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CHAPITRE

35
Masses cervicales

Richard Nicollas, Éric Moreddu

PLAN DU CHAPITRE
■■ Tuméfactions des régions latérales
yy Masses congénitales
yy Masses non congénitales
■■ Tuméfactions de la région médiane
yy Lésions congénitales
yy Lésions non congénitales

ORL de l'enfant
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272 Pathologies cervico-faciales

Points clés

Les tuméfactions cervicales sont un motif de consultation ORL fréquente
en pédiatrie.

Elles peuvent être congénitales ou acquises, latérales ou médianes,
bénignes ou malignes.

Elles sont d'origine conjonctive, ganglionnaire, endocrinienne ou salivaire.

Le diagnostic repose sur l'examen clinique, une imagerie adaptée et
nécessite le plus souvent un examen anatomopathologique.

La prise en charge thérapeutique est spécifique à chaque type lésionnel.

Tuméfactions des régions latérales


Masses congénitales
Masse rénitente
Il s'agit très probablement d'une malformation lymphatique (figure  35.1) (voir
chapitre 37).

Masse dure
Fibromatosis colli [1]
■ Cette affection touche le nouveau-né ou le nourrisson.
■ Celui-ci présente une attitude en torticolis et une lésion nodulaire dans le
muscle sternocléidomastoïdien.
■ L'aspect échographique est très évocateur, avec une masse oblongue bien
­limitée dans le corps du muscle.
■ Le traitement consiste en de la kinésithérapie et la rotation de la tête vers le
côté opposé.

Figure 35.1. Malformation lymphatique latérocervicale chez un nouveau-né âgé


de 1 jour.
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Tératomes [2]
■ Les tératomes sont souvent diagnostiqués en anténatal (figure 35.2).
■ La présentation est variable en fonction de la localisation et du volume.
■ Les tératomes sont responsables de troubles respiratoires ou alimentaires aigus
selon leurs rapports avec l'axe aérodigestif.
■ Une IRM est indiquée dans le cadre du bilan préopératoire (figure 35.3).
■ Le traitement est chirurgical.

Figure 35.2. IRM fœtale en séquence T2 montrant un fœtus de 24 semaines


porteur d'un volumineux tératome cervical.

Figure 35.3. Scanner en reconstruction coronale montrant un tératome thyroïdien


sur un nouveau-né âgé de quelques heures adressé dans un tableau de détresse
respiratoire aiguë.
On note l'effet de masse de la tumeur sur la trachée.
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■ Un dosage des α-fœtoprotéines est réalisé en préopératoire, puis tous les


3 mois pendant 2 ans.

Masses non congénitales


À l'exception des lésions congénitales de révélation secondaire, ces masses sont en
règle générale fermes ou dures à la palpation. Nous distinguerons les masses non
ganglionnaires des masses ganglionnaires, et dans chaque catégorie, les lésions
bénignes des lésions malignes.
Le diagnostic peut être évoqué par l'imagerie mais nécessite généralement un
examen histologique.
Masses non ganglionnaires
Tumeurs bénignes
Pilomatrixome [3]
■ C'est une masse superficielle, intradermique, adhérente au plan superficiel, et
non adhérente aux plans profonds (figure 35.4).
■ L'échographie révèle un aspect de microcalcifications.
■ Le traitement est chirurgical, consistant en une exérèse complète.

Lipoblastome
■ Il s'agit d'une masse souple, irrégulière, généralement fixée au plan profond.
■ L'échographie montre une masse tissulaire.
■ Le scanner ou l'IRM révèle une nature graisseuse, et peut montrer l'extension
aux structures adjacentes.
■ Le traitement repose sur l'exérèse chirurgicale complète.

Tumeurs malignes
Neuroblastomes
■ Ce sont les tumeurs malignes les plus fréquentes chez le petit enfant.
■ La localisation cervicale est plus fréquente avant l'âge de 3 ans.

Figure 35.4. Pilomatrixome préauriculaire gauche.


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■ Les manifestations cervicales consistent en une adénopathie métastatique ;


des déficits neurologiques sont retrouvés, en rapport avec l'envahissement des
racines du plexus brachial voire de la moelle épinière. Il existe aussi un syndrome
de Claude Bernard-Horner.
■ Le bilan biologique comprend un dosage des catécholamines urinaires (acides
homovanillique et vanylmandélique) et un dosage de la neuron specific enolase
dont l'élévation signe le diagnostic
■ Une TDM ou une IRM permettent d'apprécier l'extension locale. Une scinti-
graphie à la MIBG (métaiodobenzylguanidine) permet le diagnostic positif en cas
de fixation (figure 35.5) et de rechercher des localisations métastatiques.
■ Le taux d'amplification de l'oncogène N-MYC, déterminé à partir d'un
prélèvement tissulaire de la lésion, est un élément pronostique important [4].
L'âge inférieur à 1 an est un critère de bon pronostic quelle que soit l'extension
initiale [5].
■ Le traitement curatif sera fonction du stade et pourra consister en une chirur-
gie et/ou une chimiothérapie (figure 35.6).
Rhabdomyosarcomes
■ Un tiers des rhabdomyosarcomes sont de localisation cervicale.
■ Le pic de fréquence est entre 1 et 4 ans.
■ Le pronostic dépend de l'histologie (meilleur pronostic pour les formes
embryonnaires que pour les formes alvéolaires) et de la localisation anatomique
(meilleur pronostic pour les formes non paraméningées).
■ Le bilan d'extension fait surtout appel à l'imagerie (figure 35.7).
■ Le traitement est fonction de l'extension et repose sur la chimiothérapie plus
ou moins associée à la chirurgie (figure 35.8) voire à la radiothérapie.

FACE ANTERIEURE
DROITE GAUCHE

Figure 35.5. Hyperfixation d'un neuroblastome cervical gauche sur une


scintigraphie au MIBG.
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Figure 35.6. Vue opératoire du neuroblastome dont la scintigraphie apparaît


en figure 35.5.

Figure 35.7. IRM en séquence T1 avec injection de gadolinium montrant un


rhabdomyosarcome de la fosse infratemporale gauche descendant à la partie
haute du cou.
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Figure 35.8. Rhabdomyosarcome de la région thyroïdienne gauche.


a. TDM, coupe axiale avec injection de produit de contraste. b. Vue opératoire lors de
l'exérèse du reliquat.

Masses ganglionnaires
Lésions bénignes
Adénites
Voir le chapitre 31.

Adénopathies malignes
Métastases ganglionnaires d'une lésion primitive (figure 35.9)
■ Il peut s'agir :
 d'un neuroblastome ;
 d'une tumeur du cavum ;
 d'un rhabdomyosarcome.
 d'une tumeur thyroïdienne qui doit être systématiquement recherchée en
cas de masse ganglionnaire basicervicale.
■ Le traitement de ces métastases est spécifique de chaque type tumoral et
dépend de la localisation du cancer primitif et de son extension.
Lymphome
■ Il s'agit d'une lésion ganglionnaire primitive.
■ Elle se présente sous forme d'une adénopathie volumineuse.
■ Il n'y a pas de contexte infectieux.
■ Une altération de l'état général est fréquemment retrouvée.
■ Le taux de LDH est très élevé.
■ Le bilan consiste en une imagerie corps entier à la recherche d'autres localisa-
tions, une biopsie ostéomédullaire, une ponction lombaire.
■ Le traitement consiste en une chimiothérapie parfois associée à une radiothé-
rapie [6] – les corticoïdes sont formellement proscrits dans ce contexte.
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Figure 35.9. IRM en séquence T2, reconstruction sagittale, montrant une


volumineuse adénopathie métastatique d'un neuroblastome.

Tuméfactions de la région médiane


Lésions congénitales
Il s'agit des kystes du tractus thyréoglosse et des kystes dermoïdes (voir chapitre 33).

Lésions non congénitales


Ce sont les nodules thyroïdiens. Devant une telle découverte chez un enfant sans
antécédent particulier, il convient de :
■ réaliser une palpation cervicale soigneuse à la recherche d'une adénopathie ;
■ de pratiquer un bilan sanguin avec dosage de la FT3, FT4, TSHUS, TCT ;
■ ensuite de réaliser une échographie avec, idéalement, une cytoponction à
l'aiguille fine [7, 8].
En fonction du résultat cytologique, il sera décidé de surveiller ou d'opérer
l'enfant [8].
L'algorithme diagnostique face à une tuméfaction cervicale chez un enfant est
présenté à la figure 35.10.
Tuméfaction cervicale

Latérale Région médiane

Non congénitale Congénitale Non congénitale Congénitale

– Arcs branchiaux
– Malformations – Nodule thyroïdien bénin – KTT
Tumeurs non Tumeurs vasculaires – Nodule thyroïdien malin – Kyste dermoïde
ganglionnaires ganglionnaires (lymphatiques)

Bénigne Maligne Bénigne Maligne

– Pilomatrixome – Adénites

Masses cervicales
– Neuroblastome – Métastases
– Rhabdomyosarcome – Lymphomes

Figure 35.10. Algorithme de diagnostic d'une tuméfaction cervicale de l'enfant.


KTT : kyste du tractus thyréoglosse.

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Références
[1] Skelton E, Howlett D. Fibromatosis colli : the sternocleidomastoid pseudotumour of infancy.
J Paediatr Child Health 2014 ; 50(10) : 833–5.
[2] Sheikh F, Akinkuotu A, Olutoye OO, et al. Prenatally diagnosed neck masses : long-term out-
comes and quality of life. J Pediatr Surg 2015 ; 50(7) : 1210–3.
[3] Kwon D, Grekov K, Krishnan M, et al. Characteristics of pilomatrixoma in children : a review of
137 patients. Int J Pediatr Otorhinolaryngol 2014 ; 78(8) : 1337–41.
[4] Goto S, Umehara S, Gerbing RB, et al. Histopathology (International Neuroblastoma Pathology
Classification) and MYCN status in patients with peripheral neuroblastic tumors : a report from
the Children's Cancer Group. Cancer 2001 ; 92(10) : 2699–708.
[5] Navarro S, Amann G, Beiske K, et al. European Study Group 94.01 Trial and Protocol. Prognostic
value of International Neuroblastoma Pathology Classification in localized resectable periphe-
ral neuroblastic tumors  : a histopathologic study of localized neuroblastoma European Study
Group 94.01 Trial and Protocol. J Clin Oncol 2006 ; 24(4) : 695–9.
[6] Urquhart  A, Berg  R. Hodgkin's and non-Hodgkin's lymphoma of the head and neck.
Laryngoscope 2001 ; 111(9) : 1565–9.
[7] Moudgil P, Vellody R, Heider A, et al. Ultrasound-guided fine-needle aspiration biopsy of pedia-
tric thyroid nodules. Pediatr Radiol 2016 ; 4(3) : 365–71.
[8] Francis GL, Waguespack SG, Bauer AJ, et al. The American Thyroid Association Guidelines Task
Force on Pediatric Thyroid Cancer. Management guidelines for children with thyroid nodules
and differentiated thyroid cancer. Thyroid 2015 ; 25(7) : 716–59.

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