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ÉTUDES & SOLUTIONS

Notes techniques

ROBOTIQUE COLLABORATIVE :
PERCEPTION ET ATTENTES
DES INDUSTRIELS
Grâce aux innovations techniques, la robotique industrielle évolue et devient
« collaborative ». En créant des situations de coactivité entre l’homme et le robot,
elle soulève aussi des questions de santé et de sécurité. Comment vérifier que cette
technologie réponde aux exigences de sécurité pour l’opérateur, tout en satisfaisant
les besoins des industriels ? Pour le savoir, une enquête exploratoire a été menée
auprès d’utilisateurs de robots industriels, sur leurs besoins et leur perception
des apports potentiels en matière de robotique collaborative.

L’
introduction des robots dans l’indus- Afin d’assurer la sécurité des opérateurs inter-
DAVID TIHAY
trie n’est pas nouvelle. En effet, depuis venant sur ou à proximité de ces robots souvent
INRS,
le milieu des années 1970, l’utilisation rapides et puissants, la stratégie de protection
département
de robots s’est progressivement déve- retenue a été de séparer l’espace d’évolution du
Ingénierie des
loppée pour la réalisation d’opérations robot de celui des opérateurs à l’aide de protec-
équipements
basiques, répétitives (palettisation, pick & place…), tions physiques (protecteurs, grilles, etc.). Par
de travail
nécessitant des forces importantes (manipulation et conséquent, en phase de production, les inte-
mise en place de pièces lourdes, insertion en force…) ractions entre opérateurs et robots sont quasi
ou encore dangereuses (opérations de soudage, de inexistantes.
collage, manipulations de pièces chaudes ou pro- L’évolution des technologies dans différents
cessus générateurs de fumées ou de poussières...). domaines – mécanique, électronique, automatique

RÉSUMÉ
Les évolutions techniques permettent robot inhérentes à la robotique Cet article présente les résultats
aujourd’hui aux fabricants et aux collaborative industrielle ne vont pas d’une enquête exploratoire auprès
intégrateurs de proposer des sans poser de questions de santé et d’utilisateurs de robots industriels
solutions robotiques ne comportant de sécurité au travail. L’enjeu pour la sur leurs besoins et leur perception
plus de barrières physiques entre prévention est de s’assurer que ces des apports potentiels de la
l’homme et le robot. évolutions techniques répondent bien robotique collaborative et mettent
La robotique industrielle est alors aux besoins des industriels, également en évidence les limites
dite « collaborative ». tout en garantissant un niveau de de ces nouvelles technologies.
Les situations de coactivité homme- sécurité suffisant pour l'utilisateur.

Collaborative robotics: perception and expectations of companies


Technical advances now allow are inherent to industrial collaborative an exploratory survey, in which users of
manufacturers and integrators to robotics but nevertheless raise questions industrial robots took part. It covers the
propose robotic solutions, which no on occupational health and safety. needs to which the potential advances
longer involve physical barriers between The challenge for prevention is to ensure afforded by collaborative robotics
humans and robots. that these technical changes effectively respond, and how these advances are
This form of industrial robotics is meet the needs of companies, while perceived. it also reveals the limitations
termed “collaborative”. Situations where guaranteeing an adequate level of user of these new technologies.
humans and robots work together safety. This paper presents the results of

50 Hygiène et sécurité du travail – n°250 – mars 2018


Collaboration directe
L’opérateur et le robot travaillent simultanément
à la réalisation d’une même pièce.

Collaboration indirecte
L’opérateur et le robot travaillent sur une même pièce,
mais leurs actions sont alternées.

© Valérie Causse pour l'INRS


Partage d’espace de travail
L’opérateur et le robot effectuent des tâches distinctes
pour lesquelles ils peuvent être amenés à partager
leur espace de travail. GTABLEAU 1
Les différents
types de coactivité
homme-robot [3].

et informatique – a permis d’élargir progressive- •c ontrôle de la vitesse et de la distance de sépara-


ment le spectre des applications des robots indus- tion : lorsque l’opérateur se trouve dans la zone
triels en leur confiant des opérations de plus en de travail du robot, ce dernier doit maintenir une
plus complexes [1]. Ces évolutions conduisent vitesse déterminée et respecter une distance de
aujourd’hui à envisager une «  coactivité  » entre séparation avec l’opérateur, de façon à éviter
opérateurs et robots, en particulier lorsque cer- toute collision ;
taines opérations nécessitent un savoir-faire par- •limitation de la puissance et de la force : des
ticulier ou une prise de décision nécessitant une mécanismes de réduction d’effort doivent être
intervention humaine [2]. intégrés au robot, de façon à réduire l’intensité
La robotique est alors dite «  collaborative  » des contacts potentiels entre l’opérateur et le
et cette notion de collaboration (ou coactivité) robot.
homme-robot peut se décliner en trois niveaux Les fabricants proposent aujourd’hui aux indus-
selon le degré d’interaction souhaité entre l’opé- triels des solutions robotiques collaboratives
rateur et le robot (Cf. Tableau 1). respectant ces principes. Face à la diversité de
Ces évolutions ne vont pas sans soulever des l’offre et aux enjeux de sécurité, il est important
questions relatives à la santé et la sécurité des de s’assurer que ces solutions répondent bien
salariés. D’une part, elles accentuent certains aux besoins des industriels utilisateurs de robots.
risques du fait de la proximité recherchée entre C’est ce que nous avons essayé de déterminer
le robot et les opérateurs : risques physiques, en en les questionnant sur leurs besoins et sur leur
cas de contact (Cf. Encadré) ou psycho-sociaux, perception de l’apport potentiel de la robotique
en cas de non maîtrise ou de non compréhension collaborative.
des mouvements du robot par les opérateurs.
D’autre part, elles remettent en cause la stratégie Démarche suivie pour le recueil des besoins
de protection précédemment évoquée, et qui était Avec l’appui du réseau des Carsat, un panel d’en-
jusqu’alors appliquée. treprises utilisatrices de robots industriels a été
En réponse à tout ou partie de ces questions, la constitué. Ces entreprises ont ensuite été contac-
norme NF EN ISO 10218-1 [5] relative à la sécurité tées afin de déterminer, d’une part, une situation
des robots industriels, propose de mettre en œuvre de travail mettant en œuvre une cellule robotique
un ou plusieurs des quatre principes suivants : et, d’autre part, les personnes à interroger.
• arrêt nominal de sécurité contrôlé : le robot doit Ces dernières devaient nécessairement avoir un
s’arrêter lorsqu’un être humain se trouve dans rôle opérationnel vis-à-vis de cette cellule : opé-
l’espace de travail coopératif ; rateur, responsable de production, agent de main-
• guidage manuel : l’opérateur doit utiliser un dis- tenance, etc.
positif de validation pour autoriser le déplace- Au final, 21 entreprises ont accepté de participer
ment guidé du robot ; à cette enquête exploratoire. Elles sont de tailles q

Hygiène et sécurité du travail – n°250 – mars 2018 51


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variées (très petites entreprises [TPE], petites et


ENCADRÉ moyennes entreprises [PME], entreprises de taille
LES RISQUES PHYSIQUES EN CAS intermédiaire [ETI]) et elles couvrent les prin-
DE CONTACT AVEC LE ROBOT cipaux secteurs d’activités référencés par l’IFR
(International Federation of Robotics) comme uti-
La proximité de l’opérateur et du robot fait lisateurs de robots industriels [6]. Quarante-deux
apparaître des risques de collision entre personnes ont ainsi été interrogées sur leurs
l’homme et le robot. La nature besoins vis-à-vis de 27 situations de travail diffé-
de ces contacts est multiple [4] : rentes (Cf. Tableau 2), lors d’entretiens individuels
• impact direct non contraint ;
et semi-directifs. Ces types d’entretien laissent
• impact direct partiellement contraint ;
toute liberté à la personne interviewée de s’expri-
• impact direct contraint ;
mer sur des thèmes préalablement définis, ce qui
• Impact secondaire ;
• écrasement dans la structure du robot. est indispensable pour pouvoir ensuite comparer
Ces contacts peuvent entraîner des blessures les réponses données 1.
par écrasement, cisaillement, des chocs La grille d’entretien mise au point pour ce recueil
ou encore, selon la nature de l’activité des besoins vis-à-vis de la robotique collabora-
des coupures, des sectionnements, tive comprend trois thèmes abordés de façon
des perforations… chronologique :
Afin de limiter ces risques, l’utilisateur
ou l’intégrateur pourra s’appuyer 1. Analyse de la situation existante : au travers de
sur le guide de prévention à destination
questions ouvertes sur des aspects fonctionnels et
des fabricants et des utilisateurs pour
techniques, l’objectif de cette première partie est
la mise en œuvre des applications
d’amener la personne interviewée à évaluer l’adé-
collaboratives robotisées [4].
quation entre les caractéristiques de la cellule robo-
tisée et les besoins de production. Le cas échéant,
les limites et les contraintes de ce poste sont évo-
Scénarios de contact
quées, ainsi que les voies d’amélioration possibles.
À ce stade de l’entretien, la notion de coactivité
n’est pas évoquée par les enquêteurs, mais peut
l’être spontanément par la personne interrogée.

2. Identification des besoins de coactivité : lors


Impact direct
de cette deuxième partie de l’entretien, la notion
non contraint de « coactivité » est abordée. Il est demandé à la
personne interviewée d’envisager la cellule robo-
tisée sans protecteur physique. On l’interroge sur
l’intérêt d’une telle évolution et sur la nature de
la coactivité qu’elle souhaiterait. Il s’agit d’évo-
quer une situation «  idéale  » et sans a priori.
On l’amène à réfléchir également sur les limites et
Impact direct les risques potentiels inhérents à cette nouvelle
partiellement
contraint situation de travail.

3. Apports potentiels de la robotique collabora-


Impact secondaire tive : au cours de cette dernière partie, les solu-
tions robotiques existantes sont présentées à la
personne interviewée. Les éléments de sécurité,
en particulier ceux détaillés dans la norme NF EN
Impact direct ISO 10218-1, sont évoqués ainsi que les limites
contraint
associées (vitesse réduite par exemple). Il lui est
ensuite demandé de s’interroger sur l’adéquation
© Valérie Causse pour l'INRS

de ces solutions vis-à-vis de ses besoins.


À l’issue de chacune de ces trois phases, il a été
demandé aux personnes interrogées d’évaluer,
par l’intermédiaire d’une grille graduée de 1 (pas
du tout satisfait) à 10 (très satisfait) leur satis-
écrasement dans la
structure du robot faction vis-à-vis des situations de travail corres-
pondantes : situation actuelle, situation avec une

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Notes techniques

SITUATION SERVICE DE LA PERSONNE


ENTREPRISE SECTEUR D’ACTIVITÉ CTN* RÉF.
DE TRAVAIL INTERVIEWÉE
1 Industrie du bois F Dépalettisation Dirigeant 1

2 Agro-alimentaire D Palettisation Méthodes 2

3 Aéronautique A Perçage Méthodes 3

4 Agro-alimentaire D Palettisation Dirigeant 4

D Production 5
5 Agro-alimentaire Déboxage
D Maintenance 6

6 Aéronautique A Manutention Méthodes 7

A Soudage Poste polyvalent 8

7 Métallurgie A Poste polyvalent 9


Manutention
A Production 10

E Méthodes 11

8 Industrie du plastique E Assemblage Production 12

E Production 13

F Méthodes 14

9 Industrie du bois F Manutention Maintenance 15

F Production 16

E Production 17
10 Industrie du plastique Manutention
E Méthodes 18

A Manutention Méthodes 19

11 Automobile A Production 20
Manutention
A Production 21

12 Industrie du bois F Contrôle Dirigeant 22

F Contrôle Méthodes 23
13 Industrie du textile
F Nettoyage Méthodes 24

B Poste polyvalent 25
14 BTP Ébavurage
B Production 26

A Méthodes 27

15 Automobile A Assemblage Méthodes 28

A Méthodes 29

A Méthodes 30
16 Télécommunications Assemblage
A Méthodes 31

B Manutention Production 32
17 BTP
B Ponçage Méthodes 33

18 Métallurgie A Manutention Méthodes 34

19 Électroménager A Manutention Production 35

A Méthodes 36

20 Automobile A Manutention Méthodes 37

A Méthodes 38

A Manutention Maintenance 39

A Méthodes 40
21 Médical Manutention
A Production 41

A Découpage Production 42

*CTN : Comité technique national.


DTABLEAU 2 Synthèse du profil des entreprises et des personnes interviewées. q

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ÉTUDES & SOLUTIONS

RÉPARTITION
BESOINS DE COACTIVITÉ
DES BESOINS
HOMME-ROBOT
(%)
1. Faciliter la réalisation
28 %
36 % des opérations de maintenance
45 %
2. Faciliter la réalisation
des opérations liées au process 18 %
à proximité du robot
3. Faciliter l’intégration
19 % 15 %
de la cellule robotisée
4. Réduire le risque de TMS 9 %
5. Pallier des problèmes techniques 9 %
6. Vitrine technologique 9 %
Exprimé spontanément (phase 1)
7. Faciliter la réalisation
Exprimé après suggestion (phase 2) 6 %
d’opérations de réglage
Absence d’intérêt
8. Améliorer la mobilité
6 %
et la réutilisation du robot

DTABLEAU 3 Synthèse de l’expression des besoins


DFIGURE 1 Expression du besoin de coactivité homme-robot. de coactivité homme-robot 2.

coactivité sans contrainte («  idéale  »), situation Seuls les points 4 (réduction des TMS) et 6 (vitrine
avec coactivité et tenant compte des contraintes technologique) transcrivent des objectifs autres et
associées aux éléments de sécurité définis dans la il est intéressant de remarquer que ceux qui expri-
norme NF EN ISO 10218-1. ment ces besoins ont déjà investi dans l’achat d’un
robot collaboratif.
Analyse des besoins vis-à-vis de la robotique Bien que les besoins de coactivité exprimés soient
collaborative nombreux et variés, il est possible de les regrou-
Près des deux tiers des personnes interrogées per selon les trois types de coactivité définis pré-
(64 %) expriment un intérêt potentiel pour la coac- cédemment (Cf. Figure 2).
tivité homme-robot (Cf. Figure 1). On constate Il ressort également de cette enquête qu’une
qu’elles sont même 45  % à l’évoquer de façon très forte majorité de personnes interrogées
spontanée, lors de la première phase de l’inter- (90 %) ont naturellement conscience des risques
view, comme une piste d’amélioration de la situa- liés à la proximité entre l’opérateur et le robot
tion analysée. Sept d’entre elles ont d’ailleurs déjà (Cf. Figure 3). Les risques de chocs et de collisions
franchi le cap et possèdent un robot collaboratif. avec le robot sont cités par 45 % des personnes
L’expression plus précise des besoins est détaillée interrogées. Les risques psychosociaux sont
dans le tableau 3. ensuite évoqués dans 25 % des cas. Cela concerne
Toutes ces attentes visent principalement à amé- principalement le stress qui pourrait être engen-
liorer la productivité et la flexibilité de l’entreprise. dré par la présence d’un robot en mouvement à

2%
7% 8%

28 % 13 %

61 %
45 %
25 %
11 %

Collaboration directe Chocs, collisions Brûlures

Collaboration indirecte RPS, stress Poussières

Partage d’espace de travail Projections, chutes de pièces Pincements, écrasements

DFIGURE 2 Types de coactivité souhaités. DFIGURE 3 Nature des risques identifiés.

54 Hygiène et sécurité du travail – n°250 – mars 2018


Notes techniques

10
Niveau de satisfaction

19 34
1 38
8
8 23 30 31

21 33 36 37
4
2
11 13 14 24
2
3 6 16 18
26 39
12 15 20 22 27 28
0

41
-2
10 40

-4 4

5 17 32
-6 29
9 25

7 35
-8

42 GFIGURE 4
-10 Apport potentiel
de la robotique
Références des entretiens (total : 42)
collaborative.

APPORT APPORT APPORT


NATURE DE LA COACTIVITÉ
POSITIF INCERTAIN NÉGATIF GTABLEAU 4
Apport de
Collaboration directe 50 % 25 % 25 % la robotique
collaborative
Collaboration indirecte 20 % 40 % 40 % en fonction
de la nature de la
Partage d’espace de travail 42 % 31 % 27 %
coactivité.

proximité de l’opérateur. Sont ensuite cités, à hau- • les pertes de productivité du fait d’arrêts ou de
teur de 13 %, les risques liés à la projection ou à ralentissements intempestifs du robot, liés à
la chute de la pièce manipulée par le robot. Dans l’absence de protecteurs physiques et à la proxi-
8 % des cas, les utilisateurs identifient des risques mité des opérateurs ou des tiers circulant autour
de pincements ou d’écrasements. D’autres risques de la cellule.
plus spécifiques et directement liés à l’application Malgré ces réserves, les industriels estiment que
envisagée ont également été cités, par exemple, les principes de mise en œuvre proposés par la
les risques de brûlures, d’exposition aux pous- norme NF EN ISO 10218-1 permettent de répondre
sières ou encore aux fumées. à leurs attentes. Ils évoquent en particulier :
Après présentation et explication des quatre • le mode de protection intitulé « arrêt nominal de
principes de sécurité proposés par la norme sécurité contrôlé  ». C’est l’opportunité de redé-
NF  EN  ISO  10218-1, les principales réserves marrage sans action de l’opérateur qui semble
émises lors des entretiens vis-à-vis de leur mise présenter le plus d’intérêt pour les personnes
en œuvre sont : interviewées. Certaines d’entre elles envisagent
• la limitation des vitesses de déplacement ou de la même d’utiliser ce mode, tout en conservant les
charge utile du robot, afin de réduire son temps protecteurs physiques autour du robot afin de ne
d’arrêt et ainsi éviter le contact homme-robot pas avoir à augmenter les distances de sécurité ;
ou diminuer ses effets. La réduction de vitesse • le mode de « limitation de la puissance et de la
s’avère souvent incompatible avec les temps de force  ». Ce mode est plutôt envisagé pour des
cycle imposés par la production. De même, la phases de maintenance, en complément d’autres
charge utile envisageable s’avère souvent insuf- moyens de protection, plutôt qu’à des phases de
fisante, en regard de la masse des outils et des production, car il impose des vitesses de déplace-
pièces à manipuler ; ment réduites et des charges limitées, ce qui peut
• l’augmentation des distances de sécurité du fait restreindre le champ des applications possibles.
de la suppression des protecteurs physiques Si l’on considère que pour les personnes interro-
autour de la cellule. La réduction de l’encombre- gées, l’apport potentiel de la robotique « collabo-
ment au sol, attendue par les industriels, n’est rative  » peut être évalué par la différence entre
pas toujours atteignable ; les niveaux de satisfaction exprimés à l’issue des q

Hygiène et sécurité du travail – n°250 – mars 2018 55


ÉTUDES & SOLUTIONS

Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour


3,0
Niveau de satisfaction

expliquer ces variations importantes dans l’éva-


luation de l’apport de la robotique collaborative :
2,5
le type de coactivité souhaitée, la nature de l’opé-
ration réalisée par le robot ou encore la fonction
2,0 de la personne interrogée.

1,5 Type de coactivité


On constate effectivement une différence de per-
1,0 ception de l’apport de la robotique collaborative
en fonction du type de coactivité recherchée
0,5
(Cf. Tableau 4). Ainsi, cet apport est jugé deux fois
plus important lorsque l’utilisateur envisage une
collaboration directe (50 %) ou un partage d’espace
0,0
Manutention Usinage/soudage Assemblage Contrôle de travail (42 %) par rapport à une collaboration
(25) (7) (8) (4) indirecte (20 % des réponses). Ceci peut s’expliquer
par le fait que, dans ce dernier mode, le besoin
Nature des opérations réalisées
de collaboration est moins prononcé que dans les
deux autres et que, de ce fait, l’utilisateur semble
DFIGURE 5 Évaluation de l’apport de la robotique collaborative en fonction
de la nature des opérations. moins prêt à accepter les limites ou contraintes
liées à la robotique collaborative.
3,0
Niveau de satisfaction

Nature des opérations réalisées par le robot


2,5
Les différentes situations de travail analysées
2,0 ont été classées en quatre catégories : manuten-
1,5 tion, usinage/soudage, assemblage et contrôle.
Certaines ont été comptabilisées dans plusieurs
1,0 Maintenance
catégories, ce qui explique que le nombre total
(3)
0,5 de cas analysés soit supérieur à 42. L’apport de
la robotique collaborative, bien que globale-
0,0
Dirigeant Méthodes ment positif, est à considérer comme incertain
(3) (20)
-0,5
(apport  <  2). Seul dans le cas des opérations de
-1,0 contrôle, l’apport est globalement perçu comme
légèrement positif (apport > 2) (Cf. Figure 5).
-1,5

Polyvalent
-2,0
(3)
Fonction des personnes interrogées
-2,5
Production Sur la figure 6, on peut constater que seules les
(13)
personnes exerçant des fonctions liées à l’indus-
Fonction des personnes interviewées (total : 42)
trialisation (méthodes) expriment de façon globale
un intérêt légèrement positif (apport > 2) pour la
DFIGURE 6 Évaluation de l’apport de la robotique collaborative
en fonction de l’activité de l’interviewé. robotique collaborative. À l’inverse, les personnes
en charge de la production estiment, quant à elles,
thèmes n° 1 (« situation actuelle ») et n° 3 (« coac- que l’apport est plutôt négatif (< -2). Ces écarts
tivité + modes de protection normalisés  »), on peuvent s’expliquer du fait d’attentes différentes :
constate que cet apport peut être perçu comme gains potentiels sur les modes opératoires, gains
très positif (+9) ou très négatif (-9) en fonction des de flexibilité ou de production, d’une part et dif-
situations (Cf. Figure 4). ficultés techniques ou risques supplémentaires,
Ainsi, pour 17 personnes parmi toutes celles inter- d’autre part. Pour les autres fonctions, l’apport est
rogées, les limites et les contraintes imposées par incertain.
les modes de protection semblent compatibles Ces résultats illustrent bien les propos recueillis
avec les exigences de production. Dans ce cas, lors des entretiens auprès des industriels, qui ne
l’apport est perçu comme positif (apport ≥ 2) voire sont que 40 % à se déclarer au final prêts à recou-
indéniable (apport ≥ 5). rir à de la robotique collaborative. Néanmoins, la
À l’inverse, 11 d’entre elles estiment que l’apport majorité des industriels interrogés déjà posses-
n’est pas suffisant (apport ≤ -2) voire, présente seurs de robots intégrant des fonctions collabora-
des insuffisances rédhibitoires (apport ≤ -5). tives (7 d’entre eux), se déclarent plutôt satisfaits
Pour les 14 autres, l’apport est incertain et évaluent l’apport positivement à 4,8. Il est à
(-2 < apport < +2). noter tout de même que pour deux industriels

56 Hygiène et sécurité du travail – n°250 – mars 2018


Notes techniques

utilisateurs de robots, les limites et contraintes


liées à la coactivité ont été jugées rédhibitoires,
et ont conduit à la mise en œuvre d’une cellule
robotique industrielle « classique ».

Conclusion
L’enquête a tout d’abord permis de constater l’in-
térêt des industriels pour la coactivité homme-
robot. Dès la prise de contact avec l’entreprise,
le sujet soulève beaucoup d’interrogations et
les industriels sollicités nous font part de leurs
réflexions. Cela se traduit, lors des interviews, par
l’expression de différents besoins dont les objec-
tifs principaux sont :
• un gain de productivité : optimisation du process,
palliatif à des problèmes techniques… ;
• un gain de flexibilité : facilité d’intégration du
robot, mobilité et réutilisation du robot, réac-
tivité accrue au changement, adaptation de la
ligne plus aisée… ;
• une amélioration des conditions de travail.
Néanmoins, tous n’envisagent pas de recourir à la
robotique collaborative, du fait :
• des risques inhérents à la coactivité, qui sont
parfois jugés difficiles à réduire voire non
acceptables ;
© Gaël Kerbaol/INRS

• des contraintes associées aux éléments de sécu-


rité, qui peuvent s’avérer incompatibles avec le
process (cadence, charge utile…) et parfois même
contre-productives (risques d’arrêts intempestifs
du robot dus à la présence régulière d’opérateurs
dans son environnement proche). développements et travaux de recherche sont Chez un
Cela montre que les industriels sont globalement menés, afin de développer des dispositifs de pro- sous-traitant
automobile,
conscients que le recours à la robotique collabo- tection permettant une mise en œuvre plus aisée des robots
rative ne peut pas être envisagé sans, d’une part, de ce type d’installation et ainsi assurer la santé collaboratifs
une analyse «  fonctionnelle  » afin de s’assurer et la sécurité des salariés amenés à travailler à permettent

de la pertinence de la solution, au regard des


contraintes de mise en œuvre et de production et,
proximité des robots. • de sous-traiter
certaines
tâches à faible
1. Cette enquête a été menée par un binôme constitué
d’autre part, une analyse de risques spécifique à valeur ajoutée
de l'auteur de l’article, spécialiste en robotique,
(ici, le maintien
la cellule concernée. Bien que les besoins expri- et de Nellie Perrin, ergonome à l'INRS, en charge
de la clé
du respect des règles spécifiques à ce type d’entretien.
més soient globalement couverts par les modes sur le système
2. Ces résultats ne sont que la retranscription de brossage).
de collaboration proposés par la normalisation
des attentes exprimées par les personnes interviewées.
européenne, l’offre technologique pour leur mise Ils ne représentent pas nécessairement le reflet
en œuvre est encore réduite et de nombreux des apports réels de la coactivité homme-robot.

BIBLIOGRAPHIE
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