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Roman familial / familienroman / family novel

Etymologie / etymology
Etude semantique / definitions
Commentaire / analysis
Marthe robert observe que par sa liberté totale, le roman moderne apparaît comme un genre indéfini. Il doit
parvenir à convaincre de ses relations intimes avec la vérité en se servant de la fiction. Il lui faut un mélange
d'habileté et se sérieux pour assurer à sa tromperie les meilleures chances de succès. Mais avant tout, il
exprime le désir de changer: le romancier refuse la réalité au profit d'un rêve personnel. L'écrivain, dans son
mouvement de refus, et, devenu un révolté, remanie sa biographie. Mais son roman obéit à une double
vocation: il est sentimental dans la mesure o๠il a besoin de l'amour, source principale des grandes
transformations de l'existence; en même temps, il est social car la société est le lieu o๠s'élaborent toutes les
catégories humaines, toutes les positions qu'il se propose de déplacer. Le roman est un genre individuel
obéissant à une seule loi, celle du désir.

Marthe robert montre que ce désir de changement existe dès la prime enfance. Selon Sigmund Freud, l'enfant au
départ admirait ses parents. Avec l'âge, il acquiert un sens critique: se croyant frustré de l'amour de ses parents,
surtout lorsqu'il doit les partager avec ses frères et sœurs, se met à les comparer à d'autres parents à ses yeux
préférables. On assiste alors à une production fantasmatique de l'enfant qui s'imagine être né de parents de rang
social élevé, tandis qu'il rejette les siens, pensant qu'il est un enfant adopté. Sigmund Freud observe que ce
stade est atteint au moment o๠l'enfant n'a pas encore connaissance des conditions sexuelles de la procréation.
Mais parvenu à la connaissance des différences sexuelles entre l'homme et la femme, le petit homme tient sa
mère pour sa vraie mère alors qu'il continue à idéaliser le père. Dans son désir, il impute à la mère des
relations adultères et se considère comme le seul enfant légitime éliminant ainsi ses frères et sœurs comme
illégitimes. De plus, Sigmund Freud ajoute qu'il existe une autre forme d'imagination non écrite qui, dans
l'ordre purement psychique se présente comme un roman d'avant la lettre ou une fiction à l'état naissant. Cette
forme de fiction consciente chez l'enfant et chez l'adulte névrosé, se présente comme une sorte de rêverie
éveillée mais tombée plus ou moins dans l'oubli. C'est un morceau littéraire silencieux, non connu du public.
Sigmund Freud l'appelle â«le roman familial des névrosés».

S'appuyant sur cette analyse, Marthe robert affirme qu'il n'y a que deux façons de faire un roman, celle de
l'enfant trouvé qui esquive le combat par la fuite, crée un autre monde et défie le vrai et celle du bâtard réaliste
qui décide â«d'arriver par les femmes».

Pour Marthe robert, les contes de fées font partie du thème de l'enfant trouvé. Le héros du conte, orphelin de
naissance, livré à des forces malveillantes (la marâtre-sorcière, la fatalité...) Se trouve dans l'obligation de
quitter la demeure paternelle et de s'enfoncer dans la forêt profonde abandonné à lui-même. Après maintes
épreuves, touché par l'amour, il devient adulte par le mariage, accède au trône et finit son cycle d'errance. Il
prend ainsi une revanche éclatante sur la vie qui l'a malmené au départ. Selon Marthe robert, le romantisme fait
aussi partie de la thématique de l'enfant trouvé. En effet, il rejoint l'enfant trouvé dans le sens o๠il affirme la
toute puissance de la pensée et refuse la réalité décevante. Il cherche l'absolu, rend un culte à l'enfant et à la
femme. Le refus de la réalité du romantique engendre une conséquence tragique: il meurt jeune. La
mégalomanie du héros romantique est celle de l'enfant trouvé car son seul désir est de devenir dieu ou de
s'appliquer à le devenir.

On retrouve aussi le thème de l'enfant trouvé dans les romans de Daniel Defoe , robinson crusoe ou de
Cervantès, le don quijote de la mancha. Dans le premier, robinson rompt à jamais avec sa famille et renie
définitivement son père. Il décide de n'être le fils de personne et, délivré de ses créateurs, il s'engendre lui-
même. Le naufrage qui le fait échouer sur une île déserte lui redonne une pureté originelle. Robinson renaît à
l'âge de 26 ans et pénètre dans le paradis: l'île vierge et accueillante. Mais il entre dans cet Éden, les outils à la
main. En effet, le travail, la peine s'installent au cœur de l'utopie et robinson passe de la révolte première (nier
son père revient à le tuer et donc à se révolter contre son autorité) à la révolution: il refait le monde à sa
manière acquérant ainsi le pouvoir de dieu.

Dans le roman de cervantes, don quichotte â«sortâ» de la vie pour vivre les aventures des héros de ses livres.
Né de l'imagination et surgi de rien avec son équipage prêt à partir en croisade, don quichotte révèle la
puissance du désir qui est propre à la pensée infantile. Il descend au niveau psychisme du petit être déà§u dont
les aspirations veulent faire une refonte totale des données de la vie. Il veut abolir un présent exécrable pour
restaurer un passé qui est le monde de l'enfant.

Quant au bâtard, il se développe et doit son existence dans l'histoire de napoléon. Au départ, un aventurier sans
naissance ni fortune, Bonaparte en peu de temps, se couronne lui-même. Devenu napoléon, il installe ses frères
sur les trônes d'Europe et marie princièrement ses Sœurs. Lui-même annule son mariage plébéien et fait alliance
avec la maison d'Autriche. Après l'avènement de napoléon, le genre a le monde entier pour scène et prend pour
héros et pour sujets le peuple. Les caractéristiques du roman napoléonien sont telles que le personnage
principal, un adolescent issu de parents pauvres ou récemment enrichis est poussé par un violent désir d'arriver
par les femmes et faire fortune aussi rapidement que possible afin de changer en supériorité sociale
incontestable une médiocrité native ressentie comme une malédiction. Les caractéristiques se retrouvent dans le
rouge et le noir de Stendhal et dans les romans d'honoré de Balzac.

Dans la dernière partie de son étude, Marthe robert propose d'étudier l'œuvre de Gustave Flaubert. Elle constate
que Gustave Flaubert s'impose des sujets antipathiques à sa nature lyrique effrénée. De plus, il s'astreint à faire
des plans et à rassembler documents et informations pour la préparation de ses romans. La réponse est incluse
dans â«les deux idéaux contradictoire sâ» que Gustave Flaubert sait porter en lui. Le texte la tentation de saint
antoine permet de comprendre la nature profonde du romancier. En effet, le refus du monde de saint Antoine, sa
mégalomanie et son matricide reflètent les désirs inavoués de Gustave Flaubert. Marquée par sa culpabilité, l'oe
uvre de Gustave Flaubert oscille entre deux â«vraisâ» romans: celui de l'enfant trouvéet celui du bâtard dont les
exemples typiques sont la tentation de saint antoine et l'éducation sentimentale. Ces deux tendances se
retrouvent à l'intérieur du roman: l'enfant trouvéest le représentant de la prose réduite à elle-même mais il
règne aussi sur la phrase, tandis que le plan du récit et son contenu reviennent au bâtard. Partagéentre deux
idéaux, gustave flaubert se sent déchiréet devient le martyr de son métier.

Didier anzieu quant à lui, ne rejoint qu'en partie seulement la thèse de marthe robert. Pour cet auteur, le
fantasme du roman familial n'est qu'une des formes de l'activitéromanesque spontanée tel que celui-ci peut être
observéchez l'enfant mais aussi chez d'autres âges de la vie. La distinction entre l'enfant trouvéet l'enfant bâtard
lui paraàît étroite. Pour lui, l'enfant produit en effet dans sa conscience et dans son inconscient bien des
variantes de son roman familial. L'auteur reproduit quelques questions dans son étude que l'enfant pourrait se
poser à lui-même. Par exemple celles-ci: si ma mère ou mon père avait épouséun autre conjoint, quelle vie
aurait-elle, auraient-ils, aurions nous eue? Si l'un de mes deux parents était mort (ou n'avait jamais existé),
quelle existence aurais-je expérimentée avec le survivant? Autrement dit, l'activitéimaginaire de l'enfant porte
sur l'autre vie aussi bien de ses parents que de lui.

En grandissant et en devenant adulte, l'activitéimaginative spontanée de l'individu continue d'opérer sur ces
deux domaines (la vie des proches, la sienne propre) en diversifiant davantage et même en inversant le sens du
roman familial. En ce qui concerne soi-même, c'est la série suivante de questions: quelle autre vie aurais-je
menée si... (je n'avais pas épousécette femme, choisi ce métier, habitécette ville ou ce pays? Etc.).

En ce qui concerne les autres, les questions se diversifient plus encore. Quelle a étéla vie de mes parents avant
ma naissance, celle de mes proches avant que je les connaisse (c'est-à -dire leur vie autre)? Comment mes
géniteurs se sont-ils connus? Quelles avaient étéleurs vies respectives avant cette rencontre? Quelle a étéla vie
cachée -vie extérieure vie intérieure- de personnes avec qui je croyais être intime. L'imagination, s'appuyant sur
des lettres, des documents, des témoignages ou souvenirs remontent plus ou moins dans le temps, dans l'espace
pour reconstruire ce qu'étaient la vie et les pensées des siens (leurs amours, leurs bonheurs, leurs déceptions,
leurs jugements sur moi, sur eux...). Didier anzieu montre que l'imagination romanesque naturelle fonctionne
sur ce principe. Le roman comme genre littéraire peut être une élaboration secondaire et volontaire de cette
activitépsychique spontanée, un accomplissement singulier, concret, de cette vie autre, réelle ou fictive, la vie
autre de moi-même, la vie autre des autres, non pas sa mise en rêve ou en acte, mais sa mise en oe uvre et en
une oe uvre.

L'auteur, le narrateur voire un personnage, imagine un ailleurs o๠il aurait menéune vie différente de celle qu'il
a eue pendant cette même durée.

Ou bien, il transpose dans un autre cadre historique, géographique, l'existence réellement accomplie ici et
maintenant (autobiographie déguisée en roman). Ou bien, il s'intéresse à la vie différente que mènent d'autres
populations, dans d'autres lieux avec d'autres moe urs (récits authentiques ou fantastiques de voyageurs). Ou
bien il recrée ce qu'a étéla vie vraisemblable de ses parents, de ses ancêtres, des civilisations passées voire des
premiers hommes. Ou encore, il imagine le destin des enfants qu'il n'a pas eus, de leurs descendants jusqu'à
forger ce que sera, sur cette planète ou sur une autre la fin de l'humanité(roman d'anticipation).

L'invention d'un roman familial accompagne le cours entier de l'existence. Cette activitépersiste chez les
personnes âgées. Le sentiment de la vie qui s'achève et de la vanitéqu'il y aurait à imaginer pour soi-même
d'autres vies possibles les conduit à deux variantes: revivre en imagination la vie réelle qui est la leur quand
elles étaient actives (mémoires...), imaginer les autres vies que leurs propres enfants ont pu avoir si ... (roman
familial inversé, élaborécette fois-ci par les parents sur les enfants, et dont les personnes âgées, par honte peut-
être de fantasmer encore, se risquent rarement à faire la confidence.).

Didier anzieu ajoute qu'on fantasme jusqu'à sa mort inclusivement. Les observations recueillies auprès de
mourants qui ont pu être sauvés mettent en évidence deux scénarios spontanés. En effet soit l'agonisant voit
défiler devant sa conscience une rétrospective visuelle accélérée et saisissante de toute son histoire. Soit sa
pensée quitte son corps, s'élève et flotte au-dessus, il entre dans un monde de lumière, pendant que lui
parviennent, comme étrangers, les bruits et les mots émis par l'entourage.

Dans le premier cas, le scénario met en jeu un mécanisme de défense différent: non, je ne meurs pas, toute ma
vie, réunie et condensée fait contrepoids.

Dans le deuxième cas, la mort est vécue comme une réexpérience de la naissance, de l'accès inaugural à la
lumière extérieure et au bain de paroles d'un entourage non encore perà§u comme tel-boucle qui se referme en
rattachant la fin au début (pour guérir la souffrance insupportable d'avoir à mourir par l'illusion d'un perpétuel
recommencement?). Didier anzieu insiste sur le fait que le roman familial pour l'enfant est celui de sa
généalogie. Pour l'adulte, il est celui de la descendance.

Otto rank lui aussi, s'appuie sur l'article de sigmund freud pour écrire son livre le mythe de la naissance du
héros. L'auteur de ce livre remarque que presque tous les peuples civilisés importants (babylonien, egyptien,
hébreu, grec, romain, germain...) Ont glorifié, depuis les temps les plus anciens, leurs rois, leurs héros
nationaux. Ils louent surtout précise otto rank, l'histoire de la naissance et de la jeunesse de ces surhommes qui
paraàît dotée de traits fantastiques.

Pour otto rank, de ces mythes se dégage en effet, l'impression qu'il existe une tendance marquée à vouloir faire
entrer de force tous les personnages héroïques dans le schéma précis d'une certaine légende de la naissance,
tendance qui se retrouve d'ailleurs de nos jours dans la vie de nombreux héros de romans. Otto rank rattache
son livre à la conception freudienne. En effet, cette conception ne nous apprend pas seulement à comprendre
les rêves eux-mêmes, elle nous révèle également le rôle prototypique de ces rêves et leur intime parentéavec
tous les phénomènes psychiques en général, en particulier avec les rêves diurnes ou fantasmes, avec la création
artistique ainsi qu'avec certains troubles de l'activitépsychique normale. Pour otto rank, une part commune à
toutes ces productions incombe en fait à une seule facultépsychique, à savoir à l'imagination humaine. De
même, l'auteur du mythe de la naissance du héros insiste sur le fait qu'il y a des relations étroites entre le rêve et
le mythe.

Otto rank passe en revue toute une série de mythes concernant le destin des héros (hercule, siegfried, moïse,
jésus...) Et de l'examen de ces légendes héroïques, il dégage toute une suite de traits qui leur sont généralement
communs. Cela suggère donc la possibilitéde former en quelque sorte une légende-type à partir de ces éléments
de base caractéristiques. Cette légende-type elle-même peut être formulée d'après otto rank de la faà§on
suivante:

Le héros est l'enfant de parents des plus éminents: c'est la plupart du temps un fils de roi.

Sa naissance est précédée de difficultés comme la continence, ou une longue période de stérilité, ou des
rapports clandestins entre les parents à la suite d'interdits ou d'obstacles extérieurs. Au cours de la grossesse ou
même avant un présage (rêve, oracle) vient mettre en garde contre cette naissance, annonà§ant le plus souvent
un danger pour le père.

En conséquence, le nouveau-né est destiné à la mort ou à l'exposition, le plus souvent à l'investigation du père
ou d'une personne qui en tient lieu; habituelle-

Ment, il est confié à l'eau dans un coffret.

Il est ensuite sauvé par des animaux ou des gens de basse condition (des bergers) et allaitépar un animal ou par
une humble femme.

Devenu grand, il retrouve à travers maintes aventures, ses nobles parents, se venge de son père, et d'autre part,
il est reconnu et parvient à la gloire et à la renommée.

Après avoir énuméré ces caractéristiques fondamentales pour l'élaboration du mythe du héros, Otto Rank essaie
de comprendre la formation de ces mythes. Pour cela, selon lui, il faut remonter à l'activité de l'imagination
individuelle. Cette activité se retrouve chez l'enfant. Or l'explication de la vie imaginaire de l'enfant, encore à
ses débuts, est très difficile. Chez l'adulte normal, il est impossible d'étudier ces impulsions infantiles car il a
refoulésa vie de représentation et d'imagination infantile.

Pour Otto Rank, une catégorie d'individus seulement, les psychonévroses, n'ont pour ainsi dire pas abandonné
la vie psychique infantile. Ils sont restés des enfants même si par ailleurs ils se présentent comme des adultes.
Chez eux, la vie psychique infantile a plutôt subi, au cours de la maturation, un renforcement et une fixation, au
lieu de s'être développée en se modifiant. Chez le psychonévrosé, cet infantilisme s'est maintenu à un
degréélevéet incline, de ce fait à des effets pathologiques. S'appuyant sur le roman familial des névrosés de
sigmund freud, otto rank affirme qu'il y a une concordance entre la tendance du roman familial et celle du
mythe du héros. Ce qui l'autorise à établir une analogie entre le moi de l'enfant et le héros de la légende.

Le mythe exprime en général une tendance à la séparation d'avec les parents et que le même désir se réveille
dans les fantasmes du jeune individu au moment o๠il cherche à obtenir son indépendance et son autonomie.
Le moi de l'enfant se comporte en cela comme le héros de la légende et, au fond, le héros n'est toujours qu'un
moi collectif dotéde toutes les qualités les plus hautes. Dans la création littéraire personnelle, le héros
représente de la même faà§on le plus souvent le poète lui-même ou, mieux, un aspect de sa personnalité.

Les deux couples parentaux du mythe (réels et adoptifs) correspondent aux couples parentaux réel et idéal du
fantasme du roman. Conformément à la survalorisation des parents dans la prime enfance, le mythe commence
avec le couple parental noble exactement comme dans le fantasme du roman, alors que dans la réalité, l'adulte
s'accomode bientôt de sa situation réelle. Le fantasme du roman familial apparaàît donc simplement réalisédans
le mythe, à travers un audacieux renversement des situations réelles.

L'hostilitédu père et l'exposition de l'enfant ordonnée par lui mettent en relief les mobiles qui ont amenéle moi
à inventer son roman. Celui-ci sert de justification aux sentiments hostiles que l'enfant nourrit à l'égard du père
et qu'il projette sur celui-ci à travers cette fiction. L'exposition dans le mythe correspond à la répudiation dans
le fantasme du roman. Otto rank précise que dans le roman névrotique, l'enfant s'est tout simplement
débarrassédu père alors que dans le mythe, c'est le père qui cherche à se défaire de l'enfant. Le sauvetage et la
vengeance constituent aux yeux de l'auteur, la conclusion inévitable à laquelle un fantasme doit aboutir de par
sa nature. Sur le plan symbolique, le panier flottant sur l'eau dans lequel se trouve dans le futur héros représente
la matrice maternelle alors que l'étang symbolise le liquide amniotique.
La raison de la représentation de la naissance par la dangereuse exposition sur l'eau est l'accent portésur
l'hostilitédes parents envers le futur héros. Dans le mythe, cette hostilitéva si loin que les parents ne veulent
même pas laisser l'enfant venir au monde. Dans la victoire qu'il remporte sur tous ces obstacles, s'exprime aussi
l'idée qu'au fond, le futur héros a surmontéles plus grandes difficultés déjà par sa naissance, en déjouant avec
succès toutes les tentatives faites pour empêcher celle-ci. Or l'hostilitédu héros vise surtout le père: c'est au père
que l'oracle prévient qu'il lui naàîtra un enfant qui mettra fin à son règne. C'est lui qui organise l'exposition de
l'enfant. Lorsque ce dernier est sauvé, le père le menace et le persécute. Mais conformément à l'oracle, c'est lui
qui succombe devant son fils.

Ainsi le roman familial du héros semble refléter en un certain sens la persécution, à l'origine réelle du fils par
le père. Seulement, le fantasme déplace cette persécution d'une période ultérieure -mémorée- au temps de la
naissance, voire à celui d'avant la naissance, et cela dès que le fils ne veut plus rien devoir à son père, qu'il
ressent comme lui étant hostile, même pas la vie. C'est ici qu'intervient l'acte salvateur de la mère, qui jadis,
dans l'histoire archaïque, avait peut-être effectivement à protéger l'enfant nouveau-nécontre un père inhumain.

L'exposition représente, selon sa signification symbolique, la naissance effectuée dans la situation difficile des
circonstances primitives. Cette naissance apparaàît de ce fait, comme le premier accomplissement grandiose oà¹
bien d'autres trouvent la mort. Cependant le héros y survit en dépit de toutes les difficultés. Ainsi, le seul fait
d'être fils constitue déjà ce qui en fait un héros. Pour otto rank, le thème de l'exposition est portépar des
sentiments ambivalents. C'est la sauvegarde mutuelle d'une génération contre l'autre, comme une sorte
d'assurance réciproque de la vie car, par l'exposition effectuée dans l'intérêt du père, le fils se trouve, en
dernière analyse, mis en sécuritéface à son persécuteur.

Otto rank ajoute que les tâches héroïques qui représentent à l'origine une multiplication de l'impulsion de
l'ancêtre primordial à supprimer son fils, finissent par se révéler comme autant d'actes de vengeance déguisés
de la part du fils contre le â«mauvais pèreâ», actes manqués, il est vrai, par le fait qu'ils se produisent sur l'ordre
du père lui-même. L'auteur montre que l'exécution d'animaux monstrueux représente le sacrifice totémique. De
plus, pour lui, ce qui fait un héros c'est précisément le triomphe sur le père, instigateur de l'exposition et des
tâches à accomplir.

Pour otto rank, historiquement on peut formuler cet état de choses en affirmant qu'il est un temps o๠c'est déjà
un fait héroïque que de venir au monde comme fils d'un père sévère et jaloux et de tenir tête à sa volontéde
puissance. L'exposition, l'ordre d'aller accomplir des exploits héroïques sont, comme thèmes mythiques, des
formes déjà considérablement mitigées de l'expulsion du fils primitive, à laquelle procède le pater familias
pour se protéger contre les violences de ses rejetons grandissants et avides de pouvoir.

Que la révolte de l'enfant contre le père apparaisse dans les mythes de la naissance comme exclusivement
provoquée par la conduite hostile du père, c'est là une représentation tendancieuse due à des caractéristiques
toutes particulières de l'activitépsychique à l'oe uvre dans la formation des mythes, représentation que nous
appelons projection. Ce mécanisme de la projection, qui a déjà participéà l'interversion de l'acte de naissance
(comme chute) de même que quelques autres particularités incitent, en vertu de leur ressemblance avec des
processus singuliers qui entrent dans le mécanisme de certains troubles psychiques, à caractériser le mythe,
d'une faà§on générale, comme une formation paranoïde.

Otto rank précise qu'au caractère paranoïde est principalement associée la capacitéde décomposer ce qui dans le
fantasme est intimement fondu. Il y a la projection inspirée par une tendance justificatrice. Dans la forme
primitive au point de vue psychologique, le père est identifiéau roi, au persécuteur tyrannique. Or on remarque
une première atténuation quand les mythes tentent d'opérer une disjonction entre le persécuteur tyrannique et le
père réel. Le plus souvent comme le remarque otto rank, c'est son grand-père. Ce type marque cependant, en
raison de la dissociation des rôles du père et du roi, le premier pas d'un retour du fantasme de filiation vers la
situation objective. Le héros cherche donc à retrouver un rapprochement avec ses parents, une certaine
solidaritéavec eux. Celle-ci s'exprime dans le fait que non seulement le héros, mais également son père et sa
mère, font l'objet de la persécution du tyran.

De plus pour otto rank, on se retrouve en présence d'une tentative de retour au type primitif lorsque la
rétroversion du roman familial au père inférieur, effectuée par la disjonction entre le rôle du père et celui du roi,
se retrouve annulépar l'élévation secondaire du père au rang de dieu. La nature secondaire de cette
paternitédivine s'observe clairement dans les mythes o๠la vierge, fécondée par un dieu, épouse par la suite un
simple mortel. Celui-ci apparaàît comme le père réel alors que le dieu ne représente que l'image infantile,
poussée à sa plus haute expression, de la grandeur et de la toute-puissance du père. La mère est alors à peine
effleurée. La naissance virginale constitue le refus le plus catégorique du père.

La formation des mythes est donc régie par la tendance à justifier les individus particuliers du peuple dans leur
révolte enfantine contre le père. C'est ainsi que le mythe du héros englobe en même temps, dans la justification
du héros quant à sa propre rébellion révolutionnaire, la justification de chacun quant à sa révolte contre le
père. Celle-ci lui a pesédepuis son enfance puisque, par la suite, il n'est pas devenu un héros.

Quant aux défauts physiques d'un héros, ils servent de justification à l'individu car les reproches qu'il a du
entendre de la part de son père au sujet de ses défauts et carences, il les insère dans le mythe, avec
l'accentuation correspondante, et il dote le héros des faiblesses qui accablent sa propre fierté. Il peut se justifier
en se prévalant du fait que le père lui a fourni un motif d'hostilité. Il est vrai pourtant, que dans cette même
fiction perce également un sentiment de tendresse pour le père.

Ces mythes sont donc issus de deux thèmes: le thème de la tendresse et de la reconnaissance envers les parents
et celui de la révolte contre le père. Mais ils ne disent pas clairement que le conflit avec le père se ramène à la
rivalitésexuelle au sujet de la mère bien que la mère dans ces mythes soit l'alliée étroite du fils rebelle qu'elle
sauve des poursuites du père.

Au centre de ces mythes se dresse la naissance comme l'un des plus grands et plus dangereux mystères dont
l'explication symbolique par la fable primordiale de la cigogne conduit à une surestimation unilatérale du rôle
maternel tandis que le rôle incertain du père est tendancieusement négligéou même complètement désavoué. En
effet, le mythe dénie en tout cas au père tout droit à la vie de l'enfant, qui vient de la mère, et justifie en même
temps la révolte contre lui, un étranger auquel on ne doit ni respect ni reconnaissance. De cette faà§on, le héros
libère sa conscience pour sa lutte contre l'autorité.

Otto rank au terme de son étude ajoute que le délire de filiation concerne les paranoïaques. En effet, chez eux se
manifeste à l'évidence le caractère égoïste de tout le système. L'élévation des parents à laquelle il procède n'est
pour lui qu'un moyen de réaliser sa propre élévation, et d'ordinaire, il place au centre de tout son système
uniquement le résultat du roman familial avec la déclaration apodictique: je suis l'empereur (ou dieu). Par là , il
ne fait toutefois que se mettre à la place du père, ce par quoi le héros lui aussi conclut sa révolte contre le père.

Tous deux peuvent le faire parce que le conflit avec le père, qui d'après le contenu du mythe procède de la
dissimulation des processus sexuels, devient illusoire au moment o๠le jeune homme, devenu adulte, a lui aussi
accédéà la paternité.

L'insistance du geste par lequel le paranoïaque se met à la place du père et devient père lui-même n'est au fond
qu'une illustration de la réplique fréquente que le jeune enfant tient en réserve à une remontrance ou à
l'ajournement de la satisfaction d'une curiositéfâcheuse, avec ces paroles: attends que je sois papa moi-même, je
saurai tout cela.

Le paranoïaque est une personne qui n'a réussi ni à résoudre son conflit individuel avec le père, ni à opérer sa
justification, dans le produit collectif qu'est le mythe, mais qui échoue également dans la tentative d'une
solution individuelle de cette tâche.

Lynn hunt, une historienne américaine, a publiérécemment sa thèse intitulée le roman familial de la révolution
franà§aise. Elle s'intéresse à la période de la fin de l'ancien régime et l'époque révolutionnaire. Son hypothèse
de travail s'appuie pour l'essentiel sur un texte célèbre de sigmund freud, totem et tabou dans lequel le
psychanaliste recherche des â«concordancesâ» entre l'activitéfantasmatique du névroséet le récit mythique des
origines du contrat social qui a abouti à la domination des mâles au sein de la horde primitive.

Lynn hunt retient du schéma freudien ceci: un modèle d'intelligibilitéqui lui a semblépouvoir rendre compte
d'un moment social et dont elle a choisi d'éprouver empiriquement la validité. Mais elle n'hésite pas à s'écarter
de sigmund freud pour utiliser d'autres analyses par exemple celles de renégirard qui lui semble plus
appropriées pour expliquer ce qu'elle appelle la â«crise sacrificielleâ».

Plutôt que d'employer le terme de roman familial au sens strictement freudien et de l'expliquer à la psychè
individuelle, lynn hunt l'utilise ici pour parler d'inconscient politique c'est-à -dire d'inconscient collectif. Par
roman familial, lynn hunt désigne les images inconscientes et collectives de l'ordre familial qui sous-tendent la
politique révolutionnaire. Elle veut montrer comment l'inconscient politique collectif des franà§ais était
structuréà l'époque de la révolution par des récits de relations familiales.

Pour lynn hunt, au xviiie siècle, la plupart des européens envisageaient leurs dirigeants comme des pères et
leurs nations comme des familles au sens large. Cette grille familiale fonctionne aussi bien au niveau conscient
qu'au niveau inconscient. Concernant la france, les franà§ais ont voulu occulter le pouvoir parental
symbolisépar le roi et la reine. Ils ont souhaitéfermement que les enfants, les frères en particulier agissaient de
manière autonome et non plus sous l'autoritéd'un roi-père.

En tuant leur roi, les franà§ais veulent se convaincre que ce dernier n'est qu'un homme comme les autres et
qu'ils peuvent mettre fin à la magie de la royautéqui a étépuissante pendant des siècles. Or une fois le roi tué,
quel serait le modèle qui garantirait l'obéissance des citoyens?

En effet, le roi a étéla tête d'un corps politique uni par des liens de déférence. De plus, l'autoritéau sein de l'etat
est une réplique explicite de l'autoritéau sein de la famille. A partir de 1789, les révolutionnaires se trouvent
engagés dans le grande aventure du contrat social occidental moderne; ils s'efforcent de remplir la déférence et
l'autoritépaternelle par une forme nouvelle d'accord politique. Faute de modèle clair sur lequel calquer les
sentiments privés qui auraient permis de construire un ordre différent et digne d'être aimé, les révolutionnaires
avancent à tâtons dans des problèmes interdépendants. L'une des difficultés concerne la question des femmes.
Mais dans le nouvel ordre social et politique, les femmes n'ont aucune place sinon en tant qu'indicatrices des
relations sociales entre les hommes. Mais ce qui intéresse le plus lynn hunt c'est la manière dont les gens
imaginent collectivement l'exercice du pouvoir et comment l'imaginaire faà§onne les processus politiques,
sociaux et à son tour faà§onnépar eux. Pour lynn hunt, les relations entre parents et enfants, entre hommes et
femmes s'inscrivent au coe ur même de cet imaginaire collectif. Tout ceci se traduit sous la forme de trois
questions. Une fois que les franà§ais ont tuéleur roi, qui a étéreprésentécomme le père du peuple, qu'ont-ils
imaginéde faire? Quelle figure imaginaient-ils de substituer? Quelle est la structure du nouvel inconscient
politique qui a remplacél'ancien?

La réponse se trouve selon lynn hunt dans le sacrifice du père c'est-à -dire le roi louis xvi. S'écartant de sigmund
freud, lynn hunt cite renégirard et s'appuyant sur ses travaux (le bouc-émissaire), l'auteur de le roman familial
de la révolution franà§aise montre que le peuple de france tue son roi parce qu'il a peur de sa propre violence
potentielle et a besoin d'un geste rituel pour rétablir les limites de la communauté. Le roi est un bouc-émissaire.
Il doit être transforméen une sorte de monstre sacrédont l'expulsion permet à la communautéde se retrouver. Il
est le grand coupable et seul le sacrifice peut assurer l'oe uvre de redéfinition et de rédemption de la
communauté.

La révolution ouvre la voie à un examen non seulement de l'autoritéde l'etat mais aussi de l'autoritédans la
famille. Pour lynn hunt, l'histoire de la chute du roi est liéaux vicissitudes de l'idéal du bon père. Pour l'auteur,
le mouvement général de la pensée au xviiième siècle en europe occidentale qui tend à considérer les enfants
comme des individus indépendants dignes d'affection et qui méritent que l'on s'intéresse à leur éducation,
contribue à donner cette naissance à l'idéal du bon père. Cette figure du bon père est une réaction à celle d'un
père tyrannique et despotique qui abuse de son autoritéles lettres de cachet pour envoyer le fils en prison quand
celui-ci le gêne ou conteste son pouvoir.

Cet idéal du bon père se constitue dans les brochures sur l'éducation, dans les tableaux représentant des scènes
familiales empreintes de sentimentalisme. Mais c'est le roman qui est la source la plus importante des nouveaux
comportements à l'égard des pères et des enfants. Etant donnéque les romanciers du xviiième siècle
s'intéressent essentiellement aux relations de l'individu (homme ou femme) avec la sociétéet, plus
particulièrement à ses réactions aux pressions exercées par la famille, ils sont immanquablement conduits à
mettre en scène un roman familial. Sous couvert de la fiction, ils peuvent analyser les facettes de la vie sociale
que le discours policélaisse habituellement dans l'ombre: les rêves de mobilitésociale et de transformation
individuelle de soi, les conflits funestes entre parents et enfants, les attraits et les périls de l'inceste.

L'importance grandissant du roman au xviiième siècles en france est en soi un signe de l'intérêt croissant que
l'on porte aux sources de l'identitépersonnelle et aux conflits entre l'individu et la famille. La plupart des
critiques semble s'accorder pour dire que la figure du bon père ne commence à s'imposer dans le roman
qu'après 1750 et même alors le rôle du père demeure souvent ambigu. Le père devient bon mais dans le même
temps son importance dans l'intrigue diminue. Les critiques montrent aussi que les pères réels, biologiques
commen-

Cent à disparaàître du roman dans la seconde moitiédu xviiième siècle et que ceux qui y figurent encire sont
dépeints comme des pères d'un type nouveau qui fondent leurs relations sur l'affection et la responsabilitéplutôt
que sur une autoritéincontestée.

Dans le roman de bernadin de saint-pierre, (1788), le père disparaàît alors que la mère occupe une grande place.
Pour lynn hunt, le roman devient antipatriarcal. Ce roman refuse ce "désir du père", pour reprendre l'expression
de sigmund freud mais en visage les conséquences d'un monde sans pères. En ce sens, le roman franà§ais du
xviiième siècle préfigure le destin du roi. Les conséquences d'un monde sans père entraàînent l'errance de
l'enfant et compromettent ses possibilités de fonder de véritables relations sociales c'est-à -dire des relations qui
permettent d'introduire des étrangers dans le cercle familial. L'inceste est la menace inscrite par nécessitédans
chacune des tentatives de l'enfant orphelin, devenu aventurier, pour établir des relations sociales car ils ne
connaàît pas ses véritables origines. Lynn hunt cite comme exemple le fils naturel publiéen 1789.

Le statut du père apparaàît particulièrement ambigu dans la représentation picturale. Tout d'abord, jean-baptiste
greuze peint aussi bien des bons pères entourés de leur famille vertueuse (père de famille expliquant la bible à
ses enfants, 1755) que les conflits opposant des pères à leurs enfants. La lutte pour le pouvoir entre le père et le
fils fascine jean-baptiste greuze qui compose deux tableaux la malédiction paternelle et le fils puni. Mais le
peintre met l'accent sur la faute du fils et non sur le despotisme du père: c'est l'enfant avec son égoïsme excessif
et non le père tyrannique qui menace l'harmonie de la famille.

Deux tableaux les plus connus de l'immédiate décennie prérévolutionnaire de jacques-louis david montrent
encore plus l'ambiguïtéde la figure paternelle. Il s'agit de le serment des horaces et licteurs rapportant à brutus
les corps de ses fils. Dans ces tableaux, les pères, vigoureux et austères sont des exemples parfaits de la vertu
virile.

Quoi qu'il en soit, selon lynn hunt, à partir de 1760, il semble qu'il ait étémoins question de dénoncer le
mauvais père que de représenter des pères vertueux ou d'explorer les conséquences d'un monde o๠leur
autoritéest fort affaiblie ou complètement absente.

Après 1789, les législateurs révolutionnaires commencent à perdre des mesures visant à circonscrire
juridiquement l'autoritédes pères et à la restreindre.

Etudiant la bande des frères, lynn hunt déclare que le meurtre du père politique (louis xvi) laisse le champs libre
aux frères. Entre 1792 et le milieu de l'année 1794, l'inconographie révolutionnaire met en scène un nouveau
roman familial de la fraternité. Les frères et les soeurs apparaissent fréquemment dans cette profusion d'images,
les mères plus rarement, les pères près que jamais. Le meurtre du roi-père entraàîne la disparition de toute
figure paternelle (destruction des images des rois de france, destruction de la monarchie, de l'aristocratie et de la
féodalité). La décapitation est censée servir d'avertissement aux autres monarques mais elle a également une
portée plus vaste et évoque une anarchie potentielle.

La question de la culpabilitédes exécuteurs du père est restée irrésolue. Il y a un conflit entre l'oubli et la
commémoration, entre le sentiment de culpabilitéet le rejet de tout sentiment de la faute.

Après l’exécution de louis xvi, la sociétéet l'etat affirment leur emprise sur la famille. Les tentatives pour
donner un statut légal aux enfants illégitimes et les restrictions imposées à la libertétestamentaire ont conduit
certains juristes à conclure que les législations révolutionnaires ont désorganiséla famille. La république
exprime son orientation antipatriarcale. Dans le nouveau roman familial, le père étant tué, les frères s'unissent
pour prendre sa place. Ils occupent le centre de l'histoire.

Lynn hunt pense que les franà§ais de 1793-1794 semblent refuser le scénario freudien tel qu'il est exposédans
totem et tabou. Ils insistent sur "l'égalitédémocratique originelle" de chacun des membres de la tribu et refusent
de vénérer les individus qui se sont distingués de la masse. En terme freudien, ils sont bloqués à cette phase
dans laquelle personne ne peut ni ne doit atteindre "la puissance absolue du père". Les relations que les "frères"
entretiennent avec leur soeur différent de celles que sigmund freud suggère dans totem et tabou. En l'absence du
père, le tabou de l'inceste n'est plus respectédans l'iconographie. Il s'agit là d'une famille sans parenténi
descendance dans laquelle les relations réciproques entre frères et soeurs apparaissent ambiguà«s et
ambivalentes.

Le père mort, les frères se retrouvent confrontés à deux problèmes: leurs relations mutuelles et celles des
femmes à présent "libérées" qui selon sigmund freud avaient étéjusqu'alors sous la tutelle exclusive du père.
Mais ce qui intéresse surtout lynn hunt c'est la figure maternelle présentée par la reine. La reine est souvent
l'objet d'un intérêt considérable marquéle plus fréquemment d'hostilité. Comme elles sont la plupart d'origine
étrangère (c'est le cas de marie-antoinette), on juge leur influence néfaste. Jamais, aucune d'entre elles ne
paraàît digne pour le nom de mère du peuple.

La littérature clandestine des pamphlets est dirigée contre l'influence des maàîtresses du roi et surtout la reine.
En effet, marie-antoinette occupe une place singulière dans cette littérature; non seulement les écrits
pornographiques nombreux et d'une férocitétoujours plus grande, s'acharnent à la railler et à l'avilir. Elle est
jugée et également exécutée. Sa faute la plus grave est d'avoir enseignéau roi l'art de dissimuler c'est-à -dire de
promettre certaines choses en public et d'en projeter d'autres dans le secret de la cour. On l'accuse d'avoir des
liaisons infâmes et incestueuses avec son fils. Elle incarne la mauvaise mère. La prenant pour exemple, la
méfiance du peuple envers les femmes s'intensifie.

Selon lynn hunt, le texte du marquis de sade, la philosophie du boudoir paru en 1795 est un des textes les plus
significatifs sur l'inconscient politique révolutionnaire. Sade met en scène dans son livre, un fantasme du roman
familial de la fraternitéqui est plus pousséà l'extrême que tout ce que la littérature populaire, les tableaux et les
estampes peuvent suggérer. Il dépasse le cadre de la production pornographique classique des années 1790 et ne
se contente pas de ridiculiser les ecclésiastiques, les aristocrates, les figures politiques ou les prostituées. Il
offre, au contraire, un espèce de vue d'ensemble théorique de la place de la pornographie dans l'écriture
politique et du rôle de la famille dans le nouvel ordre politique.

Le boudoir est un lieu o๠les relations sexuelles apparaissent de la manière la plus explicite. A l'instar du
passage psycho-sexuel de la république, le boudoir est dominépar l'absence du père et par la pensée
obsessionnelle et tenaillant de la mère. Toutes les variations complexes des relations entre sexes dans le boudoir
s'inscrivent de cette grille du père absent et de la mauvais mère.

Pour lynn hunt, dans le boudoir de sade, l'inceste découle de l'absence du père et de la loi paternelle, thème que
sade traite avec une désinvolture insistante. Sade refuse de tirer du sens de l'inceste les mêmes conclusions que
sigmund freud. Il glorifie l'inceste et, bien que le texte soit très ambigu quand à la question de savoir si le
besoin sexuel unit ou divise les hommes, le roman semble suggérer que le fait de rendre disponibles toutes les
femmes éliminerait les divisions sexuelles entre les hommes. Si l'inceste est le signe de l'absence de la loi
paternelle, la sodomie est le signe de la désintégration des frontières entre les sexes. La sodomie est liée à la
rage de sade contre la reproduction et la filiation.

Sade va plus loin: si la fraternité républicaine impose l'inceste, la sodomie et la communauté des femmes, il n'y
a plus alors de concept de filiation légitime, des relations de parentéclairement définies, de mariage en tant
qu'institution sociale, ni même de différences entre hommes et femmes. Sade par là rejette selon lynn hunt,
l'idée de fraternité. Car non seulement sade préconise le désir égoïste mais en même temps l'indifférence aux
autres, et un ordre social uniquement fondésur la satisfaction des désirs des hommes en tant qu'individu. Sade
veut donc un repli vers le désir égoïste et non un contrat social reposant sur la volontégénérale telle qu'a voulu
rousseau.
Dans la version sadienne du roman familial de la fraternitéles frères n'ont aucun sentiment de culpabilitédans
leur sociétésans père: ils établissent leurs propres lois en ne les fondant que sur leurs désirs. Ils ne reproduisent
pas une loi qui exprime leur "désirs" du père ainsi que sigmund freud croyait qu'ils devaient le faire.

Rares sont les républicains qui partagent des vues singulières de sade sur la politique de la famille. Mais on se
méfie du père et la femme, quand à elle, est exclue de la vie politique. La figure du père demeure relativement
effacée jusqu'à l'époque napoléonienne qui voit le paternalisme explicitement réhabilité.

Etant donné la relative indifférence du rôle des parents dans la constitution de l'ordre nouveau, il n'est pas
étonnant que le centre de gravitéaffectif se soit déplacévers les enfants. La figure familiale la plus frappante
dans la littérature franà§aise après 1794 est celle de l'orphelin. La femme est reléguée dans des rôles clairement
maternelles et n'a pas de rôle dans la vie politique active. Quant au père, il n'est plus une figure dominatrice et
tyrannique. Il est présent mais perd le prestige qu'il jouissait jadis.

Dans son article intituléâ«la filiation, en deà§à de l'actualitéâ», janine chasseguet insiste sur les différents types
de délires de filiations (délire paranoïaque, schizophrénique, la mythomanie ou folie des grandeurs) comme des
manifestations psychosomatiques. Elle observe aussi que les psychotiques ont des délires de filiation. De plus,
lors de l'analyse, on voit que la moitiédes mégalomaniaques sont issus des liaisons illégitimes. Les délires de
ces sujets constituent une compensation liée au sentiment d'une inférioritédue à un manque affectif.

Elle retient de sigmund freud que le scénario élaboréchez le névroséexprime le désir de se venger de ses vrais
parents un désir incestueux avec la mère et une éviction du père. Nous porterions tous en nous le désir de nous
arracher à la filiation, mais en même temps nous serions poussés par la volontéde nous intégrer, d'o๠une
attitude ambivalente devant notre généalogie.

Le désir de constituer un roman familial serait en relation avec le père; dans l'histoire des religions, on voit la
reconnaissance du père à la naissance entraàîner la fin du culte de la déesse-mère. Des dieux mâles prennent le
relais (zeus, le dieu de l'ancien testament). Les grandes généalogies de l'ancien testament montrent que
l'éternitéest sur terre et réside dans la filiation. En effet, le père vit ou renaàît dans le fils. C'est pourquoi, la plus
grande punition pour un homme est de ne pas avoir de descendance. Cela traduirait une névrose obsessionnelle
et la multiplication de généalogie est une lutte contre la tentation de l'individu qui veut échapper à la filiation.

Dans le cas du pervers, tout se passe comme si, par l'attitude de sa mère, il n’aurait pas besoin de grandir
pour l'amour de sa génitrice. Le père dans ce cas, est un intrus dans la bulle narcissique formée de la mère et de
l'enfant. Ce dernier ne prend alors pas le père pour modèle afin de constituer sa personnalitéd'o๠il y a chez lui
une absence de virilité.

Il va y avoir un surinvestissement sexuel à la mère. Il devient dans sa croyance, un partenaire érotique pour sa
mère. En effet, il dénie le rôle du père dans sa conception: dans la scène primitive, le père ne fait rien à la mère,
il ne la pénètre pas. C'est l'enfant qui en naissant, a effleuréla virginitéde sa mère. Selon lui, il dépasse alors son
père dans son pouvoir sexuel. Il vit ainsi dans un monde sans père, totalement fait par une femme.

Le mythe de la virginitéde marie offre une similitude avec le scénario du pervers. En effet, la virginitéde marie
montre l'extrême disqualification du père. Marie est une forme de déesse-mère. Le saint-esprit qui la "pénètre"
est comme un père très lointain et abstrait. Et la configuration christique est nombreuse dans les délires de
filiation.

Victoire nguyen

Universitéde limoges.

Bibliographie / bibliographie
Anzieu, didier.– le corps de l'oe uvre.– paris: gallimard, 1981 (collection "connaissance de l'inconscient").

Baudouin, charles.– l'âme enfantine et la psychanalyse.– genève: delachaux, 1931.– 388p.


Chasseguet-smirgel, janine.– â«la filiation, en deà§à de l'actualitéâ» in: regard sur la filiation: â« après
moi...ou le roman familial inachevéâ».– limoges: colloque régional organisépar le c. E. C. C. O. F., février
1996.

Freud, sigmund.– â«le roman familial des névrosésâ» in: névrose, psychose et perversion.– paris: p. U. F.,
1973, 306p. (collection bibliothèque de la psychanalyse).

Freud, sigmund.– totem et tabou.– paris: payot, 1995, 241p.

Hunt, lynn.– le roman familial de la révolution franà§aise.– traduit de l'américain par jean-franà§ois
sené.– paris: albin michel, 1995.– 262p. (collection histoire).

Rank, otto.– le mythe de la naissance du héros.– paris: payot, 1963.

Robert, marthe.– roman des origines et origines du roman.– paris: grasset, 1972. Paris: gallimard, 1990.–
364p. (collection tel).

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