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Hémochromatoses
Pierre Brissota,*, Eolia Brissotb, Marie-Bérengère Troadecc, Olivier Loréald, Martine Roperte
a Professeur émérite de médecine, université de Rennes1 ; institut NuMeCan, Inserm U-1241, Rennes, France
b Service d’hématologie clinique et de thérapie cellulaire, hôpital Saint-Antoine, AP-HP, Paris, France ; Sorbonne universités, UPMC
Univ. Paris 06, AP-HP, centre de recherche Saint-Antoine, UMR-S938, Paris, France
c Université de Brest, Inserm, EFS, UMR 1078, GGB, F-29200 Brest, France ; CHRU Brest, Service de génétique, laboratoire de
génétique chromosomique, Brest, France
d Inserm ; institut NuMeCan, Inserm U-1241, université de Rennes 1, Rennes, France
e Service de biochimie-toxicologie, laboratoire de biochimie spécialisée, centre hospitalier universitaire Pontchaillou, Rennes,
France ; institut NuMeCan, Inserm U-1241, université Rennes 1 ; Plateforme analyse elémentaire et métabolisme des métaux
(AEM2), Rennes, France.
Centre hospitalier universi-
*Auteur correspondant.
taire
Adresse e-mail : pierre.brissot@gmail.com (P. Brissot).
RÉSUMÉ
Les hémochromatoses bénéficient d’une grande clarification de leur nosologie grâce à la prise en compte des méca-
nismes qui sous-tendent le développement de la surcharge en fer. Ainsi, le dénominateur commun mécanistique
est la déficience en hepcidine, hormone du métabolisme du fer, qui, en favorisant l’activité d’export cellulaire du
fer par la ferroportine au niveau du duodénum et de la rate, entraîne une cascade : hyper-sidérémie, apparition de
fer non lié à la transferrine, ciblage en premier lieu du foie par ce fer non lié, effet toxique cellulaire conduisant à
l’endommagement d’organes clés et développement de la maladie hémochromatosique, source de morbidité et de
mortalité. Chez le sujet caucasien, c’est l’hémochromatose liée au gène HFE qui est de loin la plus fréquente. Les
hémochromatoses non liées à HFE sont rares, multi-ethniques et souvent sévères. L’apport de la biologie est majeur
tant pour la compréhension de la physiopathologie (rôle de l’hypo-hepcidinémie) que pour l’évocation du diagnostic
(coefficient de saturation de la transferrine, ferritinémie), pour l’identification étiologique (tests génétiques), et pour
le suivi thérapeutique (importance de la ferritinémie et possiblement dans l’avenir de l’hepcidinémie). Le diagnostic
des hémochromatoses est devenu totalement non invasif (basé sur la clinique, la biologie et l’imagerie) et sa théra-
peutique, qui demeure basée sur les saignées, devrait faire appel dans l’avenir à des approches innovantes visant à
restaurer un métabolisme du fer normal.
ABSTRACT
Hemochromatoses
Hemochromatoses benefit from a great clarification of their nosology thanks
MOTS CLÉS to the consideration of the mechanism underlying the development of iron
◗ coefficient de saturation overload. Thus, the mechanistic common denominator is hepcidin deficiency
de la transferrine which, by stimulating the cellular iron export activity of ferroportin in the
◗ ferritine duodenum and the spleen, leads to a cascade: hyper-sideremia, appearance
◗ hémochromatose of non-transferrin bound iron that first targets the liver, and exerts cellu-
◗ HFE lar toxicity damaging key organs and corresponding to the development of
◗ hepcidine hemochromatosis, that is source of morbidity and mortality. In the Caucasian
◗ surcharge en fer subject, hemochromatosis linked to the HFE gene is by far the most frequent.
Non HFE-related hemochromatoses are rare but multi-ethnic and often severe.
KEYWORDS The contribution of biology is major for the understanding of the pathophy-
◗ ferritin siology (role of hypo-hepcidinemia), for the diagnosis (coefficient of transferrin
◗ hemochromatose saturation, ferritinemia) including the etiological identification (genetic tests),
◗ HFE and for the therapeutic follow-up (importance of ferritinemia and possibly in
◗ hepcidin
the future of hepcidinemia). The diagnosis of hemochromatosis has become
◗ iron overload
totally non-invasive (based on clinical, biological and imaging techniques) and
◗ transferrin saturation
its therapy, which remains based on phlebotomies, should in the future call for
innovative approaches aimed at restoring normal iron metabolism.
© 2021 – Elsevier Masson SAS
Tous droits réservés.
© P. Brisso
L’hepcidine clé de voûte de la nouvelle pleinement élucidés, font intervenir des perturbations
classification des surcharges génétiques de la transduction du signal induit par ces protéines
en fer mutées au niveau de la membrane cellulaire. Les voies
L’hepcidine [5,7] est une hormone synthétisée essen- de signalisation perturbées sont les voies BMP/SMAD et
tiellement par les cellules parenchymateuses du foie, ERK/MAPK. Le sujet hémochromatosique se comporte
à savoir les hépatocytes. Une fois délivrée dans le donc comme s’il était chroniquement déficient en
courant sanguin, son action est physiologiquement fer d’où une tendance permanente à accroître son
de diminuer la concentration plasmatique du fer. taux de fer plasmatique. Le second mécanisme, beau-
Cette diminution repose sur un mécanisme essen- coup plus rare, est un état de résistance à l’hepcidine
tiel qui s’exerce en deux sites principaux. Le premier (celle-ci étant insuffisamment « reconnue » par son
site est le duodénum, lieu de l’absorption digestive récepteur ferroportine du fait de mutations rares
du fer [8]. Une fois en contact avec le pôle plasma- du gène qui la code) ; il en résulte un effet similaire
tique des entérocytes duodénaux, l’hepcidine se lie à celui de l’hypo-hepcidinémie, à savoir une sortie
à la ferroportine et induit son internalisation puis sa accrue de fer dans le plasma tant au niveau duodénal
dégradation ce qui a pour effet de diminuer la sortie que splénique, entraînant une hypersidérémie.
cellulaire du fer dans le plasma. La ferroportine est Le malade présentant un phénotype hémochromato-
en effet la seule protéine connue à ce jour sique est donc soit un « hepcidino-déficient »
capable d’exercer une fonction d’export soit un « hepcidino-résistant ».
du fer intracellulaire vers le plasma. Il
s’ensuit une baisse d’entrée du fer
Quel que soit le mécanisme de
dans le plasma et donc une baisse
l’hyper-sidérémie, la cascade
de la sidérémie et de la satura- Le sujet physiopathologique conduisant
tion de la transferrine. Le second hémochromatosique au phénotype est identique
site, cible du même mécanisme Il se produit, dans un premier
impliquant le duo hepcidine- se comporte comme temps, une augmentation de la
ferroportine, est la rate et s’il était charge en fer de la transferrine,
plus spécifiquement les macro- qui est la protéine transporteuse
phages spléniques (qui font par-
chroniquement de fer dans le plasma. La trans-
tie du système mésenchymateux) déficient en fer ferrine, normalement, est en excès
dont l’activité d’export du fer par dans le plasma ; la charge en fer de
la ferroportine est particulièrement la transferrine (correspondant au
forte. Il se produit donc, sous l’action de coefficient de saturation de la trans-
l’hepcidine, une diminution de la sortie du fer ferrine (CS-Tf) en fer) est alors inférieure
splénique (lequel provient de la dégradation des glo- à 45 %. En cas d’hémochromatose, le CS-Tf aug-
bules rouges sénescents), ce qui contribue à abaisser mente et lorsque ce taux dépasse 45 % une nouvelle
le taux de fer plasmatique circulant et la saturation forme de fer, dite fer non lié à la transferrine (FNLT)
de la transferrine. En termes de régulation physiolo- peut apparaître dans le plasma, qui a la propriété ciné-
gique, une baisse de la sidérémie (et/ou du stock cel- tique de cibler, non pas la moelle (pour contribuer à
lulaire du fer) entraîne une baisse de la production fabriquer de globules rouges) comme le fait le fer lié
hépatocytaire d’hepcidine qui, à son tour, conduit à à la transferrine, mais les différents organes paren-
une augmentation compensatrice de la sidérémie du chymateux et en tout premier lieu le foie (qui reçoit
fait d’une part d’une hyper-absorption digestive du fer, directement le sang en provenance du tube digestif
d’autre part d’une sortie accrue du fer splénique dans et de la rate et exprime une protéine qui peut le
le plasma. À l’inverse, un excès de fer plasmatique capter [ZIP 14]). Ce FNLT est donc à l’origine de
(et/ou du stock intracellulaire de fer) conduit physio- l’excès de fer dans les hépatocytes qui est l’une des
logiquement à une augmentation de l’hepcidinémie qui caractéristiques de la surcharge en fer hémochroma-
diminue la sortie (duodénale et splénique) du fer dans tosique. Mais, plus encore, le FNLT est à l’origine de
le plasma afin de rétablir l’homéostasie du fer. l’endommagement des organes surchargés. En effet,
lorsque le CS-Tf devient supérieur à 75 %, le FNLT
Alors que se passe-t-il dans l’hémochromatose ? peut se transformer en fer plasmatique réactif (FPR),
Cette régulation systémique du fer est profondé- encore appelé fer plasmatique labile, qui correspond
ment perturbée du fait des mutations en cause [9], à la forme toxique du fer circulant [10]. Le FPR est
selon deux principaux mécanismes. Le premier méca- défini par sa capacité à produire des espèces radi-
nisme, de loin le plus fréquent, est un défaut de syn- calaires oxygénées dont on sait la toxicité à l’égard
thèse hépatocytaire de l’hepcidine. Les liens entre tant des membranes cellulaires que des membranes
les mutations HFE (et non HFE) et le défaut de pro- des organites intracellulaires (mitochondries, réticu-
duction hépatocytaire de l’hepcidine, non encore lum endoplasmique, noyaux). Il s’ensuit des lésions des
© P. Brisso
cellules puis des organes cibles que sont notamment En résumé, le terme d’hémochromatose ne nécessite
le foie, le pancréas et le cœur [11] (figure 2). plus d’être complété du qualificatif « héréditaire » ou
« génétique » ; il recouvre des entités de surcharge en fer
La classification des surcharges en fer impliquant des mutations du gène HFE ou de gènes non
HFE mais donnant lieu, quelles que soient les mutations
hémochromatosiques considérées, à un mécanisme physiopathologique commun
Les hémochromatoses se classent en deux groupes : (déficit d’approvisionnement cellulaire en hepcidine)
à l’origine d’un syndrome d’hepcidino-déficience ou
Les hémochromatoses liées au gène HFE d’hepcidino-résistance se caractérisant par la triade :
Présentes quasi exclusivement dans la population cau- augmentation du CS-Tf plasmatique/surcharge en fer
casienne, elles sont dominées par l’hémochromatose préférentiellement hépatique (hépatocytaire)/absence de
liée à l’homozygotie C282Y donc au profil génétique surcharge en fer splénique (le fer de la rate étant massi-
C282Y/C282Y (ou, selon la nomenclature officielle, vement déversé dans le plasma).
p.Cys 282Tyr/p.Cys 282Tyr) qui affecterait plus de
six sujets caucasiens sur mille [12]. D’exceptionnelles Comment dès lors classer
situations d’hétérozygotie composite (C282Y/autre les surcharges en fer
mutation de HFE) peuvent causer une hémochro- non hémochromatosiques ?
matose. Cependant, ce n’est pas le cas de la plus fré-
quente des hétérozygoties composites (C282Y/H63D Elles sont de deux grands types.
ou pCys282Tyr/p.His83Asp) dont il est largement admis
qu’elle ne peut causer, à elle seule, une surcharge en fer Les surcharges en fer acquises
cliniquement significative [13]. Elles correspondent à trois situations principales.
La surcharge en fer transfusionnelle
Les hémochromatoses non liées au gène HFE
Les globules rouges étant très riches en fer (ils repré-
Rares, elles sont cependant présentes dans l’ensemble sentent la moitié du stock global de l’organisme en fer)
des populations, caucasienne ou non [14-16]. Elles sont et l’organisme humain étant très limité dans ses capacités
dues à des mutations de différents gènes qui entraînent d’accroître l’excrétion du fer, la multiplicité des transfu-
soit une hepcidino-déficience (gène de l’hémojuvéline sions, nécessitée dans les grandes situations d’anémie
ou HJV, gène de l’hepcidine ou HAMP, gène du récep- chronique (type thalassémies majeures [17] ou syn-
teur de la transferrine de type 2 ou TFR2) soit une dromes myélodysplasiques [18]) aboutit rapidement à
hepcidino-résistance (rares mutations du gène de la ferro- une surcharge en fer qui, au début de sa constitution, se
portine SLC40A1 affectant sa fonction de récepteur de démarque dans sa distribution tissulaire de la surcharge
l’hepcidine et non sa fonction d’export cellulaire du fer). en fer hémochromatosique par le fait que le dépôt de
favoriser la survenue d’une hémochromatose HFE et mais qu’une élévation du CS-Tf peut survenir dans bien
qu’un cas d’hémochromatose HFE a été récemment d’autres circonstances que l’hémochromatose [31].
rapporté chez un sujet chinois [29]. Pour bien appréhender ces situations qui peuvent prê-
ter à confusion, l’interprétation du CS-Tf ne doit pas
L’histoire naturelle de l’hémochromatose HFE se limiter à la prise en compte du seul pourcentage
Elle reste asymptomatique cliniquement jusqu’à l’âge mais s’attacher aux variations des deux composantes
adulte. de la fraction conduisant à ce pourcentage, à savoir
d’une part le numérateur qui est le taux de fer plas-
Lorsque la maladie s’exprime cliniquement matique (valeurs normales entre 12,5 et 25 μmol/L),
Elle apparaît à partir de 30-40 ans chez l’homme et d’autre part le dénominateur qui est la concentration
une dizaine d'’années plus tard chez la femme, son de transferrine plasmatique (valeurs normales entre 2
tableau a considérablement changé au fil du temps [30]. et 4 g/L). Concernant une augmentation du CS-Tf par
Les trois syndromes qui prédominent, diversement augmentation de la sidérémie, peuvent être en cause :
associés, sont en effet aujourd’hui la fatigue chronique une surcharge en fer acquise (par transfusions multiples,
physique, psychologique voire sexuelle ; l’atteinte par supplémentation parentérale excessive de fer, ou
ostéoarticulaire avec des arthropathies très évocatrices par dysérythropoïèse) ; une cytolyse (les transaminases
lorsqu’elles touchent les deuxième et troisième articu- sont alors nettement augmentées) ; quant à l’hémo-
lations métacarpo-phalangiennes ou les che- lyse intravasculaire, elle est plus cause d’hy-
villes et s’associent à une ostéoporose ; per-hémoglobinémie que d’hyper-sidéré-
la mélano-dermie touchant les régions mie mais peut néanmoins augmenter le
découvertes mais aussi les mamelons CS-Tf. Une augmentation du CS-TF
et les organes génitaux externes. peut aussi être due à une baisse
Ces syndromes altèrent la qua- L’élévation du de la transferrinémie, laquelle
lité de vie sans compromettre le peut survenir en cas d’insuffi-
pronostic vital. Il n’en est pas de
CS-Tf plasmatique est sance d’apport protidique (mal-
même des autres syndromes qui le marqueur de routine nutrition), d’excès de fuites pro-
sont moins fréquemment obser- tidiques (protéinurie massive du
vés : le diabète insulino-dépen-
le plus précoce de
syndrome néphrotique), de défaut
dant ; l’atteinte hépatique qui peut l’hémochromatose de synthèse hépatique en cas d’in-
se traduire par une hépatomégalie suffisance hépatique grave aiguë
et évoluer vers une cirrhose ; cette (hépatite fulminante) ou chronique
cirrhose hémochromatosique a la par- (cirrhose évoluée : ainsi un malade cir-
ticularité d’entraîner très peu de dysfonc- rhotique avec décompensation ascitique et
tionnement hépatique en sorte que ces malades ictère peut avoir un CS-Tf à 100 % en raison d’un
(hors de co-facteurs d’hépatotoxicité associés tels que taux de transferrine effondré sans que soit en cause
l’alcool ou la stéatohépatite non alcoolique) n’évoluent la moindre surcharge en fer). Il faut également savoir
pas vers l’insuffisance hépatique ou l’hypertension por- qu’il existe des variations génétiques interindividuelles
tale mais sont particulièrement exposés au risque de dans la capacité de produire la transferrine [32] et que
développement au long cours d’un carcinome hépato- ces hypo-transferrinémies héréditaires peuvent augmen-
cellulaire ; quant à l’atteinte cardiaque, classiquement à ter le CS-Tf sans qu’une réelle pathologie soit en arrière-
type de troubles du rythme voire d’insuffisance car- plan (contrastant avec l’atransferrinémie héréditaire,
diaque, elle s’avère globalement peu fréquente dans situation rarissime de surcharge génétique en fer non
l’hémochromatose HFE. hémochromatosique [33]). Une alternative au dosage
de la transferrinémie (par immuno-néphélométrie
Données biologiques ou immuno-turbidimétrie) est la mesure indirecte de
Elles se situent à trois niveaux. la transferrine par le dosage biochimique de la capa-
cité totale de fixation du fer (total iron binding capacity :
Paramètres sanguins du fer TIBC) ou de la capacité latente de fixation du fer
◗ L’élévation du CS-Tf plasmatique (unsaturated iron binding capacity : UIBC). Les mesures
Elle est le marqueur de routine le plus précoce de du TIBC et de l’UIBC consistent à saturer les sites de
l’hémochromatose (elle reflète l’hypo-hepcidinémie liaison du fer par l’ajout d’une quantité connue de fer
originelle). Rappelons qu’en France le CS-Tf a remplacé à l’échantillon, puis à mesurer l’excès de fer non lié.
le seul dosage de la sidérémie depuis 2017. Dans l’hé- L’UIBC est la quantité correspondant à la différence
mochromatose, le CS-Tf est souvent supérieur à 60 % entre le fer ajouté et l’excès de fer. Le TIBC est la
chez l’homme et à 50 % chez la femme et « tutoie » somme de l’UIBC et du fer plasmatique. L’utilisation
parfois le plafond de 100 %. Il importe de garder à l’es- préférentielle de la mesure directe de la concentration
prit qu’un CS-Tf normal écarte une hémochromatose de transferrine par rapport au TIBC ou à l’UIBC est
(300 ng/mL chez l’homme, 200 ng/mL chez la femme). d’hepcidine ou de mini-hepcidines de synthèse, soit
Par contre, le CS-Tf n’est pas un bon indicateur de suivi par stimulation de la synthèse endogène d’hepcidine
pendant la quasi-totalité de cette phase d’induction car en ciblant l’un des maillons moléculaires de la chaîne
il reste très élevé et ne s’effondre qu’assez brutalement de synthèse ;
dès lors que la ferritinémie avoisine les 50 ng/mL. Il ◗ l'administration par voie orale d’un composé antago-
n’est donc utile de le vérifier que pendant cette phase niste de la ferroportine (dans sa fonction d’export cel-
d’obtention de la désaturation qui, au mieux, corres- lulaire du fer). Ces différentes approches innovantes ont
pond à une ferritinémie d’environ 50 ng/mL associée à obtenu leur « preuve de concept » sur des modèles ani-
un CS-Tf inférieure à 50 %. maux (souris transgéniques hémochromatosiques) [46].
Plusieurs sont en phase clinique de type 1 [47].
Pour le traitement d’entretien
Ce traitement dure théoriquement pour le reste de la Conclusion
vie et vise à empêcher la reconstitution progressive de
la surcharge. Le marqueur essentiel du suivi d’efficacité L’apport de la biologie est essentiel dans le domaine des
est ici encore la ferritinémie qu’il convient de maintenir hémochromatoses en trois secteurs :
vers 50 ng/mL.Toutefois, le fait qu’un sous-groupe consé- ◗ la compréhension physiopathologique avec le rôle
quent de sujets hémochromatosiques présente en per- déterminant joué par l’insuffisance en hepcidine, hor-
manence un CS-Tf élevé ou très élevé (supérieur à 75 %) mone de la régulation systémique du fer, pour le déve-
en dépit d’une ferritinémie de l’ordre de 50 ng/mL et que loppement de la surcharge en fer ;
ces sujets pourraient être exposés à des complications
◗ l’approche diagnostique par la fourniture de paramètres
cliniques (fatigue, arthropathies) [44] incite à proposer un
contrôle systématique, par exemple deux fois par an, de sanguins précieux tant biochimiques pour suspecter,
ce paramètre afin de s’assurer que le malade n’appartient affirmer et quantifier l’excès en fer (CS-Tf, ferritine)
pas à ce sous-groupe potentiellement à risque. que génétiques pour identifier les mutations causales ;
◗ l’approche thérapeutique en permettant de suivre
Autres traitements l’efficacité du traitement, aujourd’hui essentiellement sur
la ferritinémie, mais dans l’avenir, lorsque des traitements
Chélation orale du fer
Elle n’a qu’une place extrêmement limitée dans l’hé- innovants deviendront opérationnels, en se basant
mochromatose, d’autant que le seul chélateur qui ait sur la normalisation de l’hepcidinémie, garante de la
démontré son efficacité dans l’hémochromatose (le restauration de l’homéostasie du fer. QQ
déférasirox) n’a pas d’autorisation de mise sur le mar-
ché dans cette indication [45]. Ce médicament, qui Pierre Brissot déclare les liens d’intérêts suivants : Novar-
n’est pas dénué d’effets secondaires (en règle modé- tis, Ionis Pharmaceuticals, La Jolla Pharmaceutical Company,
rés) digestifs, rénaux ou hépatiques, ne peut donc être Protagonist Therapeutics ; les autres auteurs déclarent ne
prescrit qu’avec le consentement éclairé du patient et pas avoir de liens d’intérêts en lien avec cet article.
sous la responsabilité personnelle du prescripteur. Ses
principales indications dans l’hémochromatose sont :
Points à retenir
◗ les exceptionnelles situations d’intolérance psycho-
logique aux saignées, un système veineux inaccessible ◗tLes hémochromatoses sont des surcharges géné-
ou un terrain cardiovasculaire à risque ; tiques en fer en rapport essentiellement avec une
◗ la situation d’hémochromatose juvénile qui constitue hepcidino-déficience.
une urgence thérapeutique pouvant inciter à adjoindre ◗tL’élévation, dans le plasma, du coefficient de saturation
aux saignées une chélation orale. de transferrine et de la ferritinémie est la base biolo-
gique pour, respectivement, suspecter ces affections et
Futures voies thérapeutiques quantifier l’excès en fer.
Elles se fixent pour objectif, en se basant sur les avan- ◗tL’hémochromatose liée au gène HFE (C282Y/C282Y)
cées physiopathologiques dans le domaine des sur- est de loin la forme la plus fréquente chez les sujets
charges génétiques en fer, de restaurer l’homéostasie caucasiens.
du fer par une approche non plus symptomatique (éli-
◗tL’IRM a pris une place déterminante pour rendre le
mination de la surcharge en fer constituée) mais étio-
diagnostic non invasif.
logique (empêchement de son développement ou de sa
reconstitution après obtention de la « désaturation » ◗tLes saignées restent le pilier thérapeutique pour élimi-
par les saignées). Deux grandes voies sont ouvertes : ner la surcharge en fer mais des approches innovantes
ciblées sur la normalisation de l’hepcidinémie consti-
◗ la supplémentation en hepcidine qui pourrait se
tuent la voie d’avenir.
faire soit par administration exogène (sous-cutanée)