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Université de Caen Normandie
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SEE PROFILE
All content following this page was uploaded by Frédéric Carluer on 18 January 2016.
1
Directeur du marché Cargo chez Groupama Transport ; fxpiedfort@groupama-transport.com
2
Professeur des universités, NIMEC-IAE de Caen ; frederic.carluer@unicaen.fr
Résumé :
L’ère de la globalisation s’est trouvée profondément modifiée par les attentats du 11 septembre. Parallèlement, la
dilution des frontières et le raccourcissement des temps de transport ont exigé des progrès similaires en matière
de systèmes d’information et de sécurisation du transport de marchandises. Cela s’est matérialisé par la nécessité
quasi-absolue aujourd’hui pour les opérateurs de la supply chain d’être considérés comme « safe », autrement dit
d’être « certifié », d’être considérés comme des acteurs économiques fiables. A l’échelle européenne le statut
d’« Opérateur Economique Agréé » (OEA) a ainsi été établi en 2005, avant de faire « tache d’huile » à l’échelle
internationale via le cadre de normes de l’Organisation Mondiale des Douanes (OMD) qui s’efforce de
normaliser les agréments dans le cadre d’accords de reconnaissance mutuelle inter-zones économiques. Au-delà
des différentes caractéristiques de ces labels internationaux, c’est bien la question de la fluidité, et donc de la
sécurité, de la supply chain globale qui est donc posée.
Mots clés : Opérateur Economique Agréé (OEA) – Sécurisation de la Supply Chain globale –
Standards internationaux – Responsabilité juridique
Abstract:
The globalization era has been highly impacted by the tragic September 11, 2001 events. At the same time, the
dilution of "physical" frontiers as well as the shortening of transit times consequently demanded same progress
in terms of information system and securing transport of goods. This was materialized by the almost absolute
necessity for operators of the supply chain to be considered as "safe", in other words to be "certified", to be
approved as reliable economic actors. As far as the European Community is concerned, the "Authorized
Economic Operator" (AEO) status was then created in 2005, and spread all around the world via SAFE
Framework of standards developed by World Customs Organization, which has been trying to normalize all
these works through mutual recognition agreements in economic intra-zones. Above the different characteristics
of these international statuses, it is indeed the point of fluidity, in other words security of the global supply chain
which is raised.
Key words: Authorized Economic Operator (AEO) – Securing the Overall Supply Chain –
International Standards – Legal Liability
2
I - NORMES ET CADRES DE NORMES
1.1 Historique
Le "nine eleven" est vécu comme un véritable traumatisme dans le monde entier, et
tout particulièrement aux Etats-Unis. C’est la première fois que ce pays est touché de
l'intérieur par des attentats commis par des étrangers. Face à une "professionnalisation" du
terrorisme, les Etats-Unis vont être les premiers à réagir au travers de textes réglementaires,
d'initiatives, de lois, de règlements afin de se protéger des menaces extérieures. Ces mesures
destinées à sécuriser tant les personnes que les flux de marchandises ne vont pas être sans
conséquences sur les autres acteurs d'une économie désormais globalisée, obligeant tant les
organismes internationaux que les Etats à s'aligner, ou à prendre des initiatives comparables
sous des formes multiples et pas toujours coordonnées.
L'objectif commun est de tendre vers une sécurisation maximum qui peut être définie
comme l'ensemble des moyens mis en place pour améliorer à la fois la sûreté et la sécurité.
Un court rappel relatif aux notions de sûreté et de sécurité, en reprenant les termes de la
Fédération des entreprises de Transport et de Logistique de France (TLF)1, s’impose ici :
- La « sécurité » ("Safety") est l’ensemble des mesures actives ou passives de prévention ou
de réaction mises en œuvre pour faire face à une situation d’exposition à des risques
accidentels qu’ils soient le fait de l’homme, de la machine, ou de la nature.
- La « sûreté » ("Security") est l’ensemble des mesures actives ou passives de prévention ou
de réaction mises en œuvre pour faire face à une situation d’exposition à des menaces,
attaques terroristes ou des actions de malveillance.
L’ensemble des mesures, règles, normes, certifications mises en place depuis une
décennie et destinées à sécuriser la chaîne logistique internationale sont détaillées
chronologiquement dans le tableau 1 ci-après. De cet inventaire nous pouvons remarquer une
prédominance américaine dans l'élaboration d'un cadre réglementaire de sécurisation de la
marchandise, une constante évolution et une actualisation de plus en plus rapide du cadre
sécuritaire, enfin des règlementations d'origines diverses prenant différentes formes.
Dans le même temps, il convient également de souligner la détermination des Etats-
Unis à protéger "leur" territoire (les contrôles n'ont lieu qu'à l'arrivée sur le sol américain ou
en amont, mais jamais au départ), la nécessité pour certains organismes internationaux
(ex : OMD) de s'imposer comme élément moteur, et la volonté de l'Union Européenne (UE)
de se démarquer du "modèle" américain tout en s'en inspirant. Ce cadre réglementaire
touchant des opérateurs publics, parapublics ou privés, il en ressort inévitablement des
difficultés tant légales que pratiques dans son application. L'impact se mesure à tous les
niveaux de la chaîne logistique :
- infrastructurel (conteneurs, moyens de transport, ports, aéroports, terminaux, entrepôts) ;
- humain (tout intervenant sur la chaîne logistique devient garant de la sécurisation) ;
- informationnel (sécurisation des transferts de flux par voie numérique) ;
- financier avec un coût gigantesque qui ralentit la mise en application.
Cette logique de sécurisation de la supply-chain internationale commence par la mise
en place du C-TPAT aux Etats-Unis, puis par le cadre de normes SAFE de l’OMD.
Le C-TPAT, mis en place dès 2001 prend la forme d'une certification volontaire,
destinée à une "élite" d'entreprises qui s'engagent, en collaboration avec le Customs and
Border Protection (CBP représentant les Douanes américaines), à sécuriser la chaîne
1
Charte de Partenariat OEA (17 décembre 2008, p. 5), établie par TLF en partenariat avec la DGDDI.
3
d’approvisionnement pour les importations de marchandises aux Etats-Unis afin de prévenir
l'introduction d'armes, de drogue ou de terroristes. Les « accrédités » (plus de 10 000
actuellement) bénéficient du niveau le plus élevé de sécurisation. Pour être accréditées, les
entreprises doivent adhérer au programme, mettre en œuvre des prescriptions non obligatoires
mais recommandées, et subir un audit a posteriori par le CBP. L'homologation est alors
accordée pour 3 ans. L’agrément C-TPAT suppose la sûreté physique des bâtiments, le
contrôle des accès, des procédures de sécurité, le contrôle du personnel, un programme de
sensibilisation à la sûreté et à la menace, la sécurisation des moyens de transport et un
programme de protection des systèmes d’information (SI). Par le biais du C-TPAT, les
autorités douanières externalisent des contrôles à la fois coûteux et longs à réaliser. En
échange d'un avantage concurrentiel (cela renvoie ici à la sixième force de M. Porter, 1993),
entendu comme une priorité sur les autres opérateurs, l'entreprise doit s'engager dans un
programme de sécurisation et devenir « responsable ».
Le C-TPAT est la base sur laquelle l'OMD et l'UE ont travaillé, respectivement pour le
programme SAFE et la création du statut d'OEA. L'OMD a pu jouer un rôle moteur de
sécurisation et de facilitation du commerce mondial pour plusieurs raisons : tout d'abord les
pays membres représentent 99 % des échanges mondiaux ; ensuite les administrations
douanières sont les seules habilitées à inspecter les marchandises acheminées à l’entrée ou à
la sortie d’un pays ; enfin la Douane connaît par avance la nature des marchandises et est la
seule autorité habilitée à refuser l’entrée ou la sortie de marchandises.
En 2007, l'OMD conçoit un processus destiné à renforcer la sécurité et à faciliter le
commerce international : le Cadre de normes SAFE ou cadre SAFE (161 des 176 pays
membres ont signé à ce jour une lettre d'intention) qui aborde quatre éléments essentiels :
- harmonisation des informations entre pays ;
- démarche cohérente de gestion des risques ;
- méthodologie commune de ciblage des risques ;
- définition des avantages offerts aux entreprises acceptant de suivre ce programme.
Les normes SAFE sont ensuite déclinées selon 2 piliers. Le pilier 1 concerne les
relations Douanes/Douanes et met en place des normes destinées à optimiser la coopération
entre Douanes nationales (ciblage des envois à haut risque, contrôle des flux en amont, rôle de
formateur et de sachant). La chaîne logistique internationale recoupant des acteurs de profil et
de taille différents, pour contrôler l'ensemble des flux de marchandises il faut des moyens
(hommes, matériels, systèmes), que les Douanes ne possèdent pas. S'inspirant du C-TPAT,
l'OMD décide d'externaliser une partie de la sécurisation auprès des acteurs privés du
commerce international. Un pilier 2 est aussi créé ; abordant les relations Douanes/entreprises
et élaborant des normes pour définir les termes du partenariat, développant la sécurité
(bâtiments/hommes/marchandises/SI), instaurant des procédures d’agrément des opérateurs,
encourageant le recours à des technologies modernes de protection du fret, et développant de
nouvelles méthodes de coopération Douanes/secteur privé pour promouvoir les « bonnes
pratiques » en matière de sécurisation de la chaîne logistique.
Pour "récompenser" ces partenaires commerciaux, le cadre SAFE prévoit que "les
entreprises qui font preuve d’une volonté avérée de renforcer la sécurité de la chaîne
logistique en tireront donc des avantages". Ce statut spécifique uniforme, qui permet aux
entreprises de répondre aux cadres de normes et de bénéficier d’avantages par rapport à leurs
concurrents, a pris différentes formes dans le monde. Au sein de l’Union Européenne, et donc
en France, il s’agit du statut d’OEA.
4
Tableau 1. Règlements, textes, codes, initiatives, lois, normes, certifications relatifs
à la sécurisation mises en place depuis le 11 septembre 2001
5
1.2 Définition de l’Opérateur Economique Agréé (OEA)
Dans le Cadre SAFE, l’OEA est défini comme "une partie intervenant dans le
mouvement international des marchandises à quelque titre que ce soit et qui a été reconnue
par ou au nom d’une administration nationale des Douanes comme respectant les normes de
l’OMD ou des normes équivalentes en matière de sécurité de la chaîne logistique." Au niveau
des textes communautaires, l’OEA (ou Authorized Economic Operator : AEO en anglais), est
"un opérateur économique digne de confiance dans le cadre des opérations douanières qu’il
accomplit sur l’ensemble du territoire communautaire et autorisé, à ce titre, à bénéficier de
certains avantages dans toute l’Union".
L’OEA est un statut facultatif assimilable à un système d'accréditation commun et
reconnu sur l’ensemble du territoire douanier communautaire, dont la mise en place repose
sur une grille d’audit. L’objectif clairement annoncé est de renforcer la sécurité de la chaîne
d’approvisionnement en incitant les entreprises à investir dans des pratiques et des systèmes
satisfaisants en matière de sécurisation. Ainsi, l’OEA couvre autant l'aspect douanier que le
domaine purement sécuritaire.
2
AEO-C : Authorised Economic Operator – Customs Simplifications.
6
fois obtenu, permet d’avoir plus facilement accès à certaines simplifications prévues par la
réglementation douanière, une modulation du nombre de contrôles physiques et
documentaires, le traitement prioritaire des envois en cas de sélection à un contrôle, le choix
du lieu de traitement (sous certaines conditions), moins de contrôles et une dispense de
vérifications récurrente dans les autres Etats.
- Le certificat OEA "sûreté-sécurité" (en anglais AEO-S) 3 est délivré à tout
opérateur qui satisfait d'une part aux critères de conformité douanière, aux normes
d’archivage des écritures et de solvabilité financière, et d'autre part applique des normes de
sécurité et de sûreté adéquates. Le bénéficiaire du statut AEO-S pourra prétendre aux
avantages suivants : déclarations sommaires d’entrée et de sortie avec des informations
réduites, diminution de la note de risque attribué par les Douanes (donc moins de contrôles
douaniers dans l’ensemble de l’UE), traitement prioritaire des envois en cas de sélection à un
contrôle, information préalable par le service des Douanes d'un contrôle physique au titre de
la sûreté/sécurité avant l'arrivée des marchandises, et choix du lieu des contrôles sous
certaines conditions.
- Le certificat OEA "complet" (ou en anglais AEO-F) 4, également connu sous le
nom de certification "finale" ou "combinée" cumule la certification "simplifications
douanières" et la certification "sûreté/sécurité". Les avantages retirés sont strictement les
mêmes que l’AEO-C et l’AEO-S additionnés. Pour les commissionnaires de transport,
logisticiens, chargeurs, transitaires qui gèrent des trafics internationaux, notamment hors UE,
le statut OEA complet est le plus adapté car mixant simplifications douanières et sécurisation,
donc combinant la fluidité et la sécurité de leur supply chain.
Pour que l'entreprise mette toutes les chances de son côté, le processus de certification
doit être structuré en interne : préparation réelle du dossier en amont, diagnostic de la
situation et détection des lacunes éventuelles ; création d’un groupe de travail avec un chef de
projet interlocuteur de l'administration douanière ; budgétisation du projet ; inventaire des
normes déjà obtenues (douanières ou autres) qui pourront faciliter le processus d’agrément.
7
l'Etat membre instructeur et peut compromettre l'octroi d'un certificat. Si le certificat est
validé dans un pays de l’UE, l'agrément est reconnu et accepté par l’ensemble des
administrations douanières.
Le fait de postuler à un statut OEA doit permettre à l'entreprise de centraliser la
fonction douanière, remettre à plat les process, déceler des incohérences, des manques ou des
doublons de fonctionnement. La première démarche vers la certification OEA est une
démarche interne et globale : c’est l’ensemble de l’entreprise qui doit porter le projet à travers
une communication convaincante, le candidat devant intégrer dans sa réflexion et sa gestion
l’ensemble des problématiques mentionnées dans la figure 3 ci-dessous. Le certificat OEA
couvrant l’ensemble des établissements de l’entreprise avec le même niveau d’exigence, la
Douane doit avoir une visibilité totale sur l’ensemble des procédures touchant aux flux de
marchandises.
Personnel
mobilisé (DG,
Engagement DG : comptabilité, Organisation
définition claire informatique, interne de la
et respect de ses logistique) Société claire et
obligations formalisée par
organigrammes
Engagement de Véritable
suivi de la démarche qualité
démarche OEA (formalisation
dans le temps process, actions
correctives)
Statut
OEA
Règlementation Procédures
douanière : outils opérationnelles
et supports écrites et
spécifiques disponibles par
service
Dans le cadre SAFE de l'OMD, les Douanes des différents pays ont été désignées pour
la mise en place de ce programme ambitieux d’OEA avec pour finalité de sécuriser la supply
chain sans ralentir les échanges internationaux. En France, la Douane veut jouer un rôle de
"partenaire" des entreprises et non plus de "contrôleur". Au travers des différentes réformes
du code des Douanes, le rôle de cette administration a maintenant évolué vers une véritable
mission dans le commerce international : devenir un facteur de fiabilité, d’optimisation et de
sécurisation des flux de marchandises tout en mettant en place les bonnes procédures. La
Douane doit faciliter le commerce mondial tout en s’assurant dans le même temps du respect
des lois et règlements. L’OEA rentre pleinement dans cet objectif. En France, la décision de
centraliser l’examen des demandes (au niveau du bureau E3 de la DGDDI) est perçue comme
un gage d’homogénéité et d’égalité de traitement.
La validité de l’agrément OEA n’est pas limitée dans le temps, mais conformément au
règlement CE n° 1875/2006, "les autorités douanières contrôlent en permanence le respect,
par l'opérateur économique agréé, des conditions et critères qui lui sont applicables". Selon
8
le cadre SAFE, "l’agrément demeurera valable jusqu’à ce qu’il soit suspendu, annulé ou
retiré, suite à un manquement substantiel aux termes et conditions de l’agrément" notamment
en cas de non conformité aux modalités et conditions de l’agrément, non respect par
l'entreprise des dispositions du droit pénal ou civil, ou absence de communication à
l’administration douanière des documents appropriés et/ou d’accès aux informations
concernant le personnel, les locaux de l’entreprise, le matériel et les biens.
En France, le SRA réalise des plans de suivi et d’audit périodiques (tous les 3 ans en
général) ou des contrôles aléatoires pour s’assurer que les critères et conditions de l’agrément
OEA sont toujours remplis, et évaluer tout changement au niveau du comportement ou de la
taille de l’entreprise. L’opérateur concerné doit donc maintenir un niveau d’attention et un
degré de qualité de ses procédures qui soient constants.
La demande et la délivrance des certificats OEA auprès des Douanes sont gratuites.
Par contre, il est incontestable que les moyens humains, les adaptations techniques et
matérielles mises en place, les investissements en terme de sécurité (ressources humaines,
informatique, badges, détecteurs) et leur maintien dans le temps ont un coût qui varie selon la
taille, la structure de l’entreprise et son organisation (ex : un ou plusieurs entrepôts à
sécuriser). La remise à plat du fonctionnement de l'entreprise génère un nombre d’heures de
travail très important sur le projet OEA, mais cela débouche normalement sur des procédures
améliorées et un traitement plus rapide et moins couteux des flux. Plutôt que de "coûts", il est
préférable de parler "d’investissement" pour le futur.
Même s’il n’existe pas de seuil en nombre de déclarations douanières annuelles, avant
de se lancer dans une démarche d'agrément, l’entreprise se doit de réaliser une analyse
stratégique intégrant : évaluation des enjeux, analyse coûts/bénéfices et avantages/
inconvénients en interne et en externe.
Dès 2008 TLF attirait l’attention des candidats OEA sur l’importance stratégique de
s’engager dans cette démarche de certification. Sans grand succès, puisque les entreprises
françaises ont mis du temps à s’intéresser à ce statut (comme le montre le tableau 2 ci-
dessous), alors que les entreprises de pays comme les Pays-Bas et surtout l’Allemagne se
lançaient dès le début dans l'aventure. Néanmoins, la fin de l’année 2010 aura été marquée en
France par l’agrément de poids lourds de l’industrie et de la grande distribution (Auchan,
Peugeot-Citroën, Renault, Total…), preuve de l’importance grandissante à l’international de
ce statut pour les principaux acteurs de la supply chain (même si le transport routier reste en
marge ; Demaison 2010).
9
2.1 Quel intérêt à être agréé OEA ?
10
planification (économie de temps et de coûts), une organisation propre à l’activité de
l’entreprise, ou l’élaboration de normes internes de sécurité entrainant une diminution des
incidents et une information plus fiable.
Au niveau externe, le gain est encore plus évident pour les clients et partenaires de
l’OEA : meilleure maîtrise des flux grâce à une sélection approfondie des partenaires ;
diminution des vols, du vandalisme, des pertes, des retards, et des coûts d'inspection des
clients ; meilleur service et satisfaction du client qui devient fidélisé ; maîtrise des délais de
transport, gain en efficacité sur la gestion des flux, stocks, délais d’approvisionnement.
L’OEA devient de fait un maillon plus sûr de la chaîne logistique, et ce statut s’affirme
comme un critère essentiel non seulement pour le choix des partenaires, mais aussi et surtout
pour être choisi ! La certification OEA est de plus en plus demandée par des clients
européens, ce qui signifie que même un opérateur qui fait très majoritairement du commerce
intra-communautaire a intérêt à être OEA. Un parallèle avec les notes attribuées par les
agences de notation aux dettes souveraines des Etats n’est pas complètement usurpé ici.
Néanmoins, s’il faut retenir LE principal avantage d’être OEA à moyen et long terme,
c’est bien celui de la "reconnaissance mutuelle" : les autorités d’un pays reconnaissent
formellement le programme d’OEA des autorités d’un autre pays et accordent les mêmes
avantages aux entreprises étrangères certifiées qu'aux entreprises agréées localement. En mai
2010, dans le cadre du programme SAFE, l’OMD recensait 30 programmes différents du type
OEA impliquant 56 pays dans le monde et qui peuvent être divisés en trois catégories :
11
- programmes OEA opérationnels (39 pays6) ;
- programmes OEA lancés dans un proche avenir : (9 pays7) ;
- programmes de conformité à la législation douanière (assimilables à un pré-
programme d’OEA) : 8 pays8.
Pour qu’un Accord de Reconnaissance Mutuelle (ARM) fonctionne entre deux ou
plusieurs pays il est essentiel de valider des normes communes (informations, contrôles,
ciblages, procédures, communications) tant pour la Douane que pour les OEA, d'appliquer
uniformément ces normes afin que la Douane d’un pays ait confiance dans l’agrément accordé
par celle d’un autre pays, et que la législation nationale permette la mise en œuvre de ce
système. A ce jour, seulement 8 ARM ont été conclus dans le cadre de SAFE, et 12
négociations sont en cours. Au niveau européen, des ARM ont été conclus avec la Norvège, la
Suisse et tout récemment le Japon9. Les négociations actuelles avec les Etats-Unis s'annoncent
longues et compliquées avec une issue sans cesse retardée. Les Etats-Unis doivent négocier
avec une "Entité" qui représente 27 pays, ce qui est pour eux un obstacle majeur : s'il n'y a pas
de problème particulier pour trouver un ARM avec la France ou l’Allemagne, les Etats-Unis
sont moins disposés à accepter un ARM avec d’autres pays. Or il est impossible d’agréer
séparément les pays de l’UE !
Pour les Douanes, les ARM constituent un objectif fondamental pour harmoniser,
sécuriser, simplifier le commerce mondial et contribuer à réaliser l’objectif SAFE de
facilitation des échanges et de sécurisation de la chaîne logistique. De toute évidence, le statut
d’OEA va devenir rapidement indispensable au niveau international du fait des exigences de
certains pays qui ne traiteront qu’avec des partenaires fiables et agréés. Les Etats-Unis ont
annoncé leur volonté de durcir dès 2012 les règles pour commercer sur leur territoire : ce pays
souhaite le "100% scanning des conteneurs" à l’horizon 2014 (Carluer, Alix, Joly, 2008).
Concrètement cette mesure est impossible à mettre en place pour des raisons de coût
financier, perte de temps et risque de congestion du trafic mondial de marchandises. Pour se
sortir de cette impasse, le seul moyen pour les Etats-Unis sera de reconnaître les statuts
d’OEA d'Europe et du monde entier. A défaut, la file d’attente dans les zones de contrôles
sera rédhibitoire et bloquera l’ensemble des échanges internationaux, l’UE pouvant exiger en
échange que les mêmes règles strictes s’appliquent pour les marchandises en provenance des
Etats-Unis (Alix, Carluer, Slack, 2010) !
L’aboutissement de la reconnaissance mutuelle, où chacun des maillons de la chaîne
logistique prouve sa fiabilité et la sécurisation des flux, constitue le dispositif ultime en
matière de sûreté (CESAM 2010). C'est également une opportunité pour les acteurs
du commerce international de voir se développer des "corridors express" pour les
marchandises ainsi sécurisées, sachant qu’il faudra encore un certain temps pour y parvenir.
Concrètement, la question "être ou ne pas être OEA" ne se pose plus : ce statut sera un
préalable incontournable pour tout opérateur international. Il n’y a donc aujourd’hui pas et
plus d’alternative.
Jusqu’à maintenant, le statut d’OEA peut sembler idyllique et ne procurer que des
avantages et facilitations qui augmenteront avec le temps (Tilche 2010a). C’est cependant
6
Argentine, Canada, Chine, Corée, Etats-Unis, Japon, Jordanie, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Norvège,
Singapour, Suisse, + les 27 pays de l’UE qui appliquent un programme unique et identique.
7
Macédoine, Andorre, Botswana, Chili, Colombie, Costa-Rica, Guatemala, Israel, Maroc.
8
Brésil, El Salvador, Indonésie, Kenya, Rwanda, Serbie, Tanzanie, Thaïlande.
9
Signature le 24 juin 2010 - publié au JO de l'UE du 23 octobre 2010 – entré en vigueur le 24 mai 2011.
12
oublier que ces opportunités s’accompagnent de contraintes importantes qui renforcent
l’aspect stratégique pour une entreprise de s’engager dans cette démarche de certification.
La chaîne d’approvisionnement internationale est un ensemble de structures
composées d’opérateurs plus ou moins connus les uns des autres, représentant différents
segments de l’activité commerciale, situés dans plusieurs pays (en particulier les nations
émergentes) et soumis à des législations différentes. Sur chacun des maillons va peser une
responsabilité de sécurisation qui est encore plus pesante quand ce maillon est OEA. On
imagine aisément la difficulté à sécuriser l'ensemble des opérations !
Pour l’ensemble de l’entreprise la certification OEA signifie un nouveau mode de
fonctionnement, de nouvelles règles de management, une veille juridique permanente, une
« démarche qualité » en adéquation avec la montée massive des risques, et une notion de
protection de l’ordre public juridiquement étendue (principe de précaution par exemple). Etre
OEA implique de manière évidente une montée en responsabilité professionnelle vis-à-vis de
tous les maillons de la chaîne logistique internationale. Le partenariat avec la Douane se
trouve également renforcé et confère à l’OEA une plus large responsabilité en matière de
prévention de la fraude douanière et du risque de sûreté/sécurité. N’oublions pas dans le
même temps que la responsabilité est transférée du domaine public au secteur privé !
Le règlement CE n° 1875/2006 précise à ce sujet que les normes de sécurité et de
sûreté relatives aux partenaires commerciaux seront considérées comme adéquates si "le
demandeur [du statut OEA] a pris des mesures permettant d’identifier avec précision ses
partenaires commerciaux, de façon à sécuriser la chaîne logistique internationale". On ne
peut pas raisonnablement demander à un OEA d’être responsable de l’ensemble de la chaîne
logistique alors qu’il ne connaît pas directement certains des maillons. Néanmoins, outre le
maillon de la chaîne qu’il représente lui-même, un OEA s’engage à fiabiliser ses propres
partenaires commerciaux en amont et en aval, et dépend donc des normes de sûreté/sécurité
mises en place par ces derniers. En ce qui concerne le point spécifique de la sous-traitance, il
convient de procéder à une analyse en détail des contrats qui ont été conclus et les revoir si
nécessaire afin de mettre les dispositions contractuelles en conformité avec les règles de
l’OEA, ce qui représente un vaste chantier ! Différentes options peuvent être considérées :
- l’OEA prend en charge l'ensemble de la chaîne logistique (le procédé est simple,
mais contraignant en termes de responsabilités) ;
- l’OEA ne collabore qu’avec d’autres OEA ou des opérateurs équivalents (agents
habilités, expéditeurs connus). C’est cette alternative que la Douane souhaite
privilégier ;
- l’OEA fait signer par ses partenaires commerciaux non-OEA une "déclaration de
sûreté" qui est un engagement sur l’honneur du prestataire ;
- l’OEA conclut des accords contractuels abordant l'aspect sûreté/sécurité avec ses
partenaires (à défaut de la certification OEA du partenaire, cette solution retient la
faveur de la Douane) ;
- l’adhésion du sous-traitant à une charte-type qui détaille ce que le donneur d’ordres
attend en matière de contraintes liées à tout ce qui touche la sécurisation de la chaîne
de transport. Le sous-traitant s’engage alors à reproduire dans les contrats avec ses
substitués directs les clauses de la charte.
Si un OEA identifie qu'un des partenaires n’applique pas les normes de sécurité
requises, il doit prendre immédiatement des mesures correctives. A défaut, il court le risque
d’annulation ou de suspension de son agrément si la Douane estime que les exigences en
matière de sécurisation ne sont plus respectées.
A la lecture de ce qui précède, on comprend mieux les responsabilités nouvelles et
contraignantes consécutives à la certification OEA. Même si la Douane mentionne que la
preuve de la "sensibilisation" des sous-traitants peut être rapportée par les échanges
13
d’informations et de documents avec l’OEA, cette notion reste très subjective et susceptible
d’être interprétée différemment en cas de problème.
Trois ans après les premières certifications OEA, il apparaît nécessaire de faire une
synthèse empirique des différentes parties concernées en s'appuyant sur les résultats de
l’Etude Price Waterhouse Coopers (PWC) publiée en mars 2010, du ressenti des opérateurs au
travers de la presse professionnelle, et de renseignements obtenus auprès de différents acteurs
du transport.
10
70% du total des agréments en France – 59% des agréments dans l'UE.
14
Les entreprises mettent en avant la lourdeur des procédures à mettre en place et le gros travail
de fond nécessaire (procédures écrites / contrôles des accès renforcés / nouveaux SI /
nouvelles relations avec les sous-traitants) au début de la démarche et dans le temps, et
craignent un niveau de vigilance demandé régulièrement élevé d’un cran ce qui pourrait leur
faire perdre l'agrément lors des visites d'audit. Enfin, selon les entreprises, l’empilement des
réglementations sécuritaires non coordonnées entre les pays à travers le monde (C-TPAT,
chargeur connu, OEA) risque de créer à terme des conflits commerciaux et juridiques.
- L’avenir du statut OEA. Si la certification OEA n’apparaît pas aujourd’hui comme
forcément pertinente pour un certain nombre de chargeurs, la décision à venir des Douanes de
réserver certains avantages à l’existence d’une certification est de nature à renforcer
l’attractivité du statut OEA. En d’autres termes, être OEA sera obligatoire pour accéder à
certaines facilités douanières. Les transporteurs routiers sont peu certifiés à ce jour, même si
une prise de conscience s’opère depuis mi-2010. A terme, le statut reste incontournable même
pour des trafics intra-communautaires, car près de 30% des appels d’offres auprès des
transporteurs exigent maintenant une certification OEA. Il s’agit donc d’une réelle
opportunité, les contraintes sécuritaires des uns devenant les enjeux des autres !
Afin de mieux synthétiser les enjeux liés au fait d’être certifié ou non OEA, la matrice
SWOT de synthèse ci-après présente l’avantage d’envisager à la fois l’environnement interne
et externe d’un projet, et les opportunités et les menaces, qui sont des éléments
particulièrement prégnants dans le cas de la certification OEA (Tableau 3).
11
Egalement nommé "interface unique", "one stop shop" ou "single window" en anglais.
12
Pacte 3S : "Simplicité (des procédures), Sécurité (contre la contrefaçon), Service (conseils personnalisés).
15
Tableau 3. Forces et faiblesses du statut OEA - la matrice SWOT
POSITIF NEGATIF
Les enjeux tant internes qu'externes ayant été analysés pour l'opérateur, il convient
maintenant d'aborder les changements qu'implique le statut d'OEA au niveau juridique.
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III - LES NOUVELLES RESPONSABILITES LIEES A L’OEA
La relation Douanes-entreprises ne doit pas s’envisager sous le seul aspect du droit des
uns et des devoirs des autres. Il faut souligner les multiples répercussions qui pèsent sur les
relations contractuelles entre l’OEA et ses partenaires, clients et fournisseurs, qui aboutissent
à une remise en cause quasi systématique des contrats existants pour les adapter juridiquement
aux nouvelles obligations imposées. Les dispositions sécuritaires se font plus pressantes en
présence d’un OEA et se répercutent sur l’ensemble de la chaîne avec des problématiques de
responsabilité souvent difficiles à définir, sans parler d’une possible concurrence (voire
contradiction) entre obligations commerciales, droit civil et administration régalienne.
Si l’OEA permet en théorie d’identifier les partenaires fiables et de fluidifier les flux,
nul ne peut nier qu’il doit assumer de nouvelles responsabilités aux contours incertains pour
l’instant. Les colis piégés interceptés le 30 octobre 2010 à l’aéroport de Dubaï sur un vol de
passagers de la compagnie Qatar Airways, pour lesquels de forts soupçons pèsent sur Al
Qaïda, constituent la première alerte d’envergure depuis la création du statut d’OEA. De plus,
les opérateurs concernés (Fedex et UPS) sont titulaires des certificats C-TPAT aux Etats-Unis
et OEA dans plusieurs pays de l’UE. S’il n’y a pas eu de conséquences dommageables, des
questions ont été soulevées par les opérateurs telles que : le statut d’OEA change-t-il en
profondeur les relations traditionnelles du commerce international ? Juridiquement, la
responsabilité d’un OEA est-elle plus large ?
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réglementaire devient contractuellement une obligation renforcée : sécuriser les bâtiments,
l'accès au fret, avoir un SI protégé, en font partie a minima. Enfin, l’opérateur doit "identifier"
ses partenaires : s’ils ne sont pas OEA, ils devront donner des garanties. A défaut l'opérateur
prendra les dispositions visant à sécuriser le fret ce qui constitue une responsabilité
supplémentaire par rapport à un non-OEA. Ce principe est d’autant plus vrai en France que
l’OEA est personnellement tenu responsable s’il n’a pas obtenu un engagement de sûreté de
son partenaire non-OEA.
Pour résumer, le système fait peser sur l’opérateur une obligation de sécurisation de
toute la chaîne. Il vient en renfort ou en complément des textes existants (ex : Code Civil ou
Code de Commerce), sachant que la Douane encadre ces obligations au niveau sécuritaire. Le
statut va donc implicitement renforcer la responsabilité classique d’un opérateur.
Envers son co-contractant, l’OEA est tenu de ses fautes prouvées dans la mise en
œuvre de sa stratégie de prévention et de protection. Ceci vaut également pour le choix de ses
partenaires. Le droit commun trouve son application. Comment les juges apprécieront cette
responsabilité ? Si le manquement se traduit par une simple perte ou avarie, le droit des
transports s’appliquera. Dans les autres cas, la responsabilité sera évaluée séparément.
Vis-à-vis de son co-contractant, l’OEA est garant de ses sous-traitants pour les avaries
ou pertes, sauf pour les dommages résultant du droit commun, même s’il existe une
responsabilité du fait d’autrui (Bethenod, 2008). Pour mettre l’OEA en conformité avec les
exigences élevées de ce statut en matière de sécurisation, les organisations professionnelles
françaises ont élaboré une charte de sous-traitance qui doit être signée par toutes les parties.
L'adhésion du partenaire à une charte ne constitue pas une cause d’exonération pénale pour
l'OEA, mais peut supprimer la notion de manquement à l'obligation de sécurité. Quant au
sous-traitant signataire de la charte, sa négligence éventuelle peut être retenue puisqu’il a
signé un engagement de sécurité. Aucune jurisprudence ne permet actuellement d’apprécier la
portée juridique réelle de ces chartes ou déclarations de sûreté en cas de manquement du sous-
traitant à ses obligations. Cependant, la charte est une preuve irréfutable que l’OEA respecte
les obligations de sûreté/sécurité exigées par son statut. À défaut de charte/contrat spécifique,
l’OEA doit s’assurer que son sous-traitant respecte les normes de sûreté/sécurité et au besoin
remédier aux manquements constatés, et dans ce cas la preuve sera plus difficile à apporter.
L’obtention du statut OEA fait que l’on attend une quasi-perfection – comme une entreprise
certifiée ISO – dont la responsabilité sera plus facilement retenue. Les clients seront plus
exigeants envers un OEA puisque ce label est presque synonyme de "zéro-défaut".
Graduellement, nous risquons d’arriver à une situation où la faute de l’OEA sera présumée, et
glisser peu à peu vers une obligation de résultat étrangère à sa qualification juridique, la
charge de la preuve se trouvant alors renversée.
La vision des Douanes est quelque peu différente. Selon les règlements
communautaires, la seule obligation inscrite est le devoir d’exactitude des données fournies
dans la déclaration anticipée. Le statut d’OEA n’introduit pas une nouvelle cause de
responsabilité civile : le passage d’une marchandise entre les divers opérateurs (qu’ils soient
OEA ou non), et par conséquent le transfert de garde, n’entraîne pas de changement dans la
répartition des responsabilités.
Les avis des OEA divergent quant à eux. Des doutes subsistent manifestement,
d’autant plus qu’avec l’entrée en vigueur de l’ICS, de nouveaux litiges vont surement voir le
jour, portant sur le retard d’acheminement des marchandises ayant pour origine une
déclaration tardive ou erronée de l’ENS.
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3.3 Les responsabilités de l’OEA à l’égard des tiers
En cas de scénario catastrophe, de bombe sale cachée dans un conteneur par exemple,
explosant durant le transport et entraînant morts ou blessés, l'OEA sera-t-il plus sévèrement
jugé en raison de son statut (FFSA, 2010) ? Selon le code pénal "nul n'est responsable
pénalement que de son propre fait", mais ce principe risque de vaciller. En effet,
l'inobservation d'une obligation de prudence ou de sécurité imposée par une loi ou un
règlement est un élément majeur, les peines étant aggravées lorsqu'elle est délibérée. Or, en
Europe, le règlement CE n° 1875/2006 dresse la liste de mesures "satisfaisantes" pour obtenir
le certificat sûreté/sécurité. Quand un texte impose de veiller à la protection des bâtiments, à
la personne à qui l'on remet le fret ou de protéger les lieux, il édicte une obligation de sécurité
dont la violation peut être considérée comme un délit. Si un transporteur OEA ne respecte pas
ses obligations et est à l'origine de dommages corporels, sa responsabilité pénale sera engagée
en tant qu'auteur de l'infraction. Si un commissionnaire OEA ne contrôle pas la sécurité de la
chaîne, notamment auprès de ses sous-traitants, les garanties exigées par la certification ne
sont pas remplies. La réglementation européenne exigeant que l’OEA procède à un contrôle,
le danger existe que l’OEA soit recherché en responsabilité dans le cas où les preuves ne
seraient pas fournies.
Le risque pénal n'est donc pas à écarter (Tilche, 2010b) même s'il faut relativiser car
aucune jurisprudence se rapportant à l'OEA ou aux situations voisines (sûreté du fret aérien
par exemple) ne peut être invoquée.
CONCLUSION
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Nous sommes maintenant engagés dans une voie irréversible d'un système normatif
des échanges internationaux dont l'OEA européen est une déclinaison. Il en résultera très
probablement un commerce mondial à deux vitesses où seules les entreprises faisant preuve
d'un haut niveau de qualité pourront avoir accès aux procédures de facilitation. Au regard du
nombre d'acteurs publics et privés concernés et de la volonté des administrations de sécuriser
davantage les flux de marchandises, il apparaît clair aujourd’hui que la certification OEA est à
l’origine d’un avantage compétitif spécifique pour toutes les entreprises impliquées dans la
supply-chain globale (assimilable à une "ressource immatérielle" (Bounfour, 2002), ou
correspondant à une survaleur ou goodwill). Ce label "responsable", accordé par les instances
habilitées, fait de facto de l’entreprise certifiée un partenaire privilégié.
REFERENCES BLIOGRAPHIQUES
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MOCI (2011), Guide du nouveau dédouanement à l'usage des entreprises, n° 1886, 17 mars,
p. 97-114.
Porter M., (1993), L’avantage concurrentiel des nations, Interéditions.
Price Waterhouse Coopers (2010), http://www.pwc.fr/operateur-economique-agree.html.
Stiglitz J., (2002), La grande désillusion, Fayard, Paris.
Supply Chain Magazine (2010), Commerce International – Nouvelles règles du jeu, quel
impact ?, n°49, pp. 44-53.
Tilche M., (2008), "OEA, le poids du statut", Bulletin des Transports et de la Logistique,
n°3238, p. 563.
Tilche M., (2010a), "OEA – Tout ce qui brille n'est pas or", Bulletin des Transports et de la
Logistique, n°3316, pp. 265-266.
Tilche M., (2010b), "OEA – Y a-t-il un risque pénal ?", Bulletin des Transports et de la
Logistique, n°3323, p. 377.
Transport & Logistique (2011), "Les nouvelles règles du commerce international", n° 82,
juin-juillet, p. 14-16.
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