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Les trois textes qui suivent proposent une synthèse des intuitions de René Girard
sur la question des Religions.
1. La violence et le sacré
2. Le sacrifice au coeur de la culture
3. Les textes judéo-chrétiens
Ils sont issus du sentier Inithéo "Le Fait religieux". Pour plus d'information sur ce Sentier, cliquer
ici.
Le premier impératif étant de ne pas refaire le geste qui a déclenché la crise, des
interdits vont apparaître, des « tabous », des « prohibitions ». On voit ici que des
interdits qui pouvaient paraître insensés, ont une raison profonde qui portent
d'abord sur l'origine de la violence. Les interdits vont porter sur le mimétisme,
c'est clair.
Comme les interdits ne suffisent pas pour que surgisse, d'une manière ou d'une
autre le spectre de la violence généralisée, on va continuer à canaliser celle-ci
vers l'extérieur de la communauté, par le phénomène des rites.
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1. Les interdits
Tout d'abord, on n'aura pas le droit d'imiter les autres, parfois même on n'aura pas
le droit de prononcer leur nom, car le nom est considéré comme le double
mimétique de l'individu etc. etc.
A nos yeux, il est évident que ces gens qui tuent leurs jumeaux sont dans l'erreur,
mais s'ils le font, ce n'est pas pour des raisons qui leur paraissent mineures : ils le
font parce qu'ils perçoivent ces enfants comme trop dangereux pour l'harmonie et
la paix de leur communauté.
C'est pour cette raison aussi qu'on ne les tue pas par la violence. Les tuer avec
violence, les supprimer activement, serait commettre le geste interdit : le geste
que l'on craint de la part des jumeaux. Alors on les « expose », c'est-à-dire qu'on
les laisse mourir sans les toucher, pour être contaminé par le monde de la
violence auquel on les identifie. Par la suite, on purifie leurs parents etc.
2. Les rites
L'analyse des rites est encore plus facile que celle des mythes. Le rite commence
par figurer la crise mimétique. C'est étonnant ! La communauté a terriblement
peur d'y retomber, et voici qu'elle s'y jette volontairement ! Mais justement : elle
s'y jette particulièrement lorsqu'elle a le plus peur d'y retomber, lorsqu'elle est
menacée par la violence, par une épidémie, ou par une catastrophe naturelle : elle
se jette dans la crise mimétique.
On essaie d'expliquer en disant que les hommes sont fatigués, qu'ils veulent se
relaxer, transgresser etc.. Ils agissent en fait pour des raisons beaucoup plus
profondes, ils chercher à obtenir le soulagement qui s'est produit après la crise
mimétique.
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B. Les victimes
Autrement dit, nous ne pouvons connaître que les boucs émissaires des autres ! Si
nous avons nous-mêmes des boucs émissaires, nous ne les percevons pas comme
tels. Nous les considérons comme de vrais adversaires, menaçants et dangereux,
des adversaires peut-être pas coupables au point d'avoir commis le parricide et
l'inceste comme Oedipe, mais coupables cependant. Ils communiquent la peste à
la communauté.
La communauté inverse donc ses rapports avec la victime. Elle se voit elle-même
comme passive et elle voit la victime comme super active (alors que dans la
réalité c'est le contraire). C'est cette inversion qui empêchait de voir directement
que, dans les mythes, il s'agit de victimes sacrifiées, tout comme dans les textes
de persécution.
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A partir du moment où le mimétisme est trop fort et qu'il ne peut plus être
contenu comme dans les sociétés animales, les conflits deviennent inexpiables et
ils conduisent au mécanisme du sacrifice qui permet d'expulser la violence
comme vers l'extérieur du groupe. Au cours de son fonctionnement se mettent en
place toutes les institutions humaines. Cette affirmation paraît peut-être
fantastique mais on peut montrer ainsi que beaucoup de phénomènes, très
différents entre eux, dérivent les uns des autres.
Par exemple : dans ce qu'on appelle la « fête », la transgression des interdits avec
une espèce de joie qui finit dans un sacrifice (nous l'avons vu : on brûle
Carnaval). Dans d'autres rites, la transgression a au contraire un caractère sérieux,
mais cela finit encore par un sacrifice. Dans d'autres rites, les rites d'initiation par
exemple, la transgression a le caractère d'une épreuve : épreuve des futurs initiés
avec les brimades qu'on leur fait subir pour les faire accéder à leur nouveau
statut... mais cela se termine encore par un sacrifice. Il se peut donc que ce que
nous appelons « éducation 6 », « fête », et beaucoup d'autres institutions encore
sortent du sacrifice par une évolution progressive où le religieux est peu à peu
remplacé par le fonctionnement d'institutions diverses.
René Girard montre, par exemple, que des institutions comme la domestication
animale, ne peuvent s'expliquer que par la substitution progressive d'une victime
animale à la victime humaine. L'idée de domestiquer des animaux, ne pouvait pas
germer dans la tête de quelqu'un qui ne connaissait pas cette possibilité. Il est
impossible que les hommes se soient dit : « nous allons traiter certains animaux
de façon quasi humaine et, dans 25, 50, 200 générations, nos arrière-arrière-
arrière petits enfants auront du lait à boire, des vaches pour tirer leurs charrues,
des animaux de compagnie etc. En revanche, dans la perspective différée d'un
sacrifice, la démarche d'amener des animaux à partager la vie du groupe humain,
se comprend.
Il fallait, pour que le sacrifice puisse fonctionner, que la victime animale soit
suffisamment « humanisée ». C'est donc le sacrifice qui a donné aux hommes le
motif de garder des animaux dans la communauté et de les faire vivre dans leur
intimité.
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S'il est effectivement vrai que les hommes sont enfermés dans des systèmes de
représentation sacrificielle : comment peut-on en parler ? Comment se fait-il que
la société occidentale ait finalement écrit des textes de persécution au lieu de
continuer à produire des mythes ?
Les mythes ne fonctionnent pas bien : Pourquoi ? Les rites ne fonctionnent pas
bien non plus. Nous n'avons plus de sacrifices proprement dit. Nous avons certes
des pratiques para sacrificielles mais elles ne sont quand même pas comparables
aux sacrifices de victimes animales ou humaines. Nous avons des interdits, mais
pas comparables aux prohibitions des jumeaux. Nous sommes dans des sociétés
très différentes des sociétés primitives.
6 Il faudrait étudier la part de l'exclusion dans le phénomène de la sélection. Si les étudiants de Grande
Ecole se sentent ainsi l'élite de la nation, est-ce dû à la qualité de leurs résultats ou surtout au fait que
beaucoup d'autres ont été éliminés par le phénomène du concours ?
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