qui passe].
Le temps des cerises désigne une saison au même titre que le
temps des moissons ou celui des lilas. Le temps des cerises
est également le titre d’une chanson célèbre qu’écrivit en
1866 Jean-Baptiste Clément, gamisseur de cuivre et maire de
Montmartre. Mise en musique par le ténor Antoine Renard,
elle devint la chanson symbole des combattants de la
Commune.
TENIR LA DRAGÉE HAUTE lin Stances à un
cambrioleur].
C’est en quelque sorte une forme d’abus de pouvoir qui
consiste à faire languir son interlocuteur, à ne lui accorder ce
qu’il attend qu’avec parcimonie et lenteur. Pour l’homme,
la dragée (du latin tragemata: dessert, friandise) est cette
amande entourée de sucre. Pour le cheval, la dragée (du latin
populaire dravocata, dérivé de dravoca ; ivraie) est un mélange
de fourrage composé de froment et de sarrasin, une espèce de
gâterie dispensée occasionnellement et, de ce fait, mise en
haut du râtelier pour prévenir toute gloutonnerie.
TERTRE [in La ballade des cimetières].
C’est un petit monticule de terre au sommet aplati et
souvent isolé qui recouvre une sépulture.
TÊTE COUPÉE [in Comme une sœur].
La locution qu’utilise Georges Brassens dans cette chanson
est une contraction de l’expression en mettre sa tête à couper.
Il faut être bien sûr de soi pour proposer un tel enjeu lors
d’un pari.
TEUTONS [in Les deux oncles].
C’est ainsi que l’on appelait l’ensemble des peuples de la
Germanie du Nord. Puis son usage s’est étendu pour désigner
le peuple allemand en général. Il faut dire que l’ordre teutonicjue
(moines soldats d’une grande brutalité), fondé au XIF siècle,
avait acquis une notoriété certaine.
THUNE [in La fille à cent sous - La marche des PAF].
Orthographié également tune, une thune signifiait une
aumône dans le jargon populaire du XVIF siècle. C’est ainsi
que le chef des gueux était surnommé, par dérision, le roi des
tunes. Le nom de thune fut donné au début du XIX® siècle à
l’ancienne pièce de cinq francs. Désormais, une thune n’a plus
d’équivalent monétaire et quand on n’en a pas, on est bien
démuni. C’est pourquoi faire rimer thune avec fortune a une
saveur particulière.
TITI [in Supplique pour être enterré à la plage de Sètej.
Beaucoup y voient l’abréviation de ouistiti. Titi est le syno-
nyme de Gavroche et de Poulbot, ces deux personnages
emblématiques de la capitale. Le titi parisien (un pléonasme
ou peu s’en faut) est jeune, bavard, déluré et, enclin à l’impet'
tinence, ne craint pas de railler qui se trouve sur son chemin.
Casquette sur l’œil, foulard autour du cou, arpentant les grands
boulevards ou les quartiers populaires, le titi parle argot avec
un accent parisien prononcé.
TOCARD [in Lèche-cocu - Quand les cons sont braves].
Dénué de tout savoir-faire, privé de capacités physiques ou
intellectuelles, le tocard n’est vraiment pas gâté, il est de peu
de valeur. Les parieurs misent rarement sur un tocard, car ce
substantif désigne aussi un mauvais cheval.
TOISON D’OR [in Bécassine].
Les premiers chercheurs d’or déposaient des peaux de
mouton dans le lit des rivières aurifères, ainsi les particules
d’or pouvaient-elles s’y accrocher. Mais la mythologie nous
raconte une tout autre histoire : celle de Jason parti chercher
la Toison d’or, cette peau de bélier sur laquelle Phrixos s’était
envolé. Embarqué avec les Argonautes à bord du navire Argo,
Jason fit un long voyage aux multiples rebondissements.
Suspendue dans le bois d’Arès, la Toison d’or était gardée
par un serpent monstrueux qui ne dormait jamais. Grâce aux
sortilèges de Médée, Jason finit par s’en emparer et la rapporta
à Pélias.
La Toison d’or symbolise la conquête de ce que la raison
juge inaccessible. Une fois encore, on appréciera le jeu de mots
introduit par Georges Brassens : Bécassine, blonde comme les
blés, pouvait-elle avoir une autre toison que d’or ?
TOMBER COMME À GRAVELOTTE [in Honte à qui
peut chanter].
Gravelotte est une commune de Moselle située non loin
de Metz. C’est là que Français et Allemands s’opposèrent
en 1870. L’hécatombe fut effroyable et près de huit mille
hommes y périrent, vingt mille y furent blessés sous une pluie
de balles et de munitions. Que de sang pour une expression...
TOMBER DES NUES [in Je rejoindrai ma belle].
Les nues sont les masses de vapeur d’eau que recèle l’atmo­
sphère. Lorsque l’on tombe des nues, on tombe de bien haut.
C’est dire si la surprise et l’étonnement sont considérables.
TOMBER EN QUENOUILLE [in S’faire enculer].
Au Moyen Age, la quenouille était l’emblème de la femme.
Tomber en quenouille qualifiait une succession qui, faute d’héri­
tiers mâles, était dévolue à des héritières de sexe féminin. Par
extension, cette expression peut s’utiliser pour ce qui devient
l’apanage des femmes. Mais c’est à tort qu’elle est employée à
propos d’un projet qui tourne court.
TOMMIES [in Les deux oncles].
Tommy, au singulier et en anglais, est le diminutif du
prénom Thomas. Dans les exemples qui illustrent les règle­
ments militaires britanniques, tommy personnifie le simple
soldat. Immédiatement, les soldats anglais furent affublés de
ce surnom et devinrent des tommies.
TONNEAU DES DANAÏDES [in Celle pour qui j'en
pince - La nymphomane].
Durant leurs nuits de noces, les cinquante filles de Danaos,
à l’exception de l’aînée, tuèrent leurs maris respectifs et cela
pour obéir à leur père. Pour expier ce crime, les Daruüdes
furent envoyées dans le Tartare où elles furent condamnées à
remplir d’eau un tonneau percé.
Le tonneau des Danaides est un trou sans fond et symbolise
une tâche interminable et désespérante et, plus encore, une
source de dépenses infinies.

TONNERRE DE BREST tin C'était un peu leste -


La ronde des jurons - Uorage].
Installé sur la Penfeld, rivière qui se jette dans la rade de
Brest, le bagne d’alors était équipé d’un canon dont l’usage
exclusif était le signalement des évasions. Ce canon fut vite
baptisé le Tonnerre de Brest bien que cette ville ne connaisse
pas plus d’orages qu’une autre.

TOUPET [in La tondue - Le cocu - Le grand chêne].


Dans La tondue, Georges Brassens utilise à plein le double
sens de ce mot. Si le toupet est une touffe de cheveux portée
au sommet du front, avoir du toupet, c’est ne pas manquer
d’aplomb. Il fallait en effet de l’audace pour arborer un toupet
lors des sombres heures de l’épuration.
Quant au couple adultère qui lorgne sur la portion du cocu
dans la chanson éponyme, il ne manque pas de hardiesse
non plus.

TOURNEMAIN (EN UN) [in Celui qui a mal tourné -


Tant qu'il y a des Pyrénées].
En aussi peu de temps qu’il n’en faut pour tourner la
main, voilà ce que cette expression signifie ; c’est-à-dire en un
instant. À ne pas confondre avec le tour de main qui, s’il
permet d’exécuter quelque chose rapidement, ne se rapporte
qu’à l’hahileté manuelle que confère l’expérience.
TOUT DE GO [in Brave Margot].
Go vient du verbe gober : avaler tout d’un seul trait.
La locution tout de go (originellement tout de gob) peut se
substituer à : sans façon ni cérémonie, sans difficulté, sans
précaution, librement, d’emblée.
TOUTE HONTE BUE [in Le blason - Le moyenâgeux
- Révérence parler].
Quand on a connu toutes sortes de hontes et d’avanies,
on ne craint plus le déshonneur et la pudeur vous aban-
donne. C’est ce qui semble être arrivé à François Villon
(in Testament I) :
« En l'an trentième de mon âge,
Que toutes mes hontes j’eus bues... »
TOUT-VENANT [in Bécassine - Le cocu].
Le tout'Venant est à l’opposé du dessus du panier. C’est la
marchandise ordinaire, souvent de qualité médiocre.
TRAIN DE PLAISIR [in Uandropause].
Au début du chemin de fer, le train de plaisir connut une
certaine vogue. Pour un prix réduit, ce train spécial condui­
sait directement les voyageurs dans un lieu déterminé et les
ramenait à leur point de départ après une journée de détente.
Celui qu’évoque Georges Brassens est d’une tout autre nature
et semble sans retour !
TRAIN DE SÉNATEUR [in Trompe-la-mort].
Celui qui va d’un train de sénateur ne doit pas être parti­
culièrement pressé. 11 avance en effet d’une démarche lente
et grave à l’instar des honorables têtes chenues qui siègent
dans cette haute assemblée.

TRAMONTANE (PERDRE LA) [in Je suis un voyou].


Ce vent du nord-ouest qui souffle sur la Méditerranée
n’est pas ce qu’a perdu Georges Brassens dans cette chanson.
Il évoque la Stella tramontana, l’étoile Polaire que les Italiens
aperçoivent vers le nord au-delà des monts, puisque les Alpes
sont au nord de leur pays.
Or, en aucun cas, l’étoile Polaire ne devait être perdue par
les premiers navigateurs qui ne disposaient guère que de cette
étoile pour se situer en latitude. Perdre la tramontane, c’est
être désorienté, déboussolé et ne plus savoir comment se
diriger puisque l’on a perdu le nord.

TREILLE [in Le vin].


« La chaude liqueur de la treille... » L’ivresse décuplerait-elle
l’imagination pour qu’autant d’expressions imagées désignent
le vin ? La treille est ce cep de vigne que l’on fait pousser le
long d’un support, d’un treillage ou d’un mur. Le jus de la treille
est plutôt synonyme de vin de table assez ordinaire.

TRIMER [in Discours des fleurs - Martin s’en va trimer


aux champs - Pauvre Martin].
Trimer, c’est se donner beaucoup de peine et travailler dur
pour souvent n’assurer que sa subsistance. Les journaliers
devaient reprendre le trimard (la route) pour trouver quelque
besogne. Le verbe trimer est peut-être dérivé de trumer
(courir, jouer des jambes).
TROISIÈME DESSOUS [in La fille à cent sous].
La scène de l’Opéra comportait trois sous'sols où matériels et
accessoires étaient remisés. Les pièces déprisées par le public
tombaient, disait-on, dans le troisième dessous. Cette expres­
sion fit florès bien au-delà de l’Opéra et signifie : déchoir,
tomber dans le discrédit et, donc, aussi bas que possible.
Dans Le Moulin de la Sourdine, Marcel Aymé va jusqu’à
évoquer le quatrième dessous de sa conscience !

TROMPETTES DE LA RENOMMÉE [in Les trom­


pettes de la renommée].
Par allusion à la déesse aux cent bouches, représentation
allégorique de la renommée, on parle des cent trompettes de la
renommée... Ces trompettes dispersent des nouvelles, répandent
des bruits et tout cela n’est peut-être que rumeur.

TROTTIN [in La file indienne].


Employée dans un magasin ou un atelier de confection,
cette jeune fille est chargée de faire les courses. Le trottin (qui
peut tout aussi bien être un jeune garçon) assure les livraisons
des robes et chapeaux au domicile de ces dames. Pour ce faire,
le trottin trotte évidemment.

TROU DANS LA LUNE [in Le cocu].


Faire un trou dans la lune est une locution ancienne qui
a perduré dans le langage argotique tout en conservant son
sens initial : disparaître en laissant des dettes derrière soi,
faire banqueroute, se dérober furtivement et nuitamment, ne
pas tenir ses engagements. Dans Le cocu, c’est dans la lune de
miel que les trous sont faits : la femme n’a pas tenu son engage­
ment de fidélité.

TROUSSER [in Concurrence déloyale - Don Juan


- L’ancêtre - Le chapeau de Mireille - Le fantôme -
Le vent].
Une trousse désignait aussi une sorte de haut-de-chausses,
ancien vêtement bouffant ajusté aux cuisses. Trousser une
femme, c’est remonter vers le haut le bas de son vêtement et,
par extension, la connaître au sens biblique.

TROUVER (AVOIR) SON CONTENT [in Hécatombe


- Les amours d’antan].
Avoir son content d’une chose, c’est en avoir autant qu’on
peut en désirer. Trouver ce que l’on désire ou ce qui plaît,
c’est trouver son content.

TURLUPIN [in Le pornographe - Révérence parler].


Turlupin était le nom porté par les hérétiques qui furent
excommuniés en 1372 et exterminés sous Charles V. Les tur-
lupins formaient une espèce de secte qui, en Allemagne, en
France et aux Pays-Bas, soutenait que l’on ne doit avoir
honte de rien de ce qui est naturel.
Henri le Grand, dit Belleville ou encore Turlupin, fit partie
de la troupe de l’Hôtel de Bourgogne. Se produisant sur les
tréteaux des foires, il était connu pour ses farces. De nos
jours, le turlupin est en quelque sorte un mauvais plaisant qui
fait des allusions grossières et des jeux de mots d’un goût
douteux.
TURLUPINER [in La religieuse].
Cela me tracasse, me tourmente, me turlupine. Turlupiner
quelqu’un, c’est l’agacer, se moquer de lui et le tourner en
ridicule.
U
Un semblant d’accord de guitare...

* In Jeanne.
ULYSSE [in Pénélope].
C’est le roi d’Ithaque, l’époux de Pénélope et le père de
Télémaque. Personnage important de l’Iliade, Ulysse est le
héros de l’Odyssée. Ulysse signifie : victime de l’hostilité.
Diplomate ingénieux et guerrier lucide, il fut toute sa vie à la
recherche de l’absolu. Ses pérégrinations qui durèrent une
vingtaine d’années sont relatées par Homère.
La Pénélope de Brassens devra-t-elle attendre aussi long­
temps le retour de son Ulysse de banlieue ?
Va-t’en voir là-haut si j’y suis... » *

In Le testament.
VAISSEAUX (BRÛLER, VOLER SES) [in Je rejoindrai
ma belle].
« Si les forbans des eauxIOnt volé mes vaisseaux... » : dans
cette chanson, Georges Brassens a modifié l’expression brûler
ses vaisseaux. Brûler ou voler, peu importe : dans les deux cas,
on est privé des moyens de repartir.
Brûler ses vaisseaux fut une stratégie maritime. Arrivés
en territoire ennemi et privés ainsi de tout moyen de
retraite, les équipages n’avaient d’autre choix que celui
de vaincre. Guillaume le Conquérant et Fernand Cortez,
entre autres, utilisèrent cette pratique pour galvaniser leurs
troupes.
VA'T'EN'GUERRE [in Quand les cons sont braves].
Cette locution forme un nom commun masculin et
invariable ; son origine est semble-t-il récente et située
entre les deux guerres mondiales. Et cela bien que les
bellicistes aient toujours existé. Celui qui aime et recherche
le combat, qui est toujours prêt à en découdre, est un
vü't-en'guerre.
Les mots de Brassens

VENDETTA [in Vendetta}.


Cette querelle de sang peut s’éterniser dans un cycle de
représailles violentes à la suite d’un tort subi, d’un déshonneur
ou d’un crime affectant un membre d’une famille ou d’un clan.
Cette vengeance peut se poursuivre au-delà des générations
jusqu’à en oublier le motif originel. De tout temps, la vendetta
s’est pratiquée notamment dans les provinces reculées et les
pays où un état de droit n’était pas instauré. La responsabilité
de cette vengeance incombe au parent de sexe masculin
le plus proche de la victime. À défaut de pouvoir punir le
coupable lui-même, la vendetta s’exercera envers l’un de ses
proches. En latin, la vengeance se dit vindicta et, en italien,
vendetta.
VENELLE [in Je bivouaque au pays de Cocagne].
Enfiler la venelle, c’est prendre la fuite. Cette expression a
disparu, tout comme la plupart des venelles (ancien diminutif
de veine), ces toutes petites rues que l’urbanisme a proscrites
au profit de plus grandes artères.
VENTREBLEU ! [in La ronde des jurons - Les trompettes
de la renommée].
On jure bien par le corps du Christ, pourquoi pas par son
ventre ? Surtout en usage du XV= au XVIP siècle, ce juron ne
signifie pas qu’un ventre est bleu mais doit se comprendre
ainsi : par le ventre de Dieu !
VENTRE SAINT-GRIS ! [in La ronde des jurons].
Ventre sangue Christi ! Par le ventre et le sang du Christ !
Ainsi aimait encore à jurer Henri IV à qui, décidément, l’on
prête l’usage de nombreux jurons. Saint'Gris est totalement
inconnu au calendrier des saints ; c’est une contraction de
sangue Christi.
VÉNUS [in Chansonnette à celle qui reste pucelle -
Cupidon s’en fout - Entre la rue Didot et la rue de Vanves -
Histoire de faussaire - Jeanne Martin - Je bivouaque
au pays de Cocagne - La complainte des filles de joie -
Uandropause - La non^demande en mariage - La nympho'
mane - Le blason - Le bulletin de santé - Le fidèle absolu -
Le grand Pan - Le mouton de Panurge - Le moyenâgeux -
Les amours d’antan - Le sein de chair et le sein de bois
- Les trompettes de la renommée - Révérence parler -
Si seulement elle était jolie - Vénus callipyge].
Il n’est pas indifférent de constater que ce personnage
mythologique fut autant utilisé dans ses chansons par celui
qui fut considéré comme misogyne.
Déesse romaine des labours et des jardins, puis surtout de
l’amour et de la beauté, Vénus s’identifie à Aphrodite, déesse
grecque dont elle emprunte les légendes. Elle eut à Rome de
nombreux sanctuaires. Prétendant descendre d’elle. César
l’associa au culte de l’Empire romain. Symbole de la joie de
vivre par l’enivrement des sens et le plaisir esthétique, Vénus,
par la beauté qu’elle personnalise, est bien la déesse du désir
amoureux.
VÉNUS DE BARRIÈRE [in Les amours d*antan].
C’est à la barrière, porte d’entrée d’une ville, que se trou­
vait le bureau d’octroi où étaient perçues les taxes sur les
marchandises. Subsistent à Paris les pavillons de la barrière
d’Enfer (place Denfert-Rochereau) et ceux de la barrière du
Trône (place de la Nation). Les zones de la barrière étaient
déconsidérées par les bourgeois qui tenaient en profond
mépris les habitants de ces quartiers.
C’est dire si une Vénus de barrière est une pauvre Vénus de
seconde catégorie.
VERGOGNE (SANS) (in Hécatombe - Les quatre
bacheliers -P ... de toi].
Du latin classique verecundia : crainte respectueuse, réserve,
pudeur. Ce terme devenu familier était autrefois très noble.
Sans vergogne, c’est-à-dire sans honte, sans scrupule, sans
retenue, sans modestie. On ne se gêne pas, quoi !
VÉRITÉ AU FOND DU PUITS [in Histoire de faussaire
- Je bivouaque au pays de Cocagne].
Cette expression est une allusion à l’allégorie de la vérité :
une femme nue sortant d’un puits et tenant un miroir à
la main.
Honoré de Balzac (in Illusions perdues) : « La mythologie
a mis la vérité dans le fond d’un puits, ne fautàl pas des seaux
pour l’en tirer 1 » La vérité n’est-elle pas souvent difficile
à découvrir ?
VERTUDIEU ! [in La ronde des jurons].
Rarement certes, mais on rencontre aussi vertuchou !
vertubleu ! et vertubleu ! Autrement dit : par la vertu de
Dieu !
Vertudieu ! Ce juron exprime l’étonnement, l’indignation
ou la résolution. L’absence de l’article partitif de n’est pas ici
une ellipse car au XV siècle, notamment, le complément était
souvent juxtaposé, comme dans Hôtel-Dieu.
François Rabelais (in Briefve déclaration, ayant trait au
chapitre LXVII de son Quart Livre) nous précise : « Par la
vertus Dieu. Ce n’est jurement. C’est assertion moyenante
la vertus de Dieu. »

VIATIQUE [in Uancêtre].


Comme la pièce de monnaie placée dans la bouche des
morts pour payer à Caron la traversée du Styx, le viatique est
la petite somme d’argent strictement nécessaire à un voyage.
On donnait un viatique aux religieux itinérants. Mais le
viatique peut être aussi les provisions que l’on emporte pour
un déplacement. L’eucharistie administrée à un chrétien
agonisant est également nommée viatique.

VIGNES DU SEIGNEUR [in La Légion d'honneur -


Le vieux Léon].
Les vignes du Seigneur sont [e symbole biblique de l’Église.
L'Ancien Testament fait référence à plusieurs reprises à la
vigne que Dieu planta et qui symbolise le peuple d’Israël. Dans
une parabole, le royaume de Dieu est comparé à une vigne
dont les chrétiens seraient les vignerons. C’est bien ce lieu
mythique qu’évoque Georges Brassens dans ces deux chan­
sons même si, pour lui, on peut y servir du p’tit bleu.
À tort, l’usage populaire veut qu’être dans les vignes du
Seigneur corresponde à un état d’ébriété. Le film qui porte ce
titre, avec Victor Boucher comme acteur principal, est
demeuré célèbre par la scène d’ivresse que l’on peut y voir.
VILLANELLE [in Supplique pour être enterré à la
plage de SèteJ.
D’origine napolitaine, la villanelle est une sorte de poésie
pastorale chantée. Elle est composée d’une suite de tercets, la
plupart du temps heptasyllabiques, terminés par deux rimes
qui se répètent. Les parnassiens, au xw siècle, reprirent un
temps la forme de la villanelle.
Y a des petites fleurs... »

* In Au bois de mon cœur.


Y AVAIT LES PYRÉNÉES [in Tant qu'il y a des
Pyrénées].
Cette chaîne de montagnes au franchissement difficile
donna son nom au traité signé en 1659 entre la France et
l’Espagne : Louis XIV renonçait au trône d’Espagne, mais la
France retrouvait un certain nombre de places (Roussillon,
Cerdagne, Artois, Sarrebourg).
A la mort de Charles II d’Espagne, le duc d’Anjou hérita
du royaume. Comme il était aussi le petit-fils de Louis XIV,
ce dernier le présenta à la Cour comme le roi d’Espagne.
L’ambassadeur d’Espagne en France, le marquis Castel dos
Rios s’écria alors : « Il n’y a plus de Pyrénées ! »
Z et fin
ZANZIBAR [in La ballade des gens qui sont nés quelque
part].
Située dans l’océan Indien mais proche des côtes est de
l’Afrique, l’île de Zanzibar dépend de la Tanzanie après avoir
été sous protectorat anglais. Ce port très actif (coprah, pétrole,
tabac, riz) donna son nom à un jeu de dés auquel devaient
s’adonner les marins de Sa Très Gracieuse Majesté.
ZÉPHYR [in Le chapeau de Mireille].
Dans la mythologie grecque. Zéphyr est fils d’Eole et
d’Aurore. Il est représenté en jeune homme, la tête couronnée
de fleurs et volant grâce à des ailes de papillon. Il est ce vent
d’ouest, calme et agréable en terre mais dont la puissance est
redoutée en mer. C’est pourquoi les marins lui offraient une
brebis blanche en sacrifice pour calmer ses ardeurs au large.
Eole, gardien des vents, chargea Zéphyr de ramener Ulysse
sans encombre au pays.
ZIZANIE [in Tonton Nestor].
Du grec zizanion (ivraie, mauvaise herbe). Le sens figuré
date de la parabole de l’ivraie qui doit être séparée du bon
grain (in Matthieu XIII). Si l’ennemi du bon laboureur sème
de l’ivraie dans le champ, il sème la zizanie.
Mettre la zizanie ou la semer, c’est faire naître la discorde,
créer la mésentente.
ZONE [in La princesse et le croque-notes - Retouches à
un roman amour de quatre sous].
Au milieu du XlX'^ siècle, fut édifié à Paris un mur d’enceinte
constituant une zone militaire fortifiée. Au-delà, une zone
de deux cent cinquante mètres de large, non aedificandi et
déboisée, fut dès le départ des soldats investie par une popu­
lation démunie. Des ouvriers contraints de quitter leur
logement parisien devant la spéculation immobilière, des
paysans chassés par l’exode rural installèrent sur cette zone un
habitat précaire que l’on n’appelait pas encore bidonville.
Inévitablement, cette zone devint aussi un refuge de margi­
naux et de gueux.
ZOUAVE/ZOUZOU [in Les casseuses - Les ricochets].
Le zouave est un soldat d’un corps d’infanterie créé en
Algérie au début de sa conquête par la France en 1830.
Par ce diminutif familier, zouzou, Georges Brassens fait
évidemment allusion au zouave dont la statue de pierre orne
l’une des piles du pont de l’Alma. Les Parisiens avaient l’habi­
tude de mesurer l’ampleur des crues de la Seine en regardant
à quel niveau ce zouave était immergé par le fleuve.
A nnexes
Les expressions détournées

Je chante pour le peuple, je chante des bcutions faites par le peuple,


des bcutions que b peuple vit et quil ressent dans son cœur.
Georges Brassens

En découvrant Ténumération incomplète qui suit, on réali­


sera que la transformation d^expressions familières est un procédé
qu’utilisa fréquemment Georges Brassens. Souvent facétieuses,
parfois poignantes, toujours originales, les locutions ainsi créées
s’intégrent de manière harmonieuse et pertinente au corps de la
chanson. Maintes fois à double détente, elles illustrent à la fois
l’humour et le pouvoir suggestif de leur auteur.
À bras raccourcis
G.B. *Jurant à langue raccourci ...
(in La ronde des jurons)
À bride abattue
G.B. Je leur rends les honneurs à fesses rabattus...
(in Le bulletin de santé)
Accueillir à bras ouverts
G.B- Le marchand nous reçut à bras fermés.
(in Qrand-père)
À contrecœur
G.B. A contre-sous, à contrecœur...
(in Les croquants)
Aller se faire voir ailleurs
G.B. Quand Jupiter alla se faire entendre ailleurs...
(in Uorage)
Arriver avec ses gros sabots
G.B. Quand il les voit venir, avec leur gros drapeau.
(in Mourir pour des idées)
Au péril de sa vie
G.B. Au péril de mon cœur, la malheureuse écorne..
(in Le cocu)

' Ge(îrges Brassens.


Avoir des châteaux en Espagne
G.B. J'ai mêm' des tombeaux en Espagne...
(in La ballade des cimetières)
G.B. Où les châteaux sont plus d’Espagne...
(in Les châteaux de sable)
G.B. De ceux qui font des châteaux à Cy thère...
(in Quatre-vingt-quinze pour cent)
Avoir Bair de revenir de Pontoise
G.B. Moi, je débarquais
Tout droit de Pontoise.
(in La fille du passeur)
Avoir le feu sacré
G.B. Le feu sacré brillait par son absence...
(in Cupidon s^en fout)
Avoir les chevilles qui enflent
G.B. Mon « la » se mettrait à gonfler...
(in Le petit joueur de flûteau)
Avoir un œil qui dit merde à Bautre
G.B. A une fess’ qui dit merde à l’autre...
(in Qrand-père)
Avoir une tête à claques
G.B. Avec des fess’ à claque et des chapeaux pointus.
(in Les quatYarts)
B
Bête de somme
G,B. La pauvre vieille de somme,,, (in Bonhomme)

Carthage doit être détruite (Carthago delenda est)


G.B. Car vous m'avez détruit, anéanti comme Carthage,,,
(in Méchante avec de jolis seins)
C^est à y perdre son latin
G.B. Perdons pas notre latin
Au profit des pantins,,,
(in La femme d^Hector)
C^est une tempête dans un verre d^eau
G.B. Tempête dans un bénitier,,,
(in Tempête dans un bénitier)
Chercher des poux dans la tête
G.B. Tandis quelle lui cherchait des poux dans la tonsure,,,
(in Les trompettes de la renommée)
Crime de lèse-majesté
G.B. Crime de lèse-hergerette,,,
(in Clairette et la fourmi)

D
Démon de midi
G.B- Démon de Vénus,,,
(in Le sein de chair et le sein de bois)
Des contes à dormir debout
G.B. Des contes à mourir debout quon me consacre...
(in Le bulletin de santé)
Des pleurs et des grincements de dents
G.B. Il ny aura pas de pleurs dans les gentilhommières,
Ni de grincements de fesses dans les chaumières...
(in Uandropause)
Détournement de mineur
G.B. Se livrent au détournement
De majeur et, vénalement...
(in Concurrence déloyale)
Du bois dont on fait les flûtes
G.B. On était du même bois
Un peu rustique, un peu brut.
Dont on fait n importe quoi
Sauf, naturellement, les flûtes...
(in Auprès de mon arbre)

Empêcheur de tourner en rond


G.B. A bout de tous ces empêcheurs d'enterrer en rond.
(in Qrand'père)
En chaque homme, il y a un cochon qui sommeille
G.B, Que le fameux cochon, le pourceau d'Epicure
Qui sommeillait en moi ne s'éveillera plus.
(in Uandropause)
Être pris entre deux feux
G.B. On me verrait pris dans cette hypothèse
Entre deux mégères ardentes,
Entre deux feux : l'enfer de Cervantès
Et l'enfer de Dante !
(in Entre VEspagne et VItalie)

Faire feu de tout bois


G.B. Au printemps, Cupidon fait flèche de tout bois.
(in Les amours d^antan)
Faire Fécole buissonnière
G.B. J' ferai la tombe buissonnière,..
(in Le testament)
G.B. F'ront l'églis' buissonnière...
(in Tempête dans un bénitier)
Faire table rase
G.B. Avait fait plage rase, avait annihilé...
(in Uinestimable sceau)
Faire ses quatre volontés
G.B. Pair' mes quat' voluptés dans ses quartiers de noblesse.
(in Les trompettes de la renommée)
Faute de grives, on mange des merles
G.B. Faute de fleur de lis, on eut la pâquerette...
(in Les amours d^antan)
Fermé pour cause de décès
G.B. En marquant dessus « Fermé jusqu à la fin des jours
Pour cause d'amour »...
(in Embrassedes tous)

Garder une poire pour la soif


G.B. On se garde à vue,
En cas de soif, u-
Ne poire,.. (in Le vin)

H
Hurler à la mort
G.B. Que, sans écho, dans les cours.
Nous hurlons à l'amour...
(in La femme d^Hector)

I
Il ne faut jamais remettre au lendemain
ce que Fon peut faire le jour même
G.B. Mieux vaut toujours remettre une salve à demain.
(in Les deux oncles)
Il ne faut pas vendre la peau de Fours
avant de Favoir tué
G.B. Sachez que vous avez vendu les génitoires,
Révérence parler, de l'ours un peu trop tôt,..
(in Uandropause)
II n’y a pas de fumée sans feu
G.B. Où brillait sans se consumer
Un genre de feu sans fumée...
(in Histoire de faussaire)
Il n’y a pas de quoi fouetter un chat
G. B. Un y a vraiment pas là de quoi fouetter un cœur.
(in Pénélope)

Jeter des perles aux pourceaux


G.B. Ne jetons pas les morceaux
De nos cœurs aux pourceaux...
(in La femme d^Hector)
Jeter son froc (sa soutane) aux orties
G.B. Sur ces entrefaits-là, trouvant dans les orti's
Une soutane à ma taill, je m'en suis travesti.
(in Le mécréant)
Jusqu’à ce que mort s’ensuive
G.B. Jusqu'à ce qu amour s'ensuive...
(in Embrasse-les tous)

Lâcher la bride à quelqu’un


G.B. Et plus j'lâch' la bride à mon émoi...
(in Le fossoyeur)
La fleur au fusil
G.B. J'ai conspué Franco la fleur à la guitare...
(in Tant quHl y a des Pyrénées)
La loi est dure, mais c^est la loi (Dura lex, sed lex)
G.B. La loi d'la pesanteur est dur , mais c'est la loi.
(in Vénus callipyge)
Uamour est aveugle
G.B. Lamour se fait vieux,
Il a plus les yeux
Bien en face.
(in Le bistrot)
Le jeu n^en vaut pas la chandelle
G.B. Si l'amour vaut pas la chandelle...
(in Le mouton de Panurge)
Les conseilleurs ne sont pas les payeurs
G.B. Lors, en bonne justice, il est déconseillé
De donner des conseils, surtout s'ils sont payés.
(in Le vieux Normand)

M
Manger la laine sur le dos
G.B. Mesdam's en vous laissant manger le plaisir sur le dos.
(in Quatre-vingt-quinze pour cent)
Mener par le bout du nez
G.B. Puis qui vous mèn' par le bout du cœur.
(in Une jolie fleur)
Mettre de Peau dans son vin
G.B. Qu je n’ mettais pas de vin dans mon eau,..
(in Celui qui a mal tourné)
Mettre le couteau sous la gorge
G.B. Ma m f, de grâce, ne mettons
Pas sous la gorge à Cupidon
Sa propre flèche...
(in La non^demande en mariage)
Mouton de Panurge
G.B. Vénus de Panurge...
(in Chansonnette à celle qui reste puceïle)

N
Ne pas être né de la dernière pluie
G.B. Petits cons d'la dernière averse...
(in Le temps ne fait rien à Vaffaire)
Ne pas voir plus loin que le bout de son nez
G.B. Amour d'un sou qui n allait, certes,
Guèr plus loin que le bout d'son lit.
(in Le temps passé)
Ne plus savoir où donner de la tête
G.B. Ne savais plus où donner de la bouche...
(in Une jolie fleur)
G.B. Que je ne sache plus où donner de la corne...
(in Le cocu)
O
Ouvrier de la onzième heure
G.B. Orphelin de la onzième heure.
(in Uorphelin)

Passer par les armes


G.B. PasseAes tous par tes charmes...
(in EmhrasseAes tous)
Péter plus haut que son cul
G.B- Les gens avaient à cœur de mourir plus haut que leur cul.
(in Les funérailles d^antan)
Prendre la clef des champs
G.B. O vous qui prenez aujourd'hui la clef des deux...
(in Les deux oncles)
G. B. Prit la clef du champ de navets...
(in Le revenant)
Prendre la vie comme elle vient
G.B. A prendr' la mort comme elle vient...
(in Le fossoyeur)
G.B, Que prendre, surAe-champ, l'ennemi comme il vient...
(in Les deux oncles)
Présumer de ses forces
G.B. Que vous présumez trop, en somme, de vos fesses...
(in Vénus callipyge)
Punaise de sacristie
G.B. Ces punais's de salon de thé...
(in Concurrence déloyale)

R
Ralliez-vous à mon panache blanc
G.B. Tous les cœurs se rallient à sa blanche cornette...
(in La religieuse)
Ranimer la flamme du Soldat inconnu
G.B. En train de ranimer la flamme
Du soldat qui lui était connu...
(in La ballade des cimetières)
Ressembler à quelqu'un comme deux gouttes d^eau
G.B. Son pain ressemble à du gâteau
Et son eau à du vin comm’ deux gouttes d'eau...
(in Jeanne)

Sauve qui peut ! Les femmes et les enfants d^abord !


G.B. Sauve qui peut ! Le vin et le pastis d'abord !
(in Supplique pour être enterré à la plage de Sète)
G.B. J'aurais crié : « Les femm's adultères d'abord ! »
(in A Vombre des maris)
Savoir-vivre
G.B. Quand on est un sa­
ge, et qu'on a du sa­
voir-boire...
(in Le vin)
S^endormir sur ses lauriers
G.B. Sur mon brin de laurier je dormais comme un loir.
(in Les trompettes de la renommée)
Se refaire une santé
G.B. Me refaire une honnêteté.
(in Celui qui a mal tourné)
Se ranger des voitures
G.B. Viens Pépère on va se ranger des corbillards.
(in Les quatYarts)
Suivre son petit bonhomme de chemin
G.B. En suivant ton petit bonhomme de bonheur...
(in Pénélope)
G.B. En suivant mon chemin de petit bonhomme...
( in La mauvaise réputation)

Toucher à la Terre promise


G.B. Toucher à la fesse promise.
(in Lèche-cocu)
Tourner autour du pot
G.B. Le sage, en hésitant, tourne autour du tombeau.
(in Mourir pour des idées)
Tourner sept fois sa langue dans sa bouche
G.B. Mieux vaut tourner sept fois sa crosse dans la main.
(in Les deux oncles)
G.B. Dans ma gueul de bois
J'ai tourné sept fois
Ma langue...
(in Le vin)
Tous les chemins mènent à Rome
G.B. L'amour qui mène à Rom'...
(in Le pornographe)
G.B. En suivant les ch'mins qui n' mènent pas à Rome.
(in La mauvaise réputation)
Travailler pour le roi de Prusse
G.B. La belle qui couchait avec le roi de Prusse...
(in La tondue)

U
Une hirondelle ne fait pas le printemps
G.B. L'hirondelle en partant ne fera plus l'automne.
(in Le vingt^deux septembre)

V
Voir Venise et mourir
G.B. Voir votre académie, Madame, et puis mourir.
(in Venus callipyge)
Réminiscences littéraires

En arrivant à Paris en 40, je me suis aperçu que je ne savais rien


faire. Alors je me suis abîmé dans la lecture.
On n invente rien tout seul, bien sûr.
Avec le temps, je me suis aperçu que dans chaque poète qui avait un
peu duré on devait trouver une manne nourricière.
Georges Brassens

Loin de renier les influences, Georges Brassens les revendis


quait. Son appétit de lecture fut tel qu’il est plaisant de tenter de
retrouver quelques sources de ses inspirations. Tentative hasar^
deuse, certes, car où se situe la frontière entre influence directe
et création pure, entre mémoire et imagination, entre vague
réminiscence et emprunt conscient ?
Les exemples qui suivent n’engagent évidemment que celui
qui les énumère. La liste ainsi dressée, loin d’être exhaustive, ne
constitue qu’une proposition.
Alain (in Propos sur VesthétiquCy 1923) :
Je n'ai vu qu'un seul arbre, mais je l'ai vu.
Georges Brassens (in Le fidèle absolu) :
Je n'ai vu qu'un seul arbre, un seul, mais je l'ai vu,
[...]
Je n'ai vu qu'un village, un seul, mais je l'ai vu.
Guillaume Apollinaire (in Alcoob : Le pont Mirabeau, 1913) :
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
Lajoie venait toujours après la peine.
Georges Brassens (in Les ricochets) :
On s'étonn'ra pas
Si mes premiers pas
Tout droit me menèrent
Au pont Mirabeau
Pour un coup de chapeau
À l'Apollinaire.
Guillaume Apollinaire (in Les Onze Mille Verges ou Les Amours
d^un hospodar, 1906) :
Ci-gît le prince Vibescu
Unique amant des onze mille verges
Mieux vaudrait, passant I Sois-en convaincu
Dépuceler les onze mille vierges.
Georges Brassens
(in Chansonnette à celle qui reste pucelle) :
Sache surtout qu'on
Peut être passée par
Onze mille verges,
Et demeurer vierge.
Paradoxe à part.
Louis Aragon [titre d'un livre, 1934] :
Hourra VOural
Georges Brassens (in Les illusions perdues) :
Les lendemains chantaient. Hourra l'Oural ! Bravo !
Théodore Agrippa d^Aubigné (in Les Tragiques, chant IV :
Les feux, 1616) :
Une rose d'automne est plus qu'une autre exquise...
Georges Brassens (in A Vomhre des maris) :
Qu'une femme adultère est plus qu'une autre exquise...
Honoré de Balzac (in Le Père Qoriot, 1834) :
Bianchon, à moitié gris, oublia de questionner Michonneau sur
Trompe-la-Mort.
Georges Brassens [titre d’une chanson] :
Trompeda^mort
Honoré de Balzac (in Le Père Qoriot, 1834) :
A nous deux maintenant ! [phrase prononcée par Rastignac,
contemplant Paris]
Georges Brassens (in Les ricochets) :
J'entrai pas aux cris
D'^ A nous deux Paris »
En Ile-de-France
Que ton Rastignac
N'ait cure, 6 Balzac J
De ma concurrence.
Jules Barbey Aurevilly (in Les Diaboliques VI : La ven­
geance d^une femme, 1874) :
...Et avec la fierté d'une bassesse qui était sa vengeance.
Elle ajouta : «Je ne suis qu'une fille à cent sous. »
Georges Brassens (in La fille à cent sous) :
Un plus soûlaud que moi, contre un' pièc' de cent sous.
M'avait vendu sa femme.
Charles Baudelaire (in Les Fleurs du mal : Toute entière, 1857) :
Puisqu'en elle tout est dictame
Rien ne peut être préféré.
Georges Brassens (in Rien à jeter) :
Tout est bon chez elle, y a rien à jeter.
Tristan Bernard :
L'amazone passait, sur le bord de la route.
Un centaure y pensait, des plus visiblement...
Lors, l'amazone triste et qu'assaille le doute :
« Est-ce à moi qu'il en veut, ou bien à ma jument ? »
Georges Brassens (in Le gorille) :
« Bah ! Soupirait la centenaire.
Qu'on pût encore me désirer.
Ce serait extraordinaire
Et, pour tout dire, inespéré ! »
Le juge pensait, impassible :
« Qu'on me prenne pour une guenon.
C'est complètement impossible... »
La suite lui prouva que non !
Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre [titre d’un roman,
1788]:
Paul et Virginie
Georges Brassens (in Sale petit bonhomme) :
Il effaça du mur lindélébile phrase :
« Paul est épris de Virginie, »

Nicolas Boileau (in Art poétique ychant I, 1674) :


Imitons de Marot l'élégant badinage,
Et laissons le burlesque aux plaisants du Pont Neuf.
Georges Brassens (in Révérence parler) :
Imitant de Marot l'élégant badinage,
J'eusse aimé célébrer sans être inconvenant.

Pierre Corneille (in Le Cid, acte II, scène 8, 1636) :


Sur moi seul doit tomber l'éclat de la tempête :
Quand le bras a failli, l'on en punit la tête.
Qu'on nomme crime, ou non, ce qui fait nos débats.
Sire, j'en suis la tête, il n'en est que le bras.
Georges Brassens (in Le mauvais sujet repenti) :
EU' était r corps, naturell'ment.
Puis moi la tête...

Alphonse Daudet (in Lettres de mon moulin, 1869. Titre d’une


nouvelle) :
Le curé de Cucugnan
Georges Brassens (in Le mérinos) :
Et le curé de Cucugnan
Baptise le monde en se plaignant.
Marceline Desbordes-Valmore (in Poésies inédites : La couronne
effeuillée 1830) :
J

J’irai, j’irai porter ma couronne effeuillée


Au jardin de mon père où revit toute fleur,..
Georges Brassens (in La route aux quatre chansons) :
Hélas ! Du jardin de mon père
La colombe s'est fait la paire...
Denis Diderot (in Les Deux Amis de Bourbonnc, 1770) :
Il y avait ici deux hommes, quon pourrait appeler les Oreste
et Pylade de Bourhonne,
Georges Brassens (in A Vombre des maris) :
Mais, son mari et moi, c'est Oreste et Pylade.
Alexandre Duval (in Les Héritiers, 1820) :
Oh ! Le bon tour ! Je ne dirai rien, mais
Cela fera du bruit dans Landerneau.
Georges Brassens (in A Vombre du cœur de ma mie) :
Aux appels de cet étourneau.
Grand branle-bas dans Landerneau...
René Fallet (in La Fleur et la Souris, 1948) :
... une sale gosse de seize ans, une pucelle épeurée qui jouait au
voyou de jupe et à la sirène de barrière.
Georges Brassens (in Les amours d^antan) :
Des nymphes de ruisseau, des Vénus de barrière...
Georges Fourest (in La Négresse blonde : Le vieux saint, 1909) :
Père qui subis deux fois.
Saint de chair et saint de bois.
Le martyre pour la foi...
Georges Brassens (in Le sein de chair et le sein de bois) :
Que nous allions bientôt pâtir de prendre
Le sein de bois pour le vrai sein de chair.

Georges Fourest (in Le Qéranium ovipare : Un homme, 1935) :


Quand le docteur lui dit : « Monsieur, c^est la vérole
Indiscutablement J », quand il fut convaincu
Sans pouvoir en douter qu'il était bien cocu...
Georges Brassens (in Uandropause) :
A l'hôpital Saint-Louis, l'autre jour, ma parole.
Le carabin m'a dit : « On ne peut s'y tromper.
En un mot comme en cent. Monsieur, c'est la vérole. »

Anatole France [titre d’un livre, 1912] :


Les dieux ont soif
Georges Brassens (in Mourir pour des idées) :
Les dieux ont toujours soif, n'en ont jamais assez-

Anatole France (in Le Lys rouge, 1894) :


Le gouvernement apparent, composé de pauvres diables piteux,
miteux, marmiteux et calamiteux, est aux gages des financiers.
Georges Brassens (in Le bistrot) :
Tous les marmiteux.
Les calamiteux
De la place.

Léon Frapié (in La Maternelle, 1904) :


Il est trop vilain, cet avorton : il faut que je l'embrasse !
Georges Brassens (in Don Juan) :
Cette fille est trop vilaine, il me la faut.
Théophile Gautier [titre d’un recueil de poèmes, 1852] :
Emaux et camées
Georges Brassens (in Le Père Noël et la petite fille) :
Tous les camés, tous les émaux...
Johann Wolfgang von Goethe (in Maximes et réflexions, 1833) :
Si un arc-en^ciel dure un quart d'heure, on ne le regarde plus.
Georges Brassens (in Uarc-en-ciel d^un quart d^heure) :
L'arc-en-ciel qui dure un quart d'heure
Personne ne l'admire plus.
Victor Hugo (in Les Rayons et les Ombres : Oceano nox, 1840) :
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune...
Georges Brassens (in Uandropause) :
Et, par les nuits sans lune avec jubilation...
Victor Hugo (in Les Chants du crépuscule : Oh! nHnsultez
jamais une femme qui tombe !, 1835) :
Oh ! n'insultez jamais une femme qui tombe !
Qui sait sous quel fardeau la pauvre âme succombe !
Georges Brassens (in Uandropause) :
O, n'insultez jamais une verge qui tombe I
Jean de La Fontaine (in Adonis, 1658) :
Jours devenus moments, moments filés de soie.
Georges Brassens (in Le grand chêne) :
Il eût connu des jours filés d'or et de soie...
Jean de La Fontaine (in Fables, livre I, fable 5 : Le loup et le
chien) :
Cela dit, maître loup s'enfuit, et court encor.
Georges Brassens (in Le vieux fossile) :
Quand étant passé sur son corps,
Lon s'enfuit et l'on court encore.
Georges Brassens (in La rose, la bouteille et la poignée
de main) :
La deuxième s'enfuit et court
Encore en criant : « Au secours ! »
Jean de La Fontaine (in Fables, livre I, fable 22 : Le chêne
et le roseau) :
Le chêne un jour dit au roseau :
Vous avez bien sujet d'accuser la nature...
Georges Brassens (in Le grarul chêne) :
Lui tournant tout autour chantaient in extenso
L'histoire du chêne et du roseau...
Jean de La Fontaine (in Fables, livre II, fable 12 : La colombe
et la fourmi) :
Passe un certain croquant qui marchait les pieds nus.
Georges Brassens (in U épave) :
Un certain va-nu-pieds qui passe et me trouve ivre...
Jean de La Fontaine (in Fables, livre VII, fable 1 : Les animaux
malades de la peste) :
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Georges Brassens (in Don Juan) :
Quand la canaille crie : « Haro sur le baudet ! »
Jean de La Fontaine (in Fables, livre VII, fable 1 : Les animaux
malades de la peste) :
Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout le mal.
Georges Brassens (in La visite) :
On n'était pas des Barhe-Bleue,
Ni des pelés, ni des galeux,
Porteurs de parasites.
Jean de La Fontaine (in Fables, livre VI, fable 16: Le cheval
et Vâne) :
En ce monde il se faut l'un l'autre secourir.
Jean de La Fontaine (in Fables, livre VIII, fable 17 : Uâne
et le chien) :
Il se faut entraider ; c'est la loi de la nature.
Georges Brassens (in Le mauvais sujet repenti -
Souvenirs de parvenue) :
On s'aida mutuellement.
Comme dit l' poète.
Jean de La Fontaine (in Fables, livre III, fable 1 : Le meunier,
son fils et Vâne) :
Parbleu ! dit le meunier, est bien fou du cerveau
Qui prétend contenter tout le monde et son père.
Georges Brassens (in A Vombre du cœur de
ma mie) :
Tout le monde et son père accourt
Aussitôt lui porter secours.
Jean de La Fontaine (in Fables, livre III, fable 1 : Le meunier,
son fils et Vâne) :
Le plus âne des trois n'est pas celui qu'on pense.
Georges Brassens
(in La traîtresse) :
Le plus cornard des deux n'est point celui qu'on croit.
Jean de La Fontaine (in Fables y livre II, fable 5 : La chauve-
souris et les deux belettes) :
Le sage dit, selon les gens :
Vive le Roi ! Vive la Ligue !
Georges Brassens (in Oncle Archibald) :
Tu pourras crier : Vive le roi !
Sans intrigue...
Si lenvi te prend de changer,
Tu pourras crier sans danger :
Viv' la Ligue !
Jules Laforgue (in Les Complaintes : Falot, falote, 1885) :
Fabt, falote !
La petite vieille qui trotte,
Par le bois au temps pluvieux,
Cassée en deux sous le fagot
Qui réchauffera de son mieux
Son vieux fricot I
Fabt, fabt !
Georges Brassens (in Bonhomme) :
Malgré b bise qui mord
La pauvre vieille de somme
Va ramasser du bois mort
Pour chauffer Bonhomme...
Jules Laforgue (in Les Complaintes : La complainte du sage
de Paris, 1885) :
Il rit d'oiseaux, le pin dont mon cercueil viendra !
Mais ton cercueil sera sa mort !
Georges Brassens (in Le testament) :
Est-il encore debout b chêne
Ou le sapin de mon cercueil 1
Alphonse de Lamartine (in Odes politiques : À Némésis,
1831):
Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle,
S'il na l'âme et la lyre et la voix de Néron,
Pendant que l'incendie en fleuve ardent circule
Des temples aux palais, du Cirque au Panthéon !
Georges Brassens (in Honte à qui peut chanter) :
Honte à cet effronté qui peut chanter pendant
Que Rome brûle, elle brûl' tout l' temps,..
Lê Dat (in Temps de la pure clarté : Thanh minh) :
Ton âme est ici ou ailleurs
Ferait-elle la tombe buissonnière 1
Georges Brassens (in Le testament) :
J'ferai la tombe buissonnière,
y quitterai la vie à reculons...
[Le poète vietnamien Lê Dat, né en 1929, a été interdit de publication
de 1956 à 1994 pour cause de dissidence... Il est donc difficile de dater
ses vers...]
Paul Léautaud (in Journal littéraire) :
Celui qui meurt pour une idée est un imbécile.
Georges Brassens (in Les deux oncles) :
Qu'aucune idé' sur terre est digne d'un trépas...
Georges Brassens (in Mourir pour des idées) :
Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente...
Pierre Mac Orlan (in La Clique du Café Brebis, 1951) :
Margot la lavandière et Fanchon la blanchisseuse...
Georges Brassens (in Les amours d^antan) :
Moi, mes amours d'antan, c'était de la grisette :
Margot, la blanche caille, et Fanchon, la cousette...
Stéphane Mallarmé (in Apparition, 1863) :
La lune s'attristait, des séraphins en pleurs
Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs.,.
Georges Brassens (in faire enculer) :
La lune s'attristait. On comprend sa tristesse...

Stéphane Mallarmé (in UAzur, 1864) :


Je suis hanté, l'azur, l'azur, l'azur.
Georges Brassens (in Le bulletin de santé) :
Je suis hanté : le rut, le rut, le rut, le rut !

Albert Marchon (in Le Bachelier sans vergogne, 1939) :


Et ce regard me réconforte, tel un grand feu dans l'âtre.
Georges Brassens (in Chanson pour LAuvergnat) :
Et dans mon âme il brûle encor'
A la manière d'un feu de joi'.

Guy de Maupassant (in Misti, 1884) :


J'avoue même que certains époux communs ou grossiers me dégoûtent
de leurs femmes, quelque charmantes qu'elles soient.
Georges Brassens (in À Lombre des maris) :
Il convient que le bougre ait une bonne poire
Sinon, me ravisant, je détale à grands pas...

Molière (in Le Misanthrope, acte I, scène 1, 1666) :


Vo^/ons, Monsieur,
Le temps ne fait rien à l'affaire !
Georges Brassens (in Le temps ne fait rien à Vaffaire) :
Le temps ne fait rien à l'affaire.
Quand on est con, on est con.
Alfred de Musset (in Lucie : Élégie^ 1835) :
Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.
J'aime son feuillage éploré ;
La pâleur m'en est douce et chère.
Et son ombre sera légère
A la terre où je dormirai.
Georges Brassens (in Supplique pour être enterré
à la plage de Sète) :
Est-ce trop demander ? Sur mon petit lopin,
Plantez, je vous en prie, une espèce de pin.
Pin parasol de préférence.
Qui saura prémunir contre l'insolation
Les bons amis venus fair' sur ma concession
D'affectueuses révérences.

Alfred de Musset (in Premières poésies : Mardoche, IX, 1829) :


Mais jamais l'insensé, jamais le moribond,
Celui qui perd l'esprit, ni celui qui rend l'âme.
N'ont oublié la voix de la première femme
Qui leur a dit tout bas ces quatre mots si doux
Et si mystérieux : « My dear child, I love you. »
Georges Brassens (in La première fille) :
Jamais de la vie
On ne l'oubliera,
La première fill'
Qu'on a pris' dans ses bras.

Gérard de Nerval (in Les Chimères : El desdichado, 1854) :


Je suis le ténébreux, le veuf, l'inconsolé.
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie...
Georges Brassens (in Retouches à un roman d^amour
de quatre sous) :
Je joue, ça fait un effet bœuf,
Le veuf toujours en deuil, le veuf
Inconsolable.
Biaise Pascal (in Pensées, 1670) :
Lhomme nest quun roseau, le plus faible de la nature ; mais c'est
un roseau pensant. Il ne faut pas que lunivers entier s'arme pour
l'écraser : une vapeur, une goutte d'eau suffisent pour le tuer.
Georges Brassens (in Le grand chêne) :
Sans ses proches voisins, les pires gens qui soient.
Des roseaux mal pensant, pas même des bambous
S'amusant à le mettre à bout.
Gabriel Péri [titre de son autobiographie posthume, 1947] :
Les Lendemains qui chantent
Georges Brassens (in Les illusions perdues) :
Les lendemains chantaient. Hourra l'Oural ! Bravo !
Georges Brassens (in Elégie à un rat de cave) :
De tout cœur on espère que dans ce
Paradis miséricordieux,
BriU'nt pour toi des lendemains qui dansent
Où y a pas de bon Dieu.
Edgar Poe (in The RavenILe Corbeau, 1845) :
Au large je poussai le volet, quand, avec maints enjouement et agita­
tion d'ailes, entra un majestueux corbeau des saints jours de jadis.
[Traduit par Stéphane Mallarmé],
Georges Brassens (in P*** de toi) :
Un soir de plui', v'là qu'on gratte à ma porte.
Je m'empresse d'ouvrir (sans doute un nouveau chat !)...
Jacques Prévert (in Paroles : Chanson des escargots qui vont à
Venterrement, 1946):
A l'enterrement d'une feuille morte
Deux escargots s'en vont...
Georges Brassens (in Le vingt'deux septembre) :
Que le brave Prévert et ses escargots veuillent
Bien se passer de moi pour enterrer les feuilles...

Marcel Proust [titre d’un roman] :


A Pombre des jeunes filles en fleurs
Georges Brassens (in A Vombre des maris) :
Je cherche mon bonheur à l'ombre des maris.

Jean Racine (in Les Plaideurs, acte I, scène 1, 1668) :


Point d'argent, point de Suisses, et ma porte était close.
Georges Brassens (in Qrand'père) :
Chez l'épicier, pas d'argent, pas d'épices.
Chez la belle Suzon, pas d'argent, pas de cuisse...

Mathurin Régnier (in Satire posthume) :


Perclus d'une jambe et des bras.
Tout de mon long entre deux draps.
Il ne me reste que la langue
Pour vous faire cette harangue.
Georges Brassens (in Le vin) :
Avant de chanter
Ma vi', de fair' des
Harangues,
Dans ma gueul' de bois
J'ai tourné sept fois
Ma langue...
Arthur Rimbaud [graffiti sur un banc public] :
Merde à Dieu.
Georges Brassens (in Le vieux Normand) :
A toi seul de trancher s'il vaut mieux
Dire <'<amen » ou «r merde à Dieu ».
Arthur Rimbaud (in Poésies : Ma bohème, 1870) :
- Petit Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande Ourse.
- Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.
Georges Brassens (in Auprès de mon arbre) :
J'emmenais mes bell's de nuit
Faire un tour sur la Grande Ourse...
Romain Rolland (in Colas Breugnon, 1919) :
L'âne tressaute, tricote de ses fuseaux, zigzague entre deux ornières,
et de nouveau s'arrête et médite, insensible à nos objurgations.
Qeorges Brassens (in Le gorille) :
Au lieu de profiter d'la chance.
Elle fit feu des deux fuseaux !

George Sand (in Lettres à Marcie II, 1837) :


Le presbytère n'a rien perdu de sa propreté, ni le jardin de son éclat.
Gaston Leroux (in Le Mystère de la chambre jaune, 1907) :
Le presbytère n'a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat.
Jacques Prévert (in Arbres, 1976) :
Le presbytère n'a toujours
rien perdu de son charme
ni le jardin de son éclat.
Georges Brassens (in Tempête dans un bénitier) :
Le presbytère sans le latin
A perdu de son charme.
Georges Brassens (in Le progrès) :
Mais ils feraient mieux de se taire,
Ceux qui disant que le presbytère
De son charme du vieux temps passé n'a rien perdu.
[...]
Sans mentir, il faut être un brave
Fourbe pour dire, d'un ton grave.
Que le jardin du curé garde tout son éclat...
Scipion TAfricain [gravé sur sa tombe] :
Ingrate patrie, tu n'auras pas mes ossements.
Georges Brassens (in Le progrès) :
Ingrate patrie, tu n'auras pas mes feux follets...
William Shakespeare (in Richard III, acte V, scène 4, 1592) :
Un cheval ! Un cheval ! Mon royaume pour un cheval !
Georges Brassens (in Le modeste) :
De donner le trône et le reste
Contre un seul cheval camarguais...
William Shakespeare (in Hamlet, acte I, scène 4, 1600) :
Il y a quelque chose de pourri dans le royaume de Danemark...
Georges Brassens (in Le moyenâgeux) :
Y a quelque chose de pourri
Au royaum' de truanderi'.
Paul Valéry :
Il y a trois variétés de femmes : les emmerdeuses, les emmerdantes,
les emmerderesses, cette dernière catégorie comprenant celles qui
amènent l'homme à la passivité totale.
Georges Brassens (in Misogynie à part) :
Emmerdante, emmerdeuse, emmerderesse itou...
Paul Valéry (in Charmes : Le cimetière marin, 1920) :
La mer, la mer, toujours recommencée,..
Georges Brassens (in Mourir pour des idées) :
Et c'est la mort, la mort toujours recommencé'...
Jules Vallès (Le Bachelier 1 : Le retour, 1879) :
Et moi, le fier, moi, le brave, je me sens pâlir et je crois
que je vais pleurer.
Georges Brassens (in U épave) :
Et depuis ce jour-^là, moi, le fier, le bravache...
Paul Verlaine (in Poèmes saturniens : Epilogue III, 1866) ;
Est-elle en marbre ou non la Vénus de Milo !
Georges Brassens (in Le pluriel) :
L'obélisque est-il un monolithe, oui ou non ?
Paul Verlaine (Titre d’un recueil de poèmes, 1881) :
Jadis et naguère
Georges Brassens (in Le passéiste) :
Ne vous étonnez pas, ma chère.
Si vous trouvez
Les vers de jadis et naguère
A mon chevet.
Paul Verlaine (in Jadis et naguère : Art poétique, 1881 ) :
Que ton vers soit la bonne aventure
Eparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym...
Et tout le reste est littérature.
Georges Brassens (in Les copains d^abord) :
Ses fluctuât nec mergitur
C'était pas d'la littératur'.
Paul Verlaine (in Jadis et naguère : Art poétiquej 1881) :
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d'un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ?
Georges Brassens (in Le temps passé) :
Amour d'un sou qui n'allait, certes,
Guère plus loin que le bout d'son lit.

François Villon (in Le Testament I, 1461) :


En l'an trentième de mon âge,
Que toutes mes hontes j'eus bues...
Georges Brassens (in Le moyenâgeux) :
Après une franche repue
J'eusse aimé, toute honte bue...

François Villon (in Le Testament V, 1461) :


Si prierai pour lui de bon cœur.
Pour l'âme du bon feu Cotart !
Georges Brassens (in La Légion d^honneur) :
L'âme du bon feu maistre Jehan Cotart
Se réincarnait chez ce vieux fêtard.

François Villon (in Le Testament CXV : Lai ou rondeau de la


mort, 1461) :
Des ans y a demi douzaine
Qu'en son hôtel de cochon gras
M'apatela une semaine.
Témoin l'abbesse de Pourras.
Georges Brassens (in Le moyenâgeux) :
Témoin : l'abbesse de Pourras,
Qui fut, qui reste et restera
La plî4s glorieuse putain
De moines du Quartier latin,
François Villon (in Le Testament : Ballade finale, 1461) :
Icy se clost le Testament
Et finist du pouvre Villon.
Venez a son enterrement,
Quant vous orrez le carillon...
Georges Brassens (in Le testament) :
IcLgit une feuille morte.
Ici finit mon testament
On a marqué dessus ma porte :
« Fermé pour caus' d'enterrement. »
Voltaire (in Candide, 1759) :
Pourquoi trouvez-vous si étrange que dans quelques pays il y ait
des singes qui obtiennent les bonnes grâces des dames ?
Georges Brassens (in Le gorille) :
D'autant plus vaine était leur crainte,
Que le gorille est un luron
Supérieur à l'homm' dans l'étreinte,
Bien des femmes vous le diront !
L es c h a n so n s de G eorges B rassens
CITÉES DANS LE PRÉSENT OUVRAGE

Ah ! Revoir Paris ! Clochers d'automne


À l'ombre des maris Comme une sœur
À l'ombre du cœur de ma mie Concurrence déloyale
Au bois de mon cœur Corne d'Aurochs
Auprès de mon arbre Cupidon s'en fout
Bécassine Dans l'eau de la claire fontaine
Bonhomme Dansons, mes fillettes
Bonjour, mon p'tit village Dieu, s'il existe
Boulevard du temps qui passe Discours des fleurs
Brave Margot Don Juan
Celle pour qui j'en pince Elégie à un rat de cave
Celui qui a mal tourné Embrasse-les tous
Ce n'est pas tout d'être mon père Entre la rue Didot et la rue de
C'est un petit béguin Vanves
C'était un peu leste Entre l'Espagne et l'Italie
Ceux qui ne pensent pas comme Entre un ciel de printemps
nous Fernande
Chansonnette à celle qui reste Grand Dieu merci
pucelle Grand-père
Chanson pour l'Auvergnat Hécatombe
Clairette et la fourmi Histoire de faussaire
Honte à qui peut chanter La marguerite
Il ny a d'honnête que le bonheur La mauvaise herbe
Il suffit de passer le pont La mauvaise réputation
J'ai rendeZ'Vous avec vous La messe au pendu
Jamais contente L'ancêtre
Jeanne L'andropause
Jeanne Martin La non-demande en mariage
Je bivouaque au pays de Cocagne L'Antéchrist
Je me suis fait tout petit La nymphomane
Je rejoindrai ma belle La première fille
Je suis un voyou La princesse et le croque-notes
La ballade des cimetières Larc-en-ciel d'un quart d'heure
La ballade des gens qui sont nés La religieuse
quelque part La ronde des jurons
La cane de Jeanne La rose, la bouteille et la poignée
La chasse aux papilbns de main
La collision La route aux quatre chansons
La complainte des filles de joie L'assassinat
La femme d'Hector La tondue
La fessée La traîtresse
La file indienne La visite
La fille à cent sous Le bistrot
La fille du passeur Le blason
La guerre Le bricoleur
La guerre de 14-18 Le bulletin de santé
La légende de la tour Marguerite Le cauchemar
La Légion d'honneur Le chapeau de Mireille
La ligne brisée Lèche-cocu
La maîtresse d'école Le cocu
L'amandier Le diable s'est logé dans ma
La marche des PAF bourse
La marche nuptiale Le fantôme
Le fidèle absolu Les bacchantes
Le fossoyeur Les casseuses
Le gorille Le sceptique
Le grand chêne Les châteaux de sable
Le grand Pan Les copains d'abord
Le grand vicaire Les croquants
Le mauvais sujet repenti Les croque-morts améliorés
Le mécréant Les deux oncles
Le mécréant repenti Le sein de chair et le sein de bois
Le mérinos Les funérailles d'antan
Le modeste Les illusions perdues
Le mouton de Panurge Les lilas
Le moyenâgeux Les patriotes
Le myosotis Les quatre bacheliers
Le nombril des femmes d'agents Les quat'Z arts
L'enterrement de Paul Fort Les radis
Le parapluie Les ricochets
Le passéiste Les sabots d'Hélène
L'épave Les trompettes de la renommée
Le pêcheur Les voisins
Le Père Noël et la petite fille Le temps ne fait rien à l'affaire
Le petit'fils d'Œdipe Le temps passé
Le petit joueur de flûteau Le testament
Le pince-fesses Le vent
L'épitaphe de Corne d'Aurochs Le vieux fossile
Le pluriel Le vieux Léon
Le pornographe Le vieux Normand
Le progrès Le vin
Le revenant Le vingt-deux septembre
Le roi L'inestimable sceau
Les amoureux des bancs publics Loin des yeux, loin du cœur
Les amours d'antan L'ombre au tableau
L orage Retouches à un roman d'amour
L orphelin de quatre sous
Maman, Papa Révérence parler
Marinette Rien à jeter
Martin s'en va trimer aux champs Sale petit bonhomme
Méchante avec de jolis seins Saturne
Mélanie Sauf le respect que je vous dois
Misogynie à part S'faire enculer
Montélimar Si seulement elle était jolie
Mourir pour des idées Souvenirs de parvenue
Oncle Archihald Stances à un cambrioleur
Oui et non Supplique pour être enterré
P... de toi à la plage de Sète
Paris s'est endormi Tant qu'il y a des Pyrénées
Pauvre Martin Tempête dans un bénitier
Pénélope Tonton Nestor
Perpendiculairement Trompe-la-mort
Personne ne saura Une jolie fleur
Quand les cons sont braves Une petite Ève en trop
Quand sur les yeux Un soir, une nuit
Quatre^^vingt^quinze pour cent Vendetta
Qu'il te souvienne Vénus callipyge
B ibliographie

Michèle Aquien: LaVersificatioriy PUF, 1990.


Bonnefoux et Pâris : Le Dictionnaire de la marine à voile, 1855.
Jean Bouffartigue et Anne-Marie Delrieu iTrésor des racines grecques,
Belin, 1989.
Georges Brassens : Œuvres complètes, le cherche midi, 2007.
Louis-Jean Calvet : Histoires de mots, Payot, 1993.
Bernadette de Castelbajac : Qui a dit quoi Tallandier, 1978.
Jacques Cellard et Alain Rey : Dictionnaire du français non convenu
tionnel, Hachette, 1991.
Jean Chevalier et Alain Gheerbrant: Dictionnaire des symboles,
Robert Laffont, 1986.
Martine Courtois : Les Mots de la mort, Belin, 1991.
Loïc Depecker : Les Mots des régions de France, Belin, 1992.
Dictionnaire de l'Académie française, 8^ édition, 1932-1935.
Dictionnaire encyclopédique en un volume, Larousse, 1979.
Dictionnaire étymologique, Larousse, 1971.
Dictionnaire de la langue française des "XIX^ et XX^ siècles en 16 volumes,
Trésor de la langue française (1789 - I960), CNRS, 1971-1992.
Dictionnaire des littératures françaises et étrangères, Larousse, 1985.
Dictionnaire de Paris, Larousse, 1964.
Claude Duneton : La Puce à l'oreille, Balland, 1978.
Claude Duneton : Histoire de la chanson française. Editions du Seuil,
1998.
Félix Gaffiot : Dictionnaire latin-français^ Hachette, 1934.
Claude Gagnière : Au bonheur des mots^ Robert Laffont, 1989.
Louis Marius Eugène Grandjean: Dictionnaire des locutions prover­
biales, Municipalité de Toulon éditeur, 1899.
Michael Grant et John Hazel : Dictionnaire de la mythologie,
Marabout, 1995.
Algirdas Julien Greimas : Dictionnaire de Vancien français jusqu'au
milieu du XIV^ siècle, Larousse, 1968.
Pierre Guiraud : LArgot, PUF, 1958.
Pierre Guiraud : Les Gros Mots, PUF, 1958.
Linda Hantrais : Le Vocabulaire de Georges Brassens, Klincksieck,
1976.
Gilles Henry : Dictionnaire des mots qui ont une histoire, Tallandier,
1989.
Gilles Henry : Dictionnaire des phrases qui ont fait l'histoire, Tallandier,
1991.
Gilles Henry : Dictionnaire des expressions nées de l'histoire, Tallandier,
1992.
Bruno Lafleur : Dictionnaire des bcutions idiomatiques, Duculot, 1991.
Le Petit Littré, Librairie Générale Française, 1990.
Yves D. Papin : Les expressions bibliques etmythobgiques, Belin, 1989.
Maurice Rat : Dictionnaire des bcutions françaises, Larousse, 1957.
Alain Rey et Sophie Chantereau : Dictionnaire des expressions et
bcutions figurées. Dictionnaires Le Robert, 1989.
Maurice Rheims : Dictionnaire des mots sauvages, Larousse, 1969.
Anne Sancier-Château : Introduction à b bngue du XVW siècle.
Nathan, 1993.
Géo Sandry et Marcel Carrère : Dictionnaire de l'argot moderne.
Aux Quais de Paris, 1962.
Sylvie Weil et Louise Rameau : Trésor des expressions françaises,
Belin, 1989.
T able des matières

avec liens
Introduction - Georges Brassens, cet orfèvre des mots..
par Loïc Rochard............................................................. 9
Les mots de Brassens
Avec, à la lèvre, un doux chant ................................ 19
Bonnes fées, sauvegardez-nous ! ................................ 35
Comptez plus sur oncle Archibald............................ 59
Dieu reconnaîtra le sien ! .......................................... 91
Est'il encore debout, le chêne ? ................................ 105
Faute de fleur de lys, on eut la pâquerette............... 117
Qrand branle-bas dans Landerneau .......................... 135
Histoire d’endormir le temps .................................... 149
Il est des jours où Cupidon s’en fout......................... 159
J’quitterai la vie à reculons ........ 165
La suite serait délectable............ 173
Moi qui balance entre deux âges 183
N’en déplaise aux jeteurs de sort. 205
Ô vous, les arracheurs de dents ... 215
Par le chemin des écoliers......................................... 221
Quand je vais chez la fleuriste................................... 247
Refusant d’acquitter la rançon de la gloire.............. 251
Sans vergogne............................................................. 261
Toi qui m’as donné du feu quand ............................. 277
Un semblant d’accord de guitare .............................. 293
Va-t’en voir là-haut si j’y suis.................................... 297
Y a des petites fleurs ................................................... 305
Z et fin ........................................................................ 309
Annexes
I Les expressions détournées..................................... 315
II Réminiscences littéraires ...................................... 329
Index des chansons de Georges Brassens....................... 351
Bibliographie................................................................... 355
G eorges B rassens
AU CHERCHE MIDI

Georges Brassens : Œuvres complètes, édition établie par


Jean-Paul Liégeois (collection Voix publiques)
Georges Brassens : Les chemins qui ne mènent pas à Rome
- Réflexions et maximes d’un libertaire, édition établie par
Jean-Paul Liégeois (collection Brassens d’abord)
Loïc Rochard : Brassens par Brassens (collection Auto­
portraits imprévus)

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