Vous êtes sur la page 1sur 9

INF105

Contrôle de connaissances — Corrigé


Théorie des langages

16 juin 2022

Consignes.
Les exercices sont totalement indépendants (le premier teste l’application
d’algorithmes vus en cours, le second est de nature plus théorique). Ils pourront
être traités dans un ordre quelconque, mais on demande de faire apparaître de
façon très visible dans les copies où commence chaque exercice.
Le sujet étant long pour le temps imparti, il ne sera pas nécessaire de traiter
toutes les questions pour obtenir la totalité des points.
L’usage de tous les documents (notes de cours manuscrites ou imprimées,
feuilles d’exercices, livres) est autorisé.
L’usage des appareils électroniques est interdit.
Durée : 1h30
Barème indicatif : autant de points pour chaque exercice.
Ce corrigé comporte 9 pages (page de garde incluse).

Git : 67d608a Tue Jun 7 19:50:11 2022 +0200

1
Exercice 1.
Dans cet exercice, on pose Σ = {a, b}. On considère l’expression rationnelle
r := a∗b∗a∗, et soit L := L(r) le langage qu’elle dénote.
(0) Pour chacun des mots suivants, dire si oui ou non il appartient à L (c’est-à-
dire s’il vérifie r) : ε (le mot vide), a, b, ab, ba, aa, aba, bab, abab. On ne demande
pas de justifier les réponses.
Corrigé. Les mots ε, a, b, ab, ba, aa, aba appartiennent à L ; les mots bab et
baba n’appartiennent pas à L. X
Il est fortement conseillé, dans toutes les questions suivantes, d’utiliser les
mots qui viennent d’être listés pour vérifier les automates successifs qu’on
calculera. (Par exemple, pour un automate censé reconnaître le langage L, on
vérifiera qu’il accepte bien les mots qu’on a identifiés comme appartenant à L et
pas ceux qu’on a identifiés comme n’appartement pas à L.) Les fautes qui auraient
dû être détectées par cette vérification pourront être plus lourdement sanctionnées.
(1) Traiter l’une ou l’autre des questions suivantes : (i) construire l’automate de
Glushkov A1 de r ; (ii) construire l’automate de Thompson de r, puis éliminer les
transitions spontanées (= ε-transitions) de ce dernier (on retirera les états devenus
inutiles) : on appellera A1 l’automate ainsi obtenu.
(Dans les deux cas, on obtient le même automate fini A1 , et il a 4 états.
À défaut de donner l’automate de Glushkov ou de Thompson, donner un NFA
reconnaissant L pourra apporter une partie des points.)
Corrigé. L’automate A1 trouvé est le suivant :

a b a

a b a
0 1 2 3

b a

(on remarquera notamment que tous ses états sont finaux). X


(2) Déterminiser l’automate A1 . On appellera A2 l’automate en question. On
rappelle qu’on attend ici un automate fini déterministe complet ; pour information,
il a 5 états.
Corrigé. L’automate A2 trouvé est le suivant :

2
a

{1,3}

a b b a a, b

b a b
{0} {2} {3} ∅

X
(3) Minimiser l’automate A2 . On appellera A3 l’automate minimal ainsi
obtenu (automate canonique du langage L). Pour information, cet automate a
4 états : pour la commodité du correcteur, on les appellera 1, 2, 3, ⊥ dans l’ordre
dans lequel ils sont parcourus lorsque l’automate consomme le mot bab.
Corrigé. L’automate A2 est déterministe complet sans état inaccessible.
On commence l’algorithme de minimisation en séparant les états finaux
{0}, {1, 3}, {2}, {3} et l’état non-final ∅. On sépare ensuite les premiers selon
que la transition étiquetée b conduit à un état non-final, ce qui sépare {3} du reste,
et enfin selon que la transition étiquetée a conduit à cet état {3}, ce qui sépare
{2} du reste. Finalement, on aboutit aux classes suivantes : {0} ≡ {1, 3}, {2},
{3} et ∅ (qu’on rebaptise 1, 2, 3, ⊥ respectivement), et à l’automate minimal A3
suivant :
a b a a, b

b a b
1 2 3 ⊥

X
(4) Donner de même l’automate minimal A4 du langage L := L(r ) dénoté 0 0

par l’expression rationnelle r0 := b∗a∗b∗. Comme cette expression, et donc


cet automate, sont simplement obtenus en échangeant a et b par rapport à ce
qui précède, on donnera directement l’automate sans passer par les questions
intermédiaires.
Corrigé. L’automate minimal A4 de L0 s’obtient simplement en échangeant
a et b dans A3 :
b a b a, b

a b a
1 2 3 ⊥

3
(5) En utilisant une construction de type « automate produit », donner un
automate déterministe complet A5 , ayant 4×4 = 16 états, qui reconnaît le langage
M := L ∩ L0 (constitué des mots vérifiant à la fois r et r0 ). On prendra garde pour
la question suivante au fait que cet automate possède des états inaccessibles.
Corrigé. En prenant le produit des automates A3 et A4 , on aboutit à l’automate
suivant (où on a noté q, q 0 l’état correspondant au couple (q, q 0 ) d’un état q de A3
et q 0 de A4 ; par exemple, δ((1, 1), a) = (1, 2) car δA3 (1, a) = 1 et δA4 (1, a) = 2) :
a

a a
1, 1 1, 2 1, 3 1, ⊥ a
b
b b b
b
b 2, 1 2, 2 2, 3 b 2, ⊥ b
a a
a a
a a
3, 1 3, 2 3, 3 3, ⊥ a
b
b a b b
a b a
⊥, 1 ⊥, 2 ⊥, 3 ⊥, ⊥

b a b a, b

Pour plus de lisibilité, on a ici noté les états finaux en les entourant deux fois plutôt
qu’avec une flèche sortante. X
(6) Minimiser l’automate A5 . On appellera A6 l’automate minimal ainsi
obtenu (automate canonique du langage M = L ∩ L0 ). Pour information, cet
automate a 6 états.
Corrigé. On commence par ne conserver que les états accessibles depuis l’état
initial, c’est-à-dire ceux étiquetés (1, 1), (1, 2), (2, 1), (2, 3), (3, 2), (3, ⊥), (⊥, 3)
et (⊥, ⊥) dans la représentation ci-dessus, pour avoir un automate déterministe
complet sans état inaccessible. On applique ensuite l’algorithme de minimisation
de manière semblable à la question (3) : les états non-finaux vont toujours rester
groupés, et les états finaux sont séparés un par un. Finalement, on aboutit à
l’automate A6 suivant comme automate minimal du langage M (on a rebaptisé

4
les états ainsi : (1, 1) 1, (2, 1) 2, (3, 2) 3, (1, 2) 20 , (2, 3) 30 , et
(3, ⊥) ≡ (⊥, 3) ≡ (⊥, ⊥) ⊥) :

a b

b
20 30
a a

1 ⊥ a, b
b a
b b
2 a 3

X
(7) En appliquant l’algorithme d’élimination des états, déduire de A6 une
expression rationnelle s dénotant le langage M . Pour obtenir une expression
raisonnablement simple, on recommande d’éliminer les états en commençant par
ceux qui sont à la distance la plus éloignée de l’état initial.
Corrigé. On commence par effacer l’état puits (qui ne sert à rien) et par créer
un unique état final sans transition qui en parte :

a b

b
20 30
a ε
ε
ε
1 ∞
ε
b ε
2 a 3

b a

On peut alors éliminer les états 3 et 30 (il n’y a pas d’interaction entre eux) :

5
a

20
a ε|bb∗

ε
1 ∞

ε|aa∗
b
2

Et finalement, en éliminant les états 2 et 20 , on trouve l’expression rationnelle


suivante qui dénote le langage M :

ε | aa∗(ε|bb∗) | bb∗(ε|aa∗)

(il y a bien sûr d’autres écritures possibles ; par exemple, si on élimine d’abord
2 et 20 puis 3 et 30 on obtient : ε | aa∗ | bb∗ | aa∗bb∗ | bb∗aa∗ ; l’expression
rationnelle ε | aa∗b∗ | bb∗a∗ est encore équivalente, mais elle ne s’obtient pas par
la procédure d’élimination des états). X

Exercice 2.
Les parties (A), (B) et (C) de cet exercice sont indépendantes. On ne demande
pas de justifications très longues.
(A) On se propose de montrer que la question de savoir si une grammaire hors
contexte G (sur un alphabet Σ fixé) vérifie L(G) 6= ∅ est décidable. Autrement
dit, on veut montrer qu’il existe un algorithme qui prend en entrée une grammaire
hors contexte G, termine toujours en temps fini, et renvoie « vrai » si L(G) 6= ∅
et « faux » si L(G) = ∅.
(1) Expliquer pourquoi L(G) 6= ∅ si et seulement si il existe un arbre
d’analyse T pour G. (Un « arbre d’analyse pour G » désigne un arbre d’analyse
d’un mot quelconque selon G.)
Corrigé. Tout mot de L(G) a (au moins) un arbre d’analyse pour G, et tout arbre
d’analyse pour G est l’arbre d’analyse d’un mot de L(G) : ainsi, si L(G) 6= ∅, il
existe un arbre d’analyse pour G, et si L(G) = ∅ il n’existe pas d’arbre d’analyse
pour G. X
• Pour les questions suivantes, on introduit la terminologie suivante : si T est
un arbre et n un nœud (=sommet) de T , on dit qu’un nœud n0 est un descendant
de n lorsque n0 est soit égal à n, soit est un fils de n, soit est un fils d’un fils de n,

6
etc., à n’importe quelle profondeur. L’ensemble des descendants de n (y compris
n lui-même) est donc un arbre ayant n pour racine, qu’on appelle sous-arbre qui
descend de n.
(2) Montrer que s’il existe un arbre d’analyse T pour G, il en existe un
vérifiant la propriété additionnelle suivante : (†) « si un nœud n est étiqueté par
un nonterminal X, alors aucun nœud n0 6= n descendant de n ne porte la même
étiquette X ».
Indication. Pour cela, on pourra remarquer que si un arbre T ne vérifie
pas (†), on peut en construire un autre ayant strictement moins de nœuds, en
remplaçant le sous-arbre qui descend de n par celui qui descend de n0 , et
expliquer pourquoi c’est encore un arbre d’analyse pour G si T en est un (pas
nécessairement du même mot).
Corrigé. Si T est un arbre d’analyse pour G dans lequel un nœud n0 descendant
d’un autre nœud n est étiqueté par le même symbole X, alors on peut fabriquer
un arbre T 0 en remplaçant le sous-arbre qui descend de n par celui qui descend
de n0 . Cet arbre T 0 a strictement moins de nœuds que T car ses nœuds sont
exactement ceux de T à l’exception de ceux qui descendent de n mais pas de n0 .
Par ailleurs, c’est toujours un arbre d’analyse pour G car chaque nœud a des fils
étiquetés exactement de la même manière (le seul pour lequel ce n’est pas évident
est le nœud parent de n, mais c’est bien vrai car n0 et n ont la même étiquette X).
Si on considère maintenant T l’arbre d’analyse pour G ayant le nombre
minimal de nœuds, il vérifie forcément (†), sans quoi la construction qu’on vient
de donner produirait un arbre T 0 ayant strictement moins de nœuds, contredisant
la minimalité. Il existe donc bien un arbre d’analyse pour G vérifiant (†) (dès lors
qu’il existe un arbre d’analyse pour G tout court). X
• Pour la question suivante, on dira qu’un arbre T est de valence ≤ k lorsque
chaque nœud de T a au plus k fils.
(3) Montrer que, quels que soient les entiers naturels k et m, il n’y a qu’un
nombre fini d’arbres de valence ≤ k, dont les sommets sont étiquetés par des
étiquettes prises dans un ensemble {Z1 , . . . , Zm } de cardinal m, et vérifiant la
propriété (†) de la question précédente. Plus précisément, on pourra montrer
que le nombre P de tels arbres est donné par N (k, m) défini par la récurrence
N (k, m) = m kr=0 N (k, m − 1)r (et N (k, 0) = 0) en considérant l’étiquette
de la racine (parmi m possibles) et les r ≤ k sous-arbres qui descendent de ses
fils.
Corrigé. Un arbre T de valence ≤ k vérifiant (†) et dont les étiquettes sont
prises parmi {Z1 , . . . , Zm } s’obtient en choisissant l’étiquette Zi de la racine
parmi m possibles, le nombre 0 ≤ r ≤ k de fils de la racine, et les sous-arbres
T1 , . . . , Tr qui en descendent, qui sont eux-mêmes des arbres de valence ≤ k
vérifiant (†) et dont les étiquettes sont prises parmi {Z1 , . . . , Zm } \ {Zi }, c’est-à-

7
dire parmi m − 1 possibles. Par récurrence sur m, on P montre donc que ce nombre
est fini, et précisément qu’il vérifie N (k, m) = m kr=0 N (k, m − 1)r . X
(4) En déduire un algorithme répondant à la question posée.
Indication. Si k est la longueur maximale d’une production de la
grammaire G, on pourra chercher à construire tous les arbres de valence ≤
k, étiquetés par des terminaux ou nonterminaux ou ε, vérifiant de plus la
propriété (†), et regarder s’il y a un arbre d’analyse parmi eux.
Corrigé. Si k est la longueur maximale d’une production de la grammaire G
et m le nombre d’étiquettes possibles d’un arbre d’analyse selon G (c’est-à-dire
le nombre de nonterminaux plus le nombre de terminaux plus 1 pour ε, mais peu
importe), on commence par énumérer tous les arbres de valence ≤ k, étiquetés
par les tokens en question, ce qui est possible d’après la question précédente (et
effectif avec la récursion évidente sur m). Il suffit ensuite de tester tous ces arbres
concevables et de vérifie si, à chaque nœud, les contraintes imposées à un arbre
d’analyse sont vérifiées. Soit on trouve un arbre d’analyse pour G, auquel cas on a
montré L(G) 6= ∅ et on peut répondre « vrai » ; soit il n’y a aucun arbre d’analyse
pour G vérifiant (†), donc aucun d’arbre d’analyse pour G d’après la question (2),
donc L(G) = ∅ d’après (1) et on peut répondre « faux ». X
(B) Montrer que la question de savoir si (pour un alphabet Σ fixé) une
grammaire hors contexte G vérifie L(G) 6= Σ∗ , est semi-décidable. Autrement
dit, montrer qu’il existe un algorithme qui prend en entrée une grammaire hors
contexte G, termine en temps fini et renvoie « vrai » si L(G) 6= Σ∗ , et ne termine
pas si L(G) = Σ∗ .
Indication. On pourra pour cela énumérer tous les mots possibles à la
recherche d’un mot qui n’appartient pas à L(G), et utiliser le fait que tester si
w ∈ L(G) est décidable.
Corrigé. L’algorithme suivant convient : énumérer tous les mots w ∈ Σ∗ et,
pour chacun, utiliser la procédure de décision connue pour déterminer en temps
fini si w ∈ L(G). Si ce n’est pas le cas, on termine immédiatement en renvoyant
« vrai » (on a L(G) 6= Σ∗ ) ; si c’est le cas, on continue (on passe au mot suivant).
Cet algorithme termine (et renvoie « vrai » dans ce cas) exactement lorsque
L(G) 6= Σ∗ : il montre donc la semi-décidabilité du problème considéré. X
(C) (1) Montrer qu’il existe un algorithme qui, donnés une expression
rationnelle r1 et une grammaire hors contexte G1 (sur un même alphabet Σ),
calcule (= renvoie) une grammaire hors contexte G2 telle que L(G2 ) = L(G1 ) ∪
(Σ∗ \ L(r1 )).
Corrigé. D’après divers résultats du cours : donnée une expression rationnelle
r1 , on sait calculer algorithmiquement un NFA A1 tel que L(r1 ) = L(A1 ) (par
exemple avec la construction de Glushkov), on sait calculer algorithmiquement

8
un DFA A2 tel que L(A1 ) = L(A2 ) (en déterminisant A1 ), on sait calculer
algorithmiquement un DFA A2 tel que L(A3 ) = Σ∗ \ L(A2 ) (en échangeant états
finaux et non-finaux), on sait calculer algorithmiquement une grammaire hors
contexte G3 telle que L(G3 ) = L(A3 ) (en construisant une grammaire régulière),
et à partir de G1 et G3 on sait calculer algorithmiquement une grammaire hors
contexte G2 telle que L(G2 ) = L(G1 ) ∪ L(G3 ) (stabilité algorithmique des
langages algébriques par union) : on a alors L(G2 ) = L(G1 ) ∪ (Σ∗ \ L(r1 ))
comme annoncé. X
(2) On admet que le problème suivant n’est pas décidable (pour un alphabet
Σ fixé de cardinal #Σ ≥ 2) : donnés G une grammaire hors contexte et r
une expression rationnelle, savoir si L(r) ⊆ L(G). En déduire que le problème
suivant (qui en est un cas particulier) n’est lui-même pas décidable : donnée G
une grammaire hors contexte, savoir si L(G) = Σ∗ .
Indication. Pour cela, on pourra supposer par l’absurde que le problème
de reconnaître si L(G) = Σ∗ est décidable et, donnés G1 et r1 , construire
algorithmiquement une grammaire hors contexte G2 telle que L(G2 ) = Σ∗ si
et seulement si L(r1 ) ⊆ L(G1 ).
Corrigé. Supposons par l’absurde qu’on dispose d’un algorithme A qui prend
une grammaire hors contexte G en entrée et décide si L(G) = Σ∗ . Considérons
l’algorithme suivant qui prend en entrée une grammaire hors contexte G1 et une
expression rationnelle r1 : on commence par calculer une grammaire G2 telle que
L(G2 ) = L(G1 ) ∪ (Σ∗ \ L(r1 )) comme expliqué en question (1), et on applique à
G2 l’algorithme A qu’on a supposé exister pour décider si L(G2 ) = Σ∗ . Comme
L(G2 ) = L(G1 ) ∪ (Σ∗ \ L(r1 )), dont le complémentaire est L(r1 ) \ L(G1 ), on a
L(G2 ) = Σ∗ si et seulement si L(r1 ) ⊆ L(G1 ) : on peut donc renvoyer « vrai »
dans ce cas et « faux » sinon. Ceci montre l’existence d’un algorithme décidant si
L(r1 ) ⊆ L(G1 ), ce qui est impossible (résultat admis). C’est donc que l’hypothèse
de l’existence de A était absurde, et le problème en question n’est pas décidable.
X

Vous aimerez peut-être aussi