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Le Télégraphe aérien CHAPPE de Montamisé

Ligne du télégraphe aérien Chappe dans la Vienne (12 postes)

Le poste du télégraphe aérien Chappe de Montamisé était la 46° station de la ligne du sud-ouest
Paris Bayonne, créé par une ordonnance royale de Louis XVIII le 25 septembre 1822.

Le poste se situait à 2,3 km au nord du bourg au lieu dit « le télégraphe » à proximité de la D85
dite « route du télégraphe » à l’altitude de 139 m.
Le poste de Montamisé correspondait en amont avec le poste de Beaumont situé à 10,8 km et en
aval avec celui de Poitiers situé à 9 km (sur le toit du Palais de Justice).
Un panneau signalétique commémorant le souvenir de ce premier système de télécommunication
moderne, ancêtre d’Internet, fut inauguré par la municipalité de Montamisé le 5 mai 1996,
remplacé par un nouveau panneau le 17-11-2014.
Le poste de Montamisé était du type pyramidal, pour vous montrer à quoi cela ressemblait, voici
l’exemple du poste de St Marcan en Ile et Vilaine.

Télégraphe Chappe de St Marcan (Photo JF Liandier)

La ligne Chappe fut opérationnelle d’avril 1823 jusqu’en 1851 pour Poitiers (avec l’arrivée du
chemin de fer, le télégraphe électrique « Morse » remplaçant le télégraphe Chappe) puis 1852
pour Bordeaux et 1853 pour Bayonne.
A noter que Poitiers fut en 1844 le siège d’une direction intermédiaire du télégraphe.

Nous connaissons la plupart des stationnaires du poste de Montamisé grâce à des états de
paiement de la 3° division de Tours dont dépendait Montamisé ainsi que par les recensements de
la population (à partir de 1836 les dénombrements étant nominatifs).

En 1823, la population de la commune est de 726 habitants, son maire (désigné par le préfet) est
le baron Taveau de Morthemer.
Le premier stationnaire du télégraphe fut SECOUET Jean, fils de Jean SECOUET (cultivateur) et
de ROSE Marie, demeurant au village « d’Ansoulesse ».

Description du télégraphe Chappe

Le télégraphe comporte au sommet d’un mât échelle de 7,5 m, un grand bras « le régulateur »
(4,60 m) et à chaque extrémité de celui-ci deux « indicateurs » (2 m).
Ces trois bras sont en bois ajouré en forme de persiennes pour rendre l’appareil moins sensible au
vent.
(Photo JF Liandier)

La commande se fait à partir d’un « manipulateur », grâce auquel le stationnaire positionne les
signaux, avec la possibilité de vérifier leur exactitude.

(Photo JF Liandier)

Chaque station est équipée de deux longues-vues permettant de visualiser en amont et en aval les
signaux télégraphiques, noirs sur le fond clair du ciel.

(Photo JF Liandier)
A son apogée en 1844, le réseau Chappe comportait 534 stations, représentant 5000 kilomètres
de lignes.

Son seul inconvénient est de ne pas fonctionner la nuit, ni par mauvais temps.
Le télégraphe électrique qui prend son essor à partir de 1845 n’aura donc pas beaucoup de peine
à le remplacer.

En 1794 naissait la première ligne du télégraphe Paris Lille, un français Claude Chappe en était
l’inventeur, concevant, construisant et exploitant un grand réseau préfigurant les
télécommunications modernes.

Montamisé, parmi d’autres, a été le dépositaire de cette mémoire commune, à la base de l’histoire
moderne des technologies des télécommunications.

Les hommes du télégraphe Chappe de Montamisé

Les employés que l’on nommait stationnaires, au grade de 3° classe pour le poste de Montamisé,
travaillaient selon le système de « l’alternat » : le premier stationnaire commençait son travail un
quart d’heure avant le lever du soleil jusqu’à midi, l’autre après avoir pris ses consignes, œuvre
jusqu’à un quart d’heure après le coucher du soleil et 365 jours par an.
Son travail est très physique : il doit lire le signal du poste amont avec l’aide de sa longue vue, le
reproduire sur son manipulateur, sans erreur, et vérifier que le signal est bien transmis au poste
aval…
Compte tenu des aléas de transmission, le temps de passage souhaitable est de 20 à 30
secondes par signal.

Un règlement intérieur draconien, des primes pour les agents méritants, des amendes ou
exclusion pour les autres, tout cela pour un salaire faible : en février 1826, un stationnaire de 3°
classe gagne 1,25 F par jour, soit 35 F pour 28 jours. L’inspecteur gagne 250 F pour le mois et le
Directeur 375 F. En 1849 le même stationnaire gagnera 1,50 F par jour.
On comprend dans ces conditions que ce travail était considéré comme un travail d’appoint pour
ces hommes issus du monde rural qui étaient aussi paysans en dehors de leurs heures au
télégraphe.

Nos stationnaires nous sont assez bien connus grâce aux états nominatifs du dénombrement,
mais ceux-ci ne débutent qu’à partir de 1836. Une autre source d’informations nous est fournie par
les états de paiement des traitements et journées des employés et stationnaires de la 3° division
de Tours qui allait de Tours n°3 et n°4 à Montamisé.

Etat de paiement, salaire, 3°division de Tours, juillet 1826 (AD37) (Photo JF Liandier)

Année 1823
La population de la commune (dénombrement de 1821) est de 726 habitants et son maire
(désigné par le préfet) est le baron Taveau de Morthemer.
Le premier stationnaire fut SECOUET Jean (D’après son acte de naissance, il est né le 28
pluviôse an 13 à Montamisé) (17 février 1805) (acte signé du maire Fradin), fils de Secouet Jean
(cultivateur) et de Rose Marie, demeurant au village « d’Ansoulesse ».
Secouet père eut 6 autres enfants :
Hilaire, né le 23 avril 1809 à Montamisé (probablement stationnaire du télégraphe en 1825 et 1826
sous l’appellation « Secouet jeune », en 1836 il est déclaré comme « garçon épicier ».
Pierre, né le 4 juillet 1811 à Montamisé, en 1836 il est cultivateur à la ferme familiale (âge 25 ans).
François lui aussi déclaré « cultivateur » en 1836 à la ferme familiale (âge 23 ans).
Puis 3 filles : Justine (18 ans en 1836, célibataire), Honorine (15 ans en 1836), Alexandrine 11 ans
en 1836). Cette famille a également en 1836 un domestique.

Les états de paiement de la 3°division de Tours nous donnent :

Année 1824
Les stationnaires sont SECOUET et GOUX

Année 1825
Les stationnaires sont : SECOUET et GOUX de janvier à mars puis d’avril à décembre SECOUET
aîné et SECOUET jeune

Année 1826
Les stationnaires sont de janvier à mai : SECOUET aîné et SECOUET jeune, de juin à septembre :
MERLET et SECOUET jeune. En octobre : BENIN et BERGE, de novembre à décembre MERLET
et BERGE

Année 1828
Les stationnaires sont : MERLET Pierre et BENIN Jean

Année 1832
La population de la commune (dénombrement de 1831) est de 774 habitants et son maire Jean
Baptiste Belliard (nommé par le préfet le 26/09/1830)
Les stationnaires sont : MERLET Pierre et DASNON François

Année 1836
La commune compte 846 habitants, son maire est Jean Baptiste Belliard 37 ans demeurant à
« Mortier ».
« L ‘employé du télégraphe » est JARASSON Joseph, célibataire, 26 ans (né à Montamisé en
1810) fils de Jarasson André, 57 ans cultivateur et de Rose Rose 44 ans. Ils ont deux autres
enfants : Alexandre 24 ans célibataire et cultivateur à la ferme familiale, et Célestin 15 ans. Ils ont
également une servante (Massé Jeannette 16 ans).

Année 1841
La population de la commune est de 905 habitants et son maire Jean Baptiste Belliard
Les deux stationnaires sont :
JARASSON Joseph (habitant à « Ansoulesse » et RAVEAU François Alexandre (né à Beaumont
le 9 juillet 1817)

Année 1843
Les stationnaires sont toujours JARASSON Joseph et RAVEAU François Alexandre

Année 1846 : les stationnaires ont changé :


BUGEAN André « télégraphiste » 30 ans (né le 8 novembre 1816 à Beaumont, fils de Joseph
Bugean, laboureur et de Jeanne Chauveau) marié à Simon Marguerite (un fils de 5 ans, Henri)

CHESNEAU Louis 25 ans « télégraphiste » célibataire demeurant à « Ansoulesse ». Celui-ci vit à


la ferme de Jarasson André ou il doit travailler en dehors de ses heures de service.
On notera les liens entre les familles Secouet et Jarasson puisqu’en 1846 on trouve Jarasson
Alexandre 34 ans, cultivateur marié à Secouet Honorine 24 ans, ils ont un fils Xavier (14 mois). Ils
vivent à la ferme de Jarasson père (68 ans) avec un domestique (Guyonnet Pierre 18 ans).

Année 1851
La population de la commune est de 977 habitants (dénombrement de 1851) et son maire est Jean
Baptiste Belliard.

On retrouve BUGEAN André « télégraphiste » demeurant à « Sarzec », il sera en 1872, surveillant


des lignes télégraphiques à Poitiers.

Le deuxième « télégraphiste » est CHESNEAU Louis 31 ans, célibataire, demeurant au hameau


de « la Jourie ».

Celui-ci continuera sa carrière au service de la télégraphie d’Algérie comme stationnaire de 2°


classe. Le 5 novembre 1853 il obtenait un congé de convalescence de 3 mois après un séjour à
l’hôpital militaire de Médéa (Algérie) pour se rendre à Colombier (arrondissement de Châtellerault),
prolongé de 3 mois, n’ayant pas rejoint son poste, il fut déclaré comme démissionnaire pour
longue absence.

Sources :
Archives départementales de la Vienne : série 8Mp3
Archives d’Indre et Loire : série 6P52.
Registres d’état-civil (ADV)

Bibliographie :
Sous la direction de Guy de St Denis « La Télégraphie Chappe » ouvrage collectif, 1993, publié
sous l’égide de la FNARH.
Voir également l’article de JF Liandier sur le télégraphe aérien Chappe dans la Vienne, Le Picton
n°169 de janvier-février 2005.

Montamisé le 31 janvier 2021

Article de Jean-François LIANDIER

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