Vous êtes sur la page 1sur 1

DOCUMENT

NR
Complots, espionnage, attentats, coups d'Etat : les nostalgiques de la
chemise noire et de la croix gammée ne sont plus des épaves isolées, plus
pitoyables que dangereuses, tout jus te capables de faire de la figura-
tion dans un film « rétro ». L'Europe dont ils rêvent, celle de l'Ordre,
enfin libérée de la démocratie, cette « infection de l'esprit », ils ont été
tout près de la faire. Malgré ses récentes défaites au Portugal et en
Grèce, on ne peut pas encore parler du fascisme au passé. Il est toujours
là, puissant, meurtrier, protégé... Et organisé. A partir des archives d'une
agence portugaise de « renseignement » dirigée par des Français, en
fuite depuis la chute de Caetano, notre collaborateur René Backmann a
pu établir les ramifications d'une véritable conspiration internationale.

Dans le bric-à-brac qui encombre mando de fusiliers marins, sous les ordres
une petite pièce de quelques mètres du lieutenant Moniz Matos, investit un ap-
carrés, au premier étage 'de la re- partement de quatre pièces, à l'entresol d'un
doute sud du fart de 'Caxias, à une ving- immeuble moderne du quartier de Lapa,
taine de kilomètres de Lisbonne, un 'oeil 13, rue das Praças. 'L'appartement est dé-
,

innocent ne verrait sans doute rien de plus sert. Les deux premières pièces sont amé-
qu'un monceau de paperasses : dossiers, nagées en bureaux, la troisième contient un
classeurs, formulaires ronéotypés, fichiers, laboratoire de photo équipé pour la fabri-
coupures de journaux, vieilles photos, boî- cation et l'utilisation de microfilms. Dans
tes de trombones, tampons, agrafeuses. la quatrième sont classées des archives, ré-
Pourtant, ces documents risquent de faire, parties par pays.
demain, autant de bruit — et peut-être de Cet appartement est le siège de l'agence
ravages — que leur poids de T.N.T. Aginter-Press. Le gérant, un Français, Jean
Ce sont les archives d'une petite agence Vallantin, est absent. Quant au propriétaire,
de presse, dirigée à Lisbonne par des Fran- un autre Français, Yves Guérin-Sérac, il est
çais — aujourd'hui en fuite. Pour que ces parti quelques semaines plus tôt — peu
documents aient été transportés au fort de avant le coup d'Etat du 25 avril — pour
Caxias, où travaille la commission de Dé- une 'destination inconnue.
mantèlement de la P.I.D.E.-D.G.S. et où Cette perquisition a été ordonnée à la
ont été enfermées, sous bonne garde, les suite de révélatiens faites par plusieurs
archives de l'ancienne police politique por- agents de la .D.G.S., emprisonnés à Caxias.
tugaise (1), il fallait qu'ils revêtent, aux « Nous travaillions, ont 'déclaré 'des poli-
yeux des militaires portugais, une certaine ciers aux membres de la commission de
importance. Le contenu des 'dossiers d'une Démantèlement, en étroite liaison avec
agerke de presse banale n'aurait pas, sem- l'agence Aginter-Press, qui, sous la couver-
ble-t-il, mérité de tels égards. ture d'une agence de presse internationale,
De quoi s'agit-il, alors ? agit dans certaines affaires comme sous-
Le mercredi 22 mai, moins d'un mois traitante de la D.G.S. »
après le coup d'Etat de Lisbonne, un com- Pour le lieutenant Matos, la perquisition
est conCluante. Conformément aux ordres
(1) Voir le Nouvel Observateur » du
qu'il a reçus, il fait transférer le contenu
2 septembre 1974, e les Archives des tortion- des quatre pièces dans un camion militaire
naires ». et rentre à Caxias avec son butin. Une

96 Lundi 23 Septembre 1974

Vous aimerez peut-être aussi