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augustin
dans l’histoire
itinéraires augustiniens . 23
poésie et la sagesse sont liés à une langue, une époque et une
culture qui nous sont éloignées et peu familières. Les « titres »
énigmatiques des psaumes en sont les témoins. Le second
« sceau » serait la traduction. Le Psautier est le livre biblique le
plus traduit et une multitude de versions existe, y compris dans
une même langue. Même si traduire n’est pas toujours trahir, la
distance entre l’écrit originel et le texte qui est sensé en être la
traduction peut être considérablement grande. Le troisième
« sceau » est la numérotation. Différente selon les versions, elle
entraîne la confusion. La numérotation de la Septante et de la
Vulgate, reprise par la plupart des traductions modernes dont
celle de la liturgie, ne correspond pas à celle de l’hébreu.
Certaines indiquent les deux, non sans semer le doute. Le
quatrième « sceau » peut être le langage poétique ainsi que la
diversité de styles et de tonalités. On passe d’un psaume à
l’autre, et parfois dans un même psaume, de la louange à la
supplication, des cris de désespoirs aux exclamations de joie, de
la révolte à l’action de grâce, d’une invitation sapientielle à
l’appel au combat. Le cinquième « sceau » est l’ambiguïté des
sujets. Il n’est pas simple de savoir qui parle dans les psaumes.
Le « je » se change souvent en « il » ou en « nous ». Le sixième
« sceau » est plus délicat. Il s’agit de la violence qui parcourt le
Psautier. Il n’est pas évident de percevoir la présence de Dieu
ni d’entendre sa Parole dans le déchaînement de la vengeance,
de la haine et de la guerre. Enfin, le septième « sceau » pose la
question de l’appropriation. Entrer dans la prière et les
sentiments d’autrui peut s’avérer périlleux et infructueux. La
louange de l’Eglise peut-elle se fondre dans celle d’Israël ?
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« Je m’écriais car ce que je lisais au dehors, je le
reconnaissais au-dedans » (Confessions IX, IV, 10). Ce qui est
« écrit au-dehors », comme pour le livre scellé de l’Apocalypse,
est la lettre du Psautier. Ce qui est « écrit au-dedans » en est
comme l’impression dans le cœur et l’expression dans la vie.
Passer du « dehors » au « dedans », s’ouvrir intérieurement à la
Parole de Dieu et la laisser transformer sa vie, c’est le chemin
emprunté par Augustin. Chemin de son expérience personnelle
avec le Christ qui a chanté et prié les psaumes. Chemin de son
intelligence chrétienne des psaumes. C’est aussi le chemin qu’il
ouvre comme pasteur afin que les fidèles l’empruntent à leur
tour.
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La liturgie des heures ou la « contemplation » du Christ
et de l’Eglise
Les commentaires de saint Augustin nous conduisent à
mieux goûter et à mieux pratiquer la prière des psaumes dans
la liturgie des heures. Elle nous immerge dans la contemplation
du mystère du Christ et de l’Eglise. « Contemplation », dans le
sens de ce qui est vu et de ce qui est vécu de l’intérieur. Tous les
documents de l’Eglise rappellent que la liturgie des heures est
avant tout la prière du Christ continuée dans la prière de
l’Eglise ou plutôt la prière de l’Eglise unie à sa tête. « La prière
de l’Eglise est en même temps « la prière du Christ que celui-ci,
avec son corps, présente au Père » (Sacrosantum Concilium 84).
« Il est donc nécessaire que, lorsque nous célébrons l’office, nous
« reconnaissions l’écho de nos voix dans le Christ et l’écho de la
1
Laudis voix du Christ en nous » (Laudis Canticum1 8).
Canticum est la
constitution Voilà pourquoi, elle est « l’office du Peuple de Dieu » et
apostolique par non pas seulement des clercs ! Elle n’est pas « une action
laquelle Paul VI a
promulgué en privée ; elle concerne tout le corps de l’Eglise, elle le manifeste
1970 la réforme et elle l’affecte tout entier » (SC 26 ; PGLH 20). Prier les
de l’office divin,
psaumes, dans la liturgie des heures, c’est entrer au cœur du
à la suite de
Vatican II. monde dans la vision haute, large, longue et profonde du
mystère de communion entre le Christ et l’Eglise. C’est entrer,
par le Christ total, dans le dessein total de Dieu.
« Chacun participe à cette prière, qui est la prière
propre d’un corps mystique, car en elle s’unissent les prières
qui expriment la voix de l’épouse bien aimée du Christ »
(Laudis Canticum 8). Le ministre ordonné qui préside l’office
représente alors le Christ-Epoux (« in persona Christi sponsi »)
tandis que les fidèles qui participent à l’office représentent
l’Eglise-Epouse (in persona Ecclesiae sponsae).
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hommes. […] En effet, toutes leurs activités, leurs prières et
leurs entreprises apostoliques, leur vie conjugale et familiale,
leurs labeurs quotidiens, leurs détentes d’esprit et de corps, s’ils
sont vécus dans l’Esprit de Dieu, et même les épreuves de la
vie, pourvu qu’elles soient patiemment supportées, tout cela
devient «offrandes spirituelles, agréables à Dieu par Jésus-
Christ» (1P 2,5) » (Lumen Gentium 34).
Célébrer la liturgie des heures et prier les psaumes ne
relèvent pas d’un pieux exercice de piété personnelle. C’est
s’unir à la voix du corps mystique du Christ qu’est l’Eglise,
entrer dans la louange perpétuelle de Dieu et participer au
sacerdoce du Christ. Ce sacerdoce se réalise pour chaque
baptisé dans la prière du cœur et à travers tous les actes de sa
vie. « Lingua tua ad horam laudat, vita tua semper laudet » (si
la louange n’est qu’un moment sur ta langue, elle doit être
continuellement dans ta vie, En. in Ps. 146, 1).
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pénètre notre cœur et s’inscrit plus facilement dans notre
mémoire. La force cachée des psaumes, dans le fond comme
dans la forme, est une force d’intériorisation de la Parole de
Dieu, d’une inhabitation et d’une transfiguration de toute
l’existence humaine par Dieu. Voilà pourquoi les moines ont été
les premiers à les avoir mis au cœur de leur prière et de leur
vie. La prière du chœur nous ramène toujours à la prière du
cœur.
La sanctification du temps
« Sanctifier la journée et toute l’activité humaine est
l’un des buts de la Liturgie des Heures ». Cette sanctification
est puisée dans l’union au corps du Christ. « Oserai-je bien
dire : parce que je suis saint ? demande Augustin, saint et me
sanctifiant. […] Que tout le corps de Jésus Christ, que cet
homme qui crie vers Dieu des extrémités de la terre, ose bien
dire avec son chef et sous son chef : « parce que je suis saint ».
Celui qui prie les psaumes entre non seulement dans la
méditation de l’histoire sainte du salut, mais à la lumière du
Christ et de l’Eglise, sa vie entre dans l’histoire sainte.
Le désir d’éternité
Les psaumes sont traversés par le désir de Dieu. Après
la Révélation du Christ, ce désir est toujours ardent. Grâce aux
psaumes priés dans le mystère du Christ total, il pousse le
cœur des membres du corps à être pleinement unis au Christ. Il
nous faut emprunter l’itinéraire des psaumes, pratiquer ses
chemins, mêler heure après heure nos voix, nos cœurs et nos
vies, « jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité
dans la foi et dans la connaissance du Fils de Dieu, à l’état
d’adultes, à la taille du Christ dans sa plénitude » (Eph 4, 13).
Les psaumes, comme nos vies, restent inachevés puisque le
corps du Christ continue de se construire. (Cf. Eph 4, 16).
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l’Incarnation et entrevoit le mystère du Christ total, mystère de
l’union du Christ-tête avec les membres de son corps qui est
l’Eglise. Son expérience spirituelle du Christ « intérieur » le
conduit, comme pasteur de l’Eglise, à une « intelligence
chrétienne des psaumes » ouverte à tous.
Quand il prêche, il veut que tous ses fidèles, même les
plus humbles, entrent dans la louange des psaumes. Ses
commentaires sont une véritable catéchèse qui allume dans les
cœurs un « amour nouveau » des psaumes, comme le souhaitait
Paul VI, un amour du Christ et de l’Eglise. Or, aujourd’hui,
rares sont les prédications sur les psaumes… Elles
permettraient aux chrétiens de reconnaître en eux non
seulement la Parole de Dieu, mais aussi la réponse de leur
cœur et ainsi d’entrer dans un cœur à chœur avec Dieu. Peut
être que la liturgie des heures est cette grande catéchèse des
psaumes, puisque c’est l’échange, l’écho de voix entre l’époux et
l’épouse qui engendrent la louange.
Au fil de ses commentaires, Augustin édifie une école
dont il n’est pas le maître mais plutôt l’un des élèves. Cette
école est une « schola », au sens musical et liturgique du terme.
Le chœur des psaumes est l’Eglise, à la fois terrestre et céleste.
Le maître de chœur n’est autre que le Christ lui-même, le
maître du cœur de l’homme. Les psaumes deviennent une
partition dont le chant est une symphonie divine interprétée à
l’unisson par le cœur, la voix et la vie des hommes « Heureux
est l’homme » (Ps 1,1) qui prend le chemin des psaumes et qui
s’achemine de jour comme de nuit, dans la joie comme dans la
peine, dans le temps et pour l’éternité, à l’école du Christ dont
il est le maître pour « que tout être vivant chante louange au
Seigneur ! Alléluia ! » (Ps 150, 1).
Arnaud FRANC
Diacre du diocèse de Toulouse
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