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Merlin Alfred. Hermès trismégiste et l'occultisme [R. P. Festugière, O. P. La révélation d'Hermès Trismégiste ; I. L'astrologie et
les sciences occultes. Avec un appendice sur l'Hermétisme arabe, par L. Massignon]. In: Journal des savants, Janvier-mars
1945. pp. 5-19;
http://www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_1945_num_1_1_2734
DES SAVANTS
JANVIEK-MARS 1945
entre eux d'autres liens que le nom même du dieu- prophète, qui
n'impliquent ni mystères cultuels, ni hiérarchie sacrée, ni sacrements,
répugnent à tout acte de culte autre que la prière et dont se dégage
sur Dieu, le monde et l'âme humaine deux doctrines inconciliables :
tantôt le monde est pénétré de la divinité, donc beau et bon et en le
contemplant on atteint Dieu ; tantôt le monde est essentiellement mauvais
et il faut le fuir pour atteindre Dieu.
Quels sont les auteurs de ces écrits? L'élément égyptien est à peine
apparent, au moins dans l'hermétisme philosophique, et ce sont
probablement des Grecs établis en Egypte qui ont coulé dans un moule
exotique des pensées et des sentiments accordés à l'esprit du temps.
« L'hermétisme est l'une des formes qu'a prises la piété hellénistique
quand, fatiguée du rationalisme, elle s'est abandonnée à la révélation. »
La branche principale de l'hermétisme est philosophico-théosophique ;
les branches secondaires comportent des écrits qui se réfèrent à
l'astrologie, à l'alchimie et à la magie. Le cadre de la révélation leur est
d'ailleurs commun ; l'atmosphère spirituelle est la même ; toutes sont
liées étroitement.
Le dernier chapitre du livre, que nous pouvons rattacher à cette
introduction générale, traite des formes littéraires que revêt le logos
de révélation. Pour exprimer les diverses modalités du don divin par
lequel la sagesse révélée, qui n'est pas trouvée par les seules ressources
de la raison et vient d'en Haut, on a forgé un certain nombre de fictions
littéraires où chez l'auteur la sincérité se mêle à la supercherie et que
le public accepte d'ordinaire avec une grande crédulité : la révélation
est dispensée durant un songe ou une extase, au cours d'une rencontre
et d'un entretien avec un dieu qui dicte un livre, par la découverte d'un
livre ou d'une stèle, au moyen de signes dans le ciel et, à côté de ces
révélations directes, il y en a d'indirectes : un sage donne des instructions
à un roi, en général par une lettre, plus rarement de vive voix.
La tradition est transmise par le prophète à son fils ou à un disciple qu'il
regarde comme son fils mystique et qui, à ce titre, a droit à la révélation,
pourvu qu'il soit digne, c'est-à-dire non seulement qu'il ait subi une
épreuve après laquelle il a été admis, mais qu'il ait été appelé et reçu
par le dieu lui-même. Celte dernière fiction est celle à laquelle se rattache
le logos hermétique ; depuis l'antiquité la plus haute, elle était de règle
en Egypte où toute science se transmettait normalement de père en fils.
C'est à des productions égyptiennes que l'hermétisme populaire, occultiste,
Ì0 A.
a emprunté son décor qui était tout constitué quand Je Trismégiste s'est
mêlé aussi de philosophie.
* *
Cette large vue d'ensemble, qui replace l'hermétisme dans son âge
et son milieu, ouvre un digne accès au premier volume que le R. P.
Festugière consacre à l'hermétisme astrologique et occulte, réservant
pour le second l'hermétisme philosophique.
Avant d'en venir à l'astrologie proprement hermétique, l'auteur
rappelle ce qu'a été l'astrologie hellénique. Il la définit en quelques mots
caractéristiques : c'est « l'amalgame d'une doctrine philosophique
séduisante, d'une mythologie absurde et de méthodes savantes employées
à contre-temps ». La doctrine a pour fondement l'unité du kosmos,
l'interdépendance de toutes les parties de ce vaste ensemble, la sympathie
qui les unit toutes entre elles. Son vice fondamental, c'est d'avoir traduit
en termes de psychologie ce qui devait ressortir à la physique ; on est
resté fidèle aux imaginations grossières des premiers âges en regardant
les astres comme des personnes ; on leur attribue des qualités essentielles
que la seule évocation de tel ou tel dieu ramène à la pensée, on déduit
le caractère des planètes de leur apparence extérieure, on définit leur
sexe, leur tempérament foncier et leurs humeurs passagères. Tout ce
travail tend à un but pratique : pronostiquer l'avenir par l'observation
des astres et leur influence supposée ; pour obtenir ces présages,
on fait intervenir des méthodes scientifiques empruntées aux sciences
mathématiques, à la géométrie, à l'arithmétique, qui permettent de tirer
les horoscopes.
Le « témoin capital » pour notre connaissance de l'hermétisme
astrologique est le Liber Hermetis Trismegisti, récemment découvert
dans un manuscrit latin du British Museum. Traduit d'un florilège grec
qui ne peut être antérieur à la fin du ve siècle de notre ère, il n'est qu'un
choix d'extraits, mais aussi bien dans les parties qui lui sont communes
avec d'autres auteurs que dans les parties neuves dont il n'est traité
chez aucun autre astrologue, il remonte au Corpus hermétique aujourd'hui
perdu qui appartenait à la pleine époque hellénistique et bien qu'il soit
séparé de cet original par six siècles et plus, il en a transmis des données
authentiques. Le chapitre relatif aux décans, c'est-à-dire aux trente-six
dieux sidéraux qui dominent chacun sur dix degrés du cercle zodiacal,
restitue une des pièces maîtresses de l'hermétisme astrologique tel qu'il
s'est formé dans les temples ou au voisinage des temples à l'époque
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