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CHAPITRE

36
Pathologies des glandes
salivaires

Frédéric Faure, Jérôme Nevoux

PLAN DU CHAPITRE
■■ Pathologies obstructives
yy Lithiases
yy Parotidite chronique juvénile
yy Ranulas
■■ Incompétence salivaire

■■ Pathologies tumorales
yy Épidémiologie
yy Diagnostic
yy Diagnostics différentiels
yy Traitement

ORL de l'enfant
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282 Pathologies cervico-faciales

Points clés

Les lithiases salivaires sont rares et essentiellement sous-mandibulaires.
Elles se traduisent par des gonflements douloureux (coliques salivaires)
sous-mandibulaires ou parotidiens. Elles sont localisées par échographie
ou mieux par TDM. Le traitement de première ligne consiste à retirer la
lithiase par voie endobuccale voire par sialendoscopie.

La parotidite chronique juvénile entraîne des gonflements inflamma-
toires douloureux parotidiens débutant vers l'âge de 3 ans et guérissant
souvent à la puberté. L'échographie montre des dilatations des canaux
excréteurs salivaires. Un bilan biologique élimine un déficit immunitaire
ou une maladie auto-immune sous-jacente.

Les kystes salivaires ou ranulas sont liés à une obstruction de canaux
excréteurs salivaires et sont d'étendue très variable. Leur traitement
consiste en une ouverture la plus large possible du kyste (marsupialisa-
tion) éventuellement associée à une exérèse de la glande sublinguale.

Les tumeurs des glandes salivaires peuvent être bénignes (hémangiomes
parotidiens du nourrisson, adénomes pléomorphes) ou malignes (essentiel-
lement carcinomes mucoépidermoïdes et carcinomes à cellules acineuses).

Des lymphangiomes ou des kystes de la 1re fente branchiale peuvent éga-
lement concerner la parotide.

Pathologies obstructives
Lithiases
■ Les lithiases salivaires sont rares chez l'enfant (moins de 200 cas décrits). Elles
représentent 5 % des lithiases tous âges confondus. Elles touchent essentiellement
les glandes sous-mandibulaires.
■ Le diagnostic clinique met en évidence des gonflements du territoire sous-
maxillaire ou parotidien pendant les repas (hernie) pouvant être associés à une
douleur (colique) voire une surinfection (sous-mandibulite ou parotidite).
■ La palpation bidigitale reste essentielle pour le diagnostic des lithiases sous-
mandibulaires de taille supérieure à 5 mm.
■ Les examens complémentaires permettent de confirmer la présence de
lithiases uniques ou multiples et leur localisation :
 l'échographie est indiquée en phase aiguë mais peut ignorer les lithiases du
canal de Wharton ou les lithiases de faible taille du plancher antérieur ;
 le scanner et le cone beam évaluent au mieux taille, nombre et localisation
des lithiases (figure 36.1).
■ Traitements :
 le traitement est conservateur de première intention ;
 l'extraction des lithiases sous-mandibulaires palpables peut être proposée
à partir d'une taille endobucccale pour extraction associée à un contrôle par
voie endoscopique (sialendoscopie) ;
Pathologies des glandes salivaires 283

 la sialendoscopie permet de retirer avec une sonde à panier par le canal les
lithiases flottantes du canal ou de fragmenter au laser les lithiases enclavées
(figures 36.2 et 36.3).

Parotidite chronique juvénile


■ C'est la plus fréquente des pathologies parotidiennes de l'enfant après les oreillons.
■ Elle se définit comme une succession de gonflements parotidiens à répétition
uni- ou bilatéraux sans surinfection (il n'y a pas de pus au niveau du canal de Sténon).
■ La parotidite débute à partir de 3 ans et s'améliore classiquement à la puberté.

Figure 36.1. Scanner pour lithiases Figure 36.2. Extraction de lithiase avec


sous-mandibulaires bilatérales. sonde à panier.
Les lithiases sont visibles (flèches)
sous formes de nodules calcifiés dans
les régions submandibulaires.

Figure 36.3. Fragmentation au laser de Figure 36.4. Aspect endoscopique


lithiase. d'une parotidite récurrente juvénile.
284 Pathologies cervico-faciales

■ L'échographie objective un aspect de sialectasies (rétentions punctiformes mul-


tiples de salives) interprétées souvent à tort comme de multiples microlithiases.
■ On retrouve dans la parotidite chronique juvénile un aspect endoscopique de
canal étroit pour l'âge avec un aspect blanchâtre métaplasique témoignant d'une
inflammation chronique (figure 36.4).
■ Le traitement est symptomatique lors des poussées.
■ Dans les formes invalidantes, l'irrigation par cathéthérisme des voies salivaires
peut être proposée. La sialendoscopie sous anesthésie générale permet de poser
le diagnostic et de dilater le canal de Sténon par le passage forcé du sialendoscope
associé à une irrigation forcée au sérum physiologique.

Ranulas
■ Appelées communément « grenouillettes », les ranulas sont à classer dans le
groupe des kystes salivaires.
■ Les kystes salivaires sont une dilatation kystique d'une glande salivaire (sublin-
guale ou accessoire) par accumulation de salive due à une obstruction du canal
d'évacuation.
■ La ranula peut rester limitée, s'étendre vers le plancher postérieur ou passer
sous les muscles génioglosses (plunging ranula) (figure 36.5).
■ Le traitement repose sur la marsupialisation du kyste et, en cas de récidive, sur
l'ablation de la glande sublinguale qui « alimente » le kyste.

Incompétence salivaire
La prise en charge de la production salivaire, dans le cadre du traitement du
bavage ou de l'encombrement pharyngé, est abordée au chapitre 23.

Figure 36.5. Ranula.
Pathologies des glandes salivaires 285

Pathologies tumorales
Épidémiologie
■ Les pathologies tumorales des glandes salivaires sont rares (1 % des tumeurs de
la tête et du cou). Seulement 5 % concernent les enfants de moins de 16 ans [1].
Elles sont bénignes dans seulement 55 % des cas.
■ Les types histologiques les plus fréquents sont :
 avant 1 an : l'hémangiome (59 %), habituellement de la région parotidienne
(figure 36.6) [1, 2] ;
 après 10 ans, les autres tumeurs solides :
– l'adénome pléomorphe (figure 36.7) représente 50 % des tumeurs sali-
vaires, dont 82 % sont des tumeurs bénignes. L'âge moyen au diagnostic est
de 15 ans. La tumeur concerne la parotide dans 62 % des cas et la glande
submandibulaire dans 26 % des cas) [2] ;

Figure 36.6. Angiome parotidien.

Figure 36.7. Adénome pléomorphe de la parotide gauche.


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– les tumeurs malignes représentent 50 % des tumeurs des glandes sali-
vaires après 10  ans ; la localisation est parotidienne dans 82  % des cas.
L'âge moyen au diagnostic est de 13 ans. Les types histologiques les plus
fréquents sont le carcinome mucoépidermoïde et le carcinome à cellules
acineuses [2]. La survie à 5 ans est de 95 % ;
– les tumeurs mésenchymateuses bénignes (lipomes, névromes) ou
malignes (sarcomes), ainsi que les lymphomes, sont beaucoup plus rares
(figure  36.8). Ils peuvent survenir à tout âge. Il existe une extension fré-
quente au-delà de la loge parotidienne et un risque élevé de métastases.

Diagnostic
■ L'interrogatoire vise à rechercher : les antécédents personnels et familiaux ; des
épisodes de gonflement en lien avec l'alimentation ; l'ancienneté et l'évolution de
la masse ; des douleurs ; un contexte infectieux.
■ L'examen physique s'intéresse à la consistance de la masse, sa mobilité, la cou-
leur de la peau en regard, la présence d'une douleur, et d'autres masses palpables.
Une paralysie faciale est retrouvée dans 4 % des cas, des adénopathies satellites
dans 3,5 % des cas.
■ L'échographie et l'IRM sont les deux examens complémentaires de référence.
Ce dernier examen donne des indications sur la probable nature bénigne ou
maligne de la tumeur grâce à la cartographie du CDA (coefficient de diffusion
apparent) et à la courbe de perfusion en T1 [3]. La ponction-aspiration fine à
l'aiguille est possible et facilitée par un guidage échographique, mais la rentabilité
diagnostique est faible (33  %) et déconseillée par certains du fait de la grande
fréquence des pathologies malignes [4]. En cas de suspicion d'adénopathie

Figure 36.8. Scanner injecté montrant un rhabdomyosarcome de la fosse


infratemporale gauche étendu à la région parotidienne.
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i­ntraglandulaire ou de tumeurs malignes mésenchymateuses, un prélèvement


biopsique peut être nécessaire, en prenant soin de réaliser ce dernier à distance ou
après repérage des branches du nerf facial.

Diagnostics différentiels
Les principaux diagnostics différentiels sont les lymphangiomes kystiques (formes
microkystiques), les pilomatrixomes, le kyste de la première fente branchiale, les
infections chroniques (mycobactérie, maladie des griffes du chat), les adénopa-
thies intra- ou juxtaparotidiennes.

Traitement
■ Pour les formes mal tolérées d'hémangiomes (atteinte cutanée avec risques de
séquelles esthétiques à type de « peau brûlée », sténoses du conduit auditif avec
macération) des β-bloquants (Hemangiol®) sont administrés.
■ Pour les tumeurs, quelle que soit l'histologie, une parotidectomie est réali-
sée avec un éventuel examen histologique extemporané. Il en existe différents
types selon l'histologie et les extensions  : exofaciale, totale, conservatrice ou
non du nerf facial, associée ou non à un curage ganglionnaire cervical. En cas
de tumeurs malignes, la prise en charge est discutée en réunion de concertation
pluridisciplinaire d'oncologie pédiatrique. Le traitement pourra nécessiter une
chimiothérapie ou une radiothérapie adjuvante, notamment dans les tumeurs
mésenchymateuses.

Références
[1] Bentz BG, Hughes CA, Lüdemann JP, et al. Masses of the salivary gland region in children. Arch
Otolaryngol Head Neck Surg 2000 ; 126(12) : 1435–9.
[2] Lennon P, Silvera VM, Perez-Atayde A, et al. Disorders and tumors of the salivary glands in child-
ren. Otolaryngol Clin North Am 2015 ; 48(1) : 153–73.
[3] Espinoza S, Felter A, Malinvaud D, et al. Warthin's tumor of parotid gland : Surgery or follow-up ?
Diagnostic value of a decisional algorithm with functional MRI. Diag Intervention Imag 2016 ;
97(1) : 37–43.
[4] Védrine PO, Coffinet L, Temam S, et al. Mucoepidermoid carcinoma of salivary glands in the
pediatric age group : 18 clinical cases, including 11 second malignant neoplasms. Head Neck
2006 ; 28(9) : 827–33.

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