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LUDWIG FEUERBACH
ou
LA TRANSFORMATION DU SACRÉ
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DU MÊME AUTEUR
ÉP I MÉTHÉE
Essais philosophiques
C o l l e c t i o n dirigée p a r Jean HYPPOLITE
LUDWIG FEUERBACH
ou
LA TRANSFORMATION DU SACRÉ
par
Henri ARVON
« Il est incroyable avec quelle insolence
on se réfère de nosjours à ce qui est pu-
rement humain par opposition au christia-
nisme. Maisqu'est-ce donc que nous appelons
« humain » ? C'est un christianisme qui s'est
évaporé, une conscience de civilisation, un
dépôt dechristianisme. C'est donc au christia-
nisme qu'on le doit, et voilà qu'on le fait
valoir par opposition au christianisme.
«Ondevrait dire aux humanistes : Montrez
donc ce qui est purement humain ! Car
l'humain tel que nousl'avons maintenant, est,
à vrai dire, l'humain du christianisme, bien
que celui-ci le récuse. Mais vous n'avez pas
le droit de le considérer comme votre bien
par opposition au christianisme. »
KIERKEGAARD,Journal, 1851.
1957
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DÉPOT LÉGAL
1 édition 1er trimestre 1957
TOUS DROITS
detraduction,dereproductionetd'adaptation
réservés pour tous pays
© Presses Universitaires de France, 1957
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INTRODUCTION
sortira. » Quelques années plus tard, Edgar Quinet, dans son pro-
phétique article de La Revue des deux mondes du 15 octobre 1836,
note la rapide progression de ce mal qui ronge en particulier l'Alle-
magne : « Le fait qui s'accomplit aujourd'hui en Allemagne est la
chute du spiritualisme. Cette Jérusalem céleste croule dans l'abîme;
aucune main ne peut la retenir. » Si Hegel, porté par le reflux reli-
gieux qui se produit sous la Restauration, pouvait croire encore à
une réconciliation du christianisme et du monde bourgeois triom-
phant, Feuerbach se rend de plus en plus compte d'une rupture défi-
nitive. Retenu encore au début par une certaine fidélité à la tradition
idéaliste, il finit par rompre les attaches avec un monde en perdition.
Or, Feuerbach est d'autant plus sensible aux exigences de son
époque qu'elles furent mieux appliquées à l'y mener. S'il les pense,
c'est surtout qu'il les vit dans leur tragique étendue. Rejeté par
l'Université pour avoir voulu intervenir dans le débat religieux de
son époque, il s'abandonne davantage à l'inclination de son esprit.
Aussi la tendance naturelle de Feuerbach est-elle de négliger le
domaine aride des abstractions afin de ressaisir les problèmes pure-
ment humains. Loin de limiter ses efforts à la discussion purement
philosophique, il essaie de redonner à la vie réelle son épaisseur.
Telle est son originalité : mener sa réflexion hors des liens de la philo-
sophie officielle et renchaîner cette réflexion au monde concret.
Il est, pour reprendre le titre d'un de ses premiers ouvrages, « écri-
vain et homme ».
En parlant de Feuerbach, Rosenkranz oppose le philosophe
d'Université au philosophe de l'humanité. A vrai dire, ce choix lui
fut imposé. Ses études terminées, il s'installe comme «privatdozent »
à l'Université d'Erlangen. Mais les cours faits de 1829 à 1832 et pen-
dant le semestre d'hiver 1835-1836 ne lui ouvrent pas les portes de
l'Université. Son ouvrage Pensées sur la mort et sur l'immortalité a fait
scandale. La prophétie de son père se réalise : « Cet écrit, on ne te
le pardonnera jamais, tu n'auras jamais de chaire. » Il est d'ailleurs
victimede l'imprudence deson éditeurplus que de saproprehardiesse.
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CHAPITRE PREMIER
DE L'ESPRIT A L'HOMME
seul, à rester isolé, à tenir son quant-à-soi. Être c'est vivre en commun,
être c'est vivre pour autrui, bref, être c'est aimer. Or puisque l'amour
consiste à faire don de son être, il se confond à la limite avec la
mort. « L'amour, affirme Feuerbach, ne serait pas parfait, s'il n'y
avait pas la mort. » Ainsi la mort achève notre perfectionnement
moral; c'est par elle que notre amour atteint à son degré suprême.
« Celui qui pense, qui regarde plus profondément, surmonte la
mort comme ce qu'elle est, c'est-à-dire une action liée à la liberté
morale, il se voit lui-même dans la mort, reconnaît en elle sa propre
volonté, l'acte de son propre amour et de sa propre liberté. »
C'est la transcendance divine qui constitue « la cause spécula-
tive ou métaphysique de la mort ». Dieu, pour être absolu, doit
englober à la fois la subjectivité et l'objectivité, fondre en lui-même
le Moi et le Non-Moi. Comme il est le début et la fin de toutes
choses, il est le début et la fin de toi-même. Dieu t'affirme et te
nie; il est ta vie comme il est ta mort. «L'existence de l'objectivité,
affirme Feuerbach, est la preuve effective de la finitude et de la sub-
jectivité; car l'objectivité en tant qu'objectivité — et l'objectivité
est le non-être —est la fin de la subjectivité. »
« La cause physique de la mort » repose sur les limitations qui
sont imposées à la vie humaine. Nous n'existons que par les sens.
Or, par la sollicitation des sens, l'homme est projeté dans l'espace
et dans le temps. Pour échapper à cette servitude spatio-temporelle,
l'homme a imaginé une âme immatérielle et éternelle. Mais l'âme
n'exprime pas l'être, elle représente le devenir, l'activité, le feu
suprasensible et sacré qui nous anime. « L'âme, c'est la pensée, la
liberté, la volonté, la raison, la conscience de soi. »L'âme s'identifie
avec le corps; elle meurt avec lui. Il existe pourtant une transcen-
dance; mais il faut partir du corps pour la retrouver. C'est par la
mort que l'homme rentre dans le sein de la nature qui est le véritable
gage de son immortalité. « La nature aussi a son ciel; et c'est ce
ciel où le corps ressuscite et se transfigure, qui est la vie, l'âme.
Il faut donc chercher la résurrection et la transfiguration du corps
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