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Norme, Variété, variation dans le dictionnaire 

La langue est considérée comme un moyen de communication servant aux humains. Ces derniers ont
besoin de communication rationnelle, de communication affective, d’intellection, nécessité de
pouvoir appréhender le monde de la manière la plus adéquate, ont aussi besoin de survie, de
reconnaissance, de pouvoir, etc. En retour, il est important de s’attendre à ce que la langue affecte
les individus et les groupes, par exemple en leur donnant un statut social qui les sert (ou qui les
handicape), en leur imposant certains réflexes. Dans les paragraphes qui suivent, on étudiera la
notion de variété variation et de norme dans le dictionnaire.

Les dictionnaires rendent généralement compte des phénomènes qui relèvent de la variation
linguistique par le recours à des marques d’usage ou à des indicateurs de domaine (liés aux
langues de spécialité). Ces étiquettes, très nombreuses dans la plupart des dictionnaires
contemporains du français, servent à situer les différents mots et leurs significations en
fonction des quatre types de variation évoqués plus haut. Parmi les marques et indicateurs
traditionnellement utilisés dans la lexicographie française, on peut citer les suivants :

La variation temporelle : vieux, vieilli, moderne. La variation géographique : régional, Suisse,


Québec, usage acadien. De même la variation socioprofessionnelle : populaire, argot,
botanique, droit, administration. La variation situationnelle ou stylistique : familier, soutenu,
littéraire, ironique, vulgaire. La pratique des lexicographes en matière de marquage se
modifie toutefois au fil du temps. Depuis quelques dizaines d’années, par exemple, la
marque diaphasique « familier » gagne du terrain au détriment de la marque diastratique «
populaire », que certains dictionnaires n’utilisent simplement plus. Dans le même ordre
d’idées, la marque « soutenu » s’est ajoutée récemment à la liste des marques diaphasiques
utilisées dans certains dictionnaires. En outre, si le choix des marques évolue, les
lexicographes doivent aussi adapter leur description lorsque des changements de
connotation surviennent. Le verbe peaufiner « parfaire (un travail) », par exemple, a
progressivement perdu sa connotation familière, ce dont rendent compte les dictionnaires
les plus récents qui n’utilisent plus la marque « familier » pour caractériser cet emploi. En
d’autres termes, le marquage n’est jamais fixé une fois pour toutes.

Il faut se garder d’interpréter les étiquettes utilisées dans les dictionnaires de façon
exclusive. Par exemple, lorsque les lexicographes utilisent la marque « Québec » dans
l’article tantôt « plus tard » ou encore la marque « familier » dans les articles rester « habiter,
demeurer » et torchon « texte mal écrit », cela ne veut pas dire que le premier mot soit
spécifique à l’usage québécois (on l’entend aussi en Belgique) ou qu’il soit impossible
d’entendre les deux autres en contexte formel. Ces étiquettes signifient plutôt que ces mots
sont caractéristiques de l’usage québécois ou familier et qu’ils y sont donc plus fréquents,
sans leur être exclusifs.

C’est donc dire que les dictionnaires donnent une représentation de la variation qui procède
inévitablement à une certaine simplification de la complexité des phénomènes de variation.
Impossible, en effet, de rendre compte de toutes les différences qu’il peut y avoir dans la
manière dont les locuteurs perçoivent les mots ou expressions qu’ils utilisent, car cette
perception peut varier selon leur âge, leur profession ou encore leur expérience du monde.
Au Québec, par exemple, un mot comme balayeuse, au sens d’« aspirateur », sera ressenti
comme familier par certains, mais comme neutre par d’autres, ce qui aura une incidence sur
la perception du mot aspirateur (ressenti tantôt comme neutre, tantôt comme soutenu).
Pour assurer une certaine cohérence dans sa description, le lexicographe doit donc adapter
sa façon de présenter les phénomènes de variation en fonction du groupe de locuteurs qu’il a
choisi comme modèle ou référence. Il s’agit généralement des locuteurs scolarisés, car ce
sont eux que les membres d’une communauté identifient spontanément comme ceux qui «
maîtrisent bien leur langue ». De même, le concept de variation a été introduit et
conceptualisé dès les premiers travaux de Labov (1966, 1972). Ces travaux ne
doivent pas masquer l’intérêt antérieur de quelques linguistes pour des formes
« non normées », « marquées » ou « fautives » comme en attestent, en dehors du
champ de la dialectologie, les travaux de Frei (1929) proposant une Grammaire
des fautes, le Traité de stylistique française de Bally (1905) ou même les anti-
exemples des grammaires traditionnelles en « dites… mais ne dites pas… » assortis
souvent de remarques d’usage. On considère néanmoins les travaux de Labov – et à
sa suite ceux de l’école dite « variationniste » – comme fondateurs du concept
moderne de « variation », et, de manière concomitante, de la discipline
sociolinguistique naissante.  Le projet de Labov, dès 1972, consistait à vouloir
rendre compte de la langue d’une communauté linguistique à travers l’étude des
variations qui s’y trouvent, et ce, en cherchant des variables linguistiques dont il fait
l’hypothèse qu’elles sont liées, voire corrélées, à des caractéristiques sociales telles
que la catégorie socioprofessionnelle des interlocuteurs ou les conditions de
production de leurs discours.

En conclusion, on a pu constaté que le dictionnaire de langue ne décrit pas, ne reflète


pas la langue. Qu’il soit philologique (fondé sur l’observation d’un corpus de discours)
ou non (on pourrait alors le dire « simulateur », si l’adjectif n’avait des connotations
péjoratives), il produit une « image » du lexique dans la langue qui provient d’un
réglage explicite ou implicite des conflits d’usages proposés par l’expérience
sociolinguistique. Il met ainsi en œuvre, non seulement l’observation des données du
discours, mais aussi la connaissance des attitudes et jugements en partie
convergents, en partie contradictoires, des locuteurs sur la langue. S’en dégage enfin
une image normée, une norme, qui peut être libérale, puriste, cohérente ou
incohérente, enfoncée dans une idéologie passée ou prenant ses distances avec elle,
selon une idéologie ressentie comme préférable.

Webographie :
https://www.cairn.info › revue-le-fra...
Norme et dictionnaire ou l'arbitraire a toujours tort | Cairn.info
https://dictionnaire.lerobert.com › n...
norme - Définitions, synonymes, conjugaison, exemples
https://www.dictionnaire-juridique.com › ...
Norme, Normatif, Normative - Définition - Dictionnaire .

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