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LE TABERNACLE DES LUMIÈRES

sainte prophétique. Le principe fondamental de ce que certains ont


appelé « le système psycho-cosmologique » de Ghazâlî est qu'« il n'y a
aucune chose du monde sensible qui ne soit un symbole du monde
caché ». Mais ce qui nous paraît plus important encore, c'est ceci : « Le
monde visible est le point d'appui pour s'élever au monde du
Royaume céleste, et le parcours de la Voie Droite consiste en cette
ascension..., s'il n'y avait pas de correspondance et de liaison entre
les deux, la montée de l'un à l'autre serait inconcevable. » L'on
retrouve ici aussi un certain nombre de considérations déjà dévelop-
pées par Ghazâlî dans ses autres oeuvres, et notamment dans l'Ihyâ:
l'histoire d'Abraham, par exemple, prise comme type de l'ascension
spirituelle et du franchissement des différentes étapes jusqu'à la Lu-
mière suprême (Ihyâ, t. III, p. 346-347).
Cette ascension est comprise également comme l'écartement des
« voiles » qui séparent de Dieu. La description de ces voiles fait l'objet
du troisième chapitre du Michkât, qui commente la tradition : « Dieu a
soixante-dix voiles de lumière et de ténèbres ; s'Il les enlevait, les
gloires fulgurantes de Sa Face consumeraient quiconque serait atteint
par Son Regard. » C'est l'occasion pour Ghazâlî de tracer ce que l'on
pourrait appeler l'évolution religieuse de l'humanité, qu'il représente
comme une marche ascendante depuis l'athéisme et le matérialisme
jusqu'à la Sainteté suprême, en passant par le culte des idoles et les
différentes formes imparfaites des croyances religieuses. On y re-
trouve le talent de Ghazâlî dans la rapide galerie de portraits psycholo-
giques qu'il brosse des hommes qui sont voilés par les « ténèbres » de
leur propre âme. La vie spirituelle n'apparaît que lorsque « l'on ne
s'intéresse plus à soi » et que l'on est capable d'adoration. C'est
pourquoi Ghazâlî ne classe pas les idolâtres dans la catégorie de ceux
qui sont voilés par « les pures ténèbres », mais parmi ceux qui sont
voilés par « une lumière mêlée d'obscurité », tout comme certains
musulmans anthropomorphistes. La troisième catégorie est celle des
hommes voilés par « les pures lumières ». C'est ici qu'est mentionné
l'énigmatique Mutâ ', littéralement « L'Obéi », et qui, selon la
connaissance la plus élevée obtenue par « ceux qui parviennent au

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