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Marie-Thérèse

Landon

Gabon
L’impossible décolonisation
dans la Françafrique

40 accordée le 20 janvier
Oyono
Gabon
l’impossible décolonisation
dans la Françafrique
© 2017, Fauves Éditions
9, rue de l’École-Polytechnique – 75005 Paris
www.fauves-editions.fr
ISBN : 979-10-302-0057-7
Marie-Thérèse
Landon

Gabon
l’impossible décolonisation
dans la Françafrique
A Monsieur Pierre Péan,

Le peuple gabonais vous exprime toute sa gratitude,


pour lui avoir ouvert les yeux sur la face
cachée des relations Franco-gabonaises
depuis l’indépendance jusqu’à nos jours…
Salut à vous,
Héros de la première heure
Combattants de la liberté
Histoire sanglante
Écrite avec la chair du peuple déchirée
Par des années d’oppression
Par des années d’humiliation
Par des années de lutte
Pour défendre notre terre
Terre nourrissante
Terre sanglotante
Terre berceuse
Des jours sans nuits
Des nuits convulsives
Ruisselantes de sang
Le sang de tes fils tombés
Sur les champs de bataille
Têtes chercheuses de liberté et de dignité

Salut à toi, Combattant de demain


Salut à toi, Mère en larmes
Salut à vous, Combattants de la liberté
Il n’y a plus de champs de bataille
Le champ de bataille est partout..
Car le front est là où se trouve l’ennemi

(Paroles : MOUDJEGOU Musique AKENDENGUE)


INtrODUctION
L’ASSAUt crIMINEL DU 31 AOût 2016
AU QG DE JEAN PING

Libreville, 31 août 2016, il est 1 h du matin, un


assaut militaire vient d’être lancé au Quartier
Général (QG) de Jean Ping, candidat de
l’opposition à l’élection présidentielle.
candidat de l’opposition pour l’alternance
politique, opposé au président sortant Ali Bongo
Ondimba, Jean Ping est arrivé en tête du scrutin
présidentiel du 27 août 2016 dans la presque
totalité des bureaux de vote du territoire et à
l’étranger. Sept des neuf provinces du Gabon et
toute la diaspora gabonaise à travers le monde ont
voté pour le candidat Jean Ping.
Dans le QG où étaient réunis, dès la tombée de
la nuit, tous les leaders de l’opposition et le peuple
gabonais, en grande majorité les partisans de Jean
Ping, non armés : c’est un carnage !

11
Gabon

Le QG bombardé ressemble à un champ de


guerre. Il y a du sang partout..! Il y a des morts,
beaucoup de morts, mais aussi de nombreux blessés,
allongés à même le sol au milieu des débris de verre
et des chaises renversées… Il y a surtout cette odeur
de poudre et de sang…
Selon les témoins qui ont assisté aux bombar-
dements, les soldats de la garde présidentielle sont
arrivés à 1 h du matin au QG de Jean Ping,
cagoulés avec des armes de guerre. Puis, ils ont
commencé à tirer sur les militants à balles réelles…
Des centaines de partisans de Jean Ping ont été
aspergées de gaz lacrymogène, puis embarquées dans
des Pick-up et amenées vers des destinations
inconnues…
De nombreux corps ont également été ramassés
et embarqués pour dissimuler les tueries…

Après les massacres, les militaires de la garde


présidentielle sont repartis vers 5 h du matin
comme ils sont arrivés, en prenant soin de ramasser
toutes les balles et douilles qui traînaient sur
les lieux de l’assaut. Ils ont été relayés par
des gendarmes qui, eux, « encerclent toujours les
lieux des bombardements et en refusent l’accès au
public.. » raconte un témoin en larmes au bout du
téléphone…

Plus de cinq mois après les faits, c’est-à-dire,


jusqu’au moment où nous rédigeons ce manuscrit,
l’émotion reste encore vive chez les Gabonais à
travers le monde. Le traumatisme est toujours

12
Introduction

perceptible d’autant plus qu’on est encore sans


nouvelles de centaines de personnes embarquées
cette nuit-là et les jours qui ont suivi…
De même, de nombreuses familles restent
toujours sans nouvelles des dépouilles de leurs
proches enlevées lors de cet assaut tragique du 31
août 2016…
Les familles endeuillées sont, elles-mêmes
interdites de témoigner sur la perte de leurs parents,
et parfois d’organiser dignement leurs obsèques…

toutefois, certains hauts responsables politiques


et syndicaux, arrêtés cette nuit-là, ont été libérés
quelques jours après, grâce à la pression internationale.
tous racontent la nuit d’horreur, rythmée par
des tirs en rafales, le bruit assourdissant d’un
hélicoptère qui survolait le bâtiment, des alarmes
de voitures ; puis les menaces, les tortures, les coups
de matraques ainsi que d’autres traitements
dégradants subis : jets d’acide chez les uns,
électricité chez les autres, viols chez les femmes,
sodomisation chez les hommes, etc.
Quant au nombre de victimes, le pouvoir,
pendant un mois, dénombrait officiellement 5
victimes ; information très éloignée de la réalité du
terrain et souvent relayée par certains médias français
qui soutiennent dans l’ombre Monsieur Ali Bongo
Ondimba !
Pourtant, quelques semaines plus tard, le monde
découvre avec effroi qu’il y a eu des centaines de
victimes à travers tout le pays !

13
Gabon

Voici, par ville, la liste effroyable des blessés et


des morts que l'auteure a reçue, quatre jours après
l’assaut (le 4 septembre 2016) :

Bitam : 28 morts, 154 blessés dont 30 dans un


état critique
Oyem : 15 morts, 78 blessés dont 1 gendarme
(blessé)
Midzic : 9 morts, 17 blessés dont 2 dans un état
critique
Koulamoutou : 3 morts, 24 blessés.
Lambaréné : 11 morts, 18 blessés.
Franceville : 8 blessés.
Libreville : 126 morts, 459 blessés dont 2
policiers grièvement atteints et 25 civils dans un
état grave.
Port-Gentil : 347 morts, 1240 blessés, la
plupart brûlés à l'acide.
Au total : 539 morts, 1998 blessés.

cette liste n’est qu’un dénombrement au


lendemain des bombardements. Elle ne tient compte,
ni des dizaines de corps emportés cette nuit-là par les
militaires, ni de ceux qui vont succomber les jours
d’après, à la suite de leurs blessures.
D’après certains témoins, des dizaines de corps
vont être enterrés dans des fausses communes en
pleine nuit, soit à la cité de la démocratie où deux
tractopelles attendaient déjà, soit à la Pointe Denis,
une petite Île au large de Libreville, etc.

14
Introduction

Un scrutin sous tension au Gabon

Pourtant, quelques jours plutôt, le 27 août 2016,


c’est le jour des élections présidentielles au Gabon.
Il est 23 h, en cette belle nuit de fin d'été, la
population gabonaise est en liesse dans les rues de
Libreville la capitale. Beaucoup crient leur joie,
d’autres, très émus, versent des larmes de bonheur,
d’autres dansent et chantent l’hymne national.
certains brandissent des feuilles de palmier,
d’autres la croix du christ comme des trophées,
etc.
En effet, Jean Ping, leur champion pour
l’alternance politique vient de remporter les
élections présidentielles. Il est en tête dans presque
toutes les provinces du pays.

A l’extérieur du Gabon, c’est aussi l’effervescence.


toute la diaspora gabonaise d’Europe, d’Amérique
et à travers le monde s’est mobilisée, comme un
seul homme, pour voter l’alternance démocratique
avec Jean Ping et chasser Ali Bongo, qu’ils
considèrent comme l’ennemi du peuple gabonais.
Ils sont déterminés à tourner la page de 50 ans
de dictature avec les Bongo, père et fils, sans
violence, par la seule voie des urnes.

Le pouvoir d’Ali Bongo tremble. Il n’imaginait


pas recevoir un tel désaveu de la part de ce peuple
qu’il a pourtant méprisé, ignoré, brutalisé,
humilié…

15
Gabon

Arrivé au pouvoir par effraction, grâce et avec le


soutien de la droite sarkozyste, Ali Bongo avait
cru hériter d’un royaume plutôt que d’une
« république indivisible, démocratique, sociale
(mais laïque), basé sur le gouvernement du peuple
par le peuple et pour le peuple » comme le précise
l’article 2 de la constitution, la mère des lois
gabonaises.
En prêtant serment ce jour d’octobre 2009, sur
une constitution qu’il n’a pas su respecter et devant
un drapeau gabonais qu’il a déshonoré pendant tout
son mandat, on est en droit de se demander s’il avait
pris la peine de lire le préambule du livre qu’il avait
juré de respecter. Sinon, il aurait compris que « La
souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce
directement, par le référendum ou par l’élection, selon
les principes de la démocratie pluraliste » etc.

Mais Ali Bongo, nourri au sein de la Françafrique,


sait qu’il n’a rien à craindre, ni sur le plan national
où il tient d’une main de fer tous les leviers
du pouvoir : commission électorale nationale
autonome et permanente (cENAP), ministère de
l’intérieur, cour constitutionnelle, Justice.., ni sur
le plan international, car à l’intérieur de la
communauté internationale se trouve la France
qui, avec ses réseaux françafricains le soutient dans
l’ombre.
Il a été élevé dans ce système où fraude, corruption
des électeurs, trucage des urnes, empoisonnements,
assassinats d’opposants politiques sont la règle pour

16
Introduction

conserver le pouvoir tous les 7 ans… Il a également


retenu ceci : quand la corruption a atteint ses limites
dans le cadre d’une élection comme celle-ci, la terreur,
la capture et les assassinats d’opposants politiques
doivent prendre le relais.
Il avait déjà expérimenté cette méthode en 2009,
sans être inquiété. Il peut la réitérer en 2016. On
ne change pas une méthode qui marche !

Ainsi, au soir du 27 août 2016, malgré les


manipulations habituelles des fichiers électoraux
gabonais, l’achat des électeurs, la falsification et le
trafic de quelques procès verbaux (PV) sortis des
urnes, il est forcé de constater que la victoire n’était
pas pour lui.
La population gabonaise à l’intérieur et à
l’extérieur du pays, galvanisée par les résultats sortis
des urnes, attend avec fébrilité la proclamation des
résultats officiels qui tardent pourtant à venir…
Elle pense naïvement avoir gagné la partie, et que
Monsieur Ali Bongo va, pour une fois, reconnaître
sa défaite et quitter le pouvoir. Peine perdue !

Les résultats des élections qui, au départ,


devaient être annoncés le soir même du 27 août
2016, ou tout au plus le 28 août pour une
population d’à peine 1.500.000 habitants, se font
attendre…

17
Gabon

Le pouvoir annonce finalement que la


proclamation des résultats officiels est renvoyée au
31 août 2016, soit trois jours plus tard…
car, à l’ère des réseaux sociaux, Ali Bongo ne
peut plus frauder comme avant. Les résultats sortis
des urnes se répandent à la vitesse du son. Jean Ping
est toujours en tête des suffrages et tous les
Gabonais le savent ! Il lui faut du temps pour
concevoir un nouveau plan, un plan B…
Le seul moyen qui reste à cet héritier des
réseaux Foccart est de gonfler grossièrement et
artificiellement les votes de la population de la
région du Haut Ogooué, fief de son défunt père,
Omar Bongo. Là-bas, il prétend avoir obtenu 99,
5 % des suffrages !1, ce qui n’est pas possible en
raison du taux d’abstention observé dans
l’ensemble du territoire gabonais.
Qu’importe, Ali Bongo, l’enfant gâté de la
Françafrique, soutenu en sous-marin par les lobbies,
est prêt à tout pour conserver son fauteuil de
président de la république gabonaise, comme en
2009. Il en a les moyens.
Et, tant pis pour ceux qui ne seront pas d’accord
avec ce hold-up renouvelé. En effet, son armée
personnelle infiltrée de mercenaires, est déjà en
embuscade dans tous les coins du pays pour mater
une éventuelle contestation populaire.

1 Le recensement de la décennie 1970-1980, comme ceux des années


qui vont suivre, lui attribuent généralement une démographie d’à peine
51,000 habitants par rapport au reste du pays, pour la ville de France-
ville et celle de Moanda.

18
Introduction

Et, alors que tout le monde sait depuis le 27


août à travers le monde, que Jean Ping est le
vainqueur des élections présidentielles au Gabon :
revirement spectaculaire !
Le 31 août, c’est-à-dire trois jours plus tard, Ali
Bongo, sans scrupule ni état d’âme, avec la
complicité de la cENAP, s’approprie la victoire de
son adversaire Jean Ping et se proclame vainqueur
à sa place !

Un génocide prémédité

Il ne pouvait en être autrement. car depuis des


mois, tout avait déjà été mis en œuvre pour que
Monsieur Ali Bongo Ondimba, même s’il
n’obtenait que 3 % des suffrages dans les urnes, soit
proclamé vainqueur à la place du vrai vainqueur,
comme en 2009, grâce à :
- une justice à ses ordres,
- une commission électorale nationale autonome
et permanente (cENAP), mais qui n’est autonome
que de nom, car elle n’est ni transparente ni
impartiale. La cENAP travaille toujours et avant
tout sous les ordres du pouvoir du clan de Bongo.

Il faut se rappeler que, trois mois auparavant, la


cENAP avait déjà validé la candidature de
Monsieur Ali Bongo, alors que celle-ci était
administrativement et juridiquement irrecevable,
compte-tenu de son état civil frauduleux : « Faux et

19
Gabon

usage de faux », malgré les contestations des


Gabonais et d’éminents juristes.
En validant une candidature à l’élection
présidentielle contenant de faux documents, il était
évident que la cENAP allait aussi valider les
résultats électoraux frauduleux du Haut Ogooué.
Et ce, malgré toutes les incohérences révélées au
grand jour par les représentants de l’opposition et
les Observateurs de l’Union européenne.
La cENAP a ainsi confirmé sa triste réputation :
être le bras droit du régime Bongo-PDG.
D’autant plus qu’à la veille du scrutin (vers le
mois de mai), une certaine presse locale révélait que
la cENAP et le ministère de l’intérieur auraient été
couverts de milliards de francs cfa par Ali Bongo,
en prévision des services à venir…

Il faut rajouter à toutes ces manœuvres le verrou


d’une « cour inconstitutionnelle familiale », avec
la présence permanente depuis 1998, de Madame
Marie Madeleine Mborantsuo, comme présidente.
Mariée traditionnellement avec l’ancien chef de
l’Etat Omar Bongo avec lequel elle avait eu 2
enfants, Madame Marie Madeleine Mborantsuo
est, en fait, la belle-mère d’Ali Bongo dont elle est
restée proche.
Si les règles de droit avaient été respectées au
Gabon sous le règne des Bongo-PDG, Mme
Mborantsuo, aurait dû faire un seul mandat de
sept ans, ou tout au moins, démissionner pour
éviter les conflits d’intérêts, dès lors qu’Ali Bongo

20
Introduction

se présentait à l’élection présidentielle. Mais son


statut d’ancienne compagne du président Omar
Bongo a fait d’elle un pilier du clan Bongo,
gardienne de cette institution qu’elle préside de
manière partisane depuis 23 ans, toujours au profit
de la famille Bongo !
Surnommée « la tour de Pise », Marie Madeleine
Mborantsuo reste un personnage clé dans le
dispositif d’appropriation du pouvoir gabonais par
le clan Bongo.

On le voit bien : la confiscation de tous les


leviers du pouvoir politique au Gabon, reste la
principale caractéristique du régime Bongo-PDG-
Françafrique depuis plus de 50 ans.

Et comme cela était prévisible, le peuple


gabonais, asphyxié économiquement, sacrifié
sur l’autel des intérêts divers et assoiffé d'une
alternance politique, n’a pas toléré qu’Ali Bongo,
une fois de plus, lui vole son vote.
Les Gabonais, dans tous les coins du monde,
ont suivi, minute par minute, grâce aux réseaux
sociaux, les dépouillements en direct des bulletins
de vote. Ils savent que c'est leur champion, Jean
Ping, qui a gagné l’élection. D’où leur désarroi
quand Ali Bongo, avec la complicité de la cENAP,
se proclame une fois encore vainqueur avec un
score « d’extraterrestre » !
comment les populations gabonaises, même
révoltées, en majorité des jeunes à mains nues,

21
Gabon

auraient pu mettre le feu à un Parlement gabonais


quadrillé et difficile d’accès..? car cet incendie, que
certains attribuent aux hommes de mains d’Ali
Bongo lui-même, a été l’étincelle que ce dernier
attendait pour mettre le feu aux poudres.
Il lui fallait ce prétexte pour passer à un plan
plus radical : le bombardement du quartier général
(QG) de Jean Ping.

Il faut rappeler que, pendant les mois qui ont


précédé les élections du 27 août, une certaine
presse (locale et internationale) et l’opposition
gabonaise, ne cessaient d’alerter l’opinion
nationale et internationale sur « les inquiétantes
commandes d’armes de guerre d’Ali Bongo
passées en Ukraine2 ». Elles signalaient également
l’arrivée continue, depuis 2015, de centaines de
mercenaires du rwanda, du Bénin, du tchad, du
togo, etc., sur le territoire gabonais.

Ainsi, pendant que le Parlement brûlait, il


ordonna à sa milice, son armée, sa garde
républicaine, toutes infiltrées de mercenaires venus
d’ailleurs, de tirer sur tout ce qui bouge dans les
rues de la capitale.
Lourdement armés, cagoulés, ne faisant pas
dans la demi-mesure, ils vont, sans tarder, tirer sur
les Gabonais non armés présents ce soir-là au QG
de Jean Ping.

2 Gabon24blog.-Libreville.-17.-juillet.-2016. Ou
https://gabon24blog.wordpress.com:2016/04/08/l-avion-qui-a-trans-
porte-les-armes-refera-une-deuxième-tour-a-libreville/

22
Introduction

Et, pendant 5 longues heures, pièce par pièce,


étage par étage, (jusqu’au 5e étage), défonçant
toutes les portes à coup de hache, ils vont fouiller,
tirer, puis capturer tous ceux qui sont présents dans
ce QG. tous les leaders de l’opposition réunis au
3e étage sont arrêtés ainsi que tous ceux qui ont
voté Jean Ping, qu’ils ont surnommé « le chinois »
d’après le récit d’un rescapé dans une vidéo postée.
En fait, le véritable but de leur mission fut
d’aller bombarder le quartier général de son
adversaire Jean Ping, de le capturer, lui et ses
militants, et surtout de détruire les procès verbaux
qui donnent ce dernier vainqueur des élections.
Par chance, Jean Ping n’est pas présent à son
QG à ce moment-là…
En revanche, beaucoup de Gabonais seront tués
cette nuit-là dans les bombardements, d’autres
seront capturés, embarqués et amenés vers des
destinations inconnues par les escadrons de la
mort !

Depuis cette nuit tragique du 31 août 2016, les


Gabonais, révoltés par de telles exactions
organisent leur résistance à travers le monde :
marches, manifestions, interpellations des élus
français, Sit in devant le conseil des Affaires
étrangères de l'Union européenne (EU), pétitions
en ligne, etc.
consciente que les paroles s’envolent, mais les
écrits demeurent, l'auteure a choisi la voie de
l’écriture pour rappeler les raisons historiques qui

23
Gabon

expliquent cette rupture entre Ali Bongo et le


peuple gabonais.
car, au-delà des violations de la constitution
gabonaise, d’une gestion chaotique des richesses
du pays, c’est la brutalité du régime et ses dérives
monarchiques et sanguinaires, érigées en mode de
gouvernement, que rejette unanimement le peuple
gabonais.

Il est vrai qu’il n’appartient pas à l’historien, pas


plus qu’à l’économiste, de dicter les actions du
pouvoir politique, mais ils doivent, l’un et l’autre,
alerter et prévenir des conséquences de leurs
orientations politiques et économiques sur les
populations locales et sur le pays.
Il importe surtout de mieux faire connaître
Jean Ping, l’homme démocratiquement élu le 27
août 2016, grâce à la confiance de la majorité des
Gabonais.
Avec son discours rassurant, son parcours, ses
expériences, Jean Ping est l’opposé d’Ali Bongo. Il
semble évident aujourd’hui que c’est cet homme
qui peut mettre le Gabon à l’abri de la peur et du
besoin, en le sortant de la situation chaotique dans
lequel il est aujourd’hui englué.

cette crise post-électorale, la plus grave que


le Gabon n’ait jamais connue, est l’occasion
de rétablir l’histoire pervertie, falsifiée, maquillée
sur l’autel des intérêts divers. c’est surtout
l’occasion de rappeler à la France - partenaire

24
Introduction

historique du Gabon, toujours au centre du jeu


politique gabonais - mais aussi à la communauté
internationale dans son ensemble, le droit à la
liberté du peuple gabonais : un peuple libre de
choisir sa destinée comme il l’entend et en toutes
circonstances.
Licence cant-11-5818067-8721779-5459840 accordée le 20 janvier
2021 à Stéphane Oyono
PrEMIèrE PArtIE
LE GABON SOUS ALI BONGO ONDIMBA

« Edzome d’awuigne sô é ne sô mbègne »

ce qui cause la mort de l’antilope « sô »


se trouve attaché à sa patte
(Proverbe Ntumu)
cHAPItrE 1

LES PrOBLèMES POLItIQUES


DEPUIS 2009 AU GABON

La rupture entre Ali Bongo Ondimba et le


peuple gabonais commence par son coup d’Etat
militaro-électoral à la présidentielle de 2009.
En effet, cette manière brutale d’utiliser les armes
à la place des urnes pour s’accaparer le fauteuil
présidentiel, est une première et un choc pour le
peuple gabonais de nature pacifique. Par cet acte,
Ali Bongo signe sa première rupture avec son
peuple.
Il a également été constaté par la suite une
violation flagrante de la constitution gabonaise par
celui-là même qui devait en être le garant.
En effet, cette constitution stipule dans son
article 10 qu’une personne ayant acquis la
nationalité gabonaise ne peut pas être candidate
à la présidence de la république. Seule sa

29
Gabon

descendance ayant résidé sans discontinuité au


Gabon le peut, à partir de la quatrième génération.
c’est le cas de Monsieur Ali Bongo Ondimba
qui a été adopté par le couple Albert Bernard
Bongo et Joséphine Nkama lors de la guerre du
Biafra au début des années 70.
Si la constitution gabonaise avait été respectée
par le pouvoir gabonais, Ali Bongo n’aurait jamais
dû briguer la magistrature suprême.

Né à Brazzaville au congo, à l’époque capitale


de l’Afrique Équatoriale Française (AEF), Monsieur
Ali Bongo a produit en 2009 un acte de naissance
avec mention « république gabonaise » alors que le
Gabon n’était pas encore une république, mais
toujours un territoire de l’Afrique équatoriale
française. Puis il se fait établir un faux acte de
naissance en 2009 par Serge William Akassagha
Okinda, alors maire du 3e arrondissement de
Libreville, capitale du Gabon.
Pierre Péan, qui a fait des recherches à ce sujet,
précise que l’Acte établi, l’a été sans l’acte de
naissance de référence déposé à la mairie de
Brazzaville, mais à partir d’un acte de naissance
N°201/A3 du 28 février 2000 établi alors que le
maire du 3ème arrondissement n’était autre que
Jean-Boniface Assélé, le frère de sa mère adoptive
Joséphine Nkama.
Or, les officiers d’état civil, signataires des actes
de naissance N° 201/A3 du 28 février 2000 et N°
65/22/A3 du 29 mai 2009, n’étaient pas habilités

30
Le Gabon sous Ali Bongo

à le faire. ce rôle est dévolu au seul officier


d’état civil de la mairie du 1er arrondissement de
Libreville !

En outre, le bébé est nommé Ali Bongo


Ondimba dans les documents, alors qu’il n’a pris le
prénom d’Ali qu’après sa conversion à l’islam en
1973. Il s’appelait jusque-là Alain Bongo3.
Mais Ali Bongo, enfant gâté de la Françafrique,
a sans doute estimé que le poste de président de
la république lui revenait de droit parce qu’il
portait le nom Bongo. Même s’il fallait, pour
cela, utiliser les procédés antidémocratiques et
anticonstitutionnels.
Son principal opposant en 2009, André Mba
Obame (AMO), réellement choisi dans les urnes
comme président par le peuple gabonais, n’a jamais
pu être investi et exercer la fonction présidentielle,
jusqu’à son décès le 12 avril 2015.

À ce coup d’Etat militaro-électoral et à


l’illégitimité de sa candidature, s’est ajoutée
l’illégalité (ou l’irrégularité) de son acte de

3 Péan (Pierre) : Affaires africaines « l’engrenage Biafrais » publié en


1983 chez Fayard..et Nouvelles affaires africaines.- Fayard.- 2014.- p.
71-
Arrivé au Gabon au début des années 60, alors qu'il n'était encore que
journaliste stagiaire, Pierre Péan rencontre Jean Marc Ekoh (à l'époque
ministre gabonais de l'éducation nationale sous la présidence de Léon
Mba) dans un taxi parisien. ce dernier invite P. Péan au Gabon : une
rencontre pour la vie. Péan est un témoin oculaire de la plupart des
événements qu'il relate dans ses œuvres et dont personne ne peut douter
de l'authenticité. A son tour, Péan a fourni à l'auteure quelques bribes
d'informations sorties de ses archives personnelles au moment de la
préparation de sa thèse de doctorat en 1998.

31
Gabon

naissance, fabriqué en mai 2009, de manière


frauduleuse, pour se présenter à l’élection
présidentielle.
Dans son entretien du 11 janvier 2015 avec le
journaliste Alain Foka sur rFI, Ali Bongo
reconnaissait lui-même ses faux actes de naissance
parmi ses multiples pièces d’état-civil. Or le Gabon
aspire à devenir un État de droit.
Le 19 novembre 2014, l’ancien magistrat Jean-
de-Dieu Moukagni Iwangou avait sollicité la
composition d’une Haute cour de Justice, pour
porter devant elle cette affaire de faux documents
avérés, dénonçant le faux et la complicité de faux
en écriture publique dont se seraient rendu
coupables Monsieur Ali Bongo et certains de ses
proches. L’action judiciaire n’a jamais pu être
enclenchée.

A cette violation des règles constitutionnelles et


démocratiques par celui-là même qui aurait dû
veiller à leur bonne application, s’est ajoutée une
gestion calamiteuse des deniers publics.
Il ne pouvait en être autrement, car il est dit dans
la sagesse populaire, si l’on ne sait pas d’où l’on vient,
il est difficile de savoir où on va.., encore moins, où
on embarque tout un peuple.

32
Le Gabon sous Ali Bongo

La Constitution Gabonaise - Article 10


Sont éligibles à la Présidence de la république, tous les
Gabonais de naissance des deux sexes jouissant de leurs
droits civils et politiques, âgés de quarante (40) ans au
moins et résidant au Gabon depuis 12 mois au moins.

tout Gabonais bénéficiant d’une autre nationalité au


titre de laquelle il a exercé des responsabilités politiques
ou administratives dans un autre pays, ne peut se porter
candidat.

Toute personne ayant acquis la nationalité gabonaise


ne peut se présenter comme candidat à la Présidence
de la République. Seule sa descendance, ayant demeuré
sans discontinuité au Gabon, le peut à partir de la
quatrième génération.

Si, avant le scrutin, la cour constitutionnelle saisie


dans les conditions prévues par la loi, constate le décès ou
l’empêchement d’un candidat, elle prononce le report de
l’élection.

La cour constitutionnelle peut proroger les délais


prévus, conformément à l’article 11 ci-après, sans que le
scrutin puisse avoir lieu plus de trente-cinq jours après la
date de la décision de la cour constitutionnelle. Si
l’application des dispositions du présent alinéa a pour effet
de reporter l’élection à une date postérieure à l’expiration
du mandat du président en exercice, celui-ci demeure en
fonction jusqu’à l’élection de son successeur.

Les modalités d’application du présent article sont fixées


par la loi organique.
cHAPItrE 2
PrOBLèMES ÉcONOMIQUES
UNE GEStION cHAOtIQUE
DES rIcHESSES DU PAyS

Avec l’augmentation du prix du baril de pétrole,


les budgets successifs de l’État gabonais dépassent
les 3.000 milliards de Fcfa par an depuis des
décennies. Pendant ce temps le peuple gabonais,
lui, croupit dans une misère totale.
Le chômage atteint des proportions qui
avoisinent 20,4 % chez les actifs et 35,7 % chez les
jeunes selon le PNUD, pour un pays riche et sous
peuplé comme le Gabon !
Pourtant, la faible démographie aurait pu
constituer un atout car le nombre d’infrastructures
à réaliser pour la santé, l’éducation et même les
transports dans un petit pays serait moins élevé,
donc relativement peu coûteux…

35
Gabon

Or au Gabon, la demande sociale (santé,


éducation, alimentation, logement, eau, électricité
et assainissement) reste très élevée depuis les années
70, encore plus depuis 2009.
En 2013 encore, le taux de croissance du PIB
gabonais s’affichait à environ 5,5 % avec une
moyenne de 6 % depuis 2010 (PNUD).

Malgré ces bons chiffres et un statut de pays à


revenu intermédiaire, les indicateurs sociaux du
Gabon restent faibles. Les Gabonais ne ressentent
pas dans leur vie quotidienne les richesses produites
par leur pays.
S’agissant de l’indicateur de développement
humain (IDH), celui-ci s’établissait à 0,683 en
2013, classant le Gabon au 106e rang sur 187 pays.
En 2012, on constatait que l’espérance de vie à
la naissance au Gabon était de 63,1 ans et que la
durée moyenne de scolarisation était de 7,5 ans.
cette même année, on observait que le revenu
national brut par habitant (pour ceux qui ont la
chance d’avoir des revenus) atteignait 12.521 USD,
en net contraste avec un taux de pauvreté de plus
de 33 %.
A titre de comparaison, le niveau de vie (qualité
de vie) constaté chez les Sénégalais est supérieur à
celui des Gabonais, alors que le revenu national
brut par habitant du Sénégal (1.046 USD en 2013)
est très inférieur à celui du Gabon, selon les chiffres
de la Banque mondiale.

36
Le Gabon sous Ali Bongo

Pendant que les Gabonais vivent dans une misère


totale, la corruption gangrène tous les milieux
politico-administratifs et économiques du pays,
jusqu’au sommet de l’État.
Ainsi, régulièrement depuis 2009, d’importantes
sommes d’argent sortent du trésor public gabonais,
sans aucun contrôle, à des fins personnelles ou
douteuses.
L’exemple de l’avion présidentiel gabonais qui
se retrouve en novembre 2011, immobilisé, comme
par hasard au Bénin, avec à son bord d’importantes
sommes d’argent, en dit long sur ces détournements
endémiques des deniers publics4.

Dans cette entreprise de pillage des finances


publiques et des richesses du pays, les directions
générales du trésor, du Budget et du contrôle
financier fonctionnent curieusement sous les
directives d’un certain Accrombessi Maixent, un
franco-béninois, directeur de cabinet présidentiel,
placé officieusement numéro UN du pays (du
moins jusqu’en juillet 2016). ce dernier reste le
visage symbolique de ceux que les Gabonais
qualifient de « légion étrangère », de « mafieux
apatrides » ou de « profito-situationistes ».
ces Gabonais de circonstance, en connexion
avec les Kléptocrates5 du régime des Bongo, par la
masse de leurs revenus directs et indirects, par la

4 P. Péan (Pierre) Nouvelles affaires africaines, op. cit. p. 212.


5 terme péjoratif qui désigne un système politique où des personnes à
la tête d’un pays pratiquement la corruption à grande échelle

37
Gabon

facilité dont ils jouissent à tous les niveaux,


leurs connivences et connexions personnelles
hors circuits officiels, constituent une véritable
bourgeoisie d’État et d’affairistes au Gabon. c’est
elle qui gère les moyens de production et bénéficie
des décisions administratives et politiques de
complaisance.
cette position avantageuse leur confère la
priorité, si ce n’est l’exclusivité, des activités
économiques du secteur privé, génératrice de
substantiels revenus.
ces « mafieux apatrides » abusent ainsi de leur
position pour discriminer les autochtones, pour
asseoir leur pouvoir et s’enrichir de plus belle au
milieu d’un peuple démuni.
Le paysage urbain (Libreville) où un luxe
insolent côtoie la misère expose sans fard le
déséquilibre qui existe dans la société gabonaise.
On a d’une part les hyper riches qui sont très
souvent des expatriés (Libanais, Français,
Mauritaniens, Béninois, camerounais et aujourd’hui
chinois), toujours en connexion avec les proches
du pouvoir, et d’autre part les pauvres qui sont
souvent des Gabonais autochtones aux revenus
modestes, voire inexistants.

38
Le Gabon sous Ali Bongo

Corruption et affairisme au cœur de l’Etat


gabonais sous Ali Bongo

Les finances publiques du Gabon sont ainsi


depuis 2009 directement gérées par la présidence
de la république, par ces nouveaux Gabonais et les
proches du régime.
Dans Les Nouvelles affaires africaines de Pierre
Péan, Guy Nzouba Ndama, ancien président de
l’Assemblée nationale, et aujourd’hui dans
l’opposition, lève le voile sur le fonctionnement de
ce système de prédation des finances publiques au
sommet de l’État gabonais, depuis qu’Ali Bongo
gère le pays.
Il est dit que le directeur de cabinet du président
de la république Accrombessi, dispose d’un
terminal informatique qui lui permet de gérer
personnellement toutes les recettes et dépenses de
l’État gabonais, notamment l’ensemble du budget
d’investissement et des subventions publiques. Les
ministères ne jouissent d’aucune liberté de
manœuvre.
Dans ce système, la pompe à fric la plus avide
est greffée sur une ligne budgétaire de la présidence
intitulée « Projets transversaux », gérée exclusivement
par Accrombessi. Les détournements se font
notamment par le biais d’investissements fictifs.
Accrombessi a occupé une telle place centrale
dans ce dispositif qu’il peut, aux dires de certains
proches du régime, faire venir le responsable du
trésor public gabonais (tPG) afin qu’il lui amène

39
Gabon

séance tenante, des milliards de francs cfa en


liquide qu’il pourra ensuite faire filer vers
l’étranger…
Pour déjouer la traque internationale du
blanchiment devenue intense, les pilotes du
système politico-mafieux gabonais utiliseraient
également la banque centrale comme « lessiveuse6 »
En plus de ces détournements d’argent public,
« ces mafieux apatrides » utilisent également comme
sources complémentaires, les marchés de gré à gré,
dans tous les secteurs de l’économie gabonaise etc.
Au Gabon, il n’est pas rare de voir certaines
banques mettre la clé sous la porte du jour au
lendemain, parce qu’elles ont été simplement vidées
de leurs liquidités par des proches du Président.
ce fut déjà le cas à l’époque de son père Omar
Bongo. En effet la « Banque gabonaise et du
Luxembourg » (BGL), avait été vidée de toutes ses
liquidités par son épouse d’alors, Mme Joséphine
Nkama, laissant des milliers de clients sur le carreau
et dans l’impossibilité d’être dédommagés.

Sous Ali Bongo, c’est la BGFIBank7 qui se


retrouve dans une situation précaire. En effet, cette
banque, dirigée toujours par un proche du régime,
claude Oyima, est obligée de renflouer les comptes

6 Péan (Pierre) : Nouvelles affaires africaines.- op.cit.- p. 207.


7 cette banque, surnommée banque locale du « système Bongo » est
dirigée par un de leurs proches, un certain Henri-claude Oyima. ce
dernier doit venir au secours d’Afrijet, appartenant à d’autres proches
du régime, la ScI Obali et la famille tomi, patron de la direction
générale de la sécurité extérieure (DGSE).

40
Le Gabon sous Ali Bongo

de la compagnie aérienne : Afrijet (appartenant à


d’autres de leurs proches du régime) de près 20
milliards de Fcfa. Autrement dit, faire régler les
traites d’Afrijet par le trésor public gabonais.

Le FMI, dans son dernier communiqué, à


l’issue d’une mission au Gabon, s’inquiétait de
la situation des deux banques publiques du pays
la PosteBank et la Banque Gabonaise de
développement qui feraient face à d’importantes
difficultés.
Désormais établi à 42 % du PIB, le taux
d’endettement du Gabon dépasse le plafond
national fixé à 35 %.
Pourtant, Ali Bongo dans son projet de
société de 2009, « l’Avenir en confiance », avait
promis de mieux gérer les finances publiques :
« Une meilleure gestion des ressources publiques
sera engagée, à travers une réduction du train de vie
de l’État, la généralisation des Cadres de Dépenses à
Moyen Terme (CDMT) et un meilleur choix des
dépenses à travers le ciblage prioritaire des secteurs
sociaux et des infrastructures ».
Bilan : il n’y a pas eu de réduction du train de
vie de l’État comme promis. A titre d’exemple, les
dépenses de fonctionnement de l’État sont passées
de 753 milliards de Fcfa, dans le budget
rectificatif de 2009, à 1.052 milliards de Fcfa dans
la loi de finances initiale de 2016, soit une
augmentation de près de 300 milliards de Fcfa.

41
Gabon

Le choix du pouvoir de financer par des


Fonds publics achats ou événements non
prioritaires ressemble plutôt à du voyeurisme :
- courses onéreuses de bateaux offshore,
- construction de deux parcours de « golf
international » à la Pointe Denis et à Libreville pour
3.750 milliards de Fcfa
- carnaval lascif avec les Brésiliennes,
- organisation du trophée des champions à
Libreville pour 1.5 milliards Fcfa,
- achat d’un hôtel particulier à Paris pour 65
milliards de Fcfa,
- achat d’un hôtel particulier à Londres My Fair
en 2010 pour 69,4 milliards de Fcfa,
- achat de la villa du Sénateur américain ted
Kennedy à Washington pour 3.5 milliards de Fcfa,
- un impressionnant parc automobile avec des
dizaines de voitures de luxe, à 100 millions de Fcfa
la voiture, etc.

Ajouter à ces dépenses et à ces Biens Mal Acquis


(BMA), l’organisation à Libreville depuis 2012 par
richard Attias, du New York Forum of Africa
(NyFA) avec les finances publiques gabonaises.
En effet, richard Attias, ce grand communicant
bien connu dans les milieux d’affaires, avait été
recruté par son ami Ali Bongo, soi-disant, pour
faire du Gabon le miroir du monde avec des
retombées économiques.
Depuis 2012, richard Attias est présent chaque
année à Libreville pour cette grande-messe. Des

42
Le Gabon sous Ali Bongo

sommes énormes sont englouties dans ce show


(près de 20 milliards de Fcfa, soit 30 millions
d’euros) ! Or, la moitié de ces sommes suffirait pour
venir à bout de la misère endémique de tout un
peuple depuis près de deux siècles.
D’où cette lettre ouverte envoyée par le Front des
indignés gabonais8 à Laurent Fabius, alors ministre
des Affaires étrangères, après l’annonce de sa venue
à Libreville fin mai 2014 pour assister à ce show.

« Nous venons dénoncer votre participation


à cette mascarade qui consacre le déni, par les
hautes autorités françaises, de l’aspiration
légitime du peuple gabonais à rêver d’une vie
meilleure. Car c’est avec des Fonds publics que
M. Richard Attias invite des centaines de
personnes au Gabon, depuis trois ans, pour
tenter de redorer l’image d’un dictateur et de
son régime prédateur. Nous savons que la
famille Bongo entretient, depuis des décennies,
d’étroites relations occultes avec des
personnalités françaises dont elle finance les
campagnes électorales avec l’argent du
contribuable gabonais, alors que la très grande
majorité du peuple gabonais croupit dans la
misère. […]

8 Le Front des indignés (FIG) comme son nom l’indique est un front
regroupant les associations, les formations politiques, les syndicats, bref
tout le corps social gabonais ayant pour objectif la défense des intérêts
des populations gabonaises. Le Front des indignés organisait chaque
année un contre-forum contre celui du NyFA. ..

43
Licence cant-11-5818067-8721779-5459840 accordée le 20 janvier
2021 à Stéphane Oyono
Gabon

Dans votre entretien au journal Le Monde


du 29 mai 2012, vous affirmiez, entre autres,
que le gouvernement français « croit à
des principes comme les droits de l’homme,
la démocratie, le développement durable,
l’internationalisme, la recherche de la
paix. »

Et les Indignés de rappeler l’engagement du


président François Hollande, lors de la campagne
présidentielle française, de se démarquer de la
Françafrique en se faisant le héraut de l’État
exemplaire.

« Si, malgré notre lettre, vous venez au


Gabon, nous aimerions que vous ayez le
courage de demander à Ali Bongo de vous
accompagner dans les structures hospitalières de
Libreville, pour vivre en direct l’agonie des
malades en manque du strict minimum pour
se soigner, et même d’eau ! Les effets d’annonce
et autres slogans du style ‘‘prise en charge des
urgences’’ ne changent rien à la réalité
quotidienne.
Les sommes englouties par Ali Bongo dans
ce show, avec son communicant Richard Attias,
depuis trois ans, auraient suffi à venir à bout
de ce crime volontairement commis contre
tout un peuple dont le malheur est d’avoir à sa
tête, depuis cinq décennies, une famille de
prédateurs... »
Signé « le Front des Indignés »

44
Le Gabon sous Ali Bongo

Les remarques de Jean Marc Ekoh, ancien


ministre de Léon Mba (encore vivant) vont dans le
même sens : « Le forum du NYFA est dans le cadre
des conférences internationales organisées pour piller
le monde (...).
« Il est honteux que le Gabon se retrouve avec 92 %
de pauvres, de misérables. Deuxième ancienne colonie
française en Afrique après le Sénégal, le Gabon est le
pays potentiellement le plus riche d’Afrique. On ne
mange pas et on nous parle de développement ! Il n’y a
pas de route au Gabon, nos enfants ne peuvent pas
étudier… On n’a même pas le droit de pleurer ! »9

Pour Jean Marc Ekoh, comme pour la majorité


des Gabonais, le NyFA est une imposture, un écran
de fumée, qui prétend penser le Gabon à la place
des Gabonais. car ces derniers ne sont
pratiquement pas associés à ce grand show des
initiés en la Françafrique.
ce forum n’est en définitive qu’une grosse et
coûteuse opération de relations publiques destinée
à redorer le blason d’Ali Bongo que le peuple
rejette.

En matière de corruption, le Gabon reste à


un niveau élevé. En effet, selon l’indice publié
annuellement par l’ONG Transparency internationale,
la note du Gabon s’est encore dégradée, passant de
35 /100 à en 2012 à 34/100 en 2015.

9 P. Péan.- op. cit. p. 227.

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Licence cant-11-5818067-8721779-5459840 accordée le 20 janvier
2021 à Stéphane Oyono
Gabon

Sous la présidence d’Ali Bongo, la dette du


Gabon a progressé de 144 % passant de 1.368
milliards en 2009 à 3.334 milliards de Fcfa en
2016.
Jusqu’à Washington, le système de prédation
d’Ali Bongo et Maixent Accrombessi est bien
connu. Le 25 février 2014, des parlementaires
américains demandaient à ce qu’une enquête soit
diligentée à leur sujet10.
Pourtant le candidat Ali Bongo, toujours dans
son projet de société de 2009, l’avenir en confiance,
promettait de moraliser l’Administration et
d’assurer une meilleure gouvernance des affaires
publiques :
« La réforme de l’administration publique sera
engagée, pour en faire un moteur du développement.
Les fonctionnaires bénéficieront de meilleures
conditions de travail et d’une gestion plus dynamique
de leur carrière, et seront de plus en plus gérés sur la
base unique du mérite et de l’effort dans le travail. »11

ce qui est insupportable pour le peuple


gabonais, c’est ce pillage sans fin des richesses du
pays, et qui est bien organisé par le régime, au
sommet de l’Etat.

10 Le 25 février 2014, Wall Street Journal évoquait une enquête des


autorités américaines visant les transferts de fonds du Gabon vers les
États Unis dans lesquels seraient impliqués Ali Bongo et Maixent
Accrombessi.
11 L’avenir en confiance, projet de société de Monsieur Ali Bongo lors
des élections présidentielles de 2009.

46
Le Gabon sous Ali Bongo

En somme, les Gabonais dans leur ensemble


reprochent à Ali Bongo, comme à son défunt père
Omar Bongo à l’époque, cette manière de gérer
l’Etat gabonais comme une entreprise familiale.
Autrement dit, cette confusion entre la fonction
(l’État) et la personne titulaire de ces fonctions (le
chef de l’État).
Mais on observe surtout un décalage entre le
train de vie de ces Oligarques et la misère des
populations gabonaises. celles-ci se sentent encore
plus exclues, désespérées et impuissantes dans leur
propre pays, depuis l’arrivée au pouvoir en 2009 de
Monsieur Ali Bongo, un président qu’ils disent
n’avoir jamais élu !
Quant au Parlement gabonais, il assiste, lui aussi,
impuissant à cette entreprise de pillage des finances
publiques par le régime et sa « légion étrangère ».

Ainsi, sous le règne des Bongo, le père comme


le fils, l’État gabonais a cessé d’être un instrument
de gestion du service public, un outil de mise en
valeur des ressources et des richesses nationales
pour le bien-être de tous les Gabonais. L’État
gabonais est devenu la propriété d’une minorité,
d’une famille régnante.
D’où la réponse du candidat Jean Ping dans les
Echos du Nord, que Monsieur Ali Bongo taxe de
xénophobe dès qu’on essaie de critiquer cette
gestion chaotique des deniers publics et cette
intrusion étrangère au coeur de l’État gabonais :

47
Gabon

« Je n’ai rien contre les non-Gabonais. Au contraire,


nous avons besoin de la force, de l’intelligence, de la
compétence et du talent de quiconque veut contribuer
au développement de notre pays. Cela dit, il est juste
de préciser que chacun doit être à sa place. Il n’est pas
normal qu’un non-Gabonais occupe de hautes
fonctions à caractère hautement stratégique au coeur
de l’appareil d’État. Ce problème est simple à
expliquer, simple à comprendre. Inutile de me faire
passer pour ce que je ne suis pas : un xénophobe ! »

La personnalisation du pouvoir politique par Ali


Bongo, comme avant lui son père Omar Bongo, est
très courante chez les dirigeants de la plupart des
États africains12. Elle entraîne, comme ici au
Gabon, une cristallisation du pouvoir politique
autour d’une seule personne qui décide de tout, à
tous les niveaux, dans le pays.
Dans ces conditions, la promotion au mérite
promis par Ali Bongo n’est qu’un lointain souvenir.
c’est la presse nationale qui s’est régulièrement
indignée des nominations tribales et partisanes dans
l’administration publique sans que le président de
la république ne s’en émeuve.
En revanche, des dizaines de fonctionnaires
proches de l’opposition disent être toujours privés
de leurs salaires, conséquence de leur opposition au
régime d’Ali Bongo.

12 Lire Médard J. François : « La spécificité des pouvoirs africains »


dans Les pouvoirs africains : pouvoir 25.- 1983.-pp. 5-21. p. 294.

48
Le Gabon sous Ali Bongo

D’où des divisions que l’on constate parfois au


sein même de l’opposition gabonaise. car la
stratégie du régime, c’est surtout de diviser pour
mieux régner.

La conséquence de cette gestion chaotique sur les


populations gabonaises

La conséquence de cette gestion chaotique du


pays depuis l’arrivée au pouvoir de Monsieur Ali
Bongo, c’est la paupérisation absolue de la société
gabonaise.
c’était déjà le cas à l’époque de son père Omar
Bongo. Mais la rapidité avec laquelle cette misère
sociale s’est répandue à travers le pays depuis 2009
dépasse l’entendement !

Le logement
En effet, dès la fin 2009, les populations sont
confrontées aux problèmes de démolitions brutales
de leurs maisons, sans dédommagement ni
relogement : les quartiers cocotiers, Jean Paul II, le
Boulevard triomphal, PK 5, PK 12 etc..., et bien
d’autres sont démantelés.
cette manière brutale d’évacuer les populations
aux revenus souvent modestes démontre, non
seulement de l’amateurisme, de l’improvisation,
mais surtout un certain mépris du régime actuel des
populations locales dans la mise en œuvre des
projets de société.

49
Gabon

Ainsi, depuis 2009, la plupart de ces populations


gabonaises sont devenues des Sans abris, alors qu’ils
occupaient des logements, certes modestes, mais au
moins, ils en étaient propriétaires.
Pourquoi démolir l’habitat de ces familles si ce
n’est pour vouloir cacher à l’opinion publique cette
misère et la pousser hors de la capitale ?
Il s'agit très souvent de l'avidité des bourgeois
libanais qui achètent à coup de millions de F.cfa à
l'Etat irresponsable, des centaines d'hectares de
terrains ancestraux, pour en faire leurs propriétés
privées où ils y construisent des immeubles
personnels d'habitations et (ou) de commerce.

toutefois, des démolitions se sont poursuivies


jusque dans la plupart des établissements publics,
notamment des infrastructures médicales ou
sanitaires, sans qu’il y ait eu au préalable des
constructions permettant de poursuivre les activités
de soins des malades ou leur suivi.

L’hôpital
ce fut le cas de la démolition de l’Hôpital Jeanne
Ebori en octobre 201313.
Jeanne Ebori avait pourtant des structures plus
convenables que l’Hôpital général qui se trouve
dans un état de délabrement total. ce dernier
est devenu un mouroir pour les populations
13 Outre la démolition de l’Hôpital Jeanne Ebori qui porte pourtant
le nom de sa grand-mère adoptive, la mère du défunt président Omar
Bongo, on peut aussi noter la démolition de la cité de la Démocratie
et ses vestiges emplis d’histoire, la fermeture du Mémorial Léon M’Ba,
premier président gabonais et père de la nation etc..

50
Le Gabon sous Ali Bongo

gabonaises. car les malades sont abandonnés à leur


triste sort, faute de soins et d’équipements adéquats
(pas de lits, pas de matelas, pas de médicaments, ni
même d’eau..!).
Visiter l’Hôpital général, c’est aller vivre en
direct l’agonie des malades en manque du strict
minimum pour se soigner. Les effets d’annonces
et autres slogans du style « prise en charge des
urgences » comme le souligne le Front des Indignés,
ne changent rien à la réalité quotidienne des
malades.

ce désespoir pousse même certains malades à


avoir recours aux féticheurs quand ils ne se
résignent pas à se laisser mourir chez eux.
Le délabrement du système sanitaire au Gabon
est tel que les hautes personnalités du régime,
elles-mêmes, sont contraintes d’aller se faire
soigner, voire mourir à l’étranger. ce fut le cas
d’Omar Bongo lui-même en 2009, décédé à
l’hôpital Quiron de Barcelone.

Les populations n’ont jamais compris la raison


politique qui a poussé Ali Bongo à démolir l’hôpital
Jeanne Ebori pour reconstruire un autre centre de
santé au même endroit. Alors qu’il suffisait
simplement de le rénover ou de l’agrandir : on
gagnait ainsi du temps et de l’argent !

Après la démolition de Jeanne Ebori, la majorité des


cadres qui y exerçaient: médecins, infirmiers, sages-

51
Gabon

femmes, radiologues, laborantins, pharmacie etc., ont


été purement et simplement remerciés, sans que l’État
cherche à les réinsérer dans d’autres structures
sanitaires.
tous ont rejoint la longue liste des chômeurs; tous
ont rejoint les rangs des contestataires à la politique
économique et sociale d’Ali Bongo, dans ce petit pays
pourtant béni des dieux.

L’enseignement
Dans ce domaine, de manière générale, le septennat
d’Ali Bongo n’a connu aucune année scolaire sans
grève, aussi bien dans l’enseignement primaire que
dans le secondaire. La construction de lycées était
pourtant inscrite dans les différentes lois de finances.
Mais ces constructions n’ont jamais vu le jour.
Il en va de même pour ce qui concerne l’université
de Booué (dans l’Ogooué Ivindo) dont la construction
avait été annoncée avec fracas, le 3 février 2011. cette
université, elle non plus, n’a jamais vu le jour…
concernant l’attribution des bourses d’études, la
politique du régime Bongo-PDG (le père comme le
fils) a toujours consisté à favoriser les proches, la
famille, au détriment du reste des étudiants. Ainsi, on
encourage la médiocrité et on dévalorise l’excellence.

Le désespoir chez les étudiants et étudiantes est tel


que beaucoup, guidés par l’instinct de survie, se livrent
à des pratiques multiples et diverses, allant de la
prostitution traditionnelle jusqu’aux relations
d’homosexualité tarifées, sans tenir compte du danger

52
Le Gabon sous Ali Bongo

que représentent les maladies virales comme le SIDA


et autres MSt.
D’autres abandonnent complètement leurs études,
faute de moyens.

Six mois après la crise-post électorale du 31 août


2016 et le massacre de nombreux étudiants, la plupart
des Etablissements scolaires restent désespérément
fermés au Gabon.
Dans un rapport de 2015, la Banque mondiale
s’inquiétait de ce que le taux de redoublement (90 %)
en cycle primaire au Gabon était 2 fois supérieur à la
moyenne africaine et figurait parmi les plus élevés au
monde.
conséquences de cette politique:
c’est la déchéance sociale des Gabonais vivant sur
place. On constate ainsi depuis 2010, un nombre
élevé de Gabonais atteints de crises de démence. On
les croise un peu partout dans les rues de Libreville,
dévêtus, le regard perdu dans un Gabon qui ne semble
plus être le leur… ce qui n’était pas le cas auparavant.

- Spoliation de l’emploi par les réseaux d’affaires


Ainsi l’avenir en confiance promis par le candidat
Ali Bongo en 2009, qui devait permettre, entre autres,
la construction des infrastructures de soutien au
développement économique du pays et par
conséquent une vie meilleure pour les populations,
n’est en réalité qu’un simple slogan:
«L’ensemble du Gabon devra ainsi, à l’horizon 2016,
être désenclavé, afin de permettre à notre pays de se

53
Gabon

positionner en un «hub» ou pôle régional de référence:


notre production d’électricité sera triplée d’ici 2016, grâce
à notre potentiel hydroélectrique et gazier, permettant ainsi
d’assurer l’électricité à tous les citoyens et de réduire le coût
de l’électricité..».

Mais le régime refuse volontairement d’installer des


barrages hydroélectriques, des centrales thermiques,
comme il refuse aussi d’installer des centrales de
panneaux solaires, des parcs éoliens, des centrales
fossiles.
Véolia, qui est chargée de la distribution de l’eau et
de l’électricité au Gabon sous couvert de la SEEG
(Société d’énergie et d’eau du Gabon), fonctionne à
dose homéopathique dans ce pays situé pourtant à
cheval sur l’équatorial. Un pays où des chutes d’eau
déversent, par torrents, des mètres cubes d’eau…
Pourquoi?
La vraie raison, semble-t-il, est de laisser à cette
société écran le monopole énergétique du Gabon. car,
en gardant le contrôle sur la distribution de ces denrées
rares (eau et électricité) et maintenir la population
gabonaise toujours dans la dépendance et la quête
permanente de ces besoins élémentaires, le but de ces
réseaux d’affaires est de détourner les Gabonais des vrais
problèmes du pays, à savoir «la mal gouvernance» et
le renouvellement de la classe dirigeante. c’est une
autre manière de perpétuer sans l’avouer les relations
de dépendance issues de l’œuvre colonisatrice.
Ainsi, pendant que Véolia fait des bénéfices, les
populations gabonaises, elles, continuent à s’éclairer

54
Le Gabon sous Ali Bongo

à la lampe tempête en plein XXIe siècle et à aller


chercher de l’eau à des centaines de mètres de leur
domicile avec des bidons…

En somme, comme c’est le cas dans d’autres


secteurs économiques, la cession de la SEEG à
VEOLIA, n’a pas été bénéfique aux Gabonais.

Le gouvernement d’Ali Bongo revendique la


construction de 634 km de routes et de nombreux
ponts en 6 ans. toutefois, le Gabon n’est pas devenu
un hub régional de référence en matière de transports
comme il l’avait promis. La compagnie aérienne
nationale (la cAN), annoncée avant 2012, n’a jamais
vu le jour.
De même, l’Etat gabonais n’a pas construit les
nouvelles bretelles de voies ferrées comme il s’y était
engagé. ce qui prouve son incapacité à faire du
transgabonais un projet d’avenir pour l’ensemble du
territoire.

- Braderie du patrimoine national


En cédant par ailleurs les ports gabonais aux
intérêts privés français, il organise une véritable
braderie nationale, privant ainsi le Gabon de son
patrimoine portuaire et maritime.
On peut en dire autant pour ce qui concerne la
privatisation de Gabon télécom, Gabon Banque,
l’Office des ports et rades du Gabon (Oprag) qui,
pourtant, n’étaient pas des entreprises déficitaires.
Il s’était par ailleurs engagé à diversifier les sources
de développement durable : «Nous devons transformer

55
Gabon

entièrement notre bois localement à travers un artisanat


et une industrie dynamique. Nous devons bâtir une
agriculture, une pêche et un aquaculture modernes
garantissant notre sécurité alimentaire».

Résultat: de manière unilatérale, Ali Bongo a


décidé d’interdire l’exportation du bois en grumes
pour, disait-il, réaliser la transformation locale du bois,
«cela permettrait de créer 7000 emplois dès 2015»!
Pourtant, on compte à peine 1000 emplois créés en
février 2016 pour un investissement supérieur à 340
milliards de Fcfa!

Pour ce qui est du secteur agricole, on constate la


même négligence qu’au temps de son père Omar
Bongo.
Ainsi, alors que tout le monde connaît les faiblesses du
secteur agricole sur l’espace Gabon, le budget qui leur est
consacré en 2016 (environ 8 milliards de Fcfa en baisse
de 39 % par rapport à l’exercice 2015) ne représente à
peine que 0.37 % du budget général de l’État.
Avec un si faible niveau d’investissement dans
ce secteur, le Gabon peut difficilement atteindre
l’autosuffisance alimentaire.
Ainsi, comme sous le règne de son père Omar
Bongo, l’agriculture, la pêche et l’élevage ne font pas
partie des priorités du gouvernement d’Ali Bongo.

Outre cette gestion chaotique des deniers publics,


il faut surtout noter les violences quotidiennes exercées
sur la population par le gouvernement d’Ali Bongo.
cHAPItrE 3
PrOBLèMES SOcIAUX
UN rÉGIME VIOLENt Et SANGUINAIrE

En les embarquant de force dans un septennat


au titre flatteur l’avenir en confiance, les Gabonais
ne s’imaginaient pas qu’ils auraient à vivre un
avenir en violence sous le mandat d’Ali Bongo
Ondimba.
En effet, outre la dégradation brutale de leur
niveau de vie depuis 2009, les Gabonais doivent
également apprendre à vivre avec un régime
violent, voire sanguinaire.
ces brutalités quotidiennes ne font que
renforcer la rupture entre Ali Bongo et le peuple
gabonais. Un peuple qui vit désormais dans la
terreur ; une terreur provoquée par des violences
(visibles et parfois invisibles) que le pouvoir et
son armée exercent quotidiennement sur une
population gabonaise pacifique et non armée.

57
Gabon

Le régime utilise la police nationale, l’armée et


la garde présidentielle dès la moindre manifestation
populaire.
cela s’est produit lors d’une simple marche de
protestation, le 20 décembre 2014, au quartier rio
où un jeune étudiant, Bruno Mboulou Beka, avait
été abattu par la milice du régime.
cette violence, il l’a ensuite démontrée lors des
obsèques du président élu André Mba Obame, fin
avril 2015, où la foule nombreuse, qui n’était là que
pour rendre un dernier hommage au défunt, avait
été asphyxiée de gaz lacrymogène, et d’autres armes
chimiques, pourtant interdites par la législation
internationale.

Il faut également rappeler le massacre des


populations de Libreville et de Port-Gentil par la
milice d’Ali Bongo lors du premier coup d’État
militaro-électoral de 2009. Leur crime : les résultats
des élections dans ces villes n’étaient pas en la faveur
du fils d’Omar Bongo.
Pourtant, voici ce que disait ce dernier dans son
projet d’avenir : « Nous devons continuer à garantir et
renforcer le pluralisme politique, la liberté d’opinion
et d’expression, la liberté d’association, la liberté
d’entreprendre à travers des institutions républicaines
existantes. Dans cette perspective, l’opposition devrait
avoir un statut en rapport avec les exigences de la
démocratie. De même l’État devrait continuer à
soutenir le développement de la presse et encourager les
initiatives de la société civile ».

58
Le Gabon sous Ali Bongo

Résultat :
- 11/08/2012 : Interdiction d’une manifestation
pacifique de l’opposition. Mike Jocktane est
poursuivi pour trouble à l’ordre public ;
- 11/08/2012 : répression violente encore le
même mois lors d’une manifestation organisée par
l’opposant André Mba Obame au quartier
cocotiers dans le 2e arrondissement de Libreville ;
- 11/05/2013 : Interdiction puis répression
d’une manifestation pacifique de la société civile
proche de l’opposition pour dénoncer le
phénomène des crimes rituels. Pourtant le même
jour, une manifestation sur le même thème
organisée par la première Dame, Sylvia Bongo,
était autorisée.
Bilan : 3 membres de la société civile sont
arrêtés.

- 13/11/2014 : Nouvelle interdiction de


manifester signifiée à des leaders de l’opposition
qui venaient de déposer 2 plaintes contre le
président Ali Bongo ;
- 20/12/2014 : répression d’une manifestation
pacifique de l’opposition à Libreville.
Bilan : 1 mort (Bruno Mboulou Beka) et des
dizaines d’opposants arrêtés.
- 18/12/2015 : refus du gouvernement
d’accorder son autorisation à une manifestation de
recueillement en mémoire de Mboulou Beka ;

59
Gabon

Quant à la liberté de la presse, les ONG telles


que Reporters Sans Frontières (rSF), placent le
Gabon 95e sur 180 pays en 2015. Le Gabon a
perdu 11 places au classement par rapport à 2014.

Et ce sont les journalistes proches de l’opposition


politique qui sont souvent les seuls visés. Ils
sont régulièrement convoqués dans différents
commissariats quand ils ne sont pas arrêtés sur la
voie publique pour les empêcher d’aller accueillir
un leader politique comme ce fut le cas, le 3 mars
2016, lors du retour à Libreville de Jean Ping après
un séjour à l’étranger.

Aperçu des interpellations et arrestations


d’opposants et journalistes pendant le septennat
d’Ali Bongo

27/10/2010 : arrestation de Jean-yves


Ntoutoume, journaliste, Directeur de publication
du journal privé le Temps, officiellement pour un
délit de presse remontant à 2004.

03/03/ 2012 : convocation de 6 journalistes à la


police judiciaire (PJ) pour des articles ayant soulevé
des interrogations au sujet de l’utilisation d’un avion
présidentiel par le chef de cabinet du président Ali
Bongo. Les 6 journalistes convoqués : Pierre Bitéghé,
Désiré Ename, Maximin Mezui, Jean-de-Dieu
Ndoutoum Eyi, Blaise Mengue Menna et Marc Ona
Essangui, ancien journaliste et militant associatif.

60
Le Gabon sous Ali Bongo

05/05/2012 : enlèvement de Jean de Dieu


Ntoutoum-Eyi, journaliste, Directeur de publication
du journal Ezombolo, à son domicile par des
hommes en civil, sans mandat d’arrêt. Le journaliste
fut conduit par la suite à la direction générale de la
contre-ingérence et de la sécurité militaire (B2) sans
qu’aucun motif ne lui ait été signifié.

20/12/ 2014 : interpellation et détention pendant


plus de 24 h des journalistes Désiré Ename (directeur
du journal Echos du Nord) et Jonas Moulenda
(directeur du journal Faits Divers) à la Direction
générale des recherches (DGr). Le motif de leur
interpellation ne leur a jamais été signifié.

20/12/2014 : convocation de plusieurs opposants


à la suite d’une manifestation interdite et réprimée
le 20/12/2014.

19/01/ 2015 : convocation de l’opposant Jean


Ping à la PJ suite à l’instruction à son domicile de
jeunes auteurs de dégradations. Il en était pourtant
la victime.

04/06/2016 : convocation de l’opposante


Paulette Missambo à 2 reprises à la PJ, officiellement
pour une affaire concernant son rôle dans la gestion
des fêtes tournantes organisées il y a près d’une
décennie… (etc)14.

14 Source mays-mouissi.com.

61
Gabon

Le 3 novembre 2016, soit deux mois après


le massacre des militants au QG de Jean Ping,
alors que beaucoup de familles sont toujours sans
nouvelles des disparus lors de l’assaut, on apprend
par les médias locaux, l’arrestation de 14
journalistes du Journal de Echos du Nord (principal
journal de l’opposition au Gabon), au siège dudit
journal à Libreville par la milice du régime… Parmi
eux, une jeune femme, raïssa Sylvana Oyeasseko,
raconte avoir été torturée, dans les locaux du
cEDOc15. cette dernière sera libérée deux jours
plus tard, grâce à la pression de la société civile.
Selon Jonas Moulenda, directeur de la rédaction
du journal Faits divers qui partage les locaux
avec l’hebdomadaire du groupe Nord Editions, le
pouvoir gabonais aurait été courroucé par un récent
article qui aurait largement déplu au roi du Maroc,
Mohamed VI, en séjour en terre gabonaise. ce dernier
(Jonas Moulenda) ainsi que Désiré Ename, le directeur
du journal impliqué lui-même, sont actuellement en
exil en France, pour des raisons de sécurité.

ces entraves à la liberté d’expression au Gabon


ont été dénoncées à travers les réseaux sociaux par
l’infatigable Georges Mpaga, le président du réseau
des Organisations Libres de la Société civile, pour
la Bonne Gouvernance au Gabon (GOLBG), etc.

15 cDOc : service de renseignement gabonais, créé et mis en place


dès le début des années 1960, sous Léon MBA, par un certain Bob
Maloubier, ancien capitaine du SDEcE et ami personnel de Jacques
Foccart. Par la suite, le cDOc sera repris en main par un autre proche
de Foccart, rené Galy, et ainsi de suite…

62
Le Gabon sous Ali Bongo

Ainsi, depuis 2009, des femmes, des hommes,


des jeunes (collégiens, lycéens, étudiants etc.) sont
en permanence arrêtés quand ils ne sont pas
kidnappés puis violés et torturés par des forces de
sécurité aux ordres du gouvernement.
Outre l’assassinat de l’étudiant Bruno Mboulou
Beka, beaucoup de jeunes, souvent étudiants, ont
trouvé la mort sous le mandat d’Ali Bongo. Il faut
se rappeler également du jeune étudiant Béranger
Obame Ntoutoume, brûlé vif par la police
gabonaise dans un commissariat pour des motifs
dérisoires (rackets policiers) et qui est décédé à la
suite de ses blessures…

tous ces faits survenus durant le mandat d’Ali


Bongo, démontrent qu’il n’y a pas de liberté
d’expression au Gabon. En définitive, la liberté n’existe
tout simplement pas au pays du perroquet gris !

A la veille des élections du 27 août 2016, les


actes de violences venant du régime sont encore
montés d’un cran.
En effet, durant cette période, les candidats de
l’opposition étaient souvent interdits de meeting et
chassés à coup de gaz lacrymogènes quand ils
n’étaient pas frappés par des militaires lourdement
armés…
« Plus on s’approche des élections, plus la répression
exercée sur les populations est violente : des procès
expéditifs de masse sont organisés par une justice aux
ordres pour jeter en prison des dizaines de personnes

63
Gabon

arbitrairement arrêtées. Ces personnes sont soumises à


la torture, aux traitements dégradants y compris les
violences sexuelles. De nombreux témoignages nous
sont parvenus à moins de 40 jours des élections
présidentielles..» s’alarmait encore Mpaga, 40 jours
avant le scrutin du 27 août 201616.
Voici quelques noms parmi ceux qui ont été
arbitrairement arrêtés, détenus et torturés dans les
prisons de Libreville durant cette période.
- Jeff Blampain, activiste
- Serge Maurice, Mabiala
- Jean Pierre Doukage
- le Journaliste Alphonse Ongouo
- Enrique Mouboundou
- Firmin Ollo-Boung Pinz, le rappeur Fortune
Edou libéré après avoir servi de punching-ball aux
agents de la Police judiciaire etc...
certains de ceux qui sont listés ici, ont déjà été
libérés grâce aux dénonciations sans relâche de
GOLBG sur place.

Depuis la crise post-électorale du 31 août 2016,


d’autres noms se sont rajoutés à cette liste de
détenus ; des personnes dont on reste toujours sans
nouvelles comme Bertrand Zibi.

64
cHAPItrE 4
LE PHÉNOMèNE DES crIMES
rItUELS OU LE BrAcONNAGE
DES êtrES HUMAINS

En plus de ces violences quotidiennes constatées


depuis 2009, venant directement du régime, un
phénomène nouveau a pris de l’ampleur au Gabon
depuis l’arrivée au pouvoir de Monsieur Ali Bongo.
Il s’agit du phénomène des crimes dits «rituels».
En effet, pendant qu’il continue à se faire dépouiller
de ses forêts (bois), de son sous-sol (pétrole, mines) et
de ses finances publiques, pendant qu’il se fait
terroriser quotidiennement par le régime, le Gabon,
se voit vidé de son sang. Le sang des innocents.
On assassine sur commande, on empoisonne des
familles entières comme cela s’est passé dans une
famille à Oyem en été 201517.

17 L’auteure était en vacances au Gabon lors de la mort probablement


par empoisonnement de 5 membres d’une même famille en 2015 à
Oyem.

65
Gabon

Puis on dépèce en silence pour recueillir du


sang et prélever certaines parties du corps des
victimes qui sont très souvent des enfants ou des
opposants politiques (yeux, langues, oreilles, sexes,
lèvres, utérus pour les femmes etc.).

ce braconnage des êtres humains a revêtu une


telle ampleur qu’un homme courageux, Jean Elvis
Ebang Ondo, dont le fils a été enlevé, tué et
mutilé en mars 2005 a créé l’Association de
lutte contre les crimes rituels (ALcr). ce dernier
affirme que ces pratiques perdurent et même
s’intensifient depuis l’arrivée de la « Légion
étrangère » au pouvoir : « Une certaine banalisation
s’installe même dans la société concernant ces
monstruosités (…) »
Selon certaines ONG, ces crimes sont perpétrés
par des membres des réseaux bien organisés en
échange de fortes sommes d’argent.
Les féticheurs aguerris proposent même à leur
clientèle des prélèvements « haut de gamme »,
opérés sur des victimes encore en vie, jeunes de
préférence.
Les victimes peuvent être choisies par les
commanditaires : il peut s’agir d’une nièce, d’un
neveu, d’une tante, d’un nouveau-né, d’un frère,
d’un père et même d’une mère. car, pour les
commanditaires de ces crimes rituels, ces organes
humains garantiraient réussite sociale, jeunesse,
maintien au pouvoir et santé !

66
Le Gabon sous Ali Bongo

« ces pièces détachées humaines » comme les


surnomment certains, sont devenues un commerce
florissant depuis qu’Ali Bongo est aux commandes
du pays.
Leur nombre a beaucoup augmenté, au point
qu’ils font l’objet de fréquents articles dans les
nombreux journaux gabonais (Gri-Gri international,
la Griff ou les Echos du nord).
Jean-Elvis Ebang Ondo estime à une centaine le
nombre annuel de crimes rituels.
Le pire, c’est que les commanditaires de ces
crimes, même s’ils sont connus, ne sont jamais
punis sous la présidence d’Ali Bongo.
Pour un pays à faible démographie comme le
Gabon, c’est un véritable génocide en douceur, en
silence, et invisible…

Le 25 avril 2013, la convention de la Diaspora


gabonaise (cDG) a ainsi publié une première liste
de « 48 commanditaires de crimes rituels et
assassinats pour des pratiques sataniques » (liste
disponible sur Internet), et annonçant une liste
avenir encore plus longue !
On constate effectivement que ce trafic macabre
d’organes s’intensifie à l’approche des élections
ou au moment des remaniements au sein du
gouvernement.

Il convient toutefois de rappeler que, chez


l’Africain de manière générale, le visible et

67
Gabon

l’invisible, le macrocosme et le microcosme sont


intimement liés, comme le réel et le surnaturel.
Par conséquent, les superstitions et croyances en
tous genres pèsent lourdement sur l’Africain, même
entré dans la vie moderne. Il croit aux fétiches, aux
pouvoirs surnaturels des féticheurs, aux sorciers et
autres marabouts…

Sous le règne d’Ali Bongo, comme au temps de


son père Omar Bongo, le marabout ou le charlatan,
à la fois rebouteux et devin, occupe plus
qu’auparavant une place de choix dans la société
gabonaise. car, le marabout peut non seulement
soigner par incantations ou des rites magiques, il
prétend aussi prévenir du malheur qui guette…
ce carcan n’est pas sans conséquences : il coûte
cher. Les détenteurs de pouvoirs magiques peuvent
exiger beaucoup des gens qu’ils « tiennent »,
y compris les contraindre à commettre des
détournements de Fonds, des vols.., jusqu’aux
crimes rituels.
Ainsi, fétichisme, sorcellerie, mais aussi franc-
maçonnerie, n’ont pas seulement des effets sur le
comportement des petits fonctionnaires de l’État
gabonais, ils touchent les cadres, les ministres
jusqu’au chef de l’État.
Ils sont généralement consultés dans les grandes
décisions touchant la vie personnelle ou politique
du dirigeant. certains de ces marabouts deviennent
très riches et perçoivent des commissions sur les
contrats acceptés sur leurs conseils.
cHAPItrE 5
LA MENAcE ISLAMIStE

Il faut ajouter à ces crimes et violences, la menace


islamiste qui commence déjà à faire son nid au
Gabon, depuis l’ouverture par le régime des
frontières nationales aux pays voisins et sa
proximité avec les pays arabes.
Pourtant Ali avait promis dans son projet
l’Avenir en confiance, de préserver l’intégrité
territoriale du Gabon !
Aujourd’hui au Gabon, le nombre de mosquées
avoisine celui des églises dans ce pays pacifique, de
tradition chrétienne.

Dès le mois de mars 2016, c’est-à-dire six mois


avant les élections du 27 août, une certaine presse
locale annonçait déjà la présence sur le sol gabonais,
de centaines de mercenaires venus du rwanda, du
Bénin, du togo, du tchad, etc.. Les mêmes sources

69
Gabon

alertaient de la présence dans les grands Hôtels de


Libreville, des marabouts en Djelaba, payés à prix
d’or !
Leur recrutement, à la veille d’un scrutin aussi
important que l’élection présidentielle au Gabon,
en plus des commandes d’armes de guerre
en Ukraine (Gabon24blog-libreville-17/07/2016),
prouve bien la préméditation de l’assaut meurtrier
qui a coûté la vie à de nombreux Gabonais sans
défense le 31 août 2016.
Le fait, par ailleurs, de les avoir disséminés à
travers le pays, dans des Hôtels, parfois mêlés à la
population locale dans l’attente du scrutin du 27
août, rappelle les méthodes des groupes terroristes
tels que Daesh ou Boko Haram.

Enfin, le massacre des populations gabonaises


non armées avec des armes de guerre le jour de la
proclamation des résultats des élections dans un
QG et dans les rues de Libreville, la rapidité et le
sang-froid des exécutions, la coordination des
actions, les tortures, les enlèvements, le ramassage
des corps, des balles, des douilles pour dissimuler
les tueries.., ne peuvent être que l’œuvre de
professionnels du crime. Des méthodes jusque-là
méconnues au Gabon et planifiées à l’avance par
celui-là même qui était censé garantir la paix civile
dans le pays.
ce terrorisme d’Etat, dans un Gabon pacifique,
en pleine expression démocratique populaire,
prouve une fois encore, la dangerosité du régime
d’Ali Bongo, sa barbarie et son obscurantisme.
cHAPItrE 6
JEAN PING : LA cIBLE

Depuis qu’il était passé à l’opposition en février


2014, Jean Ping est devenu la cible privilégiée du
régime Bongo-PDG, comme l’avait déjà été
l’opposant André Mba Obame avant lui, et
plusieurs autres opposants avant eux.
En janvier 2015, il avait subi des attaques de
toutes sortes, fomentées par le régime et qui visaient
parfois son intégrité physique.
Puis, à la veille du scrutin du 27 août 2016, le
pouvoir cherchait par tous les prétextes à l’arrêter,
l’accusant parfois d’injures publiques, d’incitation
aux troubles à l’ordre public, d’incitation à la
révolte, à la haine et à la désunion des citoyens, etc.

traîné devant la justice comme un vulgaire


malfrat, un mois à peine avant le déroulement du
scrutin présidentiel, Mr Ping s’est plaint de « cette

71
Gabon

justice aux ordres d’un pouvoir en décrépitude… »


pour, disait-il, de soi-disant propos diffamatoires et
en appelait déjà à la communauté internationale.
En vain !
Dans un communiqué de presse, l’ancien
président de la commission de l’Union africaine
dénonçait, ces citations directes en correctionnelle.
« Cela montre à quel point le pouvoir gabonais actuel
est allergique à toutes sortes d’opposition. Car, au-delà
de nombreuses incorrections et imprécisions que
comporte ce communiqué, dès la désignation du cité à
comparaître, ainsi que dans l’énoncé des articles du
Code pénal, il apparaît clairement que le requérant,
qui n’est autre que le président de la République en
personne, a déjà imposé son jugement et sa
condamnation avant qu’ait lieu toute audience de
procès ».

Jean Ping n’est pas le premier ni le seul opposant


au régime des Bongo-PDG, à être menacé de mort.
En effet, la liste des opposants morts ou menacés
de mort tout au long du règne des Bongo père et fils
est longue et hante encore la mémoire collective
gabonaise.

***

c’est pourquoi, face au déni constitutionnel,


face à la brutalité du régime et au mépris des
populations locales en plus des promesses non
tenues, face au pillage des richesses du pays que

72
Le Gabon sous Ali Bongo

pratique ce régime qui, de surcroît, tirerait sa force


du sang des innocents, le peuple gabonais manifeste
toujours son désaveu total à ce président non élu
par lui, et à son système de gouvernance.
DEUXIèME PArtIE
JEAN PING :
L’HOMME PrOVIDENtIEL

À l’homme du fleuve
droit comme un I
sur les marches du pouvoir…
cHAPItrE 1
JEAN PING :
L’HOMME QUI A rEDONNÉ ESPOIr
AU PEUPLE GABONAIS

coincées entre les deux mâchoires de l’étau


françafricain (le clan Bongo d’un côté et les hommes
d’affaires français de l’autre), les populations
gabonaises ont soif d’alternance politique comme
de l’eau vive…
Et cette asphyxie économique du pays entraîne
forcément chez ceux qui le vivent l’épuisement
mental, jusqu’à la mort physique, en plus des
brutalités du régime…

Les Gabonais ne veulent pas d’un Ali Bongo qui


rend leur avenir aussi flou que ses origines…
Dans leur grande majorité, ils ont soutenu et
soutiennent encore Jean Ping pour conduire le
destin du pays.

77
Gabon

Pour eux, Jean Ping est le président élu


démocratiquement par le peuple souverain du
Gabon. Pour eux, il est l’homme qui peut sauver le
pays du désastre économique, social et politique
dans lequel il est plongé depuis des décennies.
Son expérience nationale et internationale, son
sens des responsabilités et du consensus font de lui
l’homme providentiel dont le Gabon décadent a
besoin pour sa reconstruction.

La convention de la Diaspora Gabonaise


(cDG) était la première structure à miser sur Jean
Ping, lors du congrès du 7 décembre 2014 à Paris.
cette structure regroupe depuis sa création les
Gabonais et Gabonaises vivant à l’extérieur du
Gabon, pour un dialogue démocratique entre ses
membres en vue d’influer sur le développement
économique et social du Gabon. Autrement dit,
c’est une structure de lobbyiste organisée pour
défendre et promouvoir les intérêts de l’ensemble
du peuple gabonais.

Avant de soutenir Monsieur Jean Ping, la cDG


avait proposé à Monsieur Ali Bongo, la tenue d’une
conférence Nationale Souveraine (cNS) qui devait
permettre de mettre sur la table tous les problèmes
politiques, économiques et sociaux qui empêchent
le Gabon, petit émirat de l’Afrique équatoriale, de
« prendre le train du développement ».

La cDG a été rejointe, dans cette idée, par la


société civile gabonaise, le Front Uni de

78
Jean Ping : l'homme providentiel

l’Opposition, et les Gabonais dans leur grande


majorité, lors du congrès de décembre 2014 à
Paris18.

L’enjeu de sauver le Gabon d’une situation sociale


décadente était tel que ces organisations (présentes)
étaient prêtes à accepter que la date de l’élection
présidentielle de 2016, soit repoussée. car, il s’agissait
de réfléchir tous ensemble à l’avenir du Gabon, de
préparer l’alternance après 50 ans de dictature des
Bongo père et fils, sans effusion de sang.
La situation chaotique du pays sur le plan
politique, économique et social exigeait la recherche
d’un tel dialogue.
Mais Monsieur Ali Bongo a refusé catégoriquement
l’organisation et la tenue de cette conférence
nationale souveraine.
ce n’était pas son premier refus. En effet, le
septennat de Monsieur Ali Bongo a été émaillé de
grèves à répétition dans l’Administration publique.
cette situation a entraîné plusieurs concertations
avec les organisations syndicales afin d’apaiser le
front social. Mais Ali Bongo s’est toujours opposé à
la demande d’organisation d’un « dialogue national
inclusif et sans tabou » de l’opposition, préférant
réorienter le débat vers le conseil National de la
Démocratie (cND).

18 La cDG dont le siège se trouve actuellement à Paris, dans le 8e, est


une entité fédérative et associative non partisane, née lors de la
rencontre de Paris de 2012, à l’initiative du défunt André Mba Obame,
dans le but d’entretenir la flamme du combat démocratique pour sauver
le Gabon.

79
Gabon

Quant au conseil national des communautés


religieuses, bien qu’annoncé, il n’a jamais été créé.

Le refus de Monsieur Ali Bongo d’organiser une


conférence nationale souveraine au Gabon a
amené la cDG, à l’approche de l’échéance
électorale de 2016, à s’orienter vers la communauté
internationale.
Ainsi, plusieurs courriers ont été envoyés aux
responsables politiques, en particulier français, afin
de solliciter un organisme neutre qui puisse,
avec les forces démocratiques gabonaises, aider
à l’organisation des élections transparentes et
démocratiques au Gabon dans le respect du droit.
Dans ces courriers, la cDG sollicitait également
la protection de ses membres ainsi que ceux
de l’opposition gabonaise qui sont menacés
physiquement et quotidiennement aussi bien au
Gabon qu’à travers le monde.
tous ces courriers remis aux différents
responsables politiques français sont restés sans
réponses19.

Face au refus systématique de Monsieur Ali


Bongo de s’ouvrir au dialogue avec tous ceux qui
n’étaient pas d’accord avec sa manière de gouverner
le pays, et face au silence des autorités françaises, la
cDG, fidèle à sa devise : « personne ne fera le Gabon
19 Dès le mois de janvier 2016, des courriers ont été adressés au
président de la république François Hollande, au président de
l’Assemblée nationale, à Mme S. royale, au républicain christian
Jacob, à Bruno le roux etc.

80
Jean Ping : l'homme providentiel

à notre place » est sortie de sa neutralité habituelle


pour soutenir de manière exceptionnelle et officielle
la candidature de Monsieur Jean Ping.
Pour la cDG, Jean Ping a le profil de celui qui
peut mener à bien la transition politique tant
attendue par le peuple gabonais.
cet homme d’expérience et de consensus a
contribué aux nombreuses médiations entreprises
par l’ancien président Omar Bongo, en vue de
ramener la paix et la stabilité dans les pays d’Afrique
centrale : la république du congo, le tchad, la
république centrafricaine, Sao tomé-et-Principe
etc.
cet homme aux allures du Dalaï-lama pouvait
apporter l’apaisement et le bon sens dans un Gabon
aujourd’hui assis sur le volcan de la guerre civile.
Le 17 décembre 2010, il n’y a pas si longtemps,
Jean Ping avait été chargé par l’Union Africaine de
tenter une médiation en vue de trouver une
solution à la crise en côte d’Ivoire. ce pays était, à
l’époque, secoué par une lutte pour le pouvoir
depuis le second tour de l’élection présidentielle du
28 novembre 2010 ; les deux candidats, Laurent
Gbagbo et Alassane Ouattara, se déclaraient chacun
vainqueur.

Depuis 1972, Ping est fonctionnaire international


à l’Unesco à Paris, puis de1978 à 1984, il est
délégué permanent du Gabon avant d’être engagé
dans la politique de son pays.

81
Gabon

En 1993, il préside l’OPEP dont son pays est


membre à cette époque.
En 2004, il est choisi pour être le 59e président
de l’Assemblée générale des Nations Unies.
En 2008, il est élu au poste de président de la
commission de l’Union Africaine. A plusieurs
reprises, il a représenté honorablement le Gabon et
l’Afrique aux nombreuses conférences internationales.
Les relations qu’il a tissées sur le plan national
et international peuvent lui faciliter la tâche et
lui ouvrir facilement certaines portes lors des
négociations internationales dans le cadre d’un
développement économique global du Gabon.

Qui donc, mieux que Jean Ping, peut, comme


il le fait actuellement depuis la crise post-électorale
du 31 août, fédérer de manière consensuelle,
l’ensemble des forces vives de la nation gabonaise
pour un Gabon uni et prospère ?
Qui d’autre, mieux que Jean Ping, peut réparer
les traumatismes laissés par 50 ans d’injustice, de
violences, d’humiliations, de luttes pour les libertés
etc., et amener le Gabon à l’abri de la peur et du
besoin.
Son ambition première, répète-t-il, est de donner
une impulsion et du renouveau à la discussion
politique au Gabon. c’est ce qu’il essaie de faire en
initiant un dialogue national depuis les événements
sanglants du 31 août 2016, avec l’ensemble des
forces vives de la nation.
cHAPItrE 2
SON PrOJEt POUr LE GABON

c’est le 5 mai 2016, à Libreville, devant ses


principaux lieutenants et soutiens de l’opposition
que le candidat à l’élection présidentielle, Jean
Ping, avait dévoilé son projet de société pour le
Gabon.
« Le Gabon à l’abri de la peur, le Gabon à l’abri
du besoin », est le slogan qui résume le projet de
société de Monsieur Jean Ping20.

Pour extirper le Gabon de la peur, le candidat


Jean Ping promet, une fois investi dans son
fauteuil de président de la république, de faire de
la justice une institution forte et autonome sous
son mandat. L’ancien président de la commission
de l’Union africaine a promis que la justice, sous

20 www.jeuneafrique.com/323112/…/presidentielle-gabon-jean-ping-
a-devoile-programme.5 mai 2016.

83
Gabon

son mandat, ne se limitera pas uniquement à punir


les « voleurs de poules ».
«tout le monde y passera et sera justiciable.
Autrement dit, tous seront égaux devant la loi et ça
c’est ce qui est le plus facile à faire », avait-il insisté.

Ancien membre du Parti Démocratique Gabonais


(PDG) au pouvoir, Jean Ping avait indiqué que, dès
son arrivée au pouvoir, il modifiera la constitution.
Au besoin, il réhabilitera la constitution de 1991,
adoptée par consensus lors de la conférence
nationale de mars-avril 1990.
« Nous limiterons le nombre de mandats
présidentiels à deux avec interdiction de modifier
cette disposition. Personne ne pourra plus faire plus
de deux mandats présidentiels », a-t-il insisté sous
les applaudissements d’un public déjà acquis.
« Mon ambition n’est pas d’accéder au pouvoir
pour le pouvoir. Le pouvoir, je crois l’avoir déjà eu,
vous connaissez mon parcours ».

Pour information, Jean Ping a représenté le


Gabon :
- à l’UNEScO ;
- à l’Organisation de l’Unité africaine (OUA
devenue l’UA) ;
- au Mouvement des pays non-alignés ;
- à l’Organisation de la conférence islamique
(OcI) ;
- à l’Organisation des pays exportateurs de pétrole
(l’OPEP) ;

84
Jean Ping : l'homme providentiel

- à la Banque Mondiale ;
- au Sommet de la Francophonie ;
- à France/Afrique ;
- en Afrique/caraïbes
- au Pacifique/Union européenne ;
- au Forum chine/Afrique ;
- à la conférence Internationale de tokyo sur le
développement de l’Afrique (tIcAD) ;
- à la conférence États-Unis/Afrique organisée
dans le cadre de la loi en faveur de la croissance de
l’Afrique et son accès aux marchés (AGOA).

« Mon ambition est de relever le pays, de le


libérer de la dictature et de redonner l’espoir à
notre peuple qui a tant souffert », a-t-il insisté à
propos de son ambition pour le fauteuil
présidentiel. c’est ainsi qu’il explique le Gabon à
l’abri du besoin.
« Je n’ai pas l’intention de m’accrocher au
pouvoir. c’est la raison pour laquelle, je
m’engage devant vous d’ores et déjà et réaffirme
solennellement ne briguer qu’un seul mandat ».

André Mba Obame aimait répéter à ceux qui lui


reprochaient d’avoir lui aussi fait partie du système
Bongo-PDG : « Si je fais partie du problème que
connaît le Gabon aujourd'hui... je suis bien placé
pour être la solution ».
comme lui, Ping pense pouvoir apporter des
solutions aux problèmes du Gabon d’aujourd’hui.

85
Gabon

Ainsi, l’ex-ministre des Affaires étrangères


d’Omar Bongo a dit qu’il est bien le candidat de
« la rupture ». Son unique mandat, affirme-t-il,
lui permettra de réformer les institutions et
remettre le pays sur les rails.
Pour le Gabon du futur, il a promis de
moderniser : l’école, les hôpitaux, les routes, les
transports…
Il a reconnu que le sport est l’unique secteur
dans lequel Ali Bongo a réalisé quelques
infrastructures : « c’est parce qu’il aime s’amuser »,
a-t-il immédiatement ironisé.

Ping a promis une meilleure gestion de


ressources publiques : « Ce qui se fait actuellement
c’est du banditisme. C’est la preuve d’un État
voyou », a-t-il martelé, parlant de la gestion
calamiteuse des finances publiques par le régime
d’Ali Bongo Ondimba qui, d’après lui, confond
le trésor public et le trésor familial.

Dans une interview accordée le 16 juin 2016,


au lendemain de sa convocation au tribunal de
Libreville, Ping a promis d’aller jusqu’au bout :
« Je suis déterminé à mettre fin à ce régime
dynastique, spoliateur, injuste et criminel d’un autre
temps. Je souhaite ouvrir une nouvelle page de
l’Histoire du Gabon en jetant les bases de la
démocratie, de l’Etat de droit et du développement
durable au service du peuple ».

86
Jean Ping : l'homme providentiel

De ce fait, il entend, dans l’immédiat, réduire les


budgets de fonctionnement de toutes les
institutions du pays21.

En somme, pour mettre le Gabon à l’abri du


besoin : « ma priorité sera de donner des moyens
nécessaires à nos services publics pour qu’ils
fonctionnent efficacement et équitablement sur
l’ensemble du territoire ainsi que dans nos
représentations au-delà des frontières… »

Pour mettre le Gabon à l’abri de la peur : « ma


priorité sera d’entreprendre des réformes audacieuses
de nos institutions avec les bonnes volontés et les
compétences disponibles et de réinventer les règles de
la vie publique ».
Son projet pour les Gabonais repose donc,
avant tout, sur une vision : « bâtir une nouvelle
République ».
Le ton est donné par cet homme de presque 73
ans.

21 www.jeuneafrique.com/323112/…op.cit
cHAPItrE 3
MAIS QUI ESt JEAN PING ?

Jean Ping est né le 24 novembre 1942 à


Omboué, petite ville sur la lagune Fernand Vaz, au
sud de Port-Gentil.
Son défunt père, charles Ping (cheng
Zhiping), était un chinois de Wenzhou (Sud-Est
de chine) recruté comme travailleur dans les
années 20 et devenu exploitant forestier, puis
président du conseil Départemental d’Omboué,
après s’être marié à une Gabonaise du nom de
Germaine Anina (mère de Jean Ping).
« Je suis né au Gabon. Je ne suis pas né au Congo
ou ailleurs… » a-t-il lancé, le 28 avril 2014, dans le
Journal Echos du Nord, comme pour anticiper les
allusions qui pouvaient lui être faites par rapport
aux origines chinoises de son père.

89
Gabon

charles Ping, comme tout bon père, a poussé


son fils Jean à faire des études et l’a envoyé en
France.
Jean Ping est titulaire d’un doctorat d’État en
sciences économiques de l’Université de Paris 1
Panthéon-Sorbonne.
Marié avec Marie Madeleine Liane, Ping est père
de famille.

Homme d’expérience, Monsieur Ping débute sa


carrière ministérielle, le 26 février 1990, quand il
est nommé ministre de l’information des Postes et
télécommunications du tourisme et des loisirs, de
la réforme du secteur parapublic, chargé des
relations avec le Parlement, et porte-parole du
gouvernement.
Il n’occupe que brièvement ce poste de ministre
avant de passer, le 29 avril 1990, à la tête du
ministère des Mines, de l’énergie et des ressources
hydrauliques. Poste qu’il occupera jusqu’en juin
1991, puis à nouveau du 28 août 1992 au 24 mars
1994, pendant dix-neuf mois.
Le 25 mars 1994, il devient, pour la première
fois, responsable du ministère des Affaires
étrangères et de la coopération, avant de devenir,
le 30 octobre, ministre délégué auprès du ministre
des Finances, de l’économie, du Budget et de la
Privatisation.
Il est, pendant deux ans, du 27 janvier 1997 au
25 janvier 1999, ministre de la Planification, de
l’environnement et du tourisme du Gabon avant

90
Licence cant-11-5818067-8721779-5459840 accordée le 20 janvier
2021 à Stéphane Oyono
Jean Ping : l'homme providentiel

de prendre à nouveau en charge le ministère des


Affaires étrangères et de la coopération, augmenté
cette fois du portefeuille de la Francophonie, et
avec le titre de ministre d’État. Il reste à ce poste
jusqu’à son élection à la présidence de la
commission de l’Union africaine, le 6 février 2008,
responsabilité qu’il assurera jusqu’au 15 octobre
2012.
c’est au cours de son dernier mandat
ministériel de neuf ans qu’il préside, en 2004-
2005, l’Assemblée générale des Nations Unies.
réalisant la misère dans laquelle vivait son
peuple et la manière dont le Gabon son pays était
gouverné par Ali Bongo, il annonce le 1e février
2014, sa rupture avec le PDG au pouvoir et en
démissionne le 19 du même mois.

Depuis sa sortie du PDG, il entre en conflit


ouvert avec le président Ali Bongo Ondimba et
s’attelle à l’unification des forces de l’opposition
dans une structure appelée Front Uni de
l’Opposition pour l’Alternance (FUOPA).
Et la liste des hauts cadres de ce Parti qui ont
rejoint les rangs de l’opposition ne cesse de
s’allonger…
Le 25 août 2015, lors d’un meeting politique
dans la ville d’Oyem, chef-lieu de la province
du Woleu-Ntem, Ping déclare se porter
officiellement candidat à l’élection présidentielle de
2016, candidature unique de l’opposition. Il devient
de ce fait l’adversaire politique d’Ali Bongo 57 ans.

91
Gabon

Au départ, rien ne prédestinait les deux hommes


à se cotoyer dans la vie. Leur rencontre, c’est celle
de l’eau et du feu.

Les deux hommes se rencontrent grâce à


Omar Bongo, fin stratège, imprégné de l’esprit
françafricain.
Dans sa stratégie de confiscation du pouvoir
politique au Gabon, Omar Bongo voulait toujours
avoir à l’œil de jeunes gabonais brillants, tel Jean
Ping, pour étouffer dans l’œuf d’éventuelles
ambitions politiques nationales. car il ne voulait
pas prendre le risque de voir évoluer hors de sa
portée, hors du territoire national, ces jeunes
pousses ambitieuses, qui pourraient devenir par la
suite des concurrents ou opposants politiques. Il les
voulait à ses côtés, afin de pouvoir contrôler leurs
faits et gestes.
c’est ce qu’il avait sans doute en tête en faisant
venir le jeune et brillant Jean Ping au Gabon pour
travailler à ses côtés ; alors que ce dernier avait déjà
une carrière toute tracée à l’international,
notamment à l’UNEScO à Paris.
Puis arriva ce qui devait arriver… Jean Ping qui
travaillait auprès d’Omar Bongo, tomba sous le
charme de sa fille Pascaline Bongo. Ensemble, ils
auront 2 enfants.
Ping devient de ce fait, le beau-frère d’Ali Bongo,
mais aussi son collègue de travail dans les différents
gouvernements qui s’en suivirent sous Omar
Bongo…

92
Jean Ping : l'homme providentiel

Deux hommes, deux parcours, deux styles.


Outre son cV honorable qui l’a amené des
bancs de la Sorbonne jusqu'au poste de Secrétaire
général des Nations Unies, Jean Ping est surtout un
homme de consensus, respectueux des personnes et
des institutions.
Depuis le hold-up électoral du 31 août 2016 et le
carnage survenu à son quartier général par la milice
du régime, le peuple gabonais, dans sa grande
majorité, est plus que jamais derrière Jean Ping.

Attention à la dernière marche …

Les qualités d’homme d’Etat de Jean Ping, sa


personnalité, son parcours, ses multiples
expériences de diplomate, sont connues et
reconnues par tous. Mais justement, ces mêmes
qualités sont devenues ses principaux handicaps en
milieux françafricains, pour atteindre la dernière
marche du pouvoir. Pourquoi ?

Outre sa connaissance et sa maîtrise du


fonctionnement des institutions politiques nationales
et internationales, la morale ou plutôt l’éthique de
Jean Ping ne semblent pas correspondre à l’esprit
françafricain. Sa personne semble inquiéter ou
déranger le cercle des initiés en la Françafrique dont
le seul but est de faire perdurer leur système de
prédation centenaire sur ce territoire aux richesses
immenses...

93
Licence cant-11-5818067-8721779-5459840 accordée le 20 janvier
2021 à Stéphane Oyono
Gabon

Habitués à tisser leur toile dans l’ombre avec leurs


dictateurs habituels, habitués à faire prospérer leurs
affaires à l’abri des regards indiscrets et au mépris des
populations locales, les initiés en Françafrique ne voient
pas d’un bon œil l’arrivée de ce Gabonais au sang
chinois, expérimenté, charismatique et proche du
peuple.
car ils redoutent que leur chasse gardée: le Gabon,
devienne un «jardin public», livré à la population
autochtone qu’ils ignorent.
D’où leur méfiance à l’égard de Ping, l’homme au
parcours brillant, l’homme qui ose mettre le peuple
gabonais au cœur de son projet de société, l’homme qui
ose vouloir mener son pays vers plus de prospérité et de
démocratie: une logique très éloignée de celle des
héritiers de Jacques Foccart.
Et, contrairement à leurs discours officiels, ces
derniers continuent de soutenir en sous-marin Ali
Bongo, leur «partenaire pantin». La crise post-électorale
du 31 août 2016, et les événements qui s’en sont suivis..,
le démontrent chaque jour un peu plus depuis six mois...

Aujourd’hui Ping doit affronter l’imposture et


l’arrogance de son adversaire Ali Bongo, tout en
observant le soutien implicite de l’Etat français à ce
dernier, malgré son coup d’Etat permanent à la
démocratie du Gabon. Autrement dit, les mêmes qui
conseillent en coulisse à Jean Ping de ne pas se laisser
faire, car c'est lui qui a gagné, qu'ils seraient prêts à le
soutenir par tous les moyens y compris militaires, sont
les mêmes qui conseillent à Ali Bongo qu'ils ne vont pas
le laisser tomber, car c'est lui qui défend le mieux leurs
intérêts au Gabon.
trOISIèME PArtIE
DErrIèrE LA crISE POSt-ÉLEctOrALE
DU 31 AOût 2016 : L’ENJEU

« J’ai eu l’impression au Gabon de passer la


réalité des pouvoirs moins à Léon Mba
[le 1e président gabonais]
qu’à Bru Roland
[forestier, patron à l’Office des bois et
à la chambre de commerce de Libreville et en
même temps conseiller du président
Léon Mba] »

Sanmarco Louis dans Le colonisateur colonisé


Paris, Imprimerie A.B.c PIErrE Fanlac, 1983
La crise post-électorale du 31 août 2016 au
Gabon, provoquée par l’assaut criminel au quartier
général de Jean Ping, n’est pas le fruit du hasard.
Elle n’est que l’aboutissement d’une longue lutte
du peuple gabonais pour sa libération socio-
économique. La résistance aux oppresseurs pour sa
survie reste, en effet, le fil rouge de son histoire qui
commence avec l’esclavage, puis la colonisation
portugaise et surtout française…

Dans son livre L’implantation coloniale au Gabon,


Nicolas Metegue n’nah22 mettait déjà en évidence
l’étroit rapport qui lie la lutte du peuple gabonais à
son développement socio-économique durant la
période coloniale :
« Bandits, pillards, sauvages », tels étaient les
termes utilisés dans les documents coloniaux pour
désigner les résistants gabonais à la colonisation,
discréditant leur action, justifiant la répression
hystérique qu’exerçaient les fonctionnaires

22 Metegue n’nah (Nicolas) : L’implantation coloniale au Gabon :


résistance d’un peuple 1839-1960.- Paris.- L’Harmattan.- 1981.-t1.-
Nicolas Métegue n’nah écrit d’autres ouvrages sur l’histoire du Gabon.
Il a enseigné à l’auteure en 1e année d’Histoire à l’Université Omar
Bongo au Gabon.

97
Gabon

coloniaux pour tenter de mettre fin au


développement de la lutte anticolonialiste au
Gabon… » jusqu’à l’indépendance en 1960…

A cette colonisation traditionnelle, a succédé une


situation nouvelle où les pôles du pouvoir ont fluctué
au gré des circonstances, toujours animés par leurs
moteurs habituels: politique, intérêts économiques
(argent), ambitions.
Louis Sanmarco, dernier gouverneur du Gabon
jusqu’à l’indépendance du pays, écrit dans son livre
Le colonisateur colonisé: «J’ai eu l’impression au Gabon
de passer la réalité des pouvoirs moins à Léon Mba23 qu’à
Roland Bru (forestier français, patron de l’Office des bois
et à la chambre de commerce et conseiller du président
Léon Mba). » Une phrase qui en dit long sur les
nouvelles relations Franco-gabonaises qui vont voir
le jour dès l’indépendance du pays.
Et l’on ne comprendrait pas les relations franco-
gabonaises qui vont débuter au lendemain de
l’indépendance du pays si on ne se penchait pas
d’abord sur les caractéristiques de l’économie
gabonaise.
car, c’est en analysant le poids réel de cette
économie, avec ses forces et ses faiblesses, que l’on
peut mieux comprendre ce qui se joue derrière les
bombardements du 31 août 2016.

23 Sanmarco (Louis) : Le colonisateur colonisé.- Paris.- 1983.-


Imprimerie A.B.c (Pierre Fanlac).- 230 p.

98
L'enjeu

Dans cette guerre qui oppose les deux ex-beaux-


frères, avec d’un côté, Jean Ping, qui a pris le visage
du peuple gabonais, spolié, opprimé et assassiné sur
son propre sol et de l’autre, Ali Bongo Odimba, fils
adoptif d’Omar Bongo, installé, maintenu et
soutenu encore et toujours à la tête de l’Etat
gabonais, par l’ancienne métropole, la France et tous
ses réseaux occultes (comme l’était son père Omar
Bongo avant lui), il y a un enjeu.
cet enjeu, c’est celui des richesses économiques
ou plutôt les intérêts économiques du Gabon, en
particulier le pétrole et le bois… ces deux secteurs
constituent à eux seuls, en effet, le poids de
l’économie gabonaise et par conséquent, le véritable
enjeu de cette guerre qui ne veut pas dire son nom.

Il faut d’abord rappeler, en effet, que dans un


marché pétrolier morose de ces trois dernières
années, le Gabon connaît en cette fin d’année 2016,
une croissance modérée, tirée comme toujours par
les secteurs pétroliers, miniers et forestiers. Les
services continuent d’assurer plus ou moins, sur le
plan alimentaire, l’essentiel de la croissance dans les
années à venir, à condition que le pays se remette de
la crise post-électorale.
Dans le secteur des mines, le complexe
métallurgique de Moanda-Franceville, entré en
activité en 2015, devrait donner un coup de fouet à
la production de manganèse.
Dans le secteur de l’agriculture et de la pêche,
le partenariat public-privé, avec la société

99
Gabon

singapourienne OLAM, devrait augmenter la


production d’huile de palme, de caoutchouc et de
poisson. Le partenariat public-privé avec IBL, une
société mauricienne, devrait également renforcer la
filière halieutique.
cHAPItrE 1
LES cArActÉrIStIQUES DE L’ÉcONOMIE
GABONAISE : UNE ÉcONOMIE
trèS DÉPENDANtE

Si l’on se réfère au discours du 6 décembre 1963


du président Léon Mba, on peut affirmer que les
« atouts » et les « points faibles » de l’économie
gabonaise étaient déjà connus au moment de
l’indépendance du Gabon. Mais les conséquences
d’une économie basée sur les seules richesses
extractives d’exportation, à savoir, le pétrole, les
mines et le bois, restaient sans doute vagues dans
les esprits des Gabonais tant que le choc pétrolier
n’était pas encore arrivé.
Il a fallu, la hausse des prix du pétrole à la fin de
1973, puis les contre-chocs pétroliers et le change,
pour que l’on découvre une économie fragile et très
dépendante de l’extérieur.

101
Gabon

Le Gabon se distingue, en effet, sur la scène


africaine par la conjonction de deux faits
importants : le sous-peuplement (à peine 800 000
habitants selon les sources sur une superficie
de 267.670 Km2) et des richesses immenses
(bois, pétroles, mines etc..). c’est son véritable
paradoxe.
ces deux visages de l’économie gabonaise ont
un point commun : c’est la dépendance vis-à-vis
de l’extérieur : dépendance humaine, dépendance
financière, dépendance technologique et commerciale
dont le cycle minier des années 70 va accentuer les
effets et préciser les enjeux.
On a souvent évoqué le manque d’esprit
d’entreprise des Gabonais quant au développement
de petites et moyennes entreprises modernes.
Mais on oublie trop souvent de mentionner
l’engagement financier et technologique que
nécessite l’exploitation des richesses gabonaises par
les nationaux.
Les secteurs forestiers, pétroliers et miniers qui
font le poids de l’économie gabonaise ont accentué
la dépendance du pays vis-à-vis de l’étranger. car,
capitaux, savoir-faire et même débouchés sont
étrangers et n’émanent pas du pays.

L’exemple du secteur forestier

Au début de l’exploitation forestière au Gabon,


tout se passait à main d’homme.

102
L'enjeu

Abattues et tronçonnées à la hache, les billes


d’okoumé étaient roulées vers les rivières et
évacuées par flottage vers la côte24. Et l’on se
rappelle encore des dégâts qu’avait causés durant
les dernières années de la colonisation, cette
exploitation de la coupe d’okoumé sur le capital
humain gabonais.
La mutation de l’espace forestier a été possible
grâce à une révolution technologique qui a
profondément bouleversé l’exploitation, la libérant
des contraintes qui l’avaient enfermée dans la plaine
côtière. cette révolution, c’est celle du tracteur et
du grumier.

Les premiers engins motorisés avaient fait une


timide apparition à la veille de la deuxième guerre
(mondiale), mais c’est l’arrivée du « caterpillar » à
partir de 1947 qui a inauguré une ère nouvelle. Les
chantiers se sont équipés d’un matériel très
performant.
Aujourd’hui les exploitations ressemblent de
plus en plus à des entreprises de travaux publics.
Ils utilisent le même type d’engins importés :
grumiers, niveleuses, bulldozers, débardeurs
camions, tronçonneuses, etc..
ce qui exige une dépendance financière et
technologique qui ne favorise pas les néophytes
nationaux.

24 Simon (Sacha) : Les bûcherons de l'équateur.- dans le Figaro.- N°


806, 15-16 août 1970.-p. 5.

103
Gabon

On ne soulignera jamais assez ce que


représente l’engagement financier d’une coupe,
même la plus simple. car, à l’intérieur de la
première zone, les Gabonais se retrouvent
confrontés à l’échelle de leurs moyens propres, au
problème de l’éloignement des zones d’abattage
qui s’écartent naturellement de plus en plus des
points de mise à l’eau.

En deuxième zone, l’exploitation elle-même


doit se faire en deux temps. celle qui précède
l’attribution du permis exigé, après survol attentif
du secteur, l’établissement d’une carte de
dégrossissage par des équipes ouvrant à la
machette des layons distants d’environ 1 km les
uns des autres.
Après l’attribution du permis, ce dégrossissage
doit être complété par un inventaire précis des
arbres qui exige un quadrillage intégral par demi-
hectare, avec report des fûts sur une carte. cela
permet de détecter les concentrations et donc
d’établir le plan des voies à tracer pour atteindre
les arbres et les évacuer.
tous ces frais d’équipement d’exploitation
étant engagés, il s’agit ensuite d’ouvrir ces voies.
Or, en deuxième zone, on se heurte à la forêt
dense, abrupte, constituée par des séries de
chaînes sans plateau. ce qui décuple les
difficultés. Il n’est donc plus question d’utiliser les
bras. Seuls les engins lourds, surpuissants,
renversant les fûts, les basculant, les déracinant,

104
L'enjeu

permettent réellement d’avancer. Mais à quel


prix ?
En 1968, en deuxième zone, le prix moyen
courant du Kilomètre de piste d’accès à l’arbre était
évalué à 650.000 Fcfa, une fortune. Et encore, il ne
s’agit là que des ouvertures par tracteurs. Lorsqu’il
s’agit de créer des voies roulantes pour grumiers, le
coût kilométrique est double.
Il est clair dans ces conditions, que la réussite
d’une bonne exploitation est très largement
conditionnée par une bonne utilisation du matériel
et par le capital.
A titre indicatif, un D7 caterpillar qui valait 20
millions de Fcfa en 1970, en coûtait 80 en 1985 et
ainsi de suite…

Par ailleurs, si la main d’oeuvre gabonaise,


formée sur le tas, maîtrise de manière générale, la
conduite des tracteurs et camions, il n’en est pas de
même pour ce qui concerne l’entretien d’un
matériel onéreux qui rend indispensable encore
aujourd’hui, l’emploi de mécaniciens expatriés.
c’est le nerf de la guerre.

En 1968, on comptait à peine une dizaine


d’exploitants nationaux dont la plupart bricolaient,
tant bien que mal, à l’aide d’un matériel d’occasion,
tracteurs essoufflés, camions rafistolés.., et qui
menacent de rendre l’âme à chaque chargement.
Depuis les années 70, les grands chantiers
comptent au moins une dizaine de mécaniciens

105
Gabon

européens. Seuls les forestiers traditionnels ont pu


s’enrichir comme les chinois aujourd’hui…
En somme, qu’il s’agisse des grandes sociétés ou
des fermiers, l’exploitation forestière au Gabon,
reste depuis ses débuts une affaire d’Expatriés
européens et non des nationaux.

L’exemple du secteur pétrolier

L’avènement pétrolier et minier des années 70


va encore accentuer la dépendance financière,
technologique et commerciale de l’économie
gabonaise.
À la différence du secteur forestier, il n’y a pas
de place pour l’initiative privée locale. Le seul
partenaire des sociétés pétrolières et minières
est l’État dont la préoccupation majeure consiste
à prélever des « royalties » ou redevances sur
une production presque totalement destinée à
l’exportation.

c’est dans ce contexte que l’économie et la


politique restent en étroite collaboration. Les
investisseurs étrangers disposent non seulement
d’hommes compétents, mais encore des capitaux
indispensables pour mener à bien l’activité de
production. « Il faut donc leur donner l’occasion de
combiner ces deux facteurs de production et c’est
principalement le rôle de l’État qui, en raison de
l’inexistence d’une épargne privée gabonaise, assurera

106
L'enjeu

le relais et sera donc étroitement associé aux


réalisations industrielles », martelait encore le
président Omar Bongo dans son discours du 4
février 1974.
contrairement au secteur forestier, le mécanisme
de la recherche est toujours le même et comporte
essentiellement deux sortes d’opérations : une
campagne sismique et une campagne de forages.
La campagne sismique a pour but de reconnaître
la structure géologique du sous-sol. Elle doit
permettre aux géologues et géophysiciens de
déterminer l’emplacement des points de forage.
La rapidité de ces opérations est très différente
à terre et en mer, puisqu’on estime possible de
traiter, en moyenne, 100 à 150 km par jour en mer
contre 50 km par mois à terre. La diminution de
son coût et la rapidité de couverture d’une zone de
première évaluation rendent son intérêt (pétrolier)
encore plus grand. A l’inverse, les forages, qui
nécessitent l’utilisation d’appareils spécifiquement
conçus à cet effet, sont plus onéreux en mer qu’à
terre.

Jusqu’en 1973, le prix de revient d’un forage en


mer variait de 300 à 450 millions de Fcfa sur la base
d’utilisation d’un appareil avec son environnement
logistique pendant 30 à 45 jours, au coût journalier
de 8 à 10 millions de Fcfa.
A terre, un forage ne coûtait durant la même
période, que 130 à 150 millions de Fcfa, selon le lieu
d’implantation.

107
Gabon

Nous sommes donc loin, très loin d’une


initiative locale, d’où la participation tardive de
l’État gabonais au capital d’Elf (1974).
cette participation n’a d’ailleurs pas remis en
cause les structures de la Société qui reste contrôlée
par les intérêts publics français, même si elle permet
au Gabon de disposer du quart de la production.
c’est à ce niveau qu’il faudrait rechercher la
racine du mal gabonais à son impossibilité à
prendre le train du développement économique.
cHAPItrE 2
LA rAcINE DU MAL GABONAIS

En effet, les accords de coopération signés à la


veille et au lendemain de l’indépendance du Gabon
(17 août 1960) n’ont fait que conforter la position,
déjà très dominante du capital français sur
l’économie gabonaise pendant la colonisation,
autant dans le secteur public que privé.

Le Gabon, à cette époque, n’avait pas encore de


cadres susceptibles de négocier valablement avec les
représentants de la France, qui connaissaient le
sous-sol gabonais mieux que les Gabonais eux-
mêmes.
Il était alors facile à la France de se réserver les
terrains susceptibles de renfermer des richesses
minières et celles où les forêts étaient encore riches
en essences (Okoumé, Ozigo).
Par ailleurs, les dépendances domaniales immatriculées
au nom de la République Française comprenaient tout
le territoire gabonais.

109
Gabon

Pour déterminer celles qui sont nécessaires aux


services de la république Française, seuls, les
ressortissants de cet État étaient à même de le faire
et, là encore, ils pouvaient occuper pour les
entreprises françaises d’exploitations minières,
pétrolières et forestières déjà installées, le maximum
de terrain nécessaire à leurs activités etc25.
L’article 36 de ces Accords de coopération résume
parfaitement les intentions de la France en matière
domaniale. Il s’agissait sinon d’accroître les
avantages de la période coloniale, du moins, de les
conserver après l’indépendance juridique du
Gabon.
Ainsi, des domaines dont la superficie atteint
jusqu’à 560 km2 pour certains, et renfermant des
richesses minières ou pétrolières, sont octroyés aux
entreprises pour une durée de 75 ans. Une période
durant laquelle ces entreprises ne seront jamais en
concurrence pour toute la durée de la concession.
Il y a là encore l’établissement de véritables
barrières à l’entrée !

cette emprise de la France sur le territoire


gabonais durant la période coloniale, renforcée par
le sceau des accords de coopération de 1960,
explique pourquoi les sociétés françaises, en
particulier le groupe Elf (aujourd’hui total), mais
aussi Bolloré, Eramet, Véolia, rougier etc., restent

25 Maganga-Moussavou (Pierre-claver) : L’aide publique de la France


au développement du Gabon depuis l’indépendance 1960-1978.–
Publications de la Sorbonne.- 1982.- p. 203.

110
L'enjeu

toujours en position dominante sur le marché


gabonais.
Le sceau qui marque les accords de coopération
économique, voire militaire, franco-gabonaise de
1960, s’est transformé petit à petit en étau de la
Françafrique sur le Gabon.
La puissance du groupe total (Elf à l’époque) se
résume par ce simple chiffre : il a procuré à lui seul,
en données arrondies, la moitié des recettes de
l’État gabonais, jusqu’en 1985, tout au moins. ce
qui accroissait d’autant l’emprise d’Elf-Gabon sur
le pays, autrement dit, renforçait le dispositif
français de sécurité destiné à protéger Elf et l’État
gabonais, donc le président gabonais ; car cette
société allait devenir son principal promoteur
industriel.
D’où, le tête à tête, entre les présidents Gabonais
et l’État français (que ce soit la droite ou la gauche
au pouvoir).

c’est ainsi que la plupart des directeurs d’Elf-


Gabon dès les années 60-85, et même au-delà,
étaient en même temps des ambassadeurs de la
France au Gabon. certains étaient d’ailleurs des
conseillers du président Omar Bongo dans la
gestion du pays, comme ils l’étaient déjà avec le
président Léon Mba dès 1960.
ce sont d’ailleurs ces derniers, qui conseillèrent
au président Bongo de ne pas appliquer les
décisions de l’OPEP de manière mathématique.

111
Gabon

A l’époque, en effet, les pays de l’OPEP avaient


imposé aux sociétés exploitant leurs sous-sols, des
participations variant de 51 % à 100 %, le Gabon,
pourtant, membre de l’OPEP, s’est contenté de
10 % d’Elf-Gabon sur les conseils de ces derniers.
car, ces arrangements officiels entre Elf et Bongo
étaient souvent doublés d’accords secrets, de
connexions opaques et informelles.
Une fois passé cet accord, Elf et Bongo étaient
devenus indissolublement liés : d’un côté, la société
française devait approvisionner près de 60 % du
budget et assurait, soi-disant, l’industrialisation du
pays, et de l’autre, Bongo donnait à Elf Aquitaine
la possibilité de faire du Gabon une seconde région
française, au même titre que la Bretagne ou les
Hauts de France !
Dès lors, il fallait protéger « le couple Elf-Bongo »
qu’il soit dictateur ou pas.
Par conséquent, la sécurité d’Omar Bongo lui-
même sera assurée par des militaires, espions et
autres mercenaires français, pour la prospérité de la
France.
Et, aujourd’hui comme hier, qu’il s’agisse de
Bongo père ou de Bongo fils, qu’il s’agisse de Elf
hier, ou total aujourd’hui, le but de la France est
d’abord et avant tout de veiller sur la sécurité des
Bongo. car cette famille qu’ils ont installée et
continuent de maintenir à la tête de l’Etat Gabon,
est, en fait, la gardienne de leur patrimoine
gabonais qu’ils tiennent à pérenniser : installations
pétrolières avec total, la SEEG avalée par Véolia en

112
L'enjeu

tant que société écran, Bolloré, rougier.., pour ne


citer que ceux-là, sous le regard protecteur de leur
base militaire sur place.
Voilà l’indépendance du Gabon vidée
totalement de son aspect économique : une
indépendance dans la dépendance !
c’est ce qui explique cette relation incestueuse
qu’entretient l’Etat français avec le territoire
gabonais ; une relation que la Patrie des droits de
l’homme n’ose pas avouer officiellement. car la
stratégie pour elle est que le Gabon garde cette
façade de « pays indépendant » vis-à-vis de
l’opinion. ce qui lui permet de continuer de
profiter des avantages économiques de ce territoire
tout en se déchargeant de son développement
économique.

On le voit bien, face aux puissantes sociétés


étrangères (françaises), la participation de l’État
gabonais reste faible, la marge étroite. La nature
même de ces richesses extractives et vouées à
l’exportation (le bois, le pétrole et les mines)
explique cette dépendance financière et
technologique de l’économie gabonaise. La maîtrise
des technologies, mises en œuvre dans les secteurs
pétroliers, et miniers, échappe encore en grande
partie au Gabon.

Et, plus de cinquante ans après l’indépendance


du pays, le Gabon ne dispose toujours pas
suffisamment de cadres techniques et parfois

113
Gabon

d’agents de maîtrise nationaux. La Gabonisation des


cadres que ne cessait de répéter le président Omar
Bongo, tout comme L’Emergence proféré par son
fils Ali, ne sont en définitive que de simples slogans,
des écrans de fumée.
En effet, l’État gabonais depuis les années 70,
c’est-à-dire depuis Bongo père, a toujours voulu
privilégier là encore, par stratégie politique, des
filières de l’Enseignement supérieur débouchant sur
des emplois administratifs. Or, ces emplois sont
souvent détachés du réel, éloignés des sociétés
pétrolières, ce qui laisse le champ libre à la main-
d’œuvre étrangère (donc française) sur l’ensemble
du secteur pétrolier et minier du Gabon.
Une stratégie, probablement inspirée par les
Françafracains qui veulent garder la main mise sur
l’ensemble des secteurs clés de l’économie du
territoire gabonais.
Ni la Faculté des Sciences, ni l’Ecole nationale
supérieure d’Ingénieurs de Libreville, n’ont
véritablement répondu aux besoins des sociétés
pétrolières et minières, pas plus que les profils des
diplômés formés dans des établissements étrangers.
L’abandon des domaines techniques, des notions
pratiques et des réalités locales est devenu l’une des
caractéristiques de l’enseignement gabonais.
La conséquence de cette politique26, c’est le
manque de cadres scientifiques gabonais sur le
26 L’abandon des domaines techniques au profit des formations
littéraires va ainsi continuer durant des décennies des Bongo au
pouvoir. On note par exemple en 1981 : à peine 574 étudiants dans
les formations techniques sur 1889 étudiants (soit 29 %).

114
L'enjeu

marché (local) de l’emploi, en revanche, l’existence


d’une administration pléthorique.
Or, qui dit richesses minières comme ici au
Gabon, dit connaissances techniques voire
technologiques, car la demande en main-d’œuvre
qualifiée vient souvent des industries de
transformation ou technologiques mises en place
avec l’expansion économique.

Par ailleurs, le sous-peuplement de l’espace Gabon


n’a cessé d’exercer des contraintes. L’exploitation
économique a constamment été confrontée au
manque d’hommes et les actions de développement
se heurtent toujours aux coûts de dispersion.
L’exploitation humaine durant la période
coloniale, les recrutements forcés, les épidémies (et
autres maladies), puis les migrations spontanées
vers les lieux d’activité (la côte) ne pouvaient éviter
de provoquer de profondes déchirures dans un tissu
humain « lâche », en ajoutant leurs effets à ceux de
l’entreprise administrative de regroupement etc.

En somme, malgré le boom pétrolier des


années 70, l’économie gabonaise garde toutes
les caractéristiques d’une économie de sous-
développement. Elle est caractérisée par sa trop
grande dépendance vis-à-vis de l’extérieur, en
particulier de la France. car le pays tire la majeure
partie de ses revenus de l’exportation d’une
ressource non renouvelable : le pétrole dont il ne
peut influencer le prix. ce dernier, ainsi que le taux
de change du dollar, lui sont imposés de l’extérieur.

115
Gabon

Dans ces conditions, il convient de ne pas se


laisser aveugler par l’apparence : la richesse
gabonaise est volage et incertaine car elle est
produite, en grande partie par et pour les acteurs
étrangers, en particulier, la France.

Mais les conséquences d’une économie basée sur


des richesses extractives vouées à l’exportation, la
fuite des capitaux, et surtout le sous-peuplement de
l’espace Gabon que certains appellent le vide
gabonais, ne suffisent pas à expliquer les difficultés
du Gabon à se développer.
Le système de gouvernance des Bongo, le père
comme le fils, décrit ici, et surtout le contexte
politico-diplomatique du Gabon avec l’extérieur,
notamment avec la France, sont deux éléments
déterminants, sinon décisifs, qui permettent de
bien comprendre les difficultés du Gabon à prendre
le train du développement.
cHAPItrE 3
UNE rEcOLONISAtION
NOMMÉE FrANçAFrIQUE
DE JAcQUES FOccArt

A la colonisation traditionnelle, a succédé après


l’indépendance du pays, une recolonisation sous les
traits d’un certain Jacques Foccart, le tout-puissant
homme de l’ombre du Général de Gaulle. ce dernier
a étendu progressivement son pouvoir avec la
coopération de ceux qu’il avait mis en place, au
point de s’appeler « Galaxie Foccart »27. c’est le
début de la Françafrique.

Le contexte

La Françafrique se met en place dans les années


soixante, au moment où le Général de Gaulle

27 Péan (Pierre) : L’homme de l’ombre, éléments d’enquêtes autour de


Jacques Foccart, l’homme plus mystérieux et le plus puissant de la Vème
République.- Paris.- Fayard.- 1991.- p. 313.

117
Gabon

poussé par les mouvements indépendantistes est


contraint d’accorder des indépendances aux
anciennes colonies d’Afrique. ces indépendances
s’imposent du fait de la nouvelle légalité
internationale. Mais en même temps, la France a
besoin de
- maintenir son rang à l’ONU (grâce à son
cortège d’Etat clients…) ;
- maintenir son accès au pétrole, à l’uranium,
au bois, au cacao, etc. ;
- empêcher l’Afrique de basculer dans le
communisme (dans un contexte de guerre
froide) ;
- défendre aussi la langue française, face à la
culture anglo-saxonne grandissante dans le
monde, etc..
Sauvegarder les besoins de financements des
partis politiques qui trouvent par ce système le
moyen de remplir leurs caisses…

ces raisons débouchent sur une politique


en opposition avec la nouvelle légalité et
donc nécessairement occulte, cachée à l’opinion
publique.
c’est ainsi, qu’avec Jacques Foccart se met en
place un système, qui, de fait, maintient la
dépendance des pays africains anciennement
colonisés grâce
- au soutien de chefs d’Etat, amis de la France
(anciens soldats de l’armée française ou anciens
des services secrets français) ; sous-officier en

118
L'enjeu

1958, le jeune Albert Bernard Bongo entre dans


cette catégorie.
- à l’élimination physique des leaders non acquis
aux intérêts français grâce à l’action des mercenaires
(couverts par les services secrets en cas de procès…)
ou au soutien aux opposants locaux ;
- au trucage des élections ;
- à des entreprises, comme Elf, qui permettent le
détournement de sommes colossales qui sont
utilisées, entre autres, pour financer les opérations
nécessaires à cette politique occulte28.

c’est dans ce contexte qu’au Gabon, plus


qu’ailleurs, l’enjeu des membres de la « Galaxie
Foccart » - très souvent des hommes d’affaires
(forestiers, pétroliers), mais aussi des mercenaires
ou nostalgiques de l’extrême droite française. - liés
par des intérêts convergents, sera de maintenir
dans la dépendance ce petit émirat, malgré son
indépendance juridique.

Sur le plan purement politique, Foccart va


profiter du putsch du 18 février 1964 fomenté
contre le président Léon Mba, pour renforcer le
dispositif de sécurité au Gabon.
Le dispositif mis en place au Gabon, au
lendemain du putsch, est composé de militaires
français qui avaient participé à l’opération de
« nettoyage » et de remise en ordre du Gabon.

28 Verschave (François-Xavier) : Le plus long scandale de la République.-


Paris.- 1998.- Stock.- 380 p.

119
Licence cant-11-5818067-8721779-5459840 accordée le 20 janvier
2021 à Stéphane Oyono
Gabon

Il y a également des hommes d’affaires, très


souvent à la tête des grandes sociétés nationales,
notamment la puissante société Elf-Gabon. Elle est
dirigée dès l’indépendance en 1960 par Pierre
Guillaumat, un proche de Jacques Foccart, puis
secondé par Guy Ponsaillé, à la fois directeur du
personnel (d’Elf-Gabon) et en même temps
conseiller du président Léon Mba.
Après le putsch du 18 février 196429, Ponsaillé
est chargé d’organiser autour du président déchu,
un véritable camp retranché, gardé par des
militaires français ;
Maurice Delauney, un autre proche de Jacques
Foccart, sera lui nommé ambassadeur au Gabon,
en remplacement de François Simon de Quirielle
qui aurait été renvoyé, assure-t-on, pour son mépris
des Français qui assurent la protection du président
Léon Mba dans un Gabon indépendant.
Il y a aussi Bru Roland, forestier, patron à
l’Office des bois et à la chambre de commerce de
Libreville et en même temps conseiller du président
Léon Mba ».
comme tous les forestiers de l’époque, Bru
appartenait au puissant syndicat des forestiers qui
pesait lourd dans les orientations de la politique
économique du pays.

29 Après l’intervention de l’armée française venue au secours du


président Léon Mba, l’on constate, en effet, un renforcement du
dispositif de sécurité (français) autour du président déchu au lendemain
putsch du 18 février 1964 qui fit vingt-quatre morts du côté gabonais
et deux morts du côté français,

120
L'enjeu

Jean Claude Brouillet, patron de la compagnie


d’aviation Transgabon (l’ancêtre de la compagnie
Air Gabon) et forestier, etc.
D’autres hommes encore, au passé douteux,
se déguisant souvent en conseillers techniques,
feront aussi partie de ce dispositif. c’est, le cas de
Bob Maloubier. c’est en effet ce que révèle cette
réponse étonnante de Jacques Foccart à ce dernier :
« Ainsi que je t’en avais avisé, j’ai fait régulariser
ta situation. Tu es désormais le conseiller technique
de haute classe du ministère de la Coopération. Va
signer ton contrat Rue Monsieur. Ainsi, tu exerceras
tes talents en qualité de fonctionnaire français
détaché auprès du président Mba. Ceci avec toutes
les garanties afférentes à ton statut. Après avoir
abandonné ta situation à notre appel, il est logique
que tu sois couvert… »30
Maloubier sera chargé de réorganiser la garde
présidentielle du président Léon Mba qui n’a plus
confiance aux « évolués du Gabon ».
Après un voyage éclair à Paris où il recrute les
hommes de combat, la plupart des anciens
gendarmes et policiers gabonais sont remplacés…

Le nouveau dispositif compte désormais


une trentaine d’hommes, deux nageurs et un
inspecteur de police, tous recrutés en France.

30 Péan (Pierre) : L’homme de l’ombre, éléments d’enquête autour de


Jacques Foccart, l’homme le plus mystérieux et le plus puissant de la Vème
République.- Op. cit..- p. 312. certaines informations concernant ce
dispositif sont à prendre avec prudence selon Pierre Péan avec qui
l’auteure s’était entretenue pour compléter ses informations.

121
Gabon

Bod Maloubier est également chargé d’assurer


la garde du camp où sont internés les principaux
inculpés à la suite de la tentative du coup d’Etat
du 18 février 1964. Il s'agit notamment de Jean
Hilaire Aubame, le principal opposant à Léon
Mba et ses amis.
Maurice Robert, patron du service « Afrique »,
est chargé, quant à lui, de faire le nettoyage et de
remettre de l’ordre au Gabon pendant et après le
putsch.
Sur cette liste, on note aussi le lieutenant-
colonel Georges Maitrier, ami de Delauney,
ambassadeur de la France au Gabon. très qualifié
en matière de répression, Maitrier est chargé de
son côté, de commander et de réorganiser la
gendarmerie gabonaise ; Conan, ex-policier, et
bien d’autres encore.., tous venus de France…

L’intervention de l’armée française venue au


secours du président Léon Mba est très mal perçue
à travers le monde, si l’on en croit la presse de
l’époque. Les Gabonais, eux-mêmes, parlent d’une
reconquête de la France, comme l’indique ce tract
rédigé au lendemain du putsch :
« Il est de notre devoir de vous mettre en garde
contre les agissements sans cesse provocateurs des
néocolonialistes représentés au Gabon par les
Cousseran, Bru, Ponsaillé et tous les autres conseillers
techniques en général, partisans effrénés d’une
reconquête totale (au mépris de notre indépendance)
de notre pays, en complicité avec la « Clique MBA ».

122
L'enjeu

Ces forbans, pour arriver à leurs fins, ont utilisé


et utilisent encore les crimes les plus odieux que
vous connaissez tous…». trac signé «Le comité
révolutionnaire», et destiné aux habitants de Port-Gentil31.

c’est ce dispositif plus ou moins hétéroclite qui


va quadriller le Gabon dès 1964, du Nord au Sud,
de l’Est à l’Ouest, et qui va manœuvrer dans
l’ombre pour que le jeune Albert Bernard Bongo
(leur dauphin) puisse succéder au président Léon
Mba, qu’ils savent mourant.
Mais le peuple gabonais qu’on encourage à
participer à l’élection de 1967, n’est pas courant de
ces manœuvres au sommet, ni du fait qu’il ne reste
à Léon Mba que quelques jours à vivre. Pourtant,
tout est déjà verrouillé par Jacques Foccart et ses
hommes pour que leur dauphin, Albert Bernard
Bongo, prenne la tête de l’Etat gabonais, après le
décès du président Léon Mba.
ce dernier (le président Léon Mba) ne
soupçonne pas, lui-même, l’enjeu qui se cache
derrière ce simulacre d’élection de 1967, avec une
mise en scène de lui et du jeune Bongo sur les
photos, jusque dans sa chambre d’hôpital (claude
Bernard) à Paris. Le "Vieux malade" doit se plier à
des séances photos à l'ambassade du Gabon, 6, rue
Greuze à Paris : transport en ambulence, escalier,
attente, spots... Les photos illustres les affiches

31 Archives privées de P. Péan (APPP) que ce dernier a eu la gentillesse


de me mettre à disposition au moment de la préparation de ma thèse
en 1998. Il s’agit d’un tract de deux pages rédigé au lendemain de
putsch et destiné aux habitants de Port-Gentil.

123
Gabon

électorales pour le scrutin du 19 mars. Sur l'une,


Léon Mba assis à un bureau signe un dossier avec,
à ses côtés, debout, Bongo. Sur l'autre, les deux
hommes, debout, tiennent en main les deux
dossiers les plus importants du Gabon à l'époque :
le chemin de fer Owendo-Belinga et le port
d'Owendo, etc.
Au Gabon en effet, la constitution de 1961 fut
modifiée à la veille de la mort du président Léon
Mba, introduisant les deux amendements suivants :

- Le président de la république sera assisté d’un vice-


président de la république, élu comme lui au suffrage universel
direct sur la même liste et appelé à le remplacer en cas d’absence ;
et, d’une manière permanente, le Vice-président peut, par
délégation du président, exercer certaines attributions du chef
de l’Etat.
- D’autre part, les élections présidentielles auront lieu la
même date que les élections législatives…32

ces dispositions permirent au Vice-président


Bongo d’être élu en mars 1967 aux côtés du
président Léon Mba mourant, et d’être investi, le 2
décembre 1967 comme président de la république,
après la mort de ce dernier.
Aussitôt investi, le poste de Vice-président sera
supprimé…33
32 La réforme de la constitution gabonaise du 7 décembre 1967 5 (par
Decheix Pierre), dans revue Juridique et Politique, Indépendance et
coopération.- t 22.- N°1 à 168.- Paris.- janvier 1968. cAOM.- c n°
20389 – Voir la loi N° 21-67 du 13 décembre 1967 - JO Gabon.- 15
01 1968.- p. 251. Il s’agit du dernier alinéa de l’article 6 de la
constitution gabonaise de 1961 qui fut modifiée le 15 février 1967.

33 Paulin (Joachim) : « Hommage au président Léon Mba.- Interview


du président Albert Bernard Bongo accordée à Paulin Joachim
dans Europe-France Outre-mer du 2 décembre 1967.- p. 13. cAOM.-
cn° 20230.
124
L'enjeu

Et, après avoir installé son dauphin Albert


Bernard Bongo à la tête de l’Etat gabonais, Foccart
va, désormais, piloter à distance depuis l’Elysée,
toutes sortes de manœuvres politiques au sommet
de l’Etat Gabonais, au vu et au su de tous.
- Dans la légalité, on étouffe la voix du peuple
gabonais ; on organise tous les sept ans, de
simulacres élections, sans pour autant tenir compte
des vrais résultats des urnes. ;
- Dans la légalité, on empêche l’évolution
du régime gabonais vers la démocratie et le
développement économique ;
- Dans la légalité toujours, on permet aux intérêts
français de prospérer à l’ombre des regards indiscrets
et aux Gabonais de régler entre eux leurs conflits
« ethnocides » ou périr…
Et comme le dit si bien Pierre Péan dans Affaires
africaines, l’idéologie des Françafricains est simple :
« à ces grands enfants », il faut un leader « fort »,
capable de les contenir, en l’occurrence celui qu’ils ont
mis en place : Omar Bongo et ses héritiers, et à la
France de prospérer et de protéger, toujours et avant
tout, ses intérêts économiques sur place ».

Surtout, depuis le quadruplement des prix du


pétrole, le Gabon est devenu très riche. Pour ces
hommes d’affaires sans scrupules, la morale d’une
France, pays des droits de l’homme et des libertés, ne
doit pas s’appliquer ici. L’argent des affaires ne
devait circuler et prospérer qu’entre initiés en la
Françafrique, du Nord comme du Sud.

125
Gabon

La population gabonaise, elle, ne profitera jamais


vraiment de la manne jaillie de son sol ; un territoire
sur lequel elle vit désormais en simple locataire
depuis les accords secrets de Bongo et l’Etat
français.

Fort de cette idéologie, l’ancienne colonie


française née sur les bords de l’estuaire du como,
va ainsi devenir la base arrière pour la France dans
cette zone de l’Afrique Sub-saharienne où elle a
installé sa base militaire, tandis que Jacques Foccart,
lui, va devenir le maître du jeu des relations franco-
gabonaises.
Ainsi, qu’il s’agisse des opérations visant le
Biafra, le Bénin, l’Angola, les comores, le tchad
ou la république centrafricaine, le Gabon sera
toujours la base arrière politico-militaire, pendant
que le groupe Elf s’est infiltré à tous les étages
dans l’administration du pays. Les campagnes
électorales françaises, elles, seront financées grâce à
l’argent gabonais etc.

Au plus fort de la Françafrique (années 1970-


1990), il y a eu cette présence permanente,
d’enseignants et de conseillers techniques français,
dans l’administration gabonaise. car la France
dispose, à cet effet, de l’avantage que lui procure sa
langue, le français, qui est la langue officielle du
Gabon.
tout se passait comme s’il y avait un dédoublement
des fonctions dans la mesure où, pour chaque poste

126
L'enjeu

de haut niveau occupé par un Gabonais dans les


organismes publics gabonais, il existait toujours
un conseiller technique français, à l’exemple de
Bob Maloubier. certains Gabonais, s’estimant
suffisamment compétents, avaient cru bon de se
dispenser de ces conseillers techniques. Mais ces
responsables gabonais perdaient souvent leur poste
dans les délais très courts.
car, peut-on imaginer que ces conseillers
techniques français, choisis par leur pays selon
des critères bien définis puissent proposer aux
dirigeants gabonais des mesures qui ne
favorisent pas « la sauvegarde des intérêts de
la France au Gabon ? », se demande Maganga-
Moussavou34.

c’est dans ce contexte très françafricain, que


s’ouvre, au début des années 70, sur le plan
intérieur, la chasse aux opposants politiques. La liste
qui suit est loin d'être exhaustive.

La chasse aux opposants politiques sous les Bongo-


PDG

c'est Germain Mba, jeune et brillant diplomate


gabonais, qui sera la première victime officielle de
cette chasse aux opposants politiques.

34 MAGANGA-MOUSSAVOU (P. claver) : « L’aide publique de la


France au développement du Gabon depuis l’indépendance 1960-1978
».- Paris.- Publications de la Sorbonne.- 1982.- p.201.

127
Licence cant-11-5818067-8721779-5459840 accordée le 20 janvier
2021 à Stéphane Oyono
Gabon

Dès 1970, Germain Mba décide de se porter


candidat à l’élection présidentielle de 1972.
Derrière cette volonté de se présenter, un acte de
protestation contre le système d’un Parti unique
qui venait d’être instauré au Gabon par le nouveau
président Albert Bernard Bongo. car, qui dit Parti
unique, dit un seul candidat, Bongo, à chaque
élection présidentielle. Germain Mba refusait
qu’Albert Bernard Bongo soit considéré comme
« l’homme providentiel du Gabon » que le peuple
gabonais devait plébisciter tous les sept ans. Pour
lui, un autre Gabon était possible…
Bien informés de la détermination et de la
volonté de Germain Mba de troubler le jeu
politique gabonais, le pouvoir et les réseaux Foccart
vont entrer en action. La suite est racontée sous la
plume de Pierre Péan dans Affaires africaines.

Germain Mba : un cri dans la nuit…


Libreville, le 18 septembre 1971 : un diplomate
gabonais Germain Mba vient d’être abattu.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, M. Germain
Mba, ancien ambassadeur à Bonn nommé
récemment à tokyo, rentre du cinéma en voiture,
accompagné de sa femme et sa fille. Mme Mba et
l’enfant descendent de voiture et entrent dans la
maison. celle-ci se trouve dans une rue pas très bien
éclairée à 300 mètres du centre de la ville. Au
moment où Mme Mba ferme sa portière, un
homme surgit de l’ombre et tire deux coups de
pistolet sur lui. Monsieur Mba s’effondre en
poussant un cri…

128
L'enjeu

Au bruit, sa femme se précipite. Le tueur ouvre le


feu sur elle, la blessant assez gravement sous l’épaule.
La fillette, affolée, arrive en courant. trois coups de
revolver. touchée à la jambe, elle tombe en criant…
Un deuxième homme sort d’une 404 blanche
arrêtée à quelque distance. Aidé de l’homme au
pistolet, il traîne jusqu’à la 404 le corps de
Monsieur Mba.
Les deux hommes remontent dans la voiture qui
disparaît dans la nuit…
ces précisions ressortent du témoignage de
Mme Mba elle-même.
La 404, une voiture de location, a été
retrouvée le lendemain matin, non loin du lieu de
l’attentat…
Mais pour la plupart des observateurs de
l’époque, cela ne faisait aucun doute…
Dans les quartiers populaires de Libreville, on
murmure que Bongo aurait fait exécuter, par Blancs
interposés, l’opposant gabonais le plus connu
à l’extérieur du Gabon, Germain Mba, parent
éloigné de Léon Mba, son prédécesseur…

N’Douna-Depenaud, tué pour avoir aimé…


N’Douna-Depenaud, lui aussi, avait été assassiné
un soir de 1977 vers minuit, au quartier d’Akebé
pour avoir commis le crime d’avoir été marié jadis
avec Marie-Joséphine Bongo, femme du président
Bongo.
trois tueurs de la garde présidentielle sont
arrivés, là aussi, en 504 noire, et ont assassiné de
sang-froid N’Douna-Dépenaud dans sa « case ». Lui

129
Gabon

que tout le monde appelait le « poète ». Son meurtre


paraissait en effet signé…

Joseph Issani Rendjambe : la mort était au


bout de la seringue
Premier secrétaire général du Parti gabonais
du progrès (PGP), Joseph rENDJAMBE, était
considéré à l’époque comme le seul opposant
crédible au régime Bongo-PDG. très en vue
pendant la conférence Nationale dont il détourna
l’enjeu en exigeant et obtenant immédiatement le
multipartisme. Fin stratège, rendjambe a été
arraché au peuple gabonais le 23 mai 1990 par le
régime à la suite d’une injection pour avoir
demandé à Ali Bongo de ne pas se mêler des affaires
du Gabon…

Doukakas Nziengui ou la mort au fond d’une


cellule…
co-fondateur de l’Union du peuple gabonais
(UPG), cadre de la société d’énergie et d’eau
du Gabon (SEEG), Doukakas est arrêté le 25
septembre 1989 pour tentative de coup d’État.
Sans mandat de perquisition, son domicile est
mis à sac. Plusieurs effets personnels vont être
emportés et ne seront jamais restitués à sa famille.
Le 16 octobre 1990, il meurt à la prison centrale de
Libreville.
ce n’est que plus tard que son décès sera révélé à
sa famille…

130
Licence cant-11-5818067-8721779-5459840 accordée le 20 janvier
2021 à Stéphane Oyono
L'enjeu

Martine Oulabou ou l’agneau immolé (e)


Elle n'avait que 33 ans, l’âge du christ. Elle était
maîtresse de l’école primaire et tenait une classe
de cE1 à l’école publique de Mont-Bouet/La
Sorbonne.
Enseignante et militante pour une école moderne,
elle trouvera la mort sous les balles de fusil le 23
mars 1992, lors d’une simple manifestation de
contestation. Les coupables, des policiers affectés au
maintien de l’ordre, n’ont jamais été arrêtés.

Pierre Mamboundou ou la mort au bout du


canon…
Adversaire historique d’Omar Bongo, il incarnait,
lui aussi, jusqu’en 2009, une opposition pure
et dure. Et bien qu’arrivé 2ème à l’élection
présidentielle de 2009, derrière André Mba OBAME.
Il était guetté, épié par le régime…
Dans une vidéo datant du 16 octobre 2011,
le journaliste Jonas Moulenda accuse le coordinateur-
Général yves Fernand MANFOUMBI du Plan
Stratégique Gabon Emergent (PSGE) du régime d’être
mêlé à l’assassinat de Pierre MAMBOUNDOU à sa
résidence le 15 octobre 2011 à Libreville.
Le journaliste déplore les conditions de la
disparition d’un opposant hors du commun qui a été
trahi par les siens et exécuté par 7 militaires
gabonais…

Amadou Yogno : pourquoi ?


transporteur d’origine camerounaise, il a été
froidement assassiné, le 21 janvier 2013, aux

131
Gabon

environs de Ndjolé, dans la province du Moyen-


Ogooué. cette affaire fut le déclencheur d’une des
plus grandes vagues d’indignation contre les crimes
dits rituels…

Pierre Claver Nzeng : un danger potentiel


pour le régime
Pierre claver Zeng est mort, quant à lui, à
l’Hôpital Saint-Louis à Paris le 20 mai 2010, après
avoir été hospitalisé à Libreville, à l’hôpital
d’instruction des armées, où les rumeurs parlaient
là encore, de poison inoculé..
Artiste gabonais de tradition Fang, Pierre claver
Zeng a beaucoup influencé la vie culturelle de son
pays.
Pour éviter qu’il ne devienne un danger pour son
régime, Omar Bongo doit l’intégrer dans ses
différents gouvernements en tant que ministre de
la culture.
Après la mort d’Omar Bongo en juin 2009,
il passe dans l’opposition et devient vice-président
de l’Union nationale, où il soutient la
candidature indépendante de casimir Oyé
Mba lors de l’élection présidentielle de 2009. ce
positionnement contre le candidat du PDG, Ali
Bongo, fait de lui une cible pour le régime…

André Mba Obame (AMO) ou l’histoire du


polonium à la gabonaise
ce dimanche 12 avril 2015, dans une résidence
quelque part au pied du mont Fébé, à yaoundé

132
L'enjeu

au cameroun, André Mba Obame (AMO),


l’opposant gabonais, vient de rendre l’âme. c’était
au petit matin, au terme d’une longue agonie de six
ans…
La nouvelle vient de tomber comme un coup de
tonnerre dans l’actualité nationale et internationale.
c’est un choc chez ses partisans qui espéraient
encore son retour en politique, ou tout au moins,
son retour tout court…
Opposant historique d’Ali Bongo depuis les
élections présidentielles de 2009, c’est lui qui avait
remporté les élections présidentielles au Gabon
cette année-là dans les urnes contre ce dernier.

AMO s’est battu jusqu’au bout, s’accrochant à


la moindre lueur d’espoir. Quand son corps a
commencé à échapper à son contrôle, sa volonté de
survivre n’a guère fléchi, le transportant d’un lieu
de soins, d’une métropole à l’autre.
Après Libreville, Paris, Johannesburg, tunis et
Niamey ont été les principales étapes d’un long
chemin de croix qui a pris fin au cameroun, en
pleine saison des pluies35.
Aucune surprise n’était plus à déceler chez les
interlocuteurs apprenant la nouvelle, juste de la
tristesse face à une fin devenue inéluctable. certains
faisaient allusion à « ceux qui avaient eu sa peau..».
AMO avait affirmé à l'auteure avoir été l’objet
d’une « attaque mystique violente à travers un
micro » pendant la campagne électorale de 2009,
35 Marie-roger Biloa, article du Monde du 28 04 2015.

133
Gabon

de la part d’Ali Bongo et son vice-président


Maixent Accrombessi…
A l’approche de sa mort, le bel AMO n’était plus
devenu que l’ombre de lui-même, ne se déplaçant
plus qu’en fauteuil roulant… rares sont les
Africains dans les chancelleries comme dans la rue,
à croire à une maladie spontanée qui aurait
emporté AMO à 57 ans. Son mal était si obscur
qu’aucun médecin n’a pu l’identifier et si enraciné
qu’aucun traitement n’est parvenu à l’endiguer.
Depuis la mort d’AMO, on parle ouvertement
du polonium à la gabonaise dont les premiers
visés sont des opposants politiques, les membres
de la cDG, de la société civile, bref tous ceux
qui sont opposés au régime des Bongo-PDG.

Sur cette liste, on peut rajouter aussi le nom


d’Amoughé Mba Pierre, récemment disparu à
Paris le 22 juin 2016, deux mois juste avant les
élections présidentielles du 27 août 2016. Pierre
Amoughe fut un très proche de Jean Ping,
l’opposant, jusqu’au bout…

Etc.

Ainsi, s’écrit l’histoire du Gabon depuis la


colonisation jusqu’à nos jours, toujours avec le
sang du peuple gabonais : Germain Mba,
N’Douna-Depenaud, Joseph Issani rendjambe,
Doukakas Nziengui, Martine Oulabou, Pierre
Mamboundou, Amadou yogno, Pierre-claver

134
L'enjeu

Zeng, André Mba Obame, Pierre Amoughe


Mba et bien d’autres sont les combattants de la
liberté…

Ainsi, dans la forêt gabonaise, les Réseaux


d’affaires Françafricains Blancs (Français)
et Noirs (Gabonais), du Nord au Sud,
entourés de richesses pétrolières, minières
et forestières, associés par tout un réseau
de relations étranges et ambiguës, parfois
personnelles, émaillées de rites secrets
(Iboga 36 /Vodou/Franc-maçonnerie et même
homosexualité), construisent ensemble, depuis
l’indépendance juridique du pays, « les malheurs
du Gabon » !

Jusqu’à ce jour, aucun président français (à droite


comme à gauche) n’a jamais osé rompre avec
l’esprit Françafricain au Gabon, comme dans
l’ensemble des anciennes colonies d’Afrique
francophone. Et, malgré l’effet de la mondialisation
et de la médiatisation, cette création de Foccart n’a
pas encore dit son dernier mot…
On constate toujours les mêmes abus, les
mêmes scandales étouffés, les mêmes trafics
36 Iboga : petite plante hallucinogène aux effets magiques ou
mystiques. Il ouvre la conscience, nettoie l’esprit et le corps, donne des
visions. Au Gabon, il reste dans le secret des initiés. L’initiation se fait
par l’absorption à haute dose de l’écorce ou de la racine de l’Iboga. Le
but du Bwiti est le culte des ancêtres. Ses adeptes estiment avoir la
connaissance. Le Bwiti, société secrète des tribus de la Ngounié, a été
introduit sur la côte dans le Moyen-Ogooué.

37 Verschave (François-Xavier) : La Françafrique, le plus long scandale


de la République.- Paris. Stock.- 1998.- 380 p.

135
Gabon

d’influence, de l’affairisme « barbouzards », le même


trucage des urnes au profit du clan Bongo comme
chez d’autres dictateurs de l’Afrique Sub-saharienne
acquis à la cause de la France.
Et, comme le définira plus tard François-Xavier
Verschave : la Françafrique c’est « un système
confusionnel, confus, et fusionnel »37.

Ainsi, dès qu’il s’agit du Gabon, la France prend


bien garde de ne pas s’immiscer ouvertement dans
des conflits qui opposent le peuple au pouvoir des
Bongo, même s’il s’agit de violations flagrantes des
droits de l’homme et du citoyen les plus
élémentaires, comme ce fut le cas ce 31 août 2016
au QG de Jean Ping. La France se range toujours
implicitement du côté des dictateurs gabonais.
Et Ali Bongo, enfant de la guerre du Biafra,
nourri au sein de la Françafrique, sait qu’il n’a rien
à craindre du côté de la France.
En 2009, il avait déjà pris les armes à la place des
urnes pour s'accaparer le fauteuil présidentiel.
En 2016, sans scrupule ni état d’âme, le régime
a utilisé directement les armes de guerre pour faire
un carnage dans le QG de son adversaire Jean Ping,
en pleine expression démocratique, dans le but de
conserver par la force la gestion de l’Etat gabonais.

Bref, tel un fil rouge, une ombre dont on ne peut


se soustraire, l’ombre des réseaux Foccart ou
l’empreinte Françafricaine continue de brouiller les
relations franco-gabonaises comme une relation

136
L'enjeu

« incestueuse » qu’on n’ose pas avouer et assumer


officiellement…

« Rester à l’ombre pour ne pas attraper de coup de


soleil… » lançait encore Nicolas Sarkozy, le 27
septembre 2007, aux disciples de J. Foccart venus
assister à la remise de la légion d’honneur à robert
Bourgi, l’autre digne héritier de l’homme de l’ombre
du Général de Gaulle, dans les salons de l’Elysée.
car, pour ces réseaux occultes, le pouvoir doit
toujours conserver une part d’ombre… car « les
oiseaux se cachent pour mourir... »
cHAPItrE 4
UN SILENcE cOMPLIcE,
UN SILENcE cOUPABLE…

Ainsi, dès qu’il s’agit du Gabon, tout devient


tabou, secret, opaque, ambigu, malgré les discours
officiels. car l’opinion publique ne doit pas
découvrir la face cachée des relations franco-
gabonaises. En effet, le Gabon est officiellement un
pays indépendant. c'est l'alibi !
Qui ne dit mot consent : ainsi, Paris et la
communauté internationale se sont bien gardés de
dénoncer le coup d’État militaro-électoral de 2009,
fomenté par le fils adoptif d’Omar Bongo et ses
sbires contre André Mba Obame ; avec son lot de
massacres dans les villes de Libreville et Port-Gentil.
Ainsi, ce que Paris condamne en côte-d’Ivoire,
en allant éjecter Laurent Gbagbo de son fauteuil de
président de la république de côte-d’Ivoire pour
installer Alassane Ouattara, il l’accepte au Gabon !

139
Gabon

Pire, au deuxième coup d’Etat criminel du 31


août 2016 au QG de Jean Ping, la patrie des droits
de l’homme apparaît encore bien embarrassée
pour condamner ouvertement (officiellement) les
nombreux massacres ordonnés par le régime
gabonais sur une population non armée !
Pourtant, la France possède bien une base
militaire sur place, non loin du QG de Jean Ping
où s’est produit l’assaut criminel.
L’un des opposants au régime, Bertrand Zibi,
présent au QG de Jean Ping au moment de
l’assaut raconte qu’il était justement en
communication par téléphone avec l’ambassadeur
de France au Gabon. Il dit avoir demandé de
l’aide à la France pendant les bombardements...
En vain ! On reste sans nouvelles de cet opposant
jusqu’à ce jour.
Le délit de « non-assistance à personne en
danger » n’est valable que pour les Français de
France, mais pas au Gabon ! car, il y avait bien
des Français et des Franco-gabonais ce soir-là au
QG de Jean Ping.

Journaliste-reporter et française, Sylvie de


Boisfleury est une rescapée.
Partie au Gabon pour couvrir les élections du
27 août 2016, Sylvie était présente au QG de Jean
Ping au moment de l’assaut criminel. Elle a
raconté à l’auteure, mais aussi à l’ensemble de la
diaspora gabonaise de Paris, avoir échappé de
justesse à la mort cette nuit-là. car, raconte-t-elle,

140
L'enjeu

les balles éclataient de partout. « J’ai été poursuivie


dans tout Libreville par des mercenaires en cagoulés
qui voulaient me tuer et récupérer mon matériel,
notamment des images de l’assaut… »
terrorisée, Sylvie n’a pas eu d’autres choix que
d’aller se réfugier au consulat de France et d’être
exfiltrée par la suite vers la France38…
Encore très choquée aujourd’hui, comme la
majorité des Gabonais, Sylvie s’étonne toujours
du grand silence des médias français sur ces
événements tragiques survenus au Gabon le 31
août 2016 !
L’armée française sur place n’a reçu pour seules
consignes que de protéger leurs intérêts économiques,
et de recommander aux Français sur place, de rester
prudents.

Il est bien sûr plus commode pour la France, dans


ce genre de situation, d’utiliser l’alibi géopolitique
de non-ingérence aux conflits d’origine ethniques.
Pourtant c’est bien ce qu’elle avait fait lors du putsch
de 1964, en intervenant pour protéger le pouvoir
gabonais contre le peuple…

Le lendemain de l’attaque, la France,


timidement, par la voix de son ministre des Affaires
étrangères, Jean Marc Ayrault, se contente de dire :
« Nous demandons, à chaque camp, de la retenue… » .
Pourtant, la France n’ignore pas que la
population gabonaise qui se faisait tirer dessus pour
38 Entretien avec Sylvie de Boisfleury, le 24 octobre 2016 à 16 à Paris.

141
Gabon

la simple raison qu’elle avait voté Jean Ping, n’était


pas armée.
Elle sait bien que c’est le pouvoir (d’Ali Bongo),
qui est armé jusqu’aux dents et qui terrorise la
population depuis 2009.

On connaissait la dangerosité du régime


d’Ali Bongo et ses méthodes de terreur. On
savait, depuis des mois, grâce aux alertes de
l’opposition gabonaise et de certains médias locaux
et internationaux, que ce dernier préparait un
génocide au Gabon avec ses commandes d’armes
de guerre en Ukraine et l’appel aux mercenaires de
la sous-région d’Afrique (tchad, rwanda, Bénin,
togo etc..). On savait que ces derniers étaient
disséminés à travers le pays, dans l’attente du
scrutin du 27 août 2016 !39
robert Bourgi, qui fait partie des personnes qui
ont installé Ali Bongo à la tête de l’Etat gabonais
en 2009, et qui aujourd’hui a pris ses distances
avec le dictateur, raconte devant l’ensemble des
sénateurs français stupéfaits, qu’il avait, à plusieurs
reprises, alerté la classe politique française,
notamment Nicolas Sarkozy, de ce qui se préparait
au Gabon : « J’ai inondé Nicolas Sarkozy de SMS,
bien avant les élections pour le prévenir du génocide

39 Dès le mois de mars, les journaux d’opposition et Jean Ping,


alertaient sur les grosses commandent d’armes passées par Ali Bongo
en Ukraine. Voir en annexe.

40 témoignage du r. Bourgi (robert), au Sénat, le 4 novembre 2016,


en présence des sénateurs de droite, de gauche et du centre.., et de Son
Excellence Jean Ping lui-même.

142
L'enjeu

qui se préparait au Gabon.., il ne m’a jamais


répondu… »40
Pourtant, c’est la droite sarkozyste qui avait
cautionné le coup d’État d’Ali Bongo en 2009. Il
est pourtant de leur responsabilité d’aller dégager
le dictateur qu’ils ont installé à la tête de l’État
gabonais.
La diaspora gabonaise de France, lors des
manifestations à Paris, disait vouloir entendre
Nicolas Sarkozy, Fillon, Joyandet etc., dénoncer les
massacres perpétrés par leur protégé, Ali Bongo, sur
les populations gabonaises. En vain !

Mais, comme toujours, parce qu’il s’agit du


Gabon et de la famille Bongo, la France adopte une
attitude floue, en clair-obscur, qui ne permet pas
de savoir quelles sont ses véritables intentions… En
réalité, elle se trouve devant un dilemme : écartelée
entre son soutien sans faille aux dictateurs Bongo
(le père comme le fils), gardiens de leur patrimoine
gabonais et sa vitrine humaniste, notamment la
démocratie, que le peuple gabonais réclame
pacifiquement, dans la légalité des urnes.

Quant au président François Hollande qui avait


pourtant promis de faire la chasse aux dictateurs, lors
de son discours du Bourget en 2012, il est « aux
abonnés absents » depuis la crise post-électorale du
27 août 2016 au Gabon !

143
Gabon

On l’entend parfois, en écho, crier: «ça suffit…»


à la tribune de l’ONU, pour dénoncer les nombreux
massacres qui se poursuivent en Syrie.
D’un avion à l’autre, on apprend que le président
est allé vendre des rafales en Inde.
Mais pas une parole forte pour condamner les
massacres perpétrés par le fils d’Omar Bongo sur les
populations gabonaises non armées et le coup d’État
permanent à la démocratie dont ce dernier est devenu
le spécialiste pour se maintenir au pouvoir.
Pire, la France qui quelques jours auparavant, par
la voix de son ambassadeur, avait refusé de venir au
secours des victimes au moment de l'assaut lancé au
QG de Jean Ping par Ali Bongo, prétextant
la non-ingérence dans les conflits intérieurs
au Gabon. Quelques semaines après, ce même
ambassadeur assiste à l'investiture d'Ali Bongo,
validant ainsi officiellement l'imposture manifeste de
ce dernier – et cela, au mépris de l'expression
démocratique des populations gabonaises et de leurs
morts.
Le président français n’est-il pas au courant
du terrorisme d’Etat qui sévit au Gabon
depuis le 31 août 2016, avec son lot de massacres des
populations, de répressions aveugles, d’enlèvements,
de séquestrations arbitraires, de tortures des citoyens
dont le seul crime est d’avoir voté Jean Ping à
l’élection présidentielle du 27 août 2016?

Depuis les massacres, le chef de la diplomatie


française Jean-Marc Ayrault s’abrite toujours derrière

144
L'enjeu

la décision de la cour constitutionnelle gabonaise


qu’il sait pourtant partisan d’Ali Bongo.

Quant à Manuel Valls, Premier ministre jusqu’en


décembre 2016, il avait proposé à Jean Ping dont le
QG avait été bombardé et à la population gabonaise
endeuillée depuis le 31 août 2016, d’accepter le
dialogue proposé par le bourreau de leurs morts!
c’est comme si on demandait au gouvernement
français d’aller dialoguer avec le groupe terroriste
Deach, après les massacres de Charlie Hebdo et du
Bataclan!

En validant par sa présence cette deuxième


imposture d'Ali Bongo au Gabon, en fermant les
yeux sur le massacre de nombreux Gabonais,
la Gauche de François Hollande, tout comme
la Droite sarkozyste en 2009, ont prouvé qu'elles
agissaient toujours dans la continuité de l'esprit
françafricain cher à Jacques Foccart. Des méthodes
que le peuple gabonais dénonce depuis des années.
Apogée du cynisme, la Diaspora gabonaise
toujours en résistance depuis le 31 août apprend avec
stupéfaction que des militaires français faisaient partie
des escadrons de la mort ; autrement dit ceux qui ont
assassiné froidement des Gabonais non armés dans la
nuit du 31 août 2016 au QG de JeanPing41.

41 Le 23 décembre 2016, l’auteure a reçu une alerte sur mon


téléphone : la diaspora gabonaise, dans sa lutte pour sa libération
démocratique, aurait débusqué un certain Stéphane cHIrON, ancien
légionnaire, originaire d’Aix-en-Provence, aujourd’hui instructeur à la
garde présidentielle gabonaise (GP). Il aurait été, avec le colonel
Grosjean, l’un des chefs des Opérations des escadrons de la mort le 31
août 2016 au Gabon.
145
Gabon

Depuis 2009, Ali Bongo Ondimba occupe


illégalement, par la force militaire, un fauteuil
présidentiel qui ne lui est pas destiné, sans que
Paris s’en émeuve.
Qui ne dit mot consent :
Paris et la communauté internationale
observent un silence étonnant à propos de la
violation de l’article 10 de la constitution
gabonaise. car Ali Bongo n’aurait jamais du
briguer la magistrature suprême, si l’on se réfère à
la définition du terme Etat de droit dans le
dictionnaire français.

Qui ne dit mot consent :


Paris observe un grand silence sur le faux extrait
de naissance dont Ali Bongo s’est servi pour valider
sa candidature.
Pire, la république française lui a même fait
établir un autre certificat de naissance à Nantes,
différent des autres faux actes déjà présents dans son
dossier de candidature à l’élection présidentielle de
2009. ce qui lui a permis de renouveler son
imposture à l’élection du 27 août 2016.
Lui-même reconnaît pourtant dans un entretien
avec Alain Foka sur rFI du 11 janvier 2015, avoir
fourni un faux extrait de naissance dans son dossier
de candidature aux élections présidentielles de
2009…
Un tel aveu suffirait à destituer toute autorité
illégale de l’Exécutif dans un État digne de
droit ! Mais Ali Bongo, vice-consul français au

146
L'enjeu

Gabon, n’est pas Laurent Gbagbo, encore moins


Mouammar al-Kadhafi…

Au sommet de la Francophonie à Madagascar,


fin novembre, les Gabonais ont même découvert,
stupéfaits sur leur écran de télévision, le président
français, François Hollande aux côtés du dictateur
gabonais !

Qui ne dit mot consent :


Paris et la communauté internationale observent
un silence étonnant sur la corruption généralisée au
sommet de l’État gabonais ; des pratiques souvent
liées au cercle des initiés en la Françafrique. Il suffit de
lire la République des mallettes et les Nouvelles affaires
africaines de Pierre Péan pour mesurer l’ampleur du
phénomène.
Hors circuits officiels, maintes pratiques illégales
sont ainsi tolérées, ou validées comme le fameux
New York Forum of Africa (NyFA) de richard
Attias et son épouse cécilia ciganer Albniz (ex-
femme de Nicolas Sarkozy).
On instrumentalise le cynisme et l’hypocrisie, on
encourage la corruption, voire la délinquance
financière !
En attendant, le peuple gabonais, lui, ronge son
frein.
Pour eux, gagner la guerre économique vaut bien
raison d’État, donc recul de l’État de droit.

Qui ne dit mot consent :

147
Gabon

Alors que tout le monde en occident s’alarme du


braconnage d’éléphants et d’autres espèces animales
en danger en Afrique du Sud et ailleurs, au Gabon,
les crimes rituels se heurtent à l’indifférence de la
Patrie des droits de l’homme et de la communauté
internationale.
Il en va de même pour ce qui concerne
l’élimination en douceur des opposants politiques
gabonais, ainsi que d’autres violences perpétrées
sur une population gabonaise pacifique.

Pire, alors que la famille Bongo, en


particulier Ali Bongo, avec son régime connu
comme dictatorial et criminel, arrive à trouver
des avocats français pour le défendre et justifier
ses crimes et violences, les crimes rituels
gabonais (dont les victimes sont toujours les
enfants), eux, ne trouvent pas preneur chez les
défenseurs de la vie et de la dignité humaine en
France !
Souvent attribués aux hommes de pouvoir
(gabonais), ces crimes ne sont jamais élucidés par
les autorités locales ; et leurs commanditaires,
même s’ils sont connus, ne sont jamais poursuivis
sous les Bongo !
Ainsi, depuis des décennies, on assiste au
Gabon à des assassinats à ciel ouvert d’opposants
politiques ; assassinats qui vraisemblablement,
impliquent le régime Bongo-PDG, sans
compter des arrestations arbitraires, ceux qui
croupissent dans des prisons du pays, sans espoir

148
L'enjeu

d’un jugement équitable.., dans un silence


assourdissant de la France et de la presse
internationale !
Les populations gabonaises touchées par ces
drames auraient aimé que la France, Patrie des droits
de l’homme, qui combat Daech, participe à la guerre
en Syrie, dénonce aussi avec fermeté ces actes
barbares d’un autre temps au Gabon.

Ainsi, sous prétexte de protéger ses intérêts


économiques dans le pays, la Patrie des droits de
l’homme, est devenue le premier complice, voire
le protecteur du régime dictatorial et sanguinaire
des Bongo père et fils.
La stabilité incarnée à leurs yeux par cette
famille, pour contenir le peuple gabonais, vaut
bien des messes noires…
Les derniers propos de Manuel Valls pour
justifier la présence d’Ali Bongo à la tête de l’Etat
gabonais, ressemblent plus à un feu orange à la
Bob Denard, accordé au dictateur gabonais : « La
présence d’Ali Bongo à la tête de l’Etat gabonais est
plus un état de fait qu’un état de droit », autrement
dit, que la France en prend acte !
Pourtant, c’est bien cette même France, qui
distille des leçons de démocratie, de l’Etat de
droit, de liberté et de dignité humaine à travers le
monde !

Qui ne dit mot consent :


Paris et la communauté internationale

149
Gabon

observent un grand silence sur les Bien mal


acquis (BMA) de la famille Bongo.

Pour brouiller les cartes aux yeux de l’opinion,


les autorités françaises vont d’abord s’en prendre
aux Biens mal acquis du président Obiang
Nguema Mbazogho de la Guinée Equatoriale.
Pourtant ce dernier ne gère guère une ancienne
colonie française, mais espagnole.
Dans le même temps en France, les autorités
envoient des Brigades anti-émeutes dès que
quelques Gabonais manifestent devant des
bâtiments repérés sur leur territoire comme faisant
partie des Biens mal acquis de la famille Bongo (et
ses proches). c’est comme s’il y avait deux poids
deux mesures dans la chasse aux Biens mal acquis
des dictateurs africains !

Voici la liste non exhaustive des Biens Mal


Acquis (BMA) du régime gabonais des Bongo père
et fils.
cette liste a été révélée en 2007 par le comité
catholique contre la faim et pour le développement
(ccFD)42, intitulé « la Fortune des dictateurs et les
complaisances occidentales » :

42 ccFD comité catholique contre la faim et pour le développement


(ou ccFD-terre solidaire) : est la première association française contre
la faim et pour le développement, créée en 1961, pour sensibiliser
l’opinion publique et interpeller les responsables économiques et
politiques à la situation des pays pauvres par l’éducation au
développement.

150
L'enjeu

Alors que le Gabon exportait encore à cette


époque, plus de 13 millions de tonnes de pétrole
brut par an, Joseph Hanlon, économiste
britannique, spécialiste du développement, estime
la dette publique contractée par Omar Bongo,
toujours au pouvoir, 4 milliards de dollars,
confondant ainsi le budget de l’État gabonais et ses
revenus personnels.
Philippe Madelin, de son côté, dans L’Or des
dictateurs, listait à la même époque les biens du clan
Bongo comme suit :
- deux villas aux USA ;
- une propriété à Nice ;
- un appartement parisien avenue Foch où il
recevait régulièrement les hommes politiques. Mais
il y aurait plusieurs autres propriétés à Paris
appartenant à la famille Bongo,
- des participations dans plus de cinquante
sociétés gabonaises ou étrangères,
- un prêt de 16 millions de Fcfa de Fond d’aide
française et de coopération permet à Omar Bongo
se déplacer à bord d’un Dc8 rénové.
- des bénéfices provenant de la rente pétrolière et
des différentes commissions qu’Omar Bongo
percevait du groupe Elf pour accroître sa fortune
personnelle qui est déjà immense.

Ainsi, il possédait en copropriété avec Elf


et Denis Sassou-Nguesso, la Banque française
intercontinentale (FI BA), domiciliée à Libreville.
cette Banque recevait à l’époque toutes les

151
Gabon

commissions versées par la compagnie pétrolière


pour l’obtention de contrats.
En 1999, en pleine affaire Elf, le Sénat américain
a publié un rapport d’enquête. On peut y lire les
informations suivantes : Omar Bongo est devenu
client de la citibank en 1970.

En près de trente ans, le président du Gabon et


sa famille ont tissé des relations étroites avec le
déplacement de gestion privée de la citibank à
New york. Ils ont détenu de multiples comptes
auprès de ses différents bureaux, à Bahreïn, au
Gabon, à Jersey, à Londres, au Luxembourg, à
Paris, à New york, en Suisse, que ce soient des
comptes courants, des Fonds de placement, des
dépôts à terme ou des comptes d’investissement.
La plupart de ses comptes, gérés à New york,
ont été ouverts au nom d’un certain tendin
Investissements Ltd, une société écran située aux
Bahamas, cédée au président Bongo en 1985.
Quant aux comptes gérés à Paris, ils ont été
établis au nom d’une deuxième société écran,
Léontine Ltd.
À New york aussi, existe un autre compte
bancaire intitulé « OS » dont le titulaire n’est autre
qu’Omar Bongo en personne. Le président et ses
proches détiennent d’autres comptes à la citibank
en Suisse.
Les sénateurs américains n’ont aucun doute
sur la provenance des Fonds : les Fonds
gouvernementaux du Gabon sont la source

152
L'enjeu

première des avoirs se trouvant sur les comptes


d’Omar Bongo.
Au total, le montant des avoirs du président
gabonais tels qu’ils ont été placés sur ses différents
comptes bancaires à la citibank de New york entre
1985-1997, serait d’environ 130 millions de dollars.

En 1997, en pleine affaire Elf, un magistrat, Paul


Perraudin, saisit les comptes d’Alfred Sirven
et d’André tarallo. Il découvre un compte bancaire
à la canadian Impérial Bank of commerce
(cIBc) de Genève, au nom de la société Kourtas
Investissement, installée aux Bahamas, compte
ouvert par le conseiller du président gabonais,
Samuel Dossou dont Omar Bongo serait aussi le
bénéficiaire.
En enquêtant sur la société Kourtas, le juge
Perraudin découvre, par ailleurs, que Bongo
posséderait la société panaméenne Devenport, par
le biais de son conseiller spécial, Samuel Dossou.
ces deux sociétés ont été impliquées dans l’affaire
Elf.
Alimentés par les revenus du pétrole gabonais, les
comptes étaient au cœur d’un montage financier.
Après leur transfert sur des comptes d’Alfred
Sirven, notamment le compte « Mineral », ces
Fonds auraient permis de verser de l’argent à
des personnalités politiques, mais aussi à des
fonctionnaires et des hommes d’affaires français et
étrangers.

153
Licence cant-11-5818067-8721779-5459840 accordée le 20 janvier
2021 à Stéphane Oyono
Gabon

Le compte personnel du président Bongo à


la FIBA, était essentiellement crédité par des
transferts bancaires en provenance de Libreville, de
Genève (cIBc), du Lichtenstein ou des États-Unis
(en liaison avec M. rogers, dirigeant de la citibank
à Paris).

Monsieur Houdray, alors directeur général de la


FIBA, évaluait à l’époque, à un montant global de
30 à 40 millions de francs (suisses) par an,
l’alimentation du compte du président Bongo. ce
compte était essentiellement débité de retraits en
espèces, effectués sur instructions téléphoniques du
président Bongo et remis à des personnes, le plus
souvent africaines, qui se présentaient à la banque.

En dehors des biens listés ici, Omar Bongo et sa


famille détiendraient d’autres biens dispersés un peu
partout dans le monde.

Quant à son fils adoptif Ali Bongo, outre les biens


provenant de l’héritage paternel, il a acheté :
- un hôtel particulier à Paris à 65 milliards de Fcfa,
- un hôtel particulier à Londres My Fair à 21
milliards de Fcfa,
- la villa du Sénateur américain ted Kennedy à
Washington pour 3.5 milliards de Fcfa etc.
- l’imense parc automobile de voitures de luxe.
On sait aussi qu’une bonne partie de ses biens a
été acheminée en liquide vers le Bénin, à l’Île
Maurice, et d’autres paradis fiscaux,

154
L'enjeu

Dans cette entreprise de pillage des richesses


du pays, le Président bis du Gabon, Maixent
Accrombessi, n’est pas en reste.
En effet, malgré les paravents mis partout
par ce Franco-béninois pour rendre opaque
l’estimation de sa fortune, on sait aujourd’hui qu’il
avait acheté à sa femme (avec l’argent du Gabon)
une somptueuse résidence en Virginie pour 70
millions de dollars, qu’il l’a revendue pour un très
luxueux appartement à Georgetown. D’après les
informations glanées par P. Péan, il s’y rend tous les
mois à bord d’un Global Express appartenant à un
certain Vincent Miclet etc.
A Paris, il possède également :
- des appartements rue Marbeau, boulevard
Lannes, rue Lalo ;
- une maison en Bretagne ;
- des parkings ;
- des comptes à Singapour, au crédit lyonnais,
HSBc de Hong Kong ;
- des sociétés au Bénin et à Monaco ;
Il faut ajouter à ces listes, le transport continue
des caisses de billets de banque encore et toujours
vers le Bénin d’après les investigations de Pierre
Péan, etc.

L’écran de fumée

Incohérence ou hypocrisie de la Justice


française ?

155
Gabon

En effet, l’ONG française, Transparency


internationale, a déjà procédé à la saisie des
Biens mal acquis de certains dictateurs africains
comme ceux du président Obiang Nguema
Mbazogho, de la Guinée Equatoriale (voitures de
luxe, appartements et mobiliers de luxe, objets d’art
de grandes valeurs, etc.).
Deux ans après ce buzz médiatique, elle ne
nous dit pas à qui ces Biens saisis ont été
restitués ? Est-ce aux populations spoliées ?
- Si oui, en présence de quelle représentation
légitime de ce pays ?
- Si c’est pour les remettre directement à l’État
du pays d’origine spolié (l’État Equato-Guinéen par
exemple), quel aurait été l’intérêt de les saisir,
puisque ces richesses détournées vont retomber aux
mains des mêmes dictateurs toujours au pouvoir ?
car on le sait bien, les mêmes causes produisent
toujours les mêmes effets !
D’un autre côté, si ces Biens restent confisqués
(saisis) sur le territoire français par décision du Juge,
ils restent toujours une expropriation des richesses
nationales du pays en question au profit d’intérêts
étrangers. car, ces populations ne pourront jamais
profiter de ces Biens mal acquis, tirés de leur sol, ni
sur leur territoire ni à l’étranger.
Dans tous les cas, ce sont les populations locales
des pays spoliés qui se retrouvent déshéritées,
démunies, miséreuses… Et, ce ne sont pas les
quelques aides venant des ONG des pays
occidentaux, versées à ces populations déshéritées
qui changeront leur sort…

156
L'enjeu

Et, comme le souligne si bien tibor Mende


dans son livre De l’aide à la recolonisation :
« L’aide des pays riches aux pays autrefois colonisés
n’est qu’un faux-semblant : ce qu’on voudrait nous
faire prendre pour de la générosité désintéressée n’est
qu’un bon placement, une forme de recolonisation
qui n’ose pas avouer son nom »43

Autre incohérence, Transparency internationale,


a commencé par saisir les Biens mal acquis du
dictateur équato-guinéen, Monsieur Obiang
Nguema Mbazogho, président d’une ancienne
colonie espagnole, dans le but de lui faire des
leçons de bonne gestion des deniers de son pays.
ce qui est déjà une justice.
Dans le même temps, elle traîne des pieds et
garde le flou quant au devenir des Biens repérés
mal acquis des dictateurs gabonais (le clan
Bongo), une ancienne colonie française ?
Pourtant la logique voudrait que la justice
française commence par saisir les BMA des
dictateurs gabonais plutôt que ceux de la Guinée
Equatoriale. car les relations Franco-gabonaises
étant ce qu'on sait, la France en connaît les
origines, la liste, les adresses et les faits.
Le fait de maintenir dans le flou la
populations gabonaise du devenir de ces BMA
par les Bongo, tout en faisant le buzz sur les
saisies du président équato-guinéen et ses fils, ne
peut être qu’une diversion, un écran de fumée.

43 Mende (t) dans son livre « De l’aide à la recolonisation. Les leçons


d’un échec ».- Paris.- Seuil, 1972

157
Gabon

A moins que ce soit un prétexte pour les


françafricains d'essayer de déstabiliser le pouvoir
équato-guinéen pour des raisons plus obscures : son
pétrole ?
car, contrairement aux Bongo, le président
Obiang Nguema Mbazogho a su développer des
infrastructures dans son pays (routières, sanitaires et
des logements, etc.), depuis la découverte en août
1996, des richesses pétroliers, notamment le champ
pétrolier Zafiro.
En effet, depuis la décolonisation de la Guinée
Equatoriale le 12 octobre 1968 (date de son
indépendance) sous la présidence de Francisco Macias
Nguema, l'Espagne n'est jamais revenue, drapée de
valeurs humanistes, recoloniser de manière déguisée
la Guinée Equatoriale et faire mains basses sur son
économie. c'est aussi le cas de la couronne
britannique.
En effet, le royaume-Uni assure seulement, avec
l'accord des gouvernements locaux, la défense et la
sécurité de ses anciennes colonies et peut les
représenter au niveau international.
On n'a jamais entendu parler, en Espagne comme
en Grande Bretagne, de réseaux occultes, de transport
de « Mallettes » par les dictateurs de leurs anciennes
colonies vers ces anciennes métropoles en période
électorale, en récompense de leur maintien au pouvoir.
Autrement dit, il n'existe, ni Espagnafrica ni de
Grande-Bretagnafrica, érigés en système de politique
étrangère envers leurs anciennes colonies africaines
riches.

158
L'enjeu

Pendant plus de six décennies, la puissante société


Elf Aquitaine, pour ne citer qu'elle, chargeait des
navires entiers de pétrole tiré des sous-sols africains
(Gabon, congo, cameroun, Angola, Nigéria, etc.)
pour les envoyer vers l'Europe (en France), sans payer
d'impôt dans ces territoires, ni chercher à les
développer.
Le système de fonctionnement opaque et à huit
clos d'Elf Aquitaine était tel que les autorités locales
de ces Etats ne savaient pas eux-mêmes la quantité de
pétrole qui était extraite de leur sous-sol et exportée
vers l'Europe. car les employés étaient d'Elf, les
navires étaient d'Elf, les chiffres étaient donnés par Elf,
etc.
L'ex-président congolais Pascal Lissouba et d'autres
acteurs locaux de l'époque avouent, face caméra, qu'ils
étaient dans l'impossibilité d'aller vérifier ce qui se
passait à l'intérieure de cette société implantée chez
eux : un Etat dans un Etat.
Et, ceux qui s'y aventuraient (ou étaient opposés à
cette politique hégémonique d'Elf ) étaient, soit
licenciés, soit jetés en prison, voire éliminés sur le
champ... ce que ne dément pas Loïc le Floch-Prigent.

ces pétroliers détournaient par ailleurs des


cargaisons entières de pétrole, surnommées
« cargaisons fantômes », qui partaient des côtes
africaines (du Golf de Guinée), souvent au large de
Libreville, vers la France.
Or, un seul de ces navires contenait 100.000 tonnes
de pétrole, soit l'équivalent de 100 millions de francs

159
Gabon

cfa par navire qui échappaient des caisses des Etats


concernés comme le Gabon, et se rajoutaient à
d'autres détournements. cela se passait plusieurs
fois par an, pendant plusieurs décennies...
Patrick Gantes, ex-délégué d'Elf au congo,
avoue de son côté dans la même vidéo, que le
groupe Elf mentait souvent aux autorités locales.
La société prétextait que le pétrole extrait de leur
sous-sol était de mauvaise qualité, qu'il avait moins
de valeur, et par conséquent, il fallait le vendre
moins cher sur le marché international. Il n'en était
rien, reconnaît-il aujourd'hui !
Enfin, les bénéfices du groupe Elf étaient
déclarés soit en France, soit en Suisse et jamais dans
les Etats africains dépouillés.

Le puissant quartier d'affaires La Défense à Paris,


où se trouve le siège du groupe, tiendrait sa
prospérité et ses énormes buildings à l'argent du
pétrole venu de ces pratiques françafricaines du
groupe, sur le dos de tout un continent : Elf
Aquitaine est ainsi devenue « Elf africaine ».
Pendant ce temps, ces Etats africains sub-
sahariens, dirigés par leurs amis dictateurs,
tombaient en ruine : pas d'écoles, pas de routes, pas
de structures sanitaires, pas de logements dignes de
pays exportateurs de pétrole...

Il est donc manifeste qu'il n'existe pas de volonté


réelle de la part des autorités (judiciaires) françaises
de s’attaquer aux Biens de la dynastie Bongo,
malgré leurs discours officiels compassionnels,

160
L'enjeu

humanistes… D’autant plus qu’à force de trop


creuser ce « puits » des BMA des Bongo, c’est l’Etat
français qui risque lui-même de se retrouver la main
prise dans le sac gabonais, avec l’affaire Elf et ses
ramifications…

c’est pourquoi, le silence, la complaisance,


l’opacité, la lenteur des enquêtes et procédures sur
les BMA des Bongo.., leur protection, les alibis
géopolitiques de non-ingérence.., font partie du
contrat…

Pour se donner bonne conscience, tous ces


dirigeants, leurs médias et leur Administration
complices, leurs associations avec leurs cohortes
d’avocats, dénoncent, des trémolos dans la voix, le
problème scandaleux des Biens mal acquis par les
dictateurs africains, donnant ainsi l’illusion à
l’opinion internationale et aux populations
opprimées et spoliées du Gabon et d’ailleurs, qu’ils
pensent bien à elles, et que la justice est égale pour
tous ! Un leurre.

cette attitude de pompier pyromane qui


consiste, d’un côté, à soutenir les dictateurs
sanguinaires et leurs malversations et de l’autre, à
envoyer des ONG, réparer ou atténuer la misère de
ces populations du Sud en souffrance, est une vieille
idée de l’Occident : entretenir la misère dans les
pays du Sud pour mieux faire prospérer ceux du
Nord. c’est l’histoire de « La croix et le poignard ».

161
Gabon

car, même s’il est vrai qu’il n’y a pas de


corrupteurs sans corrompus, il est surtout vrai
que les seconds se nourrissent des premiers et
existeraient difficilement sans eux…

Par leur silence complice, voire coupable, les pays


industrialisés portent une lourde responsabilité
devant l’histoire dans l’appauvrissement des pays du
Sud, en particulier des Etats aussi riche que le
Gabon.
Plus précisément, la France reste la matrice des
difficultés politiques, économiques et sociales que
connaît le Gabon depuis plus de deux siècles, ainsi
que celles de la plupart des autres anciennes
colonies francophones. Elle est en grande partie
responsable de l’appauvrissement du Gabon et de
la souffrance des Gabonais.
Sans vouloir l’avouer officiellement – telle une
relation incestueuse – sa politique étrangère
baptisée Françafrique ne vise qu’un seul but :
pérenniser, au Gabon comme ailleurs, les avantages
économiques issus de la période coloniale : pétrole,
mallettes en cuir ou « les mallettes du silence » et
autres richesses économiques.

En contrepartie, la France continue, au prix du


sang des innocents parfois, comme ici au Gabon,
de ménager ses dictateurs, tels le clan Bongo,
porteurs de costumes et de mallettes en cuir. c’est
le prix de leur maintien au pouvoir.

162
L'enjeu

Or, c’est bien cette politique favorable aux


dictateurs, cette « pouritique » comme disent les
Gabonais, qui est responsable de la mort de
nombreux migrants en Méditerranée, et à la longue,
du terrorisme sur le territoire français.
Autrement dit, c'est le citoyen français ordinaire
qui paie souvent, parfois aux prix de sa vie, cette
politique néocolonialiste de l'Etat français envers les
anciennes colonies d'Outre-mer : prises d'Otages,
attentats, commis parfois sur le sol français, etc.
car, pendant que les navires de pétrole tiré des
sous-sols africains voguent vers l'Europe, que les
Etats africains dirigés par leurs amis dictateurs sont
à genoux face aux créanciers étrangers, les bateaux
des migrants africains fuyant la misère dans leur pays
sont refoulés par les mêmes prédateurs des côtes
méditerranéennes ou meurent noyés en mer... car
L'Europe ne veut pas de migrants économiques !

Les partis français de droite et d'extrême droite


qui sont contre l'accueil des migrants africains se
gardent bien de remonter aux causes de
l'immigration de ces populations. Pourtant c'est bien
dans ces partis (xénophobes) que l'on recense
souvent les initiés de la Françafrique : Service
d'Action civique (le SAc), les réseaux Pasqua avec
ses casinos et jeux, les réseaux corse, etc.
ces néocolonialistes vont régulièrement exploiter,
corrompre, dépouiller et racketter sans état d'âme,
les matières premières dans ces anciennes colonies
francophones pour s'enrichir sur le dos des

163
Gabon

populations autochtones et parfois au prix de leur


sang...
Les Etats africains exigent-ils que total, Bolloré,
Véolia, Eramet, etc, aient un titre de séjour en règle
pour aller exploiter les terres lointaines d'Afrique ?

En somme, pour régler le problème de


l'immigration en France, les Françafricains devraient
arrêter d'aller piller l'Afrique... « Pourquoi faire à
autrui ce que vous ne voudrez pas que l'on vous
fasse... » ?
QUAtrIèME PArtIE
LES DÉFIS À VENIr POUr LE GABON

« Il n’existe pas de problème purement économique


qui pourrait être résolu
par une logique purement économique. »

Basles (M), Histoire des pensées économiques.


Les contemporains,
Paris, Edition Syrey, 1988.
cHAPItrE1
EVItEr LES ErrEUrS
DES ANNÉES BONGO

cinquante ans de dictature et de monopartisme,


entraînent forcément, comme c’est le cas ici
au Gabon avec les années Bongo, une cristallisation
du pouvoir autour du chef et l’absolutisme
du dirigeant, grâce aux techniques de la
monopolisation du pouvoir, de la patrimonialisation
de l’Etat, de la tribalisation de la société et son
corollaire, la clientélisation de la communauté
nationale.
c’est ainsi que les cinq décennies de la
gouvernance des Bongo, le père comme le fils,
beaucoup de projets économiques étaient conçus
et mis en œuvre dans le but de favoriser et
d’entretenir leur propre clientèle composée de
proches et de certains nationaux qui ont fait acte
d’allégeance.

167
Gabon

Les Bongo ont ainsi privilégié leur région,


Franceville, au détriment du reste du pays ; ils ont
favorisé leurs proches au mépris du reste de la
population ils ont développé certains secteurs
économiques au détriment des autres, etc.. tout
cela dans le but de se maintenir au pouvoir, de
s’enrichir et de diviser le pays.

Il convient donc, pour le nouvel élu, de ne pas


reproduire les erreurs du passé qui ont mis à mal la
cohésion nationale. car, comme l’a dit si bien le
docteur Bruno Ella Nguema, président de la cDG,
lors de son discours du 7 novembre 2016 à Paris :
« Tout peuple qui ne corrige pas son histoire, s’expose à
la revivre en pire… »44
Parmi les choix de politique économique
contestables des années Bongo, on peut relever : la
négligence du secteur agricole au profit des secteurs
pétrolier et minier pourtant exposés à l’exportation.
Il y a eu aussi et surtout, l’abandon du projet du
réseau routier au profit d’un projet coûteux pour le
pays : le transgabonais.

Une agriculture négligée

Du fait de la prédominance des secteurs pétroliers,


forestiers et miniers, du fait aussi de la faible densité
de population, du manque d’intérêt des hommes
pour ce secteur, l’agriculture a toujours occupé au
Gabon une position très modeste.
44 Ella NGUEMA (Bruno), discours du 7 novembre.- Paris.- 2016.

168
Les défis à venir

Sur une superficie totale de 267.670 km2, les


superficies cultivées ne représentent que 125. 000 ha
(soit 0, 46 %) dont environ 95. 000 hectares de
cultures vivrières.
Depuis les années « pétrole » (années 70), les
maigres crédits affectés par les différents
gouvernements à ce secteur dans les Plans de
développement, démontrent que l’agriculture n’a
jamais été la préoccupation principale des
décennies décrites ici.

Voici l’aperçu des Crédits publics affectés


à l’agriculture durant les années « pétrole »
(1970… 1990…) par les plan de développement45 :
En millions de F % des investissements
publics

- 1966 – 1970 1130 1, 25 %


-1971 - 1975 1795 1,2%
-1976 - 1980 38 820 4,5 %
-1980 – 1982 37 900 10, %
-1984 -1988 122000 9,7 %

Petit à petit, l’agriculture est délaissée par les


populations, car elle ne permet pas d’obtenir un
niveau de vie comparable à celui qui existe en ville
grâce au pétrole.

45 Lire à ce sujet Pourtier (roland) : Etat et développement, t2. op.


cit.. p. 30 à 39.

169
Gabon

Plus de trente ans après, on constate toujours


cette même négligence du secteur agricole. En 2016,
sous la gouvernance d’Ali Bongo, son budget a
encore baissé de près de 8 milliards de Fcfa, soit
39 % par rapport à 2015. ce qui représente à peine
0, 37 % par rapport au budget général46.

En conséquence, depuis ces années (1970…),


la croissance (économique) est artificiellement
maintenue, grâce à l’augmentation continue des
exportations des quatre principales ressources du
pays : le pétrole, les bois en grume (l’Okoumé) et
leurs produits élaborés, le manganèse et l’uranium.
La rente pétrolière a ainsi masqué le délabrement
de l’économie rurale et l’étroitesse du marché
national. Elle a ainsi permis de compenser les
insuffisances de la production agricole en accordant
une place importante aux produits alimentaires
importés. D’où la dépendance alimentaire du
Gabon vis-à-vis de l’extérieur47.

Un réseau routier laissé à l’abandon au profit du


Transgabonais

Le réseau routier gabonais a, lui aussi, subi la


négligence des pouvoirs publics gabonais pendant
cinq décennies.
46 Mays-mouissi.com : Economie du Gabon : Etat des lieux et impacts
de la crise post-électorale.- Mays-mouissi. com.- 2016.- 83 p.

47 Jusqu’à aujourd’hui, le Gabon continue de dépendre de ses voisins


africains en produits vivriers : le cameroun, le congo, la Guinée
équatoriale etc.
170
Les défis à venir

c’est ainsi que plus de cinquante ans après


son indépendance, le Gabon n’a toujours pas un
réseau routier digne d’un Etat gorgé de richesses
pétrolières, minières et forestières.

Or, la mise en place d’un réseau routier bitumé


et entretenu est nécessaire pour favoriser
l’écoulement des productions agricoles vers les
grandes concentrations urbaines.

Au début des années 70, la Banque mondiale avait


proposé au président Omar Bongo, de bâtir au
Gabon un réseau routier de qualité, qui avait
l’avantage de désenclaver l’ensemble des régions du
pays pour un développement global du territoire
gabonais. Mais ce dernier avait privilégié son projet
du transgabonais. Un projet dont le but était en
réalité géopolitique.

Ainsi, depuis les années 70, en raison du manque


d’infrastructures routières, l’attraction urbaine a
aggravé les maux de sous-développement, affecté
les équilibres démographiques et le dynamisme de
la société villageoise.

Une politique tribaliste : l’exemple du


Transgabonais
Le projet du transgabonais, dans les années 70,
résume a lui seul, jusqu’à la caricature, les choix
géopolitiques contestables, du président Omar
Bongo.

171
Gabon

En effet, dès son arrivée au pouvoir en 1967, le


président Omar Bongo prit en mains le dossier du
transgabonais, laissé par son prédécesseur le
président Léon Mba (1960-1967). Il en fit, comme
il le disait souvent, son cheval de bataille : « Le
Transgabonais constitue depuis quelques années la
priorité des priorités dans notre bataille pour le décollage
et le développement économique. C’est l’atout majeur
et stratégique pour l’exploitation de nos richesses
naturelles et de leur valorisation… »…
Mais le projet initial (Owendo/Belinga)48
avait été dévié entre-temps, devenant
Owendo/Franceville, la ville du président Omar
Bongo.
Les Américains et la BIrD étaient devenus
réticents en ce qui touchait l’évacuation du minerai
de fer par voie ferrée et préféraient une autre
solution.
Dans son rapport d’évaluation, la Banque
mondiale mettait en effet en question, la rentabilité
du premier tronçon par le seul transport du bois.
Elle émettait aussi de sérieuses réserves quant à une
ouverture de la mine.
En revanche, elle préconisait la réalisation
d’un réseau routier de qualité, jugé opérant
dans l’optique d’un développement global et
harmonieux de tout le territoire gabonais.
Malgré ce refus de la BIrD, le président Bongo

48 Le gisement de fer de Bélinga, évalué à l’époque à environ un


milliard de tonnes de minerai à forte teneur, exploitable en carrière à
ciel ouvert, était à l’origine du projet de chemin de fer…

172
Les défis à venir

persiste plus que jamais dans son gigantesque


projet :
«Je l’affirme devant vous : avec ou sans la Banque
Mondiale, le Transgabonais se fera. Il se fera d’une
façon ou d’une autre, avec les uns ou avec les autres.
Et s’il fallait, pour ce faire, pactiser avec le diable, nous
pactiserons avec le diable… »49
Il ne fut pas déçu. Le Gabon dispose de solides
atouts qui lui furent précieux dans la partie
diplomatique qui s’engagea alors sur un fond
d’émanations pétrolières de plus en plus insistantes.
La France, soucieuse de préserver ses acquis
coloniaux, s’employa, avec le reste de la
communauté européenne, à soutenir le projet
gabonais. Le président Pompidou confirma la
participation française…
Le 30 décembre de la même année (1973),
le président Bongo posait, dans une atmosphère
de liesse, la première traverse en présence de
nombreuses personnalités étrangères, parmi
lesquelles Valéry d’Estaing et claude cheysson
alors respectivement ministre des Finances et
président des communautés européennes à
l’époque. Ainsi commença la grande aventure du
transgabonais…
Le chantier du transgabonais, un des plus gros
chantiers de travaux publics au monde à cette
époque, a participé au recyclage des pétrodollars au
bénéfice d’entreprises privées et d’une main-
d’oeuvre étrangère.

49 Discours du président Omar Bongo, le 25 février 1973.

173
Gabon

Le marché a été attribué à un groupement


d’entreprises européennes, EUrOtrAG, composé
de 14 sociétés ayant pour chef de file la société
française Spie-Batignolles.
La pénurie chronique de main-d’oeuvre nationale
nécessita le recrutement de travailleurs étrangers,
pour la plupart originaires d’Afrique de l’Ouest :
Béninois, togolais etc. Mais il fit aussi appel à des
camerounais et Asiatiques.
Bref, au plus fort des travaux, Eurotrag employait
4.113 personnes, et seulement 1.714 Gabonais,
1.720 Africains de l’Ouest, 327 Pakistanais et 352
Européens (juillet).
Eurotrag a choisi la mécanisation à outrance :
123 tracteurs caterpillar, 66 « scrapers », 84 engins
divers de terrassement, 250 camions, et une
gigantesque machine, le « dinosaure », utilisée pour
la pose des voies.

Malgré ces impressionnants engins mécaniques,


les travaux ne progressaient pas au rythme
initialement prévu. Les études préliminaires avaient
sous-estimé les difficultés du milieu équatorial,
sous-évalué le volume des terrassements exigés pour
le franchissement de secteurs marécageux ou
montagneux dont la topographie de détail apparaît
mal sous l’épais manteau forestier.
Le volume des déblais et remblais sur le seul
tronçon Libreville/Ndjolé équivalait au double des
prévisions : cela eut pour conséquence de retarder

174
Les défis à venir

la progression de l’ouvrage et d’entraîner le coût des


travaux dans une inquiétante courbe ascendante.
A ces difficultés s’ajoute la crise financière
provoquée par l’endettement de l’Etat consécutif
aux dépenses engagées pour recevoir la conférence
de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) en
1977.
En 1978, le produit intérieur brut sera d’environ
25 % inférieur à celui de 1976. Eurotrag dut se
mettre en sommeil. cette même année, l’entreprise
avait licencié près de la moitié de son personnel et
fermé quelques chantiers.
L’achèvement de l’ouvrage, d’abord prévu pour
1981, était repoussé à une date de plus en plus
incertaine, tandis qu’on se contentait de terminer
la liaison Libreville/Ndjolé pour la fin de l’année
1978.
c’est encore le deuxième choc pétrolier de 1979
qui remit la machine en route.
Fin 1982, le premier tronçon était achevé et sera
inauguré à la mi-janvier 1983 par les présidents
Bongo et Mitterrand.
Les chantiers d’Eurotrag se déplaçaient sur le
deuxième tronçon (350 km Booué/Franceville sans
tenir compte que le pays était au bord de la faillite).
Et, quand le transgabonais arrive à Franceville, le
Gabon sera presque en situation d’insolvabilité.
Le coût global de l’opération (estimé à l’époque
à 1.000 milliards de Fcfa) est élevé, très élevé pour
un petit pays comme le Gabon !

175
Gabon

L’arrivée du transgabonais à Franceville marquera,


pour la postérité, le couronnement de l’oeuvre du
président Bongo. Elle marque aussi et surtout la fin
de l’âge d’or de l’économie gabonaise. car le
transgabonais représente un énorme sacrifice pour
le Gabon. En effet, la plus grande partie des capitaux
nécessaires aux travaux de génie civil sera fournie par
le Gabon lui-même.
Pour contenir le déficit public, le gouvernement
décide, dans un premier temps, de réduire
les postes budgétaires les moins sensibles
politiquement. ce qui aboutissait à une forte
réduction du budget d’investissement qui passe de
400 milliards de Fcfa en 1985 à 92 milliards en
1987, avec tous les effets de synergie à la baisse
entraînés par cette réduction de la dépense.
En conséquence, le revenu par tête passe de 4.250
dollars en 1983 à 2.700 dollars en 1987 (chiffres
publiés par la Banque Mondiale dans son rapport
annuel sur le développement dans le monde, 1992).

Ainsi, la politique régionaliste du président Omar


Bongo a pesé incontestablement sur une décision de
portée nationale. Et comme le dit bien un précepte
malien d’Ahmadou Hampaté Bâ : « La main qui
donne est toujours au-dessus de la main qui reçoit. La
première peut frapper la seconde à tout moment ».
La BIrD n’a pas pu arrêter le gigantesque projet
gabonais. Mais les contre-chocs pétroliers qui s’en
sont suivis, ont fini par mettre le Gabon « à genoux »
face aux créanciers étrangers.

176
Les défis à venir

Mais le fait que la plupart de ces projets, estimés


par les créanciers non rentables, aient été réalisés
avec la contribution ou la complicité de certains
pays industrialisés comme la France, malgré les
études de faisabilité non favorables, met en lumière,
là aussi, la machinerie politico-économique du monde
occidental.

On avait constaté en effet, au milieu des années


70 que des banquiers, hommes d’affaires de
tous bords, soutenus par leur gouvernement, se
sont déversés sur un tiers-Monde assoiffé
d’équipements avec des manœuvres qui sont loin
d’avoir été toutes légales…
Il ne s’agissait plus en priorité de financer des
projets précis, une usine clés en main, un avion ou
un système de faisceaux hertziens, mais de prêter
des liquidités à des Etats qui en faisaient ce qu’ils
voulaient : combler le déficit de leur balance de
paiements, construire des « éléphants blancs »,
acheter des produits superflus, etc.50

Au Gabon beaucoup considèrent comme


« marchands de vent », tous ceux qui, malgré les
études de faisabilité non favorables pour le
développement global du pays, ont appuyé le projet
du transgabonais, surtout le dernier tronçon…
Alors qu’il s’agissait d’en faire la colonne vertébrale
du Gabon, la rentabilité économique supposée du

50 Péan (Pierre) : L’argent noir.- Paris.- Fayard.- 1990.- 269.

177
Gabon

transgabonais, qui a été à l’origine de sa réalisation,


n’est pas évidente aujourd’hui. Franceville son
terminus est presque désert avec seulement quelque
50.000 à 60.000 habitants environ.
D’après une étude de l’Office du chemin de fer
transgabonais (OctrA) sur le rapport d’activité
1982-1989, certaines villes comme Ndjolé, Booué,
n’ont pas eu l’accroissement démographique que
l’on espérait…
Par ailleurs, il n’y a pas eu ce déplacement massif
des populations vers la voie ferrée, car celle-ci
traverse une zone presque inhabitée.
Aujourd’hui ce sont des cités fantômes clairsemées
le long du chemin de fer.

Par conséquent, le projet du transgabonais, un


investissement disproportionné par rapport au
trafic, a été pour l’Etat gabonais un gouffre
financier qui a aggravé les déséquilibres sociaux et
faussé les priorités économiques.

Ainsi, le transgabonais n’ayant pas de rentabilité


économique évidente jusqu’à aujourd’hui, on
est amené à croire qu’il s’agit de toute évidence
d’un projet géopolitique ou tribaliste. car le
transgabonais n’aurait pas vu le jour dans la
configuration actuelle (Owendo/Franceville) si
Omar Bongo n’avait pas été natif du Haut-Ogooué,
l’enfant de la tribu !

178
Les défis à venir

L’exemple du Transgabonais en masque bien


d’autres : « Les profito-situationistes »

On peut aussi s’interroger sur le bien-fondé du


Palais rénovation construit, à l’époque, avec le
marbre d’Italie, mais aussi la cité du 12 mars,
destinée simplement à l’accueil des chefs d’Etats
africains, etc.

La Banque Mondiale, dans son rapport de 1984,


note que « l’erreur ou la malchance ne suffisent pas
à expliquer le nombre de ces opérations coûteuses
et antiéconomiques ». trop de projets ont été
sélectionnés pour des raisons politiques sans analyse
adéquate de leur rendement financier et économique,
ajoute de son côté Zomo yébé Gabriel dans son livre
Comprendre la crise de l'économie gabonaise 1993 51.

Au plus fort du règne d’Omar Bongo (1970-


1990), on avait constaté qu’à Franceville, beaucoup
d’emplois relevant du tertiaire avaient été créés au
détriment des autres régions du territoire :
- des encadrements politico-militants,
- des structures de santé ainsi que des centres de
formation.
Il fut aussi créé :
- le centre International de recherches
Médicales de Franceville (cIrMF), l'un des
laboratoires les plus modernes de toute l'Afrique

51 Zomo yebe (Gabriel) : Comprendre la crise de l’économie gabonaise.-


Paris.- l’Harmattan.- 1993.- 259 p. (p. 78).

179
Gabon

qui accueille depuis 1979 au moins, une


cinquantaine de chercheurs de haut niveau
(Européens pour la plupart) travaillant sur les
problèmes de santé, en particulier de fécondité
(stérilité féminine).
- l'aéroport international El Hadj Omar Bongo
de Mwengue (entre les villes Moanda et Franceville)
qui, peut accueillir depuis 1973 des gros-porteurs.
La capacité de l'aéroport dépasse de loin les besoins
régionaux : la piste de Mwengue prend place dans
un dispositif stratégique susceptible de jouer un rôle
à l’échelle du continent africain52.
- ce fut aussi le cas du puissant émetteur de
Moabi équipé par thomson en 1978, qui
représente un équipement à l'échelle planétaire
(avec une capacité de couverture des 3/4 du globe)
et qui peut avoir d'éventuelles implications
militaires…

Outre ces grandes réalisations, on avait constaté


d’autres petites réalisations dans la ville du
président parmi lesquelles : la Maison du Parti, la
Maison de la Femme, la station de radio-télévision,
sans compter les hôtels de luxe, etc.
Or, il se trouve que l’équipement hôtelier (quatre
hôtels de standing), dépasse de beaucoup les
besoins régionaux, même s’il permet à Franceville
d’héberger conférences et congrès.
52 Selon r. Pourtier, à l’époque de la rhodésie, les avions-cargos
chargés de viande destinée à l'approvisionnement du Gabon s'y
posaient discrètement. L'aéroport de Mwengue aurait servi d'escale
pour des transports sud-africains.

180
Les défis à venir

En plus, la région ne renferme pas de réserves


humaines suffisantes pour garantir, à un rythme
soutenu, la croissance urbaine comme semblait le
prévoir le projet du transgabonais du président
Omar Bongo.
On observait également durant cette période,
des embauches sélectives, qu’on peut qualifier de
tribalistes, au sein des compagnies comme la
cOMILOG (compagnie des mines de l’Ogooué)
ou la cOMUF (compagnie des mines d’Uranium
de Franceville).
ces recrutements, plus ou moins anarchiques,
ne tenaient pas compte des besoins réels de ces
entreprises, ni même des compétences des
individus qu’on embauchait 53 . Il s’agissait
seulement des liens de parentés ou d’amitiés.

Pour ce qui concerne l’attribution des bourses


d’études nationales ou internationales aux étudiants,
on observait la même politique partisane chez
Omar Bongo.
Ainsi, la plupart des proches et ressortissants de
sa province, quel que soit leur niveau d’études,
obtenait plus facilement des bourses d’études, au
détriment d’étudiants méritants venant d’autres
régions.
Ainsi, on encourage la médiocrité et on
dévalorise le mérite et l’excellence.
Le tribalisme et le régionalisme ont beaucoup
joué dans les choix du président défunt Omar

53 Lire la thèse de l’auteure.- Limoges.- mai 1998.- p. 355.

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Licence cant-11-5818067-8721779-5459840 accordée le 20 janvier
2021 à Stéphane Oyono
Gabon

Bongo. Beaucoup de projets économiques étaient


conçus et mis en œuvre dans l’intérêt de ses proches
et de sa région qui, en retour, soutenaient urbi et
orbi le pouvoir. Or, ces choix ont souvent eu des
conséquences financières de portée nationale
comme le démontre le projet du transgabonais.

Avec son fils adoptif Ali Bongo, ce sont plutôt


les Gabonais de circonstance, ceux que les
autochtones surnomment « la légion étrangère » ou
« les profito-situationistes » qui, en plus de la
famille, bénéficient et profitent des richesses du
pays depuis 2009, toujours au détriment du reste
de la population.
La promotion au mérite que ce dernier avait
promis dans son projet l’Avenir en confiance, n’a
jamais été appliquée durant son septennat. Et la
presse nationale s’est régulièrement indignée de
certaines nominations de proches et des non-
Gabonais dans l’Administration publique et à des
postes hautement stratégiques au cœur de l’appareil
d’Etat gabonais. Ali Bongo n’en a jamais tenu
compte.
Dans le même temps, des dizaines de
fonctionnaires proches de l’opposition sont
toujours privés de salaires, leurs habitations sont
détruites, conséquence de leur opposition au
régime. Une situation qui s’est encore aggravée
depuis la crise post-électorale du 31 août 2016.
cHAPItrE 2
LES cONSÉQUENcES POLItIcO-
SOcIALES DE cEttE GÉOPOLItIQUE

La conséquence de cette géopolitique poussée à


l’extrême : les secteurs publics et parapublics sont
devenus le déversoir de toute la main-d’œuvre
oisive ou en surplus dans les autres secteurs
d’activité.
ces systèmes de gouvernement, archétype du
tiers-Monde ont créé des injustices flagrantes en
tenant à l’écart les 3/4 de la population qui vivent
cette situation comme du favoritisme et une forme
de tribatisation de la société.
Or, une telle politique qui ne bénéficie qu’à une
petite minorité peut entraîner à la longue, des
inégalités sociales, attiser des haines tribales,
provoquer la xénophobie et les guerres civiles,
comme ce fut le cas au rwanda en 1994.

183
Gabon

Zomo yébé Gabriel va plus loin dans son


analyse 54 . Pour lui, ce mode de gouvernance
a automatiquement des conséquences dans
l'Administration publique avec des effectifs
pléthoriques, le manque de respect de la
hiérarchie, la mauvaise circulation des
informations, des salaires élevés injustifiés, des
contrôles financiers inefficaces etc..

Au Gabon, le clientélisme politique, né du


monopartisme PDG, a perverti les règles de
fonctionnement du secteur public, entraînant
l’absolutisme, et a conduit à la faiblesse de l’État.
En effet, le système Bongo-PDG n’a jamais été
la recherche du bien commun, mais plutôt un
esprit de lucre qui a fait naître dans la société
gabonaise, non seulement une classe de privilégiés
et une classe de laissés pour compte, mais aussi un
désir de vie moderne à l’occidental.
copie fidèle de la société française, de sa
civilisation et son mode de consommation, la
société gabonaise est devenue trop coûteuse
pour beaucoup de Gabonais dans un Gabon en
panne de développement. ce qui a entraîné une
course effrénée individuelle vers le désir d'un
enrichissement rapide et par la suite, l'affairisme
et la corruption.
Ainsi, que cela s'appelle « frais de
commissions » à l'occasion des négociations des

54 Zomo yEBE (Gabriel) : Comprendre la crise de l’économie gabonaise.-


op. cit.

184
Les défis à venir

marchés publics, ou « pots-de-vin » ou


« bakchich », ou encore « pommade » destinée
à huiler les mécanismes du fonctionnement
administratif, la corruption exerce des effets nocifs
dans l’économie d’un pays de manière générale et
ici au Gabon en particulier.
cela va de la désacralisation des règles
élémentaires de la vie publique jusqu’aux crimes
rituels…
Elle encourage par ailleurs l’absence d’éthique
administrative, amoindrit la volonté publique,
modifie l’affectation des ressources et favorise la
fuite des capitaux. tout cela, au détriment d’un
véritable développement du pays.

On peut ainsi redouter pour l’avenir que, quel


que soit le nouvel élu, qu’il soit pris en otage par
les membres de son groupe ethnique, sa tribu,
son clan, qui vont chercher à devenir, comme
durant les années Bongo, de petits chefs d’État.
Autrement dit, tous voudront participer et jouir
des prérogatives et des privilèges attachés et
reconnus au titulaire de la fonction.
On les retrouvera ainsi à la tête de tous
les secteurs d’activité, qu’il s’agisse de l’Administration
générale, du parapublic et même du privé.
Opération qui, en elle-même, n’a rien de
nuisible économiquement lorsque les personnes
concernées ont des compétences requises. ce qui
n’a pas toujours été le cas, durant la période que
nous analysons ici.

185
Gabon

Jean Ping a promis, une fois investi, de faire en


sorte que les affinités politiques (ou familiales) et
les considérations ethniques ne prennent plus le
pas sur la compétence. Le peuple gabonais
l’espère.
cHAPItrE 3
LES DÉFIS À VENIr POUr LE FUtUr ÉLU

Fort de ce constat, un vaste chantier s’ouvre


désormais pour le nouveau président qui s’est engagé
à ouvrir une nouvelle page de l’histoire du Gabon,
autrement dit, à jeter les bases de la démocratie, de
l’Etat de droit et du développement durable.
ces réformes sont nécessaires, car attendues,
donc voulues par la majorité des Gabonais qui a
tant souffert d’une politique partisane. Les
Gabonais attendent la fin des privilèges…

Sur le plan national (politique intérieure)

La modernisation des institutions politiques doit


passer par :
- la reconstruction de l’Etat de droit au Gabon
avec séparation des pouvoirs (Exécutif, législatif,
et judiciaire) qui sont les piliers d’un Etat

187
Gabon

démocratique. cela passe nécessairement par


l’amélioration de la constitution de 1991.
- l’unification de la république dans le respect de
la diversité ethnique, politique et religieuse (l’unité
dans la diversité) où chaque citoyen gabonais pourra
trouver sa place et sera assuré que la loi est applicable
à tous, de la même manière, sans favoritisme.
car le repli identitaire, les regroupements
ethniques ne favorisent point l’éclosion d’un Etat-
Nation.
cela doit, d’abord et avant tout, passer par un
dialogue national. ce genre d’échanges a déjà
commencé à travers les réseaux sociaux depuis les
événements du 31 août 2016.
Mais cela doit se faire dans un cadre institutionnel
pour réconcilier tous les Gabonais et faire le deuil
des martyrs tombés…
car, il ne faut pas perdre de vue que c’est
ensemble qu’il faut reconstruire le Gabon et redorer
son blason noirci par le «Bongoïsme». c’est en étant
uni que le peuple gabonais peut réussir à arracher sa
victoire volée du 27 août 2016 et par la suite, se
battre pour son indépendance économique.
Il faut par ailleurs restaurer une république dont
la politique se fera désormais dans le sens des intérêts
du pays, loin de l’esprit françafricain d’aujourd’hui.
Elément déterminant, sinon décisif pour réussir
la reconstruction du Gabon indépendant et
moderne.

188
Les défis à venir

Défis diplomatiques

Pour desserrer l’étau économique qui asphyxie


le Gabon et les Gabonais depuis des décennies,
entretenu par le cercle des initiés en la Françafrique
des deux bords de l’Atlantique (ou du Nord au Sud),
Jean Ping, diplomate de carrière, homme de
consensus, doit œuvrer pour le dépassement de
l’Ajustement structurel.
car cette dernière est une vieille recette de la
Banque Mondiale (BM) et du Fonds monétaire
International (FMI) pour redresser les économies des
pays du Sud, sans tenir compte du contexte socio-
politique, voire diplomatique de ces Etats.
En effet, par une abstraction bien pratique, ces
organisations ne remontent jamais aux causes de la
dette, de la misère et du sous-développement des
pays africains.
Elles n’analysent la situation qu’en termes
financiers sans jamais évoquer ou régler les
mécanismes qui ont sécrété cette dette et engendré
cette misère dans les pays concernés. Bref, elles ne
s’intéressent qu’aux conséquences du sous-
développement et non à ses causes.
car, même s’il est toujours possible, grâce aux
Programmes d’Ajustement structurel (PAS), de
remettre de l’ordre dans les économies des pays du
Sud, notamment au Gabon, pour résorber des
déséquilibres intérieurs et même extérieurs (surtout
si l’environnement est favorable) néanmoins,
sans un Ajustement diplomatique entre le Sud et le

189
Gabon

Nord, entre la France et le Gabon, beaucoup


d’obstacles socio-économiques et politico-
diplomatiques bloqueront toujours les effets
bénéfiques que l’on aurait pu espérer de ces
programmes.
car « il n’existe pas de problème purement
économique qui pourrait être résolu par une logique
purement économique».55

Pour reconstruire le Gabon du XXIe siècle, un


Ajustement diplomatique entre le Gabon et la France
est nécessaire ; autrement dit, la mise en place d’une
coopération contractuelle Franco-gabonaise expurgée
de tout dessein de domination et de filières occultes.
En effet, les accords de coopérations Franco-
gabonaises ou accords françafricains tels qu’ils ont été
signés dans la fébrilité de l’indépendance du pays en
1960, et tels qu’ils s’appliquent jusqu’à aujourd’hui,
sont perçus par les Gabonais comme un abus
de faiblesse de la France vis-à-vis du Gabon.
Pour eux, il s’agit d’un maintien du Gabon dans la
dépendance économique.
Les Gabonais se retrouvent aujourd’hui piégés,
enchaînés par ces fameux accords, dans l’impossibilité
de s’en défaire pour se développer librement. Au
point que c’est la France qui aujourd’hui, comme au
temps des colonies, reste encore le maître du jeu de
la politique gabonaise, comme elle l’est aussi dans la
plupart des anciennes colonies francophones.

55 Basles (M), Histoire des pensées économiques. Les contemporains, Paris,


Edition Syrey, 1988.

190
Les défis à venir

c’est ainsi qu’elle peut imposer au peuple


gabonais, le choix des dirigeants qu’elle veut voir à
la tête du pays, dictateurs ou pas.
En 2009, l’Elysée n’avait pas attendu la fin du
contentieux qui opposait André Mba Obame, le
vainqueur, à Ali Bongo, le perdant, que le président
français s’empressa de féliciter le vainqueur désigné :
Ali Bongo. Une habitude.
Pire, en 2016, malgré la « providence » des réseaux
sociaux et la présence des Observateurs européens
qui n’a pas permis au couple Bongo-Etat français le
trucage habituel des urnes, il n’en demeure pas
moins que le choix du peuple gabonais dans les
urnes, Jean Ping a été une fois encore torpillé par le
cercle des initiés… Une fois de plus, Ali Bongo
obtient le soutien implicite de l’Elysée.
c’est pourquoi Jean Ping doit faire valoir le droit
du peuple gabonais, souverain, à choisir sa destinée en
toute liberté, et à réclamer la remise à plat des accords
de coopération signés en 1960, avec l’ancienne
métropole pour un ajustement diplomatique.

Défis économiques

Pour développer le pays, Jean Ping peut


s’appuyer sur les secteurs qui font la force de
l’économie gabonaise (les secteurs forestiers,
pétroliers et miniers) pour développer les secteurs
non pétroliers que sont l’agriculture, les transports
et même la santé (pour le capital humain :

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Gabon

problèmes de fécondité). ce qui lui permettra


d’éviter, en cas de crise pétrolière ou minière, ce
qu’on a appelé le syndrome hollandais lors du rush
pétrolier des années 7056. Il devra ainsi :

a - valoriser le travail des paysans, en redonnant


aux Gabonais le goût et la passion pour la terre,
même si, de nature, les hommes de la forêt ne
seront jamais de « véritables paysans ». car chez ces
Bûcherons de l’Equateur, c’est bien connu, le travail
agricole est souvent abandonné aux seules femmes,
et sans revenu.

b - sortir de la dépendance alimentaire : il


lui faudra surtout accorder des crédits plus
conséquents à un secteur agricole méprisé, dans
les plans de développement économique,
contrairement à ce qui a été fait jusque-là.

56 Le Syndrome hollandais est un ensemble de distorsions que l’on a


identifié pour la 1e fois en Hollande à la suite de la découverte et
l’exploitation du gaz naturel. Depuis, on a constaté que ces
phénomènes étaient généraux et avaient tendance à se manifester
chaque fois qu’une « manne tombée du ciel », entraine une
augmentation des revenus dans de jeunes Etat et la multiplication des
travaux d’infrastructures (souvent des projets grandioses). c’est le cas
du Gabon avec le projet du transgabonais dans les années 70, lors du
boom pétrolier de 1973. Autrement dit, c’est l’ensemble des effets
préjudiciables créés dans une économie par l’expansion d’un secteur et
qui, très souvent, va assassiner la prospérité naissante dans une
économie basée sur des richesses extractives d’exportation. car, en plus
des projets grandioses, les jeunes Etats sont confrontés aux coûts
d’entretien des infrastructures existantes, les facilités dont bénéficient
les investisseurs étrangers durant cette période, etc.

192
Les défis à venir

c - freiner le développement excessif de la filière


industrielle. car son expansion banalise le travail
agricole, prolétarise les villageois et achève de briser
les derniers liens qui assurent la cohésion de la
société rurale.
Développer le secteur agricole, c’est aussi
remettre à neuf une infrastructure routière.

d - rebâtir, sur l’ensemble du territoire gabonais,


une infrastructure dont le délabrement aujourd’hui,
limite les échanges entre provinces (surtout en
saison des pluies), empêche la mobilité des facteurs
de production et accroît les coûts de production
agricole.

e - renforcer le code d’investissement gabonais,


trop laxiste pour l’Investisseur étranger, ce qui
fausse la concurrence au détriment du développement
du territoire et d’une vie meilleure pour sa
population.
Il faudrait ainsi une limitation des transferts de
capitaux (éviter la fuite des capitaux) pour qu’une
plus grande part de ceux-ci se réinvestisse sur place
et s’oriente vers d’autres secteurs de son économie.
D’où la nécessité de nouvelles relations
bilatérales avec la France pour que le Gabon
devienne maître de son destin.
c’est à ce niveau que le slogan de Jean Ping
« Gabon d’abord ! » doit prendre tout son sens et
s’appliquer véritablement.

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Gabon

f - répartir les revenus de façon plus juste et


plus équitable sur l’ensemble des populations
gabonaises, avec un appareil politique plus
équilibré, plus démocratique et des structures de
contrôle plus fiables.

Défis sociaux

La nouvelle république que les Gabonais


souhaitent de tous leurs vœux a d’abord pour devoir
de rétablir un dialogue franc entre tous les Gabonais
quelle que soit la diversité des appartenances
ethniques, sociales, politiques et religieuses. car
c’est ensemble qu’il faut reconstruire le Gabon
démocratique.
Les Assises que vient d’initiées Jean Ping le 18 au
23 décembres 2016, avec pour thème « Dialogue
national pour l’alternance », vont dans le sens de la
réconciliation nationale souhaitée et attendue par la
population.
ce dialogue doit aboutir à une prise de conscience
citoyenne chez chaque Gabonais et à un changement
de mentalité chez tous ceux qui voudront participer
à la destinée de la nouvelle république.
En effet, le développement de jeunes Etats
francophones, tel qu’il fut orienté au lendemain
des indépendances par la France, consistait
essentiellement comme ici au Gabon, en une copie
fidèle de la société française, de sa civilisation et de
son mode de consommation, avec tout ce que cela
comporte d’abus…

194
Les défis à venir

cette société, trop coûteuse pour ses jeunes Etats,


a été avidement adoptée par leurs élites (minoritaires,
privilégiées, urbaines, souvent proches du régime),
que la France a établies au pouvoir.
Des mesures fortes doivent être prises par le
nouveau président. Il lui appartient de retirer les
pouvoirs à cette élite proche du régime actuel, afin
de permettre à chaque Gabonais de trouver sa place
dans la nouvelle république.
cet extrait du discours du président Léon Mba
en 1962, à l’intention du peuple gabonais, est
toujours à retenir :

« Les Gabonais doivent se faire violence…


Il faut que nous arrivions au stade de
l’indépendance économique, la seule qui puisse
nous donner l’indépendance totale »57

Le Président Léon Mba, Libreville 27 mai 1962

Jean Ping, 73 ans, devra ainsi, dès sa prise de


fonction, s’entourer de nouvelles têtes pour
reconstruire le Gabon du XXIe siècle ; d’autant plus
qu’il s’est engagé à ne faire qu’un seul mandat.
respecter la parole donnée, faire de sa conduite
un exemple, c’est aussi une bonne manière de
moraliser la vie publique gabonaise, longtemps mise
à mal par le régime Bongo-PDG.

57 Archives privées d’yves corvaisier (APyc) ces extraits de discours


du président Léon Mba figurent dans le rapport d’yves corvaisier,
commisaires au Plan, conseiller technique du président Léon Mba 27
mai 1962 et 1er mai 1963.

195
Gabon

L’éducation et la culture doivent être le socle de


cette nouvelle République.
Il s’agit d’offrir à la jeune génération une
instruction d’excellence, avec à la clé la formation à
un métier qui lui permettra de s’assumer pleinement
dans la société.
Il s’agit aussi de promouvoir (à travers des spots
publicitaires) quelques valeurs morales : le goût de
l’effort et du travail bien fait, l’amour de la Patrie, la
conscience professionnelle ; toutes les valeurs léguées
par la morale traditionnelle et l’éducation chrétienne.

En somme, la nouvelle République de Jean Ping


devra tenir compte des quelques pistes esquissées
ici pour réussir ce grand nettoyage de printemps :
le printemps gabonais, et construire enfin une
république Démocratique Gabonaise (rDG), basée
sur l’unité, la liberté et la prospérité…

Jean Ping, s’il est investi, comme le souhaite et


l’espère encore la majorité des Gabonais, doit être
une boussole pour un Gabon qui a perdu le nord !
toutefois, c’est au pied du mur qu’on peut juger
le maçon…

« Si tous les fils du royaume venaient


par leurs mains assemblées, boucher
tous les trous de la jarre percée, le pays
serait sauvé. »
GHEZO Roi d'Abonney
EPILOGUE
LA FrANcE EN cLAIr-OBScUr

Il est clairement établi en ce début février 2017


où nous terminons ce manuscrit, d’après le rapport
définitif des observateurs de l’Union européenne,
qu’Ali Bongo n’a pas gagné les élections du 27 août
2016 au Gabon. Il n’est donc pas le président élu
par le peuple gabonais.
Par conséquent, le monde entier reconnaît que
Jean Ping, même s’il n’est pas investi officiellement,
est le nouveau président élu par le peuple souverain
du Gabon.
ce qui normalement devrait aboutir à l’éviction
de Monsieur Ali Bongo de la présidence de la
république gabonaise. ce dernier devrait par
ailleurs répondre de ses crimes de sang du 31
août 2016, devant la cour Pénale Internationale
(cPI).

197
Gabon

Il est également établi que l’emprise de


l’ancienne métropole, la France, sur l’économie
gabonaise, son attitude ambiguë, confuse et
fusionnelle avec le régime gabonais et plus
précisément avec la famille Bongo, est la matrice
des difficultés politiques, économiques et sociales,
qui empêche le Gabon, ce pays béni des dieux, de
se développer.
En effet, le bilan économique et social chaotique
« des années Bongo », ses malversations et mauvais
choix de politique économique, ses dérives
monarchiques et criminelles, sont génétiquement
liés aux accords de coopération signés avec la France
au moment de l’indépendance du pays, autrement
dit, aux réseaux françafricains.
Il est clairement établi aujourd’hui qu’à travers
la famille Bongo qu’elle a mis à la tête l’Etat
gabonais en tant que son « vice-consul », la France
tient à pérenniser ses avantages économiques issus
de la période coloniale. Parce que leur prospérité
est à ce prix, au mépris des populations gabonaises
en souffrance.
D’où l’embarras de Paris de choisir entre d’un
côté Ali Bongo et son régime criminel, et de l’autre
la population gabonaise opprimée, massacrée sur
son sol, parce que éprise de liberté, de démocratie,
de justice et de dignité, instituées par la même
France comme valeurs cardinales d’un Etat de droit.

Ainsi, lors de la séance des questions au


gouvernement début novembre 2016 au Sénat,

198
Épilogue

Jean Marc Ayrault, le ministre des affaires


étrangères, en réponse au sénateur Jean Marie
Bockel a reconnu, que le processus des élections
présidentielles du 27 août dernier au Gabon a posé
un problème énorme de conscience politique à
l’idée même de démocratie.
En même temps, le chef de la diplomatie
française, au détour d’une phrase, parle déjà des
prochaines élections législatives au Gabon, sans
d’abord demander à Ali Bongo de quitter le
pouvoir, qu’il occupe illégalement, puisqu’il a été
battu.
c’est comme si les Gabonais ne s’étaient pas
majoritairement prononcés en faveur de Jean Ping !
Quelle impasse sur des centaines de disparus et
séquestrés !
c’est comme si des assassinats de jeunes non
armés par des milices souvent venues d’ailleurs,
dont le seul crime était de réclamer justice et vérité
n’avaient pas eu lieu au Gabon !
Etc.
Par ses valeurs de démocratie, de liberté et
d’égalité, la France aurait dû logiquement se ranger
du côté du peuple gabonais en souffrance et non
du côté du pouvoir gabonais.
En enjambant les centaines de morts gabonais
du 31 août 2016, pour parler des législatives, en
répétant que la présence d’Ali Bongo à la tête de
l’Etat gabonais est un Etat de fait et non un de droit,
la Patrie des droits de l’homme a prouvé aux yeux
du monde qu’elle est du côté du bourreau et non

199
Gabon

du côté des victimes. Par conséquent, elle est


complice du hold-up électoral et des malheurs des
Gabonais.
cette diplomatie en clair-obscur, malgré des
discours humanistes, démontre que la France n’a
jamais vraiment décolonisé ou voulu décoloniser
certaines de ses colonies riches comme le Gabon.
Et, parler de décolonisation dans ces conditions est
une imposture.
Les richesses que renferme le territoire gabonais
sont les fleurs du mal du peuple gabonais. En effet,
telle une jeune fille aux formes avantageuses, les
richesses du Gabon, convoitées par tout un réseau
de prédateurs, sont devenues la cause des malheurs
de ce peuple depuis près de 200 ans.
cette diplomatie bienveillante, complaisante, de
la France à l’égard du clan Bongo ne peut que
rassurer et encourager d’autres dictateurs africains
(congo, tchad, cameroun, Guinée Equatoriale,
etc..).
Elle contamine, par ailleurs, une bonne partie
des médias français qui sont restés curieusement
silencieux des événements sanglants du 31 août
2016 au Gabon.
En effet, contrairement à leurs habitudes, les
médias français ont peu couvert et peu commenté
les élections du Gabon et la crise post-électorale
qui s’en est suivie. Eux qui ont l’habitude de
commenter avec délectation ce genre d’événements
un peu partout dans le monde, ont passé sous
silence les événements sanglants du 31 août 2016

200
Épilogue

au Gabon, comme s’ils avaient reçu des consignes


de ne pas dire du mal du dictateur gabonais.
Sylvie de Boisfleury, la journaliste française,
rescapée des bombardements du 31 août 2016 au
Gabon, fait le même constat aujourd’hui.

certaines chaînes, comme France 2, s’empressaient


déjà d’annoncer dès le 31 août 2016 à 13 h en
France, la réélection de Monsieur Ali Bongo, sans
prendre la peine d’attendre la proclamation des
résultats officiels au Gabon, qualifiant déjà Jean
Ping de candidat malheureux !
cette manière partiale et partielle de commenter
la crise post-électorale gabonaise, en passant sous
silence le hold-up électoral et l’assaut criminel d’Ali
Bongo, entraînant de nombreuses victimes, en
présence d’ailleurs de nombreux Observateurs
européens, est contraire à la déontologie et la
neutralité que devrait adopter chaque journaliste.
cela en dit long sur la bienveillance de ces médias
français à l’égard du dictateur gabonais.

Plus de six mois après ces événements tragiques,


les Gabonais manifestent chaque samedi dans les
rues de Paris… Six mois que ces manifestations
quotidiennes ne trouvent aucun écho dans la
presse française ! c’est comme si les mallettes du
silence avaient déjà contaminé toutes les rédactions
de l‘hexagone.
Même le très chrétien journal La Croix, dans son
article datant du 20 décembre 2016, ne parle de la

201
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2021 à Stéphane Oyono
Gabon

crise post-électorale au Gabon que pour dire ceci :


« Le principal opposant gabonais, vaincu par Ali
Bongo lors de l’élection présidentielle du 31 août
2016… » et plus loin il précise : « Jean Ping qui se
proclame président élu.. ».
Mais il oublie de préciser que c’est le peuple
souverain du Gabon qui a porté majoritairement
ses voix sur Jean Ping, et qui réclame sa victoire
volée.
Pour l’ensemble des Gabonais, Ali Bongo ne
peut vaincre Jean Ping que dans un seul domaine :
la fraude électorale. chacun porte sa croix !

c’est ainsi qu’on peut rendre hommage à


quelques rares médias tels Médiapart, Bourdin direct
sur rMc, Radio dialogue, TV5 monde ou encore
TV.net de Sylvie de Boisfleury, qui ont pris le risque
d’informer de manière objective et impartiale, les
événements dramatiques du 31 août 2016 au
Gabon, sans prendre parti, du moins ouvertement,
en donnant parfois la parole aux Gabonais vivant
en France.

L’attitude ambiguë de la France paraît influencer


même jusqu’à l’Union européenne et sa Mission
d’Observation.
En effet, de report en report, cette Mission
d’Observation a mis du temps à livrer ses
conclusions définitives impliquant de manière
incontestable le coup d’Etat militaro-électoral du
31août fomenté par Ali Bongo contre la démocratie

202
Épilogue

au Gabon. Selon certaines sources, ces reports


auraient été faits suite à de nombreuses pressions
exercées sur les fonctionnaires européens par
certains lobbies français.
Pourtant, ces pressions n’ont pas entamé la
véracité et la solidité du dossier gabonais
concernant l’auteur des événements sanglants du
31 août 2016. L’Union européenne n’a fait que
confirmer ce que tout le monde savait, c’est-à-
dire, les preuves qui accablent le régime d’Ali
Bongo.

toutefois, les Gabonais, méprisés et ignorés par


ces Françafricains, continuent à manifester leur
désaveu total à Ali Bongo et à son système de
gouvernance. Ils ont choisi Jean Ping pour
conduire leur nouveau destin.

Les Nouveaux Combattants de la liberté : la


diaspora gabonaise

conscients que rien ne viendra de l’Occident,


encore moins de l’Orient, les Gabonais de la
diaspora continuent de se mobiliser à travers le
monde, pour dénoncer les bombardements du 31
août 2016 par Ali Bongo sur une population
gabonaise non armée, un crime contre l’humanité !

Depuis plus de six mois maintenant, tous


réclament, la libération de leur pays, le Gabon,

203
Gabon

qui sombre chaque jour encore un peu plus dans


les ténèbres de la violence…

Et, qu’elle s’appelle CDG, « Insurrection


présidentielle 2016 », « Cri d’Espoir Du Peuple
Gabonais » ou encore « les Panthères », la diaspora
gabonaise a décidé de rendre au peuple gabonais
meurtri, et aux générations futures, sa victoire du
27 août 2016, mais aussi sa dignité et sa grandeur.

Partout, ils organisent des marches et des


rassemblements, interviennent dans les médias :
télévision, radio, réseaux sociaux etc., avec un seul
mot d’ordre : récupérer leur victoire volée par Ali
Bongo tout en réclamant son départ immédiat à la
tête de l’État gabonais.
Les manifestations sont organisées chaque jour
dans toutes les villes de France : Lyon, Bordeaux,
Nantes, Grenoble, Strasbourg, rouen, Marseille,
Lille, toulouse, Dijon, rennes, etc.

A Paris, au lendemain des bombardements,


l’ambassade du Gabon avait été assiégée par des
centaines de Gabonais qui réclamaient et réclament
encore aujourd’hui, à cor et à cri, drapeaux en
mains, le départ immédiat du dictateur gabonais.
Pendant ce temps, d’autres interpellaient les
députés français aux abords de l’Assemblée
nationale. certains allaient parfois perturber les
meetings de l’ancien président Nicolas Sarkozy aux
primaires des républicains, lui demandant d’aller

204
Épilogue

récupérer « son cadeau empoisonné, Ali Bongo » qu’il


a placé à la tête de l’État gabonais ; d’autres se sont
invités au Parlement européen à Strasbourg ;
d’autres encore, sont partis à Genève en Suisse, etc.
Le saut mental tant espéré par le peuple
gabonais est perceptible chez cette jeune
génération de Gabonais cultivée, mature, inflexible,
déterminée…

Six mois se sont écoulés depuis les


bombardements du 31 août au QG de Jean
Ping, pourtant l’émotion est toujours vive chez
ces « résistants » de la diaspora gabonaise qui
continuent de braver le froid de l’hiver pour faire
entendre la voix de ceux qui n’ont plus de voix au
Gabon. tous exigent encore et toujours le respect
de leur vote et le départ du dictateur.
A Paris, les manifestants gabonais connaissent
par cœur le trajet devenu symbolique du Parvis des
droits de l’homme à la place ranelagh, qu’ils
parcourent tous les jours pour écrire l’histoire du
Gabon nouveau. Le peuple gabonais est en marche
vers sa liberté…

Les Gabonais d’Amérique ne sont pas en reste.


Au lendemain des bombardements, ils avaient
pris d’assaut le congrès américain pour interpeller
les élus au sujet des événements dramatiques du 31
août au Gabon. D’autres ont assiégé l’ONU…
Six mois plus tard, leur mobilisation n’a pas
fléchi.

205
Gabon

trois mois après l’assaut criminel, ils sont allés


chasser Madame Marie Madeleine Mbourantsuo,
présidente de la cour constitutionnelle gabonaise à
l’hôtel FOUR SEASONS HOTEL aux USA, lui
reprochant d’avoir validé la fraude électorale du
dictateur gabonais dans le Haut Ogooué.
Elle y séjournait discrètement avec son
compagnon, quand les Gabonais de la diaspora,
surnommés les Panthères ont débarqué à la
réception de l’Hôtel.
Armés des banderoles et de drapeaux (gabonais),
les Panthères ont menacé l’hôtel de porter plainte
pour « réception d’argent de clients criminels… ».
Jusqu'à ce jour, ces protestataires sont
toujours aux trousses de Madame Mborantsuo,
son compagnon et tous les putschistes du 31
août 2016.

Pour tous, la flamme de la libération du Gabon


ne s’éteindra que le jour où celui que le peuple a
élu, Jean Ping, sera investi dans la non-violence
ou par la force légitime. car, pour ces nombreux
jeunes, Jean Ping est le seul aujourd’hui à porter
la légitimité démocratique conférée par le peuple
de toutes les provinces, de toutes les ethnies, de
toutes les religions et de toutes les tribus du
Gabon.

A ceux qui le poussent au dialogue avec Ali


Bongo en manque de légitimité, le peuple gabonais
meurtri dans sa chair et dans son âme, mais
légaliste, rappelle l’article 35 de la Déclaration

206
Épilogue

universelle des Droits de l’homme et du citoyen du


24 juin 1793 :

« Quand le gouvernement viole les droits du peuple,


l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque
portion du peuple, le plus sacré et le plus indispensable
des devoirs ».

Les Gabonais rappellent ainsi que cet article 35


n’indique pas que le peuple doit négocier avec des
gouvernements tyranniques. En revanche, ils
continuent à réclamer le respect de leur choix des
urnes du 27 août 2016, autrement dit :
- La reconnaissance de Jean Ping, comme
président élu par les Gabonais, une place qui lui
revient de droit ;
- La dissolution du Parlement actuel ;
- L’ouverture d’une enquête internationale sur
les crimes post-électoraux du 31 août 2016 ;
- La libération de tous les prisonniers politiques
etc.

certains messages postés par la Diaspora


gabonaise à travers les réseaux sociaux méritent
d’être lus ici :
« Nous luttons pour nos enfants, nous luttons pour
nos familles, nous luttons pour le Gabon éternel… ».
ou bien :
« Mes amis, compagnons de lutte, Amis du Gabon,
Nous marchons jusqu’au départ d’Ali Bongo.
Nous marchons pour le respect de la volonté
souveraine du peuple gabonais.

207
Gabon

Nous marchons jusqu’à l’investiture du Président


Jean Ping, élu démocratiquement par le peuple
gabonais le 27 août 2016.
Nous marchons pour la dignité et pour la
démocratie.
Avec notre président élu Jean Ping, nous irons
jusqu’au bout, jusqu’à la victoire finale…
Venez nombreux !!! »

Diaspora gabonaise, comité de la rESIStANcE/


Insurrection présidentielle 2016/cri d’Espoir Du
Peuple Gabonais
Paris 10 novembre 2016.

Ainsi, de Paris à New york, de Prétoria à


Moscou, de Londres à rome, du Sénégal à Ottawa,
de Madrid à Accra.., les Gabonais manifestent où
qu’ils se trouvent.
Ils marchent en chantant, ils chantent en
pleurant leurs morts tombés sous les balles du
dictateur…
Ils dansent en criant l’injustice et l’oppression
subies par leur peuple depuis près de 200 ans.
Ils entonnent leur hymne national « La
concorde » comme un chant de guerre…
Ils chantent des chants traditionnels sur les
boulevards et les places publiques du monde,
comme pour se donner du courage…
Ils scandent : « la Patrie ou la mort, nous
vaincrons ! », sur le parvis des droits de l’homme…

208
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2021 à Stéphane Oyono
Épilogue

Ils prient pour leurs martyrs dans les Eglises et


chantent l’Alléluia. !
Mais deux mots reviennent dans leur bouche
comme des refrains : Démocratie et Liberté !
Cher Gabon bien aimé,

Te voilà enfin arrivé au terme de ta grossesse


que tu as portée pendant 9 mois, 9 longs mois.
Les contractions sont de plus en plus accélérées.
Tu as mal, très mal, tu perds du sang,
beaucoup de sang…
Mais il te faut pousser, pousser très fort,
pousser très très fort, pousser encore plus fort.
Cet enfant qui va naître dans le sang
et la douleur,
tu lui donneras le nom de LIBERTE !

Anonyme
BIBLIOGrAPHIE

cette bibliographie est volontairement sélective,


étant donné la diversité des problèmes abordés ici,
en rapport avec le sous-développement du Gabon
et les événements du 31 août 2016.
Elle est composée d’études diverses sur l’histoire
moderne et contemporaine du Gabon.
Il s’agit d’ouvrages et (ou) travaux de spécialistes,
mais aussi des discours d’hommes politiques, des
Interviews etc.

. Discographie
Akendegue (Pierre) : « Salut aux combattants de
la liberté ».- Production NtyE.
Un 33 tours (3,5mm). Œuvre à caractère
culturel et artistique

. Quelques passages de discours et Interviews


- Extraits de discours du président Léon Mba

211
Gabon

figurent dans le rapport d’yves corvaisier,


commisaire au Plan, conseiller technique du
président Léon Mba 27 mai 1962 et 1er mai 1963.
(archives privées d’yves corvaisier)
-Discours du 25 février 1973 du président
Omar Bongo
-Discours du président de la convention de la
Diaspora Gabonaise (cDG).- Paris.- 7novembre
2016.-
Constitution de la République gabonaise
(révisée par la loi n° 13/2003 du 19 août 2003).-
article 10.- 39 p.
Interview du président Jean Ping.- Libreville.-
le 16 juin 2016.-
Projet de société de Monsieur Ali Bongo.-
Libreville.- mai 2009.
Projet de société du préside Jean Ping.- mai
2016.

. Quelques ouvrages de références

- Airault (Pascal) et Bat (Jean-Pierre) :


Françafrique : opérations secrètes et affaires d’Etat.-
Paris.- tallandier.- 2016.- 207 p.
- Basle (M) : Histoire des pensées économiques : les
contemporains, Edition Syrey,
Paris. 1988.
- Bongo (Omar) : Gouverner le Gabon.- Paris.-
Société des Editions. P. Bory

212
Bibliographie

- Decheix (Pierre) : La réforme de la Constitution


gabonaise du 7 décembre 1967 dans revue Juridique
et Politique, Indépendance et coopération.- t 22.-
N°1 à 168.- Paris.- janvier 1968.
cAOM.- c n° 20389 – Voir la loi N° 21-67 du
13 décembre 1967 - JO Gabon.- 15 01 1968.- p.
251.
Il s’agit du dernier alinéa de l’article 6 de la
constitution gabonaise de 1961 qui fut modifiée
le 15 février 1967.
- Gaulme (François) : Le Gabon et son ombre.-
Paris. – Karthala.- 1988.- les Afriques.
- Maganga Moussavou (Pierre-claver) : Aide
publique de la France au. – développement du Gabon
depuis l’indépendance 1960 – 1978.- Paris.-
Publication de la Sorbonne.- 1982 – 303 p.
** ce livre démontre l’ampleur des contraintes
imposées par l’aide publique de la France qui
perpétue des liens de type colonial sans l’avouer
officiellement)

-**Mays-mouissi.com : Economie du Gabon :


Etat des lieux et impacts de la crise post-électorale.-
Mays-mouissi. com.- 2016.- 83 p.

- Médard (Jean François.) : La spécificité des


pouvoirs africains, in Les pouvoirs africains, Pouvoir
N°25, 1983.

213
Gabon

- Mende (Tibor) : « De l’aide à la recolonisation.


Les leçons d’un échec ».- Paris.-
Seuil, 1972

- Meteghe n’nah (Nicolas) : L’implantation


coloniale au Gabon : résistance d’un peuple.- Paris.-
l’Harmattan.- 1980.- 114 p.

- NGUEMA (Marie Thérèse) : La politique


économique et sociale du Gabon 1945-1975.- thèse
de 3e cycle Limoges.- mai 1998.- 452 p.

- Ondo Ossa (A) : Le paradoxe du Gabon : un


pays riche mais sous-développé, thèse
d’Etat Economie, Nancy 1984.

- Paulin (Joachim) : « Hommage au président


Léon Mba ».- Interview du président Albert Bernard
Bongo accordée à Paulin Joachim.-dans Europe-
France Outre-mer du 2 décembre 1967.- p. 13.
cAOM.- cn° 20230.

- Péan (Pierre) : Nouvelles affaires africaines.-


Paris.- Fayard.- 2014.- 239 p.

- Péan (Pierre) : Affaires africaines.- Paris.-


Fayard.- 1983.- 339 p.

- Péan (Pierre) : l’Argent noir : corruption et sous-


développement.- Paris.- Fayard. 1990.- 278 p.

214
Bibliographie

- Péan (Pierre) : L’homme de l’ombre, éléments


d’enquêtes autour de Jacques Foccart, l’homme plus
mystérieux et le plus puissant de la Ve République.-
Paris.- Fayard.- 1991.- p. 313 ;

- Péan (Pierre) : La République des mallettes.-


Paris.- Fayard.- 2011.- 484 p.

*** Des affaires africaines aux Nouvelles


affaires africaines, en passant la République des
mallettes et l’Argent noir, Pierre Péan dont
les thèmes de prédilections sont la politique,
les intérêts économiques (corruption) et les
ambitions, est reconnu comme l’un des journalistes
d’investigation les plus audacieux et opiniâtre de sa
profession. Sa documentation nous a toujours
amenée à prendre du recul vis-à-vis de l’histoire
officielle du Gabon.

- Ping (Jean) : Eclipse sur l’Afrique fallait-il tuer


Kadhafi ? - Paris.- Michalon.- 2014. 209 p. *
Expériences et leçons d’un diplomate à la tête de
l’Union africaine.

-Pourtier (Roland) : Le Gabon : Etat et


développement.- l’Harmattan.- t 2.- Paris.- 1989.-
345 p. *** Un livre essentiel pour comprendre le
Gabon.

215
Gabon

- Sacha (Simon) : « Les bûcherons de l’Equateur ».


– dans le Figaro.- N°806.- du 15- 16 août1970.-
p. 5 cAOM cn° p.410.
-Sanmarco (Louis) : « Le colonisateur colonisé ».-
Paris.- 1983.- Imprimerie A.B.c
(Pierre Fanlac).- 230 p.
Un livre témoignage de l’auteur. c’est surtout
un autre regard sur la colonisation vécu de
l’intérieur, cette fois-ci par le colonisateur.

- Verschave (François-Xavier) : La Françafrique,


le plus long scandale de la
République.- Paris.- Stock.- 1998.- 380 p.
François-Xavier V était un économiste de
formation, ancien président de l’association Survie.
(Wikipédia).
très connu pour ses prises de position
concernant les relations Franco-africaines, relations
très controversées.
Selon la thèse de Verschave, une grande majorité
de présidents et dictateurs africains des anciennes
colonies françaises ont été mis en place, soutenus et
protégés par l’Etat français, notamment Omar
Bongo, Gnassingbé Eyadéma (togo), Paul Biya
(cameroun, Denis Sassou-Nguesso (congo), Blaise
compaoré (Burkina Faso) ou Idriss Déby (tchad).
On note l’inaction face à des guerres reposant sur
des schémas ethniques, comme l’extermination des
tutsi au rwanda, voire leur encouragement..

216
Bibliographie

- Zomo YEBE (Gabriel) : Comprendre la crise de


l’économie gabonaise.-Paris.- l’Harmattan.-1993.-
268 p.
Un livre qui apporte un éclairage nouveau à
l’explication des limites des mesures du F.M.I. à
partir de l’exemple du Gabon. Il montre qu’en
dehors de la conjoncture internationale, les causes
des déséquilibres économiques sont à rechercher
dans la stratégie gabonaise de développement et
dans le contexte socio-politique créé par
lemonopartisme.. et montre les nouvelles
conditions de la réussite et de l’approfondissement
de l’ajustement en Afrique et au Gabon.

Quelques sites en rapport avec le sujet

- Mays-mouissi. com.- 2016.- 83 p.


www.jeuneafrique.com/323112/presidentielle-
gabon-jean-ping-a-devoile-programme… 5 mai
2016.
Gabon24blog.- Libreville.- 17.- juillet.- 2016.
- h t t p s : / / g a b o n 2 4 b l o g . w o rd p re s s . c o m :
2016/04/08/l-avion-qui-a-transporte-les-armes
refera-une-deuxième-tour-a-libreville/
https :/fr.m.wikipédia.org, wiki, Françafrique
tABLE

INtrODUctION - L’ASSAUt crIMINEL DU 31 AOût


2016 AU QG DE JEAN PING ……………………… 11

PrEMIèrE PArtIE -LE GABON SOUS ALI BONGO


ONDIMBA ………………………………………… 27

chapitre 1- Les problèmes politiques depuis 2009


au Gabon ………………………………………… 29
chapitre 2 - Problèmes économiques une gestion
chaotique des richesses du pays ………………… 35
chapitre 3 - Problèmes sociaux un régime violent et
sanguinaire ……………………………………… 57
chapitre 4 - Le phénomène des crimes rituels ou le
braconnage des êtres humains …………………… 65
chapitre 5 - La menace islamiste ………………… 69
chapitre 6 - Jean Ping : la cible ………………… 71

DEUXIèME PArtIE - JEAN PING : L’HOMME


PrOVIDENtIEL …………………………………… 75

chapitre 1 - Jean Ping : l’homme qui a redonné


espoir au peuple gabonais ……………………… 77
chapitre 2 - Son projet pour le Gabon ………… 83
chapitre 3 - Mais qui est Jean Ping ? …………… 89

221
Gabon

trOISIèME PArtIE - DErrIèrE LA crISE


POSt-ÉLEctOrALE DU 31 AOût 2016 : L’ENJEU ……95

chapitre 1 - Les caractéristiques de l’économie


gabonaise : Une économie très dépendante ………101
chapitre 2 - La racine du mal gabonais …………109
chapitre 3 - Une recolonisation nommée
Françafrique de Jacques Foccart …………………117
chapitre 4 - Un silence complice, un silence
coupable… ………………………………………139

QUAtrIèME PArtIE - LES DÉFIS À VENIr


POUr LE GABON …………………………………165

chapitre1 - Eviter les erreurs des années Bongo …167


chapitre 2 - Les conséquences politico-sociales
de cette géopolitique ……………………………183
chapitre 3 - Les défis à venir pour le futur élu ……187

EPILOGUE - LA FrANcE EN cLAIr-OBScUr ………197

BIBLIOGrAPHIE ……………………………………211
Achevé d’imprimer par Corlet Numérique - 14110 Condé-sur-Noireau
N° d’Imprimeur : 138088 - Dépôt légal : avril 2017 - Imprimé en France
Gabon
L’impossible décolonisation dans la Françafrique
Est-ce oubli, négligence ou volonté d’opacité ? Malgré les
discours, les articles de journaux, les scandales de Biens mal
acquis ou les meetings de campagnes électorales, personne –
au Gabon comme en France – n’ose dresser le vrai bilan des
politiques publiques « des années Bongo ».
Marie-érèse Landon a profité des élections du 27 août
2016 et des événements sanglants qui ont suivi pour dresser
le bilan économique et social « des Bongo père et fils », entre
malversations et dérives monarchiques et criminelles liées
aux accords occultes de la Françafrique. Elle dénonce égale-
ment les nombreuses violences exercées par un régime auto-
cratique sur une population gabonaise désarmée, et surtout,
le coup d’État permanent dont Ali Bongo est devenu le
spécialiste.
Il importe surtout de mieux faire connaître Jean Ping,
l’homme au parcours brillant, l’homme que le peuple gabo-
nais a élu démocratiquement dans les urnes à l’élection
présidentielle du 27 août 2016 pour reconstruire le Gabon
nouveau et conduire son destin.

Marie-Thérèse Landon est docteur en histoire politique à


l’Université de Limoges. Elle est spécialisée dans la politique
économique et sociale du Gabon au temps d’Omar Bongo. Elle
a d’abord enseigné l’histoire-géographie à l’Institut Leschi à
Marseille, avant de militer au sein de la Convention de la
Diaspora Gabonaise (CDG) pour la liberté et la démocratie au
Gabon, son pays d’origine.

ISBN : 979-10-302-0057-7

2017-II 20 €

Licence cant-11-5818067-8
2021

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