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SociologieS

Dossiers, Pragmatisme et sciences sociales : explorations, enquêtes, expérimentations

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Daniel Cefaï, Alexandra Bidet, Joan Stavo-Debauge, Roberto Frega,


Antoine Hennion et Cédric Terzi
Introduction du Dossier « Pragmatisme
et sciences sociales : explorations,
enquêtes, expérimentations »
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Référence électronique
Daniel Cefaï, Alexandra Bidet, Joan Stavo-Debauge, Roberto Frega, Antoine Hennion et Cédric Terzi, « Introduction
du Dossier « Pragmatisme et sciences sociales : explorations, enquêtes, expérimentations » », SociologieS [En
ligne], Dossiers, Pragmatisme et sciences sociales : explorations, enquêtes, expérimentations, mis en ligne le 23
février 2015, consulté le 23 février 2015. URL : http://sociologies.revues.org/4915

Éditeur : Association internationales des sociologues de langue française (AISLF)


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Introduction du Dossier « Pragmatisme et sciences sociales : explorations, enquêtes, expé (...) 2

Daniel Cefaï, Alexandra Bidet, Joan Stavo-Debauge, Roberto Frega,


Antoine Hennion et Cédric Terzi

Introduction du Dossier « Pragmatisme et


sciences sociales : explorations, enquêtes,
expérimentations »
1 Ce Dossier de SociologieS a pour finalité de donner un aperçu de la pluralité des réceptions
du pragmatisme en sciences sociales dans le monde francophone  1. Elle s’inscrit dans la
continuité d’un séminaire qui s’est tenu pendant l’année 2012-2013 à l’École des hautes
études en sciences sociales (EHESS-Paris), coorganisé par Alexandra Bidet, Daniel Cefaï,
Antoine Hennion, Roberto Frega, Joan Stavo-Debauge et Cédric Terzi  2. Ce séminaire s’est
poursuivi en 2013-2014 par une coopération de Daniel Cefaï et Howard Becker autour du
thème « Relire la sociologie de Chicago »  3 et reprend sous une forme élargie en 2014-15
avec le groupe de 2012, qu’ont rejoint Yves Cohen et Bénédicte Zimmermann 4. L’entreprise
entre également en résonance avec la création récente, en 2014, d’une association d’études
pragmatistes dans le monde francophone, Pragmata  5, qui fédère les chercheurs en sciences
humaines et sociales, mais aussi dans d’autres domaines comme la philosophie morale et
politique, l’épistémologie, les sciences formelles, les sciences de la nature, les sciences du
langage, les sciences cognitives… Dans cette livraison, nous avons invité, au-delà du noyau
du séminaire, un certain nombre de collègues francophones, connus pour leur intérêt pour le
pragmatisme, à y participer : Mathieu Berger, Francis Chateauraynaud, Jean-François Côté,
Louis Quéré et Joëlle Zask. Nous espérons ainsi donner un aperçu des apports foisonnants
de cette transplantation et de cette acclimatation d’une philosophie nord-américaine dans les
sciences sociales de langue française – en Belgique, en France, au Québec et en Suisse.
2 PragmatismeS, au pluriel. Il n’est en effet pas « un » pragmatisme, mais plusieurs, et ce dès la
première période à laquelle nous nous référons plus spécifiquement (Ogien, 2014) 6. Le carré
classique dessiné par Charles Sanders Peirce, William James, John Dewey et George Herbert
Mead est celui qui a été retenu par l’histoire de la philosophie. Mais beaucoup d’auteurs
importants en leur temps ont été en partie oubliés  – Josiah Royce, James Hayden Tufts,
James Rowland Angell, Alfred Henry Lloyd, Addison Moore, ou plus proches de nous par
leurs préoccupations, Charles W. Morris et sa pragmatique linguistique et dans le domaine
de la politique progressiste, Jane Addams, la cheville ouvrière de Hull House, Mary Parker
Follett, qui a proposé une nouvelle théorie du pouvoir, de l’organisation et du management,
Ella Flagg Young, qui coopérait avec Juon Dewey à la mise en place de la Laboratory
School, ou Sidney Hook, marxiste hétérodoxe et infatigable défenseur de John Dewey dans
les années 1920 et 1930. Pas question de faire dans ce Dossier un recensement de tous ces
travaux ni l’exégèse de leur intérêt pour les sciences sociales. Le sens de la catégorie de
« pragmatisme » s’est lui-même transformé au cours du temps et il suffit de discuter un moment
avec des collègues pour percevoir la diversité de cette renaissance. Nous nous en tiendrons ici
à l’exploration de différentes voies à travers lesquelles les auteurs pragmatistes continuent de
nous interpeller. Ce Dossier de SociologieS présentera donc un certain nombre d’héritages et
de réceptions – historiques, théoriques et empiriques – du pragmatisme et tentera de montrer
quelques-unes des multiples voies d’exploration qui s’en inspirent aujourd’hui, au croisement
de la sociologie, des sciences politiques, de l’anthropologie et de l’histoire.
3 Notre première tâche aura été d’en faire le point, de repérer un certain nombre d’interrogations,
de choisir et de relire quelques textes, de comprendre comment tel ou tel auteur s’est emparé
d’une idée particulière et l’a fait jouer dans son propre travail de recherche. Comment le
pragmatisme nous travaille-t-il ? Qu’en retenons-nous ? En quoi le monde de ces œuvres nous
parle-t-il encore  ? Quels ont été les modalités et les enjeux de ces processus de réception,
d’appropriation, d’interprétation et d’application ? Qu’est-ce qui a été dit et fait de ces textes,
qu’est-ce qu’on leur a fait dire et qu’est-ce qu’ils ont permis de faire ? Mais aussi, en quoi

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une démarche pragmatiste, dont le sens reste à définir, s’éprouve-t-elle dans les façons de
s’engager dans des enquêtes de sciences sociales ? En quoi la référence aux pragmatismes
nous aide-t-elle à travailler ? Comment et pour quoi ces idées, qui datent pour certaines de
plus d’un siècle, nous permettent-elles de décrire et d’analyser le monde contemporain ? Que
nous disent-elles et de quoi nous rendent-elles capables ?

S’engager dans l’enquête : en passant par Chicago…


4 À Chicago, au début du XXe siècle, la science sociale est entendue comme une science de la
définition et de la résolution des problèmes sociaux – problem-defining et problem-solving,
non pas au sens d’une ingénierie sociale, mais de la boucle réflexive à travers laquelle
une société exerce une prise sur elle-même et sur son devenir (Cefaï & Terzi, 2012). La
place centrale, pour les pragmatistes, de l’enquête empirique et de ses connexions avec les
affaires publiques est à comprendre dans ce cadre-là. Nous sommes en amont de la figure du
sociologue-expert, manipulant de grandes séries statistiques à l’échelle nationale et occupant
une place de conseiller du gouvernement fédéral, qui se développera à partir des années
1920 aux États-Unis et s’affirmera dans la publication des Recent Social Trends in the
United States et avec l’administration du New Deal. La figure de l’activiste progressiste qui
pratique l’enquête sociale (social survey), qui est avant tout impliqué dans l’action civique
et politique de son quartier et de sa ville et pallie les déficiences des pouvoirs publics,
n’a pas encore disparu. Va ainsi s’imposer une figure intermédiaire du sociologue en voie
de professionnalisation, concerné par et impliqué dans les affaires publiques de la zone
métropolitaine de Chicago : un sociologue qui fréquente encore les social settlements et qui
connaît les élites éclairées de la ville, qui œuvre surtout dans le cadre des services du plan
urbain, des agences démographiques et met en place des dispositifs d’observation des relations
raciales ou de régulation criminologique de la délinquance… Charles Henderson, William
Isaac Thomas, Robert E. Park, Ernest Watson Burgess ou John Dewey, George Herbert Mead,
Charles Merriam ou Clifford Shaw en sont de bons exemples. Premier point, donc, une certaine
modalité de participation – via l’enquête collective et la promotion de dispositifs d’enquête
collective – à la vie publique, dans une continuité avec les enquêtes ordinaires des acteurs – une
continuité que John Dewey thématise dans la Logique (1993), dans le chapitre « L’enquête du
sens commun et l’enquête scientifique » et dans le chapitre conclusif sur « L’enquête sociale ».
5 La science sociale à Chicago est donc avant tout, deuxième point, une science de l’enquête,
selon des canons rigoureux, se substituant lentement aux social surveys  – Robert E. Park
évoque la sociologie comme un «  mouvement  » (au sens de mouvement social) dont la
philosophie naturelle serait le pragmatisme. Cette enquête peut prendre de multiples formes :
à l’encontre d’une image d’Épinal de l’école de Chicago, elle n’est pas « ethnographique »
ni « qualitative » ou « interprétative »… Elle combine méthode statistique et étude de cas,
recourt aussi bien à des hypothèses fortes, quantitatives et cartographiques – souvent pensées
dans l’horizon de la démographie ou de l’écologie – qu’à des enquêtes sur les « identités », les
« expériences » ou les « significations », souvent traitées comme relevant de la psychologie
sociale  7. Elle suit des carrières de personnes (délinquants ou professionnels), de collectifs
(familles ou gangs) ou d’institutions (presse, églises ou syndicats), afin de rendre compte de la
dynamique de transformation de la relation entre des formes de vie et leur environnement. Elle
tente de tenir ensemble le devenir des structures sociales et la façon dont elles sont perçues
et agies par ceux qui y prennent place et qui y enquêtent déjà bien souvent à leur façon. Mais
à la différence de ce que nous avons longtemps connu en France, la sociologie est avant tout
conçue à partir de l’enquête et de ses conséquences et non pas de la spéculation théorique.
S’inspirer du pragmatisme, c’est promouvoir davantage encore l’enquête empirique dans le
travail sociologique et dans le travail de la pensée, en concevant la connaissance comme une
activité pratique propre à nourrir la variété des « arts », une « méthode permettant de faire face
aux périls véritables de la vie » – selon les mots de John Dewey au début de La Quête de la
certitude (Dewey, 2014 [1929], p. 24).
6 La science sociale apparaît enfin, troisième point, comme la science d’une société en constant
mouvement, qui sollicite les individus au-delà de leurs appartenances primaires. Ils ne sont

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donc pas des agents-marionnettes, dont les horizons seraient déterminés par des propriétés
sociodémographiques déjà constituées, ni des acteurs-stratèges capables de modeler leur
univers en fonction de leurs intérêts. Sous la plume de John Dewey ou de George Herbert
Mead et des pédagogues s’inspirant de leur pensée, ce que deviennent les êtres humains est
le résultat contingent des transactions qu’ils entretiennent avec leurs environnements, à la
croisée de divers cercles sociaux et au milieu d’organisations et d’institutions qui favorisent
ou verrouillent leur liberté d’invention, individuelle et collective.
« Il incombe aux sociétés d’assurer la participation de leurs membres en mettant à leur disposition
les méthodes, outils, ressources, qui leur permettent de s’intégrer, non seulement sans qu’ils
aient à sacrifier leur individualité, mais en outre, en jouissant d’opportunités de développement
personnel » (Zask, 2011, p. 278).
7 L’horizon de cette interrogation est résolument démocratique. Elle ouvre une place à des
individualités en regard des collectifs et les envisage comme le résultat émergent d’un
processus d’expérimentation, dont la forme la plus aboutie est l’enquête au cours de laquelle
des publics se constituent pour acquérir une capacité d’intervention sur les processus qui les
affectent directement ou indirectement (Dewey, 1927). Elle attribue une place centrale aux
médiations institutionnelles, aux ordres d’interaction et aux trajectoires personnelles qu’elles
rendent possibles. Autant d’invitations à écrire l’histoire politique de ces formes de régulation
sociale, organisationnelle ou légale et des expériences collectives qui leur sont associées
(par exemple Stavo-Debauge, 2008), en prêtant une attention particulière à la manière dont
elles stimulent ou entravent l’épanouissement de capacités d’action individuelle et collective
(Zimmermann, 2008, 2014).
8 Le monde social et ses institutions ne cessent de se faire, se défaire et se refaire (Joas,
1993, 2002). Ils sont le produit in the making du comportement collectif, soit d’un ensemble
d’« activités conjointes », qui regroupent des individus et des groupes les uns avec les autres
et les uns contre les autres. Ceux-ci alignent et composent localement leurs définitions de la
situation, coordonnent leurs ressources et ajustent leurs objectifs, non sans compétition entre
groupements d’intérêt (ethniques, professionnels, religieux, etc.), en vue de s’accommoder à
des environnements et de répondre à leurs sollicitations. Comme George Herbert Mead l’a
montré  – et Robert E. L. Faris ou Herbert Blumer, Anselm Strauss ou Tomatsu Shibutani
l’ont ensuite développé, c’est seulement dans ces jeux d’interactions entre acteurs et de
transactions avec un environnement matériel et culturel, dont les pièces maîtresses sont des
organisations et des institutions, que se forment des expériences de soi et d’autrui, que se
prennent et s’attribuent des rôles et que se livre un sens de la réalité partagée  – ou non.
Ces transactions n’ont pas lieu dans le vide comme en témoignent les études écologiques
et démographiques et comme le sanctionnent les modèles d’histoire naturelle. Elles sont
ancrées dans des processus sociaux et historiques vis-à-vis desquelles elles sont relativement
dépendantes. Mais en prenant la forme de la coopération ou de la compétition, de la ségrégation
ou de la coexistence, elles peuvent exercer un contrôle social d’un type particulier, à savoir
l’autorégulation de la collectivité par elle-même. Elles organisent une intelligence collective
émancipée de ces autres formes de contrôle social que sont «  la tradition, la coutume, les
usages, les mœurs, les cérémonies, les mythes, les croyances et les dogmes » (Park & Burgess,
1921). C’est dans cet horizon, tendu vers la démocratisation de la vie collective, que prennent
sens la problématique du « public » chez John Dewey et chez Robert E. Park, ainsi que les
travaux de Chicago sur le « comportement collectif », le « processus politique » et l’« opinion
publique », des années 1920 à la fin des années 1950.
9 Le retour à Chicago, dont Isaac Joseph a été l’un des artisans en France, marque ainsi un
premier moment d’interpénétration de la philosophie pragmatiste et de la science sociale. Il
invite à circonscrire un périmètre d’interrogations caractérisé par la place centrale de l’enquête
et de ses implications, le souci des problèmes publics et une compréhension de la société
comme activité et processus. Nous redonnons en ce sens la parole à Isaac Joseph, brutalement
disparu il y a dix ans déjà, en exhumant et en retravaillant l’un de ses textes, inédit et inachevé.
Isaac Joseph a engagé (Joseph, 2007a), au début des années 2000, un travail de réélaboration
de sa réflexion sur l’expérience urbaine, religieuse et civile à l’épreuve de la lecture des

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pragmatistes – une lecture qui circule entre Charles S. Peirce, John Dewey et William James
(Joseph, 2002). Le texte repris dans cette livraison rassemble quelques-uns de ses thèmes
fétiches, par exemple le public comme « communauté d’explorateurs », avec sa traduction
dans l’«  observation coopérative  » en ethnographie, ou encore la vulnérabilité des cadres
de l’expérience démocratique et les risques pour l’opinion publique de la propagande ou
de la rumeur. On a là déjà la matrice de son dernier texte « L’athlète moral et l’enquêteur
modeste  » (Joseph, 2007b) qui ouvre le volume, La Croyance et l’enquête, dont il a eu
l’initiative pour la collection « Raisons Pratiques » 8.
10 Daniel Cefaï relit ensuite certains textes de George Herbert Mead 9 et s’appuie sur la tradition
de sociologie de Chicago pour développer une conception des mondes sociaux. La perspective
des «  mondes sociaux  » est connue en France à travers ce qu’en ont fait Anselm Strauss,
dans ses enquêtes sur l’hôpital (Strauss & Baszanger, 1991) et Howard Becker, dans son livre
classique sur les mondes de l’art (Becker, 1986 [1982]). Mais le concept a été préalablement
élaboré par Tamotsu Shibutani (1955, 1986) et pousse ses racines dans l’histoire de la
sociologie de Chicago, depuis les années 1920. Daniel Cefaï propose une « reconstruction »
de ce concept – au sens de la « reconstruction » de John Dewey (2004 [1920]) – en puisant
à la fois dans la pensée de George Herbert Mead, relue à travers un prisme écologique
et dans des thèses, publiées et non-publiées, réalisées à Chicago dans les années 1920 et
après la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit là d’une première étape d’un projet qui vise à
redévelopper le projet d’écologie humaine de Robert E. Park, Ernest W. Burgess et Roderick
C. McKenzie en y intégrant des hypothèses tirées de la philosophie pragmatiste et des enquêtes
menées à partir des concepts d’activité, d’expérience et d’identité, d’institution, de culture
et de communication. Cette reprise permettra ultérieurement de retravailler la question de la
formation du public et des problèmes publics et de leurs ancrages dans des mondes sociaux.
11 Jean-François Côté avance lui aussi quelques hypothèses interprétatives sur George Herbert
Mead, qu’il relit comme un philosophe et un psychologue social et rouvre le débat houleux
des relations entre la pensée de ce professeur, qui enseignait à l’Université de Chicago et les
usages qui en ont été faits par ses collègues et étudiants du département de sociologie dans les
années 1920. Mais il ne cherche pas tant à retrouver dans les archives ce qui a bien pu « passer »
des cours, des articles et des conférences de George Herbert Mead chez ses successeurs, qu’à
examiner la façon dont le naturalisme ou l’expérimentalisme ont été repris dans les travaux
empiriques, ou à souligner quelques aspects du lien de ces enquêtes au réformisme social
de l’époque. Il se centre surtout sur les dimensions esthétique et éthique de cette sociologie
de Chicago, dans laquelle il voit une réflexion pluraliste sur la démocratie, distincte des
thématiques développées en Europe par Émile Durkheim ou Max Weber. Il développe ainsi
une réflexion originale sur la « représentation kaléidoscopique de la société » qui y est donnée
avec le théâtre de Gertrude Stein, laquelle avait étudié avec William James.
12 Quant à elle, Joëlle Zask se porte sur le terrain de l’anthropologie nord-américaine au début
du XXe siècle et approfondit l’enquête sur son rapport avec le pragmatisme (Zask, 2003). Elle
part de la seconde introduction à Experience and Nature (1949 et 1951), où John Dewey écrit
que le concept d’« expérience », dont il a eu l’usage jusqu’alors, peut être remplacé par celui
de « culture », de sorte à éviter les malentendus dont a pâti la réception de ses travaux. Si
cette remarque tardive de John Dewey doit beaucoup à l’état des discussions de l’époque,
où les thèses des anthropologues «  culturalistes  » avaient le vent en poupe, sa pertinence
s’étend au-delà de ces raisons conjoncturelles. John Dewey a été proche de Franz Boas et
des anthropologues de la Columbia University et mènera toute sa vie durant une réflexion
sur l’épanouissement de la liberté dans une culture démocratique, comme l’atteste Freedom
and Culture (1939). Outre qu’elle invite à étudier la façon dont le concept de culture, de
Franz Boas à Edward Sapir, consonne à bien des égards avec la perspective pragmatiste, Joëlle
Zask ouvre des pistes sur le lien entre culture et habitudes et donne une définition dynamique
du changement culturel. Celle-ci se trouve, chez John Dewey, au cœur d’une interrogation
sur l’« individualité » et sur ses capacités d’innovation culturelle. Les différents auteurs en
viennent ainsi à évaluer la « culture » selon que, « vraie » (genuine) ou « fausse » (spurious),
elle permet à l’individualité de s’épanouir ou bride sa liberté.

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Sur le politique : de multiples expériences d’enquête


13 Les réceptions francophones du pragmatisme ne se limitent pas au périmètre circonscrit dans
cette première partie. Elles se sont aussi emparées empiriquement des thèmes chers aux
pragmatistes du début du XXe  siècle  : l’habitude et l’action, la croyance, la formation des
valeurs, l’expérience, l’enquête, l’expérimentation, le pluralisme, le public ou l’éthique et les
ont explorés dans de nouveaux contextes sociaux.
14 On l’a vu, par son souci de l’enquête empirique et de sa dimension publique, le pragmatisme
n’est en effet pas seulement une théorie philosophique, une de plus, suspendue dans le ciel
des idées. Il est indissociable d’un travail réflexif qui fait émerger simultanément des faits
sociaux à examiner, des méthodes d’investigation et des idées à analyser. Données, méthodes
et analyses ont vocation à s’approfondir les unes les autres. Le chercheur en sciences sociales
se trouve alors engagé dans  : 1) un effort d’observation, d’enquête et d’expérimentation,
où s’élabore une prise pratique sur des situations sociales ; 2) une mise à l’épreuve de ses
croyances, des habitudes pratiques de la vie quotidienne et des propositions théoriques de la
science sociale ; et 3) un processus d’élaboration et d’établissement, via l’enquête, de nouvelles
hypothèses qui s’avèreront plus vraisemblables, jusqu’à nouvel ordre. Se déploie ainsi un autre
rapport aux sciences sociales, qui ne sont jamais que provisoires et faillibles, sans cesse remises
en cause par l’avancée de l’enquête scientifique, la transformation des processus sociaux et la
créativité individuelle et collective.
15 Un domaine de prédilection de ce régime d’enquête est le politique 10 – entendu non pas comme
un champ institutionnel ou une profession spécialisée, mais comme forme de vie et comme
activité. John Dewey a ouvert la voie avec un livre, Le Public et ses problèmes (2010 [1927]),
qui a été, depuis sa traduction en français en 2003 par Joëlle Zask, la source de nombreux
commentaires. La sociologie de l’expérience publique et des problèmes publics s’est emparée
de cette perspective (Cefaï & Terzi, 2012) et John Dewey est devenu en quelques années une
référence incontournable pour les chercheurs sur la démocratie délibérative et participative
(voir les nombreux articles qui s’y réfèrent dans la revue Participations). Petit à petit, on
redécouvre la richesse du progressisme américain. L’épopée de Hull House autour de Jane
Addams cohabite avec les engagements civiques dans la réforme sociale de George Herbert
Mead (Cefaï & Quéré, 2006) et avec les prises de position de John Dewey, que ce soit en
pédagogie (Dewey, 1983), sur le libéralisme (Dewey, 2014), sur la religion (Stavo-Debauge,
Gonzalez & Frega, 2015) ou dans la commission Trotski (Dewey & Trotski, 2014).
16 Le pragmatisme a ainsi ouvert la voie et fourni des hypothèses à des travaux sociologiques
soucieux de saisir le politique comme une activité, dans différents espaces de la vie sociale.
John Dewey considère que la dimension éthique et politique d’une situation s’enracine dans
son indétermination pratique – que faire, comment y répondre, comment bien y agir ? Cette
indétermination est, pour ceux qui y sont confrontés, un appel à enquêter sur les composantes
de la situation, en s’affrontant à sa complexité, en endurant et en cultivant le désagrément
propre au doute. C’est aussi pour chacun un appel à enquêter sur ce qui le concerne, sur ses
attachements et sur leur portée  : dans quelle mesure suis-je concerné, jusqu’où, pourquoi,
avec quelles conséquences  ? Si l’on entend la démocratie comme un «  mode de vie  » et
pas simplement comme une « forme de gouvernement », chaque personne peut être amenée,
au cours d’activités les plus diverses, à s’interroger sur ce qui la concerne au-delà de ses
propres affaires, à élaborer un point de vue sur les bonnes façons de vivre ensemble et les
contours d’un possible bien commun, ou encore à se faire une idée de ce qu’elle doit à ses
concitoyens et ce qu’elle peut en attendre (Gayet-Viaud, 2011). Cet ensemble de questions
a déjà trouvé des formulations diverses dans le monde francophone, des interrogations sur
le civisme ordinaire (Pharo, 1985), à celles sur la citadinité-citoyenneté dans l’espace public
(Joseph, 1998) ou sur les politiques ordinaires de la vie urbaine (Relieu & Terzi, 2003), d’une
sociologie de la vigilance et de l’alerte (Chateauraynaud & Torny, 1999) à une anthropologie
des engagements citoyens (Cefaï, 2007) ou à une ethnographie du vivre-ensemble (Berger,
Cefaï & Gayet-Viaud, 2011). On le retrouve également dans les enquêtes sur les sensibilités
pragmatiques dans l’action publique (Cantelli, Roca i Escoda, Stavo-Debauge & Pattaroni,
2009), sur les esthétiques du politique (Breviglieri, Stavo-Debauge & Trom, 2000) ou sur les

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politiques du proche (Thévenot, 2011 ; Breviglieri, 2012). Il travaille, enfin, la praxéologie


des controverses médiatiques autour de problèmes publics (Terzi, 2005  ; Bovet, 2013) ou
des mobilisations nationalistes dans des assemblées religieuses (Gonzalez, 2014a et b). Les
apports de la sociologie pragmatique et praxéologique se sont ainsi récemment mêlés à ceux
du pragmatisme, dans des synthèses qui n’ont pas d’équivalent hors du monde francophone.
17 Dans ce sens, les trois contributions de cette section mettent en jeu la notion pragmatiste
d’expérience pour s’intéresser à ce qui affecte les personnes, à ce qui les trouble ou les
« prend ». Comment les expériences se constituent-elles, se croisent-elles, s’opposent-elles,
ou encore se partagent-elles au fil d’activités concrètes ?
18 Francis Chateauraynaud  11 nous montre la façon dont la torsion d’une tradition pragmatiste
lui a permis de réconcilier sa sociologie pragmatique et réflexive avec la question du pouvoir,
prise sous l’angle des «  relations d’emprise  ». Cet auteur a puisé, depuis les années 2000,
dans une vision des publics propre à John Dewey et a développé depuis Les Sombres
précurseurs (Chateauraynaud & Torny, 2014 [1999]) une sociologie des affaires et des
risques publics en forme de pragmatique des alertes et des controverses, puis plus récemment,
de «  balistique sociologique  » (Chateauraynaud, 2011). Avec Josquin Debaz, Jean-Pierre
Charriau et leurs logiciels Prospero et Marlowe, ils traitent de dossiers complexes sur de
longues séries longitudinales  12 ; et avec Jean-Michel Fourniau, ils enquêtent sur des formes
de concertation et de participation du public aux processus de décision politique  13. Dans
ce cadre, Francis Chateauraynaud en est venu à creuser en direction d’une réflexion sur les
« asymétries de prise » et sur les « relations d’emprise », point aveugle selon lui des approches
en termes d’épreuves de justification, d’action située et d’acteur-réseau. Il publie ici pour
la première fois le résultat de cette recherche, qui traite le pouvoir de commander non pas
comme l’expression de hiérarchies statutaires, ni comme découlant du charisme d’un chef
ou d’une technique d’administration (Cohen, 2013), mais comme le pouvoir d’« empêcher
les actes de dévoilement et de dénonciation, soit en les rendant très coûteux pour leurs
auteurs, soit en les différant dans le temps de telle sorte qu’ils apparaissent décalés et
caducs ». Ce questionnement, enraciné dans l’enquête empirique, donne l’occasion à Francis
Chateauraynaud d’indiquer en quoi sa prise de position se distingue de celles de la sociologie
dite « critique ».
19 Dans un même désir de dialogue avec la tradition critique, du côté de Jürgen Habermas
ou d’Axel Honneth, Mathieu Berger s’adosse à la tradition pragmatiste pour documenter
des «  pathologies de l’interaction démocratique  » dans différents dispositifs participatifs.
Après avoir recouru au dernier Erving Goffman pour rendre compte des «  infélicités  » et
des « résistances » (Berger, 2011 et 2012a) de la parole profane et s’être appuyé sur Charles
Sanders Peirce et sa trichotomie du signe (symbole, indice, icône) pour penser à nouveaux frais
les modalités d’engagement des citadins-citoyens dans les affaires publiques (Berger, 2014),
il présente ici les premiers résultats d’une enquête de longue haleine menée à Bruxelles et à
Los Angeles (voir aussi 2012b), sur les dynamiques et les effets propres de ce qu’il appelle la
« participation faible ». Reprenant les thèmes lippmannien du « public fantôme » et deweyen
de l’« éclipse du public », il met en évidence la formation de « publics fantomatiques », en
montrant comment les responsables de dispositifs participatifs d’État en viennent à nourrir
une « hantise » (Stavo-Debauge, 2012b) de la participation de certains perturbateurs, perçus
comme indésirables, sinon fous, par les autres membres des assemblées (Berger & Charles,
2014). L’essentiel de l’activité des responsables de ces dispositifs consiste ainsi, pour une part,
en un travail de contention des modalités de participation qui ne répondent pas aux formats de
prise de parole attendus et, d’autre part, en l’invention de nouveaux formats privilégiant à la
fois une dépolitisation des engagements et une atomisation des contributions.
20 Après le pouvoir d’emprise et les pathologies de l’interaction démocratique, c’est la question
d’une ethnographie des actes citoyens en ville que pose le troisième texte. Alexandra Bidet a
contribué à diffuser la réflexion de John Dewey sur les valeurs (Bidet, 2008 ; Bidet, Quéré
& Truc, 2011) et à réinvestir son approche du travail (Bidet, 2011a et b  ; Bidet, Boutet
& Chave, 2013), qui innerve les champs de recherche foisonnants des Workplace studies,
Practice-based studies et Science and technology studies. L’article ici co-écrit avec Manuel

SociologieS
Introduction du Dossier « Pragmatisme et sciences sociales : explorations, enquêtes, expé (...) 8

Boutet, Frédérique Chave, Carole Gayet-Viaud et Erwan Le Méner quitte l’espace du travail
pour celui des interactions entre inconnus dans les espaces publics urbains. De même que
l’on peut identifier, en deçà du travail comme question sociale, une dimension éthique et
politique du travail comme activité, de même il existe, à côté de la formation de « publics
concernés  », des engagements citoyens, à maints égards éphémères, mais posant de façon
consistante la question du bien commun. La citoyenneté n’est plus abordée sous l’angle d’une
énumération de droits et de devoirs abstraits, mais comme mode de vie ; et elle ne se laisse
pas saisir seulement dans la formulation d’opinions, l’élection ou la mobilisation, mais dans
l’ordre des interactions et des relations en public (Goffman, 2011 [1963] et 1973 [1971]  ;
Joseph, 1998). La coexistence entre citadins est porteuse d’un sens moral qui se donne dans
les épreuves de civilité propres au côtoiement ordinaire et irréductibles à l’inattention civile
qu’Erving Goffman avait décrite (Gayet-Viaud, à paraître). Elle se donne non seulement
dans les épreuves de trouble et de concernement, qui ouvrent à la problématisation de
la situation, mais aussi dans des épreuves de «  sollicitation  » qui ébranlent la sensibilité
affective et la responsabilité morale et qui appellent une «  intervention  ». L’horizon du
politique comme activité se trouve ainsi considérablement étendu (Gayet-Viaud, 2011). Cette
démarche relance les enquêtes ethnométhodologiques ou ethnographiques sur la civilité, le
civisme et la citoyenneté en y intégrant des éléments provenant de la philosophie pragmatiste,
principalement de John Dewey.

Traverses : le renouvellement de traditions de recherche


21 Les réceptions francophones ont enfin accompli un certain nombre de confrontations du
pragmatisme avec différents courants de recherche  – la sociologie de l’innovation, des
sciences et des techniques, l’ethnométhodologie, la phénoménologie et, plus généralement,
la philosophie morale et politique. Ce sont celles-ci qui sont examinées dans cette troisième
partie, avec à chaque fois une entrée originale. Il ne s’agit pas tant de lancer des passerelles
entre deux domaines de recherche qui seraient préétablis et de trouver des connexions entre
eux, que de repartir d’une perspective et de la faire travailler à l’épreuve de l’une ou l’autre
version du pragmatisme.
22 Louis Quéré et Cédric Terzi travaillent ainsi à reproblématiser le lien que leurs travaux ont
noué entre le pragmatisme et l’ethnométhodologie. Ils approfondissent leur réflexion sur
les formes de l’expérience publique (Quéré, 2002 et 2003) et sur le rôle de l’«  enquête
sociale » (Dewey, 1993 [1938]) en démocratie. Plutôt que de postuler une continuité théorique
et pratique entre le pragmatisme et l’ethnométhodologie, ils s’attachent à montrer de quelle
manière faire converger des perspectives qui ne sont pas aussi immédiatement compatibles
qu’on a bien voulu le dire (Emirbayer & Maynard, 2011). Revenant sur leur parcours
intellectuel, les deux auteurs tentent de comprendre comment certaines enquêtes peuvent
demeurer impuissantes, alors même qu’elles sont conduites dans des environnements libéraux
et encadrées par des institutions démocratiques et participatives. Leur recherche les conduit à
mettre au travail les écarts entre les perspectives de John Dewey et de Harold Garfinkel (celui
des Studies, 1987 [1967] principalement) et leurs descendances. Ils jouent des angles morts
de chacune de ces traditions, de sorte de renouveler les modalités de l’enquête sociologique
ainsi que les pratiques politiques qu’elle inspire. Leur texte approfondit ainsi un sillon déjà
creusé dans de précédentes publications (Quéré & Terzi, 2011), offrant la solution d’une
articulation, tant théorique que pratique, du pragmatisme deweyen et de l’ethnométhodologie
garfinkelienne. Ils enrichissent, enfin, la perception du public en empruntant à Jan Patočka
(1999 [1990]) et définissent le collectif singulier qui se déploie autour d’une situation
problématique comme une « communauté des ébranlés ».
23 Le texte de Joan Stavo-Debauge n’est pas sans entrer en résonance avec celui de Louis Quéré
et Cédric Terzi. Son enquête sur la communauté, qui l’avait déjà amené à interroger avec
Danny Trom (Stavo-Debauge & Trom, 2004) les interprétations spontanéistes du public de
John Dewey, le conduit à présent à proposer une relecture de The Stranger (Schütz, 2003
[1945]). Il remet en cause la portée du tournant pragmatiste que certains ont repéré dans la
période américaine d’Alfred Schütz. Réinterrogeant les présupposés existentiaux et normatifs

SociologieS
Introduction du Dossier « Pragmatisme et sciences sociales : explorations, enquêtes, expé (...) 9

de la sociologie de l’« attitude naturelle » d’Alfred Schütz, Joan Stavo-Debauge montre ensuite


comment les mêmes présupposés ont été repris dans le programme ethnométhodologique lancé
par les Studies de Harold Garfinkel (2007 [1967]). De l’étranger d’Alfred Schütz au cas de
la transsexuelle Agnès de Harold Garfinkel, Joan Stavo-Debauge diagnostique une même
distance au pragmatisme et relève une même inattention à la question de l’hospitalité dans
l’expérience de l’« étrangèreté ». Cette question est tout autant absente de l’École française de
sociologie, qui n’a pas su se laisser troubler par le « choc » de l’étrange et du nouveau (Stavo-
Debauge, 2012a), aux antipodes des philosophies et sociologies pluralistes qui émergeaient à
la même époque aux États-Unis.
24 Avec Antoine Hennion, c’est une autre exploration qui s’engage (Floux & Schinz, 2003). Cet
auteur s’est souvent réclamé de William James, notamment via les pragmata, ces « choses dans
leur pluralité » et cette référence a joué en sous-main dans ses enquêtes sur l’« attachement »
des «  amateurs  » à une variété d’objets (de la musique au vin ou aux drogues) (Hennion,
2010  ; Hennion & Gomart, 1999) ou plus récemment dans une enquête coordonnée avec
Pierre Vidal-Naquet (2012 et 2015) sur l’aide à domicile. Membre du Centre de sociologie de
l’innovation, il s’efforce ici de présenter de manière plus circonstanciée et plus précise ce que
la pensée de William James a pu lui faire et ce qu’il a pu en faire. C’est paradoxalement parce
que William James, des quatre grandes figures classiques du pragmatisme américain (Charles
Sanders Peirce, William James, John Dewey et George Herbert Mead), a l’écriture la moins
« sociologique » 14, qu’Antoine Hennion y puise d’autant plus son inspiration. Moins qu’une
relecture commentée de l’œuvre, celui-ci avance un certain nombre de propositions sur une
forme d’enquête dont les épreuves, les méthodes, les dispositifs, les problèmes et les objets
seraient en train de se faire, in process of making. À la façon de l’association Dingdingdong
de co-production de savoirs sur la maladie de Huntington et d’autres enquêtes sur des objets
à l’existence incertaine dans le programme «  Attachements  » qu’il coordonne, il imagine
une conception «  additive  » de la recherche, qui ne se substitue pas aux enquêtes et aux
expérimentations menées par les enquêtés, ni prétende parler en leur nom, mais fasse émerger
de nouvelles perspectives d’expérience et d’action en coopérant avec eux.
25 Enfin, Roberto Frega, qui a co-fondé la revue European Journal of Pragmatism and American
Philosophy  15 (laquelle a publié deux dossiers consacrés aux interactions entre pragmatisme
et sciences sociales : Frega & Da Silva, 2011 et 2012a) et installé un Centre John Dewey  16
au Centre d’études des mouvements sociaux-Institut Marcel Mauss (CNRS-EHESS), apporte
son éclairage sur la possibilité de penser la normativité comme un fait social. Cet article
ébauche une théorie de la normativité, qui met en valeur sa dimension de «  pratique  »
et ses sources sociales, tout en restant sur le terrain prescriptif de la normativité comme
force orientant la conduite. Chez les pragmatistes, notamment chez John Dewey, cette idée
d’une immanence de la normativité aux situations singulières dans lesquelles elle opère
est déjà présente. On retrouve des intuitions semblables chez des philosophes politiques
contemporains comme Charles Taylor, Stanley Cavell ou Michael Walzer (Frega, 2013). Seule
une approche interdisciplinaire peut permettre de relever le défi d’une conception sociale
de la normativité, au croisement entre les démarches empiriques propres à l’histoire et aux
sciences sociales (Edward Palmer Thompson, James Scott…) et une approche conceptuelle
inspirée de la philosophie morale et politique (Frega, 2012b). Selon ce modèle, un sens
normatif est inhérent à toute activité humaine. Les pratiques normatives répondent à des
conditions de validation dans des ordres normatifs  : elles ont leur propre rationalité que
Roberto Frega essaie d’analyser, en s’orientant vers une théorie de l’objectivité morale ouverte
à la contextualité des expériences individuelles et collectives. Il conclut en reprenant une
étude de cas sur la délibération d’un jury populaire, qui avait été développée par une enquête
ethnométhodologique sur le droit en action.
26 Ce Dossier de SociologieS témoigne d’un renouveau du pragmatisme, un siècle après la
déclaration d’Émile Durkheim en février 1913 devant la Société française de philosophie :
«  Entre le pragmatisme et moi, il y a l’abîme qui sépare le rationalisme de l’empirisme
mystique. Toute confusion est impossible » (Durkheim, 1913, p. 82). Un Émile Durkheim
sensible, toutefois, au « sens de la vie et de l’action » de William James et qui n’a pas manqué

SociologieS
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de se réapproprier l’idée du primat des pratiques dans son enquête sur les formes élémentaires
de la vie religieuse (Baciocchi & Fabiani, 2012)… Après une longue éclipse, le pragmatisme
est de retour en sciences sociales.

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THÉVENOT L. (2011), «  Powers and Oppressions Viewed from the Sociology of Engagements  : In
Comparison with Bourdieu’s and Dewey’s Critical Approaches of Practical Activities », Irish Journal
of Sociology, vol. 19, n° 1, pp. 35-67.
TERZI C. (2003), «  L’expérience constitutive des problèmes publics. La question des “fonds en
déshérence” », dans CARREL M., BARRIL-REJMAN C., GUERRERO J.-C. & A. MARQUEZ (dir.), Le Public en
action, Usages et limites de la notion d’espace public en sciences sociales, Paris, Éditions L’Harmattan,
pp. 25-50.
TERZI C. (2005), « Qu’avez-vous fait de l’argent des juifs ? » Problématisation et publicisation de la
question « des fonds juifs et de l’or nazi » par la presse suisse, 1995-1998, Thèse de doctorat, Université
de Fribourg, Suisse.
ZASK J. (1999), L’Opinion publique et son double, 2 vol., Paris, Éditions L’Harmattan.
ZASK J. (2003), « Nature, donc culture. Remarques sur les liens de parenté entre l’anthropologie culturelle
et la philosophie pragmatiste de John Dewey », Genèses, vol. 50, n° 1, pp. 111-125.
ZASK J. (2011), Participer. Essai sur les formes démocratiques de la participation, Paris, Éditions Le
Bord de l’eau.
ZASK  J.(2012), « Postface sur les concepts d’expérience et de culture », dans DEWEY  J., Expérience et
nature, Paris, Éditions Gallimard.
ZIMMERMANN B. (2008), « Capacités et enquête sociologique », dans DE MUNCK J. & B. ZIMMERMANN
(dir.), La Liberté au prisme des capacités, Paris, Éditions de l’EHESS ( « Raisons pratiques », vol. 8),
pp. 113-137.
ZIMMERMANN  B.  (2014), «  Sociologie des capacités et pragmatisme critique  », Postface à Ce que
travailler veut dire, Paris, Éditions Economica (seconde édition).

Notes
1 Cette livraison s’inscrit dans le cadre d’un Programme de recherches interdisciplinaires (PRI) de l’École
des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), intitulé « Le pragmatisme dans les sciences sociales »
et d’un Atelier du Labex Tepsis, intitulé « L’expérimentalisme démocratique : pragmatisme et politique ».
Merci à Guillaume Braunstein pour son travail de mise en forme des textes et bibliographies.
2 [ehess.fr/fr/enseignement/enseignements/2012/ue/826].
3 [ehess.fr/fr/enseignement/enseignements/2013/ue/634].
4 [enseignements-2014.ehess.fr/2014/ue/1116].
5 Pragmata. Association d’études pragmatistes : [pragmataaep.wordpress.com].
6 Un aperçu sur ces reprises du pragmatisme en France pourra être pris lors
de la journée d’études organisée par de jeunes chercheurs à l’EHESS, le 20 mai
2015  : [pragmataaep.wordpress.com/2014/11/07/usages-contemporains-du-pragmatisme-en-france-
entre-heritage-et-reappropriation-appel-a-communications].

SociologieS
Introduction du Dossier « Pragmatisme et sciences sociales : explorations, enquêtes, expé (...) 14

7 Le partage disciplinaire entre psychologie sociale et écologie humaine, au sein de la sociologie, n’était
pas ce qu’il est actuellement. Georg Simmel ou Alfred Schütz pouvaient alternativement se décrire
comme psychologues sociaux, philosophes ou sociologues et Erving Goffman a longtemps donné des
cours sous un intitulé de psychologie sociale…
8 La collection « Raisons pratiques » aux Éditions de l’EHESS a été importante dans la diffusion de
questions liées au pragmatisme au sein de l’espace francophone de la philosophie et des sciences sociales.
Outre le volume De la Croyance à l’enquête (Quéré & Karsenti, 2004), voir Les Objets dans l’action
(Conein, Dodier & Thévenot, 1993), La Logique des situations (De Fornel & Quéré, 1999), Les Formes
de l’action collective (Cefaï & Trom, 2001), La Régularité (Chauviré & Ogien, 2002), La Liberté au
prisme des capacités (De Munck & Zimmermann, 2008), Dynamiques de l’erreur (Chauviré, Ogien
& Quéré, 2009), L’Expérience des problèmes publics (Cefaï & Terzi, 2012), Le Mental et le social
(Ambroise & Chauviré, 2013) et Quel âge post-séculier ? (Stavo-Debauge, Gonzalez & Frega, 2015).
9 Dont l’actualité est brûlante aux États-Unis avec la publication du livre de Daniel Huebner, Becoming
Mead: The Social Process of Academic Knowledge (2014a – voir aussi 2014b) et la préparation d’une
nouvelle édition critique de Mind, Self, and Society par le même Daniel Huebner et Hans Joas pour les
Presses de l’Université de Chicago.
10 Un colloque sur « Le pragmatisme et l’analyse du politique », organisé par Roberto Frega et soutenu
par l’Institut Marcel Mauss et le Labex Tepsis, se tiendra du 5 au 7 juin 2015 à Paris. Plusieurs sessions
seront également consacrées au rapport entre pragmatisme, sciences sociales et questions politiques au
Congrès international de l’European Pragmatism Association/Association européenne du pragmatisme,
organisé par l’association Pragmata à Paris du 9 au 11 septembre 2015 : [europeanpragmatism.org].

11 Jérôme Lamy, Arnaud Saint-Martin, Entretien avec Francis Chateauraynaud, «  Faire


de la sociologie “un pied dedans, un pied dehors”. Le pragmatisme et l’ouverture
du répertoire sociologique  », [zilsel.hypotheses.org/379]  ; [zilsel.hypotheses.org/352]  ;
[zilsel.hypotheses.org/418].

12 Pour un aperçu sur un certain nombre de dossiers comme nanosciences, grippe aviaire
ou pêche au thon, ondes électromagnétiques, OGM ou nucléaire, voir  : [gspr-ehess.com/
index.php?option=com_content&view=article&id=68&Itemid=11].

13 Sur la portée de la concertation  : [gspr-ehess.com/index.php?


option=com_content&view=article&id=142&Itemid=80].

14 Ce qui n’empêcha pas plusieurs sociologues de s’en saisir, d’Alfred Schütz sur les « réalités
multiples » (1945) à Erving Goffman sur les « cadres de l’expérience » (1991 [1974]) et jusqu’à
Isaac Joseph.

15 EJPAP : [lnx.journalofpragmatism.eu].

16 Centre John Dewey : [dewey.ehess.fr].

Pour citer cet article

Référence électronique

Daniel Cefaï, Alexandra Bidet, Joan Stavo-Debauge, Roberto Frega, Antoine Hennion et Cédric
Terzi, « Introduction du Dossier « Pragmatisme et sciences sociales : explorations, enquêtes,
expérimentations » », SociologieS [En ligne], Dossiers, Pragmatisme et sciences sociales :
explorations, enquêtes, expérimentations, mis en ligne le 23 février 2015, consulté le 23 février 2015.
URL : http://sociologies.revues.org/4915

À propos des auteurs


Daniel Cefaï
CEMS – IMM – EHESS, Pairs, France - cefai@ehess.fr
Alexandra Bidet
Chargée de recherche au CNRS, Centre Maurice-Halbwachs, Paris (France) - alexandra.bidet@ens.fr
Joan Stavo-Debauge
CRIDIS- Université Catholique de Louvain (Belgique), CEMS- EHESS, Paris (France) et LABSO-
Université de Lausanne (Suisse) - jstavodebauge@yahoo.fr

SociologieS
Introduction du Dossier « Pragmatisme et sciences sociales : explorations, enquêtes, expé (...) 15

Roberto Frega
CEMS- EHESS, Paris (France) - fregarob@gmail.com
Antoine Hennion
Centre de sociologie de l’innovation, MINES-ParisTech, Paris, France - antoine.hennion@mines-
paristech.fr
Cédric Terzi
Université de Lille 3 et Centre d’études des mouvements sociaux, EHESS, Paris (France) -
cedric.terzi[at]ehess.fr

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