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F ICtbrarg

Intttfrattg aï fittaburgly
Darlington Mémorial Library

QIlaBB.Qj'.&.-^ô

«oak .W.\.fc
M (E U R S

DES SAUVAGES
AMERIQUAINS,
COMPAREES AUX MCEURS
DES PREMIERS TEMPS.
par le P. LAF l TAu , </^ U Compagnie de Jejus^

/Ouvrage enrichi de Figures en idiûlt- douce.

TOME SECOND.

A P A R I S,
SAu G K A I N l'aîné , Quay des Auguftins , près la rue
j Pavée , à la Fleur de Lys.
Chez > Charles Estienne HocHEREAu,à l'entrée
^ du Quay des Auguftins , à la defcente du Ponc S. Michel,
au Phœaix.
MDCCXX I V.
Af^EC t/ifFROBATION ET tRlFILEGE DV ROT.
i
P \

L^O
h
'"V-

V
TABLE
e>
DES CHAPITRES
Contenus dans le fécond Tome. )

il. y^ C C u A T P I ONs des hommes dans le ViU


\j H'- p^s-ï^

1 1. Occupations des femmes^ e^-

I IL De la Guerre. i6i

I V. Des Ambajjades & dtt Commerce, 310

Y. De U Chajfe & de U Pêche, 53^

VI. Des Jeux. 338

V 1 1. Maladies & Médecine. 355>

VIII. Mort y Sépulture & Deiiil. 38 tf

I X. De la Langue. 458

Fin de la Table des Chapitres du fécond Tome.

ï 1)
,

EXPLICATION
DES PLANCHES ET FIGURES
Contenues dans le fécond- Tome.
P L A NCH E I. frag. /j>.

CE ï E. "PlanchcL nous înct aa fait des premiers habillcmens


T^

des hommes, de leurs parures, de ce qui a donné lieu à la


fable des Satyres, &
de l'idée fymbolique qni'on avoir attachée
aux cornes d:s animaux. Des trois premières Figures , celle du mi-
lieu repréfente une lïis coefFée de la dépoirillc d'un Taureau aves
fes cornes &c fes oreilles. Cuperas in Harpocrate y pag, loç. A fes
côtés font un Jupiter Ammon i. un Lyfimachus. 3 avec des &
cornes à la tête , attachées comme fi elles étoient inhérentes. L*
Chaujfe Muf. Rom- fec. prima. Tab'. 4- '9- Les Figures du fécond &
çang nous font voir deux Satyres. 5. tels que les repréfentent les
anciens monumens Ils font entre la Figure d'un ancien Germain.
4. Commentaires de Cefar de la nouvelle Edition d'Angleterre , tag.
tfS. &c celle d'un Ameriquain. 5. tel qu'ils ont coutume de Ce
mettre lorfqu'ils vont en guerre. Les Figures du j* rang nous mon-
trent une. continuation des idées des prcmieis temps dans les Ci-
miers des Ducs de Bretagne. 7.f^iilfon de la Colombiere , Théâtre

iP, Honneur , Tàm. i. pag. 49. & d'une ancienne famille de Flandres.
%. Recherche^ des Antiquités , & Noblejfe de Flandres de l'S'pinoy
Liv. i. Le médaillon du milieu repréfente un Prince de
pag. S-12.

fa Maifon de France, combattant dans un tournois contre un Duc


de Bretagne, l'un & l'autre a fon cafque furmonté de fon Gi-
iîîier. f^tilfon de la Cdàmbiere loc-: cit>

P L Ar N c H E II. pag..2t-

G"n voit iciun détail' des habillemcns St des ornemens des Sau-
vages. I. 1. Figures de Sauvages des Nations Iroquoifcs Hu- &
roi nés vêtus à la moderne, homme & femme. 3. 4. Figures des
njêmes vcrus» à. l'antiqàc.r^-f-, Collier des Anciens auquel
eil pendu

ce qu'on Romains. La Chaàjfe Alûf. Rom.


nommoit B ul la ch'z les
feB. S' Ta'j. à. 6. Collier 3es Sauvages auquel eft attachée une.
grande pièce de porcelaine , parallèle à la "Bnlla des Romains.
7. Collier des Anciens, parallèle à ceux que portent les Sauva^
,

DES PLANCHES ET FIGURES.


ges , Se qui fcmble avoir été de même matière. Montfaueott
jim. Expl. Tom. 3. Planche IS7. pag. zâS. 8. BralTelei de po'-celame
t^availlf^e en petits Cylindres. 9. Caracolis des Caraïbes ou Sau-
vages Méridionaux. 10. Sac à petun des Sauvages Septentrionaux,
II. & 11 Les deux parties des Brodequins que les femmes Caraï-
bes des Antilles mettent au-defTus &
au-deflbus du gras de la jam-
be, &qui font pour elles une marque d'ingcnuité &
de liberté.

P L A N C H E I I L ^
^ag, 43,

La Planche 3. nous met fous les yeux les Peintures Cauftiques

& Hiéroglyphiques, i. Pifte ancien. Théodore de Bry IndiaOceiik


"

fart. t. Icon, t. %, Sauvage peint , parallèle au Pidle repréfenté dans la


Figure première. Creuxius , Hifi. Canad. pag. yq. Encre ces deux per-
fonnages cft un Sauvage de l'Amérique Septentrionale, 3. gra-
vant fon portrait fur un arbre, &
écrivant à fa manière ce qu'il"
veut faire connoître par cette efpece de monument. Dans le bas-
de cette Planche font détaillées ces fortes de peintures , dont cha-
cune peut être regardée comme une Lettre. La première porte que
le Sauvage nommé les deux Plumes , *. '*. de la Nation de la Grue,.
•• & de la famille du Bœuf fauvage, **. accompagné <k i-j. Guer-
riers, **. a fait un prifsnnicr, ^ &
enlevé trois chevelures, 8. ^xx
fixiéme voyage qu'il a fait pour aller en guerre , ^. &au quatriè-
me où il a commandé le parti , '. Dans la féconde il eft dit , que
le Sauvage nommé les deux flèches , ^. ^. de là nation du Cerf, '. 6d
de la famille du Loup , **. eft allé en Ambaffade portant le Calù-
luet de paix cbez la Nation de l'CHirs , *; accompagné de 30;
petfonncs , ^. Dans l'une &
dans l'autre Figure le Sauvage êft non
leulcment repiéfenté par fa figure hiéroglyphique, mais il cft en-
core peint dans fon entier , dans la première avec fes armes, '. & dan»
là féconde tenant le Calumet &
la Tortue,/.

Pl ANCRE rV. fiagi .if.

On a gravé dans cette Planche deux ménages des Sauvages dt


l'Amérique Méridionale &
Septentrionale. Le Cabanage des pre-
miers eft une Cafeen forme de Carbet dont on ne voit qu'une moi-
tié un Caraïbe y eft fufpendu dans fon Hamac fous lequel eft un
-,

petit feu. De cinq femmes Caraïbes, l'une ratifie le manioc, l'au-


tre l'écrafe , la troifiéme pifte la farine du manioc par un hibichct ,,
la quatrième fait le pain de Caflave, &
la cinquième porte du boi$.
pour faire boiiillir là marnïitte. Le Cabanage oppofé repréfenté une
Gabme Iroq^ioife ouverte , où l'on voit une femme fàilant la faga*
mité ; un enfant qui fait rôtir un poiflbn & un épy de bled d'indc«
Hors de \x Cabane font trois femmes , la première pile le bled d'iiu
d&dans une pile de bois y\^ feco&de ïkeuXttaiie. deux pierres gtaia»
aiiij
E X P L I C A T I ON
à grain , & latroifiéme travaille à un fac pour mettre des provifions
de farine ; au bas de la Planche font graves quelques épys de bled
d'inde ,plante du manioc
la &
une patate ; a. l'autre extrémité eft
une prcfle pour fépaicr le fuc du manioc qu'on exprime auffi avec
une couleuvre , dont on voit une figure pendante à l'un des bouts da
Carbet.

P L A N c H E V. pa?. 114.

Cette Planche eft diftribuée endeux fujets. Le premier repréfentc


le Confeil gênerai des Floridiens , & l'épreuve des Guerriers pro-
pres à faire la campagne. Le Chef affis fur fon Trône , eft au miliea
des Anciens, des Notables, &
des Devins qui y paroiflent diftin-
gués par leur manteau > un homme debout les harangue , porte &
enfuite à chacun la coupe de caifinc qu'il doit avaler. Les femmes
d'une part préparent la caflîne , Se de l'autre on voit un de ces
hommes habillés en femme , que j'ai dit être femblables aux Prêtres
de C^béle ou de Venus Uranie, & que les Européans ont nommé
les Hermaphrodites. Je m'éiois perfuadé d'abord que ce nom leur
avoir été donné par les Européans, trompés féduirs par quelques &
appaiences, qui les avoient induits dans l'erreur de croire qu'ils
étoient Hermaphrodites réellement de fait mais je commence & :

à croire qu'il faut qu'il y ait quelque fondement de cette erreur


dans le nom même que ces Peuples donnent à cette forte de Prêtres,
pour marquer precifcmerit leur état mixte, de l'homme dans la réa-
lité , & de la femme dans leur profeflîon, dans l'habilltmcnt &
<^u'ils portent comme les femmes, ce. qui fait un compofé an- .

^rogync, mais qui cil purement fymbolique. Hérodote m'autorife


d-ins ce fentimenc ; car , ai* Iàv. 4- N". é^i'û appelle Androgynes cer-
tains hommes parmi les anciens Scythes qu'on nommoit Snarees,
qui étoient habillés en femmes,, & qui étant dévoués au culte de
Venus- Uranie , avoient reçu d'elle une manière de divination par-
ticulière: ; ces hommes fe rapportent fort à cette efpece d'Ameri-
, quâins. Le fécond fujet repiéfcnte la manière de faire la Chica,
l'Ouicou ou Caouin, &
la manière de le boire , ce que les François
ont appelle faire un, vin. Les Devins y font pareillement fpecifiés
par leur manteau.

Planche VI. pag. 136.

deux fujets. Le premier


XHette Planche eft aufll diftribuée en
eft une danle de Religion des Peuples de la Virginie. Je n'en ai
point pailé, paixe qu'il en eft fait mention dans la Relation de
Smith, & dans toutes les Relations de la Virginie. Le fécond eft
une reprélentation d'une partie de la danfe des Brefiliens décrite
^ar le Siçur de Leiy , &
que j'ai rapportée à la page qui y répond.
-

DES PLANCHES ET FIGURES.


PtANCHE VII. pa£. /f4»
Manière de faire le fucre d'Erable. Les femmes occupées à aller
chercher les vaifleaux , qui font déjà pleins de l'eau qui coule fies
arbres , portent cette eau , &
la verfent dans des chaudières qu'on
voit fur le feu, &
aufquclles une femme veille, tandis qu'une autre
affife , pétrit avec les mains cette eau épaiffie , &en état d'être
mife en confiftence de pain de fucre. Au-delà du Cabanage &c du
Bois , paroilTent les champs , tels qu'ils font à l'ilTuë de l'hyver on',

y voit les femmes occupées à leur donner la première façon , & à


y femer leur blccld'inde de la manière dont jei'al marqué à la p. 7^..

PtANCHE VIII;. pa£. 174^ .

Cette planche divifée en deux fujets , fait voir dans celui d'cn-
haut un ancien Marcoman tout armé d'ofier , parallèle à un Sau-
vage armé auffi de bois &
d'écorce de pied en cap Le Marcoman
efl pris des Commentaires de Cefar de la nouvelle Edition d'Angle-
terre, pag. 30: &le Sauvage, des Toy âges de Ckamplain, Edition de Pa-

ris iâ^2, pag. 2pi, Entre ces deux perfonnages cft la Bûchette ou le
iîgnal de renvôlemcnt des Sauvages , parallèle aux fymboles de
l'Antiquité qu'on appelloit Tejfers., dont j'ai donné quelques Figu-
res. La première eft un fymbole des Chrétiens. Cabinet de [aime
Geneviève, pag. i. Fig. 6. Les autres font tirées de La Chaude Muf.
Rom. feti. f. Tab. <?. La Médaille qui eft au bas, repréfente une
femme tenant d'une main un de ces fymboles, &
de l'autre une
corne d'abondance avec l'Infcription I» i b e r a l i t a s A u G.
Elle eft de Balbinus. Ces fymboles fe trouvent en plufieuts autres
Médailles des Empereurs. Le fécond fujet repréfente un parti de
Guerriers fortant de leur Village à la file les uns des autres. Leur
Chef eft à la tête chantant fa chanfon de morr.
Les deux Planches fuivantes concernent la navigation des Peu-
ples de l'Amérique.

Planche IX. pa^, zo6

Dans premier fujet que cctre Planche prérentej.£ft un canot


le
dfis Eskimaux, tel que je l'ai décrit à la page 205. Au-deflus font
gravés quelques monumens de l'ancienne Egypte, où l'on voit de
petits bateaux de papier, parallèles à ceux d'écorce dont fe fervent :

les Sauvages. Montfaucnn , Ant. Expliq. Tom. 2. îlanche 142. pag. iso.-
Le fujet d'en bas fait voir un radeau de courges féches , vuidées ^
Scbicn bouchées , au deffous duquel eft peint un habitant du Pé-
lou conduifant une Balze.
Planche X. pag. 21S,
Saultsi & Cafcides. On.voit ici lea Rivières fe précipiter fel&a^.
E X P L I C A T ION
Jss diycts degrés de la hauteur des Terres. Dan* réloignement fc
préfente une de ces cataractes que leur extrême élévation rend im-
ptatiquables. Les Sauvages obligés de quitter le lit de la Rivière
beaucoup au-deflusde la chute , y fontportage de leurs canots Sc
de leurs équipages pour venir la reprendre audeflbus La Rivière
dans un fécond lit égal 8c de niveau, coule tranquillement devant
un village , auprès duquel on diftingue fur une pointe avancée
deux Sauvages qui travaillent à une pyrogue, deux canots de la fa-
çon des Abenaquis , &
un autre de celle des Outaouacs. Au def-
ïous eft un rapide qu'on peut 'fauter. Deux Sauvages le defcendcnt.,
&ideux autres remontent terre à terre «n piquant de fonds.

P.I, A N c H E X I. pag. 22$.

Voyage fur les neiges 8c cimpcment diiyver. Les Sauvages pa-


roiflcnt ici , lesuns portant leur équipage fur des b etelles , &
'les autres le tirant ap es eux fur l.urs traînes. Le Graveur a ou-
blié de les envelopper de leurs fourrures ainfi que la faifon le de-
,

mande. D'autres arrivés au lieu du rendez-vous, drefTent le Caba-


i-^age. Quelques-uns s'occupent du foin de dreflfer la chaudière , d«
couper -du hors ; & quelques autres font du feu à leur manière
par la Terebration. La Raquette qu'on voit en l'air , eft fort biefi
.laite & fort relTemblante.

P t.A,»l c H.E Xvl I. pag.2<[2,

'Siège d'un î^ort ou Village palifladé. La Planche s'expli-


que par elle - même , & n'a pas bcfoin dune plus ample explica-
tion.

Planche XIII. pag. 26^.

Conduite. des j>rifonniers , &.'leur entrée dans'lc Village. L*


premier fuj'et rtpréfente la manière d'attacher lesEfclayes, &: de
les garder pendant la nuit. On voit à côté un des Guerriers qui
p.-j(re une chvelure, &
la prépire de la manière dont ils ont cou-
tume de préparer les peaux &
que j'ai expliquée à la pag. 32. Le fé-
cond fujcr fait voir les Efclaves exjolés à la mauvaife réception qu'on
leur fait à leur arrivée dans les Villages de leurs Vainqueurs ou des
Alliés de ceux-ci. La marche commence par ceux du parti des Vain-
queurs qui portent les chevelures, fuivent trois prifonniers, qui tien-
ncijt en main la Tortue tc le bâton orné de plumes de Cigne. Le5
grns du Village rangés en deux hayes &
armés <ie bâtons , yfoivÉ
difpofés à les bien' recevoir.

PlancheXIV. fAg- 292


Supplices. I. fupplipe des Efclaves dans rAmcrique Septentrio-


nacl
T> ES -PLANCHES ET FIGURE S.
nale. Supplice des Efclavcs dans l'Amérique Méridionale, Ce-
i.
lui-ci renferme trois difFerentes adions. D'un côté les femmes pei-
gnent l'Efclave, de l'autie elles peignent le Boutou ou Maffuë d'ont
il doit être frappé
frappé >
i dans le milieu eft reprélentée la manière dont
il eft immolé.

PlancheXV. pa£, 3/4,

Cette Planche concerne les Ambaflfàdes le Commerce des Sau- &


vages de l'Amérique Septentrionale. Dans le premier fujet paroît
un Sauvage dans un Conleil parlant par fes colliers de porcelaine. Le
collier qu'il tient à la main , eft rcp' éfenté plus en grand au bas du
fujet. Le fécond fujet eft un.» repréfentation de la danfe du Calumet.
Au milieu fur une nitte, font le Manitou ou le Génie à l'honneur
duquel fc fait la danfe , c'eft un ferpent ^ & les armes avec lefquel-
les on doit combative. Les Speâateurs & les Joiieurs d'inftrumens
forment un cercle tout-au-tour dans lequel on voit les deux Com-
batcans.

Planche XVI. pa^. 349.


Jeux des Oftelets ou del'Aftragale. Le premier eft joiié par les
femmes, & le fécond par les hommes, de la maniete dont je l'ex-
plique.

P t AN C H E X VI I. pag. Sï4,
Jeux de Sphériftique & un jeu
autres exercices. Le premier eft
de Crofle •, &
le fécond, celui que j'ai décrit à la pag. 353. Dans

réloignement on voit quelques Sauvages s'exerçant à tirer de l'arc


à un but marqué.

PtANCHE XVI IL pag. sSâ.

Malade &
mort expofé. i. Le Malade entre les mains de
jongle,
deux Devins promené lentement fur un long brazier de char-
, eft

bons ardents , tandis que le Chœur eft occupé à une danfe de Reli-
gion , au deffus de laquelle paroît la Cabane de la Divination ou
de Xifonglerie , que j'ai dit être femblable au Trépied Delphique.
2. Le Mort préparé pour la fepulture , eft élevé fur une cftrafle. Le
monde affemblé dans la Cabane pour le pleurer , paroît atcen'if à
fon éloge funèbre que fait un des Anciens ou Notables, rcpréfenté
"debout.

Planche X Ï X. pag. 411.

Mort des Dévoués au Chef ou à la femme Chef de la Nation des


Natchez à la Louifiane. Le Temple tout ouvert laifle voir dans ,

le fonds , & à découvert les corps des Chefs qui y font en dépôt.
EXPLICATION DÉS PLANCHES ET FIGURES.
Celui à qui on rend les derniers devoirs , eft expofé fur l'une des
pierres qui font à l'entrée de ce Temple. Deux Chœurs lepréfcn'-
tcs fur le devant forment une danfe de Religion , pendant laquelle
on étrangle, ceux qui doivent tenir compagnie au. défunt ,
. allçr&
le fervir dans l'autre monde.

PlancheXX. fag. 417,

Cérémonies de la fepultute chfz les Iroquoîs. Le Mort élevé-fur


lébrancard fur lequel il a été porté, eft auprès de fa folTe que deux
hommes préparent.. A côté de lui font tous les petits meubles qu'on
doit mettre dans fon Tombeau. Le Maître des Cérémonies paroîi
cnfuite, tenant dans fes deux mains les bâtons avec lefquels doi-
vent s'exercer les Gladiateurs hommes & femmes , qui coivent ho-
norer les obfequcs par le fpedaclc d'un combat, après lequel on
donne le prix aux Vainqijcurs.

Pt ANCHE XX 1: fag. 42a.

Cérémonies pratiquées à l'égard de ceux qui font morts de froid


(îàns lesneiges, ou qui ont eu le malhfeur de fe noyer.-

P L.A N C H.E XXI I.;


fag. 4si,
Fête générale des Morts chez les Hurons & chez les Iroquoist
La defcription en eft fi détaillée, qu'il feroit inutile, d'en donner
ane nouvelle explication.

TM.de l'Explication desPtânehis (^ Fibres du ficotid Tômt,

\
jfpprohation du Père Frovincial.

Î;E Provincial de la Compagnie de Jcfus dans la Pro*


foufliîgné
vince de France , permets au Pete- J os. Fr. Lafitait
de la même Compagnie , de faire imprimer un Livre qu'ilacom-
pofé , intitulé , Mœurs des Sauvages Ameriqttains , compare'es du»
Moeurs des fremerr temps lequel Livre a été lu
-^
approuvé pac &
trois Théologiens de notre Compagnie , en foy de quoi j'ai figné lat
préfente PcEmiffion- A Paris ce 55.- May 1712.

FAUL BODIN.

A F P R B A TJ Q N-.

A Y lu par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux un Ma*


nufcrit intitulé ^ Mœurs des SaxvAges Ameriquains , comparût
3
"aux Mœurs des premiers temps , dont on peut permettre l'impreiTioni
A Paris le iz.Aeuft 1722.
CHERTER.

PRIVILEGE BV R O r. ^

EO TJ I S p» la grâce de Dieu, Roy.dcFraace &'de'Na«arre': A'-tios ameift'


fcaux Confeillers les Gens tenans nos Cours de Pailtmenc, Maîtres des Requête»
ordinaires de nôtre Hôtel, Grand- Cônfeil , Prévôt de Paris, Baillifï-Senecliaux ,
leurs Lieuienans Civils , & autres nos Jofticiets qM^il appartiendra : Salut. Nôtre
bien amé le Pire JosephFrançojs LAFiTAU,dela Compagnie de
Jéfuî Nous ayant fait remontrer qu'il fouhaiieroit faiïe imprimer & donner au
;

Public un Ooviage de fa compofition intitulé Mœurs des Sauvegs ^mtriquains-;


, ,
'

comparées aux Moeurs des premiers temps mais craignain que d'autres Libraires
;

ou Imprimeurs ne- s'avifaUent dclui contrefaire ledit Ouvrage ce qui lui fcroit un ,

tott confiderable, il Nous auroit en confcquçnce fait fupplicr de lui accorder nos
Lettres de Privilège fur ce néceffaires. A ci s Causes, voulant favorable-
ment Expofant , Noos lui avons permis & pcrmctions par ces Prefea-
traiter ledit
ïeS' de faire imprimer ledit Ouvrage i:i-dcffiïs expliqué en tels volumes forme',- ,

marge •, caraâere , conjointement ou feparémcnt , & autant de fois que bon lui'
'
femblera , & de le vendre., faire vendre &^ebitet par tow nôtte Royaume pcn*
dant le temps decteuzeaiméef confccutives à compter du jour de la datte déf-
,

îtes Prefentes faifons défenfcs à toutes fortes de perfonncs de quelque qualité &.-
;

condition qu'elles foient d'en introduire d'impreflîon étrangère dans aucun lieu de
nôtre obé'ifTance ; conmic anflr à tous Libraires, Imprimeurs & -autres , d'impri-
mer, faire imprimer, vendre, faire vendre , débiter, ni contiefairc ledit Otti.-
itrage ci-deffus mentionné, en tout , ni en partie, ni d'en faire aucuns Extraits
toui ^ucl^ue pietexie qjie ce foit , d'augmeatatioo , corieâjon , changement de ù-^-
'
M'
,

tte'f où, autreflacnt,' fins h peirovlIîonexptefl"e& patéctit dudit Eitpofanr, oti>'<Î9


.

ceux qui auront droit de lui , à peine de confifcation des Exemplaires contrefaits
de quinze cens livres d'amende coqtre chacun des coùtrevenans , dont un tiers à
.Nous , un tiers à l'HôtelDieu de Paris , l'autre tiers audit Expofant , & de tous
.dépens , dommages & intérêts ; à la charge que ces Prefentes feront enregiftrées
tout au long fur le Regirtre de la Communauté des Libraires & Imprimeurs de Pa-
ris , Se ce dans trois mois de la datte d'icelles j que l'impreffion dudit Ouvrage
fera faite dans nôtre Royaume & non ailleurs , en bon papier & eu beaux caiafte-
res conformément aux Reglemens de la Litrairie & qu'avant que de l'expoftr
, ;

en vente, le manufcrit ou imprimé qui aura fervi de copie à l'impielTion dudit

. Ouvrage ci-delTus expliqué fera remis dans le même état où l'Approbation y av;ra
,

^té donnée , es mains de nôirc très-cher & féal Chevalier Garde dcS Sceaux de
France le Sieur Fleuriau d'Armenonville Se qu'il ca fera enfuite remis deux Exem-
;

plaires dans nôtre Bibliothèque publique un dans celle de nôtre Château du Lou-
,

vre & un dans celle de nôtredit très-cher & féal Chevalier Garde des Sceaux de
,

.Fran:e le Sieut Fleuriau d'Armenonville, le tout à peine de nullité desPiefen-

itCSj du contenu dcfquelles vous mandons & enjoignons de faire jouit l'Expo-
lant ou fes ayans cauLe pleinement & paifiblement fans-fouffrir qu'il leur ïoit ,

fait aucun trouble ou empêchement Voulons que la copie defdites^ Prefentes qui
;

fera imprimée tout au long au commencement ou à la fin dudit Livre , foit tenue
pour dûëment fig«ifiée & qu'aux copies collationnées par l'un de nos amez &
,

féaux Confcillers & Secrétaires , foy foit ajoutée comme à l'Original Comman- ;

dons au premier nôtre Huifller ou Sergent , de faire pour l'exécution d'icelkt


tous a£tes requis & neceffaires fans demander autre peimifllon , & nonobftant cla-
meur de Haro , Charte Normande , & Lettres à ce contraires ; Car tel eft nôtre
pJaifir. Donne' à Paris le vingt troilléme jour du mois d'Août l'an de grâce
mil fept cens vingt- deux , & de nôtre Règne le fcptiéme. Par le Roy en fon Coh-
feil.
De saint HI L A I RE.

// ejî ordonna' par VEdit du Roy du mois d'Août 1686. Arrêt de &
fon Confeil , Livres dont l'imprejfion fe permet par Privilège de
i^ue les
'

Sa Majejie', ne pourront être vendus que par un Libratre ou Imprimeur.

Regiflre' fur le%egiftre F"', de U Communauté' des Libraires & Impri-


..meurs de Paris, pag. 191.mim. 114. conformément aux Reglemens , &
notamment k l' Arrêt du Conjètl du /j. Août i/oj. Paris le neu- A
sterne Septembre 1722.
BA L L A ^.^^f
fSyndic.
• - : :! -1

Je reconnois avoir cédé pour toujours le prefent Privilège aux Sieurs


Saugrain &H0CHER.EAU Libraires , pour en joiiir en mon lieu

fc place, fuivant l'accord fait entre nous. A Paris ce 14. jour de Janvier 171.3,

Signé; s Joseph, Françqzs LafitaujJ.

-M OE XJ R S
,,

n MOEURS DES SAUVAGES


les Peuples de l'Europe en qui l'on remarque beau-
coup de vivacité beaucoup d'adion , ne l'eft
&;

pas tout-à-fait tant par rapport aux Sauvages de


l'Amérique. Ceux-ci fe font un honneur de leur
oifiveté La parelTe , l'indolence , la faineantifc
i

font dans leur goût & dans le fonds de leur ca-


radlere de forte que n'ayant ni fciences ni mé-
:

tiers , n'ayant plus d'ailleurs , ou prefque plus les


exercices réglés du temps palfé qui pouvoient les
tenir en haleine , ils font les gens du monde les plus
defœuvrez & fi l'on en excepte certaines petites
5

chofes qui ne leur demandent pas beaucoup de


temps , moins encore de fujettion &; d'applica-
tion , ils font prefque toujours les bras croifez,
ne faifant autre chofe que tenir des AfTemblées
chanter, manger, joiier , dormir, & ne rien faire.
Quelque dure que fût la vie des Lacedémo-
niens & à^s Cretois , & quelque précaution qu'euf-
fent pris les Légiflateurs de ces Républiques , on
peut dire néanmoins que n'ayant que la guerre
Î'our objet , & ayant banni de chez eux les Arts ôc
'Etude des Sciences , leur vie étoit proprement
une vie oifive & parelFeufe , laquelle fit donner
D. Paul ad à ces derniers , par un Poète dont parle S. Paul
Tit. cap.i.v.
|g terme injurieux de J^entres Pigri, qui donne en
deux mots une idée parfaite de cette faineantife,
où ils étoient tombez , fur-tout après que s'ctanc
relâchez de la rigueur de leur première difcipli-
ne , ils fe laifferent entièrement énerver par la
mollefle.
,

A M ER I QJU A INS. 3

Les occupations de leur compétence les plus la-


borieufes font , de drefTer les palifTades de leurs
Forts , de faire ou de réparer leurs Cabanes , de
préparer les peaux dont ils font leurs vêtemens
de travailler à quelques petits meubles domefti-
ques j de mettre en état leurs équipages de Guerre,
de CliafTe ou de Pêche, enfin de s'orner,, &c de
£e mettre fur leur propre».

Ils choififTent affez bien remplacement de leurs Des Villa-


Villages. Ils les fi tuent , autant qu'ils peuvent, 2"'
au milieu des meilleures Terres fur quelque pe-
tite éminence, qui leur donne viië fur la Cam-

pagne, de peur d'être furpris , & au bord de quel-


que ruiffeau, qui, s'ileft pofîible, ferpente à l^en-
tour , & fafle comme un roHe naturel aux Fortifi-
cations que l'Art peut ajouter à un terrain , le^-
quel fe défende par lui-même. Ils ménagent au
centre de leurs Villages une place affez grande,
pour y tenir des Affemblées Les Cabanes y font
:

unes contre les autres, ce qui les


affez ferrées les
expofe à un danger continuel du feu la matière ,-

en étant aulïi combuftible qu'elle l'eft Leurs^ :

rues font peu allignées chacun bâtiffant où le.'


,

fol lui paroît plus propre & moins pierreux.


Les Villages les plus expofez à l'Ennemi , font
fortifiez d'une Paliflade de quinze à vingt pieds
de haut. Se compofée d'un triple rang de pieux,,
dont ceux du milieu font plantez droits & per-
pendiculairement, les autres font croifez ôi entre^-
A ij.
4 AiOEURS DES SAUVAGES
lacez en tiiahiere de ehevaux de: frife^ & dou-
blez par-tout de grandes & fortes éçorces à la
Jiauteur de dix ou douze pieds. Ils prutiquenten
<le<lans le long de cette pajifladç y une efpeçe dç
banquette ou de chemin de§ rondes fait; avec des
arbres eouchez ei> travers , lout joignant la pai-
liflade, & qui portent fur de gro0es fourchettes
de bois fichées en terre, ils y tn^nagent de dif-
-tance en diftance des Redoutes ou des Guérites
qu'ils xempliffent en temps de Guerre de pierres
pourfe défendre de l'efcalade , & d'eau pour étein-
dre le feu. On
y monte par des troncs d'arbres
entaillez par degrez qui leur fervent d'échelle,
la paliffàde a ^ufli fes ouvertures pratiquées en
guife de créneaux.
La nature du terrain détermine la figure de
leur enceinte. Il y en a de Polygones mais le -,

plus grand nombre font de figure ronde & fpheri-


que , comme l'étoient la plupart -des Villes an-
ciennes, La paliffade n'a qu'une iffue par une
porte; étroite , & placée de biais qui ferme avec
des barres de traverfe , & par où l'on eft con-
traint de palTer de côté. Ils ont foin auffi de laif-
fer un grand chemin entre la paliffade & les
,affez

Cabanes. Ces Villages font peu fournis, & les


plus gros n'ont gueresau-deffus décent Cabanes,
d'un, de trois, de cinq., ou même de fept feux,
dans lefquelles il y a quelquefois plufieurs mé-
nages.
Lqs Sauvages de l'une ôc de l'autre Amérique
A ME RI Q^U A.I N S. 5

fe fortifient à peu près de la même manière jniais


il moins ordinaire à ceux de; la Méridionale,
eft

& general€m.ent aux Peuples errans de recourir


à ces fortes de fortifications , à moins qu'ils ne
foient aduellement en guerre, &. qu'ils ne foient
fort expofez aux infultes de leurs ennemis.

Les Cabanes de toutes ces Nations font encore Des Caba^


aujourd'hui la mantre de la pauvreté & delà fru-
"^*'

galité des hommes nez dans l'enfance du Monde-;


& fi l'on en excepte les habitans du Pérou & du

A^exique „ qui bâtiffbient de petites maifons de


pierre, où il n'y ajvoit ni magnificence, ni art,
ni commodité, ôc quelques autres Peuples de leur
voifinage, qui font à leurs demeures un enduit
de chaux ou de ciment affez pafTable, tout le refte
des Nations fauvages n'a que de miferables cafés
ou chaumières, eonriuès dans l'Antiquité fous le
nom de Mapdia ou Tiiguria, , lefquelles font tou-
tes propres à donner une idée parfaite de la mi-
fere.
Les Auteurs nous peignent les premiers Hom-
mes , comme n'ayant pour toute retraite que les
troncs des rochers ou le creux des arbres. Qu'ont
ajouté à cette première barbarie les Peuples du
Nord de l'Amérique, & ceux du Sud qui habi-
tent dans les Pais fujets à être noyez par de fré-
quentes inondations ? Les Eskimaux , les Sauva-
ges du Détroit de Davis , de la Nouvelle-Zem-
ble ôc les Californiens , fe retirent dans des Ca-
-. A iij
6 MOEURS DES SAUVAGES
vernes que la nature leur a préparées pour leur
en épargner la peine , ou en font d'artificielles,
dans lefquelles ils paffent un hy ver fort long pref-
que fans en fortir peu differeas, des bêtes qui fe
:

creufent des Tannieres au lieu que pendant l'Eté


:

ilscouchent en pleine campagne fous les arbres,


ou tout au plus fous quelques Cabanages faits de
peaux de Loup Marin. Il faut qu'ils foient bien
endurcis & bien faits aux injures de l'air pour
pouvoir vivre de la forte dans des climats aufli
rigoureux. Sur les bords de l'Orenoquej^du fleuve-
des Amazones & en quelques autres endroits, on.
voit des Villages en Tair au milieu des Palus ôc
des Marécages. Il s'élève dans ces Païs noyez des
palmes d'une hauteur prodigieufe qui croifTent
fort près les unes des autres. C'eft fur q^% pal-
mes que les Naturels du païs conftruifent leurs
habitations. Ils lient ces arbres l'un à l'autre par
des poutres tranfverfiles,& édifient fur ce plancher,
©levé de vingt à trente pieds de terre, des demeu-
res quifemblent plutôt être faites pour des Vau-
tours, que pour des hommes. C'eft un plaifir,
dit-on de voir avec quelle addreffe les femmes
,

chargées de leurs enfans &: de leur bagage do-


meftique^ montent par des troncs grofikrement;
écôtez dans ct.s efpeces de nids. Ce n.'eft pas feule-
ment contre les inondations que co.^ Peuples pré-
tendent fe garantir par des azyles aufïi' extraor-
dinaires. Ils fe mettent par-là à couvert contre
les incuriîonsfubites de leurs ennemis, contre les
AME R Q^U A INS.
I
7 ,

furprifes des Crocodiles & des Tygres & , con-


tre l'incommodité des Maringuoins ou Confins,
lefquels ne peuvent pas s'élever fi haut, & leur
deviendroient infupportables fans cette précau- '

_
tion. Les Conquerans de la Nouvelle-Efpagne
trouvèrent des Nations nombreufes logées de
cette forte , lefquelles leur donnèrent bien de la
peine à vaincre, & leur firent périr beaucoup de
monde. Il y a encore en Afrique, vers les Côtes Loyer, rc'-

de Guinée, un des anciens Peuples Atlantiques, voyâge Vf-


nommé les Vetém y dont les Villages font ainfi ^/'"'P'J^-

bâtis en l'air fur des pilotis au milieu des eaux.


Les Nations errantes comme les Algonquines,
n'étant pas long-temps dans un même endroit,
fe contentent de faire des Huttes extrêmement
baflTes , grand nombre de
ou pêle-même avec le
Chiens qu'elles nourriflent , elles font dans le
centre de la mal-propreté ôc de l'incommodité.
Les Nations fedentaires ont des logemens un peu
plus fpatieux & plus folides.
Les maifons des premiers Egyptiens étoient
bâties de cannes &
de rofeaux , lelon Diodore de oiodor. sic.

Sicile. Pline dit la même


chofe des Peuples Hy- pi-n-u^Lib!
fterboréens. Les cannes , les rofeaux, les bois, & i^cap.3<î.

es feuilles de Palmifte &


de Latanier , les écor-
ces d'Orme & de Bouleau, font aujourd'hui la ma-
tière de celles des Sauvages.
Quant à leur forme, quelques-unes font ron-
des, comme les Tabernacles ou les Tentes des An-
ciens , comme les Tours des Mofynœciens , des
- , -

. & MOEURSDES SAUVAGES-


Tyrrheniens & des Gaulois Parifiens. Telles font"
les Cabanes des Peuples de .là Floride , des
Natchez à la Louifiane , ôc de plufieurs. autres
Peuples.
Du Tertre , Lcs Carbets ôc les Cafés des Caraïbes font ova-
l^fr. Le Carbet ou Café commune a environ foi-^
V^io/'^'^'
Rochefort, xaute à quatre-vingt Pieds de longueur , &c eft
d^s^Aiî^HM^ compofé de grandes fourches hautes dé dix-huit
chap. ly. à vingt pieds. Ils pofent fur ces. fourches un La^
tanier "^5 ou un autre arbre fort droit qui fert de
faîte, fur lequel ils ajuftent des Chevrons, qui
touchent jufqu'à terre des deux cotez. Ils le cou-
vrent de feuilles de Latanier j,de rofeaux , de can-
nes ,. de joncs , ou d'autres herbes qu'ils fçavent
enlacer les unes dans les autres Ci proprement
qu'ils y font bien à couvert des pluies éc des au-

* Le Latanier eft' une efpece l'arbre comme une groiïê toile


de Paimifte il fort d'une groire-
; rouire & fort claire ; ces feuilles
motte de, racines ; il n'cft gueres étant; liées pat petits faifcèaux j
jamais plus gros que la jambe , fervent à couvrir les cafes^ la &
il eft prefque par-tout égal & fe peau qu'on enlevé de deflus les
levedrôitjCommeuneflêchejquel- queues , éft propre à faire des cri-
quefois julques à la hauteur de blesj de5 paniers &
plusieurs au-
40. à 50. pieds. Il a tout autour que les Sau-
très petites curiofités
un doigt d'épailfeur d'un bois dur vages tiennent entre leurs meu-
comme du fer , & tout le refte eft blés les plus prétieux. Ils font aufli
comme le cœur des Pal-
filalfeux du boisde cet arbre, des arcs ,
miftes ; au lieu de branches , il n'a. des maifucs dont ils fe fervent au

que de longues feuilles , qui étant liea d'épéëi des zagayes qui/ôï3t,
epanoiiies , font rondes, par le de petites lances aiguës qu'ils dar-
haut , &
plicées par le bas à la fa- dent avec la main contre leurs
çon d'un éventail. Elles ïônt at- ennemis, &: ils en munilfent la
tachées à de grandes queues , let pointe de leurs flèches qui lônt ,

quelles fort ent de certains fila- par ce moyen auffi pénétrantes


mens qui entourent, le corps de que fi elles étoient d'acier.

très
A ME R I Q^U A I N S,
9
très injures du temps. Mais comme les Carbets
ne reçoivent de jour que par la Porte, laquelle
eft 11 qu'on ne peut gueres y entrer fans fe
bafle
courber, il y fait ordinairement fort obfcur & on
doit y être très-incommodé de la fumée des feux
que chacun a foin d'entretenir fous fcn Hamac,
Lqs Cafés particulières font de la même forme
que le Carbet. Les femmes qui les habitent, y
entretiennent une grande propreté, & ont foin de
les balayer fouvent les jeunes gens ont auiïi Iç
j

foin de balayer le Carbet, &: de le tenir propre,


Le Père du Tertre dit que dans le Carbet , outre du Teme^
la porte commune , il y en à, une autre particu-
^°'^' "''^'''

liere plus petite, par laquelle aucun des Sauva-


ges ne paffe , &"n'oferoit même paffer. Ils pré-
tendent qu'elle eft deftinée pour les efprits , lorf-
qu'ils font appeliez par leurs Boyez ou Devins
dans leurs é-vocations magiques.
Les Cabanes des Brefiliens font faites en for-
me de berceau, de de même matière que celles
des Caraïbes Elles font fort longues
j cinq ou y

fix Cabanes compofent un gros Village. Il eft

vrai que dans chaque Cabane il y a jufqu'â foi-


xante ôc quatre-vingt perfonnes partagées en dif-
ferens ménages.
Ce n'eft pas fans raifon qu'on a donné aux Iro-
quois le nom d'Hotinnon/ionni ou de Faifeuvs de Ca-
lmes: Ce font en effet ceux de toute l'Amérique
qui font logez le plus commodément. Cepen-
dant ce nom ne leur convient pas tellement , qu'il
Tome Ih B
10 MOEURS DES SAUVAGES
ne pût être appliqué aux Hurons ôc à quelques
autres de leurs Voifins , qui ont pris d'eux la
même manière de fe bâtir.

Cabanes Ces Cabanes font aufïî en forme de tonnelle


Irocjuoifes.
^^ de berceau de jardin elles font larges de cinq
•,

ou fix braffes, hautes à proportion , & longues fé-


lon la quantité des feux. Chaque feu emporte
vingt ou vingt-cinq pieds de plus fur la longueur
de celles qui n'en ont qu'un, lefquelles n'excè-
dent point le nombre de trente ou quarante pieds j
chacune de ces Cabanes porte fur quatre poteaux
par chaque feu , qui font comme la baie ôc le
foiitien de tout l'édifice. On plante dans toute
la circonférence , dans toute la lon-
c'eft-à-dire
gueur des deux côtés, & aux deux pignons, des
piquets pour afliijettir les écorces d'Ormes qui en
font les murailles , ôc qui y font liées avec des
bandes faites de la Tunique intérieure , ou de la
féconde écorce du bois blanc. Le quarré étant
élevé , on fait le ceintre avec des perches cour-
bées en arc, qu'on couvre aufïi d'écorces longues
d'une braffe , & larges d'un pied ou de quinze
pouces. Ces écorces enjambent l'une fur l'autre
comme l'ardoife. On les affujettit en dehors avec
de nouvelles perches , femblables à celles qui for-
ment le ceintre en dedans , Se on les fortifie en-
core par de longues pièces de jeunes arbres fen-
dus en deux , qui régnent dans toute la longueur
de la Cabane de bout en bout, & qui font foû-
,

A M E R I Q^U A I N S. „
tenues aux extrémités du toit, fur les côtés ou fur
coupez en crochet, qui font
les ailes, par des bois
difpofez pour cet effet de dillance en diftance.
Les écorces fe préparent de longue main on 5

les enlevé des arbres qu'on cerne lorfqu'ils font


en fève, parce qu'alors ils fe dépouillent mieux ;
& après leur avoir ôté leur fuperficie extérieure
laquelle eft trop raboteufe , on gêne les unes
les
fur les autres, afin qu'elles ne prennent pas un
mauvais pli , & on les laifl'e ainfi fecher. On pré-
pare de la même manière les & les bois
perches
néceffaires à la conftru6tion de l'édifice & quand ;

le temps venu de mettre la main à l'œuvre


eft
on invite la jeuneffe du Village, à qui l'on fait
feftin pour l'encourager , & en moins d'un ou
de deux jours tout l'ouvrage eft fur pied , plu-
tôt par la multitude des mains qui y travaillent,
que par la diligence des Travaillans.
Après que le Corps du Bâtiment eft achevé
les particuliers qui y ont intérêt, travaillent en-
fuite à leur aife à l'embellir parle dedans & à y
faire les compartimens nécefîaires , félon leurs
ufages 6c leurs befoins. La place du milieu eft

toujours celle du foyer, dont la fumée s'élevant


s'exhale par une ouverture pratiquée au fommet
de la Cabane dans le lieu qui y répond , & qui
fert aulïi à y donner du jour. Ces édifices n'aïant
haut
point de fenêtres , ne font éclairés que par le

de la même manière que le célèbre Temple de


la Rotonde bâti par Agrippa , qui fe voit enco-
Bij
-n MOEURS DES SAUVAGES
re en entier à Rome. Cette ouverture fe ferme par
une ou deux écorces ambulantes qu'on fait avan-
cer ou retirer , comme on le juge à propos , dans
le temps des grandes pluies , ou de certains
vents qui feroient refouler la fumée dans les
Cabanes, & les rendroient très -incommodes. Je
parle feulement ici des Cabanes conftruites félon
la forme Iroquoife car celles qui font bâties en
;

rond & en manière de Glacière , n'ont pas même


d'ouverture par le haut, de forte quelles font &
beaucoup plus obfcures, &: qu'on y eft beaucoup
plus en proye à la fumée.
Le long des feux , de chaque cote , régne une
Eftrade de douze à treize pieds en longueur fur
cinq ou fix de profondeur, & autant à peu -près
de hauti Ces Eftfades fermées de toutes parts, ex-
cepté du côté du feu , leur fervent de lidl & de
fieges pour s'affeoir, ils étendent fur lés écorces
è|ui en font le plancher des Nattes de jonc & des
peaux de fourrure. Sur cette couche, quin'eftgue-
tes propre à entretenir la moUefle ou la fainean-
tife , ils s'étendent fans autre façon envelloppés
dans les mêmes couvertures qu'ils portent fur
eux durant le jour. Ils ne fçavent pour la plu-
part ce que c'eft que fe fervir d'oreiller. Quel-
ques-uns néanmoins, depuis qu'ils ont vu la ma-
nière françoife, en font un d'un morceau de bois
OU d'une natte roulée. Les plus délicats en ufent
•^ui font faits de cuir fournis de poil de Cerf
feu d'Orignal j mais en peu de temps ils font
A M E.R I au AI N S. ,3

jfi gras , fi fales , & font tant d'horreur à voir , qu'il


n'y a que des gens mal propres , que les
aulÏÏ
Sauvages qui puiflent s'en accommoder.
,

Le fonds del'Eftrade fur lequel on couche, eft


élevé à un pied de terre tout au plus , ils luy
donnent cette élévation pour n'être pas incom-
modés de l'humidité , ôc ils ne luy en donnent
pas davantage, pour éviter d'autre part l'incom-
modité de la fumée, qui eft infupportable dans
les Cabanes quand on tient debout , & qu'on
fi.

y eft^un peu exhauffé.


Les écorces qui ferment les Eft rades par def-
fus , & qui font le Ciel du liéb , leur tiennent lieu
d'Armoires, & de garde-manger , où ils mettent
fous les yeux de tout le monde leurs Plats , ôc
tous les de leur ménage. Entre
petits uftenciles
les Eftrades font placées de grandes caiftes d'é-
corce , en forme de Tonnes & hautes de cinq à
fix pieds , où ils mettent leur bled lorfqu'il eft
e^rene.
Au de ces Eftrades , les Sauvages Meri-
lieu
dionnaux fe fervent de liéts fufpendus qu'on nom-
me Hamacs, & qui font un tiffu de coton ou de
fil d'écorce d'Arbre travaillé fort proprement. Ils

les attachent aux principaux Piliers de leurs Car-


bets, ou bien a des Arbres lorfqu'ils font en voïa-
ge. On y eft couché très - commodément, & il y
a du plaifir d'y être en plein air à l'ombre fous
des feuillages pendant la grande chaleur du jour.
Les Caraïbes ne les quittent gueres & y paftenc
Biij
14 MOEURS DES SAUVAGES
une grande partie du temps à ne penfer à rien.
Ceux qui n'ont point de Hamac fe font une autre
force de li<5t qu'on appelle Cabane , ce font plu-
fieurs bâtons en quatre de long & en tra-
tifTus

vers, furlefquels on met quantité de feiiilles de


Balifier & de Bananier, ils font auffi fufpendus
par les quatre coins & foutenus par des cordes
faites de racine ou d'écorce d'Arbre.
Les Cabanes Iroquoifes ont ilTuë des deux cô-
tes. A chaque bout il y a une efpece de tambour

ou de petit appartement feparé, &; un veftibule


extérieur.
Ils font dans ces tambours, aufïi-bien que dans
l'entre-deux des Eftrades qui font libres, de petits
Cabinets des deux côtés où ils mettent leurs Nat-
tes pour les jeunes gens quand la famille eft nom-
breufe, ou pour s'en fervir eux-mêmes dans les
temps où le voifinage du feu ne leur eft plus fi

néceffaire. Ces Cabinets font élevés de trois à


quatre pieds pour les garantir de l'importunité
des puces , par deffbus ils mettent la provifioii
de leur petit bois.
Leur veftibule extérieur fe ferme en Hyver
avec des écorces , & leur fert de bûcher pour le
gros bois, mais en Efté ils l'ouvrent de tous cô-
tés pour prendre le frais , plufieurs mettent pen-
dant les grandes chaleurs leurs Nattes fur le toit
de ces veftibules, lequel eft plat & n'eft pas fi
exhaufle que leurs Cabanes. Ils couchent ainfi i
1 air fans le mettre en peine du ferain.
A ME P>. I Q^U A I N S. ij

. Qùoy qu'on puifTe aller &


venir dans les Ca-
banes le long des feux des deux côtés entre le
foyer & les Nattes , ce n'eft pourtant point un
lieu commode pour fe promeher aufïi le Sau- 5

vage quelque part où il loit 3 a moins qu'il ne foit


actuellement en route, eft toujours aÂîs ou cou-
ché jne fe promené jamais.
ôc Ils font même aufïi
furpris de voir les Europeans aller ôc venir tou-
jours fur leurs mêmes pas , que Tétoient les Peu-
ples d'Efpagne dont parle Strabon , lefquels strabon. i. s*.

voïant quelques Centurions de l'Armée Romai- ?•"*•


ne fe promener de cette manière , crurent qu'ils
avoient perdu l'efprit, & s'offrirent à eux pour les
conduire dans leurs Cabanes. Car ils croyoient,
ou qu'il falloir fe tenir tranquillement aflîs dans
fa tente , ou qu'il falloir avoir envie de fe battre.
Les portes des Cabanes font des écorces mobi-
les &C fufpenduës en dehors par en haut. Point de
clef ni de ferrure* Au temps paflTé rien ne fermoit
chez les Sauvages. Quand ils alloient pour long-
temps en campagne, ils fe contentoient d'arrêter
leurs portes avec des traverfes de bois, pour les
défendre contre les chiens du Village. Pendant
tous les fiécles qui nous ont précédé , ils ont vécu
dans une grande fecurité & fans beaucoup de dé-
fiance, les uns des autres , les plus foupçonneux
portoient leurs meubles les plus précieux chez
leurs amis , ou les enfevelifToient dans des trous
faits exprès fous leurs Nattes , ou dans quelque

lieu inconnu de leur Cabane. Quelques-uns ont


léT MOEURS DES SAUVAGES
maintenant des cofFres ou de petites cafTettes,
d'autres fortifient leurs Cabanes par les pignons
avec des planches groffierement faites , & y met-
tent des portes de bois avec des ferrures qu'ils
achettent des Europeans , dont le voifinage leur
a fouvent appris à leurs dépens , que ce qu'ils
avoient n'étoit pas toujours en fureté.
Ils doublent leurs portes pour fe garantir du

froid & de la fumée, & ils en font comme une


féconde avec des couvertures de peau ou de lai-
ne. Dans les froids communs & ordinaires leurs
Cabanes font affez chaudes , mais quand le vent
de Nord-Oiieft tire, & qu'il fait un de ces temps
rigoureux du Canada qui dure des fept a huit
jours de fuite a faire fendre l^s pierres, alors le
froidy aïant pénétré, je ne fçais comment ils peu-
vent y durer , étant aulïi peu couverts qu'ils le
font, fur-tout ceux qui couchent loin des feux.
Pendant l'Efté elles font aflez fraîches, mais plei-
nes de puces & de punaifes , elles font aufïi très-
puantes quand ils y font fecher leur poilTon à la
fumée.
pîutarch. in Les Maifons des Lacedemoniens n'étoient fans
tycurgo.
doute , ni plus magnifiques ni plus commodes,
leur Legiflateur leur aïant ordonné de ne Içs faire
que de bois , &
de n'cmploïer que la Hache pour
la conftrudion de tout ('Ouvrage, & tout au plus
la fcie pour en faire les Portes. Il n'ayoit pas vou-
lu leur permettre de fe fervir d'aucun autre inf-
tfumçnt , ni d'auçunç autrç matière qui çut pu
dans
A M E R I qU AIN SO-*'. ifi

dans la fuite tenter les particuliers d'affe61:er de'


fe diftinguer du commun , par des Ouvrages plus
folides & de propreté. Il en
travaillés avec plus
avoit appréhendé une émulation, laquelle don--
nant entrée au luxe &: à la magnificence , les eût'
fait fortir de cet état de médiocrité & d'égalité
qu'il avoit jugé feul Cvipable de maintenir la Ré-
Îiublique dans cet état florilTant, d'où, déchoient
es Empires qui paroiffent le mieux affermis,
lorfquc les particuliers fortent des bornes delà
modellie.

Nos premiers pères ne s'apper<jurent de leur DpsHabil-


nudité qu'après le péché. Ils en furent choqués lemens.

eux-mêmes , mais ils ne firent que pourvoir alors cen.cap. j.

^' ^'
à la bienfeance , par quelques feiiillages qui ne
fervoient qu'à cacher ce qui pouvoit blefler la pu- ibM. v. h.
deur fans les garantir de la rigueur des faifons.
Dieu leur fit enfuite des Tuniques de peaux , dit
l'Ecriture. Adam & Eve infpirerent fans doute
à leurs enfans de s'en couvrir à leur exemple, ôc
d'avoir ce refpeâ: les uns pour les autres, qui ne
hs exposât pas à relfentir la même honte qu'ils
avoient eûë lorfque leurs yeux furent défiUés
après leur crime. Mais il ne paroît pas que leurs \
ordres ou leurs confeils ayent été généralement
fuivis. Quelques Nations des plus groflieres, fur-
tout celles qui habitoient les climats les plus
chauds , perfevererent dans une nudité entière ou
prefque entière. Quelques autres ne fc couvri-
Tome II, G
i8 MOEURS DES SAUVAGES
rfint pas mieux que premiers hommes au pre-
les
mier moment de leur confufion , n'employant
que des feuilles, de porcelaines, des écorces &
quelques tiflus légers. Le plus grand nombre
crût qu'il fufïifoit de dérober à la vue ce qui
pou voit blefler la modeftie , foit qu'ils né^ligeaf-
tent par pareiTe ou faute d'induftrie pourfubvenir
à leur néceffité ,qu'accoutumés dès leur bas-
foit
âge aux injures de l'air , ils ne penfalTent pas
avoir befoin des fecours qu'on s'eft procuré de-
puis contre l'inclémence des Saifons. Cela paroî-
troit fans doute furprenant 5c peu croïable , fî
nous n'avions encore quantité de peuples ou en-
tièrement ou prefque tout nuds , dans des cli-
mats afles rigides, lefquels nous obligent de croi-
re, ce qui feroit contre la vraifemblance, s'il n'é-

loit juflifié & vérifié par leur exemple^


, Ceux donc qui dans les commencemens s'ha-
billèrent le mieux , furent ceux qui fe fer virent
des dépouilles des animaux , qu'ils avoient pris
dans leurs Troupeaux, ou qu'ils avoient tués à,
la Chaffe. Ce fut là long - temps le Manteau
Royal des Princes , & l'ornement des Héros.
Hercule n'étoit paré que de la peau du Lion de
Apoiiodor. 1.
Nemée l'un des Argonautes fuivant Jafon pour
;

avoir part à l'expédition de Colchos , court vers-


/poii. RU. I. le Rivage, &c arrive couvert d'une belle peau
de Taureau quiluy defcendoit jufques aux Ta-r
Ions. : Aceft.es en Sicile vient au devant d'Enée
qui abor doit: fut fe&oTerres a,
habillé d'une belle
*»"
J" l.J. . rPam. .
de Lybie , & tenant à la^main Coii
toeau <î'Ours
Arc & fes flèches Bacchus & fa fuite n'avoient
:

pour toutes parures que les peaux des Chèvres


iauvages , ou bien des Tigres, des Panthefes , èc
des Léopards qu'on a depuis attelez à fon Char,
dont l'invention eft fans doute beaucoup pofte-
rieure à fon temps.
On ne peut prefque point douter que ce ne foit
à cQs fortes de vêtemens que les Fatines & les
,

Satyres doivent leur forme. Ces efpeces d'hom-


mes extraordinaires avec des cornes à la tète,
des pieds de chèvre ôc des queues pendantes par
-derrière n'ont rien de réel , & ne doivent leur
«xiftenee qu'à l'imagination des Poètes , aux ex-
preffions Hiéroglyphiques des premiers temps',
& à l'ignorance des fiécles pofterieurs , qui ont
ainfi défiguré des hommes véritables, lefqueîs
étoient fans doute moins bêtes que ceux qui lés
ont crus tels. . ;
.

Les peuples de la fuitede Bacchus '3 <;'êft*à-


dire les Hommes des premiers temps ,^fe cou-
vroient de la peau des animaux , Se fur-tout des
Chevreuils. Ils en âttachoierrt les cornes à leur
tête , comme un ornement que j'ai va Jiioi-mê-
m€ fur celles de nos Sauvages.noùoient ces
Ils

peaux fur leurs peitEines avec les pattes de de-


vant, & laiflbient pendre celles de derrière avec
la queue. Cette manière d'habillement iura don-
né lieu aux Poètes , de nous en faire une pein-
ture allégorique, de la même manière qu'ils en.
C i;
%o MOEURS DES SAUVAGES
ont évidemment fait une des Centaures , pouir
nous défigner les peuples qui trouvèrent les pre-
miers la méthode de dompter les Chevaux, &
de les rendre dociles au frein. Ces Poètes n'ont
jamais crû qu'il y ait eu une efpece de gens moi-
tié Hommes & moitié Chevaux , ou bien moitié
Hommes &c moitié Chèvres. Mais le genre d'é-
--crire & le goût même des premiers fiécles, don-

nant dans les allufions & les figures Embléma-


tiques , ils prenoient plaifir à envelopper tout ce
qu'ils avoient à dire fous des idées fabuleufes
qui étoient comme autant d'énigmes que com-
prenoient fort bien ceux à qui ils parloient y
mais que n'ont pas aflez compris ceux qui font
venus trop tard après eux..
Dioisic: Diodore de Sicile, parlant du Dieu Anubis,,
.i.p.iK
^^^ étoit adoré en Egypte fous la forme, d'un
Chien &c de Macedoii lequel étoit auJÛG. honoré
fous la figure d'un Loup, dit que le premier
iaemiïib>4> étôit un grand Capitaine, dont l'habillement
t-»*^^ étoit la dépoiiille d'un chien, •& le fécond un
autre guerrier célèbre qui étoit vêtu de la peau
d'un- Loup, Le même Auteur aflfure la même
_chofe,, que je viens de dire,, au fujet des Centau-
>res.; Ontrouve dans, les anciens Monumens des
figures d' Anubis avec la tête d'un Chien-, ou
bien- avec la tête d*^uii< homme convert delà peau
.4'un< Chien r de Jupiter Amraon fous la forme
d'un Bélier:^ ou bien; avec une tête de Bélier fur
le corps d'un Homme ,. ou finiploment avec des-
A M E R QU A N I ï s. z,

cornes de Bélier , &


avec la feule dépouille d'une
tête de Bélier. Il en eft de même d'Ifis & des au-
tres Divinités Egyptiennes.
Les Cornes étoient anciennement , la marque
de la puifTance , de la force , ôc de l'autorité fouve-
raine. Plufieurs témoignages delà fainte Ecritu-
re & de laTheologiepayenne, nous prouvent in-
conteftablemenrque c'ctoit là l'idée commune de
l'antiquité. Les cornes des Divinités des Rois
Orientaux^ & de&^ Cefars , lefquels ont voulu être
ainfi réprefentés , n'ont point d'autre (ignifica-
tion, & remonter G. haut-, les cornes des Ci-
fans
miers des Ducs de Bretagne & de plufieurs fa-
milles d'Allemagne font voir , qu'il n'y a pas en-
core long-temps , qu'on penfoit en. Europe ^ com-
me ont penfé tes Anciens ^ & comme on penfe
encore aujourd'huy en Amérique, en particulier
chez les Iroquois,, ou le terme Gdw«4^^ro««/ ver-
be relatif formé fur celui d'Onnagara^, qui veut
j,

dire une corne , fignifie élever quelqu'un Ôc le


lendreconfiderable.
Le Théâtre des Grecs & desRomains avoit
eonfervé jufques dans les derniers temps, l'ha-
billement des» Satyres dans fa fimplicité Antique,
& la: Robe qu'on appelloit Sutyrica-, n'étoit qu'une

peau de Chevreuil ou de Léopard, qu'on nom-


moit Hinnuleiy Ifale, Trage , PardaliSy ChUr-
Pellis

mis Flortda, Purpmeum^ Pallium y T^ertahulum Lyionj^


^acum: Le àqs ViécQs Théâtrales étoic auiït
S^yrmof
VLxi long Manteau de fourrures y_ l'ornement des
Ciij,
,

x% MOEURS DÊ5 SAUVAGES


Rois Barbares, qui nous eft encore repréfentie
par le Manteau Royal des Têtes Couronnées , le-
quel eft; bordé &: fourré d'Hermines.
En EuiOpe, en Afie, en Afrique , plufieurs
Nations n'ont point eu abfolument d'autres vê-
temens pendant plufieurs (lécles. Au temps de
"r?'!!^"^''''
Crefus 5 un Lydien nommé Sandanis s'attira l'in-
dignation de ce Prince, pour luy avoir donné
un confeil plein de fagefTe, mais qui étoit con-
traire à fon ambition. Car pour le détourner de
faire la guerre aux Perfes, lefquels vivoient alors
comme des Sauvages « Vous allez , luy dit-il, :

» Grand ,Roy , faire la guerre à des peuples, qui

" n'ont pour tout vêtement que des Brayers de

«cuir. Se quelques peaux dont ils fe couvrent.:


,» qui vivant dans des païs ftieriles , ne fe nourif-

» fent pas de ce qu'ils voudroient manger , mais


« de ce qu'ils peuvent attrapper qui n'ont point :

» i'ufage du vin, & ne connoiflent que l'eau pour


» toute boilTon. Enfin qui n'ayant rien de bon

«ne vous offrent rien que vous puilïiez gagner,


» fi vous êtes affés heureux pour les vaincre, au
»•lieu que vous devez faire réflexion , que vous
«avez infiniment à perdre, fi vous avez le mal-
"heur d'être vaincu.
Tacic.deMo- Tacïte fait que les Germains n'avoient
foy ,
ïib.Germ.He- •
i, n r t t 1
rodot. Lib.4. pomtd autres vetemens que des rourrures. Hero-
Libfl'.Si ^^^^ l'afTure des Afriquains , Varron des Gaules
yarro.Lib. 1.
Rei Ruft.
& Jes
_,,
Satdes , Virgile des Peuples de Scythie&;
*^ r T^- 1
,

Amen
A 1

1 I 1
Anian. Lib.s, de Tliface , de ceux de l'Inde, ôc Diodo-
Diod. Sic.
A MER I QJJ A I N S. ij
re de Sicile le rapporte aufïi des Egyptiens. Lib. icap. 7.

11 Apres même qu'on eut trouvé l'uiaee des Toi- videdch,sTi-


rc rr r
r.iqt^eîlum- la
ï'
les & des Etoftes , on ne laifla pas de le lerv-ir Notisin Lib.
^ 1

encore des Fourrures pendant un très-long temps , aicx ab a'"-'


chez les Peuples qui travailloient le Chanvre le "
'*'

Lin & les Soyes. Homère nous réprefente par tout


(es Héros, vêtus de peaux de Lion, d'Ours, de
Loup , de Chevreiiil, &c. Il n'eft pas jufques Homcr.jiia^r
à Paris Alexandre , dont il fait un Damoifeau , ^^

lequel n'a pour tout ornement qu'une peau de


Léopard. Cependant Hélène, Pénélope, oc les au-
tres Dames Grecques &c Troyennes fçavoienc^
fort bien travailler à l'éo-uille.
On avoir trouvé dès les premiers temps , 1er

fecret de rendre maniables ces peaux ,,


flexibles ôc
lefquelles fans préparation doivent durcir, fe ré-
trécir & devenir inutiles. On laiiToit le poil des-
Bêtes dont la toifon efl douce & chaude, & orï.
dépoiiilloit entièrement des deux côtés , celles-
dont le- dur Se peu flexible. On leur don--
poil eft
noit outre cela quelque ornement , foit dans la?-
maniere dont on les tailloit , foit dans les figu-
res qu'on y traçoit , foit dans les couleurs qu'ont

y mettoit.
: Les Peuples de Lybie paroifTent avoir été desr-

premiers qui ont mis cet Art en ufage, C'efl: ce;


,

qu'Hérodote nous fait connoître par ces paroles.-


-» Les Grecs ont pris des Lybiens Numides l'ha- '"

bit & les Egides des Statues de Minerve, avec «'=


cette différence, qu'aux Egéesdes femmes. Ly-^^
14 MOEURS DES SAUVAGES
"biennes, les franges pendantes ne font point
«des Serpens, mais de fimples courroyes, quant
» au refte elles font faites fur le même modèle,

« & le Nom même témoigne, que l'habit des Si-


« mulachres de Minerve efl; venu des Lybiens
» Car les femmes de Lybie mettent par-deffus

"leurs vêtemens des Egées , c'eft-à-dire , des


« peaux de Chèvres courroyées , qui ont de la fran-
» ge , & qui font teintes en rouge. C'eft de ces

» Egées , c'eft-à-dire, de ces peaux de Chèvre dé-


« poiiillées <le leur poil, que les Grecs ont pris le

« Nom d'Egides.
Du Ryer s'eft embarraffé dans fa tradudion,
en ex^pliquanc le mot Egide par celui de Bou-
clier. Car quoique l'ufage ait confacré ce terme
pour fi^nifîer le Bouclier de Pallas, & qu'on lui
ait donné ce nom en effet , parce que les Bou-
cliers des Anciens étoient couverts de peaux de
Bouc, ou de quelque autre animal, dont le cuir
fut encore plus fort, il n'y a néanmoins nul ter-
me dans le Grec qui fignifie un Bouclier, & il
n'en eft nullement queftion en cet endroit, mais
feulement de la Robe qu'on mettoit fur les autres
habits des Statues de Minerve. Ce qui eft évi-
demment expliqué , par la defcription que fait
Hérodote de l'habillement des femmes de Lybie,
qu'il dit êtreabfolument femblable à celui dont
on couvroit les Simulachres de Pallas, avec cet-
te unique exception, que les habits des femmes
iie Lybie n'avoient point de Serpens ou de figu-

res
A M E R I Q^U A I N S. 15

res de ferpens pendantes , mais feulement des


franges & des courroyes de cuir.
^On pourroit d'ire peut-être, que le mot Egide y
jfignifie un Bouclier en cet endroit , parce que

xians les temps les plus reculés, la Robe, dont \çs


hommes fe fervoient pour fe couvrir, leur fervoit
auili de Bouclier, ce que je ne nie pas. Car en ef-
fet , Apollonius de Rhodes nous repréfente An- Apoii. Rhod.
^'^- *•''•"*
cée l'un des Argonautes , qui" armant fa main
droite d'une Hache & fe couvrant avec le bras
,

gauche de la peau d'une Ours noir & horrible ,


s'élance plein de colère pour combattre les Bebry-
ciens, mais ce n'eft pas ce qu'on entend par un
Bouclier ordinaire.
Les Carthaginois avoient appris des Phéniciens
la manière de préparer ces cuirs , le fçavanc &
M. Huet prétend, que c'eft par les uns & par les
autres, que s'eft perpétué l'art de faire les beaux
Maroquins qui nous viennent d'Afrique àc du Hiictducom.
™""p-*^'
Levant , 6c qui font aujourd'huy d'un fi grand
commerce.
Puifque tous les Scythes étoient aufïi habillés
de peaux , il n'eft pas furprenant , que les Par-
thes & Nations du Pont , dont le Pais étoit
les

compris dans ces vaftes régions de la Scythie,


fuffent de fi excellens ouvriers en cuir. Les Ro-
mains les aïant fournis à leur Empire , Auguftc
leur afïigna fept Maifons à Rome dans la douziè-
me région, ou étoit la Pifcine publique , &: \ç.s
Empereurs voulurent avoir toujours depuis des
Tome IL D
,

x6 MOEURS DES SAUVAGES


p.v.ftot.ib. ouvriers Parthes de Nation, ou qui préparafTent
urbisSm. les cuirs à la façon des Parthes.
Le plus grand commerce de l'AfTyrie fe faifoit
de ces fortes de peaux , difent M. Huet & M.
l'Abbé Girofalo, qui rapportent fur cela le témoi-
Poiybiib. 4-
gnage des Anciens. Polybe afliire qu'on en tiroic
la plus grande quantité & la meilleure , des Ré-
gions du Pont pour l'ufage des Romains. C'écoit
aufïi la même Province qui leur fournifToit le
plus grand nombre d'Efclaves & les mieux faits.
Dans Méridionaux de l'Amérique , la
les païs
- nudité ^Q% Sauvages eft entière ou prefque entiè-
re. Ceux qui habitent les climats les plus froids
& qui font les plus élevés vers le Pôle Ardique,
ont mieux pourvu à la décence & au befoin par
les vêtemens de peaux & de fourrures, que tous
les Peuplesqui en ufent, préparent avec beaucoup
de propreté.
Les Efximaux, les autres Peuples de la terre
de Labrador , du Détroit de Davis & du voifina-
,

ge de la Nouvelle Zemble, font tellement vctus


que tout eft couvert excepté le vifage & les mains.
Ils fefont des Chemifes de velîîes & d^inteftins

dePoifTonSj coupés par bandes égales & coufus


fort proprement. Cette chemife ne defcend que
jufques aux reins & elle a un capuchon qui cou-
vre bien la tête & le coL Elle ne s'ouvre point fur
la poitrine; & afin qu'elle ne fe déchire point
elle eft ourlée par fes bords d'un cuir noix fort-
délié.
A MER I Q^U A I N S. £7
mettent fur cette cheniife une Cafaque de
Ils

peaux de Loup marin , ou bien de Cerf & d'autres


animaux qu'ils prennent à la chafTe, fort bien pré-
parées & garnies de leur poil. Ils coupent ces
peaux par bandes de différentes couleurs , & Iqs
coufent fi bien les unes aux autres , qu'elles ne pa-
roiiïent faire qu'une même pièce la Cafaque def- :

cend un peu plus bas que la chemife, & fe termi-


ne en pointe fur le devant. Les cuiffes & les jam-
bes font couvertes par une forte de haut de chauf-
fe &de bas, qui font de même matière, fem- &
blent ne faire qu'un tout enfemble.
Les femmes font entièrement couvertes com-
me les hommes, mais leur Cafaque eft différente,
en ce qu'elle defcend jufques au gras de la jam-
be & quelle eft ferrée par une ceinture à laquelle
,

elles attachent pour ornement plufieurs oflelets


fort pointus, ôc de la longueur d'une aiguille de
t^te. Les plus frilleufes, comme font ordinaire-
ment les vieilles, font ces fortes de Cafaques de
la dépoiiille de certains Oyfeaux dont le pluma-i
ge blanc & noir, fait un aflTés joli effet.
Les habiUemens des Iroquois & des autres Sau-
vages moins Septentrionaux , confiftent en plu-
fleurs pièces , qui font le Bray.er , une forte de
Tunique, les Bas ou MitafTes, Iqs Souliers & la
Robe.
Le Brayer eft le feul néceffaire &c qu'ils ne quit-
tent point. Ils fe dépoiii'lent aisément de tous les
autres ^uand ils font dans leurs Cabanes ou qu'ils ,
1% MOEURS DES SAUVAGES
en font gênés, fans crainte de bleffer la modeflie-^
Ce Brayer, que nos Iroquois nomment Gacca^-
rêj eft , pour les hommes, une peau large d'un
pied &c longue de trois ou quatre. Ils la font paf-
1er entre les cuifles, & elle fe replie dans une pe-
tite corde de boyau qui les ceint fur les hanches,
d'où elle retombe par devant & par derrière , de
la longueur d'un pied ou environ. J'en ay vu à
Rome à quelques Statues des Anciens Egyptiens
qui en approchoient un peu , avec cette dilteren-
ee néanmoins, que les Egyptiens , avant que de
faire retomber cette pièce fur le devant, envelop-
poient leurs cuiffes qui en étoient couvertes em
dehors.
Les femmes s'enveloppent plus modeflement :-

celles des Nations A'gonquines, portent une ef-


pece d'étole, ou de Robe fans bras, noiiéefur les?
épaules, laquelle pend jufques à mi-jambes, ain-
fi qu'on les voit aux Statues des femmes Egyp-

tiennes. Les Iroquoifcs ôc les Huronnes, ainfi que*


les Lacederaoniennes, n'ont qu'une efpece de Jup-

pé ceinte fur les reins , &c qui finit au deffus du:


genou. Elles, ne les font pas defcendre plus bas y,
pour n'en être pas smbarraflees lors quelles travail-
lent a la terre.
La Tunique eft une de Chemife fans^
forte
t)ras , faite de deux peaux de Chevreuil , minces 6c

légères , dépoiiillées entièrement de leur poil &


découpées en guife de frange par le bas , & à la
naiffance des épaules, abfolument de la même;
AMERÎCi^UA INS. t^
manière que les Romaine. Cette
CuirafTes à la
Tunique, qui eft particulière aux Nations Huron-
nes & Iroquoifesjeft de tous leurs vêtemens ce-
lui qui leur paroît le moins néceflaire , & plu-
fleurs s'en palTent aifément, particulièrement les
hommes-. i
'
'

Pendant qu'ils font en voïagé & durant la ri-


gueur del'hyver, ils ont des bras poftiches , lefl
quels ne tiennent point à i'habif ou a la Tuni-
que , mais qui font liés enfemble par deux cour-
royes qui paffent derrière les épaules.
Les bas ou Mitajfesy ainfi que \t^ François Its:
nomment, fe font d'une peau repliée &; coufuëv
laquelle s'étrecit dans le mêm^ fens que la jambe,,
&c i qui on laiffe en dehors un^ frange ou un re-
bord de quatre doigts de largeur. Les femmesles^
font monter jufques aux genoux, & les attachent
au deflbus avec des jartieres joliment travaillées
cnpoil d'Elan & de Porc-Epy. Les hommes les
ponent jufques à-mi-GuilTes, & les
attachent fur
leshanches a la ceinture qui tient leur Brayer.
Ces bas qui n'ont point de pied , s'emboittent'
dans des fouliers d'une peau fimple, fans talon 6c'
fans femele de cuir fort. On la fronce un peu fur
les du pied où elle eït coufuc , avec'
doigts
des cordes de boyau , à une petite languette de
cuir. Onreprend enfuite tous les, plis avec des:
Gourroyes de la même peau , qu'on paife dans des'
trous pratiqués de diftance en diftance, & qu'on
lie au deilus du talon , après les avoir croifées fut
D iij,
30 MOEUR;S;DES SAUVAGES
le col du pied. Cette chauiTiire n'efl; nullement
différente de celle des Roys Parthes ^ dont ori
voit plufîeurs Statues, & entre -autres deux de
pierre de Touche qui font d'une très-grande beau-
té , oc que Clément X I. a fait placer au Capitole ,
peu de temps avant que de iaiflcr au monde Chré-
tien, le regret d'avoir perdu un fi faint Pontife.
Quelques-uns font monter ces fouliers jufques
à mi-jambes, pour être moins incommodés d^s
neiges, & alors la manière dont on les attache le&
fait refîembler affez bien à la chauffure qu'on don-
ne aux Héros, ôc aux gens de guerre dans la Mi-
lice Romaine.
La Robe efl une efpece de couverture en quar-
ré, longue d'une braffe en unfens, fur une braffc
ôc demie dans l'autre. On laiffe à quelques-unes le.
poil. D'autres font entièrement dépoiiillées quel-
:

ques-unes font faites de peaux entières d'Elan, de


Cerf, ou de Biche, de Bœuf Ilinois , &c. D'au-
tres font de pièces rapportées de plufîeurs peaux
de Caflor , ou d'Ecureuils noirs. Ces Robes font
frangées en haut &c en bas, par des découpures de
la peau même, comme les Egées des femmes de
Lybie, ou les Egides de Pallas. Du côté de la tê-
te, les découpures font plus petites , & un peu plus
longues vers les pieds. A celles qui font faites de
peaux d'Ecureuils noirs, on attache les queues de
ces animaux i la bordure d'en-bas, & ces queues
ou découpures font le même effet , que
ces celles
q^u'on voit aux Aumuffes des Chanoines.
.

A M E R I Q^U A I N S. 31

Les Sauvages s'enveloppent dans ces Robes


qu'ils portent d'une manière négligée. Ils les af-
fujetiiTent feulement avec les mains , & rien ne
les attache, fi cen'eft dans leurs voïages. Car alors
étant chargés de leurs paquets,ils leslient par le mi-
lieu du corps avec une ceinture pour n'en n'être
pas embarraflés. Dans les mauvais temps ils les
font pafler fur leurs têtes , qui hors cela font tou-
jours nues , comme celles des Anciens Romains ,
Ôc ont tout à fait l'air de celles que nous préfen-
tent les Médailles des Cefars^
Pour le préfent la plupart des Sauvages qui
font au voifinage des Europeans , en confervant
leur ancienne manière de s'habiller, n'ont fait que-
changer la matière de leurs habits. Ils portent des
chemifes de toile au lieu de Tunique , des brayers.
& des Mitafles d'étoffes. A la place de leurs Ro-
bes de fourrures ils de couvertures de-
fe fervent
laine , de poil de Chien , & de belles écarlatines-
rouges & bleues. Il y en a auflï beaucoup qui por-
tent une forte de jufte- au -corps à la Françoife-
^le les Canadiens nomment Capots. Mais, comme:
je l'ai déjà dit, avant l'arrivée des Europeans,,
tous leurs vêtemens étoient de cuir. Les étoffes S>c
les toiles leur étoient abfolument inconnues , &:
ne font point encore en ufage chez les Nations.;
éloignées , qui ne peuvent pas joiiir facilement de-
nôtre commerce.
Manière'
préparer
La préparation de ces peaux
A
n'eiB pas
»-
difficile ^^
1- i- les Peaux»
3i MOEURS DES:SAUVAGES
ni de longue haleine. Après les avoir fait macé-
rer dans l'eau afTés long-temps , & après les avoir
Jbien raclées on les rend douces a force de les ma-
,

iijier^ de forte qu'elles féchenc, pour ainfi parler,

entre leurs mains. Pour les adoucir davantage ovt


les frotte avec un peu de cervelle de quelque ani-
mal , & en peu de temps ces peaux font fort flexi-
bles , fort douces , & fort blanches.
Us ne paiïent point a l'huile celles dont ils font
leurs fouliers , & celles qu'ils veulent mettre à
l'épreuve de l'eau ; mais ils fuppléent au défaut de
J'huile, en les faifant fumer , ce qui produit le mê-
me effet. Quand ils font prefles , il leur fuffit de
faire un en terre, fur lequel on fufpend
petit trou
la peau coufuë en forme de poche, Ôc foûtenuë par;
de petites branches qui l'affujetifTent en dedans
dans toute fa longueur. Ils jettent dans ce trou
du bois pourri, & d'autres matières qui ne puif.
fcnt pas s'enflammer. La fumée qui s'en exhale, ne
fortant point au dehors, pénétre bien -tôt cetter
peau 5 qu'on peut enfuite fort bien laver fans
crainte qu'elle le ride. Cette manière de fumer eft
la plus prompte, mais elle jaunit les cuirs , ce qui;
n'arrive pas quand ils les fufpendent au haut de
leurs Cabanes , fur les perches qui pofent fur les
poteaux qui la foûtiennent &c qui environnent
les feux. Car la fumée qui s'en élevé n'étant point
gênée comme elle l'efl: dans nos tuyaux de che--
minée , ou dans ces poches coufuës en forme de
chaufle d'Hjpocras, les pénétre peu i peu d'une
manière
:'A MÊR I QJJ AI N S.
33
manière infenfible , fans les jaunir èc fans les noir-
cir. C'efl: de ces peaux qu'on faic les Tuniques

qu'ils font encore lefliver après s'en être long-


temps fervis. Toutes ces peaux font d'un très-bon
ufage, ôc dans l'art de les préparer elles ne cou-
rent point le rifque d'être brûlées comme celles
qu'on prépare en Europe.

A l'exemple des Peuples de Lybie , dont nous Pelntufes


avons parlé après Hérodote , ils peignent cqs p^^'l"^*
peaux èc
Y font des figures de diverfes couleurs , Peaux,
qui leur donnent de l'agrément &c en relèvent la
beauté. Quoique cet Ouvrage n'ait pas une gran-
de fineffe, il demande cependant beaucoup de
travail icar avant d'y mettre la peinture, on grave
afl'ez profondément, fur la peau préparée, toutes

les lignes dans lefquelles le Minium &; les autres


couleurs doivent être infinuées , de la même fa-
çon dont les Anciens en ufoient pour écrire fur
les Tablettes de Cèdre enduites de cire, ou bieil
même pour graver fur le bois àc. fur l'y voire, des
Portraits & d'autres fortes de Tableaux. Le Gra-
veur burinoit d'abord tous les traits des Lettres
ou des figures qu'il vguloit tracer, il faifoit en-*
fuite couler de la cire fondue , &: emprainte de
,

diverfes couleurs dans ces lignes & dans ces fiU


ions. Pline nomme Ce//mw ou F'inculum,!' ziguiWe Piiniuf.iife*

ou le Burin qu'on employoit à cette Gravure.


ri 1-111
S. Ilidore de Seville le nomme Graphium. Script 0-
^lA'''^-^
Jiidor. ung*
l'b. 7 c.?.

rmm. Rhodigmus Si d autres, Cautenum. On peut en kftio», '

Tome IL E
34 MOEURS DES SAUVAGES
AwtiqUb. g.
^^^j. appelle,-Cauftique cette peinture , en pre-
e-ii
nant ce terme dans un fens métaphorique , com-
me on en ufe encore aujourd'hiiy pour des ope-
rations, ou le fer produit la même adion que le
feu. Car ce feroit une grande erreur de fe perfua-
der que ces peintures Cauftiques des Anciens qui
fe faifoient fur l'y voire & fur le bois, & fur des
tablettes enduites de cire, fuflentde la même na-
ture que celles oLiil faut néceffairementemployer
le feu, de la manière dont on en ufe pour les
émaux. Si le burin dont on fe fervoit pour era-
v0r fur l'yvoireeut ete un rer rouge, qu'on en-
tend par le terme Cauterium il ^uc certainement
,

gâté l'y voire ou le bois , & le feu s'y feroit fait


fentirau delà de ce qu'il eut fallu, pour exprimer
chaque trait, ou graver chaque ftllon. Si après
avoir fait couler dans ces traits & dans ces filions
les cires colorées , il eut encore fallu les expofer
fur le feu ou dans un fourneau , les cires fe fe-
roient confondues, le bois fe feroit voilé, & l'y-
voire eut éclatté. On n'employoit donc le feu
dans ces fortes d'ouvrages , que pour rendre les
cires fluides, & pour les mettre en état d'être ap-
pliquées fur chaque trait , après les avoir bien
mêlées avec les couleurs. Tout le refte de J'ou-
vrage n'étoit aufli par confequent appelle Caufti-
que, que métaphoriquement & improprement,
parce que le Burin faifoit fur l'yvoire & fur le
bois, le même effet que
feu fait ailleurs. X-é
le
Burin des Anciens étoit de fer ou bien d'os. Il
A M E R 1 Q^U À IN S.

fut même un temps où les premiers furent ab-
folument défendus , du danger qu'il y
à caufe
avoit d'avoir toujours en main un inftrument,
dont les blefliires n'étoient pas moins dan^ereu-
fe que celle des Stilets. Les Sauvages originaire-
ment ne fe fervoient que de petits olTelets bien
pointus.
La peinture que Sauvages font couler dans
les
les filions qu'ils ont gravez fur les peaux, eftune
efpece de Minium ou de cinnabre, qu'ils tirent
d'une terre laquelle eft d'un affés beau rouge,
mais qui ne vaut pas nôtre vermillon. Ils la trou-
vent fur les bords de quelques Lacs ou Rivières,
Ils y employent aulïi les fues & les cendres de

quelques plantes.
J'ai toujours eu dans l'idée qu'il fe pourroir
bien faire que les Sauvages fiffent une couleur de
la nacre de leur porcelaine réduite en poudre
impalpable. Car elle efl du plus beau pourpre du
monde. Mais aïant négligé de m'en informer
dans le pais, &
n'aïant trouvé perfonne qui put
m'en rendre compte, je ne puis rien dire fur une
chofe laquelle auroir pu nous donner de grands
éclairciflemens fur la pourpre àts Anciens. Les
Anglois établis à la Virginie , font à portée de fai-
re cette recherche.
évident par tout ce que j'ai déjà dit de
Il eft

l'habit de peau des femmes de Lybie & de la Ro-


be Théâtrale , foit le Syrmay foit la Satyrique, à qui
pn donnoit les Noms de ChUmis Florida , ou de
Eii
3^ MOEURS DES SAUVAGES
Purpureum-Pallium i que cette manière de peindre
les peaux eft de la première Antiquité. Il m'eft
venu fur cela deux Réflexions.
La première eft,que lorfque les Auteurs les
plus anciens nous parlent des Robes peintes , &c
dçs Robes travaillées à l'aiguille, ils veulent peut-
être parler de cette peinture que j'ai appellée
Cauftique, & que par l'aiguille Babyloiaiene,
Phrygiene 5 Semiramiene , Sydoniene , il fe
peut faire qu'on doive plutôt les entendre d'un
Burin à graver, que d'une aiguille a coudre. ,
.
La féconde , c'eft que quoique l'on ne puiffe nier
que l'art de brocher & de mettre les laines, les
fils & les foyes en œuvre pour s'habiller, ne foie

très-refpedable pour fon Antiquité, il eft néan-


moins poflerieur à celui de graver &: de peindre
fur \qs cuirs dont la Priorité , Ci j'ofe me fervir
,

de ce terme de l'école, fe manifefte encore dans


un grand nombre de Nations , qui l'aïant reçii
des premiers âges du Monde, ont ignoré jufques
à nos temps l'ufage des Toiles §c des étoffes pour
^'en couvrir.
On peut bien attribuer à Pallas l'invention de
cette peinture Cauftique &
au Burin. Mais je ne
fçais fi c'eft à elle qu'on eft redevable de l'art
des Tiflerands. Laraifon qui me fait croire l'un,
me fait- douter de l'autre. Car ce n'étoit fims dou-
te que par refped pour l'Antiquité , en mé- &
moire des habits qu'elle portoit elle-même, ou
«qu'elle avok m
js la première à la mode
, que les
,

A M E R I qU A I N s. 37
Athéniens fàifoient de peaux de Clievres cour-
royées , les vêcemens ôc les Egides de fes Simula-
chres, à l'imitation des Egées des femmes Ly-
biennes. Pallas étoit née dans la Lybie félon la
fable, & faifoit mieux le métier de la guerre que
celui de coudre & de filer une quenouille.
Je fçais que ce que je dis ici révoltera d'abord
certaines perfonnes , qui ne croyent pas qu'on en
puiffe ôter l'invention à Minerve, contre le fenti-
ment commun qui lui en attribue tout le mérite.
Ce que je dis néanmoins fe trouve fondé fur
l'Antiquité fuffifamment pour faire naître un dou- luiiuspirm.
te. Car outre que Julius-Firmicus diftineue dans la çl^y°'^'
!!''•

Théologie Hiftorique des Payens , cinq perfonnes

fous le nom de Minerve, qu'il eft affez difficile de Arcad. P.13S.


démêler, Paufanias fait l'Auteur de cet art Ar-
cas fils de Callifto. Quelques-uns en font honneur
aux Lydiens, d'autres aux Egyptiens. Si donc on
en a regardé dans la fuite Minerve comme l'in-
ventrice : (i à Athènes on la peinte avec une
Lance d'une main & une Quenouille de l'autre :

Si les Poètes ont feint à fa louange la fable de


fon combat d'émulation avec Arachné , cela n'a
été que par une efpece d'attribution honoraire
parce que les Anciens fous le perfonnage de Mi-
nerve née du cerveau de Jupiter, réprefentant la
fageffe de Jupiter ou du fouverain Eftre , en
avoient fait une Divinité , laquelle préfidoit à
toutes les Iciences ôc i tous les arts , dont l'inven-
tion marquoit de la fagefle ôc. de l'intelligence :
E iij
38 MOEURS DES SAUVAGES
ifi 'or. oiig. ce qui nous eft parfaitement bien expliqué par
iib..y.c.xo.
faintlfidore de Seville.

Peintures Ce n'eft pas feulement l'artde faire ces fortes


Cauftiques Jg peintures Cauftiques . fur les peaux de Che-
fur la chaiï • •
1 « J •
^
yive vreuii Se des autres animaux que
Sauvages
1

les
ont hérité de leurs pères vils en ont encore appris
celui de fe faire de magnifiques broderies fur la
chair vive, & de fe compc^fer un habit qui leur
coûte cher à la vérité, mais qui a celadecommo-
, de , qu'il dure auffi long-temps qu'eux. Le travail
en elî le même que celui qui fe fait fur les cuirs.
On crayonne d'abord fur la chair le deflein des
figures qu'on veut graver , on parcourt enfuite
toutes ces lignes en piquant avec des aiguilles ou
de petits oiTelets, la chair jufques au vif, de ma-
nière que le fang en forte. Enfin on mfinuë dans
lapiqueuredu yîîr/«/«w, du Charbon pilé, ou telle
autre couleur qu'on veut appliquer.
L'opération n'en eft point extrêmement dou-
loureufedans le moment qu'on la fait , car après
lespremières piqueures les chairs font comme en-
dormies d'ailleurs les Ouvriers de ces fortes de
;

tapifleries travaillent avec tant d'adreffe &"de


promptitude , qu'ils ne donnent prefque pas le
temps de fentir. Mais après qu'on a infinué les
couleurs, les playes s'irritent par cette efpece de
venin , les chairs s'enflent , la fièvre furvient &
dure quelques jours il y auroit même peut-être
j

du danger pour la vie fi l'on faifoit l'ouvrage dans


A MER I Q^U A I N S. 35
fon entier , fur tout lorfqu'il doit être fort chargé,
& s'ils ne prenoient des temps doux ôc tempérés

pour éviter les inconveniens qui en pourroienc •

arriver dans les grandes chaleurs.


Les Auteurs font mention de cette Peinture
Cauftique d'une manière fort claire & fort dif-
tinôiQ. C'eft elle qui donna le nom aux Pides.
Ce nom, dit S. Ifidore"*^ de S eville, convient par- « iddor. oHgi
'''•'»' "p-^*<
faitement à l'image que prefente leur corps , que «
l'Ouvrier peint en y gravant plu (leurs figures «
par plufieurs petits points qu'il y fait avec une «
aiguille, &
dans lefquels il infinuë le fuc des*
plantes quinaiffent dans leur Pais, afin que leur*
noblefie écrite, pour ainfi parler, fur tous les '^

membres de leur corps fe diftingue du commun «


par le nombre de ces caraderes.» Solin parle des soiin.cïp. m»
mêmes Peuples à peu près dans le même fens que
S. Ifidore. Pomponius Mêla, traitant de la Scy thie Pomponius
*'
d'Europe, dit des Agathyrfes qu'ils peignoient , ^^'VJ"^'
leurs vifages & leurs corps de figures inéfaçables •,.

les grands s'y diftinguoient par là du commun


peuple , à qui il n'étoit pas permis d'en avoir un

* IJidor.erigin.lib. /^. cap. 23. bariquibus per artifices plagarum


Nec abeftgeris Piâ;orumj nomen )am inde à pueris variœ anima-
à corpore habens , quod mimitis lium effigies incorporantur , inC-
opifex acus pundtis &
expreflbs criptifque vifceribus hominis ,
nativi graminis fuccos includit, incremenro pigmenti nota; cref-
ut , bas ad fui fpeciem cicatrices cunt. Neque quidquam magis pa-
feraC Pidlis arciibus maculoià no- tientia: loco nationes feis d.ucunt
bilitas. quain ut per memores cicatrices
Solinus de magna, Britannia cap. plurimum fuci artus bibant.
iS> Regionem tçnent partjm Bay-
40 MOEURS DES SAUVAGES
Lu-i,:n. de
f^ Q-r^iid iiombrc que les p;ens Luciende qualité.
Hero(îot,iib. feod Ic meiiie témoignage des Atiyriens. Hero-
^°i- dote alTure aufli que les femmes de Thrace fai-
foient confifler leur noblefTe dans la quantité de
ces marques , qu'elles faifoient graver fur leur vi-
fage. Je laiffe plufieurs autres paflages des Hif*
toriens & des Poètes , lefquels font alfez connus*
Comme plufieurs Nations perdirent cet ufage,
& qu'il n'y avoir plus que les Barbares qui en fif-

fent parade, les idées de beauté de nobleife &


„, , ^ qu'on y avoit attachées changèrent bien dans la
lus icà. An- luite des temps , car cette pemture devînt une
'bs-cap.
Il j^-j3^j,qyg d'infamie parmi les Peuples policés; de-
forte qu'il n'y avoit que les efelaves hc les crimi-
nels qui fuffent ainfi notés , foit qu'on leur im-
primât des caraderes pour les reconnoître & les
empêcher de fuir, foit qu'ils viriffent ainfi mar-
qués des Païs où on les avoit fait captifs. Les Ro-
mains les appelloient par dérifion les Lettrés , &c
on difoit parmi eux, comme en proverbe, qu'il
n'y avoit point de gens plus lettrés que les Sa-
miens parce que les efclaves amenés deSamos,
;

ou peut-être de Samothraceavoient un'plus grand


liombre de ces figures. On leur donnoit auifi en
gênerai le nom d'Iftriens , a caufe du grand nom-
bre de ceux qu'on amenoit d'Iftrie, dont les Peu-
ples excelloient dans ces fortes depiqueures. Oix
les appelloit aulïi Iqs Bleus C^ruleos , à caufe de la
Êoufeur du charbon pilé qui devient bleuâtre dans;
la chair où il eli infinué ôc Cœlaios^lcs Cizelés,-
_,

)arce que
AM E R I QJJ A I N S.
^^
parce que leur corps paroiiloit comme un ouvra-
ge de marqueterie.
Le nom de Lettres ou de Polygrammates , ne
/îgnifie pas , que tous euflTent des cara6leres de
i'alphabet imprimés. Ce tsrme doit ctre pris
dans un fens plus geneuique. En
efFet Rhodigi-
nus dit qu'on imprimoit aux Athéniens la figure
d'un Cheval, à quelques autres celle d'un vaifleau,
£i. ainfi de plulîeurs autres figures arbitraires,

Lqs cruelles incifions, qui font en ufage chez


les Ameriquains Méridionaux , deviennent des
peintures inéfaçables ; les playes qu'ont fait les
dents d'Acouty ,dont ils fe fervent pour cet eifet,

ne fe ferment jamais fans laifler une cicatrice, la-


quelle devient bleuâtre à caufe des cendres cor-
rofives des courges fauvages ôc des autres dro-
gues qu'ils y infèrent. L'ouvrage n'en eft pas Ci

délicat ni long a finir, que celui qui fe fait avec


fi

les offelets mais il eft bien plus douloureux , &


',

l'on peut bien dire de ces Peuples ce que Solina soiin, loc. eu.

dit des Picles , que rien ne doit donner plus d'i-


dée de leur patience ôc de leur conftance invin-
cible, que le <:ourage qu'ils ont, à laiffer faire fur
eux un plus grand nombre de ces playes , donc
le fouvenir ne doit pas plus s'effacer de leur ef-
prit , à caufe de la douleur qu'elles leur ont eau-
fée , que la cicatrice peut s'ettacer de defTus leur
corps.
J'ai fait voir, par leurs différentes initiations,
que c'étoit une pratique de leur Religion ancienne.
Tome II, F
,

41 MOEURS DES SAUVAGES


On peut que c'eft chez eux une marque
dire aufTi ,

de leur noblefTe , ainfi que ce l'étoit chez les Aga-


thyrfes , chez les Peuples de Thrace , chez les
Pi6tes & généralement chez tous ceux , dont les
,

Auteurs nous ont parlé à cette occafion. Car vé-


ritablement ils fe font honneur de ces marques
o-lorieufes, & l'on doit avoir remarqué dans le
cours de leurs initiations, qu'ils en reçoivent un
plus grand nombre, à proportion qu'ils s'élèvent
& deviennent plus confiderableSjchaque nouveau
degré d'élévation exigeant de nouvelles épreu-
ves & une nouvelle cérémonie, dans laquelle on
leur fait toujours un grand nombre de ces dou-
loureufes incifîons. Je ne fçai fî c'eft un point de
Religion, ou s'il l'îl été originairement parmi Iqs
Nations de l'Amérique Septentrionale ; ce font
au moins des marques de confideration , &c Its
notables fe font honneur d'en avoir un plus grand
nombre, que ceux qui leur font inférieurs.
Entre ces Sauvages Septentrionaux , quelques
Nations ont plus de goût pour ces Peintures Cau-
ftiques que d'autres i elles font plus communes^
d'un travail plus recherché à la Virginie , à la
Floride, & vers laLouifiane, que chez celles qui
font plus au Nord, lefquelles en ont moins. Il
y en a même quelques-unes, à ce que je croi
qui n'en avoient point l'ufage. Les Iroquois me
paroiffent l'avoir pris de leurs voifins les hommes:

font prefque les feuls qui fe faffent piquer, &:


Ja plupart ne le font qu'au yifage , tout au con-
EL.S trtn
. .1 .pa.a.^y

//////////////////////////////
n.
,

ÀM E R I Q^U A I N S.
43
traire des Brefiliens & Caraïbes, qui regardent,
dit-on comnte line marque d'efclavage^d'avoir Je
y

vifage ainfi marqué. Les femmes Iroquoifes ne


fe font point piquer du- tout ce n'eft quelques-
, fi

unes en petit nombre , lefquelles s'en fervent


comme d'un reniede pour prévenir ou pour gué-
rir le mal des dents , & celles - la fe contentent
de faire tracer une petite branche de feuillage le
long de la mâchoire. Elles prétendent que le nerf
par où l'humeur coule fur les dents, étant piqué
elle n'y peut plus tomber, & qu'ainfi elles gué-
rifl'ent le mal en allant jufqu'à la fource du mal.

C'eft aufli apparemment de cette peinture caufti-


que qu'ont voulu parler ceux qui ont écrit que
\qs Huns fe faifoient brûler le menton & le bas
du vifage dès leur enfance avec un fer chaud pour
n'y avoir point de barbe, car il n'eft plus pofïî-
ble que la barbe puifle poindre où l'on a été pi-
qué de cette forte h & il faut expliquer ce qu'ils
en ont dit par ce qu'en a écrit Ammien Marcel- M^rTciî'ub
lin. ^ .
' 3'-

Les figures que les Sauvages font graver fur Peintures


leur vifage & fur leurs corps , leur fervent de Hïq- "''•'tiques

roglyphes,d'écritures,6c de mémoires. Je m'expli- pw^u^sf"


que Quand un Sauvage revient de Guerre ,
: &
qu'il veut faire connoître fa victoire aux Nations
voifines des lieux où il pafle : Quand il a marqué
* Ammian-Murcellinus , lib. 5/. tius genje , ut Pilorum vi^ior tem-

deHunnis. Ab ipfîs liafcendi prin- peftiviùs emergens , corrugatis ci-»


'

jijjiis infancum fçrro fulcantur al- çatxicibus, hebetetur.

Fi;
44 MOEURS DES SAUVAGES
un lieude chaffe, qu'il veut qu'on fçache qu'il a
choiCi cet endroit pour lui , & que ce feroit lui
faire un affront que d'aller s'y établir, il fupplée
au défaut de l'Alphabet, qui lui manque, par des
nôtres caraderiftiques, qui lediflinguent perfon-
nellement il peint fur une écorce, qu'il élevé
-,

au bout d'une perche dans un lieu de paffage ^


ou bien il lève avec fa hache quelques éclats fur
un tronc d'arbre, de après y avoir fait comme
une table rafe , il y trace fon portrait , Se y ajoute
d'autres caraderes qui donnent à entendre touE
ce qu'il veut faire fçavoir.
Quand je dis ,
fon portrait, je fuis
qu'il y fait

perfuadé, qu'on comprend aifément, qu'il n'eft


pas affez habite pour y marquer tous les traits de
fon vifage de forte qu'il y fut connoiffable à ceux
:

qui l'auroient viiî ce n'eft pas non plus mapen-


fée. Ils n'ont point en effet d'autre manière de
peindre en ces occafions que celle dont on a at-
tribué l'invention aux Egyptienis , dont on voit
encore quelque chofe dans leurs Obelifques , ôc
qui a duré plufieurs fiecles dans fa première (im-
plicite. Je parle de cette Peinture Monogramme
ou Linéaire , laquelle ne confiftoit prefque que
d^ans les lignes extrêmes de l'ombre des corps,plû-
piin. hiiï.
lot que des corps mêmes j Peinture fi imparfaite,
nat.l1b.j5. ,1 r r VI -A j 1 1

qu il eut louvent rallu ajouter au bas le nom de


/^

cap. 5.

la chofe qu'on vouloic exprimer, afin qu'on pût


la connoître. Cependant les Peuples fe faifoient
un tel honneur de l'avoir trouvée, que Pline a.f-
,

A MER I Q^U A ï N S. 45
fure que les Grecs en difputoienc la gloire aux
Egyptiens.
Le Sauvage donc, pour faire fon portrait, tire
une ligne fimple en forme de tête , fans y mettre
prefque aucun trait pour defigner les yeux , le
nez , les oreilles, & les autres parties du vifage :

en leur place il trace les marques qu'il a fait poin-


ter fur le fien , aufïi bien que celles qui font gra-
vées fur fa poitrine, & qui lui étant particuliè-
res j le rendent connoiffable , non- feulement à
ceux qui l'ont vu , mais encore à tous ceux qui
ne le connoiffant que de réputation , fçavent fon
fymbole Hieroglyfique, comme autrefois ondif-
tinguoit en Europe une pèrfonne par fa devife
Se que nous difcernons aujourd'hui une famille
par Cqs armoiries. Au-deffus de fa tête il peint
la chofe qui exprime fon nom le Sauvage, par
:

exemple, nommé le Soleil , peint un Soleil au ;

côté droit il trace les animaux qui font les fym-


boles de la Nation & de la famille dont il eft. Ce-
lui de la Nation eft au-deffus de celui qui repré-
fente la famille; Se le bec ou le mufeau de ce pre-
mier eft tellement placé, qu'il répond à l'endroic
de fon oreille droite , comme fi cette figure fym-
bolique de la Nation en repréfentoit le génie qui
l'infpire. Si ce Sauvage revient deguerre^ il expri-
me au-delTousdefa figure le nombre de guerriers
quicompofentle parti qu'il conduit , & audeffous
des guerriers le nombre des prifonniers qu'il
a faits, &c de ceux qu'il a tués de fa propre main»
F il}
46 MOEURS DES SAUVAGES
Au côté gauche font marquées {es expéditions
& les prifonniers ou
chevelures enlevées par
les
ceux de fon parti. Les guerriers font reprefentés
avec leurs armes, ou fimplement par des lignes j
les prifonniers par le biton orné de plumes &c
par le Chiehikpuê , qui font les marques de leur
efclavage. Les chevelures ou les morts, par des fi-

gures d'hommes, de femmes, ou d'enfans fans


tête. Le nombre àts expéditions eft defigné par
àes nattes. On dillingue celles où il s'eft trouvé,
& celles où il a commandé en ce que cts dernières
,

font marquées par des colliers attachés à la natte.


Si le Sauvage va en ambaflade pour faire la paix,
tous \qs fymboles font pacifiques. Il eft reprefenté
audeffous de fa figure avec le Calumet à la main \

on voit outre cela au côté gauche le Calumet en


grand la figure fymbolique de laNationchez qui
}

i\.va en négociation, & le nombre de ceux qui


l'accompagnent dans fon ambaffade mais tou£ ;

ceci fera plus fenfible par l'Eftampe que j'en fais


graver , & par l'explication de chaque Figure.
Cet ufage, au relie, que je viens de décrire eft ,

propre des Nations du h^iut de la Rivière S. Lau-


rent , qui tirent vers la Louifiane ; les autres
&:
Nations ont aufli leur méthode particulière; elle
n'eftpas par tout uniforme mais ce qu'il peut y
:

avoir de variation eft connu de toutes les Nations


Sauvages de qui connues elles-mêmes.
elles font
J'ai vu plufieurs fois de ces fortes de Peintures Bar-

biirefques dans les Cabanes Iroquoifes, mais je ne


A M ER I Q^U A I N S. 47
les ai pas afTez prefentes à l'efprit pour en par-
ler d'une manière plus détaillée & plus exaâ:e ;
il me fuffit de dire en gênerai que tous ces Peu-
ples ont entr'eux une très-grande quantité de
fymboles & de figures de toutes efpeces qu'on ,

peut regarder comme un langage particulier, le-


quel eft aflfez étendu , & fupplée en beaucoup de
chofes au défaut de l'écriture, d'une manière mê-
me qui a quelque chofe de plus commode qu'une
Lettre.

Les Peintures Cauftiques Se inéfaçables n'em- Peintures

-^échoient pas les anciens , & n'empêchent point P^^ageres.

encore nos Sauvages de fe donner l'agrémenc


d'une autre Peinture pa(lagere en guife de £ird,
qu'ils renouvellent toutes les fois qu'ils veulent
fe mettre fur leur propre. Les Auteurs anciens
rendent généralement ce témoignage des Indiens,
des Afriquains , des Pidtes , des Gelons , des Aga;.
thyrfes , &: de quantité d'autres Peuples mais ;

quelques-uns fe peignoient tout le corps, ainli


que le pratiquoient encore les Ethiopiens du
temps de Pline, lequel aflfure qu'ils fe coloroient p]i„i„s,ift;

de vermillon depuis les pieds jufques à la tête :


''• "P-!^%

C'étoient fans doute les Peuples qui alloient tout-


nuds , lefquels en ufoient de la forte. D'autres
fe contentoient de quelques agrémens comme les
Perfes , de qui Xenophon écrit que Cyrus leur îfenophon,

avoit permis de fe peindre le tour des yeux, afin p.uif^^"^'


<l-u'ils paruflent les avoir plus beaux ôc plus vifs»
4« MOEURS DES SAUVAGES
Chez les Romains , qui ne paroiflbient pas
avoir grand goût pour la Peinture Cauftique, au
moins dans les derniers temps , cette autre Pein-
ture que je puis appeller journalière, avoit non
feulement de la dignité & de la noblefle , mais en-
core quelque chofe de facré & de religieux , ainfi
Plia. loc. cit. que Pline en fait foi. C'efl: pour cela qu'aux jours
de Fêtes ils peignoient les Statues de Jupiter avec
du vermillon parce que cette couleur imite da-
-,

vantage celle du feu. Ils peignoient dé la même


manière toutes les Statues des Dieux, des demi-
Dieux, des Héros, des Faunes, & des Satyres v
c'eft ce que nous expriment parfaitemeni ces Vers

jde Virgile;

Vîrg. Eciog. Pan Dcus jircadU vemt , quem 'vidimus ipfi


*^'
'
Sanguineis EbuliBaccis minioque rubentem.

& les Peintres font


C'eft aufli à quoi les Poètes
allufion lorfqu'ils donnent aux Faunes & aux Sa-
tyres un vifage extrêmement allumé & de cou-
leur de fang. Ainfî quand E'glé peint celui dç
Silène avec des meures ;

virg. Eciog. Sanguineis frontem moris & tempora pngit.

Cela ne doit point être regardé comme un badi-


nage, ou une efpece de tour malin qu'on peut
jouer à un homme endormi , mais comme une
galanterie, dont Silène, qui dans un âge avancé
avoit tous les agrémens de la jeunefle,devoit lui
fçavoir gré , ôc par reconnoiflance lui chanter les
^hanfpns
,

A M E R I QV A I N S. 4^
chanfons qu'elle lui demandoit.
Dans leurs qui étoient comme
Triomphes ,

une repréfentacion de Jupiter dans fa gloire , le


vainqueur, allant au Capitole offrir le facrifice à
ce Dieu, paroifToit' fur ion Char, peint lui-même
de vermillon depuis la tête jufques aux pieds.
Camillus triompha de cette forte, comme Pline pnn. loc. cit.

Je dit dans l'endroit que je viens de citer. S. Ifi- ^, ,

dore de Sevilie rapporte aulii , que cela s'oblervoit cap. t.

univerfellement à l'égard de tous ceux à qui on


décernoit cet honneur.
J'ai vu dans le Palais des Urfins
qu'occup- ,

poit feu M. le Cardinal de la Tremoille , une


Statue d'un Hercule nud, piqué partout le corps
de petits cercles , avec un point dans le centre. Il
n'y paroifToit que cette peinture Cauftique,& point
d'autres couleurs , que le temps ait pu effacer.
Mais peu de jours avant mon départ de Rome,
on fit préfent à M. l'Evêque de Sifleron ^
chargé pour lors des affaires du Roy auprès de
fa Sainteté, d'un petit bufte de Bacchus en mar-
bre, d'une palme de hauteur , qu'on avoit trouvé
il y avoit peu de temps, en creufant dans la vi-

gne du Noviciat des Jefuites , auprès de la porte


Pie. Ce Bufte me parut fort précieux de , à caufe
cQs deux fortes de peintures qui s'y remarquent
encore. La Cauftique ne f e voit bien que fur la
joiie gauche , elle prend à l'angle extérieur de
l'œil , & ferpentant le long de la joiie , elle finit
au deffous de la mâchoire. Je ne pus affés diftin-
Tome IL G
5° MOEURS DES SAUVAGES
guer la figure qu'elle réprefente. Peut-être eft - ce-

lé ferpenc fymbole de cette Divinité , &:de tou-


tes celles qui préfîdoient aux Orgies & aux MyC-
teres. La peinture pafTagere eft baucoup plus fenfi-
ble que la Cauftique: le Cinnabrey eft encore at-
taché autour des paupières, aux deux angles inte-^
rieurs des yeux , autour des oreilles , aux coms-
de la bouche, & fur le hau.t du front, où eft une;
branche de Lierre qui lui fait une couronne.
J'eus l'honneur dele préfenterdM. le Cardinal
Gualtieri, & cette Eminence , qui joint un goût
exquis pour l'Antiquité à toutes les autres quali-
tez qui font un mérite fublime , me fit voir en
,

même temps dans fon riche Cabinet , deux Urnes-


Cinéraires, qui avoient été trouvées dans l'Om-
brie, & où toutes les figures étoient peintes, cha-
que figure aïant une couleur uniforme , répan-
due également fur le vifage, fur la chair, & fur:
les armes du perfonnage qu'elle repréfente. Cette
Eminence me parut croire que ces Urnes étoient
du temps des Anciens Tyrrheniens mais la finef- :

fe de l'Ouvrage , la forme des Cafques & des


Cuirafies à la Romaine, me perfuadent qu'elles»
font d'un Ouvrage beaucoup plus moderne, auf.
fi-bien que le petit Simulachre de Bacchus..
Religion
danshma- On ne fe conteutoit pas de fe peindre ainfi le
coupler les ^^^ps avec toutes fortesde couleurs , on les re-
Cheveux. pandoi?: jufques fur les cheveux; & tous les peu-
ples barbares de l'Antiquité, fe faifoient un plaifir
A M E RI qjJ A I N S. 51

de les bien graifler , ôc de les relever par des cou-


leurs artificielles. y avoit aulïi différentes ma-
Il

nières de hs porter , où je crois qu'il entroit de


la Religion , puifque Dieu défendit fi expreiïe-
ment aux Juifs de couper les leurs à la façon
des Gentils , afin de ne pas idolâtrer en ce point
avec les Nations, qui ne connoiffoient pas le Dieu
<l'Abraham & de Jacob.
Or les Nations avoient chacune fur cela leur
idée particulière que les Auteurs Anciens nous
ont fait connoître dans leurs écrits , ôc qu'on voit
encore dans les Monumens qui nous relient de
l'Antiquité. Les Egyptiens razoient entièrement
leur tête pour les raifons que nous avons déjà ap-
portées. Les Lyciens porroient la longue cheve- AHftot. Ge-
lure, Se en étoient extrêmement jaloux. Maufole' cono'"- ^'b- 1-

Roy de Carie , les aiant vaincus , leur impofa de


très-grofles contributions. Ceux-ci aïant repréfen-
té qu'il leur étoit impofïible de les payer, le vain-
queur fit femblant d'écouter leurs raifons , & fe
contenta de leur ordonner de couper une partie
de leurs cheveux, ce qui étoit alors une marque
de fervitude chez les Cariens, comme ce l'eft en-
core aujourd'hui chez les Caraïbes & les Sauva-
ges Méridionaux. Mais les Lyciens aimèrent
mieux fubir toutes les conditions les plus one-
reufes, que d'exécuter ce dernier ordre , jugeant
qu'il valoirmieux encore n'être que tributaires,
quoiqu'il en pût coûter, que d'être efclaves. Les ii^"°a°lso
Aufes, peuples d'Afrique, coupoient leurs che-
G i;
51 MOEURS DES SAUVAGES ».

strabo.iib. vcux , & qu'un flocon fur le de-


n'cii laifToicnt
^^o.
lo. p.
y^^j._ Les Corybantes de Chalcide au contraire

aïant remarqué que leurs ennemis les prenant aux


cheveux, les terrafToient aifément , Te faifoienc
razer tout le devant de la tête, & ne les laifloient
croître qu'un peu par derrière depuis une oreille
'"
Tilefe'"^ jufques à l'autre. Les Abantes étoient tondus de
Herodot iib.
j^ niême manière jaulïi- bien que les Machlyens..
On appella cette tonfure Thefeide en l'honneur de
Thefée, qui fit couper ainfi les fiens , lorfqu'il en
confacra les prémices à l'Oracle de Delphes on :

la nomma auflï Heéîoride en mémoire d'Hedor.

Herodot.iib. Les Maces razoient les deux côtés de la tête, &


4.n. 175-
ne laifToient qu'une hure fur lefommet, laquelle
prenoit depuis le front jufqu'à la naiflartce du col.
Les Maxiens qui fe glorifioient d'être defcendus
Herodot. lib.
^q^ Ttoyens , & qui fe peignoient tout le corps
avec du vermillon , faifoient couper tout le côté
gauche jufqu'à la peau , & ne touchoient point
au côté droit. J'ay lii quelque part , mais je ne
fçais plus où c'eft, que d'autres au contraire laif-
loient croître leurs cheveux à gauche, & razoient
tout le côté droit pour en avoir plus de fa-
cilité à tirer de l'arc. Les Arabes, fe faifoiens
tondre en rond, ne portant de cheveux que de-
„ , ,.L puis le fommet de la tête jufques aux oreilles. Ils
Herodot. hb. I ,
r> 1 i •

3.n. 8. pretendoient imiter en cela le Dieu Bacchus &i 5

c'eft la tonfure qu'on appelloit Bacchique.


L'Amérique renferme encore dans fon fein une
multitude de Nations, en qui l'on voit la bizare-
,

AUEKl qV A INS. 53

rie de prefque toutes ces chevelures différentes.


Les Brefiliens portent tous uniformément la ton-
iure Thefeideou des Corybantes de Chalcide & i

Hierôme Staad, quinefçavoit pas ce point d'hif-


toire, & qui ne faifoit attention qu'à la tonfure
Monachale, en a tiré une mauvaife concluiion,
en croïant qu'ils l'avoient reçue de S. Thomas
ou des Apôtres , qui anciennement leur avoient
annoncé l'Evangile. Les Iroquois laifToient croî-
tre la leur abfolument , fans la couper comme les
Lyciens ils la graifToient fimplement, fans y met-
>

tre de couleurs i ils n'en mettoient pas même fur


leur corps ou fur leur vifage , temps
(i ce n'eft en
de guerre enforte que c'étoit là une efpecede dé-
i

claration qu'ils alloient chercher l'ennemi mais :

le mélange des Nations aïant corrompu leurs


mœurs , ainli que je l'ai déjà dit , les a aufïi chan-
gées fur ce point, comme fur beaucoup d'autres j
de manière que leurs Anciens fe plaignent au-
jourd'huy, comme Juvenal faifoit de fon temps,
Juïcnil. Ssr,
en voïant la Ville de Rome infectée de tous les
défordres de la Grèce.
Leurs jeunes gens tous occupés de la vanité
& du defir de plaire , ont recours à l'Art pour
s'embellirj& empruntent des ornemens étrangers
un agrément qu'ils ne croyent pas pouvoir trou-
ver en eux-mêmes. Nôtre manière de s'ajufter ,
laquelle paroit ridicule aux Chinois , ne leur dé-
plaît pas mais ils ont une complaifance infinie,
:

quand ils font accomrnodés à leur mode. Leur


G iij
,

54 M OEUR S DES SAUVAGES


toilette n'eft pas des mieux fournies ,mais ils y
mettent un temps infini, & elle lesoccupe autant
que les Dames d'Europe ,& beaucoup plus que
les leurs ,
qui paroifTent perfuadées que la bien-
féance , pudeur, & leurs travaux domeftiques
la
demandent plus de modeftie & de fimplicité.
Un jeune Iroquois donc , pour embellir fa tête,
coupe fes cheveux d'un côté à deux travers de
doigt de la peau , & il les laiffe croître de l'autre
dans touteleur longueur. Pour les ajufter enfuitc
après les avoir graillez & bien peignez , il prati-
que fur le haut de fa tête un ou trois petits tou-
pets en forme d'aigrette, qu'il y attache, avec
un peu de cuir façonné , un petit morceau de por-
celaine blanche & il pafle dans la bafe de l'ai-
\

grette du milieu un tuyau de plume orné de di-


verfes couleurs. Il fait relever à contre-poil avec
du fuif les cheveux du côté qui eft tondu il tref- i

fe ceux du côté oppofé & les ramaffe fous l'oreil-


le en nœud de Ruban il fait une autre petite
\

treffe au milieu du front , qu'il laiiTe pendre fur


l'une des paupières, & qu'il r'attache fur le côté.
Sts oreilles font percées d'ordinaire en trois
endroits. Les trous en font fort grands & garnis
de noyaux de porcelaine de la grofleur d'un poul-
ce, enfilez dans des rubans qui pendent fur la poi-
trine ou bien il y infère un fil de cuivre en ligne
;

fpirale de la longueur du doigt, & d'un poulce de


Diamètre. Il y ajoute outre cela un duvet très-fin
de peau de Cigne: ce duvet fait fur chaque oreille
A M E R I Q^U A I N S. ^
înn volume de la grofleur du poing. Dans les
jours de montre ôc de fête Tolemnellcj il répand
encore ce duvet fur toute fa tête & pour cou- j

ronner l'ouvrage , il fait fortir au- demis d'une


oreille u'ne aigrette, une
ou la dépouille en-
aile,
tière de quelque oyfeau rare. Quelques-uns fe
font une efpece de Diadème d'un petit collier de"
porcelaine ou de peau de Marte, qui après leur
avoir ceint la tête flotte agréablement par der-
,

rière fur leurs épaules..


Le vermillon & d'autres couleurs détrempées
dans l'huile , ou mêlées avec le fuif & la graille ,
fort bizarrement répandues non feulement fur le
vifage, mais encore fur les cheveux , & fur le du-
vet des oreilles &c delà tête, avec quelque diffé-
rence néanmoins de ce qu'ils ont coutume de fai-
re, quand ils doiventaller en guerre car alors leur: ]

vifage eft entièrement peint , aulieu qu'ils fe con--


tentent communément .de. quelques embelliffe—
mens.
Pour ce qui eft des Sauvages qui font tou-
jours nuds, tous les matins ils fe donnent un ha--
Uit de couleur le fond en eft d'écarlate qu'ils:
:

ont foin de damafquiner , en y ajoutant pluiieurs^-


autres figures de différentes couleurs, pour rele--
ver celle du fond de l'habit. Dès qu'ils font fortis>
du bain, & qu'ils fe font un peu féchez , leurs-
femmes viennent dans le Carbet avec des Cale-
baffes pleines dt Rocou, & d'autres couleurs dé-
trempées dans i'huile de Palraifte ou de Jenipat-
5^ MOEURS DES SAUVAGES
Elles peignent d'abord tout le corps avec le Ro-
cou, de ajoutent enfuite plufieurs autres orne-
mens. Les jours de fête & de folemnitéils fefont
outre cela frotter tout le corps dans une eau
gluante , fur laquelle ils répandent une poudre
cendrée faite de coques d'œuf, ou bien une efpecc
de duvet qui s'y attache &c les fait paroître en-
,

plumés comme des Oyfeaux^ d'autres ufent d'une


pâte gommée &c odoriférante , fur laquelle ils

appliquent les plus belles fleurs qui croiiTent


dans leur Païs.
Plufieurs Nations fe percent le cartilag-e du
nez entre les narmes , &y attachent une pierre
verte tranfparente &c taillée en fer de flèche, ou
bien ils y infèrent une plume, qui s'étendant àss
deux côtés, leur fait une eipece de mouftache. Les
Brefiliens & les Caraïbes fe font outre cela de
grandes ouvertures dans la lèvre inférieure & dans
les joues ils font paflei dans ces ouvertures , de
:

gros boutons de porcelaine arrondis , ou taillez


en pointe de Diamant. Ces ornemens leur font
aiîés incommodes lorfqu'ils mangent mai^ le :

fexe fe perfuadera aifcment qu'ils fouftrent vo-


lontiers cette incommodité , s'ils ont dans l'idée ,
qu'ils en ont plus d'agrément. La beauté coûte
encore davantage à une certaine Nation de Sau-
vages, fi toutefois c'eft par ce principe qu'ils font
LopesJcGo. ce que Lopes de Gomaraen a rapporté. Cet Au-
G:n. ri= In- teur dit que les Hommes s y percent une mam-
diasib.i. c.
jj-jgjje^ ^ quelques-uns toutes les deux, &c in-

fèrent
AME R I q,U A I NS. 37

ferent dans les trous certaines petites cannes de


la longueur d'une Palme & demie. Ils fe percent
^uffi leeras des cuifTes, & y font entrer des can-
nés commedans leurs mammelles ces Sauva- ;

ges font placés dans le fonds du Golphe du Me-


xique , & habitent une Ille qui n'eft pas fortéloi-
snée de Panuco.
Les femmes des Sauvages entretiennent leurs
cheveux , & en font jaloufes au de-là de ce qu'on
peut imaginer. L'affront le plus fanglant qu'on
put leur faire , ce feroit de les leur couper , elles

n'oferoient alors fe montrer '>


& (1 dans le deuil
elles en coupent quelque chofe, ce n'eft que pour
fe condamner à la retraite. Leurs cheveux & gé-
néralement ceux de tous les Sauvages , font très-
beaux & du noir le plus foncé qu'il y ait i elles
les graiffent d'huile , & ont très-grand foin de les
peigner. Quant manière de les porter ,
à la
elles fe diftinguent par tout de celle dont les
hommes portent les leurs , excepté chez les Ca-
raïbes des Antilles , & chez les Galibis , où les
femmes les accommodent prefque de la même
manière que leurs maris mais elles ont aufîi
:

quelque chofe de particulier qui les diftingue, &


que les femmes n'ont point ailleurs ce font les :

Brodequins qui font la marque infaillible de leur


liberté , & qu'il n'eft point permis aux efclaves de
porter. C'efl une efpece de chaufllire qui confîfte
en deux pièces, coufuës de jonc & de coton fort
proprement travaillées , 6c qui ferrant la jambe
Tome IL H
58 MOEURS DES SAUVAGES
par fes deux extrémités, font enfler le gras de fa-

jambe, ôc le font paroître plus plein & plus re-


bondi.
La plupart des femmes chez les Nations Sau-
vages , treflent leurs cheveux , & les laiflfent pen-
dre. Les femmes Iroquoifes & Huronnes , les par-
tagent des deux côtés de la tête, les faifant tous

revenir par derrière , ou elles les lient le plus près


de peuvent elles reprennent en-
la tête qu'elles >

fuite ces cheveux pendans , y mêlent de Pécorce


concaflee de Peruche, qui fert Hqs conferver ,.
& après les avoir repliés , de manière qu'ils ne:
defcendent pas plus bas que les reins, elles les;
enveloppent d'une peau d'anguille préparée, ôc
enduite de vermillon bien éclatant. C'eft en cela
qu'elles- font principalement confifter leur beauté.
Les femmes des Sauvages de l'Amérique Méridio-
nale fe peignent le corps comme les hommes, mais
d'une manière différente & diftindive. Dans la
Septentrionale elles fe contentent de fe donner au
vilage quelques agrémens de cette peinture on ;

doit cependant en excepter les Iroquoifes, qui ne


font tout au plus que tracer une ligne de vermil-
lon, depuis le fommet de la tête jufqu'à la naif-
fance du front dans la féparation des cheveux..
Leurs nez ne font point percés, leurs oreilles le
font , comme celles des Hommes , en trois en-
droits, mais les ouvertures en font plus petites j

elles
y paffent quelques pendansde porcelainen^
ou de pierre rouge taillée en fer de flèche ^oii.
,

A M E R I Q^U A I N S. 5,
bien des canons de porcelaine , qui font faits
comme des tuyaux de pipe de Hollande.
Les huiles dont les Sauvages fe graillent , les
rendent extrêmement puants & craîTeux ce font i

des huiles fimples d'animaux, de poiiTons, ou de


quelques plantes,qui ont prefque toutes des odeurs
fortes, &; qui rancilTent aifément : mais ces hui-
abfolument néceflaires , & ils font
les leur font
mangés de vermine quand elles leur manquent.
Comme ils n'ont raffiné fur rien , ils n'ont pu
corrigrer cette puanteur par \qs effences & par les
parfums que les Nations policées ont fubftitué
depuis long -temps à la (implicite des huiles ôc
des graiflfes dont les Sauvages fe fervent encore.
Tous les autres ornemens des Sauvages con-
fiftent en des couronnes , des colliers qu'ils met-
tent autour de leur col , d'autres colliers ou ban-
<ies de porcelaine taillée en rond , en noyaux
en canons , en fer de flèche , ou bien en cylindres:
en des bracelets de la même matière, en divers
ouvrages de plumaflerie , ou travaillés en poil
d'Elan, de Bœuf fauvage, & de Porc-épy, dont
chacun fçait fe faire une parure félon fon gom:,
tandis qu'il eft dans un âge propre à ces amufe-
mens mais dès que cet âge eft pafle , il fe fait
:

une gloire de vivre dans une négligence toute op-


pofée , & de ne porter plus rien de fuperflu , ou
qui ne foit ufé , afin de faire comprendre qu'il
penfe à des chofes plus ferieufes.
'
La Couronne n'étoit pas dans les premiers temps
Hij
60 MOEURS DES SAUVAGES
une marque diflindive de la Royauté ^ elle en
étoic une cependant de confideration & dediftin-
d;ion. On U donnoit pour recompenfe à ceux qui
remportoient le prix dans les Jeux inftitués à
l'honneur des Dieux. Les Romains ennemis des
Rois, en avoient de pludeurs fortes pour recorv-
noître différentes efpeces de: fervices rendus à la
Republique. On voit, des Couronnes chez prefque
toutes les Nations Sauvages y dont les rayons font
faits de plumes de différentes couleurs , & daiîs
le cercle defquelles font enchâffés des becs d'oi>-
feaux en guife de diamants , des ongles d'animaux
extraordinaires , 6c quelquefois des petites cor-
nes de chevreuil. Ce qu'il y a de. remarquable;,
c'efl que j-amais les femmes ne fe donnent cet or-
nement -y
les. hommes même; ne: le prennent que
dans leurs plus grandes folemnités, mais fur tout
lorfqu'ils chantent la guerre, & qu'ils y vont ils ;

en parent aufïi la tête de leurs efclaves le jour de


kur entrée publique. Le Légiflateur de Sparte
avoit fait une loy à tout Lacedemonien d'aller au
combat , vêtu de pourpre chantant & danfant, &
ayant la couronne fur la tête. Comme les ha»,
bits n'étoient pas bien communs au temps de
Lycurgue, dans les combats & dans tous
& que
les autres exercices de leurs- Gymnafes, les filles
même étoient toutes nues, je me perfuade que
l'iiabitde pourpre ordonné par ce Légiflateur,
étoit une couche de vermillon , & je me repré-
sente: un Lacedemonien: allant au combat 3. tel.
-
«

A M ER I Q^U AI N S. gi
abfolument qu^efl: un Guerrier Caraïbe.
]n Les colliers qiie les Sauvages mettent quelque-
fois autour de leur cou, ont près d'un pied de
diamètre & ne différent point de ceux qu'on
,,

voit encore fur quelques Antiques au col des Sta- -

tues des Barbares. Les Sauvages Septentrionaux


portent auiïi fur leur poitrine une plaque de por-
celaine creufè de la longueur de la main, qui
fait le même que ce qu'on appelloit BhUa
effet ,

chez les Romains. Les Méridionaux portent des


Plaques d'un métail mitoyen entre l'or & le cui-
vre, qu'on nomme des. Caracolis j ces Plaques font
ordinairement de la forme d'un Croiffant, comme
ce qu'on appelloit dans l'Antiquité LmuU, qui
étoit un ornement des femmes.
On peut ajouter aux ornemeas des Sa-uvases, ^ •>-,

la gomme dont parle le Père delà Neuville &: lettre dup.

qui a quelque choie de li imgu lier, que les paroles Mémoires de


méritent bien d'être rapportées. Ma7sTi ,
« J'oubliois, dit-il , à vous parler d'un des plus «

curieux Ouvrages de nos Indiens rc'eft une ef-


pece de poire creufe & fors maniable, qui leur «

fert de feringue: elle d'une gomme la-«


eil faite

quelle: a une vertu- de reffart 15 furprenante, «


qu'elle fait autant de bonds qu'une baie de^
Paume. Elle ne fond point,, quelque chaude «
que foit l'eau dont on remplit poire, qui a -
la
affés l'air & la couleur d'une Eolipile de Cuivre
bien paffé : Elle dure très -long- temps on l'é-»
:

tend fans, la gâter jufqu'd lui donner la Ion- »


H iij,
,,

X.

rtf 1 M OE RU S' D ES SA U V ÂGES


:

"gueur d'une demie aulne, quoique dans fbn'vo-


"Jume ordinaire elle ne foit ni plus longue, ni
«plus grofle qu'une poire de bon chrétien nos :

» Indiens ont des anneaux de la même gomme


" lefqucls fe metamorphofent en brafTelets-, en

A jarretières , en colliers , en ceintures, & re-


» deviennent anneaux ils ferrent exavSte-
:

» ment le doigt fans égard à la petitefTe & à la

« groffeur tirez l'anneau du doigt, il fe prêtera,


;

"'Cl vous le voulez, à tous les doigts réunis , &


» palTera au bras comme un bracelet , tirez - le de-
=' rechef pour le porter à la tête , il s'augmentera
» fans effort pour la couronner , & fe rétrécira
» lorfque vous l'aurez fait defcendre fur le col en
» guife de colier : il s'allongera encore pour em-
" braffer tout le corps , &
pour paffer du col & des
» épaules à la ceinture enfin descendu jufques
-,

» en bas il reprendra fa forme


, naturelle pour
" fervir d'anneau comme auparavant, fans avoir

» rien perdu de fa mollelfe ôc de fon reffort car ;

»»outre que rien ne peut le caffer , il ne ferre ni


« moins ni plus le bras , la tête , le cou & les reins

»que le doigt. J'ai vu. un Indien qui donnoit a


î»cet anneau un ufage encore plus extraordinaire,
»'& qui montre bien le reffort infini de cette
" gomme. Il s'en fervoit comme de corde à fon
" Arc.
De tout ce que je viens de dire de la manière
de s'orner, on conclura aifément, que les Sauva-
ges , au lieu d'ajouter à leur beauté naturelle, ( car
,

AME R IQ^U A I NS. 6^

ilsfont prefque tous bien faits ,) travaillent à fe


rendre laids &
à fe défigurer. Cela eft vrai aufli -,

cependant quand ils font bien parés à leur mode


raflemblage bizarfe de tous leurs ornemens , non
feulement n'a rien qui choque, mais il a un je
ne fçai quoi qui plaît , & leur donne de la bon^
ne grâce.-

O CCU P PAT IONS


DE s FEMME S.
Es Femmes des Sauvages , ainfi que les suabo. iUj.^-
^'"'^"
Amazones , les Femmes des Peuples de
Thrace de Scythie, d'Efpagne & des autres^
,

Peuples Barbares de l'Antiquité, travaillent leS'


€hamps , comme font aujourd'huy les Femmes-
de Gafcogne j de Bearn , Si de Brefle , qu'on voir-
fouvent mener la Charrue, tandis, que leurs ma-
Le grain qu'elles fement,,,
ris filent la quenoiiille.

c'eft le Maïs, connu autrement fous les Noms de:

Bled d'Inde, Bled d'Efpagne, & Bled de Tur-


quie, lequel eft le fondement de la nourriture de-
prefque toutes les Nations fedentaires d'un bout , .

de 1 Amérique a 1 autre. NourrkH--


le.

Jules Scaliger a prétendu que cette forte de


Bled avoit été abfolu ment inconnuë.aux Anciens y
(?4 MOEURS DES SAUVAGES
jui scaiiger. mais jc Hc fuls poiiit du fentiment de cet Au-
Ejcic.ij,i.p.
^^^^^^ Peut-on en effet imaginer, que cette multi-

tude de Peuples differens , qui ont pafle en Amé-


rique, & qui s'y font tranfportés, non feulement
des extrémités de l'Afie, mais encore de l'Afri-
que , & de l'Europe, fe trouvent aujourd'hui n'a-
voir de toutes les Plantes frumentacées que cette
efpece feule, fanspenferen même temps quec'é-
- toit celle qui étoit en ufage parmi les mêmes Peu-
ples au temps de leur tranfmigration ? Nous les
trouvons encore fidelles à garder les pratiques de
leurs Ancêtres, après une longue fuite de fié-
c]es, &c nous voïons de nos yeux chez eux les
mêmes coutumes , dont nous découvrons tous les
veftiges à travers les ténèbres des temps, que leur
cloignement rend les plus obfcurs jfera-t'il croïa-
ble qu'ils auront été plus fidelles à perpétuer des
ufa^es arbitraires, qu'ils l'auront été dans ce qui
importe le plus à la vie, qui en eft le fondement
èc le fou tien.

Du Maïs de le dire, eft la


ou Bled
Le Maïs ainfi que je viens

d'Inde. nourriture commune de tous les Sauvages feden-


taires, depuis le fonds du Brefil jufques aux ex-
tremitez du Canada , même de la plupart de
ceux qui ont l'ufage de la racine du Manioc Ne :

feroit-il pas plus naturel de penfer qu'il auroitétc


la première nourriture des Hommes après les
glands des Chênes, ou des Hêtres de Dodone ?
Qu'il l'a été pendant plulieurs fiecles, après lef-
quelj
A M£R IQ^U A IN S. ^5

^els on a fubftitué d'autres efpeces de grains


^u'on aura trouve d'un meilleur ufage, qui &
a^uront fait abbandonner les premières ?
Tout cecy n'eft point fans fondement, & peut
fe juftifier par les Auteurs. Car en premier lieu,
les Auteurs font embarraflez, & ne conviennent
point des termes pour nous expliquer les diver-
ses efpeces de Plantes frumentacées i de forte
qu'il faut aujourd'hui deviner pour les enten-
dre , & avoiier qu'ils ont emploie les mêmes
termes pour nous faire connoître des Plantes dif-
férentes ou <lirterens termes , pour fignifier la
;

même Plante. Pline luy même nous le déclare


nettement, en <lifant que les efpeces de froment
ne font pas les mêmes par tout , & que dans les
divers endroits où l'on fe fert des mêmes efpe^
ces , elles n*ônt pas le même nom. Frumenti gène- p,;^, j^.^
N^t. Lib. is.
ra non eadem uhique ^ nec uhi eademfùnty iifdem nomi-
"^' *

nibfts. En fécond lieu il eft facile de faire voir


des fubftitutions d'une efpece à une autre , en dif-
ferens temps , &
en divers lieux , de manière que
celle qui écoit une nourriture commune & ordi-
naire dans un pais en certain temps , y devenoit
enfuite fi qu'après un certain nombre d'an-
rare ,

nées , elle y étoit tont-à-fait hors d'ufage , &


quelquefois inconnue. Entroifiéme lieu on peut
par des conje6tures prefque évidentes , comme
démontrer par les Auteurs, que le Bled d'Inde a
été non feulement connu , mais encore en ufage
chez plufieurs Peuples. Enfin on peut tirer un
Tome II, I
,

46 MOEURS DES SAUVAGES


très-fort préjugé de cela même , de ce que les
Ameriquains préparent aujourd'huy leur Bled
d'Inde abfolument de la même manière, que les
Anciens préparoient eux-mêmes leurs grains
avant d'avoir inventé ^ufage des Moulins , des
Fours, & plufieurs autres chofes que la fuite des
temps à mifes au jour, 6c perfedionnées félon la
neceflité, ou même félon la qualité des efpeees de,
grains qui ont été mis fucceÂivement en. vogue.
La plupart des termes dont on s'eft fervi pour
nommer les Plantes frumentacées , font àts ter-
mes génériques, qui par la force de leur fignifi-
cation ne defignent pas une efpece plutôt qu'une
autre , quoique dans la fuite on en ait fait l'ap-

plication à des efpeees particulières. Tels font les


termes Far, Jdbr, Jiîica Hordeum yTriticum , Fru-
,

Caiepra.Par.
mentum. Calepin (4) dans fon Di(3:ionnaireau mot
Far y dit que c'étoit un nom générique pour figni-
fier toutes les efpeees de Plantes frumentacées. Il
étoit ainfi nommé parce qu'il étoit porté & pro-
duit par la terre, ou bien du verbe Frangere , par-
ce qu'on le brifoit dans des Mortiers ou dans des
Moulins. Le F<^r déterminé à une efpece particu-
icftus. Ador. lieie nommoit Ador. {h) Feftus tire l'étimologie
^ fe
de ce mot du YtïhtEdere manger, & dit qu'ancien-
nement il étoit appelle Edor:i\ ajoute qu'il pou-
( a) Calepin. Far. Olim nomen Edor quonJam appellatum ab
générale fuit ad omnia gênera fru- edendo velquod aduratur ut fîat
:

mentorum, ica didum àferendo, toftum , undein faaificiis mcJa


Yel à faciendo. falfa effiç-itux,
(k ) Fejius. AdûT. Farris genns:

. AM E R I qjU A IN S. 67
voit au{fi venir du verbe AduroYy parée qu'on le
torrefioit avant que de le piler ou de le moudre.
L'Jlica étoit aulTi un nom générique. Fellus fait Feftus.Aik».
venir ce mot du verbe Jlere nourrir. -^ VAlka dé-
terminé à une efpece particulière , fe nommoic
Micajlrum qui étoit une forte de froment plus
,

nourriffant que les autres. Le Far èc l'Alica étoienc


outre cela des compofitions de diverfes fortes
de plantes frumentacées, de là vient qu'on trou-
ve louvent dans les Auteurs , ces termes Far Tri-
ticeum Far Adoreum i Far Horde aceum , AlicaexZeâ ^
y

Alica Adulterina , &c. L'Orge ou Hordeum étoit


ainfi appelle a caufe de fa promptitude à venir à
maturité. Le mot Triticum porte avec foy fon éty-
mologie à Tritura du verbe T>ro, piler, broyer , is^
frumentum eft tiré du mot Frumen. lequel dans le ,rj « •
-i

vieux langage Latm Iignihe le palais de la bou- i1b.17.cap 5^

che , par ou il faut que toute nourriture paffe.


Je n'entre point dans une plus longue expli-
cation des autres termes , qui par leur fîgnilîca-
tion propre ne nous donneroient pas une connoif-
fance plus diftindie de l'efpece particulière à la-
quelle ils étoient appliquez. Il me fuffit d'en con-
clure que les termes étant génériques , ont pîi
être fucceflivement attribués à des efpeces diffé-
rentes à mefure qu'on en changeoit, & qu'on en
fubftituoit une autre pour
de nourriture
fervir
•commune & ordinaire , laquelle pourra être nom-
mée Alica, parce qu'elle nourrit. Far parce que la,
* Fejlus, ^UçA. Alica dicitur quod alit Corpus.
Ht MOEURS DES SAUVAGES
terre Ja produit , Triticum parce qu'on eft oblige
de la broyer & de la moudre , ainii du refte, donc

on peut voir les étymologies plus au long dans


rfuiHifpai. S. Ifidore de Seville. '^
ong. hb. 17-
cap 3*
L'univerfalité de ces. termes a embarrafTé les Au-
teurs tant Anciens que Modernes, & acaufé en-
piin.iib. is.
tre'eux des difputes & des contradi^lions de fen^-
^1^^
\z , . timens . qu'il, n'eft pas facile d'accorder. Pline.
Lib. 1. Ant. aflure que ceux qui le lervent de cette elpece
straboiib. j. qu on appelle Zi?<* n ont pomt 1 uiage du Far-,
f' ''^'"
cependant Denys d'HalycarnafTe appelle Zea^ auf-
de^'AÎïm.'Fa- fi-bien que Strabon ce que Pline appelle Far.
cul. cap. 3.
Gallien rapporte les difiFerens fentimens-des An-
Anguillara. X F ,

part. é. p. 98. ciensj pour expliquer quelles croient les. efpeces


JuI.Scaliger.
Exerc.tji.p.
,^ . *^ r •
^ ^ tvt /-w /
diitmguces par cts Noms. Uiyra., Typhe y Lea^
'7 ; ^
****
Après les conclut en di{ânt que.
avoir expofés , il

c'etoit la-mêrae chofe fous diver-s Noms. Ano-uil-


Tara les diftingue y, & fous ces trois Noms com-r
prend trois efpeces connues en Italie fous ceux
de Spelta-j Scandella, & Farro. Jules Scaliger croie
que Tjpfye eft le (cgle i.Zea le Bled blanc, ou l'E- ,.

peautre il croit auffi que l'G/);m & VOri^a , font,


:

aeux Noms, communs au Ris. En voilà aiTez.


pour faire, comprendre que fi les Auteurs , que.
nous- pouvons regarder comme Modernes,, n'ont,
pu s'accorder fur ce que. penfoient Denys d'Haly-
carnafïe , Pline., Strabon, & leurs autres contem-
* /Jtdor. Hiffal. Orig. Lib. 17.. à frumendo , hoc eft à vefcenda
Caiy!?. J. Frumenca funtpropricquœ didtœ , nam frumen didtur fuiu-
Ariftas hahent. Fruges autem^ re- ma pars guJae.
]jc[ua. Frumenta autem veLfruges.
A ME R I Q^U A I N S. g^
porarns ceux-cy pourvoient avoir de plus gran-
,

des difficultez encore , pour fçavoir au jufte ce


qui en étoit de l'ufage dans à^s temps fort éloi-
gnés de celui auquel ils écrivoient , &: plus obf-
curs encore q.ue les fiecles qui fefont écoulés de^
puis eux jufques â nous, à caufe que cts premiers
temps , qui étoient ceux de la Barbarie & de 1*^0-
rigine: des Nations , ont toujours été envelop-
pés des ténèbres de l'ignorance.
le ne prétens pas dire que le Far d^ont le ,

peuple Romain s'elt fervi uniquement pendant


les trois ceïispremières années depuis la fonda-
tion de Rome y foit une même chofe avec le*
Mais on pourroit me faire fur cela une forr^
;

objedioa, qui eft que cette efpece de Bled ne


s'étoit point perdue, puifqu'on s'en ferv-oit enco*
rc à Rome du temps dePlinedans les Sacrifices ^-
dans les Mariages ôc dans les autres chofes qui
,.

appartenoient à. la Religion par refpei£l pour


l'Antiquité & quoique nous ne liackions pas'
;

précifement qu'elle efpece de Bled c'étoit quele


Êar , & Çi c'étoit le même que le Fano-àont \qs
Italiens fe fervent aujourdliuy , Pline nous en'
dit alfez pour nous faire croire que ce n'étoir
point le Maïs âmoins qu'on ne voulut dire, que"
-y

cette inftitution refpeclueufe pour les pratiques'


de.leurs Ancêtres ,, quoique beaucoup plus an-
cienne que Pline, étoit cependantpoilerieure^ aux'
qu'on auroit £air de plu/ieurs efpe-
fubftitutions.
ces de Plantes frumentacées , qui auroient eu fu&=.^
ceiïivement le nom daF^r. Liij\
70 MOEURS DES SAUVAGES
Les Auteurs eux-mêmes nous donnent des
exemples de ces fubftitutions. Et fans entrer dans
un long détail , il nous doit fuffire de ce qu'ils ont
dit par rapport à l'Orge , lequel étoit chez les
Grecs dans le même degré de vénération que le
Far chez les Romains parce qu'il avoit été leur
-,

première nourriture , comme l'Avoine l'étoit des


Peuples de Germanie , l'Orge & le Lotos de
ceux d'Egypte & de LyMe-, le Panis des Peuples
d'Aquitaine,le Millet des Meotes &: des Sarmates ,
& ainfi de plufieurs autres, qui certainement ont
changé de nourriture, &c même plufieârs fois.
Le froment que les François ont porté en Amé-
rique y eft certainement bien plus récent que le
Maïs. Les Sauvages donnent cependant dans leur
Langue le même nom à l'un èc à l'autre. Je fup-
pofe que dans la fuite des temps , préférant au
Bled d'Inde le froment on Bled François , qui
vaut incomparablement mieux fans contredit , ils
ne faffent plus d'ufage que de ce dernier ,
qu'elle
marque auront les fiécles à venir de cette lubfli-
tution , le nom étant abfolument le même > Il faut
donc que l'Hiftoire de nos jours le leur apprenne
d'une manière claire , ôc qui ne faffe point de-
confufion dans la Pofterité. Or les Sauvages , qui
n'ont point d'écriture ni d'Annales , ne peuven-t
tranfmettre cette connoilTimce à l'avenir par eux-
mêmes. Les premiers tempsaïantété plongez auiîï

pendant plufieurs fiéclesdans cette ignorance pro-


fonde où font aujourd'huy les Ameriquains, ont
A MER I Q^U A I N S. 71
été dxns la même (ituation & au même niveau
que les Barbares , & h'ont point laifle de fades
des évenemens arrivés pendant leur barbarie ou
fî'en ont laifle que de fabuleux.
De ces différentes efpecesde Grains dont les
divers Peuples fe noufrifloient , quelques-unes
ne fervent que pour les animaux d'autres font -,

inconnues, & ne fe voient plus dans lespaïs ou


elles étoient cultivées rou bien elles s'y font éc-
lypfées pour un temps , comme il eft facile de le
prouver par rapport aU Bled d'Inde même. Car
fuppofé que cette Plante eut toujours été étrangè-
re a Rome 5 comme elle l'étoitdu temps de Pline,,
on ne peut prefque nier qu'elle n'y parut au moinï
de fon temps. Qiioiqu'en puiffe dire Scaliger Oit
doit expliquer du Bled d'Inde ces paroles de Plis
ne. Adilium intra, hos deeem annos ex India in Italiam
pii„ j;t,,

inveélum eji nigrum colore, Am^lnm Grano , Arundi- •*• <^- ^


neum culmo, adolejcit ad pedes altitudiru fe^tem, Lôhas-
*vocanty omnium frugumfertilt^mutn , ex une grana ter^-
ni fextarii gignuntur. Dans le cours de ces dix an-
nées, on a apporté de l'Inde en Italie une efpece-'
de Millet noir en couleur, dont le grain eft forr
gros, ôc le chaume ferablable aux cannes & aux:
ïofeauXj-il croit à la hauteur de fept pieds. Ses
Eiges qu'on nomme Lobas , ou Phobas , félon la»t
remarque du Père. Hardoiiin , font très -grandes^
Ceft de toutes les Plante^ frumentacées la plus*
fertile, uii feul grain produit trois feptiers.
Qn: met avec raifon le Maïs au rang des Plan^
,

7i MOEURS DES SAUVAGES


tes miîiacées &c arundinacées, à caufe dés reflem-
blances qu'il a avec ces fortes de Plantes , refTem-
blaiices qu'on peut confronter dans Theophraftc
& dans les autres Botaniftes. Au refte Pline a fort
bien caraderifé le Maïs par fa fécondité^ fa qua-
lité, la hauteur de fa tige, &c la grolfeur de fon
grain. Pour ce qui eft de Ja couleur il y en a de
plufieurs fortes , l'un tire fur le noir, l'autre fur le
bleu & fur le pourpre ; le plus commun eft d'un,
jaune de paille plus ou moins foncé,felon le terrain
ou le degré de maturité. Ces différences font pu-
rement accidentelles , ou fuivent les différentes
efpeces de Maïs. La plupart des Relations an-
ciennes & modernes appellent le Maïs ou fimple-
tneiit du Mil, ou du gros Mil pour le diftinguer
du Mil ordinaire & de la petite efpece. Et par-
lant de Cts tiges elles les nomment les cannes de
Bled d'Inde.
.. Cela doit fervir à nous faire entendre les Au-
teurs, quand ils nous racontent de certains Peu-
ples , qu'ils font leur nourriture ordinaire du fruit
^i;an Lib. des Rofeaux comme Elien , Strabon , Diodore
,

5:'\''\ u de Sicile , l'affurent des Indiens en eénéral , des


fi; habitans de la Tapobrane, des ./éthiopiens , &c.
uh°T?.99' C'eft aufli du Maïs qu'ont voulu probablement
)arler lesAuteurs , qui ont écrit que les Indiens
[es Peuples des environs des Palus Meotides ,
le &
Lb''°'^in"^'ita
^^^ Satuiates vivoient de Millet. Philoftrate ca-
Apaiion. rad;erife le Millet prefque auiïi-bien que Pline
dans la vie d'Apollonius de Thyane. Car par-
lant
« '

ÂM ERI (^U AINS. 73


îant de l'Inde , il dit. « Que la terre y efl; noire, «

fertile en toutes fortes de fruits les pailles i que «=

&c les tiges des Plantes frumentacées y font de «


l-agrolfeur des cannes 5c des rofeaux-, mais fur-«
tout qu'elle «porte du Millet &c du Sefame d'u-~
ne piodigieufe groffeur. » On ne peut pareille-
ment le méconnoître dans ce que dit Hérodote Herodot.
en faifant la defcription des Mœurs des Indiens, ^''' ^•°- 100.

«Ik vivent, dit-il, d'herbages, & ils ontuneefpe^«


cède femence, laquelle fe rapporte au Millet,
que la terre produit d'elle-même, enveloppée»
dans fon calice; après l'a.voir cueilli ils lafontcui- «
re dans fon propre calice & s'en nourriflent. » Le Herodor.
«nême Auteur, parlant du Froment & de l'Orge Lib.i.n.isj.

des Babyloniens, dit que les feuilles de leur tige


font larges , au moins de quatre doigts. Or il fcm-
ble que cela ne peut convenir qu'au Maïs. Théo- ^^^^ ^^^^
phrafleaura peut-être voulu parler delà même Lit. s. c. 4.j

Plante, quand il a écrit fur le rapport <ju'on luy


en avoit fait , qu'au de la de la Badriane , le Fro-
ment y prodigieux, que chaque grain peut-
vient fi

être, comparé pour fa grofleur au noyau des Oli-


ves. A prefent que ces païs nous font plus con-
nus qu'ils n'étoient aux Anciens, je ne fçache
pas qu'il y ait d'autres efpeces de grains à qui
cela puiffe convenir qu'au bled d'Inde.
Le Millet dont vivoient les Sarmates & les
Meotiens étoit le même que cultivoient les Apoiio.RW
" ""
Amazones Apollonius de Rho-
leurs époufes. v!"
005'.

dts parlant des Chalybes qui étoient au voifina-


Tome IL K
.

74 MOEURS DES SAUVAGES.


ge des Amazones, dit qu'ils n'avoient point Tu-
iage du Labour j ni aucuae manière de femeF ôc
de faite croître la Plante , laquelle a U goût dm
Miel, Qu'ils n'avoient pas non plus de Trou-
peaux, mais qu'ils achetoient de leurs voifins,
ce qui leurétoit necefTaire, & qu'ils k commer-
çoient avecdu fer , lequel ils fçavoient fort bien
mettre en œuvre. Or cette Plante qui a le goût
Chardin ^^ Miel, à nioius que ce ne foit le Gom* dont
Pcnfa^ia
ufent aujourd'huy les Mingreliens ne peur être ,

MeiNoiie& autre chofe que le bled d'Inde. Dans la Langue.


Tt^%l des Anciens Celtes, le mot Mel fignifie égale-
pezron. An- mcut du Micî & à\xMpl. il feroit d'autant moins
N^don & de furprenant que ces deux derniers termes vinfTent
^ J même racine, que
laLangucdes
ce qu'ils (lénifient, fe
Celtes. p.3S?. ^ ^ ^ a^ i

trouve en même-temps dans une même Plante,


i

qui eft le Maïs


ainn que je l'expliquerai tout a
,,

l'heure. De tout cela on peut conclure , qu'au-


jnoins dans les premiers temps , le Bled d'Inde
étoit la nourriture commune de prefque tous
les Peuples Barbares de la grande Afie.
J'ai eu auiïi quelque foupçon que le Maïs pou-
voir bien être le même que le Bled des anciens

* Le Gom eft une d&forte mal aux Cannes du bled d^nde.


grain, qui fe cueille dans Min- la Par cette defcription tirée de.
grelie , menu comme là Co- Chardin , il paroîc que le Gom
xiandre, & qui reitemble alTez au eft une elpece de bled d'Inde ,
Millet , il produit un Tuyau de non pas de l'efpece ordinaire ,

la groireur du poulce , de la dont le grain e/l attaché à un gros


hauteur d'un homme , au bout gland , ou bouton , mais de celle
duquel il y a un épy , qui a plus dont le grain vient au bout d-ua
4e 5 00. grainsj ôc ne relfemble gas épy ailés long.
A ME R I Q^U A INS. 75
Egyptiens. Ce qui me paroîc fonder quelque cenef.cL -i.

conjedure c'eft le fonge de Pharaon où il eft ^' "•


,

parlé d'gne Tige à fept épis. Mais comme


y a il

une efpece de Bled à plusieurs épis fur la même


tige , cela fuffic pour infirmer ma conjecSbure ;

quoique ce Bled ne foit pas commun , &c que


cela ne convienne pas même à l'Orge dont les
anciens Egyptiens fe nourrifToient.
Si le Mais , qu'on apporta à Rome du temps
de Pline, y fut femé , il eft évident qu'on en fit,
peu de cas dans la fuite , parcequ'il y a difparu
aufïl-bien que dans le refte de l'Europe , ou on
ne la revu que lorfqu'il y a été apporté de re-
chef de l'Inde Occidentale, après la découverte
du Nouveau Monde, ou bien de l'Afie de de la
Tartarie , ce qui lui a fait donner le nom de
Bled Turc. On n'en a gueres fait plus d'eftimc
dans les Indes Orientales , dont ont parlé les
Auteurs que j'ai citez. Car aujourd'huy, quoi-
qu'ils ayent encore le Mais & d'autres efpeces de
grains qui font en ufage parmi nous , on ne s'y
icrt prefque par tout que du Ris , aufïi-bien qu'en
Egypte & en Turquie. Il y a fort peu de Pro-
vinces en Europe qui fe foient fouciees de culti*
ver cette Plante, éc celles qui la cultivent, ne le
font que pour nourrir les Païfan^ ou la volaille.

En Canada dès que les neiges font fondues, Culturedes


^'^^^'
les Sauvageffes commencent leur travail. Elles
ne fement point l'Automne, parce que le Maïs
Kij
,

jc MOEURS DES SAUVAGES


efi: du nombre des femences qu'on appelle d'EÏ^
té 3 y£/?/'i;4j telles que fonc le Sefame, le Millet^
le Panis , & les autres légumes \ ou bien parce-
qu'il en eft de cette efpece de grain comme du
Bled appelle Trimeftre par Theophrafte &: par
L.b. s; rime, parce qu il ne lui raliaic que trois mois
iî!!cr7.^'^' entre la femenee & la reeolte v fi toutefois on'
doit attribuer cela a une efpece particulière car
\

l'ufage de la Nouvelle France nous fait voit tout


le contraire, dans toutes les efpeces de Fromenc
ou de Bled François , qu'on ne feme qu'au mois
d'Avril ou de May , & qu'on recueille au mois-
de Juill'et ou d'Août. A la Floride & dans les'
Païs plus Meridionnaux, on feme le Mais ôc on
le. recueille deux fois l'année.

La première façon qu'on donne aux Champs ^


c'eft de ramaffer le Chaume & de le brûler. On
remue ènfuite là terre pour la Jifpofer à recevoir
le grain qu'on doit- y jetter. Onnefc fert poinr
pour cela de la- Charrue , non plus que deqnan-
rite d'autres" inftrumens du Labourage, dont l'u^
fage ne leur eft pas connu , & ne leur eft pas ne-
ceflaire. Il leur iliffir d'un morceau de îrois re-
courbé, de trois doigts de largeur, attaché à un
long manche qui leur fert à fircler la terre &i'
la remuer légèrement.
-*'
Lqs Champs qu'on doit enfemencer ne fe ran-
gent point- par guerets , & par filions félon la.
méthode d'Europe î mais par petites mottes
rondes, de trois pieds de diamettre. On fait neuf
AMER! qjJ AIN S. 77
erous d'ans chacune de ces mottes dans cha-
, &
que trou on jette un grain de Bled d'Inde qu'on
a foin de couvrir.
Toutes les femmes du village s'unilTent enfem-
bie pour le gros travail. Elles font diverfes ban-
des nombreufes, félon les differens quartiers oii
elles ont leurs Champs , & ejles pafTent d'un
Champ à l'autre, s'aidant ainfi toutes mutuelle-
ment. Cela fe fait avec d'autant moins de peine.
Se avec d'autant plus de promptitude
que les ,

Champs ne font point feparez par des Hayes ou


des Foffez , & ne paroiflent faire tous enfemble
qvi'une feule pièce fans que pour cela elles aïenf
-,

des difputes pour leurs bornes , que chacune fçaïS'


fort bien reconnoître.
La- Maitrell'e du Champ , dans lequel on tr.r--

vaille , diftribuc à chacune des travaillantes le


grain de femence qu'elles reçoivent dans de pe-
tites Mannes ou Corbeilles , de quatre ou cinq^
doigts de hauteur , & d'autant de largeur , de^
manière qu'ellespeuvent fupputer jufqiies au-
nombre des grains qu'elles donnent.
Outre le Maïs, elles fement des feverples oir
de petites ^év-ts , deseitrouilles d'une efpece dif-
férente de cellede France des Melons d'eau &: de
j

grands Tou-rnefols. Elles fement les fèves à' côté


des grains de leur Bled d'Inde, dont î^t-canneou
la. tige leur fert d'appuy, comme l'Otme à la»

vigne. Elles font des Champs particuliers pôur>


kur^ Citrouilles ôc leurs Melons , .mais avant-
K iij.

7<
78 MOEURS DES SAUVAGES
que de les femer dans leurs Champs, elles pré-
parent une terre noire & légère, dans laquelle el-
les les font germer entre deux écorees dans leurs
Cabanes, au-deffus de leurs foyers.
Elles tiennent leurs Champs fort propres , el-
lesont grand foin d'en arracher les herbes jufques
au temps de la i;ecolte. Il y a encore un temps
marqué pour cela, oii elles travaillent toutes en
commun i Se alors chacune porte avec foy un faif-
ceau de petites baguettes de la longueur d'ua
pied , ou d'un pied & demi , qui ont leur mar-
que particulière, & qui font enjolivées de ver-
millon. Elles leur fervent à marquer leur tâche,
&à faire connoître leur travail.
Le temps de la moiflbn étant venu on cueille
le bled d'Inde qu'on arrache avec les feuilles
^
qui environnent l'épy , & qui en forment le ca-
lice. Ces feuilles , y étant fortement attachées ,

leur fervent de lien pour le mettre en treflfes , ou


en cordes, comme on en ufe pour les oignons.
C'eft fans doute une fête de celles que les
Anciens noramoient Céréales, ôc qu'ils celebroient
a l'honneur de Cerés , que celle de treflTer le
Bled. Elle fe fait pendant la nuit dans les champs ,
S>c c'efl la feule occafion où hs hommes , qui ne

fe méfient ni de champs , ni de la récolte , font


appelles par les femmes , pour les aider. Je ne
fçais s'il n'y a point en ceci quelque refte d'un
culte Religieux. Je n'en ai point demandé les
particularités i il y a cependant apparence que
A M ER Q^UA I INS. 75,

c*e{t à la Religion qu'on en doit l'Inditution. Je


ne parle icy que de l'ufage de l'Amérique fep-
tentrionale je ne fuis pas aflTez inftruit de ce qui
,

fe: fait ailleurs &; les Auteurs , qui nous ont


;

parlé des Ameriquains Méridionaux , fe conten-


tent de dire en gênerai que les hommes fe ren-
droient infâmes s'ils avoient feulement touché au
métier, ou bien à ce qui eft aftedlé aux travaux
du fexe.
Diodore de Sicile dit des premiers Peuples de Diod. sic.

la grande Bretagne, qu'ayant féparé les épys de ^'^-îP'^^?-

leur tige , mettoient dans des greniers fou-


ils les

terrains , d'où ils retiroient chaque jour la pro-


vifîon qui leur éroit neceffaire en commençant
par les plus vieux , & qu'ils faifoient leur nour-
riture de ces crains piles & broyés.
Les Sauvageiïes font dans leurschamps de ces
fortes de greniers fouterrains , pour y mettre
leurs Citrouilles , èc leurs autres fruits , qu'elles
ne fçauroient autrement garantir de la rigueur
de l'hyver. Ce font de grands trous en terre, de
quatre ou cinq pieds de profondeur nattés en ,.,

dedans ayec des écorces , & couverts de terre^


par-defTus. Leurs fruits s'y confervent parfaite-
ment bien , fans recevoir aucune atteinte de la
gelée , dont les neiges , qui les couvrent, les g'a-
rantiffent.
Pour ce qui eft du bled , bien loin de l'enfe-
velir , à moins d'un cas de necefîité , on le fait-
efforer fur de grandes Perches, & fur l'Auvent,
8o MOEURS DES SAUVAGES
ou veftibule extérieur de leurs Cabanes. A Tfon-
nontouann , on fait des greniers d'écorce en for-
me de tourelles , fur des lieux élevés , & en perce
, les écorces de tous cotés , afin que l'air puifTe
y jouer & que le grain ne moififl'e point à la >

Floride on le tranfporte dans des greniers pu-


blics où on le laifTe jufques à ce qu'on le diftri-
buë d'une manière proportionnée au befoin de
chaque famille. Se au nombre des perfonnes qui
les compofent. Après un certain temps , on fait
fecher le bkd dans les cabanes fur les perches
de traverfe , qui environnent les feux , & qui
portent furies poteaux de foûtien la fumée qui5

s'exhale jour & nuit de leurs foyers , noircit un


peu le grain à la longue mais elle lui ôte tou-
1

te l'humidité qui pourroit le gâter. En hyver,


quand il bien (çc , on l'égraine, & on le met
eft

d;ins les grandes Caiifes d'écorce, dont j'ai par-


lé , &
on l'y prend à mefure qu'on veut s'en fer-
vir. On uniquement à la fumée , celui qu'on
lailfe

referve pour femence, qu'on n'égraine que lorf'


qu'il faut le femerr

Manière J'ay apporté ci-delTus une quatrième raifon,


depreparer pour foûtcnir lii conje<^ure que le Mais avoir été
a Nourri-
^Q^-l^^ ^^^ Anciens, &c avoit été le fondement de
ture.
la nourriture , tout au moins des Peuples qui ont
fait tranfmigration en Amérique. C'eft la ma-
nière dont les Anciens preparoient leurs Bleds
pour les mettre en ufage , à laquelle celle de nos
Sauvages
j

AMER IQ^U AINS. 8i

Sauvages fe trouve parfaitement conforme ',


5c

<:'efl; ce qu'il faut que j'explique icy.


Rien n'eft plus connu que la pratique que les

Anciens avoient de torréfier leurs grains avant


que de les mettre en farine. Entre une infinité
de témoignages des Anciens , je me contente de
citer le vers de Virgile.
Virgil. Lib.

Et torrere garant Flammis & frangere faxo. Isj"^""'^*^*

Il n'y a aufîi de
qu'à rappeller ce que j'ai dit
l'étymologie du nom kdor , qu'on donnoit au
Far , du verbe aduror , parcequ'on le torrefioit
A poil. Rhod.
avant que de le moudre. Apollonius de Rhodes l,^°','. ^

"^^i.
nous donne à entendre combien cet ufage étoit
ancien , par ce qu'il nous raconte de la douleur , ^^ .,,;!,

dQs Argonautes, & des Dolioniens, après la mort


! Cit.»

de Cyzique leur Roy Car ; elle fut fi vive, qu'ils


furent pîufieurs jours , fans avoir feulement le
courage de faire moudre leurs Bleds, mais qu'ils
foutinrent'leur vie dans la trifleffe, en mangeant
par cy par là , quelques grains tels qu'ils étoient, ,

tous crus, & fans même les avoir fait torréfier.


La farine qu'on tiroit de ces grains ainfi gril- .., ,;;

lés dans les cendres, en étoit beaucoup plus fa- Il ,k.-%

voureufe , les grains eux-mêmes étoient plus faci-


les à moudre , & ils fe dépoiiilloient par-là plus ai-
fément de leur fon , ou de leur première pellicule.
Avant d'avoir l'ufage des Moulins , ils bri-
foient leurs grains dans des piles, ou des mor-
tiers de bois , avec des pilons de même matière.
^
Tome IL h
81 MOEURS DES SAUVAGES
Hcfiod.ope- Hefiode nous donne la mefure de la pile, & dit
4u. ' pilon des Anciens, & de nos Sauvages, dans ces
paroles. «Coupez-moi une pile de trois pieds de
» haut , & un pilon de la Longueur de trois cou-
servius in dées. "^ Pilumuc en fut l'inventeur c'eil pour ce- ;
Lb. 9-Virg.
^iicid.
, ,-i ' •

la qu il etoit honore des Bergers


1

des gens de
' 1 -T.
& 1 1

la campagne, lefquels fe fervirent encore long-


temps de cette manière de préparer leurs grains,,
après qu'on eut trouvé l'ufage des Moulins^,, n'é-
tant pas en état de faire la dépenfe pour les faire
«ato de Ré moudre aux Moulins bannaux. Caton met auflt
la pile & le pilon, au nombre des meubles ru'f-
tiques de Ton temps.
Les Pifons prirent leur nom de cette manière
Hin. Lib.is- d^ piler le bled que plufieurs. autres famii-
, ainfi
•«E'3- les Romaines tirèrent le leur de différentes efpe-
ces de Plantes frumentacéesjou de légumes, qui»
ctoient chez eux en ufaee. Tels étoient les Fa-
biens, les Lentules , & les Cicerons , qui avoient
pris leurs noms , des fèves ,. des lentilles ôc des
pois chiches..
On appelloit atifïi les Bo\ilangers du nom de
Win. tîb.i?. Piftores, à Pilo » ou PifliUo. Pendant cinq cens
les
•*?•"• premières années après la fondation de Rome,,
jl n'y eut point de Boulangers publics -, & lorf-
commencèrent à s'introduire, ils croient en.
qu'ils
même temps , Meuniers, Boulangers & Cuifi-
niers.
* Servius in ï ib. IX, i^nrid, colitur : ab ipfb etiam pilum di*
/w>. Pilumnus pinfendi rumenti cicur,
«ilifli invenit : ixideà P.aftoiibus
, .

A MER I C^U A I N S. «3

On ne faifoit du pain que par delicatefle ,

comme on aujourd'huy des pièces de four.


fait

Les particuliers le faifoient clïez eux &c c'étoit i

là l'employ des femmes, comme ce Teft aujour-


d'huy chez la plupart des Nations parmi le petit
peuple. Le vivre commun & ordinaire, étoitune
efpece de bouillie faite avec de la farine dilayée
dans de l'eau , ou du bouillon , comme- le Far-
ro des Italiens. Pline & Valere Maxime nous en piin. Lib.u.
**
"^'
rendent deux fort beaux témoignages. « Il eft
évident, dit Pline, que les Romains ont vêcu«
long-temps de bouillie , ôc non pas de pain. «
Nos ancêtres , dit Valere-Maxime 3 étoient {!« vaier. Maxi.

attentifs à la frugalité , qu'ils faifoient un -plus « ^jp.^JÏ*"


*'"'

grand ufage de bouillie que de pain. « C'eft-ce


que Juvenal exprime vivement , à fa manière
dans la comparaifon qu'il fait des Mœurs des Ro-
mains de fon temps avec celles de leurs Ancêtres.

^uin ^ magnis fratrihus horum ,


juvenai. s**
tyt.14.

A fcrohe 0*Julco redeuntibus , altéra cana ,


1(9.

Am^lior » &* grandes jUmahant ^ultibui olU,

Cette farine dilayée dans l'eau pure, étoit le


fondement de la vie des hommes & ils fe paf- •,

foient de cela , quand ils n'avoientrien de mieux ;


mais quand ils avoient des viandes
de quelque ,

efpece qu'elles fulfent, ils les faifoient cuire avec


cette bouillie. C'étoit ce qu'on appelloit Pulmen-
tum, ou Pulmentarium. Car le Pulmentum n'étoif;
84 MOEURS DES SAUVAGES
pas un mets , qu'on fit cuire feparément , 6c:

qu'on mangeât enfuite avec cette bouillie , la-*

quelle tint lieu de pain *, ou cette bouillie


mais ,

pure j èc fimple ou bien^ un compofé dé viandes


i

cuites 6c préparées dans cette boiiillie. même, à


laquelle on- a fait fucceder le potage y lorfque le
pain à, été pliMcommunw
On donna aux Romains le fobriquet de Pul-

Il j:j f
tophagesj, ou de mangeurs de bouillie , à caufe
qu'ils retinrent apparamment plus long-temps cec
ufage que beaucoup d'autres Nations car il ne ;

leur étoit pas particulier. Les Romains donnoienc


eux-mêmes 5 le même fobriquet aux Carthagi-
Fortunat £i- nols. FoEtunatas-Licerus , dans, une d-e fes repon-
ponf.adqûx- ^^s, aflure,.qu€ cet ufa^e étôit chez les Perfes.,
^ja. p. j7. & chez les Carthaginois , ch^ez les Romains , & mê-
piin. Lib. 18.
^'^^ ^^^2 ^^^ Grecs. Car
quoique Pline femble
,

«^E- 8- dire le contraire, parlant des Grecs, dans ces pa-


roles. Pldeturque tum puis ignota Grecia, quam Italics
polenta y Fortu-natus- Licetus l'explique , & dit y,

que c'étoit la même chofe. fous difFerens noms y


Mais que ce terme .Puis étoit aufïi peu ufité en;
,

Grèce, que celui de Polenta en Italie. On pour-


roit, je crois L'expliquer mieux , en difant , que
,-

lu préparation étoit eifeélivement la mais même 5

que la matière étoit différente. Car cequ'on a.p-


pcUoit Polenta étoit fait, de farine d'orge mondé, &c
ce qu'on appelloit Puis , étoit de far ou de froment.
Or. Pline, félon cette explicatioii,. a. eu raifon.de
dire ,: que l'un étoit aufli inconnu à l'Italie , que
L'autre l'étoit d la Grèce félon ce que j'ai déjà dit-
;
A M ERIQ^ITA N I s. g^

moi-même , de la nourriture commune des uns


des autres , les Romains n'ufant que du far , & hs
Grecs de farine d'orge.
Cette frugalité des Romains , Ôc des autres
Peuples dans les premiers temps, leur étoit d'un
grand fecours pour l'entretien de leurs armées.
Un foldat portoit Cqs vivres avec (on petit baga-
ge. Un petit facde farine luifulîîfoit pour long-
temps. Il lui coûtoit peu de préparer fon repas,
& ce repas étoit de bien peu de depenfe les Of- :

ficiers j ôc les Généraux même , fe' diftinguoient


peu du Gmple fantaffin, pour les aprêrs de leur
table. De cette manière, les troupes éroient toû-
j.ours fur pied , toujours prêtes à fe tranfporter
d'un lieu à un autre où on vouloir les conduire .•'

& le luxe , & la deli^rateffe , qui fe font introdui-


tes de nos jours parmi les Militaires , ne ruinoienc
point tes Eta-ts , par les. frais^ exceffifs qu'on eft
obligé défaire en provisions débouche, plus qu'en
toute autre forte de munitions de guerre, & ne
faifoient pointmanquer les meilleures enrrepri-
fes lefquelles demandent une diligence ôc une
,

promptitude incompatible, ce feiiible, avec de


grands préparatifs. Enfin cette frugalité fournif-
foit à la Republique des hommes forts, robuftes ,-
courageux, capables dé fupporter la foi m Se Ix
foif, qui penfoient p^lus à aller chercher l'ennemi ,
qu'à fauver leurs équipages; & qui, n'étant pas
énervés par la bonne chère, ne faifoient pas coiv
fiiler le5 avantages d'une campagjie,.à avoir biea-
Liij,
,

gtf MOEURS DES SAUVAGES


fait les honneurs de leur Table , y faifant fervir
ce que l'abondance peut fournir de plus exquis,
& de plus recherché.
Quoique le pain ne fut pas de l'ufage ordinai-
re , fon origine eft cependant très-ancienne. La
première efpece étoit de ceux qu'on faifoit cuire
ious la cendre, & dont l'Ecriture- Sainte fait (i
fouvent mention. L'autre étoit de ceux qu'on fai-
xr j u j • foit cuire dans une tartiere de terre, ou de fer ,
numiniiot. car c'eft ce que les Auteurs entendent par les
ad Plin. Lib. _ „^^/./ ^ lortes
r j
^•

mots turnus & Clibanus. Ces


i8. de pains avoient


differens noms qu'on peut voir dans Athénée, &
M en. Li
. ^^^-^^ Caton. Ces differens noms pouvoient venir

des divers lieux ou on les faifoit , ou de différen-


tes .compofitions qui y entroient. Car, outre les
diverfes efpeces de farines , qui en étoient com-
me la matière principale , on y mettoit de l'huile
& de la graiife , du miel , des fruits , de la femen-
ce de Nafturce , &: d'anis , du cardame , du
pavot , &c.
La fagamité des Sauvages n'eft autre chofe,
que cette forte de bouillie fiite de leur bled d'In-
de , torréfié dans les cendres , broyé dans des
Piles de bois à force de bras , paffé dans des fas
groflîerement faits , avec de petites branches liées
enfemble , & vanné dans des écorces , ou dans des
paniers pliants faits de jonc. Je ne fçais d'où vient
le mot de fagamité , dont les François Canadiens
fe fervent pour flgnifier cette boiiillie , que Iqs
Iroquois nomment Onnontarx dans leur langue.
3

AME R IQ^U A INS. Sf


C'efl; peut-être un mot
de quelque dialectetiré
de la langue Algonquine. Quoiqu'il en foit , il
eu reçu en Canada dans le langage corrompu en-
tre les François & les Sauvages. Lqs Iroquois, &
les Hurons prononcent Sagaouité.
Tous les matins les femmes préparent cette fa-
-gamité , & la font bouillir pour l'entretien de la
famille. Avant que les Europeans leur cuflent
apporté des Chaudières de deçà la Mer , elles fe
fervoient de vaiffeaux de terre a potier, qu'elles
travailloient aflez proprement , leur donnant une
forme fpherique par en bas , & fort évafée par
le haut ; & après les avoir fait fecher au foleil,
elles les faifoient cuire , à un feu lent avec des
écorces. Les Nations errantes n'avoient que d^s
Chaudières de bois, moins fragiles , & dont le
tranfport étoit plus aifé. Elles y faifoient cuire
les viandes , en jettant dans l'eau , fucceflive-
ment , plufieurs cailloux ardants , qui éehauf-
foient cette eau peu à peu y Se la faifoient bouillir
fuffifamment pour des gens qui s'accommodent
aflez de viandes à demy crues.
La fagamité étant faite, on la diftribue en au-
tant de petites Chaudières, ou de petits plats
faits d'écorce, ou de racine d'arbre y a de , qu'il
perfonnes , dans la cabane , lefquelles y tou-
chent a toutes les heures marquées par leur ap-
pétit, foit le jour , foit la nuit. L'appétit eft chez:
eux l'unique horloge fur laquelle font montées
toutes les heures du repas. On remplit, outre cela?.
,

88 MOEUR5 DES SAVVAG2S]


un grand qu'on peut appeller le plat des
plat ,

hôtes , & qu'on fert a toutes les perfonnes qui


viennent rendre vifite dans la Cabane, foit qu'el-
les foient .étrangères , foit qu'elles foient du vil-
lage même.
Comraentai- Le R. Père Don Auguftin Calmet , dans {qs
.re Lit. lui-
notes fur la Genefe , à fort bien obfervé , que
1,1

Genelc. chap
'^
M-v. 33. dans les temps héroïques, les hôtes ne difoient
ordinairement, ni qui ils étoient, ni d'où ils ve-
noient, qu'après le repas fouvent même on at-
i

tendoit trois , quatre , ou même dix jours, fans


s'en informer. C'eft auiïi le premier compliment
que font tous les Ameriquains, chez qui l'hofpi-
talité n'eft pas moins facrjée que dans l'antiquité oc :

ce compliment, quoique muet, eft très-éloquent^


Se beaucoup plus fenfé que nos révérences, dcdes
queftions , qui doivent paroîrre hors de propos
par rapport a des gens , qu'on doit fuppofer las,
èc fitiguez du voyage. Qj-iiconque entre chez
eux eft bien reçu. A peine celui qui arrive , ou
qui rend vifite eft-il entré , qu'on met à manger
devant l'uy , fans rien dire :6c lui-même mange
fans façon , avant d'ouvrir la bouche pour décla-
rer le fujet qui l'amené. Les Brefiiiens, les Sioux,
& quelques autres Peuples, ufent après cela en-
vers les étrangers de beaucoup de cérémonies que
j'expliquerai dans la fuite. Il s'en trouve encore,
qui ont la coutume de leur laver les pieds , la-
quelle étoit Cl religieufement obfervée par ks
Hébreux. ^ .

La,
,,

A M EP.ÎCVU A INS.. S9

Xafagamité pure une viande bien creufe,


eft

•iSi les Sauvages avouent eux-mêmes, qu'elle ne


^çauroic les foûcenir long- temps, s'ils n'avoient
pas dequoi l'aflaifonner avec delà chair, ou du
poifTon, qui fervent à la lier, èc à lui donner du
corps , ôc au goût.
l's ne manqueroient point d'aflaifonnement

aulïi fouvent qu'il leur arrive d'en manquer ,

s'ils fçavoient un peu mieux le ménager. Mais il

leur eft prefque impoflible dans leurs principes


d'avoir cet efprit de menaîï;ement, ôcdereferve:
la coutume receuë , eft de manger tout , tant
qu'ils ontdequoi, duflent-ils crever, comme s'ils
ne dévoient jamais manquer, & de tolérer la faim
avec patience , ôc fans (e plaindre , quand ils
n'ont plus rien. .'
isa;rii:.
J'avois d'abord que c'étoit brutalité,
crû &
faute de prévoïance; mais, aprçs avoir examiné
les chofes avec maturité, compris qu'ils nô
j'ai

peuvent abfolument en ufér d'une autre forte,


lans violer toutes leurs loix de civilité , & de
bienfeance. Un particulier , pour peu qu'il foit
condderable , s'il a fait une bonne chafTe, ou une
bonne pêche , doit, félon les occafions, faire des
diftributions aux anciens , aux parens , ôc aux
amis & ces fortes de largeflTes épuifent tout
j

mais ils n'oferoient y manquer , ôc ne pourroient


le faire fins fe rendre infâmes. Il eft des temps
où ils font obligez de fournir leur contingent,
& de contribuer aux dépenfes publiques du viU
Tome II. M
5)0 MOEURS DES^ SAUVAGES;
lage pour les feftinsqui font toujours de gran-
,

des confom mations, parce que la plus grande par-


tie du village y eft invitée. Un homme , au nom.
de qui on a fait feftin, eft obligé de faire paroli^
& de répondre à une civilité par une autre civi-
lité femblable. J'ai déjà parlé des fellins à tout
manger, où ne doit rien laifler, & où l'on:
l'on
eft fouvent contraint de mener des Ombres, Se
des Parafites , qui trouvent leur bien être à fui-
vre partout les anciens,, & les confiderables pour
attrapper quelques bons repas, & pour leur fervir
de féconds à manger tout ce qu'on leur ferr.
Ces fortes de feftins, qui font très-frequens^
Se dans lefquelson fe fait un point d'honneur de
l'abondance. &
de la profufion , ne permettent
certainement pas de penfer à accumuler des pro-
Yifions pour long- temps.
Au refte véritablement l'honneur qui les
, c'eft

fait agir. Je n'en veux point d'autre preuve que


ce que ce même honneur leur fait faire dans l'ex-
trême neceffité. C'eft dans les temps de chafte ^
où ils (buvent expofés à la faim , qu'il n'elt
font fi

prefque point d'année qu'elle n'en fàfle mourir


quelqu'un. Alors , fi une Cabane de gens affamés
en rencontre une autre , dont les Provifions ne
font pas encore entièrement épuifées , ceux-ci
Î>artagent avec les nouveaux venus le peu qui.
eur refte, fans attendre qu'on le leur demande^,
quoiqu'ils demeurent expofez par- là au même
danger dépérir, où fetrouy oient ceux qu'ils ai-
^
AM E R I Q^U A I N S. •
^t
i^ent a dépens, avec tant d'humanité, &c de
leiirs

-grandeur d'ame. En Europe , nous trouverions

f>eu
de difpofition , dans des cas pareils , a une
iberalité fi noble , ôc fi magnifique.
La necelfité, où ilsfe trouvent bien-tôt feduits
par ces fortes de profufions , les oblige à man-
ger de tout , fans difcernement , & à trouver tout
bon. Comme, dans leur abondance, ils ne don-
nent pas le temps à la viande de fe mortifier,
qu'ils la mettent dans leur chaudière encore tou-
te vivante, ou qu'ils la font rôtir dans de peti-
tes broches de bois , qu'ils enfoncent dans la ter-
re par un bout , & qu'ils ont foin de tourner
-quand elle eft cuite d'un côté, pour la faire cuire
de l'autre i ils ne fe font point aufli un fcrupule
de la manger puante, & prefque pourrie, quand
ils n'en ont point d'autre. Ils n'écument jamais

Jeur chaudière , de peur de rien perdre. Ils y


mettent cuire les grenoiiilles entières, & les ava-
lent fans horreur. Ils font fecher les inteftins des
Chevreuils fans vuider , & y trouvent en le«
les
mangeant le même goût que nous trouvons à
ceux des Becafles. Ils boivent l'huile d'Ours , de
Loup -marin, d'Anguille, ôcc , fans s'embaraf-
fer fi ces huiles font rances & infectes. Le fuif
des Chandelles eft pour eux un vray ragoût. Ils
n'ont point encore abandonné les glands , qui
ont rendu les de Dodonne fi célèbres-,
forêts
ils les font feulement boiiillir dans piufieùrs
.eaux,,' pour ôter leut ;imertume. Ils amaflenr
Mijl
,,

^% MOEURS DES SAUVAGES


avec foin le fruit des hêtres & les font rifToler^
Ils mangent avec plaiiir des pommes de terre
diverfes racines infipides , & toutes de
fortes
fruits fauvages , &
amers -y ils ne leur donnent

point le temps de meurir, & de. croître, de peur


que d'autres ne les préviennent , & ne les enlè-
vent. Pour, mieux dépouiller un arbre , ils le

coupent par le pied , fans fe mettre en peine des


avantages qu'ils pourroient en retirer les années
'

fuivantes. Les Algonquins , & ceux qui ne fement


point j étant encore plus miferables , font forcez
--de manger quelquefois une efpece de moufle
qu'on appelle tiipe-de-roche , la tunique inté-
rieure i ou féconde écorce , & les bourgeons des
arbres. C'eft pour cela que \^^ Iroquois ne don^
nent point d'autre nom aux Algonquins , que
celui de /^o«/'^,4^, c'eft-â-dire ylts mangeurs dWhre^
ita Tertre. Lc Pete du Tcttre dit àçs Caraïbes, qu'ils man-
An!!ii«!'"^" g^"t fouvent de la terre toute pure, ce qu'il at-

tJ^ibuë à leur humeur fombre &c mélancolique;,


^""t^*
laquelle produit dans les le\fains de l'eftomacll
une affection déréglée, femblable a celle des pen-
fonnes du fexe, qu'on voit dans certaines maladies»,
manger avec plaifir de la ciaye, &;.du charbon.
Les: Sauvages, qui ont du bled ,^ le ménagent
un peu mieux que les viandes , & ce qu'ils regar-
dent comme, tenant lieu d'affaifonnement ik ;

.font en forte d'ùii avoir leu<r provifion annuelle


êc même au delà , s'irl peuvent. Quand le refte
leur maaq^je , ils .mettentcebledi. toutes les faii.
XM E R I qjJr AIN Ê. 53:

ces, afin de varier, &c de corriger par différen-


tes préparations ce que cette nourriture légère
pourroit avoir de fade &
de dégoûtant.
Lorfque le bled d'Inde encore tendre, ôc
eft

prefque en lai6t, on le fait un peu rilfoler fans \&


leparer de fon épyj il ell alors très-agreable au goiit^
On fait aufli une provifion de ce bled- tendre
en cette manière. Après l'avoir fait bouillir dans^
ion calice , on ôte les feuilles , qui l'envelo-
pent , & on le fait un peu torréfier alors -,

on l'égraine on le fait fecker au foleil fur des


i

écorces, & on^ le garde pour les meilleures oc-


cafions. Carde cette forte.il efl plus délicat , ôc
fait la plus excellente fagamité. y en a une cù
Il

pece qu'ils font pourrir dans les marais , pour le


rendre puant. Ils aiment celui-lâ avec pa{lion,&
lorfqu'il le retirent de l'eau , ou plutôt de labouë^,.
on leur voit lécher & favourer avec plaifir cette
eau, qui en découle,, & doilt l'odeur eftinfup-
portable. Les Sauvageffes ont une. manière de 1©
Jefïiver , c'efl-à-dire , de le faire cuire avec des
cendres, quienrelevent le^oût. Elles ne broient
point celui-cy dans les piles mais a-près l'avoir
,

bien lavé, & l'avoir amolli


dans l'eau bouillan-
te, elles brifent chaque grain entre deux pier-
Ees , ou les mettent cuire tous entiers dans là
chaudière. Je n'ai point affez étudie les- régies
de leur cuifine pour .donner un détail exa(5l de
toutes leurs fauces, aufquelles jene fouchois pasr
volontiers. La manière dont leur bled-m^ paroifi-
M iij_-
.^4 MOEURS DES SAUVAGES
foit plus fupportable, c'ëtoit de le manger auflî-
tôt après q^ue les grains rôtis ont été retirez des
cendres ; il prend un petit goût de brûlé , qui me
paroîtafTezbon. Ils en ont fur-tout une efpece par-
ticulière , qu'ils nomment Ogarita , & que nous
appelions , Blé-Fleuri ^ parce que des qu'il a fenti
la chaleur, il éclate , & s'épanoiiit comme une
fleur. Celui-là pafle tous les autres en faveur.
Les François l'aiment beaucoup , &: les Sauva-
gefles ne manquent pas d'en faire un régal aux
perfonnes qui les vifitent , &: qu'elles veulent
diftinguer.
Elles font quelquefois du pain de leur bled
d'Inde. Je dis quelquefois, & par delicateffe i car
elles ne fçauroient en faire un ufage ordinaire,
leurs champs ne leur fourniffantpas aflez, a pro-
portion de leur travail , pour fournir i la dépenfc
:&; à la confommation que le pain emporte. Rien

n'eft plus pefant, &c plusinfipide: c'eftune maf-


fe de leurs farine, peftrie mal proprement, fans
levain, & fans fel. Elles l'enveloppent de feuil-
les de bled d'Inde , & le font cuire fous la cendre^
ou le font bouillir dans la chaudière. Elles y
.mettent fouvent de l'huile, de la graiffe, des fè-
ves , & des encore plus défagreablc
fruits. Il efi:

de cette manière i mais pour la bouche d'un Sau-


•vage, c'eft u^i rega!, &
un mets délicat. Ce pain
n'eft point de conferve , n'eft gueres bon &
qu'à être mangé chaud en fortant du four. J'ai
yû en Italie une efpece depain prefque entière-
'A U "EK î Qjr Ain s, 95;

aïientfemblable , qu'on veiid an petit peuple.


G'eft une mafTe de farine fort prefTée, détrempée
dans le fafran , qui la rend fort jaunâtre , ôc
cuite avec des amandes, ou des pralines. Je ne
l'ai pas regardée d'afTez près pour en fçavoir la
composition au jufte mais je croirois qu'il faué
',

avoir l'eftomach bon pour la digérer, auiîi-bien^


qu'un autre efpece de pain peu différent qu^on
fait en Gafcogne & en Bearn , lequel eft compo-
fé de cette farine de bled d'Inde , ou de petit-,
mil, bien bluttée,, èc qu'en langa^ge du pais om
nomme Cruchade^

L'Auteur de la nouvelle Hiftoire de Virginie sefam^.


4it 5 que les Indiens de ce païs -la , font du pain Hift. deia
de la femence des Tournefols, qu'ils font venir Virginie.
dans leurs champs. Je n ai point vu que les nôtres
en fiffentcet ufage. Les SauvagefTes n'en fement:
que très-peu. Se elles en font de l'huile pour fe
graiffer, auflî bien que de certaines petites noix
ameres , Ôc de quelques autres fruits ou plantes.
Je crois néanmoins ce qu'il en rapporte car il y j

à toute apparence que le grand Tournefol , con-


aû des Botaniftes fous le nom de Heliotropumma- Anôuaiiï ~
gmm, eft le Sefame, dont les Anciens Egyptiens, ^^^^\2^
& les ^premiers Peuples faifoient du Apain,' &: de tisadcap.
, .,
*•
tsum. iBNo•
3.
^,

inUlle. Lib.î.
f
- Theophr.
c , .

Quelques- Nations dans l'Amérique Septen- Folle-Avoi*


^^'
trionale tirjpnt leur fabfiftance d'une forte de
^ MOEXJRS'.n.ES SAtlVAGES
grain, 'que la nature produit d'elle-mcme , on le
nomme la Folle- Avoine , dont les François ont
tranfporté le nom a quelques-unes de ces Nations.
C'efl: une plante marêcageufe, qui approche af-
iiezde TAvoiiie, mais qui efl: mieux. nourrie. Les
Sauvages vont la chercher dans leurs canots, au
temps de ne font que fecoùer les
fa maturité. Ils
épys , lefquels s'égrainent facilement , de forte
que leurs Canots font bien -tôt remplis , & leurs
provi fions bien - tôt faites , fans qu'ils foient obli-
gez de labpurejL' ni de femer.

Racines.
^^ ^'^^ P''^^feulement des Plantes frumentacées
que les hommes ont eu Tinduftrie de tirer des fari-
nes, & de faire du pain pour leur nourriture. L'an-
tiquité nous fournit plufieurs exemples de diver-
fes racines qui fervoient à cet ufage. Telle étoit
la racine bulbeufe de l'Afphodele, la racine nom-

CefardeEci- Hiée Chara dont il eft parlé dans Cefar, & dont ce
,

civiiuLb.
îo
grand homme, peu detemps avant la célèbre jour-
née de Pharfale, fefervitpournourrirfon armée, à
qui l'Epire ne fourniflbit pas d'affez grands fecours
de vivres. Telle étoit la plante du papier, fi célè-
bre chez les Egyptiens , Se dont nous aurons oc-
cafion de parler plusen détail dans la fuite. Telle
étoit encore dans ces derniers temps celle , que
le petit peuple de quelqu'une de nos Provinces,
fçut emploïer utilement après l'hyver de 1709 ,
^^,., pour fe garantir des dernières extremitez , où
l'auroient jette la famine, & la diferte.
Il""
,

A M ER Q^UA IN I S. 57
y a dans les Indes Occidentales diverfes ra-
Il

cines dont on fe fert, non feulement pour les cas


de neceflité, mais encore dans l'ufage commun
ôc ordinaire. La plus célèbre eft celle du Manioc
ou Mandioc y laquelle eft la même que celle qui
eft appellée Yuca dans les premières Relations , ôc
dans celles des Auteurs Efpagnols. Cette plante
eft une efpece d'arbufte, dont le bois eft fort tortu,

& fort tendre j fes feiiillesfont étroites, ferrées, un


peu longuettes comme celles du chanvre, elles ne
viennent pas toutes en même -temps mais à me- ;

fure que la plante croit, celles d'en-bas tombent,


& celles d'en haut pouffent ide forte que l'arbufte
eft toujours verd. A la chute de chaque feuille,
il fe forme un nœud de la groffeur d'une fève.
Ses racines font femblables à celles des carottes,
lefquelles deviennent plus ou moins groffes , fe.-

Ion la qualité du terroir, &" les foins qu'on leur


donne. Il leur faut près d'un an pour venir à une
parfaite maturité. Ce n'eft pas qu'elles ne puif-
lent fe conferver plus long- temps dans la terre i

mais elles fe rempliffent d'une trop grande abon-


jiance defuc, qui perdant de fa confiftance, les
rend trop aqueufes. Il y en a de fix ou de fept
fortes , qu'on diftingue par les différentes cou-
leurs des feuilles , &c des écorces.
Comme de la racine' feulement que les
c'eft
habitans du pais tirent leur fubGftance, il faut
connoître ces différentes efpeces , dont. les unes
.jetant meilleures que les autres , donnent auffi de
Tome II. N
,

p8 MOEURS DES SAUVAGES


meilleure farine , & de meilleur pain. Le Manioc
une écorce affez
violet a d'un violet fort épaiflfe

obfcur mais le delTus en


j eft: blanc comme neige.

Celui-ci fe conferve plus long-temps en terre , &c


fait le pain de meilleur goût. Le Manioc gris a
l'écorce du bois & de la racine grife mais il eft ,

fort inégal ) quelquefois il rapporte beaucoup, 6c


quelquefois très-peu, le pain en eft pafTable. Le
Manioc verd , ainfi nommé
de la verdeur a caufe
de fes feuilles , n'eft pas plus de dix mois à venir
à maturité mais il fe conferve peu en terre le
'>
:

pain en eft fort bon. Le blanc a l'écorce du bois


blanchâtre, il eft plutôt meur que toutes les autres
efpeces', mais en eau,
fes racines fe refol vent toutes
de forte que quoique la farine foit d'une belle
couleur d'or, èc d'un fort bon goiit , étant de peu
de profit, il eft aufli de peu d'ufage i & il n'y a
gueres que ceux dont les provisions font courtes,
qui aient foin d*en planter pour en avoir bien-tôt.
Il y en aune autre efpece, qui ne diftere gueres

du blanc pour fa forme > elle eft rare dans les


Ifles, Se commune dans la grande terre: elle fe
mange crue, rôtie, bouillie, ou de quelque au-
tre façon que l'on veut , fans en exprimer le fuc,
ce qu'on n'oferoit faire des autres efpeces de Ma-
nioc i leur fuc étant un venin des plus prefens
& des plus mortels.
Il eft bien fingulier qu'une racine aufli excel-
lente , foit pourtant fî dangereufe , &c ait des effets
aufll funeftes. Car il eft certain , que le quart
A M E R I Q^U A I N S. 55,

d'un verre de ce fuc feroit mourir un Jiomme


dans un quart-d'heure , il on n'y apportoit un
prompt remède. Les Indiens l'éprouvent (buvent,
le faifant mourir volontairement avec cette li-
queur, comme les Sauvages Septentrionaux en
prenant de la Ciçiie. Au commencement de la
I Gonzales
A T- r 1 1 11
conquête des Elpamiols , ces pauvres malheureux
r rC- J \

ne pouvant louttrir le joug de cette lervitude,


r-J d'oviedo,
Hiftor.G en;
Oen.
nb.7.cap.i^

s'invitoient les uns les autres à fe faire mourir par


compagnie, & on en voyoit des troupes de cin-
quante, qui s'^empoifonnoient avec le (uc d'Yuca.
Le Père du Tertre croit « que tout ce qu'il y a de « Hift^Nfm-
malin dans ce fuc , ôc même dans toute la raci-«
•'
"}}^ ''" ^'y
tilles. Traite.

ne, ne vient que d'une abondance de nourritu- « 7-ch. i. §.14-

re dont l'eftomach n'eft pas capable car quoi-« •,

qu'il foit mortel en effet , il opère néanmoins «


d'une manière toute différente des autres poi-«
fons, qui caufent des ardeurs étranges, s'ils «

font chauds , ou des affoupiffemens s'ils font «

froids -, remarque point du tout en


ce qu'on ne «=

ceux qui ont pris de ce fuc , ou mangé de cette «


racine mais feulement une replexion d'efto «
i

mac, qui les fuffoque, & qui les fait mourir.»


Déplus, on ne trouve aucune des parties no-«
blés des animaux qui en font morts , endomma- «
gée mais feulement leur eftomach enflé » dé
'j
j

forte que ce Père prétend , qu'il arrive pour lors


la même chofe qu'on a vu arriver , après une fa-
mine, à ceux qui crèvent pour avoir trop mangé
de bled nouveau j ou bien aux cheveaux , qui
iQO MOEURS DES SAUVAGES
boivenc. après s'être trop remplis de froment ^
qu'on ne loupçonnera point d'être venimeux.
Il y a apparence que ce y a de nuifible
qu'il
^i^'" . dans cette racine , c'eft fon phleçme. En effet ce
Liv. ii.ch. même lue , ii dangereux, & li mortel , après
'^^ °'
-^
qu'on la bien fait bouillir , devient une liqueur
douce, miellée, bc fort bonne à boire le feu en ^

aïant corrigé la crudité , ou aiant fait évaporer


DeLietind. ce qu'll y avoit de trop aqueux. Les Indiens font
i^'capAl!'.' ^^ ce fuc tout pur , des bifcuits d'un goût très-
fin & très-relevé , en le faifant épaiflir au foleil ,.

ou bien au feu , qui en confume toute la ferofi-


té. Ils font aulTi de la racine de Manioc féchée, des

boiflons fort bonnes, & qui font d'excellens ref-


ovîedo.ioc. taurans pour les malades. Oviedo dit , qu'ils
*"•
en font de bons- bouillons mais que lorfque lo;
\

liqueur commence à fe refroidir, ils céfTent d'en


boire. La raifon qu'ils en apportent , c'eft que,
quoiqu'elle ne foit pas mortelle , à caufe de la pre-
mière cuiflbn, elle eft néanmoins indigefte lorf-
qu'elie eft froide , ne fé cuit pas aifêment dans
&;
l'eftomach. Les Sauvages Tapùias , & quelques
autres du Continent , aufti-bien que les ani-
maux , mangent le Manioc de l'efpeçe la plus
dangereufe tout cru , & fa4is aucune préparation.
ï5eLaet,loc. il faut neaiimoins qu'ils s^y faffent peu à peu, &c

"^Du Tertre
^i^'ils y foieut accoutumés de bonne heitre, fans
loc. cit.
quoi il leur nuiroit comme aux autres
Mais quelle que foit la nature de ce fuc, com-
JKi.e il a en effet toute la force -du poifon le plu$
A M E R I Q^U A I N S. loi

violent) le Père du Tertre- fuggere trois remèdes


pour Ces remèdes font , de
lui fervir d'antidotes.
boire de l'huile d'olive avec de l'eau tiède: ou
bien quantité de fuc d'Ananas , avec quelques
gouttes de jus de citron ou enfin de prendre le
:

îuc de l'herbe aux couleuvres , dont tous les ar-


bres de ces païs-là font revêtus , & qui eft un fou-
verain contre-poifon , dont on peut ufer contre
toutes fortes de venins.
Pour feparer de la racine ce fuc vitieux & nui-
fible 5 les Sauvagefles , félon l'ancien ufage , ta
ratilTent d'abord & la dépouillent de fon écorce -,

elles {'enragent enfuite à force de bras , fur une


râpe faite de plufieurs petites pierres pointues Se
raboteufes , qui fe trouvent fur leurs rivages , &
qui font enchâflees dans une planche d'un pied
éc demi de long, fur fept ou huit poulces de lar-
ge. Une
extrémité delà râpe appuie contre leur
eftomach, & l'autre fe termine dans un vaiffeau
propre à recevoir la rapure de ces racines , qu'el-
les ramaffent après cela dans des couloirs tiffus*
de jonc &c de latanier lefquels étant mis fous une
prefle , ou fufpendus à une branche d'arbre paf
un bout , avec une groffe pierre qui y fert de
poids , ôc qui eft attachée à l'autre bouc , tout le
lue s'en exprime Ci bien , qu'il ne refte plus qu'une
farine feche , raflemblée en grumeaux, & blanche
comme la neige.

Cette farine ayant été bien bluttée, de pafleepar Caffàrè;

Niij
to^ MOEURS DES SAUVAGES
une efpece de tamis , qu'on appelle Hihichet en
leur Langue , elles en font leur pain de cafTave
en cette manière. Elles ont un vaifTeau de terre
comme une platine , qu'elles mettent fur le feu,
en forte néanmoins que la flâme n'y touche pas ;

lorfqu'il eft bien échauffé, elles le couvrent de


l'épaiffeur de deux doigts , ou environ, de cette
farine bien féche ôc qui n'efl: détrempée d'aucune
liqueur j la chaleur la pénètre bien-tôt, & la lie,

& quand d'un côté , elles la tournent


elle eft cuite
de l'autre avec de petites planches qui fervent
à cet effet 5c la caflave fe trouve faite prefque
•,

en aufïî peu de temps , qu'il en faut pour cuire


une aumelette.
Le Pain de CafTave eft un bon aliment , &c d'un
goût très-favoureux quelques-uns le préfèrent
;

au pain de froment mais pour le manger bon,


-,

il faut le manger frais d'un jour ou deux il fe i

conferve néanmoins très-long-temps , fur tout


quand on l'a fait fecher pendant quelques jours
au Soleil. On lui donne auffi une telle prépara-
tion qu'il devient comme une efpece de bifcuit,
dont les Européens , qui trafiquent dans ces quar-
tiers , font leurs provifions pour leurs voyages de
long cours. Le pain commun eft de l'épaiffeur
d'un demi doigt, on en fait de plus mince, quia
encore plus de délicateffe.
Les Sauvageffes font aufïl de cette farine de
Manioc, de même que de celle du Bled d'Inde,
uneibrte dç bouillie dans laquelle elles font cuire
,

A MER I QJJ A I N S. 105


leurs viandes. On nomme
Mingânt au Brefil,
la

& c'eft la même chofeque la Sagamité des Ame-


riquains Septentrionaux. L'une & l'autre farine
eft d'un goût favoureux , & n'a rien de fade
comme i'eft la notre en fortant des moulins. Les
Indiens les mangent fouvent toutes féches , fans
mélange , & fans autre préparation.
Outre la racine de Manioc , & le bled d'Inde,
l'Amérique Méridionale fournit encore un nou-
veau fecours à fes Habitans dans les Patates, lef-
<juelles peuvent tenir lieu de pain, &: font une
il excellente nourriture , qu'on a obfervé , que

ceux qui en ufent , font ordinairement gras , ôc


d'une fanté vermeille Avantage qui devroit
;

leur faire donner la préférence fur la farine de


Manioc, laquelle étant trop defïicative, ne donne
jamais ni embonpoint , ni coloris.

La Patate eftune racine bulbeufe , qui pouf- Patates, oa


^"^"'
fe des tiges rampantes , chargées de feuilles
molafl'es , d'un verd fort obfcur , & peu diffé-
rentes de celles des épinars. Il y en a de diffé-
rentes efpeces, qu'on diftingue par les couleurs
des racines car il y en a de vertes , de blanches,
:

de rouges , d'orangées , de marbrées , &c. Elles


font toutes bonnes. On les fait cuire fous la cen-
dre, ou bien dans un pot , au fonds duquel on
met tant foit peu d'eau pour les empêcher de
brûler, &
qu'on a foin de bien couvrir. En cui-
fant dles deviennent molles comme les chatai-
I04 MOEURS DES SAUVAGES
gnes , & ont prefque le même goût -,mais elles
lont beaucoup meilleures , ne chargent point l'ef-
tomach, ne font point venteufes , comme la
5c
plupart des autres Racines , & en particulier les
grolTes Raves duLimofin , aufquelles on pourroit
les comparer. Pour leur relever le goût, les Eu-
ropéans leur font une fauce compolée de jus de
citron , d'huile d'olive , & de piment , ou de
poivre long.
Les autres vivres dont ufent les Peuples de
l'Amérique Méridionale, ne font point fi nour-
riffans , ni fi fubftantiels que ceux des Ameri-
jquains Septentrionaux , lefquels ont de toutes
fortes d'animaux que le Pais & la chafle leur four-
.nilfent. Ceux-là vivent plus de poiflbn que de
jchair ils n'ofent pas même en manger de toute
;

efpece la Tortue en particulier , leur eft aufïi


:

défendue qu'elle l'étoit anciennement aux Tro-


glodytes. Ils ne mangent pas non plus de chair
de Pourceau , ni de celle de Lamentin. Ce
qu'ils trouvent plus facilement, & dont ils Ce con-
tentent aulïi plus aifément, ce font des Crabes Se
diverfes fortes de coquillages qu'ils mangent a la
Pimentade yCeCi-i-àiiç. , dans une fauce de jus de
citron, & de piment, laquelle ils font ordinai-
rement fi forte & fi piquante , que les Européans,
qui n'aiment pas les ragoûts fi épicés , ne fçau-
roient abfolurnent s'accommoder de la manière
dont ils la préparent. Mais fi les Ameriquains
Septentrionaux ont fur eux l'avantage des vian-
des
A M E R î Q^U A I N S. 105
des , ceux-ci l'emportent par la qualité , de la
quantité des légumes , &
que la terre
des fruits ,

leur produit en abondance , ou d'elle-même ou -

avec très-peu de foin & de culture , de forte qu'ils


trouvent par tout de quoi vivre, & ne font pas/i
fouvent expofés à mourir de faim que les autres.-
'
Le Manioc vient mieux de bouture que de
graine. Les graines ne produifent que des raci-
nes féches & maigres. La coutume eft donc de
prendre du bois de fa tige , qu'on coupe de la
longueur d'un pied ou environ, & qu'on plante
de deux manières. La première demande plus
de façon, & produit aulîi de plus belles racines.
Après avoir brûlé les herbes du champ & avoir
.difpofé la terre par mottes , on met dans ces ter-
res relevées, trois de ces bâtons couchés en trian-
gles , qu'on a foin de couvrir. Cela s'appelle
planter à iafojje. La féconde méthode eft plus facile,
mais d'un moindre profit.. Il fuffit d'enfoncer en
terre de diflance en diftance , ces bâtons de bois
,

de Manioc , obfervant de mettre les nœuds en


haut , ce qui s'appelle planter en piquet. On a
foin de farder la terre, &: d'entretenir les champs
propres, jufques â ce que le Manioc foit aiïez
fort pour prendre le delTus, & n'être pas fuffoqué
par les mauvaifes herbes. Cette Plante ainfi cul-
tivée a une fi grande fécondité , qu'un arpent de
terre qui en efî femé , nourrit plus de perfonnes
que fix autres arpens enfemencis du meilkur
froment. •
Tome IL O
îotf MOEURS DES SAUVAGES
La Patate veut être dans une terre légère , mo"
dérément humide, & un peu remuée. On y
fait des trous de demi pied de profondeur , ic
plus près qu'il fe peut & on y met deux ou
;

trois brins de fon bois ,.ou de fes tiges rampantes,


fi[u'on couvre de terre. Ces tiges ayant repris, en

jettent de nouvelles en fi grande quantité, qu'elles


couvrent tout le champ où on les a plantées. Il
s'y forme au pied , ou dans chaque trou , cinq ou
fix racines de figure différente , dont quelques-
unes font grofles comme la tête^
Plufieurs Nations Sauvages font du pain de
purs fruits féchés & réduits en farine. Ce pain
eft f3rt dur , mais allez favoureux. Celles du Nord?
qui vivent la plus grande partie du temps de leur,
pêche, & qui ne fement point, font auflî du pain
de poiflTon féché & boucanné au foleil. Elles le
brifent dans des piles ôc le réduifent en farine
comme on fait le bled.

Soins des Lcs SauvagelFes ont grand foin de leurs champs,,


amps.
^ ^ fément outre cela diverfes fortes de légu-
mes, & de fruits. Ce qu'il y a de fingulier, c'efi:
que les Caraïbes obfervent les temps de la Lune
pour faire leurs femences , preuve encore fenfi-
ble de l'Antiquité de l'erreur ou de l'opinion que
la Lune y fait quelque chofe. Le foin des champs
eft pour elles un travail fort rude , fi l'on confi-
dere le peu de fecours qu'elles ont, n'ayant que
de méchantes houës de bois pour remuer la teire.
A M E R I QJJ A I N S. 107
Tout ce qu'elles fetnent ouplantent, demande
de a culture.Le bled d'Inde en demande encore
plus que le refte de manière qu'il difparoîtroit
;

entièrement d'une Terre , fi on n'en prenoit le


Herod. lib;
même foin que du froment. Ainfi quand Hero- }."."ooi

dote dit de cette efpece de millet , qui vient aux


Indes , ôc que je crois être le Maïs , que la terre le
produit d'elle- même j il y a apparence que cet
Auteur a été trompé en ce point car je fuis per- i

fuadé qu'il ne pourroit croître ainfi fans dégéné-


rer , comme if arrive d'ordinaire à ces fortes de
Plantes qui demandant de la culture déperiffent
,

lorfqu'on n'en prend plus de foin. En effet je ne


crois pas qu'on voye nulle part en Amérique du
Maïs qui y croiffe de lui-même. Il ne reparoît
pas même dans les endroits où il a été autrefois
cultivé.

Comme les Sauvages ne fument point leurs ^Z'^yjn^f*^


terres , & ne les Uiffent pas même repofer , elles ges.

s'épuifent bientôt &c s'énervent i ce qui les met


dans de tranfporter ailleurs leurs Vil-
la néceffité
lages , & de faire de nouveaux champs dans des
terres neuves. Ils font encore réduits a cette né-
ceflité , au moins dans l'Amérique Septentrio-
nale , & dans les Pais froids , par une autre raifon
plus preffante -, car comme il faut que tous les
jours les femmes portent à leurs cabanes le bois
de chauffage, plus leur Village refte dans un
même endroit , plus le bois s'éloigne i de forte
Oij
so8 MOEURS DES SAUVAGES
qu'après un certain nombre d'années , elles ne
f>euvent plus tenir au travail de charroyer de (î

oin le bois fur leurs épaules.


Ceux qui font au voifinage des Villes Fran-
çoifes dans la Nouvelle France, ont voulu parer
à cet inconvénient, & fe font mis depuis quel-
que temps en poffeffion d'avoir des chevaux pour
conduire à la cabane leur bois en traîneau pen-
dant l'hvver, èc fur le dos des mêmes chevaux
pendant l'Eté.^ Les jeunes gens , ravis d'avoir des
chevaux à mener , prennent volontiers cette pei-
ne , & les femmes déchargées par ce moyen:
d'un fardeau très -onéreux n'en ont pas moins de
plaifir qu'eux; mars ils font tombés dans un a^u-
tre inconvénient ïcar ces, chevaux , qui font en'
grand nombre , fe répandant par croupes dans»
leurs champs de bled d'Inde , où il n'y a poinr
de hayes & de clôture pour les arrêter, lesdé-
folent entièrement, fans qu'on puiflèy porter re-
mède. Car n'étant pas en état de les nourrirdany
des écuries, tout ce qu'on peut faire c'eft de les
enfermer dans de ma,uv.ais parcs , que ces che-
vaux franchisent aifément foit que ne trouvant
;

pas affezde nourriture da;ns ces enclos , ils foient


portés d'eux-mêmes à en aller chercher ailleurs"
dans les bleds d'Indes, qui les afFriandent plus que
l'avoine ;que les enfans, qui font fans celfe
foit
occupés à les animer pour les faire battre , les
preffent, ôcles forcent de fauter par-deflus leurs»
oarrieres.
• A M E R I Q^U A IN S. lo^
Ilsprennent leurs mefures de bonne heure pour
tes fortes de tranfports > & font en forte qiie
leurs vieux champs puiflent leur fervir jufques à.
ce que les nouveaux foient en état de pourvoir à
leur fubfîftance de manière qu'ils puiffent les
;

abandonner fans en foufFrir. Quelques années


donc avant de quitter leur Village , ils vont mar-
quer la place des nouveaux champs dans les boisj-
ils s'y tranfportent pour cet effet durant l'hyver ,-

&c
Y dreffent de petites cabanes pour leur hyver-
nement. Ils trouvent à cela un double avanrage/
car ils défrichent leurs champs en coupant les
mêmes arbres dont ils ontbefom pour fe chauffer,
& qui étant aux portes de' leur cabanage , leur
épargnent la peine d'un long tranfpcrt^ Ce font
les hommes par toute l'Amérique qui font char-
gés de marquer les champs, & d'en abattre les
gros arbres. Ce font eux aulïi, qui en tout temps
font obligés de couper le gros bois;, dont les
femmes ne fçauroient venir à bout , en forte qu'-
elles n'ont jamais que la peine de le dé-biterpap
éclats & de le voiturer.
n'avoient anciennement que des haches de
Ils

pierre, lefquelles n'étoient pas fuffifantes pour:


couper les arbres d'une certaine grofleur ou qui i

ne l'euffent fait qu'en leur donnant beaucoup de


peine. Les Européans leur en ont apporté de fep
bien acéré , & leur ont donné l'exemple d'abbat-
tte le bois, de le fendre, & de le fcier. Us ii'erL
ont pas beaucoup profité néanmoins , & ils fe fonc
Oii(
1,0 MOEURS DES SAUVAGES
arrêtés à leur ancienne méthode y qui eft de cer-
ner les de les dépouiller de leur écorce
arbres ,

pour les faire mourir , & de les laifTer fécher fur


pied. Quand ils font fecs , ils les abbattent en
appliquant le feu au bas du tronc , & les minant
peu à peu avec de petits tifons , qu'ils ont foin
d'entretenir, & de rapprocher. Ils les coupent
par billes de la même manière, lorfqu'ils font
renverfés en plaçant de femblables tifons de dif-
,

tance en diftance fur le corps de l'arbre. Pour ce


qui eft des fouches, qui relient en terre, ils les
laiflent pourrir à la longue , ôc les arrachent en-
fuite facilement.
Ces haches de pierre dont je viens déparier,
font d'ufage dans toute l'Amérique de temps im-
mémorial elles font faites d'une efpece de cail-
j

lou fort dur ôc peu caftant, elles demandent beau-


coup de préparation pour les mettre en état de
fervice La manière de les préparer eft de les ai-
:

guifer en les frottant fur un grez , & de leur


donner à force de temps & de travail, la figure
à peu près de nos haches , ou d'un coin à fen-
dre le bois. Souvent la vie d'un Sauvage n'y fuf-
fit pas; d'où vient qu'un pareil meuble , fût -il

encore brute & imparfait , eft un prétieux héri-


tage pour les enfans. La pierre perfe6tionnée,
c'eft un autre embarras pour l'emmancher Il :

faut choifir un jeune arbre , & en faire un man-


che fans le couper on le fend par un bout , on
j
,

AM E R I q,U A I N S. n»
y infère la pierre, l'arbre croît , la ferre , & l'in-
corpore tellement dans fon tronc , qu'il eft diffi-
cile & rare de l'arracher. Il fe trouve encore en
France dans les cabinets des Curieux des pierres
femblables qu'on nomme Ceraunia/ôu , Pierres de
foudre, qui ont été trouvées dans le Royaume
en des endroits dont les pierres ordinaires font
d'une nature toute différente. Ces pierres font
encore une preuve que les premiers habitans des
Gaules en faifoient un ufage femblable à celui
qu'en font aujourd'hui les Ameriquains,qui n'a-
yant point ou prefque point de commerce avec
les Européans, font obligés de s'en tenir à leurs
anciennes pratiques. Les Sauvages ont aufïi des
efpeces de couteaux de même matière que leurs
haches , qui ne doivent pas être diiferens de ceux
dont fe fervoient les Juifs pour leur Circoncifion,
êc de ceux qui étoient en ufage chez les Gentife'
pour les Prêtres deCybéle.
On doit remarquer par rapport à ces tranfports
de Villages des Sauvages, & à la nécefïité où ils-
fe trou voient de changer fouvent de terrain , que
cette nécefïité ayant été égale dans les premiers
temps, & peut-être encore plus grande, eu égard
à la difecte, & au peu d'indu jflrie de la plupart
des Nations, on en doit conclure, que les Villes^
des premiers Peuples étoient auffi ambulantes que
ces Peuples mêmes. Et que celles qui dans la fuite
ont été fixes quand on a bâti d'une manière plus
folidcy &c que l'art a fuppléé au befoin des hommes^
,

ïii MOEURS DES SAUVAGES


n'ont pas toutes été les premières du même nom,
ni des mêmes Peuples qui les ont fondées. Ce
principe peut fervir à éclaircir les doutes qui peu-
vent naitre dans la comparaifon de la Géogra-
phie nouvelle avec l'ancienne.

De la vigne La vigne vient par tout en Amérique mais -,

& du vin.
iç5 Sauvages ne la cultivent nulle part, &c igno-
rent le fecret d'en faire du vin. Ils font tous na-
turellement de fi grands yvrognes , qu'on peut
bien juger fans leur faire tort., que ce n'eft pas
leur faute. Il faut donc que ce foit celle du ter-
roir ou de cette vigne même qui ne produit
, ,

prefque par tout que des lambrûches. En Canada


le grain en eft fort petit, & fort acide dans fa
plus grande maturité. Dans les Pais un peu plus
chauds , il eft un peu plus gros, & a plus de
douceur- Le,s E^jropeans ont tenté en divers en-
droits d'affranchir cette vigne fauvage , . mais je
ne fâche pas qu'ils y ayent réufïi jufqu'â prefeht.
Le plan apporté d'Europe a dégénéré au Brefil
dans la Nouvelle France , & dans la Nouvelle
Efpagne , excepté au Pérou, & au Chili, où il
a parfaitement bien fait. Il n'eft pas croyable que
dans un Pais aufïi vafte que l'efî l'Amérique, il
ne fe trouvât pas ailleurs quelque terrroir-qui fût
propre à la culture de la vigne, fur tout dans
les Climats qui répondent à ceux de l'Europe,
pu fe cueillent de fi excellens vins de toutes
fortes. Il faut donc qu'il y ait quelque raifon, au-
tre
A MER î Q^U A I N S. ,15

tre <]ue celle du terroir, laquelle ait empêché


<][a'on n'y ait eu le fuccès qu'on s'en étoit pu
promettre. On m'a que nos Mi0îonnaires
afluré
vers les Ilinois , avoient tenté de faire du vin des
raifins du païs , 'qu'ils s'en étoient même fervis
pour, dire la Mefle ; en effet que ces
je croirois
païs-là y feroient des plus propres mais l'épreu- ;

ve qu'on en a faite, ne me paroît pas fuffifante^j


pour porter fur cela un jugement afluré, !

L'antiquité du vin fon origine font alfés


6c
connues par la fainte Ecriture mais , comme je
i

l'aidéjà dit, le grand nombre des Nations


plus
n'en avoit pas l'ufage. La plupart des peuples fe
contentoient de l'eau pure. D'autres fuppleoient
au défaut du vin , &; faifoient des boiffons eny-
vrantes ,avec diverfes fortes de grains & de
fruits , aufquelles on donnoit aufli le nom de vin ,
comme à celle qui étoit faite du fruit de la vigne.
Ceft ainfi qu'ils faifoient , & qu'on fait encore
du vin de Palmifte. Les Egyptiens en faifoient
avec le Lotos , c'efl aulli a eux qu'on doit l'inven-
tion de la Bière.

Les peuples de l'Amérique Méridionale & les


^°'^°"^^n'.

Mexiquams ont aulii le iecret , & un ulage de


temps immémorial défaire des boiffons fortes ôc
enyvrantes, avec les mêmes racines, les mêmes
grains, & les mêmes fruits , qui fervent a leur
nourriture commune. Il y en a de plufieurs efpe-
ces , qui ont aulli des noms difFerens noms qu'el-. j

Tome IL O
„4 MOEURS t)ES SAUVAGES
lesont tiré des diverfes matières , qui en font Te
fonds , ôc de la manière différente dont on les
compofe-

, >^, . ^ La plus commune de ces !)oifrons , efî: celle


qu'on nomme Caouin au Bièlil -, Chkà chez le&
Indiens de la domination d'Efpagne j Ouicoti &
>aux Ifl.es Antilles , & dans plufieurs endroits de
la grande terre. La matière <le celle-cy eft la ra-
cine Manioc, ou le Maïs. On coupe la racine
<le
de Manioc, bien ratilTée par quartiers , comme
,

on ufe en Europe pour les navets, qu'on met au


pot on fait boiiillrr toutes ces racines ain(i tail-
:

lées par rouelles dans de grands vaiffeaux de ter-


Te , jufqu'a ce qu'elles foient moiles &: tendres j

alors les femmes , que cette fonction concerne


uniquement , rond autour de
s'accroupiflant en
ces grands vaifïeaux , prennent de ces racines aihfi
amollies , les mâchent , & les tordent dans la
-bouche fans rien avaler y & rejettent enfui te ces
morceaux mâchés dans d'autres vaiffeaux déter-
re , ou elles font bouillir derechef toutes ces ra-
cines enfemble, remuant continuellement avec
de grandes {patules toute cette matière, juiqu'a
ce queletout foit cuit. Après quoi, fans la cou-
ler, &; fans la paiTer, elles l'ôtent pour la fécon-
de fois de deïfus le feu , & la verfent dans d'au-
tres grands vailTeaux de terre, femblables a ceux
dont on fe fert en plufieurs de nos Provinces
pour faire ialeffive, excepté qu'ils font un peu
A M ER I Q^U AI NS. nj
|)ïus allongés & plus étroits par le goulet. On ap-
pelle ces vaifTeaux en langage du pais du nom
de Canari nom générique pour
;
fignifier toutes
fortes de vafes de terre , de quelque grandeur
qu'ils foient. Ceux-cy contiennent jufques à foi-
xante & quatre-vingts pots. Toute la liqueur y
ayant été vuidée , on la laifle fermenter à décou-
vert, pendant quelque temps , après quoy on la
couvre jurqu'àce qu'on veuille la boire , de alors
«n la coule par un Hibichet ou crible du païs.
,

Les femmes mâchenf le Maïs bouilli pour en


faire de la boiflon, delà même manière qu'elles
en ufeat à l'égard de VOuicou, fait des racines de
Manioc. Thevet aobfervé, que pour faire ces li- Thevetcof-
queurs il y avoir une fuperftition parmi ces peu- n^°guniv.
pies, laquelle ne permettoit qu a celUs qui is.i.ifs.
étoient vierges de s'en mêler ; & que fi par ha-
zard les femmes mariées y étoient appellées, -elles
dévoient s'y être préparées en vivant pendant
quelque temps dans la continence , & feparées
de leurs maris. Le fieur de Leri fe mocque de jea„deLery,
cette obfervation & la contredit; mais, comme ^'^^'^^'^
il avoue que les hommes noleroient ablalument

y toucher, & qu'ils difentquela liqueur ne vau-


droit rien s'ils la faifoient eux-mêmes ; & que
d'autre part cette boiflon eft le plus fouvent dçf-*
tinée pour ce qu'on appelle ^^/re «» a;/»; c'eft-ij
dire, pour ces aflemblées générales, qiie j-ay dé/n .

erre marquées par un motif de Religion ancien^


$XQ , on pourroit dire que Thevet a eu raifon eix
Oij
iitf MOEURS DES SAUVAGES
parlant pour ces occafions où la Religion a quelque
part, &
que communément, on n'y regarde pas
de fi prcSy quand il ne s'agit pas de ces fortes
d'aflemWéesi mais feulement d'avoir dequoy boi-
re pour l'ufage ordinaire , auquel cas le fîeur de
Leri n'auroit aufli point de tort.
La falive de ces femmes eft un ferment qui
donne à ces liqueurs une grande force. Il ne faut
pas les voir faire, non plus que nos cuifiniers lors
qu'ils préparent leurs fauces & leurs ragoûts ;

mais corrige tout


le feu ôc après la fermenta-
:.

tion , ces fortes de boiffons font afles agréables.


Elles font d'ordinaire alTés épailfes , c'ell: fans &
doute pour cela qu'ils ne mangent point dans
leurs feftins à boire, y ayant en même-temps de-
quoy boire &
dequoy manger. Elles caufent auf-
fiune yvreffe très-incommode, comme nos meil-
leurs vins. Je croirois néanmoins par rapport à
ceux qui feroient accoutumés également au vin
& à ces boiffons, qu'on feroit yvre d'une moin-
dre quantité de vin, que de cqs autres liqueurs -^

ce qui montreroit qu'en effet , elles n'ont pas ea


foy une fi grande force.

LeMaby. Le Mabyune autre forte de boiflon ordi-


efl;

naire mais moins commune , elle eft corapofée:


i

de patates pures, qu'on fait cuire dans une chau-


dière. Les Sauvagefles mâchent aufli les patates:
cuites, & les recrachent dans un Coiiij c'eft-à-di-
le la moitié d'une calebaffe, ou cela s'étant aigr>
A M E R I Q^U A IN S. 117
il fe fait une forre de levain dont elles prennent
gros comme un œuf, qu'elles font diflbudredans
une bonne chopine d'eau , & cela fait fur le
champ une boilfon violente, peut faire«ju'on
pafler pour d'exellent vin blanc,. i;ouge, ou clai-
ret, félon la couleur de la patate. Elles ne font;
néanmoins cette de levain cjûe pour les cas
forte
de neceflité, ou il faut une boiflon qui foit prê-

te fur le champ , car la manière ordmaire de fai- • M


ah
re le Maby , c'eft de verfer de l'eau fur les para- =• -î^-*

tes,^fcdeles lailTer bouillir comme le vin nouf^l


veau. Les Europeans qui n'aiment point la mal-
propreté de ces racines mâchées , fe contentent;
d'égruger deux ou trois patates cuites, qui çim--)
fent une fermentation prcfque fubite j après que'!
la liqueur a été quelque temps, dans iei vaiA)
féaux, ^a

Le Palinoteft une boifTon corn pofée de patate :^'^'^"'^


& de caffave brûlée. Les Sauvageffes rompent la;
caffave & la mettent dans les vaifTeaux , tandis
qu'elle eft encore toute chaude , ôc
y ajoutent des
racines de patates crues ,&.coupées parnTorceaux^ -oîcHD 5J
Elles font aulïi des liqueurs avec des Bananes,, des\ ••'*^

Ananas , & d'autres fortes de fruits. Mais ces boif-i


fons n'étant pas Ci fiines que les premières , ne/
font pas d'un aufïi grand ufage. Les Nègres en :
Amérique font du vin de Palmifte, les blancsr &
du vin de cannes qu'on^ dit être fort délicieux.! "
i.

:
ta commodité de toutes ce^rkqueurs , c'eU^
O ii|
1 ,

i-igr MOEURS Ï)ES SAUVAGES


qu'elles fe foht énpeu de temps: <^uc la fermen-
tation en efi: bien-tôt faite: & laboiiTon bieli -tôt
dans mais aufli il faut bien-tôt les boi-
fa boite i

re; car en peu dé temps elles s'aigriffent. Un fu-


j€t de confolation , & le remède à cet inconvé-
nient, c'eft qu'on ne. manque gueres de matière
pour en faire de nouvelles.
' Hortiîuj <îe Hornius parlant de cette boiffbn appellée Cht-
Oriir. Gcn. j •
n a •

qu cUe clt communc aux Ameriquams,


• 1

Americ.Lib. ^<^ y dit

^Lijj. Xartares , & aux Scythes


i.c4p. »8.
trompé enfuite par:

Ja reflem-blance dés termes , il confond la Ghica


avec ÏQCia des Chinois , des Japonois , des Per-
fins , & àts Turcs. Lq Cia ou Chia des Chinois,
des Japonots, è£ des Tartares, c'eft le Thé. La
boiffon dés Turcs & des Perfans , c'efl: le cafFé
or ni l'un rvi 1-àutre n'a de rapport avec Its hoiC-
(ons enyvrantes faites avec le Maïs.

^ ^ Outre ces liqueurs, il y en a encore de trois for-


oon *
"*tes de qualités ; "& d'éfpéces toutes d^ifferentes des
,

premières, i& entre- elles. Ces liqueurs font le


Chocolat , l'herbe du Paraguay , & la Cafline,

Le Choco- Le Chocolat èft un préfent que le Mexique a,

l'Europe , où il eft aujourd'huy fi commun ,


'^^''
fait à
fur-tout en Éfpagne , & en Italie qu'il femble j

que ceux qui y font accoutumez , particulière-


ment les vieillards, ne: fçauroient vivre fans cette
prétreufe liqueur. moins commun
Il n'étoit pas
ni moins neceffaire chez les Mexiquains , ainfi
<|u'on peut le conje6lurer de ce que le Cacao, qui
A M É R î QJJ 'k\ N S. -^ -
ib
en fonds , y tenoic lieu de monnoy e , 5j fer-
fait le

voit dans le commerce a avoir toutes les chofés


neceflTaires à l'ufage de la vie, ainfi c^wç. les mé-
taux parmy nous. Les Mexiquairt^varioient -ex-
trêmement cette l^oiflfon, par le m'êlà/iïge de plu-
sieurs autres ingirediens dont ils faifoieiit dilFe^
,

rentes compofitions , qui en changoi^nt la <5iiali--


té & le goût, félon la variété des divers mélan-
ges Ôt '
des djfoentes préparations. Lès Efpa-
gnols en ont fait «ne liqueur fort agréable , co
ajoutant au cacao , la vanille , la canelle , & le fu-
cre,de manière donc on le prépare anjour-
la
d'huy communément eïî Europe; le cacao qut,.
comme j'ay dit , en faitie fon<is, Ô^ eti-eft comm^ la
-baze , eli un fruit -de la figufe d'ufi rnëlon cki d'twt
.concombre,rayé,cannelé & roux,plein deplufîeurs ',

noix plus petites qu'une amanxie. C^q font ces noix


qu'on met en ufage , elles fottt 'd'un' teni-peia-
mcnt & humide, & d'une faveur moyenn^e
froid
-entre le doux & l'amer. L'ferbre quiies porte, eft
femblaMe à I-oranger î il a les feuilles' de même ;^

mais un peu plus grandes- .wfomrnet il a 4ine: :

efpece 'de couronne.' Cet arbï'e'eft'fort foib'le'3>&


fort tendre , ^é' forte '^u-il a befoin d'un autre ar-
bre , <^ue les Efpagnols nomment , La Madré del
Cacao y & qui femble n'être fair^^ue pour luy fer-
-vir d'ombre. Pn diftingue; des Cacaoyers de qua*

iere-ou-einq efpeces. -^> c^ -"•!» ^ri^-'-v \


-rr"

Gomme ^je ifai vâ il4ierbe du Paraguay que ^'heibe4^

fechc , hachée com-me de-la ;^aille , & -prefque ré- ""


^;iio MOEURS DES SAUVAGES
<Jùite en pouffiere, ne f^aurois dire auiTî quelle
je

plante c'eft. Ily en a deaxefpeces, on nomme l'une


Hterva de Palos & l'autre Hierva de Camini, laquel-
le eft beaucoup meilleure , & plus rare que la
première: on leur donne auffi le nom d'herbe de S.
Thomas ou de S. Barthélémy , en confequence de
l'idée que fe font formée les Efpagnols, que l'un
de ces Apôtres avoiit pafle dans ces <juartiers de
l'Ameriqucs oii il avoit rendu cette herbe falutai-
re, devenimeufe qu'elle étoit , ain/î que porte
leur tradition. apparence que c'eft des na-
Il y a
turels du pais que les Efpagnols ont appris a en
faire ufage. Ils en font une fi grande confomm.a-
tion à la rivière d'Argent, au Chili , & au Pe-
_ . ,, .., rou, que fi l'on en croit M. Frezîer , il en fore
s€ de la Mer [qus les ans du Paraguay pour le leul Pérou ,
3u Sud- p. , x j- , /!_ r j
119. 50000. arobes, celt-a-dire, 1150000. pelant de
l'une & de l'autre herbe , dont il n'y a cepen-
dant que le tiers de celle qu'on appelle de Cami-
ni 3 & 1500e. arobes pour le Chili , qui font la
moitié de ce qui en eft porté dans le Pérou.
- La manière d'en ufer , eft de la faire infufer à
.

peu près comme le Thé- On met Pherbe dans


une coupe faite d'une nacre , d'un coco , ou d'u-
ne armée d'argent , & on y ajoute du fu-
calebaflTe
cre. On verfe enfuite l'eau chaude fur l'un & fur
l'autre, & fans leur donner le temps de prendre
une teinture trop forte, on attire l'eau avec un
chalumeau d'argent , au bout duquel eft une pe-
tite ampoulle percée en plufieurs endroits , la-
quelle
,

AMERI Q^U A I N s. m
quelle fert à féparer Therbe d'avec l'eau ou elle
furnage de forte qu'on ne fucce que l'eau toute
*>

feule. Qiielques-uns au lieu de chalumeau pra-


tiquent au fond de la tafle une réparation d'ar-
gent percée de -plu (leurs petits trous , qui fait le
même effet.

.'
La Cafïîne une boiflon particulière aux Peu-
eft LaCaffine,

-pUs de la Floride, les Auteurs anciens & moder-


nes ^n ont parlé mais je n'en fçache aucun qui
-,

nous ait fait connoître fa compofition au jufte y


& il fe trouve entr'eux une efpece d'embarras
ou même de contradiction, qu'il n'eft pas facile
d'éclaircir. Tiievct nous Ja reprefente comme Thevet.Co-

une liqueur faite de l'infufion d'une herbe qui a i3".'ch."^i. f!


'°°'*"
la figure d'une laitue. Le fi£;ur le Moyne de
Mourgues en parle comme
d'une boiflon de plu-
fïeurs herbes. Le Proteftant qui a imprimé ibus Fr, corrcai,

le nom Efpagnol de François Correal , ne nous en i°deToccid.


donne aucune notion. De Laet nous laiffe croire c^^- ^- »• i'»"-

quex'eft la déco6lion iIqs feiiilles d'un arbre; Se


il j'en crois ce que m'en a dit un Auteur grave ,

qui a fait le voyage du Mifliflipi ces dernières


années , la Calïine n*eft: autre chofe que la tein-
ture des.feiiillesde l'
A palachirie, laquelle eft un
petit arbufte femblable auMyjte, & qu'on
afl'ez

connoît aujourd'hui en France, où on l'a apportée


de la Louifiane depuis les derniers établiflemens
qu'on a fait en ces Pais- là.
Pe Laet & , le (ieur de Mourgues , parlent de la
Tome II P
nz MOEURSDES SAUVAGES
CafTine plus au long que les. autres qui en ont
traité. Mais en parlent d'une manière fort
ils

différente. Ce qu'ils en difent mérite d'être ra-


porté ici: on pourroit peut-être accorder ces Au-
teurs en difant j que l'un ne s'eflrfattaché qu'à une-
cérémonie de Religion, où laCafTme leur fert à:

tirer leurs augures, ôc à choifir leurs Guerriers 5^,

pour les expéditions qu'ils veulent entreprendre,,


&: que l'autre ne s'eft propofé que l'ufage ordi^
naire que ces Peuples en font. On en jugera par
leur Relation.
joam^etaec, „ La:Cafline, dit de Laet, eft un arbre qui ne
ïndx Occid. r r ••II II
«porte pomt de rruit , & des reuilJes auquel les
. 1 •
1 1
iib. 4. cap. 15.

» Sauvages font un breuvage, qui a une vertu Cn-


• guliere pour provoquer les urines. Il eft en telle-
M eftime parmi les Espagnols, &c parmi les Sau«
» vages, qu'à peine y en a-t-il aucun qui n'en»
» boive matin & foir, & même avec plus d'ex-
« ces qu'on ne fait le Chocolat dans la Nouvelle
- Efpagne;. Pour le faire , ils prennent une cer-
» taine quantité de feuilles, qu'ils mettent à fec
=>dans un pot de terre, où ils les font riifoler avec
» un rifon préparé, pour cet effet , & qu'ils re-
» muent de Pàutre main fi long temps que leur
« couleur verte foit changée en rouge. Ils y ver-

» fent enfuite de peu à peu jufiqu'à ce que


l'eau
s» le vaiffeau foit prefque plein alors ils vuident
:

» la feule liqueur, qui reffemble pour la couleur


» au vin clairet, &: rend une écume femblable:
« à celle du Chocolat , quand on y mêle lAtho^^
AM ER I Q^U AINS. 113
* Les Efpagnols , & les Sauvages boivent cette «
'ie.

îiqueur dans de grands coquillages de mer-, ils la»


prennent aufïî chaude qu'ils la peuvent foufFrir, «
&en fi grande quantité qu'ils en peuvent porter; «
ils croiroient même mourir s'ils avoient pafle «

un feul jour fans en boire. Une heure & demie «


après en avoir biî,ils lâchent une quantité in-«
croyable d'urine prefque continuellement pen-»
<iant refpace''d'une heure; auili s'en trouve-t-il «
peu qui foient fujets aux afFediions des reins & «
de la veflle. Les Sauvages fe fubftantent auffice
de cette potion &
quand ils veulent fe purger, «
,

ils y mêlent de l'eau de mer, & par ce moyen «


ils purgent violemment les mauvaifes humeurs»
par haut & par bas. Il arrive même que s'ils en ««

^mêlent avec excès, quelques-uns en meurent. «


A temps marqué de l'année, dit le*
certain ^^ Moyne

fieur de Mourgues, les Peuples de la Floride- loc. cT^""'


tiennent unConleil général où ils s'aflemblent «,

tous les matins. Ce Confeil fe forme dans la <«

Place publique où font préparés des bancs ran- «


gés en demi cercle , fur lefquels tout le monde «
s'afleoit autour du Chef, qui eft feul aflis au «
milieu fur une efpece de trône fait de neuf pie- «
ces de bois arrondies ,
plus élevé & plus avancé «
que celui de (ts Sénateurs. Le Chef fe place le «
premier ^ tous les autres , par ordre, a commen- «
* L'AchoIe eft une boi/Iôn faite & fe fervoicnt au lieu de pti-
cle grains de Maïs , dont les Me- fane; ils la mèloient avec leur
xicjuains faifôienc un grand ufàge^ Chocolat.

Pij
,14 MOEURS DES SAVVAGES
» cer prtr le plus ancien des vieillards , viennent
«le faluer, élevant leurs mains fur leurs têtes, &:
^ chantant une chanfon à laquelle tout le chœuE
« répond par des hé , hé. Chacun ayant rendu le
^ falut en cette manière, & s'étant aflis, le Chef
» expofe à fon Confeil le fujet qui les afTemble.,
*> & confulte tour à tour les Jaouas y qui font les
» Prêtres ou Devins , & les Anciens , ôc il leur de-
« mande à chacun leur avis j ne prennent
car ils-

» aucune réfolution qu'ils n'en ayent auparavant


» délibéré long-temps enfemble.. Cependant les
» femmes par ordre du Chef préparent laCaffinej.
« c'eft ainfi qu'ils nomment une boiiTon compo-
" fée de certaines lierbes, dont ces femmes ont (oin
»•d'exprimer le- jus. après qu'elles les- ont fait in-
- fufer & boiirilliT. Avant que de la boire, un
» homme-choifi pour cet emploi fe lève de fa place,.

» & fe tenant au milieu de l'AfTemblée en prcr


» fenceduChef , fait un difcours pour fouhaiter

« que cette boiffon {bit utile à ceux qui en

«doivent goûter, &c qu'elle leur infpire un ef-


» prit de force : Prenant enfuite de la main des
» femmes une grande coupe pleine de cette boif^
« fon toute chaude, il la prefente au Chef, aves
- beaucoup de cérémonie. Le Chef l'ayant bue,
« il en offre à chaque particulier une pareille dofc^
"dans la- même coupe-. Ces Peuples. font une G.
••grande eftimede cette liqueur, qu'il n'y a que
» les Guerriers ,,& ceux qui fë font déjà /lo^naîés
« £ar quelqiies exploits qui foient ju^cs dignes..

iiq
-
«

À M E R I Q^U A I N s. ïij
d'en boire. Elle a cette propriété , qu'auffi-tôt •
après qu'on en a bû, elle excite une abondante «
fueur. trouve quelqu'un dans l'AfTem-
S'il s'en ««

blée dontl'eftomacnepuifTe la foûtenir , &qui«


foit obligé delà rejetter, on le regarde
comme»
inutile , &: comme incapable de faire la Cam- "
pagne , où il leur faut fouvent jeûner des trois «
& quatre jours de fuite. Après
l'avoir bûë , ils«
peuvent être vingt-quatre heures entières fans
reffentir la moindre atteinte de la faim
ou de «
la foif C'eft pour cela que dans leurs
expedi-
tions , les Hermaphrodites-, ( c'eft-à-dire, ces
hommes habillés en femmes dont nous avons,
déjà parlé ) ne portent, prefque point d'autres -
provifions que des calebafles pleines de. cette »
décodion ou de cette herbe , qui a la vertu de -
les nourrir & de les fortifier mais qui
n'enyvre »
s

point &ne
porte pas à la tête ,. ain/ï que nous «
l'avons connu par expérience lorfque nous leur «
avons vLi faire de ces fortes de (ètQs, «
Les Floridiens faifoient des boiffons enyvran-
tes arec le des PaJmes ^ mais le plus grand:
fruit,
nombre ^zs Peuples de. l'Amérique Septentrio-
na!e> fur tout ceux de la Nouvelle France, du &
Nord., n'avoient point d'autre boiffon que de l'eau
purei auffi ne. beuvoient-ils que par pure néceffi-
té, & très-rarement, d'autant mieux qu'ils ont à
Boire & à manger dans leur Sagamité, laquelle
ell roLijours fort- claire & fort hquide. Et plût à
Dieu, que les Europeans ne leur enflent jamais.
E iii
,

n^ MOEURS DES SAUVAGES


fait connoître ces malheureufes boifTonsjqui ne
fervent qu'à les détruire , & qui font aufli fu-
neftes à leurs avantages temporels & au bien des
Colonies, qu'à rétabliflement de la Religion,
&c au falut des uns & des autres.

Be quel-Les autres Plantes le plus univerfeîlement cul-

Th ^"T^ tivées dans les Indes Occidentales après le Maïs,


TAmeri- le Mauioc, les Patates , & celles qui fervent i la
^"^ nourriture, font la célèbre Plante du Tabac, 5c
les Cannes de fucre qui font aujourd'hui une par-
tie des grandes richeflfes des Colonies Européanes
établies en cqs quartiers du nouveau Monde. Mais
comme ces Plantes font très-connuës depuis alTez
long-temps , & que n'examine ici proprement
je

que les mœurs des Sauvages, Ôc les choies qui y


ont rapport , en les comparant avec celles des
premiers Peuples de l'Antiquité je n'examine-
-,

rai aufli CQS deux Plantes que pour voir les con-
noilfances que les Anciens nous en ont laifle.

Le Tabac. Quoique le Tabac fût en ufage dans une gran-


de partie de la grande A(îe , dans les Indes Orien-
tales, & dans l'Amérique prefque toute entière,
d'où il femblc qu'on devroit pouvoir tirer affez
de lumière pour remonter à ton origine , néan-
moins il nous faut deviner pour en trouver des
traces chez les Anciens j & bien loin que les té-
moignages des Auteurs que nous pouvons citer
foient affez clairs pour former une évidence, ils
A M E R I Q^U A I N S.
^^J
peuvent fournir des difficultés à ceux quiaimenr
à difputer.
Il eft certain en premier lieu,.que quand bien
même les Anciens auroient connu cette Plante^
nous ne la connoiiTons aujourd'hui fous aucuir
des noms qui fe trouvent dans les anciens Bota-
niftes, & quand il s'en trouveroit quelqu'un dans
Theophrafte, & dans dont la defcrip-
les autres ,

tion lui conviendroit , nous ne pouvons en fairè-


l'application que par des conjectures , qui feroient
toujours afTez incertaines & hazardées* En fé-
cond lieu , il paroît aufïi afTez fur que fuppofé
que les^ Barbares , qui ont occupé les premiers la*
Grèce, enayenc fait ufage, ceux qui leur ontfuc-
cedé n'en ont pas hérité, au l'ont laifle perdre^^,
auffi-bien que les Latins-, & les autres Peuples»
de l'Europe;
Pline à la vérité nous en dit aifTez pour ne pas PHn ub. i^.
'^^'
nous laiffer ignorer que la Pipe & l'arD de fu-
'''''

mer n'étoient pas inconnus de fon temps , &


qu'on en ufoit dans la Médecine en certaines oc-
cafions. Il nous indique lui-même dansun remède^
contre la mélancholie par cts paroles, lefquelles'
font décifives : « Fimi quoque fed ^abulm
aridi ,

njiridi pajîo bove , fumum arundine haujîum trO"


dèjfe trA'hnt. » On dit que la fumée de la ««

fiante féche d*un bœuf qui a été mis au verd, «•

attirée par labouche avec un tuyau derofeau, ««'

fait grand bien. « Mais dans ce paffage il n'efir


pas quellion de la plante du Tabac^, nides auj-
148 MOEURS DES SAUVAGES
très hecbes, quÊ'les A meriquains fument en gm-
fe de Tabac, ou qu'ils mêlent avec le Tabac. Il

û'eft pas qujelVionnon plus d'un ufage aufTi gê-


nerai que l'eft celui du Tabac , lequel quoique
regardé comme un remède, peut-être confideré
aufïi comme un amufement & une fantaifie.
Les Auteurs donc , fur lè témoignage de qui
jn ou s pouvons nous fonder, ne peuvent en avoir
Jparlé que comme d'un ufage des Peuples éloignés
^'eux , pour le temps ou pour les lieux , &c dont
ils ne connoiflbient les moeurs qu'imparfaitement,

comme faifoient ceux qui donnoient des Rela-


ncions de l'Amérique, où ils n'avoient jamais été^
iiir le récit des premiers venus de ces Pais nou-
vellement découverts. Tels font les paflag.es que je
«vais citer, ils ne laiflentpas néanmoins d'être aflez
forts, & d'établir une preuve , laquelle paroîtra
fuffifante à quiconque voudra les approfondir.
Masim.Ty- Le premier eft de Maxime de Tyr. » Il y a un
Ï.U5, enn.ii.
^^ pg^pJg ^q Scythes , dit- il , & je crois qu'il n'y
« en a qu'un , qui , quoiqu'ils ne boivent que de

«l'eau, cependant lorfqu'il s veulent fe donner


« le plaidr de l'yvrefle , ils allument un petit

«bûcher, dans lequel ayant jette des herbes odo-


« riferantes , ils font un cercle tout autour, ÔC

»' chacun attirant à foi la fumée, comme s'ils la


»> buvoient dans des coupes , ils s'enyvrent aulîi-
» bien que s'ils avoient bu du vin. C'efl: pourquoi
"ils danfent,,il5jchantent &: fautent comme des
^ens .y vrçs.
Cette
«i ^

A M E R I QJJ A I N S. ne,

Cette façon s'exprimer, comme s'ils Uhunjoient


<Ie

'àans des coupes y femble fignifier un équivalent , &


reprefente aflez bien une Pip« , d'où on attire à
foi la fumée & le fuc du Tabac
on tire , comme
la liqueur d'une tafle en buvant. Il n'eft perfonne
<^ui ne fçache la manière dont les Orientaux fu-

ment encore aujourd'hui , mettant fur une table


une efpece de réchaud , ou de caflblette , laquelle
ilert comme de Pipe commune, où tous ceux qui M.aé%ai
fontaffis autour, fument enremble par le! moyen: '
*"

de pluiieurs tuyaux qui y aboutirent , & dont


chacun prend le fien.
Hérodote rend à peu près le même témoignage Herodot. lib.
"'"
des Maiîagetes qui habitoient au-delà de l' Araxe^: \' °'
Ils ont trouvé des arbres , dit-il, qui porteiît un ?
fruit dételle nature, qu'en le jettant dans un feu «
<^u'ils allument, & qu'ils environnent par trou-

pesjils s'enyvrent par fon odeur, comme les «


Grecs par le vin ; & qu'à mefure qu'ils y en jet-««
tent, ils s'enyvrent de plus en plus,jufqu'à ce « ,

qu'enfin ils fe lèvent pour chanter ^ danfer «


enfémble. «
Ce qu'Hérodote & Maxime de Tyr difent des
Peuples de Sçythie, Pomponius Mêla, & Solifl^j
le difent aufïi des Peuples de la Thrace.
. Quelques Peuples de Thrace, dit Pomponius « Pomp. Mda,
Mêla , ne connoiû'ent. point l'ufage du vin. Néan- « je Thracu.*'
moins quand ils font feftin , dès qu'ils ont jette « ;

quelques femences dans les feux, autour def- « *

quels ils font alfis, cette odeur leur caufe une*


Tome II. Q^
I50 MOEURS DFS SAUVAGES
». joye qui approche de celle de Tyrrefle.
soiiii,cap.i5. «Dans leurs feilins , dit Solin , ils s'aireoient
rieThracura r o r
autour dcs reux , liommes & remmes y &c y ayant
i T
monbus. »

«jette les femences de certaines herbes , dès qu'ils


:^les ont tenties , ils fe font un plaifir d'imiter les
"yvrognes 'y leurs fens en étant effectivement
« blefles , comme il arrive à ceux qui ont pris
«-trop de vin.
strabo. lib. Stràbon , dans la defcription qu'il fait des
:

'
15 P 4?4- l I 1- ^
mœurs d^slnatens, a voulu, peut-être nous m-
1

diquer teTaèac, ea difant,, que chacun porte tou-


jours avec foi une poche pleine d'herbes médici-
.ïii joho. iraies.j Chaque: Sauvage a toujours avec foi fou

'Jkc' à Petunt dans^ lequel il porte fon Calumet ou

Pipe ,' du. Tabac, &! dequoi allumer du feu. Il


m'eft auffi venu en penfée, que l'ufage de fumer
continuellement pourroit avoir donné lieu à la
Fable, qui fe débitoit parmi les Anciens , qu'il
strab. lib. 15. y avoit un Peuple de l'Inde lequel n'avoit point

^"^^^'
de' bouche, mais feulement deux foupiraux par
où il fe nourriflbit de l'odeur, ou de la fumée
des fruits, ôc des fleurs.
^' Gnne doit pas être furpris que les Anciens,
datis les notices qu'ils nous donnent des chofes-
qu'ils ne fçavoient que fur le rapport d'autrui,,
& qui étoient fort éloignées d'eux , ayent tou-
jours mêlé dans les descriptions des chofes les
plus fimples , des circonftances capables de les
déguiferj puifque de nos jours , s'il faut ainfi par-
ler, ceux qui ont écrit au fujet de cette même
AMER I Q^U AI NS.. i^i

|>Lintc dont il id- i^u^ftion, & qui en: par-


«fl;-

lent comme témoins oculaires , n'ont pouïtant


pas laifle de nous dépaïfer , & de nous en fcice
<ies narrations £elon leurs idées^ particulières.',
dont nous voyons manifelleTOent la faufleté.-cl
Le Père de Br^beuf, qni à vécu long-temps par- Relation Jc

mi les Sauvages , & qui a enfin cônfommé fon l'àTieV'*-


^^""=-
facrifice dans les feux des Iroquois, dit qu'ils <=''• ï-

pafTent quelquefois les trente jours à jeûner, ne


mangeant autre chojc que du Vetun.' Le Père Biard ne
nous aflure-t-il pas aufli ,^«*//j ujent de Petun ^ &
^uils en boivent lafum'e , de la façon commune en France. Reiat. de i»

Nejugeroit-on pas fur ces exprellions, qu'ils aval- ce°"pàr i^p"

lent en effet cette fumée, & qu'ils mangent le ^'^'^•'^^•7'.

Tabac comme les autres chofes <:omellibles ? Et


efl-il perfonne qui voulût manger du Tabac ? Eft-
il aucun fumeur qui nes'expofâtà vomir s'il en

avalloit feulement quelques gorgées de fumée?'


Le Père du Creux dans fon^hiftoiredu Canada, Crcuxius,

efl: tombé dans la -m^êmepenfée que -les Anciens,


'

iib.'i.p!";^

& s'eft perfuàdé que' les Sauvages ne fuiiioient

que pour avoir le plaifir des'enyvrer. " Ils ne


marchent jamais ydit-il,- fans port-er avec eux «
un tuyau affez long , parléqùel ils attirent cett^-*
forte de filmée prefque jùfques à l'yvrefle cât« ;

avec -cela ils ébranlent tous les fibreS^ de leur «


cerveau , & s'-eny vrent enfin comme s'ils avoient ^
bu du vin avec excès. <i. ^-i---- laLi^auo ^ i:;^;;. :isa:i
Iknze , &: plufieursâl'iïréS'KtîïéufS-a^rès^ lui i Bcns nb.i.
*

Qiu donné dans la même idée. Tous déclament ^ ^


iji MOEURS, DES SAUVAGES
contre le Tabac avec forcé, i& k regardent com-
me une <T-^efie m
poifon fovti de i' enfer. Ces Auteurs
ont été trompés fans doute, aufli bien que les An-
.ciens par l'effet que produit le Tabac fur les per-
fonnes, qui n.e fçavent pas fumer ,.& qui ne fonc
'
-pas acGouturnées à fon odeur car elle étourdit ;

.

effedivementy elle fait mal au cœur jufqu-às'en
trouver mal &: à mais le Tabac ne caufè
vomir ;

pas les mêmes fymptomesâ ceux qui en ont ua


.grand ufage, aind.queles AmeiiquainSj.lefqyels-
en fumant, n'ont certainement pas l'intention de:
s'enyvrer. ils peuvent encore avoir été féduirs les
uns & en ce que n'ayant pas. péné-
les autres,,
tré l'efprit. de Religion, renfermé dans cet ufage
du Tabac ,_ ils ont pris pour une yvreflè réelle
& véritable, une y vreflTe affedée , ou bien un air
& des conv.ulfîons extatiques, lesquelles fuivenc
l'enthoufiàfme , &
font de Papanage de ceux
que Kefprit de. Python
ou qui font fem-
faifit,
cviedo.hia. femblant d''en êipe.faifis.; Oviedo efl encore plus
lie las îndias , , a
i i r r^ a > •

iib.j.cap.x. -blâmable que les a^utres Auteurs; car après avoir


;

décrit un vraientJioufiafte dans i'ufage que les


Sauvages font du Tabac ,- après avoir dit qu'ils
ont foin- de cultiver çdtt-e Plante & de la faire
venir dans. leurs.Jardins , non feulernent parce
regardentxomme; utile à la. fanté, mais
qu'ils la
encore parce qu'elle a quelque ehofe de facré
chez eux,, oubliant dans le. moment, ce qu'il ea
.1.^' !
a dit, & ce que les Sauvages en difoient eux-»
mêmes il.j:,ei,Qmbe>daiis,U p.enfée des Anciens»,
o

,,;
-

A M E R I Q^U A I N S. 133

IL ne peut s'imaginer , dit -il , quel plaifîr on peut


trouver à cet ufage du Tabac en fumée, ii ce
qu'ont ceux qui aiment a
n'eft le plaifir brutal
boire pour boire jufques à ce qu'ils tombent y vres
morts. Il fait enfuite un parallèle entier de eet
ufage avec celui des Peuples de Thrace dont je
viens de parler, & cite, non pas les Auteurs an-
eiensdont j'ai apporté les témoignages, mais le
fçavant Toftat qui en a fait mention fur celui.
d'Eufebe de Cefarée.
Il efi: certain que k Tabac eft en Amérique
une herbe confacrée à plufieurs exercices, éc à
plufieurs ufages de Religion. Outre ce que j'ai
déjà dit de la vertu qu'ils lui attribuent pour
amortir le feu de la concupiTcence & les révoltes
de la chair pour éclairer l'ame-. Ta purifier, &
i

la rendre propre aux fonges & aux vidons exta-*


tiques K pour évoquer les efprits,.ô4 ks- forcer de
communiquer avec les hommes pour rendre
-,
ces
efgrits favorables aux befoins des Nations qui les
fervent, Se pour guérir toutes les . iafîjmités dû
l'ame &du corps je crois qu'il eft. bon de con-'
j

firmer de nouveau tout cie que: j'en ai avancé par


lestémoignages d* Auteurs irréprochables , qu'onr
puifle oppafer à. ceux qui n'ont rien; approfondi,,
& n'ont rien vil au-deR de.ce. que leurs fensleur
ont prefenté.
Thomas Hariat, dans -fa Relation des avanta- ru.nitiofi
gGs de la Virginie , parle f^avammenr: duTabac.- tXy°%
Il en donneunedefeription exade, & il expofer"'* f-^
,,

•154 MOEURS DES SAUVAGES


fort bien la manière dont les Sauvages en ufent,
ôc les biens qu'ils en retirent. Il ajoiire enluite:
» Que herbe eft fi eftimée des Indiens
cette
«qu'ils croyent même que leurs Dieux en re-
» çoivent du plaifir quand on la leur offre. C'eft
- pour cela , dit-il , qu'ils font de temps en temps
3' des feux facrés , où ils jettent cette herbe "ha-
»>chée, ou réduite en poudre en guife de Vi6li-
«^me que quand ils font furpris de la tempête,
:

» ils en répandent dans l'eau , & en jettent en l'air.


" Ils en mettent auffi dans leurs Naffes neuves
» pour être heureux à la pêche ils obfervent la ;

•>même pratique lorfqu'ils ont été délivrés de


" quelque danger ; il en jettent en l'air à poignées,
« faifant divers geftes , chantant, danfant , fau-
•»tant , & difant toutes fortes de chofes fans or-
» dre &c fans fuite. Voilà ce que les Anciens nous
ont dit, & en même temps divers facrifices bien
marqués qu'ils n'avoient pas apperçûs.
Dans le Chapitre 5. de la Relation de ce qui
s'efl: pafTé les années 16Ô6. & 6y. dans la Nou-
velle France, y a un extrait d'une Lettre du
il

Père Allouex Jefuire Millionnaire chez les Ou-


taouacs , qui fait voir que le Tabac eft aufli em-
ployé dans leurs Sacrifices. Voici fes paroles.
" Un Vieillard des plus confiderables delaBour-
» gade fait fonction de Prêtre il commence par j

V une Harangue étudiée qu'il adrefle au Soleil


« Cl c'eft en fon honneur qu'on fait le feftin a
»»manger tout, qui eft comme un holocaufte j il
AME R I QJJ A I N S. 135

déclare tout haut qull fait fes remcrciemens «

à cet Aflre, de ce qu'il l'a éclairé pour tuer heu- «


reufement quelque bête : il le prie & l'exhorte '^

"
par ce feftin i lui continuer les foins charita-
blés qu'il a de fa famille. Pendant cette invo- ^,

cation , tous les conviés mangent jufqu'au der- »


nier morceau: après quoi un homme defliné à «
cela prend yn pain de Petun , le rompt en deux , "
**
&c le jette dans le feu. Tout le monde crie pen-
dant que le Petun fe confume, & que la fumée „
monte en haut &c avec ces clameurs fe termine «
;

tout le facrifice. ce Ce Père pouvoir ajouter au fa-


crifice le chant ôc lesdanfes, qui fui vent toujours
ces feftins, &: qui en font partie.
Le deLeri,dans le détail qu'il donne d'une
fieur
danfe de Religion , dont j'ai déjà parlé , & dont il
fut lui-même le témoin , rapporte une fingularité
concernant le -Tabac digne d'être remarquée. Je
ne changerai rien à fes paroles.
Mais luivant ce que j'ai promis ci-deflus ,« leryhift.a»
quand j'ai parlé de leur danfes en leurs Beuve- " clTsT*'
"
ries & Caoumages que je dirois aufîi l'autre façon
,

qu'ils ont de danfer , afin de les mieux repre- ,^


fenter-, voici les morgues, geftes, & contenan- «
ces qu'ils tenoient. Tous prés à près l'un de " ,

"
l'autre, fans fe tenir par la main ,
febou- ni fans
ger d'une placer puis étant arrangés en rond,"
courbés fur le devant, guindant un peu le corps,,
remuans feulement la jambe & le pied droit , •
chacun ayant aulïi la main dextre fur fes fefles •
13^ MOEURS DES SAUVAGES
" ôc le bras & la main gauche pendant, chan-
"toient 6c danfoient de cette façon. Et au fur-
;'plus parce qu*à caufe de la multitude il y avoit
„ trois rondeaux , y ayant au milieu d'un chacun

"trois ou quatre de ces Caraïbes , richement pa-


" rés de robbes , bonnets & bracelets, faits de

^"belles plumes naturelles, naifves, & de diver-


ses couleurs tenant au relie en chacune de leurs
:

„ mains un Mardca,cd[ï-à-dkQ , Sonnettes , faites


» d'un fruit plus gros qu'un œuf d'Autruche , dont
"j'ai parlé ailleurs^j afin,. difoient-ils, que l'efprit
" parlât puis après dans icelles pour les dédiera

^^»<:et ufage, ils les faifoient fonner à toute refte.^.


„ Outre plus ces Caraïbes (ce font les Devins dont
» il veut parler) en s'avançans & fautans en devant,
»'vpuis reculans en arrière , ne fe tenoient pas toû-
•"jouïs en une place comme faifoient les autres:
„.même j'obfervai qu'eux prenans .fouvent une
«canne de bois, longue de quatre à cinq pieds,
» au bout de laquelle il y avoit de l'herbe de Petun,
"dont j'ait fait mention autre part, feche &; al-
^'lumée^en fe tournans & foufflans de toutes
^ parts la fumée d'icelle fur les autres Sauvage*,
^

55 ils leur difoient :


Afin que 'vous furmontiey^ 'vos enne-
"jniSy receve':(^ tous tej^rit de force. Et âinlî firent par
*'plufieurs fois ces maîtres Caraïbes.
C'eft fur tout pour les opérations magiques que
Tabac mis en œuvre par les Devins. Quand
topes de Go-
raara.hift.

-i i
cft
i ,

Us veulent devmer, dit Lopes de Gomara,(jecitc


itJ/^ /-^
^^^ propres paroles du Tradu6teur ) quand ils veu-
desji. tlïj.
lent
.

FL . t> . -t/rjn- . 1 •
p a^ . x'^jù-
«

A'M ERIQ^U A INS. 1^7

lent deviner & répondre à quelqu'un toucliant


ce qu'il demande mangent une herbe nom-
; ils

mée Cohabci { c'eft le Tabac ou la pilent , ou « )

bien ils en prennent la fumée par le nez , & puis «


ils font troublés du cerveau , & (è reprefentent «

à eux mille vifions : cette furie paffée , & la. «

V£ntu de l'herbe appaifée , ils recitent ce qu'ils «


ont vu entendu au confeil des Dieux, & di-
&
fent que ce fera ce qu'il plairai Dieu , fans ja-«
fnais répondre a propos de ce, dequoy on lésa»
^equi£ , ou bien ils repondront -en tels termes «
qu'on ne les pourra entendre par lenrs paroles, «
qui eft le ftile du père de toutes tromperies. «
Pierre Martyr dit, qu'ils font une liqueur ^de n"^"^"'^^'
cette herbe Cohoha, que le -Cacique (qui eft en dec. i.Lib.9.

même temps un devin ) prend par lenez -qu'aufïî- j

tôt après il entre en fureur , de.maniere qu'il lui


{èmble que tout eft renverfé dans la petite Café
quk)n luy a dreffée pour cet effet, &: que la -force
de cette herbe eft telle qu'il en perd toute con-
noiffance. Après l'avoir un peu digérée , il s'af-
lioit par terre Li tête baiflee , & embralTant (es
genoux ayant ; refté quelque temps en cette pof-
ture, comme s'il fe reveilloit tout à coup d'un
profond fommeil, il levé les yeux & regarde le
Ciel , marmottant entre fes dents quelques pa-
roles qui ne font point entendues. Ceux qui
,

l'environnent le voyant un peu revenu à luy,


rendent grâces à l'efprit, & interrogent le devin
ifiir -ré qu'il ,a vu. Celuy-ci comme un infenfé

Tome 11. R
138 MOEUPvS DES s AUVA GES
qu'il eft , répond vray qu'il a parlerai
qu'il efl;

l'efprit , lequel lui a promis la vi(Sboire furfes^


ennemis, ou bien qu'il en fera vaincu & défait,
pour n'avoir pas fiit quelque chofe qu'il lui avoit
commandé. Il répond ainfi fur toutes chofes, fur
l'abondance &: fur la difetce,fur la vie & fur la-
mort , félon que cela fe prefente à fon imagina-
tion échaufée..
Gonï.ovie- C'cft fans douteun enrboufiafme qu'O-
pareil

indÏÏÎ^ub!''^ viedo a voulu décrire, lorfqu'il dit des Caciques


î» c i^
de rnle: Efpagnole , qu'ils recevoient la fumée
du Tabae par le moïen jde certains tuyaux faits
comme un Y qu'ils appliquoientà leurs narines,
attirant cette fumée à eux jufqu'à ee qu'ils
tombaflent par terre privés de tout fentimeiat >
après quoy ils étoient portés, dans leur hamac
parleurs femmes-3_à-moins qu'ils n'euffent ordon-
né auparavant qu'on les laiffât en cet état juf-
qu'à ce que les vapeurs dont leur cerveau étoit
offufqué fufTent entièrement diflipées.
Les mêmes Auteurs difent , qu'ils fe fervoient
de cette même herbe pour laguerifon des mala-
dies, & racontent dans le détail ce que les de-
vins font en ces occa/ions nous aurons lieu d'en
j

parler dans la fuite. Nous parlerons encore du


Tabac & de fon rapport à la Religion , en parlant
du calumet de paix.
. Comme Sauvages fument auifi par plaifir^
les
&; par habitude, quelques-uns fe font perfuadés
qu'ils ne faifoient un fi grand ufage du Tabac
,,

AMERI Q^U A I NS. ij^

qu'à caufe de la vertu, qu'il a de les nourrir, &


de les foûtenir pendant plufîeurs jours , fans le
fecours d'aucune autre nourriture. Le fieur de
Lery eft dans cette opinion, de il cite dans fa re-
lation des exemples femblables. « Car Benze af-«
fure, dit-il, des habitans du Pérou, que quand «
ils font en voyage , ils portent en la bouche »

-quelques feiiilles d'une herbe appellée Coc^,, qui «


leur fert de pain de breuvage Ôc de pitance. «
Semblablement Matthiole en fes Commentaires»
fur Diofcorides , alléguant Theophrafte , rap-«
porte que les Scythes fe contentoient delà feu-»
le reglifTe , dix ou douze jours fans manger au-«
tre viande ce qui répond au petun de nos Sau-«
i

vages. «

Il eft vray que le Tabac émoufle les acides


& qu'il ôte ainfî la pointe de l'appetit j mais je
ne crois pas qu'il ait d'ailleurs une Ci grande ver-
tu nutritive, comme qu'on luy attribue,
eft celle

& qu'il fut capable de foûtenir les Sauvages auf.


fi long-temps qu'on le prétend , s'ils ne s'accou-

tumoient de bonne heure .par de longs jeunes à


fupporter la faim.
Plufieurs perfonncs fagcs, regardent tous les Acofta. Hift.

effets attribués à la Coca dont parle le fieur de Le- L.b. 4. ca^.'


*''
ry fur le témoignage de Benze, comme une pu-
re imagination , ou comme une pure fuperftition^
ainfi qu'Acofta l'avoiie lui-même. Cependant les
Indiens du Pérou croyent tous ces effets réels
^ cet Auteur femble donner dans leur fentimenC'
Ri,
140 MOEXJRS DES SAUVAGES
puifque cî-ans la vérité , dit-il , on leur voit fairc-
plufteurs journées de fuite fans aucune nourri-
ture. Se ne fe foûtenant qu'avec une petite poii=.
gnée dé cette Heibc. Elle étoit dans une fi gran-
de eftime fous Règnes des Roys Incas , qu'iL
les

n'étoit pas permis aux gens du peuple d'en


tjfer fans l'agrément du Souverain, ou des Gou*
vérneurs revêtus de fon autorité. Le Souverain
lui-même n'avoit rien à offrir aux Dieux en facri*.
fîce de plus prétieux- que la Coca , qu'il faifoit
brûler devant les Idoles , comme on a brûlé l'en*
cens de tout temps dans les Temples du vray Dieu ,.

& des fauffes Divinités de-toutes les Religions dé.-

l'ancien mondes.

la Coca. La.€oca eft lîi fèiiille d'un Arbre de la Hau-


teur de quatre à cinq pieds , fort tendre & fort
délicat. Se qui pour cette raifon veut être cultivé
avec beaucoup de foin. Il n'en faut pas moins pour
conferver les feuilles après qu'on les a cueillies. On
les range à caufede cela ntême fort proprement,
S>c avec une grande attention dans des corbeilles

longues & étroites où elles font aflujetties. Ces


feuilles font un peu plus unies & moins nerveu-
Çts que celles du poider, d'autres les comparenc
à celle de l'Arboiner mais elles font beaucoup
-,

plus minces. La manière dont les Péruviens s'en


fervent, eft de les mâcher mêlées avec delà cen--
dr€ d'Olfemens calcinés , ou bien avec un peu de'
chauK, à peu près comme on en ufe dans hs grarti.
A ME R I QJJ AIN S. •
141
(des Indes, pour les feuilles de Bétel & les noix
d'Arêke, qu'on mêle aufli avec de la chaux. Ce
mélange joint à l'apreté de la feuille de la Coca ,

fait peler lalangue à ceux qui ny font pa^ accou-


uimés elle fait jetter une écun^e dégoûtante, ôc
:

ïond ceux qui la mâchent d'une puanteur infup-


portable. Elle fert demonnoyedans le pays, & il
un fi grand débit que ce que
s'en faifoit autrefois ,

nous avoirs dit du Cacao ôc de l'herbe du Para-*


gay eft beaucoup au deffous de ce qu''on en-ra-i
,

conte. Du feul Potofion en tiroit toutes les an-


nées plus décent millecorbeilles. Ellen'eft plus
d'un Cl grand ufage parmi les Indiens fujets des
Efpagnols, parce que l'înquifition ayant décou-
vert qu'ils, s'en fervoient pour toutes ^foi'tes de fu-f
perditions l'a défendue fous de très-rigoureufes -

peines dans tout lePérou , & ne l'aper-


Norddu
mife que dans le Sud , en faveur de ceux qui tra-^
vaillent aux mines , lefquels ne peuvent s'qr ^

palTer. M. Frezier femble croire , que cette her-


e n eit pomt nutritive , qu elle ne rait qu oter ^^de h uct
Fappetir , & qu^elle ne fert proprement aux p-
J"J"**-
Iridiens, que comme le Tabac à ceux: qui font
accoutumés à le mâcher fans l'avaller.
Il n'en eft pas de mêrne du Gin-feng, dont if

eft probable que Theophrafte a voulu parler, ôc Thtophv"

dont les Tartares , qui font de véritables Scythes } Lib. 9. cag^,-


font un fi grand ufage. Il a véritablement la ver- '**
eu d-e foûtenir, de fortifier , &c de rappel Fer les,
Ëdicqs épuifé'es. U a aufïi un petit goût de reglifre>',

.
"
B.iii,
,4t MOEURS DES SAUVAGES
ainfi que je l'ai dit dans l'ccrit que compo-
j'ay
Ce au fujet dé celui que j'ay découvert en Cana-
da, & qu'il eft facile de s'en afTurer par l'eflay
de la Plante même. Theophrafte ne donne point
d'autre nom à la Plante, dont il parle , ^ à la-
quelle il attribue une fl grande vertu , que celuy
de Scythicd.
Lts Ameriquains ne prennent point le Tabac
en poudre, ni en machicatoire , au ny)ins ceux
que j'ay Viis. Ils n'en ufent qu'en fumée, encore
tous n'ont-ils point de Calumet ou de pipe. Les
Bredliens, les Caraïbes, & la plupart des Sauva-
ges Méridionaux , font une efpece de pipe d'u-
ne grande feuille d'arbre pliée encornet d'épice,
ils la rempliflent de Tabac , mettent le feu par

un bout, & attirent la fumée par l'autre. Il eft


aulïi à remarquer que le plus grand nombre des
femmes ne fçait ce que c'eft que de fumer.
©uSiîcfc. La connoifTance du fucre eft mieux marquée
piinius, Lib. dans les Auteurs anciens que celle du Tabac. Pli-
ne eft le premier néanmoins qui s'eft fervi du ter-
me de Saccharum, qu'on trouve enfuite dans Gai-
lien, dans Diofcoride , & dans d'autres Auteurs
qui font tous plus recens que lui. Il en parle auffi
comme d'une chofe étrangère à l'Europe, "^ &C
qu'on n'avoit que par le commerce , qui fe fai-
* Plinim Lib 12. C4p. S. Sac- modo candidum,, dcntibus fragî-
charoa & Arabia fcrt 3 fcd lau- le ampliflîmum nucis avellanas
,

datius India : eft autem mel in magnitudine , ad medkinœ tan-


arundinibus coUcâum ^ gummium tûm ufum.
-

AM ERIQ^U A INS. 14 j
foie en Arabie & aux Indes , d'où on l*apportoir.
C'efl: ce que le pafTage de PJinc explique , & dé-

clare fort preeifément. « L'Arabie porte du fu- «*


cre auffi-bien que l'Inde; mais celui de l'Inde*»
efl; beaucoup meilleur. «
Outre le nom de Saccharum Auteur&- , que \ts
de la bafTe Latinité ont enfuite déguifé en ceux-
de Zacfrarum 'Zuccarum Zachara ^ Zuccara, Zucrds.
3 ,

on lui en donnoit encore d'autres ; car ^ pre-


mièrement on donnoit le nom de Sel^ & on
lui
l'appelloit le Sel d'Inde , pour le diftinguer du>
Sel ordinaire. Le Sel d'Inde, dit Archigene cité-
par Paul Egiiiete Livre fécond/ pour fa couleur
& fa condeniité , eil femblable au Sel vulgaire a?
mais au goût il a toute la faveur du Miel. C'eft
pour cela qu'on lui donnoit aullî le nom de Miel j.
Se on l'appelloit Miel fauvage , Mel Jîhefire y ou'
Miel des Rofeaux f^w v^T^fXivn)) , comme on fe
voit dans A r rien, ou CanamelU, Cannamella , Ca-' ^'^^°' '-'^

1 II
lameuHSf a L^anna, oc
^
r^ -
M-, 1/
elle. '
Periplo raati»
EiytL.

Quoique Anciens ne nous laiffent aucun


les

doute fur les Cannes &: fur les Rofeaux , qui font
là matière dont on fait le lucre ils ne convien- '•>

nent pas fur l'efpece de cqs Rofeaux. Solin ^ a soiin, «ji


cru que c'étoit du Bambou ou de ces Cannes ^^- ,

des Indes qui lont d'une Ci prodigieufe grandeur 3-


qu'entre chaque nœud on peut faire un canot ^;
*'Sohms, cap. àf. Qux Paluf- navigantes. E radicibus cjus ex-
tria tint 3 ( Indi^ loca ) Arundi-- primitur humqr dulcis ad Mel*
nem cre.inc , ita cralFain ut fiffis leam fiuvitaîsra.-
intexnodiis , lembi vice veâicec
'

H4 ^ OErU RS DES S A U V A G ES
varro apu<{
qu batcau fort raifonnable. Varron au
uii PCtit
iisl. *
Lib. 17.
cap. 7. contraire a mieux rencontré dans la •defcriptioa
'Ro{èaux ,. qu'il dif être un ar-
qu'il fait .de, ces
bre, ou une plante médiocre pour Ta grandeur. .

Jndka , non magna .nimis arbore, crefcit arunde.

rîUius e lentis ^remitur raciicthus hurnor


'
i

..Dulcia cm^nequeunt Jucco xontenàere AdeUa.

Il paroît d'ailleurs quele Sucre, dont les An-


ciens ont voulu parler, étoit fort différent de ce-
lui dont on ufe aujourd'hui-, car en premier lieu.,
il femble qu'ils ont donné pour du lucre une ef-

pece de manne , qui fe forme d'elle-même fur les


feuilles des Rofeaux. On en ^voit encore de cette
efpece dans les. grandes Indes , & en Amérique
Mémoire de dans la Californie. Le Père François Marie Pi-^
Lettres édr^* ^^^^ ^^ pâilc ainfi. " Au mois d'Avril , de May
fiantes TV'Re-
„ 5c cle Juin, il tombe avec la rofée une efpece

»^>de manne, qui.fe congelé, & s'endurcit iurles


"feiiilles des Rofeaux , fur lefquelles on la ra-
« malfe. J'en ai goûté , dit-il , elle eft un peu
*» moins blanche que le fucre i mais
en a toute
elle
"Ja douceur. A cela fe "
rapporte parfaitement
ce que Pline, Diofcoride & Seneque difent du
Sucre. » C'eft un Miel , dit Pline , ramaÏÏe furies
» Rofeaux , blanc comme une efpece de gomme ,

"ilfe brife fous la dent , & n'excède pas la


» groffeur d'une noifette j on ji'çn fait ufage que
dans
AMER îQJJ Â IN S. " 145 .

Médecine. « Il y a, dit Diofcoride , une «-


««Sans la DiofcorM.

«fpece de miel qu'on appelle fucre , lequel .fe« î'ô^'/"^'-

trouve dans les rofeaux de l'Inde, 6c de l'Ara- «


bie heureufe , il a la confiflence du Tel , 6c il fe •»

brife entre les dents de la manière que - même


le fel commun. « Seneque fait plus Il explique de ; seneca, Epifi.
*'
quelle manière ce fucre fe forme , ôc de fon {Qn-
timentj on conclud que les Anciens penfoient,
que ce miel étoit formé par la rofée du Ciel , la-
quelle s'arrêtant fur les feuilles de^ rofeaux s'y
congeloit 5 ou que fortant du fuc delà tige à la
nailTance des feiiilles , 6c tranfpirant par Tes po-
res de la Plante en forme de gomme , il fe dur-
ciflToit au foleii, comme tarais fa-
le fel dans les
lans. C'efl , dis-je, ce qu'on voit exprimé dans ces
paroles de Seneque. ^îunt in'vemri apud Indos mel in
arundineis foliis quod , aut ros illius Cœliy aut ifjius Arwh
dinis humor duîcis &
propinquior gignit.
Lts Anciens ont auffi connu un fucre d'une
autre efpece tir-é de ces mêmes rofeaux mais \

c^ n'étoit qu'un fuc , une liqueur, &C tout ati mcanus. ub.
*^^'
plus un firop. Lucain défigne cette efpece par ce '• ^*

vers.

^ujque bihunttenera dulces ah arundine Jticcos.

C'efl aufli de celui-là que parlent Solin , 6^


Varron, dans les palïages que j'en ay cités; mais
ils font l'un 6c l'autre dans l'erreur, quand ils di-
rent qu'on l'exprime delà racine des rofeaux^. au
iieu que c'eft de la moelle de leur tige.
Tome IL S
,

14^ MOEURS DES SAUVAGES


.
Or le fuGre dont on ufe aujourd'huy, eft ufr
fucre factice. La canne dont on le tire, eft une-
tige noiieufe, fpongieufe, d'une écorce fort mince
de pleine d'une matière miellée d'une très -gran-
de douceur. On brife les cannes dansdesMoulins ;.
on en exprime tout le fuc dans des prefTairs on ;

purifie enfuite toute la liqueur fur le feu , & on;-


la verfe dans des vaifleaux , où on \i laifle fe re-
froidir j ôc fe congeler , de la manière que l'ont
peut voir exadîement détaillée dans le Père La*

bat, & dansceux qui en ont traité avant lui.
C*eft jcette manière de faire le fucre & de Ic
raffiner que les Anciens n'ont pas connue j ou du
moins qu'il ne nous ont pas fait connoître. Elle
^ft néanmoins ancienne éc beaucoup antérieure a.
Li découverte de l'Amérique. La connoiffance en
eft venue en Europe du temps des Guerres des
Croifadesj parles voyages que les Clirétiens fi-
rent alors vers l'Orient, ainfi qu'il paroîtparles
témoignages des Auteurs de ces temps-là , Albert
ou Aloeric Chanoine d'Aix la Chapelle, Guil-
laume Archevêque de Tyr , Jacques de Vitré;
Atbenus A-
Evêquc & Cardinal, Sanutus, &c.
^uenfij. Lib. ->'
Albert rapporte que l'Armée des Croifés re-
Hift.Hiexo. duite à une-extréme difette de vivres , fut fort fou-

^ Albertus ^cjuenfsHi^. Hieros. vix ad fatietatem prae dulcedine


Xi^.j-. ^7. Calamellos ibidem
C<ïj!7. explerihoc guilato valebant.
mellitos per camporum plani- Hoc enim genus herL^ fuBiino
ciem abundanter repercos, (juos labore agricolarum per fîngulos
vocant Zucra , fuxit populus ,. il- excolitur annos deinde f empore
hiiisn faJubii fucco. Istatus j Ss m^ihi imauirum niortarioiis Jadt»-
«

-' '^iSL M ER I Q^U A I N s. 14^


ïagée aux fieges d'Albarie , de Marra , d'Ar-
chas, ôc aux environs de Tripoli , par les cannes
de fiicre qu'on trouvoit dans la campagne, ôc
dont douceur faifoit tant de plaifir aux fol-»
la
dats qu'ils ne pouvoient s'en. raflTafier. " On cul- ••
tive dans ces païs là, dit-il, cette Plante qu'on*
feme toutes les années, &c qui donne beaucoup ««
de peine aux païfans. Au temps de la moiflbn , «
& lorfqu'elle eft bien meure, les naturels du »

païs brifenc les cannes dans des piles ,& après-


çii avoir exprimé le fuc, Se l'avoir bien purifié «
ils le verfentdans des vafes , où il fe fige & blan- «
chit comme la neige, ou le fel le plus blanc. Ils *
le râpent, & le mêlent avec leur pain où ils le « -,

font diflbudre dans l'eau , & en aflTaifonnent leurs «


ragoûts. Ceux qui en ufent le trouvent plus «
agréable & que le rayon de Mieî.
plus fain ««

Ceft de cette cfpece de Miel, dit-on, ajoute-t-il «


enfùite, que goûta Jonathas fils de Saùl, lorf-
que tranfgrefiant les ordres de fon père , il penfa •
luy en coûter la vie pour cette derobéifllmce. «
Marin Sanut, dit Torxel , voulant exciter les
•*^
Maiîn.Sî-
nutus. Lib' (•
part. I. cap.
^ena: contundunt , fuccum cola- Jonathan fitius Saiil Régis fupe* i.fecretfidd.
tum in vafis fuis reponentes , faciem terrs , inobediens guftare crucis.

quoufque coagulatus indurefcat prsfumpfic. His ergo calamellis


fub fpecie nivis , vél -falis albi. mclliti faporis populus in obfidio-
Quem rafum cum pane mifcen- ne Albariœ , Marrx , Archas &
tes,aut cum aquâ rerentes, pro multum horrendâ famé vexatus,
pulmento fumunt, fupra fa- & eft refocillacus.
^um mellis guftantibus dulce ac * Sanutus Torfellus fecretor. Fidel.

felûbre videtur. Aïunt qui'dam crucis. Lib. t. part i. Cap. 2. Ec


jCHus melUs eiTe ç[uck1 reperiens cum in terris fbldano fubjediJ
Sij
,

1-4^ MOEXJRS DES SAUVACES-


Princes Chrétiens à fe liguer contre les Turcs ;-
ou. les Sarazins maîtres de la Terre Sainte, com*-
mence fon Ouvrage par mettre au jour les grands
avantages que Souldan,- ou Sultan y-retiroitdu-
le
commerce des Indes, Ôc en particulier des.épice^
ries, qu'il avoit feul de la première main , ce qui

faifoit fa grande puifTance & fa grande riclieiîe.


Il vient enfuite aux moïens de.l'affoiblir , en em-

pêchant ce commerce dont les. Chrétiens pou-


voient profiter. Après un'long détail, il dit: » Que.
>^la foye &c le fucre viennent dans les terres du
». Souldan , &c que ce Prince &. les Sarazins en re-
stiroientde grands, droits-; Que fi les Chrétiens
«vouloient fe liguer pour le voïage.d'OuJtremer,.
«le commerce de ces ennemis de la.foy recevroit
-un grand échec-, puifque dans la feule Ifle de
«Chypre, le. fucre naît, en.fi gra-nde quantité, que
» toute Chrétienté pourroit s'en Fournir que
la. ;

« lès cannes venoient aulli fort bien dans l'Ifle de


• Rhodes, dans la Morée, dans l'Ifle de Malte^
. - &c qu'elles croîtroient de la même manière dans.
• la Sicile, &c dans les autres terres djes. Princes
• Chrétiens, fçavoient connoître leurs inté-
s'ils

grées, èC s'armer contre l'ennemi commun-

f>ombix 3c Zuchanrm crefcant ifr tantaquantîtâsZucharinaicatur '.

Bon modica quantitate , de; qui- quod Cbriftiani poterunt compe-.


bus Soldanus &
faraceni perci- tenter furniri. Sed de Zucharo,.
piunt magna pedagia tributa & nafdtur in Rhodo , j^morea
ii Chriftiani aftri(3;i fuerinc, làl- Marta : & in Sicilià^ &cin aliis.
dano &
faracenis damnum non locis Chriftianoruin ZucharuiT*
piadicum eveniet , .cumin Cypfo nafcerecur j fi hoc p rocuraretui»-
AME RI(i,XJ AIN5. Uf
ïl paroît que les Princes Chrétiens profitèrent FaicM^usî»

àe ces avis qu'on tranfporta les cannes de fucre Hfft^decai*.


:

dans la Sicile , qu'on les y cultiva , & quelles y '""• ^'=''*


firent fort bien. Falcandus dit, au fujet des
''^

cannes de fucre ,. qu'on cultivoit auprès de Pa-


lerme. « Vous verrez des campagnes remplies d'u-
ne moilTon de Rofeaux dignes de l'admiration -, =*•

les Rabitans les nomment Cannes de Miel, à caufe «


de la douceur du fuc dont elles font remplies. »
Ce fuc, fi l'on lui donne certains degrez d'une*
cuiiTon modérée devient un fyrop , une efpece «
de Miel fi on le. fait cuire encore davantage, il>
i

fe condenfe ,. & fe convertit en fucre, »


lly avoit dès ces temps-là. pour brifer les cani-
nes des Moulins qu'on nommoit yk^^m dans la
langue des Sarazins , ce qu'on voit par le Diplô- "^^

me, ou l'Ade de donation faite, par Guillaume cugiiclmT i.


fécond Roy de. Sicile, a un Monaftere de.Reli- ^'Si^^^'"''*
1T T' T n r apud Roc-

gieux de l'Ordre, de^ S. Benoifl:.,, litue. dans l'Ar- chum piï-


I ^ '
^

chevêché de Montréal. Nous lui accordons, dit Ecck/rMon^


ce Prince, dans le territoire dePalerme & dans '«"S^^^"^"*»
fa Banlieue, de nôtre propre mouvement &- en
* Fdcandus in Prafat. ad Hifi. - * £x Diplemate GugUeltni 2. Rt-^
de Calamit. Sicil. Occuret tibi Rocchum Pirrhum
gis Stcilta apud
jni-randarum feges arurrdinum (in mtitià 3. Eccle/ia. MomeregdenJÎ!.
agjroPanormitano ) qu^ cannœ InPanormo etiam & pertinéntiis «

mellisab incolis nuncupanturj no- e)us Concedimus ei-. ( Mo-


jnenhocabinceriorifuccidulcedi- nafterio fupradido. Lîberè ) &
jieibrtientes.Harumfuccusmodé- abfijue datione alfqua, molendii
xatè &diligencer decoéèus^ in num unum ad molendas cannaj
fpeciem mellis traducitur ; G. ve- me41is , quod faracenice dicitur
.ïo:perfe(ftius excoétus fuerit^ in Majara , cum omnibus juftitiis 3^-
faccâiiiubAaotianKondcAfatux. percinçatiis .iùis;, &cc.

Siijj
^h'' M OE # K s -b^f 5 A'U VA G E s
:
put don , *' un Moulin' pour moudre les cannes *
de fucre, qu'en langue Sarazine on appelle Ma.-'^
••y^m, avec fes droks de juftice & toutes fes au-
" très dépendances. » Je ne crois pas qu'on ait con-

tinué à cultiver les cannes de fucre en Europe, ap-


paremment qu'elles ne continuèrent pas aulïï à
bien faire , ou bien que le commerce étant plus fa-
cile dans le Levant, on trouva plus de profit d'en
acheter des commerçans , que de faire les frais d'u-
ne culture ingrate & fujette à trop de dépênfe.
'
'

Les cannes de fucre viennent naturellement en


Americ]ue, & font une richeflfe qu'elle ne doit
qu'aux favexirs du Ciel, & à la bonté de fon ter-
tatât.Nou- roir, ainfi que4e Père Labat l'a fort bien prouve
vea
.eaiixvoias;es . i l
«tixinesde contre les prétentions de quelques Auteurs , qui
wra.3. ch. J.
ont écrit , que les Eipagnols les avoient portées des
Indes Orientales dans \ts Ifles Canaries, ou For-
tunées, & de là en Amérique. Elles ne viennent
pourtant bien que dans l'Amérique Méridionale,
^ans les Ifles du Golphe du Mexique, & peut-être
aux extrémités de la Septentrionale qui tirent
vers le Sud. Les Ameriquains ne prenoient pas
niêmela peine de les cultiver, & n'entiroient pas
un grand avantage. Les Efpagnols furent aufH
afles loHg-cemps fans s'en avifer , &: ceux d'entre-
eux qui furent les premiers à en prendre foin,
«"eurent point d'abord la penfée d'en faire du fu-
cre ou ne l'exécutèrent point. Ce fut, félon Gon-
,

d'Ov°.edo." zales Oviedo, le BacTielier Conzales de Velofa,

"dias'^Lib.'4.
^"i ^^ <^es depenfes extraordinaires j)our hïïs, une
cap. 8.
A MER I Q^U A IN'S.: ip
fucrerie dans Efpagnole , oii il fit venir des
l'Ifle

Canaries des Maîtres entendus pour faire le fu- \

cre, &pour le raffiner quelques-uns prétendent


j

néanmoins, que Ce fut le Caftellan de la Vega


Michel Valeftrier de Catalogne. L'exemple de
Tun & de l'autre aïant bien réufli > fut fuivi de
plufieurs perfonries, qui en aïant établi en plu-
îieurs endroits de ce Nouveau Monde , y firent
fleurir le commerce d'unemarchandife , qui vaut
en quelque forte les richeflesdu Pérou.
VofTius croit que rétimologié de Saccharum phyfiorcbi.
viertt du mot Arabe i3d Sacar', ou de l'Hc-
GeSiib
breu n3tt^ SchaKar , qui veut dire s'enyvrer, à î-"p. 14.
caufe qu'on tiroit des Rofeaux , qui font le fucre , ^'"''''- ^'^*
des boiilons enyvrantes ce que Strabon lemble
:

favonfer au Livre 15. Car il nous afiure, fur le té-


moignage de Nearque , « que dans l'Inde les Ro- «
féaux produifent du Miel fans. Je fecours des •=
Abeilles , & quoique ce ne foit point, dit-il , un «
arbre ou une plante qui porte du fruit, celle-ci «
néanmoins en porte un , lequel a k propriété «
d'eny vrer. «

Cette du paflage de Strabon efl; aÏÏes obf-


fin
cure, & fembleraêrne renfermer une contradic-
tion. Car quel eft ce fruit d'un arbre, ou plutôt
d'une plante, qui ne, porte point de fruit > Cela^
peut s'expliquer.neanmains parce que je vas dire*-
Entre les ef|>eces dç Cannes-.& de ELofeaux il n')E
en a point qui porte, proj^rement duifruit mais -,

1| Mais,. le Qom qui efl; auiïi un elpece deMai^


n^ MOEURS 'DÈS fAÛVAGES
d'un grain plus petit , Se quelques autres
Plantes miliacées_ étant auffi en même -temps
arundinacées , quoiqu'on ne leur donne pas
(

communément le liom de Rofeaux , ) ce que die


Strabon peut foTt%ien leur convenir & c'eft ainft i

qu'on doit expliquer ces Auteurs > car danscelles-


U on peut trouver trois chofes. La première c'eft
le grain dont les Sauvages font leur nourriture
commune, & dont ils tirent des farines ; en ïè-
cond lieu,, les boiflbns propres a enyvrerj car foit
du grain , foit de la tige, on tire de l'eau de vie un
vin aflés agréable , ëc de fort bon vinaigre ; en
troifiéme lieu, de la-canne -du Maïs , lorfqu'elle
eft dans fa féve,'Onexprime'un fucre très- fin Se
très-delicat j ainfi qu'il eft marqué dans le Dic-
tionnaire Univerfel imprimé à Trévoux. Je
n'en ai point vu de cette efpece , & nos Sauva-
ges nele travaillent point je n'ai cependant point
-,

de peine à le croire jcar la tige du Mais lorfqu'elle


eft pleine de fon fùc, eft remplie d'une eau mieU
lée, laquelle eft très-faine & très-ràfra^chiflante.
Les Iroquois nomment ces tiges Ghere , & les
J^rançois Les appellent Sucets. On arrache pour l'or-
dinaire dans les Champs de bled d'Inde les tiges-
qui ont manqué , qui n'ont point d'épy & après'
& ;

les avoir dépouillées de leurs feuilles, de leur &


écorce , laquelle eft fort mince , -on en fuce la
moelle, qui eft fort charnue, qui a un goûc &
aufli agréable que l'hydromel. Les autres Can-
Aesde^fucce ne portent point d'autre fruit que-
,

A M
R I Q^U A
E I N S. 153

le fucre même. On fait aufïi de celles-là de l'eau


de vie, un vin très-delicat & très-gratieux , &: de
fort bon vinaigre. Ainfi de quelque manière qu'on
explique lepafTage de Strabon, il eft toujours vrai
de direj que les Rofeaux produifent un Miel, qui
n'eft pas l'ouvrage des Abeilles , & que de leur
fruit, ou de leur fuc, il fefait des liqueurs capa-
bles d'enyvrer.
Le même
Strabon nous apprend, que les vaf-
tes régions de la- Scythie produifoient aufîi leur
miel , où les Abeilles n'avoient point de part.
Mais il étoit différent de celui des Indes , & de
l'Arabie heureufe, en ce que ce dernier étoit pro-
duit dans les Rofeaux. Au lieu qu'il dit fimple-
ment que dans l'Hircanie & dans quelques autres
pais voyfins , c'étoient des arbres ,
qui étoienc o
comme autant de ruches, &
dont le miel décou-
loit par toutes les feuilles. Strabon parle encore ici
dans les principes de l'ignorance commune aux
Auteurs de l'Antiquité, touchant la manière dont
fe faifoit le fucre, de forte qu'il paroît être dans
la même erreur où étoient ceux , qui croyoient
que le fucre fut une gomme, une liqueur, ou un
fel , qui tranfpiroit par les pores des feuilles 5 ou
bien une rofée celefte laquelle fe chriilallifoit
&c fe condenfoit , comme la Manne. Il eft cepen-
dant naturel de penfer, que Strabon ne fait que
nous indiquer icy la manière dont nos Sauvagef-
fes font le fucre , qu'elles expriment du fuc des
arbres , ôc en particulier des Erables : ce que je
Xome IL T
,54 MOEURS DES SAUVAGES
vas maintenant expliquer.
Au mois de Mars, lorfque le Soleil a pris urf
peu de force, & que les Arbres commencent à
entrer en fève, elles font des incifions tranfver-
fales avec la hache fur le tronc de ces arbres ,
d'où il coule en abondance une eau, qu'elles re-
çoivent dans de o;rands vaiffeaux d'écorce v elles
font enfuite bouillir cette eau furie feu, qui eit
eonfume tout le phlegme, ôc qui épaifïît le reftc

en confidence de fyrop, ou même de pain de fu-


cre, félon le degré ôc la quantité de chaleur qu'ils-
veulent lui donner. Il n'y a point à cela d'autre
myftere. Ce fuere eft très-pe6loral , admirable
pour les médicamens mais quoiqu'il foit plus
-,

fain que celui des Cannes , il n'en a point l'agré-


* ment, ni la délicatelfe, & a prefque toujours un
petitgoût de brûlé. Les François le travaillent
mieux que les SauvagelTes de qui ils ont appris
a le faire mais ils n'ont pu encore venir à bout
i

de le blanchir , & de le raffiner.


Pour que les Arbres donnent leur eau en abon^
dance , il faut qu'il y ait au pied une certaine
quantité de neige, laquelle entretienne leur fraî-
.. €heur qu'rl gèle bien pendant la nuit, & que
j

le jour foit pur , ferain , fans vent & fans nuages ;


car le Soleil ayant alors plus de forée, dilate les
pores des arbres que le vent au contraire refferre ,.
de forte qu'il les empêche de couler. Les ArbreS
ceffent de donner, lorfque la fève commence i
prendre plus de coniiHence > ^ a s'épaifUr. O»)
TL.rj'J^rm i .
AME RI Q^U A 1 N S.
,5^

s'en ctpperçoit bien-tôt ; car, outre que les Ar-


bres donnent moins, l'eau qui en fort, eft plus
glaireufe i èc quoiqu'elle ait plus de corps
que la première , ne peut plus fe chriftalli-
elle
fer, ni être miie en pain de fucre , & ne fait plus
qu'un fyrop gluant & imparfait.
Les Poètes , dans les defcriptions qu'ils font de
l'Age d'or 5 ou des Siècles qui peuvent lui être
comparés , nous dilent entr'autres merveilles, que
Iqs chênes les plus durs diftilloient du miel , ou
qu'ils en diftilleront. S'ils ont prétendu mettre
cela de niveau avec leurs Hyberboles , ou d'au-
tres Phénomènes purement fymboliques & méta-
phoriques , comme quand ils difent que le miel
coulera des rochers que les buifîons produiront
-,

des grappes de raifin qu'on verra forcir des fon-


^

taines de lait & de vin nos Sauvages font voir


;

-qu'ils en fçavent plus, qu'eux , ayant fçû tirer des

érables, qui font une efpece de chêne très-dur,


un fuc naturel, lequel a autant, ou plus d'arré-
ment , que le miel que font les Abeilles.
il fe trouve beaucoup d'arbres & de plantes,

dont on peut faire du fucre & diverfes liqueurs ,


fans parler des efpeces de palmifle. Les Noyers
donnent une eau beaucoup plus miellée que celle
des érables. Le fucre en eft fort bon. Celui d'eau
de frêne eft très-délicat mais il faut une quan-
;

tité confiderable de cette eau , & beaucoup plus


qu'il n'en faut pour faire celui d'érable. On fait
l>n fucre encore plus fin des fleurs du cotonnier ,
,

i5<î MOEURS DES SAUVAGES


. .
connu des Botanifles fous le nom d.'Jpocynum
Canadenfe mais je ne fçache pas que \ts Sauva-
•,

ges tirent aucun fucre , ou aucun miel du fiic


Apollon. Aie- 3es fleui's, comme faifoient autrefois les Zigan-
cominait. tes , Pcuple d'Aftique
lefquels égaloient en ce
,

"P" '
point le travail des Abeilles.
HiftdeVir- L'Auteur de nouvelle Hifloire de la Viri^i-
la

chTp.'4^'A! 6.
nie, parle d'un arbre qui y porte le miel, «le-
« qiîel eft contenu dans une goufle épaifle , & en-
» fiée qui paroît de loin comme la cofTe des pois
Stisbo
15. p.
,

477.
,.,
Lib.
»
J
,

OU des rêves."
T' ri
Strabon
1-
que dans les Indes,
dit
1
'

il fe trouve un arbre d'une médiocre grandeur


,
qui porte des écofles de la longueur de dix doigts
pareilles à celles des fèves, & qui font pleines
de miel mais d'un miel Ci dangereux , que ceux
;

qui en goûtent , ont bien de la peine à en réchap-


, ,., per. Le même Auteur fait mention de certains
Scrabo Lib. i
, , .
r .
i
• 1

ïi.p. 37i!- arbres , qui portoient une elpece de miel aux ex-^
trémités de leurs branches, ou dans les boutons
de leurs feiiilles ce miel rendoit fols ceux qui en
j

prenoient} &: il raconte que les Mofynœciens,


dans défquels ces arbres fe trouvent, fe
le pais

fervirent avec adreffe de la douceur de ce miel


pour faire une trahifon aux Troupes du grand
Pompée. Ils vinrent au-devant d'elles fous le

femblant d'une feinte amitié, ils les régalèrent


leur de cette liqueur en quantité
firent boire ,.

& taillèrent en pièces trois Cohortes entières lorf-


que cette boiflbn les eut mis hors de fens &: hors.
4'état de fe défendre. Il y a apparence que lo^
,

A MER I Q^U A I N S. 157


MofynŒciens faifoienc de ce miel des liqueurs
agréables mais qui enyvroient comme le vin
5

ceux qui en buvoient avec excès ^ & que les Trou-


pes Romaines, qui n'y écoienc pas accoutumées ,
lurent plutôt yvres que ceux qui les invitoient
ôç, compagnie à en boire. Il eft auiïi
leur tenoient
très-probable qu'Hérodote parle d'une boiffon en- Herodot. lib.

''"
yvrante, fous le nom de miel, lorfqu'il dit des ^' "

Ouvriers de Callatebe en Lydie, qu'ils faifoient


un miel artificiel avec du froment &: des bruyères".
L'eau d'Erable eft très-gratieuie à boire fans
être cuite. d'elle-même, & fait un
Elle aigrit
vinaigre paflable , li on la conferve quelque tcms.
On en peut faire un très-bon hydromel avec fon
fyrop mais on ne pourroit pas en tirer de. l'eau
;

de vie, comme on le fait des cannes de fucre.


Les Auteurs modernes croyent que les Anciens
ne fe fervoient du fucre que, dans la Méde^ine>
Pline, le dit &c les authorife , ain(i que je l'ai déjà
remarqué, & cela p^ut être. Majs le, fiicie: ayant
le même nom que le miel , &c ayant dans fon
ufage quelque chofe encore de plus agréable,, .qui
les empêchoit de s'en fervi-r au lieu de mie-1 ïqa'ils
mettoient a toutes fauces , jûfqiies çiâUsÏQjix p3i;m
Se d^ns leur vin ï î,/^i -. u
.
j-r n
, -

Les Sauvagefles font cuire leur bled d'Inde en


.

guife de Pralines dans leur fyrop d,'Erable , &ù


elles^ niêlent leur fucre broyé avec les farines sjrou-'

dont elles font les provifions p'our tous leurs


ïées-,

voyages. Cette farine s'en conferve mieux , ôc


-
Tiij
ïjS MOEURS DES SAUVAGES
eft beaucoup plus agréable.

Arbres por- J'ajoiiterai ici par occafion , que


il v a comme
lant la aie. j « ^ •
r
des arbres
\
, & i i i
des plantes , qui produilent un miel,
• •
i

lequel n'efi; point l'ouvrage des Abeilles, il y a


aulTi des plantes qui produifent de la cire où
,

les Abeilles n'ont point de part. Ceft un petit


arbufle, qui vient fur le bord des lacs, des ri-
vières, & des marécages. Il a affez l'air d'un
Myrte , ne difFere prefque point de
fa feiiille
l'Apalachine, qu'on a découverte à la Loiiifiane.
Il porte des bayes de la groffeur d'un grain de

poivre. On fait boiiillir ces bayes dans l'eau, fur la


furface de laquelle il s'élève une grailfe ou une ma-
tière on(5lueufe , qu'on recueille , & qui eft: la fub-
ftance de ces bayes mêmes, laquelle en boiiillant
fe détache de Ion noyau. On fond enfuite toute
cett^ matière enfemble , laquelle en fe refroidif-
fant fe met en confift:ance d'une cire verte, tranf-
parente, dure, & d'une odeur très-agréable. J'en
ai vu des bougies , qui ne couloient point en brû:-
lant , &c qui répandoient une odeur auiïi balfa-
mi([][ue que celle des plus doux parfums, fans por-

ter 4 la tête & faire mal au cœur, comme la plu-


part des caflblettes.
Ce n'efi: point aux Sauvages qu'on en doit l'in-
vention. Ils ne fe fervent encore que des chan-
delles de Cerés e'cft:- à-dire , de torches d'un
;

bois fort cômbuftible, ou d'écorce roulée de Bou-


Je^iu, pu de quelqu'autre arbre gommeu;£. C$
^ A MER I Q^U AÎN S. • ,5,

fut , dit-on , un Chirurgien de


Nouvelle An-la -

gleterre , cjui s'avifa l'e premier de fondre ces

bayes, & qui de cette même cire, dont on a fait


cnfuite éts bougies encore plufieurs belles
, fit

opérations dans la Chirurgie , en la faifant én^


trer dans Cqs Médicamens.

Les SauvagefTes ne fement point dans leurs Des Pùn-


champs le chanvre , ni le lin. L'une & l'autre ^"
'',°"fii°*
Amérique produifent d'elles-mêmes plusieurs
plantes filacées dont elles fçavent faire ufagc,
,

&; qu'elles mettent en oeuvre fans beaucoup de


peine , & fans fe fervir de fufeau & de que-
noiiille. Telles font une forte de chanvre fauva-
ge,diverfes efpecçs de Pires dont on tire un fil
irès-délié deux çu trois fortes de Cotonniers^
:

dont les femmes des Caraïbes font les beaux, lits


de coton, qu'on nomme Hamacs, & dont nous
avons déjà fouvent parlé. Tels font encore le
Mahot , le Bouleau , &c.
Les Iroquoifes & les SauvagefTes de la Nou-
velle France, font une forte de fil de l'écorce du
bois blanc , dont elles font les facs à mettre les
provifions de leurs maris , quand ils vont en
voyage vies colliers ou les longes dont elles fe
fervent pour tranfporter les fardeaux , & divers
autres petits ouvrages félon leurs petits befoins.
Elles enlèvent de cette écorce celle qui eft la
plus délicate & la plus du corps ligneux y
voifîne
elles la coupent avec l'ongle en rubans, qu'elles
i<ro MOEURS DES SAUVAGES
font rotiir &
macérer dans l'eau , comme on en
ufe pour le chanvre , & pour le lin ;& après
quelques préparations , que je n'ai pas aflez fui-
vies , elles la réduifent en de fi petits filamens,
qu'elles peuvent aifément la tordre fur leurs ge-
noux & la mettre en peloton.
Dans les petits ouvrages qu'elles font avec ces
différentes fortes de fils, elles entremêlent fort
proprement le poil d'Elan , de Bœuf fauvage. Se
de Porc-épy , teints en diverfes couleurs. Pour
faire ces diverfes teintures elles £e fervent dedifr
ferens fues qu'elles expriment de certaines plan-
tes, ou bien elles les font boiiiMir avec des raci,-
nes & des herbes, qui leurs font connues, avec
des écorces & des copeaux de quelques arbres,
dont le fuc s'imbibe facilemetit dans les chofes
qu'elles veulent teindre , après quelques bouil-
lons & fans autre préparation.
Elles fuppléent aufîî au défaut du en diffé-
fil

rentes manières. Pour coudre les robbes de four-


rures, elles employent les boyaux des animaux
deffechés ou des filamens tirés de leurs nerfs , ou
;

bien des longes faites de peaux paffées & coupées


bien -menu. Pour coudre les canots, on {je ferc
d'éçorces ou de racines. Les petites racines qu'on
met en œuvre pour les canots d'écorce de Bou-
leau , font d'un fort bon ufage ôc d'une grand^
propreté.

DE
AMER IQ^U A I N S. i6î

DE LA GU ERRE
LEs Hommes ,
defœuvrés dans
qui font fi

leurs Villages , ne fe font une gloire de leur


indolence que pour donner à entendre qu'ils ne
font proprement nez que pour les grandes cho-
jfes, & fur-touc pour la Guerre , laquelle expo-

fant leur courage aux plus rudes épreuves, leur


.-fournit de fréquentes occafions dfi mettre dans
fon plus beau jour toute la noblefle <le leurs fen-
îimens, & l'inébranlable fermeté d'une grandeur
^'ame vraïement héroïque. La chafle & la pê-
^he, qui après la guerre emportent toute leur at-
tention , ne leur font agréables , que parce qu'el-
les en font l'image , & peut-être en laiflferoient-
ils le foin aux femmes, ainfi que de la nourriture
& de tout le tefte , fi elles n'étoient en même-
temps un exercice qui les forme à fe rendre terri-
bles à des ennemis encore plus redoutables , que
ne le font les bêtes féroces.
Il falloir que les Peuples de Thrace fuffent
bien belliqueux puifque pour donner l'idée de
,

leur valeur, toute la Fable a concerté de faire naî-


tre chez eux le Dieu Mars , & que 'les Grecs ja-
loux de toutes les Nations , & qui ont pris des
Barbares tout^ ce qu'ils ont pu , n'ont pourtant
ipas ofé leur ravir fa naiiTance pour s'en faire
honneur. Si mes conje<^ures , fur l'origine des
Tome IL V
-

i6t MOEURS DES SAUVAGES


Ameriquains, font bien fondées , on peut dire que-
leur bravoure ne fert qu'à fortifier celle-ci da-
vantage. Ils ont tous le cœur haut^ l'air fier &
noble ils font tous confifter leur gloire dans
5

leur courage , & leur réputation ne s'établit que


par les preuves fréquentes qu'ils ont données.,
d'une intrépide fermeté.
Mais fi l'Areskoui des Hurons & des îroquois.
eft r Ares des Grecs, ou le vrai Mars de laThrace,,
il faut avouer aufTi que les Iroquois & les Hu-
rons font encore plus dignes d'appartenir de plus-
près au Dieu de Guerre 3 que les autres Na-
la
tions Barbares de l'Amérique , par la fuperiorité-
qu'ils ont fur elles du côté de la valeur. Ils peu-
vent céder à- quelques-unes quelques avantages
de l'efprit ôc du corps la vivacité dans la con.-
:

verfation 5 la douceur dans la phyfionomie, l'a-


drefle en dilïerens exercices,la légèreté à la courfe^.,
ainfi du refte y. mais ils ne cèdent à qui que ce;
foitpour la bravoure:, ils paifent inconteflable-
ment pour être les meilleurs foldats , & on ne.'
peut au moins leurdilputer la qualité de braves.
La Guerre eft pour les Iroquois & pour les Hu-
rons un exercice nécefTaire , & peut-être eft-ce-
là même chofe pour tous les autres Sauvages de:
l'Amérique. Car outre les motifs ordinaires qu'on-
a de la déclarer à des voifins incommodes, qui
leur donnent ombrage, ou quileur en fourniffent
des caufes légitimes, en leur donnant de juftes
fujets de plainte, elle leur eft encore comme in--
, ,

A M E R I Q^U A I N S. 1^3
difpen'fable par une 4q leurs loix fondamentales.
Les familles, ainfi que je l'ai déjà obfervé
ne fe foutiennent que par le nombre de ceux qui
les compofent, foit hommes , foit femmes c'eft ;

dans ce nombre que confi fient leurs forces &


leurs principales richefles. La perte d'une feule
perfonne elî une grande perte , mais une perte
qu'il faut nécelfairement réparer, en remplaçant
cette perfonne qui manque , par une ou par
plufieurs autres , félon que la perfonne qu'on
doit remplacer, étoit plus ou moins confiderable.
Ce n'eft point à ceux de la Cabane i réparer
cette perte, mais à tous ceux qui y ont des al-
liances , ou leur Athonni , comme ils parlent j &
voilà en quoi confifte l'avantage d'une Cabane
d'avoir plufieurs hommes , qui y ayent pris naif-
fance. Car ces hommes quoique ifolés chez eux
^ bornés à eux-mêmes, mariant dans des Ca-
fe
banes différentes , les enfans qui naiffent de ces
divers Mariages, deviennent redevables à la Ca-
4)ane de leurs Pères , a laquelle ils font étrangers
& contradtent l'obligation de les remplacer de j

forte que la Matrone qui a la principale autorité


-dans cette Cabane, peut obliger ces enfans d'al-
ler en guerre comme bon luy femble , ou les rete-
nir s'ils vouloient entreprendre une guerre , qui
ne luy plut pas.
Quand donc cette Matrone juge qu'il efl: temps
de relever l'arbre , ou de remettre fur la natte,
quelqu'un de ceux de fa famille que la mort lui
Vij
,^4 MOEURS DES SAUVAGES
a enlevé , elle s'adrefTe à l'un de ceux , qui ont
leur Jthonni ch.tz elle, ôc qu'elle croit le plus ca^
pable d'exécuter fa commiffion. Elle luy parle
par un collier de porcelaine , & luy explique (q%
intentions pour Rengager à former un parti 5 ce
qui eft bien-tôt fait.

Il faut qu'il y ait quelque chofe de fembl'able éta^


Wi parmy les autres Nations mais qui peut varier
:

néanmoins félon les règles dont la Ginécocratie


eft établie parmi elles-. En certain temps les fem-
mes de la Floride viennent toutes enfemble de-^
vant le Chef, & fe mettant en fa prefence en pof-
ture de fuppliantes , elles pleurent les morts de
leur Nation , chacune luy reprefentant Les pertes

qu'elle a foufFert dans fa famille , & elles lui de^


mandent toutes de donner quelques foulagement
à leur douleur, en tiraiK vengeance des ennemis
qui l'ont caufée. Parmy les Caraïbes les Bre- &
filrens, ce font auflï les femmes ,
qui font char-
gées du foin de folliciter les guerriers de v-anger
Nation par leurs ennemis
les injures faites à leur
communs. C'eft pendant leurs^ feftins que les
femmes pleurent parmi eux , exagérant ce qu'el-
les ont foufFert , s'efForçant parleurs plaintes &
parleurs paroles d'éckaufFer le courage de leur
jeuneffe, afin dfe l'animer a marcher hardiment au
combat, & à y donner des preuves de leur valeur
&: de leur amour pour ceux de leur Natien dont
ils vangent la mort.

Il faut outre cela' qu'il y ait quelque obligation


-

ÂM E îll Q^U AINS: 1^5

païtîculiere dans les familles,de prendre main la eifi

querellcles unesdes awtres,avec desLoix néanmoins


un peu différentes de celles des Iroquois. C'eft ce
quej'inferedecequ'enaditThevet dontjerappor- xhevetcof-
teray ici les propres paroles. « Quant aux dites» i"!^i""èLg.
femmes veuves, elles ne fe remarient point , fi ce» p-s^?-
n'eft aux frères & plus proches parens de leur dé- «
funt mary j lefquels auparavant faut qu'ils van- «
gent la mort dudit défunt, s'il a été pris ôc man- »
gé de l'ennemi. S'il eft mortdevieiileffeou ma-*
ladie , il faut que celui qui doit prendre k veu- «
ve pour femme, amené un prilonnier qui né- «»

toïe fur la fofle du trépafTé , foit qu'on ait chan- «


gé de Village ou autrement: auffi que toutes les -
pennafleries , colliers , arcs &: flèches d'iceluy"
foient lavées par ledit prifonnier , même ion *

grand k6t où il couchoit de fon vivant. Encore»


ne fe 'remarient jamais lefdites veuves , à un»
moins fort &z vaillant- qu'étoit leur mary y car -«

autrement on les dépoferoic , 8t- kurs enfans &«


alliez mêmes en feroient fâchez & mal contens , «
de façon que s'il n'y a rencontre pareille , elles
aiment mieux demeurer ainfi veuves tout le ref-«
te de leur vie , & finir leurs jours avec leurs en- ••

fans & encore qu'elles fe remarient,fi eft-ce tou- «


:

tefois pl-us d'mi an apr^s le trépas de leur mary , •»


& autres chofes cy-delTus accomplies. A^ ce pro- «
pas je vous raconteray ici d'une femme , laquel- «
le aprcs la mort de fon mary , qui avoit été pris «

ôc mangé de fes ennemis , ne fe voulant jamais <•


.

V il
j
166 MOEURS DES SAUVAGES
« remarier , parce que nul des parens dudrt défunt
« ne s'écoic efforcé de vanger fa mort , & pour cet- ~

i. te caufe prenant l'arc & flèches s'en alla elle-


» même en la guerre i|ivec les hommes , & fit tant
«qu'elle amena des prifonniers, qu'elle baillai
«ruera, fes enfans , leur difant : tués , mes chers
~enfans, vangez la mort de votre père défunt^,
» puifque nul de Ces parens n'en fait autre ven-
» geance: c'eft pofïible, parce que je ne fuis pas af-

» fez jeune ôcaffez belle , mais une chofe eft en

«moi, c'eft que je fuis forte & vaillante , pour


» vanger la mort de votredit père mon mary &c •,

«de fait cette femme fit tant , qu'elle print plu-


.. fieurs de
ennemis prifonniers, qu'elle faifoit
(gs
«tuer, mêmes aux jeunes frères èc neveux dudit
» défunt de forte que remettant tous a6bes femi-
:

« nins & prenant les mafculins & virils , ne por-


•.toit plus les cheveux longs comme les 'autres
«femmes ou comme elle avoir accoutumé , ains
« s'accouftroit avec des pennafferies èc autres
» chofes convenantes aux hommes. Revenons
•> à notre propos : après avoir donc bien banqueté,
» faifant des fluttes des os de bras &c jambes de
>• leurs ennemis , & autres inftrumens comme ta- ,

» bourins faits à leur mode, & s'en vont fautans,


» &c danfans joyeufement tout au tour de leurs
« loges là où cependant les plus anciens ne ceffent
» tout le long du jour de boire fans manger , fe-

» Ion la coutume , &c font fervis par les veuves du

« défunt &c parentes d'iceluy , ôc m'étant informé


*

A MER I Q^U A I N S. 1^7


(d'eux de ces façons de faire ,, me répondirent , -
que c'étoit pour haufferle cœur à la jeunefTe, &»
afin de l'animer à marcher hardiment en guerre-
contre leurs ennemis ^ avec l'efpoir d'un tel hon-
neur, après qu'ils feront décédez.»
Les guerriers n'attendent pas toujours qu'on*
fes follicite , leur devoir les avertit fuffifament 3,
ôc le defir d'acquérir de la gloire, les prefTeenco-
re plus vivement que le. devoir ôc l'ulage. Gelui^
qui a envie de lever un parti, ou qui eft ainfî enga-
gé â le faire; fournie un collier, ou bien s'il la reçu ,
il le montre à ceux qu'il veut enroller dans foo'

expédition , comme le fignal de fon engagements.,


& du leur , fans leur direneamoins ni qui l'a fol- .

licite d'aller en^ guerre, ni qui eft la perfonne-


qu'il veut remplacer y que' s'il fait rant que de-
s'en expliquer à eux , c'eft un fecret entre les quar-
tiers dont le Village n'a point de connoiffance.
La guerre peut-être regardée ou comme parti-
culière quand de petits partis , dont:
elle fe fait par
iiy en a prefque toujours quelqu'un en campa-
gne ou comme générale quand ils marchent eir
:

Corps d'armée ^ & qu'elle fe fait au nom delà.


Nation.
Les A nciens ne font pas toujours confultés paE"
les Chefs de ces petits partis mais ils ne s'y oppo-
',

sent pas, quand l'intérêt delà Nation n'y eft pass


lui-même oppofé. Ils font au contraire bien aife^
de voir que leur jeunefTe s'exerce', & s'entretient-
iiedans cet efprrt guerrier, qui fait leur fureté erE
1^8 MOEUU^DES SAUVAGES
les rendant formidables. Mais s'ils craignoietit
,quc le nombre de cqs partis n'affoiblit trop leur
village ; qu'ils allafTent infulter quelque nation
.qu'ils veulent encore ménager,;ou bien qu'ils euf-
fenc beifoin de leurs Guerriers pour quelque
deflein fecret , alors ils font agir fous main pour
arrêter les Chefs. Si leurs négotiations ne font
pas affés heureufes , ou qu'ils voyent quelque
difficulté à y réuflir , ils les laiflfent partir & les
font revenir par de faux avis qu'iû leur font
donner adroitement en chemin mais le plus fur i

, jîioyen qu'ils ayent en main pour rompre leifrs


entreprifes, c'eft de gagner les Matrones des Ca-
J3anes, où ceux qui fe font engagés avec le Chef
•ont leur Athonni,\ car celles-ci n'ont qu'à inter-
,

pofer leur autorité pour faire avorter tous les


nrojets les mieux concertés , ce qui montre qu'el-
les ont ua crédit en quelque forte plus réel que
le confeil même des anciens. Mais on employé
^rarement ce moyen , parce que les S,auvage.s fe
ménagent extrêmement les uns l^s autres, & ne
.veulent que difficilement mettre en oeuvre ces
•voyes de crédit & d'autorité , qui peuvent faire
violence à l'inclination.
Ces petits partis ne font compofés d'ordinaire
que de feptou huit perfonnes d'un Village mais i

ce nombre fouvent par ceux des au-


grolïît aflez
tres Villages, ou des nations alliées qui s'y joi-
vici Apoii. o;nent; & ils peuvent être comparés aux ArgoQau-
Argonaut. tes,3 qui pout kur célèbre efltreprile, compoloient
une
A M E R I Q^TJ Al N s. 169

une armée, laquelle n'étoit pas plus nombreufe


.que la moindre Compagnie d'Infanterie.
Lts partis détachés , qui Te forment ainfi en
'pleine paix , pour ne pas interefler la Nation par
Aç-s hoftilités, lefquelles pourroient avoir à^s fui-
tes facheu fes, vont porter Guerre chez les peu-
la
ples les plus reculés. Ils feront deux ou trois ans
en chemin ,.& feronc^deux ou trois mille lieues,
i.âller & venir pour cafTer une tête , & enlever
une chevelure. Cette petite Guerre eftun vérita-
ble afïafTinat , & un brigandage , qui n'a nulle
apparence de juftice , ni dans le motif qui l'a
fait entreprendre , ni par rapport aux peuples à
,qui elle eft faite ils ne font feulement pas con-
:

nus de ces Nations éloignées , ou ne le font que


par les dommages qu'ils leur caufent , lorfqu'ils
^ont aflbmmer ou les faire efclaves prefque
les ,

jufques aux portes de leurs PalifTades. Les Sau-


vages regardent cela néanmoins comme une bel-
le adlion.
la XSuerre , qu'ils fe font entre voifins , eft or-
dinairement plus motivée. Lajaloufie, qui règne
entre tous ces peuples , fait que fe procurant
mutuellement divers dégoûts , ils ne tardent pas
long -temps à avoir des caufes legitirnes d'une
rupture. Pour peu qu'ils foient aigris , ou qu'ils
croyent avoir raifon d'être mécontens les un^
àts autres , ils ne lailTent point pafTer les pcca-
fïons qui fe prefentent de prendre à leur avanta^
ge , ceux dont ils peuvent aisément fe défaire ,
Tom&lL X
170 MOEURS DES SAUVAGES
lorfqu'ils les rencontrentdans leurs Païs de chaf-
fe j ou qu'ils palTent à l'écart fur leurs Terres ,,
en revenant de faire la Guerre dans les Païs éloi-
gnés. L'efperance de l'impunité, &c de pouvoir
dérober à la connoiflance des iiitereffés ces for-

tes d'aflafïinats , enhardit beaucoup a les commet-


tre Vmais ils ne peuvent erre fi fecrers que le
^myllere ne s'en découvre tôt ou tard , par l'impru-
dence des coupables , ou qu'ils ne laiiTent de vio-
lents foupçons, qui font des playes aufli profon-
des que les preuves les plus complettes , & les
mieux développées. La Nation , qui eft en faute ,.
tâche alors de le juftifier k mieux qu'elle peut.
Elle fait précéder les excufes ks mieux colorées,
elle va enfuite couvrir les morts, & faire des pré-
fens pour reflerrer les nœuds d'une intelligence
prête à fe rompremais bien que ces préfens
y

foient acceptés, fi la conjonélure des temps n'eft


pas propre au deflein qu'on auroit d'en prendre
une vengeance entière, on ne doit pas fe Jflater
que l'injure foir entièrement oubliée. L'appareil
qu'on a mis fur cette playe ne fait que la couvrir
fans la fermer, elle fiigne intérieurement, tandis
que l'ennemy n'en a point reçu tout le châtiment
que le reffenriment infpire le Confeil tient un
:

Regiftie exad de ceux, qui ont été tués dans ces


fortes d'occafions , & on en rafraichît la mémoi-
re jufqu'à ce qu'on foit en état d'en prendre la
fatisfa6tion la plus éclatanre.
Le Confeil ne fe, détermine point à la Guerre.,
A M E R I Q^U A I N S. ,71

fans en avoir couvé long-temps le deflein, & fans


avoir peie toutes les raifons du pour ôc du contre,
avec beaucoup de maturité. Toutes les AlTemblées
roulent fur cette matière. On y examine avec foin
toutes les fuites d'une entreprife de cette confe-
quence on y met en délibération les moyens
: &
les mefures qu'on peut prendre, & on ne néglige
aucune des moindres précautions. Ils n'obmetent
rien en particulier pour s'aflurer de leurs alliez,
ôc de leurs voifins ils envoyeur chez tous des
,

ambaflades fecretes &


des colliers fous terre,
,

pour- les engager à embraiïer la même caufe, ou


pour Iqs obligera fe tenir neutres, par les motifs
de défiance qu'ils ont foin de femer , afin de Ïqs
tenir en refpe6t les uns par les autres.
La paix dans le Confeil a fes partifans ze-
lez aulTi-bien que la Guerre. Ceux qui ne font
animés à la vengeance que par la perte de leurs
concitoyens , quoi qu'ils ne voyent pas ces fortes
de pertes avec indifférence , les fentent cependant
bien moins que ceux , qui pleurent leurs frères^
ou leurs proches ils font aufïi plus en état de ju-
;

ger s'il convient mieux d'éclater ou de difïimu-


ler : mais ils ne font pas- toujours les maîtres de
faire goûter la folidité de leurs raifons. Dans les cas
de partage , ceux qui font le plus irrités font quel-
quefois engager la partie fous-main , & commen-
cer les hoftilités par des avanturiers détachés,
qui font pancher la balance, & hâtent la conclu*
fioh d'une Guerre que les circonftances rendent
alors neceffaire. X ij
i-ji. MOEURIDES SAUVAGES
La paix étant ainfi rompue, ou mev
toutes les
fures étant bien concertées pour la rompre, on
levé publiquement la Hache,. on l'envoyé porter
folemnellement félon la coutume , aux Nations
alliées, &on chante la Guerre dans tous Jes villa*
ges.La terreur du nom Iroquois eft tellement
répandue , que dans ce moment tous- leurs voi-
iîns tremblent chacun pour (by ,.& ne fortens
d'inquiétude que lorfqu'ils ont vu ou le coup doit
aller frapper. C'eft une politique, dans ceux la.,
lors même qu'ils chantent la Guerre,de
ne point fs
hâter de partir, & de balancer long-temps le.coup^
pour les tenir tous en haleine; de différer fouvenc
d'une année à l'autre, pour endormir &
pour en-r
gager dans une fiulfe fecurité y ceux qu'ils veu-r
lentfurprendre: maisc'eilrauffi une. politique or--
dinaire dans les autresde donner cours a tous les
bruits de Guerre,, quelques faux qu'ils puiffenc
être, de les fomenter, de les reveiller, ou de les
répandre eux-mêmes , .afin de tenir ieuj- jeuneffe
fur le qui vive-, & de n'être, point pris au dépourvu^
La Guerre aiant été établie par la neceffité de
fe mettre à l'abry de L'injuftice , de repouffer la
force par la force., & de fe faire .raifon: des. in-

jures que lès Peuples pouvoiem recevoir les uns


des autres , fut aufli fan6bifiée par. la Religion 3.
ainfique je l'ay dit^ & avoir {.t% Loix univerfeL
lement receiies , qu'on obfervoit fcrupuleufemeut
même entre, ennemis , afin qu'elle ne fortit pas
fille-même hors des bornes de la juftice, &qu'eL
AM E R I Q,U A I N S. 175
lè ne violât pas le droit des Gens qu'elle devoit
plutôt maintenir. Sur ce principe , nous voyons
vide Alciai»'
que dans l'Antiquité, ^ on ne commençoit point Jj^ m ab Alex.

une. Guerre fans avoir de juftes raifons de la dé- G^aiai.diei


er.

5-

clarer, &: fans l'avoir déclarée dans les formes. &scrviitniB


'*"
Les Romains en particulier avoient cette exadli- '

lude. Ils avoient des perfonnes établies pour ju-


ger de la juftice de leurca-ufe, & quand ils pré-
tendoient avoir été lezés par les peuples voifins j
ils envoyoient quatre. Hérauts demander la fatis-

fadion 3 qpi leur étoit duév Ces Hérauts ayant


pris des Verveines au Capitole, & d'autres Her-*
ties 3.^^Q\\é^s Sagmina j qui étoient. la marque de^

leur Légation , & ayant la tête couronnée de ban-*


djelettes de laine, alloient expofcr les prétentions
du peuple Romain & fi- après un certain tempsj

marqué on ne faifoit pas droit à leur demande j


ils retournoient jufques fur les limites des Termes
de leurs ennemis -, là le Chef d'entr'eux^ qu'on
nommok PMer qui feul avoir droit de
PatrattiS y

déclarer la Guerre , ayant prononcé en prefence


de trois témoins certaine formule de paroles (0-1
.,

lemnelles , ufitées en ces occafions , d'une voix


claire &c diftind:e , -qui fit donner à cette cere-
* Alex ab Alexandre Genialium ut de ienatus -confilio & populi .

àierum. Itb. f. cap. 3. Ibat Pater yuffu , haftam ferratam >


fecialis
Patratus ad hoftium fines verba & aut -fanguineam praeuftam , ad fi^
iôlemniaprifàtus j bellum .à po- nés illorum jacerec non mi—
: &
pulo Romano contra praEfcripcos nus tribus puberibus prjefentibus •

hoftes , ob légitimas quas cenfue- bellum indiceret, &


ita dcnun-.
rat caufas j clarà voce indicebat, ciari &
indici juftum piumque--
poftqiramClarigationemmoserat, bellum putavere , &c.
Xiij
,

Î74 MOEURS DES SAUVAGES


monie le nom
de Clarigation , jettoit fur la
Terre ennemie une lance armée de fer, ou feule-
ment un bois de lance '^ teint de couleur de fang,
ôc brûlé par le bout après quoi il étoit permis
;

de commencer les hoftilités.


Il y a encore en quelques endroits de l'Amé-

rique un refte de cet ancien ufage. A la Floride


la manière de déclarer la Guerre étoit d'aJler plan-
ter fur les terres des ennemis , dans les pa(Kiges
les plus expofés, des flèches au fommet defquel-
Iqs on attachoit un floccon de coton ou de laine.
Plufieurs autres Peuples de l'Amérique Septen-
trionale , au lieu de flèches mettent un cafletcte
peint de noir &c de rouge i mais cette manière
de déclarer la Guerre dans les formes efl; rare. Peu
fcrupuleux fur la juftice de leur caufe, ils le font
aujourd'hui encore moins à obferver les forma-
lités anciennes ne penfant qu'à accabler leurs
;

ennemis, ils ne vifent aufli qu'à les furprendre,


ôc à tomber fur eux lorfqu'ils
y penferont le moins.
L'animofité de deux Nations ennemies n'efl; pas
toujours fi vive que l'une & l'autre s'arment pour
* Servius inhscverba j Lib. 9. certas caufâs^aut quia /ô dos 1^-
^neidos. E» ait. ( Turnus)
, & fcrant^auc quia nec abrepra ani-
]aculum tntorquens emtttit in auras malia, nec obnoxios redderenc
frincipium pugrj^ , fie habec. Hoc Ethxc Clarigatio àicéaiitut à cJa-
de Romanâ (ôlemnicate tradlum ritate vocis. Poft quam Clariga-
eft. Cumenim volebant bellum tionem haftà in eorum fines mifsâ,
indicere, Pater Patratus , hoc efl: indicabatur )am pugnaz priaci-
princeps fccialiutn proficifceba- pium. Poft tcrtium autem & tri-
eur ad ho/lium fines : & prxfatus cefimum diem quam res repetif-
quGedam /ôlemnia , clara voce di- fent ab hoftibus , feciales hafliam
ccbat fe bellum indicere propter mitcebanr.
A M E R I Q^U A I N S: 175
3'entre-détruire cherchent leur ruine totale.
j ôc

On en a vu de rivales , comme Rome & Car-


thage , fe modérer dans leur victoire cefler de i

reî^arder leurs ennemis comme tels, dès-lors que


leur défaite avoir ôté cette égalité qui caufoit l'é-

mulation les épargner , afin de leur donner le


;

temps de refpirer &c de fe relever, pourdifputer


de nouveau l'avantage ôc la primauté. Il s'eft
trouvé aufli des occafions où la j^uerre étoit un?
concert de politique entre les chefs des partis op-
pofé spour tenir leur jeunefle alerte, de qui n'a-
voit d'autre but que de fe. harceler pour mettre
leur valeur a l'épreuve..
Le Père Garnier m'a raconté un fait que jera-
porte ici volontiers, à caufe de fa fingularité, &.
fur-tout à caufe d'une exprefïion remarquable qui'
fe trouve dans, la fainte. Ecriture avec la même:
fignification , & une occafion pareille.
pour
Shonnonkeritaoui Chef des Tfonnontouans , ou
,

bien Sagofendagete Chef àts Onnontagués je ne:


, (

me fouviens pas affez diftmdjement lequel des-


deux ) fit folliciter le Chef delà Nation Neutre 5,
de permettre que leurs jeunes gens allaffent en^
guerre les uns contre les autres,..& fe harcelaflent
par de petits partis: Celui-ci intimidé par ce qui;
Vînoit d'arriver aux Hurons fes voifins, dont le
Êmg fumoit encore , & dont la défaite entière:
étoit toute récente i
lui fit répondre qu'il n'y
pouvoir confentir , & qu'il appréhendoit trop les
fxiites funeftes , qui pourroient naître de. la fa^
,

175 MOEURS DES SAUVAGES


cilité qu'il auroiteue à donner les mains a cette
propoficion. L'Iroquoisj qui ne pouvoic trouver
a redire à cette raifon , mais qui pourtant vou-
loir toujours en venir à Ton but, lui fit deman-
der avec qui donc vouloit que fes enfms jouaient.
il

Rfg. Hb. t. Abner fe fervit autrefois de la même façon de


parler, lorfque fon armée de David fe
, & celle
trouvant en prefence, il fit propofer à Joab un
duel entre des gens choifis de part & d'autre^
qui leur en donnaifent le divertiffement i la tête
des deux camps. Dixitque Abner ad Joab : Jùrgant
^ueri & luâant coramnohis. Et rej^ondit Joab yjùrgant.
Le duel fut accepté? Il fortit alors des deux ar-
mées douze bra.ves contre douze , qui s'étant fai-
uns les autres par la tête, fe percèrent mu-
(îs les

tuellement , &
finirent ce jeu .en expirant des
coups qu'ils fe portèrent 5 adlion mémorable ,
qui confacra le lieu où elle s-étoit paffée , par le
ibià.r.u. nom qui lui en refta , de Champ des Forts.
A^er Kobuflorum.
Soit que le Chef de la Nation Neutre fe rendit
enfin à la propofition qui lui avoir été faite,
y fut forcé par quelques efcarmouches
foit qu'il
faites contre fes gens, la petite guerre commença.
Mais malheureufement , dès les premières ren-
contres , le propre neveu du Chef Iroquois fut
fait prifonnier, & donné dans une Cabane, où
on le condamna au feu. Le malheureux oncle,
qui s'étoit perfua:dé qu'on devoir avoir des égar<ds
pour une perfonne qui lui touchoit de fi pr-ès

fur
,

A M E RI QJJ A I N S. T77
lut extraordinairement irrité contre le Chef en-
nemi , & fouvent dans les accès de fa dou-
difoit
leur. " Mon frère , pourquoi n'as-tu pas fauve ton«
neveu &Me mien ? « Les efprits s'étant ainfi extrê-
mement aigris, la Guerre s'envenima tout de bon ,
& ne finit que par ladeftrudion totale de la Na-
tion neutre, dont le Chef fembloit avoir prevû.
Ja ruine.
Dans le temps que deux Nations puiflfantes
font ainfi fortement animées , de manière qu'il
femble que la Guerre ne puiffe finir que par la
perte de l'une ou de l'autre, le feul éclat de leur
ruptureeftcapabledefouleverprefquetoutel'Ame-
rique Septentrionale, & de la mettre en armes d'un
bout à l'autre. Que l'Iroquois , par exemple , dé-
clare la Guerre à l'Outaouach , ou à l'iJinois, il
n'en faut pas davantage pour caufer un embra-
fement, aufli générai que le fut celui que caufa
la fa m eu fe Guerre de Troye, où la Grèce entière
fe trouva armée contre l'Afie. Lacomparaifon eft
jufte. Le Royame de Priam , fi vanté par les Poè-
tes , étoit borné à la Troade , & à la Phrygie , qui
étoit un afles petit pais de l'A fie Mineure. La
Guerre, que les Grecs lui firent , réunit dans un
Corps ^l'ar^Tiée tous les Peuples differens de la
Mer Egée, & du Peloponefe, fous divers Capi-
taines , qu'on honore du nom de Roys , & dont
les Etats confiftoient dans quelques Villages. Le
plaifant Roy, par exemple, que le Roy d'Ithaque
lequel étoit un de 'ceux qui figuroient davantage
Tome II. Y
x-j% MOEURS DES SAUVAGES
dans cette célèbre Ligue. Priam vit aufli courir
à fa dcfenfe fous divers Chefs , non feulementi
tous ces petics Peuples de l'Afie Mineure , qui;
ctoient les alliez, & fesvoifins, tels qu'étoientles-
Lyciens, &c , mais encore les Nations les plus re-
culées de la grande Afie. Penthefilée Reine des
Amazones y vint àzs bords du Tanaïs , Rhefus-
s'y tranfporta du fonds de la THrace , & Memnorv
qu'on dit être un Général àts Egyptiens , des
Affyriens ou des Ethiopiens ,, y conduifit les
,

troupes de l'Aurore- Cette quantité de Nations,


iie faifoiti pas de nombreufes Armées. Quel fe-

cours.de troupes: Auxiliaires amena Rhefus, que


Diomede & Ulyffe feuls défirent , pendant le
fommeil, la premierenuit de leur arrivée, avant
que leurs Chevaux eulTent pu boire les eaux du
fleuve Xante? Et fans parler de l'exagération des
Poètes, fî l'on veut confiderer quelle pouvoit être
alors, &laftru6bure, &. la capacité des Vaiffeaux^
le nombre de mille, qui compofoientla Flotte des
Grecs, n'étoit peut-être pas capable de cQmpo-
fer une Armée de vingt mille hommes.
La Cabane Iroquoife réunie , en état, 2.
n'eft pas
cequeje crois,deGompterbeauGoupau de-la detrois
mille combattahs. Cependant l'Iroquois feul caufe
de la jaloufie aux Nations les plus reculées-, de-
puis l'embouchure du fleuve S. Laurent & \qs c6^
tes de la Mer Oceane, jufques au bord&du Miflî-
fippi. Cela ne doit point paroîtie furprenant a
ceux , qui ont quelque connoifl'ance de l'Ameri*
A MER I Q^U A I N S. ,7,
que y Se des Barbares qui l'habitent. Quoiqu'il y
ait un afles o:r''ii"i<^e multitude de Nations difFe-
jrentes chacune de ces Nations en particulier eft
,

Teduite à un petit nombre de Villages, & plu-


sieurs même à un feul de forte que quelques-unes
',

ne fçauroient fournir jufques à trente guerriers.


En fécond lieu , elles occupent des pais immen-
£es de fombres forêts, ou de prairies incultes, &
<elles font dans un fi grand éloignement les unes

<Jes autres , qu'il fau.t quelquefois faire deux &


trois cent lieues avant que de rencontrer une ame
vivante. Cela fait que le chemin efl: compté pour
rien dans ces vaftes folitudes, ou une très -petite
stroupe peut marcher long- temps fans crainte,
iôc qu'un voyage defept ou huit cens lieiies y eli

regardé , comme on regarderoit en France une


promenade de Paris à Orléans. D'ailleurs les pe-
tites Nations , qui étant au voifinage les unes des
autres , devroient fe défendre mutuellement , nç
s'entendent pas affez entre-elles à caufe de leurs
differens fujets de jaloufie ou ne font pas afles a j

portée, quoique voifines , de fe prêter la rnain en


cas defurprife, cohtre un ennemy plus ^redouta^
i)le , qui efl: à leurs portes loTjfqu'il efl: le mo/ns a^^-
tendu de forte que pour
i réfifl:er à cet eimemy
commun , elles font obligées de faire alliance
.avec le? Nations , qui font i l'autre extjrje^pité 4^
l'Amérique Septentrionale, af?n de faire. une di-
ve^on , ôc de lafoiblir en l'obligeant à-div^fe'r fes
forces. : sxj
iSo MOEURS DES SAUVAGES '

C'eft fur ce double fondement du petit nom-


bre de perfonnes dont étoit compofée chaque Na».
tion dans les premiers temps , & de la vafte éten-
"diië des Païs inhabités , que nous devons raifon-

ner, pour expliquer les longues courfes , les tranf-


migrations , & les alliances de certaines Nations
très-éloio;nées, lesquelles fans cela feroient très-in-
intelligibles. Drodore de Sicile nous fait une pein-
ture de la Gaule Meridianale^ entièrement fèm-
blable à celle qu'on pourroit faire aujourd'huy du
Canada. En effet les Gaules , les Efpagnes , la
Germanie, l'Ptalienicme 5c les autres parties de-

l'Europeétoient des Régions hériflees de forêts que-


la nature y avoient mifes , &
de Montagnes cou-
vertes de neiges , où Tart n'avoit point encore tra^-
vaillé pour y pratiquer des routes &c des fentiersi.
Il étoirfacile dans ces affreufes folitudes aux Ga-^

îates, &c aux Iberiens derfê tranfporter d'Afie, dans


les Gaules, & dans les Efpagnes , il ne l'étoit pas
moins pour retourner de-la en Afie.
Les Nations éparfes ça & là étoient très -peu
nombreufes fans cela- eommem feroit-il poffible
-,

de comprendre qu'une Armée, auiÏÏ petite que


celle- des Argonautes, eut pu traverfer une aulïî
"grande étendue de pais que les Poètes leur font
courir, & défaire autant de Nations , qu'il y en
avoit qilis'pppofokntà leurpafTage, & àleuren-
"treprife e^eftun récit fabuleux, medira-t-on,
:

te le veux croire' , quoique , félon les regle^ du


Poème il ne doive pas l'être quant au fonds''(8cà
j,
AME RI Q^U AIN s. ig,

k fubftance de l'objet principal


j mais dans le fa-

buleux même, les Poètes ont foin de confcrver la


vrai* - femblance dans les chofes qui font
, naturel-
les , & qui ne demandent pas des prodicres
, ou

des denoiiemens , lefquels ne peuvent fe faire que


par l'entremife des Dieux.
Ce que je viens de dire peut fervir à éclaircir
ïin endroit de l'Ecriture- Sainte qui a embarraffé
,

les Ihterpretes, & que


rapporterai ici, parce
je Gen.câr.14.
qu'il eft de mon fujer, à caufe des conjedurejjque
j'ai fur l'origine des Iroquois &
des Hurons. Il •

s'agit des quatre Rois alliez pour faire la Guerre


aux cinq autres^ Rois de ces Villes criminelles,
viaePoiy-

RI
que Dieu confuma par le feu du Giel; Ges quatre
/-->lil!f „ ^
OIS etoient, CriodorranomorRoy desElamites
,

,
, i-
^°'"
bliaMcxima
*""?.
'^'"'^'
'^

14.
^'''

ou des Perfes , Amraphel Roy de Sennaar , ou


de Babylone-, Arioch Roy de Pont , & Thadai
Roy des Nations. Les verfions varient davantage
au fujet de ces deuif derniers. t'Hebraique, qu'Ont
kelos & les Septante ont fuivi<, appelle Jrwch Roj
iHettafar] h vcrfion Arabique Koyde Sarian; celïe
de Symmaque Koy des Scythes; mais S. Jérôme,
fuivant la tradudion d'Aquila, le nomme
Koy de
Pont. Onreft encore plus incertain au fujet
de ce
Thadai , à caufe
de l'univerfilite du terme Kqy
des Nations. L'Hébreu porte
Roji de Goim, & le
Syriaque traduit Roy des Gebtes. Mais ces pais
d'Hellafar, de Sarian, &de Goim, font entière-
ment» inconnus dans la Géographie ancienne
&c
moderne. Quelques-uns, après Symmaque, ea-
Y ii;
,,

ï8i MOEURS DES SAUVAGES


tendent par le mot Gentium y h Pamphilie , oM
pour mieux dire, cette partie de l'Afie Mineure
qui comprenoit plufieuis petits peuples feparés,
'dont chacun étoit maître chez foy , & que l'Ecri-
tiUQ Sainte appelle Populus Gentium, comme elle
nomme les Ifles de la Mer Egée, InfitU Gentium^
les Ifles des Nations,.
Le fu;)et de l'embarras des interprètes, c'eft le
grand éloignement qu'il y a d'un pais à un autre
& l'efpece d'impoffibilité, qui femble rcfulter de
ce grand éloignement, que ces Roy s pufTeat être
alliez enfemble pour faire la Guerre à cinq Roys
kfquels étoient afTcs voifins. Pour éviter donc cet
embarras ils tachent de r'approcher le plus qu'ils
,

peuvent les Etats de ces Princes, & difent qu'A-


rioch étoit Roy d'une Ville de la Cœlefyrie qu'E-
tienne nomme ElUsy & ils placent le Royaume des
Mafius jo- Nations dans cette partie delà Galilée , qu'on nom-
^ue^.Lap. II.
ixioit Galilée des Nations, GaliUa Gentium; mais à

qui on a donné ce nom par une anticipation , doat


on trouve ailleurs des exemples dans les Livres
faints ; car cette dénomination eft moins ancienne
que Moy fe, & ne fe trouve point dans Jofué , quoi-
qu'ils faflent mention l'un & l'autre de la Galilée,
La bafle Galilée ne fut en effet nommée Galilée des
Gentils que long-temps après , à caufe des Phéni-
ciens &
autres petits Peuples Idolâtres jde la race
<le Chanaan, qui l'habitoient.
Mais le fondement de ces difficultez efi: nul , G.

l'on fait attention qu'il n'étoit pas plus difficile à


ces Roys de s'allier enfemble, qu'il le futi Priam
A M E R I Q^U A I N S. 1^5

^'être allié à des Peuples très-reculez dans l'A-


fie & dans l'Afrique -, ,&: qu'il l'a été aux Fran-
çois dans Guerre , qu'ils
la dernière ont faite em
Amérique, eu lyKT, quand pour aller fecourir
les Tionnontatés , il leur fallut faire fix ou fept
gens lieiies pour aller jufques ehez les Outagamis
lies forcer dans leur fort ou ils étoient un très-
,.

petit nombre de Guerriers. Or fuppofé que les


Etats d' Arioch & de Thadal eulTent été dans l' A-
fie Mineure ,.ils n'étoient pas éloignés de plus
d'environ quatre à cinq cens lieiies des Etats de
Chodorlahomor & d'Amraphel, & ceux à qui ils
faifbient la Guerre euffent été dans cette hypo-
thefe, au centre par rapport aux uns Ôc aux au-
tres.
Jeeroiî cependant qu'on peut r'approcher da^
vantage les Etats de ces Princes , en fe tenant a.
laVulgate, &
aux autres verfions, qui placent-
Thadal, &
Arioch dans le Pont, & vers les Por-
tes Cafpiennes , dans la Scythie Asiatique. Le-
noni d' Arioch , qu'Eufebe nomme Arehs , con^
Yient à l'Jres des Barbares , & à cette Province-
nommée Areïane y laquelle étoit voifine de la Per-
fe , & s'étendoit jufques aux Portes Cafpiennes*-
Le nom même
d'Areiane, ou d'Ariane, lerapor-
te fort au Ro'iaumede Sarian de la verfion Ara-
bique. Thadal Roy des Gelites, félon la verfioiï
Syriaque, étoit fort voifm d'Arioch j car ïl y z-
apparence que les Gelites étoient \qs mêmes que
ceux , qui font appelles GeUy ou GcU dans la Geo^

]fc_.
ï«4 MOEURS DES SAUVAGES
graphie ancienne, lefquels étoient aufïî vers la
op^is!"'^
^ ^^^ Cafpienne. Pline les confond avec les Cadii-
strabo.Lib. ficns, Strabott les diftingue, &
que les Cadu-
dit
'ggP"''""^ /îens avoient prefque autant de gens de pied que
les Peuples de l'Ariane. n'y avoir pas au refte
Il

un fi grand éloignement des Etats de cqs deux


Princes, en les plaçant dans le Pont en tirant vers
l'Afie Mineure de ceux de leurs deux autres
,

Lift.iHdic' Confederez car il eft rapporté dans Arrien,que


;

pendant qu'Alexandre traverfoit la Perfe, il lui


vint des AmbafTadeurs des Nations , qui habi-
toient vers le Pont-Euxin , par un chemin très-
court , de forte que ce Prince en fut très - furpris.
On peut ajouter que les Villes & les Nations
étant ambulantes dans ces premiers temps , oa
pourr-oit r'approcher encore plus facilement Its
Etats des deux autres Roy5, fur-tout de celuy de«
Elamites , dont le pais n'étoit pas fi éloigné , ni fx

étend-u qu'il le fut depuis. On ne peut nier que \q$


Elamites, ou les Perfes , jufques au temps de Cy-
rus, n'aient vécu à la façon dçs Sauvages , ainfi
que je l'ay prouvé par Hérodote.
Cexte Guerre dont parle l'Ecriture , n'étoit pas
dans un fens fi petite qu'on veut la faire car ,

quoique les Rois de la Pentapole fuflent voifins,


la Guerre ne laiffoit pas d'embraffer une grande
étendue de païs ce qui paroît manifeftement par
-,

la fainte Ecriture même; puifque ces quatre Rois

GeQ.^êp.f4. alliez, avant de vaincre les cinq autres détruifi»-


5*6 7- r.ent plui^eurs Nations , lerquelles étpieiit appa-
V.

renimen.
AMER IQ^UA I N Si, j ,/ ,85

remment dîins l'alliance de leurs ennemis. :,.Ç'é-


toit les Raphaims , les Emims de la race des
Géants, les Zuzims , les Chorrœens , les Amalé-
citcs , & les Amorrhéens. Elle étoit petite
cepen-
dant d'une autre côté car toutes ces Nations , qui
-,

occupoient une étendue de pais fi confiderable,


'étoient très-peu nombreufes. Rien ne le montre
mieux que ce qui arriva à ces quatre Rois vain-
ijùeurs de tant de Peuples , & qui venoient enco-
re de triompher de ceux de la Pentapole car ce$^ :

fuperbes Gônquerans furent vaincus dans leur


victoire par Abraham a la tête de trois cent dix-
Ibid. V. ly;
huit hotnmes de (es gtns y &c peut-être, quelque
peu des troupes Auxiliaires des deux frères Efcpl,
& Âner, qui étoient fes alliez. ^uiQ-rjjf, snrj'up
Je fçais qu'on peut faire des diffictiltés fur ce.,
que je dis du petit nombre de chaque Nation.^
& qu'on peut m'oi)je6ber que ces païs ont été eiXrV
tremement peuplés i ce qu'on p^utjprQuvèr p^^
l'ekemple même -des ïfraëlites^ llçC^ncls Muîtij}
plièrent fi fort dans le defert, mais il nîy.a.qu^à
diftinguer les temps. Les peuples ont eu' leurs: viT^.'
cilîîtudes dans un temps ihtjntiété .eft trç.s-peciji
i

nombre , & dans d'autrei ils £e font.fi; fprt ^çferuçj^


qu'ils ont inondé: tous: Les .Etats; rdj^jle^rs vbjfinsj^
comme des torrensi îi! .; '=)V"îfr ]')

IL la Hache n'efl: pas plutôt levée, que les ÇheA .^'^^"jff


de Guerre fe difpofcnt à afrembler leiir rnonde, gedel'En-
& que ceux, qui ont envie de les fuivre , lèvent ^ol^^^^ent^

Tome IL Aa
1 ,

^U MOEURS DES SAUVAGES


la un morceau de bois façonné,,
Bûchette. C'eft
orné de vermillon, que chacun àts Guerriers-
marque de quelque note, ou figure diftindive,.
& qu'il donne au Chef,. comme un fymbole qui
lé repréfencefen\perfonne,&; qui peut être regar-
dé comme le iien de fon eng^agement > tandis^
qu'il fubfifte..
J'avois cru que , quelque engagement que
priflfent les Sauvages en €es fortes d'oecafions st,

lis pbuVôient le rompre.ians façon , & retirer leuri


par<3le, CiîymFîne en eonfequence
il leur plaifoit ,,

de cette liberté , qui parou fi naturelle, en eux ,


qu'ils femblent tous independans les uns des au-
t^-es,^ que l'on eroiroir que leuîs Chefs n'oni^.
qu'une autorité fans coadion , & qui relevé eii
duelcnïé' forte de la volonté a<51:uelJe de chaque
particulier;- Mais j.'ài été détcompé datis la fuite ,.
for te pointv par ce qui arriva dans la Mifïioji
dés; Hùrotfs de Lofette s carréiaht furvenu quel-
que d'un Sauv^ige qu'il s'a-
difficulté à l'occafion
gilTpit de chaffer, parce qu'il avoit contrevenu à
quelque chofeà quoi le Village s'étoitengagé fo-
kmneMement , &
dont l'engagement fubfiftoit
par des Bûchettes fèmblables à celles qu'on levé
pour aller enïGiierre :iin ancien' exhorta le Mif-
fionnaire à tenir ferme , en lui difant qu^on ufoit
encore d'indulgence envers le coupable, & que
lii^u'o" «^'"ét'oit une Loy de temps
immémorial dins leur
.;i.5-iah3 tj
pàfeV q'^Ê 1^ Village; étoit en droit de faire imou-
ofrinullo:
j^^, ^gjy- ^^- a^prèslavioir levé la BucheDtenereiO^
*.- /
,
,

- ^ Â:UEVCl^ij  INS. iéj


pliïToit pcis lés obligations de Ton engagetnent.
Quoique cette Loy ne s'obferve pas aujourd'huy
à la rigueur, il y a cependant plufieurs exemples
de feverité encore afles récehs , & l'on a vu alTés
fouvent des Chefs cafler'la tête de fang froid, ôc
par voie de fait à des particuliers, qui étoient al-
lez en Guerre contre leur volonté, ou qui avoient
deferté en chemin , abandonnant le parti dans lef-
quel Ils s'étoient enrôliez. •

Cette manière de contra<5teT des engâgemei^tsi


tn fe donnant mutuellement quelque fymbole
^ quelque gage fignificatif de la foy donnée,
n'étoit pas particulière aux Barbares j mais elle
avoi.t pafFé d'eux aux Grecs Sz aux Romains , ôé
«Ue s'étoit confervée encore alTés long- temps ^
après les fiécles florifTants de la Republique juf-
ques au bas Empire. On appelloit ces fymboles
Tejfera , & c'étoient de petits morceaux de bpis,;^
unis àts deux cotés , fur lefqueljs ôh ;tr'iiçoi^ dés
chilFres, oudes figures félon ce qiîè l'oiï vôûlôii:^'

repréfenter ôc fignifier. Les plus refpedlables ^^


& qui étoient de l'Antiquité' ta plus vénérable/
étoient ceux qu'on hoïi^m^t- Uol^klh.., "pârcé^
qu'ils étoient donnés' 'éttj'fitiïè^i^ké^.icâîf^é-, 'doni:;
les droits étoient ce c](n*il-^iv6ir de plus fafnt' éè*
de pltïs (àcré, & pafloient iufqu'aux' .aefcendants.
Les Hôtes, en fe feparânt!,' 'partag,ôiéiîtk fymbo-J
le , &én^gardoiént très-pfqcîeuferiîérifc' ^s';pieces/
afin de pouvoir \ts confronter 'au 4a^ ijtf'its Vihf-'^
fent à fe revoir. Ceux ^ui negligeoient , ou bri^
Aa ij
^^ M OE U R S D ES [SAVVAGES
foient çe^fyn-itîojes , étoient cenfés renoncerais:
foyJLuë.e vils, pafToient pour infâmes j clignes &
de toute Ta colère des Dieux. Des particuliers, ces
Tjf ,mbQlps,. aux Communautés, ^ & les
p^fT^rjsnt ,

, ; ,

Avilies les, en voyoLent aux autres Villes alliées ,


pour être un fur garand de leur alliance.
Dans .l'arf Militaire, il y en avoit de plufieurs
fortes, |^ajrc?u.trç i'Etendart qu'on nom raoit aulïi
Tejfera, on appelloii;du même nom le figoal de
r.enrollemeiit, rordre ou le mot du Guet que les
Tribuns alloient chercher chez leGénéral,, & qui
fe donnpit fur de femblables morceaux de bois i,

on appelloic ainfî les obligations pour le prêc


des Troupes, foit qu'on dût les païer émargent,
bu içn yivrps v car alors en repréfentant ces. Bq»,
chèttes au temps marqué , les Tréiforiers d'Ar-
mée , &ç les Commiffaires des vivres , étoient
obligés de. fournir, la quantité & la qualité des
éhofes qu'elles fignifioient. On pratiquoit Ta mê-
nie chofe dans les difiributions que les Empe-
reurs faifoient au Peuple 5 &
e'eft de là. que vien-
nent les diilin6bions qu'on trouve dans les Au-
teiirs , ou les Epithçtes: jointes au mot Tejfera.,-,
comme ionç celles} de Numm^ria y:Frumentdria^ ^-,
les autres qui'{ignifioiei)t leur ufage &: l'applica^'
tion qu'on en faifoit,. laquelle eft déterminée par
rEpithete rnjêiî;ie. On.yoit encore, Ta ^oripjs .de ces.
fortes .de,ryn:|Soles>daiisies /]Ue»^^û^
rêurs|&,{Wquelques^Xii^i^^^
-hd bon i, -;
-
, ; .'..ov^i ai l
A M E R I Q^U A I N S. iS5>

La Guerre fe chante dans une Cabane de Con- Manière


feil ,où tout le monde s'aflemble, comme je l'ai ^^ chanter
^^G^"^^-
ex.pliqué ailleurs, & c'eft le Chef de Guerre qui
fait le feftin. Ceq^u'il y a de particulier dans cette
forte de feftin, c'eft que les chiens, qu'on met
dans la Chaudière,, y font la matière principale
du facrificej Sacrifice marqué, par les Harangues
c^n'ils {ont 3. y4'r€skoui le Dieu de la Guerre, au

grand efprit & au Ciel , ou au Soleil qu'ils prient


d'éclairer leurs pas, de leur donner la vidoire fur.
leurs ennemis,. &' de les r'amener fains & faufs
dans leur, patrie. C'eft fans doute un de ces facriii-
1T J _ • ^>
es Lacedemoniens , les Cariens , & les- La
} o• Paufaniaî in
1

-aconic.

Peuples de Thrace offroient au Dieu Mars, à qui ^'",ob",:cn-


jls immoloient dès Chiens pour victimes. Mais- "^ centes.

bien loin que ce foit un efprit de pieté , qui foi t meiis Aie».
^'°""
l'ame de ces facrifices, c'eft plutôt un efprit de rage. *"
èc de fureur. Car leur imagination s'éehanfFant à
la veùe de ces- mets, ils fe perfuadent devorec
les chairs de leurs ennemis , comme: ils le difent-
enfuite, dans. leurs chanfons , & ils U'ont point
de plaifir plus fenfîble que de témoigner le mé-
pris qu'ils, en font , par la comparaifon qu'ils met-
tent entre euoc & leurs chiens, en eflFet ils ne don-
nent point d'autre nom à leurs Efclaves.
Les Guerriers viennent à cette affemblée peints>
<î*une manière affreùfé ,.&: bizarre, propre à inf^
pirer la terreur yèc parés d:e leursarmes. Le Chef,,
qui- levé la Hache , a le vifage , les épaules , & la-
poitrine noircies de charbon. Il eft armé aufti biea^
Ï90 MOEURS DES S'AtTVÂGES
qu'un ou deux aflefleurs qu'il a à fes côtés , avec
fa femme & fes enfans qui font ornés de leurs
plus beaux bijoux. Le Chef aïant chanté pcndjkçt
quelque temps , élevé enfuite fa voix , ôc dit à
tous les alïiftans qu'il offre le feftin au Dieu de
la Guerre, & s'adreffant enfuite à luy. « Je t'in-
« voque, dit-il , afin que tu me fois favorable dans
« mon entreprife , que tu aies pitié de moi & dé
"toute ma famille ; j'invoque auffi tous les eu
« prits bons & mauvais tous ceux qui font dans
»

» les airs , fur la terre , & dans la terre , afin qu'ils


« me confervent, 6c ceux de mon parti , bc que
» nous puiflions , après un heureux voyage , re-

«tourner dans notre pais. Tous les alfiftans ré-


pondent ho ho\ ÔC accompagnent de ces accla-
\

mations réitérées tous les vœux qu'il forme ôC -,

toutes les prières qu'il fait.

Le Chef levé enfuite le chant , & commence la


Danfe de VAthonront en fra ppant à l'un des po^
teaux de la Cabane avec fon cafle-tête , &: tous
lui répondent par leurs hé hê tandis qu'il danfe.
Chacun de ceux qui lèvent la Bûchette , frappe au
poteau , a fon tour, & danfe de la même manière,
C'eft la une déclaration publique de l'engage-
ment qu'ils ont pris auparavant en fecret. C'eft
alors qu'on préfente publiquement les têtes des
chiens ^ qu'on a mis dans la Chaudière , aux'
Guerriers les plus confîderables pour exciter leur,
courage par cette marque de diftindion. C'elt
auffi alors qu'ils danfent leur danfe fatyrique , êc
qu'ils jettent des cendres fur la tête de ceux qu'ils
>

:â MER I Q^U A I N S. t,,

veulent animer v ou bien a qui ils veulent faire


quelque reproclie de ne s'être pas tout-à-faic bien
comportés dans des occafions , où ils avoient fait
paroître moins de valeur qu'on n'auroic eu lieu
de fêle promettre. Quelques-uns s'érerimant de
leurs armes y font mine aulli de vouloir frapper'
quelqu'un des afïlftans, comme s'ils vouloient di-
re par cette adtion,. que c'eft ainfi qu'il ont tué Se
aflbmmé plufieurs de leurs ennemis. Mais il n'eft:
permis qu'à ceux, qui fe font déjà fignalez par
quelque belle adion 5 &: qui ont par devers eux
des preuves de bravoure , d'en uferainfi encore
j

faut- il qu'ils feflent fur le champ un préfent a


celui à qui ils ont fait cette efpece d'infulte, en
prenant cette liberté, faute dequoi, celui-là au-
roit droit deleur donner un démenti en public, en
leur difant qu'il ne font que des lâches, & qu'ils
n'ont jamais eu aflés de courage pour faire de mai-
à perfonne i ce qui les couvriroit de confufion. Il
eft aufli à remarquer que chacun a fa chanfon
particulière , que qui que ce foit n'ofcroit chanter
en fa préfence , non feulement dans ces fortes de
folemnités,. mais même dans le particulier, fans
s'ejcpofer à luifaireun affront , & à en recevoir^
un de fa part.
.irl<a Guerre s'échauffe à mefure qu'on approche
du terme fixé pour le départi elle fe chante pref-
que toutes les nuits. On s'anime tout de bon quand
on commence à faire les provi^ons de bouche, ce-
'
qu'ils noinment Jagotonk^ia^on > c'eft-à-dire Ufi^:
%^z M OETTRIS 'D'E S S AVV A G E S
w/we, foit parce qu'ils fontces'provifions contre
la faim à laquelle ils font expofés dans leurs
longs voyages parce que les Guerriers s'y
, foit
difpofent par un long jeune, afin, difent-ils, d'ê-
tre mieux en état de foûtenir par cette prépara-
tion, la faim qui leur paroit inévitable, & pour
,

elfayer combien ils font capables de la fupporter.


Il eft bien vray qu'ils n'ont peut-être pas aujour-

d'huy d'autre motif de ce jeûne rigoureux mais il


;

paroit évident quec'étoit chez-eux anciennement


un adte de Religiion , inftitué dans le même efprit
que les facrifices.

Enfin, quand on touche au terme, ceux, qui


relient au Village-, prennent congé de ceuxde leurs
« f}
amis, qui doivent partir. Chacun veut avoir un
ga^e de leur amitié mutuelle. Ils changent en-
semble dérobe, de couverture, ou de quelque au-
tre meuble quece purffe être. Tel Guerrier, avant
que defortit du Village, efi: dépouillé. plus de vingt
ou trente foi^ , à proportion du degré d'eflime ou
il eft parmi les fiens, ou du nombre d'amis qu'il

a , n'y aïant perfonne , qui ne s'emprefTe à lui


donner des marques de confideration , & qui ne
yeùille fe faire honneur de pofTeder quelque cho^
fe qui lui ait appartenu.
p. le Comte
L'Auteur des nouveaux Mémoires delà Chi-
^i.M.dela ne , qui font écrits avec tant d'élégance & de po-
Chine toiti
,

»-p 53. 54- litefre,nous donne un bel exemple d'une civili-


té femblable dans les Chinois envers les Magif-
tjrats , qui aïant contenté dans une Ville, ou dans

une
AMER I Q^U A î N S. i^^

une Province , (ont obligés de pafTer dans


une autre. Car, - des que le Mandarin eft fur le*
point de partir, tous Iqs habitans vont fur les*
grands chemins ils le rangent d'efpace en efpa-
; «•

ce , depuis la porte de la Ville par où il doit «


palTer jur^u'a deux & trois lieues loin on voit- :

par-tout des Tables d'un beau vernis , entourées «


de de liqueurs, «
fatin, &c couvertes déconfitures,
& de Thé. Chacun l'arrête malgré lui au paf-»
fage , on l'oblige de s'affeoir de manger & de ••
boire Ce qu'il y a de plus plaifant , c'eft «
.

que tout le monde veut avoir quelque chofe qui •»

lui appartienne. Les uns lui prennent fes bottes , «


les autres Ton bonnet, quelques-uns fon fur-»
tout, mais on lui en donne en même -temps un «
autre , &. avant qu'il foit hors de cette foule, il «
arrive qu'il chauffe quelquefois trente paires de««
bottes différentes. ••
'
-Ces exemples de civilité réciproque n'étoient
pas feulement entre concitoyens dans l'Antiqui-
té, maismême entre ennemis. Glaucus & Dio- „
mede, lur le pomt de combattre l'un contre i'au- -^- v->3<^

:tre , aïant reconnu les liaifons que leurs Pères


avoient contrariées par les droits cle l'hofpitalité,
renouvellent leur ancienne alliance , •& voulant
fe donner des marques de leur eftime, ils chan-
gent d'armes mutuellement fur le champ de Ba-
taille avant que d'aller ailleurs fignaler leur cou-
,

rtage fur des ennemis qvii ne leurtouchaffent pas


,

<4e (i pr.ès.

Tome II 'B'b
i5>4 MOEURS DES SAUVAGES'
Départ des Le jour du départ tcus les Guerriers daiir.
,
Guerriers, i. r j
>eurs plus beaux atours, & armes de toutes pie-*-
i o '

ceSj s'affemblent dans la Cabane du Chef du par--


ti j lequel eft toujours noirci &c armé à fon ordi-

jjaire. Pendant ce temps-là les femmes chprs;ées-

de leurs provifions prennent les dev.ints, ôcvont;;


les attendre à une certaine diftance hors du Vil-
lage. Lors qu'ils font afl'embiés^, le. Chef les ha-
rangue, courtement,' &
premier Ghantant
fort, le

feul fa ch an fon de mort au nom de tous les au-


tresqui le luivent à la file un à un fans dire mot.,
Hors de la paliflade , ils font une décharge de:
leurs fufils s'ils en ont , ou décochent une flèche^,
,

en Tair j & le Chef continue à chanter en mar-


chant jufqirà ce qu'il foit hors de la. veùe du.:
Village. Il fait tou-s les jours la même chofe, ôc
lie manque jamais en décampant tous les matins,

à chanter fa chanfon de mort , jufqu'â ce qu'il;


fôit entièrement hors de danger, & même de-
retour dans fon Village, où il eft obligé de faire-
un nouveau feftin , pour remercier l'efprit qui l'ai
favorifé dans fon entreprife, ôc l'a ramené en le
délivrant de tous les périls.
Les Guerriers étant arrivés où les femmes les;
attendent , fe dépouillent de toutes leurs parures,
& s'équipent en voïageurs , remettant à leursv
©poufes , ou à leurs parentes , tout ce qui ne leur
eft pas abfolument neceffaire ,& ne fe chargeant
que le moins qu'ils peuvent* •

Les Iroquois ôc les Hurons , nomment I»;


PL.$ . fcr-m. .2 pa,^ 1^^.
 M E R I QJU AIN S. 1^5
'Guerre nOndoutagette &c Gaskenrhagette. Le verbe
jfînal Gageîtorij qui Te trouve dans la compofition
de ces deux mots, & qui fignifie Porter, marque '

bien qu'on y portoit quelque chofe autrefois , qui


en étoit tellement le fymbole , qu'elle en avoit
pris fa dénomination. Le terme Ondouta, fignifie,
le duvet qu'on de répy des Rofeaux de Ma-
tire
rais , 6c fignifie aulïi la plante toute entière,
dont ils fe fervent pour faire les nattes fur quoi
ils couchent , de forte qu'il y a apparence qu'ils

avoient afFedé ce terme pour la Guerre , parce


que chaque Guerrier portoit avec foy fa natte
dans ces fortes d'expéditions. En efFet la natte efl
encore aujourd'huy le fymbole qu'ils reprefen-
tent dans leur^ peintures Hiéroglyphiques pout
défigner le nombre de leurs <:ampagnes. Pour ce
qui eft du terme Gaskj^nrha , il eft fi ancien que les
Sauvages eux-mêmes n'en fçavent plus la, figni-
fîcation. Mais comme il feroit inutile de courir
après des étymologies, fur lefquelles les naturels
du païs font embarralTés eux - mêmes , il me iuffit
de dire , que tout ce que les Sauvages portent
dans leurs courfes militaires, fe réduit à leurs ar-
mes , à quelques uftenciles necelTaires dans les
'campemens, & à quelques provifions de farine
préparées de la manière, dont je l'ai expliqué.

-Leurs armes ofFenfives , & défenfives


éwkn'ti , Sauvagen
Si font encore en partie les mêmes, dont or s'efî
fervi prefque par-tout depuis les premiers tcms p
Bhij
,

t^é MOEURS DES SAUVAGES'


iufqu'à ce qu'on ait inventé les armes à feu , qu'on
leur a communiquées par une mauvaife politique h
fçavoir Tare &: la flécne, dont on attribue la pre-^
miere invention aux Cretois-, le javelot , le cafTe-^
tête ou la maffe d'armes le boaclier , la cuirafle ,
,.

& le cafque.
Leurs arcs font de bois de Cedfe rougey
faits
ou d'ua aaitre forte de bois fort dur., & durci au
feu. Ils font droits î.& à peu. près-de leur hauteur;
leurs flèches font faites de rofeau , & font em-
pennées de. plumes de quelque- gros oyfeau , ôs
au lieu de fer, ils y appliquent avec une colle de-
poiffon très-fôrte:,.des os , ou des pierres tranchan-
tes, èc taillées i pltifieurs crans pour rendre la,.
playe plus, dangercufe. La plupart des Nations
Caraïbes les empoifonnent ^,de forte que la moin-^
dre bleffure en eft mortelle. Je n'ai pas oiii dire
qu'aucune. Nation de l'Amérique. Septentrionale
ait l'ufage, ou le fecret de.les empoifonnen Ils

rempliflent de. ces flèches leur carquois ,- qui effe

fait d'écorcey.& couvert d'une peau paffée, 6a


ornée. Quelques Peuples: au lieu de carquois paf-*
fent, leurs flèches dans leurs cheveux , de la me-
me manière dont en ufoient. autrefois les Ethio-

Lecafle-tete , oir maffe d'armes-, tient lieur


d'épée , &
de mafluë , il eft de racine d'arbre, ou
d'un autre bois fort dur, de la longueur de deux
pieds 5 ou de deux pieds & demi , . équarri fur les
eôtés.j & élargi ou arrondi â fon extrémité, de la».
.

A M É R I C^U A I N 5. 197
grofleur du poing. On en voit de différentes for-
tes dans les figures que j'ai fait graver.

-Leurs boucliers étbient d'ozier ou d'écorce,
couverts d'une ou de plufieurs peaux palTées, il
y
en a qui ne font que d'une peau fort épailTe. Ils
en avoient de toutes grandeurs & de toutes for^
-tes de figures.
i'^ iêtirs cuirafo étoient aufÏÏ un tiflu dé
¥ùh ou de petites
, baguettes de joryg, coupées par
longueurs proportionnées, ferrées fortement l'u-
oe contre Vautre, tiflues & enlacées fort propre-
ment- avec dé petites cordes faites de peau de
Biche ou de Gbevreiiil. Ils avoienrdes cuilFards-
& des. bralFârds' de là même matière* Ces cui-
ralfes étoient à l'épreuve, àts flèches armées d'os -

cm de pierre rmais elles ne l'eulfent pas été de


celles qui font gamines de fer. Je ne fçache pas
qu'elles fufFent en ufage en' Ameri<|ue ailleurs >

que dans là Septentrionale.^


Depuisque les Europeans ont commercé avec
les Sauvages, des fufils, de la poudre, & des bat-'
les, ceux qui font a portée d'en avoir, ont pref-'
que abbandonné leurs autres- armes, fùr-tourîesr
défenfives s, qui' n'étanr pa^s capables cie les garan-
tird'une balle demoufquet, ne font plus propres*
qu'à les embarrafler au lien de les fervir. Les Peti-
ples \t% plus réailés,-&; qui font afles heureur
pourne pas nous connoître,en ufent peut-être^
encore;
Ibjae fe fervent pas: volontiers de-nosépéesde
Bb iij^
js^^ MOEURS DESSAVY'AG^S
-
*
la manière dont nous nous en fervonsi mais ils l©g
emmanchent au bout des bâtons qu'ils lancenî
avec roideur comme des Javelots, ou qu'ils, ma-
nient en guife de pique on d'efponton. .
.;--
Treiier. Re- . Les Peuples du Chili ont des frondes , & font
cvoyage à la fott adroits à la ChaflTe à lancer des cordes dont ils
M« du Sud.
eniba^i-j-affent les animaux , je ne fçais s'ils s'en fer-

vpientjdans les batailles comme autrefois les


;,

.Çladiateurs,, qu'on appelloit/^«?/?:/rf/m, s'eri fer-


yoient dans les combats du Cirque.
ThevetCof- Thevct parle aulïi d'un autre forte d'arme.,
L.«'. II. ch. dont ufent les Patagons , ou les Geans yoifins des
Terres Auft-rajes , & fitue? dans une Ille a l'e^itre-
'°'" '^'

I_

jifiitp dç .r Amérique. Ce font dit - il ^e-^îi 4e


«certains boulets gros ôc pefans , qui font pris
» d'une mine fort claire : ôc font ces boulets tous
g.ronds , lefquels ils accoutrent tout ainfi qu'on
*>f^itp4r deçà des plombées, avec une corde fai-
"te de nerfs de bête. Cette forte d'armes eft celle
» qu'ils ne laiflent jamais , foit qu'ils aillent à la

V ChaiTe ou à la Guerre , d'autant qu'ils en font


«;fi bons maîtres , <^ue de la longueur de leur cor-

•»de, ne faudroient atteindre ce à quoi ils vi-


ils

« fent. Encore les jettent-ils fans qu'ils foient at-


^' tachés
, & lors a trente cinq ou quarante pas,
^'ils ne fe foucient gueres de frapper là où ils au-

» ront pris leur yifée , & la bête fera bien de gran-

«de vie, aura le^os bien durs, fi cette groflc


èc
~ boule ne les lui amollit &c caflfe tout a net Se :

«l'aïant tuée la portent fur leurs épaules en leurs


,

A M E R I QJJ A I N S. ijr
Cabanes. Il vaudroit 'autant être atteint d'une «
balle de plomb d'harquebeiize. *
On doit mettre au nombre des armes l'éten-
dart que les Guerriers portent pour fe reconnoî-
tre. une écorce en rond , où font peintes les>
C'eft
armoiries de la Nation, ou quelque autre figne
diftindif, attaché au bout d'une longue perche,,
eomme les autres étendarts, dont on ufedansnos»
armées.

J'ai eu un plaifïrfingulier à lire le Poè'med'A-. L'euî^-

°y^»^®*
pollonius de Rhodes fur l'expédition desArgo-
îiautes, à caufe de la reffemblance parfaite que
Je trouve dans toute la fuite de l'ouvrage , entre,
€es Héros fameux de l'antiquité, & les Barbares
du temps prefent, dans leurs voyages , & dans-
leurs entreprifes militaires. Hercule & Jafon ,
Gaftorôc Pollux, Zethés & Calais, Orphée &
Mopfus, de tous cts autres demi -Dieux, qui fd
foiit rendus immortels, & à qui on a, donné de
Tencens avec trop de facilité, font fi bien repre-
fentés par une troupe de gueux & de miferaWes
Sauvages, qu'il me femble voir de mes yeux ces
célèbres Conquerans de la Toifon d'Or , mais^
cette reffemblanee me fait bien rabattre de l'idéç*-
que j'avois conçue de leur gloire, & j'ai honte^
pour les plus grands Rois , & les plus grandsfe.
Princes du monde, qu'ils fe foient crus- honorés^
de leur avoir été comparés. ^-' '' '
'

Lafameuife Navire Argo jqtii a pour ahcre-unct


2r.y
^oo MOEU.RS D.ES :SAU¥A.GES
ApoH. Rh. pierre attachée à une corde de racine de latt-
faite
&1. v'.ies/ rier à qui le poids d'Hercule feul fert de left ;
;

r v^Tss^ ^}^^ ï^s Argonautes portent fur leurs.épaules , dans


id.L1b.4v.
les fables d« Lybie , pendantdouzejours& douze
nuits , n'a rien qui la diftingued'une pyrogue, ou
tout au plus d'une Chaloupe. 'Cet Hercule lui-
même, quichoifit avec les autres ià place dans
les bancs, & prend une Rameà la main, qui s'en-
fonce dans les bois pour faire un aviron d'un pe-
'tit fapin après avoir rompu qui toutes les
le fîen v

fois qu'on prend terre pour cabaner,, couche fur


ie ri vage. a la belle étoile, fur un lid de feiiille.,
ou de branches^ .eft un Sau-vage dans toutes les
formes , &
n'a rien au-deflus. Je pourrois poufler
la comparaifon plus loin ; mais elle fera aflez fen-
Cblepar l'application du détail que je vas faire,
À quiconque voudra le, confronter avec le Poëme.
La plupart des voyages des Sauvages'fe font
par eau, a caufe d,c la commodité des Lacs 6ç des
Rivieres,,,qui coupent tellement l'une l'autre &
- Amérique, qu'il n'eft prefque point d'endroit , ou
Ifîs^aux.ne fediftribuent. Les fleuves de l'Europe
font des .ruifleaux encomparaifon de ceux de ce
NouveauMonde, Dans l'Amérique Méridionale.,
Ije .fleuve des Amazones, l'Orenoque, 4a Rivière
de la Plata , font de véritables Mers par leuc
prodigieufe largeur Se l'étendue de leur cours.
Dan^ la Septentrionaley a des Lacs d'eau dou-
, il

.ce, qui ont flux & reflux, & dont quelques-uns


^«nt plus de cinq cem lieiiçs de tour. Prefque rou5
AME RIQ^U AîN 5. zoi
cesXacs communiquent enfemble , & quand on
eft arrivé à la hauteur des terres, en remontant le
grand fleuve S. Laurent, on trouve de belles Ri-
vières , qui coulent dans le Milïiffippy , lequel cou-
rant prefque toujours Nord & Sud, femble parta-
ger l'Amérique Septentrionale en -deux parties
tégales , pour recevoir dans fon fein quantité de
belles Rivières, qui s'y rendent de fes deux bords,
& dont il va porter le tribut à la Mer, en fe dégor-
geant dansle Golphe du Mexique.
La Situation des Iroquois eft encore plus avan-
tageufe que celle des autres Peuples de la partie
Orientale car aiant d'un côtç le fleuve S. Lau-
,

rent dans leur voifinage au fameux fault de Nia-


•gara,& de l'autre l'Ohïo ou la belle Rivièxc,
j

qui tombe dans le Mifïlffippy, ils font à portée


d'aller par- tout au Levant, & au -couchant , en
fiiivant le cours de ces deux Rivières.
La manière dont la Terre eft coupée pour la.
diftribution des eaux, qi>i doivent la fertilifer,
a rendu la Navigation neceflaire prefque aufli-tôc
qu'il y a eu des hommes. Mais cet art, quia été
porté dans les derniers temps à une fi haute per-
fection, a été borné pendant piuileu4:s (lecles, à
de bien petits commencemens i & quoique l'Ar-
che dont Dieu même avoit donné les propor-
tions , & qui devoit avoir une capacité bien am-
ple, eu égard à ce qu'elle devoit contenir, eut pu
dès les temps du Déluge donner des idées pour
la conftrudion des VaiflTeaux , d'une figure diiFe-
Tfme IL , Ce
»oz MOEURS DES SAUVAGES
mais d'un trcs-grancl port j il faue:
rente à la vérité ,

avoiier néanmoins, que long-temps même après le


Déluge y non feulejnent rien n'approchoit de- i

l'Arche^ mais qu'il fembloit même qu'on en eut •

perdu toute connoifTance. Il eft vrai que le mon-


de n'étant plus menacé d'un malheur auffi grand
que celui qui le fît périr prefque entièrement 5,
ôc que l'ambition n'excitant pas la cupidité , com-
me elle Pa fait dans la fuite, les hommes furenr
rebutés d'entreprendre des Ouvrages femblables à
celui qui avoir été le fruit d'un travail de plu-
fîeurs années ; foit qA.i'ils ne les jugeaiTent pas-
d'ailleurs neceffaires à leur befoin prefent , ioic,

qu'ils n'eufTent pasencore une connoiflance dif-


tindte delà vafte étendue des Mers, & l'envie de .

s'y commetre, ou bien qu'ils aimaffent mieux s'y


expofer aVec témérité, que de prendre trop de
peine & de fatigue , pour pourvoir à leur plus
grande fureté.
Quoique l'on faffe l'honneur aux Phœniciens^.
ou aux Egyptiens , d'avoir été les premiers au-
teurs de la Navigation, je crois , que l'on peut
dire,. que commencemens ont été à peu près
les
les mêmes par-tout où il y a eu deshommes , èc que
ces commeneemeiisn'étoient pas bien confidera-
blés.. iLeft même trcs-vrayfemblable , qu'avant
que Phœniciens euflent enchéri fur les autres
les
en cette matière, les habitans des liles de la Mer
Egée, & des côtes Maritimes du Peloponnefe,
ayiîisnt commencé i. y perfeâionner. i^luiieuu
A MER I Q^U A I N S. 105
chores. L'Ifle de Crète étoit célèbre avant le grand
commerce de Tyr & de S y don. Jupiter avoit en-
levé Europe d'Agenor, &c fes enfans avoieat
fille

eu long-temp$ l'Empire de la Méditerranée. ^ Mi-


nos avoir même fait des Conquêtes ôc des établif-
femèns dans la Phœnicie. Dédale &c Icare du tems cre'g. cy-
de Minos avoienc inventé les Voiles &c les Mats. "Lti/&ï^"
Jafôn lelon quelques-uns, rut le premier qui trou-
va la fabrique des Bâtimens longs, au lieu qu'ils
étoient auparavant d'une figure ronde, comme
certains petits batteaux , dont on fe fert encore
fur l'Euphrate & fur le Tigre. Hérodote décrit Herodor.
ces batteaux ronds, dont il parle, avec lefquels Lib.i. u.i^.

on defcendoit l'Euphrate.
Mais fans remonter à des temps Ci obfcurs, il

efl: certain que pendant long-temps on ne s'eft fer-

vi dans les trois parties duMondeconnu, que de


ceux dont onfe fert encore aujourd'huy en Amé-
rique i c'eft-à-dire de Py rogues ôc d.e Canots. -

Les Pyrogues étoient , & font encore au jour- Les Pyro-


d'huy des arbres creufés par lefquels Virgile a B"^*-
Virgil.
cru que la Navigation avoiï; commencé, ainfî J^
îeora. I. V.

qu'il l'exprime par ce vers. 'J*'

Tune Alnos frimàm Jluvti fenfere caiatas.


* Selon Thucydide Liv. t.p4. pire delà Mer. Les Lydiens, le»
.Minos cft le plus ancicQ que l'on •
Pelafgiens-, les Tliraciens g les
,€onnoifre qui ait mis une Floe- Rhodiens ; lesCypriots , les
tp en Mer. Eu/ebedans fa Clirù- . Phœniciens , Egyptiens leâ
les
nique fur l'authorité de Caftor MilcfienSa \^s Cariens, lesLef-
de Rhodes, nomme les Peuples biens & les Phocéens. Il pouvoic

^ gnc eu fucce/Tivfiment 1 Em- commeacer par les Cretois.

Ccij ^
104 MOEURS DES SAUVAGES^
Diodor.sîc. On y employoit toutes fortes de bois légers^.
soiinus.câp'. tes Egyptiens, les Arabes- & les Indiens en fai-
*^piitv. Lib. 7. foient de jonc c*eft~à-dire de ces Rofeau», donc
•>

cap. 1^
parlent Diodore de Sicile, Solin & Pline, & qui*
deviennent d'une hauteur ^
d'une grofleur (î pro-
digieufè..

ۉaots. Les Canots etoient de deux fortes yhs uns


faits de branchages d'ofier ôccouvens de peaux^
Strabo. Lib>
3. p. 107. Tels étoient ceux des Lufitaniens , des Peu- &
Lu^aa. Lib.
ples de laGrande-Bretagne- fur l'Océan des^ ;

Henetes oa Vénitiens, dans le. Golphe Adria*


tique i des AlTyriens-fur le. Tigre. &
fur l'Euphra-
te i des Ethiopiens fur le Nil,,&c,- Les autres,
fitoient faits de papier ou d'écorce, comme g€ux;
des Egyptiens , &
de plufîeurs Peuples de leur,
voifinage. Lucain a décrit magnifiquement^ ces.
fortes de petits batteaux dans les vers fuivans.

PYîmum cana fklix, madefkêîo vimine , parvam


^ucân.
,
Xexitur in ^upm,cafoque indafajwvencoj
VèÛoris patiem tumidum Jùperenatat amnem, .

Sic 'venetm flânante padô , fufoqiteBritannus


- '
Navi^at Oceano. Sic cum tenet omniâ Ni lus ^

Qonferitur BihulÔLMemphitis Oyrnl^a Papjro,.

Les Auteurs dbnnent à ces Batteaux lès épithc*


tes de Sutiles &c de Plicatiles, parce qu'il falloitles^
coudre à eau fe deh matière dont ils étoient, &:
^u'il y, enavoit qui fe plioieût facilement .^-de,'
A M ER IQ^U A I N S. '
205

qu'on pouvoit aifément les porter. Les


ftiaTiiere
Ethiopiens, félon te témoignage de Pline, "''en
avoient de cette efpeee qu'ils plioient comme Ich- "p. s.

refte de leur bagage , & qu'ils portoient lorf-


qu'ils étoient arrivés aux cataradtes du Nil.

Ees E(kimaux &


quelques' autres Peuples du Canots de
Nord, nous ont confervé le modèle & la forme Peaux.
de ces Canots de peaux dans ceux donr ils font
ufagejjêfquels font aulfi de deux; efpeces. Les
premiers ne font que pour une perfonne feule. Ils
font de la longueur depuis douze jufqu'à quinze
& feize' pied^, tout plats & de la forme d'une'
navette de Tiflerandi Le defTiis eft- tout couvert:
,^e peaux comme le déffous, & n'a qu'une ouver-
ture au milieu , d'ans^ laqueHe l'Homme pafi'e à
my-corps- pour fe mettre. Âir fon féant. Il ferme
cette ouverture comme, une bourfê, & la ferre:
contre fon corps comme une ceinture, 6t quand^
ii a ajufté tout autour , les bords d^une Cafaque,;
qui ne luy laiffe que le vifage à découv^t ,<
le Canot & leCanoteur neparoiflent faire qu'une
ftulè pièce, 5ê pa's une goûte d'eau n'y fçauroit-
entrer. Ils gouvernent avec un aviron double, qui:
eft terminé en forme de palette par lès deux bouts;'
Us nagent dès deu^x côtés avec tant de dextérité
"* Ptimus. Lih. Navis-
x:Caf. p> jCthiopicae conveniunt naves v:
P|ieat)lis quœ faéla ex corro com- namque eas plicaciles humeris
plieata'i çircumfe-rtitr. ad-'" Txajî- .tiaiiifenint quories ad cacaraûas^
aendcs amnes. . ;;-Yefltwne/i.
'
',

Gc:ii^
iq<? MOEURS .DES SAUVAGES
& de -promptitude, que le Canot femble gliffeD
fur l'eau, & difputer avec le vent pour la légè-
reté. Un javelot attaché aux cotés ,du Canot par;
une longue corde leur "fert.à, dgiEderi-Je poilToa
qu'ils tnapngçpit cr u , $c cqmni^,i;ls;n'appr€ïheadenc
point que l'onde les domine -, qu'ils fe font même
un de faire tourner leur Canot, & de faire
plaifir
-le moulinet deux ou trois fois de fuite.yil femble

qu'ils peuvent entreprendre -de longs voyages, ;

mis crainte j ppurvû quilspurilïerMjfe flatter que


le poiflba Jticleur. manquera pas, :

. Leurs autres Canots font de la forme 'ordii,iairea,


le Gabarit en ell de bois , èc de piçces bien env
mortoifées &c liées enfemble, qu'on, couvre enfui-
te d'un bout à l'autre de peaux de Ç'hie,n-de Mer;.'
Hen coufuës comme les premières. Ils font de là
longueur des grandes Pyrogiies , jèc peuvent por-
cer cinquante & foixante perfonnes. Dans je tçms..
calme pn les conduit-à la rame : mais- lorfque k.
vent ^peut.fervirj ^J'^f^^a.ttacheut au Mât des voifè
les de cuir. -.,">m.'

Les Indiens du Pérou ont; une autrcjforte de


Baizes.
Ba,tteay de cuir fort finguVer appelle 5^/;<;;e" , dont
Fiezicr ,

vo/ap de !a le,Pere Fe^illéé &,M»,Fireziey nous pnt ^onné la? -

"
p-Vo?" figure dans leurs -Voyages de la Met du 5ud. lil

3ourn"i"des en deux efpeces de Vaifleaux taillés d^


<^onfifte ,

<5bfcr7adons . j^ forme d'un Canot., pi faits "de pçauxxle Lo^m


Cetera. 1.
r • r r '
' '

^
'
. '•

S j?o. Marm ,bien couiucs T

bien rermees- en tout lens ^^


I

si l'épreuve de i'ieatJ." On .renipiijç df'y'i'tt.f^éi


AMERI<2^UAINS. 207
VaiiTeaux par le mokn d'un tuyau à chacun dont
on bouche foigneuferaent l'orifice après les avoir
enflés comme un ballon. On les affujetic enfuite,.
& on les de manière ce-
attache l'un à l'autre ,

pendant que le devant foit plus approché que là-


derrière, par le moïen d'un chafTis de bois com-
pofé de barres de la largeur de deux pouces, au-
quel lis font fortement amarrés avec des cordes;
de boyau. Les barres du chaffis font tellement
difpofées que la plus longue va depoupe à proiic:
& fert de quille les autres s'écartent- de bas-bord
;

à ftri-bord , c'eft-à-dire d'un flanc à l'autre: Ow


étend fur ce chaffis une grande peau compofée
de plu fi eu r s autres coufuës enfcmble dont on ar-
rache les extrémités aux quatre coins du chafïîsi.
Geux qui doivent naviguer fur cesio-rtes de bâti-
mens s'aflFeoient for cette peau ,- & nagent avec
une pagaye ou aviron à double palette, comme
celui des petits Canots EfKï-maux , dont nous ve-
nons, de parler. Si le vent peut fervir, ilsmet-tenc
une petite voile, &
pour remplacer l'agir qui pôur--
roit fe difliper y a toujours fur le devant deux
, il

boyaux attachés à l'orifice. des -ballons par lefquel^'


©n peut les.rou£er,-quahd il eft befoin. La ma-^
niere de coudre les ballons eft particulière , oiï-

p^/cele^ deux peaux avec ttne alêne ou une. arête 3.


& dans les trous on paiïê -ou des arêtes, ou des
morceaux de bois fujr le£quels, de l'un à l'auttC;,.
onfait croiferpar-dqfirusSfpîïr-defTou^ des boyau»
niQiiiilés ^ pour fermier exaifcemem les galïa^es d«i
,

zo8 MOEUHS DE^ SAUVAGES


r.iir. Il d'un grand port ,
fe fait des Balzes &
M. Frezier aflure qu'il y en a fur iefquellcs on
peut charger jufqu'à douze \quintaux demi- &
Thomas Cjandisxh à voulu parler des B^Izes
q-uand. il Nation iîtuée dans la Mer du
dit d'une
Sud vers le 2,3. degré de Latitude. Méridionale,
qu'ils ont une ,efpece de Canot de peau , lequel
fe fouti^ent fur j'eau par le moïen de deux vefïies

Jd.\Zus'. enflées. Mais'iaiigure qu'on ena donné dans le


'Recueil des Voyages aux Indes Occidentales de
Théodore de Bry & de fes héritiers ,-eft fort dif-.
ferente de celle qu'en ont donné les autres qui
en ont parlé , & de ce qu'elle doit être , il n'y a
qu'à la voir pour juger qu'elle eft entieremen£
imaginaire.
Les Celfiberiens Efpagnols ufoient de fem-
blables Batteaux au temps de Jules Ccfar , ainfî
qu'il le rapports lui-même dans fes Commentai-
oCirde^Bei-
j-gs. La ttéceffité de fes affaires l'aïant obligé de

,1. pafler d'Italie en Efpagne, où tout fe déclaroit en


,

laveur de Pompée, ion Armée penfa entièrement


Segre & JaJCinca, qui s'étant dé-
^périr entre la
/ bordées p^r la fonte des Neiges , emportèrent les
Ponts qu'il avoit jextés fur ces Rivières , & luy
pterent par U tous les moïens de la faire fubfifter.
L'Infanterie légère ;des Lusitaniens, & celle de
•la Celtiberie qui connoiffoit parfaitement le pais,
& étoit accoutumée de traverfer les Fleuves fur
Jes Peaux de Bouc enflées qu'ils portoient toujours >
la Guerre j.harceUoient,coiitinuellement Çqs Trou^
A M E R 1 QJJ A I N S. lo^
(pcsj & ne laiflbient écarter impunément aucun
cde (es foldats. Dans cette extrémité , il s'avifa
-d'un ftratagcme ,
par lequel il trompa l'attente
de Tes ennemis, qui s'en promettoient déjà une

défaite bien entière. Il fit conftruire par fes fol-

^dats des Canots, dont il avoir appris & la for-


aine de l'ufage dans fon expédition des Ifles Bri-
tanniques. La quille, & le fonds de ces petits
ibatteaux, étoient d'un bois fort léger, &le refte
^d'ofier couvert de cuir. Son projet réiiiïît , ainfî
qu'il l'avoit imaginé , & il fe tira par-là d'un des
cplus grands dangers, où ij fe foit peut-être ja-
.mais trouvé.
On traverfe encore aujourd'hui le Tigre Se
•l'Euphrate félon le témoiena^e du P. Avril ,
PAvrrj,
,

iur une machine compotee de plulieurs peaux de ricm, liv.i.


^^'
^"
.Bouc enflées , qu'on joint des quatre côtés par
.autant de perches qu'on lie .étroitement enfem-
4^16, & qu'on couvre enfiiite de plufieurs bran-
,ches d'arbre qu'on a foin de mettre en travers.
Xe Père Acoftadit, qu'en Amérique on fait de Acoda.Hift.

femblables radeaux pour latraverfée des Fleuves Lib.3. c.îs.

& des Rivières i mais au lieu de peaux de Bouc,


-on fe fert de courges féches , vuidées , & bien
abouchées, afin que l'eau n'y puiflepas entrer.

Les Canots d'^Ecorce que font les Sauvages Canots


'^'^^orce»
moins Septentrionaux, répondent à ceux que les
Égyptiens faifoient de Papier. Le Papier eft une
plante qui croît fur les bords du Nilj àc qui pouffe
Tûme IL Dd
.

£10 MOEURS DES SAUVAGES'


quantité de tiges triangulaires , hautes de fix oiî?
Ti>copK. fept coudées tout au plus, quoique Theophrafle:
Hia. Plant. „ '-ni- !• • a^ J
ôc Pline [a) lui en donnent dix , & même au—
/ \ I o
L.b. 4. c. 9

pjinius.Lib. deflus de dix elle éroit prefque univerfelle pour


:

»^."p '•'•
l'ufage qu'on en faiibit anciennement-, oii s'en?
nourrifToit elle entroit dans la Médecine r.on en
5

tiroit des feuilles pour écrire elle fourniflbit àu.< j

bois pour fe chauffer ^ des chandelles pour éclai-


rer des toiles pour s'habiller; en en faifoit des
;

fcatteaux, des mâts> des cordes, des voiles , des


uflenciles de ménagée, des nattes, des couron-
nes pour les Dieux, {h) & des fouliers pour les
Prêtres. Elle n'étoit pas particulière à l'Egypte^
Elle croifloit auflî en Syrie, fur les bords de î'Eu-
T>e ïtaiicâ phrate,,dans l'iûe de. Crète, & même en Italie.
£^r°Lib"5' Il y a cependant apparence que cette dernière
étoic d'une efpece: différente.
Sb'^^g?"''"'

(a) Plinius ,Lib. is.cap. zi.VvL' non & veftem , ctiam /Iragulam
pyxum ergo nafcitur in Paluftri- ac fiines. Mar.dunt qucque cru-
bus jîigypti , aut quiefcentibus dum^ decodumque, iuccum tan-
NiliaquiSjubievagacïftagnant, tum dévorantes. Nafcitur & in
duo cubita non excedente altitu- Syriâ circa tjuem odoratus ille
dine gurgitum, brachiali radicis calamus lacum. Neque^aliis ufiis.
obliqua "crafficudiae , triangulis eft,quam inde, funibus Rex An-
Jateribus ,, decem non ampliùs tigonus in iiavalibus rébus, nun-
cubitorum longitudihe in graci- dùm Spartocommunicato. Nuper
licatem faftigatum , Thyrfi modo - & in Euphrate nafccns circa Ba-
cacumen includens femine millo bylonem Papyrum intclleélum eft
auc ufii ejjs alto , quam floris ad eundem ufum liabere Charte. Si-»-
Deos coronandos. Radicibus in- milia his Tiiepphraiies loco cit.
colae pro ligno utuntur :.nec ig- [b) Athénée au Liv. 15. fe
nis tantum g atiâ- , "fed ad alia moque de cts Couromies de Pa-
iquoqueuteniiliavaforjm. Exipfo pier que Pline dit qu'on faiibit
,

«luidam Papyro navigia texunt ; pour .ks Dieux.


5s.èUbroveia,,tegetefque necr
,

A M E R ï Q^U AIN S. xn
l'ai bien de la peine à comprendre , comment
une Plante qui ne porte point de fruit , qui n'a
qu'une tige aflez mince , point de feuilles , fi ce
n'eft un bouquet qui vient à la cime de la tige,
pouvoit fervir à tant d'ufages fi difFerens. Je ne
puis fur -tout concevoir, comment on en pou-
voit faire des batteaux & des voiles. Hérodote Herod. xib.
"
"' '
femble dire, qu'on n'employoit à cet ufage que *

le fommet de la tige , &


Theophrafte aflure qu'on Tteoph. loc.

les faifoit de la tige même. On ne pc^uvoit tirer


"^'

de la tige des écorces alTez épaifTes pour faire le


.corps du bâtiment encore moins , ce femble , du
;

fommet, qui fe fépare en feuilles, ou en lames


fines, comme le papier de la Chine, &c qui par
xonfequent n'ont point aflez de corps pour faire
des voiles , ou l'enveloppe d'un bâtiment , lequel
devoit être aflez folide pour porter des hommes
& des charges affez pefantes. Il falloit donc, à
ce que j'imagine, qU'on en fit un tiflu natté de
bien près, comme font encore certains petits bâ-
timens , dont les AbylOns fe fervent de nos jouTs
pour naviguer furie Nil.
Je crois aufii que les termes Pdpyros, Bihlos t

-Charta, Liber y lefquels font fynonimes , étoient


des noms génériques, qui s'appliquoient univer-
fellement à tous les arbres , de l'écorce defquels
on fe fervoit pour écrire. Pline nous apprend punius , libj
*J"p-'*'
•qu'on écrivit d'abord fur les feuilles de Palme,
8c c'eft peut-être a quoy Virgile fait allufion en virg. iEneid,'
*'^^*
|)arlant de la Sibylle, laquelle écrivoit fes Ora-
Ddij
lit MOEURS DES SAUVAGES-
cles fur des feuilles. Pline ajoûce qu'on fe fervir
eiifuite de l'écorce de certains arbres. Saint Ifi-

Uioi. Lib. dore de Seville, fuivant l'opinion des Critiques


les plus exacts donne cette définition du Papier ^
'• "P- '*•
,,

ou du Livre, (car c'eft la même chofe. ) «Le


- Livre eft la Tunique inrerieure de l'écorce ,,qui'
»» eft la plus voifine du' corps ligneux , fur laquelle^

» les Anciens écrivoient. Liheri ejl interior Tmica-


carticis , qune ligna c-oh^ent qua Antiqui fcribehant,-
, in.

Ces noms génériques dont, je vicm de parler,,


peuvent parfaitement bien convenir au Bouleau,.
De fon écorce la plus mince on peut faire des.
feuilles à écrire j &: je m'en fuis fervi moi-même^
quelquefois. On fe fert de la: plus épaifle pour-
faire des canots, des voiles , & des tîntes i &
comme elle eft affez gommeufe y on en fait aufli^

des TorcLes pour pêcher au flàmbleau, pu pour


fe conduire chez foi dans des nuits fort obfcu-
res. SI l'étymologie du mot Papjros vient du mot
grec T^'p, le feu, ce nom lui convièn droit en-
core plus parfaitemeat*

PyrosuesLes Caraïbes^ &


les autres Sauvages Meridio-

-des CaKï- naux , qui habitent fur les bords de la Mer , fe


Mfe fervent de longues Pyrogues ,: qui peuvent por-
ter jufqu^'â Soixante perfonnes, ils-les r^hauf- &
fent par des planches qu'ils attachent fur les bords
au corps de l'arbre, Pyro-
q.ni fait le fonds de la

gue. Elles font aflez bonnes pour ranger les Cô--


tes del'Oceaaj, ôc réfiftent plus facilement a la^

\
A M Ê R I-Q^U A IN s. iij

va^e que de fîmples écorces ; mais dans les Ri-


vières de Canada , ou de l'Amérique Méridio-
nale, elles ne vallent rien pour les voyages de
long cours, à caufe de la multitude des faults &c'
des catarades , où leur pefanteur, & la difficulté
de lesmanier, les rendroient abfolument inuti-
les. On en a cependant toujours quantité aux en-

virons dts Villages, oii elles font d'un grand fer-


vice pour faire les traverfées d'un' bord de Ri-
vière à l'autre , ou pour y charroyer le bois de
chauffage , ô^ les autres provifions des champs ,.
lorfqu'oH' peur les y conduire par eau.
Les Canots d'Egorce au contiraite font très- /

co-mmodes pour les grands voyages , & lesfeuls


dont on puiiTe fe fervir, parce que leur légèreté
fait qu'on peut les gouverner îvvec plus de faci-
lité dans les rapides , & qu'il eft plus aifé de les'
voiturer dans les lieux de portage.

Les Canots d'Ecoïce de Bouleau font le Chef- Canots d'E.


d'oeuvre de l'art des Sauvages. Rien n'eft plus ^^'^^^ '^^
^*"'^
joli & plus admirable que ces machines fragiles ,. °"
avec quoi cependant on porte des poids immen-
fes , & l'on va par-tout avec beaucoup de rapidité.-
Il y en- a de différentes grandeurs, de deur, de
quatre , jufqu'd dix places diilinguées par des
barres de traverfe. Chaque placé doit contenir
aifément deux nageurs , excepté les extrêmes qui
n'en peuvent contenir qu'un. Le fonds du Canot
eH d'une ou de deux pièces d'écorce, aufqueUes
Dd iij>
2u MOEURS DES SAUVÂGÏIS
on en couc d'autres avec de la racine,, qu'os
gomme en dedans & en dehors, de manière qu'ils
paroiffent être d'une feule pièce. Gomme l'écorce,,
qui en fait le fonds , n'a gueres au-delà de Tépaif-
feur d'un ou de deux écus, on la fortifie en de-
dans par des clifles de bois de Cèdre extrême-
ment minces, qui font pofées de long, &
par des
varangues ou des courbes du même bois , mais
beaucoup plus épaifTes , rangées près à près dans
le fens de la courbure ^u Canot d'un bout a l'au-
tre. Outre cela, tout le long des bords, régnent
deux Précintes ou Maîtres , dans lefquels font en-
châflees les pointes des varangues qu'ils arrêtent.,
& où font liées les barres detraverfe , lefquelles
fervent à affermir tout le corps de l'Ouvrage. Oa
Ji'y diftingue ni pouppe, ni proiie. Les deux ex-
trémités , ou pinces , font entièrement fembla-
bles , parce qu'on n'y attache point .de gouver-
nail, èc que celui qui eft à l'un des bouts , gou-
verne avec l'aviron, ou avec la perche quand id
faut refouler l'eau en piquant de fonds. Les avi-
rons font fort légers , quoique faits d'un bois
?d'Erable qui e-fl alTez dur. Ils n'ont gueres que
cinq pieds de long, dont la pelé en emporte un
•ô? demi fur cinq ou fix pouces de largeur.

Si ces petits bâtimens k>nt commodes , ils -ont


aulfi leur incommodité car il faut ufer d'une
;
-

grande précaution en y entrant , & s'y tenir af-


fez contraint pour ne pas tourner , & pour foû-
lenir l'erré du Canpt , lorfqu'il eil en train d'aj*
,

A M E R r Q^IT A N I S. i,^
font d'ailleurs très-fragiles. Pour
fbr. Ils
peu qu'ils
touchent fur le ûble ou fur les pierres
, il s'y fait
dQs crevafTes par où l'eau entre,
& gâte les mar-
ehandiles, ou les provisions qu'on
porte; de for-
te qu'il ne fe pafTe gueres de jour où il ne fe
,
trouve quelque endroit qu'il fulle
gommer. On
y peut nager alTis ou debout dans les eaux dou-
ees èc tranquilles mais il e/l mieux de naeer l
',-.

genoux dans les rapides. C'eft encore


une autre
incommodrrë de n'y pouvoir porter
beaucoup de
voile , & de ne pouvoir fe fèrvir
de là voilà que
dans Us vents modérés, fans
s'expofer aux rif-
ques dépérir. La traverfée des lacs
eft pour cette
railon très-difficile les plus
; faces ne l'entrepren.
nent gueres fans avoir bien confulté
le temps •

lis rangent avec cela les


terres autantqu'ils peu'
vent, ou coupent de Cap en Cap,
& tachentdè
gagner d'Ifle en Ifle. Touies ks fois
qu'on entre
ou qu'on fort du Canot , il ftut être
pieds-nudsl
& loriqu'on met pied à terre, il faut déchàr^ef
k Canot , le tirer hors de l'eau, & le mettre l
abry fur le fable „ou fur la
vafe, de peur que
le vent^ne le brife. Quand
il s'y fait de. crevalîes
û Us gommer, ainfi que je l'ai déjà
faut
dit, &
Il faut avoir foin pour
cela de les vifiter pref-
que a chaque fois. Ongomme ks
Canors d'écor,
ce de Bouleau avec de la gomme
d'épinette, ouo
de quelqa'autre arbre re/îneux
, dont l'Ameri-
cpe lie manque poinrdaiis ia vaftè
étendue: Maii^
Eour ce qui eA des Canots d'éc6rc:e,.on
les étoupe
zia MOEURS DES SAUVAGES
oàvec de l'écorce de Peruche brifée, concaffêe &
,en filamens , qui en bouchent parfaitem,ent .bien
les- ouvertures.
Les Nations de Langue Aigonquine ne
la fe
fervent que de Canots d'ecorce de Bouleau , 8p
les travaUient. "Mais il y a quelque difFerencp
des uns aux autres. des Abenaquis , par
Ceux
.exemple, font moins relevés de bordj moins
.grandes , &
plus plats par Jesd^eux, bouts, de forte
qu'ils font prefque de luveau dans toutje leur
jétenduë paçce que ceux-;ci voyageant dans de
i

petites Rivières, pourroient être incommodés ^


Brifés par les branches qui débordent , & s'éten-
dent fur l'eau des deux côtés du rivage i au lieu

que les Outaouacs , & hs Nations d'en haut,
ayant à naviguer dans le fleuve Saint-Laurent^j
''
pu il y a beaucoup de cafcades & dexhûtes,, oyi
bien dans les Lacs , où la lame eft toujours fort
groffe , ,doivc;it avoir -des .Canots , -dont les pinc-
ées foient hautes &:, élevées , afin ,de brifer la va-
gue , & moins expofés a emplir,, il y a
d'être
dans l'Amérique Méridionale du coté de la Mer
du Sud, des Sauvages qui s'expofent fur l'^Ocean
avec des Canots d'ecorce. Ceux-là ont les pinces
encore beaucoup plus relevées pour la tJ^èmç
raifpn^

Canots Xes Iroquois ne travaillent point les Canots


d'Ecorce de Bouleau , mais ils en achètent des
d'orm"
^utres Nations , ou ep fpftt à Ipr place d'Ecoi;cc
d'Orrne»
AM E R I Q.U A I N s. 1^7
3'Orme. Ceux-ci ne fervent gueres qu'une cam-
pagne, & parce qu'ils font moins folides que Iqs
autres, &parce qu'il eft plus facile d'en réparer
la perte. Ils font d'une leule pièce , & travail-
Lés avec toute la mal-propreté , & toute la grof-
Cereté pofïible. coupent cette -écorce aux qua-
Ils

tre coins, oij il eft néceflaire de la replier pour


faire les pinces,, ôc après l'avoir coufuë dans ces
coins , ôc aux deux bouts qu'ils affernviflent avec
des bâtons fendus, pour la gêner, & l'empêcher
de s'ouvrir , ils font les varangues , les barres &
les précintes , de fimples branches d'arbre. Ces
branches ne font qu'écôtées , &c fl mal rangées,
que la vue feule en fait mal au cœur, &: doit
naturellement infpirer de la défiance à ceux., qui
ont à expofer leur vie dans ces machines fur des
Rivières aufli dangereufes que le font celtes de
Canada. Cependant ils s'y abandonnent avec une
confiance merveilleufe à la rapidité des eaux ,
dans les faults & dans les càfcades , lorfqu'ils def-
cendent les Rivières , ou qu'ils les refoulent avec
des fatigues incroyables j en piquant de fonds ave<^
la perche.

CesSaults& ces Càfcades font formés par la DesSauits


auteur des terres , qui a proportion qu on remon- ^^^ -

t€ vers la fource des Fleuves & des Rivières, vont


t-ou jours en s'.élevant. En certains jendroits elles

s'élèvent d'une manière furprenante , comme aux


*Cataraftes du Nil , ou bien â la fameufe chute
TomelL E<
ii8 MOEURS DES SAUVi^GES
de Niagara , quieil d'une prodigieufe hauteur, Où:

où le fleuve Saint-Laurent, lequel a une demi-


lieu ëde large en ce lieu-Id , tombe à pic com^
me dans un goulphre avec un bruit effroyable ;,
en d'autres elles s'élèvent d'une, manière moins
fenfible comme.: par degrez , de cinq à lix>
pieds feulement , de diftance en diftance. Le
même fleuve Saint-Laurent peut aufli en être uns
exemple^ Car il court ainfi pendant plus de 40,.
lieues defaultien faults peu éloignés les uns des
autres , & dont quelques-uns ont près d'une lieue
de long j. où il roule par différentes chûtes avec
tant de précipitation , qu'une flèche décochée
d'une main roide ôc habile ne parc pas avec plus
de vîtefle ,. qu'en a l'eau dans l'impétuofité de
ces torrens èi comme dans ces endroits il a peu;
:.

de profondeur , fes vagues fe brifant contre les


Hochers répandus dans fon li6b , caufe»t un mu-
giflement perpétuel, & paroiflent toutes changées
en écume,.

Kôttages, On portage à ces Gatarades que leur ex-


fait
trême hauteur rend impratiquables. Il faut mêmet
s'y prendre de loin , & fortir du Canal de la Ri*
viere beaucoup au-deffus de la chute , pour ne pas
courir à une perte inévitable. Mais on s'aban-
donne au fil de l'eau dans les faults qui ont moins,
d'élévation ; toute l'adrefle confifte à f^avoir le
prendre , à bien choifir certains paflages étroits,
entre; les chajinei)-de Rochers , ôc i éviter les pierç-
~Bl.ia- lirm. 3 .
pcLff ixg.
A M E R I Q^U A I N S. ni?
res détachées dont le fleuve eft Cerné , & dont il

iuiEt d'en heurter une, pour que le Canot porté


avec une extrême roideur , foit brifé en pièces, &
faffe un naufrage auquel il n'y a plus de remède^
Ceux qui ne font pas accoutumés à ces fortes
de navigations , fremifTent à l'idée feule qu'on
puifle fe commettre dans des paffag^s fi dange-
• reux à la merci d'une fimple écorce. Cependant
les Sauvages & les François Canadiens , font fî
habiles à parer les que j'ai tu beaucoup
Roches ,

de perfonnes , qui aimoient mieux faulter le Sault-


Saint-Loiiis , lequel eft au-defTous de nôtre Mif-
;fion., que de faire le voyage de Montréal a pied.

Ce fault néanmoins , quoiqu'il n'ait que demi-


lieuë de long, eft un des plus périlleux & il eft :

aflez fouvent arrivé à d'excellens Canoteurs d'y


Yenir faire naufrage, après avoir faulté tous les
autres.

Deux hommes Ca-


portent fur leurs épaules les Bmdies»
jnots dans les lieux de portage avec beaucoup de
facilité jufqu'au-deflus ou au-deftbus des Cata-
ractes. Le refte de l'équipage, foit dans les por-
tages , foit dans voyages de Terre , fe
les autres
range fur des Bretelles, qui font une manière de
chaflîs de bois fort commode pour enlever une
grolTe charge , & pour la porter aifément ou :

-bien on fait des pacquets qu'on laiflfe pendre fur


les épaules , attachés à des colliers, ou longes
jfaites de leur fil de bois blanc , trèfle en bande,

Ee ij
.

no MQEURS DES S'A UV A G ES


que les femmes appliquent fur leur front-, St que-
les hommesfont pafler fur la poitrineôc à la naifi-
fance des épaules , tout au contraire dé ce que
Hetodot, rapporte Hérodote de- l'ufage des anciens Eg)r-
'
ptiens^

Traînes.. Pendàfnt PH'y ver , Se fur lès neiges , ils Ce fer-


vent de petites traînes, qui font faites d'une ott-
de deux petites planches extrêmement minces,,
qui toutes deux enfemble n'excèdent pas de beau-
coup la lifirgeur d'un pied, &
la longueur de fix
ou fept. Ges planches font recourbées en dedans ,
& repliées fur k devant de la hauteur d'un demi
Î)ied pour brifer & pour écarter les neiges , qui
,

es empêcheroient, en refoulant, de couler avec


facilité. Deux bâtons un peu élevés régnent fur
les deux côtés de la traînedans toute fa longueur,
&c y font attachés de diftance en diftance. Ils fer-
vent à paffer » ,& à repaffer les courroyes , qui af-
fujettiiTènt leur équipage fil r là traîne. Un Sau-
vage avec fon collier paffé fur la poitrine , & en:-
veloppé dans fa couverture , tire après foi fa
traîne bien chargée, fans beaucoup de difficulté^.

iLaguettfs. Dans les- neiges ou il n*y a point de che-


min frayé, ils font obligés de fe fervir de Ra'-
quettes, fans quoi- toutes fortes de voyages, oa
pour guerre ou pour chaffé , &c. leur feroient
abfolument impoffibles. La forme de ces Ra-
quettes approche dt l'Ellyptique , c'eft-à-dire>
PI jj. ta-m 1 p.i.-) .1.1.:;
1 M E R I C^U A I N: S. 2.ri

ene l'Ellypfe n'eft point parfaite , étant plus nr-


rondies fur que par l'autre extrémité ,
le devant-
laquelle fe termine un peu en pointe. Les plus
grandes font de deux pieds & demi de long , fur
un pied & demi de large. Le tour qui eft d'un
bois durci au feu, eft percé dans fa circonféren-
ce: comme Raquettes de nos jeux de paulme,,
les

à qui elles reifemblent , avec cette différence-,


que les mailles en font beaucoup plus ferrées , de
que les cordes n'en font point de boyaux, mais-
de peaux de Cerf crues, &: coupées fort minces.-
Pour tenir Le corps de la Raquette plus ftable ,,•

on y met deux barres de traverfe, qui la parta-


gent en trois companimens , dont celui du mi-
lieu eft le plus large & le plus long. Dans cs-
lui-ci vers le côté dont l'extrémité eft arrondie,,
,

on pratique un vuid;e fait en arc, dont la barre


detraverfe fait comme la corde* C'eft-là.que doit
porter la pointe du pied-.fa-ns toucher à la barre
de traverfe , qui le blefleroit. Aux deux:; bouts de
l'arc font deux petits trous pour pafter les cour-
royes , qui' doivent attacher le pied fur la Ra-
jquette. On paffe ces courroyes l'une dans l'au-
tre, commequi oommenceroit à faire un nœud
fur l'orteil, &c après les avoir croifées , on lesre-
palTedans la Raquette à la circonférence de l'arcj
on les conduit enfuite par derrière au-dciFus a^
talon , d'où on les ramené fur le coup du piedi^
oà on lesnouc en faifantune rofe de ruban. Gela
fe fait de telle manière , que quoique le pied fok
E e^ iij.
x^^ MOEURS DES SAUVAGES
bien afTujetti, il n'eft pourtant gêné que fur l'or-
teil , qu'on peut quitter la Raquette fans
6c
y
porter la main.
C'eft: encore-là un ufage fingulier des premiers

temps, lequel a palTé de l'Afie dans l'Amérique


avec les Nations qui s'y font tranfplantées. Stra-
bon parlant des Peuples qui habitent cette longue
chaîne de montagnes, laquelle s'étend depuis le
pied du Mont-Taurus jufqu'à l'extrémité des
Monts Riphées., & dont le Caucafe eft une des
plus célèbres chez les Auteurs anciens , en ra-
strabo.Lib. contc ccci dc particulier. » On ne peut,, dit-il
,
^•s-i^^-
^„ uionter fur Ja croupe de ces montagnes pendant

« l'Hyver mais les habitans y vont pendant


;

« l'Efté , & attachent à leurs pieds des fouliecs


,Mpointfus faits de peaux de bœuf crues , 6c larges
« comme des Tambours, àcaufe des neiges ôc des
...glaces. Ils fe laifTent couler enfuite du haut de
,.ices montagnes avec tout leur bagage , aflis fur
,« une peau. La même chofe fe pratique dans
,:^l'Atropatie, dans la Médie , &c fur le Mont
« Maflus qui eft en Arménie. Là ils attachent
» aufQ à leurs pieds des rotules de bois , termi-

« nées en pointe , ou garnies de pointes.

Suidas, Suidas, fur le rapport d'Arrien , dit pareille-


»^yoi' ment que les foldats d'Alexandre leGrand,par
le moyen de certains cercles garnis de jonc, paf-
foient fans incommodité fur des neiges , qui em
quelques endroits j avoient jufqu'à fexze pieds de
^profondeur.
A M E R î Q^U A I N S. ^^y
Comme on fe iert encore de Raquettes dans
îà Colchide ou Mingrelie , & dans ces pais dont
parle Strabon, il eft évident que dans fa defcri-
ption, il n'a voulu exprimer autre chofe que des
Raquettes par ces fouliers de peaux de boeuf y,
larges comme des Tambours.
Lts pointes qu'on met fous les talons &: ks ro-
tules de bois, qui font des patins , ou un équiva-
lent que Strabon. a voulu décrire, font nécelfai-
res dans les pais de glaces ôc de neiges , où l'on'
eft; obligé de mettre des pointes jufqu'aux fers^.
des chevaux pour les ferrer à glace.
Quant à la manière de fe laifTer couler du haut:
des montagnes, Strabon nous dépeint un ufage,i
qui s'obferve encore au Mont Cenis, & dans les.
Alpes. C'eft: ce qu'on appelle /^ /^^w^,, qui eft:
une manière de traîneau, avec un petit fiege fur
le fonds , où.! l'on fait afleoir le Voyageur. LeS'
Kabitans du païs ftiylés à conduire ces fortes de.
voitures , afïis. tout bas fur le devant' , les diri-
gent avec les mains par le moyen des bras du
traîneau même j & avec les pointes donc leurs
talons font armés , ils arrêtent leur courfe com-
me ils veulent , lorfqu'elle eft; trop impétueufe.
Rien n'efl: plus rapide & plus agréable que cette
manière de- defcendre. Les Sauvages au lieu
d'une peau,, fe fervent d'une écorce dans le be«
foin. C'eft; un divertiiTement que les enfans ne
manquent pas de fe donner dans le temps des^
neiges 5 lorfqu'ils ont autour de- leurs Villages
114 MOEURS DES SAUVAGES
quelque éminence dont ils puiflent profiter.
Les Guerriers dans leur route marchent à pe-
tites journées. Rien ne prefle-ordmarrement les
Sauvages , comme aufli aucun accident ne les
déconcerte, à moins que leur fuperftition ne leur
* fafle tirer quelque. mauvais augure du fiiccès de
leur entrepr-ife. Ils ont comme les Argonautes
^
leur Orphée & leur Mopfe \ c!eft-à-dire ., leurs
Jongleurs , <][uij:aifonnent fur-to;ut, tirent, feloa
leurs principes des confequences bonnes ou. mau-
vaifes de tout,:& les fant avancer ou reculer,
comme il leur plaît. Il ne leur faut pour cela
qu'une. bagatelle , & ils fe perfuaderoient avoir
pntendu parler le mât de leur Canot , ainfi que
les célèbres Conquerans de la Tpifon d'Or , ii
le Jongleur .difpic qu'il a parlé»

ïdéededi- marchent avec peu de précaution fur leurs


Ils
reâiondans Tcrres , OU en païs non fufpedt. Tandis que queL-
^urrouce.
qygj.^^j conduifent les Canots , ou traînent les
équipages , dans les bois
les autres s'enfoncent
pour chafTer chemin -faifant. Ces Chafleurs pren-
nent diverfes routes., &
s'écartent les uns des au^
très en fuivant divers rumbs de vent , pour ne
pas fe rencontrer fur la même proye. Le foir ils

fe rendent au lieu deftiné pour la couchée , &


pas un ne ^'égare.
Rien n'eft plus admirable que l'idée de ces Bar* ,

bares. C'eft une qualité qui femble née avec eux.


Un enfant s'oriente naturellement , comme oa
pouitoir
AVM Ê R IQ^U A I N s. zij

^ourroit avec une BoufToIe par rapport


le faire
aux endroits où il a été , ou dont il a entendu
parler. Dans les forêts les plus épaifTes , & dans
Îqs temps les plus fombres, ils ne perdent point,
comme on dit , leur Etoile. Ils vont droit où ils
veulent aller , quoique dans des pais impratiqués,
& où il n'y a point de route marquée. A leur
retour ils ont tout obfervé, & ils tracent grof-
/îerement fur des écorces , ou fur le fable, des
Cartes exades, & aufquelles il ne manque que
Jà diftinélion des degrés. Ils corifervent même
de ces fortes de Cartes Géographiques dans leur
Tréfor pdjlic^ pour les confulter ^ans le befoin.
jj.1i ^lli

Ils ont quelque connoifFance dé l'Aftrônômie , Conncff:

:qui fert à régler leur temps , & à diriger leurs fance de


l'Aftrono-
courfes j & il leur refte encore quelque teinture mie»
de cette fcience , dont on rapporte les commeri»
cemens à Promethée, à Atlas, &à Lycaon , qui
s'appliquèrent les premiers à contempler le cours
des Aftres , l'un fur le Mont Caucafe, le fécond
dans la Mauritanie , & le troifiéme dans l'Arca*-
die., ou fur les montagnes de Thrace. i.

;; îls comptent ordinairement par Jes nuits a la


façon des Numides, & de plufieurs autres Peu-*
pies de l'Antiquité, plutôt que par les jours par :

les mois lunaires, plutôt que par ceux du Soleil,


ainfi que le pratiquoient prefque toutes les Na-*
tions dans les premiers temps , i & particulière-^
Ment les Juifs. Cepeadant cette manière de coni*
Tome IL Ff
±%6 MOEURS DES SAUVAGES
pter fubordonnée au cours du Soleil , qui fert'
efl:

à relier leurs années , lefquelles font partagées en


<juatre faifons comme les nôtres' , Se fous-divi-
.fées en douze mois. La manière de compter par
les Lunes , n'eft pas même fi univerfelle ,- qu'ils
ne comptent aufli par les années-folaires. Je crois
avoir remarqué que l'une &: l'autre manière de
compter eft afFe6tée à certaines chofes , & qu'en
d'autres occafions elles s'emplayent indifférem-
ment.
Les années heliaques ou fol aifes, fonidelli-
nées à marquer l'âge deshommes. Pour fçavoir,^
par exemple V combien il: y a de temps qu'un
homme eft né , la phrafe Huronne porte com- ,

bien de fois a-t'il r'attrappé le jour de fa naiffance ?

Et c'eft la même dont ils fe fervent par rapport


au Soleil, de qui ils difent qu'il a r'atrappé tanc
de fois le point où il recommence fon cours. Uj
exprimait aufli' les années lieliaques par le nom
d'une des faifons , & fur-tout de l'Hy ver j le nom
d'une des faifons foppofam dans cette occafion
Î>aurtoutes les quatre enfemble & pour l'année fo-»
aire entière. Ils diront, par exemple, il y a taris
d'Hyvers que je fuis au monde, pour dire il y a
tant d'années cette manière de parler eft encore
;

ufitée dans la poëfie ancienne & moderne. Ils


comptent delà même façon pour toutes \qs cho-
fes éloignées, qui renferment une période de temps
aflez longue, oii le nombre & la fupputation des
sïiois lunaires les embarraiTçroient. Us comptent ait
A M E R î QV A î N S. zij
contraire par les Lunes , & par les nuits, ^tiand
il d'un terme aflfez
s'agit court , de prendre leurs
mcfures pour leurs voyages de guerre, de chafTe ,
ou de pêche, pour leur rendez-vous, & pour le
temps de leur retour , &c. Dans ces occa(îons-là
même ils difent.fort bien, SkArahuat, qui figni-
fîe un mois iieliaque , comme s'Ouennitat, qui

fignifie un mois lunaire > mais !« premier eft


moins ordinaire que le fécond.
Il eft très-vrailemblable que tous les Peuples
de l'Antiquité avoient ainfi fubordonné les an-
nées lunaires au cours du Soleil. Cela paroît cer-
tain par l'Ecriture Sainte d^s Egyptiens & des ccn.cap.+u
'•*'-5°-
Hébreux. Jofeph parlant à Pharaon des fept an-
nées d'abondance, & des fept autres de ftérilité,
parle manifeftement des années qui dépendent
afefolument da cours du Soleil , lequel fert à
régler le temps des femences & éts récoltes , en
réglant celui des faifons. Les années Jubilaires
des Juifs étoient aufli manrfeftement des années
heliaques. Hérodote raconte des Egyptiens , que Heio<jot.
^''' ^•"'^°
les Prêtres de cette Nation fe vantoient d'avoir
été les premiers qui avoient divifé l'année en
douze mois de trente jours chacun ^^
folaires
aijoiitant cinq jours a la fin de chaque année. Les
Egyptiens fe donnoient , peut-être par vanité»'
«ne gloire qui ne ieur convenoit pas. Il eft pro-
bable que cette divifion eft auffi ancienne que la^
d'ivifion des Etoiles en Conftellations , dont il
y
.ea a douze dans l'.éclyptique, qu'on appelk le*
.

Ff ij
-

zi8' MOEURS DES SAUVAMES


douze Maifons du Soleil, parce qu'il féjourne un^
mois dans chacune., or , l'honneur d'avoir donner
des noms aux Etoiles, appartient, je crois, aux au-
tres Barbares , comme on pourra l'inférer de ce,,
que je vais dire tout à l'heure..
Acofta.Hift. Ce qui peut juftifier ce que je viens de dire
Moral, de las
^q^ années heliaques , c'efl; qu'outre les Barba-
if.cap.i.j. res , Peuples polices de l'Amérique regloienc-
les

aufTi leurs années par le cours du Soleil. Lqs ha-


bitâns du Pérou comptoient autant de jours dans
l'année que nous jôc, les partageoient en douze
mois lunaires, qui avoient chacun leur nom, &
fur lefquels ils onze jours folai-
repartifToient les
res qui reftent. L'année folaire des Mexiquains
.

étoit de 36^0. jours diftribués en dix-huit mois de


vingt-jours chacun. Néanmoins comme le cours
du emporte cinq jours davantage, ils en
Soleil
îenoient compte de la même manière que les
Egyptiens j.mais ils- les regardoient comme des
jours fupérflus, des jours vuides, aufquels leurs
Prêtres ne faifoient point de facrifices. Ces jours
fe paflbient uniquement à fe vifiter, à fe di- &
Après cette intercalation ils commençoient
v^ii'tir.

leu,r nouvelle année avec le Printemps, & lanaif-


fance des feuilles au lieu que les Péruviens la
j

commençoient d'abord en Janvier, & enfuite au


inois de Pecembre > après que leur Calendrier
ei^t été rç^fpf-m'é par uîn d-e, leurs Inca$.
- Les Mexiquains partageoient, outre cela, leur,
s^igtié^, feloA 1^5 faifons , en quatre parties éga^s;
,
.

'
A M E R I Q^U A I N S. "
x^^
îès ,
qui avoient chacune difFerens noms , 5c dif-
ferens fymboles pour les défigner. Leurs mois
n'étant pas réglés comme les nôtres , leurs femai-
nes ne l'étoient pas non plus \ elles étoient de
treize jours. Ils avoient aufïi des femaines d'an-
nées, dont quatre qui faifoient le nombre de 52.
ans, compoloient leur fiecle. La forme de ce Ca-
lendrier feculaire, étoit repréfentée par une roiie,.
ou par une croix à quatre branches égales. Le
Soleil étoit peint au centre. Chaque branche avoir
fa couleur particulière , & étoit diftinguée en
t=reize partiespour marquer le nombre des années.
Sur les bords ils marquoient les principaux éve-
nemens par des Hiéroglyphes. "^

V Je n'oublierai point de direici en paifant , que'


comme avoient une tradition que le Monde:
ils

devoit périr à la fin à^s fiecles , femblabk à celle:


qu'avoient les Peuples du Pérou , ainfi que nous •

l'avons dé^a remarqué lorfque leur année fecu-


-,

laire finifToit 5 ils éteignoient les feux facrés de;


leurs Temples, celui de leurs maifons particu-
lières , & brifoient tous les vafes qui fervoient
pour leur nourriture , comme s'ils n'en euffent/'
plus eu befoinj & que le Monde. eut dû réelle-
ment tomber cette nuit-là même dans le chaos j.
ou rentrer dans le néant. Dans cette perfuafioii
ils paffbient toute cette nuit dans les ténèbres en-=
tre la crainte &; l'efperance. Mais dès qu'ils ;

voy oient l'Aurore revenir leur annoncer le re-


tour du Soleil y on entendoit alors de toutes parts.
Ef iijj
r'39 MOEURS DES SAUVAGES
retentir mille acclamations de joye , fouteiiuës
du bruit de divers inftrumens de leur mufique ;

on allumoit de tous côtés des feux nouveaux dans


les Temples & dans les maisons, &c on célébroi-ç
une Fête , ou par des facrifices Se des procédons
folemnelles, ils rendoient grâces à leur Dieu , de
ce que fa bonté leur avoit rendu fa lumière, ô^
leur accordoit encore un nouveau fiecle.
Les noms des<juatre faifons font fixés .jchez Iqs
Barbares. Les mois prennent les noms des Lunes,
ou des differens effets qui y répondent. Chez les
Nations fedentaires de la Nouvelle France , ils les
défignent par les femences, par les difFerens de-
grés de la hauteur des bleds , les récoltes , &c.
Les Nations errantes ont d'autres circonftances
particulières à, chaque Lune, qui déterminent 1^.
nom qu'elles lui .<lonneni;. Ils ne fçavent ce que
c'eft que la diftindion des femaines , ni des jours
en heures réglées j ils n'ont gueres que quatre
points fixes, le lever du Soleil, le Midi, le Cou-
cher, & la mais ils fuppléent au dé.-
Minuit ;

faut des horloges par une attention , pratique û


exade, qu'à quelque heure que .ce foit du jour^
ils marquent à peu près du doigt le point pii le

Spleil doit être.


Les Iroquois 8c les Hurons ont uae manière de
compter , laquelle eft du ftyle de Confeil, où les
nuits fuppofent pour des années, ;^infi que je l'ai ;

dit du Tréfor pourroit y avoir eu parmi


public. Il

les Egyptiens ^ les Chinois., êc d'autres Peuples


«

AM E R I Q^U A I N S. 131

anciens , des manières de compter à peu près fem-


blables qui auront donné lieu à cette fupputa-
,

.tion d'un grand nombre de fiecles qui fe trou-


vent dans leur Chronologie, qui n'ont d'exiC^ &
tence que dans^lear ignorance, ou dans leur va-
nité. C'eft ainfî qu'il y a eu chez les Juifs des fe-
maines d'années , énoncées comme fi c'étoit des
femaines de purs.
' Le Baron de la Hontan dit, que l'année des i-aHonta»,.
Mcmcircs de
,

1 T 1 1
©utaouacs , des Outagamis, des Hurons , des l'Ameiiqirt.

Saulteurs , des Ilinois,-des Oumamis


de quel- , & Vo? Î'T^'
ques autres Sauvages , compofée de douze
eft

mois lunaires fynodiques , avec cette différence,


qu'au bout de trente Lunes , ils en laiflent tou-
jours paflec une furnumeraire qu'ils appellent la
Lune perdue y enfuiteils continuent leur compte
à l'ordinaire.- «Par exemple , dit cet Auteur, «
nous fômmes à préfent dans la Lune de MarS"-
que je fuppofe être le trentième mois lunaire, ««•

éc par confequent le dernier de cette Epoque , '«^

fur ce pied-la celle d'Avril devroit la fuivre im- «^

médiatement cependant ce fera la Lune per-


5 «
due qui paflera la première parce qu'elle eft la ,
*"

trente-unième. Enfuite celle d'Avril entrera,


& on commencera- en même temps la» période «
de ces trente mois lunaires fynodiques, qui font «
environ deux ans & demi. « Tout cela me paroîc
être de la pure invention de cet Auteur , ain(}
que fes Dialogues , & beaucoup d'autres chofes.
dont fes Mémoires font farcis, §c qui font tou*
?,3i M OE U R S DES S A U Y AGE S
tes de notoriété publique.
faufles
Ce qu'il y a de certain, c'eft qu'ils n'ontpoint
une exaditude mathématique pour les ihtercala-
rions , & pour accorder les années heiiaques avec
les années lunaires. Lts Peuples policés de l'Amé-
rique ne l'avoient pas eux-mêmes , à combien plus
^Acofta. loc.
.£Q^pg raifon les Barbares. Acofta &: l'Inca Garci-

GarciiaiTo ,
l^^o ^o^t obligés d'avoùer , que la fcience des

S'^lX 2.
Mcxiquains & des Péruviens étoit très-bornée fur
.cap. u. ce point. .L'un & l'autre rapportent , quoique
d'une manière un peu différente, comment les
habitans du Pérou regloient les erreurs, qui pou-
rvoient naître de la différence qui fe trouve entre
Iqs années lunaires & les années lieliaques en fe
,

réglant eux-mêmes, non pas fur le cours de la


J-nne , mais fur le point fixe des Solffices & des
"Equinoxes. Ils avoient des Tours pour obferver
les uns , & des Colonnes pour les autres. Au-
L'es
•teurs que je viens de citer, varient fur le nombre
& la pofitionde ces Tours mais ils conviennent
i

<dans l'effentiel , qui eft qu'elles étoient tellement


:difpofées, qu'on pouvoit y faire des obfer-vations
jnathematiques , lefquelles n'étoient pas fana
doute dé la jufteffe qu'on cxigeroit aujourd'hui^
mais qui étoient fuffifantes pour le befoin qu'ils
en avoient. C'étok un Prince dé la race des In-
cas, qui étoit obligé de veiller i ces ennuyeufes
-obfervations.
Les Annales des Sauvages n'étant pas beau.*
jcoup chargées par le défaut des lettres alphabé-
tiques
>A ME R IQ^U A INS. t^y

tiques, leur Chronologie ne Ce fent pas des er-


reurs qui pourroient fe trouver dans leurs fuppu-
tations , ôc fuivre de la révolution de plusieurs
fiecles. C£ n'efl; pas qu'ils n'ayent des Epoques
marquées , &c une manière de conferver la mé-
moire des évenemens hiftoriques, & des chofes
qui méritent le plus d'être remarquées. Car, ou-
tre ce que j'ai dit des Iroquois, des Hurons, &;
de ceux qui traitent les affaires par les colliers
de porcelaine , ^outre l'Ecriture Hiéroglyphique
des Mexiquains , & les peintures dont nous avons
parlé , tous les ;Sauvages ont encore une forte
d'Annales marquées par certains nœuds-; mais
ces Chroniques font bien bornées , & bien im-
parfaites chez tous les Barbares. Les Péruviens
les avoient un peu plus perfedionnées:-, car fi nous
nous en rapportons au Père d'Acolla , ils Tup- Acofta.Hif},

pléoient au défaut de l'Alphabet par leurs ^i- c°^.i^'^'^'


pos y .c'efl; ainfi qu'ils appelloient certains mémoi-
res ou Regiftres faits de cordelettes, compofées
de divers nœuds & de différentes coirleurs. C'eft
une chofe incroyable, dit-il , combien de chofes
ils exprimoient de cette manière; car avec cela.,

tout ce qu'on peut expliquer par l'Ecriture Se


par les Livres , d'Hiftoire , de Loix , de Cérémo-
nies de comptes de marchandife , ils l'expri-
,

moient par differens cordeaux , où les nœuds &


les couleurs étoient (i variées, qu'on pouvoit con-
noître jufqu*aux moindres circonftances des cho-
fes qui y étoient (igniliées. Il y avoit des perfon-
Tome IL Gg
,

13^ MOEURS DES SAUVAGES^


nés publiques , comme parmi nous les Notaires;
Royaux ,
qui eatenoient Regiftre , & Maî-
des
tres prépofés pour en enfeigner la méthode à la
jeunefTe. Les Mexiquains avoientencore plus per-
fedbionné leurs Hiéroglyphes Chronologiques. lU
en avoient des Hiftoires écrites fur des écorces re-
liées en Livres à peu près femblables à ceux qui
nous viennent de la Chine, & nous aurions fans-
doute une plus grande connoiflance de leur Mo-
idem,cap. narchie ,ii le peu de soût qu'on avoit pour la con-
noiiiance del Antiquité au temps de la conquête
des Efpagnolsj & fi lé zèle indifcret joint au peu
de Littérature de leurs premiers Miflionnaires
n'eut porté ces zélés ignorans à faire brûler tous
ces Recueils hiftoriques, comme s'ils eufTent été
remplis de caractères magiques , & n'eufTent eu
d'autre but ,
que d'apprendre la manière de faire
des fortileges.
J'ajouterai ici au fujet de leurs époques , & de
leur manière de compter qu'on doit regarder
,

aulîi comme une chofe digne d'admiration , que


les Sauvages ayent la même manière de compter,
qui nous efl: venue de l'Antiquité , & qui étant
purement arbitraire, doit être dérivée de la même
fource. Car le nombre de dix eft chez eux le nom-
bre de perfedion, comme il l'étoit chez les Egy-
ptiens, comme il l'eft aujourd'hui chez les Chi-
nois, & comme on peut dire aufTi qu'il eft chez;
toutes les Nations de l'Europe. Ils comptent
d'abord les unités Jufqu'au nombre de dix les :
A M E R i Q_U A I N S. ^3^
dixaines par dix jufqa'à cent : les centaines par
dix jufcju'à mille , ainfi du refte.

.Maintenant, pour ce qui efl: des Etoiles & des Etoiles &
^°°^^^^*"
Planètes , ils ont encore parmi eux les mêmes
tions.
1 / j 1 T
idées qu'on a eues dans premiers temps. Les Iro-
les

quois appellent les Etoiles Otjîflok. , un feu dans


l'eau, à'OifîjlA feu, &
d'O, qui, dans la com-
pofition, fignifie une chofe dans l'eau j ce qui
lemble faire allufion aux Eaux que l'Ecriture
Sainte dit être au-deffus du Firmament. Ils difent
O tjiflokpuannion y ajoutant la-fînale multiplicative
pour repréfenter le nombre des Etoiles. Quelque-
fois au lïi ils les appellent Otfftokpumnentagon ^ des
feux attachés , pour marquer que , quoiqu'elles
foient dans des Cieux fluides , elles y font fixes
néanmoins, & ont toujours un même rapport en- j

tre elles. ont divifées en Confl;elIations j


Ils les

& ce qu'il y a de (ingulier , c'eft que quelques


unes de ces Conftellations , & quelques-unes des
Planètes , ont les mêmes noms que nous avons
reçus de l'Antiquité. Ils nomment Venus , ou
l'Etoile du matin. Te Ouentenhaouitha y elle porte
le jour ce qui a la même fignification que le nom
i

de Lucifer y que les Anciens nous ont tranfmis.


Ils appellent les Pléiades * Te lenmnniakoua , les

* Varron attribue" à toutes les Cœli choreas aflricas ojlmderet^


, ce qu'Hygin ue dit que
.Etoiles
j^^^^j.^^ ' ^ib. z.
des Pléiades.
Qmm PiSius acr fervidis latè Signorumque choros ac mmài
ignihui
a- Jlammea te5la. i
,

i3tf MOEURS DES SAUVAGE^.


Danfeurs & les Danfeufes. Ce
qui paroîc avoir'
quelque, fondement dans l'Antiquité, félon ce'
Hygin. Lib, quc rappottC- Hygiii , qui dit qu'elks font ainïi
.
;

^*"'
ijs!"' nommées , parce qu'elles femblent mener une
danfe ronde par là difpofition de leurs Etoiles.
J^ai déjà remarqué qu'ils appelloient là Galaxie,
ou la voye La6tée, le chemin dôs Ames & j'ai ;

fait voir le rapport que ce nom a avec la dodrine'


dés Anciens fur Pétat des Ames, fur lear ori-
gine célefte, & leur retour dans le Ciel. Mais la
plus cara6teriftique,,& à laquelle je m'arrête, c'efl
grande Oùxfë que lès Sauvages nomment au lïi'
'


l'Ours ou l'Ourfé. Le nom Iroquois c'eft OkpuarL-
Jè m'arrête , dis- je, à celle-ia , parce que cette
Conftellation'eftla plus confidérable d^ toutes,
& la plus digne d'attention par rapport aux pre-'
miers Navigateurs , qp'on prétend s'être régler
fur elle dans leurs' navigations , qui par une' &
fuite naturelle doit avoir été plus univerfellemenr
connue que les autres , dont on. n'avoir pas un',
befoin fi marqué.
Je n'examine point ici les fables desPoëtes * fur
les noms de là grande & de la petite Ourfe, ôc
je laiiTe rechercher à d'autres , fi ces noms ont été-

* Afams au corrtmcncement "


te fable , auffi-bien que celle^

d« fon Pocme , parlcdes Ourfes d'Arcas &


de Callifto , iemblent
qui nourrirent Jupiter dans l'Ifle prouver que ce font les Cretois
de Crète , d'où elles furent tranf- & les Barbares qui occupoienr la,

ppitées dans le Ciel, &


placées Gréceylefquelsont donné le nom
au ombre 'es Conftellations-, en aux Etoiles , &c difticgué le Ciel
ifconnoiirance dç ce fer vice. Cet- en Conftellations.
>

^ A U^'E K I Q^U A IN S. 137


«îônrtésen confideration des Ourfes qui nourri-
ren^Jupite^ en Crète, ou bien à caufe de la Me-
tamorphoreJd'Arcas & de Callifto. Je crois, pour'
ce qui- concerne i'Hiftoire, que ces deux noms
peuvent avoir été donnés à ces Conftellations ,
qui font très-feinblables , fuccefïivement, en des^ "
>

temps differens , &t peut-être affez éloignés l'un


de l'autre i dû moins il paroît que l'opinion des
Auteurs anciens étoit , qu'on s'étoit réglé long-
temps-fur la grande Ourle avant que de fe régler
far la petite.'
Hygin dit que Thaïes, qui s'étoit fort appii-
^^j^^f"^^^'
que à l'Aftronomie , fut celui qui donna le nom ta winor.

à'^râos ih petite Ourfe , & qu'on l'appella MH-


7/ôr pour la diftinguer de la grande: que Tiialés^

étant Phénicien , en donna aniîi à cette Conftella-


tion le nt)m de Phénice: Les Phéniciens profitèrent'
de la découvertede leur Compatriote & reglanr i

leur cou rfe fur la petite Ourfe, ih ennaviguoient'


avec beaucoupr^plus de fureté. Tous les Peuples du'
Peloponnefe , & de la Mer Egée , continuèrent à'
obferver la grande Ourfe. Peut-être fut-ce un'
motif de jal-oufie , qui les- obligea à s'en tenir à-.
ufage quoiqu'il' en foif, les Phéniciens
.l'ancien ;

furent long-temps- les feuls qui fe gouvernèrent"


fur la petite Ourlé , félon letémoignaged'Ovide. ovîflius Faft.-

^/f tunc aut Hyadas , aut Pleïadas jitlanteas


-
?
Senjerat , aut geminos ejje Juh axe polos f
•-
mf^ dudi ArSîos -, quamm Cynofura pétatur
'

Sidûniis ; Helicen- graja carina mtet f'

Gg,n|,
2.38, MOEUI^SP^^S SAUV^AGES
Ce Thaïes dont parle Hy.gin, étoit Milefîeïi, &
ne peut être appelle Pkénicien, qu'à caufe du fé-
jour qu'il fit en Phénieie. Il eft différent de cet
autre Thaïes , qui travailla fur les Loix des Cre-
tois, & qu'oiip£Ut mettre ajiiJijQi^ des Légis-
lateurs. . -, ' '.
.,.,' • ' *..'

Ce qui efi: très-fûr , c eft que les îroquois àch


plupart des Sauvages connoiflent la grande Ou rfe
fous le même nom que nous &: comme les noms ;

des Conftellations font purement arbitraires, -&


donnés par le caprice , ils ne peuvent s'être ren-
contrés avec nous à impofer les mêmes noms
fans une communication d'idées , laquelle fup-
pofe celle des perfonnes par qui ces connoiffanr
ces font dérivées des uns aux autres. Il ne faut
pas croire au refte qu'ils lui ayent donné ce nom^
depuis que les Européans ont abordé fur leurs
Terres. C'eft certainement un nom très-ancien
parmi eux. Ils nous raillent même de ce que nous
donnons une grande queue à la figure d'un ani-
mal qui n'en a prefque point Zc ils difent que i

jes trois Etoiles qui compofent la queue de la


grande Ourfe , font trois Chafleurs quila pour-
fuivent. La féconde de ces Etoiles en a une fore
petite, laquelle eft fort près d'elle. Celle-là^ di^
fent-ils, eft la chaudière du fécond de ces Chaf-
feurs , qui poxte le bagage , &: la provifion des
autres.
Reiat. de la Le Père le Clerc, dans fa Relation de Gaf- la

5! pl'ijt,'
'^ '
pefie , aflure que les Sauvages Gafpefiens ont la
AM E R I Q^'U A INS. 13^
connoiffance de grande & de la petite Ourfe *
Li :

qu'ils appellent la première Mouhinne , & la fé-


conde Mouhinchiche , ce qui revient aux noms
d'Jrâos Ma/or Minor. Il ajoure, qu'ils difenc
Se
que les trois Gardes de l'Etoile du Nord font un
canot, où trois Sauvages, font embarqués pour
pourfuivre l'Ourfe mais que par malfieur ils
;

n'ont pu encore la joindre. Il n'eft gueres ordi-


naire de chaflTer aux Ours en canot, à moins qu'il
ne fût queftion des Ours blancs, .lefqùels' allant
pêcher fur les glaces , en font quelquefois aban-
donnés dans les Mers du Nord mais cette chafTe j

n'étant ni fûre , ni pratiquée, ce. canot me pa-


roît être pure invention du Père le Clerc;.
de la
hts Iroquois que j'ai confultés , ne m'ont point-
paru connoître la petite Ourfe fous ce nom-la. Ils
appellent l'Etoik polaire', iafte ouattenties , celle
qui ne marche point, parce qu'elle a un mouve-
ment infenfible à l'œil, & qu'elle paroît toujours
fixe dans le même
Cependant, quoiqu'ils
point.
ne connoiflent des deux Gurfes que la grande,,
G'eft l'Etoile polaire qui les dirige dans leurs voya-
'•* Dé tous les difFerens noms cela n'a pas été univerfel. En-
qu'on a donnés. aux deux ConA core aujourd'hui ces trois Etoiles
tellations des Ourfes , celui d'Ar- font nommées en Italie , i tri Ca^
<5los ou d'Ourfe , paroît être le valli , Cavaliers , com^»
les trois
plus ancien , &
le mieux fondé me on le voit furie Globe Celefts
dans la fable &
la Mythologie} da Père Caronelli. En France ont
mais il n'eft pas certain que les les nomme aufIL les Gardes de
trois Etoiles qu'on appelle les l'Ourfe ,j ainfi que l'a fait le Periç-
queucs de l'Ourfe, ayent toû- le Clerc dans fa Relation de ti
)ours été confiderées fur ce pied Galpefie i en l'endroit que j'ai
dans l'Antiquité , ou du moins cité»
Î40 MOEURS DES SAVVAxGES
gcs &.qui leur
, fert à diftinguer les différées
Fyhumbs de .vent ont i fuivr^. Lqs Sauva-
qu'ils
ges Abçnaqqis, ne connoliTent pas non plus la pe-
tite Ourfe; &;e crois, quoiqu'en dife le Père le
Clerc, qu'il .en,eft;,4e meriie ..d^s Micnia,cs qiii;
font leurs .voifins. *

Les Sauvages ont plus befbin de leui: BouiToIe


dans les bois &; dans les vaftes prairies du Con-
tinent Aq l'Amérique , que fur les Rivières doï\t
le cours leur eftconnu ,&c facile a.tenir /> mais
quand la vue du Soleil jrOU la clarçé des Etoiles
leur manque ont ui^e Boulfole toute natu-
, ils

relledansJes arbres. dgs forêts^ .qui- leur font con-


npître ie Nord par des fignes prefque -infaillibles.
Le premier eft celui de, leur cime, laquelle pan-
çhe toujours, davantage vers le Midy , où le So-
leil l'attire. Le fécond eft iCelui.de leur écorce,

quieft plus cerne &: plus,obfcure du-côté du Nord.


S'ils veulent s'aflTurer davantage , ils n'ont qu'à

lever quelques éclats avec leur haclie ; les cou-


ches diyerfes,, qui forment le corps de J'arbre.,
font toujours plus, épaiffesdu côté qui regarde le
Septentrion, &c plus minces vers le Midy, Quel-
ques fur s cependant que foient ces fignes , ils rom-
pent de petites branches de diftance en diftance
fur leur route,, lorfqu'ils doivent revenir fur
leurs pas , ou qu'il vient quelqu'un après eux ,
qui pbu.rroit s'égarer^ iî le vent ou les neiges VC'-
4aoient a, couvrir leurs piftes.
.C'çtoit autrefois u|ie fuperftitipn dj^s Xacede-
:'; .îiioniensjj
^

A M E R I Q,U A I N S. z^i
rmoniens , & peut-être de quelques autres Peu-
ples de l'Antiquité , de ne point livrer bataille
que dans le déclin de la Lune. Je n'alTurerai point
que les Sauvages ayent la même fuperftition.
Mais il eft certain que lorfque diverfes Nations
doivent fe réunir en Corps d'armée pour quel-
que entreprife, le fïgnal de leur rendez -vous,
c'eft.le plein d'une Lune marquée depuis long-
temps entr'eux pour.ce rendez-vous, auquel ils ne
manquent point de Xe trouver à point nommé \
de forte que ^c'eft encore ici une obfervation où ,

les Aftres fervent à diriger leur route, & la con-


.duit.e de leurs entreprifes.

"Xe Campement des Sauvages , quand ils font Campe-


. arrivés au lieu de la couchée, eft bien-tôt fait. "^^"^

Ils renverfent leurs canots fur le côté pour fe ga-


rantir du vent , ou bien ils plantent quelques bran-
ches de feuillages fur la grève, en étendent &
d'autres fous leurs nattes. Quelques-uns portent
avec eux des écorces de bouleau roulées comme
nos Cartes Géographiques , avec quoi ils ont bien-
tôt fait &c dreflfé une efpece de Tente & de Ca-
banage. Les plus jeunes de la troupe, lorfqu'il
n'y a point de femmes , allument le feu , & font
ciiargés du foin de faire bouillir la chaudière
& de faire tout le refte du ménage. Les Guer-
riers ont toujours coutume de conduire avec eux
quelques jeunes eens , dont l'occupation dans,
ieurs premières Campagnes , eft de iervir les
TomlL Hh
Z42' MOEURS DES SAUVAGES'
autres , comme Hylas fervoit Hercule..

Manière Ils Ont dans CCS fortcs d'occafions* une fàçon^^


de faire du particulière d'allumer du feu. Les Sauvages Mon-

tagnais &c Algonquins battent deux pierres de "

Mine enfemble fur une cuifl'e d'Aigle j féchée


avec fon Duvet , lequel prend feu aifément, &
tient lieu de mcche. En guife d'allumettes , ils
ont un morceau de bois pourri & bien fec, qui
brûle inceflTamment jufqu'à ce qu'il foit confumé.
Dès qu'il a pris, ils le mettent dans l'écorce de
Gedre pulverifée, &c foufflent doucement jufqu'à
ce qu'elle foit enflâmée.
Les Hurons, les Iroquois, & les autres Peu-
-: • :"> pies dé l'Amérique Méridionale , ne tirent point
le feu des veines desicailloux ^ .mais en ftottant
des bois l'Un contre l'autre. Ils prennent deux mor-
ceaux de bois de Cèdre, fecs & légers 3 ils arrê-
tent l'un fortement avec le genou,, ôc dans une
cavité qu'ils ont faite avec une dent de Caftor , ou
avec la pointe d'uncoiiteau, fur le bord de l'un de
ces deux bois, qui eft plat, & un peu large , ils
infèrent l'autre morceau qui eft rond &c pointu»
& le tournent en preflant avec tant de prompti*
tude Oc de roideur , que la matière de ce bois
agitée avec véhémence , coule en pluye de feu
par le moyen d'un cran ou d'un petit canal, qui;
fort de cette cavité fur une mêcne, telle que je
viens de la décrire , ou à peu près femblable»
Cette mèche reçoit les étincelles qui tombent, fie
îcs conferve alTez long-temps pour leur donner
le loifîr de faire un grand feu , en approchant
d'autres matières féches , & propres à s'enflam-
mer.
Cet ufage de faire du teu par la terebration,
eft d'autant plus fingulier & plus remarquable y

que c'efi: même abfolument qu'avoient les Vef-


le
tales à Rome de faire leur feu nouveau , ou de
rallumer celui qu'elles avoient laifie éteindre
par leur négligence. Car n'étant pas permis d'y
appliquer aucun feu prophane, c'étoit la coutu-
me , dit Feftus , de percer une planche d'un bois ï'eftu?; igois

fort combuftible, jufqu'à ce qu'on en eut tiré du


feu qu'une Veftale recevoit fur un treillis d'ai-
,

rain qu'elle portoit en fuite dans le Temple. Mos


erat TahuUm felicis materU tamditi terebrare quouf-
que exceptum ignem cribro aneo Virgo in adem ferret.
Chez les Grecs, félon le témoignage de Plutar- piutarct. in
^""*"
que , on rallumoit le feu facré par le moyen d'un
miroir ardent, qui réiiniflant les rayons du So-
leil , enflammoit des matières combuftibles , pré-

parées dans un vaiffeau delliné pourcet ufage.

La manière dont les Sauvages font


guerre ,
la Précàu-

eft redoutable à tous leurs Ennemis , parce que p°"*


^^ç_
tout leur art fe réduit à les furprendre, comme mi,
le chat fait la fouris. Un petit parti vife à tom-
ber fur quelques Cabanes de ChaflTeurs qu'ils en-
lèvent pendant leur fommeil. Lors même qu'ils
marchent en Corps d'armée , ils tâchent de pren-
Hhij
144 MOEURS DES SAUVAGES'
dre il bien leurs mefures , qu'ils arrivent au ino^
ment où on les attend le moins-, pendant que les
iiommes font à la cha.{re, que les femmes font
occupées à travailler aux champs , &c qu'on eft
hors d'état de leur faire tête;
Le fuccès de ces entreprifes dépendant du fe--
cret , & du foin qu'ils prennent de couvrir leur
marche, il n'eft point de mefures qu'ils ne mer»
tent en œuvre pour découvrir les divers partis
qui font en campagne.. Se pour u'ctre..pas.décou-p
verts eux-mêmes^
A chaque Campement qu'ils font , ils envoyene
leurs Découvreurs pour battre l'Eftrade, & con-;
noître le terrain. Ceux-ci ont des fignaux auf-
quels ne fe trompent gueres.
ils

Le premier, c'eft l'odeur de la fumée. S'il y?


s. quelques Sauvages cabanes dans le bois , ôc qui
y vivent en fecurité , ceux qui les cherchent , s'en
apperçoivent aufïi-tôt, & de très-loin, a l'odeur-
de leur feu. On peut être, aflu ré qu'ils ont le fen-*
liment aufli fin , que l'eft celui d'un chien de
chaffe, accoutumé d fe mettre fur les piftes d&
fa proye.
Le fécond {Ignal eft celui des veftiges des per-
fonnes , qui ont paflTé dans un endroit. Il eft cer-
tain qu'ils apper^oivent ces veftiges , la, où nousi
n'en fçaurions voir la moindre trace. Du premier
coup d'œil, ils diront fans fe tromper, dequelle.
nation , de quel fexe , de quelle taille font les per-
fcAnes donc ils voyent les piftes , ôc combien *
,

pê& près il y a de temps que ces piftes font im-


priméesi Suppofé que ces perfonnes foient de
•leur connoiiTance , ils ne tarderont pas à dire, ce
font les veftiges' d'un tel , ou d'une telle. Ils ont
même cette malice , que lorfqu'ils ont découvert
par-là d'un rendez-vous fufped: , ils en-;-
le lieu

lèvent toute l'herbe qui répond à l'un de ces vefti-


ges langage muet , mais expreffif, de ce que la
:

bouche ne peut dire avec bienféance , & il eft


rare qu'ils s'y trompent.
Bien qu'iJ y en cela quelque chofe d'extra-
ait

ordinaire, ce n'eft pas à dire qu'ils ayent la vue


meilleure , & plus perçante que ix)us mais je ;

crois q-ue c'eft l'efFet d'une attention particulière


& d'un long ufa^e à faire c-es ferres de remar-
ques. J'en ai moi-même fait l'expérience , norï
pas à la vérité par rapportaux-veftiges, à con- la

sidération defquels'je ne me fuis point appliqué y.


mais par' rapport à deux autres c-hofes qUi fe pré-
fentent aflez fouvenri
Dans les commencement qUè j^étois à marMif-
fion, j'étois tout furpris de voir les Sauvages dé-
couvrir de très-loin les- Ganots qui môntoient-,
ou qtii defcendoient la' Rivière , dès le momenr
qu'ils fe montroient. Je. n'étois pas moins étonné'
de voir j qu'étant en Ganot av-ec eux , ils faifoient
fou vent unmouvement ,- -comme s'ils^ euflent
voulu harponner un poifïbn qu'ils voyoient au'
fonds de Teau: J'ouvrois les yeu« aufïi g^a^id^s^
que je pouvoisj &: je ne voyois rien. Mais- peu a.'

Hhiij.
4,4^ M QEi^R & QE S :.S AXJy AG:E^
nea, ^ for^^ d'attention fur l'endfoit qui "m'étoit
marqué , je. parvins. à découvrir. quelque chofe.
Enfin je m'y accoutumai (1; bien, que j'étois fou^
vent le premier à les faire appercevoir aux Saur
vages mais malgré mon expérience , je ne laif-
j

fois pas d'être furpris, qu'on pût voir un poiflbn


fous l'eau à plufieurs pieds de profondeur, ,&, un
canot à plu^s d'une licuë loin, quoique les terres
le mangent , & qu'il ne paroiflTe que comme une
ligne fur la furface de l'eau.
•"
Les Anciens avoient cette fcience des veftiges.
Se s'en fervoient.avec avantage de la même ma-
,Apoi.Rhod. niere que nos S^anvages. Apollonius de Rhodes
rti^/'
^'
nous en donne l'exemple dans les Argonautes.
Ceux-ci av oient abandonné Hercule , ,lorfqu'ii
s'étoit égaré pour courir après Hylas , que hs
Nymphes lui avoient ravi. Ayant appris enfuite
paru dans la Lybie depuis peu de jours,
.qu'il avoit
ôc qu'il ne de voit pas être éloigné , .ils envoyè-
rent plufieurs de leur troupe en differens en-
droits pour demander de fes- nouvelles ., parce
que,, ajoûte-t'il, ils n'étoient plus à temps de le

fuivre en courant fur (es piftes ,, ;les vents qui


avoient foufïlé pendant quelques nuits,, ayant
:troublé tous le,s yeftiges , & tranfporté les fables
de côté & d'autre , comme il arrive encore au-
jourd'hui dans ces païs-1^, pii les Caravanes en-
tières font quelquefois enfevelies fous des mon-
tagnes de ces fables mouvans des déferts de l'A*
frique»
. . MM E kl Q^U A î N S. z'^jr

îFs n'ignorent pas que leurs ennemis ont les


mêmes qualités qu'eux j & pour n'en être pas dé-
couverts;, ils s'obfervent avec très-grand foin, &
marchent avec une très-grande circonfpedion. Ils
ne fe fervent plus de fufils pour chafTer , & ils
commencent à vivre des provi fions de farine qu'ils r

ont apportées. Ils la détrempent avec un peu


d'eau froide, ou la mangent toute féche , &: boi-
vent un grand coup par- deffus. Ils n'ofent pas
même. allumer du feu. Dansleur route, ils^mar-i
chent i la. file lés Uns des autres , & les derniers
couvrent les pilles avec des feuilles s'ils trou- ;

vent quelque ruififeau , ils marchent quelque


temps dans l'eau pour dépaïfer ceux qui pour-^
roient les fuivre. Enfin en approchant du terme j
ils ne marchent plus que la nuit, & répofentunê

grande partie du jour. Malgré' tbutes' ces précau-»


tiensnéanmoins 5 ils font fort fou vent furipris y
,

parce qu'ils manquent à la plus elTentielle j


qui eft de faire une fentinelle exaéte car au 5

lieu de fe relever les uns les autres dans cette


fondion, ilsfe repofent fur l'affurance que leur ont
donnée les Découvreurs qu'ils ont envoyés, avant
que de camper ils dorment tous enfemble com-
i

me en païs de fureté , & c'eft lorfqu'ils font pro-


fondément endormis, qu'on leur donne l'afiauti
qu'on les aifomme , ou qu'on les fait efclaves,
*r.Gette Guerre de furprife que fe font les Sau*>
vages les uns aux autres , à la façon des Par*^
ïbes , qui fatiguèrent fi long-temps les Romains jj^:
.

148 MOEURS. DES SAVV.AGES


ne vient point d'unprineipe de lâcheté mais plu- -,

tôt de l'envie qu'ils ont de rendre leur vidoirc


plus complette , & de kur attention à çonferver
leur monde. La perte d'une feule perfonne leur
efl: excrêmerc^ent fenfible j eu égard à leur petit

nombre & xette perte a de u grandes confe-


;,

quences pour le Chef d'un -Parti, que <l>e-là dé-


pend fa réputation -les Sauvages voulant qu'un
j

Chef non feulement foit habile, mais encore qu'il


foit ..heureux. Leur bi£arerie -efl telle fur ce point,,
que s'il ne ramené tout fon monde & que s'il ,

en meurtquelqu'un mêm-e de mort naturelle , il


eft prefque entièrement déeredit-é. Cela peut être
néanmoins l'effet ^'une abonne politique , pour te-
nir par-là ces Chefs en bride, ô^ les engager à
ne pas expofer leur monde avec t-émerité. Du
refte. ils font tien voir dans l'occafion, qu'ils ne
nvvnqnpnt pas nde cœur lorfqu'ils font découverts.,
.& qu'il faut ^payer de leur perfonne foit que i

de'^'^ P^^"s E^^^"''^^ fe rencontrent en campagne,

fpit qu'ils foient obligés d'attaquer .une Place e^


4tat de faire ^éûftance.

Combat de -Le Champlain , fuivi de quelques


Sieur de
.î'euioiiue. autres François , ayant accompagné les Sauvages
Algonquins ;& Montagnais , qui alloient en guer-
re contre les Iroquois , nous a laiffé la defcription
d'une de -ces rencontres, laquelle peut faire fen-
tir qu'ils ont de la valeur , & même une cer-
taÏQe nobleffe de courage , doac on fe ferait hon=-
iieujc
" '
AU 12. R I Q^U A N I S. ^ i^y
iaeuf en Eufo^e.- Voici ce que j'ai recueilli de f4>
narration que un peu abrégée.
j'ai ï
'

Champlain & fa Troupe s'étanc embarqués fut voyages 4«


le Lac , qu'on a depuis appelle d« fon liom iei ïf/.^'^t.V
X.ac dfi Champlain , & continuant leur route 'en*
iilence. Se 4an5 faire de bruit , ils virent Tur les
dix heiifcs du finr, ^h
pointe d'un Gap ,débor-î
der hs Iroquois, qui venoient aufli en guerre de
leur côté. D^hs que les,d«ux Partis fe furent ap-
perçûs , on de part & d'autre de grand®
jetta
cviSy'&c chacutt fe prépara au combat. £es ito-a
quoi-s mirent pied à terre , rangèrent tous leurs
carïots fiir le rivage , pour être en état de fe rem-
barquer en cas de befoin ^ &
ayant abbatu du bois
avec leurs haches, iis fe li)atricaderenr fort bien.:
Les autres de leur côté fe mirent à U portée 4'un
trait de flèche de la barricade de leurs Ennemis,
ferrèrent leurs canots au large les uns contre les
autres , les attachèrent avec des piquets , {j^ &
mirent en état de fe battj;e.- :'.:'::: h iîj; :-: j-,: ,:

•^i Dès que ceux-ci furent en ordre, ils détache^

i?ent deux canots -avec des Héraults pour aller


offrir le combat aux Itoquois , qui l'acceptèrent
avec /joye ; mais pour le lendemain feulement ,
difant qu'il n'y avoit pas d apparence qu'ils puf-
fent le commencer dans robfcurité de la nuit ,
laquelle enfeveliroit leurs belles adlions j qu'il
falloir attendre le jour pour fe xeconnokre , Se
qu'au moment que le Soleil fe moptrerolt fur
rhorifon , ils iraient leur livrer la bataille* Après
Tome il, li
.

^o. M OE y as jDEs s:A .ILV a:ç e s^


' q^t%é,ri)^Qn{^j<\m fut 'agréée y tes: -deux- caïiots; re-
;

joignirentJegros de leiaç petite armée j & dépare^


^i ,, r &• d-àmte ,;. k nuit fè pafla à chancer.vdes
chan-
: fdnj de mott-: à vanter fes hàuts-latty 3 ;ôc-= ceux
de fa-Na.tion,,,&;.à/dire.i fdqn la cDÛtîiraev bien
des içhojfes m é;^j:iiantes -j^m fes ^Eniieinis j doat
cha<jiJej parti fe presBéttonlune-MÛoire- âif€fi.iï;i
î^hLe jour étant venu'f, les Iroquois fortirent de
lèut Fart
: • no mbr e djeb prcs de deux ceiî& hbm-
ari! . .,

©iesf, matjchant aè petit pi^s-en ordre de bataille 5^,


avec une gravité j&. -uwe Gonfetiaaiçe>liai:edemo-;
nienhe , dont le. Sieur de GiîàEnplaiin£ut fort con-
tent.- Ils avoient trois Chefç à- Iciur tête jjquiï

avoieiit trois-gfauds'penîiachèsTpdupfe diftingueri


dans i'adïion, <2èux dm parti çoot^râire qui avoient.
débarqM:éo^{ fé rangereni;. dans le: m'cme ordre^
Çhamplaiii s- étant aîor5 avancéi^ les Iroquois fi-
rent alte pour fe remettre de.leur fufprife., &:
après i'avoir.contemplé uo'-mGdtent, ils s'ébran-
lèrent pour décocher/Jp^ursi fiéçhes;, & l'a^Stioa
c^iiuneéiça'de bormegrace. Elle au^roit continué de
lîtnxcmemanierej.m'aisChamplain ayant tué deux :

des Chefs:lrôquois.jcôc blefie à mort un troifiéme.


4orikuîJi;iîbU;pedti -premier: coup- d'ai*quebûfe.
qu'ij tir'a; ;> uaiiautre Fraa^ois jajrant aiilfi tiré] eii)
çicATiie temps de dedans le bois , ireffet inopihévdè
éesiatmes i.feu V qui étoient nouvelles, pour ce». •

Biirbare$ip;lei> décomcerta j ils ne dirpnterent pas


;

WVii<Ox)rnery;'que fainslcéJa.Jik auroient peut-être


lén^brtéë^/ilsJ abandsoûnerentle. ^cbaAîp da-ba*
,

AME R:i(iU A IN S. : .z^i

rfâille, & retranchemens


leurs ils fe fauverent
;

dans les bois , où leurs ennemis les pourfuivirenr,


en tuèrent plu fietics, firent quelques prironmers,
& le refte fe fauva comme il pût. 'yn-Tp! «*

EXanfs ces fortes d'ôccafions , leur petit nombre -

leur permet afleïde s'attacher , pour ainfi par^


iler , corps à corps , & de fe battre comme en duel
ainfi £<jue faifoièrâ désiHiëros de l'Iliade 6c de
ii'Eneïde. rls.fe connoifrent aflez fouvent , & fe
parknt. î^Ils fe derîiandent-des nouvelles, fe ï>a-
tranguent, ôcne s'aflTôrament point fans s'être fait
auparavant quelque compliment , ptareil ij ceux
t^ue' Virgile fait faifè a fon Enée* r.:.,.
• r :>/ =

" Quoique les Sauvages foient faits a fe battre


.dans'les bois, &c courant d'arbre en arbre, ils ne
•laiflTent pas de fe comporter fore bien en plaine

i& à. découvert, ils ont même entr'eux Ttne ma-


nière d'exercice pour faire leurs évolutions mi4
;iitàires,', qui fait voir qu'ils ne combattent poirtc

:à la, débandade , ôc qu'ils fçavenx garder leurs'


rangs. Champlain nous en donne auffi cette def*-i
'Çription. - »jp'-[ i.^ld

« Les Chefif , dit-il , prennent des bâtons de A


la longueur d'un pied , autant en nombre qu'ilis^^
font -, &
fignalent par d'autres un peu pIusH'
;grands leurs Chefs, puis vont dans les bois , &:*r
:cfplar*adcnt «n efpace- de cinq ou fix pieds en'*(
quïirré y bù le Chef comme Sergenc-Ma^jôi-, metiiii
tpar ordre.tous ces bâtons, xomme h&ti hn Cem^iti
slïle, puisapj>elle tous fes compagnons qùi.vien-=*i^
;

.
r nent tous armés, & leur montre le rang & ars-^

,rdre qu'ils devront tenir lorfqu'ils fe battront


»,avec leurs Ennemis , ce que tous ces Sauvages
-regardent attentivement^ remarquant :U figure
rdueleur CheFa £g,ite avec ces bâtons> après & .

if le retirent de-Ià ^ & commencent à fe mettre


«en ordre, ainfi qu'ils ont vu lefdits bâtons-
uns parmi lés autres ,.
Sf\i.i$ fë: niaient les rê? &
•i tournent dereclief ejiL leur prdr^ , continuanc
i»deiix ou trois fois i &
font ain-fi à tous. leurs
» logemens y fans. qu'il foitbefoin de Sergent- Ma-
•- jor pour leur faire tenir leurs rangs , qu'ils fça-

»vent fort bien garder fans fe mettre en con-


• fufion,: Voila la règle qu'ils tiennent en leur
-^guérrci

Siège ^es Le Siège des Places, où trouvent Je la ré-^


ils

î'kces, finance i! eil encore une preuve qu'ils ont des re- ,

glesd'ua art militaire , où la) rufe & l'induftriè:


vont de pair avec la force & la valeur la plus in-

trépide. Si les Affiégeans font des efforts incroya-


bles pour furprendre la vigilance des Affiégés,.
& pour vaincre tous les obftacles qu'on, leur op-
pole, ceux-ci n'omettent rien de ce qui peut fer^
vir à une belle défenfe; Les feintes , les faufïes
attaques , les forties vigoureu£ès imprévues y &
Us embûches, les furprifes ,. touteft mis en ufage-
de part & d'autre tour à tour mais iLn'eft g;ue-
:

r«s de fiegcqui dure. Les paliflades n'étant que


ck-bois, ôc les Cabanes n^écant q^ue d'écorce., les^
 ME R I Q^U A I N S. 155

'Aflrégés ont beau garnir leurs remparts des pier-


res, de poutres , & d'eau ils ont beau être attentifs^
-,

à repoufTer les Aflîtillans par une grêle de traits ^


ceux-ei portent chez eux la défolation par des fié-
ches ennammées 5 dont un petit nombre fufïît, R
k vent les favorife , pour réduire tout le Village
en cendres. Ils font leurs approches fans crainte
avec àcs mantelets faits de planches qu'ils por-
tent devant eux , & à lar faveur defquelles ils
vont jufqu'au pied de la paliflade » qu'ils fapenc
avec la hache , ou avec le feu ou bien ils fonr :

une contre-paliflade y de
laquelle: leur fervant
feouclier & donne le moyen de
d'échelles, leur
franchir les retranchemens ennemis, & de s'en"
rendre les maîtres. C'eft a-infi que j'ai vu dans
une de nos Relations , que fept cens Iroquois
ay oient forcé un Viilage delà Nation appéllée
1

du Chat y oè il y avoir près dfe deux mille hom-


mes pour la défendre', nonobftant une grêle con-
tinuelle de coups de fufil, qui pkuvoiemfur eur
de tous- les côtés.

Il eflE impafïïble Je Bièti d'epeindre la trifte 5ac&prî-


£céne qui fe pafTe dans un Villas-e furpris ou for- {f,^'""*
1 ^
' T ir L •••11' i n^CQ^

ce. Le- Vamqueur barbouille de noir


1 1
de rouge

&
d'une manière propre à infpirer la terreur ,; & in-
fblent de fa viâ:oire, court par -tout en forcené^
chantant Ton triomphe, & infultantaux vaincus:
par d'horribles cris. Tout cie qui tombe fous fa^
main ^ efl immolé à fa cruauté barbare. Il nreç
iiii^
154 MOEURS DES SAXJVAGES
tout à feu &c à fang dans la premiemchâleur dà
.carnage. Sa? fureur nes'iarrçteque.par la kflitude^,
6c alors elle devient iiiduftrieufe
pour être plu«
cruelle à l'égard des malheurcox , .qui jayant
échappe aux premiers coups,. ont le triftefopt de
tomber vifs entre leurs mains, hts Vaincus îde
leur côté n'ignorant pas ce qu'ils ont, à attendre
de la xruelle férocité des .vidbrieux,, aimant
mieux périr , & s'enfevelir dans les cendres .de
deur patrie, que de furvivre quelques, momensi
fa ruine , pour être expofés enfuite auxi tourment
de la cruauté la plus rafinée, font des «prodiges ç

de valeur & animés également par l'efpritîdd


j

vengeance, & par le défefpoir , fe font des ar-


mes de tout ce qui leur vient à la .maia , chet-
.chentia mort dans leur courage, & dans celui
;de leurs Ennemis , .& ne -cedent.enfin , que lorf-
vqu'accablés par le nombre , ou par l'excès de là>
fatigue , ils fe trouvent dans l'impoiribiUté de'
^continuer à faire réfiftance.
Comme Vainqueurs nefçauroient confer-
les
?ver le grand nombre de prifonniers qu'ils font
dans un 'Village ddnt ib fe font rendus les miaî-
tres , leur politique, qui vife^à empêcher les^^Vain-^
eus de pouvoir fe relever , & remettre en état'
fe
de défenfe , leur fait difcêrner ceux .qu'ils veu-'
lent facrifier à la fureur tfmlhms.;, àc écux qu'ils^
veulent réferver pour les incorporer parmi eux^'
Ainfî les Viellards qui auroient de la peine à ap-
prendre leuj; Langue , ou ^ae leur âge reudtoip
'ni il
.• A'ME R I Q^xr A IN S. ^^
intuiles : Chefs & ks Confiderables parmi les
les

Guerriers^,- donc ils pourroient avoir quelque


chofe à craindre s'ils leur échappoient les en- :

fâns d'un âge trop tendre , &: les infirmes qui


ferôienCitrop à charge dans leur route; font les
vi<^imes infortunées qu'ils inimoLent à kur rao-e
& â karr faufle. prudence, r Ils en brûknt plu-
fieurs avant que de fortir du Village qu'ilsiont pris^,
&> comme "fur -k^ champ, de bataille. Ils erthru^
klitienfuite tous lès foirs quelque autre les pre^-
inierî^jours ^de leur marche j.loi:{qu'ils peuvent
fô retirer fans crainte d^Jetre pourfuivis. ^

Ley petits Partis n'étant pas en état de faire-:


des coups d'éclat , n^ofent prefque pas s'avancer
qu'aux portes des; Villages; Il y en-a cepen-
dant :qui k font i mais 'ce ïbnt des coups ra,res/,
& pleins de témérité, tel que fut celui d'un Iro-
quois, qui approchant fecrettement de la palif-
':6ide d'un ^Village-où l'on chantoit acluelkmenc-

k^Guerre ; ôs ayant appecçû ideux Sauvages fur


une guérite j y monta adroitement , déchargea'
un coup de malTuë fur la tcce de l'un j & ayant
jette l'autre par terre , fe donna le temps de l'é-
gorger > & cf edkver la chevelure à tous les deux 3
apjès quoi il fe fauva.' Ils font kors coups >d'or°
dinàire da«sks 'lieux de jchaflfe & de pcche^ &: ,

quelquefoisvà^ l'entrée des champs & des bois, où-


après s'ctre tenus tapis dans les ibroifailkspen-'
dant quelques ^oiirs ,- k malheur de q^ielques paf-
îànJ^quitie^penCeiit à.riert moins, kur-donne-
t^6 MOEURS DES SAUVAGES
l'avantage de la furprife & de la victoire. Har-
celés enfuite par la crainte d'être pourfuivis , ils

fuyent plutôt, qu'ils ne battent en retraite; caf-


fent la tête aux blefles, &iceux qui ne peuvent
lesfuivre, Se ne meneat de prifonniers avec eujc
qu'à proportion de leur petit nombrç; s'ils ont en-
vie d'en brûler <juelqu'un, qui lem* p^^roiffe {ur-
numeraire, 5< qu'ils ne.croyent pas avoir 1-ctempj
de le faire àleur aife, ils ratcacbent a un arbrç,
^^ & mettent le feu à un autre .arbr« »voi{in qjai foit ,.

dans un j^ufteéloignetnent, pou-r Iç faire ibuifr^yc


long-temps, & ne le brûler qu'à la longue. Ces
iniferable.s ainfi abandonnés , meurent comme des
forcenés , ou du feu lent qui les confume , ovi
d'une faim cruelle, fi le feu n'a pu s'allumer aflez
bien pour leujr fair^e femir fon adlivité,

D#s Che- Tous les Guerriers , lorfqu'ils font a-ffemblés


veiures en-
qii Corps d'armée, avant de donner un combat ^
ou d attaquer une Place, coupent Ig. tête deceuK
qu'ils ont ,tuis , .& furpris à llécart , la por- ^
tant dans leur où ils l'expofefit aubo^ç
camp ,

d'une efpece de pique ou d'un long bâton, à la


yûë ds$ Ennemis fut qui ils Qnt fait cette con-,
quête. M?iis en Te retirant , ou dans les autres-
Qccafîons,, ne font qu*enleveriache,vcluredè
ils

tous ceux qui font morts dans l'adtion , ou qu'ils


ont laiffé pour morts. Ils cernent pout cet efFet^j
la peau qui couvre le crâne, coupant aurdeffus
4u front ^
des or eilks jufqa'a^ acrâôr^ dç Iz
A' M ER IQ^tr AI NS. 55/
tête. Après l'avoir arrachée, ils la préparent , &:
Ja ramoljiflent , comme ils ont coutume de faire à
celles des bêtes qu'ils ont prifes à la chafle. Ils
étendent enfuite cette peau fur un cercle oii ils
l'attachent*, il-s la peignent des deux côtés de di-
verfes couleurs, quelquefois ils tracent du côté
oppofé aux cheveux , le portrait , ou la peinture
hiéroglyphique de celui à qui ils l'ont enlevée,
& la fufpendent au bout d'une perche , & la por-
tent ainfi en triomphe. Ce qu'il y a de furpre-
nant , c'eft que tous ceux à qui l'on fait cette
cruelle opération de leur enlever la chevelure ,
n'en meurent point , non plus que du coup de
cafle-têtc dont on a crû les avoir aflbmmés a
,

n'en plus revenir. Plufieurs en font réchappes,


& j'ai vu une femme dans nôtre Midi-on , à qai^

après un f(imblable accident, les François avoient


donné le nom de la &
qui fe portoit
Tête pelée ,

fort bien. Elle étoit mariée à un François iro-^


quifé , dont elle avoit des enfans.
Scythes & d'autres peuples Barljares de
^.e-s

l'Ade & de l'Europe, s'étoient rendus autrefoijS


cékbres par c^s terribles marques de-leur férocité,
que les Auteurs anciens n'ont point ignorées. Voi-
ci comme Hérodote s'explique aa 'fujet des Herc(?o Lit.

Scythes. Un Scythe boit du lang du premier»


««
'^" **•

prifonnier qu'il fait, ^


il préfente au Roy les «

têtes de tous ceux qu'il a tués dans le combat « ;

car-«n portant une tête, il a part au butin au- «


,

*^uel il n'a nul droit -faris cette condition, li »


Tome IL Kk
ftjg MOEURS DES SAUVAGES
» coupe cette têce de. cette manière. Il la cerne atî-
a^rtour des oreilles , & ayant feparé le teft d'avec

»^lc refte, il en a;rrache la peau v qu'il a foin de


4^ ramollir avec fes mains jôc. d'apprêter comme

» an apprête une peau de bœuf. Il en fait en fuite

« un ornement , & l'attache au harnois de foiv


« cheval en guife'de trophée. Plus un particu-,
«lier a de ces de dépouilles ,, plus il elt
fortes
- çonfideré &: eftim©. Il s'eii trouve qui coufent:
..plufieurs de cs.s peaux enfemble , comme Ch
» c'étoient des peaux de hêtes 3- & s'en font des
H vêtemens. P'iuiieurs ccorchent lès^ mains droi-

»tes de leurs ennemis y ils enlèvent habilement;


cette peau^^ avec les ongles qui y reftent atta-,
s*^

-chésjôô ils s'en fervent pour orner leur Car^--


» quois, parce que la peau dé l'homme eft épaiiTei^,
»&: plus éclatante par fa blandieur, quecelle de»
»tous les autres. ani<ma;ux. Il y en. a encore ua^
• grand nombre qjui ceorch,€nE les hommes entier^? i{.

«ils en font fée her la peau fur des chevalets, ôs,


»»$'en fervent enfuite de hcKjfTe qii'ils iriettent fui;::
» leurs chevaux,. -

Ce font-là , dit cet Auteur,, des coutumes re«


çûës;che> ces. Peuples. Il explique enfuité de.
quelle manière ils font des- ttiffes du_ crâne de>
leurs ennemis les plus con fi durables, & de leury
amis même, les plus familiers- qu'ils ont vaincus-
e!hcombat fingulier en préfence du Prince iquandi
les différends fur venus enti'eu^ y les ocit eon—
ïfâint.s.di^.k? appelkr eadtieiii. . .. : ....^
«

A ME R î Q^U A I N S. ^
Les Gaulois n'étoient pas moins barbares qy-e P'^^"'-
si-

les Scythes , &


Diodor« de Sicile en ec-ric a ^u trt.&nj.

près dans les mêmes termes. » Si quelqu'uQj àk~ «


il, is'avarvce pour ics cotnbarttre , ils chantent «
de leurs Ancêtres , & les leurs
les bel l'es ad:ions «<;

propres. Ils affedtent au contraire de témoigner «•


un louverain mépris pour leurs ennemis, n'ou- ««
bliant rien de ce qui peut fèrvir à leur faire per- -
dre courage , oc les intimider. Ils pendent au «
couxie leurs chevaux les tçtes qu'ils ont; coupées. «
Ils font porter par leurs efclaves les dépouilles «
enfanglantées de ceux qu'ils ont vaincus, pen-«
dant que par leurs chants ils célèbrent eux-mê-
.mes leur vââ:oixe. Ils attachent ces trophées aux <*

veftibules de leurs inaifons. Pour ce qui eft de? «

têtes de leurs ennemis les plu€ confiderables, ils«


les confervent dans dQs caifles embaumées avec «
4e la gomme de cèdre , &: ejii les mQnvt;ra,ni; aux «
Etrangers qui pafTent chez eu'x ; ils fe fon| jun «
mérite de ce que leurs Ancêtres, olû ^leti eux-»
mêmes , ils ont refufé de recevoir de groflfes «
fommcs d'argent pour ces têtes ^ d^iit ils a'<Mit «
|)as ^oulu fe défaire. ^ irf v:r

:^-! Les anciens Germains, qui étoiem defcendus


iiles mêmes Scythes dont parle Hérodote, ainfi

*que le prétend Elie Skeed dans fon Livre de la Eiiasskcsd,

Religion .^.nciennc des Germains , des Gaulois,


tdes Peuples de la Grande-Bretagne &c des Van-
dales, en ufoient de la même manière a l'égard
des tEces de leurs ennemis i ce qui eft confirmé
Kk ij
a

%io M OE U R S DES S A U V kG E S
strab.Lib.4. par Strabon, lequel aflfure que
plupart des P'eu-
la

pks du Nord n'étoient point differem -en cela de»


Gaulois.
Elie Sfeeied prétend auffî que cet ufàge barbare
croit pratiqué de prefque tous les Orientaux ôc i

c'eft peut-être à cet uTage que Dieu faitallufion


Dmer. cap. dans cc paflage du Deuteronome : » J-'enyvrerai
j»,-v..4i43. ..
j^j^^ flcehes d|e 1-eur failg
épé^ fe fou-^
, & mon
iî^liera de leur cliair.» Quel eft ce fang' dont il

Veut enyvrer fes flèches-? => Le fan-g des marts qui


«^ feront tués fur le champ de bataille , & le fang

«des captifs dont on dépoiiille la tête. Inebriabè

fagittas meai fanguint , C gUdius meus devombtt ^car-^


nsSy de cruore occifemm & de , captivitate nudati ini'.

micorftm capitis.- Éefens du paflage eft bien plus,


complet en interprétant ce dépouillement de-cet-
te opération fanglante, qui enleva la peau des
captifs- jufqu au crâne , qu'en l'expliquant avec
les Interprètes d^e la coutume d'ôter lec-afque au^x
prifdnniens de gurerre 3 de de les fa.ire marcher,
tête nuè\
Les Iroqu'ois fc' contentent d^énîever ces che^
velures de la manière dont je l'ai décrit.^ Il y-

quelques' Nations de l'Amérique qui écorchent


leurs ennemis morts-, qui- font parade de ces d&-
.i.. -
poùilleis^, ôc qui fe fervent fur-tout des mains
pour en faire des- pocbes àr mettre leur Tabac,.
•& qu^èn appelle en C^n^d^^facs à petuti^^i^'^ "^^'^

Heteur àes Les: Prifonniers qui ont ^té enlevés par de


' pe*-
A MER I Q;U AINS. i^r
tits moins malheureux dansleur
partis, font bien Gicrrîers
'
marche:, qiieceux qui ont été pris par un Corps> fonniers,
d'armée, parce que les Vainqueurs n'étant point-
animés par le nombre de leurs gens^, ou de leurs^
efclaves, ne penfent qu'à fefauver, &à mener
fîîrement leur conquête à leur Village, Pour cet
effet ils leur lient feulement les bras au-deflus des
coudes, affujettiffant leurs, liens derrière le dos,
de, manière qu'ils ont les mains libres , fans que
néanmoins ils. puiffent fe- détacher , & qu'ils
ayentmême de liberté pour courir & fe
aiTez
fauver , laquelle dépend d'un certain balance-
menE dm corps que cette façon de les lier leur
<)re abfolument moins qu'ilsne- foientexer-
, à
•cévS à courir ainfr. de jeuneflé. Un Millionnaire
m*a afluré qu'il avoit vu un S'ativage qui s'y étôir
tellement fait , [qu'il ne pouvoit pas courir au-
trement, & devançoit cependant tous les aut-res
it la courfe.

le temps fâcheux pour eux, eft celui Màmerede


le plus
de la nuit car tous les foirs on les étend fur le Irifon-
i

dos prefquetout-nuds, fans autre lit que la terre v i^iers,


dans laquelle on plante quatre piquets pour cha-
que prifonnier, afin d'y lier leurs bras , & leurs'
pieds ouverts &
étendus en forme de Croix de
faintAndré. On enfonce de plus un cinquième
piquet auquel on attache un collier , qui prend le
prifonnier par le col, & le ferre de trois ou qua^'
tre tours. Enfin on: le ceint par le milieu^ dit
i^± MOEURS DBS S AU VA CE S
corps avec un autre collier ou j&ngle, dont ceim
quia foin du captif, p^Êndies deux bouts qu'il
met fous Câtètt pendant qu'il dort, afin d'être
éveilllé , il ion prifonnier faifoit quelque raxjuve-

ment pour fe fauver.


Cette pofture (î contrainte durant une nuit en-
tière, eft fans doute un fupplice. Mais c'eft mi
martyre des plus rigoureux dans la faifon .des
Moufquites-j & des Maringoins ou Goufins i car
il n'eft pas poUible d'exprimer jufqu'où va l'im-

portunité de, ces animaux , qui volant par mil-


lions , & ne faifant que bourdonner, :4ie ceflfent

d'enfoncer leurs aiguillons jufqu'au vif, de fuc- &


cer le fang , laiflant un venin dans chaque pi-
queure, qui,çaufe en même temps., & 'Une in-
Eammatioa, & une forte demangeaifon.
Du refte ils font toujours efperer ,à ces pau-
vres malheureux, qu'à leur arrivée on leur don-
nera la vie. ;Lors même qu'ils font éloignés des
lieux oii ils les ont pris, on ne garde plus tant de
mefures pour les veiller, ôc on leur donne une
liberté G. grande, qu'elle devient quelquefois fu^-
nefte à leurs Vainqueurs. Carileft fouvent arri;.
vé que les efclaves mal gardés fe font détachés ^
ont aflbmmé une partie de leurs ennemis enfeve-
lis dans lefommeil , & fe fontrendus maîtres de?

autres, hs ont fait prifonniers à leur tour, leur


laifTant tout lieu de fe plaindre de leur trop grande
confiance, & d'une fecurité imprudente, quide-
venoit la caufe de leur perte.
Pli3- Um.' paji . td:
.

A' ME R rqU A FN S.- z-sf

îles Guerriers approchant de leur Village, ou CH der

d'un Village de leurs Alliés , décachent quel- more.

qu'un de leur troupe pour aller porter la nouvelle


ide leur retour, & cependant ils font alce en at-
îendant qu'on vienne au-devant d'euy. Celui qui
a cette commifïion , d'aufïi loin qu'il apperçoit le
Village , où dès qu'il peut préfumej: qu'il fera
entendu , commence i faire le cr; dé' mort jt en
criant k^he j parole qu'il traîne autant qu'il peut,..
& qu'il répète u^n nombre de fois ,. é-gai à celui

des perfonnes d« leur troupe qui fonr mortes


,

dans le combat, ou pendant le voyage. Ce cri eft


fort perçant , &
fort lugubre. Il s'entend de fort
loin, fur-tout fur la Rivière, & pendant la nuit.
Aufïi-tôt on fort de toutes les Cabanes du Village g
& on court du côcè d^où vient le cri. Cependant

l'Envoyé continue fa route , redoublant de temps-


en temps fon cri de mort. Il ne s'arrête qu'aii-
milieu du Village, ou il fe forme un cercle ail-
tour delui* Alors ayant repris un peu (qs efprits ,
i^ dit à voix baffe d l'un des anciens, commis pou^

l'écouter , ,1e précis de leur voyage, le nom de


ceux q,u'ils ont perdu , & le genre de leur mort?
fans omettre aucune circonftance de ce qui les^
concerne. Cet ancien ayant oui fon rapport, ré-
pète à liante voix en ftyle de Confeil , tout ce que*
,

ocJui-ci a raconté. Après ce récit , chacun fe retire


dhez foi. Les intereffés dont les païens font morts 3>
'wont les. pleurer dans leurs Cabanes^, oôils reçoi-^
vent les complîmens ordinaires ^e condoléance^
i(?4 MOEURS DES SAUVAGES
L'Envoyé de fon côté fe recire dans la ïîenne,,
ou bien s'il eft étranger^ il entre dans quelque
autre où il ait quelque alliance -de parenté ou
,

d'hofpitalité. .On lui donne là à manger, aprè^


quoi il raconte en détail tout ce qm s'eft pafle
darrs leur expédition , ôc -reçoit les coraplimens
de félicitatwn fur fon heureux retour.
Ils ont cerefpedJes uns pour les autres, que

quelque complette que foit leur N^idoire , & quel-


que avantage qu'ils ayent remporté , le premier
lentiment qu'ils font paroître , c'efl; celui de la
douleur pour^ceux qu'ils ont perdu parmi les leurs.
Tout le Village doit y participer; la bonne nou-
velle du fuccès ne (e dit qu'après qu'on a donné
gux morts les premiers regrets qui leur font dûs.
Cela étant fait , .on avertit de nouveau 'tout le
monde par un fécond cri, on lui donne part de •

l'avantage qu'on a remporté , &


on fe livre à M
joye qu'a merfté la vidloir-e.
Les femrnes font la même chofe a l'égard des
hommes qui font allés à la chafle ou à la guerre*.
Car au moment de leur retour , elles vont les at-
tendre fur le rivage & au lieu de leur témoi-
;

gner d'abord la joye qu'elles doivent 'fentir de


les voir arriver en bonne fanté , elles commen-
cent par pleurer ceux de leur parenté , qui font
morts dans le Village pendant leur abfence , &:
leur annoncent la perte qu'ils ont fa'te par leur«
nénies , ôc leurs chanfons threniques dpttt nou$
parlerons daps la fuitje. ..v

S'il
A M E R I Q^U A IN S. zs^^

S'il n'y avoit eu perfonne de tué ou de more q^-^^ evi-c-


du côté des Vainqueurs , comme il arrive fou- coke,

vent dans les petits partis , qui vont plutôt à la


picorée qu'à la guerre , alors l'Envoyé , au lieu
d'un cri de mort , fait un cri de triomphe en
criant kphe mais prononçant ce mot d'une ma-
;

nière plus briéve & plus coupée. Il la réitère au-


tant de fois qu'il a de prifonniers ou de chevelu-
res, & tout le Village s'abandonnant au plaifir
que caufe un tel cri, court avec avidité pour ap-
4» prendre la bonne nouvelle.
Il eft furprenant qu'une coutume aufli fingu- Lambenî,
liere ne nous ait point été détaillée par les Au- cokhicf*
teurs anciens. Elle efl: cependant pafTée d'Afie en cap.xi.p. (?/.

Amérique, &
pratique encore aujourd'hui
fe
dans la Colchide. L'ohi qui eft le cri de mort
des Min^reliens, eft auflï celui des Hurons.
Les Anciens & les parens des Guerriers fça-
chant leur arrivée , députent au-devant d'eux
pour les féliciter fur leur heureux retour , pour
leur porter des rafraîchiffemens, & pour fe char-
ger de conduire les efclaves.

Le jour deftiné à cette entrée , les Guerriers Entrée des


.abandonnent leurs prifonniers comme s'ils n'y Prifon-
mers.
prenoient plus aucun intérêt ils fe rendent au -,

Village feuls marchant à la file les uns des au-


,

tres à peu près comme quand ils font partis , mais


{ans chanter , fans être peints en ha-
, & même
hits déchirés , i;omme gens qui viennent de loin.
Tome IL L 1
i6<s MOEURS DES SAUVAGES
Cependant ceux qui font chargés des Prifon-
niers, les préparent pour cette cérémonie , la-
quelle efl: une efpece de triomphe , qui a pour
eux quelque chofe d'honorable &c de trifte ea
même temps. Car foit qu'on veuille leur faire:
honneur, ou qu'on ne leur en falTe que pour re-
lever la gloire des Vainqueurs , on peint leur vi-
fage de noir & de rouge comme dans un jour de
folemnité. On orne leur tête d'une couronne-
rehauflee de plumes j on met dans leur main gau-
che un bâton blanc revêtu de peau de cigne , qui;
eft une efpece de bâton de commandement, ol^

de fceptre , comme s'ils repréfentoient le CheF


de la Nation, ou la Nation elle-même qui a été
vaincue. Dans leur main droitfi^ on leur met la?

Tortue , &
on attache au col du pîusapparent des-
efclaves, le collier de porcelaine que le Chef de
Guerre a reçu ou donné , lorfqu'il a levé le Parti ,.

&c fur lequel les autres Guerriers ont pris leur en-
gagement. Mais fi d'un côté on leur fait honneur,,
de l'autre, pour leur faire fentir leur mifere , on.
les dépouille de tout le refte v de forte qu'ils fonc
prefque entièrement nuds , & on les fait marcher
les bras liés derrière le dos aii-defliis du coude,,
ainfi que je l'ai déjà dit.

Je me informé des Canadiens les plus ha-


fuis
biles &c qui ont eu plus de communication avec
,

les Sauvages, pour fçavoir quelle pou voit être


la (i^nification de ce bâton blanc revêtu de plu-
mes de cigne, Quelques-uns m'ont dit que c'étoitL
A ME RÎQ.U A INS. 2.^7

un fymbole qui repréfenroit a ces pauvres ef-


,

claves le trifte fort de leur condition , & qu'ils


avoientabfolument perdu tout droit fur eux-mê-
mes, & fur leur propre vie. Cependant un Offi-
cier m'a raconté un fait dont il avoit été témoin,
&: d'où l'on pourroit inférer que ce bâton
une eft
marque d'honneur i car un petit Parti de Guer-
riers ayant fait deux prifonniers dans une ren-
contre où il fe trouva l'un des deux fupportanc
,

Avec peine fa nouvelle deftinée, & ne prenant ce


bâton qu'avec une nonchalance , qui témoignoit
l'excès de fa douleur ; l'autre compagnon de fon
malheur iè lui arracha de force, lui difant avec
indignation, que la lâcheté qu'il faifoit paroître,
marquoit bien qu'il n'étoit pas digne de le por-
ter. Il fe mit enfuite à marcher fièrement portant
les deux bâtons , celui qu'on lui avoit mis en
main, & celui qu'il avoit arraché.
La marche des Prifonniers commence par ceux
du Village, qui portent les chevelures des morts
attachées au bout de longues baguettes comme
des demi piques. Ils fe fuivent tous a la file de
diftance en diftance j enfuite viennent les efcla-
ves, qui chantent tout le long du chemin , fai-
fant accorder le fon de la Tortue avec leur chan-
•fonde mort. Ceux du Village étant avertis à peu
près du temps de l'arrivée des Prifonniers , leur
vont à la rencontre à un quart de lieuë , ou i
«une demi-lieuë loin, & prefque tous fe prépa-
ient a fe donner un cruel divertiflement à leurs
Ll ij
16% MOEURS DES SAUVAGES'
dépens. Dès q^u'on ks a joints , on les arrête; ôî
tandis qu'ils chantent leur chanfon de mort,
tout le refte du Village danfe autour d'eux , en
fuivant la cadence de leur chanfon par leurs hêy
hé redoublés qu'ils tirent du fonds de, leurs poir-
trines. Après les avoir ainfi arrêtés , on les fait
courir; & que chacun s'efforce à leur
c'efl alors
faire le plus de mal qu'il peut. Les coups ^e
pierre , les coups de poing & de bâton leur pleii-
vent fur le corps comme la grêle:. On ne trouve
pas mauvais qu'ils fe défendent , ôc on en rit-

Mais liés comme ils font, & accablés par le nom-


bre, leur défenfe leur devient fort inutile.. Cha-
cun a droit de les arrêter, &: jufqu'au Village on
leur fait faire diyerfes paufes ou ftations. Avant
qu'ils, y entrent quelque ancien les arrête auffi;
,

pour leur faire arracher quelques ongles à belles


dents , ou pour leur faire couper quelque doigt ,,
ainfi qu'il aura été auparavant reg é dans le Con-
feil j, ou que quelque particulier l'aura demàndé;^

Il y a cependant fur cela quelques loix établies

entr'eux , mais qu'ils obfervoient autrefois plus,


fcrupuleufement qu'aujourd'hui. Les Guerriers
ont droit fur leurs prifonniers jufqu'à ce qu'ils-
Jes ayent donnas ils fe dépouillent en quelque
;

forte de ce droit a l'entrée des Villages , pour


laifler à leurs compatriotes ou à l'eurs alliés la fa-

tisfadion de s'en divertir ce que chacun fait avec,


;

plus ou moins de fureur, félon qu'il eft plus ou-


mîoins animé par les pertes que la guerre lui caufei.
A M E R I Q^ UA N I 5. i6f
C'eft-Ià une efpece de triomphe dont les Guer-
riersont tout l'honneur, quoi<ju'ils n'y paroiflent
pas, ôc dont le peuple a tout le plaifir. Néan- •

moins , comme les Guerriers ne fe dépouillent


pas tellement de ce droit fur leurs prifonniers , /
qu'ils ne doivent leur revenir il efl: de leur inté-
;

rêt qu'ils leur reviennent le plus fains,. & le moins


difgraciés qu'il fe peut, afin queje préfent qu'ils
en doivent faire dans la Cabane de leurs pères ^
où ils doivent remplacer lesmorfis, foit reçu plus
agréablement. C'eft pour cela qu'il a été établi ,
que ceux qui veulent les mutiler , foient obligés,
de donner un préfent proportionné à la mutila-
tion y afin de dédommager celui a qui il appar-
tient.
La pafïîon fe-mêle fouvent dans ces rencontres ,-
& il n'eft pas toujours aifé de fauver ceux à qur
l'on voudroit faire donner la vie, à caufedeces^
mutilations., qui les rendant inutiles, \ç.s font JQt-
ter au Pour cette raifon on cache avec foin'
feu..

la dellination qu'on en veut faire mais fi le fe- ;

cret en eft éventé, & que les perfonnes àquiilsi


font deftinés foient de quelque confideration ^
,

elles vont au-devant de ceux qu'elles ont envie-


de fauver , & les conduifent elles-mêmes par la:
main. Le refpeû; qu'on a pour elles,, fauve à cts
pauvres malheureux le mai qu'on leur feroit fans-
çette 'précaution. Autremen.Lils font maltrai- fi

tés ,, qu'en eritrantjau Village, 'le fangileur coule:

de. toutes parts & ils font quelquefois dans uiï


j

Ll iii
zyo MOEURS DES SAUVAGES
état fi que cqÛ une merveille
pitoyable , qu'il*
n'ayent pas fuccombé fous [es coups.
Ce droit d'entrée efl; dû dans tous les Villages
de la Nation ou de leurs alliés, qui fe trouvent
fur leur route, jufqu'à celui où ils doivent être
définitivement jugés; par-tout c'eft la même au*
beine, & la cérémonie. On a cependant
même
plus d'égard ôc^de modération dans les Villages
rqui ne font que de paffage. \
La grêle des coups-cefle au moment qu'ils en-
trent dans le Village. On les introduit dans une
Cabane de Confeil , où fe retrouvent avec les An-
ciens Se toute la jeunefle , les Guerriers qui les
ont amenés, lefquels reprennent alors le premier
droit qu'ils avoient fur eux. ,On donne à manger
à ces pauvres malheureux après quoi le Chef
,;

des Guerriers leur ordonne de chanter leur chan-


fon de mort., & de divertir la compagnie à leurs
dépens. On
ne leur fait pas néanmoins d'autre
:mal , que celui de jouir de l'état miferableoù ils
font. Tout le plaifir confifle à les voir danfer^
Se à les entendre chanter des chanfons^ de leur
pais , ou bien celles que leurs Vainqueurs leur
ont apprifes chemin faiiant. D'une Cabane on les
conduit dans une autre , & on les promena ainfi
pendant quelques jours dans les Cabanes., jufqu'à
ce que les Guerriers fe remettent en route; ou fi
c'eft le Village de leur féjour, jufqu'à ce qu'on
ak déterminé &: déclaré à qui on ilait les don-
ner.
.

AM E R I QV A I N S. 171
dans un Confeil , après Deainatian
La deftination s'en fait
A
des Efcla-.

kquel on fait le cri dans le Village , où tout lé ves.

Kionde s'aflfemble dans la plaee publique pour y


apprendre le fort desefckves. Un ancien déclare
fe partage qu'on en a fait, les Nations alliées , ou»
les perfonnes à qui ils font donnés , & le nom de
ceux ou de celles qu'ils doivent remplacer. On
diftribuë auffi en même temps les chevelures ,
tefqueMes tiennent lieu d'un efclave, & rempla-
cent auffi une perfonne. Ceux qui reçoivent ces-
chevelures, les fufpen*
confervent avec foin, les

dent pendant quelque temps aux portes de leurs:


Cabanes V dles s'en font un ornement dans les-
folemnités publiques , fur-tout lorfqu'on chante.'
k Guerre èc enfin elles les fufpendent de nou-
i

veau aux portes de leurs Cabanes, où le temp^^


achevé de les confumer.
Après cette diftribution on conduit les efcla-
ves dans les Cabanes où ils font donnés , & on
les y introduit v ou bien on les laiffe a la porte
dans le veftibule > ce qui fe pratique fur-tout lorf-
qu'on n'eft pas déterminé à leur donner la vie.
Là on leur fait donner fur le champ à manger.
Cependant ceux de cette Cabane , leurs parens
Se leurs amis pleurent les morts que ces efclaves
remplacent , comme fi on ne faifoit'que dé les-
perdre i & on verfe dans cette cérémonie des lar-
mes véritables pour honorer la mémoire des per^
fonnes ,: dont la vue de' ces efclaves- rappelle un
fou venir amer , de renouvelle la douleur qu'on s.
eue, de les avoir perdus.
17^ MOEURS DES.SAUVAGES
Les Guerriers qui donnent un efclave^ don- le

. nent avec le collier qui a fervi d'engagement a


leur entreprife , ou qui leur fert de parole, pour
dire qu'ils ont rempli leur obligation.. Us dé-
pouillent l'efclave de tout le refte, excepté delà
feule pièce qu'ils n€ peu-vent lui ôter avec bien-
féance. La Cabane à qui l'efclave eft donné, doit
répondre a ce préfentpar un autre fi elle.lui don-
ne la vie i mais fi elle le jette au feu, le préfent
fe prend fur le Village, étant jufte qu'il paye le
plaifir barbare qu'il a de le faire mourir.
On brûle toujours deux ou trois efclaves , lorf-
qu'ils fqnt donnés pour remplacer d&s perfonnes
de grande confideration , quandhien même ceux
qu'on remplace ^ feroient morts fur leur natte,,
Se de leur mort naturelle. On.n'eft point furpris,
que ceux à qui on les donne , les jettent au feu ,
félon leur exprelfion ; mais après cela faut que
i-1

les perfoiines intereflees fe contentent car l'obli-


;

gation de remplacer les morts , fubfiftant tou-


jours dans les enfans par rapport à la Cabane de
leurs pères & de leurs tani;.es jufqu'à ce qu'on
,,

ait donné la vie à une perfonne., qui représente


celle qu'on veut reflTufciter ceux qui ont- cette
;

obligation , auroient droit de fe plaindre qu'on


l^s ménage peu ipuifque pour faire un efclave ,
ils font obligés de courir les rifques d'être faits

efclaves eux mêmes, d'êi:re tués ou brûlés, delà


même manière dont ils les brûlent chez eux.
;: ;Spu vent les Anciens appliquent quelques pri-
fonniers
A MER I Q^U A I N S. 173
Conniers au fisk, comme un bien qui appartient
au public , & qui peut fervir dans la fuite pour
quelque affaire d'État. On ne laifle pas alors de
les déterminer a quelque Cabane , Se de leur faire
relever quelque nom , pour mieux déguifer les
intentions fecretes que le Confeil peut avoir pri-
Cqs , ou prendre dans la fuite à leur fujet. D'au-
trefois les Anciens & les <îuerriers eux-mêmes,
en les donnant dans une Cabane, font prefTen-
tir l'inclination qu'ils ont fur la d^cifîon de leur
vie ou de leur mon *,& cette inclination efi; com-
munément fuivie par la déterence qu'on a pour
eux •>
mais elle ne fait pas loy. Celles à qui on
les donne , en font tellement maîtreifes , que
l'inclination de tout le Village ne fçauroit les fau-
ver , fi elles ont envie de les jetter au feu , ni
les faire mourir , fi elles ont la volonté djg leur
«îonner la vie.
Les circonftances critiques où fe trouvent ces
malheureux , décident alTez fouvent de leur def-
tinée. Leur perte eft comme affurée, s'ils tora-
•bent dans une Cabane où l'on ait perdu beau-
coup de Guerriers , ou quelque autre perfonne
<^ue ce puifle être , ne fut-ce -qu'un enfant à la
mammelle , dont le deiiil eft encore récent. Ils
ne courent pas un moindre rifque, fi leur âge ,
leur air, leur phyfionomie & leur caractère, ne
plaifent pas, & font craindre qu'on n'en retirera
pas de grands fervices fi on les donne à certai-
:

nes Mégères, lefquelles fe font un plaifir de leur


Tome Ih Mm
i74^ MOEURS DES SAUVAGES
inhumanité ou bien fi on les applique à des Ca-
:

banes pauvres, qui ne foient pas en état de' re-


connoître le préfent , de nourrir & d'habiller l'ef-
clave. Les Jefuites ont fauve plufieurs de ces
malheureufes vidimès qu'ils ont retiré des feux
de ces Barbares, en fourniiTant ks préfens nécef-
faires pour leur confervation.
Leur fort eft bien-tôt décidé, fi les perfonnes-
à qui ils font donnés , fe trouvent dans le Vil-
lage.. Mais G. elles font abfentes , ces infortunés-
vivent jufqu'à leur retour dans une cruelle incer-
titude entre la vie Se la mort._ On leur donne
néanmoins une ne font ni;
liberté raifonnable-, ils

liés, ni enchaînés, on les entretient dans i'efpe-


rance de la vie, & on fe contente de veiller à ce
qu'ils ne puiffent pas s'enfiiir; Souvent pour les^
tranquillifer, & pour les tromper mieux , on leur
laifle ignorer dans ces occafions.â qui ils ont étéi:

donnés.

Supplfce :
Le fupplice des Efclaves chez les Nations dè-
des Eicia- l'Amerique Septentrionale , que nous connoif-
rAme"dque ^^"^ ' ^^ de Ics briller à petit feu. Mais cette
Septentrio- fcéne fe paflfe avec tant de circonftances d'une
flale.
barbarie énorme , que la feule idée en fait fré-
mir. Il eft auffi defagréable que difficile, d'en
donner une defcriptionexadei cependant, com-
me il faut en pailer, voici à peu près ce qu'on,
en peut dire & cela fufiira pour en avoir quel-
,

que connoiiïancÊ»
'
A M E R I QJJ A î N S.
75
Le temps de l'exécution étant-arrivé, on peine
^H'abord l'Efclave de diveries couleurs j ce qui
doit produire fur lui la même impreflion que fait
à un criniinel la le6lure de fa fencence. C'eft
néanmoins un honneur qu'on leur fait & une ,

déférence qu'on a pour eux. Cependant on fait


le cri dans Village pour inviter le monde i
le
alïiftcr à ce fpe6tacle , donc la fcéné doit fe paf-
fer dans une Cabane de Confeil , ou dans une
place publique. Là on attache un poteau, ou bien
on dreffe un cadre de bois en quarré , élevé fur
un petit échafaut & on allume des brafiers ,
,

dans lefquels on fait rougir des barres de fer ,


êits poinçons , <le méchantes haches, & àts bouts

«de canon de fufîl, qui font bien-tôt pénétrés de feu.


A voir tout le monde aflemblé au-tour d'un
•îiiiferable , qui va finir fes jours dans les tour-
mens les plus horribles , on diroit qu'il ne s'agit
de rien moins que de la fanglante tragédie qui
ya fe paffer fous leurs yeux. Tous font-la du plus
grand fang froid du monde. On efl: affis ou couché
fur les nattes comme dans les Confeilsj chacun s'en-
tretient froidement avec fon voifin / allume fa
pipe, & fumeavec une tranquillité merveilleufe.
Ceux même qui plaignent le fort de cet infor-
tuné, font obligés d'étoufFer par refped humain
les fentimens de compalfion qui pourroient naî-
tre dans leurs cœurs, de peur qu'on ne leur fiïf
un crime d'être touchés de quelque pitié pour
ua homme ennemi de leur Nation.
Mm ij
xriG MOEU.RS DES SAUVAGES^
Les perfonnes de la Cabaiie où il a été donne ^,
ne le touchent point-, iL ne feroit pas de la bien-
féance qu'ils devinffent les bourreaux de celui qui.
a été offert pour repréfenter quelqu'un de leur
famille, ^4ais ckaque Cabane en a une autre , qui
eft obligée de lui rendre ces fortes d'offices, ôc
de fournir des exécuteurs de ceux qu'elle a rejetâ-

tes. Ce font ceux-là d'ordinaire qui commencent:


d'autres vien^ient enfuite fur les rangs avec deSf
préféns, pour avoir de brûler quelque
le plaifir

partie du corps à, dif:rétion. Sur la fin, tout le.


monde s'en mêle indifféremment. La jeuneffe fur-
tout s'y diftingue a, & paroît ingç:nieufe à le faire;
fouffriF.
Les Anciens offroient des facrifices d'Hommes,
pris. en guerre à leur Dieu Mars, ils en immo-
loient fou vent fur les tombeaux de leurs parens,
& de leursf amis tué5 dans les combats ,. & ils.

croyoient appaifer leurs Mânes par ces fortes de


iiia,i. ij.v. facrifices. G'efl: ainfi qu'Achille fit égorger douze,
17J. Eiiripi-
Xrovens au bûcher de Patrocle v &: que Polixene
des
kâ.
mHecu- J .

11111
tombeau d'Achille. H efi; d'au-
fut facrifîée fur le
tant plus, vraifemblable que c'efl: ici un refte de
cette pratique barbare, que la matière la plus or-
dinaire des facrifices d'hommes qu'offroient les.
Mexiquains étoit lesprifonnieis qu'ils, avoient
,.

faits dans Et bien qu'aujourd'hui il


les batailles..

ne paroifle rien chez, ces Barbares,, qui fente le


facrifice dans ces occafions, je croirois pourtant
q[ue c'en étoit un originairement j & je me fou-
,

.
;>A ME R 1 Q,U A I N^. 277
vifens d'avoir lu dans une ancienne Relation
qu'un J€)Uf<jue l'on brûloiDainfi un Efelave, quel-
que François qui-y étoit préfent , fit attention qu'il-
y avoir un Ancien , qui offroit à A^eskpm tous
ks morceaux qu'il coupoit du corps de ce mal-
heureux*.
Si l'Efclave fe promené dans la Cabane , ou'
dans la^ Place, on l'arrête, ou l'on va à lui pour'
le tourmenter s'il eft déjà attachéau poteau. Mais'
afin que ce plaiGr çrueL dure plus long-temps,
on ne le touche que de loin a loin , fans- émo-
tion ni précipitation. On commence par les ex-
,

trémités des pieds &


à^s mains, en- montant peu"
à peu vers le tronc arrache un ongle
: l!un. lui j,,

l'autre décharné un dojgtavec les dents, ou avec


un' méchant couteau un troifiéme prend ce doigt
•,.

décharné , le met duns- le foyer de fa pipe'


bien alla mée ,. le fume en. guife: de t^bac , ou le^
fait fumer à l'Efclave lui-même. Ainfi fucceAive-^
ment on ne lui laiffe plus aucun ongle on brife' j

les os de les doigts entre deux pierres: on les lui-


coupe à toutes les jointures on lui paffe & re- i

paiTe plufieura fois fur un même endroit des fers^


embrazés ^ ou àç.s tifons ardens ,.jufqu'a ce qu'ils/
foient amortis dans le. fang, ou dans> lagraiffe,.
qui coulent' de (ts playes on. coupe morceau par :

morceau les chairs rôties quelques-uns de cts fu^


-,

lieux les dévorent, tandis que d^'autres-fe peignent."


le. vifage^^e fon fang. Lorfque les nerfs font dë-^"

Cûuveirsa on. y infère des fers pour les tordre 62.


Mm iijj
les. rompre i ou bien on lui fcieî les bras & les
jambes avec des cordes, qu'ontiTepàî' les deux
bouts avec une extrcms violence. i.,/r. :.:;

Ce n'eft-là cependant que comme un ^pr^lilde"^


ô^;quelquefois après avoir pafle des cinq &: Cijè
heures de temps à ce cruel exercice, on délie
l'Efclave pour le laiflfer en repos , &
on diffère le
reftc;de l'exécution i une autre feéance. Mais ce
qui paroîtra étonnant, c'efl que laplûpart de ces
malheureux , fatigués & épuifés , dorment Ci pro*
rondement, pendant cet intervalle, qu'il faut en-
fuite leur appliquer le feu pour les réveiller. Il .

.eft néanmoins plus ordinaire de ne point donner

un fi grand relâche à leurs xlou leurs , & de ne


i^s point abandonner qu'on ne les ait achevés,
Lorfqu'on commence à brûler au-delTus des
cuifleSj les douleurs fe font fentir bien plus vive-
ment , ôc la cruiiuté de ces Barbares prend de
nouvelles forces ,
quand l'état pitoyable où eft
réduit le patient, devroit davantage la rallentir.
Souvent ils lui font une efpece de chemife avec^
de ;l'écorce de bouleau à laquelle ils mettent le
feu , qui s'y conferve long-temps , & fait une;
flamme qui a peu d'adivité. Souvent ils fe con^-
tentent de faire des torches de cette écorcé, dont
ils lui brûlent les flancs & la poitrine : d'autre-
fois ils piaffentdans un cercle plufieurs haches'
qu'ils font rougir dans leurs braiiers , & leur at-
tachent ce cercle au-tour du col en forme de cbl-
liçx. Ces haches & ces torches font élever des
.

;. ; A M E R T Q^U À I N S. '
2:79

piiftules découle Une graifle , où- ces bour-


d'où il

reaux trempent leur pain, qu'Us dévorent enfuice


avec fureur.
Enfin après avoir brûlé lentement .toutes les
parties du corps , en forte qu'il n'y a pas un ef-
pace qui ne foit une playe.: après avoir mutilé
le vifage de manière à le: rendre méconnoiflable :

après avoir cerné la peau de la tête , arraché cette


peau de deffus le. crâne , verfé fur ce crâne dé-
couvert une pluye de feu , de cendres rouges , ou
d'eau bouillante ils délient ce malheureux i ils
i

le font encore courir s'il en a la force, l'afiTom- &


ment à coups de bâton & à coups de pierre-, ou
bien ils le roulent dans les brafiers jufqu'à ce qu'il
ait rendu le dernier foufflcdevicj qui lui refte,.
a-moins que quelqu'un par pitié ne lui ait arra-
ché le cceur , ou ne l'ait percé à coups de poi--
gnard , tandis qu'il étoit attaché au poteau.
La cruauté de ces inhumains s'acharne-fur ces
malheureux encore après leur mort ôc tandis, -,

que quelques-uns frappent fur les écorces des Ca-


banes , pour obliger l'ame du défunt a abandon-
ner le. Village, afin que (qs mânes errans ne les
épouvantent point en fe montrant à eu"x fous la.
,

forme des furies Anthropophages, comme les anw


^

eiens Scythes, & la plupart des autres Nations •

barbares des premiers temps, il s'en trouve qui


dépècent le cadavre , le: mettent darrsj la, chau-
dière, & ne lui donnent point: d'autre {eguiture.
que leur ventre. Sil lois/nd ni
zîo MOEURS DES SAUVA-GES
Ainfi finit cette fanglante tragédie
pendant ,

laquelle je ne fçais ce qu'on doit admirer davan-


tage, où l'excès de la brutale férocité de ces in-
iiumains , qui traitent avec tant de cruauté de
pauvres Efclaves amenés quelquefois de fi loin,
qu'ils ne fçauroient être coupables en rien envers
leurs meurtriers ; ou bien la confiance de ces
mêmes Efclaves , lefquels , au milieu des tour-
mens les plus affreux, çonfervent une grandeur
d'ame & un HeJ^aïfme, qui a quelqueclio Ce d'ini-
maginable.
Ce Heroïfme efl: réel , & il eft l'effet d'un coura-
ge grand & noble. Ce que nous avons admiré dans
les Martyrs de la primitive Eglife , & qui étoit en
çux l'effet de la grâce & d'un miracle , eff na-
tute enxeux-oci, & l'effet de la force de leur ef-
prit. Les Sauvages , ainfi que je l'ai déjà fait
voir,, femblent fe préparer à cet événement dès
l'âge' le plus tendre. On a vu des enfans accol-
1er leurs bras nuds l'un contre l'autre, mettre en-
tre deux des charbons ardents , fe défiant à qui
foûtiendroit la gageure avec plus de fermeté , &
ia loutenir avec conltance. J ai yu moi-même
un enfant de 5. à 6. ans dont le corps avoit été
,

brûlé par un accident funefte d'eau bouillante


répandue fur lui, qui toutes les fois qu'on le pan-
çoit , chantoit fa chanfon de mort avec un cou-
rage incroyable , quoiqu'il fouffrit alors de très-
cjaifantes douleurs.. Scivola mettant fa main dans
mi brazier ardent pour la punir d'avoir manque
Ion
.

A M É ïi I Q^ u A I N sr> ^/^ ^^
fon coup , n'cft pas plus digne d'admiration que
ces peuples, qui s'éprouvent ainli à méprifer la
vie, a l'expofer fans crainte, à la perdre dans &
les tourmens les plus afFreux, fans donner lemoiti-
tîre figne de foiblefle.
Je ne fçais Ci l'on doit appeller Barbares des
courages aulîi mâles mais je fçais qu'on trou-
-,

vera plus d'exemples de. ces courages intrépides


chez ceux qu'on traite de Barbares , que chez les
Nations policées, à qui les arts, & tout ce qui
fert a les polir & à les humanifer , procure une
abondance , & une douceur de la vie , laquelle ne
fert qu'à les amollir, & à les rendre lâches.
Parmi les anciens Peuples de Tlnde, i uncefr- strabo.tii».
tam âge. ou 1 on croyoït avoir allez vécu , iletoit
ordinaire' de fe faire brûler vif foi-même de fang
froid, & de mourir comme Hercule, qui drefla
lui-même fon bûcher fur le Mont Oéta. Alexan-^
dre le Grand en vit quelques exemples durant
le féjour qu'il fit dans ces pai's-là &: qu'elqu^- >

uns d« ceux qui voulurent fuivre la fortune des -^^"^-'"JaP


Macédoniens, en donnèrent le fpeâiacle '^;ia
Grèce. Zenon de leurs rii^xinîes,'& qui
inftruic zmo apua
avoir peut-être été le témoin d'Une pa^-edlfeêrflrén^', f,to'^. ^J^*;^
Iqs admiroit, & difoit qu'il aimoit ôiieux'voiiP
un Indien lorfqu'il fe brûle lui-mêm«, quëdW-i
tendre toutes les leçons que .fait' ta- Phftofo'py^
fur la conftance. • :^ - ^n;.--!; iru: :i:r .-ic.ii
.
^ s„^„^,,^
Encore aujourd'htrî thèz qudques"-fe^kjrdd "'p^^ ^^.^^
îndes y où une déteftable pdlkiquë^ à -totiè^'aiÉ Mda.yb.*,
"^
Tome IL Nn
-^i. UOEVK^ CrESSAUVAGES
ï'nfage qu^avoient aulïï autrefois les femmes de-
çercains Peuples deThrace, l^fquellesfe brûloknp
ftir le corps de leurs maris morts , on voit dans^

ces femmes les maximes d'un Heroïfme que les


Dames d'Europe ne leur difputeroient certainer
nient pas. Car^ comme entre cqs Epoufes, dont
la multitude eft autorifée par la coutume, il n'y
9, que la plus chérie à quiThonneur appartienne

d'acGompagnpr le défunt dans l'autre monde, en


fe confumant avec, lui fur fon bûcher on les voit -,

fedifputer entre elles l'avantage delà préférence,,


triompher d'avoir été choifies , fe préparer pour
aller.au bu'çher comme pour au bal, gémir
aller
^j ,':\-n< au contraire,; $c quelques=-unes même ne pouvoir
'''* '^ *'
pas furvivre a Ifaffront d'avoir été rebutées. On:
voyoit la rnême émulation en Amérique chez leç-
Peuples y.qù des perjfbnnes dévoilées aux Chefs ,^.

éteieiir qbUgéeg :d0 fe faire mourir avec eux >


pQUiE aller les fervi;r dans le païs des Ames ,, com^^
ïçie- je le dirai dans la fuite.. '

<^int-eurt. .
iQuini-Curce rapporte qu'entre les prifonnier?
Spgdie.ns, on amena a Alexandre trente jeunesv
lu-^i o.iss Sommes des. plus grarids Seigneurs du pais, tous.
.«lA .msio
Kjfiiïjiaitsy. &- de bonne mine y lefquels ayant fçii
^a <Dn les çonduiio,it au lupplice parle comman-
dement de ce Prince ,fe mirent à chanter des,
€,hârM:godi^l^ég:reiréJ, à faulter'& à daafer, en té-
, , , moi^nant une grande joye, LeRoy, furpris dç
^^i,'^gismieiS'^,z la mort 11 gayement, les ht ra^
''-'

^eîj^li'&kuy demj^nda d'où leur venoit un tranf?.


iv l
. AME R I^U A I n 5. ;
f ?j
|)OTt de joye fi peu Qrdin^iir^ à des gens <^ui
voyent la mort devant leurs yeux, i\s répondi-r
tent, que fi tout autre que lui les faifoit mou-
j?ii4,,.ils s'affligeroient ii mais, qu'étant rendus 4
leurs Ancêtres, par l'ordre d*ui^ft grand Jlo}^
Vainqueur de toutes les Nations, ils beniiÇaiifint;
une mort fi glorieufe , & dont les plus grands
hommes fe feroient honneur. Alexandre charmé,
de ce courage , leur fit grâce , & eq admit qua-»
tre au nombre de fes Gardes^ lerquels; lui furent;
toujours fidèles. sn ?t; ; 'jrifi:-
;: :

Les Cantabres & les premiers peuples d'Efpa- jfp'i";,^'''"

îgne , chantoient lorfqu'on les faifoit mourir, Ôc


pendant qu'ils étoient attachés en croix. JçiÇie;
fçais Strabon , qui rapporte d'eux cette cpûturnç
fi ,^

a eu raifon de la traiter de folie y & de la don-j


lier comme une marque de leur férocité & de leuj;
hêtife. Je croirois au contraire qu'on devroitl'adr^
mirer, autant que nous admirons les plus beauj^^
exemples que l'Hiftoire nous fournit de la verçj^
Romaine. ; lo

Mais qu'étoit-ce que ces Hymnes & ces Çhan-, Chanfon


'"°"'
fons , fi ce n'eft les Chanfons de mort de po? Sau^ ^

vages, les chants de leurs feftins , dé leurs dan^ -.^


£es guerrières , hache ,
lorfqu'ils lèvent la & qu'ils
font prêts de donner fur l'Ennemi? Ils repren-.
lient ces mêmes chants lorfqu'ils font- faites elcla-
vesvils les continuent durant le teqip^i de leur
captivité, &; ils les chantent encoreayeç plus de
Nn i
j
iH M OEUKS^^D^iS SAUVAGES
foce dans lés toùt^fhensj comme s'ils n'avoient
jamais eu que ce terme en vue. ..i - i.

; Ces chanfons n'étîtnt gênées que par là caden-


ce', '& les ^fclaves ayant ki lit»erté de dire tout
ce (Qu'ils \^èutént , ils chantent leurs hàuts-fàits
d'armes, &' eeur de leur Nation ils vomiflenc
5

rriiîle imprécations contre leurs tyrans ils tâ- -y

chent de les intimider par leurs menaces ils ap- 5

pelljént leurs amis à leur fecours pour les ven-


gëF'";^ ils infulcent à ceux qui: les tourmentent,
comme s'ils ne fçavoient pas leur nîétier ils leur ;

apprennent comment il Faut brûler pour rendre


la douleur plus fenfible ils racontent ce qu'ils:
j

eht fait eux-mêmes à l'égard des prifonniers , qui.


®nt pàfle par leurs mains;. & fi par hasard il s'eft
trouvé entré ces prifonniers quelqu'un de ceux
delà Nation qui les fait mourir , ils entrent dans
le détail le plus exadt de tout ce qu'ils leur ont-
lait foufFrir)' fans craindre les fuites d'un diC
éours , fequet ne-peut q^u'aigrir extrêmement ceux
qui l'écoutenr.
Oferois-je dire que le Pfeaume \%6. qui com-
tioirisrO
jnence i>at ces paroles , fuper flumina BabyloniSy eft-
«ne mi^mere de chanroiï de mort , laquelle nous
_;:epréfente la coutume qa'avoient autrefois \qs
Orientaux, & qui porte avec foi la même idée,
6t le înême chanfons des efclaves
câra<5bere des
Ameriqiaairis y Ce fonr des Hébreux captifs qui
|)àrlent , &^ qui gémiflTent fur leur captivité. Leurs
Vainqueurs les exhartoient à. leur chanter des
A M E R I Q^U A I N S. 2S5
Cantiques de Sion, c'eft-â-dire, les chanfons qui
étoient en ufage dans leur pais i
il femble que les
Hébreux fe rerufent à cette demande, néanmoins
îout le Pfeaumc eft un Cantique , & un Canti-
que dans le goût des Sauvages car ils commen- i

- cent par témoigner un mépris fouverain pour le-


pais, & pour lesPeuples chez qui ils ont été tranf-
plantés : ils ne font touchés que de Jerufalem,
laquelle feule a tous leurs vœux , & tous leurs^
foûpirs -,
& pour faire fentir davantage le con-
trafte de leur amour ôc de leur averfion , ils

prient le Seigneur de ne point oublier les maux


que les enfans d'Edom , e'eft-à-dire , les Alfy-
'*
liens au pouvoir de qui ils étoient, ont fait aux
Juifs au jour delà ruine de Jerufalem j & il*s>

Éniflent par les plus terribles imprécations. « Mal-


iieur à toi , dijent-ils , Fille de Babylonc j. heu- «-

reux celui qui rendra tous les maux que tu «


te
nous a faits Heureux celui qui prendra tes pe^ «'
!

tit« enfans , & les écrafera contre la pierre « !

Pour revenir à nos Efclaves: dans les inter-


valles oà^ on les laifle en repos , ils s'entretieH-
lîent, ou fans Interprète s'ils fçavent la Langue,,
ou par le fecours d'un Interprète., s'il s'en trouve;
quelqu'un qui entende la leur ils parlent froide- -,

ment dechofesindifFerentes, denouvelles,>& dece-


qui fe paflTe dans^ leur pais , où ils s'informenc
tranquillement des coutumes de ceux qui font oc-
Éupés a les brûler.

Dans le fort des tourmens > lors mêmequie^


Nn ii^:
iM MOEURS DES SAUVAGES
l'excès de la douleur ;lesécumer, & paroîtrô
fait
comme des forcenés , il ne leur échappe pas une
parole de lâcheté. Les femmes ont ce Héroïfme
aulfi-bien que les hommes. J'en ai vu une à quri
on arracha deux ongles en ma préfence , mais Ci
promptement, que je ne m'en apperçiîs pas aflez
tôt pour l'empêcher , (c'étoit à. une entrée de pri-
fonniers) elle ne jetta pas un cri, ni un foûpir,
& je ne remarquai fiir Ton vifage qu'une légère
marque d'ennui. Il s'en trouve qui ne font que
rire pendant leur fupplice qui s'y prêtent agréa-
-,

blement, & qui remercient de bonne grâce ceux


<^ui leur ont fait le plus de mal.
Tous à la vérité n'ont pas cette confiance dans
le même degré : l'impatience & les cris échap-
pent à quelques-uns malgré eux. Il s'eft trouvé
aufïi des François & des Françoifes , qui dans les
xourmens ont fait paroître autanr de force d'ef-
prit que les Sauvages , jufqu'à faire dire à ceux-
•ci, qu'ils croyoient qu'ils n'avoient point de fen-

timent. Mais ces exemples de fermeté héroïque


font rares parmi les Européans, &
ils {ont com-

muns parmi les Ameriquains. Sans doute.<^u'étant


élevés moins délicatement , ils font auffi moins
fenfibles : & peut-être que ne craignant point un
Enfer dont leurs feux ne font que l'dombre , ils
font aufFi moins attachés à la vie, & moins ef-
fraies à l'approche d'un avenir, lequel fait tou-
jours plus d'impreffion fur un efprit éclairé des
lumières de la Foy , que tous les tourmens de la
vie pré fente.
A MER I Q^U A I N S. zgy
Tà^&uc que £ur la defcription que je viens de
faire du fupplice des Efclaves , on ne peut re-
garder ces Peuples qu'avec horreur , & qu'on en
doit concevoir d'abord l'idée qu'ils font Ci bar-
bares, qu'ils n'ont pas plus d'humanité que les
bêtes les plus féroces. Lesiroquoisfi redoutables
aux François par legrand nombre de ceux qu'ils
ont fait périr dans ces tourmens affreux , fe font
faits une réputation parmi nous encore plus mau-
vaife que toutes les autres Nations. Ils ont auffi
cette réputation parmi hs autres Sauvages , &
les Abenaquisne leur donnent point d'autre nom^
que celui de MagoUe , qui veut dire les^ Cruels,.
Mais pour leur rendre bien la juftice qu'ils mé-
ritent prefquetous, ils n'ont rien à fe reprocher
fur cet article. Cependant a entendre les Iroquois,
ils prétendent être moins cruels que les autres,.

& ils n'en ufent ainfi que par repréfailles. .-î


Apr^s cela que font-ilsd» plus que ce que
feifoient autrefois les Grecs & les Romains? Quoi
de plus inhumain que les Héros de l'Iliade ?
Quoi de plus barbare que les combats de Gladia-
t€urs,-ô£ des Efclaves entr'éux ou de ces mêmes
:

Efclaves contre les bêtes féroces , qui ont fait


couler tant de failg cbns les Arènes de Rome r
Ce Peuple néanmoins, lequel avoit porté la per-
fedion de tous les arts , & de toutes les fciences
capables d'adoucir , & de cultiver les mœurs aufE
loin que les bornes de fon Empire, faifoit fes
glus chères délices, de l'inhumanité, de ces faite?-
m MOEURS DES SAUVAGES
de combats il faifoit confifter l'agrcment des
:

grands reps dans la vue de ces fpevbacles fan-


glans , & il prenoit un plaifir fingulier dans le
Cirque, à donner le fignal décifif de la vie ou de
la more du malheureux, qui avoic du défavan-
tage, quoiqu'il demandât grâce.
J'ai déjà touché quelque chofe de la cruauté
des Juifs i mais je n'ai pas tout dit. Comment trai-
kurs Ennemis? Du temps de Tcajan,
-toient-ils

ces Juffs anéantis, pour ainfi parler, par la ruine


jde Jerufalem , & la défolation de leur païs en-
core toute récente , fe révoltèrent en plufieurs
Provinces £ontr€ ies Romains , & fe portèrent a
^e 'fi grands excès en Egypte & en Chypre , qu'ils
firent périr plus de quarante mille âmes , pre-
nant plaifir à fe nourrir de la chair de leurs En-
fiemis , à fe fotter le vifage de leur fang, & à
les écorclier tous vivans , allant enfuite vêtus de
leur peau pour e» faire un ^roph^e à leur rage.
Leur Hidoire peut fou4nir plufieurs exemples
iemblables. On leur rendoit bien la revanche. Il
pfaïKi, 77-
femble que ces paroles du Pfeau^ne jj.Jitvenes eo-
V. 6f
rum çomedit ignis , ^
J^irgines eorum non Junt tamen-
taU. Le feu dévora leurs jeunes gens, & on ne
fit point de lamentations fur leurs jeunes filles,

pourroieM s'expliquer aufli naturellement du fup-


plice du feu qu'on faifoit foufFrir aux Juifs efcla-
ves , que du glaive &
de la guerre, ainfi que le
difent les Interprètes. Leis fupplices qu'Antiochus
fait fouiFrir aux Macdiabées àc i leur mère , ne

font
,

A M E R 1 QV AIN S, a^
font point l'effet d'une cruauté particulière a ce
Barbare , quand il les fait couper en pièces, qu'il
leur fait arracher la peau de deflus le crâne , ôc
qu'il ordonne qu'on les rôtiflTe dans des poëlles à
•frire i il en ufe probablement félon la manière ufî-

tée parmi les Orientaux.


Le feu eft le fupplice ordinaire dans prefque
toute l'Amérique Septentrionale depuis un temps
immémorial. Par-là ils fe rendent redoutables les
uns aux autres , & croyent fe tenir en refpecS:.
S'ils ne rendoient la pareille à ceux qui les trai-
tent avec inhumanité, ils en feroient les dupes,
& leur modération ne fervitoit qu'a enhardir leurs
Ennemis. Les Peuples les plus doux iont forcés
de fortir eux-mêmes hors des bornes de leur dou-
ceur naturelle, quand ils voyent qu'elle fert de
prétexte à des Voifins barbares d'en devenir plus
fiers & plus intraitables. Les François en font un
exemple. Lorfque pour fe venger des Iroquois
on leur a permis de traiter leurs prifonniers, com-
me ils traitoient les nôtres ils l'ont fait avec tant
i

de fureur & d'acharnement , qu'ils n'ont cédé en


rien a ces Barbares, Ci même ils ne les ont fur-
paffés. La vérité eft, qu'il falloit en ufer ainfi;
car cette rigueur qu'on jugeoitnéceflaire, les ren-
dit moins entreprenans , 62 fut un motif pour eux
d'en conclure plutôt la paix avec nous. J'ajoiite-
rai , que lorfque les François ôc les Anglais font
naturaJifés parmi les Sauvages , ils prennent (i
ibien tout ce qu'il y a de mauvais dans leur^
Tome IL Oo
tpo MOEURSr DES SAUVAGES^^
mœurs &c dans leurs coutumes , fans en prendre"
le bon, qu'ils font encore plus méchans qu'eux..
Les Sauvages fçavent fort bien nous lereprocher ,
& la chofe eft fi avérée , que nous ne fçavonSv
que leur répondre.
Lorfqu'on brûle un Efclave parmi lesîiroquoi^^,
id y en a peu qui ne le plaignent, & qui ne di-

rent qu'il eft digne de compaffion. Plufieursj^.,


fur-tout les femmes , fi on en excepte quelques,
furies, comme il s'en trouve par-tout de plus ou-
trées que les hommes, n'ont pas le courage d'af-
fifter à fi^n exécution parmi ceux & celles qui.
:

y afliftent, plufieurs ne lui font rien ceux qui


:

ie tourmentent , le font fouyent par refpe(5t hu-


main, &C parce qu'ils y font obligés: quelques-
ans partant pardeffus ce refpeét humain , lé fou-
lagent lorfqu'il demande quelque chofe. Le Con--
feil à fouvent permis aux MiflGonnaires de leur

eonfacrer ces derniers momens pour les faire en-


trer dans le chemin du Ciel & il s'eft trouvé des
;

Iroquois, qui entendant la Langue de ces Efcla-


ves, leur fervoient d'Interprètes pour leur fairec
goûter les ventés éternelles avec une bonté, dont
les Miflîonnaires eux-mêmes étoient étonnés j Se
que Dieu par fa grâce a voulu rendre frudlueufc:
pour le falut dans les uns & dans les autres. En-
fin après un certain temps , quelqu'un de ceux,,
que l'âge & le crédit autorifent, lui fliit donner
le coup de grâce , & le dérobe aux fupplices qu'il
auroit encore à fi^uffrir.
"Mais quelque barbarie qu'il y ait à reprocher
aux Sauvages, par rapport aux Ennemis qui tom-
bent entre leurs mains , on doit d'un autre côté
leur rendre cette juftice, qu'entr'eux ils fe ména-
gent davantage que ne font les Européans. Ils
regardent avec raifon , comme quelque chofe de
plus barbare Se de plus féroce , la brutalité des
Duels , & la facilité de s'entre-détruire qu'a in-
troduit un point d'honneur mal entendu , lequel
expofe tous les jours pour un rien , pour une pa-
role mal digérée , ou mal expliquée , la: vie des
parens , & des amis les plus étroitement unis. Ils
ne font pas moins étonnés de cette indiiference
que les Européans ont pour ceux de leur Nation ,
du peu de cas qu'ils font de la mort de leurs Com-
patriotes tués par leurs Ennemis. Chez eux un
homme feul tué par un autre d'une Nation diffé-
rente de la leur , commet les deuxNations , & caufe
une guerre. Parmi les Européans , la mort de plu-
iieurs des leurs ne paroît interefler perfonne. Ils
ont vu fur cela des exemples d'une infenfibilitél
qui les a furpris , & qui leur a infpiré pour nous
de l'indignation & du mépris. Ils fe font offerts.
eux-mêmes à venger les François, qui ne paroif-
foient pas touches du maffa-cre de leurs frères Ôc
de leurs Concitoyens âffafïinés par d'autres Na-
tions Sauvages. On n'a eu rien à répondre à leurs
propofitions , & ils en ont été fcandalifés.
La Guerre que fe font les Ameriquains Me-
cidionaux, à quelques circonftances près , eft af-
Oo ij
,

ist MOEURS DES SAUVAGES


f^z femblable à celle que je viens de décrire : je-
dis y à quelques circonftances près i car c'eft par-
tout la même chofe quant à l'effentiel. Ge fonr
par-tout \qs mêmes motifs pour la faire la même ;

manière de la chanter ; les mêmes raefures pour


s'y préparer vies mêmes obfervAtions pxjur leurs
voyages^ ôc pour
temps de leur rendés-vous
le' i

k même ufage d'attaquer & de fe défendre les j

mêmes armes pour combattre , Ci Ton en excepte


la cuirafTe en un mot, c'efl;. par-tout 1^ même
:

.caractère de bravoure ou de férocité le même :

efprit de baine,,de rage ôc de fureur contre leurs:.


Ennemis..

Supplice- Le fupplice de quelque chaf©"


leurs Efclaves a;

des Efcla- ^q fin^ulier , qui mérite d'être remarqué. Il n'eft


Tes dans Pi . / r ; i
•*
, .

^Amérique f^^ > ^ 1^ vcrite , accompagne de tant de circont-


Meri4iona- tancEs d'une cruauté fi raffinée , & d'une inhu-

manité; fi marquée, que l'eft celui des Ameri-


quains Septentrionaux, dont je viens de donner
le détail. Mais il a dans un fens quelque chofe-
de plus afFreu* encore, en ce que, dès que ces'
malheureux font faits prifonniers, ils doivent fe-
resarder comme des victimes fûrement deiVinées:
a: la. mort, 65 qui ont fouvenr à vivre long-
temps dans l'attente incertaine de ce moment fa-
tal , lequel dépend du caprice de ceux q;ui en fonc
les maîtres : car , comme entre Ennemis , ils ne;
fçavent ceque c'eft que de faire Paix ou Trêve
&. que pat cetceraifon ieuis; haines, font immor«
Tlxjf.. Ttrm.l. pa.^. 2p
AMERIQ^U AINS. 25^^

fôlles >ne fçavent aufli ce que c'eft que faire


ils

grâce, & leur vengeance ne s'aflbuvit que dans


le fang des^ miferables , que k fort des armes 2
faittomber dans^^leurs ferî.
Quelques Relations difentr , ^^^ l'Efclave a Hieron.

Sabord un droit d Entrée a payer en arrivant Bufii.L,k.i,^

dans le Village de Tes Vainqueurs, comme ceux


"p-^*"

de la Nouvelle France. Les Guerriers l'abandooi


nent à la difcrétion des femmes & des- enfans , jean.kLeri,..

qui danfanr au-tour de lui , & l'obligeant à dnn^ êi', ch^nl

fer lui-même, fë font un barbare d'inful^


plaifir

tJer i fa- mifere , & pafTent fur lui leur première


rage , ôi leur haine invétérée contre ceux de fa^
Nation ,^ en lui faifant effuyer divers mauvais
traitemensv
Tiever.cof^
Thevet au contraire qu'ils font toutes for-
dit
res de carelies aux prilonniers , & qu ils Igs pa- riv. ti. ch.

'^' '^^*'
rent fi bien de divers ornemens faits de plûmes 5
qu'on diroit à les voir qu'ils font les Ghefs de
ceux-là même dont ils ne font q-ue les Efelaves,'
La première cbofe qu'on fait à leur égard, cci^
de les conduire au Tombeau de ceux pour qui il^r
font donnés , de le leur faire renouveller , pôuF
prendre acte qu'ils doivent fe regarder comme
des vicSti^Ties deftinées à être immolées pour apj-
paifer leurs Mânes. On les conduit enfuite dans^
îè Village , où loin de les maltraiter, de leff &
jnettre etiprifon, on les établît comme les maî-
tres dans lés Gabanes de ceux dont ils ont &rné'
les fepukhre^. On leur apporte tout ce qui a fervsp.

Oo iij>.
Z94 MOEURS DES SAUVÂ1GES
aux défiants, leur Hanrac, kur Arc, leurs fto.
ches & leurs ornemens de plume qu'ils fontobli-
,

gés de laver , & de nétoyer avant que de s'en fer-


vir. Si les défunts ont laifle des Veuves, on les
leur donne pour E pou fes , autrement on leur
donne les fœurs de ceux <jui les ont fait prifon-
niers , ou de ceux à qui ils doivent être facrifîés,,
ou bien même de celui qui doit les immoler. Ils
ont fur cela des règles établies que les .Auteurs
ne laiflent qu'entrevoir mais perfonne de ceux
i

qui ont cette obligation., ne fe fait une difficulté


de donner fa fœur pour Epoufe A ces malheu-
reux , on .fe fait même honneur de cette al-
liance.
Celui qui eftie maître de l'Efclave, choifiten
même temps une perfonne à qui il deftine l'hon-
neur de lui porter le coup mortel :& celui-ci que
cette aétion doit rendre confid érable , invite la
Nation & pour déterminer le jour de
fes Alliés

l'exécution. Il fait pour cela un grand feftin, où.


tous les Invités fe rendent , ôc où l'Efclave qui
y fait un principal perfonnage , voit de fang froid
& fans s'émouvoir, le choix que chacun fait de
quelqu'un de (qs membres , &c les préfens qu'on
lui apporte pour payer celui qu'il a retenu. On lu-i
met cependant au col un collier, où font enfilés
dans un fil de coton , certains noyaux , ou bien
des offemens de poilfon , dont le nombre marque
,celui des Lunes ou des Mois qu'on lui laiffe en-
,j:ore pour vivre. A chaque Lune onôte un de ces
-

AUV.K f Q^U A I N S^. 2p5


îïoyaux , ou de ces oflements i & quand il n'en
relie plus qu'un , peut être affuré qu'a
il la fin de
cette Lune il fera offert en facrifice.
Je dis qu'il fera offert en facrifice car cette ;

terrible fête fe célèbre avec tant d'appareil de &


cérémonie, qu'elle a tout l'air d'un a(5te de Reli--
gion. On- s'y prépare de longue main , en dif-
pofant toutes chofes pour cette adlion, laquelle
ne fe fait jamais fans un grand njin , c'eff-à-direj-,
fans un feftin folemnel , où l'on invite tous les >

amis, tous les voifins , & les alliés de la Nation j,


qui fait les frais de la folemnité.
Les femmes chargées du foin des préparatifs,^
font long-temps occupées à faire avec de la terre
graffe de grands vaiffeaux propres à contenir , &-
à. faire fermenter leurs boiflbns enyvranteSj,con->

nues fous les noms de Caouin d'Ouicou^ ôc de* ,

ChicAy dont nous avons déjà parlé. Elles en font-


audi d'autres plus petits, qui doivent fervir pour'
mettre les couleurs avec lefquelles on doit pein-
dre l'Efclave , & l'inffrumenc de fon fupplice.
Elles font cuire tous ces vaiffeaux à un feu lent,,-,

<le la manière dont je l'ai déjà expliqué. Aprcs^=«


cela elles filent une longue corde de coton , ouv
d'écorce d'arbre , dont on doit lier l'Efclave, ôs
elles travaillent avec beaucoup de propreté , plii-
iîeurs nœuds pendans avec des plumes de diver-
fes couleurs, dont elles ornent le Bouton y ou la.i
maffuê avec laquelle il doit être affommé. L'Ef-
clave, a qui on ne laiffe point ignorer que totiS'^
ic,^ MOEURS DES SAUVAMES
CQs préparatifs le regardent , voit tout xela d'un
.c&il tranquille j & n'en eft pas plus ému , que s'il

s'agilloit d'une chofe indifférente , ôc qui inte-


xefsât tout autre que lui.
Cependant , pour l'accoutumer à une fole/n-
nité dont réellement il doit être le principal
,

A6leurj on le produit pendant quelques jours


<lans la place publique où il doit être -facrifié, ôc
la on fe divertit a {qs dépens en l'obligeant de
jchanter & de danfer_, & .enchantant ôc danfant
autour de lui , fuivant la cadence de fa chan-
fon , après quoi çn ,1e ramené uariquijlemenj:
chez lui.
..Ceux qu^cxn a invit.és a la Fête , fe rendent de
toutes parts p,u ^temps marqué , Se le Chef du
Carbet ou du Village , leur faifant cornpliment
fur Jeur ^arrivée, les exhorte à prendre part a leu^r
joye^ & les félicite par avance du plaifir qu'ils
^utqi^t à fe nourrir de la ch9.ir d'un de leurs en-
nemis.
Tous les apprêts du feftin étant faits , on en
,détermine le jour au temps précis, où le Caouin
jdoit être dans fa boite- La veille de ,ce grand
jour les femmes vont prendre l'Efclave chez lui;
jçlles lui attachent au col <;ette corde , nommée

çn.leur Langue Muffuranay qu'elles ant tiffuë pour


cet effet. Après quoi l'une d'gntr'elles , lui peint
tout le corps de diverfes couleurs, fur lefquelles
elle répand une poudre de couleur cendrée faite
xlç iCoques conjçaffées de icertains œufs d'oifeau.
Elle
AM E R I Q^U A I N s. ,15,7
E'ile ajoute à cet ornement divers tours de plu-
maflerie de forte qu'il eft paré Tcomme pour un
,

jour de triomphe. Pendant qu'on orne ainfi l'Ef.


clave , toutes les autres femmes l'environnent ,
& font Tetentir l'air du bruit de leurs cthanfons ,
& trembler la terre du trépignement de leurs
pieds. On peint de la même manière, & au fon
de la même harmonie , le Boutou ou la mafTuë
fatale dont il doit 'être frappé. On porte enfuite
avec^ompe cette mafluë dans une Cabane vujde,
que Hierôme Staad nous repréfente prefque com-
me un Temple -5 où ils confervent avec refpect
leurs MaracAs -i
(\\x'i\ croit^tre leur Divinité. On
lafufpend au milieu de cette Cabane , & les fem-
mes ^y partent la nuit en chantant , & en danfanc

déboutes leurs forces.
Le lendemain, à peine le Soleil a-t'il paru fur
rhorifon,que les Sauvages s'étant purifiés, félon
la coûrume qu'ils ont de fe baigner tous les ma-
tins ^ & s'étant faits peindre éz, orner de leurs
plus beaux -atours dans le lieu où
, ^s'affemblem:
"doit fe faire le feftin, & y conduifent l'Efclave
qu'ils placent au milieu d'eux. Les femmes, d'un
autre côté., -allument des petits feux autour des
vaiffeaux, qui renferment leurs bôiffons , & les
échauffent jufqu'à ce qu'elles foient tiédes. Ce
n'eft^ci qu'un feftin à boire , & non point à man-
;ger. Maii Sauvages Méridionaux boivent fî
les

bien, à la façon des anciens Scythes & font -,

•d'une yvrognerie fi demefurée qu'il n'y a pas -,

Tome IL Pp
,

tpg MOEURS DES SAUVAGES^


adluellement de Nation au monde qui puifleleui
être comparée en ce point. C'eft ce que le Mi-
Leii^ioc.cit. niftre de Lery nous exprime bien par cette ex-
clamation magnifique., "Arrière Allemans, Fia-
«mans, Lanlquenets , SuilTes , & tous qui faites
wcarhous, & profefTion de boire par-deçà! Car
tout ainfi que vous même après avoir entendu^
*.

« comme nos Ameriquains s'en acquirent , con--


» feflerez que vous n'y entendez rien au prix d'euxj^...
.? auffi faut-il que, vous .leur cédiez, en cet en-
• droit !:'> ' ?> on *.r.-;

i Les femmes donc ayant ouvert les vaifîèauxj.,


fen remplilTent de grandes coapes faites de cale-

bafTes coupées par la moitié , dont quelqu es-unes,


tiennent plus de trois chopines de Paris , & les
portent au milieu du Carber , où les hommes dan--
tant autour d'elles, les reçoivent de leurs mains^,
5c les avallent d'un feul trait. Ce ne font qu'al-
iées &
venues de ces femmes, qui vont chercher;
de la boifTon > &: qui ne s'oublient pas elles-mêmes ,,
buvant autam dans leur particulier, que leurs ma-
ïis le font en public. » Mais'fçavez-vous com*.
« bien de fois ? ( continue l'Auteur que j'ai cité.)
« jufqu'à tant que- les vaifleaux ^ y en eut-il une :

w centaine, feront tous vuides , & qu'il n'y ref»


« tera pas une feule goûte de caouin dedans. Et ,

» de fait je les ai vus , dit-il , non feulement trois


i» jours & trois nuits fans cefiTer de boire j mais
^» auffi après qu'ils étoien^t fi faouls &; fi yvres
-»» qu'ils n'en pouvoientplus, (d'autant que q^uit-r
«

A MER I Q^U A I N S. o^p


ter le jeu eut été pour être réputé efféminé, &«
plus que Schelm entre les Allemans) quand iJs«
avoient rendu leur gorge , c'étoit à recommen- «
cer plus belle que devant. «
Tant que ce caouinage dure, ajoûte-t'il fc
««

.plus bas, nos friponniers &c gallebontemps de«


-Bréfiliens, pour s'échauffer tant plus la cervelle , «
chantans, fifflaiifs, s'encourageans, & exhortans «
l'un l'autre de Te porter vaillamment , & de »•

prendre force prifonniers quand ils iront en «


guerre , étant arrangés comme grues, ne ceffent»
j£n cette forte de danfer , & aller & venir par la »
maifon , où ils font affemblés jufqu'a ce que*
cela foi t fait : c'eft-à-dire , ainfi que j'ai ja tou-
ché ,
ne fortiront jamais delà, tant qu'ils ç
qu'ils
fentiront qu'il y aura quelque chofe es vaiffeaux. f
Et certainement pour mieux vérifier ce que j'ai t
dit, qu'ils font les premiers , & fuperlatifs en t
matière d'y vrognerie je crois qu'il y en a tel , ?i
j

•qui , a fa part en une feule affemblée ava'e« ,

plus de vingt pots de caouin mais fur-tout, « ",

-quant à la manière que je les ai dépeints au*?


Chapitre précédent , ils font emplumaffés , S<ff
qu'en cet équipageils tuent & mangent un pri- «
fonnier de guerre, faifmt ainfi les Bacchanales*»
à la façon des anciens payens , ôcc. * x

L'Efclave a qui l'on fert à boire comme aux


autres , ne aucun des coups qu'on lui
laiffe paffer

porte fans l'avaler de grand coeur il s'efforce de \

|)aroître gay, de plus content qu'aucun de ceux


Pp ij
, .

|ô-6 M OE U R S t) E S S AU V AG E T
qui compofent l'aflemblée il chante ,. il danfe-
:

de Ton mieux i 6c tandis que chacunde ceux qui


l'entourent ,. vante fes- exploits. ou> ceux de: fes .

Ancêtres, & qu'il fe fait une gloire d'avilir ceux


des Nations eniiemies de la leur, l*Efclavefait auffi
trophée de fes belles adions, & n'épargne, point
à ceux qui le tiennent prifonbier ,, &; qui je.ré-
joûiffent de fon malheur, les injojxesles plifs ou-
trageantes, &
imprécations. les plus terribles.
les

On prend un jour de repos après le feftin folem-


nel , & pendant ce. temps-rlàrEfclave,_ privé alors ;

de fa liberté , eft mis^enprifbn- dans, une petite


Café qu'on lui, drefle exprès. au milieifcdela.p.lacc r

publique , dans l'endroit niême.oii.il doit être im-


rnolé , & on- l'y garde très r étroitement la, nuit
qui précédé l'exécution y.les. femmes vont encore .

d^nfer dans la Cabane.oùle Boutou eft fufpendu


ôc continuent leurs. chants jufqu'au lever de l'au-
rore.-
Enfin- on commence: le dernier aéle. de cette
Tragédie par de fa prifon , qu'on
retirer l'Efclave
démolit, ôcl'on- prépareja place pour la cérémo-
nie. Cela étant, fait, les^ Guerriers bien: empan-
nachés , & couverts de leurs Rondaches faites
,

d'un cuir- fort & épais ,. viennent prendre l'Ef-


clave. Ils lui délient la. corde qu'il' a autour; du
col, ils laluicpairéntpanlemilijeudii corps ,,& le
font courir en ceL état ,. plufieurs Guerriexs. tenant
les deux bouts >de cette, longue corde des deux cô-
tés 3. de forte qu'ils peuvent i'arrêter tout court.
^

AVM E RI CIV Al N S. 301-


qiuand jugent â propos.. On le conduit en
ils le

cet. équipage au, milieu de la place, où tout le


peuple le fuit en foule ,, hommes, femmes & en-
lâns, chacun iuifaifant une. fêté du plaifîr qu'ils
auront de. le faire. boucanner, ô^de le manger.
On l'exhorte cependant à- venger fa mort pro-
chaine , Se on lui-laiffe la liberté de ramafler des
pierres ,^& des- têts. dei pots caffés , dont la place
eft toute parfemée à ce deffein.. il les lance en ef-
fet, avec: roideur fur. tout. le. mohde indifFercm-
ment i -les. Guerriers fe couvrent de leurs ronda-
ches mais malheur aux femmes, quin'ayant pas >
;

de quoi fe. garantir , tombent- fous fes coups $ ^


car. à ce jeu 5 jl y en a toujours plufieurs de bler».-

fées...

Cet exercice. d'une récréation affez mal plai-


faute étant iîni,. on arrête l'Efckve immobile au ?

milieu de Ja;place.: on.alluïneAmfeu devant lui -

à^deux pas de diûancejqui-meparoit être com-


me; la. Divinité àlaquelle. il doit être facrifié.' En *

même .temps • une., femme


à qui on a donné la, i

commifTion d'aller, chercher la maffuë , la porte . .


'

triomphemmenLi poufîant-de grands cris de joye^ ,

&. la dépofe.entre les^ mains, d'un; Guerrier , le-


-

quel fe plaçant. immédiatement devant'l'Efclave 5 .

la .tient.éLevée fousifes yeux ,. & lui préfente con-


' tinuellemenL,le.fataLinûrumenty.qui doit mettrez
fin à fa vie.
»>,-: qui l'honneur eftdeftiné de porter le
C«lui à.

^up^^m^onel^ .& q^ui s'eft. tenu. caché jufqu*â ce-


,

|or MOEURS DES SAUVAGlEâ


momeht pour fe difpofer par le jeûne & par la
retraite i cette grande adtion , fe préfente alor«
dans la place accompagne de quinze ou vingt
guerriers, qui lui fervent comme de parrains,
ornés comme lui , &c peints de diverfes couleurs.,
fur lefquelles eft répandue, depuis les pieds juf-
qu'â la tête, cette poudre cendrée, dont on a
déjà peint l'Eiclave &c la. maflfuë. Le Chef du
Carbet ou du Village prenant la Mafluë entre les
Xpains de celui qui la cenoit , va au-devant de lui
la lui préfente, & la paflTe enfuite entre fes jam-
ibes comme par relped. Celui-ci faififlTant la Maf-^
fuëdes deux mains., mettant en pofturede
&c £e
ifrapper , adrefle ces paroles à TEfclave « N*«s-til :

- pas de telle Nation ,ennemie de la nôtre, qui à

» tué plusieurs de nos pères ,, de nos frères , de

»' nos femmes , de nos enfans , & de nos alliés*


« Oiii vrayementj dit l'Efclave, j'en fuis , & j'ert
« fais gloire i je ne me fuis pasépargrtc moi-même
» à vous faire -du mal jiii tué tant
: &
tant de per-^
*» fonnes
; je me fuis nourri de leur chair. Vm&
iCntrant dans le :dernier détail de tout ce qu'il a
fait, exasserant fes proùefles, il ii'oublie rien de
ce qu il cron plus propre a aigrir ceux qui 1 ecou^
;tent. "Oh bien, reprend le Guerrier, -c'eft pouf
« ce fujet-là même , que puifque nous {bmmes auÀ
,

*• jourd'hAai maîtres de ta perfoiïïie , &: que nous té

"tenons entre nos mains, tu nous ne noûséchap*


» peras pas, que je vais te donner le coup del-amort,
>*que nous ferons rôtir lous tes membres pi^ce it
A ME K l QJJ À IN S. '
503

mécCj Se que nous les mangerons jufqu'aux os. «


A la bonne heure reprend l'Efclave j'y con- «
, ,

ftnsy &c vous faites bien mais foyez allures que «;•
;

ceux de ma Nation me vengeront ^ & que ma ««'

mort vous coûtera cher. « A peine a-t'il prononcé


ces dernières paroles, que l'Exécuteur ou le Sa--
ccificateur , décharge fur la tête à côté de'
lui
l'oreille , un coup de malTuc d'une telle roideur^,
que d'ordinaire il le renverfe. mort à fes pieds^^.
où il donne à pein^ après c-€ coup quelques^, ilv-
'''''
gnes d'un foible «refte de vie. ^^ • '-

L'Epoufe de ce malheureux s'approchant alorr^


du cadavre., on lui laifle quelques momens de'
temps pour répandre fur lui quelques larmes, &:
pour honorer fon trépas de quelques lamentations.
Mais ce dêiiil eft bien court, &c bien peu fincerc^
fans doute , puifqu'elle ne renonce pas au droitT:
qu'elle a d'en manger comme les-' arucres ,-
6c
qu'elle eft fouvent des pIus' ardentes âmairquéf/
''
le défir qu'elle a de s'en nourrir* -* : -
j_

Après ces pleurs de pure cérémonie, les rérrF


mes prennent le cadavre , k font griller fur un"^
petit feu pour le nétoyer , & le iavent bien avec:
de l'eau bouillante jufqu'à ce que la peau foit ejgs
trêmement blanche. Celui à qui l'Efclave apparu
tenoit vient enfuite avec quelques aides pour
,

dépecer le corps. Il en coupe d'abord Ites bras à


la jointure des épaules, & les cuiffes au-deffous
du genou, que femmes portent avec de
quatre
grands cris de joye par tout le. Village comme?
,

304 MOEURS DES SAUVAGES


en triomphe. Il divife enfuiite le tronc; & après
en avoirrptiré les vifceres , ii en fait plu fi eurs au-
tres partages , comme qu'on étale a
:<ie la chair
la boucherie. Les pères & les mères, qui affiftent
à ce fpettacle , ramaflent avec foill^le fang qui
découle de ce corps ,-& en frottent le rvifage
les bras/iescuifles & les jambes de leurs en-
fans, pourles animer & pour exciter xlans leurs
jeunescœurs cette haine immortel le ^qu'ils cou-
yent.,contre les Ennemis de leur Nation.
;Le corps étant ainfi dépecé , les hommes re*^
mennent pour eux les chairs fblides, félon la dit
;tribution qui en avoit anciennement. çté?faite,&:
ils les font cuire, félon r.ufagequ'ilsfontrde faire
boucanner les viandes, la tête.éc les vifceres font
le partage des femmes ;&;des enfans, 3e manière
cependantqu'il n'y, a que ^ces. derniers qui man-
gent la cervelle&.lalangue ce qui, fan s cdoute fe
j

fait par un :efprit de quelque fuperftition. Les


,

ïemmes font bouillir ceitetête ^


ces vifceres dans
la chaudière ,(&:y, mêlent de leur farine, dont
.

elles ;font lUne rcfpece de fagamité.


Soit, appétit pour la chair humaine , foitrage
;& fureur contre leurs Ennemis , il n'eft perfonne
qui n'en mange qui ne témoigne qu'il y trouve
, Se
un goût très-iîn .& tr.ès-délicat. Lorfque tout éft
dévoré , onchoifit parmi les os ceux qui font pro-
pres à faire (des dans lefquelles ils bra-
flûtes,
'vent .encore la mémoire de ceux <jui ont eu Iç
;maiheur 4e périr par leur^.^Tiains. Le crâne ôc Icj
refte
,

AMER! Q^U A I N S. 305


relie des oflements efl porté dans une efpece de
charnier qu'qn confervedans le Village, qui leur
ferc comme de trophée & de monument de leur
vi6boire ,
montrent par curiofîté aux Etran-
qu'ils
gers, dont ils font vifités comme des témoigna-
ges authentiques de leur bravoure.
Le Sacrificateur qui a immolé c^tte vidrime
infortunée acquiert par cette belle aélion une
,

gloire , laquelle doit l'immortaliler parmi les


fiens i & il doit port-er dans la fuite des marques
d'honneur qui* dureront autant que fa vie. On lui
impofe d'abord avec folemnité un nouveau nom,
qui eft pour lui comme un nouveau titre de no-
bleffe , &: qui fert beaucoup à l'accréditer. Le
Chef du -Carbet le lui donne lui-même, & pre-
nant une dent d'Acouti , ou de quelque autre ani-
mal, bien tranchante, il lui Fait de longues inci-
fîons fur les épaules , fur la poitrine , fur les bras
fur Içs cuiffes , & fur les jambes , d'oùdécoule il

beaucou^p de fang , <ju'on a- foin d'arrêter avec du


charbon pilé. Ces incifions lui laiffent fur le corps
des veftiges inéfaçahles, fem"blables à ceux dont
j'ai déjà parlé, en traitant de leurs peintures -^
cauftiqnes ils font autant de preuves éternelles
•,

de fa valeur, &
ils font en même temps comme

une efpece de confecration , dont le Poëte Pru- vmiem. i»


dence nous donne la preuve dans ce qu'il fai; ^°^^'^'^^'

direàfaint Romain au fujet des Prêtres de Cy-


béle.
^uid cum Sacerdos accipt J^hragitidois t
Tome II. Qjq
50^ MOEURS DES SAVVJCGKS.
jicHS minutas ingerunt fornacihus r
His membra. pergunt urere , utqu^ igni'verint'^
^uamcumqtte corporis ^artem fervens nota
Stigmarity hâ,c Jic confecrdtHm-^radicant.

Il femble aufïi une expiation funéraire,,


que ce foit
& un refte de ce qui étoit en ufage autrefois en;
Orient parmi les Gentils , & même parmi les
Hébreux, lefquels adoptoient toutes lesTuperfli»
rions qu'ils voyoient faire à leurs Voifins.. C'eft
ce que nous devons inférer de la défenfe que Dieu-
fait à fon Peuple, quand il lui dit : » Vous nefc'-
«* rez point d'incifions fur vôtre chair à roccafion
» des morts , &c vous n'y tracerez point de figures
Levir. câp. *• o^^ de Caractères inéfaçables. C'eft moi qui fuis^
's-v.iï-- „ le Seigneur. Et fuper mortuo non inctdeth camem
fvejiram, neque figuras aliquas y aut jligfnatiX, facietis uor-
jins. Ego DominuSé-
II doit après cette opération fe retirer, & paf-
fer plufieurs jours dans la retraite & dans le jeûne,
afïisou couche dans fon Hamac v mais, afin quç
fes bras ne s'engourdiflent pas , & que l'horreuf
du meurtre qu'il vient de commettre, ne les luj:
^
rende pa:s tremblans & inhabiles à tirer de l'arc.,,
il pendant ce temps-là à décocher def-
s'esxeree
flèches contre un but préparé pour cet eiFet.
Ce qu'il y a de plus barbare & de plus horri*
ble dans: la haine qu'ils confervent contre leurs
Ennemis , c'eft que fi l'Efclave a eu quelque en-
fant de l'Epoufe qu'on lui avoit donnée , qi^oique.
^^ M É R QV AIN 1 S. 307
fouvent ellefoit des plus confiderables du Village,
'on ne regarde en lui que le fang de fon malheu-
reux père, &
qu'il eft infaillible que tôt ou tard
il fera immolé comme lui , & mange de la même
manière barbarie que j'avouë être fans égale ,
;

au-delTus de laquelle rien ne peut aller , &; qui.


met le comble à la brutalité de ces Anthropo-
phages.
Qn pratique toutes les mêmes cérémonies pour
faire mourir les femmes que le fort de la guerre
^ fait tomber entre leurs mains. Les Bréfiliens
néanmoins ne leur donnent point de Maris ,*com-
?me ils donnent des Epouks aux hommes. Les
Caraïbes en ufent un peu différemment car -,

quelquefois ils donnent la vie à. ces femmes , &


les prennent pour Epoufes, mais elles ne portent
point de brodequins elles ont les cheveux courts
;

comme une marque de leur efclavagc , & font


fouvent les vidimes de leur caprice , comme je
l'ai déjà dit. *

Prefque toutes les Nations Barbares de l'Ame-


ïique font Anthropophages; mais les Ameriquains
Méridionaux font plus tachés de cette inhuma-
iiité que les autres. Je ne fçache gueres que les
Abenaquis qui en ayent horreur , & à qui on ne
puifle pas reprocher la cruauté des autres Na*
iîions.

* Ariftote au Liv. r. de fa veux portés dans leur longueur;


îRhetorique , & Lucien dans Ces font des fignes certains de Lberic
JQialegues j difenc que les che- & d'ingenuicé.
308 MOEURS DES SAUVAGES
Adoption.
^^ eondition d'un Efclave à qxii t'an donne là;

vie , dure chez les Nations Al^-


cft toujours aflez
gonquines mais parmi les Iroquois & les Hu-
-,

ions y elle eft auffi douce, à proportion que celle-


de ceux qu'on jette au feu, eft cruelle. Dès qu'il
eft entré dans la Cabane où il eft donné , & oà
l'on a réfolu de le conferver , on détache fes«
liens on lui ôte cet appareil lugubre, quilefal-
-,

foit paroître comme une vi(5lime deftinée au fa-


crificei on le lave avec de l'eau tiède pour effa-
cer les couleurs dont Ton vifageécoit peint, &s
on rhabille proprement. Il reçoit enfuite les vi-
fites des parens ôs des amis de la famille où il
entre. Peu de temps après on fait feftin à tout le
Village pour lui donner le nom delà? perfonne
qu'il relevé les amis &c les alliés du défunt fone
:

aulïi feftin en fon nom pour lui faire honneur:


& dès ce moment il* entre dans tous fes droits.
Si l'Efclave eft une donnée dans une Ca-
fille

bane , où il n'y ait point de perfonne du fexeen


€tat de la foLiteniî , c'eft une fortune pour cette
Gabane-là, & pour elle. Toute l'efperance de la
fiimilleeft fondée fur cette Efclave, qui devient
la maîtreffe de cette famille , & des branches qui
en dépendent. Si c'eft un homme qui reflùfcitc
Tin Ancien , un Gonfiderable il devient confide-
-,

rable lui-même, & il a de.l'autQrité.dans k Vil-


^

lage , s'il fç^it foûtenir par fon mérite perfon-


nel Je nom qu'il prend.
Ala vérité les. Efclaves, s^*ils font fages, doi»^
ÀMERIQ^UAINS. 3c,
tent fe fouvenfr de l'écat où ils ont été, & de la
grâce qu'on leur a faite. Ils doivent fe rendre
agréables par leur complaifance, autrement leur
fortune pourroit changer même après plûfieurs. ,.

années d'adoption ,. fur- tout fi les familles où ils-


font entés , font nombreufes, ôc peuvent aifémenc
fc' Mais leurs maîtres , quoiqu'ils^
paffer d'eux.
fentent bien leur fuperiorité > ne la leur font poinc
ferïtir , ils s'appliquent au contraire à leur per-
fuader qu'étant incorporés dans leurs familles , ils-
font Les maîtres comme s'ils étoient dans la leur
propre, St qu'ils font entièrement femblables i
eux. Quelquefois même ils leur difentj: qu'il leur
ijfill libre de relier ^om de retourner dans leur pais r
ce parti feroit néanmoins dangereux à prendre (ii
on pouvoir le preflentir, & leur coûteroit infail-
liblement la vie-3 s'ils avoient h malheur d'être
pris une féconde fois.-

Une conduite (i douce des Iroquoiî envers


leurs Efclaves», d'une excellente politi-
efl: l'effet

que car ces Efclaves ne voyant prefque point de


•,

différence entre les Iroquois naturels & eux-mê-


mes , ne s'apperçoivent auffi prefque point de leur
fervitude, &
ne. font: point tentés de s'enfiiir. Les
Nations elles-raêines à qui l'Iroquois fait la guer-
re ,-ou q-ui font preffées d'ailleurs par des Voi-
sins inquiets,, ne fe fentant pas en: état de réfifter
aux uiis & aux autres., écoutent pi u^\Bolontierff
les pT-opofîtions que tes Iroquois. leur font faipe*
riefe. donner â eux pour ne faire eafemble q^'tnit
3*0. MOEURS DES SAUVAGES
même Peiiplev & c'eft ainfi <^uc'c^ux-^ci obtien-
nent plus facilement les deux points qui leur font
les plus eflcntiels, qui font, de foûtenir leurs fa-
milles chancellantes j &
de groflir leur nombre^.
^e qui leur donne la fuperiorité- qu'ils ont depuis,
il long-temps fur les autres Nations.

DES AMBASSADES,
E T D XJ

COMMERCE
ENDANT le temps de Guerre , celui de«
la
deux Partis à qui elle devient funefte, n'omet
lien pour conjurer la tempête , &c pour ramener
le calme. Il profite de toutes les ouvertures qui
fe préfentent pour lier une négociation & quand -,

il croit que tout eft difpofé à la faire réiiffir , il


envoyé fes Ambaffadeurs faire des proportions
de Paix. Le Vainqueur de fon côte reçoit pref-
que toujours ces propofîtions avec avidité, pour
Î)eu que la Guerre ^ toujours onereufe àxeux qui
a font, lui pcfe, 6c qu'il puifTe fe flatter de re-
tirer de la Paix des avantages confiderables dans :

ce cas-là même, il eft alTez fouveiitle premier i


la foUiçiter fous main. •
A M E R IQ^U A I N s. jn
Néanmoins comme les efprirs font aigris de
parc &- d'autre , & dangereux de fe-
qu'il feroit
mettre à la difcrétion de gens irrités, pour évi-
ter tout inconvénient, on prend , avant d'en-
voyer des Ambafladeurs , les plus fages précau-
tions qu'il fe peut r on fe fert des Nations Neu-
tres pour faire fonder le Gué fi l'on a des pri--
;

fonniers de. la Nation qu'on veut fléchir , on en^


renvoyé honorablement ôc avecdes préfens , quel-
ques-uns de ceux qui font appliqués au Fisk. 111
y a aufïi prefque toujours des particuliers qui fc
rifquent, & qui vont avec des branches de por-
celaine, frayer le chemin, en ôter les ronc-es &
les épines , comme ils parlent, & l'applanir aux-
Ambafradeurs , lefquels fe mettent en devoir de*
partir , lorfqu'ils fe croyent affurés qu'on efl dans^
de favorables difpofitions de \&s bien recevoir.
Le Confeil pour remplir ce ca^
choifit toujours
Kiâ:ere quelques Anciens, dont on connoiffe- lesr
îalens & la capacité & après avoir long-temps
j

déliberéfur les propositions publiques & fecretes


qu'ils doivent faire on a foin de les bien recor--
,

der fur ce qu'ils ont à dire : on leur fait la le^


çon comme par écrit fur leurs colliers, ou bieii
avec de petites bûchettes de différente figure, Ô3
qui ont divers fens , afin que d'une part, ils n'ou-^
biient rien , ôc que de l'autre- ils ne paflent pas
leurs ordres.
. Les AmbafFadeurs ayant r^u leurs indruo-
tipnsj.fe mettent en marche avec les préfens <^u'iU-
,

312 MOEURS DES SAUVAGES


doivent faire , lefquels font toujours pris fur le
Trcfor public •,
& ils font accompagner d'un
fe
-certain nombre de jeunefle pour faire honrteur an
carad:ere dont ils iîbnt revêtus. Cela feul leur
tient lieu de la dépenfe que font ailleurs les Mi-
«iftres des Princes , qui ibnt envoyés dans les
Cours Etrangères.
Avant que d'arriver, le Chef de PAmbaflTadc
faitprécederde quelques journées quelqu'un de fa
troupe pour donner avis de fa marche , afin qu'on
fe difpoi^e à le recevoir. A une demie lieue du
Village il fait alte , & envoyé derechef avertir
de fon arrivée. Alors le Conferl du lieu où il va,
députe quelques Anciens vers les Ambafladeurs
pour leur fair^ compliment , & quelques jeunes
gens pour fe charger de leurs paequets. Celui des
Anciens qui porte la p^lrole , s'étant affis un mo-
ment auprès d'eux j ayant allumé fa pipe, toulTé
6c craché , leur dit fort éloquemment , qu'ils font
les très-^bien qu'on leur eft bien obUgé
venus :

d'avoir entrepris u« voyage Ci pénible qu'ils doi- :

vent avoir fans doute bien fouffert de la longueur


du chemin par le chaud ou par le froid , &c. En-
fin il les avertit qu'on leur a préparé une Cabane
pour y loger avec tout leur monde. Après cette
courte harangue, les Anciens fe retirent, & les
Ambaffadeurs font leur entrée dans le Village
fans magnificence.
- En trouvent leur Cabane préparée
arriérant ils

&: la chaudière haute. Ce font les jeunes gens du


Village,
AUtt. I Q^U A I N S. 3T3

'Village , lefquels font toujours à la main des


fChefs de famille, qui drefTenc le feftin , ôc non
;pas Ifs femmes. dépen(e en eft prife fur le
La.
-Fisk , ôc perfonne n'y touche que les nouveaux
'venus,, qui, pendant leur féjour , font défraies
par le Public , félon la coutume qu'ils ont parmi
-eux, que celui qui fait le feftin , le confacreiouc
entier à ceux qui font invités, fans qu'il y ait,
;ou qu'il s'en réferve la moindre pa^rtie.

Après uh ou deux jours de repos, les Ambaf-


iàdeurs font leurs proportions, & préfentent leurs
colliers dans un Confeil public, qui n'eft que
poux chanter, danfer^, & écouter ce qu'ils ont à
>aire. Ils ne s'endorment pas cependant fur leurs
^intérêts , & profitent bien du temps qu'ils ont en
-particulier pour leurs négociations fecretes , d'oà
(dépend tout le fuccès de leur habileté. Les An-
<:iens de leur côté délibèrent fur les proportions:,
& Xuppofé qu'ils fe déterminent à faire la Paix,
après quelques jours de délibérations fecretes , &
de feftins publics , ils renvoyent les Ambaifadeurs
avec la reponfe à leurs paroles , ou bien ils Iqs
font fuivre quelquefois, peu de temps après, par
xl'autres AmbalfiTadeurs de leur part,, qui vont ré-
pondre fur leur natte par un nombre de colliers,
.a peu près égal à toutes les proportions qu'ils

-ont faites.
Si le fcntiment de continuer la Guerre prévaut
-dans le Confeil , alors malheur aux Ambafla-
:deurs ; le droit des Gens ne les garantit point :
Tonte IL Rr
rp^ MOEURS DES -SAUVAGES '

on pour leur cajaderc,, que tmi-


n'a de refpeâ;
dis que la chofe eft indécife mais , dès qu'on a :

^pris les dernières réfolucions , on leur calTela tête ,,


'& cela fouveir: fur la natte mêjiie, quoique ce-
pendant il eft plus ordinaire, pour éviter ce qu'ii-
y a d'odieux dans une a6hion qui viole les droits
ide rhofpitalité & delà confiance, de les congé-
<dier tionorablement , 6i de les envoyer airaiïiner.
fur. le chemin à quelques journées du Village. Gcl.
"n'éft point la coiitume de fîaire brûler les Am-

fealTadeurs , & de les* traiter en Efc-laves. .Gepen*


xJant les Iroquok brûlèrent quelques-uns de ceux.
^ui avoient accompagné M. le CHevalier d'O ,
•que M. le Comte de Frontenac àvoit envoyé chez.
%ux en AmbafTade , & ils l'auroient peut-être,
brûîé lui-même s'il ne s'étoit fauve chez les An-
'glois , mars les Iroqu ois prétendirent que c'étoit.
^ '^
^in e rep ré faîl lei. ^
'--'
'- '-^
• - - - . i; .^ i :>

. t Le Ôroit des beaucoup plus- Te[ptô:é


^Geris^ eft'

Çarmi les Nations d'enhaut, qui habitent vers la


Louifiane le long des bords du MifTifip'pi , lef-
'quellesont l'ufage duCalumetde Paix que n'ont
pas les Iroquois non plus que les autres Sauva-
,

ges des environs de Québec , & du bas du fleuve.


'-Saint-Laurent; ;

ts'^ ;.

2ir<

^, , Le Père Marquette JefiiiteMiftIonnaire du Ca*


i^ paix, 'nada , s embarque avec le Sieur Jollet hran-
étant
'çois Canadien , dans le deflein d'aller à la dé-
•couverte. de la Mer de i'Oueft & de tenter une ,
,

À M E R I Q^U A I N 5; 311

^route par le Canada jiifqu'à la Chine, fut' le pre-


mier des François qui pénétra jufqu'au grand,
,

fleuve Miffifippi , & qui eut connoiflance des Na-


tions de la Louifiane, qui font répandues dans
les terres que ce grand Fleuve arrofe. Ce fut le
17. Juin de l'an i^-j$. ( c'eft-à-dire , fept ou huit-^
ans avant que le Sieur Cavelier de la Salle allâti
fur fes traces prendre pofreffion de ce païs-là au
iiom du Roy ) qu'après' avoir remonté le fleuve,-.
Saint-Laurent , fait quarante lieues dans le fleuvej
Ouijcon/iny ou.A///?o«/î«, commeil l'appelle, ils tom^r-
berent dans un« autre beaucoup plus confideraJy
ble vers le quarante-deuxième degré & demi de
latitude Nord. La beauté de ce grand Fleuve^
Jeur ayant perfuadé, qu'il. avoit quelque partfon'
debouquement dans la Mer, ils fe laifTerent aller
à fon courant , &
le parcoururent en effet juf-.

qu'au trente-quatrième degré , à deux ou troisri


du golphe du Mexique , félon leur e&i[
-journées
time. Mais ayant remarqué que fou cours les-
téloignoit de leur première route , & la crainte
des Efpagnols les ayant empêchés d'aller jufqu'ài!'
fon embouchure , ils prirent le parti' d« le re-r
monter, & retournèrent par les Ilinoisà Miffili-^
makinak, & delà à Québec , où ils firent le rap-i;!
port des particularités de leur découwextt.
-^jC'eft dans la Relation de fon Voyage; qu'on fit >

imprimer alors, que le. Père Marquette naùsii


donne connoiifance du Calumet de. Paix & corn-;.!. i

tae il eu le premier qui en ait pajlé ^ ^qu'iLeit'


Rr i
j
jK? MOËURS^JDES SAUVAGES^
qui en a parlé le mieux, c'eft de hxïi
auffi celui
que je prendrai ce que je dois en dire icu
Le vingt-cinq du mois dejuin de là même année*
le Sieur Joliet & le Père Marquette ayant ap-
perçû fur le h(Kd du fleuve Mifïïfippi quelques-^
veftiges d'hommes, & unfentier battu , ils réfo-~

lurent de le fuivre, & de tenter une avanture


afFez^hazardeufe pour deux hommes feuls, qui'
s'expofoient à l"a merci d'un Peuple barbare & in-
connu* Ils ne furent pas long-temps fans décou--
vrir trois Villages-, lis fe recommanaerent à Dieu>,
& continuant à marcher en fîlence , ils arrivè-
rent fi près'de l'un^de ces Villages fans être dé--
couvcns , qu'ils entendoient les Sauvages parler.-
Jugeant donc qu'il étoit temps de femanifeilBr,,-
ils poufferentun cri de toutes leurs' forces, & s'ar-

rêtèrent pour en attendre l'événement. A ce cri, les-


Sauvages fortent en fouie de leu-rs Cabanes,- &
les ayant reconnus pour Éuropéans, ils députent
vers eux quatre Vieillards' pour aller leur parler.
D'eux d'entr'eux portoientdes pipes à fumer du
Tabac, bien ornées & bien empannachées de di-
vers plumages. Ils marchoient à pas graves, &-
élevant leurs pipes vers'le Soleil, ils fembloient
lui préfenter à Fumer fans néanmoins dire aucun
Hiot. Ils furent affez long- temps à faire le peu
de chemin y avoit depuis leur Village juf-
qu'ii
qu'â eu:».^ Enfin les^ ayant abopdés, ils s'arrêtè-
rent pour les confiderer avec attention. Le Perc:
lafliiré par cette cciémonie, ôc par leurs couver-
"
AM E R r QJJ A 1 N S. 31^'

fures d'étoffe , leur parla le premier, leur deman-


da» qui ils étoient -, à quoi
répondirent qu'ils
ils

ëtoient llinois, & pour marque de Paix ils leur'


firéfenterent leurs pipes pour fumer , enfuite ils-

fes invitèrent d'entrer dans leur Village , où tour


le monde les attendoit avec impatience.
A la porte de la Cabane, où ils dévoient être^
reçus , f& trouva un Ancien, qui les attendoit:
dans une pofture aflez fiirprenante î mars qui eft
ufîtée chez eux-à la réception dcr tous les Étran-
gers. Get homme étoit débouta t^utnud, te-
nant (qs mains étendues & élevées vers le Soleil ,-
comme s'il eut voulu fe défendre de fes rayons,,
krqiiel s néanmoins pafloient fur fon vifage entrer
fes doigts, to^fqu'ils furent près de lai
leup , il

fit c-e compliment. «Que le Soleil eft beau « ,.

François , quand tu viens nousvifiter Tout nô- «• !

tre Village t'attend r tu entreras en paix dans»'


routes nos' Cabanes. » Il les introduisit dans laj
fienne, où il y avoir une foule de monde qui les*
dévoroit des' yeux , &
qui cependant gardoit un)
profond fil en ce. On entendoit feulement C£% pa^-'
rôles qu-'ow leur adreflbit de temps en temps &3î
voix baffe. « Que voilà qui eft bien,. mes frei-'"-
içsy qué-v©uS'nous vifitéS'l»
Après" qoi-ils eurent pris place-, on Teur fit la-.
civilitéaccoûtomésede leur préfen ter des Cal4i—
mers. On ne doir pas les refufer Ci on ne veu&
pafîer pour ennemi mais il fuffit de* faire fem—
j .

blant:(k- fumer ^j"


f^R r ii^
3f? MOEURS DES SAUVAGES
_ 'Pendant quêtons les Anciens fumoienc fuccef-
fivement après eux pour leur faire honneur, oa
vint les inviter de la pan du Chef General des
llinois, de fe tran-^orter dans fa Bourgade, où
il vouloit tenir Confeil avec eux. Ils y allèrent en
bonne cornpagnie car ces Peuples qui n'avoient
-,

jamais vu de François chez eux , & qui ne les


connoiiToient que de réputation, par le com- ^
merce qu'ils ont avec les Nations lîtuées vers
Miflilimakinak , ne fe laflbient point de les re-,
garder ils fe couchoient fur l'Jierbe le long des
;

chemins , ils les devançoieiit , puis ils retour-


iioiènt fur leurs pas pour les revoir : tout cela fe
iaifoitnéanmoins fans bruit, & avec des marques
idu refpe6b qu'ils avoient pour eux.
Le grand Chef les attendoit à l'entrée de fa
Cabane au milieu de deux Anciens ils étoient :

tous trois debout &: nuds , tenant le Calumet


tourné vers le Soleil. Il les harangua en peu de
mots, les félicita de leur arrivée il leur préfentai

fon Calumet , & les fit fumer en même temps


qu'ils emroient dans fa Cabane, où ils reçurent
toutes les careflTes qu'on a accoutumé de faire ea,
ces fortes d'occa fions.
Tout le monde étant affemblé gardant un, , &
profond filence , le Père leur parla par quatre
préfens , à quoi le Chef des llinois lui répondit
par trois autres. Le Confeil fut fuivi d'un grand,
feftin, qui confiftoit en quatre mets qu'il fallut
prendre en fe foûmettant à toute l'Etiquette da
MM ER IQ^U A I N S. jr^
-leur cérémonial. Le premier un grand plat
fut
de' fagamité aflaifonnée de graifTe. Le Maître
des Cérémonies tenant une cuillère pleine , la
préfenta trois fois à la bouche du Père , & fit la
même chofe au Sieur Jbliet. Enfuite parut un fe-
'cond plat où il y a voit trois poiflons le Maître' -,

des Cérémonies en prit quelques morceaux pour'


en ôter les arêtes & ayant foufflé defTus pour les-
j

rafraîchir , il les leur mit à la bouche, comme-


«l'oii donne la bêchée aux oifeaux. On apporta-
pour traifiéme fervice un grand chien qu'on ve-=-
hoit de tuer; mais ayant appris qu'ils n'en man--
geoient point, on le retira de devant eux. Enfin^
le quatrième fut unepiéce de Pijtkjou ou de Bœuf
iâuvage, dont on leur mit dans la bouche les-
morceaux lès plus gras.
-' Après le felUn il leur fallut aller vifiter les
Gabanes du Village. Pendant qu'ils marchoienc
dans les rues , un Orateur haranguoit continuel-
lement pour exhorter le monde à les voit fans^
leur être importuns, on leur préfentoit par-tôutt
des cemrures , des jarretières, & d'autres ouvrai
ges faits de poils d'Ours & de Bœuf fauvage,.
iqui font les leules raret'ss qu'ils ont. Ils couche-'
rent dans la Cabane du grand Chef ,&; le len«-
demaui ils prirent congé de lui. Il les accompa-
gna avec plus de fix cens perfonnes
qui s'effor- ,

-çoient de leur témoigner par toutes fortes de àé^


:inonftrations d'amitié , la jpye 'qu'ils avaient des
leur vifite.
^zo MOEURS DES SAUVAGES
Le P.ere Marquette , après avoir lionne en ab-
çbregé une idée des llinois & de leurs mœuES,
.parle enfuite du Calumet en cette manière.
» Il n'efl: rien parmi eux de plus myfterieur^
» ni de plus recommandable. -On ne rend pas tant
»» d'honneur au fceptre des Rois qu'ils lui en ren-
" dent. Il femble être le Dieu :de la Paix & de la
**
Guerre , l'arbitre de la vie & de la mort. C'eft
„ aflez de le porter fur foi & :de le foire voir,
,,

,» pour marclier en a/Turance au milieu des £nne-

»' mis, qui dans le, fort du combat mettem: hasles


"armes quandils le montrent. C!eft pour cela que
"\qs llinois m'en donnèrent un pour .me £ervir de
.:,fauv^xgarde .auprès des Nations , par Jefquelles
V je devois pafler dans mon voyag.€. Il y a un Ca-
'*
lumet pour la Paix , &
un pour la Guerre, lis
**
s'en fervent encore pour terminer leurs difFe-
^, riend;5 , & pour afamir leurs alliances , .ou pour
^ parler aux Etrangers,.
» Il efl; comporé d'une pierre rouge polie com-
-« me du marbre , & percée d'une telle façon ,
" qu'un bout fert à recevoir le Tabac, & l'autre

j, s'enclave
dans le manche , qui efl: un bâton <ie
„ deux pieds de long, gros comme une canne or-
j» d inaire & percé par le milieu. Il
, efl; embelli
?'
de la têfe ^ du col de divers oifeaux dont le
"plumage eft très-beau j ils y ajoutent aufE de
4,
grandes plumes rouges, vertes, & d'autres cou-
.^> leurs j dont il efl: jcout empannaché. en font
Ils

«.état, partiçulicrement parce qu'ils le xegardeat


commc'^
"

A M E'R
IQ^U A IN s. 311
ccomme le Calumet du Soleil & de i fait ils le lui «

préfentent pour fumer , quand ils veulent obce- "


nirdu calme, ou de la pluye, ou du beau temps: **
ils font fcrupule de fe baigner ati commence-'*

ment de l'Eté, ou de manger des fruits nou-^^


eaux qu'après l'avoir danfé. En
voici la façon. «
La danfe du Calumet ,
qui eft fort célèbre «
**
jparmi ces Peuplées, ne fe fait que pour des fu-
Jets confidsrables i c'eft quelquefois pour aifer-^^
mir la Paix-, ou réunir pour quelque grande «
fe
Guerre^ c'eft d'autrefois pour une réjouiffancc
publique tantôt on en fait honneur à une Na-**
:

tion qu'on înviced'y alliflen tantôt ils s'en fer-"


vent à la réception de quelque perforine confi-^^
derable , comme s'ils vouloient lui donner le di- «
verrilfement du Bal ou de la Comédie. L'Hy-«
ver , la Cérémonie fe fait dans une Cabane."
**
î-'Efté, c'efl; en rafe campagne. La Place étant
choifie, on l'environne d'arbres pour mettre tout ,,
4e monde à l'ombre de leurs feuillages pour« ,

fe défendre des chaleurs du Soleil. On étend «


une grande natte de jonc , peinte Ae diverfes "
couleurs, au milieu delaplace, elle fert com- ^^
me de tapis pour mettre deffus avec honneur le «
Dieu de celui qui fait la danfe. Car chacun a «
le fien qu'ils appellent leur Manitou. C'eft un "
ferpent ou un oiseau, ou une pierre , ou chofe"
femblable qu'ils ont rêvé en dormant , & en ^
qui ils mettent toute leur confiance pour lefuG-«c
£ès -de leur Guerre , de leur ChafTe , & de leur «
Tome II, SC
311 MOEURS DES SAUVAGES
"Pêche. Près àe ce Manitou on y & à fa droite,
" mec leCalumet en l'honneur de qui fe fait la^
"^fêce. On fiit comm& un trophée, ôc on étend'
armes dont fe fervent les Guerriers de ces^
•„les

"Nations, fçavoir la mafTuë , la hache d'armes,.,


"l'arc, le carquois ,.& les flèches.
Les chofes étant ainii difpofées , & l'heure-
„de la danfe approchant , ceux qui font nommés-
«ppur chanter , prennent la place la plushono--
»»rable fous les fçiiillages* Ce font les hoçimes &
" les femmes qui ont les plus belles voix
, qui, &
^j
s'accordent parfaitement bien enfembk. Tout le
„ monde vient enfuite fe placer en rçnd fous les
"branches niais chacun en arrivant,. doit faliier.
-,

" le Manitou y ce qu'il fait en petunant , & jettant


"de fa bouche la fumée fur lui, comme s'il lui
„ préfentoit de l'encens. Après cela , celui qui
"doit commencer la danfe, paroît au milieu de
"i'Aflemblée, & va d'abord avec refped: prendre
"le Calumet, &: le foûtenant des deux mains, il
^ le fait danfer* en cadence, s'accordantbien avec
^5 l'air des chanfons Il lui iait faire des figures
:

s'^bien différentes ; tantôt il le fait voir à l'affem-


*blée, le' tournant de côté & d'autre ? & tantôt;
^il le préfente au Soleil , comme s'il le vouloit
sjfaire fumer j: tantôt il l'incline vers la terre, ôi
" tantôt il étend les aîles comme pour voler j
lui
d'autrefois il PapprocJie de la bouche des Af-
fiftans afin qu'ils fument v le tout en cadence^
& c'eft comme la première fcéne du Ballet.
^„

A M EU IQ^U AI NS. ,5-2.3

Lu féconde con fi fte en un combat, qui fe fait «

^Àu fon d'une efpece de Tambour, qui fuccede"


"
aux chanfons , ou même qui s'y joignant , s'ac-
cordent fort bien cnfémble. Le Dan feu r fait Ci-
gne à quelque Guerrier de venir prendre les ar-«
mes qui font fur la natte, & l'invite à fe bat- "
,

tre au fon des Tambours celui-ci s'approche,'* 5

prend Tare &


la flèche avec la hache d'armes , „

hc commence le Duel contre l'autre , qui n'a.(%


point d'autre défenfe que le C.alutnet : ce fpec- '?
"
tacle cft fort agréable , fur-tout fe faifant rbû-
jours en cadence i car l'un attaque , l'autre (e
'^défend -, l'un porte des coups, l'autre les pare ia
l'un fuit i l'autre le pourfuit ^ & puis celui qui «
fuyoit tourne vifage-, & fait fiiir fon ennemi j*';
,

ce qui fe fait iî bien par mefure &àpascom-'v


ptés, & au fon réglé des voix des Tambours , <i &
que cela pourroit paifer pour une aiFez belle en- «*

trée de Ballet en France. ;i : .i:) j.:j .a ^^


Ua iroifiéme fcéne confifte en u^ri gïarid dif-,**»

cours que fait celui qui tient Calumet.. C^ifc-


le

le combat étant fini fans qu'il y ait de fangr4-^

f)andu , il raconte les 'Batailles oùil.s'ç^ *roiivéi,'^fc


es vidoires c^Wû a TempQrteesi.il nQmniç,ks-*t
Nations , les lièur, &
les captifs qu'il a faits j -

& pour récompenfer celui quipréfideala danfe, *


il lui fait préfent d'urie belle robbe de caiior, oit «;
4e quel qu'au tre cko£e : ^
l'ayant -ire^â',,' il va "
préfenter le Calumet à un)auitre-, eeliiiscira urjcj
xroifiérac , & aiîifi de tous les autres î jufqu'ace,-
Sf ij
3-2>4 MOEURS D E S S' A U' V A G E S*
• que tous ayant fait leur devoir i le P.réiïdent de^
» l'aflemblée fait pré fenc du même Calumet à la
-Nation qui a été invitée à cette cérémonie,
>oùr marque de La Paix, éternelle qui fera entrs
les deux Peuples.
le
Le Père Marquette rapporte enfuite une des
cKanfonsqu^on chante fur le Calumet, aufquelles,.
dit-i't, ils donnent un certain ton qu'on 'ne peut

allez exprimer par lanote , qui néanmoins en fait


toute La graôe.J'aii remarqué en effet que les chants
des Nations d'enhaut font plus harmonieux que
ceux des Iroquois &
des autres Sauvages, qui.fonc
au voi(inage de Québec.
Après-hi Guerre qu'on' fit ces dernières années
au3i Otrtagamisi, nommésautrement les Renards ,..

on fit préfent d'un Efclave de cette Nation au»


Sauvages de la Mifïion où j'étois , qui lui donnè-
rent la vie férbrr la. coutume des Sauvages Chré-
tiens. Cet Efclave leur.infpira da goût pour lat
danfe du Calumet , &
nos gensmouroient d'en-
vié de l'àppren-dre. Ils s'affembloient fouventpour.
€e-fuj,et dans la Cabane oii il avoit été adopté ,.,
àftnr de le voir danfer , & de l'entendre chanter.

Je rk'y fais arrêté quelquefois moi-mê mfe y ne


yoyafit Cîndbre rien de mauvais dans cette céré-,
Kionie du Calumet que je ne connoifTois pas. Se:
fy prenois afféz de plaifir. Mais ce qui me fur-,
prertoit davantage, c'ieft qu'en chaîitatnt, il ne di-
jÇoit autre chofe que-; cette feule; parole JUeluia-y.
prononçant Vu- comme les. Italiens , de féparant-
AKiE KIQ^U A IN 5. jr^.

le mot en deux parties égales en cette manière


Mle-luUi H répétoit fouvent la premiere,'& puis
la féconde , revenant tantôt fur l'une, tantôt fur
l-autre, bc les l'oulant fuccefïivement fur difFe-
rens tons d'une/ mufîque <^uiétoit afîez agréable;
Lefcarbot écrit, qu'il avoit entendu ce même mcft Lcf^arbbr,,

dans les chanfons des Souriquois. Je ne fçais Nouvelle

quelle fignification ce terme peu-t avoir dans leur j^b^e.'

Langue.-

Rien ne repréfente mieux le Caducée de Mer- Comparai--

Gure que le Calumet dé Paixi Mercure étoit une lume^de^'


Divinité étrangere.*par rapport aux Grecs', qui Paix avec

l'avoient prife àç^s Egyptiens &


des autres Peu-
^^^aducee*;-

pies barbares; C'eft pour cela qu'il n'eft pas étoni


liant que Grecs ayent travefti pa^" des fables,
les-

& qu'ils ayent même ignoré, plufieurs chofes , lef-


quellespouvoient concerner ce Dieu. Dans la Re-
ligion Hiéroglyphique des Anciens , le rapport?
de Jupiter & de Mercure aux kommeS , n'étoif
dans fon oj-igine , félon toutes les apparences,*
qu'un myitere qui leur repréfentoit l'Eftre fu-
prême , lequel leur impofoit l'obligation de fe
refpeder les uns les autres , quoique Etrangers >
danis. les'devoirs de lafocieté civile de regarder
j

le droit des Gens comme facré de l'honorer


5

dans les perfonnes, qui , dans un efprit de paix,-


ye4ic>ienE fe mettre à leur difcrétion de ne painc
5

• leur faire de tort, & fur-tout de leur garder la*


£oy jurée. G'étoit dans cet efprit, que ceux qur
' Sfiijï
31Ç MOEXJ'RS DE^ SAWÂGES
-pafToient d'une Nation à l'autre , étoient regaf-
Aés y dans un fens , comme les Ambafîadeurs de
Jupiter même 9 c'eft-à-dire, comme des perfon-
nes envoyées immédiatement de la part du Sei-
gneur. Le Caducée qu'on leur mettoit en main,^
ëtoit leur fauve-garde , k marque de leur Mif- &
iion , comme l'eft encore de nos jours le Bâton
des Heraults. Sa figure étoit fymbolique ; lesaî-
les & les ferpens font des marques de Religion.
Peut-être vouloient-ils fignifier par les aîles, la
diligence qu'ils dévoient faire , 6c que les ferpens
dont il étoit entortillé, défignoient la prudence
avec laquelle ils dévoient traiter dans leurs né-
gociations. Les Argonautes dans leur voyage
avoient leur Hérault & leur Ambaffadeur qu'ils
députoient.à toutes les Nations qui étoient fur
^poii. Rhod. leur route. » C'étoit E-thalides Ambaffadeur
«prompt & diligent, a qui ils avoient conhe le
f loin des négociations , & à qui ils mettoient
«en main Bâton de Mercure.
le

Le Calumet refifemble en quelque chofe au Ca-


ducée pour fa figure c'efl: un Bâton à peu près
:

de ;la même longueur il eft toujours orne- de


;

rgrandes plumes, ou quelquefois d'aîles entières


comme le Caducée , ainfi qu'il eft repréfenté dans
'î<.Hift de une des planches de la nouvelle Hiftoire de la
piancifeT Virginie. Il ne manque, ;ce femble au Calumet ,

pour la relfemblance parfaite du Hiéroglyphe ,'


que les ferpens entortillés , qui ont toujours -été
confervis au Caducée, par les Grecs & par les
,

A M E R I Q. U A rN S.
y^
Romains, dans dans les emblèmes de
les ftatuës ôi

Mercure. Mais fi les Sauvages n'ont pas ce point


de relTemblance , qui peut paroître uidiiFerent
n'étant* peut-être qu'un de ces ornemens fur lef-
quels on a pu varier, feion goût &- l'humeur-
le
bizarre de chaque Nation , les Grecs àc les Ro-
mains n'ont point confervé de leur côté au Ca-
ducée ce qui eft le plus eil'entiel au Calumet de^
Paix. C'efl: cette pipe, laquelle , félon l'opinion
que j'en ai, eft un véritable Autel ,.où les Sauva*-
ges offrent au Soleil un facrifîce dans toutes lest
formes : Sacrifice qui concilie au Calumet ce ref-
ped, auquel fout attachés par un efprit de Re-
ligion ancienne la fainteté des fermens , & \^
droit inviolable des Nations , de La même ma-
aiere que ces chofes étoient annexées autrefois au'
Caducée.
Quand je dis que les Grecs oc les Romains
n'ont point confervé au Caducée cette pipe du:
Cal'umet, qui eft un véritable Autel, où les Sau-
vages offrent encore aujourd'hui un facrifice au
Soleil, je ne parle ainfi que fur l'idée que j'ai j.
que le Caducée Calumet, n'étoient qu'une
&; le
même chofe dans la première origine. Mon idée
pàroîtra bien fondée à ceux qui voudront appro-
fondir le nom de To/f^cç^i , ou de Porte-feux j qu'on
donnoit aux Caduceateurs , s'il m'efl permis de.
me fervir dece terme , pour fignifier ceux qur^
étoient revêtus du caradere- d'Ambaffadeurs ,
dans le temps que le Caducée étoit le fymbole
St% MOBTJRS DES SAUVAGES
facré de leur Mifïîon. On
trouve le terme mif^
tîeiodot. (pe'poç dan5 Hérodote, dans Xenophon , dans Phi-
J
r-Lib. 8, n. tf.
-1
r
Ion Juir^ dan5 Pollux , & dans Suidas. On peut
t j 1 1
xcnoph. de

p.'4oo/" recueillir de ce qu'on dit ce^ Auteurs anciens , &


ta Mofif
"''
9^pi"ès eux Alexander ab Alexandrojôc Cœlms Rho-
Lib. I.
diginus : i°. Que c'éroient des Prêtres & des De-
Lib. i.cap. I. vins,<qurrailoient en même temps 1 Oriice d Am-
su?à«,'*' baffadeurs ôc de Heraults , dont la perfonne éroit
sr^fpofKf, fiqu'on reeardoit comme un des plus
facrée ,

lex. Lib. î. grands crimes d uier du droit de la Guerre con-


"^^cœi.Rho- ^^^ eux , ^
de leur faire la moindre infuke.
dig. ub. 8.
2,0^ Qu'ils por-toient entre leurs mains un Autel

nommé Pyranon & ua feu facré , qui "leur fit


donner le nom de Pyropheres , & que c*éto*it ce
feu qui leur xonc-ilioit ce refpecl de la part même
de leurs Ennemis. 3°. Que c'étGjit par eux qu'oa
décidoic en dernier lieu de la Paix ou de la Guerre.
4°. Qu'arvant le combat ils s'avançoient au-devant
des premiers Etendards -pour faire des propofî-
tions, en confequence defquelles, ou l'on rnet-
to.it bas les armes , ou l'on commençoit la bataille.

5**,. Que le.refpe6l qu'on avoir pour eux, obligeoit


le Vainqueur à faire cefler toute hoftilité , dès
qu'ils £e préfentoient pour faire de nouvelles pro-
pofitions ,,ou pour témoigner qu'on fe foûmettoi-t.;
de fort,e que pour manquer une viâroire com-
plecte, & une défaite bien entière, il avoir paffé
en proverbe, qu'il n'étoit pas même refté un Py-
rophore pour faire tomber les armes des mains
aux Vainqueurs. ^°. -Que c'étoit «jiie coutume
générale
,

ÂMERÎQ^U AI N5. 51^


^générale chez \qs Grecs , en particulier chez les
Lacédemoniens , d« fe fervir de Pyrophores , Se
N& de les faire marcher à la têce des armées. En-
<fîn que c'étoit une coutume Ci ancienne, qu'elle

étoic en ufage même avant qu'on eut inventé lès


Trompettes, dont on s'eft fervi depuis pour fon-
ner la Charge. Les Peuples du Pont & de la Cap- ^
.R'^°<''8'»'

padoce avoient<juantite de ces Devins qu'on ap- »y-

pelloit Pyrethes , nom dont la fignification re-


vient à celle de Pyrophores. Les Auteurs à la ve-
lité ne nous inftruifent pas aiTez^ pour nous faire
connoître comment étoit fait cet Autel portatif^
mais il nous fuffit de trouver dans le Calumet
un véritable Autel , un feu facré , & une vidime
qui font les herbes, dont nous avons déjà dit que
les Anciens faifoient des facrifices aux Dieux,
J'ai lu auffi dans quelque Auteur , qu'on or-
noit le Caducée avec des cheveux qu'on nattoit -

proprement , de la même manière qu'on en ufe


'pour le Calumet ; mais quelque foin que j€ me
'fois donné , je n'ai pâ retrouver mon Auteur. On
n'aura cependant point de peine à fe le perfua-
der , fi l'on fait réflexion, que les Epithétes, que
les Auteurs donnent au Bâton de Mercure, mar-
quent qu'il étoit doré, ôc- -fort orné : que dans
i'ufage des Anciens on confacroit les cheveux
•aux Dieux ^ & que les Romains, lefquels au lieu
xie Caducée , fe fervoient de branches d'olive , de
verveine , & d'autres herbes qu'on nommoit Sag-
mma les ornoient avec de la iaine 5c des bandelettes.
Tome IL T t
350 MOEURS DES SAUVAGES:
Dans tout le refte le Caducée & le Calumet
font abiolument feinblables ; car les Sauvages font
perfuadés , comme on dans l'Antiquité y.
l'étoit
que c'eft un fy mbole de Paix à ceux qui- l'offrent ^
&c le re<^oivent, & de Guerre à ceux qui lemé-
Gonnoiflent & le rejettent : qu'il porte droit dé-
vie & de mort : qu'il rerire des En^fers, &: qu'il

y précipite qu'ils irriteroient la colère des


:

Dieux, & qu'ils artireroient de grands malheurs


fur eux, s'ils en avoient violé la foy En effet il n'y.

a pointde plus fur garand, que ce Calumet, qui,


comme dit le Père Marquette , fait tomber les.
armes des mains , quand on le montre au plus
fort du combat. Enfin les Sauvages difent, que
c'eft le Soleil qui leur a donné le Calumet,, de
la même manière que les Anciens difoient , que
Mercure avoit reçu le Caducée des mains d'A-
pollon.
Comme il y a des Calumets de Paix , &
des
Calumets de Guerre,. il faut fçavoir les difcerner,
^ns quoi on court rifque d'être la dupe de fon
ignorance ou de fon inadvertance car les Sauva- ;

ges n'ofant pas violer directement la foy du Ca-


lumet , tâchent d'ufer de furprife envers ceux
contre qui ils méditent quelque trahifon pour les
en rendre en quelque forte refponfables ^ &c afin
qu'ils ne puiffént imputer leur perte qu'à eux-mê-
mes^ Un Officier François qui connoît parfaite-,
ment bien les mœurs des Sauvages , penfa néan-
moins donner dans un piége feniblable. LesSioux,.
A ME R I Q^UA INS. 531

chez qui avoient envie de fe défaire de


il étoit ,

quelques Sauvages , qui étoienc venus vers ce


Commandant, & ils l'auroienf enveloppé avec
tous les François qu'il avoit fous fes ordres , dans
le maflacre qu'ils en vouloient faire. Us firent
donc femblant de venir lui parler d'affaires, 6c
lui préfenterent douze Calumets. L'Officier , à
^ui ce nombre de Calumets parut fufpeâ:, ne fc
hâta point de donner fa réponfe j & étant dç
retour dans fon Fart , il conîuka fur cette avan-
ture un Sauvage des fiens qui étoit habile. Ce-
lui-ci lui fit remarquer que parmi ces Calumets, ,

il y en avoit un, qui n'étoit point natté de che-

veux comme \qs autres, &c fur le ba.ton duquel


étoit gravée la figure dont il étoit
d'un ferpent ,

entortillé j il lui fit enfuite comprendre que c'étoit-

ià le figne d'une trahifon couverte. L'Officier prit


fur cela fes mefures , il éluda la demande des
Sioux , &
fe tint fur fes gardes dans fon Fort avec
tout fon monde. C'eft un figne de guerre encore
jplus ordinaire, a ce qu'on m'a dit, quand ils pei-
gnent le bâton du Calumet avec du. vermillon
dans l'entre-deux des cheveux»

Le Calumet non feulement un fymbole de Du Com^


eïl
Paix ou de Guerre mais il l'efl: encore du Com- mercc.
-,

merce, ainfi que le Caducée de Mercure , qui


pour cette raifon , devoit procurer la fureté des
chemins, lefquels lui étoient fpécialement con~
Xacré^ i & â qui on met pour la même raifon une
Tt ij
551 M OB U R S I>E S S A U V"A G ES
bource à mainla pour montrer qu'il étoit ïè:
,

Dieu des Marchands , 5c le garand de leur bonne


fby. On a fait injure à Mercure en le faifanc le
Dieu des Larrons. Rien a'-eft plus oppofé à l'obli-
gation qu'il avoit de procurer la fureti des voya-
geurs, que d'en faire une DtviniEé qui favorifât le
larcin. Il y a apparence que cette attribution -a;
€xé un effet de la malignité des Anciens, lefquels .

ont voulu taxer- la fidélité des Commerçans, en i

faifant de leur Dieu un Dieu des Vôièurs,


Les Nations Sauv-ages commercent lés- unes,
avec les autres d-e tout temps< Leur Commerce
a cela de commun- avec celui des Anciens;, qu'il'!
eft un pur troc dé denrées contre denrées^ Elles,
ont toutes quelque -chofe de particuJier que lés.
autres n'ont pas-^, & le trafic-fait circuler toutes

ceschofes êes unes aux autres. Ge font<les grains j^


de la porcelaine i des-four-ru^-es , d^s robbes, dâ
Tabac, des nattes , dés canots, des ouvrages en
poil d'Orignal j de porc-épic, de Bœuf faavage,
des decotton, desuftancilesde ménage, dés
li<5bs .

Galumers , en un mot tout ce qui eft là en ufagç -

pour le fecours dé-la vie humaine.-


Les feftins & les danfes que font lés Sauvages^-
en allant en traitte chez lès- autres Nations, font-
dé leur Commerc-e un divertiffement agréable.
lU paffent de l'une à l'autre , comme quand ils y
vont en Ambaffade. Tel étoit autrefois le- Com-
merce des Peuples de laThrace & du Pont, lorfl
qu'ils, alloiem en- Grèce porter leurs marchandi--
-•

A ME R IQ^U A IN ?: .
333^

08 , lefquelles confiftoient en des bleds , des peb


lètcries , du caftoreum y & des faumures de poif*
fbn qui étoienc très-renommées
, car ils y ak*,

loienten danfant-, & en faifanc de continuels fer-


tins ,. i l'imitation des Peuples qui accompa-
gnoient Bacchusi G'eft ainfi que Dalechamp ex- Dâicctamf»^

pjique mi mot d'un ver-s de Nicoilrate ou de^Phi^ AÎharL.b!*^'


létere, rapporté par Athénée.- 3.?. us.-

Leur manière de- commercer fe fait par voye


àe préfent. Ilyven a qui fe font au Chef, ea ^
gros au Corps-dela Nation , -avec qui on-com*
Jiaerce, ,& qui répond par un équivalent, lequel-*
Vaccepte toujours ^-fans y reg^^rder de- trop-près > ^
parce que cette efpece de préfent peut ^être-re*.
gardé comme un&. forte de Droit levé fur les •

marchâiîdifés. Ils trafiquenE enfuite 4e partku-


lier à particulier, :& d'une Cabane à l'autre* On
^
envoyé à, l'une de ces Cabanes la chofe-qui-eft
en vente , de-là chi renvoyé quelque autre chofe
qui ea eft. le prix v. mais il l'onn'ell pas <:0ntent-, y

on la fait rapporter d'où elle eft venue , & on re^


tire fâ marchandife,.à moins^ qu'on ii'bfïirë quel->
que chofe de mieux , ou qui agrée davantage,
L'eftimation & l'envie d'avoir quelque chofe, ea ^

•règlent feules, le prix. Il faut avoir bon œil avec


lès Sauvages j ils jouent d'adreffc, comme par-tout
ai leurs -, &
lU font un. peu fripons envers les -

Etritnger^.
M. une chofe finguliere de h
Frezier rapporte
manière de commercer de quelques Indiens da
554 MOEURS D£S SAVV AGES
Chili, qui habitent Car les montagnes des Andes,
laquelle eft alTez dans le goût^ & dans le ginie
^Relation du
^jggSauvages. Il dit, que dès que les Commer-
Voyage de la O , '1. 1
Mer du Sud, çans Etpagnols arrivent dans un endroit, ils vont
'
^'
direâ:ement chez le Chef de
Bourgade à qui
la
ils font un préfent, auffi-bien qu^à chaque per-

fonne en p^irti-culier de celles qui compofent fa


familles après quoi le Chef fait avertir à fon de
trompe fes Sujets difperfés de l'arrivée des Mar-
chands avec qui ils peuvent traiter. Ceux-ci étant
venus , voyent les marchandifes , qui font des mi-
roirs , des couteaux , des haches, des peignes,
descguilles, &c. Dès qu'ils ont tout vu , & font
convenus de troc , chacun emporte chez foi ce
qui lui convient, & fe payet, de forte
retire fans
que le Marchand a tout livré fans fçavoir à qui,
îîi voir aucun de fes débiteurs. Enfin quand le

Marchand veut fe retirer , le Chef par un autre


fon de trompe donn^ ordre de p^-yer , & chacun
revient apporter fidellement ce dont il eft con-
venu.
Enfin il y a chez les Sauvages certains Droits
à payer dans les lieux de paflage , quand ils font
voyage pour aller en traitte, &'qu'ils paflTent fur .

les terres d'une Nation chez qui ils ne veulent


point s'arrêter, & qu'ils ont intention de pafier
outre i car la moindre perfonne de cette Nation
arrêtera vingt & trente canots , en difant qu'elle
harre U Rivière , ou parce qu'on n*a pas couvert le
corps d'un tel Capitaine , ou pour tel autre pré-
^

AMER! Q^U A î N S. ^.^


texte qu'il lui plaira d'alléguer. On ne fçait pas
ee que c'eft que de dans ces fortes de rea-
réiSfter
contres -, mais avec un préfent on en eft quitte.
Quelque que paroifl'e le Sauvage,
définterefle
il ne l'eft point, & eft mêmeafTez entendu dans

Ces aiFaires v mais comme les Etrangers ne font


{)as totijours à couvert de fes mains qui font fort

égeres , il n'eft pas auifi à couvert de ceux qui


veulent le tromper , ou qui fe flattent de l'avoir
trompé , quand ils ont ufé à fon égard d'une vio-
lence, à la<juelle il voit, bien qu'il lui eft inutile
de s'bppofer.
Je dirai ici en finifîanc cet ArtieJef , que juf-
qu'à prêtent les Européans qui ont commercé
avecles Illinois ,, &
avec les autres Peuples de la
Louifiane , fe font fervis du Galumet de Paix a.
l'imitation de ces Peuples y & qti'iis ont participé
à. toutes les cérémonies qu'ils ont coutume de
pratiquer, pour recevoir les Etrangers, pour ob-
tenir la liberté du paflage, pour afTurer la tran-
quillité du Goriimerce, pour pleurer les morts
& pour ferrer les- nœuds des alliances qu'ils corj'-

tradlent. Je ne f^ais pas ce que les Miftionnaires-


des difFerens Ordres penfent fur ee point, s'ils ont
pénétré les motifs de Religion renfermés dans
cet ufage, &en font un fujet de fcrupule â
s'ils

ceux qui l'obfervent , ou bien s'ils croyent devoir


le permettre, en fuppofantqueles Sauvages n'ont
point du tout de Religion , ou que ce qui auroit
été anciennement pratique de Religion , ne fait
,^6 MOEURS DES SAUVAGES
'plus d'impreflion fur -& ne doit plus être
€ux ,

regardé que fur le pied d'une coutume purement


.civile: Pour moi qui fçais que les Sau'vages font
très-fuperftitieuT, qui crois appercevbir chez eux
.de grands reftes du Paganifmc , & qui vois dans
celui-ci une Idolâtrie très-marquée, je crois aufîi
devoir faire connoître l'obligation où t'on eft
<l'abolir entièrement cet ufage , de l'interdire
abfolument aux Euro péans , Se de le faire quit-
-ter aux Nations , qui ont enlbraffé , ou qu'on dif-

^ofe à embrafTer nôtre fainte Foy.

DE LA CHASSE
E T D E
*

L A PE S C H E.

SInobleGuerre
la
& ,
de tous les exercices le plus
eft
coim. dont le Sauvage fe fait le plus
d'honneur , fuivant en cela l'idée commune de
toutes les Nations qui en font dépendre leur gloi-
re ceux de la Chaflfe àc de la Pêche font pour
;

lui des plus ordinaires, parce qu'ils lui font les


plus néceffaires à la vie, &: qu'il en retire la plus
grande partie des chofes qu'il lui faut pour fon
entretien : les viandes -dont il fe nourrie , \ç,s ha-
bits
A M E R I Q^tJ A IN S. 337
'birs dont il fe couvre , les huiles dont il fe gralfTé,
ôc les pelleteries commerce. Les Peu-
dont il fait

ples errans ne vivent prefque que de chair & de


poiflon une partie de l'amiée ils font Ichtyopha-
y

ges,' rodant fans ceffe fur les bords d^ la Mer ,


• cifes Lacs & des Rivières , & ils paffent l'autre
dans les bois à courir après les bêtes fauves.
Je n'entrerai point dans le détail de leurs difiFe-
ici

rentes Chaffes, & de leurs différentes Pêches de :

leur manière de boucanner les viandes^ de les faire


.fé.oher au feu ou aaSoleil , & de les réduire en fari-
ne,ce font deschofes trop connues &trop ufées pour
=-en groffincet OuA^^rage^Il fuffira, félon mondefl'ein,
cde dire gue la Chaffe & la Pêche
ayant été., pour
ainfi parler, Iqs premières occupations des prey
miers hommes, que la néceffité obligeoit de vi^
vre dans les forêts dont la Terre étoit alors hé-
riflee , ou fur le bord des Rivières & de la Mer ,
d'éft ce qui a donné lieu aux Générations po/le-;
rieures de les confacrer fous les noms de Faunes'
de- Tityres , de Sylvains , de Dryades & de'
Monricoles perfuadées enfuite de cette extrava-i
5

w gante imagination , elles allèrent fe faire un poinç^


de Religion de croire que chaque arbre avoir foïi*"
génie qui y faifoit fon féjour ôç que de la même' :

manière chaque Lac , chaque Rivière chaque ,

Fontaine, avoit fes Dieux, (çs DéefTes, Ces Na-


pées , Nayades , comme la Mer avoit entre
fes
les grands Dieux fes Néréides & fes Tritons. La
fuperftition croiffant enfuite avec le temps, on.
Tome IL Vu
338 MOEURS DES SAVVAGES
introduific une multiplicité prodigieufede petites
Divinités d'un ordre inférieur, lefquelles ne de^
voient , comme nous l'avons
dans l'ArtiGle'
dit
de la Religion , leur exiftence qu'a l'ignorance
des temps,, a l'imagination égayée des Poètes,,
à qui il ne coûtoit rien de faire des Apothéofes*^.
&c de metamorphofer après leur mort, les hom-
mes en quelque chofe de différent de ce qu'ils,
çtoient de leur vivant.

D
E s J E UX
OUtre occupations
les

Sauvages en ont encore


nécelTaires
d'autres,,
j les
qui font
ou de pur divertiffement , tels que les jeux de.
liazard , ou de divertiflement mêlé d'un exercice ,,

quieft du reûTort de la Gymnall:ique> lequel fert,


à dénouer le corps, & à le former. Ces Jeux font
a,ufn delaprem-iere inftitution des.hommçs , & les,
premiers dont les anciens Auteurs nous ayent; ^
donné connoiiTance. Ils font antérieurs à ceux que.: ifl^
Palamede inventif durant le ficge de Troye , &.
peut-être* le font-ils ceux qu'inventèrent les Ly-
à,

diens, qu'on fait les premiers Auteurs de toutes


fortes de jeux , fur une hiftoire qu'en rapporte
Hcrodfct. Hérodote , ou bien fur la reffemblance des ter-
Lib, 1, n. 94.
mes Lydïi & Lfidi :, ce qui paroît une conjedure
aflez foible».
A M E RI Q^U AI NS, .
339
Le Jeu de liazard le plus célèbre des Sauvages, leudesoç.
eft un jeu de noyaux ou d'oflTelecs faits delaro- lelets.

tule des jambes de derrière de l'élan , & des au-


tres os arrondis de quelque animal que ce foit. Ils
font à peu près gros deux fois comme des noyaux
de cerife, & faits prefque de même en forme
ovale ou elliptyque. Quoiqu'on puiffe y diftin-
guer fix faces , ils n'en ont proprement que deux
plus larges que les ai^tres, qui s'applatilfent in- :

lenfiblement , perdant un peu de leur rondeur.


Se fur iefquelles le noyau le repofe plus facile-
ment. L'une de ces faces eft peinte de noir, &
l'autre d'un blanc jaunâtre. Le nombre n'en eft
point déterminé-, on en peut mettre plus ou moins,
au gré des Joueurs. Cependant il ne paffe pas le
nombre de huit, & eft plus communément de fix.
Ils jettent ces noyaux dans un plat de bois fore
uni, évafé par fes bords, & fort arrondi fur Cqs
deux faces concave Se convexe. Ce plat a pref-
<jue la figure d'une gamelle dont on fe fert dans
les vaiflTeaux, Ils agitent long-temps ces noyaux
-dans ce plat; & après les avoir ainfi agités, ils

pofent en frappant contre


le plat fur le tapis ,

terre avec le plat même pour faire fauter les


noyaux. Ils lui donnent aufli en même temps une
impulfion , qui le fait tourner long-temps fur lui-
même , & ils aident encore le mouvement que
!es noyaux reçoivent dans le plat ainfi agité, par
un petit vent qu'ils font de la main , pour les faire

tourner ou jflfeoir de la façon qu'ils fouhaitent.


Yuij
1

340 M OE U R S DE S S A U y A^G E S
Quelquefois , fa.ns fe fervir de plat , .ils; ne font'
que jetter les noyaux en' l'air, & les laiflfenc re-
tomber fur une peau bien étendue à terre -jOUr!
bien fur une natte fine. Il n'yagueres néanmoins'
que les femmes qui jouent ainli , & les noyaux>
dont elles fe fervent font un peu plus gios que.
,

les autres. Ce jeu n'eft gueres différent d'un au-*^

tre qui eft en ufage chez les Nègres d'Afrique ji:

Nouv
jveaux &; donc le. P. Labat parle^ainii. » Le jeu qu'ils

ifTen^i^A- "joiient (les Nègres) & qu'ils ont atifTi apporté


mcriquctotn,
„ ^^x ifles , cft unc efpece de Jeu de dez. Il eft

«^compoféde quatre bouges ou coquiHes qui leur


«fervent de monnoye. Ellesont un trou fait ex-r
«près dans la partie convexe, affez grand pouE
«qu'elles puiflTent tenir fur ce côté-là auffi aifé*
«ment que fur l'autre. Ils les remuent dans la
» main, comme on remruë les dez', & les jettenc
w fur une table. Si tous les cotés troués fe. trou*
» vent delTus , ait les côtés oppofés , on deux d'une
«façon &: deux d'une autre , le Joueur gagner
mais fi te nombre des trous ou des.deflbu.s^ eli
.»-

- impair , il a perdu;
'
Quoiqae fur les noyaux, il n'y- ait que deux

côtés marqués , l'un de blanc & l'autre de noin,


il peut cependanty avoir une multitude de corn-

binaifons qui peuvent rendre la partie, longue


,

&; agréable. Les- Sauvages ont la, même fureu-r


pour ce jeu, que les; Joueurs les plus acharnés
peuvent avoir. On les voit joiier une moitié de
'lag;e contre, l'auire , ôc quelquefois les Villa-
c

PI i.tf tûm.i paj J


.
.
4-
-i
AM E R I q_U A I N S. 341
ges voifîns Te rafTemblent pour faire une partie.
On érale auparavant les pelleteries , la porce-
laine,- & tout oe qui doit être le prix du Vain*
(juear. il n'efl pas rare d'en voir dans ces occa-
fions pour la valeur de plus de deux mille écus.
Jfai quelque part , qu'il y a des particuliers'
lii

qui y perdent non feulement tout ce qu'ils ont


vaillant., & qui fe retirent nuds dan^s les plu-s
grandes rigueurs de l'hyver ma^is qAii engagent
j

-encore leur liberté:pour quelque temps au{ïî-ne :

négligent-ils rien pour avoir des forts qui les ren-


dent heureux , & quelques^-uivs fe préparent an
jeu par des jeûnes au II ères de pluiieurs jours.
C'eft un des plus grands plaifirs du mondedè
les voir jouer ,. tant ils paroifïenftardents Rani-
més: Bien qu'il n'y^ en ait que deuxqui tiennent
le plat pour les deux partis oppofés , on peut diF€
néanmoins que.tou5 jouent enfemble-; ceux-là ne
font que donner le branfle , ôc tous les autres fui-
vent les mouvemens .qu'ils déterminent comnïe
s'ils.avoient tous la main à l'osnvre. Tandis qtte
bun des Joiieurs agite le plat,. ceux -qui partenït.
a-vec lui-, crient tous d'une voix, en répétantfan's -

ceflTe le foiiliait qu'il fait pour la couleur & pottr

liafïiette des noyaux-, tous les autres de la partfe


adverfe crient aulE de leur côté- en demandant
tout le contraire- Ils prononcentJeurs mots avec
'une vivacité & une volubilité furprenante', ôc-
fouvent ils ne -font, que les. tronquer cependant 5

les-uiis-ôc les. autres frap^pent fur eux-mêmes 3 .fe

Vu iij
,

:54^ MOEURS DES:SAUVAGES


donnent des coups terribles, & entrent dans une
-adion fi véhémente, que quoiqu'ils foient à de-
.mi-nuds, ils font d'abord tous en fueur , comme
^s'ilsavoient joiié une forte partie de paulme, ou
fait quelqii'autre exercice plus violent.
Les Diflertations qu'ont Sçavans fur
fait les

ces termes , Tali , Tejferae Calcuti , qu'on a pris


,

quelquefois indifféremment les uns pour les au-


rcres 3 nous ont fait connoîtrc & difcerner trois

jeux diftingués ; de forte que nous croyons fça-


voir aujourd'hui , que le jeu appelle Talonim étoit ,

un jeu d'oflelets ou de noyaux , lequel ne paroîc


plus être en ufage dans l'Europe depuis long-
temps. Que celui qu'on nommoit Tefferarum, eft
le jeu des dez &c les Sçavans paroiflenr perfua-
:

dés qu'on doit entendre le tridtrac par celui qu'on


appelloit Calculorum.
Le jeu des Sauvages que je viens de décrire
-éft manifeftement ce jeu d'oflelets des Anciens,

appelle Talorum ce que je crois pouvoir prouver


,

fuffifamment par les remarques qu'ont fait fur


cette matière les Sçavans qui en ont écrit, & en
particulier Cœlio Calcagnini, Jules-Cefar Bou-
langer , & Adrien Junius , qui en ont le mieux
traité. Ce qu'ils en ont dit , fervira à fonder mes
conje6bures , & la defcription que j'en ai faite ,
contribuera peut-être à éclaircir les leurs.
Ce jeu avoit pris fon nom d'un petit os*, qui
* Calcagnini de Talomm kdo , bifulcorum în /ufTragine pedum
autem Talus propriè pofteriorum oflieiUum non rotun-
f. 2S8. Eft
^

A MER I Q^V A I N S. 545


fe trouve dans la courbure des pieds de derrière
de prefque tous les animaux qui ont le pied four-
chu , ôc qui efl: nommé Talus par les Latins , Se
etçT^'5^;\ççpar les Grecs. Cet os fut apparemment
la première matière dont on fe fer vit pour faire
ces offelets donton jouoit, & le nom leur en refta,
quoiqu'on y employât depuis non feulement tou-^
tes fortes d'os arrondis-, mais encore d'autres ma^
tieres différentes { a] , comme les mécaux, l'y voi-i

re, &c même les noyaLixd.eSi fjruita y teisf.^Ufe.le»


Dadlyles des Palmes, &'c»ri'f: T .:-,z-rj^
,
'•'
, i

Le Talus ou Y j^firagale .étoh fort différend dii


dé ou du cube car celui-ci a fix. côrés quarrés
',

parfaitement égaux', de forte qu'il peut être afïia


également fur chacune de fes faces^ L'Aftragâliè
(h),au contraire étant ovale, avoir. à la vç.x\ip-Çm
côtés diftingués , mais inégaux, &c plusou moins
arrondis,, félon le fçes des faces qui fe répon-
dent, .pi^rrisb "

-.1 xddB 23D oh arjp 3io-ij> .jupj/jA qt^D


duiin plané , (eêr rot^r^è^tii^is -^si- vef tafo Sitvçulî aptjd Çallima* .

men parte magijâ particeps, &c. ' chum. Ex daâyîoj'almïEj Athen,"


Talum eum cffe apud Latinos iib. 5. Eburiiei Propert. Lib-A-
quem Gr-îEci vocant AftragaluiTi ,. ^{b) Sexvero fyoi taji l^tera
ip certum eft uc vix prob^l^iie çtfi^ quatuor in u,fujudept^iu/n,lînt.f
ihdigeat —
IJbide Polycleto verba
. . Plinius Lib."34.
,

N"am cJub'ftat ita incurva 3 ut it*


facit..Eerj Jj& Talys VJx-PQflîtCQnfiittre bas :

cit , inquit ,. & djftringentem; fe y^pei^V > i<^ ^ ft y.-^.VtMV»as , videtuir


& nudutn' telo incefrentem duof- Ariïèotdes appcj.iftfle.,
que pycros item nu.dos talisrla- GcUius L>h] r Talus quatuop^
dientes j qui vocaôtpr; .Aftragali-' tantum- .pMtes habeç^qpibgs, infi%
îwntes. ["ijiv.M i.i --rf-rji.'j'l . •'-.ri.'j tâMçi!JiÉii..?b,uîfoqyjj iep^iti^ÎRJr
(«) Tali iuretapudApoliRIlb- eauJeoiorttfWundtev^eiic;.! ^: doiii)

sqfnoiï
, ,

544 MOEURS DES SAÛVA<;es


Les deux extrémités de rElIipfe , qu'on appel-
loic les Antennes. y & qui font les deux faces ex-
trêmes les. plus éloignées & \ts plus arrondies,
écoient /i courbes , que l'Âftragale ne pouvoir
pas plus s'y-tenir.qu'un œuf fur fa pointe. Ainiî
il étoit très-rare qu'on
dans cette .vit les offelets

afliette, à moins qu'il ne 5'en trouvât quelqu'un


gêné dans cettç (ïtuation, qui n'eft pas naturel-
le , par les autres oflelets voiiins.
2-'.GeI'Hus &; GaJcagn-ini difent que les autres qua-
'tre aux .Joueurs, & que l'Aftra-
faces fervoient
gaiepouvoit être affis fur fes deux faces latéra-
les , qui étoient les plus. étroites. Boulanger dit
aufli -qu'il ppuvoit s'y arrêter.; mais qu'il
y
iétoit bea\icoup /moins fiable , que fur fes deux-
autres faces plus larges ;. cependant il ajoute çn-
fuite , que l' Aftragale ne pouvoit gueres -tomber
& prendre une aflîette -fixe, que fur L'une de -ces
«4eux dernières. .itjj'j

Cet Auteur que de ces deux faces plus


croit
larges l'Une étoit cave , -& l-a4iirè convexe , ce
.,

qui faifoitla diflerence: du Suppusbc du Planus -^ .,

qui font deux ternies, lefquels femblent dénoter


l'affiette du iiôy au;'; ii^àis p.eujCT,être Boulanger .|^^
'* Bullingems àé Indis veterum. cava eft, vd in oppofitam qd»
Jîi'latera rtiiiius kta fi cadac, fta>&;^ eminet &
protuberat. - >

"'fed minus ftabilis eft qaàm fi in: • Cakagnint , p. zçj. Aftragalos


latiores duas fuperficies caderèt plané rotundos negavimus, per-
ftippu/que auf^aniis fieret . .
-- fedbâ fcilioec , & abfblutâ rotun»
Tdlus igjïiJï èOjî'fèrè -cacht >nifi: ditate, fed parce fiiileviter prefsâ..
.duobus modis ^velMn êafti faciicia; -('Êulliriget-'hio eitato. Ei ( Tajo)
.è duabus quas habet latiorcs, qus njill» far-ieiS'piana-perfedè. ir.-.ib

.trompe
A'M E R IQ^tr A INS. 34^
^trompe-t''il.en ce point. Car les faces des noyaux
fe répondoient parfaitement , & étoient toutes
convexes , avec <^uelque différence néanmoins les
utres'des autres, les deux plus larges étant beau-
coup plus^pplaties que les autres quatre , & fur-
tout que les deux extrêmes, qui étoient beaucoup
plus éminentes. Calcagnini l'a fort bien remar-
qué , quand il dit /qu'il a déjà fait voir que l'Af-
tragale n'étoit pas rond 'd'une rondeur parfaite
& abfokë ; mais qu'il s'applatiffoit inferifîble-
m^ent perdant un peu de fa rotondité. Bou-
langer devroit l'avoir compris lui- même de ce
q-u'il "dit ailleurs ,
qu'il n'y avoit aucun côté qui
;£iîtâbfolument plané & uni , d'oùil lui eut été
'facile de conje(^urer, que chaque côté fè rappor-
toit à celui qui luiétoit oppofé , s'arrondiflant en
dehors d'autant nïieux que cette cavité parok
j

âbfolument inutile , les couleurs dont ils font


peints , fuffifant à les différencier. Cela cft d'au-
tant plus'vraifemblable , que dans l'Architeébure
l'Aftragale -eft une pièce arrondie : &c que les
Latins ncmimoient Taks , * la partie <:Gnvexe de
leurs Temples faits en rotonde.
Voilà , ce me femble, les noyaux de nos Sau-
vages , bien conformes aux Aftragales des An-
ciens , quant à leur configuration.
Les Auteurs ont un peu plus de peine à dé-

'* Cornel. in Perjîi Satyram /. fàftigium TempH rotundi talura


Talum , eminentem rotundita- quoqiie dici affirmât-
•:tem efle dicit eamcjue ob caufam

Tome IL Xx
34^ MOEURS DES SAUVAGES^
mêler ce qui étoit marqué fur les faces de ces oO-
felers, qu'ils n'en ont eu à attrapper leur forme.
Ils conviennent néanmoins de deux chofes. La
première , c'eft que l'Aflragale n'avoit pas de
points marqués "^ La féconde , c'eft que l'affiete
:

feule,- ou la pofition de l'Aftragale, tenoic lieu;


de points, àc avoit le même effet.

Mais ils fappofent qu'avec cela ils avoient des>


figures différentes , &
tourmentent beau-ils fe

coup pour fçavoir ce que c'étoit que T'L^Wo & le."


Senio , le Chius & Cous, Canis Se Venus ^ & autres-
termes femblables. Cependant, à bien examiner
ces prétendues figures, cela devoir fe réduire h.
deux couleurs, ou a deux côtés marqués r car ,^
félon eux-mêmes , rien ne. répondoit aux points j.,

qui dans lesdez, marquent le double deux , le


ternes, le carmes, & le quines. Il n'y avoit que
l'équivalent de Tas & du fix. Je crois qu'il faut,
en effet conclure, qu'il n'y avoit que deux cou-
leurs comme fur les noyaux de nos Sauvages ,,,

fçavoir le blanc & le noir, ou bien deux autres


couleurs différentes qui revinffent.au même, 6c
qui étoient abfolument néceffaires, pour qu'on y.
connut quelque variété.
Euftathius, fur le fixiéme Livre dé l'Iliade,,
fait mention d'une efpece de Jeu , dans lequel
on joùoit avecfoixante calculs blancs & noirs. Ce
* BuUinger. loc^ cit. TaXis /\^Ce In Talis , pofitus ipfe , /îve ra-
pundtisnumeroium,
cafus fuicpro tio lapfus^ vicem obtinebat nu-
quia ipfis fua figura fuit. meri teftaïue Poliuce..
^driath. ^mms Anim^ l^ih^s»
AMER! Q^U A
y^j 1 N S.

îjeu ne pouvoit être ni le tridrac, ni les dames,


ini les échets. Ne feroit-ce point celui dont nous

^parlons , où le nombre des noyaux eft plus arbi-


traire? Quoiqu'on puiflTe aufïi s'être fort bien
trompé, en mettant dans le rang des nombres un
dixain de plus, & comptant foixante calculs au
lieu de dix.
Boulanger fuppofe encore, que l'un des deux
côtés marqués étoit l'heureux , & l'autre le mal-
heureux. Cela peut être , & cela devoit être, quand
on ne joûoit qu'à un feul dé & dans ce cas, ;

c'étoit \mw qui perdoit, & \q finio qui gagnoit.


Le même Auteur dit aulTi , après Ciceron , "* que
le coup de Venus étoit celui , où les noyaux fe
trouvoient tous fous différentes faces , &; celui de
icanis quands ils fe préfentoient tous fous la mê-
,

me. La chance la meilleure étoit le coup Royal


..Bajtlifius ou de Venus. La plus mauvaife au con-

traire portoit le nom de Damno/t Canes. Le coup


-de Venus chez les Sauvages, c'eft tout blanc ou
tout noir , félon la couleur dont on efl convenu.
Ces diverfes combinaifons éroient au nombre"
de trente-cinq chez les Anciens , difent les Au->
teurs cela eft cependant difficile à concevoir, s'ils
i

* BuUin^er. ibid. In Talis , Bi- Ciceron dit bien , que le coup


^îo, Ternio leu trio, quateinio de Venus confiftoit en ce que les
nonfuere, lôli fenio, id eft Ve- Aftragales fe préfentoient chacun
nus , $c unio, id'eft canis, fuere. fous différentes faces ; mais il ne
Venus fi diverfo onnes vuku , dit pas que chacune de ces faces
.-canis uno omnes tali vuku ca-
(\ eut fa figure , & il faut l'accor-
dèrent. Si unico Talo luderent, der avec ce que dit PoUux.
fenio felix fiiit^ unio damnofus,
XX ij
J48 MOEURS DES SAUVAGES'.
ne joùoient communément qu'à quatre noyauys -

Les noms qui les fignifioient, étoienrpris de ceux


caicagnini. de kuTs Dicux , de leurs Héros ^ ou bien-des évene-^
deiurfoTaior.
j^-,ei-,5
.
qu dcs monumciis les'plus célèbres-; tel
étoit le coup, appelle Stejîchorm- du Tofnbeau y

de cethomme, qui écoir un>Tombea^u de figure


Odogone. VEwipdius 'pris du nom de l'un des."
quarante Préfets, qui- furent établis à Athènes .^

après qu'on en eut chafTé les trente Tyrans. Mais


toutes les différentes combinaifons étant arbitrai--
res, &
ayant pu varier félon les temps ,.& feloa
les lieux j il faut précifément s'en tenir à ce que.
dit P'ollux de k différente pofition des noyaux,
dont la combînaifon diverfe , prifcde leur fitua-*
don &c àe leur couleur , aura, fondé- en differena
endroits , differens noms ,..& des coaps-.diverre-*:
ment heureux ou malheureux.
Apoii. HhoJ. Apollonius de Rhodes faifant joiierrGupidon
iib.}.v.ii7.
avec Ganymede , leur fair mettre fur le jeu, pour
prix de leur viâ;oire,, les Ailragales même avec
quoiils jouoient.-Il repréfente Ganymede trifte»,
n'eiT ayant plus que deux de refte, tandis que
Cupidon vainqueur en avoit plein fes mains ôc.
les replisvdc fa robbe. Les enfans parient encore-
ainil tous les jours pour les dez- même avec quoi
ils jouent;
Faufaniaîin Paufanias , d"ànsfes Achaïques , dit , que ceux
Achai. p.
_yj venoient confuker les Dieux à un Temple
d'Hercule, qui étoit dans le territoire des Bu-
riens , tiroient leurs augures j,en guife de réponfe^
, A MER I Q^U A I N S. 545,

du fort des Aftragales.


en jettoient quatre fur Ils

unetable, &rexplicationdecequ'iIscherchoient,
fe trouvoit écrite fur la table même fous les Af-
tragales. C'é.toit apparemment une roue de for-
tune. Les forts de Lycie G célèbres dans l'Anti-
quité, ^ fe tiroient peut-être avec un jeu d'of-
felets tout femblables
ce qui fe trouve encore i

fondé fur l'ufage des Sauvages, qui conjecflurenc


fur leurs maladies , & fur-tout le refte , par un
jeu de plat que leurs. Jongleurs ordonnent très-
fréquemment.
Le plat dans -lequel on jette les noyaux , avoit
été. inventé par les Anciens pour empêcher les

tromperies des Pipeurs , auiïi-bien que le cornet


dont on fe fert pour les dez. Les noms d'Orca,
dont le. Goulet étoit fort étroit , & de Pyrms ou
T«mf«/^ dont la figure- parle d'elle-même, ne
,

pouvoient convenir qu'au cornet. CoXm à" M'veolus


repréfente afTez-bien le plat de l'Aftragale. Le moc
jilacus pourroit peut-être fignifier la même chofe,
quoiqu'il fignifie mieux le Damier où l'on joiie
aux Echets, au Trictrac & aux Dames. Le terme
Fritilluspeut avoir été commun au plat & au cor-
net , à caufe qu'on agitoit les noyaux ou les dez
dans l'un &
dans l'autre avec grand bruit.
Enfin pour finir cet Article , les Anciens en
jpiiant leurs jeux de. hazard, fe donnoient autant

* Stace Li.v. j. de la Thebaï- mais ils ne difènt point en quoi


"de. Virgile au Liv. 4. de l'Enei- confiftoient ces forts.
de i parlent des forts de Lycie,
XX iij
550 MOEURS DES SAUVAGES
<ie mouvement ,
que les Sauvages s'en donnent
aujourd'hui , & faifoient paroîcre la même viva-
cité. A
chaque coup qu'ils jettoient , ils invo-
quoient les noms de leurs Dieux , les Cliens ,
ceux de leurs Patrons , & les Amans, ceux de
leurs maîtrefîes, ils demaiidoient à haute voix le

fort qu'ils fouhaitoient -, ils crioient , &c s'agi-


toient avec tant d'adion ,
qu'ils en fuoient à grof-
fes goûtes ; ce qui fit dire à Augufte, écrivant à
Tibère , ainfi qu'il eft rapporté dans Suétone .,

forum Aleatorium calefecimus. C'eft aulïi ce qui a


fondé la conjecture , que le mot latin Aléa, vient
du Grec A'Ae'ot, qui fignifie une chaleur moite,
parce que le défir de gagner, animoit fi fort \ts
. Joueurs, qu'ils en fuoient, & qu'ils échaufïbienc
par la véhémence de leur a6lion les Académies
où l'on donnoit à jouer.

Teu des Un autre jeu de hazard des Sauvages , & qui


Pailles. eft en même
temps un jeu d'adrefTe c'eft le Jeu ,

des Pailles , ou , pour mieux dire , des Joncs. Car


ce font de petits joncs blancs de la groffeur des
-tiges de froment, & de la longueur de dix pou-
ces. Je ne l'ai jamais vu jouer, & je n'en trouve
aucun veftige dans l'Antiquité. M. Boucher, que
j'ai vu mourir à l'âge de 5)5. ans , àc qui ayant

vécu comme les Patriarches, a laiffé une pofte-


rité aufli nombreuie , laquelle fait aujourd'hui
honneur à la Colonie, pour le fervice de laquelle ^

il s'cft confumé , parle de ce jeu en ces termes.


AMER I Q_U A r N S. 5^^

dans Ton petit Ouvrage ,. intitulé Hijîoire du Ca-


nada .

Ce Jeu de Pailles fe fait en effet avec de pe- «•

tites pailles qui font faites exprès , & qui fe «^

partagent en trois, comme au hazàrd fort iné- «"f

gaiement. Nos François ne l'ont encore pu ap- «^

prendre, il eft plein d'efprit, ôc ces pailles font»


parmi eux, ce que les cartes font parmi nous. «
"
Le Baron de la Hontan en fait auffi un jeu pu-.
riment d'efprit & de nombres , ou celui qui fçair
compter, divifer , fouftràire , & multiplier le
mieux par ces pailles de gagner. Il faut"
, eft afluré

qu'il y ait à cela de l'ufage &; de la pratique j


car les Sauvages ne font rien- moins que bons-
Computiftes. On peut du moins affurei^ que leur
Arithmétique n'eft pas fort chargée, ô£ ne s'étend^'
pas loin.
Le Sieur Perrot, qui étoit un Voyao:eur celé-
Bre , & l'un des Européans que les Sauvages dé' .

laNouvelle France ayent le.plus honoré, a laiffé":'


une defcription de ce jeu dans fes Mémoires ma-
nufcripts. Je l'aurois inférée ici volontiers -, mais*
elle eft fi obfcure , qu'elle eft prefque inintellrs.;
gible. Perfonne des autres François Canadiens^
que j'ai vil, n'a fçû m'en rendre rai Ton tout ce; j-

que j'ai pii en apprendre , c'eft qu'après avoir-"


divifé ces pallies , ils, les font pafter dans leurs-
mains avec itné dextérité inconcevable :"<^uelei
nombre impair eft toujours heureux , & léiiphî*'
bre de neuf fLiperieur-à tous lesantres : qiië; lài-'^
^

^s. MOEURS D'ES SAU'VÂG'ES


diyifion des pailles faichauffer, ou baifTer le jeu.,
,
,& redoubler les paris , félon les differens nom-
ibres jufqu'au gain de Ia-partie,'laquelle-eft quel-
,

= quefois Cl .aniixiée, lorfque les Villages jouentJes


uns contre les .auti;,es , rqulelle dure des deuxôc
trois jours. Quoique tout s'y pafletranquiriemeai:,
<5c.avec uqe bonn€ foy apparente , il y a-cepen-
, dant bien de la friponoerte ôcdes tours «l'adreffe.
>L.çs Sauva;ges ont une l-égereté furprenance dans
Umain & i
bien qu'il foirtrès-djffieile de trom-
per dans leur jeu de rîoyaux, qui n'^nt que deux
^couleurs ttèsTf^nfiblesj ^
qui font expo fés à la
yûë dans uii plat fort évafc iils fçavent y piper
à.nierveine. J^u refl;e je ne f^jache pas qiie ces
<3ei4x,jeux.dont je-viens de parkr , foient en ufagjs
^utre part que dans, l'Amérique Septentrionale.

;j0élî.Sphé- "Le de Paiilme , qiïi -eft du reflort de -k


:J eu
riftique.
Gymnaftiquej^n'eft pas moins ancien quc-celui
Apou.Rhoa.
;Lib. }. V. f33.
jg l'Aftraffale.
O Apollonius
r
de Rhod.es , après
-.
1 \ 1

avoirrait jouer Cupidon avec G.any.mede a celui-


.çi,, ainÇ que nous venons <ie:ie rrapporter , le lui

fait quitter , bien qu'il eut .tout 4'avantage , fur


l'efperance que lui donne Venus fa mère, de lui
fgire préfent d'une belle balle la même que -,

Jjipiter avoit reçu de jfa nourrice Adraftee , &:


dont ce Dieu avpitvfait les plus doux amufemens
de fon enfance ^dans l'Ifle de Cr^te pour;vti.que j

de fon côté il .veiiille bien lui accorder la grâce


Îii'ellp vient lui demander en-faveur de Junon &c

e Minerve. Homère
A M ERl Q^U A I N S, 355

"Homère, dans le fixiéme & dans le huitième


Livre de l'Odyflee , y fait joiier les Phéaciens.
Dans le premier endroit , c'efl Nauficaa fille dki
Roy j qui s'en donne le divertifTement iur le bord,
de la Mer avec fes fuiyantes. Dans le fécond, c^
font deux jeunes hommes , lefquels excelloient
dans cet art , & à qui perfonne n'oioit fe com-
parer. Par ordre d'Alcinoiis , ils danfent feuls en
joiiant , &: ils le font avec tant ûe juftefTe ôc
d'a-grément , applaudiffemens
qu'ils attirent les
de tous ceux qui afliftent à ce fpedacle. Les An-
ciens s'étudioient à donner de la bonne grâce a
tous leurs mouvemens , ce qui a fait regarder la
Sphériftique comme une partie de l'Orcheftique,
dont on donnoit des leçons dans les Gymnafes
publics. Il eft pourtant difficile' de comprendre
qu'on puilTc joiier à la paulme^ &c danfer une
.danfe réglée.
Entre les efpeces deSphériftiqueViJutrele Co-
ryque &; le BallonGrecs & les Latins avoient
, les

encore difFerens jeux de Balle qu'on peut démê-


ler dans Boulanger, dans Mercurialis qui en a
traité fort au long , Se dans le difcours de M.
Burette , inféré dans les recueils dçs Mémoires
de Littérature de l'Académie Royale des infcri-
ptions. Je n'en dirai rien ici que ce qui a rapport
aux jeux de nos Sauvages , lefquels en ont auffi
de quatre ou cinq efpeces.
La première fe joiie de cette forte. Après avoir
i£iarqu£ deux termes allez éloignés, comme fe-
. Tome II Yy
m
354 MOEURS DES S AtnV AGE S.
loit de cinq cens pas , les Jcmeurs fe raflemblenr
dans l'efpace du milieu entre les termes* Celui?
qi-ii doic commencer en main une'
le jeu,. tient
balle plus groffe, mais, moins ferrée que celles-
de. nos jeux de paulme. Il doit la jetter en l'air
Te plus perpendiculairement qu'il lui eft poffible,,.
afin de la ratrapper loriquelle retombera tous-. i

\es autres forment un cercle autour de lui-, te-


nant leurs mains élevées au-deflus de leurs, têtes,
pour la recevoir aufli dans, fa cHiite. Celui', qui:
a- pu rendre le maitre ,. tâche de gagner
s'qïi

Isun des buts éloignés l'attention des autres fe-


i

porte au contraire à lui couper chemin,. à le te-


nir écarté de ces buts en le repouflfant toujours
vers^. le milieu » enfin a le faifir , & à. lui arrar.
cher la balle. Mais celui-ci obfervant toutes leurs
démarches,. efquive tantôt d'un coté, tantôt d'ua
autre tenant toujours la balle bien faifie, çherr?
,

chant toujours è fc dépêtrer de ceux qui le pour-


fuivent, pouffant &
culbutant tous ceux qui fe
rencontrent en fon chemin , jufqu'à ce qu'il fer
voye en danger d'être pris fans reffource. Alors
il doit la jetter à un des plus leftes de la troupe 3^.

qui foie, en état delà défendre. Mais pour allon-


ger la patrie, fon adreffe confifte à la rejetter
à ceux qui font derrière lui les plus éloignés du
but yer« lequel if cour oit , détromper ceux- lài-
même , en faifant femblant de vifer d'un côté ;^,
& la:lançant;del'autre -y après quoi dé pourfuivi^.
il devient pourfuivant à. fon tour , ôc ne perd-!

«
SLiy- t^Tn .2 ,pa^ 'b 5 4-
 M E R i Q.U A I N S. 555

-point refperance de racrapper fa balle , laquelle


paiTe ainu de main en main , ce qui fait un di-
vertiflement fort vif, fort agréable, qui ne &
'manque point d'art, jufqu'a ce qu'enfin quelqu'un
plus heureux puilîe gagner l'un des buts. C'eften
.cela que confifte le gain de la partie, qu'on re-
commence toujours de la jnême manière.
Le commencement de ce jeu eft femblable à
celui que les Anciens nommoient O'y^clot, lequel
«confîftoit , félon la defcription qu'en donne Pol- Poiiux.Litj

lux, en ce que l'un des Joueurs jettoit en l'air la legm.\os.


balle, que les autres tâchoien-t de ratrapper en
•fautant avarrt qu'elle retombât à terre. Mais, ou
cette defcription eft bien imparfaite , t>u ce jeu
<étoit bien froid s'il n'y avoit que cela. Cet Auteur
croit que c'était celui auquel Homère fait joiier

les Pheaciens mais celui' que je viens de décrire,


-,

ne peut être joué à deux, ainfî ^ue le faifoient


Halius & Laodaraas chez Alcinoùs c'eft pour- :

<luoi je penfe que c'eft plutôt le jeu appelle Phai-


ninday Pheninday ou Phenniday que Pollux diftin-
-gue de l'Epyfcyre dont je parlerai tout à l'heure,
'Selon le fentiment du même .Auteur , il fut ap-
pelle ainfi^ ©u de Phenindus Con Inventeur, ou du
iinot grec cptva^i^éiv ^ parce que dans ce.jeu on cher-
choit à tromper en jettant la balle* d'un côté ,
.après avoir fait femblailt de la jetter de l'autre.
Le Poëte Antàphanc femhle aulH le défi^ner Antiph-apui

^ans quelques vers cites par Athenee , & dont p. ,j.

voici le fens. » L'un prenant la balle , la jettoit -


Yy ij
55^ MOEURS DES SAUVAGES
•» gayement à un autre , efquivoit eii même temps
» le coup de celui-ci, pouffoit celui-là hors de fa;

• place j ôc crioit à cet autre de toute fa force de


- le relever.
On encore aujourd'hui en BafTe-Breragne
jolie"

un jeu qui en approche fort , &c qui ell rrcs-connu'


dans le pais fous le nom de la Soute.
La féconde efpeee de Sphériftique des Sauva-
ges , efl: le jeu de Crofie. Les règles en font ah--
*
iolument les mêmes que celles de TEpilcyre , donc"
ponuT.Lib. Pollux fait cette defcription. » Les Joiieurs fe par-
seg. 104. «ragent félon leur nombre, & fe diftrihucnt en'
» deux bandes autant égales qu'il fe peut. Ils ti-
" rentenfuiteau milieu du terrain une ligne qu'on"
" appelle mv^iy fur laquelle on met la balle. Ils"

»» de la même maiyere derrière chacune des


tirent
» deux bandés, deux autres, lignes éloignées pour
« fervir de terme. Ceux que le fort a choifi , poul-

"•fent les premiers la balle vers le parti oppofé,


» qui fait de fon côté tous (es efforts pour fa ren-
» voyer d'où elk vient. La partie dure ainfî , juC-
» qu'a ce que les uns ou les autres ayent conduit
•» feurs adverfaires au terme,, ou à la ligne qu'il»
• dévoient défendre.
La feule différence qu'il peut y avoir entre le
j-cude CrofTe & l'Epifcyre, ou VHarpafiuniy c'elt
qu''au premier poirr pouffer la balle, on fe fert de
bâtons recourbés, au bout defquels plufieurs Sau-
vages ont àts manières de raquettes, au lieu qu'iî
ae paroit pa-s qu'on fe fervit des uns ou àt$ au^

H*^
AME RIQ^U A IN 5. 357-

ïres dans le fécond car, à l'exception des braf-


-,

fards dont on ufoit pour joiier an ballon , nous"


ne trouvons nulle trace d'aucun inftrument que
les Anciens ayent employé dans leur Sphérifti-
<jue. Il feinble néanmoins qu'on peut Tinferer^!
non feulement de l'antiquité du jeu de CrofTe ,,

qu'il n'eft pas poffiBle que les Ancrens n'ayent


connu , puifqu'il efl aujourd'hui aufli répandu'
dans l'Europe jufqu'aux extrémrtés de la Lappo-
nie, qu'il l'eft dans toute l'Amérique depuis le
Nord jufqu'au Chili imais on peut encore le con-
clure de la defcripcion qu'en fait Pollux , puif-
qu'elle porte qu'on y mettoirla balle a terre fut
le Scyros , ou la^ ligne du milieu , ôC de l'épi-
théte de Poudreux, que Martial {a) donne a l'Harpaf- Màraâr.&fe.
tum toutes les fois qu'il
1
en parle, aulTi-bien.1
que -l
V^P'^-J^.-
Lib. 7. Epie;
_

de- cell'e à'^renaria, qui fe trouve dans S. Ifidore î'-, Lib- 14.

de Seville, (b) ce qui nous fignifie que cette balle' ^IfiJ^^-,^


rouloit toujours dans, la pouflîere. Les MingTe- '«c. «5.

liens jouent ce jeu-là à cheval , & la defcription'


cokKdeî"''
i»'
qu'en fait l'Aureur Italien d-e la Relation de la '«.p. 7.

Colchide , eft trcs-jolie;


La troifiéme efpece de Sphériftique dés Sau-
vages, eft une exercice de petite balle qui n'eft' ,;

(a) Martialis j titi, 14. Ep. 4?. (a) /fidor. Lib. ig. cap. 6s. Pila
fiM rapit yimaivelox in pul- propriè dicitur quod fit pUtypIe-
vere draucus nâ.
Srandia ijui vano coUa lahore Nec tu parce pilos vivacis con-^
facit. dhrécervi
Kem, Lib. 4. Epig. ip. Vnica donec erit geminam Jji^
Sive. Harfafla vagm puivent'- pefaddtta JihAm.-
,,

558 M OU U R S 1> ES S A U. V ^G E S
guéres joiié que par n'en font
les filles. I.e$ ipix

pas diffçreatesj à ce que je, crois , de la Trigo-


nale des Romains. On peut ia joiier à deux , à.
'trois ou à quatre. La balle y doit itre toujours
,

en l'air, aller de main en .maipj,^.çeUequi U


•laifTe tomber,, perd la partie. / .., .. .

Une
quatrième efpece fefjijpuve chez les Abe-
4iaquis. Leur balle n'.eft qu'une vercie enflée
qu'on doit aufli toujours foûtenir en l'air , ôc qui
en effet efl; foûtenue long-temps ^par la multitude
des mains,, qui la renvoyent fans cfiffe-jxe qui
'forme uu fpec^acle affez agréable.
Les Floridien^ en ont une cinquième efpece. IlvS
Greffent un mât haut de plufieurs coudées , au^
^deffus duquel ils mettent une cage dlofier , la-
quelle tourne fur fon pivot. L'adreflTe confîfte a
toucher cette cage avec la balle , & À lui faire
faire plufieurs tours.
Leurs balles n'ont point de force Elaftique, Se
ne peuvent être prifes au bond. Celle du jeu de
"Crofle eft faite de aiir , pleine de poil de Cerf
•ou d'Elan , ainfi que celle des Anciens , d'où eft
•venu le mot Pila à PJlis , félon la remarque de
S.Ifidore; ^ elle eft un peuapplatie, afin qu'elle
coule moins bien. Les autres peuvent être auffî
de même matière , mais communément ils les
.font avec la balle , ou les feuilles du bled d'Inde

JJîdor. loco cit. Arenaria qui père , Judumque inire confueve-


•jngrege dum ex circulo aAan- xunt«
tium fpe(3:antiumque emiiTa , ul- Ib. ibid. Trigonaria eft gu* in-<'
Xta. juftnm fpatium pilam exçi- ter très luditur.
fans y employerâurre diôfe ; de forte qu'elles
font extrêmement légères , avec cette feule dijflPe-

rence que la Trigonale beaucoup plus petite.


eft
vDcs autres exercices dé la Gymnaftique , ils
n'ont , outre cela, que celui de. l'Arc , de la courfe^.
& une efpece de combat de Gladiateurs, dontjç
parlerai dans la fuite. Us ne. connoifTent point ,,
^ue je fçaehe-, 02 ne paroiffent pas même avoir
connu c-elui du Dîfque.",.fi ancien & fi célèbre;'
par la mort d'Hyacinthe qu'Apollon tua par mé-
gardè ni le Cefte , ni le Pancrace , & quelquesr^^
i

autres qui ont


, fait fi long-temps le divertiiTe*-
ment des Grecs & des Romains^;'' ^' '
'^ •''"^/

5?^

J. L AD E T
I 1 Sn

ME E; CINE
Es exercices violèns que font les Sauvages,,;

_ _ jeurs Voyages, &6 la fimplkité des viandes-


dont ils fe nourrifTent , les exemptent de beau*
coup de maladies, qui font les fuites nécefTaires.
d'une vie mollsy oifive, & peu agiflTante de la?^ j»

déiicatefle des tables de l'excès , & de la variété'


i,

des vins de l'aiTaifonnemcnE des. fels^ dès ép^*^


i
3<J9 MOEURS' D^E s SAUVAGES
ces i des ragoûts , & enfin de tpus cesraffinemens
(de délicatefle que la gourmandise a fait inventer,
&c qui fervent plutôt ^ contenter le ;goût , à ir*
riter l'appétit , qu'à entretenir la faméii;& à for-
m;e,r un bon tempéramriieiK, j •;•.:; -,>/^;
.

Mal nourris , & endurcis par les fatigues de


leurs voyages, par le peu .de précaution qulls
prennent contre: les injures d'un air :que, rèxcès
du chaud & du froid rendent; très-rip-jpureux .ils
font prefque tous -d'une conftitiuion forte &c xo^
bufte, d'une bonne charnure Se d'ud fang plus
doux, moins falin 3 &: plus balfamiquequ,e le nô-
tre. On voit pjarmi eux peu de gens contjrefaits

de naiflance ils ne font fujets ni aux goûtes, nj.


;,

aux graveks , ni aux apoplexies , tii aux morts fûr-


bites , & ils ne connoîtroient peut-être pas les
petites véroles, le fcorbut , le pourpre , la rou-
geole,' ô^ la plupart des autres ;maladies épide.-
in-i-ques-j fans le commerce des' Européans.

MaJadks. Hommes cependant comme les autres , & par


çonfequeiit fujets aux infirmités , ils en ont quel-
ques unes, qui leur font plus particulières. Telles
font les maladies fcrophuieufes caufées, par la
crudité des eaux , par les eaux de neige , qu'ils
font obligés de faire fondre dans les païs de chalïe,»
pour boite , ,.^ pour faire cuire leur fagamité.
Ç'eft;{;eut-ctre du mçme principe , & de ce qu'ils
. ont toujours l'eftomach 6i la poitrine découvert
te,, qu'ils contradent une efpece dephtiiie, qui
,,

A MER I Q^U A I N S. ^tx


les mintnt peu à peu, en conduit la plus grande
partie au Tombeau , & à laquelle ils n'ont pu en-
core trouver de remède.
S'ils peuvent éviter ces fortes d'infirmités , qui

\t% prennent d'ordinaire à la fleur de l'âge , &:


les accidcHs qu'on ne peut pas toujours parer
ils parviennent à une vieillefle extrême dans la-
•quelle il faut les aflbmmer , ou s'attendre à les
voir mourir par ime pure défaillance de la na-
ture femblables à une lumière qui s'éteint, faute
j

-de matière propre à l'entretenir. J'ai vu, dans la


Million où j'étois , une SauvageiTe , qui avoir
•devant it^ yeux les enfans de iç.s cnfans jufqu'à
la cinquième génération. Celle-là n'étoit cepen-
;dant qu'un enfant paT comparaifon à deux ou
-trois autres mais lur-tout à une en parti<:ulier
;

.dont l'âge étoit fi avancé, qu'on n'en avoit point


.d'Epoque, fi ce n^efl: que les plus anciens ne fe
fouvenoient pas de l'avoir vue autrement que
vieille. Elle avoit «té d'une taille affez raifonna-
,ble mais quelques mois avant que de mourir ,
;

fon corps fembla rentrer en lui-même, il fè rap-


petifla, & fc recoquilla tellement, que je fus de
la dernière furprife lorfque je fis ^zs obfeques
-en voyant fon cercueil, qui avoit à peine deux
pieds &: demi de long.

La Médecine , dans premiers temps , étoit


les Deux for-

fimple , unie , à la portée de tout le monde , & ^^ ^^"


J."
chacun pouvoit la profeffer fans avoir pris le
Tome Ih Zz
, ,

5tfi MOEURS .DES SAUVAGES


Bonnet de Dodleur , & fans avoir a.cb«é> la ré-
.

putation d'habile, ôc le droit d'agir fur la vie des •

hommes comme
j fi de la capacité &C'
l'on avoit
de la fcience. Les Rois &c les Héros s'en mê--
loient comme le fimple peuple. Quelques plan-
tes dont on connoiflbit la vertu , plutôt par un >

long ufage , que par de fubtils raifonnemens 5


étoient des panacées naturelles dont les^ hommes
fetrouvoientbien. On s'en trou veroit bien encore ^ ,

fï on n'en avoit pas perdu le fecret pour avoir

voulu trop rafEner; & fi on n'avoit pas embar- •

rafle la Médecine d'une infinité de termes bar-


bares , qui rôbfcurciflent , & font comme une"
énigme impénétrable d'une fcience, laquelle de--
vro^^it être à Ja portée de tout le monde , parce :

que tout le monde y eft interefle ; & qu'il im-:


porte. extrêmement à chacun , que ce qui fert à'
entretenir l'harmonie de la vie & de la fanté , ,

ne fut pas en dépôt entre les mains de peu de


perfonnes, que leur profêflîon autorife a acqué-
rir de la-réputation- par de funefte^ ejcpériences ,

& par l'impunité des homicides. Ceci foit dit néan-


moins fans prétendre faire injure aux Médecins
d« nos jours qui font véritablement habiles , qui
ont infiniment perfedionné leur art, & beau-
coup renchéri fur leurs prédecefleurs.
Outre cette Médecine aifée & commune,; ily^
en avoit une autre , qui étoit toute du reflbrt de
la Religion.. On en étoit redevable à Apollon ,
lequel pour cette raifon étoit Dieu de la Médcr.
AMER IQ^U A I N s. 36-5

seiîre,. comme il l'étoitde la Guerre, de la Danfe


.& delà Mufique. -C'étoitlui, félon le témoi-
rgnage de Diodore de Sicile , » qui étoic l'Inven- « DWisicii.
teur de cette Science médicale, laquelle s'exer- «^'''•^- p- ^3^-
çoicpar l'arc d'e la Divination, Ôc en vertu de «
laquelle les malades étoient autrefois guéris. «
On avoic fans doute perdu toute confiance dans
-cette Science fatidique du temps de cet Auteur,
ainfi que le marque expreflement le terme d'au-
trefois
,
'& ,011 elle n'étoit plus en ufage , où les
malades n'en recevoient plus les mêmes fecours.
Elle n'eft pourtant pas tellement abolie en ce fens,
qu'il ne foit encore vrai de dire, que les Méde-
cins connoiffenc moins qu'ils ne devinent dans
;la plupart de nos maladies , fans parler de celles

où ils ne connoiflent , & ne devinent rien mais ;

fce n'eft pas leur faute , ôc cela ne peut pas ctre


autrement.
C'efl: par un refte de connoifTance confufe de

cette Science fatidique , qu'Hippocrate a cru pou-


•voir dire de la Médecine en gênerai , » quelle
'étoit un don des Dieux , & qu'elle approchoit «
de la Divination. « Hippocrate femble ainfi con- Hippocn.
ri » T '
J • ^ -1 tes m Epifto-

rondre cette Medecme, ou il entroit un peu de Hs, Epia, ad


,

diablerie ou de jonglerie, avec celle qui eft na- JuxtbTtùr


tutelle & aifée. Il ne faut pourtant pas les con- '" + ^^^^^» "
Li p. 6/. 3pud

fondre , car elles font très-diftindtes &^nos Sau- Meicuhai.


-,

-vages, curieux & fidélles obfervateurs des ufages


des premiers tefiips , fçavent les difcerner par*
faitement, & les pratiquent encore telles à peu
Zz ij
3<J4 MOEURS DES SAUVAGES
près ,
qu'ils les ont reçâës de la première inftii-
turion^
Dans toutes les maladies dont ils croyent con^
noître la caufe naturelle , & où ils ne foupçon—
nent point de myftere , ils n'en font pas non plus^
pour leur guérifon, & à la réferve de quelques
fuperftitions vulgaires qu'ils obferv^nt en cuëil-^
lant les plantes. Se en les préparant, ils fe fervent-
fans façon de celles dont ils connoiflent la v^rtu ,,
& employent certains remèdes naturels qui font
chez- eux en ufage. iJs ne fortent point- de leurs-
Cabanes pour trouver des Médecins-, hommes &
femmes tous le font, ce qui n'empêche pas qu'oti'
ne s'adreife à ceux qui ont le plus de réputation,
fur-tout ont réulTi dans la cure d'une mala-
s'ils

die femblable à celle qu'on veut guérir.


Mais dès y a quelque fbupçjon que la ma-
qu'il
ladie eft caufée par les inquiétudes de l'ame, qui
foûpire après quelque chofe qu'elle fouhaite, ôi
qu'elle ne peut obtenir, foit. qu'elle fe foit ma-
nifeftée par les fonges ou non fi le malade , ou
:

fes parens fe font mis dans la tête, que la ma-


ladie eft l'effet d'un fortilege, ou de quelque au-
tre maléfice , c'eft alors qu'ils ont recours a leur
médecine furnaturelle „ & qu'on met en œuvre les
Devins , lefquels ne manquent pas à^ fe faire va--
loir dans ces occasions , & employent toutes les.
forfanteries de leur art pour découvrir , ou pour
lever le charme,, qvii- donne la mbrt à celui fui^
qui il a été jette.
,

A M E R I QJJ A I N S.
^
3^-5 '

Ce une matière afTez curieufe & afTez Médecine


feroit
"*'""^^*
belle à traiter que celle delà Médecine natu-
r-elle des Sauvages. L'une & l'autre Amérique'

dans l^ur vafte étendue, font remplies de plan-


tes admirables, dont il y en a plufieurs de fpe-
cifiques pour certaines maladies , & avec quoi ils
font des cures furprenantes. Mais outre qu'un
MilTionnaire n*a guéres le temps de s'appliquer à
cette recherche, & qu'il criiint même de le faire,
de peur de paroître approuver les fuperftitions
& les fottes imaginations des Sauvages fur leurs
remèdes les plus fimpfes, ils en font eux-mêmes
alTez jaloux chacun fait myft'ere de ceux qu'il
, ôc
a découverts-, ou dont la^ conrtoiiîancè efl: héré-
ditaire dans fa famille. Cependant fi j'avois reftc
dans mar Miffio-n , je n'aurois pals défefperé d'y
faire quelques découvertes utiles, aufqUelles les-
occupations que j-ài eUcs pendant le féjour que j'y
ai fait , ne m'ont pas permis de vacquer.
La guérifon des bleflures eft le Chef-d'œuvre'
de leurs opérations , & ils font fur ce point des^
chofes fi extrafordina-ires , qu'elles pourroient pa-
roître prefque incroyables. Je pourfois en citer'
plufieurs-exemples mais je me contenterai d'en
j

rapporter deux qui ont eu bien dès témoins. Le


premier eft' d''urî Sauvage Abenaqui , qui ayant
été bleffé dans ryvrognerie , àc ayant eu les-
boyaux enramés & percés , fut guéri par ceux
de fa Nation , qui le traitèrent à Montréal , ôc
le. fauverem contre l'opinion des Médecins ^ de&.

Zz iij.
:5<j(r MOEURS DES SAUVAGES
Chirurgiens. Le fécond d'un 4e nos Gùjîr-
eft

ricrs , quï étoic allé, en. guerre contre: la Natioti


,des Oucagamis.QU Renards. Il fuc blelîe d'un
coup de féu: à l'attaque d'un, Vilkge de Kika.-
:pous,jâ^eut l'épaule fr>acaflee,Cfil;ii qui le pani-.

t^oic , ayant été tué peu de tenîps après , pour-


s'êtr'e écarté trop, imprudemment e^ allant cher-
.cher des plantes , il fut enfuite mal foigné, &,
eut beaucoup à fouifrir de la faim & des autres
incommodités d'un voyage de plus de fept cens
lieuës:, après lequel il fe rendit avec une playe,
squi, depuis plus de fix mois. qu'il l'avoit reçue,-,
pouvoir pafler pour invétérée. On. l'entreprit
néanmoins j &: quoiqu'il fût fi mal que jefu^..
,

-obligéde luiadminiflrer les derniers Sacremens,


ôc qu'il n'y eut rien, ce femble, à efperer d'une
-playe fi vieille., il ne laiffa pas de fe tirer d'affai.»
re, &
de recouvrer la fanté, où un Européan
auroit peut-être perdu mille vies.
Ils compofent une eau theriacale poux les playesj

:<|ùi produit tes effets merveilleux. Cette compo-


.fition eft de différentes fortes. L'une eff de quel-
ques plantes vulnéraires., parmi lefquelles ils éta-
blilTent auffi différentes claffes félon les divers
degrés de leurs vertus. L'autre eft des arbres vul-
néraires, du tronc ou delà racine defquels ils en-
lèvent quelques éclats dont ils compofent leur re^
mede. Lattoifiéme enfin eft tirée du corps de di^-
vers animaux, & fur-tout du cœur qu'ils font fé-
cher, & dont ils foiit une poudre , OjU une efpecc
jàt maftic.
.,

A: ME RI Q^n i^ î N S^ ^c^
Cette eau -fiiemcale de rune de ces comnofi-
mons , eft peu chargée , parce qu'ils y mettent peu
ût Elle ne paroît guéres diiFerente de
matière.
l'eau commune, fl ce n'eft qu'elle eft un peu plus-
jaunâtre. Son eifet eft de poufTer au dehors non
feulementies humeurs vicieufes qui ont coutume
de fe former dans la playe , mais encore les efquil-
iés des os bTifés , &: les fers des flèches qu'on voit -

tomber par la vertu de- ce didbame.


*Le malade commence par boire de cette eau ^
qui lui tient de toute nourriture pendant
lieu
qu'il eft en danger. Le Médecin après ^voir vi-
fité la playe, en boit auffi lui-même , afin que

fâ falive en foit empreignée , avant que de la'


fuçer, ou de la feringuer avec la bouche.
La playe ayant été bien feringuée, le Méde-
cin la couvre de telle manière , que rien ne tou--
che aux chairs entamées-, tout au plus il met aii-
tôur un cercle d'herbes médicinales, dont il aura '

fait une-décoébion. Ils font perfuadés que tout


corps étranger qui toucheroit la playe , ne feroie:
que l'irriter 5 & changer les humeurs en pus ^
lequel fe confervant autour de l'appareil, corro-
deroit les chairs , les carieroit , envenimeroit^
\ç^
^ ne pourroit que retarder la guérifon, au liem -

d« l'avancer.
On levé l'appareil (*e temps en temps regu--
Berement , & on recommence la même oper^-
^jon , laquelle eft qu'on ne voit point-
fi efficace,
a. la playe de chairs baveu fes fongueufes qu'il & i
ya MOEURS DES SAUVAGES
faille confumer par des cauftiques j les lèvres en.
fonc toujours vermeilles , les chairs toujours fraî-
ches4 & pourvû;que;le malade obferve un boa
xégime , qu'il np falTe pas d'indifcrecion , il e(t
bien-tôt guéri.
Quelques-uns fe perfuadent que les Sauvages
n'ufant point de fel , ont une charnure plus dou-
.ce Ôc meilleure que la nôtre. Cela peut contribuer

à leur guérifon, je l'avoue mais Je -fuis perfua-


;

dé i^u!e.Ue svieqt principalement de l'efficace *de


^eurs vulnéraires, ^ peut-être encore plus deU
înaniere de Les appliquer , lôc du foin qii'ils pren^-

n^nt ppur que laplaye ne prenne point d'air.


Ils ner&ùlïîfïènt pas moins bien ^ansles ruptu-
•res & defcemes, les diflocatijons , luxation/s
les
^./raétures. L'on a vu des qs rompus, repris &c
confolidés, de manière qu'en huit jours de temps
pn en avoit entièrement l'ufage.
En gênerai, leurs remèdes topiques font très-
^tons. II n'en eft pas de m,êmp de leurs vomitifs
,& de leurs purgatifs. Ils font obligés de les do-
fer fortement pour qu'ils puiffent produire quel-
que effet. Ce font comme des décodions de lave-
mens très-dégoiitantes , ^ qui noyent un efW
mach. D'ailleurs ils ne fe croyent pas purgés fuf-
fifammcnt, s'ils ne prennent des médecines très-
fortçs , qui les vuident avec excès, ôf qui pour-
roient tuer un cheval. •

Ils ont des fecrets fans fin pour des maladies.,-

PU autrefois j^ious ne voyions prefque pas de re-


-AU E KIQV A IN S. 3^*,

-mcde. UnSauvage à Mifïilimakinak, gnérit en


kuic jours xle temps un de nos Mifïionnaires
d'une paralyfie univerfelle, qui le rendoit per-
clus de tous {es mem-bres , ôc l'obiigeoit de fe
faire porter a Québec pour s'y faire traiter on ;

a fçû (on fecret, mais on l'a perdu. Tout ce que


j'ai pu en apprendre, eft qu'il alioit au fonds des

marais chercher une racine qu'il mêloit enfuite


.avec delà cigué. J'ai vu une Sauvagefle dans ma
Mifïioa, qu'on m'affuroit s'eTre guérie d'une hy-
'^ropifie formée -j'ai négligé d'apprendre d'elle,,
-,

comment & par quel remède. Ils fe préfervent,


& £e guérifTent des maladies vénériennes que les
Européans ont porté d'Amérique en Europe, par
Jes rapures du bois de gayac & de faflafras. Ce
qu'il y a de fingulier , c'efl: qu'ils ont coûtunie
de faire une Cabane dans les bois à ceux qui font
^attaqués de ce mal infume, 6c de lesiéparer du
milieu du peuple, comme les Juifs en ufoient à
l'égard de ceux qui «toient tachés de la lèpre.
iDans les pleurefies , & dans toutes les maladies
où ily a quelque pointe de douleur, ils tâchent
de rompre- la pointe par la-repercufTion , ils&
médicamentent le Coté oppofé. Dans ies fiè-
vres ils tempèrent l'ardeur , & préviennent les
tranfports par des lotions froides d'herbes medi-
cinales , qui font un contrafte avec le chaud.
La Diette eft chez eux un grand remède corn-
îme par-tout ailleurs 5 mais elle n'eft pas toujours
/^utrée , univerfelle , ôc ne confifte fouvent que
Tome II. A aa
370 MOEURS DES SAUVAGES
dans rabftinence de certaines viandes , qu'ils
eroyent concraires à la maladie dont on eft at—
taqué.
Ils ne connoifToicnr point la faignée avanrrar-

livée des Européans, èc ils ne Tçavent pas même


encore s'en fervir entr'eux mais ilsy fiippléenc.
-,

par des fcarificacions qu'ils font avec des pier-


res tranchantes , indifféremment dans toutes les-
parties ont du mal. Ils y appli-
du corps où ils

quent enfuite des courgées vuidées, qu'on peut


appeller Cucurhites , plus proprement que celles-
de verre , & ils les rempliifent de matières com-
buftibles où ils mettent le feu. C'étoit autrefois ,,,

& encore un remède fort univerfel dans


c'eft

IfEgypte &c chez les Orientaux.


Ils empioyent affez volontiers les caufti-
ques, les uftulations èc boutons de feu qui font
,.

fi en ufage dans toutes les


fort Indes Orienta-
les mais au lieu de pierre infernale, ils fe fer-
i

vent de bois pourri, dont l'ardeur eft beaucoup*


moins vive que celle du bois verd.
ignorent l'ufage des lavements,. & je n'en
Ils

fçache qu'un feul exemple que le Père Garnier


m'a Sauvage ^ des Païs
dit avoir appris d'un
d'enhaut vers les Outaouacs , qui faifoit de ces
fortes de compolîtions. Il les mettoit dans une
veffie à laquelle il attachoit une canuîe , & it
fiiifoit entrer le remède, en comprimant la v€£.

fie fortement avec les mains.


,,

AMER IQ^U A I NS. 37,


Ta Sûerie eft remède le plus univéïfel , La s ucnc
leur
& donc ils font un plus grand ufage. Elle eft
également pour les malades & pour les fains
C[ui fe purgent par-là des humeurs abondantes ,

Icfcjuelles peuvent avoir altéré leur fanté, ou qujl


pou rroient dans la fuite leur eau fer des infirf
mités.
La Siierie eft Cabane en rotonde
une petite
de fix ou fept pieds de haut, ou ils peuvent ran^
ger au nombre de fept ou huit perfonnes. Cette
Cabane eft couverte de nattes & de fourrures pour
la défendre de l'air extérieur. On y met à terre
dans le milieu un certain nombre de cailloux
qu'on alaifles long-temps dans le feu jufqu'à ce
qu'ils en ayent été pénétrés , & on fufpend au-
rdeffus une chaudière pleine d'eau fraîche. Ceux
qui doivent fe faire fiier , encrent dans cette Ca-
ibane auds, autant que la bienféance peut le per-
mettre , & ayant pris leur place, fuppofé qu'ils
ne doivent pas y traiter d'affaires fecretes , félon
l'ufage dont nous parlerons bien-tôt , ils com-
mencent i s'agiter extraordinairement, & à chan-
ger chacun fa chanfon. Et comme fouvent elles
font toutes différentes pour l'air & pour les pa-
roles , cela fait la mufique la plus défagréable 6c
la plus difcordante qu'on ^puiffe entendre.
De temps en temps, lorfque les cailloux com^
mencent à perdre de leur a6tivicé , ils la réveil-
lent en les arrofant avec un peu de cette eau froi-
dcj qui eft dans la chaudière. Cette eau n'a pas
Aaa ij
-

57* ^^ OE R S^ Dm S S A UV A Ut S'
plutôt toaché a ces pierres, eju'elle s'élève err une
vapeur qui remplit la. Cabane,- Se enaugmenre.
beaucoup la chaleuF. Ils Te jettent aufli. mutuel-
lement de cette eau fraîche au vifage lesuns des-
autres,. pour s'empêcher de fe trouver maL.. En
iin inftant leur- corps ruifTelle :de -toutes pacts h Se
quand leurs pores font bien ouverts , &c que la :

fueur eft'la plus- abondante ,.Jls fortent tous en<


chantant, &L courent fe plonger dans la Rivière j
où ils nagent & fe débattent avec beaucoup de
véhémence. Quelques-uns^-, les malades en par-i
ticulier, fe contentent de fe. faire arrofer d'eaii;^
ffatche. Il-fembîe que le contra^e .d'un chaud ex-»
trême avec le froid de l'eau , devroit les faifir >
&
les faire mourir y peut-être; même qu'an hon-

nête homme en mourrait s mais ils ont pour eux


l'expérience que cela leur fait du bien , ce qui
vaut mieux que tous-les raifonnemens qu'on pour-
roit faire.'
Hero4bt.Lîb. . il cft aifé de conjévfeurcr de ce que Hérodote
^^'^ raconte des Purifications des Scythes, qu'ils fe
fca.""

faifoient fuer de la même -manière.


Voici ce qu'il
«n dit. » Quand les Scythes ont enterré les morts <,

s» ils fe purifient ,. comme nous dirons. Premiere-

"^ment ils fe purgent la; tête,. ôcenfuite. voici ce


» qu'ils font au corps.. Ils drelTent trois morceaux
- de bois, qui- panchwit les uns fur les autres ils j

» arrangent à l'êntaur des couvertures de feutre,


^ & jettent- des-pierres. ardentes dans une cuvette,
»> laquelle eft au- milieu- de, ces morceaux de bois.
«

^ de ces couvertures de feutre. Or il croît parmi «

©ux une efpece de chanvre , lequel fem-


eft fort *

blable au lin ... . , lis preni^ent la femence de «

ce chanvre, &
mettent fous cette machine
la «»

ôc fous ces couvertures ;&- en même temps il «


en fortune odeur fî excellente, qu'il ne fe trouve «
point chez les Grecs de fi agréables caflblettes. «c
Lqs Scythes ravis d^e cette odeur, s'écrient auffi-»
tôt comme faifisd'étonnement,-& cela leur fert «
de bain car ils ne- fe lavent jamais le corps «'
j i

il n'y a'que leurs femmes qui fe baignent. «

On ne peut méconnoître dans cette defcriptioiî


là Cabane préparée pour la Sùerie,& là manière"
de fiier avec les cailloux mais Hérodote a dé* ;

crit cela à fa façon &c il ne' paroît guéres vrai*


;

femblabîe que chez les Scythes, les hommes n€-


fe baignaflfent jamais; -

Les Laccdemoniens &: les Lufitaniens fe far-


foient fùerdë laTnême inaniere , ainfi que Stra- stnbo.Lii»*
?'°'^'
bonnousl'apprend. Les Peuples deLufitanie,
» « *

dit-il , quiJxabitent fur les bords du Duero j ont , .«•

à' ce qu'on airure,abfolument les mêmes coû-

tumesôc lesmcmes ufages qu'on obferve à La**


cedemone. Ils fe frottent d'huile deux fois, le -
jour ; ils fe font /ùcr avec des pierres ardentes} *-
baignent dans l'eau froide, & n'ont qu'une »«
ils fe '

forte de nourriture, .vivant avec beaucoup dej»


.j&ugalité. •«

.i-L'ufâ^gedes bains chauds étoit très-frequent aiï--


eiennemeat i les Grecs & les Romains avoien« :

Aaaiij
,

374 MOEURS DE5 SAUVAMES


beaucoup perfectionné la manierfi de Te faire
iiier, &c d'aider la tranfpirationo
La Sùerie eft non feulemenc oui remède cheE
les Sauvages de l'Amérique Septentrionale , mais
£lle eft encarte un tifage de civilité , & peut-être
de Religion pour recevoir les Etrangers. Car ,
.dès que l'Etranger eft arrivé ^ & qu'il a un peu
mangé de ce qu'on trouve d'abord à la main , tan-
dis qu'on prépare une nouvelle chaudière pour
Je régaler , Ôc que d'autre part on dreflfe la Sué-
de , & qu'on fait rougir les pierres , on le fait
>afleoir furune natte propre on lui defchaufle (es i

fouliers & {es bas, & on grailTefes pieds & Ces


rjambes.; on le fait enfuite entrer dans la Sùerie,
^ le maître de la Cabane qui l'a reçïi , y entre
.avec lui. Là, comme dans un fanéîuaire de ve-
jité , ils traitent des affaires les plus fecretes , il

^xpofe tous les motifs de fon voyage, il ré- &


pond ordinairement avec alTez de fincerité à tou-
xes les queftions qu'on lui fait. Si l'on s'apper^
;Çoit qu'il mente , ôc qu'il déguife fes fentimens

ou la vérité des faits fur quoi on l'interroge , on ne


£ait point femblant de s'en appercevoir ; la cou-
tume porte , qu'il n'en foit pas moins bien traité ,
moins carelle , & cela n'empêfthe point qu'a foa
départ on ne le charge de préfens & de biens ,
comme Ci l'on avoit lieu d'être content de lui.

Les Sauvages font aufll fùer leurs malades avec


le bois d'épinette , &
d'atitres branches de fapi-
jiage qu'iis.font i)oiiiIiir dans une grande clîa«*
AME R I 0^17 A IN S. 375^

^iere, dont ils reçoivent la vapeur de defllis une


eflrade, fur laquelle ils s'étendent.
En Amérique, tout comme ici, on fait plus
decas des remèdes venus de iloin y que de ceux
qu'on a à la main, & qui paroiflent trop vils, parce
commune. C'eft la même chofe
qu'ils font trop
du Médecin, que du remède l'Etranger a tou*- j

jours la préférence •, on le croit plus habile fans=-

fçavoir paurquoiv'la prévention eft pour lui,, ôc


€elafuffit : c'eft fur ce principe que les Sauv«iges'
préfèrent un remède qui ait la grâce de la nou-
veauté, à un remède ulité y èc qu'ils employent
préferablementles Médecins d'une autre Nation ,
<^ue ceux de la teuc, ik fe mettent volontiers entre
les mains desEurcvpéans : iJs fe font faigner n\ê^
me fans befoin , & par compagnie : ils prennent
par eftime nos vomitifs & nos purgatifs y mais^
ils évanoiiifrent pefque , en voyant ee terrible
appareil de ferrements dont on fe fert en Europe
pour nous déchiqueter, &
ne fçauroient foû--ils

tenir l'idée de ces grandes incifions que fait ic-'


biflouri, donrils n'aiment du tout point les ope-*-
rationSé

Les Jongleurs Ôt Tes Devins n'étant appelles MedéciW


que pour connoître les défirs innés de l'Ame , natioV^^^'
pour juger des forts, &
pour les ôter , doivent
auffi être regardés comme des Médecins d'un
©rdre fuperieur aux Loix communes delà nature;
aulËL n'eîl-ce point par elle qu'ils fe gouvernent
37.(? MOE'UUS DES SÂUV'AGE^S
dans le genre des remèdes qu'ils prefcriveru pour
la guérifon de. ces maladies extraordinaires.. C.'eli
'l'erprit avec qui, ils prétendent Avoir des commu-
nications , c'eft leuT ca^price , leur imagination
échauffée par l'entlioufiarme jqui les faifit , ou
qu'ils afFeàent, qu'ils confultent plutôt, que la
proportion. d'aucun. remède .convenable à l'état
'prêtent du malade.
J'ai déjà parlé fort au long, dans l'Article de la
de ces Devins»ou de ces Charlatans , lef-
P,.eligioii ,

,
quels , héritiers de ces malheureux relies d'un
art infâme, qui. a foûrenu long-temps le ;Paga-
.xiifine , & qui a féduit .pendant, tant de fiecles la
multitude des Nations,jc-ontinucnt encore à trom-
per les hommes ,. en àbufantou de.leur confiance
impie dans les opérations .réelles :des efprits de
ténèbres, ou de leur 'fotte. crédulité dans leurs
Miniftres, qui les jouent par des preftiges , &
des tours de paffe-paCe. Laiffant .don.c:à chacun
.

la liberté. de porter fur .nos Jongleurs tel juge-


ment qu'il lui plaira , je ne ferai que décrire la
manière dont prennent pour guérir les ma-
ils -s'y

lades, lefquels font affez rnalheureux pour paflcr


^par leurs mains.
\ le Jongleur, avant que de commencer fes ope-

a"ations ,"fe prépare une Siierie telle. que je l'ai

..décrite ,une Cabane Cemblable de:(ix ou.fepc


.ou
:pieds de haut., -laquelle répond à ce qu'on ap-
pelloit dans le Paganifme y^^r^t ou Penetralia, qiù
itoient des lieux Qbfcu£;s ^ .ténébreux , o.ii l'on
rendoit
,

. AMER IQJU A I N S.
377
arendoit les Oracles. Il y a cette différence néan-
moins entre la Siierie & cette Cabane, que celle-
ci reçoit du jour par en haut , comme pour donner
lieu àl'efprit d'y entrer,, au lieu que la première
eft entièrement fermée. Le Jongleur fe cache dans
•ce avecfonfac, dans lequel, outre Ion
fanc5luaire
tabac &c fa pipe, il porte toujours ce que j'ai ap-
pelle fon Oïxron & £on Manitou qu'on peut re- ,

,garder comme (ç.s Talifmans où réfide toute fa


vertu. Avec cela il compofe fouvent une efpecc
tie breuvage préparatoire pour fe difpofer à rece-
voir l'impreflion de l'esprit , de la même manière
que la Pythie mâchoit le laurier avant que de
confulter Apollon , & de monter fur le Trépied -^

* Athénée j Liv. 2. dit, qu'on Le même Auteur , Liv. 14. p,


^iftinguoit deux de Tre-
forces 937. parle d'une autre forte de
•pieds ; l'un étoit une coupe, & Trépied qui étoit un inftrument
l'autre un chaudron , ou pour de Mufique, ainfi nommé, parce
mieux dire, une efpece de mar- qu'il étoit fait fur le modèle dii

jnitte , 6.0m. la. partie inférieure Trépied Delphique ; il étoit de


portoit fur trois pieds. Us fer- l'invention de Pythagore de Za-
Toient à mettre du vin. Ilsétoient cynche. Mais, outre qu'il -cite un
le prix des Vainqueurs dans les Auteur , lequel dit, que cet ins-
jeux dédiés à Bacchus , ils con- & trument étoit un de ceux qu'on
venoient à Apollon &
à Bacchus : ne fçavoit s'ils avoient jamais
G Apollon, à caufe delà certitude exiftè , ou qu'il avoit été fi peu
de certams de fes Oracles à Bac- : en vogue qu'il étoit presque en-
,

chus , parce que le vin fait dire la tièrement inconnu ; la defcriptiora


vérité , &
qu'on dit communé- qu'en donne enfuite Athénée , eft
ment de ceux qui difent vrai telle , qu'on ji'cn peut guéres ti-
qu'ils parlent e Tripode. Mais ce rer aucune connoiffance de la for-
n'étoit pas-là le trépied Py thique ; me du Trépied Pythien.
c'-eft ce que dit exprelTément Se- On voit des Trépieds dans les
mus de Delos qu'Achenée cice ca médailles & dans les monumens
cet endroit. antiques. Ces Trépieds fôùtien-

Tome IL Bbb
578 MOEURS DES SAUVAGES
facré ou plutôt d y entrer, & de s'y cacher. Car,,
,

quoique communément on regarde le Trépied


Delphique comme une table ou un fiége à trois
ou même quatre pieds ,, ainfi que le dit Jambli-
que, je crois, félon les conjedures que j'en puis
faire, que le Trépied facré étoitun Tabernacle,,
tel à peu près qu'Hérodote a décrit la Sùeriedes.
Scythes, compofé de trois pièces qui fe réiinif-
nent d'ordinaire une e/pece de la- forme \circulaire ^ iUEaicitent
brum ou de cuvette, deftinée aux du Ciel-
nius, qv|i appelle la voûte
Eaux LuftraleSj ou bien à rece- Corttnakf Cœli , &
Severe qui ap-
voir les Libations car on voit
; pelle Cortinam Theatri , le fom-
fouvent un Sacrificateur ou un met du Théâtre fait en rotonde,.
Empereur, tenant la Pat ère in- convexe en dehors, & concave
çlinée fur le Labrum. Ce n'étoit en dedans. Ox G. cela eft, on doit
pas non plus le Trépied Pythi- conclure de cela même , que ce
que ; &
quoiqu'il pût fervir ai la qu'on appelloit Cortma , n'étoit
Divination &
aux Augures, il eft point une Table fur laquelle on
évident que ce n'étoit pas celui pût s'aJieoir ; maisim couvercle,,
qui fervoit à la Pythie. 6c quelque chofe fait en forme de
Le Trépied de la Pythie étoit voûte. Or touE cela revient à ce
un petit fiége à trois pieds , ou que j'ai dit de la Cabane de nos
même à quatre ,. félon Jamblique. Jongleurs ; ainfi le Trepiedne fer-
Quelqueswans croyentque c'étoit la auue chofe que les bois que
une table à trois pieds fiir laquelle ton drelTe , qui font le corps de
elle montait. Quelques autres dif- l'édifice, & qui ne font deftinés
Bnguent deux chofes dans le Tre- qu'à loûtenir les peaux dont on
pied. La première c'eft le Tre- ,. doit les couvrir , iffwnfuftemaen^
pied même , c'eft-à-dire, ce qui lum cui tmponelfatHr Cortùta , com-
foûtenoit quelque autre chofe , maie dit Fabri : &, on explique-»
deftiné à la couvrir. La féconde, la ce terme Cortina par le terme
e'eft ce qu'on appelloit Cortina. Or Operculwn , dont Pline s'eft fervi
ils difent que Cortina. étoit une pour l'expliquer > &
par celui
table , fur laquelle la Py tWc mon- à'yiuUa des Tapi/Teries , mais des
toit ou s'affeioit , ce qui ne con- Tapifferies faites de cuir , félon
vient guéres à l'état d'une perfon-t l'explication qu'en donne S. Ifi-
se qui; entroit dans l'cnthoufiaf- dore. Cortàtit fim Attira , id e^
me. Cette Table , ajoutent-ils, veltidepelUbtu, diEUà sertis.
•toit roûde. Pqiu prouver cette
A MER I QJV A I N S. 37,
l'foiciit par haut ^ &; s'écartoient par en bas,
le

^qu'on couvroix enfuite de peaux, de voiles , ou


vde tapiflferies, ce qui lui fie donner par les Latins
le nom de Cortyna une Courtine.
Le Jongleur ainfî préparé, commence à agiter
la Tortue qu'il tient à la main, & à chanter pour
invoquer l'efprit, qui lui fait fentir fa préfence,
fÇoinme il le faifoit autrefois par un vent impé-
tueux, un mugiffement de la terre , & une agi-
tation violente du Tabernacle où il eft enfermé.
Le Père le Jeune ayant fuivi les Sauvages Mie- Reiatîonde
;macs à la chafTe , fut préfent à une de ces ac- Fran«poM
étions. Il dit , qu'il fe perfuada d'abord que c'étoit ''^"'^sv
le Jongleur qui ébranloit cette Cabane que néan- ;

nioins cela ne laiflfoit pas de lui caufer une ex»


crème furprife , ayant vu de jeunes gens fiier,
i^n la dreflant de la fatigue &: de la peine qu'ils
,

prenoient pour l'affermir ; & que d'ailleurs il ne


pouvoir pas comprendre comment un homme
ieul pouvoir l'agiter (î violemment 6c fi long-
4;emps, Se qu'il pût avoir aflez de force pour rc-
iifter à ce travail. Mais il ajoute, que des Sau- ,

-vages lui parlant à cœur ouvert, l'avoient affurc


•que le Jongleur n'y avoir aucune part: que l'édi-
fice étoit quelquefois (i folide , qu'à peine un
liomme pou voie-il l'ébranler. Se que lorfqu'il pa-
roiÏÏbit le plus puiffamment fecoiié , que le fom-^
met du Tabernacle plioit jufqu'à terre , on en
voyoit fortir par en bas les bras &
les jambes du
Jongleur , de forte qu'il étoit évident qu'il n'y
rouchoit pas. B b b i;
,,

jSo MOEURS DES SAUVAGES


. Quoiqu'il en foir, e'eft alors que le Jongl'eur
entre dans cet enthoufiafme , & dans ces fympto-
mes de fureur divine , que les Payens voyoienc
dans leurs Pythies , dans leurs Sibylles ô£ dans
leurs Devins j c'eft alors qu'il fait tous les prodi-
ges , ou tous les preftiges , dont il éblouit les
yeux des Spectateurs , qui les attribuent à la puif-
fance de l'efprit étranger , lequel anime tous (es
refforts , &
qui agit par fon organe. C'eft audî
au plus fort de ces agitations qu'il prononce fur
l'état du malade, &- fur les remèdes qui lui- con-
viennent.
Ces remèdes {ouverains pour rendre la fanté
font des feftins à chanter & à manger, des dan-
{qs de plufieurs fortes j une fur-tout où ils s'en-
trejettent des forts comme pour fe faire mourir,
&: où l'on en voit plufieurs qu'on croiroit ver-
fer quantité de fang par le nez & par la bouche r
ce font des jeux de plat, de crofle &c des pailles :

la fête de l'Onnonhouarori ou de la folie , Se


d'autres chofes femblables , qui , tout extra-
vagantes qu'elles font , dès que le Jongleur a
prononcé , £ont fur le champ exécutées avec
tant d'cxaditude ôc de ponctualité , que quel-
que extraordinaire que loit la chofe qu'il de-
mande , tout eft en mouvement pour la trouver
& que la feule décifîon du Jongleur fait agir
quelquefois plufieurs Villages enfemble.
Le malade, qui ordinairement a plus befoin
iQ repos que de tout le refte, eft expofé pendant
,

AMÈ klQ,UAlNS. $8t


cette cruelle cérémonie j quelque longue qu'elle
puifTe être , a tout le bruit de ces Bacchanales
dont le feul étourdiflement qu'elles lui caufent,'
feroit capable de le faire mourir. C'efl: peu dé
cbofe encore que le brurt, ces pauvres malheu-
reux font à la difcrétion de ces Empyriques , qui'
les foufflent j qui les fuçent, qni les preflTent avec
une vioknee frénétique dans les parties du corps;
où ils fouffrent le plus de mal , de forte qu'iUs>
©ne plus l'air & l'adiion" de Bourreaux , que de-
Médecins* Quelquefois ils les font entrer dans 1$
Siierie avec eux d'autrefois ils les font danfcr
:

êc jouer r promènent à pas lents


foiivent ils les

/au milieu des brafiers des Cabanes , fans que le:'


feu les endom-mage enaucunemaniere enfin ils- :

les fatiguent de telle forte , qu'ils font plus ma-


lades d'avoir été jongles ,
que de leur maladie
même. - ''--

On attend dû Tongleur , qu'il déclare celur


<^ui a donné lé maléfice, qu'il découvre en quoi
il con^fte : qu'il pronoftique fur l'état de la ma-
ladie j 8c s'il fe peut qu'il la guériffe.
Il eft ceux de la Nation depro^
afTez facile à
Boncer for l'Auteur du mal. Ifs n'ont qu'à nom-
mer quelque perfonne de celles qui ont mauvaife
réputation- ,. &
qui iont odieufes ou fufpeâfes.
Qui que ce foit qu'ils défignent, pairmi ceux ou
celles de ce Garaâ;ere, ils font aflurés d'être crûs ^^
& de faire plaifîr au public. Un Jongleur étràn:»-^
ger devrait être un peu plus embarraifé î mais il
B b b ii^
5&i MOEU;RÇ DES SAUNAGES
a, foin de s'informer auparavant en fecret. Saa*
prendre même tant de précautions , il eft toujours
ibien inftruit parun aîfez bon nombre de gens,
qui lui communiquent leurs foupçons , & qui font
enfuite affez fots pour croire qu'il a deviaé, ou
.aflez habiles pour en faire femblant.
ïl eftencore plus aifé au Jongleur de décou-
•yrir le fort , 6c de le montrer, il n'a qu'à le pré-

parer d'avance lui-même, ^


à le cacher où bon
lui femble. Le fouvent néannioins il le tire
pîlus

du corps du malade. Ce feront tels lignes qu'il


lui plaira, de petits offemens, de« cheveux , de^
morceaux de fer ou xie cuivre qu'il infère dans
fa bouche , & qu'il en retire habilement , après
avoir mordu le malade jufqu'à lui faire perdre
connoiffance enfuite dequoi il feint de l'avoir fait
-,

fortir de la playe, & eft aflez heureux pour per-


fuader à ce miferable qu'il lui a fait un grand
•bien. S'il lui a donné quelque vomitif propre à
lui faire rendre jufqu'aux entrailles en forte-, qu'il
quelques grumaux de fang , quelques matières
noires ou purulantes : c'eft-la qu'eft l'Otkon »
l'efprit ou le fort qui le tuoit. Il le mantre avec
joyej^ & s'applaudit d'avoir vainjçu .un û cruel en,i

nemi.
Le Pronoftic eft plutôt heureux que malheu-:
toujours entrevoir.de grandes ef-
ï'eux.j^ ôc laiflfe

pera.aces. Le malade^, après cela , n'a qu'à crever j^,

c'eft pour ion compte. Le Jongleur à mille i;aio


£ons; pouc ibrrir d'intrigue. Il n'en perd point faos
,

AMERIQ^U AINS. 383 *

credir, &n'en eft pas moins bien payé. C'eft,


il

ou le charnie, qui étoit au-deflus des remèdes


Gu quelque chofe d'efTentiel que le Jongleur avoir
prefcrit à quoi l'on a manqué. Enfin e'eft toii-
jours le mort qui a tort , & la malheuteufe defti-i
née de ces pauvres iiifortlinés , qui expirent quel-
quefois dans le temps même qu'on pronoftique-
leur guérifon , ne peut point détromper ces Peur-
^les aveuglés, q-ue le Démon tient dahs fonef*
çiayagei Ib ont toujours leur confiaihce darts leufi
faux Prophètes , quoique ikii lie ex périéfiees déufl
fcnr leur avoir iippris qu'on ne guérit point
entre leurs mains qu'il n'y a rien denioinjfo*
j

lide pou r l'ordinaire que ;ldtir$ prédiétiofis St '/ ,

que fou vent mcmc elles feDomkitcent & Cééoii-


credifent , y a plnfieaf^ Jon^leifi'rf éla^
lorsqu'il
femble, ou du moins quelles font a ufîi envelop-
pées, que l'étoient les Oracles qiie les faux Dieux
rendoient par la bouche de; Leutsi È^eyins' & de
*"
leur^ Pythoniffes, : uiÀ si ylluo^:;] i'IutÀiin
Lorfque les Gararbes ont recoarri lëîirFDe?
vins, accompagnent toujours cette céremottis
ils

du facrifice fait au Démon, dont j'ai déjà parlé


dans l'Article de la Religion?»' » il faut 3 avant»
routes chofes , dit le Miniftre Rodhefôrt, que la « Roc!.cfôH
Café, en laquelle le Bové doit entrer,' foit bien
*"" «
"'^- M.°f='i«
l •<
des Antilles,.
, , .

nettement préparée ^que la petite table, qu'ils •« Liv,^. €,^4*

somment Matmtajiy (ou çnargéje de Vy^mizi*^


fçuiL Mal^ya, c'ell-à-dirfe , d'une offrande de*
Caflave & d'Oukou pour l'Ecrit malin- 3, 'ï
Ô2î<

3 ni.'
,

,5^4 MOEUKS DES SAUVAGES


« même des prémices de leurs jardins, ifi c'eft: la
" faifon des fruits. Il faut aufli qu'il
y aie à Tua
" des bouts de la Café , autant de petits fîéges
,

„ qu'il <ioit fe trouver de perfonnes à cette détef-


î> table a6bion. . . y^ ir.ci . i.y^ .;tji.. w

^^ Après ces préparatift-, le Bofë'/qUi' ne fait


;

"jamais cette œuvre de ténèbres que pendant la


nuit , ayant foigneufement fait éteindre tout le
feu de la Café & des environs, entre dans cette
obfcuritjéj 6c ayant trouvé {a :plàce à l'aide de
!' la .fQi-ble lueur d'un i)out de tabac allumé qu'il

"tient en fa main, il prononce d'abord quelques


^,
paroles barbares : il frap-pe enfuite de fon pied
M gauche la terre à plufieurs reprifes , & ayant mis
"en, Ç^ bouche lebout de tabac qu'il port^ en fa
f'.main, i:l Copfflexinq ou fix fois la furnéc qui
en fort , puis froiflant entre fes mains le bout
j,.de tabac, ,il, l'éparpillé en l'air. Et alors le Dia.-
«ble évpqujé par ces lingeries , ébranlant d'une
»' furieufefccoufle le faifte de laCafs, où exci-
** tarit jquelqiae autre-bruit ipouventable, compa-

|,roît auffi-tôt , & répond diftindement à toutes


» les, demandes qui lui font faites par ie Boyé.
»? Si le Diable ^aûTure^ qaeiathaladie^e celui
" pour lequel il eft confulté, n^efl: pas mortelle
pour lors le Boyé, & le faiîtôme qui l'accom-
1^'

„ pagne , s'approchent du malade pour l'affurer


qu'il fera bien-tÔLt guéri
«j ,& pour rentreténir :

V. dans cette efperance , ils touchent doucement les

/c parties les plus dojLlloureufes de fon corps , &les


ayant.
«

^A M E R I Q.tr A IN S. jgj
ayant un peu preflees , ils feignent d'en faii-e^î:
forcir des épines, des os brifés , des éclats de.ci
bois & de pierre, qui-étoient , à ce que difent ces "
malheureux Médecins , la caufe de fon mal. Ils "
humecbent aufli quelquefois de leuT haleine la]|
partie débile-, ^& l'ayant fuçée à plufieurs rc- Cf
prifes, il p^rfuadent au patient, qu'ils ont par w
ce moyen attiré tout le venin qui étoit en Ion ce

ce
corps, & qui le tenoit en langueur. Enfin pour
la clêtucede tout cet abominable myftere , ils „.
frottent tout k corps du. malade avec le fuc du ^
£ruk'de Junipay qui le teint d'un brun fort obf- «'^
cur, & qui eft comme la marque, &c lefceau de"
*
(a. guérifon.
Celui qui croit avoir été guéri par un fi dam- «
nâble moyen, a coutume de faire en reconnoir-c«
fance un grand feftin, auquel le Boyé tient le"
'*
premier rang entre les Conviés. Il ne doit pas
'Oublier YJmkri pour le Diable , qui ne manque
^
-pas de s'y trouver; mais fi le Boyé a recueillie*
^c la iComTnunication qu'il aeaë avec'fon Dé-
mon que la maladie eft à la mort il £e con-
, ,
**

tente de.confoler le atialade, en lui difant, que^^


fon Dieu-, ou ponr-mieux dire, fon Diable fa-.«
milier, .ayant pitié de lui , le veut emmener en«
fa compagnie,, pour être délivré de toutes (ts *
infirmités «

La manière de guérir par la Divination , eft


abfolument répandue chez toutes les Nations de
l'Amérique, qui, comme nous l'avoni dit, ont
TomQ IL G ce
jis MOEURS DES SAUVAGES
toutes leurs Devins ou leurs Charlatans. La mé-
thode peut êt^e différente chez, les divers Peu-
ples quant aux circonftances y mais elle eft las
même quant à la fubftance, &c quant au fonds..
;:lies maiàides font afTez fpignés pendant qu'on"
efpère , Se <^u*ion a intérêt de' le*^guérir mais ils
;

jfoât abàîflddnilés latVëG trop de faciUté dès-qu'oiv;


commertce à perdre efperance.- J'en ai fauve uiï»
deux fois dans le danger ou il éroit de moutir,.
la première fôis^e ffoid , ôc la féconde de faim ^
û par bdrihéur pôûï lui je n'eufTè été appelle , &
fi je h'èufle pourvu à'ces'deux befoins 5 de lai
manière qUe je jugeai lui être plus convenable.

SEPUifURE ETDÎÉÙIL
L'approche de ces derniers momens confa^
cré^ pat la pieté de tous les fiécles', 6c pari
les vœux que chacun formoit de mourir entre"
lés mains dès perfônnes qui leur étoient les plus',
chères 5
qui recucilliflent leurs derniers foiïpirs,
& yeux, la pieté des Sau-
qui leur fermaflfent les

vages fe fignale aufïi mais la fotte crainte qu'ils


;

ont de ne pouvoir pas bien fermer les yeux ôc la


J^L. I
s . tjnn . i , p.iii S 86
bouche à malades , &: qu'ils n'en reftent dé-
leurs
figurés après leur mort, rend leur pieté cruelle
pendant qu'ils font à l'agonie. L'attention qu'ils»
,

ont à leur rendre ces devoirs , hâte la mort à plu-


iieurs., fans que leur tendrelle en foit allarmée,
parce qu'ils n'en efperent plus rien , ou même
parce qu'ils croyent abréger leurs douleurs. J'ai
eu quelquefois de la peine à arrêter des mères,
qui fe rendoient ainfi les homicides de leurs en-
fans, que je ne pouvois pas croire qu'elles n'ai-?
.malfent extrêmement.
V A tout ce que du fentiment àti
j'ai déjà dit
Ameriquains fur l'immortalité de l'Ame, je croi^
devoir ajouter comme une nouvelle preuve touc
*€e qu'ils ont coutume de pratiquer envers leurs;
-morts. Le détail que j en vais faire , fera une ef-
;|)ece de démonftration plus que fuihfante d'une

opinion , qui ayant été reçue de tous les Peup es


les plus barbares , ne devroit point trouver de
contradideurs. Mais la corruption du cœur eft
venue à un tel excès , qu'elle fait regarder aux
hommes vicieux comme vrai , ce que leur dépra-
vation leur fait fouhaiter pour jouir plus en paix
de leur* vices : rien n'autorifant plus la licence,^
que iâ perfuafion où ilsveulent être qu^ tout pé-
rit avec le corps ; car albrs ils croyent pouvoir
fatisfaire leurs paillons fans remords , & ils fe
îflattent qu'ils n'ont point à craindre d'être punis'
dans l'Eternité , félon la jufte mefure de leurs
âcrimes^
Ccci^
.

388 MOEURS DES SAUTA CES'


'-\:Non feulement Amerrquains conviennenr
1rs

avec rous les autres Peuples plus connus dans


îcs; honneurs qu'ils rendeiTt aux morts, de dans

ics motifs qui les leur foiitren-dre; maisilsfont


encore conformes eir ce- point aij^^ ufa^es des
(i

anciens, que jeme trouve icitrès-embarraffë de


l'ordre que je dois donner à ma Relation par la,
multitude des autorités qui fonf fentir cette con-
venance, &. qiii doivent naturellement produire
tJe la eonfiiiion;
C'eft pour tacher d'éviter cette confùfion , que
je vais raconter fimplementce qu'ils ont coutume
de pratiquer en et» occafioiis-, me contentant de
im'étendre im peu plus fur quelques points prin^*
eipaux qui méritent le flu^ d'attention.

Premiers Apres que le malade a rendu lé dernier foùw


foinsrendus nh ^ on donne les premiers foins au Cadavre pour
au Cada
le préparer à la fepultiire. Chaque Cabane en a
une autres où font fes Lihitinaires & Çç^ Pollinc-
teurs, -^ c'éft-à^dire, ceux qui prennent foin de
leurs- morts y&c ce fonr d'ordinaire, à ce que j'e
crois , les Cabanes qui ont des alliances avec cel-
les du défunt. Ceux donc qu'i doivent être em-
ployés à un-ff trifte minifterc', étant avertis au-
moment de la mort', ou étant même déjà rendus
dcdifpofés avant qu'il ait expiré , lavent le corps,
lé graiflfent de leurs huiles,, kii pergnent le vi-

* Scrvius 9. >£neid.' Pollinc- os Folline obiinirent, ne livor sç^ .

leres didtçs Tcribit, cjuod.mortuis pareret extiatli.


AMERIÇLUAINJ. 38^
fàge Se la tête, ce qui leur fit autrefois donner
Je nom de Pollindeurs i Poliendo, ou bien à Po/-
lincy d'une forte de pâte ou de fard- qu'on env-
ployoit , pour empêcher qu'on ne vit fur leur
vifag^ les horreurs delà mort. Ce fud n'étoit
autre chofe que lés- couleurs dont les Sauvages
fe peignent encore, ainfi que je l'ai vii moi-mê-
me fur les Urnes cinentires^, queMônfeigneur Je
'

Gardinal Gualterio conferve dans {on riche Cabi-


net Ils habillent enfuite le Cadavre de pied ea
cïp, l'ornent de ks coUkis dt de Ces dilFerens^
atours", Ô^après-J'avoir- mis dans Ja fituation où
il doit être dans Je Tombeau , & l'avoir
enve»-
lôppé'd'une beJJé robbe de fourrure toute neuve
^ r

en J'élève fur une Eftrade , oii il eft expofé juf-


qu'au jour deiliné à Ja fepuJture..

QueJques Peuples de J'AmeriqUe Septentrio- Manière


tiale ont trouvé Je moyen de préferver de
Ja cor- %"l>er^
ruption Jes corps de- Jeuis Chefs, &r des ptrfon-
^eTlT-
nes Jes plus eonfiderabJes de Jeur Nation, fans côrpi, '

yempJoyer les baumes' & lès aromates qui étoienc


en ufage chez Jes Orientaux , & qui ont rendu les
Mumies d'Egypte fî célèbres. Ih écorchent habile-^
ment Je Cadavre, après en avilir fendu la peau ^

tout Je Jong du dos iJs decharnent les os pro-


j

prement fans toucheraux jointures qui en font


hs Jiaifons ^ pour Jaifler Je fqueJette dans fon en-^
tier. Ces os ayant été féchés pendant
quelque
îemps ,. on Jes renferme de nouveau dans- léuî.
Ccc iij.
350 MOEURS DES S-AUrVAGES
propre peau qu'on 3, eu foin d'adoucir & de ppc-
parer , & on la recout en y inférant du fable fin,
^qui en remplit tous les vuides, de manière qu'il
ne paroît pas qu'on y ait touché. On porte en-
fuite ces corps fur une Eftrade, élevée au fonds
de la Cabane, qui leur fert de Temple. On met
aux pieds du corps, dans des corbeilles bien fer-
mées, les chairs qu'on a fait lécher & boucanner
à la fumée ou à l'air & la Garde qui veille i
:

4a confervation du feu facré, veille auiH à la con-*


fervation de ces corps.
Cotnm.Lib.
3. cap. i8. /• . 1 111
Dans les Indes Efpaenoles les Sauvages fai-
foient boucaunet les corps de leurs Caciques. Ils

II
pietr.Mat-
tyre, som-
les étendoient fur des treillis de bois , & les fai-
matiodellln-
di« F. II.
r'fv t ri -r
loient lecljer a un reu lent. Leschairs & ïqs erail-
Melle Racolte /• , r • ^ . r 1 r
diRataufio, les Scvaporoicnt a ce reu par la tranipiration ,i

tora. j.
^ quand il ne reftoit plus que la peau fur les os,
d'ovSr ils les portoient dans leurs Temples ,, où ils les

clïift^dîfn-
confervoient avec beaucoup de foin de refped. &
^ia cap. X.
, C'eft fans doute de cette manière qu'on conler-
.iJelle
4iRamufio,
Racolte -/-ri
voit aulh iQs corps des Incas du Pérou , & des
t r»t « 1 ' 1

*^"' ^*
perfonnes dévouée? , qui fc faifoient mourir avec
lui.
Plusieurs Peuples de l'Antiquité , outre les
Egyptiens & les Ethiopiens, avoient leurs ma-
nières de delTécher les corps, & de les embau-
mer , que les Auteurs ne nous détaillent pas af-
fez. Celle que je viens de décrire , fe pratiquoic
dans la Virginie , dans la Floride , chez les Nat-
chez 3 chez les Oumas, chez quelques autres Pfu-
.

AMER I Q. UA N I s; 35^^

pîés de la Louifiane &


des Indes Efpa^noleSy,
,

qm ont un Etat Monarchique, des Chefs abfo! &


lus. Pour ce qui efl des Hurons des Iroquois ,. &
<jui font: plus
Répubiiquains , je n'ai pas lu ,.
ni oui dire, qu'ils ayent jamais mis cette diftin- '

étion. entre leurs Chefs & le commun Peuple.

'
Lecorpsétanthabillë 52 place, les larmes & Nénîes »
Its plaintes qu'on avoit été obligé de contraindre "a°iere de
^^^
jufqu'à ce momeilt , commencent alors avec or-
tiZll
dre & en cadence. Une Matrone qui tient lieu
en cette occafion, de ce que les Romains appel-
loient Prajica, ou la Pleureufe , * entonne la
pre-
mière le branile, que toutes les autres femmes
fuivent, en gardant la même mefure, mais
y ap-
pliquant différentes paroles qui conviennent
£
chaque perfonne, félon hs differens rapports de
parenté ou d'affinité qu'elles ont avec le mort..
Cette mufique dure ainfi pendant quelque temps
j
après quoi l'un des anciens impofe fîlenee
, &
tout cefle dans l'inftant, en forte. qu'on
n'entend^
plus aucune plainte.
'
Cette manière de pleurer avec art &: avecmc-
îhode ,.- mérite une confiderarion particulière
ji,
parce qu'elle peut fervir à nous faire entendre
ce'
que c'étoit que les Nénies des Anciens & ce
,

-* Cakpims. Prxfica. PtxÛcA


maher in funere conduéta ad la-
fortia defundli ftcSta^ Jaiidat. ÎW
diâa , quafi in hoc ipfura pr«-
mentabilem canrum quœ csete- s k-
, fcâa,
lis modum plangendi cftendit^ &
19Î. MOEURS D,E;S SAUV/AGES
<jue les AuE-eurs ont-voulu nous (îgnificr par css
mors , facere lejjum.
GtutW ,
de Gruçher dit , qu,e Jcs plu« fçavans iiommcs de
I. cap. 14.
'
l'Antiquitié ayant douté. de la fignification.de ces
termes, ce ne doit point .être un fujet de honte
pour lui de l'ignorer. Il cite en effet un.paffage
ciceroi. de,de Giceron , lequel â l'occafion de -ces paroles
^^'
• ,des Loix de Solon, qui avoient été tranfportées
dans les douze Tables., mùlieres gends ne ra'dunto^^
.nc've lejjum funerii ergo habento , dit, -que les an-
."ciens Interprètes Sextus ^lius &c L. Acilius^
»avoienc avoiié qu'ils .nje les entendoient .pas ;;
« mais qu'ils imaginoientquece pouvoit être une
" manière d'habit de deuil. Xélius,, .continue, ce

«grand Orateur ^ ,a cru .que.le -L^effus.étoit une


» de lamentation , ainfi que le mot le porte^,
forte
« ce que je crois, ajoûte-t'il ,. d'autant plus .vrai-

"femblable, que, c'eft cela m^ême.que Solon dé*


•• fend-
GruAcvWJ. Gruther embraflant^enfuite le fentîment de Ci-
xScT'^ ceroHj le confirme parain paflage de Plaute,, .oti
.il eftdit, que Thetis fit le Leffus à fon fils Achille

par fes lamentations Thetis quaque etiam Umentari'


:

do Leffum fecit filio. Enfin il ajoute , & .finit , en


difant , que de fon temps , encojre en vieux lan-
gage Champenois, on appelloit.wff LeJJe du mo.c
Lejfus i le xrifte fon des cloches qui annoncent le
ttépas , & femblent pleurer les morts. On ap-
appelle auffi un Ldy dans nôtre vieux Gaulois,;
ie .ton plaintif,, & les ,chants funei;aires.
L'Efcarboc
«

A ME RI Q^U A IN s. 3.5)3

L'Efcarbot nous fournit cîes exemples moder- hi/i. de u


mes de ces lamentations muficales ufitées en quel-
i
^J'^'^
ce,
3-
^JT'
pati.

ques Provinces de France. Car après avoir rap- ^h. *«.

iporté ce que l'Hiiloire nous apprend de l'ufage


desî Egyptiens & dts Pleureufes Romaines , il .

continue ainfi «Chacun fçait que les femmes^


:

de Picardie lamentent leurs morts avec de gran- '

des, clameurs Les femmes de Bearn font «


encore plus plaifantes; car elles racontent par «

un jour tout entier toute la vie de leurs maris. «

La mi amoii la mi amoucara rident œil de<«


,

fplendou , cama leugé, bet danfadou , iomé ba-«


km balem , Iomé lourbat , mati de pes fort «
tard cougat, ôcchofes femblables-: C'eft^à-dire, «,
mon amour, mon amour , vifage riant, <Eil<le«
fplendeur jambt 1-égere & beau danfeur, le «
,

mien vaillant, le mien éveillé, matin debout j«r)


fort tard au lia: , &c. «• Il citeencore Jean de Hift. aci'A-
Lery , qui raconte la même chofe des femmes ''^"'^^''*''
<de Gafcogne , & qui en htp porte ce« paroles..
« Yere yere, oie bet Renegadou, o le bet Jou-«,
gadau quçre I C'eft-à-dire, helas helas ô lé-[ ! !

beau 'Renieuif , ô \t be^u Joueur qu'iliétoit, « tes, •• 'c^uk

femmes de Bearn & de Gafcogne doivent ayoir


retenu cet ufage des anciens Celtes Iberiens j donc
il eft probable que les Peuples de ce oais-là ti-
rent leur origine. ^'A'z':2
~f(Ges lamentations cadencées étoient quelqucri
'fois appelées fimplement Chanfons:, de l'efpece:

de ccrlles qu'on nommok Threni parce qu'elles .,

Tome IL D dd
3i>4 MOEURS DES SAUVAGES^
étoient telles que font les lamentations de Jeré-
mie. Quelquefois elles étoient; nommées Eju-
lations ou Hurlements, parce que le ton en étoit:
. fi douloureux, qu'il approchoit fort des hurle—
mens des Loupsi C'eft ainfi qu'Homère dans fon
Odyflée^a expliqué les regrets de Pénélope fur
l'abfence de fon fils Telemaque, par le terme
dyfr.°ub.
4' 0'?^Avli , eJuU'vip. Le Poëte dit , que Pénélope
V- 767-.
ayant fait un facrifice , & s'étant retirée dans fou !

appartement, fe prit à hurler en pleurant fon


fils. C'eft aufifîâ quoi les Prophètes font allufion,,

quandu, prévoyant les malheurs à venir , ils ex-


hortent JèJs Filles de Sion à hurler. L& terme »/«*>
l^e vient très-frequemmênt dan^ les faintes Ecri-
tures. Enfin on les appelloit fimplement des
Ezecii. cap.
plçyrs, à caufc de leur ufaçe 8>c de leur fin. Eze-
chiel parlant dé ces femmes qu'il avoir vu ido-
-A! ^ Idtrer dans le Temple , &- chanter des airs lugu-
bres à l'honneur d'Adonis , dit qu'elks pleuroient
Adonis, plàngentes Adonidem. On doit expliquer
ainfi les pleurs des femmes Egyptiennes fur leur
Dieu Apis, aUfîi-bien que ceux des femmes de
^jJ^"^^°/gj]Lybie , a qui Hérodote dit, qu'on a^ttribuoitTori-*
gine de ces fortes de Nénies dans les Temples^.,
parcequ*el'es s'en acquitoient excellemment bieni
H eft à remarquer , qu'il n'y a que les femmes-
à qui ces Nénies foient attribuées. Lts hommes
l€s regardent comme indignes d'eux , & con-
cf:iip;nenr leur-douleur au-dedans de kur cœur y
tenant leur tête baiffée ôc enveloppée de leur
bûU '
.V:.
A MER .1 QJU A I N S. 395
robe , Tans dire mot, & fans faire le moindre éclat.
=11 femble que cela a été ainfi dans tous les temps.

La Loy de Solon, qui interdit les Ejuktions , ne


regarde que les femmes. Jafon,^pour exprimer
la douleur qu'on doit avoir de l'abfence des Ar-
gonautes dans leurs familles , ne parle que de
leurs Mères & de leurs Epoufes. «Nos Mères, Apoii. Rhod.
dit-il , & nos Epoufes font à pr^fent afîifes fur «
Lib.j.v.^j,

Je rivage , & font pour nous le LéfTus, comme»


.il nous étions morts. « C'eft Tbetis , c'eft Pene-

-lope , qui pleurent ainfi leurs enfans. On ne lit


pas la même chofe des hommes.
Les hommes pleurent cependant leuTs morts y
-mais d'une manière noble , &c qui n'a rien de
foible , comme ont coutume de faire dans
ils

leurs fcftins , lorfqu'ils chantent leur chanfon de


mort, & qu'ils danfent l'^thonront, ce qu'ils ap-
.pellent aufll pleurer. Il eft ^rai que , quand ils

xhantent dans les feftins pour pleurer leurs morts,


/leurschants & leur 4:adençe ont quelque chofe de
.plus lugubre , que leurs feftins a chanter ordi-
«naires.
Macrobe * rend raifon de l'Inftitution de ces Macrob. in

«chants funéraires i &c il dit , que le motif qu'ont £i"p'!''Lib. t^

^eu les Nations de Iqs mettre en ufage , a été la "p- î*

-^erfuafion intime où elles étoient, que les âmes


* Macrob. in fomnium Scip. rutit , perfuafione hâc , quia poft
Lilf- 2. cap. 3. Mortuos quoque ad corpus , animx ad originem dul-
fepulcutam profequi opportere cedinis mufics ( id eft ad Cœ-
-cum cantu plurimarum gentium lumj redire credantur.
vel Religionutn InAituc» Taïuce^

Pdd ij
l'^C MOEURS DES SAUVAGES^
en fe Téparant de leurs corps , remontoient aîi;

Ciel où efl; l'origine de k mufique , & de cette


,

harmonie charmante qui fait leur félicité , & dans^


laquelle confifte la beauté de cet Univers, ainil
"que nous avons dé}a remarqué j^que c'étoic lidét:
commune d'es- Payens*.
'.'W T '
r
Comme la dan€e fait partie de cette harmonie, ô£
fuppofoienrqueles Corps céleftes, que les
qu'ils
efprits qui les font mouvoir , & que les âmes des
hommes qui remontent a leups Sphères, font toâ--
jouTs dans le mouvement d'mi ba.1 perpétuel , il ne
faut pas être furpri^ que les' Anciens j ainfî que las
"Sauvages de nos jours, ayent eu aiiffir des dan-
fes thrëriiques, & qu'ils ayent honoré leurs mores-
en danfant, comme ils le faifoient en chantant».
Je me contenterai de citer , pour prouver cet
ufage des Anciens , & fur-tout des Orientaux , ce
Atmnîan. qu'Amuiian Marcellin rapporte des devoiïs fu-
'^'

j^.caVi.
'
nebres qu'on rendit a Grumba-tes Roy des Ghicy-
. niens, &: Prince Royal de Perfe, fils de Sapôres.
«Pendant Pefpaee de fept jours, dit-il , tous les
« hommes fans exception , diflribués par diverfes
'
»»troupes, palferent letemps à des feftins fune--
» raires , fuifant des lamentations fur ee^^ jeune

* ^mmiam's Marcellin. Lib'. Au , in prirnavô flore fuccifafn


'
Xix: V4p. r. Per dterumr fpaciu-in ifemgentis folitisflecibuscondi-
feptem , viri quidera omnes per mabant ; ut lachrymare culcri-
contuberhia &
manipulos Epufis cesVèneris fœpè fpedantur in /b-
indulgebant faltando , &
cantan- lemnibus Adonidis /àcris, quod
dà triftia qua^dam gênera Nsnra- fimulachrum aliquod efîe frugum
rum , regiùm juve'nem lattientan- adujtarum Reiigionesmyfticœ do?-
îej. Feminsyeràfliifexabiliplaa'. cent.'

#
A MEK I Q^U AIN S; "
557
Prince, en danfant &c en chantant une forte de -«^

Nénies, dontle ton étoir fore lugubre. Les fem--»


mes de leur côté, pénétrées de douleur de voir •»
leur efperance tomber comme une fleur coupée , «

iorfqu'elle commence à s'épanouir , faifoienr"


retentir l'air de pitoyables cris , femblables à ces»
femmes dédiées aux myfteres de Venus, lorf- «
qu'elles pleurent la mort d'Adonis , &c. «

Les premières lamentations n'ont pas plutôt


ceffé qu'un de ceux de la Cabane fe détache
,

pour donner avis au Chef de la? Tribu , de la


perte qu'ils viennent de faire. Celui-ci prend foin
de faire publier la mort dans tout k Village. Il
députe en même temps dans les Villages voifins
ùù le défunt avoit des alliances y ôi fi c'eft un
Chef,. on- fait, autant qu'on peut , avertir tous
ceux de la Nation ^ afin qu'on vienne de toutes
parts lui rendre les derniers devoirs.-
Cependant on frappe fur \es< écorces, & l'en
fait beaucoup de bruit, afin d'obliger l'ame da
défunt d-e s'éloigner defoncorps, & de fe rejoin-
dre à fes Ancctres. J'ai déjà remarqué dans l'Ar-
ticle de la Religion , que c'étoit un ufage de
l^Antiquité , en particulier x Lacédemone a la
mort des Roi^, de faire retentir de toutes' parts
leuTs Cymbales d'airain , aufquelles ils attribuoienc
la vertu d'éloigner le5 Spedres-j.les Maney, ôc lèS'
mauvais génies.
x]Cj Les parens.ôc lesamis du défunt étaîit avertis^
deifon décès, fe rendent à fa Cabane, où ckt-r
Ddd iij.
,

0^% Ni OE U R S DES S ^UW A€ E S^


gcun fe place fans rien. dire. L'AiTembléeécc-rnc fot-
;mée , cette Matrone,, que j'ai appellée du nom
,de Prafica^ ou la Pleqreufe , «ntamealors undif-
courspour raconter, dans le dernier détail, tout
(Ce qui s'eft pafle a l'égard du xnort., depuis les
premiers fymptomes de fa maladie jufqu'au mo-
ment de Ton trépas. Ce difcours fini., les pleurs
recommencent, & toutes les femmes, tant celles
:de la Cabane , que celles qui fe trouvent préfen-
jtes , accompagnent leur mudque de yéritableis
larmes que les femmes ont toujours decomman-
»de. Ces pleurs font interrompus par quelqu'un
,des Chefs , ou des iConfiderâbles, lequel impofe
filence pour faire un autre diCeours ,, qui fert
id'Oraifon funèbre , & qui roule fur les fables de
ileur Religion,, fur les faits héroïques de leurs
Ancêtres, fur les éloges du mort, & furies mo-
rtifs que doivent avoir les parens pour fe confdler

4ide fa perte. >Ces difcours , quoique ;ïkns art , njs

.manquent point d'une certaine éloquence natu-


relle & pathétique , qui met dans tout fon jour
jlcs belles qualités du défunt , & où l'on n'omet

..aucune des condderations propres à tempérer la


douleur d-esafrLfl:ans,&: principalement de ceux
.qui y prennent le plus grand intérêt.
Cette AfTemblée , laquelle eft comme générale
iétant-congédiée , on invite enfuke fuccefGvement
les familles particulièrespour venir pleurer à leur
./tour , *& on affign^ à chacune fon Jour & fon
-temps pour la jcétémanie. Xa Plqureufe recom-
A' ME R I Q^XT AIN $:. ^p^
màence fon difcours en faveur des nouveaux ve--
nus le LeiTus fe fait fur nouveaux frais. & il fe'
:

trouve toujours un Panegyrifte de forte que pen-r ;

dant quele morteftexpofé, il eft toujours gardé >


&: prefque continuellement loué & pleuré. :

Les regrets que eau fe la pf éfence du mort d;ans Feftin pous


Mous.-
îi Cabane , y font oublier le foin d'y préparer à ^"
manger^ Il n'y a gueres que les enfans qui font
tôtir quelques grains de bled d'inde pour ap-. ,.

paifer la groffe faim qu'ils ne font pas en état de^^


loiJtenir comme les perfonnes formées, & à qui^
il coûte peu de pafifer plufieurs jours de fuite fanfi\

manger. Mai^ le jour de l'Enterrement, le Chef-


fait faire le cri dans le Village dès le matin , afiii*
que dans chaque Cabane on fafle chaudière pous-
le défunt; G'eft un vrai feftin funéraire , prati*-
qtié' par les Anciens , &
connu fous le nom de
Sflkernium's parce que ceux q^ui le préparoienty
'"*^-'

y gardoient le filence & n'ytouchoient pas. Les


,

Sauvages ne prennent, & ne réfervent rien de laM


chaudière qu'ils ont drefîée. Ils la diftribucnt toute -

entière en divers plats qu'ils envoyent dans des


Cabanes différentes, d'où on a le foin deleur ré-
* Silicernium ^ariè exponi fo- jus nomînfe inftituebatur ea res ,
let. Nonius efTe funèbre
Sctibic is }am filentium cerneret. Dona-
convivium quod fenibus exhibe- "
tus ait elFe cœnam quœ infertur --

tur. Varro. Funus executi , laiitè Diis Mambus , vel qQod eam fi-
ai fepulchrum antiquo more Si- lentes cernant umbrs j id eft ura^
îkernium coniecimus. Féftus do- brae poflideant, velquod qujhicff
ce: effe farciminis genus quo fa- inferunt cernant neque degul^'--
iniiia inludtupqrgatur, quja euff' ténti •' '
4^0 MOEtJR^ DES SAUVA^GES
pondre par le même devoir de civilité. C'eft ainfî
qu'ils fe confolenç mutuellement dans le deiiil
commun. On peut appeller cela une Fête car j

pour une chaudière qu'ils ont préparée, il leur


vient de divers eadçoits une abpndance de met:s
dont ils peuvent fe régaler. Cette mode eft en-
core en vigueur en plufieurs païs, où l'Enterre-
ment efl: fuivi d'un repas magnifique pour le^.
Gonviés , dans lequel on achevé de pleurer les.
morts , ^n mangeant bien , .& en buvant de
même.
Le premier ou troifiéme jour après le tré^
le

pas, font deftinés pour la fepulture, à moins que


des confiderations particulières n'obligent à dif-
férer plus long-temps, comme il arrive, quand
le mort eft d'un rang, à exiger ^que les Chefs des
Villages éloignés £c rendent à (çs obfeques-, ce
qui ne fe peut faire dans un espace au m
court
que celui de titrois jours. Alors: on diffère la cé-
rémonie au feptiéme, ou même au neuvième jour.
Ces jours étoient confacrés dans le Paganifme
pour ce.trifte devoir, & l'Eglife même. a encore
retenu quelque chofe de cet ufagfi. j ..

Tout étant prêt pour les obl.eques , on fait le


cri dans le Village, ôc déboutes parts on fe rend
à la Cabane du mort, ou les N-énies recammen^
cent encore conime ci-devant après quoi les Pol-
•,

lindteurs placent Je cadavre fur une -efpece de


brancard ,femblable à nosbieres'ouvertes ; le por-
tent à quatre fur leurs épaules jufqu'au lieu de
la
Â'M E R I Q^U A INS. 401
% fepùlture , où tout le monde l'accompagne '

-dans un profond filence.


Quelques-uns fe font perfuades , que les An-
(Ciens ne faifoient point morts par la
fortir leurs
porte du logis , parce que la porte avoit quelque
diôfe de (acre, & qu'elle eût été prophanée par
fon paflage , de la même manière que ceux qui
rouchoient un cadavre, dcvenoient immondes ,
& avoient befoin d'être purifiés. Cela n'eft pas
-cependant exactement vrai dans tous lesx;as. Les
Anciens expofoient leurs morts à la porte de leurs
maifons , comme on fait encore aujourd'hui a Pa-
ris, & en quelques autres endroits. Ils ne les met-
toient ainfi à la porte, que parce que, félon tou-
tes les apparences, on devoir les fiire fortir par-
lli. Perfe nous fournit une preuve de ceci dans
'l'exemple d'un libertin, qui fe tue par fes débau-
ches , & qu'il nous repréfente les pieds étendus
dans {a bière vers la porte de fa maifon.

•In portant rlgiios cakes extendit. Pcrïîus, $«»

Il yavoit néanmoins des occafions que la fuper-


ftition avoit marquées j où cette coutume s'ob-
fervoit.
Le Père le Comte nous rapporte un ufage fem- tsio«v. mî-
Chinois & il dit, que la Reine mère chine tuHli,
'blable des -,
la moires de
,

de l'Empereur, à préfent régnant, étant morte, *pi*7'


les Bonzes repréfenterent à ce Prince, que félon
l'ancienne coutume, il falloit abbattre une partie
des murailles de fon Palais pour y faire paflTer le
Tome II* Eee
401 MOEURS DES SAUVAGES
corps, parce que la famille Royale feroit expofée.*
à beaucoup de malheurs s'il paflbit par les portes
ordinaires. Ce Prince ,, qui ne donne point dans-
ces forres de fuperftitions , s'y oppofa , & fe mo-
qua de la folie de leurs vaines obfervations.
Reiat. de la Le Pcre le Jeune en fait une loy générale pour
Nouv. Frarce
pour l'an les Sauvages. Voici comment il parle : » Mon
J6f4. ch. 4,
p. 8/.
"hôte 3 dont j'ai fouvent fait men-
&c le vieillard
»tion, m'ont confirmé ce que j'ai déjà écrit une
» autrefois, que le corps mort du défunt ne fore
» point par la porte ordinaire de la Cabanes ains
..on levé l'écorce de l'endroit ou l'homme efî:
mort j pour faire paflcr fon cadavre. Le Père le
..

Teune doit avoir mal compris, en nous donnant


pour une règle générale , ce qui ne peut être en-
tendu que. de quelques cas particuliers.

Differens L' Inhumation par laquelle on rend à la terrc


«figesdela u^ corps formé de terre, a été la manière de U
dcpolicion j r
r ^ a > i 1

des Corps, oepolition des corps après leur mort, que lés An-
ciens ayent mis la premiereen ufage. C'eft celle
qu'avoient les Pa.triarches du Vieux Teftamenc,
les Egyptiens & les Perfes même, ainfi que le té-
cicero, Lib; moigue Ciceron en parlant du Tombeau de Cy-
rus : Aéihiquidem antiquijjimttm Jèpultura ^en»s fuijfs
tidetur, quo apud Xenophontem Cyrus utitHr.
La fiTperftition , le caprice , la crainte de la.

prophanacion , & d'autres paffions , introduifirent


cniuire diverfes autres pratiques, fur lefquelles
Eon a vu de la variation , non feulement chçz^
,

AM E R IQJJ A I N S. 405
:îcsNations différentes , mais encore chez les mê-
mes. Les Grecs, les Indiens ôc divers autres Peu-
ples, faifoientconfu mer les leurs par le feu , &
recuëilloient leurs cendres dans des Urnes. Les
Romains adoptèrent cette manière après l'exem-
ple que leur en donna Sylla , lequel craignit pour
îbn Tombeau les mêmes outrages qu'il avoit fait
a celui de Marins. ïLes Romains l'avoient eue vatcr.Mïx.

aufïi dès les commencemens , & Numa défendit Piin'i'us/ùb,

qu'on fit brûler le fien. Les Perfes au contraire, '3"?. 13.


regardant le feu comme un fymbole
de la Divi- maf.'^pud

nité , auroient cru commettre une impieté, s'ils 5^°^™o'.


-

lui avoient fait confumer une chofe aufli im- strab.Lib.iî;

pure , que l'étoit un cadavre dans l'idée des ^^f^Lib^^i"


Anciens. Cependant quelques Auteurs aifurent , Procop de
,1 *^
I ' ^r I J . •
1 ' « .1 Bello Peifico,
qu lis avoient ciiange lur cela d idée qu ils , de Lib. i.

les faifoient brûler dans les derniers temps. Aga- Agattiw,

thias & divers autres, racontent d'eux, qu'il ne


leur étoit pas permis d'enfevelir leurs morts avant
^ue de les avoir expofés aux chiens & aux vautours:.
éc que de la manière dont ces animaux s'y pre-
noient pour les dévorer , ils tiroient des confe-
quences de l'état heureux ou malheureux de leur
Éternité. Cela fe pratique encore par les Gaures
qu'on croit en être defcendus , aum-bien que dans
l'Hyrcanie, oii l'on nourrit des chiens exprès ,
que les Anciens nommoient les Chiens fepulchraux.
Pour ce qui efl: des autres Nations plus barba-i
res^ elles avoient differens ufages de fepulture en^
core plus extraordinaires Nous lifons dans les
£.ee ij
404 MQEFRS DES SAUVAGES
Htrodot.Lib. Auteurs, que pkfîeu^rs Peuples de Scythie & df-

stiab\lb 14.
t'I"^^ engraifToient leurs pa-rens lorsqu'ils étoienc
Diod. Sic. parvenus-àun certain âge, après quoi ils les égor-
iib.4. geoient pour en fai^re uiv feftin à leurs ami^ d'au- i

tres expofoienc leurs malades dans les forêts , les^


laiflant à la mercy des bêtes-, qui ne manquoienp
pas de dévorer,
les &
de prévenir la faim , & les-
autres difgraces d'un fî cruel abandon. Les Tro-
glodytes infukoient aux cadavres des leurs j ils^
les exporoient fur le haut d'une montagne, ils^
kur attachoient une pierre aux pieds , & leur
mettoient une corne de chèvre fur la tête en- ;

cet état ils déchargeoient fur eux une grcle de-^


cailloux , jufqu'à ce qu'ils les eufl'ent fait tomber
dans le précipice -, après quoi ils fe retiroient ,-

rianc & fe divertifTant du plaiûr qu'ils s'étoienc


Diod. Sic. donnés à cette cérémonie. Les Ichtyophages jet-'
,,. r> f toient dans la Mer tous leurs corps morts, corn-
•«AX»'' me pour payer une efpece de tribut a la Mer 5c
aux poiflbns qui leur fervoient de nourriture. Les-
Peuples de k Colchide enfev-eliflToient les femmes,.
& fufpendoient à des arbres les corps des hom-
mes , enfermés & coufus dans despeaux de bœufsF
ceux de Thrace , qui pieu roient à la naiflance de
leurs enfans, leur rendoient les derniers devoir*
par- toutes fortes de marques de réjoûillance.
Quoiq^ue les A^jteur^ , qui ont parlé de ces cou-
tumes, ayent peut-êtTe dit vrai quanr au fonds
& à la fubftance deschofes, je fuis perfuadé néan-
moins que la pliîpart font^faulTes , eu égard à cer-

''*
.sîf^"

<>
,

K MER r Q^tJ A I N S. 40^


Carînes circonftan ces qui nous repréfentenr cts
,

Nations comme beaucoup plus- barbares, qu'elles


ne l'écoient en effet. En Amérique ou nous voyons
encore la plupart de ces ufa^es , ou bien des ufaV
ges prefque femblables , nous découvrons des mo-^
tifs qui adouciflent en quelque forte , & qui cor-

rigent ce que ces ufages, regardés en eux-mêmes


préfentent d'abord de trop barbare; lî eft vrai
qu'il f€ trouve quelques Nations qui ^ni mou-
rir leurs vieillards , ainfi que je l'ai déjà dit î
mais elles eroyent Ifeur rendre fervice, & les dé-
livrer- d€s incommodités d'une vierllëflTe que les
«irconftànces rendent pliis defagréables que la-
rnort : Il eft vrai qu'il y eii a qui font feftin des
cadavres de leurs parens' mais il eft faux qu'el-
;

les les mettent a mort dans leur vieilleffe, pour


avoir le plaifir de fe nourrir de leur chair, 52'
d'en faire un bon repas; Qlielques Nations de
1- Amérique Meridionaîe , qui ont encore cette'
coutume de manger les corps morts de leurs pa-
rens, n'en ufent ainfi que par pieté piété maî^ '>

entendue a là vérité , mais pieté colorée néan^


moins par quelque ombre de ra:'ifon car iïscroyenir' \

kur donner une fépulture bien plus honorable,,


que s'ils les abandonnoient en proye aux vers Ôè;
à la pourriture. Il fe peur faire aufïi que les an-
ciens Auteurs ayent été trompes , en ce qu^ilsi
rapportent- des Peuplesde Thrace , qu'ils pieu—
roient à la naifTànce des hommes , ôc qu'ils le ré—
jpûiflbient i leu^: mort- j ik auront été trompés^
Eee iijv *
4t)«r MjOMJaS DES SAU^.ÂvG:ES
dis-je, en ce qu'ils n'auront pas compris, que ces
pleurs des parens .3 ,à la nailTance des enfans .,

-étoient une pénitence & un exercicede Religion,:


infticué originairement pour lé péché, femblable
à ce que pratiquoient les Tihareniens , & que
pratiquent encore aujourd'hui les Ameriquains
Méridionaux aux couches de leurs femmes. Ik
auront été pareillement induits en erreur par rap-
port aux devoirs funéraires, voyant les Peuples
de Thrace faire feftin, danferôc chanter ne fça-» j

chant pas que danfer & chanter, c'eft & dans leur .

idée 5c dans leur langue , la même chofe que


pleurer. On peut dire auffi en gerveral , qu'il eft
fauxvrairemblablement qu'il y ait eu aucune Na-
tion., qui fe (oit fait un fujet de plafifir de la mort
des Gens nous n'en connoiflbns a-ujourd'hui au-
;

cune , qui ne Toit très-fenfible à la perte de leurs


parens , de leurs amis de leurs Concitoyens , 6c>
!,

de toutes les perfonnes qui doivent leur être che-^


res , fur-tout lorsqu'elles. meurent d'une mort pré-,
maturée.
Dans l'Amérique Méridionale quelques Peu-:
pies décharnent les corps de leurs Guerriers ôc- .,

îes parens mangent que je.


leurs .chairs ,, ainfi
viens de le dire & après les avoir confumces ^
;

ils confervent pendant quelque temps leurs ca-,

davres avec refpedt da^is leurs Cabanes;, ôc ils-^


portent ;ces fqueletes dans les combats en guife
d'Etendard , pour ranimer leur -courage par .cette
vûë, Se infpirer de h terreux i leurs ennemis i^
AM E R IQ^U A r^î s. 4«f7'

<tî'autres les laifTent pourrir en terre jufqu'à l'An-


niverfaire, auquel ils leur rendent de nouveaux
devoir^', comme je le dirai ci-aprèsu
DanS' l'Amérique Septentrionale les flinois-
gardent encore l'ancien ufage dès Peuples de la
Colchide , enfevelifTant les femmes , & fufpen-^
dant à des arbres les corps des hommes , couTus-
dans des peaux crues de Bœufs fauvages , ow
des autres animaux qu'ils ont pris à I4 chafle.
lies Hurons &
«|uelques- autres Peuples de ce
voifinage , élèvent leurs corps morts
dans
des châfles, qui font exhauflees fur quatre po-
seaux de dix ou de quinze pi^ds d'élévation de ',

h. même' manière, que Nicolas de Damas 3it , Nicoi.Danv


que les Phrygiens enufoient pour les cadavres de Si/S
Scim* ,

leurs Prêtres ou de leurs Coryhantes. Les Iroquois, '

ks Caraïbes 5 les Bréfîliens, & le plus grand nom-


bre des autres 5 fuivenf la méthode de mettre les
corps dans la terre, & ils la pratiquent , au moins
pour les Guerriers , de la même façon que le die'
cet Auteur j, dont les dernières paroles du palTage
que j'ai cité ,. font très -remarquables car nori j

feulement ils rendent le corps a la terre la mère


commune des hommes j- mais ils l'y placent dans
la même fituation , où eft unembriondanslefein
maternel :lieddttur emm terra corpus , &
ita loca- citata.

ium acjitum quajt operimento matris ohcimitun Ils obw .

fervent même quelquefois ce qu'Hérodote racon-^"""^"'-^'!»*


te des Nalamons j qui ayant la même coutume
d'enfevelir les corps, les rnçttoient dans cette ppfr
,

4o8 MOEUR>S DES SÂUVA<;ES


ture, avant qu'ilseiilTem rendu le dernier foâpir.
Comme e^vifagent la mort d'un air plus
ils

tranquille que nous, ils n'ont pas aufïi ces mc-


nagemens d'une faufle compa^fïion^ &
cette déli-
catefTehoateuCe à des Chr^étiens., qui fait qu'on
n'ofe annoncer à un mourant le danger où il efi:
quoiqu'il s'agiiTe de Ton Eternité , qu'on aime
mieux rifquer , que de l'effrayer. Il arrive affes
fréquemment parnù ces Barbares , qu'on dife a
un malade que c'en eft fait , qu'il ne peut plias
vivre. On (Croit m-ême le confoler , en lui mon-
trant, cpmmenn. témoignage de l'affedion qu'on
a pour lai , les robes précieufes , & les ornemens
qu'il doit emporter dans le Tombeau robes & »

ornemens préparés fouvent depuis long -temps


avec le même zélé & le même principe.de ten-
drefle , qui faifoit travailler Pénélope avec tant
de f^oin à la robe -fepulch-rale de fon Beau-perc
Laërte. Le malade çfl; Souvent aufïi le premier à
fe condamner, llannonce le premier fa mort pro-
chaine à fes pa.rens il fait aflembler fes amis , ôc
-,

Ipur fait feftin pour leur dire adieu il leur four-


:

nit l^i-mime des motifs de confolation dans la


perte qu'ils vont faire , & avec le même fang
froid, qu'auroit un homme qui fe diipofe a un-
petit voyage, il fe fait lav'er , graifler , peindre,
& empaqueter tout vivant d^as la même fitua-
tion qu'il doit avoir dans le fepulchre. Combien
d'Européans à cet inftant fatal raourroient d'Jxor'-
jreur d'un fenjblable appareil >

Un-
«

ÀM E R I Q^U A I N s. 405?
TJn moment avant que de mettre le cadavre dan s KrUtm, jc
la fo/Te, le Maître des Cérémonies lui coupe au J5 Nouvelle
fommet de la tête un toupet de cheveux qu'il ramsuct-
donne â fon plus proche parent, ainfi que l'écrit '^'
ie Père le Jeune. Cette adion n'efl; pas fans myf-
tere elle étoit facrée chez les Payens , qui re-
i

gardoient les cheveux comme dévoués aux Dieux


Infernaux , & qui croyoient que les mourants ou
ks morts ne pouvoient defcendre aux Enfers s'ils
n'y avoient été initiés par l'offrande de ces pré-
mices. C'eftce qui adonné lieu à Euripide d'in- Eunpij, ,•«

'^"^*
rroduire Orcus ou Charon , qui dit en parlant
,

d'Alcefte. » Cette femme defcend dans la mai-


fon de Plucon. Je vas vers elle pour l'initier avec «

.ce glaive. Car tout homme, quel qu'il puifTe «

être dont ce glaive a coupé les cheveux , eft «


,

une viélime deftinée aux Dieux Infernaux. « Vir- virgii. Lib.


^""'*'
gile après Euripide, a feint auffi que Junon en- ^'

voya Ifis a Didon mourante , pour lui couper le


cheveu fatal confacré à Proferpine , fans quoi
fbn ame ne pouvoir fe détacher de fon corps. Se
fe préfenter furies bords du Stix. Il n'y avoit pas
jufqu'aux animaux deftinés aux facrifices , furie
front, ou entre les cornes defqueis on n'enlevât
quelques poils , qu'on offroit aux Divinités Infer-
nales avant que de les immoler. Il femble que
ItEglife a voulu fandiiîer dans fes Enfans cet
ufage qu'avoient les Payens , ayant établi que
ceux qui fedeftinent aufervice des Autels, com-
jBencent à s'y faire initier par la Tonftire, la^
Tome IL Fff
-

410 MOEURS DES SAUVAGES'


quelle pour eux le fynibole d'une mort myf*'
eft

tique, & d'un renoncement entier èc abfolu au?


monde prophane , & à toutes les pompes da&
fiécle.
Cela a été unede prefque toutes lès Na-
folie
tions d'enfevelir avec les morts dans leurs tom-
beaux j fur-tout fi c'étoit des Princes ou d'autres^«
perfomies de. marque , ou bien de confumer avecj
eux fur leurs bûchers, des meubles précieux , de;
grandes richefles , des offrandes , des mets en
abondance, en un mot, ce qu'ils avoient de plus
cher jufqu'aux efclaves , & à, leurs époufes mê«-^
mes, ainfi que cela fe pratique encore dans- les
grandes Indes comme fi; toutes ces chofes dé-
i

voient leur fervir après leur mort , accompa- &


gner leurs âmes jufqu'au lieu de leur reposa- Les^
Juifs, & Chrétiens eux-mcmesont rendu de&,>
les

honneurs civils aux leurs, qui , a la barbarie près ;,,


approchoient fort de ces coutumes payennes,
cefar de
Ccfar fait mention dans fesCommentaires, de
ub, î. certams braves daulois qui le devouojent a la
perfonne d'un Grand , & couroienr avec lui les -

rifques de fa bonne ou de fa mauvaife fortune i


de forte que s'il arrivoit qu'il périt ,- ils fe fair
fôient tous mourir avec lui, ou fe tuoient après
fa défaite, fans que de mémoire d'homme il s'en.,
fût trouvé un leul qui eut manqué à ce poinj
d'honneur. Chez les Natchez , à la Louifiane, le
Chef, & la femme Chef (c'ell-à- dire la mère du.
Çhef^ ou bien celle, defes tantes j ou defeçfœurs.
A M E R I QV AI NS. 4„
«lu côté maternel , laquelle 3 félon les règles de
la Ginécocratie, eft à la tête de la Nation , & si
qui on rend les mêmes honneurs qu'au Chef
même) ont auiïi l'un & l'autre un certain nom-'
bre de perfonnes qui leur font attachées avec un
,

pareil dévouement , &


à qui ils donnent dans leur
langue un nom qui répond a celui de Dévoile:^,
Ces perfonnes accompagnent toujours le Chef,
'OU la femme Chef, elles font entretenues a leurs
frais , veillent fans ceffe à leur confervation , Se
f)rennent part a tous leurs avantages a toutes &
eurs difgraces. La plus grande de toutes ces dif-
graces , c'eft la mort de celui ou de celle i qui
leur vie entièrement engagée. Car, dès
eft
que ceux-ci ont payé le tribut à la nature , elles
font auiïi dans l'obligation de mourir. Le choix
de la mort ne leur eft pas libre j il faut fuivrë
rufage établi , &
mourir en cérémonie. Tandis-
que le corps du défunt ou de la défunte eft en-
core expofé fur la pierre qui eft à l'entrée du Tem-
ple , &
qu'on eft fur le point de mettre fin aux
obfeques , on paiTe au col de ces malheureufes vic-
times une longue corde qui les tient toutes, & qui
eft fortement arrêtée aux deux extrémités par ceux-
qui doivent les étrangler. En cet état elles com-
mencent une efpece de chant & de danfe qui
dure quelque temps-, après quoi on ferre par.
les deux bouts, & l'on voit ces miferables mou-
rir , en tâchant de garder encore la cadence & la
îmefure des pas jufqu'au dernier foûpir. C'étoit
fffij
412- MOEURS DES SAUVAGES"
là ,
(du moins à ce qu'on m'a afluré, car je ne-
parle ici que Voyageur) la Loy
fur la foy d'un
qui étoic établie parmi eux. Depuis que les Fran-
çois font établis eii ces pa^ïs-Ià on les empêche
,

d'en venir à l'executiond'unfacrifice.fi inhumain.


On peut bien fe perfuader que cela ne fait pas
de peine à ceux qui font engagée à une Ci. rude ~

folde. ,;

Il y avoit un ufage femblable dans l'ifle Ef-


Conzaieso- pagnole. Oviedo dit, qu'à la mort des Chefs, qu'il.

Shira!^' nomme Caciques y on enterroit avec eux plufieurs-


Lib.j. cap.j. perfonnes de l'un & de l'autre fexe, & en parti-

culier plufieurs de leurs femmes , vivantes, lef-


quelles fe faifoient honneur de cette mort». & fe
perfuadoient qu'elles l'accompagnoient dans le
Gomara
, Ciel OU dans le SoleiL Lopez de Gomara affure
2finl«"' lii même chafe , qui eil encore confirmée par
c.t8.
Liv.
i^ pieffe Martyr,
/ »
lequel
T dit,, que le Cacique.
^ ^T T.
Be-
Pet. Martyr.
iecad.3. Lib. hucio aya^t paye le tribut a la nature, la iœur
''
Anacaona voulut faire enterrer avec lui plufieurs
de Cqs femmes toutes vives mais que quelques
•,

Religieux de fiiiiit François s'étant trouvés là ,


firent tant par leurs prières ,, qu'elle £e contenta
d'en faire enfevelir une feule , laquelle voulut-
avoir la préférence fur ks autres ; celle-là étoit
très-belle, elle fe para de tous fes ornemens les
plus beaux & ne fit mettre dans le fepulchre,.
;y

avant que d'y être enfermée, qu'un vafe d'eau,


un pain de maïs , & un autre de cafiTave.
Paur ce qui eit des autres Sauvages , quoiqu'ils
"\
j

A ME R 1 Q^U A I N S. 413
/©ient dans les mêmes
principes qu'ont eu les an-
ciens Payens fur ce point, je n'ai point oiii dire
qu'ilsayent poufle les chofes jufqu'à cet excès de
cruauté , que d'immoler des perfonnes, pour qui
toute la Nation devroit s'interefler , plutôt que
d'augmenter le deiiilpar la multitude des viâi-
mes. Il eft vrai qu'ils font feftin tîes chiens du
défunt, & que lorfqu'ils bnulent, ou qu'ils ru cnr
.
un Efclave , qui a été donné pour un de leurs
morts , &: en fon nom , ils eroyent appaifer fes-
Mânes en le faifant mourir , comme nous avons,
dit •,mais au jour de leur fépulture on ne voit rien
de fanguinadre &c de révoltant ils mettent même ;

affez peu de chofe dans la tombe ou dans la biere^


Les habits dont il eft revêtu, quelques petits pains y
un peu de fagamité, fa chaudière, fon facàpe-
tun , fo-n, calumet,, une courge pleine d'huile,,
quelque peu de porcelaine , un peigne, des ar-
mes ,, des couleurs pour fe peindre , & quelques
autres bagatelles femblables font toutes les pro-
vifions qu'il emporte dans l'autre monde.
Ils eroyent peut-être faire quelque chofe cîe
plus agréable pour le mort , en diftribuant à fes
amis vivans , &
à toutes les perfonnes pour qui'
il a eu quelque confideration , tout ce qui lui ap-

partenoit, &
toutes les ehofes dont ils PeuffenE
\?oulu voir jouir lui-même.
On diroit que tous les travaux , toutes les
fiieurs , tout le commerce des Sauvages , fe rap-
portent, prefque uniquement a faire honneur- aux
i £f ii
414 MOEURS DES SAUVAGES
morts. Ils n'ont rien d'afTez précieux pour cet
efFec. Ils proftituënt alors. les robes decaftor, leur
bled , leurs haches , leur porcelaine en telle
.quantité qu'on croiroit qu'ils n'en font aucun
;cas, quoique ce du païs.
foit toutes les richefles

On les voit fouvent prefque nuds pendant les ri-


gueurs de l'hyver , tandis qu'ils ont dans leurs
caifles d^ bonnes robes de fourrure ou d'étoffe
qu'ils deftinent aux devoirs funéraires chacun fe ,=

faifant un, point d'honneur ou de religion, de pa-


roîtrc dans, ces occafions libéral jufqu.'à lamagni-'
fîcenceôc à la prodigalité; de manière qu'on peut
dire, que rien n'eft mieux marqué chez tous les'

Sauvages en gênerai , eu égard à leurs anciennes


coutumes, que le refped pour les morts,, ;&: le
fouvenir de leurs Ancêtres.
Pour fournir à cette dépenfe, les pârens , & les
armis viennent couvrir le mort pendant que fon
cadavre encore expofé dans la Cabane.; c'eft-
eft
à-dire, qu'ils viennent apporter des préfens pour
honorer fes obfeques. Ces préfeils font comme
partie du teftament du. défunt, dont ceux de fa
Cabane fournirent le plus gros lot, ne fe réfer4
vaut rien,, non feulement des chofes qui lui ap-
partenoient ,, & dont là viië pourroit aigrir leur
affliction mais y ajoutant encore du leur avec
:

une profiifion qui les épuife prefque entière-


ment.
De ces préfens, les uns font étalés fur des per--
.

ches, ôi les autres expoi£sà terre fur des eftra-


A'M E R lau A I N s. 41^;
clés premièrement dans la Cabane , & enfuite
,

dans le Cimetière. Tandis qu'on accommode le


cadavre dans fon fepulchre, un des-- Confidera-
bies , élevé de deux ou trois pieds au-delTus de.'
l'AflTemblce, fait à haute voix la diftribution dé-
cès legs pies dont la valeur monte fort haut , fé-
lon la diftindion &c le rang de confideration où '

étoit le défunt.
Ces diftributions étoient communes chez les
Romains, &: confiûoient en. argent, ou en é'au-
très chofesd'dfaget,.. comme le. bled, le- vin ,
^m :i*\1
l'huile , les viandes , le £el^ ainff que cela fe voi'ti'

encore dans lés Médailles^ les Infcriptions , les


Epitaphes, & Les autres monumen^s qui nous ref-^
cent des débris dse rAntiqAiité.-"-) ss^l'J '.oiaiîti-c
Outre cette profofion de prèfens, <]Ui deviénr'-
utile à ceux à qui on: les donne , il s'en fait en-^
core une autre chez les Iroquois chez les Mu- &
rons, laquelle ne-paroït avoir d'autre fin que l'of-i*
tentation. EUe con^fte dans une grande quantité'
de bled qu'an jette devant la porte de la Cabaiié'l{t
& qu'on a foin de fouler aux pieds, afin qu'il hé
prenne envie à perfonne de le ramaffer. Le moins^*
qu'il y en aif^pour un particulier , c'eft fa pro--**
vifion , & ce qu'il en pourroit confumer peni^"
dant une année. crû dtvôir ne pas oiïiettre^
J'ai
cette circon (tance , parce qu'elle peut nous don**
ner lieu de conjedurer qu'on a eu autrefois cette
même coutume en quelques-iunes denës Provint»-'
ces de France 5 où' l'on jette encore devant 1^^
j^i£ MOEUHS DES SAUVAGES
porte des perfonnesqui viennent de mourir, I&rf-
<ju'elles oAt été mariées & établies en famille,
quantité ., non pas jde bled à la vérité, mais
de paille ôcde bâle de bled , comme un fignal
de la mort. Cela peut être en effet un refte de
pratique ancienne, dont la Religion & le temps
auront réformé l'abus , en fubllituant à une chofç
utile qu'on facrifioit par fuperftition & par va-
lîité, le fuperflu de cette même chofe; d'autanc
mieux qu'on en peut tirer une moralité , toute
,

chair étant comme la paille & le £bin,Ainfi que


^îfai. cap. 40.
p3j.|g p£criture : Omnis caro famm.
Rhodigin. Leurs fofles font dç petites loges creufées ea
Lib. 19. cap.
jjjnJ comme dcrS puits •>
ce qAii leur fit donner
autrefois chez Anciens le nom de Puticuli.
les.

On les nat^:e en dedajis de .tous xotés avec des


écorces & après y avoir logé le cadavre, on y
j

fait une voûte prefque au niveau du fol avec des


ç.corpes fembjablesj & des pieux qu'on charge de
terre, & de pierres i ujiejceriaine hauteur, qui
fie auffî donner a ces Tombeaux les noms à'Jg-

gjer & de Tumulus. On enferme après cela tout


cet efpace , en bâtiflant au-deflus une loge avec
à^s écorces ou des planches,. ou bien on l'entoure
avec des perches qu'on affujettit par le iiaut, ou
elles fe i:é}.ini{Tent en forme conique ou pyrami-
dale ;modèle fort jfimple de ce qu'étoient ces
monumens dans leur première origine ; mais que
1^ vanité des Nations changea depuis en Maufor.
Jées jfuperbes , que 4e temps qui dévore tout,
con-
TL. 2,û t^m. z p'a^- ^17
.
A M E R I Q^U À I N S. 417
confume aufli-bien, que les corps qu'ils renfer-
ment.
On joint au Tombeau le Cippus. C'efl: un po-
teau comme une efpece de tropiiée , auquel , Ci
c'eft un Guerrier , on voit fon portrait & Tes bel-
les acStions peintes, delà manière dont j'ai expli-
qué ailleurs que fe font ces fortes demonumens;
on y ajoute aufïi quelques-unes de (qs armes ou
lin aviron & fi c'eft une femme, on y attache
:

des colliers à porter le baga'^^e, ou bien d'autres


cîiofes qui foient de leur compétence.
Enfin , pour finir la cérémonie de l'Enterre-
ment par une refTemblance plus entière avec les
coutumes des Anciens, de la même manière qu'on
donnoit autrefois auprès du Tombeau le fpeâia-
cle d'un combat de Gladiateurs , lefquels dévoient
leur Inftitution à cette cérémonie lugubre , &
qu'on nommoit Bujfuarii y* du nom du Tomteau
même les Sauvages mettent fin aulE à cette lu-
;

gubre fête par un jeu qui n'a rien de barbare


, &
de fanguinaire, comme les, combats des Gladia-
teurs Romains. Un des Chefs qui préfide à la cé-
rémonie, jette de defllis la Tombe au milieu de
1^ troupe des jeunes gens, ou n^et lui-même entre
les mains d'un des plus vigoureux , un bâton de
la longueur d'un pied , que tous les autres s'efFor-

* Ca-efin. Bufiarii. Gladiato- & tecURl


îlloBuftuariogladiatore
jes aicfli junc , qui ante fepulchra & cum CoUega cuo decertandura
in honorem defundli digladiaban- fuliFat.
Xor.Cieer. in Pifon. Si mihi .cum

Tome IL ^S cr
4i8 MOEURS DES SAUVAGES
cent de lui arracher, & que celui , qui en efl le.:

maître, tâche de défendre le mieux qu'il peut. Il;


en jette un femblable parmi la troupe des jeunes,
femmes Ôc des jeunes filles, lefquelles ne font pas-
de moindres efforts pour le ravir , ou pourle con-
Aprèscecombatqui dureaflezlong-temps^».
ferver.
& qui fait un fpedacle agréable , mais ferieux ,.
on donne le prix qu'on a deftiné pour ce fujet à-
celui &c à celle, qui ont remporté la vidoirei en-
fujte de quoi chacuri/ fe retire chez foi. On doit
avoir fait attention dans ce que j'ai déjà dit, que.
les jeux entroient dans les exercices de Religion j
j^ai remarqué déjà, comment les Devins en ordon-

nent quelques-uns pour la guérifon des malades::


en voici de funéraires ,& d l'honneur des Morts;
C'eftainfi que les jeux folemnels de la Grèce étoient'
inftitués à l'honneur deieurs demi-Dieux , & fe
célébroient au Tombeau de leurs Héros cela- :

pourroit être une preuve ,,.que c'eft à la Religion


^ue les jeux doivent leur première origine.
Quoique ceux qui ont traité de la Gymnafti-
que ancienne , n'ayent point parlé , & n'ayent
peut-être pas connu cet exercice du Levier, il
Saitjft.apua étoitpourtant familier aux Romainss Saluftenous^

«miSi'^'^^ fait connoître ,-.'en difant du grand Pompée ,•


Lib.
I. cap.
<>,
qu'il fe forma à devenir un aulîi grand homme
qu il le rut depuis, en s exerçant' a laulter avec
les plus agiles^ à courir avec les plus lelles , &
a arracher le Levier avec les plus vigoureux : Cum
alacrihus faltîi i cum 'Velocihns curfu^ cum vulidU veÛe
certabat.
,.

A M ë K 1 Q^U A ï M S7- '


-415
X'Inhumation eft commune à prefque tous hs Rocfccfoit

î^euples de l'Amérique Méridionale, ainfi que je JJfXmiîî«'


viens de Leurs fofles {ont aufïi creufées en.
le dire. li'^-*. c. h'.

rond & après avoir bien graifTé le corps du dé-


-,

funt , on le met dans cette fofle enveloppé de fon


hamach. Il eft dans la pofture d'un homme afïîs,
ayant jambes pliées contre les cuifTes, les cou-
les
des entre les jambes, & le vifage courbé fur Ces
mains. Avant que de couvrir lecorps, les femmes Du Tertre

-environnent immédiatement la foffe aflifes fur Amiii«!"


^^'
leurs talons , les hommes fe placent derrière el- jT^fj'
les fitués dans la même pofture. Alors les fem-
mes commencent leurs Nénies , verfent des lar-
mes en abondance , & pouffent des cris lamenra-
'bles, -capables de toucher les cœurs les plus infen-
fîbles. Leurs maris fondent en larmes à leur imi-
tation, mais fans éclat ; ils les embraffent d'une
main, &
paffent l'autre fouvent fur leurs bras j
comme pour les confoler , ou les exhorter <le coiV-
tinuer à pleurer. Les Nénies ayant cefte , un hom-
me met fur la fofle une planche , 5c les femmes la
couvrent de terre. Elles brûlent enfuite fur la
Tombe des offrandes , & tous les meubles du dé-
funt. Si c'eft un père de famille , la foffe eft faite
dans fa propre Cabane les autres font enfevelis
-,

ou à côté de leurs Cabanes , ou bien <ians leurs


jardins , & ils ont coutume de dreffer Une petite
Café fur le Tombeau.
Chez tous les Peuples , les devoirs funèbres
ïi'étoient pas les mêmes pour tout le monde. On
410 MOEURS DES -SAUVAGES
en faifoit plus«ii moins j felôn le différent d^gré
de eonfiderationdes perfonnes. La Religion &c la
Police avoient aufïi leiirs Loix affe^Slées. La Jus-
tice humaine privoit des-dçoic^ de la fepukure les
criminels , 8ç elle etoit obligée de févir contre
eux au-delà du terme de la vie , pour inipirer dé
l'borreurdu crime. Par une Loy de Numa , ilétoit
Refendu de rendre les honneurs funèbres à ceux
qui avoient été frappés du foudre. On féviffoic
pareillement contre ceux qui s'étoicnt défaits eux-
mêmes. On fe co'mportoit aulïi différemment à
l'égard de ceux qui étoient morts en guerre, fur
Mer , & dans des pais éloignés,
La. privation de la fepulture eft chez les Ame-
riquainçiî ;& une tache infamante, &: une cruelle
punition. Il y avoit des Loix, difent nos Rela-
tions , pour les e;nfans decedés peu après leur naif-
fatice-,; & il pâirok certain qu'ils en avoient auiïi

d'autres- pour les cas differens , dont voici un


exemple, par rapport à ceux qui étoient moris de*
froid dans les neiges , & par rapport a ceux qui
avoient eu le malheur de fe noyer. j.

/^ Ils .croyoient alors que tout, le pais- étpit me-

nacé de qiielque défolation , & que le Ciel étoit


en colère., Ç'eft pourquoi ils n'oublioient rien
pour l'appaifer. Ils cherchoient le cojtps av.eç
grand foin , ôc s'ils étoient affez heureux pour le
trouver , il fe faifoit un concours noml^reux de
-de tou,s les Villages , comme pour. un,e .ckofe
q;ui intereflbic toute la Nation. On augmentoit
FI 2.h . tâ-tn. 2 pà^ .
.jf
j.
,,

AM E R I O.U A I N S. 42.1

le nombre des préfens & on doiibloit


, celui des
feftins. Le corps dans le Gi-
étoit enfuite porté
jneriere , &
étoit expofé fur une natte élevée
à, l'un des côtés de laquelle on faifoit une foffe,

& de l'autre un grand feu , comme pour une forte


de facrifice , dont les chairs du moft devoiens
être la vi(£lime. Cependant les Pollindteurs, ou
de jeunes gens deftinés en vironnoienu
à cet office^
le cadavre, & avec des couteaux ils en décou-
poient toutes les parties les plus charnues , lef-
quelles avoient été crayonnées auparavant par un,
Maître des Cérémonies , ou peut-être par un De-
vin. On jettoit ces morceaux de chair dans le feu ,
à. mefure qu'on les enlevoit. Ils ouvroient en-
fuite le cadavre, & en retiroient tous les vifceres,
qui étoient aufli la proye des fiâmes, après quoi
ils mettoient le cadavre ainfi décharné dans la

foffe , qui lui avoit été préparée.


Pendant ce temps-là ks jeunes femmes , parmi
lefquelles fe mêloient les parentes du défunt
faifoient comme une proceffion, & tournoient au-
tour de ces jeunes gens- , qu'elles exhortoient à
.

bien s'acquiter de ce trifte miniftere, elles leur &


mettoient dans la bouche des grains de porcelai^
ne, comme pour leur fervir de récompenfe de
leur pieu£e cruauté. Si l'on manquoit à cette cé-
rémonie , ils regardoient, comrne une punition du
Ciel, tous lesfiniftres accidens qui pouvoient leur
.arriver dans la fuite. ioo eai >'> sKiii
Thomas F uller prétend ainfi accorder deux
4^1 M OE U R S DE S S AU V A G E S
Thom.Fuiitï paflages de l'Ecriture Sainte au fujet des corptf
in
Sigt
pifgah-
of. Pa-
jjg 5aùl & de L'un eft au Chapitre \u
Ces enfans.
1 T« •!•
n I 1
leftio. Lib. .. du premier Livre aes Rois , auquel il eft dit , que
cift. Lond!" les braves de.Jabés Galaad les enlevèrent du mur
de Bethfan , où ils avaient été fiifpendus , les &
portèrent à Jabésoii ils les brûlèrent , &: enfe-
velirent leurs os dans le bois. L'autre eft au Cha-
pitre dixième du premier des Paralipomenes , qui
porte feulement qu'ils enfeyelirent leurs oflemens
tous un chêne, qui étoit a Jabés Galaad. «Les
••Guerriers de Jabés Galaad , dit cet AiJiteur, for-
» tirent la nuit, & paiTerent le Jourdain, enleve-
» rent les corps de Sa;ul & de fes enfans , les em-

» portèrent chez eux, brûlèrent leurs chairs, 8c


» enfevelirent leurs oflemens au pied d'un chêne ,
« qui étoit auprès de la Ville. Je nefçais fur quelle
autorité il s'appuye pour donner une telle inter-
prétation. Peut-être pourroit-on dire qu'ils avoienc
î'ufage de delTécher les corps en les faifant bou-
caner , que nous avons dit , qu'on en
ainfi ufoit
pour les Caciques dans l'Ifte Espagnole.
Les Iroquois, les Hurons ^ ôz plupart des h
Nations fedentaires , ont des Cimetières com-
muns auprès de leurs Villages. Parmi les Nations
qui font à la hauteur des Terres dans la Nou-
velle France , il fe trouve des perfonnes , qui
ayant fait fécher les corps de leurs parens^ & des
perfonnes qui leur font chères, les retirent en-
fuite, & les confervent précieufement dans leurs

?b°ïp.^5ji
Lib,
Cabanes, imitant encore ce qui eft dit dgs Egy-
-;?

AME R I Q^U A r N S. 42$


ptièns, qui les mettoienten dépôt entre les mains-
de leurs créanciers, lefquels étoient plus aflurés,"
avec ces gages , qu'ils ne l'euflent été avec les
meilleurs contrats. Les Algonquins ôc les Na-
tions errantes enfevelilïent les leurs dans les bois-
au pied de quelque gros arbre.
Thomas Fuller conjed:ureque c'étoit un point "^^o™- PaH"
de la Religion des Hébreux de choifir leur iépul-
ture au pied des chênes $ parce que cqs arbres pa-
roiflfant morts pendant l'hyver , femblent reffuf-

citer au printemps ce qu'il prérend être un fym-


5

bole de la Réfurredion future des corps au jour


du Jugement. Nous avons afTez d'exemples que
les Payens en faifoient autant dans les premiers^-
temps. Je* me contenterai de citer ici celui que
riipporte Virgile du Tombeau de Dercenne Ray vîrgii.^.
""''
des Laurentinsi , Sb^fof '

Fuit ingens 3 monte jhh alto i

i H^gis I^ècemni terreno ex a^ere hujlum


Antiqui Laurentis, ejpacâque ilice teélum.

Il eu peut-être plus probable que c'étoient de cer-


chênes toujours verds , qui pouvoient être plus^i
naturellement un fymbole de l'Immortalité.
Les honneurs funéraires qu'on a rendus aux
morts dans tous les temps , &
les précautions
qu'on prenoit pour ne manquer en rien aux ufa-
^es établis , n'ont eu pour fondement que l'opi^-
Dion commune de^ toutes les Nations , que i€s>
42-4 MOEURS DES SAUVAGES
Ames en fouffroient , fi l'on manquoit à la moin-
dre chofe de celles qu'on croyoit être dues à leurs
obleques.

Sentiment il de démêler au jufteceque


eft aflcz difficile
des Payens
j^^ Anciens penfoient au fuiet des Ames, après

Mânes. leur leparation d avec le corps. Ils lemblent en


avoir diftingué deux dans la même perfonne ;
l'une qui erroic fur les bT)rds du Stix, jufqu'â ce
ce que l'on eut rendu les derniers devoirs au ca-
davre , après quoi elle paiToit ce fleuve elle étoit
i

jugée par les trois Juges redoutables Minos*,


Eaque, & Rhadamante elle fouiFroit le châti-
"
i

ment dû à {es crimes dans les difFerens étages du


Tartare , ou recevoir la récompenfe proportion-
née à Tes mérites dans les champs Elyfiens, ou
'

bien même dans les Cieux, lorfque fes adions hé-


roïques l'avoient élevée au rang des Héros & des
demi-Dieux. Uautre Ame étoit moins réelle ;

elle n'étoit que comme l'ombre, l'image, & le


fimulachrede la premières elle reftoit dans fon
Tombeau , ou rodoit fouvent autour on pou-
j

voit facilement l'évoquer par la voye des enchaij-


temens elle fe montroit d'elle-même à différen-
i

tes perfonnes, fur-tout aux paréns & aux amis -,

elle épouvantoit (es ennemis en faifant l'office


des furies & elle s'évanouifloit comme une va-
,

peur, lorfqu'on croyoit la tenir.


D'autres au contraire ne placent dans les En^
fers que l'ombre &
le fimulachre. C'eft ainfi
qu'Ho-
,

AMERTQ^U A INS. 41^


'qu'Homère Ulyfle, qu'il avûl'oml)re
fait dire à Hom» o-
^''
<l'Hercule dans les champs Elyfiens; mais que pour vf 601.'
'

lui il étoit dans le Ciel , où il aflifloit au feftin des


Dieux. 'Lucrèce s'explique fur cela très-clake- Lucret. Lib,
^'^'^'
ment, quand il dit , qu'Ennius a imaginé dans
4es Palus Acherufîennes des Temples , où nos
corps & nos âmes ne parviennent jamais , mais
feulemenj: certains fimulaehfes ^ qui font d'une
£xtrême pâleur.

mfe y^cheru/ta Tem^U


Ennim aternis exponit verjtbus Edens ,

^«0 neque pernjenmnt Anima , neque corpora noj^ra

Sed quidam Jimulachra modis Jpallentia miris.

Ovide ,dans quelques vers qu'on lui attribue, •

iliftingue quatre chofes dans l'homme, lefquelies,


après la mort , fe féparent. Les Mânes , la Chair
l'Ombre, ôil'Efprit. La Tombe renferme lâchait
ou le -corps» l'Ombre vole autour du fepûlchre;
les Mânes defcendent aux Enfers , & paflent 1«
'Stixi l'Efprit monte jufqu'aux aftres.

Bis dftojunt homini. Aianes , taro ,Jj^iriîus , umhra.


êluatuor ijia , loci his duo fujcipiunt.
Terra tegit ca,rnem, Tumulttm circumvolat urnhnn^
Orcus hahet Mânes , Jpiritus ajira petit.

Cependant les Poètes , -félon leur ufage , em^


'ployent indifféremment -les termes de Mânes",
Tome IL Hhh
4i(? MOEURS DES SAUVAGES
d'Ombres, d'Images, de Simulachres , comme
s'ils étoient fynonimes , & ne fignifioient cju'une
même chofe.
(Quoiqu'il en foin de leurs opinions^^, qui n'c-
toient peut-être pas trop claires , il eft confiant
qu'ils imaginoient encore quelque chofe dans le
Tombeau , même après y avoir enfermé le corps
avec toutes les cérémonies uiitées pour mettre
l'ame dans Ton repos > foit que ce fufîènt les Gé-
nies qui avoienc préfidé à la vie , & qui fe tc-
noient encore auprès du cadavre, tel qu'étoit 1&
vitg.^Qeid. ferpentque Virsilefait fortiïdu fepulckre d'An-
cnile, & qu 11 y fait rentrer après avoir goûte ^
toutes les offrandes q:u'y Enée au jour de l'An-
fit

niverfaire de la mort d« fon père-, foit enfin que


ce fufTent des efpeces de Divinités , connues fous
le nom de Drewe Aîanes, qu'on le voir encore
ainfî
par les înfcri prions. Dis Manibusy qu'on metroic
fur toutes les Urnes cinéraires^
En conféquencç de cette opinion, la pieté in-
duftrieufe des hommes leur avoit fait inventer
beaucoup de manières différentes de procurer aux
Mânes un parfait repos , & de les mettre à cou-
vert de l'infulfe des vivans. Non feulement ils
n'omettoient rien de ce qui étoit prefcrit pour les
funérailles , & pour enfermer les âmes dans le
Tombeau , comme ils s'expliquoient ; mais ils
continuoient encore pendant long-temps à y ren-
dre certains honneurs funéraires.
Il y en avoit de deux fortes. Les uns étoient
à ,,

A M E R I Q^U A I N S. 417
t.cnHus par le public , ou par toute la parenté en
commun, èc on les nommoit Parentalia. (a) Les
autres étoient rendus par les particuliers , &c on
les appeiloic InferU. Dans les unes & dans les au-
tres de ces cérémonies, on purgeoit le Tombeau,
xlont on arrachoit les épines & les ronces , on y
mettoit des couronnes de fleurs \ après avoir &
invoqué les Mânes , on répandoit dans des fofTes
faites exprès, des coupes de vin, de laid:, & du
ûng des victimes j on y jettoit des fèves & àts
légumes, dont on s'imaginoit que les âmes ve-
noient prendre leur part. Il y avoir aufli des jours
lieftincs à ces devoirs de pieté , fçavoir le tren-
tième, & l'Anniver faire, fans préjudice de ceux
c[ui étoient du choix de l'affedion , & de la ten-
drefTe.
Le pour cette raifon
lieu de* la fepulture «toit
îin lieu facré qu'on ne pouvoit violer fans crime
t& que les ennemis mêmerefpevfloient [h) à moins >

jque ce ne fuflent des Barbares , tels qu'étoient les


Grecs eux-mêmes dans les premiers temps. Ho-
mère , Dydis de Crète , ôc Datés Phrygien , nous
fourniflènt plusieurs exemples de la brutale féro-
cité xle leurs Héros , qui portant leur haine au-
delà des termes de la vie , s'acharnoient fur les
corps de leurs ennemis morts , & leur faifoient

(a) Cicero 2. de Le^hts, Infcfîx, (b) Cicero j. de Legihus. Vœm


privatz func feris parentalia,
: fuicSolonis lege conftituta, fiquis
publics, atqueomnisparentatio buf^um auc violafTet auc dejecif^
civibus aut ùicoUs £efto colebatur. (ce

Hhh ij
'4^8 MOEURS DES SAUVAGES
iiiad. II. V. toutes fortes d'infultes. C'eft ainfi qu'Achille'
'*°'
traîne indignement le corps d'Hedlor autour des
murailles de Troye , & qu'il fe fait un combac
^çs plus furieux entre ks Troyens & les Lyciens
d'une part y &c les GrcGS de l'autre, dont les uns
vouloient avoir le- corps de Sarpedon pour l'ou-
trager, & les autres faifoient des prodiges de va-
leur pour 1« mettre à couvert de ces outrages.
'
Les motift de la Religion ne fuffifant pas toiV
jours pour arrêter ceux qui n'en ont gueres ,; ou
pour raflurer ceux qui avotent lieu d'appréhendée
la prophanation des fepultu^es ^ les Anciens pouc
y obvier , avoient été obligés de mettre des Gar-
des qui les défendiflfent , beaucoup moins contre
les hoftilités des ennemis de guerre , que. contre
les créanciers, les forcieres , & les voleurs. Apu>
Apuicï. Me- lée a fur cela un fort bel endroit au fécond Li-
tamorpi. 1.
^^^ ^^ ç^^ Mctamorphofes qu'on peut confulten-
Telleeftencoreaujourdhui l'opinion des Peu*-
pies de l'Amérique ils penfent que les âmes des
;

morts. fe hâtent defe rendre au païs de leurs; An^-


cêcres ,-_d'oii elles ne fe bazardent point de reve^
lîir ,. parce qu'il y a trop à foufFrir fur le chemin
qu'il faut tenir pour aller & pour venir. Cepen-
dant ils imaginent encore quelque chofe qui les
remplace:;dans. leurs Tombeaux, ils creyent les
voir dans les feux follets de leurs Cimetières &:
des marécages, & ils en racontent autant d'appa-
;;itions, que les bonnes vieilles femmes ontcod-
tume d'en débiter au- coin de leur feu.^
^,

A M ERIQ^U AINS. '


419
Dès que l'a me eft féparée du corps , ils Geflenc
de lui donner les noms qu'ils lui donnoienc pen-?
dant le temps de fon union. Les Hurons & les ,

Iroquois l'appellent Eshnn nom qui


; ,- a toutes.
ïes fignificationsde Mânes , Ombre,
Sjirajjia,

ehre. Image, que les Anciens lui- avoientaffedç^


Le Père de Brebeuf rapporte , qu'ayant con- Reiat. de r*

fiilté un ancien Huron & lui ayant demandé


,. pou"/i'a"""
pourquoi ils donnoient à des cadavres fecs & èhap V-^'p"^
arides depuis longrtemps^, les noms à'Es^nn^ o\x h6>

Matiikenny. ^ui ne peuvent fignifiei^ que les: Ame&j-


il conclud enfuite d& fa réponfe,. qu'ils imagi-
*noient que nous avions deux âmes , toutes deux
divifibles & matérielles , & cependant toutes de.ux
raifonnables que l'une fe fépare du corps, a la
:

mort , &: demeure néanmoins dans le Cimetière


jurqu'à la fête des Morts, après laquelle elle fc
change en Tourterelle, ou, félon la plus com-
mune opinipp , va droit au païs des Ames :
elle
l'autre eft comme attachée au corps , & informe
pour ain£ parler, -le cadavre,, demeure dans la
fblTe des Morts après la fête, & n'en fort jamais
fi ce n'eft que quelqu'un l'enfante derechef,, &
i^ue la preuve de cette Metempfycofe étoit la pai?->
^^faitereffemblance qu'ont; quelques perfon^es vis-
< .v-antes avec d'autres qui font mortes avant>elles: ,.

Lts idées de la Théologie ancienne fe font fi


fort brouillées, avant qued'arri ver jufqu'aux Saih-
vages de nos jours;, qu'il efl- prefque impoflibjff
<i&rien conclure- dé certain de- ce qu'ils difensl
Hhh iii
450 MOEURS DES SAUVAGES
Chacun débite fur cclaTes propres imaginatiom,
& raconte les chofes d'une manière différente des
autres. Dans ce changement de l'Ame en Tour-
terelle ou Pigeon ramier ( car ils ne connoifTent
point d'autres Tourterelles) je découvre encore
un refte de Théologie hiéroglyphique , dans
la
laquelle la Colombe étoit le fymbolé de l'ame
ou de l'efprit chez les Orientaux , & défignoit
tellement l'Ame , qu'ils avoient coutume d'en
mettre une figure au Cippus de tous leà Tom- ,

heaux ; ou bien un papillori , qui étoit au ffi le


fymbole de P fiché , c'eft-à-dire , de l'Ame. Quel-
quefois on mettoit les deux enfemble , tels qu'oa
les voit encore fur quelques Urnescineraires. Pour
ce qui de cette efpece de palingeriefieou de re-
eft
tiaiflance , dont parle le Père de Brebeuf, ils ne
l'-admettent guéres que pour les enfans, à qui la
mort n'a prefque laifTé aucua ufage de la vie.
C'eft pour cette raifon qu'ils ont coiîtume de les
enfevelir fur le bord d^s chemins, dans la per-
fuafion que leur arae errante pourroît rentrer dans
le fein de quelque femme à fon paffage. '' •

En confequence dç l'opinion générale qu'il refte


iquelque ch-ofe dans les Tombeaux 'i le corps de la
Nation fait fouventfeftih pour pleurer le« Morts.
Ceux -d'un Village fe tranfportent dans un autre
pour y rendre ces honneurs funèbres. L^ Voiifîns
& les Alliés ne manquent pas aufïi de garder ces
«levdirs de civilité éc-^àt hienfêance. Les particu-
lier*' vont pa^eiîîemçnt irès^fouviSBt ati Ton^eâu
,

ILMERIQ^UAINS. 4^,
pour y renouveller leurs pleurs, que les Romain*
prenoient foin autrefois de faire couler jufques
far les cendres par des ouvertures pratiquées à
Jtéurs Urnes. Ils arrachent
herbes qui y naif-
les
fent. Ils y portent fouvent du bled &c de la fa-
gamité , qu'ils y jettent par une petite fenêtre
qu'on fait exprès à la Cabane de planches ou
d'écorees qui y fert de Maufolée. Après quelques
mois ils ouvrenc de nouveau le fepulchre pour
voir fi le corps eft en bon état, &
pour fubfti-
tuer de* nouvelles robes à celles que la pourriture
aurQitdéjaconfumces; enfin, comme l'A me n'eft
pas tellement attachée à fon Tombeau , qu'elle
n'en forte auHi quelquefois pour errer aux envi-
rons, & revenir aux endroits qu'elle a fréquentés,
ils jettent fouvent des offrandes dans le feu de
leurs foyers. Les mères fur-tout à qui la mort a
enlevé leurs enfans dès l^âgc le plus tendre, ne
manquent point de temps en temps à rirer du
ki(St de leur fern ,. & à le jetter dans le feu , ou Rei«. de»»

fur la tombe , pour leurs enfans morts à la mam- ^o«T'/n"°'*


1534- ch.».
melle.
, Les Peupks de îa Floride faMbi^n't garder leurs caiciiaffo

Cimetières ; & lorfque Fernandde Sotoy arriva, nô^id^lt,


il trouva un Efpagnol qui avoit été fait efclave *' "?• *'

par les Sauvages, &


qui ravi de voir des gens
de fa Nation , leur racontoit parmi fes avantures,
qu'une de fes plus grandespeinesétoit d'avoir été
deftiné à la gar^e des corps morts dans le Cime-
tière contre les bêtes féroces, qui venoiém les dé»

L.
4yt MOEURS DES SAUVAGES
serrer pendant la nuit , & <iont il avoir penfé
être dévoré lui-mê-mc. Cette précaution peut être
bonne contre les &
contre ceux -ou celles,
bêtes,
.qui pourrQientfy:venir,camn^eCanidie, pour leurs
maléfices mais elle n'efl: pais -fuflBfante contre les
-,

cnnemis,<le guerre , qui féviiTent quelquefois dan^


(ces païs-là contre les cadavres de leurs ennemis,

;ce qui eft regardé comme l'boftilité ^la plus bru-

tale, &c comme la plus cruelle marque de l'inL-


jîiitié. il n'y a que peu d'années , ^ue des Na-

tions ennemies des Tionnontatés , qui font -les


Hurons établis au décroit , prophanerent leurs
'Cimetières, en difperferent les oiTements, & les
pendirent à des arbres.
Je ne fçache pas que les Iroquois ayent jamais
-eu le foin de commettre la garde de leurs Tom-
beaux i leurs Efclaves. Mais ilsont toujours été
fort religieux à l'égard de leurs mort« 6c de leurs
fepultuces. Néanmoins depuis l'arrivée des Eu-
rop^éansj & le grand commerce qu'ils font pat
Je mélange dos Nations, outre qu'ils fe font beau-
coup retranchés fur la porcelaine qu'ils enfer-
liioient dans les fepulchres la difette qu'ils en
;

ont eu ^ansla fiwte, a obligé quelques particu-


liers peu forup.uleuxi fouiller dans'les cendres de
jeurs Ancêtres , pour, en retirer cette porcelaine
ternie & à demi-jongée , ^u'on .reconnoît , &
xju'on'diftingue encore de forte que la même
5

avatice ,, qui a fait propbaner en Europe & en


ACiQ les Mauzfolées 4es ICois , où l'on efperoit
A ME R I Q^U A I N S. 435
trouver de grands tréfors, a fait violer à ces Peu-
ples miferables les afyles de leurs morts pour en
retirer ces bagatelles méprifables ànosyeux, mais
^ui ne l'étant pas aux leurs , excitent leur cupi-
dité , comme l'or enflâme la nôtre.
L'avidité infatiable des Conquerans du Pérou
&c du Mexique , leur fit ainfi prophaner toutes
iies anciennes fepuitures des Indiens, dans l'ef-

perance d'y trouver les richefîes immenfes qu'on


avoir coutume d'y enfevelir avec les corps. Dès
qu'ils les avoient ouvertes , ils fouloient aux pieds
les cadavres avec ignominie , & ils les jettoient
à la voyrie, comme ceux des bêtes. Les Indiens
en étoient au défefpoir & malgré la douleur e*x-
i

trême dont ils étoient accablés en voyant ces pro-


phanations , ils ne pouvoient s'empêcher, difent
les Auteurs de ces temps-là, de prier humble-
ment CQS impies prophanateurs de difcerner Iqs
richefles dont ils étoient fi avides , d'avec les cen-
dres de leurs Ancêtres , qui ne pouvoient leur
être utiles à rien qu'à la bonne heure ils empor-
:

taflTent l'or ôc les bijoux dont leurs fepulchres


étoient pleins , mais qu'ils laifTaflent les corps
morts dans le lieu de leur repos, afin de ne pas
Tendre leur réunion avec leur ame au temps de
]a Refurredbion future, trop difficile & trop pé- comara.Hift.

niblc, en difperfant çà & là leurs ofTements fans indi^s'/Lib!


cap. 17.
aucun refped pour leursMânes. j.

Soit religion , foit refpetSb pour les défunts ,


foit confideration pour leurs parens , il n'efl: plus
Tome H, lii
434 MOEURS DES SAUV'AGEST
permis de nommer une
perfonne morte par ani-
€un des noms qu'elle portoit durant fa vie ôc -,

tous ceux ou celles , qui avioient des noms* fem-


blables, font obligés de les quitter, ôc d'en pren-
dre d'autres, ce quife fait au premier feftin. Cos.
noms relient comme- cnfevelisi avec le cadavre ,,
jufqu'à ce que les regrets étant dilïipés & amor-
tis, il plaife aux papens de relever l'arbre.,. & de:
reflufciter le défunt.
A mon arrivé;e au fault S. Louis, les Mifïîon-
naires jugèrent, que pour me
donner du crédit ,,
je devois relever le nom. fauvage. du feu Père
Brùyas Miffionnaire célèbre ,, & extrêmement
ebnfideré des Iroquois, parmi lefquels il avok
pafTé un grand nombre d'années* Il n'étoit mort
que quatre mois auparavant & c'étoit relever ,

l*-arbre. trop tôt félon leurs ufages ; au fîi> quand


ilsn'étoiem pas contenss , pluiieurs me repro-
ehoient que je leur avois fait injure en prenant
le nom de leur Père cependant ils ne laifîbient''
}

pas de me regarder comme un autre lui-même,-,


parce que j'étois entré dans' tous fes droits.
C'eft un des affronts des plus fenfibles qu'on
puifle faire à" un Sauvage que de lui parler de fes
parens morts on ne leur en rappelle l'idée que
;

dans, les cas de néceffitéy & dans ces cas-là même


il faut ufer de précaution. Car, outre. qu'on n'ofe
prononcer le nom du défunt, ainfi que je l'ai
déjà remarqué ; on n'ofe pas même dire cru c-
ment qu'ii eft mort i S>c de. la. même façon que.-
AU Ë R I Q^U A I N S.
455
'éTiez les Romains, au lieu de dire mortms ejl , il

falloir dire, 'vixit , ahiit ^ fuit, ainfi qu'on l'écri-

voit fur les Urnes fepulchrales ^ il faut pareille-


ment de circonlocution parmi eux ,
fe fervir &
«Jire^ par exemple : Le grand Capitaine qui nous
a quittés, que nous pleurons, &c. L'idée du mort
ne s'évanouit pourtant pas avec lui & comme •>

pendant long-temps on rend certains honneurs à


Ion Tombeau, le deuil & les regrets durent aufïi
pendant un temps allez long.

'
Le Deiiil étantune marque de la tendrefle ré- Du DeUa.
ciproquc, qui fe trouve entre les perfonnes unies
parlefang, par l'amitié, ou par d'autres liens,
doit être regardé comme un devoir fondé fur la
nature. Toutes les Nations l'ont trouvé fi raifon-
nable , qu'elles ont été contraintes de l'établir
dans leurs Loix. Mais comme en cela, ainfi que
dan-s tout le refte , il y avoit fouvent de l'excès
ou de l'oftentation , il a fallu que les mêmes Loix
en-marquaflent les règles , & y prefcrivilfent dts
borner.
La Loy la plus eïTentielle, & le témoignage le
plus éclatant du Deuil , étoit de faire couper fes
cheveux-', car comme on initioit à la fepulture les
morts, ou les mourans, en leur coupant les che-
'veux confacrés aux Divinités Infernales -, c'étoit
aulH une efpece d'initiation & de mort myftique
pour les perfonnes qui appartenoient <îe plus près
.au défunt , & qui ayant de juftes motifs de le
lii ij
43^ MOEURS DES SAUVAGES
regretter témoignoienr qu'il ne tenoit pas w
,

elles qu'elles ne le fuivifTent , & qu'elles mou-


roient autant qu'il écoit en leur pouvoir..
Les Juifs n'avoienc point quitté cet ufage de la
Gentilité, malgré les défenfes de la Loy , expli-
Deur. cap. quées au Chapitre 14. du Deuteronome. G'efl:
!+• > *"'
pourquoi, lorfque Dieu les fait menacer par Tes
Prophètes d'une entière défolation , la marque la-
plus effrayante qu'il puiflfe leur donner de leur op-r
Ezeck cap. ptobrc , c'eft de dire qu'il étendra le cilice fur
Jeuj- dos, & qu'il répandra la calvitie fur leur
7. v.îs.

tête : comme aulTi ,


qu'il les fera périr, & qu'il:

ménagera tellement coups , qu'ils ne ferontv


fes
point enfevelis , qu'on ne les pleurera point , &
qu'il n'y aura perfonne qui fe coupe les cheveux
en figne du deiiil quedevroit naturellement eau-
fer leur perte.

Deut. cap. L'Ecritutc Sainte marque que les Gentils fé


14. v-i.
eoupoient cheveux, en figne de deiiil pour les-
les

morts , entre les yeux, c'eft-à-dire, au iommetdu


front peut-être y en avoit-il qui fe rafoient en-
;

tièrement j mais il paroît plus probable qu'on n'en-


coupoit que peu, & qu'on la iffoit pendre le refte
négligemment, fans les trefTer 8>c fans les noiier, ,

virgii. ^- ainfî que le dit Virgile des femmes Troyennes,.


Heid. 3. V. 6J.

Et circum lliades crinem de more foluta.

îl y en avoit qui dévoùoient leurs chevelures ai


leurs amis , & qui la leur mettoient entre les mains
iorfqu'on les enfeveliffoit, ou q^u'on les élevoitfur.
A MER r QJJ A I N S. 4^7
lesBûchers où on devoit les confumer. C'efl: ainft
qu'Achille mec entre les mains de Patrocle fa che-
velure, que fon père Pelée avoit vouée au fleuve Homer. r^
^*" "'
Sperchius,. fuppofanc qu'il retourneroic dans fa jj^^;

patrie. •.- :-->

On Gouvroirauffifâtête de cendres, & fa chair


du fac & du cilice : d'un vêtement
c'efl-à-dire ,

11 fé, déchiré ,.& d'une couleur lugubre, pour ex-

primer par ce défordre de toute fa perfonne, une,


douleur extrêmement vive y laquelle ne s'entre-
tient que d'elle-même. Dans cet état on fe tenoic-
aflis à terre fur des peaux de bêtes , on mêloit hr
cendre avec ce que l'on mangeoit
&c dans les ac-^ \

eès delà douleur, on fe répàndoitle vifage con-


tre terre, on fe £aifoit des incifions fur le corps ^*

on fe meurtriflbit la poitrine à force de coups; Les


femmes fur- tout fe diftinguoiènt par ces fortes
d'éclats, elles fe déchiroient le vifage , elles étour-
diffoient tout le monde
par leurs hurlements , 6c
faifoient cent autres extravagances , que l'on fut
obligé de modérer pour la confolation de celles
qui ne pleuroient que par grimace ôc par bien-
féance , plutôt que par un vrai regret pour des-
perfonnes, qui ne leur étant pas aufE chères qu'el-
les devroient l'être , meUrent pour l'ordinaire
beaucoup trop long -temps après les premiers
fouhait squ'elies ont formés pour les voir mourir.
Toutes ces marques de deiiil font marquées &
fouvent , & dans l'Ecriture Sainte ,- S>c dans les-

Auteurs Prophanes, qu'il n'efl pas nécefTaire de


îiiiij:
458 MOEURS DES SAUVAGES
s'arrêter fur cha<^ue chofe eii particulier , pout
l'appuyer par des autorités.
Le Deuil chez les Sauvages , a auffi fes Loix
confacrées par un u/age de temps immémorial,
qui porte le caractère de la plus vénérable anti-
quité. Après premiers jours où le cadavre a
les
été expofé d^ns ]a Cabane , & qui font untempâ
de pleurs continuels^ jlya.diix jours encore de
grand Deiiilj & une ann>ée enfuiteou deux, oà
le Deiiil eu plus. modéré.
Les Loix du grand Deuil font très-aufteres,;
car pendant cps dix jours, après s'être fait cou-
per les cheveux , s'être barbouillé le vifagede terre
0,u de charbon , & s'être aaiis dans le plus aiEreux
négligé , ils fe tiennent au fonds de leur natte la
face contre terre , ou tournée vers le fond de
l'eftrade , ayant la tête enveloppée dans leur cou-
yerrure, qui eu le haillon le^lus fale & le plus
mal propre qu'ils ayent. Ils ne regardent , ni ne
parlent à perfonne , fi ce>n'eft par nécelïité & à
voix baffe i detout devoir»
ilsfe ciioyent difpenfés
de civilité & d.e .bienféance à l'égard de ceux qui
viennent vifi-ter chez eux ils ne mangent rien
i

que de froid-, ils n'approchent point du feu,, mê-


me en hyver , pour le chauffer , Ôc ne fortent que
la nuit pour leurs befoins.
Dans le petit Deiiil , ils fe contentent de for-
tir rarement : de ne point affilier aux feftins &
aux affemblées publiques de fe difpenfer de
:

quelques devoirs d.ç la .civilijé .ordinaire d^ «g :


A M E R 1 Q,U A 1 N S. 43^-
point s'orner, Ôc de ne pus même graifler letir^
cheveux. •

Les devoirs funéraires n'étant pas ks mcmcss


pour toutes fortes de perfon nés, les Loix du DeùH
Be font pas égalesaufli pourtout-lemonde. Geux
qui y font, plus étroitement' obligés , ce font
l'Epoux & l'Epoufe. Dès que l'un des deux a payé
lis tribut à la nature, la Gab^ne du défunt
acquiert
un droit fur celui qtii refte , qu'elle n'avoit pa-s
du vivant de tous les deux. Car le Mariage
n'obligeant pas les eontradans- à pafïèr dans k
Gabane l'un de l'autre , & chacun ^eflan^ chez
foy, dès que la mort a rompu leurs liens, celui
qui furvitjfoit l'Epoux, foit l'Epoufe, eft obligé
de quitter fa Cabane, & de fe tranfportep pour
quelque tempS' dans la Gabane du défunt pour le
r«préfenter , & pour le pleurer en compgnie de-
fesparensi &
ceux-ci font- tellement les maîtres
de Ion E^iJil, qu'il? peuvent l'obliger à l'obfer-
ver rigoureufement félon les-ufages, ou bien le
difpenfer du tout , ou en diverfes chofes ,. comme'
il leur plaît.

Lorfque les Epeux fe font rendremènt aimés y


& qu'ils ont bien vécu enfemble
, ils cherchent

dans leur veuvage à faire leur Deiiil dans la ri.


gueur, & les parens , qui ont lieu d'être contens^
en ont du plaifir. Alors le Deuil allant fon train ,,
fe modère peu à- peu en vertu de certaines di^
penfes que parens accordent,.
les qui font dé- &
clarées en public dans les feftins par des préfensi^
440 MOEURS DES SAUVAGES
-qui témoignent leur volonté jufqu'à ce que le
temps du Deuil étant expiré , on les déclare par
une dernière parole, c'eft-à-dire , par un dernier
préfent , entièrement libres de fe pourvoir ail-
leurs. Cela fe fait en cérémonie en plein Con-
feil , où l'on habille la veuve , & l'on trèfle {qs
-cheveux que le Deuil l'obligeoit de porter épars.
Mais fi les parens ont eu lieu de fe plaindre dii
:peu de complaifance d'un Epoux ou d'une Epou-
le , dont les mauvaifes manières étoient un in-
dice qu'ils eftimoient peu leur alliance, ils ne leur
|)ermettent pas de remplir le temps de leur Deiiil,
•Se ils ne tardent pas à leur faire fignifier par ua

préfent qui eft le feul qu'ils doivent attendre 4


,

qu'ils les tiennent dégagés de tout ce qu'ils peu-


vent leur devoir en ce point, &
qu'ils les îaif-
ient dans leur pleine liberté. Avec cela néanmoins
il honteux à un homme veuf , encore plus
feroit
à Une femme veuve , de fe remarier avant le
temps préfcrit au peiiil ordinaire ^ &; fi ils le fai-
foient l'un ou l'autre avant que les parens dti
mort leur en euITent donné la liberté paT leur der-
nière parole , ils s'expoferoient «eux & les Epoux
ou Epoufes qu'ils prendroient , à toutes fortes
d'outrages qu'on feroit en droit , & qu'on ne
nianqueroit pas de leur faire.
Les femmes Iroquoifes qui fe font couper leurs
cheveux, ne fe font point rai'er entièrement. El-
les ne devroiènt proprement que retrancher cette

irefTe, qui leur pend derrière le dos, en la cou-


pant
A ME R î au A I N s. 441
fpant a la naiflance des épaules ; mais les parens
,àe l'Epoux confiderant, que c'efl; leur plus bel or-
nement , qu'il faudroic trop de temps pour que
ks cheveux revinîTem à leur premier état , & que
-ces femmes ne pourroient fortir de leur Cabane
pendant ce temps -là, les font prier de la con-
lerver. Alors el es croyent faire afifez d'en faire
tcouper une petite partie, &
pendre
elles laiflent

le refte négligemment, fans en prendre aucun foin.


Les hommes font aufîi couper quelque peu de leurs
cheveux & pendant cette opération , laquelle
-,

ne doit pas être douloureufe j le cérémonial -veut


que les uns & le^ autres témoignent par leurs pa-
roles, qu'ils en reflentent une douleur auffi vive,
>que fi on coupoit le fil de leuï vie. Les femmes
.de la Virginie femcnt leurs cheveux dans le Ci-
metière , ou les jettent fur la Tombe après les
avoir fait couper. Les femmes Brefiliennes & les
Caraïbes font couper les leurs près de la tcte. Se
ne finifTent leur Deiiil que quand ils font reve-
Homère,
nus. C'eft, dit
que •/r
puilient taire les
ri prefque l'unique ipréfent
r
X ,^ .^
amis aieurs amis morts que
Homer.
dyff. 4.
o

de couper leurs cheveux , de les femer autour de


leur fcpulchre, & de leur donner des larmes.
Les Auteurs écrivent des Lyciens , que pen- vaicr. .Ma-
i.
*•
dant leur Deuil ils s'habilloient en femmes, pour ^^-
^''"
b.

-jlnftit. Aa-
-
,

marquer que les pleurs &c les larmes n'étant con- t'i-

venables qu'à ce fexe foible, dévoient bien-tôt


ils ratione co«-
le finir , & prendre les fentimens d'tm courage [oa/'^
'^^°''

jïiâle, tel qu'il convient à des hommes^ qui ne


Tome IL Kkk
-

442- MOEURS DES SAVV AGES"^


fe iaiflenc point abattre à la douleur. Je ne trouve.-
pas que les Iroquois & les autres Sauvages leur
reflfemblent en ce point , Ci ce n'eft peut-être >..

que comme il n'y a pas une grande différence


dans la manière de de l'un & de l'au-
s'habiller
tre fexe , ils s'enveloppent pendant ce temps-là:
la tête comme les femmes pour cacher leur afflic-
Qiiim-cuit.
tion; coutume qui écoit aulïi siardée ancienne--
ment chez les Perfesv
Le LelTus & les Ejulations mufîcales fe font ;

affez régulièrement par les femmes pendant tout


le temps du Deiiil trois fois le jour, au lever du
Soleil , à fon midi, 6c à. Ton coucher. On les con--
tinue quelquefois pluheurs années , mais non pas
, avec cette régularité. Chez quelqu'une des Na- -

tions Iroquoiies &c au Bréfil , c'efl une occupa-


tion ordinaire des femmes toutes les fois qu'elles
vont au bois & aux champs, ou qu'elles en re-
viennent-, chemin faifant chacune fait fi partie ,

mais cela nepréjudicie alors en rien à leur bonne


humeur i car après avoir fini, elles font aulïî prê-
tes à rire, que fi elles n'avoient pas penfé à pleurer.
, La coutume de pleurer les Morts , a pafTé chez
quelques Nations de l'Amérique en devoir de ci-
vilité ou de bienféance à la réception des Etran-
gers. On ne croit pas pouvoir les honorer davan-
tage , qu'en entrant dans les fentimens de Deiiil
& de triftefFe qu'ils peuvent avoir de la perte
qu'ils ont faite des perfonnes de leur Nation qui ,

dévoient leur être chères. Ils nomment alors tous


A M E R I Q^ UA N
I S.
445
-ceux qu'ils ont connu des gens de la Nation qui
Iqs vifitent , &
font des lamentations d'autant
plus vives ,
qu'ils les regardent commede le lien

leur union , Se du'djoit d'hofpitalité qu'ils ont


les uns chez les autres. Ati Bréfil ce font les fem-
mes qui viennent pleurer delà forte; elles s'acrou-
piflTent fur leurs talons, en mettant leurs deux

mains fur leur vifage elles fe tiennent pendant


j

quelque temps en cette poflure, pleurant en ca-


dence, ôcverfant des larmes. Chez les Sioux &;
chez quelques iPeuples de leur voifinagc , ce font
îes hommes qui pleurent ainfi , en mettant la mairi
fur la tête des Etrangers , qui les vifitent pour
honorer les morts de leur Nation.
L'Ecriture Sainte nous marque que c'ëtoit uh
ancien ufage chez les Orientaux. Il eft rapporté
dans la Genefe, que Jacob voyant Rachel pour cen.c. t^v

la première fois , &c ayant appris qu'elle étoit fa


coufine, &c fille de Laban, il lui donna un bai-
fer , & fe mit à pleurer en élevant fa voix. Il lui
dit enfuite qu'il étoit le frère de fon père, &c le
fils de Rebecca. On ne voit aucun motif dans Ja-

cob, qui puiife l'engager à pleurer. La rencontre


de Rachel devoit lui infpirer plutôt des fenti-
mens de joye , que l'envie de faire des lamenta-
tions. Il eft donc à croire que Jacob s'acquite en
cette occafion d'un devoir ordinaire des Orien-
taux de pleurer fur les perfonnes avec qui dis
âvoient quelque alliance, encore plus fur celles
de iqui ils tiroient leur origine les uns & les.au^
Kkkij
444 MOEURS E>ES SAUVAMES
très.Et cette manière d'élever fa voix en verfanc
des larmes , laquelle eft ici remarquée par la.
Sainte Ecriture , fe rapporte aflfez bien à celle^
qu'ont les Ameri(][uains de pleurer en chantant.

Fêtet^ene- Parmi pluparr des Nations Sauvages, les;


la
r.ledes corps morts ne font que comme en dépôt dans.
"'
Li (epulture où on les a mis en premier lieu*-
Après un certain temps on leur fait de nouvelles,
obfeques , & on achevé de s'acquiter envers eux-
de- ce qui lear eil dii par de nouveaux devoirs fu-
ner^aires» Les Caraïbes &
une grande partie des»
Sauvages Méridionaux , laiflent couler une année-
entière pour donner le temps aux chairs de fe
confumer;- alors ils célèbrent l'Anniver faire-, ôc
invitent les VilWes- de la Nation à cette Fête^

r^J^Seu- On s'aflemble de tous lesCarbets -, & après avoic


yiiie dans
Mémoires de
les
p^fle pluficurs iours à chantet
*'
& a danferà Thon-
i i /r r 1 •
1 -1
Trévoux, neur aes-aerunt« , on
calcmer leurs os ils.
rait ;

"'""'*
réduifent ces offements calcinés en poudre ils i

mêlent cette poudre ou z^^ cendres dans leur


boiffon , &
boivent jufqu'à ce qu'il ne refte plus
rien dans les vaifleaux donnant ainfi un exem-
:

ple fréquent &


héréditaire dans toute une Na-
tion d'un amour aufïi ardent pour leurs parens &
pour leurs Concitoyens, que l'étoit celui , qui a,
immortalifé la célèbre Artemife Reine deCariç,,
laquelle ne voulant point donner d'autre fepul-
ture au corps de Maufole fon Epoux, que le fien
propre ,. confacra encore mieux fa mémoire à k
A ME K I Q^ir AIN S. 44^5^

pïiflerité par cette adion éclatante , que par le


monument qu^elle lui élevai quoiqu'il fût fi (a-
perbe ,
qu'on en' a pa-rlé comme d'une des fept
merveilles du monde.

..,',,,
Le Sieur Biet particularife davantage
^
cette ac-
fion des Caraïbes, 11 prétend que quelques-uns
,
^'f'?"t?y*^
gc de la Terre
Equinoxiai*.,

ont brûler les corps immediat-ement après leur 14. p jji,

mort; mais que d'autres les metrent dans la foire,


ornés de leurs armes & de leurs caracolis-. Ils leur
apportent enfuite à manger avec grande' cérémo-
rrie , difant qu'il faut leur donnera manger juf-
qjj'à ce qu'ils n'ayent plus de chair fur les os,
parce qu'ils font perfuadés qu'ils ne vont pointait
pnïsdes Am«s qu'ils ne foient fans chair. Qiiand'
donc ils croyent que les chairs font entièrement
confumées, ils font un vin ou une affemblée pour les
brûler, ce qu'ils pratiquent en cette forte : Ils les

mettent dans un de coron bien blanc; quatre


liifl

îeunes filles tiennent chacune un coin de ce li6t^


elles font danfer ces os au fon de quelque inftru-
ment , & toute TaiTemblée danfe aufli , beuvanc
roûjours^ à leur ordinaire. Lorfqu'ell'es les one
bien fait danfer, on drefle un bûcher , au on les
fait brûler avec tout ce qui leur a fervi pendant
leur vie: Tout étant réduit en cendres , s'il fe
trouve quelques os qui n'ayent pas éréconfumés,ils'
les pulverifent, les paffentparune forte de tamisj^
Se mettent ces cendres dans de l'eau , dont ils fb :

frottent les jambes. Ils continuent enfuite àboirev


agrès quoi chacun fe retire. Le Sièur Çiet ne dit '

K k k- ii^
1

44^^ MOEURS D'E S SAUVAGES


pas qu'ils bqivent^cès cendres , -mais peur- être
écoit-il moins bien inftruit que le Père de la Neu-
ville, qui a écrit après lui, &c qui parle des mé-
topes (îcGc' nies Sauvages. Lopésde Gomara dit des habitans

™^'4Vj^'^' du fleuve de Palm'as , qu'ils enterrent tous ceux


ndias ,
Liti-
qui meureut , exceoté its Devins qu'ils brûlent
i. cap. i. ^ , '„ A
par iionneur, & que pendant que le corps bruie,
J 1 I

ils chantent ôc ils danfent ils recueillent enfuite


}

les cendres , &


gardent jufqu'au bout de l'an ,
les.

auquel temps les parens la femme du défunt &


les boivent, accompagnant la; cérémonie de cet
Anniverfaire de plusieurs incitons fanglantes
.qu'ils font fur leur corps.
Les Nations de l'Amérique Septentrionale font
une Fête générale, à laquelle rafl'emblant tous les
cadavres de ceux qui font morts dans l'intervalle
d'une Fête à l'autre, & invitant toutes les Na-»
tions voifines & alliées , où ils les font brûler .,
comme c'eft l'ufage des Peuples du Nord ou,

biep, ils les enfeveliflent dans une foffe commune.


Ily quelque variation entre ces Nations tou-
a'

chant la manière, & le temps auquel elles ont


coutume de célébrer cette Fête. Quelques-unes la
célèbrent d'année en année. Les Hurons & les
Iroquois ne la -célèbrent que de dix en dix ans,
ou de douze en douze, ou toutes les fois qu'ils
changent de Village. :Gomme je n'ai point afTifté
a aiipvinedp ces Fêtes, je me réglerai fur la def-
Noav. Ftan- çription qù'eR ji donnc le Père de Brebeuf, à la^.

r634°A'.pa"t. ^u.eilÇ3i:'#:>«î^'^âi.quelque« circonftances £ue j'^i


A MER I Q^U A r N S. 447
trouvées dans les Mémoires manufcrics du Sieur
Nicolas Perrot.
La Fête générale des Morts efi: de toutes les
.

adiions-, qui intereffent les Sauvages, la plusécla^


tante & la plus folemnelle. Ils lui donnent .'le
nom de Feftm des Ames , & elle leur paroît fi im-
portante, qu'ils s'y préparent d'une Fête à l'au-
tre, afin de la rendre plus fupefbe , & de la cé-^
lébrer avec plus de fplendeur, & de magnificence.
Dès que le. terme approche on tient Confeils
fùT Confeils, Toit en particulier dans les Villagesrj
£oit dans ^af^embléegel^eralé de toute la Nation,
pour convenir du lieUr ou l'on doit faire La fofTQ
commune pour déterminer le temps précisa dé
:

la Fête, & pour prendre les meûjtesinéceflairesy


afin de la rendre magnifique par le concours nom^
kreux des Peuples voifins & alliés qur'-on^doit at*
tirer ice fpeâiaclev î < iic;i.,i a:; tJ^finj-iq ^A-jun
: Ces de Gonfbils né lîtififeiift pàSiJa ^'ù&
fortes

frir quelquefois de grandes difficultés par ia:jai
lôufie des Chefs , dont quelques-uns voyant avec-
peine leurs Emules s'accréditer davantage, & avoif:
la plus grande part au-x affaires, font:- naître. dï*
vers incidens fous divers prétextes pour troubles
la Fête, & eau fer une efpece de fchifme en- fait

fant leur feflin à part , h. mettant les morts de.


kur dépendance dans Qne folTe feparée ,. ainiî-
qu'il arriva à-celle 5 dont lé Perede Brebeuf^nptis^
a. donné le détail. bnsj r.i lio

Après être convenus du temps- & dulieu , oï^-


448 MOEURS DES SAUVAGES
choifit parmi les Chefs un Maître de la Fête,
qu'on appelle le Maijlre du Fejlin. Celui-ci envoyé
par-tout (qs ordres., afin que tout foit prêt pour
h cérémonie ^ &
que rien n'y manque.
Chaque Village efl: alors en mouvement. Au pre-
mier beau jour tous fetranfportent au Cimetière ,
où les Libitinaires & le^ Pollinj£teurs de chaque
famille, qu'ils iiomment ^cfc0«»c , tirent, en
préfence des parens , les mêmes corps qu'ils
avoient eu autrefois le foin démettre dans la fe-
pulture , tandis que ceux qui ont des morts en-
îevelis feparément au loin , en quelque lieu du
pais que ce foit^ vont le^ chercher fans plaindre
leur pein.e.
.C'eft un fpedacle fans doute bien frappant u
l'ouverture de ces Tombeaux, que
vûë de la la

mifere humaine da-ns ces Images de.la mort , Lv-


X3uelle prend, ce femble , plaifir à fê .peindre en
Baille manières diverfes dans ces cadavres , qui
font tous differens les. u.ns, des autres ^ félon les
progrès qu'a fait fur eux la corruption. Les uns
lont fecs & arides : \qs autres ont encore un par-
chemin. fur uns font recuits 5c bou-
les os :.les

canés fans apparence de pourriture quelques :

autres commencent à peine à fe corrompre d'au- :

tres enfin fourmillent nagent dans


de vers , &
le pus. Mais je ne fçais ce qui doit frapper davan-
tage, ou l'j'horreur d'un coup d'oeuil fi révoltant,
ou la tendre pieté, & l'affection de ces pauvres
p.euples envers leurj parens diccdés i .car jieu aa
monde
A MIERÎQ^U A IN S. 4^
îmonde n'eft plus digne d'admiration , que le foin
cmpredé avec lequel ils s'acquirent de ce triftc
devoir de leur tendxefle , ramaflant jufqu'aux
moindres ofTemems , -maniant ces cadavres tout
dégoutans <i'ordures, en féparant les vers , les
portant fur leurs épaules pendant plufieurs jour-
irées de chemin, fans être rebutés de leur puan-
teur infupportable , & fans laiffer paroître d'au-
tre émotion , que celle du regret d'avoir perdu
des perfonnes , qui leur étoient , & qui leur font
encore bien chères.
L'ouverture des Tombeaux étant faite, on lailfe
quelques heures ces cadavres ainfi découverts en
fi)e6bacle , donnant ainfi le loifir à chacun de*
faire réflexion à ce qu''il doit être un jour , pen-
dant qu'on renouvelle le LcfFus & les pleurs com-
me au jour du trépas. On les couvre enfuire de ro-
"besneuves , &
peu après on décharné tous ces
oflemcnts, dont on jette dans le feu la peau & les
chairs , avec les fourrures & les nattes dans lef^
quelles ils ont été enfevelis. Onne touche point
aux corps entiers, qui ont été inhumés depuis
peu , on fe contente Amplement de les nétoyer.
Ces offements étant ainfi purifiés, & mis, partie
d-ans des facs , partie dans <ies robes de caftor^
on enlevé les corps entiers fur d&s brancards >

d'autres chargent les paquets d'oflemenrs fur leurs


épaules, & tous fe retirent dans leurs Cabanes,
43Ù chacun fait fefi:in à Ces morts.
Deux ou trois jours avant le départ , on porte
Tome II *
LU
45^0 MOEURS D ]E S S A U VA G E S

tous ces cadavres & tous' ces ofTcments dans une


des Cabanes de Confeil^où une partie font Tuf-
pendus , ôc. les autres étalés de rang tout du long;
delà Cabane, avec tous les préfens qui font dei-
tinés pour la Fête. Le Clièf de la Cabane leur-
fait un feftin magnifique, ôl les traite au nom du.
Capitaine défunt,, dont il a relevé le nom. Il
y
chante la chanfon de mort de ce Capitaine , ce;
qui fait voir qijie les ch'anfons
y iont héréditai-
res,, aulïï-^bien que les noms, afin de montrer unes
plus grande conformité avec la; perfonne qu'oa
lefiufcite y donc il femble que. rien ne périt. Les-
Conviés y prit la liberté qn'iU n'oiit pas en cer-
tains autres feftin s, de; faire paire à, leurs- aniis de-
€6 qulls ont de bon y &
mênie d'em porter chea
eux ce. qui leur plaît enfin a l'iffuë du feftin ,>
\

chacun fort de la Cabane en chantant haé! haé!


ee qu'ils appellent imiter le cri des Ames.
Tout fe difpofe enfuite pour k voyage, -'Sf
quand tout eft prêt, on les voit partir au nombre
de deux ou de trois cens perfonnes , chargés de
leurs corps morts & 4? leiirs paquets d'oflement^
fur leurs épaules , eo^Merts de belles robes de caf-
tor. Quelques-uns prennent la peine, d'attachée
ces oftements danslêur place naturelle, ;& ornent
enfuite ces fqueletces de colliers de porcelaine, &
de belles guirlandes; de long poil d'orignal ,. teint
fn, un fort; beau rouge- I^s marelient à peti-tes
journées & féjaurnent par-tout. Au fortir de
,.

leurs. Yiiiag^.^: fuiileur route ^ (Si à l'approche des


.

Villages par où ils doivent |yaffer, ils liéiK>ux^el-


lent leurs ianientâtions j ôileiir cri des Amisis. Oé
ibrt de tous çts Villages pour venir au-devant
<i'eux : ils fe font mille lareeiTes en ces fortes
de rencontres ôc l'ordre eft fi bien établi, que
i

chacun a par-tout fon gîte pour f6n mbnde &C


pour fes morts , fans <jue cela prodùife la! moin-
.i ...
tire confufion. -•

Il y a du plaifir 1 voir arriver tous cti divers


•convois au lieu du rendc!z-vous gênerai , où Tor-
<tre eft également bien gardé, la réception plus
magnifique, & les feftins plus nombreux &^Ius
i hkj -
abondans.
Les Etrangers qui ont été invitéspour à^ftet
â la Fête, font une maffe commune des pté'fenè
qu'ils apportent pour couvrir ks morts. -Oii lé^
îreçoit dans une Cabane faite exprcs , où chaque
Nation alliée a fa place marquée. Dès qu'ils font
arrivés, ils fe tiennent debout dans la 'Cabane <b(à
on les a introduits ils cxpofent le fujet de leut
-,

venue, & l'invitation qu'on leur a faite i ils of-


frent cnfuite leurs préfens , ils fe dépouillent de
tous leurs vêtemens , & fe mettent a danfer aa
fbn du tambour & de la tortue , fe fuivans tous
file à file autour de trots fapins drefies exprès d'ans

la Cabane, Cependant on ère les préfens qu'ils


ont apporte, & toutes leurs dépouilles & ceux ;

qui les ont invités , en re'mettent d'autres a la


place beaucoup plus confiderablcs , bc oii leur fait
teftin, -.10 a u^.'iiiii '..»'. ./i.;>AOi''|^-i<'

Xllij
4^1 M OE U R S DES S AUV A € ES
Quelques jours fe paflent ainfi à ailembler te
fnonde , tanc ceux de. la Nation qui apportent
leurs morts, que les Etrangers invités à la Fête;
Ce ne font pendant ce temps-là que la-rgefles ré»
ciproques à l'honneur des Morts. L&s Chefsôc les
ftaVticuliers font divers petits feftins,où ilsappeli-
ent jufqu'i vingt & trente perfonncs > mais au
lieu de fervix des vivres & des mets dans, ces fef-
tins:, ce font des préfcns de différente efpece,,
des robes , des haches , des chaudières. Les Chefs
^ les Gonfideraibles^ fe diilingu^nt par ces fortes
de liberatités qui les épuifent..
On s'occupe auffi à divers jeux. Les jeunes gens
d*uncôté, &c les jeunes femmes de l'autre, s'exer-
cent_ du matin iufqu'au foir féparéjiient , foit i
tirer de l'arc,, foicà. la courfe, foit à-l'exercice du
Levier, Chaque exercice a un prix deftiné pour
lie viâ:orieux,. & ces honneurs, funèbres i, où la
force ôi-l'adreife ont leur récompenre,,r-appe.Ilenç
encore aujourd'hui dans le fein de l'Amérique le
fbuvenir de ces jeux de l'Elide, marqués par des
Epoques y qui fervent à régler la Chronologie
des premiers temps. Se qui excitèrent pendant
plufieurs fiecles l'émulation de toute la Gxécc.
On prépare cependant au- milieu d'une grande-
place,, dont oaeft convenu dans le Confeil, une
fofle d'environ dix pieds de profondeur, &: de
plufieuiîs toifes.de diamètre. On
environne cett«
foffe d'un échafaut ou amphitéatre de dix toifeS'
de profondeur, & de dix ou douze pieds de haut :.
AMER au A I IN S. 455
autour régnent quantité d'échelles pour y mon-
ter, &au- defTus s'élèvent grand nombre de per-
ehcs drefTées d'efpace en efpace, kfquelles {oû>
tiennent de longues traverfes, deftinées à porter
tous ces paquets d'oflements qu'on y doit mettre
en étalage à la vtië du public. On étend enfuite
quantité de nattes ou d'écorees defTous le Théâ-
tre , &l'on élevé quantité de petits échafaux x
hauteur d'homme fur les bords de la fofTe, pour
les corps entiers qu'on a. foin d'y porter dès la
veille de la Fêt«.
Le jour de la Cérémonie on fait divers criî-
'^ans Te Village, afin que chacun fe tienne prêc
de partir à l'Heure marquée. Ghaque famille' fer
range à l'ordre, & chacun s'occupe de la tâche
qu'on lui a donnée. On délie alors ce^^pa^juets^,
qui fonc fufpendus dans les Cabanes on les dé- i

veloppe derechef devant lesparens-, qui veulent?


avoir la confolation de les voir, de les manier,
& de les'Otrner encore avant que de leur dire les
derniers adieux ; la douleur fe renouvelle à cette
rrifte vue , & le Leifus re<;ommerK:e comme le
jour des funérailles de forre qu'on n'entend par-
,

tout qu'éjulations , & que cris lugubres.


'^
A rifluc de ces'lamentatrons on refait de^nou-
veau les paquets , & chaque Village , chaque'
Tribu fous- fes Chefs , fe met en ehemin en ordrer
de procefïion, obfervant de faire- garder un cer-
tain rang de bienféance aux morts même dans^
Êeur marche de manière que celui qui porte le
">

LUiij.
434 MOEURS DES SAUVAGES
corps d'un Chef, va à la tctc , ainfi des antres:^
félon les différentes proportions de confideration j
d'âge & de fexe.
A mefure que ces proce fiions arrivent dans
rette grande place où eft la foife , chacune fe
loge en divers cantoiis , qui leur font aifignés par
le Maître desCérémonies, félon l'ordre des Vil-
lages, ôc le nombre des familles on meta terre
i

tous ces paquets d'oifements , comme on fait la


poterie <ie terre dans une Foire ; &c lorfque tout
le monde efl: rendu , on fait la montre xles pré-
fens qu'-on étale , partie a terre , & partie fur des
perches, où on les lailTe un temps confiderable
pour donner le loifir aux Etrangers d'adrrûrer
leur richeflTe & leur magnificence, A la Fête des
Morts ,dont le Père de Brebeuf nous a donné la
Relation , il y en avoit douze cens , qui occu-
poient cinq ou fix cens toifes de terrain j où ils
relièrent en parade l'efpace de deux heur-es ce- y

pendant l'aflemblée ne paflbit pas le nombre de


«eux mille perfoon^s.
Chaque Village, rangé fous Chefs , fe dif-
fes
pofe enfuite à monter fur le Théâtre où chaque
Famille a fon département. Au moindre fignal
que doit faire le Maître des Cérémonies , ils y
courent comme à l'aflaut , & dans, un moment le
Théâtre eft rempli a la faveur des échelles qui
l'environnent. accrochent les paquets d'oife-
Ils
ments aux perches préparées pour cet ufage. Tous
4cfcendent avec la même précipitation, retirent
A M E RI Q^U AI NS. 4^^
routes les échelles , ne lailTant fur le Théâtre que
quelques Chefs , qui y reftent pour faire la diftri-
bution des préfens»

Vers h fin de cette distribution on pave lé
fonds de la foflfe, 8>c on la borde de grandes ro-
bes de dix caftors chacune on met dans le mi-
:

lieu quelque chaudières & quelques autres meu-


bles X Tufage des Morts, & on y defcend lescorps^^
entiers , dont chacun emporte avec foi une , deux,,
©u même trois robes de caftor. C'eft: alors une
étrange confufion , tout le monde fe jèrtanc à
corps perdu dans la foffe pour en retirer quelques
poignées de fable^,- qui , dans* leur perfuafion , doic
leur être d'une grande utilité pour Its rendre heu-
reux au jeu..
- L'année 011 le P-ere de Brebeuf fut témoin d^e'
k cérémonie, on s'étoit arrangé pour paffcr îa^
nuit fur la place 011 l'on alluma de grands feu±V
& où l'on ût feftin- Peut-être eut«en actendu juf"
qu'au lend^emain bien avant dans le jour pour tet^
miner la, Fête j mds un d« ces paquets d^oflTè--
ments s'étant détaché de lui-même , &
ayan^'
roulé dans la foife ,- ce bruit, qui fur prit tout le
monde , mit patitout l'alla^rme on courut de
;

itoutes parts avec un tumulte épouventàble furie-


Théâtre, d'oà l'on vuida^ dans un moment tous
ces paquets; dans la foffe , réfervant néanmoinii
iés robes de. fourrure dont ils étoient couvertsi^^
Ge bruit ayant cefTé pour quelque temps , ils fè'
mirent a chanter y mais d'un aî-r ù rriûe ôc ft ïa^
4ftf MOEURS DES SAUVAGES
raentable ,
que le Père, qui voyxîit tout, à la fa-
veur des feux dont la place étoit pleine, Te reprc-
fcnca vivement l'horrible triftefl'e &c Timage du
délefpoir ,, où les âmes de ces infidelles étoient
plongées dans les Enfers.
Quelques jeunes gens avec des perches arran-
geoient les os dan* la folle , qui en fut pleine a
deux pieds près. Ils renverferent patdeffus les ro-
bes de caftor, qui la débordoieiït. Se couvrirent
le rede de nattes &; d'écorces , qu'on combla de
bois , de pierres , ^ 4e terre «qu'on y jetta fans or-
dre. Quelquesfemmes y apportèrent des plats de
fagamité de (leuj: bled d'inde,; &
lendemain Se le
les jours fuivans ,
plufieurs Cabanes du Village
ea. fournirent de grandes corbeilles, qui furent
répandues fur la fofle comme une dernière mar^
que de tendrefTc en-vers les Moris , à qui on ca
rajfoit le facrifice.
De douze cens préfcns , dont on avoit fait la

montre i cette Fê^e , fans parler des largcfles que


fc firent les particuliers , hc des prix x^ui avoient
été propofés pour les diffecens exercices , qua-
rante robes furent crnployées à parer la foffc , plu-
fleurs refterent cnfevelies avec les corps entiers ;

on en donna vingt au Maître du feftin pour re-


mercier les Nations étrangères qui avoient été in-
vitées au fpedbacle les raorts en diftribuerent
:

^quantité par les mains des Chefs & de leurs amis


vivans une partie ne fervit que de parade. Se
:

fux retirée par ceux qui les avoient expofées les -,

''

Anciens
P.L .31 iirm , i ,pa^ . *} 6
,

Anciens qui en avoient l'adiiiinillrarion , en mi-


rent a quartier fous main un aflez bon nombre
<& le refte, après que la foÏÏe eut été combléev*
fut coupé en pièces, & jetcé en lambeaux pardef-
fus le Théâtre, au peuple, qui fe les difputoit,-
de mani'ere qu'il falloit encore les partager entre
autant de perfonnes qu'il y en avoit à les préten-
dre ce qui eft fans doute l'effet de quelque fa-
;

perftition;i carxres lambeaux ne peuvent leur fer;-

vir à aucun ufage.


Ainfi finit cette lugubre Fête ,
qui fert à unir
davantage ces peuples , à reflerrer plus étroite-
ment les liens qui les attachent lesuns aux autres,'
& qui dans des Barbares , eft un exemple bien
humiliant, nous comparons leur pieté envers
fi

Jeurs parens & leurs concitoyens défunts, avec


rindifference que nous avons pour les nôtres ,
Icfquels font oïdinairement aufïi-tôt oubliés
-qu'inhumés.
Quoiqu'en piiiffent prétendre les impies, qui
veulent que tout périffe avec le corps , ils peu-
vent s'inftruire de la vérité par la pratique de ces
Peuples grofliers car, nonobftant ce qu'ils peu-
-,

vent dire , <:ette Inftirution maintenue depuis


l-eur origine, eft manifeftement un ouvrage delà

Religion, & un témoignage de la Foy ancienne."


Et bien qu'aujourd'hui Tes fentimens de Religion-
foient fort abrutis par le dérèglement de leurs
mœurs, & peut-être encore plus par l'impiété de
.ceux des Européans qui les fréquentent-, quoique
Tome H. Mmm
458 MOEURS DES SAUVAGES
même ce dernier ufage-ci commence a s'abolir;
prefaue par-tout où les Européans ont été par- ;

ce qu'ils leur ont fait comprendre l'inutilité de


ces profu fions d'une part , & le dommage qu'elles
leur caufoit de l'autre : qu'en quelques endroits^:
même entièrement éteint j ce qu'ils fai-
il Toit
foient autrefois ,. eft une preuve convainquante
de l'opinion générale , que les Ames furvivoientr
à la pourriture du Tombeau. Ileft aulfi très-vrai—
femblable qu'ils ne prenoient tant de foin de ces
cadavres fecs & pourris, ou nageant dans le pus.
ôc dans la corruption , qu'en confequence de la
tradition que. leurs Ancêtres avoient feçiië de
Bos premiers Pères, que ces cadavres dévoient:
reprendre un jour une nouvelle, vie , laquelle du-
rera autant que l'Eternité.

DELA LANGUE.
ne me refle plus qu'à parler Langue de la
ILpour finir cet Ouvrage le doigt de Dieu ne
,

s y fait pas moins fentir que dans les autres mer-


veilles, qui font les eiFets de fa fagefle de fa- &
puilTance car lelangageétant nécefTaireà l'hom-
j

me pour former les liens de la focieté , il doit


paroître admirable que dans cette multitude de
Langues répandues dans le Monde , il règne dans
celles même des Peuples les plus grofïiers un orr
,

A ME Ê. I Q^U A I N S,
45,
=3re & une œconomic qu'ils n'ont jamais été en
'état d'introduire d'eux-mêmes par art & par prin-
cipes , & ont encore aujourd'hui fans être
qu'ils
«n état de les bien comprendre de manière qu'ils
\

paroiflfent tout furpris lorfque les MifTionnaires


qui les ont pénétrées par un long ufage, par une
étude confiante , ôc encore plus par le fecours
-d'enhaut , leur font remarquer dans leur Langue
propre cette connexion méthodique qu'ils n'a-
woient jamais apperçûë.
-
Les hommes n'ont eu qu'un même langage juf^ Cen.cip.xh
^^' "
'qu'à cette entreprife infenfée de leur vanité que
Dieu fe plut à en mettant un tel
confondre ,

défordre dans leurs penfées, qu'ils ne faifoienc


que fe troubler dans leur ouvrage par ce déran-.
cernent fubit & inopiné , qui ayant brouillé tou-,
tes les efpeces , & la fignification des mots , les
mit dans l'impoifibilité de pouvoir s'entendre.^ '

Rien n'eft mieux marqué dans la fainte Ecri-'


ture que ce prodigieux événement. Mais je croit
que c'eft fe donner une peine inutile que de vou-
loir deviner en combien de Langues Mères fe fit
^ette célèbre divifion. Je ne fçais fur quoi fondé
on s'étoit perfuadé qu'elle s'étoit faite en y t. Lan-»
gués originales & je crois qu'il eft très- peu im-
i

portant de fçavoir s'il y en a eu un nombre plus


^rand , ou beaucoup moindre.
Je ne vois pas non plus qu'on doive fe fatiguer
beaucoup à foûtenir, que la Langue Hébraïque,
fait celle que parloient les hommes jufqu'au tem|-;«
Mmm i
j
4<?o MOEURS DES SAUVAGES
id-e la Tour de Babel, où elle eut le privilège d'être-

eonfervée dans la famille d'Heber & qu'elle fut-,

iranfmire par Abraham au peuple Juif qui en eft


defcendu.. Ceux, qui dans cette opinion- tachent
de rapporter toutes les autres Langues à des ra-
cines, hébraïques qu'ils croyent appercevoir, fe-

donnent des peines inutiles pour des conjedurei''


purement imaginaires,
La Langue Hébraïque eft refpedable à la vé-
rité pour avoir été la Eangjie du Peuple de Dieu y

&la première dans laquelle ks Livres faints ontr
été écrits y quoique ce ne foit pas le fou de la
parole, ou la figure des caractères , mais les ve-
xités qu'ils contiennent, qui leur attirent ce ref-
ped.. Mais- cette Langue en elle-même n'a pas de.'
plusr grandes; beautés que les autres ,.& n'a rieiu
en foi , qui puifTe faire dire qu'elle, ait pu méri-
ter un privilège, tel qu'on le fuppofe , pour être,
çpnfervée au tempssde la confusion. Quand- Dieu
n'eut pasconfervé cette première Langue que par-
Ipient Adam & fa pofterité, le miracle qu'il opera-
à-la Tour de Babel, défedueux ? Il me
eut-il été
paroît au contraire qu'il eut été plus complet en
ne la confervant pas. Heber étoit-il. plus homme
de bien que les autres,, qui mirent le. comble à
leur témérité infènfée dans cette entreprife com-
mune des hommes contre Dieu ? D'où lui pouvoit'
donc venir un privilège aulïi fpéciàl & aulli frap-
pant que celui-là ?
Le fçavant M. Huer a cru après Theodoret j^^-
AME K^QJJ A INS. \éi
Ôn'on pouvoit penfer que cette première Langue Haet de ,

qu on avoit parle juiqu a la tour de Babel , avoir p,op. 4. cep,


été entièrement éteinte en cette occa^fion; & que ''^'
^^'^'

l'Hébraïque;, qu'il croit être la même que là Cha-


nanéene , étoit une de celles qui s'y étoient- for-
mées qu'Abraham fortant de la Ghaldée , qui-
:

étoit fon païs, avoit été obligé d'apprendre celle


de h. Terre de Chanaan que fa poft&rité parla-
depuis*
Il feroit en effet difficile de concevoir , com-
ment dans la feule famille d'Abraham , laquelle^
étoitconfondue depuis très-long-temps parmi les'
Chaldéensy-cette Langue eut pu fe conlervèr au-
milieu d'un peuple nombreux , qui> en parloir
une autre toute différente & bien que c-ela ne
j-

£oit pas impoffible, rien cependant n'oblige à le


croire fans des preuves bien folides & bien fon-
dées.-
Je-ne crors pa^ néanmoins que la Langue Hé-
braïque fût aucune des Langues étrangères qu'A-
braham avoit apprifes. Il eftbien plus-naturel'de
penfer qu'Abraham dont k Langue maternelle'
,

étoit celle qu'on parloic de fon temps dans là'


Ghaldée, parla toujours cette même Langue par-
mi les fiens,, q.uôique les divers voyages qu'il fut
obligé d'entreprendre , le miflent dans la néeeffité
d'en apprendre affez de celles^ de (es Voifins pour
fe faire entendre , & pour les entendre. Cela ne'
devoir pas lui être difficile, les Langues dés Peu-
ples Voifms étant aifez ordinairement des di^'
Mmmiij,
^

/
4<?^ M OEUR S DES S ÂX7 V ÂC E
lentes les unes des autres. probable que dans
Il eft

tous Cqs voyages , fa Langue maternelle foufFrit


quelque altération : altération qui devint biea
plus l'enfible dans fa pofterité , laquelle ayant'fait
un peuple particulier, qui fe faifoit un point de
Religion d'avoir peu de rapport avec les Gen-
tils , forma une dialede particulière , laquelle

s'éloignoit toujours de fa iource par le long fé-


jour que ce Peuple fit en Egypte, dans le défert.,
ôc dans la Terre de Chanaan, où elle extermina
prefque tous les Naturels du pais ; .tandis que
cette .même Langue d'Abraham d'un
s'alteroit
autre côté dans ceux qui avoient refté dans la
Chaldée , par la fatalité ordinaire aux Langues
vivantes , qui changent toujours avec quelque
proportion comme les modes. Nous en avons un
exemple dans la Langue Françoife, laquelle eft
bien différente d'elle-même , Ci on compare ce
qu'elle eft aujourd'hui , avec ce qu'elle étoit il
y a quatre ou cinq fiecles.
De cette manière la Langue Hébraïque ne fe-
îoit qu'une dialede de celle qu'on parloir dans
la Chaldée , lorfqu' Abraham en fortit par l'or-
dre de Dieu pour être le Père d'un Peuple aufE
nombreux que les étoiles du Ciel , Se les fables
de la mer. La Phénicienne ou Chananéenne, Se
les autresLangues Orientales , qui approchent
de l'Hébraïque, feront auffi des dialedes d'une
même Langue mère, qu'il eft difficile de difcer-'
ner dans u«i aufti grand éloi^nement ^ toutes les!
,

J^'M E R I Q^U A I N S. ^(rj

dialejfïes d'une même Langue mère ayant les mê-


mes racines du plus grand nombre des mots qui
les compofent.
Quoiqu'il en foit de ce fentiment fur la Lan-
gue Hébraïque , il eft très-certain que les Lan-
gues de l'Amérique n'ont aucune analogie avec
elle, i^i avec celles qui s'y rapportent, ou qui
en font dérivées, ainfi que l'aflurent ceux qui en-
tendent les Langues fçavantes,. & qui ont fait la
comparaifon des unes avec les autres;
Je fens bien qu'on peut me faire une oBjedlion;
contre l'opinion que j'ai , qu'une grande parfie
des Peuples de l'Amérique , & peut-être les Iro*;^
quois ôc les Hurons en particulier , font dcfcen-
dus de CCS Peuples barbares, lefquels oecuperenc
les premiers la Grèce. Car fi cela étoit , il n'eft
paspofïible qu'il ne fe trouvât dans leurs Langues
quantité de racines Grecques, & par confequenc
quantité de racines Hébraïques , Phénieieniies
éc de toutes les autres à qui la Grecque a rapport 5-
foit qu'elle foit dérivée elle-même , foit qu'elle
{bit originale , mais mélangée & enrichie par une-
grande multitude de mots & de termes pris des
Langues Orientales.
Mais il eft facile de réfoudre cette difficulté.
Car, outre que je pourrois dire que la plûparr
de ces Peuples dans ce long efpace de fiecles, qui'
ont coulé depuis leur tranfmigration , & le long
trajet qu'ils ont fait de Grèce en A.merique, peu-
vent fort bien avoir perdu leur Langue originaire'
,

4^4 MOEURS DES SAUVAGES


& primitiaîe, ainfi qu'il ardve aux Peuples tranf-
plantés néanmoins, fans recourir d'abord à cette
•,

réponfe , il eft certain que cette multitude de


Barbares , compris fous les noms génériques de
P-elafgiens & d'Helleniens , avoient non feule-
ment des Langues différentes entr'eux -, mais qui
l'étoient encore davantage de celle de ces Con-
querans , qui fe fixèrent dans la Grèce après les
en avoir cbaflés de plufieurs endroits.
Il eft vrai que les Grecs pofterieurs donnoienc

le nom de Barbares non feulement aux Peuples


q«i parloient des Langues absolument étrangères
i la leur, mais encore à ceux qui parloient la leur,
^ qui la parloient mal, fort par un mélange de
plufieurs mots qu'ils avoient pris des E-trangers,
& du commerce qu'ils avoient avec cqs Peuples
compris fous le nom de Barbares , foit par un ac-
cent grofller Se corrompu , tel qu'on le trouve en-
core dans nos Provinces éloignées de la Cour , &:
des lieux où la Langue fe parle dans tQute fa
pureté.
Mais ce feulement dans ce dernier
n'eft pas
f°ns qu'on doit l'entendre , quand je parle de ces
Barbares , qui occupèrent en premier lieu la Grèce-
Ils avoient véritablement des Langues d'une œco-

notoie totalement différente de celle des Grecs


Hcrodot.Lib. pofterieurs. Hérodote l'alTure pofitivement des
I- n. J7.
Peuples , qui habitèrent les premiers l'Ifle de
Crète. Hérodote avoue aufli que la Langue des.
Pel^fgiens s'étoit abfolument perdue dans la
Grèce,
,

A MER I QJJ A I N S. 455


'Grèce, & conjedure que cette Langue dévoie
il

>être la même que celle de ces Pelafgiens, qui al-


lèrent s'établir i Creftone au voifinage des Tyr-
rhéniens , & q-ui parloient un langage fort dif-
férent de ces dernier^.
Mais fi cela efl: vrai des Pelafgiens, cela doit
l'être encore davantage des Eteocrétes & des Cy-
xloniens ,
qui leurétoient antérieurs, & qui paf-
ioient pour indigènes. Je puis dire la même chofe va. strat.

de prefque tous les autres Peuplesdu Peloponefe, ^'''•7P"^'

& des Infulaires de la Mer Egée , qui étoient


^pour la plupart des Colonies des premiers Cre-
tois,ou des Afiatiques. Hérodote & Thucydide
pour faire honneur aux Atlieniens , les exceptent
&c affûtent que leur langage n'avoit jamais chan-

gé, que ceux-ci cultivant la terre, & étant


.parce
plus fedentaires que les aatres Peuples, qui étaient
errans , leur paroiffoicnt avoir été toujours fia-
bles dans leur païs. Mais il n'eft pas vraifembla-
ble que les Athéniens n'ayent pas été fujets aux
yiciffitudes &
aux changemens des premiers Hcroi^ot. Lit.

femps , & je n'en veux point d'autre preuve , '•"•J-

que ce que Thucydide lui-même dit au commen-


cement de fon Ouvrage, de la manière de vivre
des premiers hommes. D'ailleurs , quand bien
même Athéniens euffent été toujours fiables
les

dans leur pais , combien de Nations avons-nous ,


qui fans fortir de leurs terres, ont pris la Langue
de celles qui les ont fubjuguées?
Prerque tous les petits Peuples de l'Afie-Mi-
Tome lî. Nnn
466 MOEURS DES SAUVAGES
neure écoienc originaires de la Grèce cependant' 5

les Grecs pofterieurs les regardoient comme des-


Barbares, non feulement pour leurs mœurs , ôc
pour leur manière de combattre 3 mais encore-
pour leur langage 3> ainfi q-ye le difent Homère-
ifb'f dfbei- ^ Dy«^is de Crète. Enfin toutes ces Colonies de.'
loTroj. CarienSj, de Termiles , de Telmifïiens , de Cau-
niens, de Lyciens , de Milefiens , de Troyens-
même , croient établies en Afie environ le temps^
du Cadmusfilsd'Agenor, & de ces Chanané^ns,,
qui allèrent s'établir dans la Bœotie , où je crois,
qu'ils apportèrent non feulement les Lettres ^mais-
encore la Langue que les Grecs ont parlé depuis.
Il peur bien fe faire néanmoins que dans la.

fuite des temps ces Peuples de l'Afie-Mineure,


par le voifinage & par la dépendance qu'ils eu-
rent des Grecs, dont les Républiques furent rrès-
long-temps fioriflTantes , prirent âufli leur langage,..
& laiflerent perdre le leur, aiiifi qu'il eft arrivé
à plufieurs autres Peuples à l'égard de la Lan»--
gue Grecque même, aucune des Colonies Grec-
ques établies dans l'Afrique ou dans la grande'
Afie, ne l'ayant confervée j & de la Langue La-
tine , qui s'eft répandue par-tout dans l'Europe
à la faveur des conquêtes & des alliances du Peu-
ple Romain, & qui s'efl: enfuite altérée & divi-
fée en plufieurs'dialeâ:es , comme on peut le vé-
dans le François, dans l'Italien, dans l'Ef-
rifier

pagnol , & dans la Langue Franque , laquelle a


cours dans la Grèce 3 dont les étymologies fonc
A M E R i QJJ A î N S- 4^7
prerquc toutes latines. On appelloit cependant
avec juftice tous ces Peuples , Barbares , ou
(loL/p'^ct^<pavQi , ainfî qu'Homère s'explique par- Htmer.iiiad
'"^' *^"
lant des Cariens , à caufe de la pefanteur de leur
mâchoire , & du tour groflier de leur prononcia-
tion , &
parce qu'ils traveftifloient la Langue
Grecque par l'impropreté des termes qu'ils y mê-
Joient , ou de la plupart des mots qu'ils eflro-
pioient.
Hérodote quelques autres Auteurs rappor-
Se
tent plufieurs termes de diverfes Langues barba-»
res, de la Phrygienne, de l'Egyptienne, de cel-
les des Scythes, des Peuples deXhrace, des Per-
fes , des Amazones , des Indiens , &: de quelques
autres Nations de l'Afie de l'Afrique. Ceux, &
qui poflederoient les diverfes Langues de l'Amé-
rique, pou rroient fans doute trouver de l'Analo-r
gie entre ces termes anciens , & ces Langues dont
ils auroient connoiffance.
Il eft vrai que les Peuples de Thrace , les Scy-
thes, les Perfes , les Amazones même n'étoient
pas un feul Peuple compris fous chacun de ces
r-oms, mais une multitude de Nations Barbares,
différentes delangues & de mœurs , comme au-
jourd'hui même on en comprend une grande
quantité fous les noms génériques d'Indiens & de
Tartares dont pludeurs ne nous font pas con-
,,

nues.
Il efl vrai aufïi que les Hiftoriens qui ont été
,

€i peu fidelles dans le récit qu'ils nous ont fait


Nnn i
j
468 MOEURS DES SAUV/àGES^.
âts mœurs 6c des contumcsdes Barbares:^, qu'ils
voyoient de trop loin pour les bien connoître y
auront encore plus facilement eftropié les mots»
de leur Langue, que les figures de leurs perfon-
neâ , dont ils nous ont fouvent fait des grotef-
ques & des monftres, par leur trop grande cré-
dulité. Il doit en eHet en ctre de nous par rap-
port aux Langues Barbares , à peu prcs comme
des Barbares eux-mêmes par rapport aux nôtres r
car de la même manière qu'il' feroit impofTible a
des Iroquois de prononcer certains mors , qui?
nous font aifés, & que pour dire, par exemple,-
Lucifer j Ponce- Pilât e y ils diront Roujikouer , Konf-
kputrat , il doit fe faire auflî fort narureliemenr
qu'ils ayenr dans leur langage certaines pronon-
ciations , que nous ne puiflions pas nous empr-
eher de traveftrr;
Nonobitant cela néanmoins , fe ne laifTe pas'
de fentir dans ces termes anciens, ceux qui n'ont:
point d'Anafogie aTec les- Langues Huronnes ôc
îroquoifes , & ceux au contraire qui peuvent s'ac-
commoder aux unes & aux autres.
Parmi ces termes , ceux qui font chargés dç: Let-
tres Labiales, ne leur a.ppartiennciit certainement.
pas, parce que Tes Hurons & les Iroquois ne les
ont point ; ce qui leur doîin;e une grande facilité-
àc parler toujours la bouche ouverte , & en te-
nant le Calumet entre les dents^ Je parle de ceux:
qui en font chargés r car il e» eft d'autres , où
wne Lettre Labiale peut avoir été facilement fub-
A M E R I Q^U A r N S. 4<s^

ftïtuée à: une aurrCy laquelle aura le même efFec


^uant à l'Euphonie.
J'ai déjà dit y que termes qui m'avoient le
les
plus frappé , écoient ceux qui étoient pris de la
Langue d'un Peuple de la Thrace , dont l'ancien
lïom s'éfoit Gonfervé dans une ou deux Provinces
del'Afie, qui fontl'Arie & l'Areïane. Car, ou-
tïe ceux que j'ai déjà cités, j^enpuis encore citer
€fuelques-uns , où il n'y a aucun changement à
faire , qui font purement Iroquois & Hurons S>s -,

d"'autres , qui ayant toute la conft:ru6lion ôc le


goût de ces Langues , peuvent leur être rendus
arvec un lé^er changement.
OriUi les Orices, étoient un Peuple de l'Areïa- stïabo, nib.-
^^''^"^^^''
ne. Ce mot eft purement Iroquois
Huron. Il &
figni-fie une efpece de Pigeon fuyard , connu en

Canada fous le nom de Tourte y que \ts François


lui, ont donné. Ce font des oifeaux de padage^ Armn. tifo-
Hill. lad.
qui font prefque toutes années leurs nids dans
les
k pais des Iroquois. C'eft une manne fi abon-
dante , que cela peut être comparé au palTage des
Cailles en Italie. Il y a encore plufieurs Sauva-
ges ^qui portent le nom d'Gr/Vé, & il eft hérédi-
taire en certaines familles. Il eft vrai qu'il n'y .1
point de Nation Iroquoife, qui foit aujourd'hui
déhgnée par ce nom mais les noms des Na-
;

tions font chez eux fujets au changement, &dé-


endent de différentes cireonftances , ainfi queje.
l,^ai déjà remarqué.
Les fleuves de l'Arie ôc de l'Areïane étoient
Nnn iij:
470 MOEURS DES SAUVAGES
•fiin uh.6. nommés ,riui,-«^moy, ôc l'autre Tonâeron. [a] Le
«p^3- premier a la même racine que le nom même de
la Province, & vient du mot Ares, qui étoit auflî
le nom de Mars, ou de la Divinité de ces P.eu-
ples. Le fécond eft un mot Iroquois bien mar-
qué , & peut convenir à un homme , & à un fleu-
<ve félon l'ufage des temps anciens. Thonneron
ou Thonderon vient du verbe Kanneron ou peut- ,

être de Ganneron. Il y a plus d'apparence qu'il


vient du premier à caufe du de localité. T
Ariian. Lib. Lcs Âuteurs cftropient un peu , félon leur coûtu-
^^deeipedit.
nie,le uom de Li Ville Capitale de l'A rie,qu'Arrien
ptotom. Tab, qualifie de Ville Royale. Ptolomée l'appelle Ar-^
(^)
^^'*'
taç-ena,\ Strabon, Arélazena; Quinte-Curce, Artacac-
*•

Quint-Curt. '^ a „ i^l- ^ ^ r


naj Arrien & Plme, Artacoana, ou Artacoanna^ lelon

\

Ltb.é.cap.ii.

stiabo , Lib. quelques verrons. Ce dernier mot a toute la forme


ï'-pî' •
Iroquoife & Huronne &c pour être bien pro-
;

eii. nonce , il devroit être écrit Artakomn-ha , li 1 on


y fait Un périr cnangeméitt âU ^om-mencement ,
& qu'au lieu d'Arta^aann-ha on mette Annara- ,

^oann-hai cela voudra dire le grand Village, ou


la grande Ville., ôc cela .conviendra parfaitement
(a) Plinius , Lib. 6. cap. 23. la Ville Capitale de l'Ariej font
Ariana Regio ambufta fervori- voir combien ils étoient fu)ets à
'

=bus , defertirque circumdata , eftropier les mots des Langues


multa tamen inrerfusâ opacitate. Etrangères. Raderus, furJech.
congregat circa duos flu-
ciiltores 11. du Liv- ^. de Quinte-Curce.,
vios Tonderon
Sf Arorapen. Op- dit qu'on lit dans difFerens Au-
pidiim Artacoana. Arius qui prs- teurs , ou
manufcrits difFerens
fluit Alexandriam ab Alexandre des mêmes Auteurs, Artacannuj,
eonditam. ^rElacrana , Anacoana , Charta^
(^j Les variations qui fe trou- cram ArBacana Articaudma
, ,

ivent dans .les Auteurs au fujet de Anacoama', Sc^rùcanda.


A ME RIQ^U A N I s. ^7^
à la Bourgade Capitale de ces Barbares. Les aU'
très noms des Villes de l'Arie & de l'Areùne,
éroient manifeftement étrangers a la Langue du
pais , &c avoienc été donnés par les Princes , qui
s'en étoient rendus Iqs maîtres. Tel eft le nom
d'Alexandrie 5 qui y fut bâtie par Alexandre le
Grand 3. pour contenir ces Peuples légers & iiî^

eonllans. Ils étoienr fous la domination des Per-


hs, qui y tenoient un Satrape avec des troupes,
pour les tenir dans le devoir.
Arioch', appelle Roy dePontdans la VulgateV
&c des Scythes par Symmaque, avoientfes Etats
dans ces quartiers-là, & étoit fans doute l'un des*
Chefs des Peuples de l'Areïane. Ce nom peut ve-
nir du mot A"p)i5, & Eufebe l'appelle A''p«je$ ; il:
peut aufïi venir du mot Huron c^rio , & de Tlro-
quois Gario, qui veut dire tuer, ou battre. Ma"
riok., ou Rariosk, à la troifiéme perfonnc
Hariosk
mafculine du prêfent d'habitude , figîlifie le
Tueur, ou le Vainqueur nom qui convient par- j

faitement à un grand Guerrier, & à un Cher der^


Peuples.
Il que dans le peu de
doit paroîrre fingulier ,

termes qui fe trouvent dans une ou deux Pro-


vinces û peu connues , ceux qu'on a fauves des-
débris de l'Antiquité , & qui fignifienc- la Divi-
nité, les Provinces, la Ville Capitale, les Chefs^.
les Peuples & les fleuves , ayent une fi grande-'
conformité avec les Langues Huronne & ho»-
quoife.
,

471 MOEURS DES SAUVAGES


--
-En voici quelques autres. Ororttes , <]ui efl: ua
nom d'homme , d'un d'une Montagne ,
* &
fleuve de i'Afie, eft auffî un nom iroquois, qui
vient de Garonta , avec la finale augmentative
es y Garantes ou Oront es y un arbre fort grand, &
fort long. Orontobates paroît venir de ia même
racine pour être prononcé en Iroquois, c'eft-
, ô^

à-dire , en changeant la labiale B , qui eft mife à


çaufe de l'Euphonie , en o» que les Iroquois fub- ,

ftitucnt pour la même raifon aux labiales qu'il-s


n'ont pas , on dira Orontoouatet de Garonta arbre
d'Oronto un arbre dans l'eau , ou un canot, Oron-
ioouatety un jcanot entraîné par le fil de l'eau, &
par la rapidité du courant.
Tarr'ha étoit une Ville, 5c une Colonie, qui
de l'Iile de Gréte dans le Pont en
, alla s'établir
Afie. Ce nom (ignifie icn Iroquois une foreft ^
de Garr-ha forêt, Tarr-haj avec le T de localité,
il y a là une forêt. Il y a encore des Nations que

nos Iroquois appellent Garr ha^on-ronnon c'eft-à- ,

dire les habirans àçs forêts , ou de la profondeur


,

des terres. Ce font ceux que les François nom-


Àtàent les Têtes de boule.
«vid.sMe- Tharea Qi}: u« nom de -Chef de famille ^ & de
Anftaf L,b. Tribu chez lesDnneïeouts. Il paroît être le mê-
3.Khet.
^^.g ^yç çqI^^i (Je Terée Roy de Thrace , fi .ce-

* L'Ôrnnte un fleuve, qui


eft nom d'Ormtes au
Virgile donne le
fepare la Syrie de la Ville d'An- Chef des Lyciens , qui accompa-
tioçfee. C'eft .auffi le nom d'une gnoient Enée en Italie,
montagne , entre laquelle c€ & V»af» f«<« Lyctos fjutnejue ve*
ileuve , cette Ville eft fituée. bel;,.t Oromem.
lebrc
,

AMER I Q^U A I N S. 473


3ebre par la fable de Philomele , Se de Progné.
Honnogdres , ou Hannagares , Shonnogares , font des
'noms Iroquois peu différées les uns des autres
éc doiK la i-acine eft Ganna^am ou Onnagara la ,

corne , Onnacharcje la longue corne i sHonnagA-


refe la très-longue corne. On peut rapporter aces
«oms celui du fameux Scythe Anachariis , qui
mérita par fa fagefle l'eftime de toute la Grèce.
Les Grecs ont fait à ce nom des changemens peu
confiderables. Ils en ont ôté l'afpiration , qui cft
la marque caradleriftique de la troificme per-
fonne mafculine, la double », & ils ont interpofc
nineyentre \'r &c \'e , difant Ânacharfes ^ouï Han-
nachares. fe pourrois encore rapprocher de la Lan-
gue Iroquoife les noms Scythes de Toxaris , de
Dandamis , 6c plufieurs autres mais je ne veux •,

pas ennuyer par des étymologies , fur lefquelles


je n'oferois pas fairegrand fondas moi-même :
j'ajouterai feulement en finifTant , qu'il y a en-
core dans la Mofcovic un Lac , qui fe nomme le
Lac Onega, Onnega en Iroquois fignifie de l'eau ,
-& ce nom par-lâ convient aflez bien à un Lac.
Non feulement les Langues Ameriquaines n'ont
point d'Analogie avec la Langue Hébraïque ,
avec les Langues Orientales , avec la Grecque Se
la. Latine , &
avec toutes celles qui paflent pour
fçavantes mais elles n'en ont pas non plus avec
;

-les Langues vivantes de l'Europe , & les autres


qui nous font connues , fi l'on en excepte cçlle
des Eskimaux ^ qui approche fort , dit-on , de
Tême IL Goo
474 MOEURS DES SAUVAGES^
celle des Bafques. Si ce rapport fe trouve dânfe
rœconomie des deux Langues , on en pourroic-
tirer quelque confequence fur leur origine , &c Cq-
perfuader que les Eskimaux font defcendus de ceV
IbérienSj qui étant allés avec les Cantabres peu-
pler rEfpagnej, en fortirent enfuite, félon le té^-^
moignage de Strabon , pour retourner en Afie,.
©Il le nom d'Ibérie fe conferve encore , quoique:

fes anciens habitans , lefquels n'étoient gueres-


fiables, ayent pu, palTer enAmérique, v niais s'iL
ne fe trouve que certains mots bafques entés fur
le langage naturel des Eskimaux ^ on doit penfer
qu'ils les ont pris du commerce des Bifcayens,..
qui ont les premiers fréquenté, ces côtes mariti-
mes , où la pêche de la morue &c de la baleine les
avoir attirés, de la même manière que
Grecs les
avoient pris quelques mots àts Langues; des Bar-
bares, avec qui ils avoient été en relation. Il fe
trouve ainfi dans les Langues Huronnes & Iro-
quoifes, quelques mots qui font dans la Grecque,,
dans la Latine,. & même dans la Françoife.
Toute Langue barbare eft extrêmement diffi-
liile à apprendre à un homme, qui en parle une

Autre , laquelle a une œconomie toute différente.


Il ne fçauroit en venir à bout lui feul fans une

extrême application, & un ufage de plusieurs an-


nées. On peut dire même qu'il ne la fçaura ja-
mais que très-imparfaitement, s'il n'eft fecouru,.
èc s'il n'a le talent de fuppléer au défaut des Lir
v.res, en fe Eiifant une méthode , qui lui appla?-
j

AMERI Q^U A î N s. 475


'niffe les difficultés , & qui lui abrège le chemin.
Quand donc deux Peuples , qui parlent des Lan-
gues (î éloignées, telles que font la Langue Iro-
quoife & la Françoife, s'approchent pour la né-
ceiïité du commerce, ou pour mutuel- fe fervir
lement de défenfe; ils font obligés également de
part & d'autre de s'approcher dans leur langage
pour pouvoir s'entendre les commencemens en.
-,

iont affez difficiles mais i la fin , avec un peu


:

d'ufage, ils parviennent d fe communiquer leurs


penfées, partie par ge(ÏQs , &c partie par certains
mots corrompus , qui ne font ni de l'une, ni de
l'autre Langue , parce qu'ils font eftropiés , &
'qui compofent un difcours fans rime ni raifon ;

mais qui, par l'ufage, relient confacrés à certai-


nes fignifications , lefquelles fervent i les faire
parvenir au but qu'ils fe propofent.
Il s'efl: formé de cette manière en Canada, aux

IÙqs de l'Amérique , & en differcns autres pais,


où les François commercent, un jargon dont le
Dicbionnaire eft fort court , ôc ne roule que fur
le commerce miêmei il y entre des mots pris des
Langues de toutes les Nations, avec qui les Fran-
çois iOnt communiqué ; on y prend un. temps
pour un autre, une troisième perfonne pour une
première, un plurier pour un fingulier tout eft ;

bon , le gefte , la préfence de la chofe , & l'ufa-


ge , rendent intelligible un difcours , par lui-mê-
me inintelligible. Le François croit parler la Lan-
gue du Sauvage, le Sauvage croit parler celle du
oo i O
^^jc MOEURS DES SAUVAGES^
François , & ils s'entendent aflez bien pour le be-
foin qu'ils en ont.
Pendant premiers mois de mon féjour au
les
Sault-Saint-Loùis, les Sauvages me parloient ce
jargon, & ils tuppofoientj. qu'étant François, je
devois l'entendre y mais peu , que
je l'entendois fi

dès que je commençai à voir un peu clair dans les


principes de leur Langue naturelle, j'étois obligé
de leur dire de parler comme ils font entre Sau-
va o-es , & je comprenois alors beaucoup mieux
leur penfée..
Dans l'Amérique Méridionale il y a une Lan-
gue univerfelle, qui a cours par-tout, & qui e(l-
par-tout entendue, comme la Langue Malayoifa
dans les grandes Ind-es. Outre cela , chaque Na-
tion particulière a la fienne, différente de celle
des autres & il y en a un fi grand nombre ,,
,

qu'on prétend qu'aux environs feulement du fleu-


ve des Amazones, il doit y avoir près de foixan-
te-dix Langues diverfes. Outre cela , il faut re^
marquer queprefque chez toutes ces Nations , il
y en a proprement trois l'une qui eft propre du
s

ftyle de Gonfeil , fi relevée & fi obfcure , que


fouvent ils n'entendent pas ce qu'ils- difent. La
féconde eft particuliereauxhomraes>-& la trois-
fiéme aux femmes..
Dans l'Amérique.: Septentrionale , routes les

Langues àz% Peuples, qui l'habitent, fi l'on en


excepte Sioux & quelques autres , qui ne nous,
les
ibni pas afTez connus , & qui font au-delà du MiC-
A MER I Q^U A I N s. 47V
fïfTppi , deux Langues Mères , à'
fe rapportent à
fçavoir l'AIgonquine & la Huronne. Celles-cjr
fe foufdivirent en autant de dialedes , qu'il y 3.'

de Nations particulières^. Quand je dis que la Lan-


gue Algonquine & la Langue Huronne font les)
Langues Mères , je parle félon l'idée commune ;

car entre tant de Langues, qui ont un très-grand


rapport entre elles il feroit difficile , pour ne pas>
,,

dire impoffible, de difcerner les Langues origi-


nales d'avee les diaiedtes.
Quoiqu'il n'y ait guere^ plus de vrais' Algon-
quins, que les Iroquois , & que les eaux de vie les
ayenc prefque entièrement détruits , la Langue Al-
gonquine eftcependant la plus répanduëy & fe
parle par le plus grand nombre des Nations de-
puis le fleuve Saint-Laurent jufqu'au Miffifipi.
La Langue Huronne étoit autrefois trcs-éten-'
due. Le Père de Br^beuf comptoir environ trcnta
mille âmes de vrais Hurons, diftribucs en vings
Villages de la Nation. y avoir , outre cela
Il 3.

douze Nations fedentaires & nombreufcs , qui^


parloient leur Langue.
La plupart de ces Nations ne fubfîïlent plus ^.
les Iroquois les ont détruites. Les vrais Hurons
font réduits- aujourd'hui à la petite Miffion de
Lorctte,. qui eft près de Québec, où l'on voit 1er

Chrifti-anifme avec L'édification d& touff>


fleuri-r

les François à la Nation des Tionuontatés, qui


i

font établis au Détroit j &


à une- autre Na;-
liion nombrçufe , qui^s'eft réfugiée à la Caroline;-
O Go iij,
478 MOEURS DES 5ÂtJVAGES
Il yencore dans la Virginie quelq^uies mifera^
a
blés reftes d'un Peuple , que les Iroquois nom-
ment , atati-onoué y c'Qiï-2L-dke , qui parlent une
Langue commune avec eux. Je crois que c'eft
celle, qui eft connue dans les anciennes Rela-
tions Françoifes fous le nom À' Almouchiquois. Il

n'y a pas long-temps que les Iroquois ont celTé


de les harceler ^ & de les fatiguer par les partis
-de guerre qu'ils "envoyolent chez eux.
je croirois auffi qu'il y a encore quelque Peu-
ple de la Langue Huronne<lans la nouvelle Zem-
ible. Dans le premier Recueil des Voyages du
Nord , il Chronique Danoife
eft dit , » que la
» remarque, que trois Sauvages qu'un Pilote An-
« glois avoit amenés du Détroit de Davis à Cop-
«penhague, parloient fi vite ou plutôt bredoiiil- ,

»îoient fi fort, qu'ils ne prononçoient rien dif-


« tinétement que ces deux mots, ok.(t indecha^
« dont on n'a jamais fçû la fignification. Je crois
y reconnoître , te le génie de la Langue Hu ton-
ne qui articule peu fes mots par le défaut des
,

lettres labiales , &


une terminaifon qui leur eft
ordinaire. Si même , dans ces deux mots , que je
fuppofe un peu traveftis , on fait un léger chan-
gement peu fenfible à l'oreille , & qu'au lieu
à'okA indecha y on dife taotendechai 3 cela fignifiera,
^uejl-ce que cefl que qui dévoient
cela, f paroles ,

être fouventdans la bouche de ces Sauvages, lef-


quels fe trouvoient tranfplantés dans un païs > bu
ils voy oient bien d&s chofes capables de piquer
A M E R I Q^U A r N S. ^-^^
h. curiofité, & qu'ils n'avoient pas accoutumé de
voir dans le leur.
Les cinq Nations Troquoifcs forment autant de
diajiig<5tes: différentes de la Langue Huronne, &:
qui s'éloignent autant entr'elles à peu près , que
le François , l'Efpagnol & l'Italienunes plus j.
, les

ôc les autres moins , avec quelque proportion , &&


à raifon de leur firuation.
La, Langue Huronne eft noble, majeftu eu fey
& plus régulière que les Iroquoifes. Lapronoiî-
eiâtion en eft rude , fore gutturale, &: l'accent en-
eft difficile à prendre. G'eft cet accent que les-

Etrangers n'attrappent pas facilement. Nos Mif-


iîonnaires cependant avoient un donieftique au»
Hurons , qui , quoiqu'il n'eut jamais pu apprerî*-
dre la Langue, pendant plufieurs années de fê-
jour , s'étoit fait néanmoins une efpece de jar--
gon, pour fe divertir, & qui ne fignifîoit rien y.
mais où l'accent étoit fi bien imité , avec les termi^
naifons des mots les plus ordinaires, que les Hue-
rons eux-mêmes y étoient trompés , difoient j, &
nous voyons bien qu'il parle nôtre Langue, mais^
nous ne pouvons comprendre ce qu'il dit.
La Langue des Iroquois Onnontagués appro*-
che le plus de la Huronne par fon accent &par^
fês terminaifons; & par cette raifon-là même y,,

elle eft plus eftimée que les autres. En la proi


nonçant ils ont une efpece de cadence & de fub*-
fultation , laquelle n'eft pas défagreable.
La Langue des Agniés eft plus douce & moitis:»
48o MOEURS DE.S SAUVAGES
gutturale, elle n'a tout au plus que quelcjues aC
pirations fines , Se peu fenfibles.
VOnnetout paroît s'être formé de l'Agnic. Us
affeitent en le prononçant, une forte de déi^ica-
teflfe. pour l'adoucir davantage, changent la
ils

lettre r en ,/, ôc tronquent la moitié des mots ,


<lont il faut deviner la dernière ryllabe. Cette dé-
licatefle afFedéeeft cependant défagreable, & le
ton qu'ils y donnent, a quelque chofe de peu
fpiri-tueL
Le Goïogùuen & le Tfemontouan , font rudes , fur-
fou t Tfonnontoumn , aulïi les a^utres Iroquois fc
le
moquent d'eux , & difent qu'ils parlent mal. Les
^.Françoiseux-mêmes les appellent les Païfans , la
^rofliereté de -leur Langue fe faifam fentir fur
ioute leur perfonne. Cependant le Père de Car-
Jieïl ayant appris leur Langue, après avoir beau-
coup travaille fur la Huronne, & fur les autres
Iroquoifes , la trouve la plus -énergique, &la plus
.abondante de toutes.
Toutes ces Langues font vivantes , fujettes &
au changejETient. Il s'y fait de nouveaux mots ;

d'autres y perdent leur grâce, & deviennent fur-


annés. Chacun fe piqu€ de bien parler fa Lan-
gue j & ils raillent volontiers de ceux qui par-
lent mal. Ils refpe<3tent néanmoins les Etrangers,
Jfur-tout les Eurppeans, qu'ils regardent comme
incapables de l'apprendre , fi l'on en excepte les
Miflionnaires , qu'ils croyent devoir la pofleder
(Cpmme eux-piêmes, par.ce qu'ayant lefecour^de
i'Ecritujre
A M E R I Q^U A I N S. 481
i'Ecricure, ils fe perfiiadent que tout efl: écrit, Se
que s'a
p
pli quant à la Langue par état, c'eft leur
•faute s'ils la parlent maL
La plupart de ces Peuples Occidentaux , quoi-
qu'avec des Langues trè-s-differentes , ont cepen-
dant à peu près le même génie , la même fa^on
de penfer, & les iiiêmes tours pour s'exprimer.
Mais comme ces Langues manquent d'une infi-
.nité de termes , pour exprimer Ïqs connoiflances
que les Arts nous ont données , ils ont encore
une plus grande difette d'-expreflions qui ayenc
.rapport aux idées que nous avons de la Religion j
/de forte que les Milïîonnaires , qui ont eu i dé-
fricher ces Langues , ont été obligés de dévorer
des difficultés qui paroifToient infurmontables, non
ieulement pouf apprendre les <:bofes d'ufage , &
^ui viennent fou-vent dans le difcours ; mais il leur
iallut encore une étude plus parriculiere & bien ,

plus pénible pour tirer du fonds de ces Langues


même , comme un nouveau langage , qui fervic
a leur faire connoître les chofes de Dieu, & les
vérités abftraites. Et bien que ce langage nou-
veau ne confifte pas dans des mots forgés , &c
entés fur le leur, mais feulement dans des pcri-
phrafes , éc des compofitions tirées du fonds. Se
du tour de leur Langue même, qu'ils entendent
aifément , il a été cependant très-difficile d'y par-
venir & ceux des Européans , qui ont vécu parmi
;

*ux plufieurs années , qui ont appris leur Langue


4cs l'enfance, avouent ingénument, qu'ils ne fçau-
Tomc IL Ppp
j^n MOEURS DES SAUVAG>ES^
roient leur parler de Dieu , & les inftruire , com^
me font les Mifïionnaires ,
quoiqu'ils eompren'^
lient d'ailleurs tout, ce que les Mifïionnaires di*i
£enr.
Le Père Biard s'exprime fur ce fujet d*une ma-r:
niere à faire plaifir. Et j'ai cru qu'il ne feroiti
pas défagreable au Ledeur que je.rapportafle ici^
Rdat. delà fcs ptoprcs parolcs. » Les JefuitcSj dit-il , voyanr
îsTchr"" H que pour la converfion d^es Payens, la. Langue;
p- H9. «leur étoit totalement néceffaire ,. fe réfolurenç.
~.d'y vacquer en toute .diligence. Maison ne fçau-f.;-
«,Yok croire les grandes difficultés qu'ils y rencon-
«crerent , parce principalement qu'ils n'avoient-:
«aucuns Interprètes , ni Maîtres. Le. Sieur dei
«Biencourt ôc quelques autres y fçavoient bieiit-
. - quelque peu ,. ôc aflez pour la troque & aifairesi*.
» communes. Mais quand il étoit queftion de par-
»ler de Dieu & des affaires de Religion, la étoit;
«le Sault, là le Cap Non. Partant , ils étoienc:
«contraints d'apprendre le langage d'eux , s'en-
» quêtant des Sauvages , comment ils appelloiene
» chaque chofe , befogne n'étoic pas fort pé-
de la

«nible, tandis que ce qu'on demandoit, fe pou-


» voit toucher & montrer à l'œil, une pierre, une
0= rivière, une maifon , frapper , fauter , rire , s'af-
» feoir ;mais aux adlions intérieures & fpiritueL
9» les, qui ne peuvent fe démontrer aux îens , de
»>aux mots qu'on appelle abftrads & univerfels ,,,
"Comme croire , douter , efperer, difcourir, ap^
«préhender, unanimal, lui corps, unefubftancej^.^
--

*
A M ERIQ^U A INS. 483
mn péché, raifon, juftice,"
efprit, vertu, vice,
.&c. en cela il falloic ahanner & fûer, là étoient «
les tranchées de l'enfantement. Ils ne fçavoient -
|)ar quel endroit s'y prendre, & fi en tentoient
plus de cent il n'y àvoit gefte qui exprimât»
>

luffifamment leur conception, & fi ils en em-«


ployoient plus de mille. Cependant nos Mef- «
Ters de Sauvages , afin de fe donner du pafTe- •
temps, fe moquoient libéralement d'eux, toû-w
jours quelque lornette, & afin que la moquerie-
fut encore plus profitable. Ci vous aviez vôtre
'papier & plume pour écrire , il falloir qu'ils euf- ••

•fent devant eux le plat rempli , & la ferviette «


.deflbus , car a tel trépied fe rendent les bons «
Oracles. Hors de.-lâ & Apollon &c Mercure
; «^

.'leur, défaillent ; encore fe fâchoient-ils , ôc s'en*


alloient ,
quand on les vouloit retenir un peu «

-long-temps. -

J'ai cité au long les paroles de ce Père


pour ,

rendre plus fenfible l'affurance admirable du Ba«


ron de la Hontan , qui nous, ayant donné à la fin
de fes Mémoires un Didionnaire Huron, com-
pofé de cinquante mots, dont la plupart font ef-
tropiés ne balance pas un moment à fuppofer
,

un grand &
long dialogue entre un Huron &c lui
en matière de Religion. Je doute qu'après trente
ans de féjour parmi les Hurons , il eut été capa-
ble de répondre à fon Sauvage, quand bien même
'il que le Sauvage eut été capable des
feroit vrai
raifonnemens quULlui fait faire, & qui ne font
P p p ij
484 MOEURS DES SAUVAGE5?
certainement que de lui feul. Son efpece de Dic-
tionnaire Algonquin,, quoique plus long , n'efï
pas plus exadlj mars à fa faveur de ces mots que
quelqu'uTï hiiaura fans doute fait écrire , il a cru ,.
qu'il pouvoir perfua^der au Public, qu'il pofledoic
parfaitement Langues &c les Mœurs des Sau*-
les

yxgQs, tandis que d'autre paft , il a aflez de con-


fia;nce pour fe mettre dans Pefprit que ce même
Public le croira , quand il aflure des Prêtres ô€
des Mi{fionnaires, qui ont vieilli parmi les Sau-
vages , qu'ils n'ont pas fçû la fignification d'un
mot fî ufé, fi que jufqu'aux enfans des
trivial ,

François Canadiens, il n'y en a pas un feul, qui'


ne k fçache.
La raifon de cette grande difficulté qu'ont eu
les Miffionnaires dans les commencemens pour
pouvoir apprendre Langues- des Sauvages, c'efl:
les

qu'ils étoient fur ce point dans la même erreur,.


que celle où ils étoient au fujet de leurs mœurs;
Ils vouloienc juger d'eux par nos- manières & par-
nos ufages i de forte que ne voyant rien de cette
Police, qui eft établie parmi nous y pour la Re-
ligion & pour le Gouvernement civil , ils-les cru^
rent fans Religion , fans Loix , & fans forme de
République. Us voulurent juger de la même ma^-
niere de leurs Langues! parcelles de l'Europe; &
Gommeils ne les avoicnr point pénétrées,. ils al-
lèrent s'imaginer , ainfi que le Père le Jeune l'écrii-
oit alors , - que tous mots de pieté , de dé-
les
»» voiion &; de vertu^i tous les termes dont on fe
"

AM E R I QV A I N S. 495
féïtpour expliquer les biens de Pautrc vie i le-
langage des Théologiens , des Phiiofophes, des •
Mathématiciens, des Médecins, en un mot de*
tous les hommes ks paroles qui «
d<5(fles h- coûtes
concernent la Police &c le Gouvernement d'une *
Ville, d'une Province, d'un Empire tout ce* j

qui touche la juftice, la récompenfe, lechâti-«~


ment les noms d'uneiniïnité d'Arts ^ qui font*
:

en nôtre Europe d'une infinité de fleurs , d'ar- *•


-,

bres, de fruits, d'une infinité d^ animaux-, de


"
mille , ôc mille inventions , de mille beautés ,
& de mille richelfes ; que tout cela, dis-je , ne**
fe trouvoit- m dans la penfée , ni dans bou- la
"^

ehe des Sauvages, n'aya^nt n-i vrafe Religion,"


ni connoiflfance de vertus , ni> Police, ni Gou-*
vernement, ni Royaume, ni République, ni**
fcience, ni tout ce que je viens dé dire : & par *
confequent que toutes les paroles, tous- les ter-
mes j tous les mots , & rous les noms , qui tou- «
ehent ce monde de biens & die grandeur, de-.,
voient être défalqués de leur Diârionnaire* -
QLToiqu'il y ai: en-cela quelque chofe de vrai',.
& que la difetce d'une part ,- ôc l'ignorance de
beaucoup de chofes de l'autre , doivent rendre:
leurs Langues plus ftériles que les nôtres cela* ;

B'eft pas néanmoins à beaucoup près auM étend;^


que le dit ce Père v mais la fource de l'erreur y
qui lui eft commune avec ceux qui en ont parlé"
comme lui , c'eft le peu de connoifFance qu'il
a.V'Oit da tour de ces tangues Sauvages , lequel
-
Pppiii
^

4B<î MOEURS DES SAUVAGES


de celles de l'Europe.
eft fort différent
Saint Ifidore de Seville dit, qu'Ariftore fut
ie premier, qui diftingua dans la Langue deux
parties d'oraifon, fçavoir, le nom, ôc le verbe.
Oirenfuite Donat en huit parties
les diftribua ;

mais que les fix dernières fe rapportent i, ces deux


principales, c'eft-à-dirc , au nom , & au verbe,
qui fignifient U perfonne & l'ade que les au- :

tres n'en font que des appendices , & leur doi-


veiit leur origine. Car ie pronom vient du nom ,
de tient fa place, comme, par exemple, Orator
ille, cet Orateur. L'adverbe vient aufli du nom.,
comme de Doêlus^ doÛt de Sçavant , fçavam-
,

ment. Le participe eft formé du nom & du verbe,


ainfi que legOy legens je lis, lifant. La conjonc-
,

tion, la pcépofition , l'interjection , -ne fervent


qu'à affembler les autres, & à lier le difcours.
C'efl;pourquoy ,ajoûte-t-il quelques-uns ne com-
,

ptent que cinq parties de l'oraifon, comme fi ces


:crois dernières étoient fuperfluës & inutiles.
Dqs deux parties d'oraifon que marque Arif-
stote, les Langues Huronncs & Iroquoifes, dont
dl eft ici parlé principalement, car je ne connois
pas les autres, n'ont que le verbe ,
qui domine
dans toute la Langue ; ainfi point de nom fub-
ftantif & de déclinaifon, de cas.
adjectif, point
ôc d'articles. Voilà d'abord un retranchement de
.plus de moitié fur nos Langues après quoi on ;

ne doit pas êtrefurprisdel'étonnementoù étoient


ai os MilTionnaires , qui s'attendoient à trouver
'

• * 1

A M E R I Q^U A I N S. 4^7
Langues Ameriqiiaines, une quantité de
«Tans ces
noms propres, abftraits, généraux, particuliers,
individuels^ dérivés, diminutifs, augmentatifs,
en un mot , tout ce qui , dans les Langues d'Eu-
rope , fe trouve être du refTort du nom , qui en &
dépend, n'y trouvoient cependant rien de tout cela.
Le langage en un fens, une chofe purement:
eft

arbitraire , & les termes dont il eft compofé ,,


n'étant que des fignes inftitués pour repréfenter
les'chofesaufquelles ils ont été attachés-, ne figni-
fient rien par eux-mêmes c'eft-à-dire, qu'ils font
:

indifferens, par eux-mêmes, à fîgnifier une chofe,


ou bien une autre , de même
manière que les
la
caraderes & les figures, qui font les images ôc
lés fignes des termes , n'ont de force & de va-
leur , qu'autant qu'on eft convenu qu'ils auroienr
une telle fignification. De cette forte les Langues-
peuvent être multipliées, autant qu'il y a de Na-
tions, & elles pourroient être fi abfolument dif-
férentes les unes des autres , qu'il n'y auroit pas
une expreflion, un feul mot de l'une dans l'autre ,~
avec la même fignification , fans un pur effet da
hazard, ou de la communication de ces Nations,^
qui auroient adopté quelques mots , par le com-
merce qu'elles auroient eu enfemble.
Mais d'un autre côté, le langage étant infti-

îué pour repréfenter nos penfées , & ayant une;


connexion eftentielle avec les opérations de l'âme:,,
& avec les objets, fur quoi nos penfées fe por-
tent, pour affirmer ^ ou nier , en un mot poun
,,

4Sï8 MOEURS DES SAUVAMES


prononcer , & s'expliquer fur ce qui leu r convient
ou ne leur convient pas il faut néceflairemenpi

pour le lien de la £bcieté, pour k commerce, Se


pour la .commu4iicati«n .de nos idées ^ qui font
par-tout a peu pr^s les mêmes dans tous les hom-
mes^ & qui ont par- tout les mêmes objets il j

£iut j dis-je , que tout langage ait comme le nôtre


des noms de différente efpece , des adjedifs, des
fubftantifs , &c^ £c xians ces noms , des nombres ,
des genres & des cas des verbes a£lifs paflifs
, :
,

neutres &c. & dans ces verbes


, des temps Se , ,

des modes des premières des fécondes & des


, , ,

troifiémespeifoiines-, enfin 4es adverbes, descon-


pni^ionis , des prépo:fitions , & d'autres particu-
les, qui fervent a lier le difcours, à aflèmW^r les
termes , & i faire un fens complet ou bien il ;

£aut qu'il y ait un équivalent, qui puiflTe fournir


autant de fignes qu'il eft nécefTaire , pour fup-
pléer au défaut de ces différentes parties d'orai-
lon , lefquelles £e trouvant da^ns ujne Langue , ne
fe trouveroient point dans une autre , qui fe-
roit rerxainement défedueufe & -inutile , Ci elle
n'avoic pas dans fon fonds de quoi remplir la fin j
& le bat de toute Langue, qui confifte dans une
telle communication de nos penfces les uns avec
les autres, qu'il n'y ait rien , fur ^uoi nous ne
puiflions parler &: raifonner.
^cs Langues Huronncs & Iroquoifcs n'ont pror
prement que des verbes, qui en compofent tout,
le fonds , de foxtc que tout fc conjugue. Se que
ii?a
rien ne fe décline mais dans ces verbes il £e
j

trouve un artifice admirable , qui fupplée à touc


lerefte; & c'eft cet artifice, qui fait toute l'œco-
nomie de ces Langues , lefquelles ont leurs beau-
tés comme Mais comme il n'y a point
les nôtres.

de Langue parfaite, avec leur régularité elles ont


-aufli leurs irrégularités, qui les rendent difficiles

-& £pineufes.
J'aurois <lonné d'autant plus volontiers une »

idée de quelqu'une de ces Langues , pour en faire


.connoîtne l'œconomie , que jufqu'à préfent per-
•fonne ne l'a encore fait ; la plupart des Voya-
-geurs s'étant contentés de donner quelques voca-
.bulaires imparfaits, confifliant dans quelques mots
eftropiés , qui font le plus ordinairement ea
-ufage mais j'ai fait réflexion qu'une idée abre-
-,

-^gée feroit trop imparfaite, & que d'autre part.,

•je ne puis m'étendre fur ce fujet , fans devenir

-ennuyeux par une multitude de termes barbares-,


;qui feroient défagreablcs au Public, que ces Lan-
-gues étrangères touchent peu , dont les Sçavans
même ne peuvent pas tirer de grandes lumières^
:& qui ne peuvent tout au plus avoir d'autre efi^et^
que de faire voir que ces Langues font fort éloi-
gnées de celles que nous connoiflbns : qu'elles font
riches malgré la difette qu'on leur attribue , que &
-quoiqu'elles aient une œconomie différente des nô-
tres, elles ne laiflent pasd'avoir degrandesbeautés.
Voilà en fubftance tout ce que j'ai pu recueillir
" ^°^
:des Mœurs des Sauvages AmeriquainSjôc ce quim'a
'^

paru plus digned'être connu & obfervé. Si j'ai omis


Tome II, Q,qq
45)o MOEURS DES SAUV. AMER,
quelqu'une des chofes^^qui peuvent être venues a
ma connoifTance, ce ne font que quelques circonf-
tances &quelques particularités , qui m'auront"
échappé 5 ou qui ne mériteroientpas lacùriofité du
Lecteur. Je ne prétens pas néanmoins avoir tout dit
ce qu'il peut y avoir d'efTentieJ i^'avouë même que
j'ignore plufieurs deces particularités, qui peuvent
ca rade ri fer un ufage, & donner de grandes lumie-
'
mieres pour entrer dans le parallèle que j'en ai fait
avec les mœurs des Anciens i mais ce n'eft pas ma.
faute c'eft plutôt la faute de ceux, qui ayant vécu
j

parmi cqs différentes Nations que jcin'ai pu con-


noîire par moi-même, ou ne fe font pas embarraf-
fés decreufer, ôc d'approfondir ce qu'ils voyoientj,.
ou ne fe font pas trouvés capables de faire ces fortes
de recherches. Ce que j'ai fait ici, n'eft qu'une ébau-
che très imparfaite de ce qu'on peut faire, mais qui
contientnéanmoins un plan, fur lequel on peut tra-
vailler d'une manière utile à la Religion & aux bel-
les Lettres. Les Millionnaires , qui font répandus
chez les différentes Nations des Indes Orientales &
Occidentales ,.qui fçavent les Langues des Peuples
qu'ils cultivent, font plus en état queperfonne da
perfectionner ce travail. Je fouhaite avec pafllon
qu'ils veuillent s'en donner la peine., & je protefte
que une obligation infinie à ceux qui vou-
j'aurai
dront redrefTer mes idées ,. fur les points que je
pourrois avoir mal pris , & fur lefquels je me fe-
rois égaré, ou me fournir de nouvelles preuves^
pour appuyer mes conjedures , &: pour en faire de
lîouvelles.

Fin du fécond Tome.


. ,

TABLE
ALPHABETIQUE
MDES PRINCIPALES MATIERES
contenues dans les deux Tomes.

- ne à M. le Légat Mezza-Barba au
fujet des Acéphales
j ^j. t. i,

AB E N A Qjr I s.

pag. 149. corn. I. Leur rcf-


ped religieux pour un cer-
Leur pai's , Achille fait
bûcher de
Il traîne
égorger

le
12.
Patrocle
corps
,
Troyens
276.
d'Hedor
t.
au
z.
au-
tain arbre. , tbni. Pour la virginité ^ tour des murailles de Troye, 428.
3^9. t. I. Adonnés à la Pyroman- t. 2. Met fa chevelure entre les

tiCj 587. t. I. Coutume finguliere mains de Patrocle fur fon bûcher ,


touchant leurs mariages, 575. t. 437. t. 2.
I. Moins cruels que les autres Acîee premier Hoy des Athéniens,
; 'Sauvages, 307. t 2. . le même qxie Cecrops , 246. t. i.
^bner. Expreflion d'Abner propofant AH/e Se ABis.- Premiers noms de
à Joab un duel entre quelques l'Attique 24<j. t. i-
,

;braves deleurs deux armées , i j6. Acouti. Animal, & fa defcription.,

tom. 1. 257. t.i.


Abraham confacreun Bois à Gerarc Adad. Nom du 'Soleil, &
des "Rots
Ji l'honneur de la Divinité , 138. de Syrie. Signification de ce mot,
tom. t. 132. 1. 1.

.Abraham & Loth , comment étoient Adum Se Eve font les premiers ob-
frères, jjo. t. i. En quel fens jetsdelà Théologie hiftorique des
Abraham &
Ifaac ont pu donner Anciens, 2 2<î. tom. 1.
'le nom de iœurs à leurs épou- Ades ou Aidoneus Roy ,
des Molof-
{&s, ihid.t. I. £es. Le même quePlutcn des
le

[Abra'iam. Des Rois qu'Abraham Anciens. Etymologic de ce nom


vainquit , & de leurs Etats , ï 8 1 238. t. I,
t. 1.Comparaifon de cène guér- Adonis. Le même que le Soleil , i2i?.

ite avec celle des Sauvages , ihid. t. Myfteres d'Adonis les mt^
r. ;

u^cephaks anciens & modernes ; ce mes que ceux de Bacchus & de


^. qu'on en doit penfer, 64.. t. i. Gérés,. - 221. t.' r.
Acéphale tué par un Iroquois , 66. t..i. Adoption. De l'adoption parmi les
Difcours de l'Empereur de la Chi- Sauvages de l'Amérique Septen-
, , , ,. , .

t ABL S AL P H A B Ë T I Q^U Ê^

tiiônak, 508. r. 2. Habitent la Ly cie , &c y font vauL*-


"uidnltererigoureufcment puni dans cucs par Bellorophon, 46 (î. t. i.-
l'Amérique Méridionale, ciisZ' & Leurs Tribus , 4(î8< t. i. Villes
quelques Nations, de la Septen- qu'elles avoient bâties en Afie,
trionale ,_ 587. t. I. 4^8. t. I. Travaillent les champs^,
a'Îkkov. Feftin chez les Lacedemo- «33. t. 2. Amazones du Tanais ,

niens , appelle aIhkcy. 513. t. i. voifines des Chalybes , 73. t. 2*.


jËjfatres. Manière de les traiter par- Retenoient les filks , ren- &
mi les Sauvages 484. 1. 1. voyoient les enfans i leurs pères , .

'^jfaires civiles ^ ôc Juriiprudence des 500. 1. 1.


Sauvages, 485.1. i. Amazones dans le Gaucafe,.52. 1. 1.
.Affaires criminelles , & comment Amazones en Amérique , leurs &
traitées parmi les Sauvages, 48{î. mœurs, 52.- t. i. Sentiment fin--
rom. i. gulier de Pierre Martyr au fujet
'.Affaires d'Etat ,
^-01. t. i. des Ainazones Ameriquaines ^
I. Erreur de M. Huet fut
-
affinité , Les Sauvages
559. t. I. 171. t.

font peu d'attention aux degrez l'origine àts Amazones Ameri-


d'Aiiinité il^i'^' quainçs , & fur l'origine des Seu-
Agathyrjes. Leurs peintures canfti- ples du Pérou, 52.1.2.
ques Se palfageres, 39. t. 1. Amhaffades. DesAmbaflTadesjio. t.2.
A^tKtt/ 51b. t. I. Ame. Idée qu'en ont eu les Anciens, ,
Agoianders. Corps derAgoranders, 358. t. I. Idée- qu'en ^nt les Sau-
474.. t. I. vages , i^^. 1. 1. Termes dont ie
Agoskenr'hagetf i Corps des Guer- fervent les Iroquois pour l'expri-
riers, (47^- f- '• mer, 3^0i t. I.
'jigotkon. N'ôm dés Génies & des De- Ame. Idée des Anciens des Sauva- &
vins chez les IroquoISi f^oy. Devins. ges fur-1'ame des Bêtes ^ 361. t. i.
Agotfinnaken. Devins chez les Iro- C^nion abfurdefur les excurfionj -

quois
, tom. i. Voj. Devins.
.
de l'Ame pendant le fômmeilj 3 62.
Agohtenha. Le Sénat des Vieillards t. I. De l'état de l'Ame après la

47 j. t.r. mort, 394. t. I. L'état de l'Ame .

Aigle. Oifeau confacré an Sblèilpar- après la mort , étoit le principal


mi les Orientaux., à Jupiter & objet Jes Initiations aux myfteres
en Occident. 1^8. tom. i. thid. t. I. Comment les Payens fe
jii'gWs repréfentées furie fômmctdu font expliqués fur- ce point , i^^.
Temple des Natchez, 168. t. i. 1. 1 . Félicité des Ames félon 1 opi-
jilgmqmns. Nations Algonquines nion des Anciens & des Sauva-
comparées aux Pdafgiens , pi.-t. i. ges 407. t.-i. ,

Algoncjuins, V^. Sauvages; APneric Fefpiice abiwdelfrpremierdans -


Alléluia dans \t% chants^ des Sauva- le Continent du NouVeau-Mohde,
ges, 324. t. 2. &' lui donne- ion nom , 28. t. i.
'Afnaxfines , 5 a. t.- 1 Amérique divifée en -Septentrionale
Amazjanes anciennes. Leut origine, & Méridionale , 27. t. i. Décou-
leurs progrès, leur décadence, jo. verte de l'Amérique, ihid. t. 1.
1. 1, Leur Cinécocratie, 77,-t. ï.. 5i^ l'Amérique _a étie cennuë 4«*»*i
, -

ï)ï^ M A T I E R. È 5.
Anciens, it)'. t. I. Comment, & titre à Sparte; ^ %4A'l'\à
par où TAmerique a pu être peu- AtJ/^tiit. Ce que c'étoit , 510. t. i.
plée, }z. t. I. Des Peuples qui Années Lunaires fubordonnées aux»"
ont pafsé en Amérique , 4.1. t. i. années heliaques ou folaires, 227,
Conjedtures iur l'origine des Peu- tom. 2.
îles j qui ont peuplé TAmerique Année des Sauvages' divisée en qua»
>ar les termes des Langues Bar- tJre fai/bns , ijo, t. 1, Leur
ma-
jares <jij'on trouve dans les Au- nière de compter & de fuppmep
teurs anciens , 46. tom. i. les années , parallèle à celle des
Conjedlures par les Coutumes , Anciens, 2 2;.t. 2, •

48. t. I. Par quelques traits ca- Amidico- Marianites^ jj i. 1. 1.


radlareftiques , 49. tom. 1. Sen- Anthrofopl&ges. Sauvages Anthropo-
timent de l'Auteur fur l'origine phages , 307. t. 2..
^

des Ametiquains, 89, t. 1/ Antres confacrés à Apollon , à Bac-


jimericjHAins errans & fedentaires chus , &
dans les montagnes & -

comparés aux P-elalgiens & aux les lieux élevés, 147. t. i,-
Helleniens , 51. t. i. Anubis. Siftre d'Anubis, 2ij. t. i.
jimeric^uams. Voy. Sauvages. Apalackine. F'oy. Ca/ïine.
amitiés particulières des Cretois Apalachites. Montagne confàcrée aut:'
& des Spartiates ,.,605. t.. i. chez les Apalachites,i4(î.t.i.
Soleil
Ges Amitiés expliquées & jufti- Afis. Le même que Bacchus, Apol-
fiées contre la ca.omnie de quel- lon -Horus, &c. 240. t. u Sa i

ques Auteurs anciens, (304. t. i. figure lymboliquc, ibid. t.' r.


Elles étoient communes dans la Apollon. Le même quele Soleil , j 25«..-
Grèce, C<o6. t. i. t. I. Le même que toutes les Di-
jiwjâ,. L'enlevemeiit des Aimés à vinités rapportées au Soleil , ibid.
Sparte avoit probablement étéinC Le même en particulier avec
tituépar un eïpritde rclig. 6o6.x..\. ceux d'entre les Dieux, qui ont
jimans &c /îiwî/j dans la Grèce, fai- le plus de rapport au Libérateur,
fbient des offrandes au Tombeau 234. t. I. Dieu de la Guerre,
19},
d'Iolas ami d'Hercule, 6^07. t. r. t. I. De
Danfe Se de la Mu/î-
la
%^mitiés particulières des Sa-uva- «ju.e , t. X. Mufagetes, ou
197.
ges, parallèles à celles des Cre- Condudreur des Mufes , ibtd,
tois &c des Spartiates 605. t. i. Dieu & Auteur delà Médecine
Droits &
obligations des Amans & par la Divination , 562. t. 2»
^ aimés chez les Sauvages,6o8. 1. 1. Apollon Horus Dieu At^ Egyptiens^
jimrapkel, l'un des quatre Rois vain- allaité parla jeune I/is, 237. t. i.
cus par Abraham , 181. t. 2. Le même que Bacchus, tbid. Sa -
Anacharps. Paroles d'Anacharfis à figure fymbolique, 24o.t. r,"-
ion Roy, I g2. 1. 1 . Conje(5tures fur eApolloniperçant le ferpçnt Python j .

l'étymologie de ce nom j^j^u, i. quel fymbole, 254. t. r, -

z/iitj-akru Offrande faite au Démon eApôtres. S'ilS ont pafsé en Ameri»


par les Devins Caraïbes, 384. t. 1. qu,e,, 4JI, t. î.
ÂnaxanÀnde. Singularité d'Anaxan- tyïrbre du jardin dés Heiperides 5
dride,.qui prit, deux Epoufes ea quel^mbole, ijj.t. i,<.
, , , .

T A^B L E At P H A B È 1 1 Qja £
"UrbreJ ou ^pis confierez chez les
', y^rmes des Sauvages 155, t,-^
••Anciens &
chez. les Sauvages > y^rfalus. Chef des Solymes, 466'. f. 2.
'-
Ij7^ r. r. ^r/ime , épouCe & iceur de Ptolo-
iArbres portant le miél &.le fucre , mée, JJ5. t. i.
iji. r. 2. Artacoanna, "Ville Capitale de l'A-
'Arbres portant la cire , 1,5 8. t. i. rie,470. t. z. Conjeâures fur l'éty-
-^rcs des Sauvages, z^6. t. z. mologie de ce mot , ihid. Varia-
iA.'/i«?. Nom du Pieu Mars , 127. tions des Auteurs fur le nom de
tom. I. cette Ville , ihid.
i/i^reskoHt & Agrishoue. Noms du'So- jinaxerxes. Son horreur pour la pat
leil chez les Iroquois chez les & fion de fa mère, 546. t. i.
.Hurons, ijz.t. i Ces noms fem- . Artemife , époufe de Maufole , con-
.blent défigner proprement le iou- facre la mémoire de fon mari en
•verain Eftre , 12^. t. i.Xeur rap- buvant fes cendres , lui érigeant &
port avec'le nom ylres , 127. t. 1. un Tombeau, - 444. t. 2.
•^cTesk^oui Se _^griskoue font le ;Dieu ^rw. cultivés avant le Déluge, 40.
de laGuerre, comme Mars dç le tom. I.

la Thrace, zo6. t. i. Aïjafie , concubine de Cyrus le jeu-


'^rtft'jufe. Marc d'Arethufe , fa & ne , faite Prêtrelfe de Diane ou
confiance dans les tourmens , 277. du Soleil par Artaxerxes Mne-
tom. I. mon , z 6^. t. i

j^rte ôc Aréiane Provinces de l'A-


, AffetKbh'es lôlem.nelles des Sauva-
'' fie, 207. t. I. ges , 508. t. I.
yîretos & Thonderon , fleuves de yi^octations chezlcs Sauvages ,.47<>.
.l'Aiie & de TAreiane. Con}e6tu- tom. I.

,res fur l'étymologie de ces poms, y)(fociateur. Jupiter Ailôciateur, j 12.


470. tom. 2. tom. I.
j^rendiouânn. Voy. Devins. Aflaouen , ou Tortue , inftrument de
•.Argo. Na.vire des Argonautes , 199. mufique des Sauvages (Iroquois &
' tom. 2. 'Hurons , ,zi 5. t. i.
'jirgana'ites , appelles Mjniens , Sc u4ftarte , tyifiur , &cç. noms de la
pourquoi 77. t. i. Décile de Syrie , ,246. t. i.
Argonamcs. Leurs Sacrifices, 190. Afiragale , jeu de l'Aftraoale. raj.
t. I. Parallèle des Sauvages avec jeu des Qifeleis,
:lcs Argonautes daris leurs expédi- j^fironomie. J'remiers Auteurs de
tions militaires, 15)9. , t. z. cette fcience., zzj. 2. Vertiges t.

ou Monocnles ,
'.jAnmttÇpes 61. t. i. qui e« relient parmi les Sauva-
Ariok^y l'un ,.d*s Rois qu-'AbraJiim ;.ges ibid.
vainquit , 181. t. z. Conjecture AtA, nom d'nn 'Devin célèbre , pe-

fur les Etats de ce Prince , ihid. tit-fils d'une Vierge chez les Bre-
.Conjcâiure fur l'écymologie.de ce fîliens, 2415. t. I.
nom ;^ 47 1 . t. 2. Ataheira , de la Merc des Dieux
nom
Arhs. Chef desSolymes, A,G6.t.t. chez les Peuples de l'Ifle Elpagno-
Armes Symboles de la Divinité ,
, & le , 247- r- If
jjourquoi, iç)^. t. I. Atabirms. Jupiter Atabiriu>,247. t.,i.
, ,

D E s M A T I E R. ES.
'Atuenfic. Divinité des Iroquois. Ety- 221.1. 1. Lq$ mêmes que ceux
,
de-
mologiede ce nom, 3./;^^. 1. 1. Son Bacchus &
de Cerés , tbtd.
rapport avec Tune & l'autre Eve Augures ^ tirés du jeu des Aftraga-
avec l'Attc de l'Evafme des Bac- les, 546. t. 2.
chantes, '.bid. 1. 1. Prélldeau païs Avotm. Folle- Avoine. Plante , 95.
des Ames, . 401. t. i. t. 2... Nation des folles- Avoines,
^tahocan. Dieu Créateur dans Tliif- ^6. t. z.

toire des Algonquins , 24(3. t. i. Auteb confacrés dans les premiers-


jdté i fille de Jupiter fable d'Ho- 5 temps 157. t. I. N'étoient poinc-
,

mère fur ce fujct , ç)6. t. 1. Appli- differens des foyers ordinaires des-
cation de cette fable par S. Juflin maifons , 167. t. i..
au peclié des Anges j 97. t. 1. Ap- Autel portatif, app elle Pjir<î»o«, 328..
plication de la' même au péché t. 2. Comparé avec le Calumec;
d'Eve, ihid. Son rapport avecl'E- de paix, .
327. t. 2..
vafine des Bacchantes >îi'îfl(. Avec Autel porté devant Rois des Per--
les
l'une &
l'autre Eve',. 245. c. 1. (ss ôc les Empereurs Romains 3,
^té , yîtte 1 Athene , Athena^, Jl- 161. t. 1.

threna Aùervma , premiers noms


, Autel des Caraïbes. a^. t.iï-
de Minerve ; leur' rapport avec Autochthones , moitié hommes , &.
l'Até d'Homère, 245. t. 1. moitié fcrpcns , font les fymholes
jitergatis , Adurgatis , Athargatis , .de nos premiers Pères -Adam Se
yàthur^ , Athyr, Afiur, ylftaree , Eve, 233.1.»,-
noms de Déeire de Syrie , 246.
la B
1. 1." Conjecture fur l'étymologie
de ces noms.
Aîhamas mené une Colonie en Ly-
cie, 83. t. I.
B Ace H AN AI ES des dercicï*
temps de l'Antiquité, 183. t. i.
Bacchanales des Anciens , leur &
Athenrofera ou amitiés particuliè-
, eiprit félon Strabon, 113. 185.1.1.
res des Sauvages , parallèles à cel- Tacchantes. Ménades, &c. à la fuite-
les des Spartiates , &c. 568. 1. 1/ de Bacchus 113. iiç,.
Athéniens ont changé de langage ,, Bacchus. Le même que le Soleil,
4^5. t. 2. 129. 1. 1.
Athole. Ce que c'eft , 125. ! 2. :Bacchus SabazSus , 1-5 (î. t, 1. Mufa-
Athennii L'Athonni chez les Iro- i'tes, 15)7. t. I..
quois , eft la Cabane du perc , Bacchus , Indien ou Arabique, 22^.
i^j. 1. 1. Lesliailbnsdufangy (ont t. I. Nymphes nourricières de-
moins fortes j,- que dans celle de Bacchus, 237; t. ï,.
la mère, J55>. t. i. Bacchus née.' unt Vierge, 237. 1. 1,
Athonront , eCpece de danfe, j2i. Bacchus Taurtis 3^ 239.1.1..
tom. I. Bacchus. Le même qu'Apollon Ho=-
Atlantide. Ifle. Atlantidcde Platon ,, rus , Apis , &c. 240. t. li. Son^
2.9. 55). t. I. !i 03 "jl' rapport avec le Libérateur, ibid,-
Atmr-Ajfap, ou le parfait Allié chez, Thyrfe de Bacchus , formé en:
les Brefiiiens , 607. t^ i. Croix, 241. t. lo-
Atys. Myftçres d'Atys & de Cybàle ,. Béi^er. L'ufage qu'ont les Sa.uv.a*-
, ,

TA B L E A'LT» HA B'E T'I QJJ-2


;-ges Méridionaux de fe baigner de s'orienter, ii/{.. t.-.ic

.loui- les matins, eft une pratique EmtcH. Voy. CafFe-tête.


de Religion , a^j. t. i. Boyes. Voy. Devins.
. Balle d: "Bled jcttée en figne dedeliil Erejiliens. Leurs inftrumens de-mu-

.415- t.i. *lique , 211. -t. I. Initiations de


BaIUs de Paulme des Anciens , &: leurs filles adultes , 290. t. i.
Jeur matière j 358. t. 2. Leurs arhitiés particulières, pa-
^Balles de Paulme des Sauvages , & /ralleles z celles des Spartiates,
leur matière, 33^' t- i- >5o7, t.i.TLeurs Cabanes, 9. t. 2.
:Balz.es > Sc leurdefoiption,20(î'* t. 2. •Bretelles. >2.io. t. 2.
.BAptême. Cérémonies des Myfteres Brodecjuins "des femmeî Caraïbes des
des Anciens j qui ont rapport au -Antilles, $7. t. t.

Baptêiise , 272.415». 1. 1. :Bulla. Ornemeîit des enfens chez les


.Barbares , ont occupé la Grèce avant Romains, «fi. t. 2.

Iqs Grecs, peilexieurs , -^o. 1. 1. iBuchette , ou dé l'enrollem entj,


fignal
,Batteaux des Gelciberiens , parallèles i8;. t. 2..:Mife en parallèle avec
aux Balzes du Pérou, 208, t. 2. ce qu'on appelloic Tejfera chez les
,Bas. f^oj. Micafîes. '
J\.adens, ,187. t. i.
Beftdii , nom de Diane chez; ies Peu^ -^iC .
^

pies de Conjedure
TJirace. fur
ritymologie de ce mot , 135.
J^erce-aa des
Septentrionale,
enfans de l'Amérique
& là defçriptionj
t. i.

C A BAN ES. Cabanes des Sau-


vages , parallèles aux habita-
'tions de* hommes d&la première
Antiquité, 5. t. 2. Forme ma- &
,BiHeatt des enfans chez les Peuples tière des Cabanes, 7. t* 2. Caba-
nommez Têtes flattes
595. t. i. , .^nes bâties-en l'air & fur les ar-
JBerceau des Caraïbes, ^^6. t.i. bres , 6. t. 2. Cabanes des Eski-
.Bled "d'Inde connu des Anciens ^ & -maux &
des Californiens, y. t. 2.
porté à Rome du temps de Pline. .'Cabanes Irqquoifes Huronnes , &
(Toy. .Maïs. 71. t. z. &ieur-defcription , 10. t. 2.
^led d'Inde jette -en figne de deiiil„ X^banes de Confeil de plufieurs Na-
415 t. 2. tions de l'Amérique , tiennent lieu
Btiis de Chandelle. -578. t.-i. de Temples, i6<î. t. i. Parallèles
.Bois de .Mariage. 5 78. t. i.. aux Prytanées des Grecs , & aux
.Bçijfons enyvrantes des'Ameriquains, Curies Romaines ihid.
I I: t. 2. Cacao. Sa. defiription Ton -ufage &
.Boiffùns tirées des Cannes de -Sucre 118. t. 2.
éc de Maïs, 151. t. 2. Cadavre. Premiers ipins rendus an
boucliers des Sauvages, içfj.-,î.i. Cadavre par les-Sauvages, j88.
bouleau. Eeorce de Bouleau ; paral- tom. 2.
lèle au papier lies Anciens, .212. £'<îï//w«j.Con/eâ:ure fur l'éeymologie
tom. 2. de ce mot, 1^6. t. .1. Metamor-
poulets des Patagons , .
1 98, t. 2. .phosé en ferpent avec Hermione^
^ournamon. Ce que c'eft. 2^4. t. i. pour avoir violéJe Temple de Mi-
des Sauvages , ou manière
^iSmJfele nerve. Quel ij-mboie,, 131 t. a.
: Çadmo-
,, , , , ,,

DES MA T I E R E 5.
C^dmon/ens. P'oy. Grecs poflerieurs. Cantabrjs. Leur' Ginccocrat'îe , 7S.
Cadujîms. 184. t. z. t. Leur confiance dans les tour-
I.

CalciiU. Jeu des Anciens appelle mens 283. t. 2.


Calculontm. 3A^- t- 2- Caouin. Bofiîcm , & fa compcfition.
Valcul. Manière de calculer & de /^_y. Chica.
fupputer des Sauvages j ij4; t. 2. Caracoits des Sauvages Méridio-
Cal.ndrier des Péruviens reformépar naux , 6\. t. 2.

un de leurs Incas, ziS. t. 2. Calen- CaraÈiere des SaUfvages. 103. t. r.

drier feculaire des Mexiquains Caraïbes. Signification de ce mot


tom. 2. ihid. 47. t. I. Conjedlure fur l'origine
XJukmetde Paix. 314. Sa dcf- m. des Caraïbes des Antilles , 54. t.
cription, 520. Danfe du Ca- t. 2. 1. Leurs Sacrifices, 179. t. i. Se
lumet, -jir. t. 2. Cpmparaifôn du fervent de Conques marines, 21S.
Calumet de Paix avec le Cadu- t. Leurs fuperftitions pendant
I.

cée de Mercure, 525. t. 2. Calu- le temps des Êclypfes, 248. t. t.


met eft un véritable Autel, où Leur pénitence aux couches de
les Sauvages offrent un facrifice leurs femmes, 2/7. t. i. Leurs
idolatrique au Soleil 527. t. 2. , Initiations, 290. t. i. Leurs De-
-Calumets pour la Paix pour la & vins, 344. t. j. Voy Divination.
Guerre, 350. t. 2. Son ufage doit Leur Gouvernement, 531. Leurs
être aboli, 33;. t. 2. Carbets , leurs feftins , ihid. Leurs

X^amhyfe. Artifice de Cambyfe pour Danfes, 53J. 1. 1. Leurs Maria-


cpoufer fa fœur, jj4. t. i. ges* 5J7- ^- !• Puniflcnt l'adul-
Campement des Sattv^ges. 141. t. 2. tere, j88. 1. 1. Leur éducation
CAmillus ou CafmilHS des Payens , tfoo. t. I. De leurs Villages Car-
175- t. r. bets &8. t. 2. Leurs pein-
Cafés,
Camille reçoit l'honneur du triomphe tures cauftiques, 41. t.- 2. Leur
peint de vermillon , 49. t. 2. nudité &
leur peinture paflagere,
Cannes de Bled d'Inde. Fay. Maïs. 5j. t. Leurs ornemens, 55. t.
2.

Cannes de Sacre. 143 t. 2. Viennent . 2. Leur nourriture, 97. t. 2. Leurs


naturellement en Amérique, 150. ^boillbns, 113. t. 2. Leurs Pyro-'
t. 2. Autrefois portées d'Afîe, Se 'gucs, 212. t. 2. Leur guerre, 291.
cultivées en Europe, 149. t. 2. t.2. Supplice de leurs Enclaves,

€jfi>ots de peaux & d'e'cerce autre- 292. t. 2. Leur Médecine par la


fois en ufàge chez les Anciens Divination ,383. Leur fepulture ,
204. t. 2. Canots des Ameriquaias 419. t. 2. Caraïbes, couleur na-
parallèles à ceux des Anciens > turelle des Caraïbes des Nè- &
209. t. 2. Petits Canots des EA gres ; par quoi causée , 32. t. i,
'kimaux , &
leur defcription, 20 j. Caraïbes ne mangent point de
t. 2. Grands Canots ou Pyrogues Tortue , ni de Lamentin au moins
des Eskimaux , & leur dclcri- en certain temps 104. t. 2.
ption , 206^. t. 2. Canots d'écorce Carbets & Ca[es des Caraïbes , ÔC leur
de Bouleau , &
leur defcription defcription ,8. t. 2. Comparaifôtt
'213. t. 2. Canots d'écorce d'Or- des Carbets des Sauvages Méri-
me , Se leur defcription , 116. <, 2. dionaux, avec les Halies'desLa-
Ttme II. Rrr
, , -. -

TABLE ALH ABETI Q^U ET,

cedemonlens, appellées c<^Wm<» 106. t. 2.

Agelai & 531. t. i. champs Elyjtens. Foy, Enfer des Fôë*-


Gariens originaires de Tlfle de Crè- tes.

te , 69. 1. 1. Prenoient leurs noms Cham. Du Chant de la Danfc &


dans la famille de leurs mères, 77. qui accompagnoient les Sacrifi- -

t. i. Femmes Çariennes obligées ces, 194. t. I. Chants des An--


de fuivre le fort de leurs Vain-
, ciens, appelles ^Aanes yi^-j. t. i»
'
queurs. Leur ièrment, ^4. t. i. Les Chants & les Danies de Re-
Carthaginois avoienc connoifîance de ligion étoient des chants & des
rAmeri(jue,& empêchent les Tyr- danfes guerrières &
pourquoy ^,
rhenicns d'aller s'y écablir , 50.. 199. t. I. Chants Thréniques , ou .

tom. I. Ejulations muficales. Voy. Nénies.


Cajpive. Pain de Caflavej loi. t. 2» Origine &
jnotif des Chants Thré—
Cafe-têîe des Sauvages. ï^'y. t. 2. niques , 35>;' t- 2=
Cajine , boiilon des Fk>ridi-ens , .lii. Chanjon de Mort. Ce que c'éft ,^83,
t. 2. Diii'erens fentimens des Au- tom. 2.
. , teurs fui la Gaiîîne , & fur la com- Chara. Racine dont Ceiâr nourrie
__
polîtion , thtd. Manière d'éprou- fon armée, ^6. t. 2.-
ver Guerriers par la Caffine
les De la Lh(^'^ & de la Peche\ }}6,.
, cliez les Peuples <ie la. Floride , tom. 2.

^.ïZi.x. 2. Cheien. Fable Indienne du Dragon


Çecrops moitié homme.
, moitié & Cheïen, 24.7. t. i.
ferpent; quel fymbole, 253.1.1. Chemim. Nom que les Caraïbes don-
Cecrops premier Liftituteur du nent à l'Etre iùperieur. Rapport
Mariage j 535. t. i. de ce nom avec celui que les-
C.eltiher,t,is Sfnagnois fe fervoient de Cheramites donnoient au Dieu
. p-^aux eniîées pour traverser les Pan, 127. t. I,
rivières, 208. t. 2. Ckemmis , nom de Pan chez les
C-enM^res. . Origine des. Centaures , Chemmites 127. t. i.

19.. c- 2. Chevelus. Aceptales.


Vbj.
Çeramix,. Pierres dé foudre, fembla- chevelures enlevées aux ennemis
I
blés aux pierres dont les Ameri- morts j ou lailîcs pour morts ,
quains fctifoient leurs haches. & .
256. t. 2. Coutume que les Ame-
leurs coûreaux, m, t. 2. riquains ont d''enlever la chevelu-
ter^s. Di/lindion <l€s deux Ceiés , re ,
parallc'e à celle de quelques
& leur rapport avec l'une & l'au- Peuples Barbares de l'Antiquitc ^
tre Eve, 236. t. I. Myfteres de 257. t. 2.
Cerés , les mêmes que ceux de cheveux. Religion dans la manière
Bacchus, &c. 221. 1. 1. de couper fes cheveux , & de les
Çha?» , fils de Noé, Auteur de la porter, 50 X, a. Diftercstes ma-
Magie félon Berofe , 356. t. i. nières de couper ou de porter .

de
Ptlygamie,11 & du deiôrdre les cheveux chez les Anciens &
dcj Mariages, ^42. t. i. chez les Sauvages, $0. t.-z. Che-
^samps des Sutivagts , & de leur cul-. veux dévoLiés aux Divinités Infer-»
. tiife j 7j . t. i.. Soiû des Champs 3 nales, 409. t. 2. Cheveux coin
,

DES MA T I E R E S.
pcs efl fignc de deiiil , 45J. t. i. tom. it

(^oy. Deiiil. Cire. Plantes qui porteit la Cire »


Chevaliers an Mexique, Leurs Ini- 158. t. 2.
tiations , Jii- •:• *• Ct^Uite des au départ des
Chinois
Chevalerie aneieme d'Europe. Sts Mandarins Gouverneurs des Vil-
épreuves 314. t. i.
, les &
des Provinces, 192. t. 2.
> Chtca. Boifïon , fa compofition , & Civilité réciproque de Diomedc
114. C. 2. Superftition des Sauva- & de Glaucus , 193. t. 2. Cou-
ges dans la manière de la prépa- tume finguliere d? civilité à la ré-
rer iij. t. 2. Erreur d'Hornius
. ception des Etrangers au Brefil ,
far la Chica, 118. t. 2. chez les Sioux , quelques au- &
Chtcbikgue'. 21 j. t. i. tres de leurs Voifins , 442. t. 2.
Chimère. Fable de la chimère, & Autre coutume finguliere dans
Ion explication , 465. t. i. l'Amérique Septentrionale , 374.
Chtrommm. Dartfe appellée Ckirom- tom. 2.
mia ,
204. t. I. Garigation, Ce que c'étoit , 174.'
Chive/j. Fable Indienne du Dieu Chi- tom. 2.
ven , 247. 1. 1. Clatra. Quelle Divinité , 114. t. i."
Chocolat. Du Chocolat , de fa & Rhombe de Clatra parallèle au
compofition, 118. t. 2. Tamaraca des Brefiliens , a» &
Chodorlahomtr , Roy des Elamites , ChichiKoiié des Sauvages Septen-
l'un des quatre Rois vaincus par trionaux , 212. t, 2.
Abraham. De fes Etats, i8i. 1. 1. Cloàies. Coiitume de bénir les Clo-

Chrétiens accusés d'adorer Bacchus ches , ôc pour quel fujet, 2j2^


& Cerés , à caufe du myftere de tom. 2.
l'Euchariftie , 41S. t. i. Coca. Plante j fa defcription 6c fo«
Chriftianifme. Des fignes de Chriftia- ufage , 140. t. 2.
nifme & de Judaïfme trouvés en Coemptie». Manière de contrader le
Amérique , 412, t. i. Mariage par la Coemption , ;(>7.
Ciel. Le nom que les Iroquois don- tom. I.

nent au Ciel , fignifie quelquefois Cohoha. Herbe. V'j. Tabac.


le Maître du Ciel , quelquefois le Cohorte. Sacrée Cohorte des Amans^
-le Ciel matériel , & d'autrefois & Aimés dans la Bcotie, 607.

l'air i ainfi que les noms de Jupi- tom. I.

ter & de Junon chez les Anciens Colliers de PrceUine Toy. Porcelaine.
133. M. Colliers à porter les provifions ,
Cippus. 417. t. i. manière de s'en fervir , 219. t. 2»
Ctrcé , : fille du Soleil , 132. t. i. Colonies. Premières Plantations , &:
Expie Médée & Jafon, 269 t. i. premières Colonies par qui fai-

Circoncijicn. La Circoncifion étoit tes , 46. Colonies , leur ori-


t. 1.

. commune à plufieurs Peuples dif- gine , 44.


Différentes Colo»
t. I.

ferens des Juifs, 414. t. i. Elle nies établies en Lycie 82. t, i. ,

• -n'étoit point en ufage en Améri- Color,?h. Chfillophle Cdoiiîb décou-


que , il y avoit néanmoins qûel- vre. le premier, le Nouveau-Mon-
rque chofe qui en approchoit , 414. de* iS- t. I.

Rrr i)
,

TABLE ALP H A B E T I QJU E


Cemhat de rencontre entre Sauva- Çortina. ^oj. Trépied delphique.
ges 140. t. 2. Couches. Facilité des SauvageiTes à'
Commerce, Da Commerce des Sau- mettre leurs enfans au monde ,
vages, ??!• t. *.- ^^1. t. I. Sen/îbilité de quelques
Commode fouille les myfteres de Mi- femmes Ameriquaines dans leurs-
thra par un véritable homicide, couches , funelte à i^enfant, &
quelquefois à la mère, 592. r. i^-
273- t. I-
^ ,
Porcelame.
.

Couronne. Son ufage chez les An-


Concha Venerea. f^oy,

Confarreation. Manière de contrafter ciens & chez les Ameriquains,


le Mariage par la Confarreatioa, 59. t. 2.

567. t. I. Coujines.Confines germaines des Ca-


Confejfion des péchés dans les myfteres raïbes naiflent époufes de leur»
des Anciens , 270. t. j. Manière confins germains^ félon les Au^
àe Confefïïon chez les Gaures. tcurs ,, 5,57. t. r.

Jtem dans les grandes Indes au : Cre'te. Pluficurs Colonies forties dei
Japon : dans It Royaume de Siam^ l'Ifk de Crète vont s'établir en
& dans le Pérou , 4^0- t. 2. Afie , 12. t. I. Grérois fe van-.-

Connues des Tritons en ufage en- toient d'être les premiers .Fonda-
Amerique, ii8- t. 2. teurs du culte des Dieux, iz$%
Confanguiniré. Degrés de confangui- t. I. Gouvernement des Cretois..
uité obfervés chez les Anciens & yej. Gouvernement. Leurs ami*
chez les Sauvages par rapport au tiés particuheres. Fbj. Amitiés.
mariage, 544. 55''. t. i. Cri dt Mort; . 26-3. t. 2.

Sonfeils. Des Conféils des Sauvages , Cri de Vi^oirei- t. 2; 2(^5.

477. t. I. Croix. Du culte de la. Croix trouvé


€onjiarjce des Efclavcs Ameriquains en Amérique au temps de fa dé-
dans les tourmens. Foy. fuppHces. couverte , 42(>i. t. I. Réfutation*
Con^ellatiom. Noms des Etoiles , de ce que* les Auteurs ont écrit
Gonftcllations & ptanetes, com- ou penfé au fujet de ce culte de la
muns aux Anciens & aux Sauva- Croix , 4jj. t. I. Sentiment da
ges ,
iî5- t' *• l'Auteur au. fu).et de ce prétendu
fontinencei continence étoit une
Ea Culte 441. 1. 1. La Croix, quoi-
,

des épreuves' des Initiations des que figne du. Chrétien n'eft pas- »

Anciens, î68. Continence. Opi- xm figne infailliblede Chrjftianif-


nion & refpcd" que les Sauvages me. ihid'. Croix'- au- nombre des.,

ont pour: cectevertu , 339. tji. lettres hiératiques des Egyptiens ,


Cora , nom de Proferpine , 239. t. i. 442. t. I. Attachée à prelque tou*-
Cora. Différentes fignifications de tes les Divinités de l'Egypte, ibid.
ce nom-, 258^ t. i. Symbole faerc dans les myfteres
Cames. Qat\ CymhcAc dans l'Anti- d-'Ifis,44i. t. I. Symbole de la
quité, il- t. 2. vie future chez les Egyptiens , &
Corybantes. Etymolbgic de ce nom , delà prédeftination chez, les Hé-
239. t. I. Gon}e(5turesde Strabon breux , 443 t. I. Symbole de pcr-
.

fur leur origine:, iij. t»i. Leur fetîhon , & fignifiant le nombre de.
"
ftpulture,. 407,. t. 2.. ^ixcùez les Egyptiens & chez--
-

I> E s MA T I E R fr S.
les Chinois , 44S. 1. 1. Croix ap- de Confeil des Sauvages/ ttf©,
gellée Decujfata , fignifie le même i6j, t, I.

nombre dans le chiffre romain , Curetés. Voy. Corybantei.


449< t. I. Croix des Lamas 3 440. Cv[co Capitale du Pérou. Son Tem-
,

fc. Croix dans les chif&es &.dans


I. ple &
[ts Veflales, 169. t. iv
le Calendrier feculaire des Mexi- Cybe'lc. Deux. Cy bêles , 236. t. i.

quains , 449. t. 1. Controvcrfc Cyhijleres ou Cykftetens , & leur


entre les Chrétiens les Payens & danfe, 20.8. t. i.
au fujet des Croix trouvées dans Cyçeo. Boiiron ufitée & mifeau rang
le Temple de Serapis du temps de des épreuves des Initiations des An-
Theodol'e le jeune, 445. tom. i. ciens,5 32.t.i.Comparaifbn de cet*
Croix du Libérateur j annoncés & avec les potions deTabac
te boifibn
figurée dès les premiers temps, parmi les Ameriquains, 333. t. i.-
444. 450. 1. 1. LavertudelaCroix Cymbales d'airain. 250. t. j. EfHcacft
que les Egyptiens attribuoient aux des Cy^nbaies d'airain pour chaf^
aftres , doit être rapportée à la fer les Démons & ks Mânes, 2jo.
Croix de Jefus-Chrift, 447. t. i. t. L'efhcacedes-Cymbales d'ai-
1.

Croix. fymboliqued'Horus - Apol- rain dans l'opinion des Anciens ,


lon, 141. 441. t. I. Thyrfe de ell une fuite- de la Religion des

. Bacchus formé en croix , ibid. Les Gorybantes, ibid\.


Croix trouvées en Amérique , ne Cynocéphales. Hommes à têtes de-
prouvent pas que les Apôtres y chien, 61. Ui,-
aient annoncé. l'Evangile , 4JI. Cyrus. Sa fepukure.
tom^ I.
Croj]}, Jeu de Grofle , }^6^ r; a. . IX
£mauteàes Ameriquains envers leurs
. priibnniers.
en quelque' forte ,2^9. t. 2.
fiée
f^oy. Supplices. J-ulli-
DA N s E Sa
N'écoit point diflinguée de la-
I,
définition , 1 ^i r„

Cructamaux^ Ce qu'on en doit pen-- Mufique ,. ibtd. Etoit un exercice


fer , 429. t. 2. d* Religion , *^wi. Subordonnée à'
€uUe. 151. Culte des Sau-
t-i I. Du la guerre , ibid. Regardée comme
vages pour les lieux-hauts, pour une perfedion dans les Dieux &:
les pierres coniques &c , peur & dans les Iwmmes zoo. t. i. Sanv
les arbres confacrés aux Divinités, âifîée par l'exemple de David ,-
146. t. I. daiïfanc devant l'Ar-che , 194. t.
Cmrajfes dey Sauvages , . &- leur def 1. Fait pnrtie de l'harmonie cé-
cription. 197. t. 2. Idîe, &
efl le principal objet dft-
Cuptdon jouc' avec G-anymede au jeu la dans l'idée des Payens-
ftrlicité

des Aflragales , ^ 48. t. 1. Le quit- &- des Sauvages j 407. t. i. Dit-


te fur la promelfe d'iine balk de lindion de la danfe des pieds &
paulme , dcknt s'étoit férvi Jupiter des mains, 2X)2. t. 1; Danfes Crc-
fil Crète pendant fôn enfance , toifes, jia. t. i.Danfe des Pan-
tomimes, 523. Danfe fatyri»
t. 1.

Curies Romaines , parai' el es ?ux Pry- que , 526. t. I. Danfe de l'vsfW/-


tanéesvdes Grecs ,& aux Cabanes reat , *£ fa defcription ,51^ un-
Krr iii,
, ,. ,

TABLÉ AL P H A B E T ï Q;U E
;Danfé appeltéc Te iennsntiiaketta y vrtrs les Cabanes J'un de l'autre,
~ '" - '"' Devoirs funéraires.
5iS. t. I. Danfe des Breùliens, 1^
"
^^^^ |;_

I. 15;. 2. Funéraires, f^oy. Sépulture.


;53- t. t.

596. t. 2. Dévoués chez Gaulois , chez les


les

jDanfeur. Epithéte de beau Danfeur .Natchez &


chez quelques autres
donnée à Jupiter , à Mars, &c. Peuples de l'Amérique. Leur con-
200. t. I. Danfeurs appelles Cy- dition, 410. t. I.

hifieres &
Eetarmones , 202. t. i. Diamafttgofis , ou flagellation des jeu-
,Dè ou Cube. Jeu des dez , appelle nes gens à Sparte , 274. t. 2.

Tejferarunt J42. t. 2. Liane La même que le Soleil ,125.


Débauches des myfteres des Payens ij(î. t. I. La même que l'ifis des

opposées à l'eCprit de leur premiè- Egyptiens, 214. t. 1. Diane Or-


re Inftitution , 2(15. t. î. thie 274. t. I. La même que la
,

Déluge. Lq% Déluges d'Ogyges , de .Diane de Tauride, 600. t. i. Dia-


Deucalion , d'Egypte , &:c. fe rap- ne Hymnia ; Prêtreflë de Diane
portent au vrai Déluge univerfeî Hymnia violée par Ariftocrate.
'
}6. t. r. On trouve par-tout en Punition de ce facrilege, 165. t. i.
Amérique de tradition
des reftes Di^yne. La même que Diane la
touchant le Déluge , loo. t. i. jeune Vefta, &c- 234. 1. 1.
.Démon jaloux de la grandeur de
,
Dieu connu fuffifamment chez tou-
,Dieu, &
du bonheur des hom- tes les Nations, 108. t. i. Sen-
rries , 5 5 y t. I . A trompé les hom-
. timent d'un Dieu, d'une Divinité
mes par de la Divination,
l'attrait imprimé dans le cœur des hom-
3 S a. eu par-tout
t. fes Ora-
I. A mes , 110. t. I. Auteur de la
'

cles, &c. J57. t. r. Singe de la Religion &dela révélation, 1 16.


:Divinité félon les Saints Pères, 1. 1. Sentiment de l'unité de Dieu,

10. t. I. Son fymbole, 2.J0. t. i. 189. t. I. Repréfenté fous difFc-


:Exerce encore fon pouvoir fur les rens noms & lôus difFerens Sym-
;îdolâtres Adoré
, }y6. t. i. & boles , ,121. t. I.Idée que les
craint des Ameriquains , 388, t. Payens même fe font formés de
I . Ce
qu'on doit penfer de ce pou- Pieu , 123. t. I. 'Idée & noms
voir du Démon fur eux , thU. difFerens chez toutes les Nations
Dejjein plan &
de l'Ouvrage , i . t. I Barbares , qui défignent manifef-
^Devins. F'oy. Divination. ment un Dieu , un Eftre fupe-
Deucalion. Le même que Noé, j(j. lieur , & même un Dieu Créa-
tom. I. teur 124. t. I. ©ieu dillingué
,

Deuil. Du Deiiil, 45 y. t. 2. Deiiil chez les Anieriquains des Divi-


des Sauvages , parallèle à celui nités fubalternespar des noms par-
des Anciens, 458. t. 2. Grand & ticuliers qui ne conviennent qu'à
petit Deiiil, ibiA. Obligation du lui feul , 116. t. I. Dieu honoré

Epoux,
Deiiil plus étroite entre les particulièrement dans le Soleil ,
45 9. t. 2. Deiiil modéré peu à peu 128. t. I. h^s noms donnés à
en vertu des difpenfes accordées Dieu , tantôt mafculins , & tan-
par les parens du défunt , ihid. tôt féminins, ont pii occafionner
^eiiom Ôc obligations des Epoux en- la' différence de fexe Se la mul-
. /

DES M A T I E R E S.
^tiplicité desDieux , 137. c. i. qu'ils donnoient à la Divinité
j,
laée de Dieu corrompue par l'i- izj. r. I.

gnorance & par le de/ôrdre des £)ti Divorce, Se de Ces motifs,


5 8c. t. u
paillons, 142. t. I. Dieu parle Dragon. Fable Chinoiie du Dragon-
aux Patriarches Se aux Prophètes, couvert d'écaillcs de Tortue , Se
ji(î. t. 1. Et par les Patriarches né d'une Tortue, joo. ci. Idée-
ô( les Prophètes , }jj. t.-i. des Indiens touchant le Dragon
Dirctîion. Idée de direârion des Sau- qui veut dévorer la Lune,248. 1. 1,
vages dans leur route , 2Z4. t. 2. Duel proposé par Abner à Joab en-
Difir.buti:ns ôc préfens pour honorer tre des braves de leurs armées,^
.les morts chez les Peuples de 176. t. 2.
l'Antiquité &
de l'Amérique , R
413. r. 2.
Divination. Diverfes lôrceî de Divi-
narion 357. t. i. Divination par-
EAv^y^e,
X de Le^hé & de Mneftio*^
, 542,. t. I,.
mi les Sauvages ,
paralkleàcelle Ectypfes. Sentiment des Anciens Se
de l'Antiquité , & ce qu'on en des Indiens de- l'une de l'autre- &
doitpenier, 372. t. i. Ih crédulité Inde, fur leferpenc qui veut dé-
des Athées fijr la Divination , & vorer la Lune le Soleil pen- &
furie pouvoir des Démons, 374. dant les Eclypfes,.
24^. t. 1. Raj)- •

U I. Divination par la Médecine. port de l'opinion des Anciens iur


f^oy. Médecine. les Eclypfes avec nôtre Religion, .

Hevins ce qu'ils étoient dans I'Aq-


, . 251. t. I.

tiquité, ,371. t. I. Noms des De- Education. De l'Education , 497. t, •

vins parmi les Sauvages j paral- I. Education de la )euneliî en-


lèles à ceux qu'on donnoit aux Crète &
à Sparte, ibtd. en Perfe j,.
Devins de J'Anriquité , 371. t. ^. Coq. t. I. Education des Sauva--
Caradtere de- ces Devins parmi ges , fembîable à celle des Cre-
, les Sauvages , .37-3. t. i. Epreu- tois, Sec.
^5,9, t. I..
ves ou lûitiations des Devins chez^ Egèss des femmes de L.y bie ,23. t. 2,
les Caraïbes, 330. t. i. Chez les Egides de Pailas , 24. 2, t.
Moxes, J34i. t. i. Manière de Egyptiens cm
eu une Religion avants
. î$ur afFeéïér un Démon ou Génie Mojfe, 12, 1. 1. Antérieurs pos- &
chez les Caraïbes , 344. t. i. Ce térieurs au Déluge , 3 S. t. 1. Leur/
qu'on peut recueillir du parallèle Ginécocratie , 78. t. i. Leurs-
des Devins Ameriquains avec les . noms Se leur Chronologie fabu-
Devins de l'Antiquité, i^^. t. 1. leufe , 85. t. I. Leur Religion
Jjivifitte. Symboles de- la Divinité fymboiiquc, 122. t. i. Egyptiens

confondus avec la Divinité même, pofterieurs au DeJuge ,.ne"lontpas •

193. c. I. Hommes confondus avec les premiers Auteurs de la Reli-


la Divinité , thid. n^écoit point re- gion , ihid. Ont des Temples , Se
prcfencée dans les premiers temps entrerenoient le feu facré,«j4..
fous aucune forme humaine ^ 137. t. I. Leur-tempérance dans leurs:

Plufieurs Peuples de l'Antiquité fe/lins, 191 t.i. Leur fentiment fur


.

avoient pris leurs noms du nom le vin , 1313^ u I. DanToieBt su- -


TABLE AlP HABETTQ^UE
ttour de leurs Idoles , 201. t. x. Erychton dans le panier des filIeS'^e
Xeurs Prêtres difciples d'Ofiris Se Cecrops ;quel fymbole, 133. 1. 1.
xVlGs , 281. t. I. Coutume fingu- a fait le-premier de Bacchus
Sfc'.ile

liere des Egyptiens à l'égard des un Biberon confacré l'y vro-


. &
morts, Etoient circoncis,
î 3 5). 1. 1. gnerie par l'exemple de ce Dieu,
414. t. I. Avoient un culte reli- 194. 1. 1.

gieux pour la Croix, 441. t. r. EsktW'iux. Quel peuple , yj. c. u


N'épou/ôient point leurs propres Leur païs , tbtd. Leurs mœurs ,
fœurs , 547. t. I. (Leurs maifbns leurnourriture,j2.t.i. Leur origi-
7. t. 1. Faifoient du vin de 'Lo- ne,5'8. t..i. Leurs cabanes, j. t. 2.

tos & d'orge , iij. izj.t. 2. -Em- Leurs habillemens, 26. t. 2. Leurs
baumoient les corps morts (bit canots, 20 j. t. 2. Leur langue,
ceux des hommes, 58^?. t. 2. Coït 473. t. 2. fille de la nation des
xeux des animaux , }6i. t. i. E/kimaux prife par les François,
Mettoient les corps de leurs morts j9. Récit qu'elle fait de plu-
t. I.

en dépôt entre les mains de-leurs fieurs Peuples monftrueux,ïÎ2. 1. 1.


Créanciers, -412. t. .2. EfcUves. Manière de les conduire,
.êleujine.Myfteres de Cerés Eleun- itji. t. 2. Leur entrée & réception
ne , les mêmes que ceux de Bac- à leur arrivée, 26j. t. 2. Leur de-
,chus. yoy. Myfteres. ftination , 271. t. 2. LeurJupplice
Sloge fitnebre à l'honneur des "Morts , dans l'Amérique Septentrionale,
59.8. t. -2. 274. t. 2. dans la Méridionale^
'jEnfa>js. Des cnfans , 590. 1. 1. Leur 292. Leur adoption, 308.1.1.
berceau, jjj. Amour des Sau- £thiopiens , leur "Ginécocratie , 80. t.

vagelfes pour leurs enfacs, 553. Leur navigation , 2oy. t. 2.


I.

tom. 1. Eyafme ou acclamations des Bac-


£ftfer des Poètes , fa conformité avec chantes , parallèles aux acclama-
ce fjuc la foy nous enfeignc fur tions des Sauvages, 218. t. r.
nôtre dernière fin , 597. t. i. En- Euchanjîie , offrande du pain du &
fer des Poètes, où avoir pris foQ vin dans le Paganifme comparée
origine , j 9p. Où place . 400. 1. 1. au myftetc del'Euchariftie par les
Emtocétes, ou hommes à longuc.s oreil- SS. Pcres. 242. 4i(î. t. i. Céré-
les anciens & modernes, 61 . 6t. t.i. monies de la Religion des Indiens
Eposfue du temps où l'Amérique a des. Péruviens des Mexiquain» &
pfi être peuplée, 55. t. i. qui ont rapport au Sacrement de
£^i?«/^ principale en titre, mêmeoù l'Euchariftie, 4zi. t. i.

la Polygamie permife , 541.


ctoit Eve defignée dans les Orgies de Bac-
tom. .1. chus , &
dans l'Evafme desBac-
£phod.Sonufage, 3 5 S- t. i. chantes,227. 1. 1. Son rapport avec
Efulu^ Deorum , ou le feftin des les Orgies des Anciens,«&. Avec la
Dieux, 351. Epulones. Leur em- mcre des Dieux de l'Antiquité, t^.
ploy , i^iii. La nouvelle Eve defignée dans les
fpifcyre. j^g:. t. 2. myfteres des Anciens, 240- ^' '•
Erigons, ou Vierge du Zodiaque, Exercice militaire des SâiJYages,2; x.
441. t. X. t. 2.
Exfititidfb
,

^D E s MA 11 E R E S.
M Etat d'expiation dans les
fipiatio».' ui temps facré peur traiter des
myfteres des Anciens, i6j. t. i. de l'Etat , ihid. Dans \z%
aiFaires
...Exemple d'expiation pour les cri- premiers temps il n'y en avoit
. mes particuliers dans Medce & point qui ne fe fit en l'honneur
. dansjafou, 268. 1. 1. des Dieux, 201. t. i. Les feftins
font toiijours partie des folemnités
des Ameriquains , 209. t. i. Fet
tins des Lacedemoniens & des
FAr. Eipece de froment, (Sd, t.
2. Première nourriture des Ro-
Cretois , J09.
Sauvages , parallèles à ceux des
t. i. Feftins des

mains,. 570. t. I. Employé dans Anciens , 514. t. r. Feftin des


les facrifices & les autres pra- noces, 573. t. I. Feftin funérai-
tiques de Religion, ii>id. t. i. re, i^ç^. t. 2. Feftin des Ames,
Se 6çf. t. 2. -447. t. 2. Feftins à chanter ,517.
FojQes & Annales des Sauvages, 505. t. 1. Feftins à tout manger, /ij.

t. I. 43. t. 2. 233. t. 2. t. r. Feftins de préfens , 452.


Femmes C ariennes & leur ferment, tom. 2.
^4. c. I. Femmes Caraïbes fem- Fétiche. Ce que c'e-ft, 2^4. t. r.
blables «n ce point aux femmes Feu. Pyrodulie, Pyrolatrie ou culto
Cariennes , ibid. Femmes maî- du feu facré, 152. t. i. Enume-
: treiïes de tout ciiez plufieursPeu- ration des Peuples qui encrete-
^les, 77. t.i. Leurs feparations noientlefeu facré,-ij3.t.i. Feu
.au temps de leurs ordinaires, x6x. facré connu fous le nom de Vefta ,
t. I. Leurs Initiations à l'âge de ijj. t. r. Perlbnnes dévoilées à
«puberté, 290. t. 1. Accusées en l'entretien du feu facré , i 6 1 . 1. 1.

Amérique de jetter des forts , Divcrfes manières de renouvellcr


tom. I. Aiment beau-
} 7 }. .
le feu facré fans y appliquer au-
'

coup leurs enfans, 593. toin. i. cun feu prophane , 243 t. 2. -Feu .

.-Leurs habillemens orncmens & facré en Amérique, 1G6. t. i.Di-


17. t. 2. Jaloafcs de leurs che- verfes manières qu'ont les Sauva-
veux , 57. c. 2. Leurs occupa- ges pour faire du feu , 242. t. 2.
tions , 63. t. 2. Leurs Nénies , Fil. Plantes ^filacées dent on fe ferc
.591 . t. 2. Leur
deiiil , 459, t. 2. en Amérique, \^^. t. 2.

Femmes Peuples de Thrace
^es Fm. Fin que doivent Te propofer ks
ont foin des champs de pré- , & Auteurs des Relations , 4. t. i. Ce
.
parer la nourriture , 6^. t. 2. que la foy nous enfcigne fur nôtre
Femmes des Peuples de Thrace dernière fin ,39(5. t. i. Veftiges
& de l'Inde Ce brîilen: fur le corps chez les Anciens & chez les Sau-
de leurs maris , 282. c. 2. vages delà fin du monde, 101.
.•ftjiifis du facrifice
faifoient partie tom. I.
chez Anciens
les 191, t. i. le , Fisk^OM Threfcr public j J05. t. r;
faifoient avec beaucoup de tem- Fi-.^ellaticn &
elpece de pénitence
.perance chez les Egyptiens , chez dans leslnitiations , 273. t. i. Fla-
prefque tous les Peuples même & gellation, dans les inyfteres d'Eleu-
,chez les Pheaciens , ihid. Etoient iine , ibtd, 1. 1. à Alée dans l'Ar-.
Tome IL
. -

TABLE A L P H AB ET I Q^U E
cadie, 275. t. i. à LacedemonCj de l'Ameriqnc pour veiller à l'en*'
'
ibtd.dans les Lupcrcales , 176. tretien du feu facré des Corps & >

rom. 1. des Chefs, 167. t. i.


Flèches des Sauvages , 1^6. 1. 1. Em- Ga^^efiens. Du culte de la Croix chez •

poifbnnces chez les Caraïbes , ibid. les Gaipefiens. Ce qu'on en doit


f/(»-ïW;ifOT,leurs Prêtres, 118. 1. 1. Leurs penfer, 429. t. i. -

Temples, i6i>. t.i. Leurs facri- Gâteaux nuptiaux 570. t. i. ,

fices , i&o. t. I. Initiations de Céans. Des Geans en Amérique, 58.


leurs filles adultes j 15?. 1. 1. Leur tom. I.
Caflîne , i ii, t. 2. Faifoient garder G élites. Leurspaïsj i8j. t. 2.-
leurs Tombeaux s , 451- t. 2. Gelons, leurs peintures cauftiqueSa-
Flûtes des Sauvages j
218. t. i. &c. 47. t. 2.
Fermofe. Mœurs des habitans de Génies fubalternes à l'Eftre fuprême ,
l'Ifle Formofe , femblables à cel- reconnus" par les Anciens paf &
les des Iroquois j 164.. t.' I. les Sauvages , 142. t. i. 145. t.

Fejfes des Auciens appellées Puticuli:, I. Caractère de ces Génies, 145.

416. t. Americiuains
2. FolTes des tom. I .

creusées en rond , ibid, Ginecocratie ou Empire dès femmes j ..

'Brondes de? Peuples du Chili j ijS. univerfellement répandue chezJes


tom. 2. Nations Barbares des premiers
Frumen Frumemum. EtjTnologie de
, temps, 77. t. 1. Ginecocratie en
ce. mot, 6j. t. 2, Noms des Plan- Amérique , 460. t. i.

tes frumentacées Ibnc tous des Gin-[eng. Plante j ià vertu nutdtivc^ ,

noms génériques j, 6 y. t. 3., 141. t. 2.


Gladiateurs , & leur origine 417. ,
-

' t. 2. Combat funéraire de Gladia-


reurs parmi les Sauvages , ibid.

GAÏHONARiosKj femme cé- Çlaucus , Chef des Lyciens. Civilité


lèbre chez les froquois , 1 1 réciproque de Glaucus de Dio- &
tom. 1. mede, 155. t. z.
Galaxie. Séjour des Ames dans la Gom. Eipcce de Maïs ^ 151. 1. 1» .

Galaxie, ou voye Latflce, 40J. Gomme, élaftique des Sauvages Mé-


t. I. Syftême des Aiiciens fur ce ridionaux l'es ufages, 61. t. 2»
, &
fujec , ibid. Gcrgo , Femme
de Leonidas ; fa ré-
'Çalihij. Foj. Caraïbes. ponfe au fujec de la Ginecocratie
Gara'^ofins' , Orateur célèbre chez des Spartiates j 79- t- i-
leî iroquois , 484. t. i, G-om>crnement. Du Gouvernement po-
Gar.i'nmtes. Peuples d'Afrique , en- litique , 4j^. t. I. Diverfes for-
treteuoient le feu facré, 154. t. mes de Gouvernement en Ameri- -

1. Erreur ^des Auteurs fur leurs que, ihid^ Gouvernement monar-


Coutumes concernant le maria- chique, ihid. Gouvernement Oly-
^
ge, yS- t. I. garchique &
Ariftocratique, 457,
GArles ^

pour garderies Tom-


établis t. 1. Gpuvernement des Cretois , ,

beaux &
les Cimetières , 428. t. 2. des Spartiates, ibid. des Lyciens,
gardes établis chez ceruins Peuples 4{ji. 1. 1. Gouverûement des Irp?
, ,, ,

S A DE M T I E R I S.
< Hurons, 4^3. C. i.
qrois Se des Signe de leur cnrollement , i8j.
des Sauvages Méridionaux, 102. t^ Leurs armes , 195. t. 2. Leut
2-

J29. CI. départ, 194. Leurs voyages, 195.


CKiim torréfié; , ôc comment miî en t. 2. Parallèle des Guerriers Sau-

farine chez les Anciens chez & vages avec les Argonautes, <^»</.
les Sauvages , 80. t. i. Leur manière de camper, 24X. t.
Grecs pofteneurs. Leur origine, 90. 2. Leurs précautions en route ,
t. I. Ont tout pris des Barbares, 245. t. 2. Leur manière de com-
.47 t. I. ToiC qu'ils ont fait à battre, 248.1. 2. Leur retour,
Dirtinguez en
l'Hifioite, tM,. 2^0. t. 2. Leur -conduite envers
.Helleniens Se Pela/giens , 90. t. les prifônniers , 2<>4. t. 2. Leur
.1. Différence de ces deux Peu- droit fur ces prilonniers, 268. t. 2.
ples, 91. t. I. Leurs Prytanécs 5 Qtuhres ou Gaures defcendans , à ce
160. t. I. Leur nourriture ordi- qu'on croit, des anciens Perfans^,
. naire , 570. Leur Monoga-
t. i. I40. t. I. Erreur de M. Hyde fur
mie, 545. t. i.Leur fepulture , leur Religion , ibid.
le Honorent
40J. t., 2. feu facré &
l'entretiennent, 15J,
Gremers foûrerrains chez les An- t. I. Séparation du fexe chez les
ciens & c-hez les Sauvages, 7^. Gaures en certains temps, 16 i.
t. i. Gremers publics à la Flori- t. I. Degrés de confanguinité pro-

dcj, 80. t. 2. hibés chez eux, 546. t. i. Leur


-{jrottus (Hugues) Son fcntiment fur fuperftition touchant-la -fepulture,
l'origine des Ameriquains , 33. c. 403. t. 2,
r réfuté , ibid. Son fcntiment fur
. H
> les fignes de Chriftianifmc de &
Judaïfme trouvés en i^merique
412. t. i. refuté ibtd,
HA B IL t E ME N S. Des Màbil-
Jemens , 17. t. 2'. Habillemens
^Guerre. De la Guerre, r^K t. 2. des Peuples de la fuite de Bac-
Subordonnée à la Religion , ifjj. chus &
des premiers temps ,19.
t. I. GLjerrs des Sauvages, \6i. t. 2. Habillemens des Sauvages
,
Motifs qu'ils ont de la faire,,
C. 2. parallèle à ceux des premiers
162.
t. 2. Guerre des Sauvages temps, z6. t. 2. Détail des habil-
comparée à la Guerre de Troye, Jemens-des Eskimaux, ibid. Dss
177. t. .2. à celle que firent les -Iroquois 27. t. 21.

^Rois qu'Abraham vainquit , 181. -Haches de pierre des Sauvages. Ma-


t. Manière delà déclarer chez
2. nière de Us polir de les & em-
les & chez les Sauvages,
Anciens mancher , 109. t. 2.
172. t. 2. Manière de la chanter Héimac. Nom
Lids de coton des
des
189. t. 2. Sauvages Méridionaux, 15. t. 2.
iGiterners fe faifbient initier chez les Harangue du Roy de Tefcuco au
Anciens , & pourquoi , 280. t. i. Couronnement de Montezuma ,
Initiations des Guerriers chez les 321. t.i.
«Caraïbes,, chez les Incas , &g. Harpafium. j^G.t.i.
Voj. Initiations. Corps des Guer- HtHor. Corps d'Hedor traîné autour
riers chez les Sauvages, 47^. 1. 1. des murailles 4e Troye , 428. t. 2.
T A B L E ALPHA B E.T-I Q^U E
Tcnlîire Hedoride, 52. t. 2. autres de l'Antiquité , 17 j.. t. s.i.-

HcUemens. Diilinction des Helleniens Hommes monftrueux chez les An-


. &
des Pelafgiens , 5>.i. t. i. ciens & chez les Sauvages , & ce.

Héli. Prévarication des enfausd'He- qu'on en doit penfer , <5o. t. i.

. li., i85>. t. 2. Hornins. Son erreur fur l'origine


JJdtodore. Diflindion qu'il fait de des Iroquois , des Hurons des &
deux forces de magie parmi les Souriquois, 69.. t. i. Sur l'origine
Payens, dont l'une ècoic défendue, des Péruviens , j^o. t. i. Sur le .

& l'antre en .vénération, 380. cultedela Croix chez les-Cartha-


tom. I. ginois , 443. t. 2. Sur la Chica s

Héliotrope eft le fefame des Anciens , 11.8. t. 2.

95. tom. 1. Hortenfîu^. Propofition d'Hortenfius


Hercule étouffant deux Dragoiis dans Cacon d'Utique,
à 365. 1. 1.
fon berceau, enchaînant le Cer^& Anciens .&. des Sau-
Ho^italite' des
bere j quel, fymbole , %ii- t. i. vages, 88. t. 2.
Hercule le Grec , Vainqueur des Huaca,, Appartement fàcré chez les
'

Amazones , 5 1 . t. udes Pygmées , Incas , 42-8. t. I.

j9. t. L'un des Argonautes,


1. Huachacuyac 3 ouïe Bienfaiteur des
15,^. t. 2. Parallèle d'Hercule
avec pauvres , nom des Incas du Pé-
un Sauvage , 200. t. 2. Se brûle rou, 311. t. I,

fur le mont Oeta , .


-iSi. t. 2. Hurons. Plus viticux que les Iroquois,
Hermaphrodites. Si- t. r. 581. t. I. Leur
, 407. fepulture
Hermès. Nom
de Mercure & d'A- r, 2. Vaincus
pre/que entière-&
nubis ,217. t. .i.N'étoit autre cho- ment détruits par les Iroquois ,
fe qu'un Devin, thià. Signifie un 477. t. 2. Reftes des anciens Hu-
Devin en Langue Gdtique , tbtd. rons , 477. t. 2. Leur Langue»,
Hermeti'jue. Croix Hermétique ou 479. t. 2. Voy. Iroquois.
Ifiaque ,
44i' t. i. Danfe Hyporche-
Hyporcl-jematf^ue.

Mermotime ou Hermodore de Clazo- matique, 204. t. i. Danfes ap-


mene, & fon avanture , 3(xi. 1. 1. pellées Hyporcheme'. ibtd,

Hfrotfme dans l'amitié des Amans & Hypjipile , &. femmes de Lemnos
Aimés parmi les Sauvages , 609. coupent la gorge à leurs maxis y
t. I, Exemple de cet Heroïfme , jl. t. I.

ibid. Hcroïlmc dans les fuppliices.


Voy. fupplices.
u
Homère. Defféin qu'il s^efl: proposé en AiousiE. Exemple cruel de
écrivant rOdylsée, 4. t. i. ,
3 jaloufie parmi les Iroquois , j 8j.
Hommes confondus- avec la Divinité, tom. I.

& avec chofes dont ilsavoienc


les ^M des Anciens, le même que le
pris les noms j 144. t. i^ Déifiés Jehova des Hébreux-, 135. 1. 1,
& mis fur les Autels , i^f. t. i. jf^ouas y Prêtres des Peuples de Ja.

Habillés en femmes, & confacrés Floride, 128. 1. 1,

à Venus Uranie , à Cybéle, 32- ^afon Chef des Argonautes , fe fait


1. 1. Hommes faifant profeffion de initier aux myiicres des Cabi.
«ontinence , parallèles à plufieurs les^ 2S0. c. I* Se fait expier chea
.
.

D-E s M A T I E R E S.
C^rcé . 2<j^. 1. 1. Ittvente la fabri- fent leurs fccursj jj<î. t. i. Nou-
que des bàcimens longs, 203.0.2. veauté de cet ufage ibid. ,

f^hova. Nom de Dieu chez les Hé- Inde. Peuples de l'Inde. Plufieurj
breux , 15 j. t. I. Peuples compris ious le nom d'In-
fej^hte, fille de Jephté , ôc Con fa- diens, 42. t. r. Gymnoiôphiftes
crifice, 164. t. i. des Indes dépofitaires des Orgies
^emf. Le Jeûne étoit une des épreu- de Bacchus , 281. 1. 1. Indiens fe
ves des Initiations des Anciens, faifoient brûler vifs comme Her-
267. c. I. Jeunes , retraites, con- cule après un certain temps , 28i.
tinence, &
autres épreuves des t. 2. Femmes
Indiennes fe brûlent
Sauvages, roy. leurs Initiations. furie ccrps de leurs maris, éid.
peuriejfe. Education de iajeuncire en Indiens brûloient
les cadavres de
Crète , à Sparte , J97. 1. 1. Chez leurs morts , 403.. c. 2. Indiens
les Périmés , 600.- 1. i. Chez les Ameriquains. Voy. Sauvages.
Sauvages, i. ihid. t. Ininations. Explication du terme /»/-
Jeux. Des Jeux des Sauvages, 538. tiaMK , 222. t. 1. Efprit des Ini-
t. 2. Jçu des Oflelets, 339. t. 2. tiations , 265'. t. 1. Parallèle des
Comparaifôn du Jeu desOffelets Initiations des-Anciensavec celles
des Sauvages;avec le Jeu des An- des Indiens, 281. 1. 1. Initiations
ciens , appelle Talsrum, 342; r. différentes pour les differens étais
2. Jeu des Anciens appelle Tejfe- de 279. 1. 1. Pour les Mi"
la vie ,

rarwn , 342. Jeu des Anciens ap- litaires 280. t. i. Initiations des
,

pelle C<«/f«/or«»? , îbidi Jeux de Peuplçs de Virginie ^ 282. t. i.


Spheriftiqi^e , .352. t. 2. Jeu des des Caraïbes , 290. 1. 1. des filles

Pailles, 35 u t.v2. Jeux ordonnés adultes chez les Caraïbes à la &


pour la guérilbn des maladies, 5.8 o Floride, 250. t. i. Initiation d'un
tom. 2. Guerrier chez les Caraïbes , 25)5»
Jbiruns pajïènt d'Aïîe en Eipagne 3 r. 1. d'un Capitaine, 15)7. t. i.
& d'Efpagne en A fie , j o. t. i d'un Capitaine General parmi les
Ichtyepkages. Leur- fepulture, 404. mêmes, 302. t. i. des Incas^ du
tom. 2. Pérou, 305. t. I. des Tecuitles
Idolâtrie ,8c Ton origine ,139. t. i. ou Chevaliers du Mexique, 311.
Idolatî-ie de toute la Gèntilité fou- 1. 1. des Rois du Mexique
, 3i(j,
vent marquée dans la fainte Ecri- t. 1. de la Chevalerie ancienne
ture, 141.; t. I. Idolâtrie des Sau- d'Europe , 224. t. i. d'un Devin
• "v-ages, parallèle à celle des An- ou Piaye chez les Caraïbes, 330»
ciens, 145. t. I. t. I. d'un Devin chez les Maxea

Idoles, çn Amérique: 150. t. i. & chez les peuples du Paraguay ,


Incas diiPcreu , fe difent fils dii So-- 334. t. I. Initiations des Peuples
leil, 130. t. I. Initiations des Barbares de- l'Amérique Septen-
jeunes Incas, jcj. t. i. Confet trionale , 3f(î. t. I. Initiation fi*,
lion des Incàs ou^ iûuverains du nale d'un Devin Caraïbe , 344.
Pérou , 421. t. I. Confèrvoient t. Traits d'Antiquité remar-
I.

une Croix dans une de leurs mai- quables dans l'Initiation finale d'un
ibns royales , 427. t. i. Eppu- Devin Caraïbe, 345;. 1. 1»
;Sffiij
&

TABLE A L P H ABETI QJTfE


JmercaUtion precenduë d'une Lune caufe de cet entêtement, 55§.,t.
perdiic po'jr régler les années lu- I. Leurs Devins ou Jongleurs,.

naires des Sauvages , 251. t. i. ce qu'on en doit penier, 571. 1. 1.


Infiruftcn. Des Inllrumcns de Mufi- Leur païs des Âmes, 398. t. i.
que de la première Antiquité , Leur Gouvernement , -^6}. t. ï«
Z04. Inftrumens de Mufique
t. I. Leurs Tribus ou familles , 464. t.
eh ufagc dans les Orgies, 20,4. ^i. Leurs Chcfe , 4(19. t. i. .Leurs
t. I. Les noms des Inftruhiens de Agoïandcrs ,,474. t. i.Leur Sé-
Mufique de la première Antiqui- nat,. 475. t. I. Leurs Guerriers
té étoienc prefquc tous des noms .47<>. t. I, Leurs aiïbciations , 47(^0
barbares , 198. c. i. Inftrumens t. r. Leurs Confeils, 477. t. i.
de Mufique des Sauvages , paral- Leurs Orateurs, 481. t. i. Leurs
lèles à ceux de la première An- affaires, & la manière de les trai-
tiquité , .209. t. r. ter , 484. 1. 1. Leur Tréfor public ,
Jongleurs, f^oy. Devins & Médecin?. joj. 1. 1. Leurs alTemblées, fôlem-
foiler. Expreffion finguliere de l'Ecri- •nelles ; feftins & danfes 508. t.

ture j parallèle à celle des Sauva- 1. Leur manière <le parenté, 552.
ges pour fignifierfe battre j iC^. t. !.. Leur, Monogamie, 555. 1. 1.

tom. 1. -Leurs degrez de confanguinité^,


Iphigenie , Prêtre/Te d'Hecata ou de 558. t. .1. Cérémonies de leurs
Diane. Son faerifice , 164. t. i. Mariages , 5^5. t. i. Leur édu-
IroqHoi!. Conjeârures fur l'origine des cation, 597. t. .1. Leurs amitiés
Iroquois , 6.j. t. i. Parallèle de particulières, (Î05. t. i. Leurs Ca-

quelques-unes de leurs coutumes .Lanes, 10. t. i. Leurs habille-


avec celle des Lyciens,<^»</. Leur mens, 27. t. 2. Leur maniere.de
Ginécocratie j «^w/. Leur fable tou- porter les cheveux, ancienne &
chant leur origine, 9j. 1. 1., Leur nouvelle, jj. t. 2. Leurs orne-
païs &
leux diftinâion en cinq mens, 59. t. i. Leur nourriture,
Nations, loi. 1. 1. Leur Religion, 5j. t. 2. Leur Guerre, i<îi.t. 2«
loS. t. I. Adorent le Soleil, 150. Les motifs qu'ils ont de la faire,
1. 1. Noms qu'ils donnent au So- 161. t. 2. Leur Symbole d'enrol-
leil, 135. CI. Explicatiori de, ces lement, i8j. t. i. Leur manière
noms, ibid. ..RçconnoiiTent divers de chanter la Guerre, 189. Leurs
Génies .fubalternes , 145. tom. i. armes, 193. t. 2..1-eurs voyages
N'ont point d'autres Temples que par eau & par terre, 199. t. 2.
;leurs Cabanes de Confeil , 166. Leurs Canots , zi6. t. -z. Leur
t. I. Ont eu }eurs Vierges par état campement , Leurs En-
241. t. 2.
.dans les deux hy.ts , 17J. t. r. claves & , 26 j. t.
leurs luplices
rLeurs Solitaires, 175. 1. 1. Leurs 2. Leur adoptioa, 308. r. 2. Leurs
.facrifices , 179. 208.
Idées t. i. ^mbafTades ,310. t. 2. Leur Com-
guerrières qu'ils conçoivent de la merce, 3-J1. t. 2. Leurs Jeux,
cDivinitc, 206'. t. i. Leurs Inftru- 338. t. 2. Leurs maladies , 359.
mens de Mufique, 209. 1. 1. Leurs t. 2. Leur Médecine, 361. t. 2.
Initiations,356. t. i. Leur cn- Leurs foffes, 4i<> t. 2, Leur deliil,

bêtement pour les fongcs, & la /438. t. A. Leur. Fête générale dw
.

DES MA T I E R. E S.
lions, 44^. Leur Langue,.
t. 1. t. I . Jupiter &
Junoa premiers
& leurs Dialeftes , ^i^.uz. Inftituteurs du Mariage, 536. t.
Jfeac Se Rebecca, comment frcrc& I. Myfteres de Jupiter en Crète .
fœur^ J51. t. I. 221. t. I. Jupirer Sabazius, le.
Ifis. Diftindion des deux Ifis, z^i. même que Bacchus. Foy, Saba-
t. I. Symboles d'Ifis , 214. r. i. zius.
Judaifme. Des iîgnes de Judaïfme & fHJltee, Exemple de juftice rigou-
de Chriftianilime trouves en Amé- reufe chez les Iroqnois, 49;. t. i.
rique:, 412. Sentiment de Grocius Manière de fatisfadion pratiquée;
fur CCS fignes de Judaïfme de & par les Sauvages pour un homici-
Chriftianifme trouvés en Amé- de , afin de f^uver les coupables ^
rique , ibid. Réfutation de ces pré- 45)0. 1. 1.

tendus vcftiges de Judaïfme de & K


ChriftiaiiiTme , 413. t. i.

^f<(/i"tranfportés
Coi &
par Nabuchodono*
par Salmanàfar, 45. t. i.
Prenoient leurs noms dans la fa-
K Alophorîs ou Xiisi-

mille de leurs Pères , 7j. t. i. Se


tournoient vers le Soleil levant
pour prier , 125). tom» i. Entrete- LAcEDEMONIENS. LeuT Gi=-
Bûient le feu facré , 152. tom. i. nécocratie, 75?. t. i. Leur Gou»
Leurs Vierges &
leurs Prophètes, vernement, 455). t. i. Leurs fet-
J75. t. I- De leurs facrifices , tins & leurs danfes, 509. tom. i.
187. t. I- N'ont point paile en Leurs aiïèciations parallèles aus
Amérique, 4-12. i. i. Trait par- • Carbets des AmeriquainSjj 10. 1. 1 .

ticulier de leur Jurifprudence Leur frugahté , 51;. t. 1. Leurs-


dans les affaires criminelles, 487. flagellations Leurs Loix
, 273. 1. 1.

t. Avoient la Polygamie, 54^.


1. pour le Mariage, 560. 576. t. u-
t. I.Leur manière de parenté, Leur éducation,. j 97. t. i. Leurs
5jo. t. I. Cérémonie particulière Amans & Aimés , 604. 1. 1. Leurs
de leurs mariages , 570. tom. i. maifons ,16'. t. 2. Leur fuperûi-
Leurs fupputationschronologiques, tion à obferver le plein de la Lu»

22J. t. 2. Trait de leur cruauté ne avant que de donner bataille ,


envers leurs ennemis fous l'Em- 240. t. 2. Leurs Pyrophores, ^i^,
pire de Trajan , 288. t. 2. Leurs t. 2. Leur manière d'aller au com-

Nénies ou Chants Thréniqucs 3 bat la Couronne entête, vêtus/- &


25)4. t. 2. de pourpre,6o. t. 2. Frappoientfur;
ftmon , rhême que Venus Ufanic.
la des Cymbales d'airainà la mort ds-
Voy. Venus Lfranic. Rois,
leurs 35)7. t.zi
fufiter, le même que le Soleil , 1 25. Lamas. Croix des Lamas ^ 442,,.-
t. I. que le fouverain Etre, le tom. I.

Ciel matériel , &


l'air, 133. t. i. hamech donne le premier l'exempl®.-
Atabirius. r^y. Atabirius. Plufieuris de la Polygamie, j4i. t. i,-
Rois &
Princes ont pris le nom de Lmgue. De la Langue , 458; t. z,.
Jupiter &. d'autres Dieux ^ 144^ La coûfuiîon des Langues biesfc
, ,

T A B L E A LP H A B E T I QJJ E
marquée dans la Sainte Ecriture Latone. Fable de Latonc ôc de Mfle
459. r. 2. N'a point été la pre- flotante , oà elle mit au monde
mière caufe de la divilîon & fe- Apollon ôc Diane , 97. t. i. La-
paration des hommes , 424 t. t. îone pourfuivie par le fe^pent Py-
Il eft incertain en combien de thon ; quel fymbole, 232. t. lo
Langues Mères s'efl: faite- la di- Ce n'étoit point Latone qui croit
vilîon des Langues , 459. Cî. déguifée fous la forme d'une Lou-
Langue Hébraïque » il>. Il n'eft pas -ve y ainfi que je l'ai dit ; c'étoit
certain que cette Langue fut celle l'une de fes compagnes.
-qu'on .parloir -avant Je Déluge , Laurent, Fleuve Saint-Laurent, 204.
ipid. Les Langues des Barbares tom.-2.
qui occupèrent en premier .lieu -Zc3«/?fr«/«w , ou lé lid préparé pour
" " '

la Grèce , étoicnc dilFerentes de les Dieux , motifs de cette Fê- &


celle des Grecs pofterieurs , 464. te , 351. t. 2.
<.'!. Langues Ameriquaines n'ont
- Legijlateurs. Nos premiers Pères
point d'Analogie avec les Langues
, Adam <Si: Eve iônt -ks premiers
Icavantes & les Langues connues Legiflateurs, ij. t. i. Premiers
en Europe , 473. t. 2. Jargon for- Lcgiflateurs des Peuples convien-
mé en Amérique entre \çs Euro- nent avec nos premiers Pères par
péans &. Jes.'Sauvages pour leur les chofes qu'on leur a^;tribuë , 1 6.
.commerce , 47J. t. 2. Langue -t. I. Premiers Legiflateurs des
univerfellement répandue dans
- Cretois , 4j7. t. i des Spartiates ,
-
.

l'Amérique Méridionale, 47<j. t.2. 459. t. I. Ces Legiflateurs jufti-


tXrois Langues particulières à dit fiés fur les Amans & Aimés, 603.
dngucr chez chaquePeuplc de l'A-
; tom. I.
mérique Méridionale , tbid, t. 2. "Lejfus , faire le LelFus. Explication
La Langue Algonquine & la Lan^ de ce terme, 352. t. 2.
.gue Huronne font les deux ^an Lib lunaires, f^oy. PcMinâcuts.
gués Mères les plus répandues £*>;?«. Lesprieres, filles de Jupiter,
dans l'Amérique Septentrionale , 95. t. i.
47^. t.. 2. Les Langues Ircquoifes Loth. Comment frère d'Abraham ,
fe rapportent à la Huronne, &
550. t. r. Filles de Loth, j4j.
fe diyifent en cinq Dialedes ,
.
tom. X.
A79- Ut. Caradere de ces Lan- X(rfo.f. Plante, première nourriture
.gues, ibid..t. 2. L'œconomie des Ats Egyptiens , 70. t. 2. Vin de
Langues eft une preuve de la Dr

Lotos. 113. t. 2.
vinité, 4j8. t. 2. Oeconomie des Loy jitdtçiaire de Lycurgue pour les
Langues Ameriquaines , <W. Di- erifans 592.1.1.
iette de ces Langues, 481.1. 2. Lune. Symbole de Diane , d'ifis , 5c
Erreur des Europeans fur les Lan- des autres Déefles à qui Ton at
gués Ameriquaines, vient de là tribuë la Virginité, jointe à la fé-
,
même caufe . que celle où ils ont condité , 240. t. I.
.été fur leurs mœurs Flagellation des Luper-
, 484. t. 2. Liiperc^.-ts.
Latamer , arbre , Se Qi dcfcripti on cales, '1-76. t. I.

LufitanieuS' Leurs canots , 204. t. x..


Leur
, ,

DES MA T I E R E S,
•l-eur manière de vivre , confor- demoniens, 4^5. 1. 1. Juftifié con-
>nie à celle des Laccderaoniens. tre la calomnie de quelques Au-
i-eur manière de fe faire fùcr. teurs , 6o\ t. I.
Leur frugalité 375. t. .2. Ljcus, fils de Jandion , donne fon
Lafirations, LHftrations & Purifica- nom aux Lyciens, 8j. 1. 1. De-
tions de différentes iôrtes dans les vin célèbre, , 558, t. r.
Myfteres, zyr. t. i.Xullracionen Lyre. Lyre célefte repréfentce par
guife de Baptême de Régéné- & une Tortue entière , 216. t. i.

ration, 272. t. r. La Lyre, les Rhombes, les SiC-


jLyhic. Femmes de Lybie , leurs très , & les autres inftruraens de
Egées , &
leur adrelFe à préparer mufique des Orgies , & ceux des
les peaux dont Jes Anciens s'ha- Sauvages confacrez à la Divina-
billoient , 25. t. 2. Leurs Nénies tion , 212. tom. I. La Lyre , Iç
ou Emulations dans les Temples Rhombe , de la pre-
les Siftres
394. t. .2. mière Antiquité , ceux des &
.Ljcaftes de Mines , Sj. t. i.
t ais Sauvages , fe rapportent tous aux
Ly caftienne. Tribu des Amazo- joiiets des eûfans, .ibi4,
nes , parallcle à celle du Loup
chez les Iro^uois^ 468. 1. 1. M
JLyciens. Comparaifon de quelques
traits caraâeriftiqucs des mœurs
des Lyciens avec celle des Hu-
MA B o Y A.
chezles Caraïbes , 248. t. u
Nom du Démon

rons &
de5 Iroquois , 69, t. i. Mahy. Boiflbn, &Ta compolîtion^
Prennent leurs noms dans.Ja fa- 1 16, t. 2.
mille de leurs mères , 70. t. i. Mages Chddéem. En quel fens cpou-
Pourquoi appelles Lyciens , 71. foicnt leurs mères , ^ j j. 1. 1.
tom. I. Leur Ginécocratic. Leur Magie. Caufes &
origine de la Ma-
• origiae ,3 %i. <om. i. Tributai- gie, 554. t. X. .Deux Ibrtes de
.ïçs. de plufieurs Princes , %6. Magie parmi les Payens , l'une
. -t., if Leur courage en différentes honorée , & l'autre en abomina-

occafions , & leur défefpoir , 8(î. tion , 372. 1. 1. Avoient diverfes
Honorent Apollon fbus la
,t. 1. caufes dans leur origine f mais
forme d'un Loup j 98. t. i. Adon- chez les Payens elles venoient
,nés à la Divination par les fon- du même principe, ihtd.

g« » 3J7' t. I. Leur Gouverne- Mmre Maaan nom , d'une Divinité


ment, 461. t. I. Leurs Tjjibus, chez les Bréfiliens , 29 j. 1. 1.
^66. t. I. Leurs Dieux ou leurs Mais. Du Maïs ou bled d'Inde , 6^,
Chefs , ibtd. Vaincus par Bello- t. 2. S'il a été connu des Anciens,

rophon , ihid. Portent la longue ihtd.Entre les plantes arundina-


chevelure,^ 51. t. 2. Leur Deiiil. cécs &
milîacées, 71. t. 2. Ma-
441. t. 2. nière de le cultiver, 75. tom,' 2.
Ljciar(jue , ou Chef General dçs Ly- Boiffons faites de Maïs , ; 52. t. 2.
ciens , 461. 1. 1. Sucre tiré des Cannes de Maïs,
Lycurgue , Fondateur ou Reftaura- ihid.
teut de Ja République des Lacc- Maudits des Sauvages, }6o. t. 2»
Tvmi II, Ttt
TABLE A L P' "H'AB É'TVQJJt
MÀmmelles. Sauvages Ameriquains Se caufe de cette erreur , iHid.
"à longues matnmelles, 62. t. i. Pnftitution du Mariage rapportée
Sauvages qui fe percent les mâm- à l'origine de la Religion même,
mellcs & les cuiffes, y6. t. i. 540. 1. 1. Degrés de confanguini-
Mânes. Sentiment des Anciens & té dans kfquels il n^étoit pas per-
des Sauvages au»fu)et des Manésj mis de contraâ:er,j44. t. i. Pre-
424. t. 1. Coutume des Anciens miers Corrupteurs de la fainteté
: &
des Sanvages de frapper fur •
du Mariage,- 541. J42. 1. 1. Ma-
"des Cymbales d'airain & fur des riages regardez corn m e inceftueux.
écorcts pour les chaffef , 250- en tout temps & par-tout , 545.-

t. I.
^s>i- f- i- t. I. Erreur des Auteurs- fur ks^
'Mandarins. Honneurs rendus aux Mariages d«s Maçes avec leurs
'
Manrdarins dans le changement du mères , cfes Egyptiens , &c. avec
"
Gouvernement, 192- t. 2^ leurs iceurs , corrigée par les ma-
'MwdiffC ou Manioc. Plante , ^iàt(~ nières de parenté , qui fe trou-
criptrdn, & fes différentes cfpe- rent parmi les Sauvages, 552. t..
"Ces, 97. t. 2. -Suc dangeifiuxdu I. Caradkere de nouveauté prou-

Manioc , 98. t, 2. Remèdes con- vé dans les Princes qui ont épou-
tre le venin de ce fuc , 100. t. r. fë leurs fœurs, ^JJ. t. i. Trois
Manière de l'e;cprimer , iqi. t. x. manières- de contradler le Maria-<.
de le préparer j 100. t. 2. Sauva- ge parmi ks Anciens , 567, t. i.
ges qui mangent le Manioc fans Cérémonies du Mariage chez les
en exprimer le fuc , loo. t. i. Sauvages , ^6 y. t. i. parallèle» à
Pain de farine de Manioc, ror. celles des Anciens, 5/Î7. t. i.
t. 2. Culture du Manioc, 105. t.. Cérémonie finguliere du Mariage
i. Boiflbn. faite de Manioc. V<y^ chez les Mcxiquains, 581, t.i.
Boi/fons. Loix fingulieres du Mariage chez
itianitoH. Nom, donné àl'Eftre fuprê- les Sauvages , 5^74. 1. 1. Obliga-
me bc aux Génies fubalcernes dans rions mutuelles des époux envers
la Langue Algonquine ,126- t. i- les Cabanes l'un de l'autre, 577.

14J. tom. I.

Mannf ou fucre congelé des An-


, Marmare. Lyciens de Marmarc , &
ciens,, fe trouve en Amérique, leur défefpoir fous Alexandre le
143. t. 2. Grand, 8tf. t. i.

'MAHsftnis , oifeau dé proye , 2^9. Mars. Le même que le Soleil, 129.


tom. I. t. i*que l'Eftre fuprcme, & le

Maraca ou Tamaraca-àçs BtcCiliens , Dieu des armées, 196. 1. 1. l'uni-


8c là defcription, 211. r. i. que Dieu des Perfes, 141. t. i.
Mariage. Do Mariage, 555. t. i. Appelle beau Danfeur , & pour-
Loix du Mariage connues reC- & quoi , roo^t> i. Etymologie de
peélécs dans tous les temps, 6c ce mot » 20 tf. 1. 1.
far tous les Peuples, ^^6. t. i. Mafara. Moulins à fucre , nommes
Ihllitution du Mariage , ôc fes yI/^j^<îenLangue^Sarazine, 149.
premiers Auteurs, 535. tom. i. tom. 2.
Efteut des Auteurs fur ce point. Mara^mtt, aa fleuve des Amaïo^
, , ,

DES MA T I E R E S.
m'Ss
,
51. t. i. zoo. t. 2. la Lycantropie," ihid,
Jidaffagetes , peuple de Scyihie , ^cn.- Mttem^fycofe , Origine de cette ©pi-
y vroient par l'odeur de la fumée nion. Vcftigçs de cette opinion
de certaines plantes , 129. t. z. parmi les Sauvages, 410. t. i.
Ji^atoutou. Autel des Caraïbes, où M.4xiquatns. Leurs idoles , ijo. t. r,
ih offrent l'Ouicou la Caflavc & entretiennent le feu facré, 180.
à leurs Divinités, JJ4. t. i^ t.,!. Leurs Temples & les Vier-
Maufole. Artifice de Maufolc pour ges qui y étoient élevées , ihtd,
obliger les Lyciens à payer les Oâïoient des vidimes humaines ,
contributions qu'il demandoit , $ u *8o. t.. I. Leurs Prêtres leur &
tom 1. dodrinc, z8i. t. i. Initiations de
Meà:e , Prêtrefle d'Hécate , 16^. Jeur$Chevaliers,jii.t.i. Delenrs
. t. I, s'enfuit avec Jafôn , laifïe & I Rois 4 j 1 6. t, \' Ont; un ufage ap-i
un nœud de Ces cheveux pour prochant de la Circoncifion , 414.
preuve de fà virginité, 164. t. r. t. V. Fête ifingu^Jiçre des Alejfi-
'- Se fait expier chez Circé , 16^. xjuains , &
rapport *vec la
fon,
t. ï. Son liée nuptial , 575.1.1. iainte Euchariftie, 425. tom. i.
J^edecine. De la Médecine des Sau- Leur xcipeift pour, leurs Rois ,
vages, jj5>. Cl. Deux de
fortes 456. t. I. Cérémonie particulière
Médecine, j6i. t» 2. Aledecine de leur Mariage, 580. t. i. Leur
naturelle, j^j. t. i. Médecine boiflon, .118. t. 2. Leurs fuppu-
par la Divination /Uyj. t. 2. Mé- tations chionologiqucs, 228. t. 2,
decins. Vfff. Medecin&i Cerétrwajjc particulière de leur
Rendes , nom de Pan cheE les Men- année feculaire , 2iy. t. 2. Leurs
defîens, 128. Conjedure fur
1. 1. faftes hiéroglyphiques ^54. t. 2.
,
l'étymologiede ce mot, j(>. Men- i Sacrifioictit les prifonniers de
desou Mende., noms d'une Ville guerre , 271s. t. 2.
d'Egypte & d'uae Ville de Tbra- Aiiel [auvage ou Miel des Rofeaux,
ce , Ij (j . t. I, X45. t. ï. Miel des arbres d'Hyr-
JMeatienu Leur nouxriture , 75. t. z. canie , 153. t. 2. Miel dange-
-Mercure,, le même que le Soleil .,
;gercux qui rend infenfé Miel , &
&c. 129. t. I. Inventeur de la venimeujc 156. t. 2.
iyre , 2.16. t. i. Nom d'un De- Mil ou Aîilltt. Peuples qui faifoient
vin chez ïei Anciens, 2 17. t. i- leur nourriture ordinaire du Mil-
Son Caducée, 525. t. 2. Rapport let, 70. t. 2- Maïs appelle gros
de Mercure aux hommes dans Mil
, 72. t. 2. Millet d'une pro-
l'Antiquité, ihid. Pourquoi Diea digieuse grofleur, 75. t. 2.
des Voleurs, jj2. t. 2. Minerve. Vierges confacrées à Mi-
JMtre des Dieux des e^nciens. Deux nerve , i^ff. t. I. Sa naiffan-
per&nnes défignées ibas ce nom ,
ce , quel fymbole, 214. t. r. ^s
156. t. 1. Leur rapport avec l'an- differeiïs noms
44;. t. i. Son ,
cienne &
la nouvelle Eve, ij^. rapport avec la nouvelle Eve ,
tom. !.. .234. t. I, Son Egide , zj. t. i.
HUttamor^hoÇes chez les Sauvages Diftindion de cinq Minerves
'
f7,r^ 1. 1. parallèles aux idées de 57. 1. 1. Atwibtttion honoraire de
Jtt i)
, . •

TA6LE ALP H A B E T I QJT E


rinveiuion de tous les arts , à Montagnats , &
Peuples du NorcÇ-
Minerve , pourquoi & il^ui. Leurs facrifices , i8o. t. i.
Minifires. Des Miniftres de Bac- Mon. De la Mort,. Deiiil fepuL- &
chus, 219. t. I. ture des Sauvages, 386. t. 2. Les^
Jidinos, l'un des premiers Légifla- devoirs rendus aux Morts, fbiit
teurs de Tlfle de Crète , 45 8. 1. 1. une preuve de l'immortalité de
Plufieurs ont porté ce nom , ibid^ l'Ame , 38.7. t- 2. Manière des
Juge des Enfers , 40'o. t. i. Mec Egyptiens pour préferveples corps-
le premier une flotte enmer^ioj. morts- de la corruptlGH ,389. t. 2.
t. z. Fait d« conquêtes, en Phé- Ce fbin des Egyptiens étendu jus-
nicie, '^"^• qu'aux corps des animaux, 3(^1.
MiJJiffippi. Fleave de la
Louifiane , tom. I. Manière de préferver Iss
2.01. t. 2. Sa découverte , 31;. corps de Ta corruption chez les.
;
tonii 2v> 'C-'u^- .-'^ Ameriquains, 389. t. 2. Nénies
''Mitajfes , o^- B*! dfes Sauvages de .. pour les Morts , 391. t;^2. Fertin^

l'Amérique Septentrionale ^ 25. pour les Morts, i<)^. t. 2. Diffe-


•' ï'i'ns ufages d'enfevelir , ou de
tom. 2.
Mithra. Nom du Soleil chez les rendre les derniers devoirs aux
Perfes , 137. 1. 1. Myfteresde Mi- Morts, foit dans l'Antiquité, foie

thra les mêmes que ceux de Bac-


,
chezies Sauvages, 401. t.-2. .Ri-
chus, &C..2 2-I. E, F. Mort myf-
,
chdFes enfeveJies ou confacrées
^ tique des My flores de Mithra , aux Mojts<f4io. r. 2'. V\k(ç.n% pour
272. t. 1. Régénération efpece & honorer ks Morts , 41 3. t. 2. De-
de Baptême dans ces MyftereSj voirs funèbres pour honorer les
ihid. Epreuves der ces Myfteres , Morts, appelles Parentalia &c In-
277. t.. I. Soldats de Mithra, & ferix. , 42e. t. 2. Fête générale des

leur confiance opposée à la lâche- Morts, 444. t. 2. Cérémonie par-


té des Chrétiens , 278. t. i. Ce- ticulière à^'égard de ceux qui iônt.
- rémonie approchante du myilere morts de froid ou dans l'eau , 420.
dé l'Euchariilie dans ces Myfte- t. 2. Viâimes humakiesimmolées
rc», 418. t. r. à l'honneur des Morts , 4-10. t. 2.
-Monogamie 8c (on ancienneté prou-
, Coutume de pleurer les Morts,
vée par rEcriture, parla fable & palïee en devoir de civilité, 442.
par rhiftoire,, 540. t. i. Obfcr- tom. 2,

Vée par plufieurs Peuples de l'An- Mojynœcieni. Tours des Mofyno^


tiquité 5 particulièrement dans la" ciens, 7. t. 2. Trahiiôn qu'ils font
• pofterité de. Japhet , 545. t. !.. aux. troupes du grand- Pompée ,,
Monogamie chez quelques- Petî- i5<î, t. 2.
ples dé l'Amérique, 554. 1. 1. Moife. Livres de Moïfe , antericuis
JHorruoye. Efpece de Monnoye en- à tous ceux qui nous reftent de
Afrique-, 504. t. i. en Ameri- l'Antiquité,, 16^ t^k Sentiment
t - que , ibid. i i 8. t. 2; de M. Huet & de Gérard Voffius
Moaofceles ou Sciopodes , 61. t. i, fur Moïfe, réfuté , xo. t. 1. 224,
JMonumem facrez. , érigés par lesan- tom. I.

cisnsr Patiiar che£ , 13 j^ c. 1 MuJagetes.Aj^polloTiy Baechus, HeX"-


DE s M A T I E R E S.
(fttlé,' 157. t- I. Ecymologie de ce Nulicrates. Orateur chez- ks Ly-
mot, jpS. t. I. ciens, 484. t. i.
Jidnfes , 114. 16}. tom. 1. confa- Naufrages. L'Amérique n'^a pu être
créesà Apollon, à Bacchus , &c. peuplée univerfellcment par des
1517. t. 1. Déefles guerrières , iç)^ naufrages, 35. t. i.
1. 1. Les mêmes que les âmes mo- Nauficaa ,
fille d'AlcinoLis , joiie à
trices des corps celeftes , 407. la paulme avec {es fuivantes-.
tom. r. f^oy. Jeux.

^«/i"^«e. Sa définition , 199. u i. JSIavigamn Se Ces premiers corn-


,

furbordonnée à la guerr-e & à la mencemcns, 202. t. z. Navigation


Religion. p^oy,£hant.s & danfes des Ameriquains, ibid.
guerrières. Naz.amons. Leur- manière d'enfeve-
Myfte^es; Des Myfteiés , iio. t. r. iir ,. 407. t. 2>-
De leur elprit , ibid. Secret des Nénits &
manière de pleurer les-
,

Myfterés , ibid. L.çs Myfteres des Mort*, j 5)-i .• t. 2. Nénies en quel-


Payons (bas difFexcns noms fe ré- ques Provinces de France , paral-
duifoicnt tous àJa même chofe, lèles à celles des' Anciens & des
221. t. I. Ce qu'on doit obferver Ameriquains, 395- t- 2-
. dans ks Myfler«s, 225. t. i. Rap- Nièces, Epoufes nées de leurs On-
port des fymboles des My-ftcres cles chez les Caraïbes félon The-
avec les Myfteres de nôtre Reli- vet, j;7. t. r.
gion , i±6. t.- !•• Débauches des Ninyas. Son horreur pour la paffion-
Myfteres des Pâyens, oppofées à de fa mère, j4<j. t. i.
1-eur premier efprit , 2 6j. t. 1. Noms. Matiiere dont les Sauvages
Dift:ind:ion de», grands des pe- & prennent leurs noms , 74. t. r.
tits Myfteres j 166. 1. 1. Etat d'ex- Peuples qui prennent leurs noms
pration des Myfteres y ibid. Etat dans la famille dé leurs mères ,,
deperfedion des Myfteres, 27^. 70. t. I. Peuples prennent le nom
tom. I. Initiations aux Myfteres. qu'ils doniîGtent à la- Divinité ,,
yoj. Initiations. Doubla- objet &c 127.' t. 1. Princes ont pris &pro-
fin des Myfteres, 22^1 t. i. Imi- phané le Bom de Dieu, 130. t. r»-
tation ou rapport dès Myfteres Noe'. Si Noé a connu & peuplé l'A-
avec les Sacrcmens de nôtre Re- mérique, i^. 1. 1*-

ligion, 417. t. I. Nourriture. De


Dourriture des là
^yrrha , fille de Cynire j /on crime Ameriquains, ^3. t. 2. Dilfertaw
, iemidablè à celui des filles de îion fur la nourriture des Anciens,
Lot^» ^4j. t.-i. ibid.Manière de la préparer, Sc-
N tom. 2'.
Nudité' de nos premiers Fcres après

N du
A T c H E z jleur Temple
t.

Soleil
I . Leurs Chefs
, ijr. t.
fe difent
1. Henneurs
, \Sf.
fils
leur péché, 17. t. 2. Nudité eai.
tiere
iîeurs
ou prefquc entière de plu-
peuples de l'Amérique ,
qu'ils lui rendent, léj. t. i. Leurs ibid.
Cabanes, 8. t. i. Leurs Dévoilés
& leur mort y 410. s. 2»
^ 11 ii]î
,, , .

T A B-^ E ALf H A B E T I Q^U E


ridionale , 10©. t. 2^
O Orge. Première nourriture des Grecs,
des Lybiens &
des Egj^ptien*, 70.

OB 1 1

tent les
GATIONS que
Epoux
contrac-
& les Epoufes
tom,
Orgies.
1.
Ce qu« c'eft , 1 14 t. i. Et
envers les Cabales l'un de l'au- prit des Orgies félon Straboa ,
tre , j 77. 1. 1 . 185. 1. 1.

occupations des hommes dans leur Orita. Les Orites , Peuples de l'A-
Village , I. t. i. Occupations des reïane. £tymologie de ce nom ,
femmes, 6^. t. 2. 458. t. 2.
Oedtpe &
pocafit. Mariage incef- Ornemens. Ornemens des Sauvages
tueux d'Oedipe de Jocafte, & & 53. t. 2."
leur fin tragique, 545. i. i. Orphée. Devin célèbre , l'un des Ar-
'Offrande myftique du pain du vin , & gonautes., '
190. t. I.
55i. t. I. Symbole de l'Eucharif- Origine des Peuples de l'Amérique ,,

tie , tifd. Offrande d'Ouicou & 17. t. I. Ce qu'on peut tirer des
de Caflave que font .les Caraïbes , Sauvages fur leur origine , 91.
& fon rapport avec les Myfteres tom. I.
de Bacchus Se de Cerés , 178L OJfekts. Jeu des Oflelets^ i'i^-t. 2.
tom. I. OJiris & Ifis , l'ancien & l'ancienne,
'O^ Roy de Bazaa , cru le Père des fymboles de nos premiers Pères ^
Giecs pofterieurs ou des Cadmo- 240. t. I. Ofiris fils d'I fis la jeu-
néens ^o. t. i. ne , &
fon rapport au Libérateur.
Ogyges. Déluge d'Ogygcs , 38. t. i. Vby. les fymboles des Myfteres. .

Giaron des Irequois. -Ce que c'eft , Ouicou. Boiftan, & fa compofition.
Jio. t. 1. Voy. Chica.
0^, Otkon. Noms
de l'Elire fuprê- Oitmas , peuples de la Louifiane
me , &
des <îénies fubalternes avoient un Temple pareil à celui
chez les Jroquois chez les Hu- & des Natchez , 168. t, r.
rons iz6. t. i. Ourfes. Conftellations des Ourfes.
OlÀimi. Montagne d'Olaïmi chez De la connoilFance qu'en ont les
les Apalachites , 14(5. t. i.- Sauvages après les Anciens, 2-3 (?*
^lym^iiides. Obfcurité des temps )ii£. itom. 2.
qu'aux Olympiades, 3 5- t. u
Onnon^içuarori, ou fête des Songes
<,

idj. t. I. ANï
PiEappelles «. Chants des Anciens «
Ofs. DeuxOps," 13<Î. 1. 1. Planes , 197. t. i-
Orateurs. Des Orateurs, de leurs & Pachacamac, nom de l'Eftre faprê-
fondions j 481. t. u me au Pérou, 124. r. i.
Ordinaires. Séparations des femmes Pailles. Jeu des Pailles , 35 o. t. 2.
& des au t^emps de Jcùrs or-
filles P.itin. Offrande myftique du pain &
dinaires, ibnt un lîlàge de Reli- •du vin , fymbole de l'Euchariftie
gion parmi plufieurs peuples, z6z. dans la Loy de nature , 352. t.Jt.

tom. I. imitée dans les Myfteres des An-


Orenope. Fleuve de l'Amérique Me- cienStf 41$. 1. 1. chez Jes Sauva-
,, , .

B E S^ M A T I E R E S.
ges, Pain chafte, jjj.
178^. 1. 1. Partfatis. Paflion de Parifati» rejef-
Pains de PropoUtion , ilfid. Pains tceavec horreur , J97. 1. 1.
chez les Sauvages que les feuls Parthes , quel honneur rendoicnt au
Prêtres ou Dey&s ont droit de Soleil, 168. t. I. Rois Parthes,
manger , lyi^i'jjj. t. i. Pains en quel fens on peut explique;:
eu gâteaux nuptiaux, jyi. t. i. qu'ils épouibient leurs mères
, j j j
Pain de Mariage, ilfid. Pain de tom. I.

bled d'Inde , & ia compofition Parthetion. Communauté de filles


.54. t.Pain de fruits fecs , io6i
2. confacrées à Minerve à Athènes,
. t. 2. de poiilon feché , réduit, & 155. t. 1.
en farine, ihui. Pain de farine de PafifhaeCç difoit fille du Soleil, 132^
Manioc, 8c fa. qualité, 102. t. 2. . tom. 2.
tallas. Minerve.
P^cy. Patates ou Batatts. Racines. Leur
Talingenefie ,. pu renaiilànce dans dcfcription &
leur ufage ^ 10^^^
l'idée des Sauvages, 429.1.2, tom. X.
PaltKot. Boillbn & fa compofition, Pauvreté volontaire. Exercice de pau-
117. t. 2. vreté volontaire durant le cours
Pan, noin de l'Eftre fuprême chez des Initiations, 277. t. lo-
les Chemmites Se chea.les Men- Pais des Ames des Sauvages , paral-
defiens, i}6. 1. 1. lèle à l'Enfer des Poètes, 401. t. i^
Pandore , la première de toutes les Voyage d'un'Sauvage au païs des:
femmes , efl: la même qu'Eve, Ames , parallèle a la defcente
mère de tous les hommes, 252. d'Orphée aux Enfers, 402, t. i.
1. 1. Boëte de Pandore, quel fym- Peaux. Habillemens de peaux, roy,
bole ilfid. Habillemens. Manière de prépa.»^
Pantomimes. Dànfe des Pantomimes, reries peaux, 51. t. 2»-
j 2 5. t. I. Goiàt bizarre d'un Peche Originel. Traces dû péché ori-
Prince de Pont pour un Pantomi- ginel, &
pratique de Religion ob-^
me , 524. t. I. iervée par les Sauvages à la naii^
fanthe'es. Figures Panthées de la Di- fàncede leurs enfans, 2^9. t. Xt.

• vinité dans la Religion des An- Peintures caujiiques fur les peaux , Se
ciens, 240. t. 2. leur Antiquité Peintu-
, 53. t. 2.
Papier. Plante du Papier , èc k& res cauftiques fur la chair vive en:
ufages chez les Anciens , 205). ufage chez les Anciens chez: &
t. 2. Définition du Papier donnée
. les Sauvages , ^i. t. 2, Peintures-
par S. Ifidore , 212. t. 2. Conv-ient cauiliques hiéroglyphiques. Pein-
au Bouleau donc on fait des Ca- ture linéaire, 45. tom. 2. Pein-
nots ibid. tures cauftiques Ibnt une efpece
P^araguay. Herbe da Paraguay , Se de confecration , joj. t. 2. Pein-

ion ufage , 119. t.2*i tures pallâgeres en guife de fard y,


Parajites parmi les Sauvages, 515. 47. r. 2. facrées , & du de
relFort
- t. 1. Employ de Parafite doit ion la Religion chez les Anciens ^^
origine à la Religion , jkî. t. t. 48. tom. 2.
P'arentaha. Devoirs funèbres appel- Penthefde'e , Reine des Amazones^
lés Faremalia ^ 4^^- t« ^'» tuée par AçhiJiç^*. ^x.p a»
, ,

TABLE ALPH A B E TnQ^ U E


TieUfgiens. DifFerence des Pelafgiens éducation parallèle à celle des T.*^
&'des HcUeniens, 91. t. i. Leur cedemoniens , 600. t. r. Leurs l>a-
Langue, 4^4- t- ^• billemens, &
leur manière de vi-
T^roi*. Nom que les habitans du Pé- vre, femblable à celle des Sauva^»
rou donnent au Dieu Créateur & -ges , 22. t. .2. Se peignoient le
, à l'Eftre.fuprême, 124. t. i. Er- tour des yeux ay,ec du vermillon ,
reur de Grotius &
d'Hornius fur .47v^t.-2. Leur nourriture, 82. t. 2.
<î'origiue des Péruviens, 150. 1. 1. -Leurs fuperftitions touchant -la fe-
de M. Huct^ 5Z. t. I. Ont des pulture, 405. t. z.
Idoles, 150. t. I. Entretiennent Peuples. Des Peuples qui ont pafle e»
le feu facré , iGy. t. i. Leurs Amérique, 41. t -i. Peuples monf.
Temples & leurs Veftales , 1^9. -tfueux de l'Amérique, parallèles
t. I. Leurs fuperftitions au temps à ceux de l'Antiqyité , 60. 1. 1.
des Eclypfes , 149. t. i. Leurs Fh ailes ,-dans les œyfter es des Païens,
Prêtres &
leur dodtrine, 181. 1. 1. 263. t. I. adorés en quelques en-
Initiations de leurs -Incas, Joj. droits de l'Amérique , 150. t. X.

1. 1. Ont l'ufage de la Confeflion Phéniciens établiffent pluficurs Colo-


.410.t. I. Fête du Pérou qui a nies en Europe &: en Afrique , ÔC
^apport W- myilere de la fainte •découvr-ent une Iflc de très-gran-
I. Refpeâdes
:Eucharifl;ie,42i,t. de étendue aux extrémités de l'O-
Péruviens pour leurs Rois^ 45<>. céan , }Q. tvl«
t. I. Leurs maifbns , j,. tom. i- Piayes, f^. -Devins.
^Leur eflime pour laCoca, leur &
Finies. Leurs peintures -cauftiques ,
manière de s'en fervir , 140. t. 2. 59- t. ,i-
Leurs Bâlzes , 2o<j. t. 2. Leurs Pierres^ antiques , -Pyramidales , &c«
Supputations Chronologiques , &
origine deleur culte , 1^6. 1. 1.&
la manière de régler leur CaJen- ^Pierre Conique trouvée dans la
cdrier, 22.8. t..2. L«urs_^ipoi^ ou Temple de Natchés , 147. t. ,1.
'Regiftres, 233. t. 2. Croyoient Pimemade, fauce des Caraïbes , 1O4..
^ la Rerurreâion des Morts, 455. tom. 2.
tom. 2.

Pipe , {bn uiage connu des An-^ &
Terf^s donnent au tour du Ciel .le
, ciens, 127. t. 2.
, nom de Jupiter, i3§. t. i. N'a- Plan , diftribution de l'Ouvrage , &
voient ni TemplesnisSimulachr.es, 19. 1. 1.
&
pourquoi, .137. 15.S. 1. 1. Sen- PUta , Rivière Je la Plata , 200.
timent de M. Hyde furTancienne tom. 2.
Religion des Perfes, refuté, 140. Platon. Entêtement de Platon des &
t. I. Donnent, au Soleil le nomxJe Platoniciens pour la Thçurgié
Mithra , 141. t. i. Entretiennent
.
343. t.-i-
le feu facré, 1J4.. t.i. A.voientdes Pléiades, Nom que leur donnent les
Veftales,i<î4. 1. 1. Tempérance de Iroquois , 410. 1. 1 2jj. t. 2- .

fleurs feflins, ipi.. t.j.Leurs Myt Polixene égorgée au Tombeau d'A-


teres , 221. 272. t. i. N'épou- chille, ri^. t. 2.
foient point leurs fœurs avant PolltnUettrs , leurs fonâion^ , 3 8.8. &
Cambyfe, ^^C. sSi' t* "• ^e"^
, tom. i.
, ,


T>t s M A T I E îl E S.
T-olygamie autorifèe chez plufieurs Pultophages. Romains ï & autres ap-
Peuples de l'Antiquicé , & tolé- pelles Pultophages , &c pourquoy ,
Hébreux J4J. t. i.
rée chez les , 84. t. 2.
Polygamie en Amérique, permi- Pygme'es , anciens & modernes, 59,
fe fur tout aux Chefs de quelques 'tom. I.

Nations , 554. t. i. Pyramides , qu-el fymbolc félon les


^empe Bacchiijue de Ptolomée Phi- Indiens , 149. t. i.
ladelphe d'Antiochus^ de Mithri- Pyrogues des Sauvages 203. t. z. ,

date , d'Antoine , &.de Caligula , Pyrogues des Caraïbes & Sauva-


184. t. I. ges Méridionaux 212. t. 2. ,

Parcelaim. des Sau-


Delà Porcelaine Pyrobtrie. Delà Pyrolatrie.,- ou cul-
vages , &
de fes ufages , joi. te du feu {àcré , 152. t. a. Origi-
t. I. eftla Cmcka VenercA des An- ne de ce culte , ibid.
ciens,- 503. t. i. Pyromantie. Exemples de Divination
Portages., zi8. l. i. par la Pyromancie parmi les Sau-
Porte facrée chez les Anciens, 401. vages , 385. t. I.
t. i. Bled ou Balle de Bled )et- Pyrethes 315. t^ 2.
tée devant la porte en figne de Fyropl.ores , Se leurs fondions chez
mort, 415. t. 2. les Anciens, 328. t. 2.
Prafica , pleur eufe appellée Praficn , Tyrrhii^ue. Nom
générique des Dan-
}9i. t. 2. fes guerrières des Anciens , 202.
PrJcaations des Sauvages en païs en- tom. I.
nemi, & dans leur route , 24;. Python. Serpent Python , quel iym-
tom. 1. bole , 234. 1. 1.
Prifonrti^s. Conduite des Guerriers Pythomfes, Pythies, Foy. Divination.
à l'égard des Prifonniers , 161.
t. 2. Manière de les garder pen-

dant la nuit, ibid. t. 2. Leur en-


trée dans le Viilage, ,265. t. 2. QUiPos. Regiftres des habi-
'Leur deftination, 27i. Leur fup- tans du Pérou , appelles ^i-
plice , 274. t. 2. leur adoption, fos^ 233. t. 2.
308. t. 2. R
Prophètes chez les JuifS', infpirés de
l'efprit
fortes
Juifs,
de Dieu, i^^. t. i.Deux
de Prophètes parmi les
175. t. I.
R re
Agi NES

,
fe fervent
dont les Sauvages
pour Jeur nourritu-
5)6, t. z.

Proferpine y la même que Diane, & Radeaux de peaux enfle'es , Se de


les autres DéefTes Vierges & fé- courges vuidées , 205». t. z.
condes du Paganifmé, 259. t. 1. Za Ramajfe. Ce que c'eft. 223. t. 2.

'Mère du Dieu Bacchus ou Tau- Raquettes , & leur defcription , 220.


rus , ibid. t. 2. Leur uiage connu des An-
,'
Prytan 'es des Grecs dédiés à Vefta ciens , 6c porté d' Afie en Améri-
i(îo. t. I. Prytanées des Grecs , que, 222> t. 1.
femblables aux Curies Romaines, Relations. Précipitation des Auteurs
ibiâ. -des Relations Se Voyages , à écri-
Tome IL Vau
, ,, -
,

TABLE ALP H A B E T I Q^U E •

re fur les moeurs des Peuples Romains , n'avoicnt point de Sîmu-


qu'ils ne ccnnoiflbicnt pas bien, lachrcs dans les premiers temps
5, com. I. 159. t. r* Leurs Veltalcs, J^i.
Heltgion. Nécefficé d'une Religion^^ t. I. plus anciennes que Numa,..,

108. t. I. Exiftence de cette Re- iGx. t.i. Excès de leurs fùperfti-


ligion fondée fur le confencement tions, 455. t. I. Leurs Tïibns.&.
'
unanime de tous les Peuples ^ ibt(L .
leurs Chefs au temps de la fonda-
. 1. 1. n'eft pas l'ouvrage des Legif- tion de Rome, 4<5î. 1. 1. Leur Sé-
lateurs particuliers , n'a point & nat dans les prenniera temps, 478.
palfé d'un Peuple à un.autre quel- x.i. Leurs trois fortes de Maria-
ques necles après le Déluge , 14. ges, ^66. t. I. T eut g:: lit pour la
t. I. eft aufii ancienne que les peinture palïàgere eu guife de.
hommes, ihid. Corruption de la. fard , 48. t. 2. . Leur première
Religion chez les Payens , 118. nourriture, 5 70. Appel-
t.i. (îç.t.z.

t. I. Malgré la corruption il fe lés Pultophages , & pourquoi, 84,


trouve dans la Religion des Payens t. 2. Leur frugalité dans les prcr
des traits d'uae grande conformi- miers temps , 8j. t. 2. Leur ma--
té avec la vraye. S.yftême fur la niere de déclarer la guerre, 173..
Religion des Anciens propofé , t. 2. Cruauté' de leurs fpedtacles
12. t. I. expliqué plus au long: & de leurs repas , 287. t. 2. Leurs
dans tout l'article dé la Religion, devoirs funèbres, 405. t. 2.
tom. I. Parallèle de la Religion Roz.ea.ux. Peuples qui fai/ôient leur
des Sauvages avec celle des An- nourriture du fruit des Rozeaux
ciens , 115.. t. I. Toutes les ac- 72. t. 2. Rozeaux dont on fait le
tionsiôkmnelles des Peuples fucre, 14^. 1. 1.
anciennement du rellbrt
étoient S
de la Religion, 4,5 j. t. iw
S.etraue étoit une àes épreuves des SAbaïsme. Première origine
Initi tions aux Myfteres, i6j. 1. 1. du Sabaïfme, 55 1. 1. Sabaïlîne
1 .

Rhadarname , premier Fondateur du des Gentils étoit dégénéré en une


Gouvernement des Cretois-, 45:7. vraye Idolâtrie , 145. 1. 1..
1. 1. Rhadamante frère de Minos, Suhazius. Bacchus Saba-
Jupiter,
mené une Colonie en Lycie, 8i. zius étoient le Dieu de la guerre.
tom. I. Etymologie de ce 'nom , i5)«î.
'Shée. Deux Rhées x^6. t. i. tom. 2.
%honjbe des jKciens , & fa figure, Sac , &,
prife d'une Place, 2jj.
209. t. I. tom. 2.
Michejfes enfevelies avec les morts Saxremens de la nouvelle Loy
dans leurs Tombeaux, Se par quel avoient leurs ombres figures &
principe , 4 10. t. 2. dans la Loy de nature dans la &
Hole. f^oy. Habillemens. Robe fa- Loy écrite, 41^. tom. i. font la
tyrique des pièces de. Théâtre, réahté de ces figures , ihid.
11. t. I. Vertiges de nos Sacremens dans-
jRotander Goa , nom des Chefs des les Religions des Indes acSuel-
,
Jribus chez les Iro^uois. F. Chefs, lement exiftentes ^ & dans leS:
S DE MAT I E R E S.
-"îMyfteres dès Anciens, 419. 1. 1. Satyrides. Ifles Satyrides , 51. t. r.
Sacnpces. Des Sacrifices , 177. t. i. Saiit. Corps de Saiil de Tes enfans,&
Définition du Sacrifice, ihid. Sa- & lionneurs funèbres qui leur fu-
crifices des Sauvages , parallèles rent rendus, 42 i. t. 2.
à ceux des Anciens , 170. c. i. Saults 8c Cafcades , zij. t, 2.
Matière des Sacrifices dans les Sauvages de l'^meri^ue, Conjeftures
premiers temps, 178. t. i. Ma- fur leur origine, 27. t. i. diftri-
tière & différence des Sacrifices bués en Peuples erransou feden-
parmi les Hébreux , 187. tom. i. taires, 91. t. i. ont tous une tra-
Diftindtion des Sacrifices particu- dition facrée &
fabuleufe des pre-
liers & des Sacrifices iblemnels , miers temps., 95, t. 1. du De-
182. t. I. Sacrifices des Peuples luge , &
de la fin du monde, loo.
de la fuite de Bacchus des Ar- & t. Leur caradlere ,
I. 105. t. i.
gonautes , 190. t. I. Chiens o& Leur ReHgion , 108. 1. 1. Le fonds
fercs en facrifice au Dieu de la de cette Religion , femblable à
* Guerre chez les Anciens chez & celle des Barbares qui occupèrent
\z^ Sauvages, 189. t. 2. Sacrifi- en premier lieu la Grèce , 115. t.
ce de viâimes humaines chez les I. ont t-ous la connoiflance d'un
Mexiquains, 180. t. i. Sacrifice premier Eftre, 124. t. i. recon-
des premiers nez à la Floride, noiffent plufieurs Génies, 145. t. r.
181. t. I. Le fupplice des Efcla- Sont tous Idolâtres , 1^6. tom. i*
ves dans l'Amérique paroîc être Ont un reipeâ religieux pour le
•un vrai Sacrifice, 276^. 295. t. 2. feu , i66. t. I. Leurs Temples ,
Sacrifice d'Iphigenie de la fille & 167. t. I. Leurs Sacrifices, 170.
de Jephté , allégorique à celui 208. t. I. Leurs Inftrumens de
. qu'elles firent en voiiant leur vir- Mufique, 209. t. I. Leurs Céré-
ginité, 164. 1. 1. Sacrifice perp«- monies pendant le temps des Ecly-
tuel défigné dans les noms de Bac- pfes, 248. t. I. Leurs Initiations,
chus & de Cerés , 247. t. i. Sa- parallèles à celles des Anciens ,
crifices funéraires , 42(1. t. 2. Fet z8i. 1. 1. Leurs fentimens au fu-
tins , chants & danfes faifoient )et de l'Ame, 559. t. r. Leur en-
partie des Sacrifices., i^i. i^. têtement pour les fônges , }S}.
tom. I. t. I. De leurs Devins , de ce &
^açamite ou BoMUe ; nourriture or- qu'on en doit penfer,j7 j.t. i. Leur
dinaire des Anciens des Sauva- & païs des Ames, parallèle à l'Enfer
ges , 8j. t. 2. des Poètes, 5^98. t. i. De leur
Sara. Comment étoit fceur & époufe Metempfycofe , 41 o. 1. 1. De leur
d'Abraham, 550. t. i. Gouvernement , 456. t. 1. De
Sarpedon mené une Colonie de Crète leur Ginécocratie, 460. t. i. De
en Lycie, 8j. t. i. Combat fait leurs afîèmblèes fblemnelles, 508.
pour avoir fon corps , 428. t, 2. t. I. De leurs chants, danfes Se

:^aturne dévorant fès çnfans,


quel feftins, J14. De leurs Ma-
t. I.

fymbole , 251. t. X. riages , De leur Educa-


5 54. t. I.

Satyre. Origine des 5atyres des & tion , 597. 1. 1. De leurs amitiés
- Centaures, 19. 1. 1, .particulières, 60 j- i. De leurs 1.

Vu H ij
. ,

T A B^ i E A L P HA B E T?! Q^U E
occupations , i. t. z. De leurs Rapportoient leur origine à une
Villages , & de la manière de les femme, moitié femme moitié &
fortifier , }. t. x. De leurs Caba- ferpent , i}}. 1. 1. Adoroient Dia-

nes , 5. t. 2. De leurs Habille- ne , ôc Ce fai/oient initier à fes


meiis, 17. t. 2. De leurs Peintu- Myfteres , 221. t. i. EDlevoicnc
res cauftiques , 3 3- t- i- De leurs la chevelure de leurs ennemis , 6c

Peintures paflageres , 47. t. 2. De en faifoient trophée ,.257^1. i.


leur manière de couper leurs che- Se faifoient Tuer avec des pierres
veux &
de leurs autres ornemens, ardentes, 372. t. 2.. Defcription
5©. t. 2. Deleur nourriture, 65. de la Cabane de leur Siierie, ihid.
t. 2. De leurs boi (Tons , 113. t. 2. Peuple de Scythie , qui prenoic
De leur Guerre , 8c des motifs de le plaifir de l'yvrelTe par l'odeur.

la faire , 161. t. 2. Leur manière &. la fumée, de certaines herbes,,


de la chanter, 1 89. t. 2. De leurs 128. t. 2. Plufieurs Peuples de
armes, 195. t. 2. De leurs voya- Scythie engraillbient leurs parens
ges par eau par terre , 19^. & pour en faire, feftin , 404. c. 2.-
b 2. De la connoiil'ance qu'ils- ont Gonjeftures fur quelques mots de-
de l'Aftronomie, i. t. 1. La fup- la Langue des Scythes , 475. t. z..

putation de leurs années, de & Secret des Myfteres 220. x66. t. i..
,

leur manière de compter, zzj. Semiramis , appellée fille du.SoleiL


t. 2. De leurs campemais ,. 241. dans quelques Infcriptions. , 132..
t'. 1. De leurs précautions en païs t. I. Sa paflîon pour fôn fils Ni-

Ennemi, 243'. t. 2, De leurs com- nyas punie ,


, 546. t. i.
bats, 278. t. 2. De leur conduite Semaines d'années chez les Sauva-
envers leurs prifonniers , 160. t. 2. ges , comptées par les jours ou
Des fupplices qu'ils font fouffrir à pat les nuits , parallèles à celles
leurs efclaves , 244. tom. 2. Des . des Hébreux , 230. t; 2. Semai-
Loix de l'Adoption ,. 30&. t. 2. nes de jours &. d'années chez les
De leurs AmbafTades, 3.ro. t. 2. Mexiquains , réglées par le nom-
De leur Commerce 33^^ t. 2. , bre de treize 22.8. t. 2.

De leur GhalTe & de leur Pêche Sephora n'eft point le Type de toutes
536. t. 2. De leurs Jeux t. 2. , les Déclfes du Paganifme , 221..

De leurs Maladies, 360. t. 2. De tom. I.


leur Médecine, 361. t. De leurs Stpuliure. De la Sépulture- , ;S6: t. 1.

devoirs funéraires , 3'S^. t.-2. De Manières fingulieres de préparer


leur Dtiiil, 43;. t. 2. De leur les corps pour lafepukure, 389.

Langue , 45 S., t. 2. ti t.DifFerens u/liges de l'epultuïe


Scythes. Scythid Divers Peuples com- chez Içs Anciens &
chez les Sau-
pris (ôus le nom de Scythes, 42. vages, 40i.. t. 2. Privation -de la
t; I. Leurs mœurs femblables à fepulture croit- une racheinfaman-
celles des Barbares- qui' avoient t^ chez les Anciens, &: l'eft en-
occupé là Grèce ,
92.t^i. emre- core parmi les A meriquains , 420.
tenoicnt le feu facré , 154. t. i. t. 2. Sépultures choi/îes au pied

- Avoient un Cimeterre pour fym- des chênes, &


pourquoi, 4 23.11 .2^
bolc delà Divinité, i^j. tom. i. G.e qui-" 'iiîc dans lalep ulture, fe-
,

D E s M A T I E'R E i.
Ibn la penfée des Anciens , après mort par Alexandre, iSz. t. x^
qu'on a rendu tous les derniers Soleil. Symbole de la Divinité & du

devoirs au cadavre , 424. t. 2. Sé- Libérateur, 128. t. i. Tous les


pulture étoit un lieu faeré, 427. t. Dieux &
Déélfes de l'Antiquité fe.
z. Gardes, mis pour la défenfe des rapportent au Soleil , 129. t. i.
fcpulclires> 428. t. i. Sépultures Confondu avec la Divinité même,,
gardées à la Elon'de j 43 i tom. 2. . ibtd. Soleil eft la Divinité des Peu-
Proplianation de la fèpulture , re- ples de l'Amérique, 150. tom. /,
gardée comme une grande hoftili- Princes &
Rois de l'Antiquité j,
té, 432. t. Douleur des Péru-
2. qui fe difoienc fils do Soleil , ibid.
viens en voyant les EfpagDols prc- Noms que les Iroquois donnent aa
phaner Ieursfepulchresj433. t. 2. Soleil , 132. t. I. Quelques-uns de
Ser-^efJt. Qpel fymbole dans la Reli- ces noms ne conviennent qu'àa
gion des Anciens, 129. t. i. Ser- fouverain Eftre^, thid. Explication
pent, /ymbole de deuxs principes de ces- noms, jj,^, t. i.
oppolïs dans la Religion des An- Solitaires parmi Us Sauvages , f^aifanc
ciens, 2,56. tom. 1. Serpent initié profeiîion de continence ,175. 1. 1.

dans les Myfteres , 228. t. li Ser- Solymes , quel Peuple, 83. tom. v.
pens apprivdifés &
nourris dans Leurs Tribus, 4(îj-. t. i. Leurs
les Temples, 22,53. t. 1. Serpent Chefs,- 4<î(î, t. I.
d'airain fymbole du- Libérateur , Songes. Divination par les fonges ,,
230. t. I. Serpens enchantés Se 363. f. li Songes pliis myfterieifx-
apprivoifésparles Sauvages, 263. lesunsque les autres, tbià. En-
t. I. entrent dans les Myfteres de têtement des S-iuvages pour leurs-
leurs forts & de leur divination^i/'. longes, ibtd. Czufes ôc exemples-
Jf/àwe des anciens Egyptiens,«>5. t.2. de cet entêtement, iô^. t. i. fê-
Siècle des Mexi^uaias , ôc cerémoni.e te des Songes, 367. t. I. Compâ--
obfervée à la fin de leur année fe- laifon de cette Fête avec les Ba-
culaire , ^29. t. 2. chanales des Anciens, l'ufage &
Siège des Places fortifiées ôc paliiîa- de fe tenter par des énigmes , ibtd.
dées , ^5^' !• ^• avec les Panathénées, la Fête &
Signi'.ux. qui marquoient la présence des Torches, }6c,. t. i. Manière
de l^elprit dans- les^Oracles rendus dont leis Sauvages ont coutume:
par les iiippôts du Démon j 350. d'éluder les longes , 3<j;. r. i-
tom. I. Sorts des Sauvages, Foy, Divinationo.-
Silicemium. Ce que c'étoit , 3 99. t. 2. Sorts deLycie , 349 r. 2,.
mains d'A-
Stftre particulier entre les Sphe'rij!i(jue. De la Sphériftique, 3-52.-
nubis, 214; CI. Siftre.de Qatra. C. 2. Divers jeux de Sphériftique;
F'oy. Clatra. dcsSauvages , parallèles à quel-
Sh<mncn\ouir€ffi , Solitaire & Devin ques-uns de ceux des Anciens a,
très-célebre parmi les Sauvages , 1- 2-
3Ji'3-
175. t. It Son hiftoire, la cau- & SubjiituttomfuccelEves des plantes-
fe de fa mort 390. 1. 1» frumentacées les unes aux autres 3,,
Sogàiens. Conftance de quelques Sog- 70. tom. 2.
duens grifonniers , c^^-^amnés i Sucru I>u Sucre , 142. t. %. DuiSa*-
,Vu-u ii),
T A B C :E AîL' P H A -B E T î QJJ E
.«re des Anciens, «^»^v Noms di- Temples de Vefta faits en RotôriSt;
, ; jvers que les Anciens donnoient &
pourquoi j i67..tom. i. Perfes
au Sucre, 145. t. 2. Etymologie n'a voient point de Temple, 158.
du mot Saccharum , 15 i. t. 2. Su- t. I. Prytanées &
Curies Romai-
cre moderne ou faâice , i4<î. t. 2. nes tenoient lieu de Temples, 1 67.
difïèrenc du Sucre des Anciens , t. 1. Cabanes de Confeil tiennent

.ib(d. Depuis quand connu en Eu- Jieu de Temples en Amérique, tb.


rope , ihid. Sucre d'Erable, de Temple de N atchez , ibid, des Ou-
freine, &c. &
manière de le fai- mas , Peuples de Virginie, &c.
te , 153. t. i. 1^8. t. I. Temples du Pérou , \6^*
Suerie. Cabane delà Suërie, .& fa - t. I. du Mexique, I70.t.i.
defcription
, 371. t. 2. Tempérance des Egyi^dens, autres &
Supplice des Efclavcs dans l'Améri- Peuples anciens dans leurs feftins,,
que Septentrionale , fa defcri- & 191. t. r.
ptio/i, 274. t. 2. Supplice des Sau- Temps. Diftindtioîi de deux tempç
vages de l'Amérique Meridiona où l'Egypte , la Phrygie , la Gré-
, &
fa defcription,
le 292. t. 2. ce &c. ont été peuplées , dont le
Symboles des Myfteres , 2i4- tom. i. premier fe rapporte aux temps,qui
Symboles de la Divinité, confon- ont précédé le Déluge , 3 b. 1. 1.

dus avec la Divinité même, 144. Terebratian. Manière de faire du feu


tom. i. parla Terebration, 242. t. 2.
Syrie. DéelFe de Syrîe , la même que Tejfèrit. Symboles appelles Teffera.,
Minerve , Diane , &c. Voy. /Mi- 187. t. 2. Jeu des Anciens , ap-

nerve. pelle Tejferarum , 342. t. 2.


..Tfjiudo. Tortue çles Poètes ,-ou Lyre
d'Apollon ; cequec'étoit,2i<î.t. 1.

TAbac Du Tabac,
connu des Anciens ,
S'il a été
12^. t. 2. Ti^Adal. Roy des Nations, vaincu par
Abraham, 181. t. 2.Ses£cats, 183.
ibid. PatFagesde quelques Auteurs tOm 2.
modernes, qui oaïc parlé du Tabac, Thalejlris , Reine des Amazones..,
parallèles à ceux des Anciens, 128. ji.t. 2.
t. 2. Effets du Tabac, 119. t. 2. Tharmhtaouagoh ,înom du Soleil cirez
Potions de Tabac uiîtces dans les Icsiroquois, 133. t. i. Explication
Initiations des Ameriquains, 333. de ce terme convient au fouverain
t. t. Sa compofition au Mexique, EAre ,ibtd. a vécu parmiles hom-.
ihid. Confacré en Amérique aux mes , & eft le maître au païs des
u^ig^sdelleligion,, 135.1.2. Ames, 244. 401. t. I.
ir<*/«J. Jeu des Anciens, appelle Tlî- Théologie des Payens toute fymboli-
lorum. roy. Jeu des OlFelets que, 121. 1. 1. a deux parties, l'une
Tapuies ttiangent le Manioc fan^ en phyfique> l'autre hiftorique, 124..
exprimer le flic, 100. t. 2. tom. I.
Le.Tm Se la Croix étoient un même Thêta. Lettre de mauvais augure , 8c
fymbo!e, 443. t. 1. Tan,, Lettre iîgne de mort chez les Anciens.,
d'heureux préfage chez les An- 444. t. I.

ciens , 444. t. u Thfurgte. De k Tlreiirgie , [ea b9var»


DES MA T I E R E S.
nKinicarion avec les Dieux, j^i.
t. i. Senciment des Saints Pères
des Anciens a appellces Teta
Torches y 3^5.
^
t. \.
fur la Thelirgie des Anciens, 54J. T(.rttù:\ ou Lyre d'ApoIloo, ii6. 1. 1.
1. 1. Entêtement de Platon ôc de Son Inventeur , 20 j. 1. 1. Sa com-
fes Sénateurs pour la Thetirgie,/^.- paraifon avec [es Siftres des An-
Tho.'.a:. Si faint Thomas ou quelque ciens &
des Sauvages, 216. t. X..
autre des Apôtres , a palfc en A- Quel fymbole, 95). t. 1. Confacrée
merique ,
4ji. t. i. à la Divination, 214. t. i. Fable-
TJorace Peuples de Thrace, plufieurs Iroquoife de la Tortue , fur la= -

Peuples compris ibus ces noms, 4i. quelle eft formée la Terre , 94. -

1. 1. Peuples de Thrace particu- 1. 1. Fable du Dieu Vichnou méta--

liers de l'Arie de l'Areiane. & morphcfé en Tortue, 99. t. r. Fa-


-'
Foy. Ane &
Areïane. Peuples de ble du Dragon né d'une Tortue,,.
Thrace s'enyvrent par l'odeur & joo. t. I.

la fumée de certaines herbes, 125;. loupan , terme de la Laiigue des


tom. r. Femmes des Peuples de Sauvages Méridionaux , 1 24. 1. 1,
Thrace Ce -brù'oient fur le corps de Explication de ce terme, 12;. t. i,
leurs maris , ^82. t. 2.. Heroïfme Teurs &
Colonnes des habitans du
de CCS femmes , ibid. Peuples de Pérou pour obferver le point fixe-
Thrace pleuroient à la naiiïànce des SoilHces & des Equinoxes ^
des hommes , & fe réjouiiroient à.
2J2. t. 2.
leur mort, 4o<>. t. 2. Tradition orale , facrée chez tous les
Thjrfe de Bacchus forme en Croix , Sauvages, 5,5. t. i.
241. 242. t. 1. Traines des Sauvages , & leur defcri-
Tibareniens. Coutume des Tibare- ption, I20. t. r.

niens & de quelques autres Peu- Tranfmigrations des Peuples



, ôc leurs^-
ples aux couches de leurs femmes, caufes, ^ 4j. t. i.
49. t. I. Cette coutume eft expli- Trépieds facre's de différente e/pece,
quée par celle des Sauvages Méri- 57<j. t. 2. Trépied delphique. Ce
dionaux , 2 5<j. t. I. Rapport de que c'étoit , ilid. parallèle avec
cette coutume avec le péché ori- la Cabane de la Divination des-
ginel , 259. 1. 1. Peuples de l'Amérique Septen-
Tmnerre. Idée que les Sauvages ont trionale, 576. t. 2,
du Tonnerre, 125. t. i. Trièus. Des Tribus ou familles , 464.
Tonfure He£ioride ou Thefe'tde , 52.1. t. I. Origine des Tribus , thitL'.

2. Tonfure Bacchique , $1. t. 2. Tribus de plufieurs Peuples, i^id.


^Tonfure des Clercs, fymbole de Tribus des Iroquois , des Hurons 3^.,
mort myftique , & conjeébure fur &c. 4^4-1. r^-
fon origine , ^o^. t. 2^ Tr^nité. Vefliges de la Très - fainte^-
Torches nw^ttales. Ce qne
c'étoit dans Trinité dans la Religion des An»-
l'Antiquité, & leur
comparai/on ciens & dans les Religion Ass In*-
avec ce qu'on appel e en Améri- des, 9. t. I,
que i;ow de Mariage J78. t. i. , Troglodytes^ Refpeâ: religieux des-
Gomparaifon de la Fête des l^zn- Troglodytes pour les Tortues ,-
\^ teiûes à la. Chine , avec les fêtes. 100. 1. 1. Leur icpultur 6,404. L-Xm-
, , , ,

TABLE A L P H A B E T I Q^ UE
vfwphonius. Ant/e de Trophonius chez les Chinois t. i. ea
, 235.
.i .-^41. t. I. Amérique. 246. Vierge du t. i.

Troye. Guerre de Troye comparée à Zodiaque allaitant un enfant dans


Sauvages ,
celle des I77. t. z. l'ancien fyftême Aftronomique
lymtmum , ou Tambour de la DéelTe des Egyptiens , des Perfes des &
de Phrygie j 104. t. i. Tambour Indiens, 242. tom. 1. Rapport de
.des Sauvages, 210. t. i. 204. 1. 1. toutes ces Divinités Vierges &
fécondes avec la fainte Vierge
y Mère du Rédempteur, 2j<j. c. r.
Vierges. Plufieurs-Prêcrefles Vier-

VA N myftique , Sc ion ufage


dans les Orgies , 353. ci.
ges, Veuves, ou faifant profet
-îion de continence dans l'Antiqui-

Vafco Nugfie's de ^'^alhoa découvre le té, i64f. t. I. Manière d'éprouver


premier la Mer du Sud , 53. t. i. dans l'Achaïe la pureté des Prê-
" Son erreur fur les hommes habil- tf elfes fbupçonnées d'avcir rnanqué

lés en femmes , <]u-il trouva en à l'obligation de vivre dans la


Amérique , -j j. t. i. continence, i-<>3. t. i.

Kenus ZJrMÙe-, la même que la jeu- Villiges des Sauvr-gei > 3. t. 2. Ma-
ne Vefta', que la jeune Ifis. f^oy. nière de les fortifier , thid. Villa-
îCis. Statue de Venus celelle fur ges &
Cabanes fur les arbres au
une Tortue , 98. t. i. milieu des marécages, 6. tom. z^
^Jia. Du culte de Vefta , 1 5 z. t. i. . Tranfport des Villages , 107.
Ce que c'étoit que Vefta , 1-55. tom. 2.

t. I. Deux Divinités confondues Vin. Du Vin & des Vignes «n Amé-


ibus le nom de Vefta, 1.^6. c. i. rique ,112. t. 2. Vin & fon ufa-
ieurs Symboles , ibid Ancienne- ge inconnu de plufieurs Peuples ,
ment n'avoit"point de Simulachre détefté de quelques autr-es , défen-
à Rome , 15 S. 1. 1. Figure de foQ du à certaines perfbnncs , & pris
Temple, i6y. t. i. avec lobriété par ceux en <jui

Veftales. Veftales Romaines, iSi. ufoient , Pensées des an-


19-1. 1. 1.

t. I. Veftales au Pérou , i6ç). t. i. ciens Egyptiens fur le vin, \ji.


chez Jroquois, 173.
les t. i. Hom-^ t. I. Vins de différentes cfpeces^

mes confacrés à Vcfta , à Venus 1 12. tom. 2.

Uranie , à Cybéle , &c. \66. t. i. Viracocha. Nom du Dieu -Créateur


J^eiliffes. Science des Veftiges, 244. au Pérou , 124. t. r..

r :tom. 1. Virginie. Peuples de la Virginie


riicrei^ Peuple Atlantique, 7. t. 2. leurs Temples, 168. t. 1. Leurs
Leurs habitations -tbid. Initiations, 282. t. i. Leur? pein-
l^iiillards. Coutume barbare de quel- tures cauftiques , 41. tom. 2. Voy,
ques Peuples de l'Antiquité de & Sauvages.
l'Amérique de faire mourir leurs , Virginité Profeffion de Virginité fî
Vieillards, 489. t. i. ancienne , qu'elle peut être rap-
Vierges. Divinités du Paganifme portée aux temps qui ont précédé
Vierges &
fécondes ,236. tom. i. la corruption de la Religion ,
Veftiges d'une Vierge féconde «62. t. i. pratiquée & leffcAce
en
j ,

D E S M A T I E RE S.
en Amérique, 558. t. i. X
'Vifion myjlerieufe. Etat d'un homme
initié dans Ja vifion myfterieufè , XA& NTH E. Lyciens de Xanthe
leur défefpoir fous Harpa-
*

542. t. i.
ge General des Perfes, 86. t. r.
^Wi^'occan ,ou potion de Tabac en durant la guerre des Triumvirs.,
ufa^e dans les Initiations des Peu-
87. 1. 1.
pies de Virginie zSé. t. i. Xanthus, Fondateur de la Ville de
f^ffi^tliputzlf , Dieu des Mexiquains
Xanthe. en Lycie, 8j. t. i.
4i5. 1. 1. Xilophores ou Kalophores , jir. t. i.
yotx contrefaite des Oracles, ou de Fcte des Juifs appelléc Xilophoriest
ceux qui lesrendoient , 354. 1. 1.
yojfius ( Gérard ) Son -fentiment fur
Moïfe , refuté, 214. 1. 1.

Vtjages des Sauvages,


Foye La^e'e. Voy. Galaxie.
iq^. t. 2. YD R AN
lesMyfteres,
os. Ce que- c'étoi t dans
272. t.-i.

Vrim &Tummim, leur ulage , 5 J /•


Tuca. ^^. Mandioc ou Manioc.
tom. 1. Z
&
Urnes cinéraires
Romains,
raires
lachrymales des
411.
.

t.

remarquables , trouvées
2., Urnes ciné- Z le AN TE s. Peuple d'Afrique j
ij<5. tom. 2.
ZoroaFîre des anciens pafTe pour ,

dansi'Ombrie , 50. t, 2. Urnes ci- l'Aatcurde la Magie, $^6. t. i.


néraires pouria fepulturedes ani- Delà Polygamie, & des dcfordres
J42. t. u
maux, }éi. t. I. du Mariage,

Ein de la 'Tahle ^phaheti^ue des 'Matierfs des, deux T/imes,

Ans AV RELIEVR.
'Nota. La feiiille O première fignarure fe trouve double , l'on prendra
U féconde qui ferv^ra de k feuille -P , Tome 2. p^g.^iis. ôc l'on a retran-
ché la fignature Z

Tmtf II, Xxx


,, , ,,
, , ,, , , , ,

FAVTES I>V SECOND TOME.


Ltg»t. Fautes., CorreSiions, ..

\6. pêle même ,


lifet pêle-mêle.
16. Ecorccs d'Ormes i . lif. Ecorces d'Orme. ,
lO.
4- tiffus ,
lif. pof^s.
7- pour fubvenir lif. de fufayenir
>9-
iS, des Gaules lif. des Getules.
11.
jo. î' Statues , ' AJout. à Rome.
I. fait ///. f.iites
îi-
8. jours de fêtes lif. jours de fête.
48. .

4S. 10- E'Rlé , l'f- Eglé


58. IJ- qu'il y attadie, ,, lif. • Il y attache., ,

%9*. coultiës /'/• tiffui-s.


57.
1. avoir lif. avoir eu.
(9-
69. 3v où étoit ,
ieez ou
£9. 17. poftericures , , lif. pofterieutc.
fait ///. faits.
87. «S-
10.. leurs farine, lif. leur farine.
54- .

58. 3- le deffus , lif. le dedans.

99- 30. clieveaux , ///. chevaux.


ÏOf. itf. en triangles lif. en triangle.
ie8. Bleds d'Inde3>-.. lif Bleds d'Inde.
ni. S-
Cerduniafou , !if. Ctrauniennes , oO.r,.

114- II. •
on ufe, lif. on en ufe.
115. 3- fucce , iif. fuçe.
117. laiffé , lif. laiiTéés.
119. 11.. indique , l.'/l l'indique.
".
144- note. imeriori fucci»' lif. intetiorîs fuccu
154. i(. qu'ils, lif. qu'elles.
160. 10. teints , lif teint.
164. 16. queli]ues, lif. quelque,
16.$. 10. dépoferoit ///. depriferoit.
"7. 17- quaiticrs , lif. Guerriers.
110. II. de mcnagée >
"/;/. de ménage.
ai4. *3. Rumbs ///. Rhumbs.
note. Caronelli lif. Coron elii.
*)J- 17. enforcenné , lif. en forcené.
a.80. II. ce Heroifme , lif. cet Heroifme.-
xSo. »?•, Scivola , lif, Scévela.
300. très étroitement la nuit, /;/. très -étroitement. Li B.W.
357. 18. entre, lif. outre.
341. 14. fait lif. font.
344. note, faties , lif. faciès.
34f. »4- plané , lif. plane.
H7. 7. dix , lif. fix.
42.3. ISr Decernni , lif. Dtrcenni.
45.8- caufoit lif. caufoiens*
,, , ,, ,,, .

FAITES DV PREMIER TOME.


Page. Ligne. Fautes^ CorreUiom.
3- de, lifex. Dez.
7- Orgyes l'f. Orgies.
41- ly- nous ont, iif- nous a.

41. M- Schytie , lif. Scythie.


71- ?• l'honorer , l'f- s'honorer.
jo. II. des Grecs , l'f- de Grecs. -

103. s»-
Hamnon lif- Hannon.
,107. <r. Porté l'f- portés.
113. V- des Génies & des Miniftrcs, l'f des Génies ou des Miûiflreso
liS. ij- fait l'f- faits.
ivi. 10. propofes /'/ prépofés.
138. 8. tributs , /'/• Tribus.
J41. 6. Aflîriens , l'f- Aflyriens.
144- i8. tant d'Apollon, de Jupiter, ///. tant d'A pollens de Juprtcrs,
,
Ij^ note I. Dydlinnam , lif Diftynnam.
165. ii> & Pliitarquc, lif Plutarquc.
l££. î4- Atis, lif Atys.
I67. 14. deftinéeSj ///. Dellinez. .

lOJ. II. Nônnius .lif Nonnus.


3« le panier de Cecrops,- ///le panier des filles de CceiopSi
47.0. 4. Jupitier '

l'f Jupiter.
3S(Î. 19. donné , l'f donnée.
393- Tbamgris , ///. Thamyris.
3S8. Z. de Torture, ,
/// du Tartare.
3?9- i.6. paffa , lif. palTe.
3S?- 30. que le Peuple, lif. que ce Peuple.
401. 14- encore trouve-t-il ,'
.
lif. encore fe trouve-t'il»--
4}o. IJ« au Chef, lif aux Chefs.
45^. 7- chez quelques-uns y^ ///. chez quelques uu€»»ii-
4SO. IT* manqueroit j ///. manqueroicnt*
4><î. II. aifemenc lif. aifément.
49?' II. fait lif. faits.

3 Si. II. arrogé, lif. arrogés.


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