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En quête de style
2 e partie : Les ressources
rythmiques
Où sont les ressources de la musique traditionnelle ? Erwan air + une fonction), les notes bien
calibrées et les rythmes simplistes
Burban poursuit la réflexion entamée dans le dernier numéro du solfège ne participent à l’action
et débute dans ce deuxième volet l’inventaire des paramètres qu’à la marge. En temps réel, le
qui permettent l’improvisation non-mélodique. Au premier musicien invente sa musique,
improvisant à partir d’un vocabu-
rang de ceux-ci : les ressources rythmiques. laire qui ne se réduit pas à des for-
mules mélodico-rythmiques.
Examinons certains éléments mis
R
ésumé de l’épisode précé- exemple, la fonction de la musique: en jeu par cette improvisation non-
dent : en musique tradition- à danser telle ou telle danse, à mar- mélodique. Il ne s’agit pas de para-
nelle, l’air (aussi appelé le cher de telle ou telle manière, à mètres secondaires mais bien, dans
ton, le timbre, la mélodie) écouter dans telle ou telle circons- cette perpective, du vocabulaire
ne serait donc qu’un des éléments tance… Dans ce cadre (qu’on peut musical qui constitue le discours
du cadre, au même titre que, par réduire pour simplifier à un lui-même.
Point de vue
une dose plus ou moins grande dans la tête, même si, par ailleurs, intuitivement que possible.
d’inégalité dans le placement des on joue avec les longueurs de Encore faut-il avoir les oreilles et
notes. Cette fonction porte un nom voyelles dans sa langue maternelle. la technique suffisamment éman-
intéressant : “humanisation”. On allonge bien parfois une cipées pour saisir intuitivement
voyelle (“mais-è-è-è oui”), ce qui d’autres outils que les deux pin-
Long-court 1 change le caractère de la prise de ceaux usés de la vieille musique
parole (par rapport à un bref de notes. Je poursuivrai donc, dans
On aborde là un paramètre pro- “mais oui”), mais il s’agit toujours le prochain article, cette tentative
blématique, car existant dans la du même mot. d’inventaire partiel et personnel
musique néo-classique mais avec Il faut donc accepter, intégrer de la caisse à outils laissée par les
un statut différent. Dans le cours puis s’emparer de ce nouvel élé- interprètes issus de la tradition.
d’une phrase musicale, les notes ment de vocabulaire qui, dans la
qui se succèdent peuvent être col- culture d’origine de la plupart Erwan Burban
lées les unes aux autres ou, au d’entre nous (culture musicale 1
Le couple “binaire-ternaire” désignait
contraire, séparées par du silence industrielle), existe bien, mais en
une alternative (comme un bouton à
(schéma no4). tant que colorant et non en tant enfoncer) : jouer égal ou jouer plus ou
Dans ce schéma no4 (et aussi plus qu’ingrédient ! moins inégal. Le couple “long-court”,
loin dans le texte), le son tenu (sans Reprenons par exemple notre lui, ne désigne que les deux extrêmes
changement de hauteur) est repré- J’étais chez mon père et faisons le d’un seul et même élément (comme un
senté par la répétition de la voyelle, jouer sur un mouvement mélo- bouton à tourner) : la longueur de
il ne s’agit pas d’un mélisme. Le dique simple, par un musicien qui chaque son.
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silence entre deux sons est repré- a du “style”. Il pourrait jouer par Pendant que son collègue classique
senté par le signe (…). Entre le exemple : ré (court)-mi (court)- fa travaille ses gammes… de hauteurs !
“long” et le “court” présentés ici, (court)-mi (long)-ré.
il y a bien sur toute la gamme des Dans toutes les musiques dont
“plus ou moins longs” possibles… sont abreuvées nos oreilles à lon-
Dans la musique classique et gueur de journée, une telle finesse
dans les musiques populaires dans la gestion des longueurs ne
“modernes” (ou, pour être plus s’entend jamais. En musique tra-
précis, “industrielles”), ce critère ditionnelle digne de ce nom, c’est
existe également : une note peut par contre la moindre des choses
être courte (ce qui est noté sur que d’utiliser finement ce para-
partition par un point sur la note) mètre. Certains danseurs ne s’y
ou longue (noté par un trait sur la trompent pas quand ils perçoivent,
note). Ce critère existe donc bien, par exemple, un effet de retard,
mais il n’a pas de sens, il est en une sensation de suspension
quelque sorte cosmétique. Il n’est imprévue, sans que le tempo ait
qu’un paramètre secondaire, qui ralenti pour autant : il s’agit alors
ne fait que donner un certain bien souvent d’une note longue
caractère à ce qui est dit. Et ce qui bien placée et subtilement pré-
est dit, ce sont des phrases mélo- parée. Mais pour une oreille for-
diques (hauteurs) structurées par matée par la musique écrite, il faut
des formules rythmiques et colo- bien des efforts pour entendre
risées par de l’harmonie. autre chose que les hauteurs (ré-
A l’inverse, en musique tradition- mi-fa-mi). Quand bien même le
nelle, le fait de jouer “plus ou musicien jouerait avant tout des
moins long” est un élément du longueurs (court-court-court-long).
vocabulaire musical dont se saisit
le musicien pour mener ceux qui Arrive alors l’inévitable question
l’écoutent par le bout de l’oreille. de la conscience de l’interprète :
Point de vue