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Entrée dans le monde dans le temps où, fille encore, à fait trompé, ni entièrement rempli ; la crainte de me
j’étais vouée par état au silence et à l’inaction, j’ai su en trahir m’empêchait de m’éclairer : mais le bon Père me fit
profiter pour observer et réfléchir. Tandis qu’on me croyait le mal si grand, que j’en conclus que le plaisir devait être
étourdie ou distraite, écoutant peu à la vérité les discours extrême ; et au désir de le connaître, succéda celui de le
qu’on s’empressait de me tenir, je recueillais avec soin goûter.
ceux qu’on cherchait à me cacher. Je ne sais où ce désir m’aurait conduite ; et alors
Cette utile curiosité, en servant à m’instruire, m’apprit dénuée d’expérience, peut-être une seule occasion m’eût
encore à dissimuler : forcée souvent de cacher les objets perdue : heureusement pour moi, ma mère m’annonça
de mon attention aux yeux qui m’entouraient, j’essayai de peu de jours après que j’allais me marier ; sur-le-champ la
guider les miens à mon gré ; j’obtins dès lors de prendre certitude de savoir éteignit ma curiosité, et j’arrivai vierge
à volonté ce regard distrait que depuis vous avez loué si entre les bras de M. de Merteuil.
souvent. Encouragée par ce premier succès, je tâchai de Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, lettre 81, 1782.
régler de même les divers mouvements de ma figure. Res-
sentais-je quelque chagrin, je m’étudiais à prendre l’air
de la sécurité, même celui de la joie ; j’ai porté le zèle Texte 2
jusqu’à me causer des douleurs volontaires, pour chercher
pendant ce temps l’expression du plaisir. Je me suis tra- Renée est la femme de Saccard, spéculateur immobilier et flam-
vaillée avec le même soin et plus de peine pour réprimer beur, toujours en quête d’argent. Elle a eu une liaison avec le fils de
les symptômes d’une joie inattendue. C’est ainsi que j’ai son mari. Quand ce dernier l’apprend, il ne condamne pas sa femme
su prendre sur ma physionomie cette puissance dont je mais en profite pour lui extorquer une grosse somme.
vous ai vu quelquefois si étonné.
J’étais bien jeune encore, et presque sans intérêt : mais
je n’avais à moi que ma pensée, et je m’indignais qu’on Elle s’aperçut dans la haute glace de l’armoire. Elle
pût me la ravir ou me la surprendre contre ma volonté. s’approcha, étonnée de se voir, oubliant son mari, oubliant
Munie de ces premières armes, j’en essayai l’usage : non Maxime, toute préoccupée par l’étrange femme qu’elle
contente de ne plus me laisser pénétrer, je m’amusais à me avait devant elle. La folie montait. Ses cheveux jaunes,
montrer sous des formes différentes ; sûre de mes gestes, relevés sur les tempes et sur la nuque, lui parurent une
j’observais mes discours ; je réglais les uns et les autres, nudité, une obscénité. La ride de son front se creusait
suivant les circonstances, ou même seulement suivant mes si profondément, qu’elle mettait une barre sombre au-
fantaisies : dès ce moment, ma façon de penser fut pour dessus des yeux, la meurtrissure mince et bleuâtre d’un
moi seule, et je ne montrai plus que celle qu’il m’était utile coup de fouet. Qui donc l’avait marquée ainsi ? Son mari
de laisser voir. n’avait pas levé la main, pourtant. Et ses lèvres l’éton -
Ce travail sur moi-même avait fixé mon attention sur naient par leur pâleur, ses yeux de myope lui semblaient
l’expression des figures et le caractère des physionomies ; morts. Comme elle était vieille ! Elle pencha le front, et,
et j’y gagnai ce coup d’œil pénétrant, auquel l’expérience quand elle se vit dans son maillot, dans sa légère blouse
m’a pourtant appris à ne pas me fier entièrement ; mais de gaze, elle se contempla, les cils baissés, avec des rou-
qui, en tout, m’a rarement trompée. geurs subites. Qui l’avait mise nue ? Que faisait-elle dans
Je n’avais pas quinze ans, je possédais déjà les talents ce débraillé de fille qui se découvre jusqu’au ventre ?
auxquels la plus grande partie de nos politiques doivent Elle ne savait plus. Elle regardait ses cuisses que le mail-
leur réputation, et je ne me trouvais encore qu’aux pre- lot arrondissait, ses hanches dont elle suivait les lignes
miers éléments de la science que je voulais acquérir. souples sous la gaze, son buste largement ouvert ; et elle
Vous jugez bien que, comme toutes les jeunes filles, je avait honte d’elle, et un mépris de sa chair l’emplissait de
cherchais à deviner l’amour et ses plaisirs : mais n’ayant colère sourde contre ceux qui la laissaient ainsi, avec de
jamais été au couvent, n’ayant point de bonne amie, et simples cercles d’or aux chevilles et aux poignets pour lui
surveillée par une mère vigilante, je n’avais que des idées cacher la peau.
vagues et que je ne pouvais fixer ; la nature même, dont Alors, cherchant, avec l’idée fixe d’une intelligence qui
assurément je n’ai eu qu’à me louer depuis, ne me don- se noie, ce qu’elle faisait là, toute nue, devant cette glace,
nait encore aucun indice. On eût dit qu’elle travaillait en elle remonta d’un saut brusque à son enfance, elle se revit à
silence à perfectionner son ouvrage. Ma tête seule fermen- sept ans, dans l’ombre grave de l’hôtel Béraud. Elle se sou -
tait ; je n’avais pas l’idée de jouir, je voulais savoir ; le désir vint d’un jour où la tante Élisabeth les avait habillées, elle et
de m’instruire m’en suggéra les moyens. Christine, de robes de laine grise à petits carreaux rouges.
Je sentis que le seul homme avec qui je pouvais parler On était à la Noël. Comme elles étaient contentes de ces
sur cet objet sans me compromettre, était mon confesseur. deux robes semblables ! La tante les gâtait, et elle poussa
Aussitôt je pris mon parti ; je surmontai ma petite honte ; les choses jusqu’à leur donner à chacune un bracelet et un
et me vantant d’une faute que je n’avais pas commise, je collier de corail. Les manches étaient longues, le corsage
m’accusai d’avoir fait tout ce que font les femmes. Ce fut montait jusqu’au menton, les bijoux s’étalaient sur l’étoffe,
mon expression ; mais en parlant ainsi, je ne savais, en ce qui leur semblait bien joli. Renée se rappelait encore que
vérité, quelle idée j’exprimais. Mon espoir ne fut ni tout son père était là, qu’il souriait de son air triste. Ce jour-là, sa
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Méthode
L’analyse se déroule en deux temps : 1. faire l’inventaire
objectif des composantes de la photographie, décrire l’image le
plus rigoureusement possible ; 2. interpréter ce qu’on a observé,
s’interroger sur l’impression que l’image donne et sur ses signi-
fications.
I. Identier l’image
Avant de commencer l’analyse d’une photographie, il faut
essayer d’en établir la carte d’identité. La photographie ne
s’identifie pas seulement par ce qu’elle représente mais aussi
par ses conditions de production et de diffusion : auteur, titre,
date, format, technique (photographie argentique ou numé-
rique, photogramme, etc.), lieu de diffusion (magazine, livre,
exposition).
II. Décrire précisément l’image (la dénotation)
On prendra notamment en compte :
– le format : format carré, rectangulaire horizontal (format
paysage) ou vertical (format portrait), rond, ovale ;
– le cadre : gros plan, plan poitrine, plan américain, etc. ;
– le point de vue : contre-plongée (l’appareil est plus bas Michel Houellebecq à son domicile, dans une tour
que la personne ou l’objet photographié), frontal (au même d’immeuble, Paris 13 e arrondissement, photographie
niveau), plongée (plus haut) ; de Philippe Matsas, 2015.
– les plans : du premier plan au plan lointain. Attention à la
profondeur de champ (le photographe peut jouer sur le flou et
Analysez ce portrait de Michel Houellebecq.
le net, en mettant en évidence le premier plan net, par exemple,
Quelques questions pour guider votre analyse:
sur un arrière-plan flou) ;
– la composition : lignes qui organisent l’image : elles 1. Quelle contrainte technique impose la présence d’un
peuvent être plutôt verticales ou horizontales, introduire une miroir derrière le romancier ?
idée de symétrie et de stabilité ou au contraire de désordre ;
– l’éclairage : source et nature de la lumière. Pensez qu’un 2. Quelles sont les lignes de force créées par le décor (biblio-
éclairage peut accentuer ou créer une ambiance dramatique, thèque, montant du miroir, etc.) ?
souligner les formes ; 3. Comment s’associent les couleurs ?
– Les couleurs : sont-elles chaudes ou froides, harmo-
nieuses ou contrastées, réalistes ou symboliques ? On s’inter- 4. La photographie a été utilisée avec ce cadre, mais aussi
roge aussi sur l’intérêt de la photographie en noir et blanc, avec un gros plan sur le visage de l’auteur. Quelle différence cela
qui relève du choix esthétique et non plus, aujourd’hui, de la engendre-t-il ?
contrainte technique.
5. Pourquoi le photographe a-t-il choisi de ne donner à voir
III. Interpréter l’image (la connotation) le décor de la pièce que par son reflet dans le miroir ?
Interpréter une image, c’est tenter de comprendre et d’ex-
primer ce qui est derrière, ce que sous-entend l’image. 6. Quel effet produit le regard de Michel Houellebecq ? Pour
Pour cela, il faut : répondre à cette question, vous pouvez comparer cette photo-
– faire le lien entre ce que vous avez observé et les réflexions graphie à une autre, de la même série, dans laquelle le romancier
que vous pouvez mener (ex : le jeu des couleurs suggère…, le regarde droit devant lui, sans un regard pour l’objectif.
personnage isolé au premier plan donne l’impression de…) ; 7. Quelle impression suscite la posture de l’auteur, sa manière
– être attentif à la légende : s’il y en a une, apporte-t-elle des
de s’asseoir et de fumer ?
informations qui modifient le sens de la photo ?
– faire confiance à ses émotions. 8. Que suggère la couleur de la pièce ?
Revoir
Le personnage
Lire un conte philosophique
de Jean-Pierre
: Martin
L’Ingénu de Voltaire, 1767
Méthode Il venait d’un milieu pauvre et quand des gens riches
l’invitaient, il avait l’impression de leur faire un honneur
1. On peut distinguer deux sortes d’exposés : en allant les voir. J’ai certainement hérité de cette forte
– Les exposés sur l’œuvre : il s’agit d’étudier un thème, un per- arrogance, de cet orgueil. Je le voyais peu. Mais il m’a dit
sonnage, non pas seulement sur un extrait (lecture analytique) qu’il était content de moi. Quelque chose m’a vraiment
mais sur toute l’œuvre. Ce type d’exposé prépare à l’entretien au frappé dans ma jeunesse : sa réticence physique à se mêler
cours duquel on peut vous poser des questions transversales. à un groupe. Et encore, le mot réticence s’avère faible, je
– Les exposés culturels ou informatifs : on va puiser dans parlerais plutôt de répulsion. J’ai certainement hérité de
les ressources que l’on a à sa disposition pour éclairer tel ou tel ça. Beaucoup de choses ont évolué dans les siècles précé-
point de l’œuvre. dents mais pas le rapport à la vie sociale. On lit Molière
ou Saint-Simon et c’est d’une actualité foudroyante : la
2. Pour les exposés sur une thématique de l’œuvre, il faut
microsociologie n’a pas bougé. Depuis longtemps je le
varier les points de vue. sentais arriver, mais c’est pendant ma correspondance
– Première étape : on cherche d’abord à comprendre l’inté- avec BHL que j’ai pris conscience du danger imminent de
rêt ou les enjeux de la question qui nous est posée. basculer dans cette misanthropie. Dans La Carte…, j’ai
– Deuxième étape : on relit l’œuvre en diagonale, en es- beaucoup exagéré, ça m’arrive souvent. J’ai fait du père de
sayant de faire un relevé exhaustif des extraits qui ont un lien Jed un être irréprochable professionnellement. Les rela-
avec le thème. tions humaines sont inquiétantes, pas le travail. On sait
– Troisième étape : on prend du recul, on cherche le sur- quand on fait bien. Et la pensée qu’on fait son travail de
plomb. On fait apparaître des lignes de force, on synthétise les son mieux – ça vaut aussi pour moi en tant qu’auteur – est
informations. une pensée bien réconfortante…
Application
Deuxième étape
Présentez Jean-Pierre Martin, le père de Jed Martin.
1. Commencez par essayer de vous remémorer les scènes les
Première étape plus importantes avec le père (le dîner de Noël chez Papa ? Le
1. Cherchez sur Internet des informations sur le propre père dîner de Noël chez Jed ? L’euthanasie en Suisse ? La découverte
de Michel Houellebecq et sur les relations qu’ils entretiennent. des cartons à dessins dans la maison du Raincy ?). Pourquoi vous
ont-elles marqué ? Que révèlent-elles ?
2. Lisez ces extraits de l’entretien de Michel Houellebecq
avec Nelly Kaprièlian dans Les Inrockuptibles le 8 novembre 2010. 2. Procédez ensuite à une lecture en diagonale du roman à
Pourquoi le romancier décide-t-il de placer les relations père-fils la recherche des réponses aux questions suivantes :
au centre de son roman ? – Quel est le métier du père de Jed ? Quelle a été sa car-
rière ? Comment appréhende-t-il sa retraite ?
– Quel père a-t-il été pour Jed ? S’est-il beaucoup occupé de
J’avais envie de revenir sur cette relation qui représente lui quand il était enfant ? Et quand le roman commence, quelles
pour moi l’essentiel du livre. C’était important de parler de
sont leurs relations ?
mon père : je découvrais chez moi ses propres caractéris-
– Quel mari a-t-il été ? Quelles ont été ses relations avec sa
tiques, en particulier le grand bonheur à passer des heures
femme, la mère de Jed ?
en voiture sur une autoroute. Mon père a fini par s’acheter
un camping-car pour ne plus avoir à sortir de l’autoroute – Pourquoi a-t-il acheté la maison du Raincy ?
pour dormir. J’ai senti que cela me gagnait, et du coup ça a – Quel était son rêve quand il était jeune ?
réactivé un truc qui m’avait jusque-là peu marqué dans ma Troisième étape
carrière littéraire mais qui m’impressionnait quand j’étais Organisez votre exposé selon un plan :
jeune : le destin. Dans le livre, Jed, quoi qu’il fasse, finit par – Réfléchissez aux caractéristiques essentielles du père de
ne plus s’intéresser qu’au travail, comme son père, même Jed. Pour son fils, il s’est toujours défini comme un homme d’af-
s’il a pleinement conscience que celui-ci a raté sa vie. C’est faires consciencieux, un architecte sans âme, juste capable de
un thème fondamental de la tragédie grecque : on tombe faire des stations balnéaires clés en main. C’est ainsi que Houel-
fatalement dans ce qu’on a voulu fuir, quels que soient les lebecq le définit : « un être irréprochable professionnellement »
efforts pour l’éviter. Le destin est une idée très déplaisante,
(et non un artiste).
effrayante même, mais forte car elle a une part de justesse.
– Montrez ensuite ce que cet homme cache, ou révèle pro-
[...]
gressivement. Allez du plus évident au plus subtil.
L’écriture manifeste peut-être une forme de liberté par
– Enfin, puisque Houellebecq évoque la figure du « destin »,
rapport au destin. Mon père était bizarre. Avec le recul, ce
qui me frappe le plus chez lui, c’est une espèce d’arrogance. demandez-vous en quoi Jed ressemble à son père, sur quels
motifs s’établit la filiation.
Le Corbusier
Troisième étape
Rappel Commencez vos recherches. Comment procéder ?
On peut distinguer deux sortes d’exposés : – Choisissez les bons mots-clés : on s’intéresse plus aux
– les exposés sur l’œuvre : il s’agit d’étudier un thème, un œuvres de Le Corbusier ou à ses principes qu’à sa vie.
personnage, non pas seulement sur un extrait (lecture ana- – Ayez un regard critique. Ce n’est pas la peine d’ouvrir
lytique) mais sur toute l’œuvre. Ce type d’exposé prépare à toutes les pages : par exemple, on ne consultera pas les pages
l’entretien au cours duquel on peut vous poser des questions sur les cités scolaires Le Corbusier (même si on peut toutefois
transversales ; noter que c’est un architecte suffisamment important pour
– les exposés culturels ou informatifs : on va puiser dans les qu’on donne son nom à des établissements scolaires). Peut-
ressources que l’on a à sa disposition pour éclairer tel ou tel être est-ce une bonne idée de commencer par les sites « grand
point de l’œuvre. public » et d’aller voir ensuite les sites plus spécialisés. Par
exemple, on pourrait commencer par les deux journaux d’infor-
mation (20 minutes et Le Figaro) et finir par les deux sites dédiés
à Le Corbusier, même si ces derniers apparaissent en premier.
– Notez systématiquement toutes les adresses des sites
Méthode consultés (il faut être particulièrement attentif quand on clique
Pour préparer un exposé informatif, il est nécessaire de faire sur des liens hypertextes). Pour cela, il est recommandé d’ouvrir
des recherches : une page texte en parallèle de votre fenêtre Internet et d’y indi-
– pour mieux comprendre le roman ; quer systématiquement les adresses des sites consultés.
– pour répondre à des questions lors de l’entretien ; – N’hésitez pas à faire des copier-coller. Vous sélectionne-
– pour enrichir sa culture générale. rez ensuite : l’objectif, c’est d’obtenir une synthèse qu’on puisse
La recherche doit être liée à votre lecture du roman. mémoriser.
Par conséquent, il faut d’abord interroger le roman, avant Quelques sites que vous pouvez consulter :
de se documenter. • https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Corbusier
Première étape • www.fondationlecorbusier.fr
Relisez l’œuvre en diagonale et relevez les passages où sont • https://www.sites-le-corbusier.org/fr/
évoqués les thèmes sur lesquels vous êtes interrogé. • Le site d’informations 20 minutes :
Deuxième étape https://tinyurl.com/y9be5t7s
Cernez le sujet : analysez en quoi une bonne connaissance • Le site d’informations Le Figaro :
de ces thèmes peut vous ouvrir une nouvelle porte d’accès au https://tinyurl.com/y89pfub5
roman. Organisez votre présentation.
Troisième étape Pour classer vos informations et construire une synthèse
Commencez vos recherches. que vous pourrez mémoriser, vous pouvez ensuite présenter le
fruit de vos recherches sous la forme d’un tableau :
Une fois le tableau constitué, il s’agit de repérer les éléments Troisième étape
d’interprétation qui vont dans le même sens, les lignes de force, Construisez le plan à partir de votre tableau : à l’aide de
qui vont constituer les axes du commentaire. plusieurs surligneurs, faites apparaître les lignes de force de
votre analyse.
Revoir
II. Un homme qui a eu des rêves sorte ; et des immeubles d’habitation à peu près identiques, avec
Pourtant, ce personnage d’hommes d’affaires englué dans le réel, quelques fonctions supplémentaires – garderie, gymnase, piscine ;
qui semble antithétique de Jed, l’artiste, a lui aussi eu des rêves. entre les deux, des voies rapides ». « Pour lui l’humanité devait se
1. Jean-Pierre Martin est un homme amoureux : il a été profondé- limiter à des modules d’habitation circonscrits au milieu de la
ment amoureux de la mère de Jed. S’il n’a pas eu d’autres femmes, nature, mais qui ne devaient en aucun cas la modifier ». « C’était
ce n’est pas parce qu’il n’en a pas eu le temps mais parce qu’il n’en a la vision d’un esprit brutal, totalitaire. Le Corbusier nous parais-
pas eu le désir (« Je n’ai connu aucune autre femme… » dit son père sait un esprit totalitaire et brutal, animé d’un goût intense pour
d’une voix atone. « Aucune autre, absolument. Je n’en ai même pas la laideur ; mais c’est sa vision qui a prévalu, tout au long du xx e
éprouvé le désir », p. 228). C’est donc un homme de sentiments qui siècle ». Houellebecq y revient p. 234, toujours à travers le regard
a également aspiré à une vie de famille épanouie. C’est dans ce but critique du père. « Nous y défendions l’idée qu’une société com-
qu’il a acheté la maison du Raincy (« où il avait essayé, ne serait-ce plexe, ramifiée, aux niveaux d’organisation multiples, comme celle
que quelques années, de construire une vie de famille », p. 387). proposée par Fourier, allait de pair avec une architecture complexe,
2. « Je voulais être un artiste », p. 230. L’homme d’affaires a eu des ramifiée, multiple, laissant une place à la créativité individuelle.
rêves artistiques. Sa conception de l’architecture va à l’encontre Nous y attaquions violemment Van der Rohe – qui fournissait
du fonctionnalisme et des théories de Le Corbusier. Les dessins des structures vides, modulables, les mêmes qui allaient servir de
que découvre Jed révèlent une « fuite en avant dans l’imaginaire » modèle aux open space des entreprises – et surtout Le Corbusier,
(« son père n’avait jamais cessé de vouloir bâtir des maisons pour qui bâtissait inlassablement des espaces concentrationnaires, divi-
les hirondelles », p. 392). sés en cellules identiques tout juste bonnes, écrivions-nous, pour
III. L’absence de communication une prison modèle ». « Interdit que Le Corbusier avait fait peser sur
Jed ne découvre cet aspect de son père qu’au moment de sa mort : toute forme d’ornementation » (p. 239) en rupture avec les dessins
durant la conversation de Noël (p. 225 sqq.) et à l’ouverture des du père, p. 392, qui ne cesse de « vouloir bâtir des maisons pour les
cartons au Raincy après sa mort (p. 387 sqq.). hirondelles ».
1. La communication est impossible avec son père. Le silence – Sur Dignitas : « avait son siège dans un immeuble de béton blanc,
s’impose dans presque tous les dîners qu’il partage avec son fils d’une irréprochable banalité, très Le Corbusier dans sa structure
(« rien n’indiquait qu’il souhaitât rompre un silence qui se prolon- poutre-poteau qui libérait la façade et dans son absence de fio-
geait », p. 51). Jed en vient même à envisager de louer les services riture décorative, un immeuble identique en somme aux milliers
d’une escort girl qu’il ferait passer pour sa femme. Au moment où d’immeubles de béton blanc qui composaient les banlieues semi-
Jed s’apprête à devenir artiste, son père lui donne un conseil (lié à résidentielles partout à la surface du globe » (p. 363).
sa propre histoire ? À ses échecs ?), mais sans l’expliquer. Il le pré- – P. 389 : « cette unité fonctionnelle d’habitation humaine » : reprise
sente comme un fait qui ne se discute pas. Ils sont devant le Tour de parodique du discours de Le Corbusier.
France : « Ce qui marche le mieux, ce qui pousse avec la plus grande Deuxième étape
violence les gens à se dépasser, c’est encore le pur et simple besoin 1. À quoi ressemble un bâtiment Le Corbusier ?
d’argent », p. 72. – béton ;
2. Pourtant s’établit une ressemblance entre les deux : entièrement – poutre-poteau ;
dévoués à l’art, incapables de mener à bien leur relation amou- – aucun ornement.
reuse. Jed pense d’ailleurs à son père au moment où il quitte Olga, 2. Un discours à charge contre Le Corbusier :
p. 258. – dimension politique : totalitarisme (idéologie unique, contrôle de
3. Le rôle de la littérature serait-il de créer du lien ? De bâtir la la vie économique comme de la vie intime) ;
mémoire de cette relation ? Jed en tant qu’artiste essaie de fixer – dimension esthétique : blocs de béton sans aucun ornement.
ce qui va disparaître. Non pas changer, expliquer, modifier (vs. psy- Pourtant, le roman reconnaît que Le Corbusier, au-delà des bâti-
chanalyse) mais fixer. Finalement, La Carte et le Territoire serait un ments qu’il a lui-même construits, a eu une énorme influence sur
imposant roman sur des individus qui ne peuvent pas parler. le xx e siècle. Il y a là un paradoxe à expliquer. Peut-être ne peut-on
comprendre ce qui semble contradictoire que par une vision plus
objective ? Il faudrait écouter l’autre côté !
FICHE 3 3. Qui tient ce discours ?
– Le père d’abord : il s’est opposé à Le Corbusier à ses débuts et
Le Corbusier a défendu une conception différente de l’architecture. Son oppo-
Première étape sition à Le Corbusier contribue à rendre son portrait émouvant.
– P. 66 : implicite : « Il [J.-P. Martin] était responsable en cas de dys- Derrière l’homme d’affaires froid, il y a un doux rêveur, un idéaliste.
fonctionnement grave de la machine à habiter – si un ascenseur – Parfois pris en charge par le narrateur avec une focalisation
s’effondrait, ou si les toilettes étaient bouchées par exemple » interne : regard de Jed. Manière dont il se met à ressembler à son
– P. 231 : rêves de J.-P. Martin. « Le courant dominant quand j’étais père ? Peut-être aussi manière de Houellebecq de se moquer (cf.
jeune était le fonctionnalisme, à vrai dire il dominait depuis plu- le bâtiment qui pratique l’euthanasie dans un bâtiment style Le
sieurs décennies déjà, il ne s’était rien passé en architecture depuis Corbusier).
Le Corbusier et Van der Rohe. Toutes les villes nouvelles, toutes les Quelle est la part de réalité dans ce qui est dit sur Le Corbusier ?
cités qu’on a construites en banlieue dans les années 1950 et 1960 Quelle est la part d’instrumentalisation narrative (joue un rôle dans
ont été marquées par leur influence ». Cette référence se poursuit le portrait du père et aussi dans la conception de la relation père-
ensuite. « Ce qu’il [Le Corbusier] imaginait pour l’homme, c’était des fils) ? Il faut faire la part des choses et essayer d’obtenir une vision
immeubles de bureaux, carrés, utilitaires, sans décoration d’aucune objective du travail de Le Corbusier.
Troisième étape
FICHE 4
Le portrait de Patrick Forestier (1)
Première étape
1. Un portrait.
2. Un cadre, qui travaille chez Michelin.
3. Un portrait subjectif, satirique, qui se moque du personnage.
4. Ils n’ont pas grand-chose en commun. Ils ne se comprennent pas bien.
Deuxième étape
« c’est peu de dire qu’il rayonnait » Litote En dire peu pour signifier beaucoup : rayonnement excessif, manque
de sincérité. À noter : focalisation interne (regard de Jed sur Forestier)
➞ regard minimaliste, sobriété (emploi récurrent de la litote).
« J’avais confiance… J’ai toujours – Discours direct – PF aime parler (vs. Jed).
eu confiance ! » – Ponctuation expressive – Voix forte : théâtralité de la parole comme du geste
– Répétition – Effet d’insistance. Manque de sincérité.
« au minimum exagéré » Litote Dénonce l’hypocrisie de PF. Il parle de « confiance », mais il est en train de
proférer un mensonge.
« Maintenant... il va falloir transfor- – Ponctuation expressive – Manière de ménager des effets.
mer l’essai » – Métaphore sportive – Travail d’équipe : quel est son rôle ?
« il agita ses bras » Verbe d’action au passé simple Dynamisme ; cohérence par rapport à la métaphore sportive qui précède
« Asseyez-vous » Impératif PF se voit plutôt comme un chef d’équipe.
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mars 2018
nrp
Nouvelle Revue Pédagogique
hors
N° 30 / 13,95 e / ISSN 1764–2116
www.nrp–lycee.com
Éditorial
La Carte et le Territoire,
de Michel Houellebecq
Par Anne Cassou-Noguès,
professeure agrégée de lettres modernes
Un auteur polémique
Incontestablement, le choix de ce hor
Houellebecq fera grincer des dents. Tantôt
pédophilie, dans Plateforme, tantôt taxé d
mission, souvent considéré comme déprimant
est tout sauf consensuel. Pourtant, il nou
La Carte et le Territoire avec des élèves
Si Michel Houellebecq est sans doute
de la France du xxie siècle, il est aussi
En effet, il n’a pas seulement obtenu le p
joue désormais sur plusieurs terrains (écr
tion). C’est surtout un personnage. Son ph
est reconnaissable entre tous ; sa parole,
matiquement provocatrice, est toujours sou
de commentaires enflammés. Certains élèves
connaître jusqu’à ce qu’ils le reconnaisse
tristement célèbre numéro de Charlie Hebdo
dier une de ses œuvres, c’est apprendre à
ce qu’il écrit et non pour son jeu avec le
ter nos jeunes, que l’on dit si familiers
sociaux et l’information en continu, à exe
De plus, Michel Houellebecq a le méri
qui parle du monde contemporain et met en
nages de notre société. Mû par une ambitio
cherche, comme les auteurs du xixe siècle
à faire le portrait de la société dans laq
celle dans laquelle sont plongés nos futur
Sommaire
Étapes
Découvrir le
roman
Analyser le roman
Problématique :
Michel Houellebecq
est-il un
personnage de
roman au même
titre que Jed
Martin ?
Étude de corpus
Séquence
complémentaire :
le personnage
de roman, entre
humanité et
monstruosité
Crédits photographiques :
Couverture : Michel Houellebecq à son domi
6 : Reuters/Hannah McKay ; 8 : Leemage/Pho
D.R. ; 13 : Coll. Christophel/© No Money P
22 : Leemage/Photo Josse ; 25 : Leemage/De
31 : Leemage/Opale/Philippe Matsas.
Séance 1
Objectif
00 Découvrir un auteur singulier.
Support : L’entretien de Michel Houellebe
Trapenard sur France 24 : https://tinyurl
➔➔Éléments de réponse
1. Houellebecq surprend les élèves, q
toujours. D’une part, son débit est très l
rence est peu soignée. Sa chemise à carrea
on voit sa parka négligemment posée sur sa
en velours rappelle la tenue qu’il porte q
première fois à Shannon (p. 157). L’ensemb
comprise, est devenu une sorte de symbole
de sa provocation.
En complément, on peut commenter avec
tographies de Michel Houellebecq arrivant
pour recevoir le prix Goncourt. On retrouv
le même mépris du qu’en-dira-t-on.
De plus, les élèves seront peut-être
romancier. Si Jasselin estime dans le roma
Houellebecq « ne se prenait pas pour de la
teur affirme clairement qu’il était temps
court et qu’il contribue à la bonne santé
encore, il s’agit de se moquer des convena
polie et attendue. Michel Houellebecq affi
conventions et son anticonformisme.
On peut compléter cette première impr
autobiographie, que les élèves pourront co
On peut insister sur plusieurs points. Tou
l’enfance troublée de Michel Thomas (le vr
lebecq) et ses relations conflictuelles av
donnent chez ses grands-parents. Houellebe
de jeune fille de sa grand-mère paternelle
le fait que Michel Houellebecq est ingénie
qu’il a exercée pendant plusieurs années.
Séance 2
découvrir le roman
Objectifs
00Cerner les enjeux essentiels du roma
intégrale.
Support : Le roman tout entier.
Durée : 1 heure (pour la reprise en cl
Partie
Repère tem
du roman
« Début octobre
« Pendant presq
6 mois » (p. 87
« début du mois
28 janvier (p.
« dimanche 28 j
(p. 127)
Plusieurs semai