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LA PRIERE VOUS ENSEIGNERA

« Chaque fois que vous vous posez une question, dites :


« Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu aie pitié de moi pêcheur » et la prière vous
enseignera. C’est là, le conseil donné à Mère Silouana par son père spirituel au
début de son chemin en orthodoxie.

Très rapidement, elle comprit qu’il était important d’unir l’esprit au cœur et que pour
cela il importait de connaître les enseignements de l’Eglise et les méthodes
enseignées par les pères de la philocalie, de vivre et d’ incorporer ces
enseignements dans sa vie en se tournant vers la prière et la vie intérieure. On
« travaille » à partir « des matériaux du client » c’est à dire sa propre vie : son
expérience, ses ressentis, ses émotions, ses pensées, ses actions, ses désirs …tout
cela forme notre prosphore (notre offrande) dans laquelle nous invoquons le nom et
la miséricorde du Seigneur de façon à ce qui est, nôtre, devienne Sien. Cela n’est
pas si facile que ça car l’ennemi nous ligote (par héritage personnel ou influence du
monde). Cela demande de connaître les lois de la philocalie, les découvertes en
neurosciences et une connexion vivante avec la vie en Eglise et les saints
sacrements . Il s’agit donc d’activer en permanence le circuit de guérison au lieu
d’activer le circuit de la rébellion et de la peur.

Nous avons grand besoin de la prière constante et de l’Eucharistie pour recevoir la


grâce.

La connaissance de notre dimension psychologique (énergies créées) représente le


fil qui nous relie aux énergies incréées, à la grâce de Dieu . Ma vie est faite de mes
ressentis, de mes émotions, de mes peurs, de mes désirs . Grégoire Palamas parle
des ressentis de notre âme comme de « la chair de la prière ». Pourquoi jeûner ?
Pour que notre prière s’incarne. Ma vie devient alors une prosphore à partir de
laquelle Dieu pourra me recréer si je suis prête à Le suivre. Dieu transforme alors la
réalité créée en une réalité divino-humaine à travers la grâce. Pour qu’il y ait
transformation je dois me donner à Lui. Accepter la souffrance en présence de la
grâce est le chemin de guérison, mais accepter cette souffrance demande du temps
et de la patience car les puissances de l’âme sont malades « Celui qui endure
jusqu’à la fin sera sauvé » Mt 24,13 et il sera libre. Appeler Dieu dans nos sentiments
, nos ressentis donne de la « chair à notre prière » que nous incorporons dans nos
vies d’instant en instant. Nous sommes appelés à accepter et à transformer tout ce
que nous ressentons en « chair de notre prière ». C’est ce que nous dit Grégoire
Palamas et que nous avons malheureusement perdu. Nous l’avons perdu parce que
nous n’avons pas étudié , ni respecté les enseignements de Pères hésychastes. Et
le cœur, le noyau de leur enseignement c’est le cœur humain, ce cœur humain qui
est le laboratoire où nous amenons les énergies incréées dans nos énergies créées
de façon à ce que nous puissions guérir en nous unissant à Dieu. Et nous pouvons
faire cela dès ce monde-ci, chacun à notre mesure si nous transformons toutes nos
vies, tous nos ressentis en chair de prière

Métropolite Serafim : Alors nous mettons le ressenti de notre prière dans notre
chair ? Nous ressentons la prière dans la chair ?

Mère Silouana :Non dans l’autre sens Votre Eminence

Métropolite Serafim : Alors nos ressentis deviennent chair de prière, en d’autres


termes nos ressentis deviennent le corps de notre prière

Mère Silouana : Oui. Si je sens de la souffrance et que je ne cherche pas à


m’échapper de ce ressenti de souffrance en priant, alors j’incarne ma prière en
ressentant réellement ma souffrance, ma douleur , alors je vis cette douleur en
présence de la grâce et ainsi je guérie de ma douleur.

Métropolite Sérafim : Concrètement, nous célébrons la divine liturgie et nous disons


« Prions le Seigneur ! Seigneur miséricorde » mais ce dialogue n’entre pas en nous ,
il ne touche pas nos ressentis de façon à pénétrer dans notre chair

Mère Silouana : Non non votre Eminence, c’est l’inverse ! Je ne cherche pas à vivre
ma prière intensément pour l’incarner mais je fais chair ce que je ressens . Ce
n’est pas ma prière qui s’incarne, mais la grâce qui vient de la prière quand je prie
à partir de la profondeur de mes ressentis, ainsi ma prière elle-même devient
offrande de ces ressentis profonds qui deviennent « chair de grâce ». Je donne à
Dieu tout ce que je possède et Il le clarifie, Il le fait , ce n’est pas moi qui fait, c’est Lui
qui fait. On fait les choses à l’envers. On dit « je peux le faire, je dois le faire ! »,
mais on devrait dire : « Seigneur ! je peux pas le faire, Toi Tu peux le faire, alors
viens ! Fais-le »

Quand je prie, je peux me focaliser de façon erronée sur ma partie rationnelle car j’ai
un vif désir d’être pieuse- tout au moins comme j’imagine qu’on doit être pieuse ou
comme j’aimerais être ou comme je pense que je devrais être, alors je construis
dans ma tête, dans mon imagination un modèle de piété (longues prières, jeûne,
observance des commandements) et cela peut enflammer mes ressentis, mes
émotions jusqu’à ce que je pense que j’ai atteint de véritables expériences
spirituelles. Cependant, pendant ce temps-là, je commence à me sentir mal à cause
de ma négligence, de ma mauvaise façon de me nourrir et à cause des
ressentiments que je cache au plus profond de moi et qui me font ressentir des
maux de tête et de la nausée. En fait, je ne me sens pas bien du tout !!! Je peux
choisir de ne pas prêter attention à ces ressentis et continuer à prier
sentimentalement jusqu’à ce qu’une vraie crise éclate et cette fois-ci, je ne pourrais
plus l’ignorer. Alors , j’envoie tout balader , je me plains et je peux même me mettre
en colère contre Dieu en Lui disant qu’Il pourrait faire quelque chose pour moi. Alors
ma piété se volatilise et devant la souffrance qui me consume, devant l’extrême soif
que me fait vivre ma peur et devant les épines de mes inquiétudes, cette piété
disparaît.

Quelle est donc la solution ? Il s’agit alors de prier à partir de notre profondeur, à
partir de cette partie cachée de soi à laquelle je peux accéder par un ressenti
intérieur, par le sentiment de ce toucher intérieur dont parle Grégoire Palamas. Pour
reprendre notre exemple, je vais prier à partir de la sensation de nausée que je
ressens ou la peur d’être vu comme je suis. J’accepte tout, je prends en compte ma
peur dès qu’elle émerge et je transforme tout ça en chair de prière. Dès que la peur
émerge, je reste avec elle, je prie en elle, à partir d’elle, j’appelle le Seigneur
à l’intérieur d’elle. Alors, quelque chose va se passer qui va œuvrer au cœur même
de la crise et je vais me retrouver avec le Seigneur, avec Sa grâce et là, soit je reste
avec ma souffrance et la grâce ou bien tout à coup, je meurs dans ma souffrance et
elle disparaît en Dieu. Ainsi, ma peur et ma souffrance deviennent des endroits où je
peux rencontrer et travailler avec le Seigneur. L’énergie de ma peur va devenir le
véhicule vivant de l’énergie divine.

Ainsi, rien ne me séparera du Christ et je vais Le connaître véritablement dans ma


vie, parce qu’Il travaille en moi avec mes énergies, qu’Il va me guérir et me faire
connaître le bonheur auquel j’aspire tant, mais à condition que j’ai la volonté de
L’accepter et de Le suivre , sinon je repars dans la rébellion, l’oubli de Dieu et
l’ignorance.

Métropolite Serafim : Alors restons conscients que Dieu est tout, qu’Il n’est pas
dans les prières dites du bout des lèvres mais que tout commence avec Lui. Ainsi,
Dieu nous envoie Sa grâce incréée dans les énergies créées de nos êtres, dans
celles de la nature, dans ce cosmos dans lequel nous vivons et ce sont ces énergies
incréées qui vont transformer nos énergies créées ; mais nous n’en sommes pas
toujours conscients !

On peut donc dire que le fondement de la synergie entre énergies créées et énergies
incréées est la communication permanente entre Dieu et nous, une communication
dans laquelle Il nous offre Sa grâce pendant que nous Lui offrons notre vie, nos
infirmités, nos aspirations et nos soucis. Quand nous devenons conscients de
combien nous souffrons de ne pas être avec Dieu, cette souffrance que nous
ressentons peut alors se vivre de façon permanente. Sans Dieu, toute notre vie, tout
notre être est malade, il souffre et il cherche à s’échapper de cette douleur en
cherchant à s’oublier et en recherchant des plaisirs immédiats. Tout ce vécu peut
être utilisé et transformer en chair pour notre prière. Et quand rien ne fait mal, quand
on est satisfait, quand on ressent de la joie, alors appelons Dieu dans ces ressentis
et remercions-Le, glorifions-Le, offrons-Lui ce vécu afin qu’Il puisse les remplir de Sa
grâce et qu’ils ne restent pas vides de sens. Ainsi, ces expériences psychologiques
vont se transformer en expériences spirituelles.

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