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CCHAPETRE: PREMIER LE DESIR MIMETIQUE A. MIMESIS DAPPROPRIATION EF DESIR MIMETIQUE R. G. : Jusquiiel nous n'avons pas soufflé mot de ce qui ‘vous intéresse directement. Nous avons a peine prononeé Te mot désir. Nous n'avons parlé que des interférences osnétiques guise geen urls apes et Berne de vie GL: A cause des connotations ineffables qui satta: chent a lui dans le monde moderne, Je mot désir ne pouvait que vous géner. Je suppose, toutefois, que votre definition du désir va reposer elle aussi sur les interfé- yencet du mimetisme avec les montages insinctcls de RG. : Oui. Tl faut refuser an désit humain la spéci chté trop absolue que lul confére encore la psychanalyse fet qui interdit tout tralternent scientifique. Chez les animaux, déja, les interferences mimetiques te greffent sur les appétits et les besoins mais jamais au méme degré que chez les hommes, Le desir fait certainement partie de ces phénoménes proprement humains qui ne 401 ruvent apparite quaudela un certain seul mimé tique. J-M. 0. : Ce qui est vrai de 'anthropologie entire est nécessairement vrai du désir. Si vous refusez celui-ci lune spécificité absolue, vous Tefusez aussi de voir dans Thomme un animal comme les autres, avec les éthologis- {es ou les behaviorstes. Iya une spiciiié relative du R. G. : Cela ne veut pas dire que le franchissement du seuil dhominisation ecincide “avec Tappariion. un desir comparable @ celui que nous observons autour de ‘ous et en nousmemen, comme, cher Hegel ou chet Freud. Pour quill y ait désir dans fa seule acception qui ‘nous est accessible, la ndtre, il faut que les interferences ‘mimétiques portent, non plus directement sur les ins- tinets et les appetits animaux. mais sur un terrain radi calement modifié par thominisation, autrement di par action accumulée diinterférences mimétiques et de refontes symboliques innombrables. Toute ls paychologie dite normale, tout ce qui nous constitue en tant qu’étres humains sur le plan dit psychique, doit relever du travail infiniment lent, mais en détinitive gigantesque, des désor- ganisations et rcorgenisations mimeligues, ces devnicres Seffectuant § un niveau de complexité grandissante. I ‘est dans Ia logique de notre hypothése de penser que la symétrie rigoureuse des partenaires mimétiques, au parorysme de rivalités en cllenmémessteriles et destruc: trices, mais rendues fécondes par le rituel qui reproduit Ge_paroxysime dans un esprit de solidarite craintive, doit engendrer peu a peu chez les hominiens, et l'apti- tude a regarder autre comme un alrer ego et la faculté corrélative de dédoublement interne, reflexion, cons- sience, ete. JoM. 0. : Ce que nous venons de dire ne suffit_ pas encore a situer ce quion appelle le désir. Les sociétés 402 religicuses & armature rigide répartissent, on ta dit et edit, les appétits et tes besoins des individus dans des directions divergentes; elles préviennent, de ce fait, le jeu non controle des interferences mimétiques. Je'ne ‘eux pas dire, assurément, que le phénomene appelé par ous désir nexiste pas dans les sociétés primitives, La definition du terme est trop vague, de toute facon, pour permettre des catégorisations rigoureuses. On peut Quand méme affirmer que, pour fermenter et proliférer comme elle Ie fait dans le monde moderne, la chose obscure quiest le désir doit exiger une attenuation des interdits et des diflérences qui ne se produit pas. en régle générale, dans les sociétes religicuses. B. DESI MIMETIQUE ET MONDE MODERNE R.G.: Autour du désir abondent Jes connotations conflictuelles, compétitives et subversives qui expliquent et le succes et Finsuccés extraordinaires du mot et de la chose dans univers moderne. Pour les uns, la prolifera- tion du désir est associée a une désagrégation culturell quils déplorent, a Taplatissement general des hierarchic naturelles», au naufrage des valeurs les plus respecta- bles. Aux ennemis du désir dans notre univers s‘opposent toujours ses amis et les deux camps se condamnent réciproguement au nom de Yordre et du désordre, de la réaction et du progres, de l'avenir et du passé, etc. Cest Ia, bien sz, une vision simplifie d'un état de Gieses extremement complere: Continent ce wimaginent toujous les «ennemis> du désir, notre Gnivers ae révele capable dabsorber I= iniffrencia: tion» a hautes doses. Ce qui aurait agi sur d'autres societés comme un poison fatal en provoquant un embal- lement de Ia rivalité mimetigue peut saccompagner, 403 ‘certes, dans notre société, de convulsions assez épouvan- tables’ mais qui jusquici se sont révelées passageres. Le monde moderne non seulement s'en est relevé mais en a firé comme une force nouvelle qui lui permet de s'¢pa- nouir a nouveau sur une base toujours plus « modeme », cestacdire toujours plus slargie, toujours plus apte 3 absorber et a assimiler des éléments culturels et des populations qui étaient resiées jusqu’alors en dehors de son orbite. J-M. 0. : Tout ce qui fait de notre univers le plus Gnergique et le plus eréateur qui fit jamais, sous le rapport de l'art, de la politique, de la pensée et surtout de Ia science et de la technologie, tout ce qui a fait dlabord Ia fierté extraordinaire de ce monde, son senti- ment invincible supériorité, et fait désormmais aussi, de plus en plus, son angoisse, repose indubitablement sur la slibération + du désir mimétique. R.G.: A longue échéance, le pessimisme des «réac- tionnaires» nvest jamais vérifié, mais I'« optimisme » des révolutionnaires ne Test pas non plus. L’épanouissement humaniste quils attendent d'un desir enfin pleinement libéré ne se vérifie jamais. Ou bien leur libération se fait canaliser dans des directions concurrentielles toujours inguiétantes, ou bien elle n’aboutit quia des luttes steri- les, une anarchie confuse, des angoisses toujours agara- vées. EL pour cause. Les modernes s'imaginent toujours que leurs malaises ‘et leurs d&boires proviennent des entraves quoppasent au désir les tbous religieux, les interdits culturels, et ‘méme de nos jours les protections légales des systemes judiciaires. Une fois ces barrieres renversées, pensent-ils, le désir va s'épanouir; sa merveilleuse innocence va cenfin porter ses fruits. Ce mest jamais vrai. A mesure que le désir élimine les obstacles extériewrs, savamment disposés par la société traditionnelle pour’ prévenir les contagions du désit, 404 Yobstacle structure! suscité par les interférences miméti- ‘ques, Yobstacle vivant du modéle immédiatement méta- morphosé en rival se substitue fort avantageusement, ou pluidt désavantageusement, 4 linterdit defaillant. Au liew de cet obstacle inerte, passif, bénévole et identique pour tous, done jamais vraiment humiliant ou taumatisant, ‘que leur opposaient les interdits religieux, les hommes, de plas en plus, ont affaire a obstacle actif, mobile et feroce du modéle métamorphosé en rival, un obstacle activement intéressé & les contreearrer personnellement et merveilleusement équipé pour y réussir. Plus les hommes croient réaliser leurs utopies du dési ‘en somme, plus ils erabrassent leur idéologies libératri- ces, plus ils travaillent, en réalité, au perfectionnement de Tunivers concurrentiel au sein duquel ils étouffent. Mais loin de s'aviser de leur erreur, ils continuent de plus belle et confondent systématiquement obstacle externe de Finterdit avec Fobstace interne du partenaire ‘mimétique. Us ressemblent aux grenouilles mécontentes de ce roi soliveau que leur a envoyé Jupiter, et qui, & force dimportuner les dieux par leurs criailleries, sont de plus en plus exaucées par eux. La meilleure fagon de chatier les hommes, clest de leur donner toujours ce quils réclament. ‘Au moment méme of lex derniers interdits seflacent, dinnombrables intellectuels continuent & parler deux comme sils étaient de lus accablants. Ou alors ils remplacent le mythe de Finterdit par celui d'un «pouvoir» omniprésent et omniscient, nouvelle tradue- tion mythique des stratégies mimétiques. GL: Vous allez vous faire traiter une fois de plus abominable réactionnaire, R G.: Ce serait fort injuste. Je trouve absurde de réclamer & cor et a cri la libération d'un désir que personne ne contraint, mais, je le redis une fois de plus, Je trouve plus absurde encore de réclamer un retour 405, impossible & la contrainte. A partir du moment od les formes culturelles se dissolvent, tout effort pour les reconstituer artifiiellement ne peut aboutir qulaux pls sanglantes abominations Je crois quil faut refuser de se payer de mots, Il faut rehuser tous les boucs émissalres que Freud et le freu- dlisme nous proposent, le pete, la loi, etc. Ml faut refuscr les boues émissaires que Marx nous propose, les bour- feois, les capitalistes, ete I faut refuser les boues és sairet que Nietzsche nous propose, la morale des escla- ves, le ressentiment des aures, ele. Le moderisme classique dans son ensemble, Mars, Nietasche et Proud fu premier rang, ne font jamais que nous offrir des boues émissaires en demiere analyse equivalents Si, individuel- lement, chacun de ces penseuts retarde Ia revelation plénitre,collectivement ifs ne peuvent que préparer son Svénement, celui de la victime omniprésente, toujours encore diflérée par des procédes sacrificiels gai sont en vie d'épuisement eux aussi car tls sont de plus en plus Uansparents, de moins en moins effcaces, de plus ex plus redoulables. done, sur le plan des. consequences politiques et sociologiques immédiates : pour restaurer Jeur efficacté, les hommes sont toujours tentés de raul- tiplier les victimes innocentes, de tuer tous les ennemis, de Ia nation ou de la classe d'ancantirviolemment ce qui reste de la religion ou de la famille jugées responsables, de tous les «refoulements, de proner le meurire et la folie comme seuls vraiment « iberateurs > Toute la pensée moderne est faussce par une mystique de la transgression dans laquelle elle retombe meme quand elle veut jui échapper. Chez Lacan, le désir ont instauré por la loi. Méme les plus audacieux, de nos Jours, ne Feconnaissent pas Fessentiel qui est Ia fonction protectrice de Tinterdit face aux conflits que provoque inévitablement le desir. Tls auraient peur, en effet, de passer pour des « réactionnaires >. Dans la pensée’qui fous domine depuis eeat ans, tne faut jamais oublier Ia peur de passer pour naif et soumis, le désir de jouer au 06 plus affranchi, au plus révolté, désir quill sufflt de Matter our faire dire aux penseurs modemes a peu prés Wimporte quel. C. CRISE MIMENOUE ET DYNAMISME DU DESIR LM. 0, : Le desir a maille & partir avec tout ce que représentent les préparations rituelles, en particulier les fates et les épreuves des rites de passage. Lui aussi peut se définie comme processus dindilferenclation mimét ue il resemble a effondrement confictuel qui débou- che sur le mécanisme de ré-unifcation vietimaire, celul ue reproduisent les rites. Jamais, toutefois, les proces: Sus du désir ne debouchent sur Temballement collectit dui caractérise les productions rtuelles; jamais ils ne se terminent par Yexpulsion spontance. R. G. : Le désir appartient & un univers qui ne dispose ni des acces épidemiques terribles mais rapides qui caractérisent les sociétés primitives, ai, en dehors de ces crises, de la paix cathartique entretenue par les rites de la violence, Le désir est endémique plutot qu'épidémi- que; cest T'état qui correspond, non a des crises mimé- Bigues telles qu’elles se produisent dans les sociétés primitives, mais 4 quelque chose qui est la fois semblo ble et tres différent, ié & Taffaiblissemnent durable de la violence fondatrice dans notre univers, pour les raisons que nous avons essayé de décrire hier ; le texte judéo- chrétien produit un effet de subversion ralenti et tem- péré par la lecture sacrificielle qu’en donnent les Eglises Le dynamisme du desir est done celui d'une crise mimé- tique démubipliée, chez les individus et dans Vhistolre, Le désir, c'est ce qui arrive aux rapports humains quand il n'y a plus de résolution victimaire, et done plus 407 de polarisations vraiment unanimes, susceptibles de déclencher cette résolution ; ces rapports nlen sont pas moins mimétiques, et nous allons retrouyer sous la forme « souterraine » et parfois trompeuse des sympt- mes individuels, le style dynamique de la crise sacrifi- cielle, mais qui cette fois, faute de résolution victimaire et rituelle, debouche sur ce quion appelle Ia psychose. Le désir, c'est la crise mimétique elle-méme, la rivalité ‘mimétique algué avec Vautre, dans toutes les entreprises dites « privées » qui vont de Yérotisme A Vambition pro- fessionnelle ou intellectuelle; cette crise peut se stabil ser & des hauteurs trés diverses suivant les individus mais toujours elle «manque» de catharsis et dexpul- JM, 0. Le desis, en somme, Deurit de pluy en plus dang la socite of fs ressourcss cathortiques spuivent Samats, In socite of le seal mecaname qui pourra es tenance once de molten mone hen Meme test par une invention speciiguement modeme, Cest dans In vie modeme que le desit s€panoui, ou plat i pancutt comme moderne et cest' la lumitre de ce toderme, bien str, que novsreisons en termes de desir toutes sortes de phnomenes qui ne relevent peuretre Das encore tout fit de at ‘Yous poses le désit a pro’ de fagon quasi déductiv. Buant donne. quil exe un tongs, le notre, oles mécanismes cultrels sont expores a subversion lente tas inexorable dun judeochreuen temporairement fre nls ese mimétgue doit etre vsoue de fagon larvée par hague individu dans ses rapports avec les auties Vous ‘ous payes le lune, en tomo; de dni le deer avon de Ie dechive, On va tous accuser dure top systematique et speculalfoin deviter ce reproche, vate vous y prsien ous fates tout pour Liorter atin sue la pussance de a Setiniton devienne manifest ins que ron aptitude & Produire tour lov avntary du desir, tous les symaplomes Pavchopathologiques, comme ‘moments successifs din 408 processus continu engendré par cette definition elle- méme, par le seul dynamisme, comme toujours, des Interférences mimétiques. RG. :Je pense qu’en procédant de fagon quasi déduc- tive & partir de la définition, nous allons retrouver dans Ire de gravité croissante et sous des formes qui ‘montrent clairement comment et pourquoi ils se combi- nent, se chevauchent et senchevétrent, tous les grands symptémes grossigrement découpés par une psycho- pathologie jamais sire ni de ses méthodes ni de ses perspectives. ‘Ad stade actuel, bien sir, la démonstration générale reste mon souct majeur: cest pour la renforeer que Jaborde le desir de la fagon que vous dites, en posant Thypothese en premier ley, approche paradonale assure: ment, puisque Thypothése ne joue fond que pour les sociéies primitives, et Cest son lent retralt, ie, qui determine toute chose. G. L.: Si vous pouvez ramener d'un seul coup dans le filet mimétique tout ce que la psychopathologie n'a jamais vraiment réussi a saisie ai a comprendre, c'est ‘dans toutes les sclences de Thomme que votre hypothése aura montré sa pertinence. RG. IMfaut montrer quil ya une logique propre a la méconnaissance suscitée par les premieres interferences Tmimétiques, et cest une logique de exasperation et de aggravation. Cette logique gouverne non seulement le desir mais les interpretations du desir dans notre uni- vers, psychologiques, poétiques, psychanalytiques, etc; elle pousse les individus et les communautés vers des formes toujours plus pathologiques de ce désir; ces formes sont ellesmémes de nouvelles interprétations, D, MIMESIS DAPPRENTISSAGE EF MIMESIS DE RIVALITE, RG. : Comme toujours, i faut remonter & ce qu’on pourrait appeler le mimétisme primaire. Ce mimétisme he peut manquer de susciter des conflits, Il est done redoutable mais il est également indispensable. Ce qui est vrai de la culture dans son ensemble [est également de chaque individu. Personne ne peut se passer de Vhypermimetisme humain pour acquérir Jes comporte- ments culturels, pour s‘insérer correctement dans la ‘culture qui est la sienne G. L : Cest sur le mimétisme que repose tout ce que nous appelons apprentissage, éducation, initiation. JeM. 0. : Nous 'avons déja dit a propos des animaux; Rous savons que est vrai également pour homme. La preuve cest que, dans Tapprentissage du langage, par exemple, les sourds de naissance narrivent que’ tres jcllement @ reproduire certains sons de leur langue maternelle. RG: Sil n'y a rien pour la guider, Ja tendance mimétique va s‘exercer sur toutes les conduites humai- nes indifferemment. Lienfant nest pas a méme doperer les distinctions nécessaires entre les conduites non acqui- sitives, celles quill est bon d'imiter, et les conduites acquisitives, celles dont limitation va susciter la rivalité, Pour peu quion y réfléchisse, on sapersoit diailleurs quaucune distinction objective, aucune systematisation universelle n'est possible entre les conduites « bonnes & limiter» et celles qui ne le sont pas, Prenons, si yous voulez, un exemple trés simple, celui du maitre et de ses disciples. Le maitre est ravi de voir les disciples se multiplier autour de lui, il est ravi de se 410 voir pris comme modéle. Néanmoins, si limitation est trop paral, sl Mmitaeur menace de surpasier le modéle, voila le maitre qui change systématiquement diatiude ec commence 4 se montrer mefiant, jalous, hostile, Hl va faire tout ce quit pourra pour déprécier le disciple et le décourager. Le disciple n'est coupable que d’atre le meilleur des disciples. Il admire et respecte le modéle ; sans cela, en ‘effet, il ne Taurait pas choisi pour modéle. Forcément done il manque de ce « recul » qui permettrait de mettre ce qui lui arrive «en perspective ». Tl ne reconnaft pas dans le comportement du modéle les signes de la rivalité. Cest diautant plus difficile que Je modéle travaille a enforcer cet aveuglement. Il dissimule de son micux Ia vraie raison de son hostilité Ge n'est ici qu'un exemple, bien sir, du double bind inextricable de Timitation qui se retourne contre Fimita- eur alors que le modéle et la culture entiére Finvitent expressément 4 imiter. Dans les societés archalques, les entrecroisements di terdits et les compartiments quiils délinissent opérent office la répartition des objets disponibles entre les membres de la culture; on a limprestion que, si cétait possible, certaines cultures élimineraient entierement te choix individuel et avec lui les occasions de convergence mimétique et de eivalité Dans la société contemporaine, de plus en plus, cest la situation inverse qui prévaut. Non seulement il n'y a plus de tabous pour interdire a celuici ce qui est réservé & celubla, mais il n'y a pas de rites initiation pour prépater les individus aux épreuves inévitables de la vie en commun. Au liew davertic enfant que les mémes conduits imitatives seront tant6t applaudies et encoura- fgées, tantot au contraire découragées, et qu'on ac peut prévoir les résultats ni en fonction des seuls modeles, ni ‘en fonction des seuls objets, education modeme croit résoudre tous les problemes en pronant la spontaneite naturelle du désir, notion proprement mythologigue. au It ne faut pas reculer, ici, devant un certain schéma- tisme. Il faut_d'abord presenter la situation dans son universalité. En supprimant toutes les barriéres a Ja sliberte » du désir, la société moderne concrétise cette Uuniversalité; elle place toujours plus d'individus, des leur plus tendre enfance, dans la situation la plus favorable au double bind mimétique. Comment Tenfant sauraitl, uisque personne n’en souffle mot, que toute son adap: fation repose sur deux obligations contradictoires et également rigoureuses quil est impossible de dépariager ‘objectivement et dont il n'est jamais question nulle part. La preuve de ce silence, c'est qu’aujourd'hul encore, le problame demeure informulé, méme au niveau des plus hhautes instances psychologiques et pédagogiques, Pour qui y ait double bind mimétique au sens fort, il faut un sujet incapable d'interpréter correctement le double impératif qui vient de Yautre en tant que modale — imitemoi — et en tant que rival — ne mimite pas. E. Le -poume sip. be GREGORY BATESON G. L: Vous recourez fréquemment a expression de double bind, empruntée a la théorie de la schizophrenic developpée par Gregory Bateson. Cela ne veut pas dire, bien entendu, que votre hypothése pulsse sinscrire dans le cadre de la théorie de la communication, RG. : Bateson rapporte la schizophrénie & un double ‘message contradictoire que Tun des deux parents, pres: ue toujours Ia mére dans les exemples qu'il nous propose, émettrait perpétuellement en direction de l'en- fant. [ly a des meres, par exemple, qui parlent le Jangage de Tamour et du dévonement le plus total, qui ‘multiplient les avances au niveau du discours mais qui, a2 chaque fois que leurs eifants répondent a ces avances, font preuve, inconsciemment, d'un comportement qui les repousse; elles se montrent d'une froideur extréme, pentétre parce que cet enfant leur rappelle un homme, son pére, qui les a abandonnées, ou pour toute autre raison. Lienfant exposé en permanence & ce jeu contra dictoire, & cette alternance de chaud et de froid, doit perdre toute confiance @ fégard du langage. I peut se fermer, a la longue, a tous les messages linguistiques ou présenier d'autres réactions schizophréniques* Pour les sciences de la culture, la théorie de Fnforma- tion et en particulier le double bind de Bateson présen- tent, il me semble, plusieurs éléments intéressants, Le premier, cest que Tordre informationnel sinstaure sur fond de desordre et peut toujours retourner au désordre. La théorie de l'information fait au désordre la place que le structuralisme lévistraussien et tout ce qui dérive de lui dans les linguisticismes contemporains est incapable de lui faire, Edgar Morin, en France, a bien dégage cette supériorité in second point, plus intéressant encore. c'est le role que joue, dans cette théorie, le principe du feedback, Au lieu d'etre simplement linéaire, comme dans le détermi- nisme classique, la chaine cybernétique est circulaire. Lévénement @ déclenche un événement #, qui déclenche Peutétre dautres evenements encore, mais le dernier entre eux revient sur a et réagit sur tui, La chaine cybernétique est bouclée sur elle-méme. Le feedback est niégatif si tous les carts se produisent en sens inverse des écarts précédents et par consequent les corrigent de facon & toujours maintenir le systeme en équilibre. Le Feedback est positif, cn revanche, si les écarts se produi- sent dans le méme sens et ne cessent de samplifer; le systeme, alors, tend aul runaway ou a lemballement qui ahoutit & sa disruption complete et & sa destruction. Ges notions, de toute évidence, sont intéressantes pour équilibre rituel des sociétes humaines, et la crise rimé- Aique constitue une espéce de runaway, a3 Dans le livre consaeré par Gregory Bateson & un rite ‘mtitulé le Naven, c'est bien en termes d'emballement ‘eybernétique, il me semble, qu'il décrit ce que fappelle- rais [a crise mimétique ; il percoit l'élément compéiitif et les oppositions de doubles, définies par lui comme + sym metrical schismogenesis »* Il voit que cette tendance est brusquement interrompue et renversée dans un pa Foxysme terminal, mais il ne voit pas le r6le que joue, selon moi, élément proprement victimaire dans cette résolution, Je crvis qu’une analyse du Naven a la lumiere du processus mimétique dégagerait sans peine cet élé- ‘ment victimaire est done trés significatf, dans notre perspective, que des cherchews influencés par Gregory Bateson, et en particulier par sz théorie de Ia psychose, aient tout de Suite abouti a des mécanismes d'exclusion victimalre ginand tls ont woul claborer, toujours sur la base de ‘information theory, bien entendu, une « pragmatique > de la communication humaine, Pragmatics of Human Common Ces chercheurs ne considérent que des groupes tres pelits, essentiellement la famille mucléaire; toute tene dance de ces systemes a devenir disfonctionnels se tra- duit aussitdt, selon eux, par un effort inconscient pour retablir 'équilibre perdu, au détriment d'un individu de ce groupe contre lequel se refait une espéce de front commun, Cest cet individw-la qui présente des troubles ‘mentaux, précieux pour le groupe dans son ensemble car ils passent pour responsables de tout ce qui empéche ce groupe de fonctionner normalement. Cest sur cette ‘sion des choses, alors, commune tous les éléments sains » du groupe, que peut sinstaurer un autre type equilib, précaire sens doute, mais encore fonction nel Les auteurs du livre voient les prolongements de leur du este de la literature: ils se livrent 4 Texégese tres intéressante d'une pitce éminemment sacrifcielle, Who's ajraid of Virginia Wool}? d'Edward Albee, mais a4 ils ne font aucune allusion au prodigicux contexte reli- gicux et culturel au sein duquel devrait sinscrire leur recherche, JM. 0. : Vous ne dever pas voir que des aspects posits dans les recherches du groupe de Palo Ato. Ily & aussi des divergences radicales avec votre thése. Jamais tes chercheurs ne repérent la portée véritable du méca- tnisme victimaire et son caractére proprement fondateur, pour tous les systémes de communication culturelle fondés sur la symbolicité et le langage. RG. : Ce n'est pas seulement parce quiils se limitent a etude de groupes extrémement petits, 4 Vintéricur de la société modeme, quis ne peuvent pas faire cette décou- verte; la conception batesonienne du double bind, et les données de la communication theory dans leur ensemble la rendent inaccessible. G. L: Le concept de communication est trop étroit Ce concept présente des avantages considérables sur la conception psychanalytique du desir, qui ne parvient pas ase defaire de certains éléments irrationnels. On ne peut as non plus arriver au méeanisme victimaire a partir des seuls comportements animaux, méme consus dans la perspective elargie des ethologistes contemporsins. RG. Toutes ces perspectives sont nécessaires, mais elles sont toutes insuffisantes, et elles restent inconciliae bles. Le seul moyen de les concilier et de bénéficier de ous leurs apports sans souffrir de leurs limitations, c'est la théorie mimeétique, seule susceptible de fonctionner & la fois au niveau animal et au niveau humain, seule susceptible, par conséquent, d'éliminer toute rupture meétaphysique entre les deux régnes et aussi toute confu- sion illégitime, puisque le mimétique va fonctionner dans chacun de ces régnes dun régime tres différent. Le ‘mimétique, d'autre part, du fait méme que, sans lu étre ats ‘evranger, il préctéde le langage et le déborde de tous cites, perme! diuniversaliser le principe du double bind. comme nous Vavons fait, & tout le mimétisme dappro- pristion, et d'introduire, du méme coup, le principe dk Jeedback et la menace du runaway dans tous les rapports interdividuels. Cette universalisation est interdite & la recherche tant quon ne voit pas en méme temps comment en contre: carrer les effets potenticlement trop destructeurs. Cest & partir du moment on on Whesite plus 2 confronter cette impossibilité apparente, que souvre la route qui mene au mécanisme victimaire. Décrire le probleme en termes dentropie et de néguentropie, cest 1rés séduisant pour les esprits modernes, toujours enclins & prendre les métaphores empruntées aux disciplines scientifiques uur des explications, mais c& n'est qu'une autre fagon dénoncer le probleme. Le secret de la » néguentropie + culturelle, Cest le mécanisme victimaire et les impératifs religieux gui en surg F. DELLA RIVALITE DOBIET AU DESIR METAPHYSIOUE K. 6. : Pour debrouiler 'echevean du dese faut et i suifit d'admetire que tout commence par la rivalité pour Tobjet. objet passe au rang d'objet disputé et de ce fait les conveitises quill eveille, de part et d'autre, savivent G. Lj Les marxistes vous préviennent solennellement que c'est Te capitalisme qui a inventé ce type de suren- here. Les marsistes pensent que vous parler ici de problemes definitivement réglés par Marx. De méme les. freudiens pensent que vous parlez de problémes déBinitl: vement réglés par Freud, 416 RG. Ace comptelA, les vrais fondateurs du capita. lisme-comme du complexe d'Cdipe sont les singes. Tout ce que fait le capitalisme, ou pluto! la societé liberale qui permet au capitaisme de fleurir. Cest dassurer un exer- ice plus libre des phénomenes mimetiques et leur Canallsatfon vers les activités Cconomiques et technologi- ‘ques, Pour des raisons religicuses complexes, elle peut Ghininer Tes entraves que les societés archaiques oppo- ‘ent aUx rivalites mimetiques ‘Toute valeur d'ebjer croit en proportion de la résis tance que rencontre son acquisition, Et cest aussi la valeur du modele qui grandit. Lun ne va pas sans autre, Meme si le modele ne jouit pas ay départ dun prestige particulier, meme si le sujet est dabord étranger & tout ‘Ce que recouvrira bientot le terme de prestige — praes- figia + fantasmagories,sortleges — tout eela va sortlr de ln rivalté elleméme Le caractére machinal de limitation primaire prédis- pose le sujet & méconnaitre le caractére automatique de In rivalite qui foppose au modele. Le sujet sinterroge sur cette opposition et end & lui conférer des significa Quelle n'a pas. Il faut dailleurs rattacher a cette ten- dance toutes lex explcations qui se veulent scientifiques, Ycompris celles de Freud. Loin de dissimuler quelque secret, comme Fredd se Timagine, le triangle de ta Fivalitne_dissimule que son caractére mimetique. Trobjet du desir, Cest bien Vobjet Interdit, pas par ta «ot» Comme le pense Freud, mais par celui gui nous le Gesigne comme desirable en Je désirant luiméme. Seul Tinterdit non légal dela rivalité peut vraiment blesser et traumatiser. Ilya la autre chose quvune configuration statique. Les éléments du systeme réagissent les uns sur ies autres: le prestige du modele, la resistance quill oppose, la valeur de Tobjet Ia force du désir quil ine- pire, tout cela ne cesse de se renforcer en um proces. bus de feedback post Ic seulement devient explicable ia malignité de'tout ce que Freud appelle + ambiva- lence », le dynamisme. pernicieux qu'il @ parfaitement a7 repéré mais dont il ne réussit pas rendre compte™, ‘Les interdits légaux s'adressent& tous les hommes ou & des catégories entitres et ils ne nous suggérent pas, en regle générale, que nous sommes « inféricurs » en tant auindivkdus, Linterdit de i vali mimétiue, en evan che, ne sadresse jamais qui un individu particulier qui tend 4 Finterpreter cone iuiméme. ° me sil saffirme injustement trate, férocement sécute, le suet se demande, loreément, a le modele wa pas de bonnes raisons de iui refuser objet; une part {osurg plus important de Iuiméme continue & ter fe modéle et, de ce fait, prend parti pour Iu, justifiant ie tratement houtle dont i ert tie tobjet,§ decou FTaMC une condemnation singuliére et peut just Une fois quill entre dans ee cerele vicieux, le sujet en vient rapidement a slattribuer une insuffisance radicale Que le modéle aurait percée a jour et qui justifiersit som attiude envers lui, Btroltement uni a cet objet que jslousement il xe réserve, le modéle possede, semble-t, lune autosuffisance et une omniscience dont le sujet reve de semparer. Llobjet est plus désiré que jamais. Puisque Je modéle en barre obstinément Iaccos, c'est la posses: sion de cet objet qui doit faire Ia difiérence entre la plénitude de IAutre et son vide lui, entre Tinsuffsance 1 Fautosuffisance. Cette transfiguration qui ne correspond & rien de réel fait pourtant apparaitre Tobjet transfiqure comme ce quil ya de plus réel. On peut la qualifier d'ontologique ou de metaphysique. On peut décider de n'employer le mot désir qu'a partir du moment of le mecanisme incompris dela rivalité mimétique a conféré cette dimen sion ontologique ou métaphysique a ce qui n'était aups: faim qian appt oun beton, Nous sommes con ints ici demployer des termes. pl ques. La philosophie est aux sacalistions primitives de la vio lence ee que le desir « que » est aux frenésies ‘mimétiques qui produisent les dicua de la violence. C'est, 418 pourquoi [erotieme moderne et la litérarure de cet Grotisme, audela dune certaine intensité, tendent & Femonter jusqu’au vocabulaire du sacré, Toutes les gran des métaphores Iyriques, directement ou indirectement, relevent du sacré violent, mais la critique littéraire cons- tate la chose sang s'y atarder. Ce n'est pas la genése mimétique qui Tintéxesse, mais le « frisson » toujours renouvele que lui donnent ces métaphores. La notion de desir métaphysique nim tentation métaphysique de ma part, bien au contraire. Pour le comprendre, it faut et il sufft de voir la parenté entre ce dont nous parlons en ce moment et le role joué par des notions au fond tres voisines comme Ihonneur, le prestige, dans certaines rivalités socialement réglées ¢ duels, compétitions sportives, ete, Cest la rivalité qui tengendre ces notions; elles nont pas de réalité tangible ‘et pourtant le fait de rivaliser pour elles les fait paraitre pplus réelles que tout objet réel. Pour peu: que ces notions ‘débordent le cadre toujours rituel qui leur confére leur ‘apparente finitude, dans un’ monde encore fixé et stabi- lise par les mécanismes victimaires, elles échappent & route limite et @ tout controle objectif; c'est & ce moment-li, dans le monde primitif, que tout retombe dans la frénésie mimétique, la lutte a mort et, une fois de plus, le mécanisme vietimaire. Dans notre monde a nous, Cest 8 [einfini » du desir qu'on about, a tout ce que Yappelle dese onologiqe ou métaphysique, Te seuil « métaphysique », ou si 'on préfére, le passage ‘au désit « proprement it», cest le seull de Virréel. On peut en faire aust Je seuil du psychopathologique ; mais Al faut surtout insister sur la continuité, Videmicé méme avec tout ce qui pour parfaitement normal pour peu quion le définisse dans des termes sanctionnes par la société, le goat du risque, la soif d'infini, le vague & l'ame poétique, amour fou, etc. JeM, 0. : Vous parler toujours d'un sujet qui ne Yem- porte jamais dans la lutte qui oppose a son rival. Cest le 419 résultat inverse qui peut se produire. Que se passe-il si le sujet réussit & semparer de Tobjet? RG. : Pour que la vietoire change quelque chose au destin du sujet, elle doit se produire avant que Pécart ne s dlargisee entre tout ce que la possession peut apporter fen fait de satisfaction, plaisir, jouissance, etc, et les aspirations de plus en’ plus métaphysiques engendrées par la méconnaissance de la rivalité, Si lécart est trop grand, la possession sera si décevante quc le sujet va en faire porter le poids a Tobjet, bien st, et aussi au modéle qui y sont directement impliqués, ‘mais jamais au désir en tant que tel, jamais au caractere mimétique de ce désir. Liobjet et le modele sont dédai- gheusement rejetes, mais le sujet se met en quéte du modéle nouveau et du nouvel objet qui ne le decevront ‘Pas aussi facilement. Ceci ne peut signifier qu’une scule Chose; c'est & une résistance insurmontable. désormais, uiaspire le desi. La viowire ne fait qu’accélérer Lévolution vers le pire, en somme. La poursuite de léchec se fait toujours plus ‘experte et savante, sans jamais se comprendre elle meme comme poursulte de Féchee, JM. O. : Quill réussisse ou quill échoue, en somme, le sujet va toujours vers Téchec. Au lieu de conclure que le désir luimeme est une impasse, i trouve toujours le moyen de conclure en sa favour, de ménager au desir tune derniére chance. Il est toujours prét & candamner les objets deja possédes, les désirs passés, les idoles de la veitle, dés que se présente une nouvelle idole, on un nouvel objet. Crest le processus de la made aussi bien que du desir. Le sujet de la mode est toujours prét a Fenoncer & tout, et d'abord a lui-méme, pour ne pas renoncer & la mode, pour conserver au désit un ave ni, ‘ant qu'on n’a pas triomphé de tous les obstacles, une ossibilité demeure, toujours plus infime assurément 20 mals jamais nulle, que derrigre le dernier rempart, {clend parle deni dragon Te tor pao chee soit enfia la, qui nous attend. RG: Dy aune logique du désir et c'est une logique du pari, A partir dun certain degre de malchance, Te joueur matheureux ne renonce pas, mais il mise des sommes toujours plus fortes sur des probabilites tou- jours plus faibles. Le sujet finira toujours par dénicher Tobstacle insurmontable, qui ne sera peutétre que la vaste indifference du monde, et il se brisera sur elle, -M. 0, ku fond, on parle toujours du part de Pascal comme fil my avait run seul por Ce ue Pascal {ttmeme voit dans su thdorie du dlverssement, cost ce Que Yous Bes en va de die. Le dco, aus et un ar, ns up par on Ton ne peur Jamas gagner, Parr eur Dieu €ee parr pour un ue Dieu due le deu du Seat. ccanermme 1 LE DESIR SANS OBJET A. Les pquates EF LINTERDIVIDUALITE, JM, 0. : Il me semble que la difficulté qu’ont beau- coup de lecteurs a comprendre votre theorie vient du fait quils ne voient pas que Ia difference entre sujet et madéle n'existe que dans un premier moment, qui peut tre réel ot génétique mais qui, le plus souvent, est théorique et didactique. RG. : Le mimétisme, en effet, c'est la contagion dans les rapports. humains et, en principe, elle népargne personne, Si le modele redouble dardeur pour Tobjet Quil désigne a son sujet, Cest quill succombe lutmeme ette contagion, Il iite, en somme, son propre desir, par Tintermediaire du disciple. $e disciple sert de modéle a son propre modele, Ie modele, en retour, devient disciple de son propre disciple. Entre les homives, en demigre Analyse, ou plus exactement entre leurs désirs, ny pas Ur dferones waa ile sult pas aon plus de enser en termes de difrences qui s'¢changent ou qui Se déplacent et derivent. Les fameuses differences ne sont que des ruptures de téciprocite qui comportent an toujours une part darbitraire car elles senracinent dans Tes mécanismes victimaires et dans la vivaite mimétique, elles steffacent sous Veffet de la violence qui fait tout Fevenir a la pure réciprocité. Chacun, dans la rivalité ‘occupe toutes les positions successivement puis simulta- hément, etl n'y @ plus de positions distinetes Tout ce que ressent, médite ou agit, @ un moment donné, Yun des partenaires de la violence est destiné 16 ‘ou tard & se rettouver chez autre. En derniére analyse, tla derniére analyse cest le mouvement qui se précipite de plus en plus, an ne peut rien dire de personne quil ne faille dire aussitét de tout le monde. On ne peut plus alfférencier les partenaires les uns des autres. Cest ce ‘que Jappelle le rapport de doubles. G. L.A le différence de tous ceux qui ont employé le ferme avant vous, vos doubles sont des individus reels dominés par une réciprocité violente quills méconnais- sent I'un et Fautre mais qui s'affirme et se parfait de plus fen plus, non seulement aux stades de T'imitation positive dont nous avons deja parlé, mais aux stades de la violence physique. Le terme de doubles s‘utilise, tradi tionnellement, dans un sens différent, celui de reflet affaibli,d'image dans le miroir : de fantéme; c'est le sens des écrivains romantiques, de Hoffmann, par exemple, et ‘est a lui, au fond, que restent fideles la psychiatric et la psychanalyse quand elles reconmaissent, chez certains malades, ce quelles appellent hallucination du double, R. G.: Je crois qu’on peut ramener le mystére appa: rent du double hellueinatoire aux doubles réels dont je suis en train de parler. sagit, comme toujours, d'une chose trés simple. La violence est un rapport mimétique , done parfaitement réciproque. Chacun imite la violence de Tautre et la lui renvote, «avec usure », Rien de plus banal que ce rapport quand it prend la forme d'une violence physique et aussi longtemps, bien sdr, que nous restons extérieurs a lui, que nous pouvons. le a3 regarder en purs spectateurs. Pour le comprendre, it sufBt de camener les rapports les plus subtils, en appa Fence, 8 Guignol et au Gendarme qui se tapent dessus & En tant quills restent pur spectacle, les doubles, cest le fondement de toute action thedtrale, comique ou tragi- se indferemment. Une fois que la symetrie du rapport mimétique est vraiment en place, c'est d'elle quon veut se débarrasser, Sous Feffet de la réciprocite violente, en d'autres termes, tout modéle se transforme en un antimodéle; au lieu de ressembler, il s'agit désormais de differer, mais Ia réci- Procité se perpétue du fait que tous sefforcent de Tompre avec elle de Ia méme facon, En fait, est le méme desir mais qui ne «croit plus» a la transcendance du modele, J-M, 0. : On retrouve cela dans les plus vastes espaces ‘et aussi les moindres recoins de la vie contemporaine, La mode, par exemple, ne triomphe complétement dans la Vie intellectuelle, et ce vest pas un hasard, qu’a partir du moment ot il n'est bruit que de difference. Tous cher chent a diffégrer de le méme facon, et comme, un peu plus tard, ils vont tous repérer effet d'dentité en meme temps, le renoncement a la mode, comme son adoption, est lui aussi affaire de mode, Cest pourqual tout le monde est contre la mode; tout te monde abandonne toujours la mode régnante pour imiter inimitable, comme tout le monde. Si nos divers gourous regnent de ‘moins en moins longtemps et sils sen prennent desor- mais a Fessence de toute vie intellectuelle, cest que la ‘mode fonctionne, elle aussi, sur le principe de Vescalade, et a partir du moment of tout le monde en pénétre de micux en micux le mécanisme, la mode précipite son rythme, le renoncement a la mode n'est plus illusoire : la mode elleméme Gnit par passer de mode. La haute couture, dans ce domaine, est en avance sur Ja philo- sophie, Elle « su, la premiére, quielle n’existait plus, a8 ainsi que me le disait un grand couturier de mes amis, RG: Ce mest pas sculement cher les écrivains anciens, c'est cher Jes modernes, quand ils deviennent ‘raiment grands, que tout repose sur les doubles. Cest le desir de différer, paradoxalement, qui fait toujours tout retomber dans ident et Faniformit, Chez Proust, par exemple, on peut trouver des textes qui traduisent le malentendi fondamental du desir dans lun comique de gesticulation chaplinesque. Et c'est Ia mame chose que le désir le plus lyrique, tel quil fonc- tionne chee tous les personages, & commencer par le narrateur Iuiméme. Rien de plus important que ces textes-chamiéres. ls montrent clairement qu'on @ tour jours affaire & ls méme structure, autrement dit que le desir nest pas aussi intercssant quil veut le faire croire. Loin detre infinies, ses. surprises sont toujours tes memes, Loujours prévisibles ct calculables. Elles ne sur- prennent que le désir luieméme qui se prend toujours & Son propre jeu et qui travaille toujours contre lui-méme, ‘Aucune strategie ne lui apporte jamais ce quil recherche, ‘mais {Ine renonce jamais a Ia strategie. Si la volonté absorption et assimilation ne conqulert jamais la aiterence de Faure. a volonté de ference, qui revit ‘au méme, rexorcise jamais Tidentité et 1a’ reciprocit. ‘Cest ce que démontre le « tour de digue » des bourgeois cn villégiature a Balbee : us ves gens {oJ fasant semblant de ne pas se voir, pour fare srt Guile‘ a suit ps eles mole regrdant la derobge, pour ne pas risquer de les heutter, les personnes imarchant 4 leurs cote, ou venant cn sons inverse, alco! a omtraire conte elles, Sacsrochalent elle, parce quis avaient ‘Ed réelproquement de leur part Tablet de la méme attention sceréte, cache sous le meme dedain apparent”. G. L. + Si vous maintene? jusqu'au bout votre perspec. tive sur les doubles, vous serez entrainé & critiquer lidée regue, dans toutes les psychlatries et dans toutes les a5 Pevehanalyses, que Texpérience du double, chez les grands malades, x's aucune consistance, quelle ne cor respond & aucune reali R. G.: I n'y a pas d'hallucination du double. Ce qui passe pour tel, c'est le heurt « inexplicable » de ces deus individus gui cherehent reciproquement 4 évter et Cest le repetition constante de ce heurt. Les doubles, en somime, ce nest jamais que la récipro- cite des rapports mimétiques, Parce que le sujet aspire quia la dillerence, parce quil se refuse a admettre. Ia reciprocté, est elle qui telomphe, grace su strategies meme que acum découvre et met eh pravcue a meme instant pour mieux Ja déjouer. La réciprocité perpetuel lement nige va done « hanter » le sujet, veritable fantome de Ja structure vraie que le grand éerivain na aucune Bene 8 repére nae quel part des hommes rea a exoreiser, en tant au moins quelle les conceme euxsmémes, En tant quelle concerne les autres, is n'ont ven a envier & personne sous le rapport de Ta persplca- cite, Cest meme cette perspicacté reelle ul toujours les ‘wompe ef leur fat roire quils sont les seul & tier leur wale dun jeu od tous les autres demeurent englas age Mle double qui et hallucinate, est la ference, et est elle quil faut ten pour folle. La lecture haihiciatoire des doubles, c'est lt derniere rise du desir pour ne pas reconnaitre, dans Tidentité des Partenaires mimétiques, Téchee ultime, ou plutdt la réus- site lementable, du désir mimétique fulaméme i le fou volt double, c'est parce qu'il est trop proche de Ia verte las soisisant normaux peuvent encore fonctionner au sein du mythe de la difference, non parce que la dilfe- Fence est vrale, mais parce quils ne poussent pas Te Processus mimétique assez loin pour obliger son men Ssonge a devenir manifeste, dans une accélération et une Intensification du jew mimetique qui rend la réciprocite ‘oujours plus visible, 'échange toujours plis rape des Positions diférenticlies fat qui ny a plus de moments 426 distinets au sein du processus. Comme nous le disions tout a Vheure, tout le monde occupe toutes les positions simultanément et 1a ou la différence prolifére, sous la forme des cauchemars monsirueus, elle tend aussi & Sabolir ‘Le malade demande au médecin de Iui confismer quid serait fou de licher la difference pour Videntité. I demande a la science d'enregistrer les monstres et les doubles, non comme Je brouillage puis T'abolition des differences mythiques de la culture, mais comme diffe- renees supplémentaires au sein d'une expérience qui ne saurait dire autre chose qu'un tissu de differences, autre ment dit un texte, ou peutéire une intertextualté, comme on dirait aujourd hu Le désir, en somme, est le premier & acquérir & son propre sujet un savoir qu’ll juge intolérable. Tl ne peut pas intégrer tes doubles & som projet difterentiet; il ne peut pas Jes assimiler sa logique; if est contraint de Sexpulser iuiméme hors de la « raison », avec ses dour bles; plutat que de renoncer au désir, en somme, il va lui sacrifier son expérience et sa raison. Il demande au medecin de sanctionner ce sacrifice en diagnostiquant la, folie, en donnaat a la chose un cachet officiel. G. L:: La médecine a toujours obtempéré. Elle n'a jamais vu dans les doubles, avec les poétes, que dillusoi- res jeux de miroir ou peutStre d'étranges reminiscences Carchaiques, Freud lueméme s'y est laisse prendre Tout le monde est d'accord pour repousser les doubles comme insignifiants, mais tres graves sous le rapport des, symptomes. RG, : La perspective psychopathologique, en somme, est la perspective du désit lui-méme que le médecin se garde de contredire, C'est fe malade, le premier, qui se déclare fou ou se comporte de fagon & nous en convain- ‘cre, et il doit bion savoir de quol il retourne. Comme la perspective philosophique actuelle, la perspective psy- a7 ebeptolgan onde ra trace eee exe samen fons eta ole sue (aie doen a ta de dépit des critiques superficielles dont il fait objet. MLO ous des gue te ddsir equ» ot gue «le-desirrenones..» Ne penseovous pes que vous en train dhypostaier le Gar? Pn SWS YOU Stes RG. : ene le crois pas. $i le désir est le meme pour tous les hommes, si ny a jamals qu'un méme desis, ny a pas de raison de ne pas faire de ui le veritable » sujet > de ke structure, sujet qui se raméne dailleus a la mimésis, Tevite de dire’ sujet desirant, pour ne pes einer impression de retomber dane ue’ paycholoe Tel Tinsecte qui tombe dass le pidge friable que son adversaire @ creusé pour lui — les grains de sable aunquels il sagrippe s€croulant a mesure sous es patles =e désir compte sur les differences pour remonter la ponte mais les dlferences s‘ffacent du fait meme de ses élforis et il retombe toujours aux doubles. 4 crate mamta de Fenvepie eu edi Saccuse de plus en plus. ll devient st prononeé que méme les observateurs les plus décidés &'ne rien vor finissent par reconnaftre son existence. ls parlent alors Ghistrionisme, mais comme sil sagissalt ld Inéne sans antécédents, sans rapportsintll aol aue ce sit. surtout pas avec Tes doubles nate ten G. L: En réalité, plus on avance dans l'ageravation des symptdmes, plus le désir devient sa propre cari ‘ture, plus les phénoménes qui nous confrontent devien- nent transparents, plus il devient facile, & leur lumiére, de repenser ensemble du crajet. 428 RG. Cest le désit luiméme, en somme, qui est responsable de sa propre évolution, Crest lul qui va vers Sa propre caricature, ou, si Ton prefére, laggravation de tous les sympiomes, car, tout au contraire de ce gue pense Freud qui pense toujours « inconscient », le désir Se connait micux hurméme que toute psychiatric; il est meme de mieux en mieux informe eat il observe, a Cheque élape, ce qu lut arrive, ct le compte quill ent de ce savoir détermine une aggravation du symptéme. Le desir ullise toujours & ses propres fins Te savoir quil scquiert de Iuiméme; il met la vérité, en somme, au service de Son propre mensonge, et il est toujours mictx armé pour détruire Tout ce qui sabendonne a lal, pour ‘out mobiliser, chez les individus et les communauiés aut profit du double. bind constitut, pour toujours plus Senfoncer dans Timpasse qui le définit, Vidée du démon portelumiére va beaucoup plus loin que toute la psychanalyse. Le desir est porteur de lumiare, mais d'une Tumigre quill met au service de sa propre obscurité. Cest ce caractéxe proprement lucite- Fen qui explique le role du désir dans toutes les gran- des inventions de la culture moderne, dans Tart ct la literature JoM_ 0. : Au départ, on Ta vu, les rivaux mimétiques se disputent un objet, et la valeur de cet objet augmente en ralson des convoitises rivales quil inspire, Plus le confl Sexaspére, plus son enjeu devient important aux yeux des deux tivaux. Aux yeux des spectateurs, il n'y a plus @enjeu du tout La valeur d’abord conférée par la rivalité a objet lui-sméme, non seulement continue & augmenter Inais elle se détache de objet pour venir se fixer sur obstacle que chacun des adversaires constitue pour autre. Chacun veut empécher autre dincarner la vio- lence irrésistible quil veut incarner luisméme. Si on demande aux adversaires pourquoi ils se battent, ils invoqueront des notions telles que le prestige, Il agit pour chacun dacquerir le prestige qui risque d'échoir a a2 Oe Vautre, de devenir la puissance magique, Vanalogue du ‘mana polynésien ou du kudos grec qui circule sous forme de violence entre les combattants™, 1.6 : ete pour prose, our anu, cs ace Hl a Pret par Monn Se ta ae nce Me el it gue eter Sous den diene hea ee napa iS ees mene see eas oben kee tem Seu de ¥ lable ie Se deseron wet pn valle ssn re Ti cology praeessicec Sema! ue emer me fen eees rds ta eaten ane geen ear eee cot change seulement que deviennent jntelligibles, en seine timen, aur Sevens, B. SYMPTOMES IVALTERNANCE RG, : Dans Munivers radicalement concurrentiel des doubles, il n'y a pas de rapports neutres. Il n'y a que des dominants et des dominés, mais le sens du rapport ne report ni wut Ja force brutal oi sur des determinants extérieurs ne peut jamais se stabiliser: il se joue et se fejoue a chagde instant dans des rapport que fabser: teur peut croire insignifiants. Chaque fois qu'il domine ‘ou pense dominer son rival le sujet se crolt le centre dun champ perceptif qui parait au comtraire structuré autour du rival dans les moments 08 celui-i a le dessus. 430 Cest de plus en plus souvent et de plus en plus long- temps que Vautre Temporte. La dépression, en somme, tend de plus en plus & supplanter Yeuphorie, Dans les allées et venues de la violence qui les sépare ct les unit, les deux partenaires sont tour a tour le dicu ‘unique qui voit tout converger ef s'agenouiller devant lui, ct la créature chétive, muette et tremblante aux pieds de ‘ce méme dieu qui a mystéricusement émigré chez autre, le rival et modele du desir. Le rapport a l'autre resemble & une balancoire of Tun des joueurs est au plus haut quand autre est au plus bas, et réciproquement. Les psychiatres ne savent pas ce qui peut eatser Talternance car ils ne voient jamais qu'un Seul joucur. Pour faire redescendre le malade vers les abimes, il faut un second joueur qui remonte lul-meme vers les sommets et vice versa, JeM. 0, : Mais les psychiatres vous diront que sil y avait un second joueur, Ils s'apercevraient de sa_pré- sence: jamais on ne voit deux grands maniaco-dépressifs se delerminer rciproquement de Ia maniere que vous ce. R. G.: La psychiatric envisage le malade comme une espece de monade. Méme quand i insiste sur limpor- tance des rapports avec autrul, le psychologue n’apprécie pas suffisamment leur caractére fondateur. Le role de Tautre peut devenir imaginaire, bien sir, mais il ne Va pas toujours eté et, méme imaginaire, il reste a chaque instant décisif dans les répliques violentes qu’enregistre Te sujet. Les variations thymiques, par exemple, ne sont que la réaction du sujet aux violences qui s'échangent, Ux péripéties d'une lutte qui parait (ourner tantot A son favantage, tant6t A son désavantage. Nous ne voyons pas co vaetvient de la violence, seul réel aux yeux du ‘malade, car tout se joue sur des signes de plus en plus imperceptibles, 431 G. L.: La psychiatrie veut bien délirer avec les mala des, mais elle se veut aussi bien portante avec les bien portants, Il ne faut pas inquiéter les bien portants en leur suggérant_qu’entre eux et les malades, il n'y a guere quiune difference infime de degré, pas autre chose peut- atre quune sensibilite phis grossiére, une intelligence fioins fine de tout ce qui se joue dans les rapports humains, surtout dans le monde moderne, privé des stabilisateurs traditionnels, RG: Il faut examiner ce qui se passe d nllens out ln fevte de I concurrence ees aes de Vavancement au mérite sévissent dans un contexte dol siveté relative, favorable a observation réciproque, les rmibieux affaires, certes, et plus encore les milieux intellecuels qui parlent toujours des autres, male ne se regardent jamais ewemeémes. Dans ce’ mlieux, Ia cyclothymle se nourrit de signes ui ne sont pas du tout illusoires et insignifiants, meme St leur interpretation peut. suscter des. chvergences ‘extraordinaires. Ceux dont Tavenir professionnel ct la Reputation dependent de tels signes en sont inévitable- ment obsédés. Il sagit ici dune obsession guon peut qualifier dobjective, ainsi que Talternance thymique qui fu est associée. I est difficile de ne pas se rejoulr de ce ‘qui attriste le vival, de ne pas eattriter de ce qui Je ou ae pas equi hs Tout ce qui me remonte démonte mes concusrents, tout ce qu les remonte me démonte. Dans une societé ot Ja place des indlvidus n'est pas determinée & Tavance et ‘ules higrarchies sont effacces, les hommes sont tou Jours occupés se labiquer un dest, simponer » ‘aux autres, a « se distinguer» du troupeau, Cestadire & Mate arsitre pee Notre société ext la seule, on Ta dit, qui puisse décha ner le desir mimétique dans un grand nombre de domai nes sans avoir 4 redouler un emballement irremediable du systeme, le runaway de la eybernétique. Cest 2 cette 432 aptinude inouie & promouvor Ia concurrence dans des Tite qu restent toujours socilement, son indviduel foment acceptable, que nous devors lee realisations = Drodigiewses du monde modem, soa genie invent, Exvrangon de foul cesi ce west peuetre pas toujours Taggravaton eatrine, mals Cost asgurément Ia demecrae tienton et le fulgeristion ce quion appele les nev sen, toujours lies, il me semble, au renforeement des {Shsions concurrenticles et ala metophysigue s de ces tensions Tew maniacodépressit> est possedé, vsiblement, dane ambition metaphysique,prodigiuse, Mais cette Sion metaphysique he vonstitue pas, eile non plus auelque chose" de seporé: elle peut varier suivant les indivdus mats elle ext dabord consequence paradoxale dy cet effacement des difernces dont nous partons & Finstene et du, déchainementminetigue qu Eaccom- page Tous les fseewe sont soliares fos une des aie ‘Dans un monde oi fs indvidus ne sont plas defnis ie place quis aceupent en verta de leur nasrance ou Ae Guelque eutre facteur dont la stabiite repose force: tment sur Tarbitaite, fesprit_de concurrence, loin de EEpaiser,senflame’plur que jamais; tour depend de Comparsisons qui forcement me sont pas a0rets, puis Gueucun point de repers fixe ne derteure. Le maniac Sepwessit a une conssience particalierementaigu® de Ta dependance radicale ou sont tes hommes 8 Tgard les ing des autres et de incertnude quien resulte. Comme T'yolt gue toute autour de hi, oot mage, Ditton et Samira inago et titre eat la meme racine), Gesireardemment fadiitation des autres, Cestadire Is polarisation sr lurmeime de tous les deni rimetiques, Pritt finceriuade inéyiable ~ le carasteve mimetique Gu resulat = avee une intengie tragique, Le moingre Signe daccusil ou de reer, destine ou de dedsin, Te Plonge dans ia nuit dv desespoir ou dans des exrases Tarbutmalnes. Tantotih'se voit perehe at sommet dune 433 pyramide qui est celle de étre dans son ensemble, tantOt a contae cate pyrame sinverse, et comme i en ‘occupe toujours la pointe, le voila dans la position fa plus hhumilie, écrasé par Vunivers entier. ft Pour en arriver la, il faut peut-étre un certain détra- ‘quement organique dont le secret nous échappe, mais Ia maniaco-dépressive n'en est pas pour autant dépourvue de signification sur le plan des rapports humains, en particulier dans univers o& nous vivons. Le malade a’a pas «raison» damplificr a Yextreme, comme il le falt, tout ce qui peut affecter ses rapporis avec les autres, dans un sens ou dans autre, mais il n/a pas non plus out a fait tort, car la nature mimétique, dene conte: gleuse, de ces rapports, leur aptitude a faire « boule de ‘eige », nest pas du tout imaginaire. Pour lui, il n'y a pas de mesure et il y en a de moins en moins, elfectivement, dans une société de plus en plus destructurée, done de plus en plus menscée elleméme par des oscillations mimétiques incontrélabtes. 2.0.1 4e pou ego le empties exit als pra ben ae ep tine fa clement sg ae pees sureties Ma a uu gion me SamUi urs pops sue de pk sate en aces Se, eta, rea reas Segue minds ri Ps ces facteurs griice 4 certains produits chimiques. ccna cae Pel a cea een ag i repr des po tan ome ay dune ote atts a ler Teed ae nae camer ger den tne oni is eles ea ee al lo ed Fexaspération mimétique. RG. : Comment croire que le contexte mimétique ne Joue pas un réle essentiel devant la susceptbilité parti 44 cculiére de certaines professions aux formes psychopatho- logiques que nous décrivons; ce sont les activités ou les vocations qui dépendent le plus directement du juge- ‘ment dautrui sous sa forme la moins nuancee, la plus borutale, la plus aléstoire, Je songe ici A ceux qui sont en contact direct avec la foule et qui vivent de ses faveurs, politiciens, acteurs, dramaturges, éerivains, etc. Celui qui se monire attentif, par nécessité, aux réac- tions collectives, sait par experience que tien en ce domaine n'est jamais acquis; des revirements aussi sou- dains quimprévisibles sont possibles. L'homme de thés- tre peut voir le « four» de la premiere se transformer le lendemain en apothéose, ou vice versa, sans qu’on pulsse assigner a ces Variations des causes certaines. Comment va-ton distinguer objectivement d'une tendance mania- ‘co-dépressive les émotions de celui qui fait reposer tant de choses dans son existence sur la décision arbitraire des contagions mimétiques. Le désir en sait trop, en somme, sur la proximité des boucs emissaires et des divinités chez les individus et dans les socigtés en cours de destructuration. A en juger par Nietzsche et par Dostoievski, on peut se demander sil n'y @ pas menace de psychose partout od Vintuition individuelle en ces matieres depasse un certain seuil, Tl suffit de lire Ecce Homo a la lumi@re de ce que nous venons de dire pour comprendre que Nietzsche est en train de basculer dans la psychose. JM. O. : Sion peut repérer, dans Tauvre de Nietz- sche, ies signes de la psychose prochaine, chez Dostoiev- ski, en revanche, on peut noter le moment oi léerivain surmonte la menace et produit sa premiére euvre vraie ment géniale, Ia premiére a révéler et non plus simple- ment & refléter le désir mimétique et ses paradoxes ; les Notes du souterrain. Let oscillations thymiques affleurent dans note société derridre toutes sortes de phénomenes culturels quion ne songe pas & rapprocker d'elles, Songez, par 25 exemple, a ces manuels innombrables qui prétendent ddétenir of enscigner Ie succes, en amour, dans les affa: res, eft. Cest toujours une stratégie du rapport & Tautre guion vous révale. Lnique secret, la reestte par excel: lence, mille fois répétge, eest qui sulft pour reussir de donner Timpression que c'est déja fait. Rien de plus déprimant pour le lecteur que ce genre de réconfort. Que tout dépende, dans les rencontres qui Tattendent, de impression donnée et regue, volld ce dont il est deja trop convaincu. Et il west que trop convaincu, également, que ces deux impressions vont donner lew 2 une lutte : chacun s'efforee de prouver & Yautre quil posséde déja Tenjeu qu’en realte il faut toujours reconquérir en Varrachant a cet autre, la. cert tude rayonnante de'sa propre supériorité R Gis Il me semble que la cyclothymie doit ttre statistiquement plus fréquente dans notre univers, et {quil existe entre elle et lui une affinité particuliere, Il est frappant de constater que, depuis la fin du xvur sitcle, Ja littérature et la pensée sont jalonnées de grands ‘esprits psychotiques qui disent sur ce qui se passe parmi ‘nous des choses essentielles dont les contemporains généralement se detournent ; la postérité, aur contraire, ‘monte ces choses en épingle, elle en fait une idéologie, Cestadire un succédané sdcrifciel, dont Tingrédient ‘majeur, bien sir, est une indignation extréme contre Vimpuissance des’ contemporains 4 reconnaltre le génie qui leur a fair lhonneur de s'adresser 8 eux. Chez le manisco-dépressif, en somme, ce sont les deux faces opposées du sacré qui sont intériorisées et intermi- nablement revécues sur le mode alternatif. C'est a cela que Nietzsche fait allusion, je pense, aux portes de la folie, quand opposition qui a longtemps prévalu entre Dionysos et le Crucifié disparait; au lieu d'écrire Diony. sos contre le Crucifi, il €erit Dionysos et le Crueiflé, Ce que Nietzsche n'a jamais repéré, dans sa recherche, ce qui n'a pas pu faire sien au niveau du savoir, Tidentite 436 dde Dieu et de la vietime émissaire, il Ta réalisé dans sa folie. En se voulant Dieu il est devenu vietime, il « goate au destin de la victime émissaire. ‘Beaucoup de sociétés primitives confirment ce rap centre la folie et le sacré. Flies voiemt dans le fou les deux faces de Ia violence divine et elies le traitent en consé- quence, la fois comme une souillure dont il vaut mieux Séearter, une source de pollution, et aussi une source possible de bénédiction, un éire vénérable. Dans la Naissance de la tragédie et ses travaux sur la religion greeque, en depit de toutes ses intuitions, Niels sche n'a jamais découvert la signification veritable de la manta dionysiaque. Le premier Gree venu, en lisant ce livre, eurait pronostiqué la folie prochaine de auteur, (On ne peut pas épouser Dionysos, comme le fait Nict- sehe, en dehors de tout it, sans sexposer au déchaine ment sans mesure de la mania Comment se fait que notre science soit encore inea- pable de stégaler a lintuition religicuse la plus hum- ble? C. DispaxirtON DE LOBIET ET STRUCTURE PSYCHOTIOUE JoM, 0. Ce qui me frappe dans ce que vous dites, est quil nest plus question de Fobjet. Tout se raméne faux rapports ene les rivaux mimétiques, chacun modéle et disciple de lautre, Cette disparition de Tobjet doit faire partic, je pente, de la tendance du désir & devenir sa propre caricature, & proclamer huimeme sa propre vért ela predominance du modele mimetique sur Tobjet. Des le principe, le desir interfere avec les. montages instincniels orientés vers des objets Au stade dela paychose, Il n'y a plus dobjet du tout: il n'y a plus que le double bind mimétique, Tobsession du modele-obstace, 87 La folie est trés spécifiquement humaine en ceci quielle pousse a Vextréme ce qui est le plus ¢tranger & lanimal dans homme, un mimétisme si intense qu'il peut sup- planter les montages instinctuels. R. G, : Freud a bien wu ce dynamiame sse vers la falie of la mort, mais ils ete oblige doventer un instinet de mort pour en rendre compte. Tl nen était plas 4 un instinct pres, et nous y reviendrons, Cest le désit luiméme qui va vers la folie et la mort sil n'y a pas de mecanisme victimaire pour le ramener & la « raison », ou pour engendrer cette raison. Le desir mimétique sulfit & fout ct nous retrouvons grace a lui Vexcellente formule a'Fdgar Morin : Homo sapiens demens™. Le lin mysté- reyx entre folie et raison se concreétise ‘Cest donc la logique du desir mimetique lniméme que dlegage le sujet a ses propres dépens. Le désir luisméme se détache peu a peu de Tobjet pour sattacher au modéle, et Vaggravation des symptémes ne fait quun avec ce mouvement, car se comporter de fa e-n'est pas échapper au désir mimétique 1 échappe — mals c'est ne pas ¥ succombse petdre tout objet de vue et de ne soccuper iiodele, Eire ralsonnable ou fonctionnel, cest avoir des objets, et c'est vaffairer autour deux; @tre fou, c'est se laisscr accaparer completemeat par les modeles du désit, est done accompli la vocation de ce désir, c'est pousser jusqu'a ses consequences ultimes ce qui le distingue, de fagon arés relative dailleurs, de la vie animale, cest Sabandonner a ta fascination pour le modéle en tat “GU nous résiste, en tant qu'il nous fait violence. Vousménies, en taat que psychiatres, comment voyer: vous Ia paychose dans la perspective que je viens d'indi- ‘quer? G. L.: Nous sommes infirmes sur le plan du vorabu- faire parce que nous fonctionnons — et comment pour. raitil en étre autrement? — dans une culture, dans un 38 « ordre », dans un temps, qui sont forcément post-sacrili- Et que la suggestion ne pouvalt senerver que sur un sujet stent ‘Nous retrouvons ki des termes comme « fascination » ou «prise du regard sous la. plume de nombreux auteurs. Ceci me patalt és évocateur de ascendant au‘exerce Te modéle sur le sujet. Totes Tes techniques fiypnotiques ne font tien dautre que tenter de repro dure, aussi Bdélement que possible, les conditions de fixation du sujet sur le model, conditions qui permet: trout au desir du sujet de se modeler sur le desir de Thutre ‘Cest bien pourquoi Thypnose peut aussi blen se prati auer sar les planches, montrant de fagon explicite et experimentale Te jeu mimetique aun public auquel le thedtre de Shakespeare, par exemple, propose de voir la Inimésis a Tcsuvre au travers de situations plus élaborées. ‘Tous les paradoxes du sacré se retrouvent du reste dans 1 "st ele peul fare rie au theatre, commne toute eancature, elle pout. également tre tres dange- reuse, lorsgutlle est manige par des malfaiteurs, ow ‘encore rds benefique ct curative, lorguielle est uulisee on médecine R. G. : Ce que vous dites du théatre, et notamment de ‘Shakespeare, mintéresse énormément, vous vous en outer. JeM. 0, En effet, Vous montrerez, je pense, sans aucune difficulté, dans le thé&tre de Shakespeare, comme dans tous les autres, Pexposition du fonctionnement de la mimésis et de tous les entrechats du desir mimetique. 483, ly a en particulier un phénoméne qui apparait trés souvent au thédtre et se rapproche beaucoup de hyp: hose :€est la passion amoureuse. Celle-ci en effet, au fur ct & mesure qu’elle se développe, rétrécit le champ de la conscience et concentre par conséquent sur Tobjet du desir toute Yatrention du sujet. Le théatre commence la, précisément, ou Tobjet apparait. La fascination, ici, n’est plus fixée sur le modele, mais sur Tobjet du désir. Le {rangle apparait en filigrane, les rivaux peuvent se pré- senter, le thédtre nat comme expression transligurée et symbolisée du désir mimétique, au-dela de ses expres- sions spontanées ou caricaturales que sont la possession et Thypnose, Il faut souligner ces parentés. IL me semble, du reste, que dans certaines cultures, des formes intermédiaires entre theatre et possession apparaissent, soulignant bien la continuité des phénomenes : un jeune homme estil amoureux d'une jeune fille que ton dit aussitat quill est possédé par elle, Dans Ia passion amoureuse, il faut ¥ insister, le champ de Ia consclence se rétrécit 2 un seul objet et on ne volt plus les autres... A la maniére dont Mhypnotisé ne voit plus que Tobjet brillant. présenté par 'aypnotiseur: celul-ci du reste lui dit : « Vous n’entender plus a présent que ma voix.» Et en effet...le désir mimérique est perte de la relative, absolutisation du modele. Et aussi limita: tion de la liberté. R.G.: Sur le plan thérapeutique, qui vous iméresse tres directement, comment expliquezvous que les diffe- Fents auteurs qui ont travallé sur Vhypnose au debot de leur carriére — ct je pense bien sir notamment a Freud "sen soient detournes dans un second temps? JM. 0. : Si Thypnose, ainsi que nous le disions plus haut, est la caricature, expression a la fois la ples simple et la plus forte du désir ues done le rapport hypnotique contient en puissance toutes les possibilicés 454 des rapports interdividuels, s'il agit ld d’un concentré exceptionnel de toutes les potentialités de Ja mimésis, il est évident que Thypnose sera Is source de la presque totalité des intuitions psychologiques et peychopathologi- ques, i est bien certain que chaque chercheur qui travaillera sur ce phénomene en percevra certains aspects et les exploitera aux dépens des autres Cest ainsi que Freud découvre que sous hypnose on peut mettre au jour les processus inconscients. Tl se Eonsacre & Yétude de ces deeniers et labore ln psyche: ralyse, Cependant, a Fintérieur méme de sa théorie, on le r6le fondamental que joue le transfert, qui ne fait gu'un, bien sar, avec le fluide des magnetiseurs, depuis Mesmer et Puységur jusqu'aux plus modemes charlatans. Ceo « fluide » et ce « transfert» 4 leur tour, ne font quun avee ia mimésis et le désir mimétigue. Schultz. nous dit gue individu en état d’hypnose expé- rimente un certain nombre de modifications physiolosi- ques : lourdeur, chaleur, etc, et débouche sur fe training autogéne, Bernheim dit que, Vindividu en état d'hypaose tant plus sensible a la suggestion, il est possible d'alle- xr sea syrmptomes ou de les Iaire disparaitre. Charcot dit que Tindividu sous hypnose revit des traumatismes anciens et quil y a done une exacerbation de la mémoire. Mais, nous dit Janet, on peut aussi programmer Tindividu_ ‘en état Thypnose comme un ordinateur, cesta-dire lui commander sous hypnose une action qu'il devra faire Uhypnose introduit ainsi une problématique du tem pulsque lhypnotisé sort du temps et, la preuve, cest quiil ny a pas de souvenir du temps de hypnose, il y a une amnésie lacunaire : Janct définissait le somnambulisme ‘comme une conduite de non-mémorisation. De tout cela, vertes, Ia conclusion & mon avis la plus essentielle & retenir c'est que, chez Freud comme chez Janet, la notion. inconscient sort de Vhypnose et done du rapport mimé- tique et interdividuel 455, Je crois donc guil y a, & partir de Thypnose, deux directions de recherches : — dune part, la direction chamanistique, psychosoma- tique, chirurgicale et médicale... et Vepplication par con- séquent de vos théories aux mécanismes de guérison ; —et diautee part application de la psychologie inter: dividuelle 4 Thypnose elleméme, & la suggestion, a la ssion et aussi au probléme du temps et de f'arané- Sic, cestédire a tous les processus mnésiques.. La mémoire, en effet, gigantesque machine a répéter dans le temps, devrait offrira la mimésis tout un éventail dillus- trations. ‘Nous brossons la un tableau extrémement vaste mais, évidemment rapide et schématique et qui demanderait & tre développé et illustré par des textes et des exemples cliniques. RG. : Cependant, la place centrale que vous réservez & Thypnose parmi les processus psychologiques et psy- chopathologiques est intéressante et riche de consé- quences. JM. 0. : Les phénoménes d’hypnose et de possession ime paraissent illustrer de fagon exemplaive Vaypothése de la mimésis et du sacré. Et tout particuligrement les paradoxes que vous mettez constamment en évidence, ‘ceux de la violence, du sacré, de la mimésis, du désir. Ce c6té paradoxal, qui fait que le méme mouvement psycho- logiaue ou paychosociologique peut avolr des effets con- traires et diamétralement opposes, n'a pas échappe a la sagesse mythique : vous aitiiez hier encore mon atten- tion sur ce qu’Esope disait de la langue, Le probléme du choia & tout instant entre les deux potentialités contraires engendre, sur le plan interdivi- duel, tous les problemes psychologiques et psychopatbo- logiques. Sur le plan philosophique, ce choix ne fait ‘quiun avec le probleme de la liberté, mais ceci est une autre histoire... (CHAPITRE Ht MIMESIS ET SEXUALITE A. CE QUON APPELLE « WASOCHISME G. L.: La fagon dont vous definissez le déstr métapby- sique, le désir proprement dit, suppose déjd une dimen- sion que la psychistrie a toujours regardée comme patho- logique, dont elle a fait des symptomes. Vous monitez, ar exemple, quit n'y a jamais recherche directe de Féchec: le sujet salt, par ‘experience, que derriére les obstacles qui se laissent trop aisément surmonter, la déception Fattend. Il cherche done Vobstacle ingurmon- table, le rival imbattable, Tobjet insaisissable. Plus que Jamais, le désir vise le suceés. Mais il na que faire des succés faciles ; comme Nietzsche, seules les causes per- dues Tintéressent. RG. : Pour un observateur qui ne voit pas le contexte, cette recherche cofneide foroément avec ce qu'on appelle les conduites de léchec. Une étiquette comme celle de masochisme implique la viste direcie de ce qui n'est dabord que la consequence, fatale peutétre, mais jamais recherchée pour elleméme, du désic. Il faut donc y 487 Je crois done quill y a, a partir de Thypnose, deux directions de recherches : — d'une part, la direction chamanistique, psychosom: ‘ique, chirurgicale et médicale... et 'application par con- sequent de vos théories aux mécanismes de guérison ; — et dautre pact l'application de la psychologie inter: dividuelle & Thypnose clleméme, a la suggestion. & la possession et aussi au probleme du temps et de 'amné- Cestadire & tous les processus “mnésiques. La mémoire, en effet, gigantesque machine a répeter dans le temps, devrait offrir 4 la mimésis tout un éventail illus: trations, Nous brossons la un tableau extrémement vaste mais évidomment rapide et schématique et qui demanderait & tre développé et illustré par des textes et des exemples cliniques, RG. : Cependant, ta place centrale que 4 Uhypnose parm les processus psychologiques et psy: chopathologiques est intéressamte et riche de consé. ‘quences. JM. 0. : Les phénoménes d/hypnose et de possession ‘me paraissent illustrer de fagon exemplaire Fhypothese de la mimésis et du sacré. Et tout particulierement les paradoxes que vous metter constamment en évidence, eux de la violence du sare, de In mimesis du désr Ce t¢ paradoxal, qui fait que le méme mouvement psycho- logique ou psychosociologique peut avoir des effets con- traires et diamétralement opposés, n'a pas échappe a la sagesse mythique : vous attiriez bier encore mon atten- tion sur ce qu’Esope disait de la langue. Le probléme du choix & tout instant entre les deux potentializés contraires engendre, sur le plan interdivi- gil tos Jes probltmes paychologiques et poychopatho ogiques. Sur le plan philosophique, ce choix ne fait qulun avec le probleme del lberté mats cect est une autre histoire.. ‘CHAPITRE MIMESIS ET SEXUALITE, A. Ce QUDN APPELLE » MASOCHISME + G. L. : La fagon dont vous définisser le désir métaphy- sique, le désir proprement dit, suppose déja une dimen- sion que la psychiatrie a toujours regardée comme patho- logique, dont elle a fait des symptomes. Vous montrez par exemple, quil n'y a jamais recherche directs de Téchee le sujet sait, par experience, que derriére les obstacles qui se laissent trop aisément surmonter, Ix deception Hattend, Tl cherehe done Tobstacle insurmon- table, le rival imbattable, Tobjet insaisissable. Plus que jamais, le désir vise le succés. Mais i! ia que faire des Suceds faciles: comme Nietesche, seules les causes per dues Tintéressent. R, G, ; Pour un observateur qui ne voit pas le contexte, cette recherche cofucide foreément avec ce qu’on appelle les condultes de Téchec. Une étiquette comme celle de ‘masochisme implique la visée direcie de ce qui n'est ‘abord que la consequence, fatale peutére, mals jamais recherchée pour ellememe, du desir. 1 faut done y 487 1 faut renoncer a Teétiquette masochiste qu ne fait quobscurcir ln limpidite extréme du phénomene. Parler de masochisme, comme je Tal fait moiméme jadis, Cest hae pas voir que bien avant Tarrivée des. prychiatres, le desir s'interroge sur luiméme et qu'il propose des répon- ses. La seule hypothése qu’ rgette matheureusement, et ‘vec une obstination digne d'une meilleare cause, c'est Thypothése mimetique, la plus simple et la seule veridi- que. Si les rivaux et les obstacles sutgisgent 8 tout instant devant nos, c'est parce que 5 le ESF des autres, Parce qui refuse cette vévite banale et sans histoires qui, & chaque tape, laménerait @ reconnaltre sa propre absurdité et abandonner la parti, i vraiment il Fadopiait, le désir doit se lancer dans des laterprétations Jamal contraires& le looigu, mais toujours plus subs et sophistiguces. Le désir ne cumrrend pas pourquoi Ie modile se transforms vn ubsiatle mais il vort bien que eette trans formation a toujours lew l faut bien tenir compte dun phenomene aussi constant, AU eu den tenir le scul Sompte qui serait raisonnable de tenit, le désir se ftte téte baissée dans la seule échappatoire ui lui reste. Par um raisonnement faux mais d'une logique impeccable, il tnise, comme nous Tavons dit plus haut, sur la probabi tte la plus faible. Au liu détendre les résultats de ses cchecs passés 4 tous les désirs possibles et imaginables decide dem restreindre la portée aux seules experiences dja faites, cestadive aux objets les plus abordables, aux adversaires Tes moins intaitables, & tout ce qul peut rendre la vie facile ct agreable, 4 tout ce ul permet encore de « fonctionner » comme on dit si bien aujour- hui, décide done que sculs valeat la peine détre Aésirés les objets qui ne se lnissemt pas posséder: seuls méritent de nous guider dans le choix de nos désirs les fivaux qui sfamnoncent imbattabies, les ennemis irédue: tibles. Aprés avoir transformé les modéles en obstacles, le ‘tesir mimétique, en somme, transforine les obstacles en 458 modales, Parce qu'il sobserve Iuisméme, il prend note de i tranformation et ne voulan pas fle d cee et Gapprendre le ‘qui simpose, il en fat le seu tite usnge postble i fait de ce qui néiat ¢abord que le résultat inevitable, corte, mais inattendu, des désirs passés, la condition préalable de tout desir futur. Le désir. desormals, court toujours pour s¥y blesser aux outils les plus tranchants, aux defenses inexpugnables, Comment les observateurs ne croiraientils pas @ ce qu'ils sppellent le maochisme? Et pourtant ils ont tort dy croire, Le désir aspire a des plaisirs inouls et a des (Somphes éelatants. Cest bien pourquoi il n'espére pas les trouver dans les expériences ordinaires et les rap- ports qui se laissent maltriser. Cest dans les, avanies futon fui fait subir, et les dédains dont on va laccabler qui Tira de plus en plus les signes de ia supériorite fabsolue du modele, la marque dune autosaffisance bien- hheureuse forcément impénétrable sa propre insuffi JeM, 0. : Si je vous suis bien, 4 mesure que le sufet senfonce dans Véchec et se dévalorise a ses propres youx, le monde qui Tentoure devient énigmatique. Le desir voit bien quill ne peut pas se fier aux apparences. Il vit toyjours plus dans un univers de signes et d'indices. Léchee a'est pas vise pour lukméme mais en tant quill signifie tout autre chose, Ie succts dun Autre, bien centendu, et cet Autre seul m'intéresse, puisque je peux ie idre pour modele: je peux me mettre a son école et lui arracher enfin le secret de ce succes qui ma toujours lade, Ce secret, il faut que {Autre le posséde, puisqu'it sait si bien me faire échouer, me réduire & rien, me révéler mon inanité au contact de son étre inalterable. Pendant la lente traversée dun désert, la presence soudaine d’animaux. méme désagréables ct dangereux, vva réjouir le cmur du voyageur assoiffé Il y voit un signe ‘que eau nest pas loin; bientét, peut-ttre, il pourra se désaltérer, 459 I serait absurde de conclure que le malheureux se plait aux piqdres de serpent et aux morsures d'insectes, ue son « masochisme morbide » en tire des jouissances inintelligibles pour les étres normaux que nous serions nousmémes. Cest pourtant ce que fait celui qui croit au mato: chime et gu colle cette tiquetteobscurcissante sur des

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