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Le Politiste


mardi 12 avril 2011
Introduction à la science politique

La science politique est la discipline qui étudie les phénomènes politiques. Elle est le
résultat de l’institutionnalisation progressive d’un ensemble de champs du savoir (droit,
économie, histoire, sociologie) lorsque ceux-ci s’intéressent plus spécifiquement à l’
étude du pouvoir, si bien que l’on a pu parler pendant longtemps de sciences politiques
au pluriel. Il s’agit donc d’une discipline se situant au carrefour de plusieurs autres et
dont les méthodes d’analyse sont les mêmes que celles utilisées par les sciences
sociales.

1/ L’objet de la science politique est l’étude des phénomènes politiques. Cette définition
nécessite cependant d’être explicitée. Les phénomènes politiques se caractérisent par
une extrême diversité comme le montre la multiplicité des acceptions du mot politique.
L’anglais permet de faire des distinctions difficilement audibles en français.

Il faut distinguer :
la politique (politics) : désigne la vie politique, l’arène où les responsables politiques s’
affrontent pour la conquête du pouvoir (par exemple, s’engager en politique, faire de la
politique) ;
la politique (policy) : renvoie aux programmes d’action mis en place par une institution
pour atteindre des objectifs donnés (par exemple, l’Etat qui met en œuvre des politiques
sociales ou encore une entreprise qui définit une politique des ressources humaines) ;
le politique (polity) : l’emploi du masculin renvoie à celui qui gouverne, qui exerce des
responsabilités dans la cité (polis en grec), qui détient le pouvoir.
La science politique étudie les phénomènes politiques compris comme ceux qui relèvent
de ce troisième sens. L’existence de conflits réels ou supposés au sein d’une société est
envisagée comme l’origine de l’intervention d’un tiers, le juge ou l’Etat, chargé d’arbitrer
afin de garantir la cohésion sociale. Cette régulation des conflits inhérents à la société
explique la reconnaissance progressive d’un pouvoir détenteur du monopole du recours
à "la violence légitime" (pour reprendre la définition de l’Etat donnée par Max Weber).

L’objet de la science politique est donc le conflit et sa régulation par l’utilisation du


pouvoir. Cela signifie qu’aucun problème de société n’est par nature politique mais que n’
importe lequel est susceptible de le devenir pourvu qu'un groupe s'en saisisse. La
question de l’avortement dans les années 1970 ou celle du droit opposable au logement
dans les années 2000 sont des exemples de problèmes de sociétés qui ont émergé
grâce à la mobilisation d’acteurs. Mais encore faut-il que ces groupes acquièrent une
visibilité suffisante. C'est là tout l'enjeu du politique. La reprise de ces questions
sociales par les pouvoirs publics est l'objet d'une traduction au politique qui implique un
certain codage visant à identifier des victimes et des responsables, à traduire les
problèmes catégoriels en problèmes d’intérêt général, à interpeller la classe politique
(celle qui gouverne et l'opposition de manière à les faire prendre position) et à
surestimer les capacités d’action gouvernementale en demandant plus que ce qu'elle
faisait avant la mobilisation.

Dans La Science politique, Philippe Braud distingue quatre sous-disciplines propres à la


science politique
la Théorie politique : elle porte sur divers concepts tels que le pouvoir, la nation, l’État, la
mobilisation et cherche à formuler des théories, des modèles interprétatifs de la réalité
politique, et à s’interroger sur les méthodologies employées. Elle renvoie également à l’
histoire des idées politiques qui désigne l’étude des idéologies justifiant l’action
politique ;
la Sociologie politique : elle désigne l’étude des acteurs de la vie politique (institutions,
partis, groupes d’intérêt, personnel politique, forces sociales), l’analyse des élections,
des processus de socialisation, de communication et d’action collective et des modes
de construction des idéologies et des univers de représentations symboliques ;
la Gouvernance et les politiques publiques : il s’agit de l’étude du fait administratif,
compartiment de la sociologie politique, mais dont la largeur justifie une certaine
autonomie (la gouvernance désigne l’étude comparée des processus décisionnels dans
toutes les institutions et pas seulement dans les administrations) ;
les Relations internationales : c’est l’étude des rapports inter-étatiques, mais aussi des
activités des organisations internationales.

2/ La science politique partage avec les sciences sociales des méthodes d’investigation
similaires qui se sont affinées au fil du temps.

L’histoire de la science politique montre une évolution des méthodes utilisées qui s’
inscrit néanmoins dans une certaine continuité du point de vue de la rigueur de l'analyse.
Les premiers penseurs politiques tels que Thucydide, Platon ou Aristote adoptent une
attitude visant à établir les faits et à définir les concepts avec un souci de rigueur
significatif. A la Renaissance, Machiavel réalise une distinction fondamentale de la
politique et de la morale, et ouvre ainsi la voie à une réflexion sur les phénomènes
politiques affranchie de considérations éthiques ou philosophiques.

Plus tard, Montesquieu et Tocqueville réalisent des voyages qui seront la source d’
inspiration à des comparaisons entre les différents régimes politiques. Dans L’Esprit des
lois (1749), Montesquieu met au point sa célèbre théorie sur la séparation des pouvoirs
qui repose sur l’observation des mœurs politiques. Quant à Tocqueville, dans De la
démocratie en Amérique (1835-1840), il décrit et analyse le système politique américain,
puis expose les possibles dérives liberticides de la passion de l'égalité chez les hommes.

Les fondateurs de la science politique moderne apparaissent au début du XXe siècle, en


même temps qu’émergent les sciences sociales. Emile Durkheim définit les bases du
raisonnement scientifique en sciences sociales dans Les Règles de la méthode
sociologique (1885). Dans Le savant et le politique, Max Weber se préoccupe de la
neutralité axiologique, désignant par là, la nécessité pour le chercheur de se défaire de
ses jugements de valeurs dans son travail de recherche. Weber mène également
plusieurs travaux sur les modes de légitimation du pouvoir (il est à l’origine d’une théorie
sur les différentes formes de domination) ou encore sur le fonctionnement de la
rationalité bureaucratique dans les Etats modernes. Il ne faut pas oublier non plus les
travaux précurseurs de sociologie électorale menés par André Siegfried dans son
Tableau politique de la France de l’Ouest (1913) où il recueille des données et les
analyse en adoptant un raisonnement rigoureux.

Le fait majeur dans l’apparition des sciences politiques reste toutefois l’influence des
chercheurs américains. Ces derniers, sous l’influence de la tradition empiriste et
utilitariste, réalisent d’importantes études de terrain qui contribuent à populariser la
discipline et à l’ancrer dans le paysage des sciences sociales. Ils n'hésitent pas non plus
à recourir aux statistiques et à l'usage des mathématiques. La tradition française des
sciences politiques a toujours favorisé les travaux plus qualitatifs, ce qui peut
s'expliquer par le fait que les facultés de science politique ont émergé des facultés de
droit. Mais l'Ecole libre des Sciences politiques (ancêtre de Sciences Po) créée en 1872
par Emile Boutmy, école dont l'objectif est de former des praticiens de la chose publique
(fonctionnaires, gouvernants, etc.), a pu servir de porte d'entrée à la science politique
américaine et ainsi contribué à la formation d'un champ scientifique avec ses propres
règles de fonctionnement (il existe une agrégation de science politique depuis 1988, des
revues, des chairs universitaires, des centres de recherche, etc.).
Nicolas à 4/12/2011 05:23:00 PM
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