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PILIA - La-jambe-de-Rimbaud-mis-en-page - DEF-2 Libro
PILIA - La-jambe-de-Rimbaud-mis-en-page - DEF-2 Libro
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Guillermo Eduardo Pilía
La jambe de Rimbaud
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© L’HARMATTAN, 2021
5-7, rue de l’École-Polytechnique – 75005 Paris
www.editions-harmattan.fr
ISBN : 978-2-343-23425-0
EAN : 9782343234250
Rimbaud
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RIMBAUD EN JAVA
RIMBAUD À JAVA
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La peau des Javanais est douce et sans poils et il y a
quelque chose de sculptural dans la façon dont ils se
penchent pour allumer leurs pipes d’opium.
Dans une autre vie, j’aurais aimé appartenir à cette
noblesse vernaculaire et dormir un sommeil de coquelicots
sous un auvent de gaze, dans les nuits imprégnées
d’humidité végétale et de moustiques.
Oui, même les princes au teint doré et aux cheveux
parfumés languissent dans ces îles sauvages, tout comme
dans l'Europe des vieux pontons.
Des fumeries d'opium sales où il n'y a ni rang ni souche :
elles me rappellent les cafés sordides parisiens, avec leur
atmosphère moite et graisseuse et l’odeur d'absinthe par
une main ivre versée.
Tout comme cette femme qui sert les pipes allumées à
celui qui paie pour se faire narcotiser, j’ai laissé bien loin
derrière moi, mais pour qui veuille le prendre pour rien, un
poison perdu.
Beaucoup le boiront aux aubes lointaines, lorsque j'aurai
complètement oublié qui j'étais, tel celui qui oublie à
l’aurore les visages monstrueux d'un mauvais rêve.
La peau des Javanais est douce et sans poils. Les hommes,
dans les hameaux, offrent l'amour des éphèbes pour
préserver la virginité de leurs femmes.
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amor, este deseo con que los antiguos emponzoñaron
gozosamente su sangre?
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Quelle heure sera-t-il à Paris ? Y aura-t-il du brouillard, de
la pluie, peut-être du vent ? Quel jeune écolier va incuber
sans le savoir l’amour malsain pour une nouvelle poésie,
comme ici ce nouvel amour, ce désir avec lequel les
anciens ont joyeusement empoisonné leur sang ?
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PARAÍSOS ARTIFICIALES
PARADIS ARTIFICIELS
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Les petites amputations sont enfilées l’une après l’autre
sur une ficelle, trempées dans du formol et séchées à l'air
pendant deux ou trois semaines.
Pour en éviter la moisissure, on les conditionne, à l'arrivée
de la saison des pluies, comme des conserves de fruits
dans des bocaux en verre dépoli.
Elles sont vendues plus tard dans les bazars des ports de la
mer Rouge aux étrangers aux langues mélodieuses :
comme des ex-voto ou comme de simples guirlandes,
comme des amulettes conjurant la peste.
Les membres grands sont plongés dans des bocaux en
camphre puis sectionnés en fines lames pressées entre des
cartons ; ainsi préparés, ils sont une bonne marchandise
pour les collectionneurs de raretés ou servent
d'illustrations vivantes pour les traités anatomiques.
Dans les vieux ouvrages de médecine qu’il avait lus
parfois en Europe, il y a des dessins d’excroissances et de
mutilations, de fractures et de bandages avec lesquels un
enfant ruinerait son existence à jamais.
Tout ce qui est aberrant et malsain, tout ce qui est fétide et
flétri, survient au milieu du bonheur du haschich : comme
un bataillon aux drapeaux déployés.
II
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En las Islas de Barlovento crecen árboles cuyos frutos
son libros: cada uno de ellos es capaz de curar una
dolencia del alma —si se descubre su lenguaje y la dosis
precisa.
En las Islas Marquesas hay árboles que producen
instrumentos musicales: cítaras, salterios, oboes, toda una
variedad de flautas y caramillos.
Los instrumentos de tendón —los que permiten el canto
mientras suenan— es fama que alivian la soberbia, la
pereza intelectual, la mendacidad y la avaricia.
Los instrumentos de viento —los que deforman la boca y
los carrillos— apaciguan la cólera, la lujuria y el apetito
desmedido, todo lo impuro que nace desde el vientre.
Las expediciones terapéuticas vuelven cargadas con rocas
cuyo color mitiga la sed de metales, flores cuyos aromas
son buenos para la envidia.
Los grandes odres de aguas sulfurosas se ingresan por la
puerta principal entre manifestaciones de alegría —los
botellones termales, las tinajas de latón para los baños de
asiento.
Antes de que se cierren los portones hasta la próxima
travesía, los médicos asperjan a la grey de los sanos: como
medida profiláctica.
II
12
Des arbres poussent dans les îles du Vent dont les fruits
sont des livres : chacun d'eux est capable de guérir une
maladie de l'âme – pourvu que l’on découvre sa langue et
la dose exacte.
Dans les îles Marquises, il y a des arbres qui produisent
des instruments de musique : des cithares, des psaltérions,
des hautbois, toute une variété de flûtes et de roseaux.
Les instruments à tendon – ceux qui permettent de chanter
tout en jouant – sont réputés pour soulager l'orgueil, la
paresse intellectuelle, le mensonge et l’avarice.
Les instruments à vent – ceux qui déforment la bouche et
les joues – apaisent la colère, la lascivité et l'appétit
excessif, tout l’impur engendré par le ventre.
Les expéditions thérapeutiques reviennent chargées de
roches dont la couleur mitige la soif des métaux, de fleurs
dont les senteurs sont bonnes pour la convoitise.
Les grandes outres d'eaux sulfureuses sont introduites par
la porte principale au milieu des manifestations de joie –
les bouteilles thermales, les jarres en laiton pour les bains
de siège.
Avant que les portières ne soient fermées jusqu'à la
prochaine traversée, les médecins saupoudrent le groupe
des sains : une mesure prophylactique.
III
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quien regresa de una excursión a las ciudades imperiales.
En los días de sol hay romerías de enfermos y narcotizados
a las ermitas de extramuros.
Junto a las fuentes de agua se lavan los vendajes y se los
cuelga de las ramas de los arbustos; oscilan las vendas
carcomidas como plebeyas oriflamas, como cueros resecos
de serpientes.
El viento que pasa entre las telas arrastra hasta las
ciudades el olor de las pústulas, las voces de las
ancestrales epidemias.
El agua de los arroyos se vuelve entonces amarga,
contamina las públicas albercas, corta el jabón de las
lavanderas, deja manchas amarillas en los sudarios como
las que deja el semen en las sábanas.
Hay quien la bebe en prevención de los abscesos, para
dormir sin pesadillas, para cerrar los oídos al cascabel de
la locura.
Otros van a los mataderos a beber la sangre de los novillos
degollados —no todos soportan esta cura y a veces
adolecen de un vómito oscuro.
Es el tiempo de almacenar salud para cuando llegue el
otoño —proclaman—, de acaparar para los accesos de
tos bencinas y maderas resinosas.
III
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jours ensoleillés, il y a des pèlerinages de malades et de
narcotisés vers les ermitages extra-muros.
On lave les bandages à côté des sources d'eau, et on les
pend aux branches des buissons ; les bandes rongées se
balancent comme des oriflammes plébéiennes, comme les
peaux desséchées des serpents.
Le vent qui passe à travers les tissus traîne jusqu’aux villes
l'odeur des pustules, les voix des épidémies ancestrales.
L'eau des ruisseaux devient alors amère, pollue les lavoirs
publics, coupe le savon des lavandières, laisse des taches
jaunes sur les linceuls comme celles que le sperme laisse
sur les draps.
Les uns en boivent pour éviter les abcès, pour dormir
sans cauchemars, pour fermer les oreilles au grelot de la
folie.
Les autres vont aux abattoirs pour boire le sang des
bouvillons décapités – tous ne peuvent pas supporter cette
cure et souffrent parfois d’un vomissement noir.
Il est temps d’emmagasiner de la santé pour l'arrivée de
l'automne – prônent-ils– de retenir pour les accès de toux
des benzines et des bois résineux.
Al inicio del verano se abren de par en par las cámaras
mortuorias y los enfermos del pecho se tienden al sol con
sus difuntos, fraternales.
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Au début de l'été, les chambres mortuaires sont largement
ouvertes et les malades de la poitrine s’allongent au soleil
avec leurs défunts, fraternels.
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VERANO EN ÁFRICA
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ÉTÉ EN AFRIQUE
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Montañas negras aprisionan la ciudad como una
escenografía de hierro; enormes escalones de piedra,
pretéritas cisternas, obras de un pueblo extinguido y
ciclópeo. Escribe:
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sables vierges; un coup de vent de Dieu
qui jette
sa grêle miraculeuse sur Aden ... »
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—¿Acaso hay algo que no?—
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— Y a-t-il quelque chose qui ne le soit pas ? —
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ainsi les affections, l'âme, sont soudain des marais, des
ferrures ou des bois rongés ... Le voyageur a appris à
s'échapper toujours avant même que tout ne devienne
inévitable. Quand il aura quelques centaines de francs il
partira peut-être pour Zanzibar. Il s’enfuit, mais comme la
hutte qui emporte ses pilotis pourris ; ou comme le bois
qui s'échappe des parasites sans savoir que leurs œufs sont
semés petit à petit dans ses vermoulures. Il s’enfuit
LOS ARRIBOS
Este hombre
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ha cabalgado por casi un mes a través
del desierto de Somalia. Ha salido de un puerto que
semeja un infinito y sórdido suburbio y esta mañana
asciende en busca de una ciudad árabe que —en la
distancia— le parece un inmenso panal de yesería.
Murallas y almenas, la mezquita, los minaretes encalados,
las fortificaciones cuadradas: sólo el cielo no es blanco, de
un azul profundísimo, sin la calina de las tierras bajas.
LES ARRIVÉES
Cet homme
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a traversé à cheval le désert somalien
pendant presque un mois. Il est sorti d’un port qui
ressemble à un faubourg infini et sordide et ce matin il
monte à la recherche d'une ville arabe qui – à la distance –
lui semble un immense nid d'abeilles en plâtre. Des
murailles et des créneaux, la mosquée, les minarets
blanchis à la chaux, les fortifications carrées : seul le ciel
n'est pas blanc, d'un bleu très profond, sans la brume des
terres basses.
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tratase de un rey del oriente; y aquel en que todos los ojos
negros de las mujeres se posaron sobre sus ojos y
acariciaron su rostro de ángel en el exilio. Se acordará:
como el viajante que, al filo del regreso, recuerda cuando
abrió —cargado de valijas— la puerta del cuarto en su
primer día de hotel.
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La porte du Turc et la mosquée, les minarets blanchis à la
chaux, les fortifications carrées ... Des mois plus tard –
lorsque sa vue ne supportera plus le blanc des créneaux ni
l’azur du ciel, lorsqu’il découvrira que chaque rue est une
source de puanteur et qu’il cherchera l’abri des marchés de
parfums narcotiques – il évoquera le moment où il avait
traversé la Porte du Turc ; et le moment où les enfants
couraient après son cheval comme s’il était un roi de
l'Orient ; et l’instant où les yeux noirs des femmes se
posèrent sur ses yeux et caressèrent son visage d'ange en
exil. Il s’en souviendra : comme le voyageur qui, dès son
retour, se souvient du moment où – chargé de valises – il
ouvrit la porte de la chambre lors de son premier jour
d'hôtel.
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El resto de su humanidad es una ampolla de vidrio en
que se mueven pesadas aguas oscuras, andrajos de
desdichas.
Hasta que fue a encender las pipas al fumadero de opio,
los imanes la exhibían como un caso paradigmático,
espejo admonitorio de lo que no se debe imitar.
Hocicos llenos de pequeños dientes —nadando desde
adentro— se acercan a las paredes abdominales cuando
vuelve con la pipa encendida, como a los bordes de una
pecera.
Ojos amarillos, miembros ungulados, trompas que
alimentan o procrean, animales de una fauna abisal que
apenas brilla.
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Le reste de son humanité est une ampoule de verre où
bougent des eaux noires et lourdes, des haillons de
malheur.
Avant d’allumer les pipes de la fumerie d’opium, les
imans l'exposèrent comme un cas paradigmatique, un
miroir admoniteur de ce qu'il ne faut pas imiter.
Des museaux pleins de petites dents – nageant de
l'intérieur – s'approchent des parois abdominales quand
elle revient avec la pipe allumée, comme au bord d'un
bocal à poisson.
Des yeux jaunes, des membres ongulés, des trompes qui
nourrissent ou procréent, des animaux d'une faune
abyssale qui brille à peine.
II
29
Hay quienes no perciben nuestros tumores del alma: para
ellos deberían escribirse, como en los hospitales de
Europa, las tarjetas nomencladoras que la orina amarillea.
Los males de la carne —ha dicho el profeta—devastan la
carne, los de la mente corroen la mente; pero la peste del
alma contamina el universo.
Una gota de nuestra crueldad, derramada en las piscinas
municipales, ha trastornado incontables veces la
respiración de la ciudad.
II
30
Les maux de la chair – le prophète dit-il – ravagent la
chair, ceux de l'esprit minent l'esprit ; mais la peste de
l'âme pollue l'univers.
Une goutte de notre cruauté, déversée dans les piscines
municipales, a perturbé d'innombrables fois la respiration
de la ville.
III
31
Hay quien se alivia con el agua y con las friegas de
hierbas urticantes, con sonidos
armoniosos, con versículos: así de absurdo es el
artefacto del alma.
Así de absurdos la salud, la piedad, el universo.
III
32
La santé, la piété, l'univers sont si absurdes.
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piensa en todos aquellos que antes del alba morirán: los
que se irán sin saber que existe esa flor aberrante,
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sin saber de la rosa que en otras tierras simboliza la poesía;
sin saber que es la misma persona el hombre que
comercia con ellos el incienso y el almizcle y el hombre
que viaja con su yema sobre el mapa; el hombre que ayer
contaba —con esos mismos dedos que hoy cuentan el oro
— las sílabas de un verso.
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sans connaître la rose qui, sur d'autres terres, symbolise la
poésie; sans savoir que l'homme qui fait avec eux le
commerce de l'encens et du musc et l'homme qui voyage
du bout du doigt sur la carte sont la même personne ;
l'homme qui comptait hier – avec ces mêmes doigts qui
comptent aujourd'hui l'or – les syllabes d'un vers.
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NO DESEO: NOSTALGIA
Más que con deseo, sus ojos los contemplan con nostalgia.
Alguna vez también él se sintió así: con los músculos
firmes, con la piel tirante, con la boca inundada de risa.
También él se sintió alguna vez requerido —tanto por las
manos de las mujeres como por las miradas de los
hombres.
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PAS DE DÉSIR : DE LA NOSTALGIE
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Una caja de matemáticas —escuadra, transportador,
compás de reducción—, un barómetro aneroide de
bolsillo, una colección de mineralogía... Los dedos que
cuentan el oro ya no son sensibles para acariciar el torso
sin vello de los jóvenes, los muslos de las muchachas
núbiles. También anota en su lista varios libros:
Topografía, Geodesia, Hidrografía. No deseo: nostalgia
—de los músculos firmes, de la piel tirante, de la boca
inundada de risa. Señores de Lyon, señores de París,
señores miembros de la Sociedad de Geografía: los dedos
que manipulan un teodolito, un sextante, una brújula
Cravet, ya no sienten el torso o los muslos debajo de las
yemas, la felicidad de los cuerpos indeterminados entre lo
femenino y lo masculino: sólo perciben el momento de
volver a escapar...
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des muscles forts, de la peau ferme, de la bouche inondée
de rires. Messieurs de Lyon, messieurs de Paris, messieurs
membres de la Société de Géographie : les doigts qui
manipulent un théodolite, un sextant, une boussole de
reconnaissance Cravet, ne sentent plus le torse ou les
cuisses sous le bout des doigts, le bonheur des corps
indéterminés entre le féminin et le masculin : ils ne
perçoivent que le moment de s'échapper à nouveau ...
Les jeunes sont trois, ils rient sans penser à leurs soucis, à
leurs misères ; ils ont le bout des doigts sensible ; et ils se
baignent nus et sans culpabilité
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ignorarlo: bajo un lienzo inmaculado lo cubrió, con varias
vueltas de venda lo ocultó de su vista. Pero el dolor
trabajaba por debajo, se agrandaba al amparo de lo
invisible, como medran en la oscuridad de una pieza los
terrores infantiles. Se ha marchado el sueño, ha
desaparecido el apetito. En las noches repasa la lista de
cosas que ignora:
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il la couvrit sous une toile immaculée, il la cacha à sa vue
avec plusieurs bandages. Mais la douleur était à l’œuvre
en dessous, s’agrandissait à l’abri de l'invisible, tout
comme les terreurs infantiles qui s'accroissent dans
l'obscurité d'une chambre. Le sommeil est parti, l'appétit
est disparu. La nuit, il passe en revue la liste des choses
qu'il ignore :
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Demasiado acostumbrado a la vida errante, a la vida
libre y gratuita. Quizás vaya a Zanzíbar”. Noche tras
noche, al acostarse sin sueño, acaricia el tumor de su
rodilla derecha.
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DESEMBARCO EN MARSELLA
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En las solanas, las úlceras se adormecen y la saliva de los
perros les alivia la aflicción.
A la caída de la tarde, como penitentes regresan los
enfermos a sus camas: suelen suceder estas cosas en
domingos tristísimos.
Y al paso de la procesión se va diseminando por las calles
—como una peste apaciguada— la melancolía.
DÉBARQUEMENT À MARSEILLE
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Aux solariums, les ulcères s'engourdissent et la salive des
chiens soulage la détresse.
Au coucher du soleil, tels que des pénitents, les malades
retournent à leur lit : ces choses arrivent souvent par des
dimanches trop tristes.
Et sur le passage de la procession, la mélancolie se répand
dans les rues comme un fléau apaisé.
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Mais ceux qui ont reçu le traitement de l'eau commencent
à la perdre en plein soleil ; d'autres se fanent comme les
fruits dans les séchoirs de Turquie.
On lui a dit que dans l'hôpital où il est conduit il y a ceux
qui sont réduits à des peaux, à des tapis de fourrure qui
seront plus tard échangés dans les bazars : en tant
qu’oriflammes ou drapeaux de la peste.
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HOSPITAL DE LA CONCEPCIÓN
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HÔPITAL DE LA CONCEPTION
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concluyó, que su enfermedad ya terminó, o que acaso
comienza, que en adelante ese hospital será su casa, los
apestados su familia, que de ahora en más vivirá sin
esperanza.
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Dans la tasse émaillée, la religieuse reçoit — encore
palpitant — un oiseau ensanglanté ; et il comprend que
toute fuite est terminée, que sa maladie est finie, ou qu'elle
ne vient peut-être que de commencer, que cet hôpital sera
désormais sa demeure, que les malades de peste
deviendront sa famille, qu’il vivra dorénavant sans espoir.
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EL HOMBRE DE LA CAMA CONTIGUA
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L'HOMME DU LIT D’À COTÉ
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Los enfermos protegen —por miedo de perderlas— esas
úlceras perfumadas; los médicos las consideran de una
naturaleza tan misteriosa como los estigmas o los cuerpos
incorruptos.
Los ulcerosos como el hombre de la cama contigua huyen
de las aglomeraciones y de las fiestas cívicas, de los
almuerzos campestres y de los baños de sol.
Llevan su llaga arropada en el seno como el usurero
que guarda un gran tesoro, como el sacerdote que
conduce las sagradas formas, como el músico que hace
siglos —en Granada— tenía oculto en su rabel cierto
pájaro azul.
En los tratados sobre las llagas se describen estas lesiones
que manan un líquido puro como el agua subterránea, un
licor, un almíbar que al contacto con el aire cristaliza.
La herida que hace ya muchos años que tiene sobre el
pecho el hombre de la cama contigua es, para decirlo
abruptamente, una ventana de cristales de roca, en cuyo
fondo apenas late —oscuro— el corazón.
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conduit les formes sacrées, comme le musicien qui, il y a
des siècles - à Grenade - avait caché dans son rebec un
certain oiseau azur.
Dans les traités sur les plaies, on décrit ces lésions qui
dégagent un liquide aussi pur que l'eau souterraine, une
liqueur, un sirop qui cristallise au contact de l'air.
La blessure sur la poitrine qu’a l'homme du lit d’à côté
depuis déjà bien des années devient, pour le dire
abruptement, une fenêtre de cristaux de roche, au fond de
laquelle – sombre –bat à peine le cœur.
LA PIERNA DE RIMBAUD
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Mi pierna derecha: cuántas
ciudades recorrió, cuántos países...
LA JAMBE DE RIMBAUD
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Ma jambe droite – combien de villes elle a
parcourues, combien de pays ...
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vivía del comercio en el África, menos su pierna
cancerosa.
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L’auteur
La traductrice
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Ses traductions et ses recherches dans le domaine de la
littérature et des sciences humaines ont été publiées au
Canada, en Espagne et en France. Elle a accompagné
comme interprète de conférence les visites en Argentine
des théoriciens et écrivains Oswald Ducrot, Caroline
Eliacheff, François Gosse, Gilles Pellerin et Philippe Sers,
entre autres.
Rimbaud à Java 7
Paradis artificiels 11
Été en Afrique 19
Les endroits deviennent instables 23
Les arrivées 27
Fumerie d’opium à Harar 31
Une fleur qui sent la viande pourrie 37
Pas de désir : de la nostalgie 41
Comme le dieu à la cuisse gestante 45
Débarquement à Marseille 49
Hôpital de la Conception 52
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L’homme du lit d’à côté 57
La jambe de Rimbaud 61
L’auteur 65
La traductrice 66
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