Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
C o l l e c t io n B r a ss e n s d ’a b o r d
dirigée par Jean^Paul LIÉGEOIS
le
cherche
midi
DU MEME AUTEUR
AU CHERCHE MIDI
Entre toutes les différentes expressions qui peuvent rendre une seule
de nos pensées, il n'y en a qu'une qui soit la bonne. On ne la
rencontre pas toujours en parlant ou en écrivant ; il est vrai néan
moins quelle existe, que tout ce qui ne l'est point est faible et ne
satisfait point un homme d'esprit qui veut se faire entendre.
Jean de La Bruyère, Les Caractères -
Des ouvrages de l’esprit
La langue française est si fine et si nuancée que l'on peut s'en émer
veiller presque à propos de chaque mot.
Jacqueline de Romilly, Dans le jardin des mots
Georges Brassens, cet orfèvre des mots...
1. Cf. Les droits du poète sur la langue in Pièces sur l'art, NRF Gallimard,
dans résotérisme. Même si nombre de mots éveillent la curiosité,
Brassens n’est jamais obscur. Il est compris et apprécié par le plus
grand nombre en dépit de (ou grâce à) ce vocabulaire si étonnant
et si varié.
Parmi les chansons enregistrées par Georges Brassens, seules
six d’entre elles (Bonhomme - La mauvaise herbe - Les amou'
veux des bancs publics - Maman, Papa - Marinette - Rien
à jeter) ne recèlent, à mon point de vue, aucun vocable qui
justifie une définition ou une explication particulière. Parmi ces
chansons, il est intéressant de noter que Maman, Papa est une
œuvre de prime jeunesse et que Bonhomme fut achevée lorsque
Brassens, âgé de 22 ans, était en Allemagne au titre du Service du
travail obligatoire. Georges Brassens déclarait par ailleurs que
Marinette avait été écrite en une heure.
En revanche, le reste de son œuvre renvoie l’auditeur un peu
curieux à un usage immodéré de dictionnaires de différentes
natures, de différentes époques. En effet, la perception approxima
tive de la signification de certains de ses mots, comme de l’origine
ou du sens véritable de ses expressions, nous prive d’un plaisir
supplémentaire. Aussi, l’approfondissement du vocabulaire, si
étendu chez Brassens, autorise une plus grande appréciation des
références, des allusions, des suggestions que recèlent ses chansons.
Pour pallier ma propre inculture, je me suis donc appliqué à
définir tout ce sur quoi je butais dans ses textes, ou tout ce qu’à
l’impromptu j’étais incapable d’expliquer clairement, précisément
et en toute certitude. A mieux saisir les nuances subtiles, les clins
d’œil malicieux, les sous-entendus, on mesure mieux, je crois, la
dimension du personnage et on éprouve un plaisir accru à l’écoute
de Georges Brassens, cet orfèvre des mots et des notes.
Loïc R o c h a r d
LES MOTS DE BRASSENS
A
« Avec, à la lèvre, un doux chant... »'
* In Pauvre Martin.
ABÉLARD (LE SUPPLICE D’) [in Le mécréant]*.
Philosophe et théologien français du XlP siècle, Abélard
vécut une grande passion pour Héloïse avec qui il s’était
marié secrètement. Séparée de lui, Héloïse entra au couvent
d’où elle entretint une correspondance enflammée avec
Abélard. Ce dernier fut émasculé ; ce fut son supplice.
ABJURER [in Mourir pour des idées].
Abandonner, par une déclaration formelle et solennelle,
une croyance, souvent religieuse, ou, dans le cas présent,
renoncer à sa croyance habituelle.
À BON DROIT [in Révérence parler].
Cette locution a vieilli. Elle relève directement du parler
juridique et signifie : légitimement, à juste titre.
* Pour chaque mot ou expression de ce dictionnaire, le lecteur est renvoyé
à la chanson ou aux chansons dans laquelle ou dans lesquelles Georges Brassens
l’a employé. 11 pourra ainsi s’y reporter facilement, soit en écoutant les
enregistrements du Sétois, soit en consultant les Œuvres complètes de
Georges Brassens (le cherche midi).
ACABIT [in Le testament].
Si l’origine de ce mot est douteuse, on en trouve néan
moins la trace dans la langue d’oc, en Provence, avec les
verbes acabir (obtenir), acabar (achever, au sens de bonne
affaire) et l’adjectif cabit (pourvu). C’est au XVIF siècle que
acabit désigne la qualité bonne ou mauvaise d’une chose puis,
par extension, d’une personne.
In Oncle Archibald.
CABOT/CABOTIN [in Uarc'en-ciel d'un quart d'heure
- Entre la rue Didot et la rue de Yanves].
Sous Louis XIII, un comédien nommé Cabotin, quelque
peu charlatan et directeur d’une troupe de théâtre ambulant,
utilisait sa verve pompeuse pour vanter les mérites de ses
élixirs.
On traite désormais de cabot, ou de cabotin, celui qui
manque de naturel et dont les manières étudiées et les atti'
tudes théâtrales visent à recueillir les suffrages d’un public.
CADUC [in Chansonnette à celle qui reste pucelle -
Le temps ne fait rien à l'affaire].
L’emploi de cet adjectif, caduc, qualifie une personne ou une
chose destinée à disparaître, tombée en désuétude, devenue
surannée soit du fait de l’évolution naturelle, soit du fait des
événements.
CAFARD [in Oncle ArcKibald].
De l’arabe kafara : incroyant. Un cafard affecte les dehors de
la dévotion, les apparences de la vertu. Il a pour synonymes :
bigot, cagot, tartuffe. Par extension et en s’éloignant du sens
premier, on traite de cafard un délateur ou un sournois.
CAFÉ DU PAUVRE [in Ce n'est pas tout d'être mon
père].
Trousser sa femme en guise de digestif, voilà ce qu’est le
café du pauvre ! Cette locution argotique est une des innom
brables qui désignent l’acte sexuel. Le Café du pauvre est
aussi le titre d’un roman d’Alphonse Boudard (Editions de la
Table Ronde, 1983).
CALENDES [in Mourir pour des idées].
C’est le premier jour du mois chez les Romains. Renvoyer
aux calendes grecques, c’est reporter à un temps si éloigné qu’il
est plus qu’improbable qu’il advienne : les Grecs en effet
n’avaient pas de calendes !
CALLIPYGE [in Entre la rue Didot et la rue de Vanves
- Misogynie à part - Révérence parler - Vénus callipyge].
Du grec kallipugos, composé de kallos (beauté) etpugé (fesse).
Littéra[ement : qui a de belles fesses, harmonieusement rebon
dies. Ce qualificatif flatteur avait été donné à Aphrodite par
les Anciens. De nombreuses statues de Vénus (pendant latin
d’Aphrodite) sont des statues callipyges, notamment à Syracuse.
Une autre statue de Vénus callipyge est exposée à l’Académie
de Naples. « Voir votre académie, Madame, et puis mourir... »
CALOTIN [in Le mécréant repenti - Tempête dans un
bénitier].
Si les prêtres ne la portent plus, le pape, les évêques et
cardinaux continuent de porter la calotte. Le terme péjoratif
de calotin vient de cette coiffure et désigne les hommes
d’Eglise et, par extension, les séides du clergé qui, partisans
du cléricalisme, sont dans la stricte observance des prescrip-
fions religieuses.
CAMARDE [in La ballade des cimetières -Mourir pour
des idées - Supplique pour être enterré à la plage de Sètc].
L’adjectif cornard (e) signifie : qui a le nez plat et écrasé et,
à l’extrême, qui est sans nez (tel un crâne humain). Un nez
camus a la même forme.
Si l’on rencontre rarement le mot camuse pour évoquer la
mort, celui de camarde est plus fréquemment employé.
L’imagerie symbolique de la mort lui donne une apparence
humaine sous forme d’un squelette armé d’une faux ; par le
fait, son sexe demeure indéterminé.
CANAILLE [in Don Juan - UAntéchrist - Le bricoleur
- Le temps passé].
Ce mot est emprunté à [’italien caruxglia (de cane : chien,
avec le substantif péjoratif aglia). En ancien français, on
rencontre chienaille, chenaille. La canaille est la partie la plus
vile du peuple, considérée comme méprisable de par ses idées,
ses goûts, ses actes. Individuellement, une canaille est un
malhonnête, un homme sans scrupule.
La culture anarchiste de Brassens laisse supposer que, en
employant ce mot, il avait en tête la chanson La canaille.
('elle-ci, écrite en 1863 par Alexis Bouvier et mise en
musique par Joseph Darcier, était souvent chantée durant la
Q)mmune. Venant clore chaque couplet, cette épanode est
restée célèbre : « C'est la canaille ! Eh bien ! j’en suis ! »
CARABIN [in Uancêtre - Le revenant - Mêlante -
Révérence parler].
Ce mot viendrait de escarrabin (ensevelissent de pestiférés),
lui-même venant de escarbot (insecte coléoptère fouillant la
terre et le fumier). Par ironie métaphorique, on surnomma
ainsi les garçons chirurgiens qui exerçaient leur talent sur les
cadavres. Et, comme souvent, l’emploi s’est étendu, puisque
sont surnommés carabins les étudiants en médecine et les
médecins eux-mêmes.
CARON [in Le grand Pan].
Orthographié également Charon, Caron est le personnage
mythologique qui faisait passer le fleuve Styx aux défunts à
destination du royaume d’Hadès, roi des Enfers. C’est pour
quoi il fut surnommé le nocher des morts ou le nocher des
enfers (nocher étant un terme poétique qui désigne le pilote
d’un petit navire).
Décrit comme un vieillard sale et irritable, il réclamait à ses
passagers une obole. Aussi les Grecs avaient-ils pour habitude
de placer une pièce de monnaie dans la bouche de leurs morts.
CAROUSSE (FAIRE) [in Le grand Pan].
Carousse est un mot ancien, orthographié parfois avec
deux r, qui signifiait grande chère. On retrouve ce mot dans
la langue anglaise avec le verbe to carouse (faire la fête). Faire
carousse, c’est participer à un excès collectif de chère et de
boisson.
CARTE DU TENDRE [in Entre VEspagne et Vîtalie -
Les ricochets].
Dans les volumes de la Clélie, Madeleine de Scudéry
(1607-1701) retrace les aventures de son entourage qu’elle
travestit sous des noms romains. C’est dans cet ouvrage
que se trouve la carte du Tendre, pays imaginaire dont les
différents lieux sont la représentation topographique des
différentes phases du sentiment amoureux. On y découvre la
mer d’inimitié, le lac d’indifférence, le fleuve Inclination,
les rivières Reconnaissance et Estime... La carte du Tendre est
une allégorie de l’idéal amoureux.
CASSER SA PIPE [in Le temps passé].
Aller au cassc'pipe, c’est partir à la guerre. A la foire, on
tire sur des pipes. Du temps de Mazarin déjà, casser sa pipe, son
tuyau, signifiait : mourir.
Mercier, acteur de boulevard, fut saisi d’une attaque
alors qu’il jouait le personnage de Jean Bart. Il laissa
tomber la pipe qu’il tenait à la bouche et celle-ci se cassa.
L’acteur mourut en scène. Cela ne manqua pas de raviver
l’expression.
CASTOR ET POLLUX [in Les copains d^abord].
Fils de Zeus et de Léda, Castor et Pollux, les « jumeaux
célestes », sont appelés également les Dioscures. Ce sont les
dieux protecteurs des marins et, à ce titre, ils sont invoqués
lors des navigations périlleuses. Une étoile brille au-dessus de
leur tête et la réapparition de ces étoiles annonce la fin de la
tempête. Zeus les avait en effet placées dans le ciel pour
constituer la constellation des Gémeaux.
Castor et Pollux envahirent l’Attique et prirent part
à l’expédition des Argonautes. Ne se séparant jamais
bien longtemps, ils symbolisent la fraternité, l’amitié sans
faille.
CATIMINI (EN) [in L’épitaphe de Corne d’Aurochs].
Cette locution adverbiale est d’origine incertaine ; ce qui
n’est pas tout à fait étonnant puisqu’elle qualifie les actions
camouflées, les démarches subreptices, les interventions
secrètes.
CÉANS [in Histoire de faussaire].
Cet adverbe de lieu, dont l’antonyme est élans, signifie :
ici, à l’intérieur d’un lieu, surtout en évoquant la maison où
l’on se trouve. La maîtresse de céans, ou maîtresse du logis, est
celle qui occupe une maison et la dirige.
CE QUE C’EST QUE DE NOUS ! [in La fessée].
Pauvre de nous ! Ce que c’est que de nous ! Ces exprès-
sions exclamatives soulignent le caractère dérisoire d’un
acte commis, la gravité d’un événement subi ou à venir,
ou, encore, la faiblesse de la nature humaine, la tristesse
de son sort et son impuissance face au destin et à l’issue
fatale.
CERF SUR LA TÊTE (AVOIR DU) [in Le cocu].
Le cerf, ce ruminant, a la tête ornée de bois qui se
déploient en ramure au fil du temps. Cette croissance des bois
permet de donner un âge au cerf qui les porte. Un « dix cors »
est, par exemple, un cerf dans sa septième année. Le bois du
cerf, à la différence d’une corne, croît par l’extrémité.
Néanmoins, cette analogie avec des cornes rend cette expres
sion limpide. Avoir du cerf sur la tête, c’est tout simplement
être cocu. Le marquis de Montespan, cocu célèbre s’il en fut,
avait du reste fait placer une ramure de cerf sur le dessus de
son carrosse. Mais, à l’instar du cervidé, le cocu voit-il ses
cornes se multiplier avec l’âge ?
CHAGRINE [in Ah ! Revoir Paris ! - Jeanne - La prin^
cesse et le croque-notes].
Utilisé comme adjectif, chagrin (e) signifie ; de fâcheuse,
de méchante humeur. Ce peut être une affliction momen
tanée qui rend chagrin par insatisfaction, mécontentement
ou déplaisir. Quand c’est une humeur habituelle, c’est plus
grave : chagrin devient alors synonyme de morose, irritable et
volontiers critique.
CHALAND [in Stances à un cambrioleur].
Un chaland est un acheteur potentiel, un éventuel client.
Ce n’est pas le décompte syllabique, identique, qui a déterminé
(aeorges Brassens à privilégier chaland au détriment de client.
La rime eût même été plus riche. Mais le terme de chaland a
une consonance surannée plus en harmonie avec son style.
CHAMARRER [in La Légion d^honneur].
En espagnol, le mot zamarra désigne un vêtement de
herger ; au XV= siècle, une chamarre (mot français lui-même
dérivé de samarre) était une espèce de robe. De là vient le
verbe chamarrer qui signifie : garnir un vêtement, un tissu,
d’ornements aux couleurs éclatantes, de dorures. Au figuré,
chamarrer quelqu’un, c’est le décorer.
CHAMP D ’AZUR [in Histoire de faussaire].
À trois fleurs de lys d’or sur champ d’azur : telle est
la description héraldique du blason du roi de France.
Cette image du champ d’azur s’emploie encore pour désigner
le ciel bleu.
In Embrasse4es tous.
DALILA [in L'ancêtre].
Cette héroïne biblique, fort jolie femme au demeurant,
était l’épouse de Samson, champion d’Israël à la force légen
daire. Par la ruse, elle put découvrir que le secret de la vigueur
de son mari résidait dans sa longue chevelure. Elle le rasa
subrepticement et le livra aux Philistins. Pour beaucoup,
Dalila représente l’étemel féminin.
In Le testament.
EAU DE BOUDIN [in Tempête dans un bénitier].
L’eau qui sert à laver les tripes ne peut bien sûr être utilisée
à nouveau. Une affaire qui tourne en eau de boudin est celle
tiui tourne court, ne parvient pas à aboutir et finit par échouer.
ÉCHAUFFOURÉE [in Hécatombe].
C’est un petit combat isolé qui se déroule au cours d’une
guerre. Plus largement, Véchauffourée est une algarade spon
tanée, une bagarre imprévue.
ÉCHOIR [in Le gorille].
Du latin classique excidere (tomber, sortir de). Ce qui échoit
est ce qui advient, ce qui est dévolu par le seul fait du hasard
ou qui doit se produire à une certaine date fixée à l’avance
(un de ces quatre jours, en l’occurrence). Le verbe échoir a
notamment donné la locution adverbiale le cas échéant, ou
encore le mot échéance.
ÉCORNIFLEUR [in Le cocu],
L’écornifleur est celui qui profite d’une situation pour
s’approprier à bon compte quelque chose qui ne lui
appartient pas. Parasite, tricheur sont des synonymes
d’écornifleur.
En 1882, Jules Renard a écrit UEcornifleur dont un des
personnages n’est pas sans faire songer à celui que créa
Georges Brassens dans Le cocu.
EDILE [in Jeanne Martin].
Du latin aedilio. Sous la Rome antique, quatre édiles
étaient chargés de l’entretien des bâtiments, de la voirie, de
la police, de l’approvisionnement de la ville et de l’organisa
tion des jeux. Ils avaient rang de magistrat. Par analogie de
fonction (les jeux du cirque en moins peut-être ; quoique...),
on désigne ainsi les élus d’une ville.
ELEGIE [in Elégie à un rat de cave - Personne ne saura].
Du grec elegos (chant de deuil, triste par essence). Chez les
Grecs, comme chez les Romains, l’élégie était une pièce de vers
composée d’hexamètres et de pentamètres. Dans la métrique
ancienne, le pentamètre couplé à l’hexamètre formait le
distique ; on parle de distique élégiaque.
Mais l’élégie revêtit plus tard une forme plus libre en deve
nant un poème lyrique qui chantait les douleurs et les plaintes,
les amours contrariées, la séparation ou la mort.
EMBRASSER FANNY [in Vénus calUpyge].
Au début du XX'= siècle, les terrains de boule étaient agré
mentés d’un panneau de bois sur lequel était peinte une
femme exhibant ses fesses. Celui qui, lors d’une partie, ne
marquait aucun point devait déposer un baiser sur le posté
rieur de la belle, surnommée Fanny. Si l’on ignore cela, on ne
peut goûter pleinement le vers ; En embrassant Fanny, je ne
jyense qu’à vous...»
ÉMOI [in Dansons, mes fillettes - Vandropause -
Le fossoyeur - Le sein de chair et le sein de bois - Les rico
chets - Les voisirts - Quand sur les yeux - Qu’il te souvienne
- Un soir, une nuit].
Du bas latin exmagare (priver de ses forces) qui donna
esmaier (effrayer, troubler) en ancien français. L’émoi peut être
tout aussi bien physique (trouble, agitation, effervescence
due à la surprise ou à la peur) qu’affectif (inquiétude, tristesse
ou trouble sur le mode sensuel ou esthétique).
EMPANACHÉ [in Vandropause].
On pourrait dire qu’Henri IV (« Ralliez-vous à son panache
blanc ! ») était un empanaché puisqu’il était paré d’un panache,
ce faisceau de plumes en forme de bouquet qui ornait son
couvre-chef.
EMPAPAOUTÉ [in La collision].
Ce substantif vient-il du verbe occitan empapautar (arna
quer, rouler) ou d’une origine plus obscure ? S’il est double,
son sens est néanmoins clair. Se faire empapaouter, ce peut être
effectivement se faire avoir, mais c’est aussi se faire sodomiser.
Ce vocable argotique rime dans cette chanson avec députés !
De là à traiter Brassens d’antiparlementarisme primaire...
EMPLATRE [in Les croque-morts améliorés].
Ce mot vient du grec emplastron (application sur). Cette
médication sans huile (à la différence de l’onguent) est faite
d’une pâte molle constituée de végétaux puis étalée et modelée
sur la partie du corps à soigner. Au figuré, un emplâtre est un
homme sans caractère, indolent et incapable d’agir comme il
conviendrait.
Le mot emplâtre vient parfois se substituer à celui de cautère
dans l’expression un emplâtre sur une jambe de bois qui signifie
une solution inefficace, un remède inutile.
ENCHIFRENÉ [in Tonton Nestor].
Etre enchifrené, c’est souffrir d’un embarras des muqueuses
nasales consécutif à un rhume de cerveau. Or, enchifrené est
une altération de chanfreiné : taillé en biseau. Cela suffit à
expliquer que l’on dise : avoir le nez pris (comme dans un
biseau).
ENFER DE CERVANTÈS/ENFER DE DANTE
[in Entre l'Espagne et l'Italie].
Ces deux écrivains furent non seulement excommuniés
mais connurent en plus l’exil pour Dante et la captivité pour
Cervantes ; des sortes d'enfer en quelque sorte. Et puis Dante,
dans sa Divine Comédie, ne parcourt-il pas les neuf cercles
concentriques de l’enfer !
ENGEANCE [in Ceux qui ne pensent pas comme nous
- Le gorille - Les voisins - Montélimar].
On parle d’engeance lorsqu’on évoque des races d’animaux
domestiques : l’engeance canine. Par extension qui induit une
nuance péjorative, engeance s’emploie également pour dési
gner une catégorie d’individus ou même, parfois, un sujet
isolé que l’on méprise : Ah ! Quelle engeance !
ENJUPONNER (S’) [in Le testament].
Ce verbe est utilisé familièrement en substitution du verbe
s’éprendre. C’est s’attacher à un jupon, s’éprendre d’une
femme au point d’en perdre une partie de sa liberté. Quand
c’est une femme qui enjuponne, elle met un homme sous sa
dépendance.
ENTOUR [in Uandropause - Vénus callipyge].
C’est la forme vieillie d’entourage. Les gens de votre entour
sont ceux qui vivent dans un cercle proche de vous, dans
votre familiarité.
ENTREFAITES [in Le mécréant].
Participe passé substantivé du verbe de l’ancien français
entrefaire (faire dans l’intervalle). On ne rencontre plus guère
ce mot que dans la locution adverbiale sur ces entrefaites
qui signifie : à ce moment'là, à partir de ce moment, alors,
au moment précis où une action se passe, où un événement
se produit.
ENTREPONT [in Je rejoindrai ma belle].
Tout espace compris entre deux ponts d’un navire s’appelle
un entrepont. Mais en particulier, l’entrepont est l’espace
qui se situe entre ce que l’on appelle le faux pont et le
premier pont.
ENTRER EN LICE [in Trompe-la-mort].
C’est à partir de la Renaissance que les tournois se dispu
tèrent dans des champs clos. Les deux couloirs que séparait
une barrière centrale étaient appelés lices. Entrer en lice, c’est
à l’instar des chevaliers s’apprêter au combat ; même s’il en
est de plus ou moins belliqueux.
EN VOICI BIEN D’UNE AUTRE [in La religieuse].
Cette locution familière souligne le caractère surprenant,
inattendu, singulier, de ce que l’on est en train d’exprimer.
EOLE [in Le chapeau de Mireille - Perpendiculairement].
Marin mythologique mais d’expérience, Éole avait inventé
les voiles des navires et possédait l’art, qui n’était pas encore
une science, de la prévision du temps. Apprécié de Zeus, il
reçut le contrôle des vents qu’il tenait enfermés dans une
grotte. Il les libérait, avec plus ou moins de force, à la demande
des dieux ou à sa propre initiative.
Bienveillant, il donna à Ulysse une outre de cuir qui
renfermait tous les vents, à l’exception du zéphyr.
ÉPEE DANS L’EAU (PLANTER SON) [in La guerre
de 14-18].
Le sens figuré de cette expression exprime l’inutilité d’un
effort important, car manier une épée suppose une grande
énergie. Cet effort demeure infructueux et ne donne pas les
résultats escomptés.
ÉPICURE [in Uandropause].
Né à Athènes en 341 avant J.-C., Epicure était un philo
sophe grec qui développa une théorie de la connaissance,
en retenant la sensation comme critère principal. Pour lui,
le plaisir lié aux sensations constitue la fin et le principe
du bonheur.
Il sélectionnait les plaisirs pour ne retenir que ceux du corps
et il considérait les croyances religieuses comme un obstacle
dressé entre l’homme et le bonheur. Bien qu’exigeante, sa
philosophie fut unanimement combattue par les autres philo
sophes grecs.
C’est à Epicure que l’on doit la maxime : « Pour vivre
heureux, vivons cachés. »
ÉROS [in Le grand Pan].
Éros est le dieu grec de l’amour. Selon le poète grec Hésiode,
Bros serait né de Chaos (le Vide) en même temps que Gaia
(la Terre) ; pour d’autres, il serait le fils d’Aphrodite et d’Arès.
Un temps considéré comme le protecteur des amours
homosexuelles, il devint, grâce au romantisme de la littéra
ture hellénistique, le mythe que l’on connaît aujourd’hui :
celui du désir passionnel.
ESCULAPE [in Le bulletin de santé - Le sein de chair
et le sein de bois].
Aesculapius (Esculape) fut le dieu romain de la médecine,
comme Asclépios le fut pour les Grecs. Apollon, son père, le
confia à Chiron qui l’éleva et lui enseigna l’art de la médecine.
Esculape se réincarna en serpent après que Zeus l’eut
foudroyé. C’est sous cette forme qu’il arriva à Rome, venant
d’Épidaure. Placé dans le firmament par Apollon, on lui doit
donc la constellation du Serpentaire.
ESTOURBIR [in Celui qui a mal tourné].
Estourbir viendrait du verbe allemand sterben (mourir) ;
c’est pourquoi on rencontre ce verbe au début de son
apparition dans le patois de l’est de la France. 11 signifie :
assommer, tuer, avec ses poings ou à l’aide d’un objet
contondant.
ÉTÉ DE LA SAINT-MARTIN [in Boulevard du temps
qui passe - Saturne].
C’est notre été indien (en réalité, été des Indiens en
Amérique du Nord). On nomme ainsi les derniers jours
de l’automne dont le climat est souvent très agréable.
Cependant, le dicton météorologique veut que l’été de la
Saint-Martin dure trois jours et un brin. C’est ce même sursaut
automnal qui vaut à cette locution d’exprimer également le
regain de jeunesse que connaissent de façon éphémère les
hommes mûrs.
Saint Martin, évêque de Tours au iv*^siècle, était très popu
laire et son culte était honoré par des processions que cette
belle arrière-saison favorisait.
ÉTIQUE [in Le sein de chair et le sein de bois].
Du grec hektikos (habituel, continu) et du latin hecticus
(habituel), l’adjectif étique qualifie une personne ou un
animal atteints d’étisie (également orthographié hectisie),
c’est-à-dire de consomption, ou encore d’amaigrissement
progressif et de dépérissement extrême.
ÊTRE EN BUTTE [in La collision - Le grand chêne -
S’faire enculer].
Cette [ocution verbale signifie que l’on subit quelque
chose de pénible ; c’est être opposé à quelqu’un ou exposé à
quelque chose.
EXCUSEZ-MOI DU PEU [in Les amours d’antan].
Familière et ironique, cette locution s’emploie ordinai
rement au figuré pour marquer son étonnement face à une
attitude excessive, à une impertinence, un comportement
outrancier, mais également et à l’opposé pour souligner son
admiration quand on cite, par exemple, les titres de gloire
d’une personne. Dans sa chanson, Brassens utilise cette
locution au sens propre, comme pour s’excuser de ne pas
avoir des amours plus nobles.
« Faute de fleur de lis,
On eut la pâquerette... »
* In Trompe-la-mort.
HARANGUE [in Le vin].
De l’italien arringa (discours public). C’est un discours
solennel, souvent long et emphatique, qui peut être prononcé
devant une personne seule (auquel cas, ce peut aussi être une
réprimande) mais également devant une assemblée nombreuse
(tels les généraux avant la bataille). Une harangue répond à
des règles de stratégie oratoire qui permettent d’en escompter
un résultat.
HARENGÈRE [in La ronde des jurons].
En dépit de l’homophonie de la racine de ces deux mots,
il ne faut pas croire qu’une harengère prononce des harangues.
En réalité, les poissonnières (vendeuses de harengs, entre
autres espèces) avaient la réputation d’attirer le chaland par
leur langage vert et imagé. Par extension, une harengère est
une femme aux manières et au langage grossiers.
HARO SUR LE BAUDET ! [in Don Juan].
Popularisée par La Fontaine dans sa fable Les animaux
malades de la peste, cette locution apparaissait déjà dans
l’œuvre de Clément Marot.
Haro viendrait du vieux français hara (ici, de ce côté) qui a
donné le verbe harasser. Crier haro sur quelqu’un, c’est le dési
gner à la vindicte publique et réclamer un châtiment à son
encontre. Haro était en fait un cri pour rallier des personnes à
la rescousse des forces de loi.
Haro sur le baudet ! Cette manifestation bruyante d’hosti
lité envers quelqu’un est souvent le fait d’un groupe qui se
satisfait d’avoir trouvé un bouc émissaire ou la victime idéale
et quelquefois innocente (le discernement étant rarement
l’apanage du groupe).
HAUTE FUTAIE (DE) [in Auprès de mon arbre].
Le fût d’un arbre est la partie de son tronc située entre le
sol et les premières ramures. Un certain nombre d’arbres
aux fûts rectilignes et très élancés constitue une futaie. La
demi'futaie rassemble des arbres de 40 à 60 ans. Dans une
jeune futaie, la majorité des arbres atteint déjà un âge respec
table, entre 80 et 120 ans. De haute futaie se dit d’une forêt
dont la plupart des arbres sont âgés de 120 à 200 ans. Cela lui
confère un aspect majestueux. A l’opposé d’un vulgaire
taillis, la haute futaie est donc le nec plus ultra en matière de
forêt. Car, après, c’est hélas le déclin d’une vieille futaie qu’on
qualifie de haute futaie sur le retour.
HERBES DE LA SAINT-JEAN [in Une jolie fleur].
Certaines herbes, cueillies la veille et portées le jour de la
Saint-Jean, étaient censées guérir de bien des maux puisqu’on
leur attribuait des pouvoirs magiques. Parmi d’autres plantes,
on comptait le lis blanc, le fenouil, le millepertuis, le lierre,
le pourpier sauvage...
Utiliser les herbes de la Saint-Jean, c’est se donner tous les
moyens de la guérison, de la réussite.
* In Le testament.
JADIS [in Élégie à un rat de cave - La guerre de 14'18 -
La princesse et le croque-notes - Le fantôme - Le modeste].
Cet adverbe de temps vient de l’ancien français ja a dis
(il y a déjà des jours) et exprime le passé lointain.
JAIS [in Trompe'la'mort].
D’après Pline, une ville et un fleuve de Lycie (région du
sud'Ouest de l’Asie Mineure) portaient le nom de Gages
et tenaient leur renommée de la pierre de Gages (gagates en
latin). Communément appelée jais, cette pierre est du charbon
fossilisé, très dure et d’un noir profond (un noir de jais).
Si certains font la confusion avec le geai, c’est que, outre
l’homophonie avec jais, cet oiseau ressemble fort à la corneille
qui, elle, est toute noire.
JARGON [in Ceux qui ne pensent pas comme nous -
Entre un ciel de printemps - Le moyenâgeux - Révérence
parler - S’faire enculer],
À Dijon, en 1455, eut lieu le procès des Coquillards (bande
secrète de malfaiteurs) qui permit d’identifier le jargon de la
Coquille dans lequel avaient été écrites les six Ballades en
jargon de François Villon.
Le jargon désigne un langage conventionnel adopté par un
groupe, suscité par des besoins de précision technique ou par
un désir de secret.
JARNIBLEU ! [in La ronde des jurons].
Souvent utilisé par Henri IV, ce jurement est une altéra
tion de je renie Dieu. 11 est en outre considéré comme moins
blasphématoire que jarnidieu, plus explicite. Dans la même
veine, on rencontre jamigoi etjamigué.
JARNICOTON ! [in La ronde des jurons].
Henri IV, on l’aura compris, affectionnait les blasphèmes.
Mais ce travers était trop prononcé au goût de son confesseur,
le père Coton. Aussi ce dernier enjoignit-il à son souverain
de remplacer jarnidieu / par jamicoton ! (je renie Coton).
JARNIDIEU ! [in La ronde des jurons].
11 s’agit de la première altération du blasphème je renie
Dieu. Le jurement originel était au nom de Dieu. Jarnidieu !
et toutes ses déclinaisons peuvent être interprétés ainsi :
que je renie Dieu si je mens, car, si ce que j’affirme est un
mensonge, ma foi en est un également. Il est à supposer
que, bien vite, l’intention s’est simplifiée pour ne devenir
qu’exclamatoire.
JEAN-FOUTRE [in Le vent].
Cette appellation est pour le moins injurieuse et péjo
rative. Celui qui se fait appeler ainsi est considéré comme
ne prenant rien au sérieux et surtout pas ce qu’il fait, un
incapable sur qui l’on ne saurait pouvoir compter.
* In Le gorille.
LÂCHER LA BONDE [in La route aux quatre chati'
sons - Trompe-la-mort].
Dérivé du gaulois banda, une bonde est la pièce de bois qui
obture le trou d’une douve de tonneau ou celle en caout
chouc qui bouche le trou d’un évier. Lâcher la bonde, c’est
l’action de laisser s’écouler.
* In Oncle Archibald.
OCCIRE [in Comme une sœur - Les patriotes].
Ce pur archaïsme vient du latin classique occidere (faire
périr, abattre en frappant). Pourquoi la déchéance d’un tel
verbe ? On peut supposer que, difficile à conjuguer, le verbe
occire a été délaissé au profit du verbe tuer, pourtant moins
précis, par facilité d’usage.
ODALISQUE [in Uandropause].
Vient du turc odalik. Cette esclave, choisie pour sa beauté,
était placée au service des femmes du sultan et demeurait au
barem.
ŒDIPE [in Le petit-fils d’Œdipe].
Le sphinx était un monstre qui terrifiait la ville de Thèbes
et mangeait ceux qui ne parvenaient pas à résoudre son
énigme : « Quelle créature marche à quatre pattes le matin, à deux
pattes à midi et à trois le soir et est la plus faible quand elle en utilise
le plus ? »
Œdipe fut ce prince de Thèbes qui parvint à résoudre cette
énigme. Mais Georges Brassens fait dans cette chanson plus
allusion au complexe d’Œdipe ou, tout au moins, à une partie de
celui-ci... en sautant une génération ! Se reporter à Sigmund
Freud pour de plus amples renseignements !
OLIBRIUS [in Le cauchemar].
Olybrius, empereur d’Occident et gouverneur des Gaules,
fut envoyé à Rome par Léon I" ; il y régna trois mois à la fin
du siècle. Incapable, il laissa le souvenir d’un souverain
fantoche et extravagant.
En dépit d’un règne très bref, son nom - sous la forme
olibrius - est passé dans le langage commun puisqu’il désigne
désormais un individu certes excentrique et original mais
également inconséquent et importun.
OMBRE AU TABLEAU [in Uomhre au tableau -
Supplique pour être enterré à la plage de Sète].
Cette locution décrit une situation qui comporte un
élément d’inquiétude. Une difficulté ou un inconvénient
noircit le tableau, en quelque sorte, et empêche que ce soit
parfait.
ONANISTE [in S’faire enculer].
L’onanisme est l’ensemble des pratiques d’auto-érotisme
qui permet de parvenir à l’orgasme sans partenaire. L’onaniste
est le disciple d’Onan, ce personnage biblique qui se complai
sait dans la recherche solitaire du plaisir sexuel.
ORESTE ET PYLADE [in À l’ombre des maris].
Après que son père eut été assassiné, Oreste, fils
d’Agamemnon, fut recueilli par son oncle Strophios qui
l’éleva avec son fils Pylade. Les deux cousins devinrent
inséparables et leur amitié légendaire. Ils devinrent même
beaux-frères, Pylade épousant Electre, la sœur d’Oreste. Oreste
et Pylade symbolisent l’amitié indéfectible.
ORIPEAUX [in C’était un peu leste].
Ce mot vient de oripel, fine feuille de laiton ou de cuivre
qui donne l’illusion de l’or et vient enrichir un vêtement en
l’ornementant. Un oripeau était une étoffe, un habit décoré
d’oripels. Par dérision, des oripeaux sont des vêtements défraî
chis et démodés mais qui conservent néanmoins un reste de
splendeur par leur aspect quelque peu théâtral.
OSTROGOTH [in Les croquants].
Les Ostrogoths, peuplade de l’ancienne Germanie, habi
taient la partie orientale fost) de la Gothie, Au III^ siècle,
les Goths et les Ostrogoths envahirent les provinces gallo-
romaines. Leur violence et leur rapacité marquèrent les
esprits à un point tel que désormais un ostrogoth est, au figuré,
un homme qui ignore tout de la bienséance et des usages,
et qui n’est pas sans rappeler les manières d’un barbare.
OUÏR [in Lèche-cocu - Le grand chêne - Le mécréant
repenti - Le parapluie - Les patriotes].
Ce verbe signifie non seulement entendre mais égale
ment : prêter attention, écouter favorablement, recevoir une
déposition. Il ne s’emploie plus guère qu’à l’infinitif, au parti
cipe passé et dans la locution ouEdire, Sans doute, là encore,
une conjugaison laborieuse a dû contribuer à en réduire
l’usage ; qu’on en juge : J’ois, j’oyais, j’ouïs, j’oirrai (ou j’orrai),
quej’oye, que j’ouïsse,,, Oyant, oyez, oui,,.
Par le chemin des écoliers...
* In Le testament.
PACIFISTE BÊLANT [in Lèche-cocu].
Avant la guerre de 1914-1918, les pacifistes voulaient
déclarer la guerre à la guerre ; ils furent les adeptes du « paci'
fisme hurlant». Après la boucherie de la Première Guerre
mondiale, le discours unanime fut : « Plus jamais ça ! » Le
pacifisme bêlant prit le pas sur son prédécesseur. C’est sans
doute aux moutons qui vont aveuglément à l’abattoir en
bêlant que ces pacifistes doivent ce qualificatif. C’est ainsi
qu’Aristide Briand fut surnommé par ses détracteurs alors
que, entre ces deux conflits, il lança l’idée d’une fédération
européenne et prononça même en 1929 le mot de « marché
commun », prouvant qu’il n’était pas qu’un utopiste.
PAIMPOLAISE (LA) [in Mélanie].
La Paimpolaise est le titre d’une des chansons les
plus célèbres que composa en 1893 Théodore Botrel,
chansonnier d’origine bretonne qui connut la célébrité à
Montmartre. 11 se trouve que la ville de Paimpol est à proxi
mité de Lézardrieux où Georges Brassens posséda une maison
du nom de Kerflandry. Paimpol était un grand port morutier
d’où appareillaient les bateaux pour aller pêcher sur les grands
bancs de Terre-Neuve.
In Les lilas.
QUADRUMANE [in Le gorille].
Le singe est le quadrumane par excellence, car ce substantif
désigne les animaux dont les quatre membres sont munis d’un
organe de préhension identique à la main de l’homme.
QUARTIERS DE NOBLESSE [in Les trompettes de la
renommée].
Dans la généalogie d’une famille noble, chaque degré de
descendance s’appelle un quartier de noblesse. L’intronisation
dans certains ordres ou l’entrée dans certains collèges ne
pouvaient se faire qu’en justifiant, actes à l’appui, d’un certain
nombre de quartiers de noblesse. Ainsi en fallait-il huit pour
entrer dans l’ordre de Malte. Aucune allusion à l’héraldisme
dans cette chanson mais un facétieux jeu de mots.
QUAT’Z’ARTS [in Les quatYarts].
En référence au quadrivium qui désignait dans l’université
du Moyen Age les arts supérieurs (arithmétique, géométrie,
musique, astronomie), les quat’z'arts résument les disciplines
artistiques dispensées par l’École des beaux-arts : architecture,
peinture, sculpture, gravure.
Célèbre par son bal annuel et sa non moins célèbre fanfare,
cette école était aussi réputée par les canulars de ses étudiants
qui, dans de grandioses chahuts funéraires, parodiaient la mort.
QUENOUILLE [in La chasse aux papillons].
C’est une tige de bois et plus souvent de roseau qui est
entourée d’une touffe de matière textile (laine, chanvre, soie,
lin, coton). Associée au fuseau ou au rouet, la quenouille était
l’outil indispensable pour fabriquer le fil.
QUERELLE D’ALLEMAND [in Les deux oncles].
Au Moyen Age, la « race » germanique avait la fâcheuse
réputation d’être particulièrement colérique. Les souverains
de nombreux petits Etats, qui constituaient l’Empire germa'
nique, entraient en conflit avec leurs voisins sous les prétextes
les plus anodins. De là vient qu’une dispute sans raison valable
ou pour une cause futile est appelée querelle d’Allemand.
QUÉRIR [in Qrand’père - La rose, la bouteille et la
poignée de main - Uassassinat - Le myosotis - Le petit-fils
d’Œdipe].
Voilà encore un choix délibéré de Georges Brassens pour
un archaïsme. En effet, ce verbe n’était déjà plus conjugué
dès le X V IF siècle. Il ne s’emploie plus qu’à l’infinitif avec les
verbes aller, venir, envoyer. Du latin quaerere qui deviendra
plus tard querre, quérir signifie : chercher mais avec une
mission de rapporter, de ramener.
R
Refusant d’acquitter la rançon de la gloire...
* In Jeanne.
ULYSSE [in Pénélope].
C’est le roi d’Ithaque, l’époux de Pénélope et le père de
Télémaque. Personnage important de l’Iliade, Ulysse est le
héros de l’Odyssée. Ulysse signifie : victime de l’hostilité.
Diplomate ingénieux et guerrier lucide, il fut toute sa vie à la
recherche de l’absolu. Ses pérégrinations qui durèrent une
vingtaine d’années sont relatées par Homère.
La Pénélope de Brassens devra-t-elle attendre aussi long
temps le retour de son Ulysse de banlieue ?
Va-t’en voir là-haut si j’y suis... » *
In Le testament.
VAISSEAUX (BRÛLER, VOLER SES) [in Je rejoindrai
ma belle].
« Si les forbans des eauxIOnt volé mes vaisseaux... » : dans
cette chanson, Georges Brassens a modifié l’expression brûler
ses vaisseaux. Brûler ou voler, peu importe : dans les deux cas,
on est privé des moyens de repartir.
Brûler ses vaisseaux fut une stratégie maritime. Arrivés
en territoire ennemi et privés ainsi de tout moyen de
retraite, les équipages n’avaient d’autre choix que celui
de vaincre. Guillaume le Conquérant et Fernand Cortez,
entre autres, utilisèrent cette pratique pour galvaniser leurs
troupes.
VA'T'EN'GUERRE [in Quand les cons sont braves].
Cette locution forme un nom commun masculin et
invariable ; son origine est semble-t-il récente et située
entre les deux guerres mondiales. Et cela bien que les
bellicistes aient toujours existé. Celui qui aime et recherche
le combat, qui est toujours prêt à en découdre, est un
vü't-en'guerre.
Les mots de Brassens
D
Démon de midi
G.B- Démon de Vénus,,,
(in Le sein de chair et le sein de bois)
Des contes à dormir debout
G.B. Des contes à mourir debout quon me consacre...
(in Le bulletin de santé)
Des pleurs et des grincements de dents
G.B. Il ny aura pas de pleurs dans les gentilhommières,
Ni de grincements de fesses dans les chaumières...
(in Uandropause)
Détournement de mineur
G.B. Se livrent au détournement
De majeur et, vénalement...
(in Concurrence déloyale)
Du bois dont on fait les flûtes
G.B. On était du même bois
Un peu rustique, un peu brut.
Dont on fait n importe quoi
Sauf, naturellement, les flûtes...
(in Auprès de mon arbre)
H
Hurler à la mort
G.B. Que, sans écho, dans les cours.
Nous hurlons à l'amour...
(in La femme d^Hector)
I
Il ne faut jamais remettre au lendemain
ce que Fon peut faire le jour même
G.B. Mieux vaut toujours remettre une salve à demain.
(in Les deux oncles)
Il ne faut pas vendre la peau de Fours
avant de Favoir tué
G.B. Sachez que vous avez vendu les génitoires,
Révérence parler, de l'ours un peu trop tôt,..
(in Uandropause)
II n’y a pas de fumée sans feu
G.B. Où brillait sans se consumer
Un genre de feu sans fumée...
(in Histoire de faussaire)
Il n’y a pas de quoi fouetter un chat
G. B. Un y a vraiment pas là de quoi fouetter un cœur.
(in Pénélope)
M
Manger la laine sur le dos
G.B. Mesdam's en vous laissant manger le plaisir sur le dos.
(in Quatre-vingt-quinze pour cent)
Mener par le bout du nez
G.B. Puis qui vous mèn' par le bout du cœur.
(in Une jolie fleur)
Mettre de Peau dans son vin
G.B. Qu je n’ mettais pas de vin dans mon eau,..
(in Celui qui a mal tourné)
Mettre le couteau sous la gorge
G.B. Ma m f, de grâce, ne mettons
Pas sous la gorge à Cupidon
Sa propre flèche...
(in La non^demande en mariage)
Mouton de Panurge
G.B. Vénus de Panurge...
(in Chansonnette à celle qui reste puceïle)
N
Ne pas être né de la dernière pluie
G.B. Petits cons d'la dernière averse...
(in Le temps ne fait rien à Vaffaire)
Ne pas voir plus loin que le bout de son nez
G.B. Amour d'un sou qui n allait, certes,
Guèr plus loin que le bout d'son lit.
(in Le temps passé)
Ne plus savoir où donner de la tête
G.B. Ne savais plus où donner de la bouche...
(in Une jolie fleur)
G.B. Que je ne sache plus où donner de la corne...
(in Le cocu)
O
Ouvrier de la onzième heure
G.B. Orphelin de la onzième heure.
(in Uorphelin)
R
Ralliez-vous à mon panache blanc
G.B. Tous les cœurs se rallient à sa blanche cornette...
(in La religieuse)
Ranimer la flamme du Soldat inconnu
G.B. En train de ranimer la flamme
Du soldat qui lui était connu...
(in La ballade des cimetières)
Ressembler à quelqu'un comme deux gouttes d^eau
G.B. Son pain ressemble à du gâteau
Et son eau à du vin comm’ deux gouttes d'eau...
(in Jeanne)
U
Une hirondelle ne fait pas le printemps
G.B. L'hirondelle en partant ne fera plus l'automne.
(in Le vingt^deux septembre)
V
Voir Venise et mourir
G.B. Voir votre académie, Madame, et puis mourir.
(in Venus callipyge)
Réminiscences littéraires
avec liens
Introduction - Georges Brassens, cet orfèvre des mots..
par Loïc Rochard............................................................. 9
Les mots de Brassens
Avec, à la lèvre, un doux chant ................................ 19
Bonnes fées, sauvegardez-nous ! ................................ 35
Comptez plus sur oncle Archibald............................ 59
Dieu reconnaîtra le sien ! .......................................... 91
Est'il encore debout, le chêne ? ................................ 105
Faute de fleur de lys, on eut la pâquerette............... 117
Qrand branle-bas dans Landerneau .......................... 135
Histoire d’endormir le temps .................................... 149
Il est des jours où Cupidon s’en fout......................... 159
J’quitterai la vie à reculons ........ 165
La suite serait délectable............ 173
Moi qui balance entre deux âges 183
N’en déplaise aux jeteurs de sort. 205
Ô vous, les arracheurs de dents ... 215
Par le chemin des écoliers......................................... 221
Quand je vais chez la fleuriste................................... 247
Refusant d’acquitter la rançon de la gloire.............. 251
Sans vergogne............................................................. 261
Toi qui m’as donné du feu quand ............................. 277
Un semblant d’accord de guitare .............................. 293
Va-t’en voir là-haut si j’y suis.................................... 297
Y a des petites fleurs ................................................... 305
Z et fin ........................................................................ 309
Annexes
I Les expressions détournées..................................... 315
II Réminiscences littéraires ...................................... 329
Index des chansons de Georges Brassens....................... 351
Bibliographie................................................................... 355
G eorges B rassens
AU CHERCHE MIDI