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Fiche à jour au 30 octobre 2007

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diplôme : Licence en droit, 3ème semestre

Matière : Droit administratif

Web-tuteurs : Céline WRAZEN

Lucile STAHL

SEEAANNCCEE NN°13 – LEESS AAUUTTO


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I. LE POUVOIR REGLEMENTAIRE DES AAI........................................... 2


CC, 18 septembre 1986, relative à la CNIL...................................................................... 2
CC, 17 janvier 1989, relative au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ................... 3
CC, 28 juillet 1989, relative à la Commission des opérations de bourse (COB) ............. 4

II. LE POUVOIR DE SANCTION DES AAI.................................................. 4


A. LES LIMITES DU POUVOIR DE SANCTION ___________________________________4
CC, 28 juillet 1989, relative à la COB.............................................................................. 5
CC, 23 juillet 1996, relative à l’Autorité de régulation des télécommunications
(ART) ................................................................................................................................. 5
B. LES GARANTIES PROCEDURALES DANS LE PRONONCE DES SANCTIONS ___________7
CEDH, art. 6§1 ................................................................................................................. 8
Ass. Plén., 5 janvier 1999, « Oury » ................................................................................. 8
C.E., 3 décembre 1999, « Didier ».................................................................................... 9
C.E., 22 juin 2001, « Société Athis »............................................................................... 11

C’est en 1978, lors de la création de la Commission nationale de l’informatique


et des libertés (CNIL) que le vocable « autorité administrative indépendante » a
été utilisé pour la première fois (loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, article 8). Puis
le législateur a utilisé ce terme pour qualifier de nombreuses autres
commissions, autorités ou conseil. La création des autorités administratives
indépendantes posait de nombreux problèmes juridiques notamment quant à
leur pouvoir réglementaire (I) et leur pouvoir de sanction (II).

I. Le pouvoir réglementaire des AAI


Il s’agissait de savoir si l’article 21 de la Constitution ne s’opposait
pas à ce que le législateur habilite d’autres autorités de l’Etat que le
Premier ministre investi du pouvoir réglementaire général à fixer, dans
un domaine spécifique et dans le cadre défini par les lois et
règlements, des règles permettant la mise en œuvre d’une loi. Le
Conseil constitutionnel a répondu par la négative.
Ainsi la CNIL est-elle habilitée à créer des normes simplifiées :
CC, 18 septembre 1986, relative à la CNIL
[…] En ce qui concerne l'attribution à la Commission nationale de la
communication et des libertés d'un pouvoir réglementaire :
55. Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article 6 de la loi, celles
des décisions de la Commission nationale de la communication et des
libertés, mentionnées aux articles 22, 27 et au deuxième alinéa de l'article 34
"qui présentent un caractère réglementaire", sont transmises au Premier
ministre qui peut, dans les quinze jours, demander à la commission une
nouvelle délibération ;
56. Considérant qu'il est soutenu par les auteurs de la saisine que la
dévolution du pouvoir réglementaire à la commission méconnaît les
dispositions de l'article 21 de la Constitution qui attribuent au Premier
ministre le pouvoir réglementaire sous réserve des dispositions de l'article 13
concernant la compétence du Président de la République pour les décrets et
ordonnances délibérés en Conseil des Ministres ;
57. Considérant que les deux premiers alinéas de l'article 21 de la
Constitution sont ainsi conçus : "Le Premier ministre dirige l'action du
Gouvernement. Il est responsable de la Défense Nationale. Il assure
l'exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le
pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires.- Il peut
déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres." ;
58. Considérant que ces dispositions confèrent au Premier ministre, sous
réserve des pouvoirs reconnus au Président de la République, l'exercice
du pouvoir réglementaire à l'échelon national ; qu'elles ne font
cependant pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité de
l'Etat autre que le Premier ministre, le soin de fixer, dans un domaine
déterminé et dans le cadre défini par les lois et règlements, des normes
permettant de mettre en oeuvre une loi ;
59. Considérant que l'article 62 de la loi renvoie, dans la première phrase de
son deuxième alinéa, à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer le cahier
des charges servant de base à la cession de la société nationale de programme
T.F.1. ; que l'article 62 précise que : "Ce cahier des charges, qui reprend les
règles générales fixées selon les modalités prévues à l'article 27 pour les
services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre, contient des
obligations minimales" portant sur divers points ; que l'article 27-II de la loi,
auquel il est ainsi fait référence, dispose que la Commission nationale de la
communication et des libertés fixe, pour l'exploitation de chaque catégorie de
services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne
terrestre ou par satellite autres que ceux assurés par les sociétés nationales de
programme, les règles générales de programmation et les conditions
générales de production des oeuvres diffusées ;
60. Considérant qu'en prévoyant que les normes édictées par le
Gouvernement, agissant par décret en Conseil d'Etat, pour assurer l'exécution
de l'article 62 de la loi, seront subordonnées aux règles générales fixées par
la Commission nationale de la communication et des libertés en application
de l'article 27-II, le législateur a méconnu les dispositions de l'article 21 de la
Constitution ; que, par suite, sans que soit mise en cause l'étendue des
obligations devant figurer au cahier des charges conformément aux articles
27 et 62, sont contraires à la Constitution, dans le texte du deuxième alinéa
de l'article 62 de la loi, les mots "qui reprend les règles générales fixées selon
les modalités prévues à l'article 27 pour les services de télévision diffusés par
voie hertzienne terrestre" ;
61. Considérant, en revanche, que les autres attributions conférées par les
articles 22, 27 et 34 de la loi à la Commission nationale de la communication
et des libertés ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 21 de la
Constitution ; […]

Les autorités administratives indépendantes bénéficient donc d’un


pouvoir réglementaire spécial qui demeure néanmoins limité. Il ne doit
pas aller « au-delà de mesures de portée limitée tant par leur champ
d’application que par leur contenu »
CC, 17 janvier 1989, relative au Conseil supérieur de
l’audiovisuel (CSA)
[…] En ce qui concerne l'attribution de compétences réglementaires au
Conseil supérieur de l'audiovisuel :
14. Considérant que les deux premiers alinéas de l'article 21 de la
Constitution sont ainsi conçus : "Le Premier ministre dirige l'action du
Gouvernement. Il est responsable de la défense nationale. Il assure
l'exécution des lois. -Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le
pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires. Il peut
déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres" ;
15. Considérant que ces dispositions confèrent au Premier ministre, sous
réserve des pouvoirs reconnus au Président de la République, l'exercice
du pouvoir réglementaire à l'échelon national ; que si elles ne font pas
obstacle à ce que le législateur confie à une autorité de l'Etat autre que le
Premier ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en
oeuvre une loi, c'est à la condition que cette habilitation ne concerne que
des mesures de portée limitée tant par leur champ d'application que par
leur contenu ;
16. Considérant que la loi habilite le Conseil supérieur de l'audiovisuel à
fixer seul par voie réglementaire non seulement les règles déontologiques
concernant la publicité mais également l'ensemble des règles relatives à la
communication institutionnelle, au parrainage et aux pratiques analogues à
celui-ci ; qu'en raison de sa portée trop étendue cette habilitation méconnaît
les dispositions de l'article 21 de la Constitution ; qu'il suit de là que doivent
être déclarées contraires à celle-ci les dispositions du troisième alinéa de
l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986, dans leur rédaction issue de
l'article 11 de la loi déférée ; que sont inséparables du troisième alinéa de
l'article 27 de la loi de 1986, les mots : "sous réserve des dispositions du
dernier alinéa du présent article" qui figurent au 1° du premier alinéa dudit
article ; […]

CC, 28 juillet 1989, relative à la Commission des


opérations de bourse (COB)
[…] Quant aux modalités d'exercice de la compétence réglementaire :
29. Considérant qu'en vertu de l'article 21 de la Constitution le Premier
ministre assure l'exécution des lois et, sous réserve des dispositions de
l'article 13, exerce le pouvoir réglementaire ; qu'il peut déléguer certains de
ses pouvoirs aux ministres ;
30. Considérant que si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le
législateur confie à une autorité publique autre que le Premier ministre le
soin de fixer des normes permettant de mettre en oeuvre une loi, c'est à la
condition que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée
limitée tant par leur champ d'application que par leur contenu ;
31. Considérant que la compétence reconnue au conseil des bourses de
valeurs par l'article 15 de la loi déférée est limitée dans son champ
d'application ; qu'elle doit s'exercer dans le respect des principes posés par le
législateur et sous le contrôle du ministre chargé de l'économie et, le cas
échéant, du Gouvernement ; que l'article 15 de la loi déférée, rapproché des
dispositions de la loi du 22 janvier 1988, n'est par suite pas contraire à la
Constitution ; […]

II. Le pouvoir de sanction des AAI


Les pouvoirs de sanction des AAI sont limités quant à leur objet (A) et
leur mise en œuvre doit respecter certaines garanties procédurales (B).
A. Les limites du pouvoir de sanction
Certaines AAI, pour l’exercice de leurs missions, sont dotées d’un
pouvoir de sanction. Le Conseil constitutionnel a jugé de la
constitutionnalité de ce dispositif à condition qu’il n’engendre pas une
privation de liberté et qu’il soit accompagné de mesures tendant à ce que
soit respecter les droits de la défense.
CC, 28 juillet 1989, relative à la COB
[…] Sur l'article 10 :
43. Considérant que l'article 10 de la loi a pour objet d'ajouter à l'ordonnance
n° 67-833 du 28 septembre 1967 un article 12-1 aux termes duquel " le
président de la Commission des opérations de bourse ou son représentant
peut, devant les juridictions civiles, pénales ou administratives, déposer des
conclusions, intervenir ou exercer les droits réservés à la partie civile en ce
qui concerne, d'une part, les infractions au titre II de la loi n° 66-537 du 24
juillet 1966 sur les sociétés commerciales, d'autre part, les infractions
prévues par les articles 10, 10-1 et 10-3 " ;
44. Considérant que le principe du respect des droits de la défense constitue
un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République
réaffirmés par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se
réfère le préambule de la Constitution de 1958 ; qu'il implique, notamment
en matière pénale, l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant
l'équilibre des droits des parties ;
45. Considérant qu'il ressort de la rédaction nouvelle donnée à l'article 12-1
de l'ordonnance du 28 septembre 1967, rapprochée des autres dispositions de
ce dernier texte, que l'autorité qui peut exercer, dans l'intérêt général, les
poursuites, recueillir des charges et, le cas échéant, prononcer des sanctions
dans le cadre d'une procédure administrative, se voit reconnaître à propos des
mêmes faits, s'ils constituent les éléments d'une infraction pénale, le pouvoir
d'intervenir et de se constituer partie civile et d'user de tous les droits
afférents à cette qualité sans pour autant justifier d'un intérêt distinct de
l'intérêt général ; qu'elle peut ainsi déclencher l'ouverture de poursuites
pénales, intervenir dans le cours de l'instruction, participer aux débats de
l'audience, demander l'allocation de dommages-intérêts et exercer les voies
de recours ;
46. Considérant que le respect des droits de la défense fait obstacle à ce
que la Commission des opérations de bourse puisse à l'égard d'une
même personne et s'agissant des mêmes faits concurremment exercer les
pouvoirs de sanction qu'elle tient de l'article 5 de la loi déférée et la
faculté d'intervenir et d'exercer tous les droits de la partie civile en vertu
de l'article 10 de la loi ;
47. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 10 de la loi
déférée est contraire à la Constitution ;
48. Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de
soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution de la
loi soumise à son examen,
Décide
Art 1er. : L'article 10 et le paragraphe V de l'article 36 de la loi relative à la
sécurité et à la transparence du marché financier sont contraires à la
Constitution.
Art 2. : Les autres dispositions de la loi ne sont pas contraires à la
Constitution.

CC, 23 juillet 1996, relative à l’Autorité de régulation


des télécommunications (ART)
1. Considérant que les sénateurs auteurs de la saisine défèrent au Conseil
constitutionnel la loi de réglementation des télécommunications en soutenant
que ses articles 6, 8 et 15 comportent des dispositions entachées
d'inconstitutionnalité ; […]
Sur l’article 15 de la loi :
25. Considérant que l'article 15 insère 3 articles, numérotés 43-1, 43-2 et 43-
3, dans la loi susvisée du 30 septembre 1986 relative à la liberté de
communication ; que l'article 43-1 impose à toute personne dont l'activité est
d'offrir un service de connexion à un ou plusieurs services de communication
audiovisuelle mentionnés au 1° de l'article 43 de ladite loi de proposer à ses
clients un moyen technique leur permettant de restreindre l'accès à certains
services ou de les sélectionner ; que l'article 43-2 place un Comité supérieur
de la télématique auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel ; que son
premier alinéa dispose que ce Comité élabore des recommandations qu'il
propose à l'adoption du Conseil supérieur de l'audiovisuel, propres à assurer
le respect, par les services de communication audiovisuelle mentionnés au 1°
de l'article 43 de cette même loi, des règles déontologiques adaptées à la
nature des services proposés ; que le deuxième alinéa crée au sein du Comité
supérieur de la télématique une instance chargée d'émettre, dans certaines
conditions de saisine, un avis sur le respect desdites recommandations par un
des services de communication concernés ; que lorsque le Comité estime que
le service ne respecte pas les recommandations, son avis est publié au
Journal officiel de la République française ; que le troisième et le quatrième
alinéas sont relatifs respectivement, d'une part, aux conditions dans
lesquelles le Comité peut être saisi de réclamations concernant un service et à
l'obligation faite au président du Conseil supérieur de l'audiovisuel
d'informer le procureur de la République lorsqu'à la suite de réclamations ou
de demandes d'avis, il a connaissance de faits de nature à motiver des
poursuites pénales, d'autre part, aux activités d'études, de coopération
internationale et de proposition du Comité concernant de tels services ; qu'en
vertu du cinquième alinéa, le Comité comprend pour moitié des
professionnels représentant les fournisseurs d'accès aux services, les éditeurs
de services et les éditeurs de presse et pour l'autre moitié des représentants
des utilisateurs et des personnalités qualifiées parmi lesquelles le président
est désigné par le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel ; que le
sixième alinéa confie à un décret, pris après avis du Conseil supérieur de
l'audiovisuel, le soin de préciser la composition et les modalités de
fonctionnement du Comité ainsi que ses attributions en matière de services
offerts sur des accès télématiques anonymes ; que l'article 43-3 dispose que
les personnes dont l'activité est d'offrir un service de connexion, ne sont pas
pénalement responsables des infractions résultant du contenu des messages
diffusés par un service de communication audiovisuelle auquel elles donnent
accès si elles ont respecté les dispositions de l'article 43-1 et si ce service n'a
pas fait l'objet d'un avis défavorable publié au Journal officiel en application
de l'article 43-2, sauf s'il est établi que ces personnes ont, en connaissance de
cause, personnellement commis l'infraction ou participé à sa commission ;
26. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que les dispositions
de l'article 15 doivent être regardées à plusieurs titres comme
inconstitutionnelles ; que le Comité supérieur de la télématique se trouverait
doté de pouvoirs propres en méconnaissance de l'article 34 de la Constitution
et des articles 10 et 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du
Citoyen ; qu'ils soutiennent que l'élaboration par le Conseil supérieur de
l'audiovisuel de règles déontologiques porterait ainsi atteinte à la compétence
exclusive du législateur pour fixer les règles concernant les garanties
fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ;
qu'en particulier la loi ne saurait déléguer à une autorité administrative une
telle compétence sans indiquer le champ d'application précis de ces règles
déontologiques et qu'il appartenait au législateur de définir la composition
d'un comité intervenant dans un domaine touchant aux libertés publiques et
la procédure applicable devant lui ; qu'ils font valoir également que la
procédure d'adoption d'avis relatifs au respect des recommandations
déontologiques par les services télématiques contrevient à plusieurs règles de
nature constitutionnelle ; que la définition d'une déontologie servant de base
à l'adoption d'avis faisant grief, qui seraient propres à fonder des poursuites
pénales, s'apparenterait à l'édiction déguisée d'une procédure d'autorisation
préalable ; qu'une instance créée au sein d'une autorité dont les compositions
respectives ne sont pas définies par la loi serait ainsi appelée à donner un avis
susceptible de déclencher d'éventuelles poursuites pénales ; que le Comité
supérieur de la télématique serait doté d'un pouvoir d'interprétation de la loi
pénale et indirectement de déclenchement des poursuites pénales et que le
juge pénal serait lié par cette interprétation ; que le principe de légalité des
délits et des peines serait méconnu en ce que les avis défavorables dudit
Comité, qui ont des conséquences pénales, seront pris au motif de la
méconnaissance de règles déontologiques dont le contenu serait "imprécis et
pour tout dire inconnu" ; qu'enfin le droit au recours effectif et les droits de la
défense seraient manifestement violés ;
27. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les
règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées
aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; qu'il appartient au
législateur d'assurer la sauvegarde des droits et des libertés
constitutionnellement garantis ; que s'il peut déléguer la mise en oeuvre de
cette sauvegarde au pouvoir réglementaire, il doit toutefois déterminer lui-
même la nature des garanties nécessaires ; que, s'agissant de la liberté de
communication, il lui revient de concilier, en l'état actuel des techniques et
de leur maîtrise, l'exercice de cette liberté telle qu'elle résulte de l'article 11
de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, avec, d'une part, les
contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication concernés
et, d'autre part, les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la
sauvegarde de l'ordre public, le respect de la liberté d'autrui et la préservation
du caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels ;
28. Considérant que la loi a confié au Comité supérieur de la télématique
le soin d'élaborer et de proposer à l'adoption du Conseil supérieur de
l'audiovisuel, auprès duquel il est placé, des recommandations propres à
assurer le respect par certains services de communication de règles
déontologiques, sans fixer à la détermination de ces recommandations,
au regard desquelles des avis susceptibles d'avoir des incidences pénales
pourront être émis, d'autres limites que celles, de caractère très général,
résultant de l'article 1er de la loi susvisée du 30 septembre 1986 ; qu'ainsi
le législateur a méconnu la compétence qu'il tient de l'article 34 de la
Constitution ; que dès lors doivent être regardées comme contraires à la
Constitution les dispositions du 1er alinéa de l'article 43-2 inséré dans la loi
susvisée du 30 septembre 1986 ; que les dispositions des autres alinéas dudit
article et celles de l'article 43-3 en sont en tout état de cause inséparables ;
que les articles 43-2 et 43-3 introduits par l'article 15 dans la loi susvisée du
30 septembre 1986 doivent par suite être déclarés contraires à la
Constitution;
29. Considérant qu'il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever
aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres
dispositions de la loi soumise à son examen ;
Décide : Art 1er. : Sont déclarés contraires à la Constitution les articles 43-2
et 43-3 introduits par l'article 15 de la loi déférée dans la loi du 30 septembre
1986 modifiée relative à la liberté de communication.

B. Les garanties procédurales dans le prononcé des


sanctions
Lorsque des sanctions sont prononcées par les autorités administratives
indépendantes, il s’agissait de savoir si les garanties procédurales issues
de l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) s’appliquait.
CEDH, art. 6§1
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et
impartial établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en
matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu
publiquement »

Selon la Cour de cassation, malgré le caractère non juridictionnel de la


COB, l’article 6 § 1 est applicable. Par conséquent, le rapporteur ne peut
pas participer au délibéré sans méconnaître le principe d’impartialité.
Ass. Plén., 5 janvier 1999, « Oury »
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Paris, 7 mai 1997), que le 28
novembre 1995, la Commission des opérations de bourse (la COB) a ouvert
une procédure de sanction à l'encontre de M. Oury à l'issue d'une enquête sur
l'information financière diffusée par la société Compagnie immobilière
Phénix (la société CIP), dont il présidait le conseil d'administration ; que, le
12 septembre 1996, la COB, retenant que l'information financière diffusée
par la société CIP sur une opération concernant une de ses filiales n'était ni
exacte, ni précise, ni sincère, a infligé à M. Oury une sanction pécuniaire de
500 000 francs et ordonné la publication de sa décision ; que M. Oury a
formé un recours contre la décision le condamnant et que la cour d'appel a
annulé cette décision ;
Attendu que le pourvoi formé au nom de la COB reproche à l'arrêt d'avoir
annulé la décision de cet organisme, prise le 12 septembre 1996, à l'encontre
de M. Oury, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte des constatations
de l'arrêt que les propos du président de la COB rapportés dans le journal "
La Vie française " daté du 6 au 12 août 1995 sont antérieurs à la procédure
de sanction, ne mentionnent pas le nom de M. Oury, ni ne se réfèrent à
aucune infraction précise, mais font seulement état d'" acrobaties comptables
de l'immobilière Phénix " ; que de telles déclarations, ne visant pas
explicitement les opérations ayant donné lieu à sanction et dont l'auteur avait
cessé ses fonctions avant l'engagement de la procédure n'ont pu porter
atteinte à la présomption d'innocence ; qu'en se déterminant comme elle l'a
fait, la cour d'appel a violé l'article 6.2 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; alors,
d'autre part, qu'en ne faisant pas usage de la faculté que lui offrait l'article 3
du décret n° 90-263 du 23 mars 1990, dans sa rédaction alors en vigueur, de
décider, au vu des observations produites, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la
procédure, la Commission n'a pas statué à l'égard de la personne intéressée et
n'avait donc pas à rendre une décision motivée, si bien qu'en statuant comme
elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu l'article 6.1 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales et l'article 3 du décret précité ; et alors, enfin, que,
conformément à l'article 5 du décret du 23 mars 1990, le rapporteur a
présenté l'affaire lors de la séance de jugement au cours de laquelle, ainsi que
le constate l'arrêt attaqué, M. Oury, assisté d'un avocat, a pu exprimer ses
moyens de défense, si bien qu'en retenant que l'absence de communication
préalable du rapport de présentation oral constituait une violation de l'article
6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, la cour d'appel a méconnu le texte précité ainsi que
l'article 5 du décret du 23 mars 1990 ;
Mais attendu que l'arrêt relève que l'un des membres de la Commission,
nommé rapporteur, a été chargé de procéder à une instruction sur les
faits avec le concours des services administratifs et à toutes
investigations utiles ; que c'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel
a décidé qu'il ne pouvait pas participer au délibéré et par ce seul motif, a
justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.

Le Conseil d’Etat a suivi la Cour de cassation dans son raisonnement.


Ainsi, lorsque le Conseil des marchés financiers prononce une sanction,
il décide « du bien-fondé d’une accusation en matière pénale » au sens de
l’article 6 § 1 de la CEDH qui trouve alors à s’appliquer. Sur le fond, la
simple présence du rapporteur au délibéré ne méconnaît pas le principe
d’impartialité.
C.E., 3 décembre 1999, « Didier »
Vu la requête enregistrée le 30 avril 1999 au secrétariat du contentieux du
Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Louis DIDIER demeurant 40,
boulevard d'Argenson à Neuilly-sur-Seine (92200) ; M. DIDIER demande
que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision n° 99-04 du 27 janvier 1999 par laquelle le Conseil des
marchés financiers, statuant en matière disciplinaire, lui a retiré sa carte
professionnelle pour une période de six mois et lui a infligé une sanction
pécuniaire de cinq millions de francs ;
2°) prononce le sursis à l'exécution de cette décision ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6-1 de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales :
Considérant qu'au vu d'un rapport d'enquête établi par ses inspecteurs, la
Commission des opérations de bourse a saisi le Conseil des marchés
financiers en vue de l'ouverture d'une procédure disciplinaire à l'encontre de
M. DIDIER ; qu'à l'issue de cette procédure, le Conseil des marchés
financiers a retiré à ce dernier sa carte professionnelle pour une période de
six mois et lui a infligé une sanction pécuniaire de cinq millions de francs ;
que M. DIDIER soutient que la participation du rapporteur aux débats et au
vote du Conseil des marchés financiers a méconnu les stipulations de l'article
6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : "1-
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et
impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en
matière pénale dirigée contre elle" ;
Considérant que, quand il est saisi d'agissements pouvant donner lieu
aux sanctions prévues par l'article 69 de la loi susvisée du 2 juillet 1996,
le Conseil des marchés financiers doit être regardé comme décidant du
bien-fondé d'accusations en matière pénale au sens des stipulations
précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales ; que, compte tenu du fait que sa
décision peut faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant le
Conseil d'Etat, la circonstance que la procédure suivie devant le Conseil
des marchés financiers ne serait pas en tous points conforme aux
prescriptions de l'article 6-1 précité n'est pas de nature à entraîner dans
tous les cas une méconnaissance du droit à un procès équitable ; que,
cependant - et alors même que le Conseil des marchés financiers siégeant
en formation disciplinaire n'est pas une juridiction au regard du droit
interne le moyen tiré de ce qu'il aurait statué dans des conditions qui ne
respecteraient pas le principe d'impartialité rappelé à l'article 6-1
précité peut, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de
cet organisme, être utilement invoqué à l'appui d'un recours formé
devant le Conseil d'Etat à l'encontre de sa décision ;
Considérant que l'article 2 du décret susvisé du 3 octobre 1996 dispose :
"Lorsque le conseil agit en matière disciplinaire, le président fait parvenir à
la personne mise en cause, par lettre recommandée avec demande d'avis de
réception ou remise en main propre contre récépissé, un document énonçant
les griefs retenus, assorti, le cas échéant, de pièces justificatives ; il invite la
personne mise en cause à faire parvenir ses observations écrites dans un délai
qui ne peut être inférieur à dix jours ; l'intéressé est également informé qu'il
peut se faire assister par toute personne de son choix" ; qu'aux termes de
l'article 3 du même décret : "Les observations produites par la personne mise
en cause sont communiquées au commissaire du gouvernement et à l'auteur
de la saisine du conseil" ; qu'enfin, l'article 4 est ainsi rédigé : "Le président
désigne, pour chaque affaire, la formation saisie et un rapporteur parmi les
membres de celle-ci. Le rapporteur, avec le concours des services du Conseil
des marchés financiers, procède à toutes investigations utiles. Il peut
recueillir des témoignages. Il consigne le résultat de ces opérations par écrit.
Les pièces du dossier sont tenues à la disposition de la personne mise en
cause" ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le rapporteur, qui
n'est pas à l'origine de la saisine, ne participe pas à la formulation des griefs ;
qu'il n'a pas le pouvoir de classer l'affaire ou, au contraire, d'élargir le cadre
de la saisine ; que les pouvoirs d'investigation dont il est investi pour vérifier
la pertinence des griefs et des observations de la personne poursuivie ne
l'habilitent pas à faire des perquisitions, des saisies ni à procéder à toute autre
mesure de contrainte au cours de l'instruction ; qu'en l'espèce, M. Ferri ayant
été désigné rapporteur de la procédure disciplinaire ouverte à l'encontre de
M. DIDIER après saisine du Conseil des marchés financiers par le président
de la Commission des opérations de bourse, il n'est pas établi, ni même
allégué, qu'il aurait, dans l'exercice de ses fonctions de rapporteur, excédé les
pouvoirs qui lui ont été conférés par les dispositions rappelées ci-dessus, et
qui ne diffèrent pas de ceux que la formation disciplinaire collégiale du
Conseil des marchés financiers aurait elle-même pu exercer ; que, dès lors, il
n'est résulté de sa participation aux débats et au vote à l'issue desquels il
a été décidé d'infliger une sanction à M. DIDIER aucune
méconnaissance du principe d'impartialité rappelé à l'article 6-1 de la
convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales ; […]
DECIDE : Article 1er : La requête de M. DIDIER est rejetée.

A l’inverse, lorsque la COB agit dans l’exercice de ses pouvoirs de


police, distincts des pouvoirs de sanction dont elle dispose par ailleurs,
elle se situe hors champ d’application de l’article 6 § 1.
C.E., 22 juin 2001, « Société Athis »
Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du
contentieux du Conseil d'Etat les 20 et 22 janvier 1998, présentés pour la
SOCIETE ATHIS dont le siège est 14, rue Lincoln à Paris (75008) ; la
SOCIETE ATHIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 décembre 1997 par
laquelle la Commission des opérations de bourse lui a retiré son agrément en
qualité de société de gestion de portefeuille
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 F au titre des frais
exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que, par la décision attaquée, la Commission des opérations de
bourse a retiré l'agrément qu'elle avait délivré à la SOCIETE ATHIS en
qualité de société de gestion de portefeuille ;
Considérant qu'il résulte des dispositions du I de l'article 19 de la loi du 2
juillet 1996 de modernisation des activités financières que la Commission
des opérations de bourse peut prononcer le retrait d'agrément d'une société de
gestion de portefeuille "lorsque la société ne remplit plus les conditions
auxquelles l'agrément est subordonné, lorsqu'elle n'a pas fait usage de son
agrément dans un délai de douze mois ou lorsqu'elle n'exerce plus son
activité depuis au moins six mois ou lorsque la poursuite de son activité est
de nature à porter atteinte aux intérêts des investisseurs", ce qui doit
s'entendre comme visant le cas où les conditions de gestion de la société
auraient de telles conséquences ; que le II du même article prévoit que la
radiation d'une société de gestion de portefeuille peut également être
prononcée par la Commission des opérations de bourse "à titre de sanction
disciplinaire" cependant que, selon le II de l'article 71 de la même loi, les
sociétés de gestion de portefeuille qui ont manqué à leurs obligations
professionnelles définies par les lois et règlements en vigueur" peuvent faire
l'objet, de la part de la commission, de sanctions au nombre desquelles figure
"l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des
services financiers", laquelle emporte, selon le cas, suspension ou retrait de
l'agrément ;
Considérant que pour retirer à la SOCIETE ATHIS son agrément pour
exercer l'activité de gestion de portefeuille pour le compte de tiers, la
Commission des opérations de bourse s'est fondée, à titre principal, sur le fait
que cette société ne justifiait pas disposer de fonds propres du niveau
réglementaire puisqu'elle s'était abstenue de lui communiquer, conformément
à la demande qu'elle lui avait adressée, sa situation financière au 15 juillet
1997 attestée par son commissaire aux comptes ; que la poursuite de son
activité par une société qui n'établit pas qu'elle respecte ses obligations
prudentielles est de nature à porter atteinte aux intérêts des investisseurs ;
qu'en prenant la décision attaquée, la Commission des opérations de bourse
n'a pas entendu sanctionner un manquement de la société à ses obligations
mais, dans l'intérêt du bon fonctionnement du marché, assurer la sécurité des
investisseurs ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie par la Commission
des opérations de bourse :
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6-1 de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales :
Considérant que s'il résulte de l'article 6-1 de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'une
autorité administrative qui, eu égard à sa nature, à sa composition et à ses
attributions, peut être qualifiée de tribunal au sens de ces stipulations ne peut
valablement se saisir elle-même de certains faits de nature à motiver une
sanction qu'à la condition que l'acte par lequel elle décide de se saisir ne
donne pas à penser que les faits visés sont d'ores et déjà établis ou que leur
caractère répréhensible au regard des règles ou principes à appliquer est
d'ores et déjà reconnu, la Commission des opérations de bourse, par la
décision attaquée, n'a, ainsi qu'il vient d'être dit, infligé à la SOCIETE
ATHIS aucune sanction, mais s'est bornée, dans l'intérêt du bon
fonctionnement du marché, à retirer à cette société l'agrément dont elle
bénéficiait ;
Considérant, il est vrai, que la SOCIETE ATHIS soutient également que
l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales serait applicable au litige dès lors que
la mesure contestée porte atteinte à ses droits et obligations de caractère civil
; que, toutefois, ces stipulations, sous réserve de ce qui a été dit ci-dessus,
n'énoncent aucune règle ou aucun principe dont le champ d'application
s'étendrait au-delà des procédures contentieuses suivies devant les
juridictions et qui gouvernerait l'élaboration ou le prononcé de décisions par
les autorités administratives qui en sont chargées par la loi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la
décision attaquée aurait été prise sans respecter les exigences de l'article 6-1
de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales est inopérant ; […]
DECIDE : Article 1er : La requête de la SOCIETE ATHIS est rejetée.

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