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ROBOTIQUE COLLABORATIVE :
PERCEPTION ET ATTENTES
DES INDUSTRIELS
Grâce aux innovations techniques, la robotique industrielle évolue et devient
« collaborative ». En créant des situations de coactivité entre l’homme et le robot,
elle soulève aussi des questions de santé et de sécurité. Comment vérifier que cette
technologie réponde aux exigences de sécurité pour l’opérateur, tout en satisfaisant
les besoins des industriels ? Pour le savoir, une enquête exploratoire a été menée
auprès d’utilisateurs de robots industriels, sur leurs besoins et leur perception
des apports potentiels en matière de robotique collaborative.
L’
introduction des robots dans l’indus- Afin d’assurer la sécurité des opérateurs inter-
DAVID TIHAY
trie n’est pas nouvelle. En effet, depuis venant sur ou à proximité de ces robots souvent
INRS,
le milieu des années 1970, l’utilisation rapides et puissants, la stratégie de protection
département
de robots s’est progressivement déve- retenue a été de séparer l’espace d’évolution du
Ingénierie des
loppée pour la réalisation d’opérations robot de celui des opérateurs à l’aide de protec-
équipements
basiques, répétitives (palettisation, pick & place…), tions physiques (protecteurs, grilles, etc.). Par
de travail
nécessitant des forces importantes (manipulation et conséquent, en phase de production, les inte-
mise en place de pièces lourdes, insertion en force…) ractions entre opérateurs et robots sont quasi
ou encore dangereuses (opérations de soudage, de inexistantes.
collage, manipulations de pièces chaudes ou pro- L’évolution des technologies dans différents
cessus générateurs de fumées ou de poussières...). domaines – mécanique, électronique, automatique
RÉSUMÉ
Les évolutions techniques permettent robot inhérentes à la robotique Cet article présente les résultats
aujourd’hui aux fabricants et aux collaborative industrielle ne vont pas d’une enquête exploratoire auprès
intégrateurs de proposer des sans poser de questions de santé et d’utilisateurs de robots industriels
solutions robotiques ne comportant de sécurité au travail. L’enjeu pour la sur leurs besoins et leur perception
plus de barrières physiques entre prévention est de s’assurer que ces des apports potentiels de la
l’homme et le robot. évolutions techniques répondent bien robotique collaborative et mettent
La robotique industrielle est alors aux besoins des industriels, également en évidence les limites
dite « collaborative ». tout en garantissant un niveau de de ces nouvelles technologies.
Les situations de coactivité homme- sécurité suffisant pour l'utilisateur.
Collaboration indirecte
L’opérateur et le robot travaillent sur une même pièce,
mais leurs actions sont alternées.
D Production 5
5 Agro-alimentaire Déboxage
D Maintenance 6
E Méthodes 11
E Production 13
F Méthodes 14
F Production 16
E Production 17
10 Industrie du plastique Manutention
E Méthodes 18
A Manutention Méthodes 19
11 Automobile A Production 20
Manutention
A Production 21
F Contrôle Méthodes 23
13 Industrie du textile
F Nettoyage Méthodes 24
B Poste polyvalent 25
14 BTP Ébavurage
B Production 26
A Méthodes 27
A Méthodes 29
A Méthodes 30
16 Télécommunications Assemblage
A Méthodes 31
B Manutention Production 32
17 BTP
B Ponçage Méthodes 33
A Méthodes 36
A Méthodes 38
A Manutention Maintenance 39
A Méthodes 40
21 Médical Manutention
A Production 41
A Découpage Production 42
RÉPARTITION
BESOINS DE COACTIVITÉ
DES BESOINS
HOMME-ROBOT
(%)
1. Faciliter la réalisation
28 %
36 % des opérations de maintenance
45 %
2. Faciliter la réalisation
des opérations liées au process 18 %
à proximité du robot
3. Faciliter l’intégration
19 % 15 %
de la cellule robotisée
4. Réduire le risque de TMS 9 %
5. Pallier des problèmes techniques 9 %
6. Vitrine technologique 9 %
Exprimé spontanément (phase 1)
7. Faciliter la réalisation
Exprimé après suggestion (phase 2) 6 %
d’opérations de réglage
Absence d’intérêt
8. Améliorer la mobilité
6 %
et la réutilisation du robot
coactivité sans contrainte (« idéale »), situation Seuls les points 4 (réduction des TMS) et 6 (vitrine
avec coactivité et tenant compte des contraintes technologique) transcrivent des objectifs autres et
associées aux éléments de sécurité définis dans la il est intéressant de remarquer que ceux qui expri-
norme NF EN ISO 10218-1. ment ces besoins ont déjà investi dans l’achat d’un
robot collaboratif.
Analyse des besoins vis-à-vis de la robotique Bien que les besoins de coactivité exprimés soient
collaborative nombreux et variés, il est possible de les regrou-
Près des deux tiers des personnes interrogées per selon les trois types de coactivité définis pré-
(64 %) expriment un intérêt potentiel pour la coac- cédemment (Cf. Figure 2).
tivité homme-robot (Cf. Figure 1). On constate Il ressort également de cette enquête qu’une
qu’elles sont même 45 % à l’évoquer de façon très forte majorité de personnes interrogées
spontanée, lors de la première phase de l’inter- (90 %) ont naturellement conscience des risques
view, comme une piste d’amélioration de la situa- liés à la proximité entre l’opérateur et le robot
tion analysée. Sept d’entre elles ont d’ailleurs déjà (Cf. Figure 3). Les risques de chocs et de collisions
franchi le cap et possèdent un robot collaboratif. avec le robot sont cités par 45 % des personnes
L’expression plus précise des besoins est détaillée interrogées. Les risques psychosociaux sont
dans le tableau 3. ensuite évoqués dans 25 % des cas. Cela concerne
Toutes ces attentes visent principalement à amé- principalement le stress qui pourrait être engen-
liorer la productivité et la flexibilité de l’entreprise. dré par la présence d’un robot en mouvement à
2%
7% 8%
28 % 13 %
61 %
45 %
25 %
11 %
10
Niveau de satisfaction
19 34
1 38
8
8 23 30 31
21 33 36 37
4
2
11 13 14 24
2
3 6 16 18
26 39
12 15 20 22 27 28
0
41
-2
10 40
-4 4
5 17 32
-6 29
9 25
7 35
-8
42 GFIGURE 4
-10 Apport potentiel
de la robotique
Références des entretiens (total : 42)
collaborative.
proximité de l’opérateur. Sont ensuite cités, à hau- • les pertes de productivité du fait d’arrêts ou de
teur de 13 %, les risques liés à la projection ou à ralentissements intempestifs du robot, liés à
la chute de la pièce manipulée par le robot. Dans l’absence de protecteurs physiques et à la proxi-
8 % des cas, les utilisateurs identifient des risques mité des opérateurs ou des tiers circulant autour
de pincements ou d’écrasements. D’autres risques de la cellule.
plus spécifiques et directement liés à l’application Malgré ces réserves, les industriels estiment que
envisagée ont également été cités, par exemple, les principes de mise en œuvre proposés par la
les risques de brûlures, d’exposition aux pous- norme NF EN ISO 10218-1 permettent de répondre
sières ou encore aux fumées. à leurs attentes. Ils évoquent en particulier :
Après présentation et explication des quatre • le mode de protection intitulé « arrêt nominal de
principes de sécurité proposés par la norme sécurité contrôlé ». C’est l’opportunité de redé-
NF EN ISO 10218-1, les principales réserves marrage sans action de l’opérateur qui semble
émises lors des entretiens vis-à-vis de leur mise présenter le plus d’intérêt pour les personnes
en œuvre sont : interviewées. Certaines d’entre elles envisagent
• la limitation des vitesses de déplacement ou de la même d’utiliser ce mode, tout en conservant les
charge utile du robot, afin de réduire son temps protecteurs physiques autour du robot afin de ne
d’arrêt et ainsi éviter le contact homme-robot pas avoir à augmenter les distances de sécurité ;
ou diminuer ses effets. La réduction de vitesse • le mode de « limitation de la puissance et de la
s’avère souvent incompatible avec les temps de force ». Ce mode est plutôt envisagé pour des
cycle imposés par la production. De même, la phases de maintenance, en complément d’autres
charge utile envisageable s’avère souvent insuf- moyens de protection, plutôt qu’à des phases de
fisante, en regard de la masse des outils et des production, car il impose des vitesses de déplace-
pièces à manipuler ; ment réduites et des charges limitées, ce qui peut
• l’augmentation des distances de sécurité du fait restreindre le champ des applications possibles.
de la suppression des protecteurs physiques Si l’on considère que pour les personnes interro-
autour de la cellule. La réduction de l’encombre- gées, l’apport potentiel de la robotique « collabo-
ment au sol, attendue par les industriels, n’est rative » peut être évalué par la différence entre
pas toujours atteignable ; les niveaux de satisfaction exprimés à l’issue des q
Polyvalent
-2,0
(3)
Fonction des personnes interrogées
-2,5
Production Sur la figure 6, on peut constater que seules les
(13)
personnes exerçant des fonctions liées à l’indus-
Fonction des personnes interviewées (total : 42)
trialisation (méthodes) expriment de façon globale
un intérêt légèrement positif (apport > 2) pour la
DFIGURE 6 Évaluation de l’apport de la robotique collaborative
en fonction de l’activité de l’interviewé. robotique collaborative. À l’inverse, les personnes
en charge de la production estiment, quant à elles,
thèmes n° 1 (« situation actuelle ») et n° 3 (« coac- que l’apport est plutôt négatif (< -2). Ces écarts
tivité + modes de protection normalisés »), on peuvent s’expliquer du fait d’attentes différentes :
constate que cet apport peut être perçu comme gains potentiels sur les modes opératoires, gains
très positif (+9) ou très négatif (-9) en fonction des de flexibilité ou de production, d’une part et dif-
situations (Cf. Figure 4). ficultés techniques ou risques supplémentaires,
Ainsi, pour 17 personnes parmi toutes celles inter- d’autre part. Pour les autres fonctions, l’apport est
rogées, les limites et les contraintes imposées par incertain.
les modes de protection semblent compatibles Ces résultats illustrent bien les propos recueillis
avec les exigences de production. Dans ce cas, lors des entretiens auprès des industriels, qui ne
l’apport est perçu comme positif (apport ≥ 2) voire sont que 40 % à se déclarer au final prêts à recou-
indéniable (apport ≥ 5). rir à de la robotique collaborative. Néanmoins, la
À l’inverse, 11 d’entre elles estiment que l’apport majorité des industriels interrogés déjà posses-
n’est pas suffisant (apport ≤ -2) voire, présente seurs de robots intégrant des fonctions collabora-
des insuffisances rédhibitoires (apport ≤ -5). tives (7 d’entre eux), se déclarent plutôt satisfaits
Pour les 14 autres, l’apport est incertain et évaluent l’apport positivement à 4,8. Il est à
(-2 < apport < +2). noter tout de même que pour deux industriels
Conclusion
L’enquête a tout d’abord permis de constater l’in-
térêt des industriels pour la coactivité homme-
robot. Dès la prise de contact avec l’entreprise,
le sujet soulève beaucoup d’interrogations et
les industriels sollicités nous font part de leurs
réflexions. Cela se traduit, lors des interviews, par
l’expression de différents besoins dont les objec-
tifs principaux sont :
• un gain de productivité : optimisation du process,
palliatif à des problèmes techniques… ;
• un gain de flexibilité : facilité d’intégration du
robot, mobilité et réutilisation du robot, réac-
tivité accrue au changement, adaptation de la
ligne plus aisée… ;
• une amélioration des conditions de travail.
Néanmoins, tous n’envisagent pas de recourir à la
robotique collaborative, du fait :
• des risques inhérents à la coactivité, qui sont
parfois jugés difficiles à réduire voire non
acceptables ;
© Gaël Kerbaol/INRS
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