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Gregorianum 92, 1 (2011) 67-88
La chair du don
Relecture d'un échange médiéval
«Étre là»
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68 PHILIPPE RICHARD
1 Le Christ est présent in figura dans le pain consacré, contrairement aux affirmations
physico-réalistes en usage et pour lesquelles la vraie chair du Christ est «substantiellement»
partagée par les mains du prètre et màchée par les dents des fidèles (Latran I : la propriété
demeure, la substance se transmue).
2 Tel est sans doute l'effet de la grande dette de Bérenger envers Ratramne de Corbie,
auprès duquel il a puisé l'essentiel de ses théories: le sacrement de l'autel est la ressemblance
(similitudo), la figure (figura), le gage (pignus), le signe (signum) du corps et du sang du Christ.
3 Le Christ est venu sur terre en un vrai corps et intercéde donc à présent pour l'homme
en un corps tout aussi vrai, mais au ciel, dans la gioire, impassiblement.
4 Cf. lettre de Bérenger à Adelman de Liège (Epistola centra Almannum), 109E à 110A (éd.
par J. de Montclos, Lanfranc et Bérenger, Louvain, 1971), et Scriptum contra synodum, 421A
B [Patrologia latina, CL, 409-426]. Manger la chair veut alors dire se nourrir du Christ, c'est-à
dire, à partir du rite de la manducation, adhérer spirituellement au Sauveur.
5 Comment le Christ, homme-Dieu hìstorique en son orientation oblative, donc logique
ment en ses divers modes de donation à l'homme, surtout sacramentels, assume-t-il un ètre
là actuel in persona?
6 Cf. Scriptum contra Synodum, 419C. Et ce n'est qu'ainsi que s'établit une 'ressemblance'
entre sacrements et réalités désignées par eux. Cf. Purgatoria Epistola contra Almannum, 111C.
Il y a vrai corps du Christ, puisque ce corps, incarné, étaìt vrai, et qu'à présent le sacrement est
substitut de la chose, mais sans que rien de physique ne soit là vraiment engagé. D'où deux pré
sences modales: le corps et le sang du Christ sont certes les res sacramentorum, et c'est aux
sacramenta que s'appliquent les termes de figura et de similitudo, mais cela divise d'une part la
réalité de l'objet visé et renchérit d'autre part la référence unique à une présence d'ordre spiri
tuel et métaphorique. Cf. Purgatoria Epistola contra Almannum, 110B: «Corpus ergo Cristi etsan
guinem, res dico ipsas sacramentorum mensae dominicae, non ipsa sacramenta...».
7 II s'agit tout au plus d'une provectio in melius, d'une sublimatio, ou à la limite d'une
mutatio mais en un sens tout symbolique (la présence n'est que dans l'effet salutaire du sacre
ment; c'est toute la thèse du De sacra coena). Le lien entre sacramentum et res sacramenti est
donc tout de méme un peu làche.
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LA CHAIR DU DON 69
8 [...] panem etvinum quae in altare ponuntur, post consecrationem non solum sacramentum,
sed etiam verum corpus et sanguinem Domini nostri Iesu Christi esse, / et sensualiter non solum
sacramento, sed in ventate manibus sacerdotum tractari, frangi et fidelium dentìbus atteri [...].
9 Et le Concile romain afférent de 1079 insiste sur un substantialiter converti: la présence
du Christ est «non seulement par le signe et la puissance du sacrement mais dans la propriété
de sa nature et la vérité de sa substance» (cf. Patrologia latina, CXLII, 132, 713).
10 Au IXe siècle déjà, Raban Maur critique, contre Paschase Radbert, l'identification entre
corps sacramentel et corps historique du Christ (Epistola III «Ad Egilem Prumiensem abbatem»
[Patrologia latina, CXII, 1510 sq.]), en une distinction qui ne porte pas sur la nature, le Christ
n'ayant ni deux natures corporelles ni deux corps essentiellement et numériquement dis
tincts, mais sur l'apparence (specialiter), c'est-à-dire sur la fagon dont nous constatons son
corps au monde.
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70 PHILIPPE RICHARD
«Étre visible»
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LA CHAIR DU DON 71
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72 PHILIPPE RICHARD
De la forme
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ΙΑ CHAIR DU DON 73
27 Substantia n'est pas encore employé dans le sens technique d'Aristote mais selon l'idée
plus générale de réalité vraie faisant qu'elle est vraiment telle chose et non telle autre.
28 «non sibi retinet [...] caro Christi [...] nonnuilas qualitates panis absumpti per corruptio
nem subjecti, quia corrupto subjecto, quod in subjecto eo erat, superesse quacumque ratione
non potuit».
29 Les sacramenta sont sur l'autel (pain signifiant), les res sacramentorum demeurent au
ciel (corps signifié): cf. Purgatoria Epistola centra Almannum 110D-E et 112B-C et 113B-C. Le
rapport ne peut qu'étre spirituel.
30 D'où les cris véhéments de Lanfranc devant cette réduction au seul aspect sacramentel
d'évocation de la Passion du Christ: cf. De corpore et sanguine Domini, 440B7-15. À ses yeux,
démontrer la conversion eucharistique et démontrer la présence réelle est en effet une seule
et mème chose.
31 De sacra coena, 27, 4-9: «Portiunculam carnis post consecrationem esse sensualiter in
altari, eam esse invisibilem asseris, quod tibi tamen nulla ratione licebat. Dicebas enim portiun
culam illam carnis Christi panis esse colore adopertam, quod dicens, asserere eam invisibilem
non poteras, quia, si supervestiatur facies tua colore Aethiopis, necesse est faciem tuam videm,
si colorem illum constterit videri. [...] Apud eruditos enim constai, et eis qui vecordes sint
omnino est perceptibile, nulla ratione colorem videri, nisi contingat etiam coloratum videri».
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74 PHILIPPE RICHARD
32 «Seule une convention peut ètre ici-bas la perfection de la pureté, car toute pureté non
conventionnelle est plus ou moins imparfaite. Q'une convention puisse ètre réelle, c'est un
miracle de la miséricorde divine» (S. Weil, Attente de Dieu, Paris, 1950, 184).
33 Cf. De corpore et sanguine Domini, 421B3-C10 et 423B11-C12.
34 Cf. A. Manaranche, Ceci est mon corps, Paris, 1975, 100.
35 Sans quoi l'on dirait «hic est corpus meum», et non pas «hoc», «ce qui contredit la vérité
de l'Ecriture»; cf. Summa theologiae III, q. 75, a. 2, resp. Mais ce «hoc» est tout de mème faux,
puisqu'il est intenable de dire que les accidents sont le corps du Christ; les accidents signi
fiant naturellement les substances qui les portent, il faut donc, en scolastique, que «hoc» ne
signifie que la substance.
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LA CHAIR DU DON 75
36 En un mouvement inverse de celui pensé par Michel Henry et dénoncé par Emmanuel Falque
dans «Y a-t-ilune chair sans corps?» (9S-133): «tout se passe corame si la chair, c'est-à-dire l'épreuve
de notre propre vie, devenait ici tellement envahissante qu'elle en viendrait à oublier qu'elle possède
et méme s'éprouve au moins matériellement, et visiblement, dans et par un corps» (96). Comment
ne pas reconnaìtre ici des parallèles évìdents avec nos problématiques du Xle siècle?
37 De corpore et sanguine Domini, 427A 1-3, contre l'affirmation bérengarienne «panem
vinumque altaris, post consecrationem sine materiali mutatione in pristinis essentiis remanere»
(cf. ibid., 415 Β 12-14).
38 Ibid., 420D5-9.
39 Ibid., 416C10-11.
40 Ibid., 430C10-14: «Ipsum corpus quod de Virgine sumptum est nos (sumimus) et tamen non
ipsum. Ipsum quidem, quantum ad essentiam veraeque naturae proprietatem atque virtutem; non
ipsum autem, si spectes panis vinique speciem». Mais ce n'est pas encore ici le bagage scolastique,
identifiant totalement principe invisible du sacrement et essence principale du corps du Christ.
Chez Lanfranc, on peut dire que les essences principales sont encore un simple substrat des qua
lités sensibles.
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76 PHILIPPE RICHARD
De la parole
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LA CHAIR DU DON 77
44 De corpore et sanguine Domini, chap. VI (Patrologia latina, CL, 416C). Ce qui n'évite d'aii
leurs pas le carnalisme honni par Bérenger...
45 Purgatoria Epistola contro Almannum, 111B et 112A-B.
46 Les écoles du Xle siècle n'opèrent absolument pas le passage de l'acquisition des méca
nismes logiques à l'étude de l'Ecriture Sainte; dans ces conditions, l'inadaptation de la première
à servir de méthode pour la compréhension de la seconde est patente. Le cas de Bérenger en
est cité comme cas exemplaire par A. Cantin, Foi et dialectique au Xle siècle, Paris, 1997.
47 On se reportera bien sur à l'ouvrage majeur d'I. Rosier-Catach, La Parole efficace. Signe,
rituel, sacre, Paris, 2004, ouvrage de grammaire et de sémantique qui à partir du signe perfor
matif dans le sacrement étudie en sa dimension linguistique et de logique formelle «l'énoncé
opératif» de l'acte de langage. Parti pris sémiotique qui ne voit le sacrement que dans sa situa
tion d'interlocution contraignante (tableau de la controverse [36-40], le mot dans la chose [86
92], l'argumentation linguistique de Bérenger [355-363], l'analyse logiciste de «Hoc est corpus
meum» [387-448] - de Langton à Duns Scot).
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78 PHILIPPE RICHARD
48 En aucun cas le ministre ne mime son Maitre et ne rompt le pain en disant: «Il le rom
pit [...]». Cf. L.-M. Chauvet, «La fonction du prétre dans le récit de l'institution à la lumière de
la linguistique» dans Revue de ì'Jnstitut catholique de Paris 56 (1995) 41-61. De mème,
l'Evangile précisant que pas un des os de Jésus n'est brisé (Jn 19:33), il est impossible de pré
tendre, au nom d l'historicité mème de la rédemption, fùt-elle à présent continuée, que cro
quer l'hostie peut briser quoi que ce soit. C'est encore détruire ce que l'on veut démontrer.
Au contraire, nous avons affaire à une chair mystique, sur laquelle le rite ne peut que ren
voyer symbolisme imprécis.
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LA CHAIR DU DON 79
49 Ce qui signifie tout sauf «ceri représente mon corps», «ceri est le souvenir de mon
corps», «dans ceci est mon corps»; au contraire, c'est un plein phénomène, un événement de
réel qui là se donne et transforme.
50 Pierre Lombard, Sententiae, IV, d. 11, c. 2. 3-5 [Rome, Ad Claras Aquas, 1981, 297]: «Ideo
distinguendum videtur. Cum dicitur: 'substantia panis', vel 'id quod erat panis', modo est cor
pus Christi - manens enim panis non est corpus Christi, sed mutata, id est: quod facta est, est
corpus Christi. Nec dicimus substantiam panis vel vini materiam esse corporis vel sanguinis,
quia non de ea ut de materia formatur corpus...».
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80 PHILIPPE RICHARD
Relation et oblation
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LA CHAIR DU DON 81
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82 PHILIPPE RICHARD
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LA CHAIR DU DON 83
Incorporation et extase
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84 PHILIPPE RICHARD
65 Cette idée nous a été suggérée par l'article suggestif d'Em. Falque: «La souffrance incar
née. Patir du monde et passer au Pére» dans Nouvelle Revue Théologique 123 (2001) 384-394.
Le dogme de la présence réelle porte donc sur l'archiréalité de l'amour du Christ pour nous.
66 J.-L. Marion, Étant donne, 421. L'adonné se caractérisant ici comme celui qui se regoit
aussi lui-mème lorsqu'il regoit le donné.
67 Ibid., 299.
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LA CHAIR DU DON 85
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86 PHILIPPE RICHARD
Le débat médiéval observé s'est donc bien révélé d'une profonde fécondité
pour nous permettre de penser la réalité du sacrement eucharistique comme
chair νraie. En montrant en effet jusqu'à quel point il était possible d'appliquer
à celui-ci les règles de la logique formelle et dialectique, point à la vérité rapi
dement atteint et au-delà duquel on est incapable de rendre compte adéquate
ment du phénomène qui là pourtant se manifeste en plénitude, à savoir l'es
sence mème du don, nous avons traversé la disjonction entre une doctrine
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LA CHAIR DU DON 87
Faculté de Philosophie
rue d'Assas, 26
75270 Paris cedex 06
77 Cf. S. Weil, Lettre a un religieux, Paris, 1951, 64-65: «Les mystères de la foi ne sont pas
un objet pour l'intelligence en tant que faculté qui permet d'affirmer ou de nier. Us ne sont
pas de l'ordre de la vérité, mais au-dessus. La seule partie de l'àme humaine qui soit capable
d'un contact réel avec eux, c'est la faculté d'amour surnaturel. Seule par suite elle est capable
d'adhésion à leur égard».
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88 PHILIPPE RICHARD
SOMMAIRE
To think about the body and the way in which it reveals itself to the world is also to
consider the likelihood of a mode of paradoxical visibility of this body when it gives
itself to another, thus surrendering itself. This problema tic is taken up in no uncertain
terms by the Catholic consécration : «Hoc est corpus meum». The Xlth century clearly
appreciated this question as illustrated by the famous debate between Lanfranc and
Bérenger, which offered the opportunity to ponder the essential distinction between a
true body and a real body. When a logicai approach appears unable to identify the sen
sory experience worn invisibly by the flesh, an approach base on the notion of «the
word» can express this experience in a way that reveals the altruistic nature of the flesh.
In order to be able to reflect on this sensory experience worn invisibly one needs to have
been incorporated by the flesh as word.
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